Compte rendu
Commission
des affaires étrangères
– Audition, ouverte à la presse, de M. Jacques Maire, commissaire général de la section française à l’Exposition universelle d’Osaka 2025 et président de la Compagnie française des expositions (COFREX SAS) 2
Mercredi
12 mars 2025
Séance de 11 heures
Compte rendu n° 43
session ordinaire 2024-2025
Présidence
de M. Bruno Fuchs,
Président
— 1 —
La commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Jacques Maire, commissaire général de la section française à l’Exposition universelle d’Osaka 2025 et président de la Compagnie française des expositions (COFREX SAS).
La séance est ouverte à 11 h 00.
Présidence de M. Bruno Fuchs, président.
M. le président Bruno Fuchs. Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle à présent l’audition de M. Jacques Maire, commissaire général de la section française à l’Exposition universelle d’Osaka 2025, au Japon, et président de la Compagnie française des expositions (COFREX SAS).
Monsieur le commissaire général, je vous souhaite la bienvenue devant notre commission, que vous connaissez bien pour y avoir siégé et pour en avoir été le vice-président.
Je précise que cette audition se déroulera selon un format innovant. En effet, afin de laisser place à un maximum d’interactivité et d’échanges, il n’y aura pas d’interventions des orateurs des groupes mais seulement des prises de parole individuelles. À la lumière de l’expérience, nous verrons si nous pérennisons ce procédé.
Monsieur le commissaire général, anciennement diplomate, votre carrière vous a conduit à exercer diverses responsabilités au sein de l’État, comme directeur de cabinet de la ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement (1997-1998), délégué aux affaires européennes et internationales du ministère de l’emploi et de la solidarité (1998-2002) et directeur des entreprises et de l’économie internationale du ministère des affaires étrangères (2012-2014). Vous avez également une excellente connaissance du secteur privé, puisque vous avez été le directeur du développement international du groupe AXA, puis directeur général d’AXA groupe Hongrie et d’AXA Banque Hongrie (2002-2012) et directeur de l’agence de notation sociale et environnementale Vigeo-Eiris (2015).
Du premier téléphone de Graham Bell en 1876 à Philadelphie, aux robots humanoïdes créés par Toyota, Sony ou Honda en 2005 à Aichi, en passant par la tour Eiffel en 1889 à Paris, les Expositions universelles ont mis en lumière les grandes innovations industrielles et techniques de leur époque.
Aujourd’hui, ces événements internationaux s’avèrent uniques, invitant à explorer un thème universel de manière participative et immersive en rassemblant des dizaines de millions de visiteurs.
L’Exposition universelle de 2025 se tiendra à Osaka, au Japon, du 13 avril au 13 octobre prochains, sur le thème « Concevoir la société du futur, imaginer notre vie de demain ». La France sera de nouveau au rendez-vous de ce grand événement, à travers son pavillon, très bien placé dans l’Exposition.
Je vous cède la parole, monsieur le commissaire général, pour que vous nous présentiez ce pavillon et que vous nous indiquiez la manière dont la présence française à cette Exposition universelle peut renforcer l’influence de la France, ainsi que ses relations au Japon et dans toute la zone indopacifique.
M. Jacques Maire, commissaire général de la section française à l’Exposition universelle d’Osaka 2025 et président de la Compagnie française des expositions (COFREX SAS). C’est un moment particulier pour moi de vous retrouver dans cet espace qui a souvent abordé la diplomatie d’influence, mais rarement les Expositions universelles ces dernières années. J’ai eu l’honneur de vous représenter pour l’Exposition de Dubaï, en tant que parlementaire désigné par l’Assemblée nationale pour le comité stratégique. J’ai également été impliqué dans la tutelle du pavillon français de Milan. Je suis accompagné de Samuel Barbe, qui pourra vous aider dans la démarche d’appropriation, voire de projection, du pavillon dans vos différentes circonscriptions.
Une vidéo est projetée.
M. Jacques Maire. La vidéo projetée montre un résumé du parcours visiteur, avec une exposition permanente intitulée Pulsations, qui se déroule en plusieurs étapes.
