Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

 

 

– Audition, ouverte à la presse, de M. Joshua L. Zarka, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de l’État d’Israël en France 2

– Informations relatives à la commission.....................26
 


Mercredi
15 janvier 2025

Séance de 9 heures 

Compte rendu n° 25

session ordinaire 2024-2025

Présidence
de M. Bruno Fuchs,
Président


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La commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Joshua L. Zarka, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de l’État d’Israël en France.

La séance est ouverte à 9 h 05.

Présidence de M. Bruno Fuchs, président.

M. le président Bruno Fuchs. Chers collègues, en ce début d’année civile, permettez-moi de vous adresser tous mes vœux et de souhaiter une très belle année à l’ensemble de nos collaborateurs et fonctionnaires de l’Assemblée nationale. Souhaitons collectivement une année 2025 de travail utile pour les parlementaires et lors de laquelle nous pourrons contribuer à la paix, à la coopération internationale et à une forte diplomatie parlementaire, principalement là où les États sont en grande difficulté.

Nous recevons aujourd’hui M. Joshua Zarka, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de l’État d’Israël en France. Monsieur l’ambassadeur, je vous remercie pour votre présence, que j’ai moi-même sollicitée lors d’un entretien que nous avons eu il y a quelques semaines. Notre commission a entendu, le 20 novembre 2024, la cheffe de la mission de Palestine en France. Notre rôle de parlementaires investis dans la diplomatie consistant à entendre l’ensemble des parties, il m’a paru indispensable de vous donner l’opportunité d’échanger avec la commission.

La question de la crise régionale actuelle au Proche-Orient, qui concerne aussi bien Israël que la bande de Gaza, la Cisjordanie, le Liban ou la Syrie, suscite des points de vue assez tranchés et passionnés parmi nous, à la hauteur de ce qu’ils représentent dans la société française.

Les convictions qui s’exprimeront ce matin seront certainement diverses, voire parfois antagonistes. J’en appelle néanmoins à la responsabilité de chacun pour que notre réunion se déroule dans une atmosphère respectueuse et attentive et que nos débats conservent la tenue qui sied à la gravité de la situation de cette région.

Monsieur l’ambassadeur, cette rencontre a vocation à nous permettre de percevoir votre point de vue sur la situation, tant à Gaza qu’au Liban, et, de manière plus générale, dans tout l’environnement régional d’Israël.

Le 7 octobre 2023 a constitué un choc terrible pour tous ceux qui accordent du prix à la vie humaine et aux valeurs sur lesquelles s’est bâti l’ordre international après la seconde guerre mondiale. La France a condamné avec force les violences innommables perpétrées contre des Israéliens innocents ce jour-là et elle dénonce la captivité de plusieurs dizaines d’otages, dont deux compatriotes français que nous n’oublions pas. Un peu plus tard, notre pays a aussi dénoncé la poursuite dans la durée des opérations militaires de Tsahal et appelé très vite et à de nombreuses reprises à un cessez-le-feu.

Monsieur l’ambassadeur, votre audition intervient dans un contexte nouveau, avec l’arrivée d’un président de la République et d’un premier ministre au Liban, d’une nouvelle gouvernance en Syrie et d’une forte probabilité de cessez-le-feu qui pourrait être annoncé très prochainement, ce qui pose de nouvelles questions. Comment passer d’un cessez-le-feu à une paix durable ? Quelle est votre vision et quelle solution avez-vous sur ce sujet ? En juillet, la France et l’Arabie saoudite vont initier une conférence sur une solution à deux États. Soutiendrez-vous cet effort diplomatique ?

Les autorités israéliennes ne se cachent pas de vouloir remodeler durablement le visage du Moyen-Orient, sans que personne ne sache très bien ce que cet objectif recouvre exactement, notamment s’agissant de l’Iran et de ses autres proxys. De plus, combien de temps allez-vous pouvoir rester dans le Golan ?

En tout état de cause, nous souhaitons comprendre, par votre intermédiaire, l’analyse israélienne de la situation actuelle et de ses développements. L’administration Trump entrera en fonction dans quelques jours. Quelles conséquences peut avoir, selon vous, le retour de Donald Trump à la Maison Blanche ? Enfin, à plus long terme, pensez-vous que l’Iran puisse un jour venir à de meilleures dispositions à l’égard de l’État hébreu, ce qui est une des clés de la stabilité régionale ?

M. Joshua L. Zarka, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de l’État d’Israël en France. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de votre invitation. C’est un très grand honneur pour moi de me tenir parmi vous aujourd’hui pour aborder la situation en Israël et au Proche-Orient.

Diplomate depuis 1991, j’ai entamé avant cela ma carrière en tant qu’économiste au ministère des finances en Israël. De 1998 à 2002, j’œuvrais pour la paix avec les pays arabes, avant d’être envoyé au Bahreïn entre 2009 et 2011. Ces dernières années, après avoir été chargé de relations avec le Congrès américain à Washington, j’ai occupé le poste de directeur des affaires stratégiques en Israël pendant six ans, avant de prendre des fonctions en tant qu’ambassadeur d’Israël en France. En Israël, je me suis occupé spécifiquement des affaires iraniennes, de la menace nucléaire et du contre-terrorisme.

La guerre que nous connaissons depuis plus d’un an nous a été imposée et a été organisée sur sept fronts par un acteur responsable de la déstabilisation du Moyen-Orient, à savoir l’Iran. Le 6 octobre 2023, nous connaissions deux types de menaces qui visaient l’État d’Israël : une menace directe, la menace iranienne, qui annonçait très clairement son but de détruire Israël et de développer des capacités militaires avec son programme nucléaire militaire ; des menaces indirectes et multiples au Nord, à l’Est et au Sud du territoire israélien, avec la présence hostile du Hezbollah au Liban, du régime Assad et des milices chiites en Syrie, des milices irakiennes, des Houthis au Yémen et du Hamas ainsi que du Djihad islamique palestinien à Gaza. Sous une autre forme, la Jordanie et la Cisjordanie font aussi partie de cette stratégie, étant en proie aux tentatives de déstabilisation politique et sécuritaire par l’Iran.

 Ce système, entièrement piloté par le régime des mollahs, a été pensé et mis en œuvre par le général Qassem Soleimani, aidé par Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, dans le but d’isoler l’État d’Israël et de créer des foyers de conflit éloignés des activités iraniennes. Cette stratégie visait également à encercler l’Arabie saoudite, l’ennemi numéro deux de l’Iran dans la région. Le 6 octobre 2023, Israël faisait face à une menace multidimensionnelle sur sept fronts, née d’un système belligérant iranien qui sera finalement exploité par le Hamas le 7 octobre.

En tentant d’exploiter l’architecture stratégique iranienne, le Hamas pensait entraîner les différents proxys à attaquer Israël dans le but de nous détruire, un objectif qui ne sera que très partiellement atteint. Malgré la mobilisation de cet axe, notre intégrité territoriale n’aura jamais été mise en péril. Ainsi, immédiatement après le 7 octobre 2023, tous les proxys iraniens ont attaqué Israël par des tirs de missiles depuis les territoires libanais, syrien, irakien et yéménite, appuyés par des tentatives de déstabilisation par l’Iran depuis la Cisjordanie.

Le 8 octobre, le Hezbollah a attaqué Israël et, immédiatement, le Hamas a tenté d’attirer les Palestiniens de Cisjordanie dans le conflit. Les relais terroristes en Cisjordanie sont soutenus et financés par l’Iran et l’Autorité palestinienne se bat encore aujourd’hui contre ceux-ci. Depuis le 8 octobre, plus de 13 400 missiles ont été tirés depuis la bande de Gaza. En outre, plus de 22 000 roquettes, drones et missiles ont été tirés par le Liban. En Cisjordanie, plus de 6 820 attaques terroristes ont été recensées et elles ont tué 56 Israéliens.

Jusqu’à présent, la stratégie iranienne contre Israël consistait essentiellement à éloigner de son territoire les foyers de conflit par le financement des activités terroristes de ses proxys et par la fourniture d’armes, notamment chimiques, à certains d’entre eux à des fins terroristes. Cependant, en avril 2024, l’Iran a attaqué Israël pour la première fois, en tirant plus de 350 missiles balistiques de croisière et drones, ce qui a été suivi d’une seconde attaque en octobre 2024 avec le tir de plus de 150 missiles balistiques.

Ces attaques se solderont par un échec militaire et stratégique total car presque aucun missile n’est parvenu à pénétrer la défense israélienne. De plus, notre réponse a conduit à la destruction de la défense antiaérienne iranienne ainsi que de sa capacité de produire de nouveaux missiles. L’échec est également stratégique, car une coalition composée de la France, des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de l’Arabie saoudite et de la Jordanie s’est créée pour défendre Israël contre ces attaques iraniennes. C’était la première fois dans notre histoire qu’une telle coalition se créait en soutien d’Israël.

C’est dans ce contexte global que le Hamas a commencé la guerre contre Israël le 7 octobre. Le seul but de ce groupe terroriste était de déclencher l’attaque la plus barbare et la plus sauvage possible pour contraindre Israël à répondre par la force et attirer le Hezbollah et l’Iran dans cette guerre. Il ne s’agit pas d’une analyse des évolutions depuis le 7 octobre mais bien de ce que nous avons constaté dans les documents du Hamas que nous avons découverts pendant la guerre.

Le 7 octobre 2023, 3 800 terroristes, dont une majorité des forces de la Nukhba du Hamas, ont traversé la frontière israélienne par voie maritime, aérienne et terrestre. Ils ont attaqué plus de trente villages et kibboutz israéliens. 2 200 civils palestiniens traverseront également la frontière ce jour-là pour piller, massacrer et prendre en otage des Israéliens. À ce jour, 98 personnes, dont deux Français, restent encore entre les mains des terroristes de Gaza dans des conditions effroyables.

Si l’ampleur et la barbarie de l’attaque n’ont jamais été égalées, le 7 octobre s’inscrit pourtant dans un cycle ininterrompu de violence des terroristes du Hamas qui aura conduit à ce massacre. En effet, en 2005, Israël se retirait unilatéralement de Gaza dans le but de donner l’occasion aux Palestiniens de créer un État sans présence israélienne. Immédiatement après le retrait israélien, le Hamas a intensifié les tirs de missiles contre Israël. Un an plus tard, le Hamas passait pour la première fois à l’action sur le territoire israélien. Dans l’attaque d’un tank, deux soldats israéliens seront tués et le soldat Gilad Shalit sera pris en otage. Il restera entre les mains du Hamas pendant cinq ans et sera libéré en échange d’un millier de prisonniers palestiniens, dont Yahya Sinwar, le cerveau du 7 octobre.

Ainsi, entre 2005 et le 7 octobre 2023, quatre conflits ont éclaté, systématiquement précédés par le tir de milliers de missiles par les terroristes contre Israël. Le but de la réponse israélienne était à chaque fois de créer une situation dans laquelle les Gazaouis pourraient vivre en paix avec les Israéliens, en investissant dans la reconstruction de Gaza pour le développement de leur économie et de leurs infrastructures. Les messages envoyés par le Hamas ont aussi toujours été très clairs : tout sera fait pour ne jamais vivre en paix avec Israël. La charte fondatrice du Hamas de 1988 prône d’ailleurs le djihad contre l’« invasion sioniste » et appelle à l’extermination des Israéliens et des Juifs partout où ils se trouvent. Elle évoque également le « nazisme » des Juifs à l’égard des femmes et des enfants.