Une photographie du chantier est diffusée.
M. Jacques Maire. Cette photographie vous montre l’état du chantier il y a environ quinze jours et reflète le défi considérable que représente la construction, en deux ans, d’un bâtiment exceptionnel – tant sur le plan architectural que scénographique – de 4 000 mètres carrés à l’autre bout du monde, en droit local. Le bâtiment fait environ six étages de haut et 90 mètres de long, construit pour une durée de six mois. Il accueillera une grande exposition immersive, un bistrot, une boulangerie, un espace de conférence, un jardin, des salons protocolaires et tout le nécessaire pour recevoir environ 3 000 visiteurs par heure, soit un flux de 25 000 à 30 000 personnes par jour.
Les Expositions universelles ne sont pas un lieu d’affrontement classique, mais plutôt un concours de beauté où chaque pays cherche à briller à travers son architecture et sa scénographie. Pour nous, Français et Européens, ces événements peuvent sembler appartenir au passé, mais ils restent des lieux de projection et des enjeux pour les pays émergents qui cherchent à effectuer de la promotion nationale. Ces événements, comme ceux de Dubaï en 2020, Riyad en 2030 ou Belgrade en 2027, mobilisent des moyens considérables et constituent des opportunités d’affirmation.
À la question de savoir si la participation française et européenne à ce type d’exercice est pertinente, je répondrais qu’il est crucial de ne pas considérer l’influence et le rayonnement, notamment linguistique et culturel, de la France comme acquis. Ces Expositions offrent une visibilité pour les domaines de l’esthétique, du design, de l’art et de l’économie.
Le Japon a fait des Expositions universelles un élément fondamental de son affirmation nationale, en organisant régulièrement de tels événements depuis 1970. L’organisation d’un tel événement est exigeante pour le pays, qui sort des restrictions liées à la pandémie de covid-19 et de l’échec majeur des Jeux olympiques de Tokyo, très coûteux et sans public. Le niveau qualitatif de cette Exposition universelle est exceptionnel.
Pour l’Exposition d’Osaka 2025, le pavillon français sera situé juste à la sortie du métro, face au pavillon américain, qu’il dépasse en hauteur et en largeur. Cette position témoigne de l’attractivité de la France pour le public japonais.
Cependant, malgré d’excellentes relations, nos échanges économiques avec le Japon restent limités après une importante vague d’investissements il y a une trentaine d’années. Le Japon nous considère comme le cinquième territoire d’investissement en Europe. Notre mandat est donc de reconquérir le cœur des Japonais, particulièrement celui des jeunes générations, auxquelles l’amour de la France n’a pas été transmis. Reconquérir cet espace mental nous permettra de rayonner à nouveau, demain, dans les champs culturel et artistique, mais aussi des arts de vivre, de l’alimentation ou encore de la technologie.
Notre pavillon se veut un « hymne à l’amour », avec un environnement très textile et une grande rampe dorée. Nous avons souhaité une approche plus subtile et féminine que celle du pavillon américain. Cette thématique de l’amour est très associée à la France et permet de décliner de nombreuses activités, notamment économiques et culturelles. Le thème de l’amour de soi nous permettra d’évoquer la santé, l’éducation, le vieillissement et l’autonomie. Le thème de l’amour des autres sera lié, dans le pavillon, à l’art de vivre, à la culture, au jeu, au sport, à l’inclusion et au rapport à l’extérieur. Enfin, le thème de l’amour de la nature nous permettra d’aborder la transition environnementale, la biodiversité et l’économie circulaire.
La scénographie du pavillon a été conçue pour offrir une expérience cohérente et immersive, s’éloignant du concept traditionnel de showroom. Elle intègre des éléments sonores de l’institut de recherche et de coordination acoustique/musique (IRCAM), une signalétique inspirée de Rodin et une continuité autour de l’amour pour un voyage au pays des savoir-faire, avec beaucoup de références à des collaborations franco-japonaises.
Enfin, une innovation majeure est la création d’un pavillon virtuel, permettant une visite à l’échelle 1:1 à la Cité de l’architecture, visible jusqu’au 30 mars, ainsi qu’une expérience en ligne gratuite. Cela permettra de faire des projections à 360 degrés de ce pavillon, avec des contenus augmentés, dans les collectivités locales, les lieux d’enseignement et les établissements culturels, afin de faire vivre cette fierté française dans vos territoires.
M. le président Bruno Fuchs. Pouvez-vous nous donner des précisions sur votre approche en termes de partenariats économiques et nous fournir quelques éléments concernant le montage financier de ce projet ?
M. Jacques Maire. Concernant l’équation financière, il s’agit d’un partenariat public-privé. Nos partenaires sont impliqués dans la programmation, qui comprend douze quinzaines thématiques couvrant divers sujets, de l’espace aux océans, en passant par la biodiversité et l’agroalimentaire. Ces thématiques offrent une visibilité importante à de nombreux acteurs, qu’il s’agisse d’entreprises ou de territoires. Par exemple, le pôle de compétitivité Vitagora, la ville et le port de Dunkerque ou encore la région Alsace font partie de nos partenaires. Notre écosystème de partenaires est extrêmement diversifié et représente environ 12,5 millions d’euros pour le pavillon, sans compter les investissements supplémentaires pour l’activation de leur présence.
Concernant les budgets, le pavillon fonctionne comme un centre de coûts. Nos seules recettes propres proviennent de nos résultats financiers, de l’exploitation et des privatisations, car les recettes de billetterie sont captées par les Japonais qui investissent des milliards alors que nous investissons des dizaines de millions.
Le budget comprend 42,5 millions d’euros de l’État, répartis entre quatre ministères (30 % pour le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, le ministère de l’économie et des finances et le ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche ainsi que 10 % pour le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche). Nous avons également quatre partenaires Gold, à savoir LVMH, AXA, Les Vins d’Alsace et la biotech NinaPharm, ainsi que des partenaires Silver, Bronze et de nombreuses petites et moyennes entreprises (PME).
Nos partenaires incluent de grandes entreprises du CAC 40 et du SBF 120, mais aussi un pôle de PME, notamment dans le design et la scénographie, fédéré par le Mobilier national et la Manufacture de Sèvres. Le pavillon lui-même est une vitrine du savoir-faire français en matière de mobilier et notre boutique met en avant le made in France.
Concernant les dépenses, la construction représente le poste le plus important, environ 28 ou 29 millions d’euros. L’investissement total, incluant la scénographie, s’élève à près de 7 000 euros par mètre carré pour 4 000 mètres carrés, ce qui reste 40 % moins cher que la moyenne des autres pavillons. Ce coût élevé s’explique par l’éloignement, les pénuries de matériaux au Japon, le coût de la main-d’œuvre locale et les pratiques commerciales parfois abusives liées à la forte demande. Notre avantage comparatif réside dans la création de la COFREX, un partenaire professionnel dédié qui a pu établir une filiale locale plusieurs années à l’avance, permettant une gestion plus efficace et moins coûteuse des marchés en droit local.
Mme Maud Petit (Dem). J’aimerais savoir quels projets innovants et technologiques du futur seront présentés par la France et comment ces innovations pourront contribuer à résoudre les défis mondiaux, actuels et futurs.
De plus, quel sera l’héritage de cette Exposition universelle d’Osaka ? Je pense notamment à l’exemple de l’Exposition universelle de 1900 à Paris, où la bibliothèque Schœlcher avait été démontée et remontée à Fort-de-France, où elle est toujours visible aujourd’hui. Pouvons-nous espérer un héritage similaire après Osaka ?
M. Jacques Maire. Nous présentons de nombreuses innovations de nos partenaires.
Par exemple, NinaPharm, qui développe des cellules anti-vieillissement pour des produits médicaux, apportera sur le pavillon un olivier millénaire, dont les racines créent un microbiome particulièrement résistant, démontrant une performance impressionnante en matière de régénération cellulaire. Ce concept est très apprécié au Japon.