Malheureusement, ces éléments de langage sont issus de la propagande terroriste et sont largement repris en Europe et parfois en France. Cette dynamique de recherche d’escalade aura conduit aux attaques barbares du 7 octobre.

La nature de l’attaque mise en œuvre par le Hamas le 7 octobre a été un plan méticuleusement préparé par le Hezbollah. À la suite de l’opération israélienne au Sud-Liban, nous avons découvert l’ampleur des moyens mis en œuvre pour l’opération appelée par le Hezbollah « Conquérir la Galilée ». Ainsi, nous avons dévoilé un réseau de tunnels ultradéveloppés, certains traversant de quelques mètres la frontière, équipés en armement de pointe et accompagnés d’un réseau terrestre de lanceurs de missiles présents sur toute la frontière du Sud-Liban, y compris au sein d’infrastructures civiles, et même dans des lieux d’habitation.

Depuis le 8 octobre, le Hezbollah, premier proxy israélien, a attaqué sans interruption Israël, faisant usage d’une majorité des 150 000 missiles, roquettes et drones fournis par l’Iran. Les tirs des terroristes ont détruit une grande partie des habitations du Nord et, après presque un an d’efforts diplomatiques considérables menés par Israël, la France et les États-Unis afin de mettre fin aux attaques initiées le 8 octobre par ce groupe de terroristes, Israël n’a pas eu d’autre option que d’intervenir pour repousser le Hezbollah de sa frontière. L’explosion des bipeurs en septembre 2024 marquera la fin des tentatives de négociation avec le Hezbollah et le début d’un processus qui permettra, par le recours de la force, d’affaiblir considérablement le groupe terroriste et de mener à un accord de cessez-le-feu.

Par ailleurs, l’effondrement des capacités militaires du Hezbollah, la multiplication des échecs militaires et stratégiques de l’Iran ainsi que l’affaiblissement de la Russie dû à la guerre avec l’Ukraine ont créé un vide. Profitant de cette situation, les forces d’opposition syriennes, qui craignaient jusqu’à présent le gouvernement Assad, ont mené une offensive contre le pouvoir, encouragée par la Turquie et financée par le Qatar. Cette offensive mènera à l’effondrement de la dynastie Assad, qui représentait l’un des derniers maillons hautement stratégiques du système iranien.

La guerre à Gaza est une guerre terrible car le Hamas considère sa population comme une arme de guerre légitime et car le terrain dans lequel opère l’armée israélienne est d’une grande complexité. En effet, comme dans toute guerre urbaine, la population est vulnérable et l’armée israélienne fait tout ce qui est en son pouvoir pour protéger les Palestiniens, qui sont utilisés par les terroristes comme boucliers humains. Le Hamas est un allié de circonstance de l’Iran et cette circonstance vise notre extermination.

Comme dans toute branche des Frères musulmans, tous les moyens sont bons pour parvenir à leur fin, y compris s’allier avec l’ennemi chiite, l’Iran, et utiliser le sang de sa propre population. Les dirigeants du Hamas ne s’en sont jamais cachés et Ismaël Haniyeh disait, au début de la guerre, avoir besoin du sang des femmes et des enfants palestiniens pour parvenir à la destruction de l’entité sioniste. D’autres dirigeants du Hamas disaient être prêts à multiplier les 7 octobre pour atteindre ce but, c’est-à-dire faire couler à flots le sang des Israéliens et des Palestiniens.

L’instrumentalisation politique des Palestiniens est un outil majeur utilisé par les terroristes contre Israël. Les répercussions inquiétantes constatées dans les pays occidentaux ont vocation à délégitimiser et affaiblir la position israélienne pour parvenir à leur but ultime, notre destruction.

Le gouvernement israélien, précipité dans la guerre le 7 octobre, avait défini clairement les objectifs avant de lancer son offensive : d’abord, la destruction des capacités militaires du Hamas ; ensuite, la création de conditions qui empêcheront le Hamas de reprendre la gouvernance à Gaza ; enfin, la libération de nos otages. Nous voulons créer des conditions d’une stabilité à long terme entre les Palestiniens à Gaza et nous qui, éventuellement, conduiront à la paix. Sans la destruction totale des capacités militaires et de gouvernance du Hamas, aucune stabilité n’est possible car le Hamas n’a jamais eu l’intention de vivre en paix avec nous.

Concernant la protection des civils et la distribution de l’aide humanitaire, la stratégie militaire israélienne veille à protéger la population civile pendant les combats et à assurer la bonne distribution de l’aide humanitaire. Nous sommes pleinement engagés pour faciliter l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza et nous continuons de soutenir les efforts locaux et internationaux menés en faveur de cette aide. Nous travaillons notamment en étroite collaboration avec le Programme alimentaire mondial, qui assure la distribution d’un tiers de l’aide humanitaire et permet de maintenir un flux continu de livraison de l’assistance. Depuis le début de la guerre, plus de 2 milliards d’euros d’aide humanitaire ont été distribués dans la bande de Gaza, soit 1,303 million de tonnes depuis le 7 octobre.

Ce massacre barbare a été un séisme terrible pour les Israéliens et pour le récit national de notre pays. Les ennemis d’Israël en avaient fait leur stratégie. En effet, l’un des paris iraniens, dont Nasrallah était le fervent défendeur, était qu’Israël, une fois fragilisé par les différents points évoqués précédemment, s’effondrerait de l’intérieur. Cet effondrement devait être à la fois économique et sociétal. Cette stratégie a été un échec supplémentaire dans l’architecture multidimensionnelle iranienne. Bien que notre économie ait été ralentie en 2024, la croissance pour 2025 est attendue autour de 3,7 % par rapport au niveau d’avant-guerre. La société israélienne atteint aujourd’hui un niveau d’unité presque sans précédent mais une blessure persiste après ce massacre.

La raison d’être d’Israël était de représenter, pour les Juifs du monde entier, un refuge. Avec la création de l’État juif, plus aucun Juif sur la Terre ne devait craindre pour sa sécurité et pour sa vie. Le 7 octobre a profondément fissuré l’ethos national israélien sans pour autant le briser entièrement. Cette blessure profonde ne pourra se cicatriser tant que tous nos otages ne seront pas rentrés chez eux et que tous les déplacés n’auront pas pu reconstruire leur maison. Cependant, imaginer une véritable guérison est vain pour les prochaines générations jusqu’à ce que la douleur de la guerre et l’horreur des massacres appartiennent au passé dans les nouvelles consciences des Israéliens et des Palestiniens.

L’instrumentalisation des Palestiniens est un autre maillon de la stratégie d’isolement d’Israël, tout en étant un levier pour la création des tensions intercommunautaires dans les pays occidentaux. En effet, l’une des conséquences de l’attaque du Hamas et de la guerre correspond aux campagnes de manipulation pro-Hamas multiples. Elles provoquent la montée exponentielle et violente de l’antisémitisme dans les pays occidentaux. Dans certains pays où cela est encore possible, l’antisémitisme est apparu sous son vieux visage, sans honte, à coups de « mort aux Juifs ». Dans d’autres pays, comme en France, où l’histoire tragique de l’antisémitisme a créé des remparts solides, l’antisémitisme a pris un visage différent, se cachant sous un antisionisme résultant d’un antisémitisme latent et du rejet de l’existence de l’État juif.

Ce mouvement se poursuit à chaque instant et a conduit à des évènements que l’on ne penserait plus voir dans l’Union européenne, comme les attaques des synagogues à Rouen et à La Grande Motte ou l’utilisation de slogans dans les rues de Paris appelant à la destruction d’Israël. Ce mouvement a également conduit à des atrocités innommables et je pense avec effroi au viol de la petite fille de Courbevoie.

Si j’ai entièrement confiance en la France pour enrayer ce fléau extrêmement préoccupant, il est clair que cette résurgence si violente de l’antisémitisme est le résultat de l’instrumentalisation des Palestiniens à des fins politiques.

Avant même la création de notre État, la paix avec nos voisins a toujours été le but principal pour Israël. Nous avons toujours été prêts à payer un prix très cher pour construire une paix durable avec nos voisins. Jusqu’en 1994, des avancées majeures auraient pu poser des bases solides dans notre région si tous les acteurs du chaos avaient pris le parti de la paix.

En 1993, Israël acceptait la présence de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Gaza et Jéricho pour acter la paix avec les Palestiniens et montrer sa détermination à vivre avec ses voisins : c’étaient les accords d’Oslo. Depuis, Israël a proposé ou accepté cinq accords de paix accordant aux Palestiniens la création d’un État sur notre terre ancestrale. Il y aura ainsi les accords de Camp David, ceux de Taba en Égypte, ceux entre Mahmoud Abbas et Ehud Olmert et le dernier accord en date, à savoir le deal du siècle du président Trump, qui a été accepté par le premier ministre Netanyahou et voté par le gouvernement. Il aurait donc été légalement contraignant si les Palestiniens avaient choisi d’y prendre part. De plus, en 2005, après l’un des rejets de l’offre de la création d’un État palestinien par Israël, ce dernier s’est retiré d’une manière unilatérale de Gaza, y arrachant les citoyens israéliens qui y vivaient depuis des décennies.

Ce sont les Palestiniens qui, en cinq occasions, ont rejeté l’offre de création d’un État, alors que certaines propositions divisaient même Jérusalem pour établir la capitale de la Palestine à l’Est de la ville sainte. Depuis les accords d’Oslo, une équation avait été créée, liant la création d’un État palestinien à la paix mais, dans cette équation, le sens était important : la paix avant l’État et non l’État pour avoir la paix. Aujourd’hui, après le 7 octobre, l’idée de créer un État palestinien qui aurait le contrôle de ses frontières, par lequel l’Iran pourrait faire rentrer des armes et qui aurait une armée capable de nous attaquer, est bien évidemment inimaginable.

Notre but est de vivre en paix avec nos voisins et non de précipiter nos populations dans un conflit régional à grande échelle et de mettre en danger notre existence. Il est temps de parler d’une paix réelle qui permettra à nos deux populations de ne plus se craindre, de se développer économiquement et de ne pas voir en l’autre un ennemi permanent. Pour cela, le Hamas doit perdre sa capacité militaire et politique et l’Autorité palestinienne doit être réformée. Mahmoud Abbas, son président, est au pouvoir depuis vingt ans, sans jamais s’être soumis, depuis 2005, à des élections démocratiques. L’Autorité palestinienne doit en outre accepter de réellement vivre en paix avec Israël et renoncer, par exemple, à récompenser et encourager les attaques terroristes contre les Israéliens.

Les accords d’Abraham, pour lesquels j’ai œuvré pendant de longues années, sont un autre volet de la paix. Israël et les pays signataires de ces accords ont fait passer un message à l’Autorité palestinienne et au Hamas. Ce message était que leur manipulation politique n’était plus acceptable et qu’ils ne pouvaient plus garder en otage les relations avec les pays arabes afin de forcer Israël à capituler.

Ainsi, le système développé par l’Iran, qui aura profité au Hamas le 7 octobre, résulte d’une organisation pensée et longuement mise en place pour exterminer toute présence israélienne de la carte. Tirant profit d’une situation qui lui semblait favorable, le Hamas aura précipité une guerre avec Israël contre l’axe des proxys iraniens, qui aura coûté très cher à cette architecture qui se trouve aujourd’hui plus faible que jamais.

Sans ce système global, jamais le 7 octobre ne serait survenu et nous aurions sans doute cessé d’espérer la paix pour véritablement l’expérimenter. En Israël, nous ne nous résoudrons jamais à la haine et nous préférerons toujours le parti de la paix à celui de la violence, mais nous ne pouvons pas être le seul parti engagé dans cette voie. Demain, dans un avenir sans doute lointain, les frontières seront ouvertes et les tensions derrière nous. Pour y parvenir, comprendre les enjeux est essentiel.

M. le président Bruno Fuchs. Je vous remercie pour ce propos liminaire et nous allons pouvoir entrer davantage dans le détail de certaines problématiques.

Je cède la parole aux orateurs des groupes politiques pour leurs interventions.

M. Laurent Mazaury (LIOT). Je vous présente mes vœux de santé, d’amour de paix et de fraternité. J’ai déjà pu m’exprimer à de nombreuses reprises ici sur le conflit israélo-palestinien et rappelé la position du groupe LIOT, ce pour quoi je n’y reviendrai pas. Je souhaite toutefois rappeler l’attachement de notre pays au droit international humanitaire. En ce début d’année, il semble que de nouvelles entraves à l’aide humanitaire à Gaza aient été constatées.

M. Fletcher, le chef des secours d’urgence de l’Organisation des Nations unies (ONU), indiquait notamment trois incidents majeurs : une frappe israélienne sur un site de distribution de nourriture faisant trois blessés graves ; des tirs par des soldats israéliens en direction d’un convoi onusien clairement identifié à un poste de contrôle ; le détournement par des gangs armés palestiniens de camions citernes d’eau qui pénétraient par le principal sas d’entrée humanitaire dans le territoire. Ces entraves à l’aide humanitaire sont inacceptables d’où qu’elles viennent, de même que l’utilisation des hôpitaux comme des champs de bataille. Jamais les civils ne devraient être utilisés comme armes de guerre ou boucliers humains, ce qui est valable pour toutes les nationalités et tous les conflits.

Je souhaitais vous poser une question sur les conséquences indirectes de l’attaque du 7 octobre sur nos coopérations bilatérales. En effet, en 2023, nous pouvions lire sur le site de France Diplomatie que la France représentait le cinquième partenaire d’Israël en matière de recherche scientifique et technologique. Une réelle coopération culturelle s’est également nouée entre nos deux pays de très longue date. Néanmoins, nous avons à ce jour peu d’éléments sur les suites de ces relations, notamment après l’attaque du 7 octobre. Pourriez-vous nous faire un état des coopérations réelles et efficientes entre nos deux pays ?

M. Joshua L. Zarka. Les relations entre la France et Israël ont une mauvaise publicité mais elles sont bien meilleures en réalité qu’elles ne sont perçues par le public. La France est l’un des pays qui est venu à l’aide d’Israël quand l’Iran a lancé des attaques de missiles à deux occasions. La première fois, la France a même fait tomber des missiles de croisière qui étaient en chemin vers Israël et a ainsi sauvé des vies.

De plus, dans les dossiers les plus sensibles, la France et Israël sont entièrement alignés, comme dans le combat du nucléaire iranien, de la déstabilisation iranienne de la région, etc. En outre, les échanges, notamment dans le domaine scientifique ou commercial, sont très approfondis et Israël et la France mènent des projets communs. Cependant, il est difficile pour les Français de voyager en Israël, en raison du plus faible nombre de vols dû aux attaques du Hezbollah et des Houthis au Yémen. Toutefois, tous les avions sont pleins et notre ambassade reçoit quotidiennement des demandes de collaboration pour les universités et pour reprendre ce travail commun pour le bien de nos deux pays. Je crois profondément au futur de nos relations dans tous les domaines.

 Avec la fin de la guerre – espérons qu’elle arrive aujourd’hui ou demain –, je pense que nous rentrerons dans une période de reconstruction, tant de la vie à Gaza et en Israël que des relations bilatérales entre nos deux pays.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Après des décennies de non-respect du droit international et un génocide en cours depuis plus d’un an, notre commission accueille le représentant en France d’un gouvernement terroriste. Alors que la Cour internationale de justice (CIJ) parle d’un risque de génocide à l’encontre des Palestiniens de la part de votre gouvernement, votre premier ministre est sous le coup d’un mandat d’arrêt. Pour obtenir un cessez-le-feu et la fin des crimes en cours, il faut même parler aux criminels.

En réponse à l’attaque terroriste du 7 octobre perpétrée par le Hamas, dont le chef est également sous mandat d’arrêt pour crimes contre l’humanité, votre gouvernement a commencé par bombarder la bande de Gaza, des civils, des enfants, des journalistes et des humanitaires. Et comme cela ne suffisait pas, vous bombardez des écoles, des hôpitaux, des locaux de l’ONU et des habitations. Vous nous direz que ces êtres humains ne sont que des dommages collatéraux et que ces bâtiments sont des abris pour les terroristes. Pourtant, le droit international est clair à ce sujet : vous commettez des crimes contre l’humanité.

Après avoir tout détruit, vous avez forcé parfois plusieurs fois des êtres humains à se déplacer et, s’ils ne partaient pas assez vite, vous bombardiez quand même. En conclusion, vous avez organisé la destruction totale d’un territoire qui, par ailleurs, vivait déjà dans la pauvreté à cause des politiques de votre pays.

Ce territoire abritait cependant des êtres humains, un peuple, les Palestiniens, qui ont le droit de vivre dignement en sécurité et en paix, comme les Israéliens. Par conséquent, nous ne cesserons de demander la reconnaissance de l’État palestinien.

Par des accusations infondées – et le rapport de Mme Colonna le montre –, vous avez essayé de discréditer et de supprimer l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, connu sous l’acronyme anglais UNRWA. Supprimer cette agence revient en partie à supprimer la question palestinienne qui gêne vos ambitions expansionnistes. La CIJ vous a demandé de cesser la colonisation mais, depuis le début de l’année 2025, vous avez accordé de nouveaux permis de coloniser. Vous représentez une politique terroriste qui ne cache plus sa volonté.

Le premier ministre israélien avait déclaré la chose suivante à une délégation de l’Assemblée nationale, après l’opération Plomb durci : « La prochaine fois que nous irons à Gaza, vous les entendrez hurler et pleurer jusqu’au pôle Nord, jusqu’à ce que vous n’entendiez plus rien ». Est-ce toujours votre objectif de guerre ?

M. Joshua L. Zarka. Il s’agit davantage d’une déclaration que d’une question. Notre objectif de guerre est de libérer nos otages, de détruire les capacités militaires du Hamas, qui nous a attaqués de façon barbare le 7 octobre, et de ne pas permettre au Hamas d’être capable de gouverner encore une fois afin de créer des conditions de paix à long terme entre nous et les Palestiniens. Ce qui se passe à Gaza est un drame. La population palestinienne est la population la plus instrumentalisée du globe. Elle est instrumentalisée par tout le monde, à savoir par les Iraniens ainsi que par le Hamas qui se moque de ce qui lui arrive, qui la tue et la martyrise de façon régulière. Elle est également instrumentalisée par beaucoup d’autres à des fins politiques ou autres.

Par ailleurs, l’UNRWA n’est pas la seule organisation à distribuer de l’aide humanitaire à Gaza. L’UNRWA n’était en effet responsable que de 7 % de la distribution de l’aide humanitaire, mais elle était aussi l’organisation avec laquelle le Hamas collaborait afin de se cacher et de mieux cibler les Israéliens. De plus, les employés de l’UNRWA ont été responsables de meurtres et d’avoir kidnappé des corps. Ils ont par exemple enlevé le corps d’un Israélien qui s’était réfugié dans un kibboutz pour ensuite essayer de recevoir de l’argent. La mère de cet Israélien se trouve aujourd’hui à Paris et demande l’aide du gouvernement français pour faire libérer le corps de son fils. L’UNRWA n’est pas une organisation onusienne avec laquelle nous pouvons travailler mais une organisation qui a aidé des terroristes à tuer des Israéliens et qui a aidé à perpétuer le conflit au lieu de le résoudre.

Vous avez utilisé le terme de « génocide » mais la présidente de la Cour de justice internationale n’a pas dit qu’il y avait un génocide, seulement que la plainte africaine devait être vérifiée.

Mme Clémentine Autain (EcoS). La Cour internationale de justice a tout de même pointé un risque génocidaire…

M. Joshua L. Zarka. Plus précisément, elle a dit la chose suivante : « Le tribunal utilise l’idée de la plausibilité pour décider d’imposer des mesures, mais le critère est la plausibilité des droits revendiqués par le requérant. La Cour a décidé que les Palestiniens avaient le droit plausible à être protégés contre le génocide et que l’Afrique du Sud avait le droit de présenter cette demande devant les tribunaux ». Elle a ensuite examiné les faits mais n’a pas décidé et a souligné dans l’ordonnance qu’il existait un risque de préjudice irréparable pour les droits palestiniens à être protégés contre le génocide. Cependant, le raccourci qui apparaît souvent, à savoir qu’il existe un cas plausible de génocide, ne correspond pas à la décision de la Cour.

Encore une fois, Israël veut vivre en paix avec ses voisins palestiniens, mais pas dans une paix qui nous mettrait en danger, ni les Palestiniens, mais une paix stable, réelle. 

Mme Alexandra Masson (RN). Le 7 octobre 2023, nous avons assisté à ce que nous pensions ne plus jamais revoir dans l’histoire de l’humanité, c’est-à-dire des pogroms sur la terre même d’Israël. Le Hamas a massacré des femmes, des enfants et des hommes, uniquement parce qu’ils étaient Juifs. Ces attaques terroristes ont constitué un crime contre les humains mais aussi un crime contre la paix, alors qu’un lent processus avait permis une normalisation des relations entre Israël et les pays arabes.

Le 7 octobre 2023, nous avons revécu les massacres de Paris en 2015 ou les tueries d’enfants de Mohammed Merah à Toulouse en 2012, des scènes d’une violence inouïe contre des civils et des militaires blessés ou tués et des prises d’otages d’hommes, de femmes, d’adolescents, d’enfants et de personnes âgées. Au moment où nous parlons, nous savons qu’il reste des otages et nous demandons leur libération, ce qui est une priorité absolue avant toute négociation.

Depuis plus d’un an, nous avons entendu le gouvernement français émettre des condamnations « équilibrées » à l’encontre du Hamas ou du Hezbollah et d’Israël, dans une fausse équivalence. La lutte contre l’islamisme, comme la lutte contre l’antisémitisme, est pourtant un enjeu universel. Alors que l’État d’Israël aura retiré ses troupes du Liban d’ici quelques semaines, l’État libanais devra œuvrer pour l’application du droit international et son armée s’assurer du désarmement du Hezbollah à sa frontière avec Israël. Le Hezbollah libanais et l’Iran doivent comprendre qu’il n’y a aucune perspective de paix durable dans l’escalade de la violence et la violation manifeste du droit international.