Un autre exemple d’innovation est notre partenariat avec Dassault Systèmes, qui évolue significativement. Initialement spécialisée dans les logiciels de conception industrielle, cette entreprise se développe maintenant dans le domaine de la santé, notamment avec des technologies d’immersion dans le corps humain.
Il est important de noter que les entreprises présentes ont une véritable stratégie commerciale. Ce n’est pas un simple événement, mais une opportunité pour des entreprises ayant des objectifs stratégiques précis.
De plus, dans le domaine du son, nous avons une alliance entre NEXO, producteur de haut-parleurs de haute technologie, et l’IRCAM, créant une expérience sonore unique. Cette innovation, liée aux industries créatives et culturelles, offre une continuité sonore tout au long du parcours du pavillon, avec des centaines de haut-parleurs adaptant l’ambiance musicale en fonction de l’univers de chaque installation.
Nous consacrerons également un mois au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), le principal producteur de brevets en France, qui présentera un showroom technologique dans le cadre d’une exposition temporaire.
Concernant l’héritage, nous ne proposons pas de reconstruire le pavillon ailleurs, ce qui serait complexe. Pour concilier durabilité et héritage, nous avons décidé, pour la première fois, de rendre le constructeur propriétaire du pavillon. Cette stratégie permet d’avoir un seul opérateur responsable de la construction, de la déconstruction et de la reconstruction éventuelle. Les expériences passées où cela n’a pas été fait se sont soldées par des échecs. De plus, en rendant le constructeur propriétaire du pavillon, nous l’incitons à aller plus loin dans la recyclabilité. Par exemple, pour les bureaux du personnel, qui représentent plus de 500 mètres carrés, nous souhaitions du préfabriqué. Initialement réticent, car cela réduisait sa marge, le constructeur a finalement accepté cette solution, comprenant qu’il pourrait revendre ces éléments par la suite.
M. le président Bruno Fuchs. Ce pavillon est-il déjà en prérevente ou sera-t-il démonté et revendu ailleurs ?
M. Jacques Maire. La gestion future du pavillon incombe au constructeur. Il est conçu pour être recyclé au maximum, mais nous ignorons s’il y aura un acheteur. Affirmer qu’il est écologiquement viable de déconstruire est compliqué, notamment compte tenu des infrastructures en sous-sol. Le transport en conteneurs, le stockage dans des conditions difficiles, puis la reconstruction après une longue période d’inactivité, soulèvent des questions importantes. Ce sujet est donc assez sensible.
Mme Maud Petit (Dem). J’aimerais que vous nous expliquiez le fonctionnement de cette visite virtuelle à la Cité de l’architecture. Comment allez-vous promouvoir cette expérience pour permettre aux Français qui ne pourront pas se rendre au Japon de visiter néanmoins les pavillons ?
M. Frédéric Petit (Dem). Si le constructeur est propriétaire, la valeur du bâtiment est-elle incluse dans le budget ?
M. Jacques Maire. Concernant la question de Maud Petit, il est crucial de comprendre l’environnement numérique. L’expérience à la Cité de l’architecture prendra fin le 30 mars, date à laquelle nous inaugurerons le véritable pavillon. Ce que vous voyez est le modèle numérique de la future construction. Cet outil professionnel a été ouvert à quelques visites, notamment de parlementaires, pour donner un aperçu du pavillon et illustrer la nouvelle approche collaborative entre architectes, scénographes et maîtres d’ouvrage, en anticipation de la construction. Il s’agit d’une révolution dans les méthodes de construction que le promoteur souhaite mettre en avant. Le véritable pavillon sera archivé à la Cité de l’architecture. Nous vous proposons de mettre à disposition gratuitement un film à 360 degrés du pavillon, permettant une visite virtuelle déroulante, avec ou sans médiation, comprenant des contenus supplémentaires. Cette expérience sera accessible gratuitement dans le monde entier, notamment via les Alliances françaises, l’Institut français et les micro-folies intéressées. En effet, nous souhaitons que les Français soient bénéficiaires de cet investissement important.