Enfin, en Syrie, la décision d’Israël de conserver une zone tampon sur le plateau du Golan après la prise de pouvoir par l’organisation HTC est compréhensible. Nous savons que la visite de la semaine dernière des ministres français et allemand des affaires étrangères à Damas auprès du nouveau pouvoir reste une source d’interrogation en Israël. Il convient en effet de rester prudent, alors qu’Ahmed al-Charaa, qui dirige le nouveau gouvernement syrien, est un ex-membre de la nébuleuse Al-Qaïda.

Nous constatons qu’Israël reste aujourd’hui clairement menacé dans son droit à exister en tant que démocratie et Etat souverain, ce qui est très inquiétant. Monsieur l’ambassadeur, pouvez-vous nous indiquer votre position sur la fin potentielle de ce conflit et votre vision pour les semaines et les mois à venir ?

M. Joshua L. Zarka. Je pense que 2025 sera une année de reconstruction et une année d’espoir pour la paix. Nous avons signé un cessez-le-feu avec le Liban, grâce à l’aide de la France et des États-Unis, il y a un mois et demi, et nous arrivons enfin à la fin de cette guerre terrible avec le Hamas dans la bande de Gaza. Je pense que les jours à venir nous apporterons des nouvelles importantes, en espérant que tous les otages seront libérés, dont les deux otages français. Je crois profondément qu’il sera possible pour nous de vivre en paix avec nos voisins.

 Pour cela, nous aurons besoin de l’aide de la communauté internationale et nos voisins doivent abandonner l’idée de pouvoir nous détruire. Quand je parle de nos voisins, je ne parle pas des Palestiniens mais surtout des Iraniens et d’autres qui instrumentalisent la souffrance des Palestiniens. Quand ils accepteront l’idée qu’Israël est là pour rester et que dans cent ou cent cinquante ans, la situation sera la même, nous pourrons vraiment construire une paix avec nos voisins immédiats. Nous l’avons d’ailleurs fait avec les Égyptiens, avec qui nous avons eu trois guerres, et avec les Jordaniens. Nous l’avions même fait auparavant avec les Libanais. En effet, en 1983, nous avons signé un accord de paix avec le Liban et, le lendemain de cette signature, le président libanais avait été assassiné par les Syriens. Nous avons prouvé que nous étions capables de payer le prix, parfois très difficile à payer, pour une paix réelle et durable. Nous avons besoin de l’aide de la communauté internationale pour convaincre nos ennemis que nous détruire est un but futile.

M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). Pour la première fois, la représentation nationale auditionne publiquement le représentant d’un gouvernement étranger accusé par les principales institutions internationales et de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG), y compris israéliennes, de mener un génocide et d’accaparer des territoires en contradiction avec le droit international, et dont le premier ministre fait l’objet d’un mandat d’arrêt international pour crimes contre l’humanité.

 Le 7 octobre 2023, le Hamas a perpétré une attaque terroriste sur le sol israélien, acte qualifiable en droit international de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, pour lequel plusieurs dirigeants du Hamas, morts depuis dans la guerre à Gaza, ont également fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI). Nous condamnons cette attaque qui n’offre aucun débouché politique concret à un peuple palestinien qui voit ses droits bafoués depuis des décennies et a vu plus de 1 000 civils israéliens innocents mourir. Nous demandons la libération des otages.

Cependant, la guerre déclenchée contre Gaza dès le 7 octobre n’est en rien une opération de légitime défense. La rhétorique sur la légitime défense ne résiste pas à l’épreuve des faits. La Cour internationale de justice mettait en garde, dès janvier, selon plusieurs agents de l’ONU et plusieurs ONG de premier plan, y compris des ONG israéliennes, contre le fait que la guerre menée à Gaza s’appuyait sur une logique génocidaire.

Cette logique s’exprime dans ces frappes indiscriminées et dans les déclarations de certains membres du gouvernement israélien déshumanisant les Palestiniens et appelant à les massacrer sans distinction. Plus de 45 000 civils Gazaouis ont été tués depuis le 7 octobre à Gaza par les bombardements et les privations multiples et, parmi eux, près de 15 000 enfants. Ces chiffres sont consolidés par l’Organisation des Nations unies, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de nombreux experts indépendants. À Gaza, 80 % des écoles ont été réduites en cendres. Les hôpitaux sont rasés et des personnels soignants médicaux sont torturés et tués, comme l’illustre le sort incertain du docteur Hussam Abu Safia, toujours prisonnier.

En parallèle, en Cisjordanie, la colonisation illégale s’accélère, alors que le Hamas n’y est pas présent. En 2024, le gouvernement Netanyahou a réalisé une saisie de 800 hectares et il vient de proposer au ministre Smotrich de construire de nouvelles immenses colonies en échange de son maintien au gouvernement. Les attaques des colons, souvent appuyées par l’armée israélienne, ont tué des centaines de civils palestiniens, détruit des habitations et poussé des milliers de familles à l’exil.

Comment justifiez-vous qu’un État fondé en droit par une résolution des Nations unies puisse aujourd’hui piétiner ces mêmes résolutions ? La position historique de la France, que nous défendons, est de considérer que le respect du droit international est la base de toute paix durable et d’une solution à deux États. Vous pensez de votre côté que l’avenir et la sécurité d’Israël résident dans le piétinement permanent du droit international qui datait de bien avant le 7 octobre et le remodelage par la guerre de tout ou partie de la région. Pensez-vous sérieusement que cette stratégie puisse un jour amener la sécurité, droit légitime du peuple israélien comme de tous les peuples de la région ? 

M. Joshua L. Zarka. Vous avez utilisé les termes « guerre déclarée par Israël le 7 octobre », alors que, le 7 octobre, Israël a été attaqué. L’offensive israélienne n’a commencé que deux semaines plus tard et la guerre nous a été imposée par le Hamas. Il serait bien de connaître les faits.

Il est également important de parler des victimes parce que cette question est malheureusement instrumentalisée, et parfois de façon très cynique. L’armée israélienne fait énormément d’efforts pour faire en sorte de ne pas toucher les populations civiles. La guerre urbaine est une des guerres les plus difficiles possibles et Gaza est une énorme région urbaine. De plus, le Hamas utilisait la population comme bouclier humain au lieu d’essayer de la protéger.

Dans les guerres urbaines antérieures – et c’est terrible à dire –, il existe certains ratios entre le nombre de civils et de combattants touchés. Par exemple à Sarajevo, à Belgrade, quand l’Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) a attaqué et libéré la ville des forces qui étaient à l’intérieur, le ratio était de douze civils tués pour un combattant. Plus tard, à Mossoul et Raqqa, le ratio était d’un combattant pour quatre civils. Prenons les chiffres du Hamas qui parlent de 42 000 victimes, ce que nous ne discutons pas, étant donné que nous sommes incapables de compter exactement les victimes palestiniennes. En revanche, nous savons exactement combien de terroristes ont été tués, c’est-à-dire 22 000. Par conséquent, le ratio s’élève à un civil pour un combattant, à savoir un ratio qui n’a aucun précédent dans aucune guerre urbaine au monde. Les généraux de l’OTAN parlent de ce ratio comme étant impossible à reproduire dans de futures guerres.

Le général John McColl, un ancien commandant suprême-adjoint des forces alliées de l’OTAN a indiqué la chose suivante : « Les procédures sont au moins aussi rigoureuses que celles appliquées par la force armée britannique. En outre, l’armée israélienne procède à des évacuations civiles des zones de guerre, renonçant ainsi à l’élément de surprise auquel elle aurait droit dans un conflit armé ». De plus, nous appelons les téléphones de la région, envoyons des messages aux téléphones qui sont sur place, communiquons par des haut-parleurs et larguons des tracts pour prévenir les habitants. Nous frappons également sur le toit des bâtiments ciblés avec des petites munitions pour avertir de l’imminence d’une frappe forte. Ces tactiques font partie de celles employées par l’armée israélienne pour réduire au maximum les pertes civiles.

 Le général John McColl a également précisé, en accompagnant les troupes à Rafah : « Nous avons constaté que les règles d’engagement étaient rigoureusement respectées et qu’un nombre important d’opérations étaient interrompues parce que la protection des civils ne pouvait être assurée ».

Mme Sabrina Sebaihi (EcoS). Vous venez ce matin devant notre commission en tant que représentant d’un État qui commet nombre de crimes, dont plusieurs contre l’humanité : intention génocidaire contre un peuple entier selon un rapport de l’ONU en novembre 2024 ; torture contre les Palestiniens en détention selon un rapport de l’ONU d’août 2024 ; campagne de famine ciblée à Gaza selon un rapport d’experts de l’ONU en juillet 2024 ; colonisation considérée comme crime contre l’humanité selon la résolution de l’ONU de septembre 2024. Je n’ose passer mon temps à citer l’ensemble des résolutions de l’ONU que votre pays bafoue. Depuis 1947, c’est un cycle de cinquante résolutions et condamnations qui n’ont pas été suivies d’effet. En 2022, vous étiez même les champions des condamnations pour non-respect des résolutions de l’ONU.

Par ailleurs, dès 2024, vous étiez épinglé par la CIJ pour le mur de la honte de l’apartheid érigé illégalement en territoire palestinien. Monsieur l’ambassadeur, quand les drones « snipent » des enfants palestiniens à terre, est-ce combattre le Hamas ? Quand vous armez les colons en Cisjordanie et que vous légitimez leurs exactions, est-ce combattre le Hamas ? Quand vous annexez et occupez illégalement la terre des Palestiniens, est-ce combattre le Hamas ? Enfin, quand vous enfermez plus de 700 enfants palestiniens dans les prisons israéliennes, est-ce combattre le Hamas ? La liste de tout ce qui est mis en place par le gouvernement d’extrême droite de M. Netanyahou au prétexte du combat contre le Hamas est longue. Le premier ministre est d’ailleurs lui-même sous le coup d’un mandat d’arrêt international.

Vous avez rasé la bande de Gaza, empoisonné ses sols, vous avez estropié et mutilé, souvent à vie, des milliers d’enfants, de femmes et de personnes âgées, quand ils n’étaient pas tués par dizaines de milliers sous les balles et les obus de Tsahal. Au mépris de tout droit international mais également de l’humanité la plus élémentaire, vous avez bombardé aveuglement, jetant ainsi sur les routes de l’exil plus d’un million de Libanais et occupant, là encore sans aucune légitimité, le plateau du Golan en Syrie. Robert Badinter disait à juste titre qu’on ne massacre pas des civils, on ne bombarde pas des hôpitaux, sans qu’on commette des crimes de guerre.

Monsieur l’ambassadeur, à partir de combien de morts palestiniens considérerez-vous vos objectifs atteints ? À partir de combien de colons installés illégalement en Cisjordanie sur le plateau du Golan considérerez-vous vos objectifs atteints ? À partir de combien d’expropriations à Jérusalem-Est considérerez-vous vos objectifs atteints ? Les écologistes n’ont jamais eu l’indignation à géométrie variable. Nous avons pleuré les Israéliens morts, blessés et pris en otage le 7 octobre, et nous réclamons sans relâche la libération de tous les otages, tout comme nous pleurons les victimes palestiniennes, qui, pour nous, ne sont pas de simples dommages collatéraux. Vos actes prouvent aujourd’hui qu’aux yeux de votre gouvernement, la vie d’un Palestinien vaut moins que celle d’un Israélien et l’histoire vous jugera sévèrement quand il s’agira de répondre de vos actes. Monsieur l’ambassadeur, considérez-vous que vous êtes au-dessus du droit international ?

Mme Michèle Tabarot (DR). Un seul mot sur les Israéliens et trois minutes pour le reste !

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Nous n’avons pas commenté les prises de parole des uns et des autres, donc évitez de le faire.

M. Joshua L. Zarka. Vous avez parlé du traitement des prisonniers palestiniens en Israël. Yahya Sinwar avait été emprisonné en Israël parce qu’il avait assassiné de la façon la plus barbare des Palestiniens. Il avait été soigné d’une tumeur au cerveau en prison et sauvé de la mort par des médecins israéliens. L’un d’entre eux, le médecin qui l’avait sauvé, a perdu son neveu le 7 octobre et la dépouille de cet enfant se trouve encore à Gaza.

Vous avez également parlé de l’hôpital qui a été attaqué dernièrement, mais l’utilisation par le Hamas de la façon la plus cynique des hôpitaux et des écoles a été relatée de façon très claire.

Au début de la guerre, des missiles palestiniens ont été tirés sur des civils palestiniens. Cet évènement a été manipulé par la presse internationale et par certains autres, notamment lorsqu’un missile du Djihad islamique avait été tiré sur l’hôpital Al-Ahli Arabi en octobre 2023, faisant plusieurs morts. À cette époque, Israël avait été accusé d’avoir bombardé un hôpital et d’avoir tué 500 Palestiniens.

Vous avez évoqué le traitement par Israël des enfants palestiniens. Aujourd’hui même, pendant la guerre, des enfants palestiniens de la bande de Gaza sont traités en Israël. Certains sortent de la bande Gaza, passent par Israël et rejoignent la Jordanie ou différents pays arabes pour être traités.

Nous vivons une guerre terrible qui nous a été imposée et il nous reviendra – et pas à vous – de vivre avec les Palestiniens en paix, car ce sont nos voisins. Pour ce faire, il faut créer des conditions qui permettront à cette paix d’être stable. Par exemple, nous nous occupons des enfants palestiniens comme nous nous sommes occupés, malheureusement, de Yahya Sinwar et nous lui avons sauvé la vie.

M. le président Bruno Fuchs. Une autre question a été posée par notre collègue, à savoir : êtes-vous au-dessus du droit international ? Quelle réponse lui apportez-vous ?

M. Joshua L. Zarka. L’idée, par exemple, qu’il est interdit d’attaquer un bâtiment civil, que ce soit un hôpital ou autre, au motif que ce serait contraire au droit international, représente une mécompréhension de ce qu’est le droit international.

Quand, par exemple, une armée utilise un bâtiment – un hôpital, une école ou autre –, le droit international indique de façon très claire que le pays qui se défend a le droit d’attaquer ce bâtiment. N’oublions pas que nous le faisons seulement après avoir annoncé clairement que nous allions attaquer. Dernièrement, l’hôpital Kamal-Adwan a été attaqué mais nous avions annoncé cette attaque pendant deux semaines et nous avions demandé aux civils de sortir. De plus, nous avons attaqué l’hôpital d’une manière qui mettait en danger nos soldats afin de ne pas toucher les civils, alors que 240 terroristes se cachaient à l’intérieur. Certains d’entre eux ont été éliminés mais la plupart ont été fait prisonniers et se trouvent aujourd’hui en Israël. Nos soldats sont régulièrement mis en danger pour ne pas tuer ou blesser les civils qui se trouvent dans les différents bâtiments que nous sommes obligés d’attaquer. Actuellement, vingt-trois hôpitaux sont opérationnels à Gaza et, depuis le début de la guerre, Israël a permis la mise en œuvre de treize nouveaux hôpitaux. Israël effectue de façon régulière et permanente des vérifications avant et après chaque attaque pour être sûr que le droit international n’est pas bafoué.

M. Michel Herbillon (DR). Un peu plus d’un an après les attaques terroristes perpétrées par le Hamas le 7 octobre 2023, je veux exprimer au nom du groupe de la Droite républicaine que, face au pire massacre antisémite de notre histoire depuis la Shoah, notre émotion et notre compassion demeurent intactes. Notre groupe parlementaire s’était d’ailleurs immédiatement mobilisé après ces attaques en allant sur place, et en particulier ma collègue Michèle Tabarot.

1 200 personnes ont été assassinées ou enlevées par cette organisation terroriste en cette si sombre journée et nous pensons bien évidemment à nos 48 compatriotes victimes de cette barbarie. 466 jours après les attaques, nos pensées vont bien évidemment à Ofer Kalderon et Ohad Yahalomi, les deux otages français encore détenus aux mains du Hamas et dont nous réclamons inlassablement la libération. Sur les 251 personnes enlevées lors de l’attaque du 7 octobre, 98 restent encore otages à Gaza, dont 34 ont d’ores et déjà été déclarées décédées par l’armée israélienne.

Je voudrais vous demander si vous êtes confiants sur l’issue des négociations qui sont en cours pour la libération des otages que nous appelons de nos vœux. Cette action est impérative car le temps de la résolution diplomatique du conflit est venu. Toutes les forces en présence doivent parvenir à un accord pour mettre un terme aux combats et aux trop nombreuses souffrances engendrées partout dans la région, et notamment en Israël, à Gaza et au Liban.

Il faut également mettre un terme aux violations du droit international et du droit international humanitaire constatées de part et d’autre. Israël fait face à des menaces multidimensionnelles qui menacent son existence et sa sécurité, en particulier avec la proximité de l’Iran qui a officiellement déclaré qu’il souhaitait la destruction de l’État d’Israël.

Certaines réunions ont lieu, dont la troisième réunion ce mercredi en Norvège de l’alliance internationale visant à encourager la solution de la création de deux États, l’un israélien et l’autre palestinien. Une réunion se tient aussi à New York à ce sujet. Cette solution est appelée par la France de longue date et je voudrais que vous rappeliez les conditions qui sont pour vous impératives pour parvenir à une paix réelle dans la région après soixante-quinze ans de souffrance.

M. Joshua L. Zarka. Oui, je suis optimiste. Je pense que l’accord qui est en train d’être négocié avec le Hamas pour le cessez-feu est un accord qui pourrait être mis en œuvre immédiatement. Cette guerre avait pour but d’attirer toute la région dans une guerre terrible. Cependant, l’échec de l’Iran, la destruction des capacités militaire du Hezbollah et l’échec du Hamas montrent clairement aux dirigeants du Hamas qu’ils n’ont plus aucun espoir de parvenir à leur objectif, c’est-à-dire la destruction d’Israël, ou bien même l’affaiblissement d’Israël. Ayant compris cela, les chances d’aboutir à un accord sont bien plus élevées.

De plus, l’arrivée au pouvoir de Trump constitue un message très clair, étant donné qu’il avait déclaré qu’un cessez-le-feu et la libération des otages étaient impératifs. L’année 2025 sera une année de reconstruction de la paix et de l’espoir. Pour réellement instaurer la paix, il est nécessaire de faire comprendre aux Palestiniens qu’essayer de parvenir à la destruction d’Israël, ou même l’espérer, est futile. Les Palestiniens ont rejeté les cinq offres de création d’un État, alors que certaines allaient jusqu’à 98 % des territoires de Gaza et de la Cisjordanie ainsi que jusqu’à une division de Jérusalem. Ils ont refusé la création d’un État plus d’une fois car ils ne pouvaient pas accepter l’idée de la fin du conflit, alors que celle-ci est fondamentale. Nous avons besoin de la communauté internationale pour faire comprendre aux Palestiniens qu’ils doivent accepter l’idée de la paix à long terme. Dans l’ethos palestinien, l’État créé doit prendre la place de l’État d’Israël mais il n’est pas question d’un État à côté de l’État d’Israël, ce qui doit changer.

Pour y parvenir, l’éducation doit être réformée et les nouvelles générations ne doivent pas apprendre les mathématiques en additionnant les Juifs qui ont été tués mais que la paix est une valeur pour laquelle il faut combattre et à laquelle il faut aspirer. La communauté internationale doit nous aider dans cette démarche.

M. Pierre Pribetich (SOC). Les attaques terroristes du Hamas du 7 octobre ont provoqué une onde de choc dévastatrice, engendrant une déstabilisation de la région aux conséquences multiples, internationales, immenses, sur l’ensemble du globe. Elles ont également provoqué la mort de près de 1 200 personnes sur le territoire israélien, essentiellement des civils. Nous appelons à la libération immédiate des 98 otages et espérons la libération de nos compatriotes.

En riposte, Israël a lancé une offensive de grande envergure sur l’enclave peuplée de 2,4 millions de personnes au début du conflit. Le bilan humain dépasse désormais les 40 000 morts. Les institutions internationales alertent sur la baisse tendancielle de l’acheminement de l’aide à Gaza, sur la grave pénurie de produits commerciaux, sur la crise humanitaire et le risque de famine. Selon l’ONU, la part de la population palestinienne vivant sous le seuil de pauvreté passera à 74,13 %, soit 4,1 millions de personnes, dont 2,61 millions de nouveaux pauvres. La partie septentrionale du territoire fait l’objet d’un traitement à part.

Notre groupe appelle au respect du droit international, notamment humanitaire. Nous demandons donc la levée immédiate du blocus de l’aide humanitaire ainsi que le cessez-le-feu et espérons que le gouvernement de Benyamin Netanyahou ne retarde pas le processus de manière à le faire coïncider avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir le 20 janvier.

 Le 28 octobre, le Parlement israélien a adopté deux lois visant à interdire en Israël et dans les territoires occupés les activités de l’UNRWA. La mise en œuvre de ces dernières priverait des centaines de milliers de civils d’une aide essentielle en matière d’abris, de soins, d’éducation et d’alimentation. Elle entraînera donc des conséquences sur la situation humanitaire à Gaza, qui est déjà catastrophique, mais également dans l’ensemble des territoires palestiniens occupés, privant des centaines de milliers de civils d’une aide essentielle en matière d’abris, de soins, d’éducation et d’alimentation. Pourquoi bloquer tout ce processus de l’aide humanitaire ?

Enfin, nous espérons la fin de la guerre et la reconstruction de l’ensemble et, surtout, la création de conditions pour, notamment, la solution à deux États. Nous rappelons également que la Norvège accueille actuellement la troisième réunion de l’alliance internationale pour la mise en œuvre de la solution à deux États. Pourquoi Israël demeure-t-il absent de ces discussions permettant de s’acheminer éventuellement vers une solution de paix ?

M. Joshua L. Zarka. Le sujet de l’UNRWA se divise en trois niveaux : à Gaza, en Cisjordanie et dans la région. À Gaza, l’UNRWA a collaboré avant et pendant la guerre avec le Hamas, ce qui a été prouvé. L’UNRWA, depuis le début de la guerre et jusqu’à présent, n’était responsable que de 7,5 % des distributions d’aide humanitaire. Nous travaillons intensément avec différentes organisations pour que l’aide humanitaire entre à Gaza. Comme cette organisation a travaillé avec le Hamas, nous interdisons sa participation à la reconstruction et nous ne voulons pas la voir dans les territoires sous contrôle israélien.