Concernant la question de Frédéric Petit, le fait de rendre le constructeur propriétaire nous a permis de réduire le coût du pavillon. Nous n’avons plus à payer les frais de déconstruction et le constructeur valorise le matériel recyclé dans son offre. Cela nous évite de faire un pari sur les coûts de la déconstruction et du recyclage. C’est un moment important des négociations, le constructeur cherchant à maximiser son gain pour remporter le marché. Le prix total pour le constructeur inclut donc la valorisation du pavillon en fin de vie.
Mme Christine Engrand (NI). L’Exposition universelle d’Osaka représente une opportunité pour la France de promouvoir son savoir-faire à l’échelle internationale. Cependant, dans un contexte où notre pays fait face à une crise de compétitivité et à un affaiblissement de son attractivité économique, il est impératif de s’interroger sur les retombées concrètes de cet événement pour notre pays. L’Exposition doit impérativement aller au-delà d’une simple vitrine pour la France et doit être un véritable levier pour renforcer notre souveraineté économique et attirer les investissements étrangers, qui fuient actuellement notre territoire. Monsieur Maire, votre responsabilité dans la préparation de cet événement est considérable. Nous devons nous assurer que la France sortira renforcée sur les plans économique et politique. Alors que nous constatons cette perte de souveraineté industrielle, comment utiliser cet événement pour valoriser et protéger les entreprises françaises face à la concurrence internationale ? Et quelles garanties pouvons-nous espérer concernant des retombées économiques tangibles pour la France ?
M. Jacques Maire. Votre question est légitime, car la présence de la France à cette Exposition représente beaucoup d’argent public mais aussi beaucoup d’argent privé. Notre stratégie est de créer un pavillon permettant une expérience exceptionnelle et différenciante, offrant aux entreprises françaises un écrin pouvant devenir un outil inédit pour leurs relations publiques, financières et commerciales. Nous souhaitons de plus que la ligne éditoriale de ce pavillon soit vraiment très spécifique et valorise tout le monde.
Ensuite, la stratégie des différents secteurs industriels par rapport à ce pavillon dépend de ce qu’ils souhaitent en faire. Nous n’avons pas de stratégie industrielle, car nous sommes un porte-avions des stratégies des acteurs. Nous avons saisi l’intégralité des pôles de compétitivité, du SBF 120 ou encore des régions en leur offrant cette possibilité. Certains se sont dits intéressés et prêts à investir de fortes sommes pour y arriver.
La question la plus difficile, pour nous, est la qualification du résultat. En effet, nous avons l’exemple de Dubaï et de Milan. À Dubaï, 15 000 entrepreneurs étaient individuellement présents au sein du pavillon. Les indicateurs quantitatifs seront différents à Osaka, avec moins d’acteurs et une présence davantage pensée comme du sur-mesure.
Ce qui est intéressant est que nous avons eu des bonnes et de mauvaises surprises. Nous constatons que, dans le système économique français, de grands groupes du CAC 40, totalement englués dans une gouvernance très complexe, mettent des mois à se décider pour 50 000 euros, tandis que des entreprises de taille intermédiaire (ETI) dirigées par un actionnaire unique – dont le résultat est vingt fois inférieur, tout en étant profitable – décident d’investir 200 000 euros en l’espace d’un mois, parce qu’elles sont convaincues par la démarche. Nous avons donc beaucoup plus de diversité qu’il y a quelques dizaines d’années. Si cette diversité est une très bonne surprise, de même que le fort succès que nous avons rencontré auprès des entreprises qui vendent des produits de consommation, nous avons été déçus par l’attitude d’industriels très présents au Japon, comme Fives, Veolia, les énergéticiens, un acteur automobile historique sur place ou encore Air Liquide. Pour ces entreprises, l’image de la France n’est pas totalement fondamentale pour leur activité, ce qui est certainement vrai dans la relation au quotidien, mais se révèle faux le jour où il y a des problèmes. De plus, il est important de faire savoir que la France a une stratégie très importante de réindustrialisation bas carbone. Nous laissons, jusqu’au dernier moment, la chance à ces entreprises de louer des espaces et de faire rayonner le pavillon, car nous les aimons beaucoup et tenons à leur développement au Japon.