En Jordanie, au Liban et en Syrie, la question est différente et la déstabilisation de la Jordanie est la dernière des choses que nous voulons. En effet, la stabilité de la Jordanie est un atout pour Israël et a constitué une importante stratégie. Nous n’interdisons pas l’UNRWA et nous ne voulons pas son interdiction en Jordanie, au Liban ou en Syrie. Cependant, nous voulons d’abord que cette organisation ne puisse plus être active avec le Hamas à Gaza.

De plus, en Cisjordanie, l’UNRWA a perpétué le conflit au lieu d’aider à le résoudre. Je suis personnellement enfant de réfugiés qui venaient de Tunis et qui sont venus en France. Théoriquement, si l’UNRWA traitait les questions des réfugiés à travers le monde, je serais encore un réfugié de Tunis, bien que je sois de la deuxième génération, et il en irait de même pour mes enfants et mes petits-enfants. Au lieu de résoudre le problème et d’aider à créer la paix, l’UNRWA éternise le problème.

Par ailleurs, nous nous sommes en grande partie retirés de Cisjordanie pour permettre aux Palestiniens de créer l’Autorité palestinienne. Cependant, celle-ci n’est pas responsable du système scolaire, du système de santé et d’autres aspects de gouvernance dont elle aurait dû être responsable en Cisjordanie. Au lieu de développer une capacité de gouvernance, l’Autorité palestinienne a laissé cette responsabilité à une organisation qui n’était pas là pour les aider à développer ce muscle. L’Autorité palestinienne n’a pas eu de possibilité de « capacity building » pour prouver qu’elle était éventuellement capable de créer un gouvernement, un État. L’UNRWA a pris sa place et ne lui a pas permis d’avoir la responsabilité pour sa population.

Un des gros problèmes de l’aide humanitaire est qu’elle est pillée par le Hamas avant d’être revendue à la population palestinienne à très haut prix, ce qui permet au Hamas de regagner une certaine position politique et une puissance. Israël a par exemple construit de nouvelles routes le long de la frontière israélienne, loin des forces du Hamas qui sont encore à l’intérieur de la bande de Gaza, afin que l’aide humanitaire qui rentre par le Sud puisse aller vers le Nord et atteindre tous les endroits où une population palestinienne est présente.

Nous avons fait entrer une énorme quantité d’aide humanitaire, c’est-à-dire plus de 1,3 million de tonnes ou 65 000 camions, par l’Égypte, Israël et la Jordanie. Nous faisons entrer l’aide humanitaire dans une région avec laquelle nous sommes en combat. Cette aide humanitaire vient de différents pays et organisations. Nous facilitons et nous coordonnons les activités régulières dans la bande au Gaza, notamment en fournissant de la nourriture, de l’eau, des médicaments ou des matériels d’abri. Nous ravitaillons également les infrastructures essentielles de toute la région et nous avons reconstruit les canalisations dans une partie de la bande de Gaza, alors qu’elles avaient été détruites par le Hamas, pour que l’eau puisse rentrer dans la bande de Gaza en venant d’Israël.

Mme Eléonore Caroit (EPR). Au nom du groupe Ensemble pour la République, je vous remercie de votre présence ce matin pour nous faire part de votre analyse sur la situation au Proche-Orient et l’évolution des conflits régionaux. Nous avons condamné avec la plus grande fermeté les attaques terroristes perpétrées par le Hamas le 7 octobre et nous continuons d’exiger inlassablement la libération immédiate de tous les otages, et en particulier de nos compatriotes.

 Depuis lors, nous n’avons cessé de condamner avec la même fermeté les dizaines de milliers de morts et de blessés dans la bande de Gaza, dont le chiffre ne cesse de croître. L’opération Glaive de fer menée par l’armée israélienne dans la bande de Gaza se poursuit en effet depuis des mois. Le coût humain de cette campagne est révoltant et suscite une très profonde inquiétude à travers le monde. Depuis des mois, notre pays plaide pour la nécessité impérieuse de mettre en place un cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

La politique du gouvernement de Benyamin Netanyahou paraît à bien des égards en rupture avec celle des dirigeants historiques d’Israël, qui avaient une conscience aiguë de la vulnérabilité sécuritaire du pays. Il nous semble évident qu’Israël ne trouvera la paix qu’à condition d’établir, avec ses voisins et avec le peuple de Palestine, une relation équilibrée, basée sur la reconnaissance politique et le respect mutuel. De nombreux objectifs militaires visant à éradiquer le Hamas semblent avoir été atteints par Israël. Je dis « semblent » car nous savons tous quelles sont les entraves à la liberté d’information sur ce territoire.

Alors quand, monsieur l’ambassadeur, mettrez-vous fin à cette offensive ? Dans un contexte de tension exacerbée, la situation en Syrie vient ajouter un nouvel élément d’instabilité. La chute du régime de Bachar al-Assad et les interventions de l’armée israélienne en territoire syrien rebattent les cartes de la région. Nous avons appelé Israël à respecter le droit international et à se retirer de la zone tampon, instaurée avec la Syrie, comme nous l’avions fait pour le Liban.

En parallèle, l’Iran apparaît aujourd’hui affaibli, à la suite des offensives israéliennes contre le Hamas et du cessez-le-feu au Liban. Malgré ce nouveau statu quo, de nombreux responsables israéliens continuent d’émettre des appels pour une attaque préventive contre l’Iran. Quels objectifs stratégiques pourraient pousser Israël à initier un conflit d’une telle ampleur ?

M. Joshua L. Zarka. Une nouvelle fois, nous n’avons pas initié cette guerre mais celle-ci nous a été imposée. Cette guerre n’était pas seulement un plan du Hamas mais est le résultat d’une architecture de l’Iran qui a pour but d’exterminer Israël, de nous détruire complètement. Ils ont même décidé d’une date : 2035 serait la date à laquelle Israël allait disparaître. De plus, ils développent la capacité de le faire. Nous sommes un pays qui a été créé par un peuple avec une certaine histoire. Par conséquent, lorsqu’un pays comme l’Iran dit clairement qu’il veut nous détruire, essaie de le faire et développe les capacités de le faire, nous sommes bien obligés de le prendre au sérieux.

Lorsque l’Iran continue à dire que nous sommes une entité qui doit disparaître, malgré un an et quelques mois de guerre terribles pour toute la région, Israël, les Palestiniens, le Liban et tous les autres, nous sommes bien obligés de le prendre au sérieux. Il continue de développer ses capacités nucléaires. Il est en effet à dix jours d’avoir suffisamment de matériel fissile pour une première bombe nucléaire et à deux mois pour un arsenal de dix bombes nucléaires. Il dit qu’il veut nous détruire et nous sommes bien obligés de le prendre au sérieux. Aucun autre pays ne pourrait faire autrement.

Le président Macron l’a dit clairement : l’Iran est aujourd’hui l’ennemi, non seulement d’Israël, mais aussi de la France, en raison de sa volonté de développer des armes de destruction massive et de les utiliser. L’Iran a transféré des armes chimiques au Hezbollah avant la guerre pour qu’elles soient utilisées contre Israël. Ils n’ont cependant pas eu le temps de les utiliser parce que nous avons été suffisamment rapides et puissants dans notre réponse mais ils sont capables d’utiliser des armes de destruction massive.

Par ailleurs, vous avez demandé quand finirait cette offensive. 98 otages sont entre les mains du Hamas et, s’il y a trois mois ces otages avaient été libérés, la guerre aurait cessé immédiatement. S’il y a six mois le Hamas avait libéré ces otages, la guerre aurait cessé immédiatement. Imaginez que la Belgique était rentrée à Lille, avait pris des milliers d’otages et s’était retirée sur son territoire. La France aurait-elle attendu que la Belgique, ou bien une organisation terroriste qui se trouve en Belgique, libère ses otages ? Bien sûr que non. Ce serait irresponsable de la part de notre pays de ne pas faire tout ce qui est en notre pouvoir pour libérer ces otages. L’offensive finira une fois que les otages seront libérés, ce qui devrait arriver très rapidement selon les informations actuelles.

Mme Maud Petit (Dem). Depuis le 7 octobre 2023, date de l’attaque du groupe terroriste Hamas, la guerre entre Israël et le Hamas a fait des dizaines de milliers de morts. Ce conflit est une tragédie qui est avant tout humanitaire, que ce soit pour les Palestiniens ou pour l’État d’Israël. Pour Israël, l’attaque perpétrée le 7 octobre a causé de nombreux morts. De plus, sur les 251 otages capturés ce même jour, 98 seraient encore aux mains du Hamas mais seuls 63 otages seraient présumés vivants, dont deux enfants, selon vos autorités. Parmi eux figurent deux de nos compatriotes, Ohad Yahalomi et Ofer Kalderon, que nous n’oublions pas.

Dans la bande de Gaza, la situation est préoccupante. Le conflit a entraîné des conséquences graves pour les civils palestiniens, avec des destructions importantes touchant les infrastructures essentielles. Selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), 82 % des structures de santé et 92 % des écoles à Gaza ont été endommagées ou détruites, rendant l’accès aux soins et à l’éducation extrêmement difficile, voire impossible pour de nombreuses familles. De l’autre côté, les pertes humaines sont considérables, avec un nombre élevé de victimes, de blessés et de morts parmi la population, soulignant l’ampleur de la crise humanitaire dans la région.

En ce début d’année, les choses semblent toutefois évoluer positivement. Le 3 janvier, lors d’une interview sur Radio J, vous avez vous-même déclaré que le Hamas acceptait des négociations pour la libération des otages. Benyamin Netanyahou a envoyé de hauts responsables israéliens au Qatar, qui a été choisi comme médiateur pour négocier avec les responsables du mouvement palestinien.

Un accord de cessez-le-feu, basé sur une proposition américaine formulée il y a plusieurs mois, serait donc sur le point d’être conclu, tel que l’a affirmé lundi soir le président américain Joe Biden. Les négociations visent à mettre en place un cessez-le-feu associé à la libération des otages toujours retenus à Gaza, en échange de prisonniers palestiniens détenus en Israël. Il semble qu’un dénouement n’ait jamais été aussi proche. Après quinze mois de conflit, les pourparlers se sont intensifiés à l’approche du retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis le 20 janvier. Comment l’expliquez-vous ? Y a-t-il un lien entre cela ? La chute du régime de Bachar al-Assad en Syrie a-t-elle également fait évoluer la dynamique ? Enfin, si un accord de cessez-le-feu est signé, que changera-t-il concrètement ? Cela entraînera-t-il la fin du conflit, comme vous semblez le dire ? Participerez-vous à la reconstruction en Palestine ?

M. Joshua L. Zarka.  Vous avez décrit l’offre pour le cessez-le-feu comme un plan du président Biden mais celui-ci a lui-même indiqué que ce plan était israélien. Nous avons fait cette proposition au Hamas il y a des mois de cela mais il l’avait rejetée jusqu’à présent. Il semble désormais prêt à l’accepter en raison de l’échec et de l’effondrement de l’architecture iranienne et parce qu’il a compris qu’il n’avait plus le soutien de puissances régionales qui voudraient encore déstabiliser la région et continuer cette guerre avec Israël. L’Iran et le Hezbollah sont incapables de le soutenir, ce qui a permis au Hamas de comprendre que cette guerre était futile. De plus, ses dirigeants ont été éliminés et leurs successeurs comprennent qu’ils n’ont rien à gagner à la poursuite de la guerre.

Comme il a compris qu’il n’avait aucune chance de gagner, le Hamas accepte l’idée même de la paix. Ce processus va-t-il immédiatement mener à une paix réelle ? Non, il va falloir des générations et nous sommes meurtris des deux côtés. Les Palestiniens et nous avons souffert terriblement. Toute famille en Israël connaît quelqu’un qui a perdu un enfant, un mari ou un frère, et il en va de même chez les Palestiniens. Il va donc d’abord falloir créer des conditions qui mèneront à la paix entre nos deux peuples. Nous pourrons ensuite bâtir réellement une architecture de paix à long terme.

Mme Véronique Besse (NI). Après plus de deux ans sans personne à la tête de l’État, le Liban vient enfin d’élire un nouveau président, Joseph Aoun, qui bénéficie du soutien de puissances étrangères, notamment des États-Unis et de l’Arabie saoudite. Il annonce vouloir marquer le début d’une nouvelle ère et consacrer le droit de l’État à avoir le monopole des armes. Cette position est en rupture avec la tolérance qui a été faite vis-à-vis des milices armées au Liban, et tout particulièrement vis-à-vis du Hezbollah. Ce dernier semble de plus en plus affaibli et isolé sur la scène politique libanaise. Par ailleurs, cette élection intervient quelques jours après un nouveau retrait d’Israël dans le Sud-Liban, dans le cadre du cessez-le-feu en cours.

Pourriez-vous nous livrer votre analyse sur cette nouvelle situation ? Comment envisagez-vous l’avenir du cessez-le-feu au Liban ? Êtes-vous optimiste ? Au regard de l’arrivée au pouvoir de Joseph Aoun, comment jugez-vous l’avenir des relations entre Israël et le Liban ?

M. Joshua L. Zarka. Quand Israël dit du bien d’un dirigeant arabe, il lui cause généralement du tort. Je ne parlerai donc pas du général Aoun mais nous avons aujourd’hui l’occasion de créer un environnement stable qui pourrait éventuellement mener à une paix durable entre le Liban et nous. Le Hezbollah avait artificiellement créé un conflit autour de petites enclaves mais nous n’avons aucun conflit territorial avec le Liban.

Entre 1948 et 1967, la frontière libanaise entre Israël et le Liban était appelée en hébreu HaGader HaTova, c’est-à-dire « la bonne frontière », car les Libanais venaient travailler quotidiennement en Israël et retournaient chez eux le soir. Il s’agissait presque d’une frontière de paix et il n’existe aucune raison pour que cette situation ne se reproduise pas.

Les affaires libanaises sont importantes pour trois pays, à savoir Israël, la France et l’Iran. Israël et la France ont la même façon de voir les choses, ont les mêmes buts, ont les mêmes intérêts. Nous voulons un Liban stable, prospère et qui vivra en paix. En revanche, l’Iran veut quelque chose de différent, c’est-à-dire un pays qui serait sous le joug du Hezbollah et qui resterait un membre du croissant chiite, qui a pour but de déstabiliser la région. Je suis optimiste mais l’Iran va continuer d’essayer de réarmer le Hezbollah et de le refinancer par le biais de la Syrie.

La fermeture de la frontière libano-syrienne pour les interventions iraniennes est très importante, notamment pour la France, et nous œuvrons ensemble en envoyant des messages très clairs aux armées libanaises et aux dirigeants de la Syrie afin que le Hezbollah ne puisse plus se réarmer. Ce processus pourrait éventuellement amener à la reconstruction du Liban et à la stabilité à très long terme entre nos deux pays.

M. le président Bruno Fuchs. Je cède maintenant la parole aux députés souhaitant intervenir ou poser une question à titre individuel.

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Le 8 décembre dernier, un dictateur sanguinaire est tombé, ouvrant un nouveau chapitre de l’histoire du peuple syrien. Après avoir fait partie intégrante de l’État islamique, le nouvel homme fort de la Syrie semble prendre un tournant majeur en 2016 en divorçant d’Al-Qaïda. Véritable répudiation du djihadisme transnational ou stratégie de taqiya ? Contrairement à certaines formations politiques françaises et européennes, nous restons prudents sur les conséquences de la prise de pouvoir de l’État syrien par l’organisation HTC dirigée par al-Joulani.

Quoi qu’il en soit, le changement de régime syrien entraînera indéniablement une redéfinition des stratégies entre les différents acteurs régionaux. Par exemple, l’armée israélienne a immédiatement positionné des troupes sur le plateau du Golan, ancienne zone tampon démilitarisée entre Israël et la Syrie. Pouvez-vous nous éclairer sur l’état d’esprit de l’État d’Israël vis-à-vis du nouveau pouvoir syrien ? La prudence prime-t-elle sur l’optimisme ou les premiers signaux envoyés par al-Joulani semblent-ils aller dans le sens d’une ouverture du pays ?

M. Joshua L. Zarka. Nous sommes bien obligés d’être prudents car HTC est une organisation qui dérive d’Al-Qaïda et qui était perçue comme une organisation terroriste. Elle est encore sous sanctions européennes et est sous sanctions en France. Elle a été, jusqu’il y a peu, définie comme une organisation terroriste aux États-Unis. Nous sommes prudents mais, pour la première fois, je pense qu’il y a une chance de créer quelque chose de plus stable à long terme, ce qui dépendra toutefois de la volonté du gouvernement syrien.

En outre, nous sommes entrés dans la zone tampon du Golan pour nous assurer qu’elle ne soit pas utilisée pour attaquer Israël. Nous sommes donc optimistes, tout en restant prudents.

M. Alexis Jolly (RN). Les changements imminents d’administration américaine et le retour au pouvoir du président Trump sont a priori une très bonne nouvelle pour Israël. Pourtant, le président Trump a semblé jeter un pavé dans la mare il y a quelques semaines en relayant sur son média Truth Social des vidéos très critiques à l’égard du premier ministre Netanyahou, l’accusant ouvertement d’avoir entraîné les États-Unis dans la guerre d’Irak et de pousser en faveur d’une guerre contre l’Iran. Comment le retour du président Trump est-il attendu en Israël, et notamment au sein du gouvernement, et quels sont les changements attendus ?

M. Joshua L. Zarka. Le président Biden était un grand soutien d’Israël car il nous a aidés dans l’une des périodes les plus difficiles. Le président Trump est en outre un président avec lequel nous avons déjà travaillé et j’ai personnellement collaboré avec ses équipes sur le dossier iranien. L’image de la personne publique du président Trump est intéressante mais il est un grand professionnel qui laisse ses équipes travailler et sait exactement les diriger. Par conséquent, je ne regarderais pas de trop près ce qui est publié sur les réseaux sociaux car ceux-ci sont responsables de beaucoup de désinformation. Je sais de quel tweet vous parlez et la description que vous avez donnée n’est pas tout à fait précise. En effet, il s’agit d’un retweet dans lequel un mot porte sur Netanyahou mais le contexte est plus large. Nous sommes contents que le président Trump ait été élu et nous savons que nous pourrons travailler avec lui.

Mme Stella Dupont (NI). Monsieur l’ambassadeur, je vous assure tout d’abord de mon soutien total ainsi que de mon soutien aux Israéliens et à Israël face à la barbarie terroriste perpétrée par le Hamas le 7 octobre et je m’associe aux demandes inlassables de libération des otages. Vous nous partagez le fait qu’Israël a découvert que la stratégie du Hamas était de conflictualiser Gaza pour faire entrer l’Iran dans le conflit et rechercher l’escalade. Aussi, je m’interroge, face aux décisions et aux actes perpétrés par l’État d’Israël, tout en dénonçant les attaques subies par votre pays.

La Cour internationale de justice mentionne dans son avis de juillet qu’Israël « doit cesser immédiatement toute nouvelle activité de colonisation et réparer les dommages causés par ces faits internationalement illicites à toute personne ». La proportion des bombardements d’Israël, l’impact sur les civils et l’avancée de la colonisation que vous assumez constituent une fuite en avant de l’État d’Israël dans la guerre et dans la conflictualisation durable de la région. Cette stratégie n’alimente-t-elle pas la stratégie même du Hamas que vous nous avez partagée et que vous dénoncez ? N’est-ce pas un aveu de faiblesse de l’État d’Israël que de risquer d’éloigner davantage encore une paix durable dans toute la région ?

M. Joshua L. Zarka. Beaucoup de choses ont été dites sur le fait que certains politiciens israéliens voulaient recoloniser – je n’accepte d’ailleurs pas le terme de colonisation comme tel – ou se réimplanter dans la bande de Gaza. Cependant, ce n’est pas le cas et Israël n’a aucune intention de se réimplanter dans la bande de Gaza, qu’elle veut laisser aux Palestiniens. Se réimplanter à Gaza n’est pas la politique du gouvernement mais d’un parti qui fait partie de la coalition et qui a une façon de voir la chose qui est bien différente de celle du gouvernement. Nous voulons permettre la reconstruction de la bande de Gaza mais d’une façon qui nous permettra de vivre en paix avec ses habitants.

M. Michel Guiniot (RN). Espérons que l’année 2025 ramène la paix dans votre région et la sécurité pour Israël. Les opérations militaires menées en réponse aux attaques terroristes du 7 octobre ont-elles permis de neutraliser les auteurs de cette attaque ?

M. Joshua L. Zarka. Oui, la grande partie des dirigeants du Hamas ont été éliminés. Certains d’entre eux, comme Mohammed Sinwar, le frère de Yahya Sinwar, sont encore en vie, mais les autres ont tous été éliminés. En ce sens, la guerre a été un succès mais à un prix énorme, que ce soit du côté palestinien ou israélien.

Mme Pascale Got (SOC). Le 5 décembre dernier sur France Inter, vous avez insisté sur le rôle de la France dans l’accord de cessez-le-feu sur le Liban, et plus particulièrement sur sa place possible dans la reconstruction du pays, en disant qu’elle était peut-être le seul pays capable d’y contribuer. Pourquoi avez-vous évoqué cette exclusivité ? Lors de son premier discours, le nouveau président Aoun a déclaré que son élection marquait une nouvelle ère dans l’histoire du pays et s’est engagé à respecter la trêve avec l’Israël. La France, à l’instar de nombreux pays, a salué son arrivée au pouvoir. Comment la France pourrait-elle agir concrètement dans le rétablissement d’un Liban stable et prospère ?

M. Joshua L. Zarka. La France agit déjà pour la stabilité au Liban et l’aide à reconstruire ses capacités militaires. Elle l’aide également grâce à sa présence dans la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) le long de la frontière israélo-libanaise afin de vérifier que le Hezbollah ne se réimplante pas dans le Sud-Liban. Il existe des liens historiques entre le Liban et la France que nous reconnaissons et ceux-ci sont importants pour les deux pays. Le Liban est important pour la France pour des raisons historiques, pour Israël puisqu’il est son voisin et pour l’Iran qui veut déstabiliser la région avec l’aide du Hezbollah qui se trouve au Liban. Nous sommes donc complètement alignés avec la France dans le but de créer une stabilité et une prospérité pour le peuple libanais ainsi que pour reconstruire le Liban.