M. Jean-François Portarrieu (HOR). Il y a un engouement de la population japonaise pour ce type d’événement. Comment l’expliquez-vous ? Regrettez-vous qu’il n’en soit pas de même pour les Français ?
M. Jacques Maire. La tradition au Japon est effectivement assez forte. Actuellement, cet engouement vient davantage d’un volontarisme des pouvoirs publics que d’un appétit du public, puisque les Japonais sont plutôt dans une phase de recul et de renfermement culturel et national. Le gouvernement a fait le choix d’accueillir deux événements majeurs, avec les Jeux olympiques et l’Exposition universelle. Le public japonais est habitué à ce genre de manifestation. En même temps, on ne peut pas refaire l’Exposition d’Osaka 1970, qui constituait la révélation d’une économie industrielle avancée au monde entier et une opportunité inédite d’accès à la baguette, aux croissants et à la culture mondiale. Il faut donc trouver des critères de succès quelque peu différents.
L’un de nos défis est la très forte crise sociale japonaise, avec un repli sur soi et une digitalisation des rapports humains. La visite d’exposition n’est plus dans les pratiques culturelles, y compris pour les jeunes générations. Un voyage de deux jours à Osaka, pour deux personnes, représente un budget de 1 000 euros. Or, les moyens des jeunes Japonais sont inférieurs aux moyens des jeunes Français. Cette pratique culturelle est donc en danger pour les jeunes générations, au-delà du grand public et du public familial qui viendra.
Nous avons créé ce pavillon virtuel et cette visite à 360 degrés afin d’aller vers ces publics qui risquent de ne pas pouvoir venir. Un autre aspect important est situé à l’entrée. 90 % des visiteurs qui passeront devant le pavillon ne pourront pas entrer car le flux d’entrée est de l’ordre de 25 000 personnes par heure et nous ne pourrons en accueillir que 2 500, d’où la nécessité, pour nous, de faire un effet d’annonce avec cette belle vitrine, qui peut être accompagnée, pour ceux qui ne peuvent pas entrer, d’une visite à distance.
M. Michel Guiniot (RN). L’Exposition universelle d’Osaka réunira 160 pays ou régions au Japon pour un événement mondial, qui ne se produit qu’une fois tous les cinq ans. Malgré le phénomène d’ampleur de cet héritage des Expositions universelles, célébrant la culture et les progrès industriels, fruit d’une saine compétition internationale ayant débuté en 1851, les places peinent visiblement à partir. Les nombreuses restrictions qui ont lieu dans les alentours de l’île artificielle sur laquelle se tiendra l’événement et le contexte d’inflation mondiale sont peut-être des facteurs qui font perdre un peu d’intérêt à cette grande réunion. Seulement 7,8 millions de billets ont été vendus, sur les 15 millions que les organisateurs souhaitaient vendre. Comment le comité d’organisation comblera-t-il le manque de participation à cet événement ? Comment vous êtes-vous assuré de l’attractivité du pavillon français pour démarquer notre savoir-faire ? La société du futur devra-t-elle amener les Expositions universelles à repenser leurs formats ou, tout du moins, leurs objectifs ?
M. le président Bruno Fuchs. C’est effectivement une source d’inquiétude pour les promoteurs, notamment ceux du pavillon français.
M. Jacques Maire. Les Japonais excellent dans la conception et la construction d’objets de qualité, ce qui se reflète dans le design remarquable de l’Exposition. Leur capacité d’anticipation est également à noter. Cependant, la communication et la simplicité des processus ne sont pas aussi maîtrisées. Par exemple, le nombre de followers pour l’Exposition 2025 d’Osaka est bien inférieur à celui de Riyad 2030, illustrant cette différence. Le processus d’achat des billets est particulièrement complexe, nécessitant la lecture de six pages avant de pouvoir s’identifier. En tant que représentants de la France au comité exécutif de l’Exposition, nous avons fortement insisté sur la nécessité de simplifier ce processus qui explique en partie le retard dans les ventes. Des améliorations sont en cours, bien qu’insuffisantes. Nous observons des similitudes avec les Jeux olympiques : un scepticisme initial mais une réelle qualité d’organisation. Nous sommes convaincus que la situation va s’améliorer et l’opinion publique évolue déjà positivement depuis quelques semaines. Le pavillon français, étant bien situé, est assuré d’avoir un flux de visiteurs massif. Notre préoccupation porte davantage sur le succès global de l’Exposition et son image que sur la fréquentation de notre pavillon.