M. Jérôme Buisson (RN). Je donnerai évidemment toujours plus de crédit et de légitimité à un État démocratique qu’au Hamas ou à ses proxys. Le Hamas détient effectivement deux Français et est donc notre adversaire commun, et non Israël. À la suite de la chute du régime de Bachar al-Assad et de la prise du pouvoir des rebelles, l’armée israélienne a conduit des centaines de frappes contre des sites et des infrastructures militaires syriennes. L’armée américaine fait de même contre l’État islamique en Syrie et en Irak. L’armée française a également mené des frappes dans les positions de l’organisation terroriste il y a deux semaines dans le cadre de l’opération Chammal. Alors que l’État d’Israël ne fait pas officiellement partie de la coalition, quel est le niveau de coordination entre Israël et la France, et plus largement avec la coalition internationale sur le sujet de la lutte contre l’État islamique en Syrie ?

M. Joshua L. Zarka. Cette question est très opérationnelle et nous nous situons dans le cadre d’une discussion publique. Par conséquent, je ne pourrai pas rentrer dans les détails. Toutefois, je peux vous dire que les liens sont très bons et qu’il existe une très bonne coopération franco-israélienne dans différents domaines stratégiques.

M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Je reviens d’une mission à Jérusalem et en Cisjordanie. La semaine dernière, j’ai rencontré des Israéliens et des Palestiniens. Je voudrais revenir sur la question de l’UNRWA, qui est urgente, puisque si les lois de la Knesset s’appliquent dès le 29 janvier, des questions de vie et de mort se poseront à Gaza et partout en Cisjordanie, avec des enfants sans écoles et des centres de santé sans possibilité de fonctionner.

Ce que vous dites sur l’UNRWA est démenti formellement par notre ancienne ministre des affaires étrangères, Mme Colonna, qui a toute la confiance du gouvernement français et de cette commission dans les propos qu’elle affirme. Elle a mené une enquête de l’ONU et les liens dont vous faites état entre l’UNRWA et le Hamas n’existent pas. 13 000 salariés locaux de l’UNRWA sont présents à Gaza et ce n’est pas parce que vous en trouveriez un ou deux liés au Hamas que la totalité du travail de l’UNRWA serait invalidée. Par ailleurs, l’UNRWA travaille avec les autorités palestiniennes à Gaza, mais avec l’armée israélienne partout ailleurs. Que se passera-t-il le 29 janvier pour les centres de santé et pour les enfants ? Aucune solution n’est prévue ou même annoncée par le gouvernement israélien.

M. Joshua L. Zarka. Ce ne sont pas un ou deux terroristes qui étaient liés à l’UNRWA, mais quinze. De plus, nous avons trouvé des infrastructures du Hamas en dessous du centre de l’UNRWA et elles étaient liées aux infrastructures énergétiques de l’UNRWA. De surcroît, 17 % des employés de l’UNRWA sont membres du Hamas, qui est une organisation terroriste, même selon la France. En outre, nous ne sommes pas d’accord avec certaines conclusions de Mme Colonna sur les liens avec le Hamas.

Par ailleurs, il est réellement possible que l’Autorité palestinienne prenne la responsabilité des écoles ainsi que des centres médicaux, et qu’elle commence une espèce de gouvernance, ce qu’elle n’a pas fait jusqu’à présent. Ce processus pourrait l’aider dans sa « capacity building » en tant qu’autorité gouvernante.

Mme Clémentine Autain (EcoS). Être en empathie et en révolte à l’égard des attaques terroristes insoutenables du 7 octobre et combattre l’antisémitisme ne peut effacer l’histoire au temps long de la colonisation israélienne à l’égard des Palestiniens, la vengeance aveugle qui a été imposée par Benjamin Netanyahou et le massacre inouï du peuple palestinien, à commencer par les femmes et les enfants. Cette stratégie qui est la vôtre ne protège pas les Israéliens mais sème la haine et la terreur.

Vous nous dites que cette guerre est menée au nom de la libération des otages mais même les familles des otages estiment que vous mettez en danger la possibilité de retrouver et libérer ces personnes indûment prises en otage. Je suis assez choquée par votre réécriture de l’histoire. En effet, vous nous avez expliqué qu’en Israël, vous étiez propriétaire de cette terre depuis des millénaires. Je suis également choquée de votre déni, de la volonté d’extermination des Palestiniens et surtout de la faiblesse de vos réponses sur le droit international. Les Nations unies disent en effet qu’il y a un risque plausible de génocide.

Vous avez dit que la paix devait régner avant la reconnaissance de l’État palestinien mais pensez-vous sérieusement que, sans la justice, il peut y avoir une paix entre vos deux peuples ? 

M. Joshua L. Zarka. Je ne peux accepter votre déclaration, notamment au vu des termes « massacre » ou « génocide ». Cette guerre nous a été imposée et, dans l’écriture de l’histoire, vous semblez oublier les efforts qui ont été faits par Israël et les offres de la création d’un État palestinien. Vous devriez lire ce qu’a dit le président Clinton, ou Hillary Clinton, qui disait clairement que l’État était dans les mains d’Arafat, avec la division de Jérusalem. Je faisais partie des négociateurs et ils n’avaient qu’à accepter. Je suis allé personnellement voir des dirigeants de pays arabes de la région pour leur demander pourquoi ils n’acceptaient pas cet accord. L’accord a été rejeté par Arafat trois fois : une fois à Camp David et deux fois à Taba. Il a ensuite été rejeté par Abou Mazen deux fois : une fois avec Olmert et une fois avec le deal du siècle de Trump. Ignorer cela revient à réécrire l’histoire.

M. Michel Herbillon (DR). Le 15 septembre 2020, les accords d’Abraham sont signés à Washington, prévoyant la normalisation des rapports entre Israël et les Émirats arabes unis ainsi qu’entre Israël et Bahreïn. Ces accords ont été prolongés par des accords de normalisation avec le Maroc et avec le Soudan. Des négociations étaient en cours avec l’Arabie saoudite, puis l’attaque terroriste du 7 octobre a arrêté le processus. Quel est l’avenir des accords d’Abraham ? Comment voyez-vous l’évolution des choses ?

M. Joshua L. Zarka. J’ai personnellement œuvré pendant de longues années pour ces accords. J’ai vécu au Bahreïn bien avant les accords d’Abraham pour créer ces relations et j’ai visité tous les pays de la région pour créer des liens dans les domaines commerciaux et entre les gouvernements. Cette guerre d’un an et quelques mois est la plus terrible que les Palestiniens et nous-mêmes avons vécue. Cependant, les ambassades des pays arabes sont toujours chez nous et nos ambassades sont toujours présentes dans tous les pays.

Les accords d’Abraham sont stables et ces pays ont opéré un choix stratégique. De plus, ils n’acceptent pas le chantage du Hamas et de l’Autorité palestinienne ainsi que la prise en otage des relations diplomatiques entre Israël et les pays arabes. Je crois que le futur est au développement des relations avec des pays comme l’Arabie saoudite et d’autres qui ont également fait ce choix. 

Mme Sabrina Sebaihi (EcoS). Je suis extrêmement choquée et surprise de votre réaction sur le terme de colonisation, que vous réfutez. Les 700 000 colons installés en Cisjordanie ne sont-ils pas pour vous de la colonisation ? Dès 2023, plusieurs centaines de Palestiniens en Cisjordanie avaient été tués, et cela bien avant le 7 octobre. De plus, la France, en 2024, a condamné, par un communiqué du Quai d’Orsay, la colonisation et adopté des sanctions : « La colonisation est illégale en droit international et doit cesser. Sa poursuite est incompatible avec la création d’un État palestinien viable, qui est la seule solution pour qu’Israéliens et Palestiniens puissent vivre, côte à côte, en paix et en sécurité ». 

M. Joshua L. Zarka. Le terme de colonisation désigne le phénomène dans lequel une puissance étrangère arrive dans un pays avec lequel il n’a aucun lien historique, comme la France l’a fait dans certains pays d’Afrique et dans d’autres endroits. Les Juifs, qui viennent de Judée, ne peuvent, par définition, pas être colons dans leur pays ancestral.

Cependant, nous sommes prêts à payer le prix d’une séparation d’une certaine partie de ces territoires pour créer une paix avec nos voisins palestiniens. Nous avons prouvé que nous étions capables de le faire et l’avons proposé plus d’une fois. Israël a en effet proposé cinq fois aux Palestiniens la création d’un État palestinien en Cisjordanie et en divisant Jérusalem. Cinq fois, ce sont des Palestiniens qui ont rejeté ces offres de paix.

M. le président Bruno Fuchs. Nous sommes reconnaissants pour les éclairages que vous avez apportés aujourd’hui dans un contexte d’incertitude. Le drame qui affecte le Proche-Orient nous préoccupe toutes et tous. Je vous remercie d’avoir répondu en votre âme et conscience.

La séance est levée à 11 h 00.

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Informations relatives à la commission

En conclusion de sa réunion, la commission désigne :

-          Mme Lætitia Saint-Paul et M. Alain David, rapporteurs d’une mission d’information sur l’irruption de l’intelligence artificielle dans les ingérences étrangères ;

-          Mme Liliana Tanguy et M. Pierre Pribetich, rapporteurs d’une mission d’information sur l’élaboration d’une doctrine française en matière de diplomatie parlementaire.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Clémentine Autain, Mme Anne Bergantz, Mme Véronique Besse, M. Jorys Bovet, M. Jérôme Buisson, M. Pierre-Yves Cadalen, Mme Eléonore Caroit, M. Sébastien Chenu, Mme Sophia Chikirou, M. Pierre Cordier, M. Alain David, Mme Dieynaba Diop, Mme Stella Dupont, Mme Christine Engrand, M. Olivier Faure, M. Nicolas Forissier, M. Bruno Fuchs, M. Julien Gokel, Mme Pascale Got, M. David Guerin, M. Michel Guiniot, M. Stéphane Hablot, Mme Marine Hamelet, M. Michel Herbillon, M. François Hollande, M. Vincent Jeanbrun, M. Alexis Jolly, Mme Sylvie Josserand, Mme Brigitte Klinkert, Mme Amélia Lakrafi, M. Arnaud Le Gall, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Alexandra Masson, M. Laurent Mazaury, Mme Mathilde Panot, M. Frédéric Petit, Mme Maud Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Jean-François Portarrieu, M. Pierre Pribetich, M. Remi Provendier, M. Stéphane Rambaud, M. Franck Riester, Mme Laurence Robert-Dehault, M. Jean-Louis Roumégas, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy, M. Boris Tavernier, M. Vincent Trébuchet, M. Lionel Vuibert

 

Excusés. - Mme Nadège Abomangoli, M. Hervé Berville, M. Bertrand Bouyx, Mme Christelle D'Intorni, M. Perceval Gaillard, M. Harold Huwart, Mme Marine Le Pen, Mme Nathalie Oziol, M. Davy Rimane, M. Laurent Wauquiez

 

Assistait également à la réunion. - Mme Sylvie Bonnet