Pour y remédier, nous faisons du lobbying auprès des Japonais et contribuons à la communication autour du pavillon. Nous avons des partenariats importants concernant la communication, notamment avec JCDecaux et AXA. De plus, nous collaborons avec des collectivités japonaises partenaires, qui sont ambassadrices de notre pavillon sur leurs territoires. Ainsi, nous avons créé un réseau d’amis du pavillon français, couvrant à la fois les médias et les territoires, assurant une présence forte dans l’espace public japonais.
M. Michel Guiniot (RN). Avez-vous une estimation de la proportion de visiteurs locaux, par rapport à ceux venant du reste du monde ?
M. Jacques Maire. Nos estimations indiquent environ 85 % de visiteurs japonais et 15 % de visiteurs venant du reste du monde, principalement d’Asie de l’Est. Concernant le public français, qui est un public haut de gamme du point de vue économique, les tour-opérateurs vendent des billets pour l’Exposition avec beaucoup de succès depuis des mois. Nous prévoyons une présence significative de visiteurs français à l’échelle du marché japonais, lointain et coûteux.
M. le président Bruno Fuchs. Est-ce cette proportion de 85 % qui vous a conduit à concevoir le pavillon principalement pour un public japonais ?
M. Jacques Maire. En effet. Avec 85 % de visiteurs japonais, une forte puissance financière, une capacité d’investissement considérable et un marché particulièrement profond et solvable, nous avons choisi de nous concentrer sur ce public. Cependant, notre approche de communication reste adaptée à l’ensemble de l’Asie de l’Est, permettant aux visiteurs coréens ou chinois de se retrouver également dans la façon dont nous avons pensé ce pavillon.
M. Julien Gokel (SOC). L’Exposition universelle d’Osaka représente une opportunité unique pour la France de valoriser son savoir-faire, son attractivité économique et ses innovations. Le pavillon français jouera un rôle essentiel et nous sommes particulièrement fiers que la ville de Dunkerque ait été choisie pour représenter notre pays en tant que laboratoire de la décarbonation sur les thématiques des villes et ports durables. Dans cette perspective, pouvez-vous préciser les axes stratégiques retenus pour maximiser l’impact de notre présence à Osaka ? Quels dispositifs seront mis en place pendant l’Exposition universelle et dans les mois suivants pour obtenir des retombées concrètes pour nos territoires ? Les moyens alloués par le gouvernement sont-ils suffisants selon vous ?
Par ailleurs, en ma qualité de président du groupe d’amitié France-Japon, qui compte plus de 60 députés de tous bords politiques engagés à renforcer les liens tissés depuis des siècles avec nos amis japonais, je souhaiterais savoir comment ce groupe peut être pleinement intégré à la préparation et au déroulement de l’Exposition universelle. Je me tiens à votre disposition pour en parler si vous souhaitez coordonner nos actions en vue de la réussite de la section française à Osaka.
M. Jacques Maire. La ville de Dunkerque et son port seront effectivement très présents, notamment pendant la quinzaine thématique, mais la montée en puissance de ce sujet s’est construite bien en amont. C’est un véritable partenariat de communication et de mobilisation. Pour illustrer notre approche, l’investisseur Yusen, qui a réalisé un important investissement logistique, sera reçu dans le pavillon avec un traitement protocolaire de très haut niveau, bien au-delà de la quinzaine de Dunkerque. Tous les prospects commerciaux, financiers, investisseurs, distributeurs et logistiques utiles au port de Dunkerque bénéficieront d’un traitement approprié durant les six mois de l’Exposition.
Concernant les moyens, on ne peut pas dire que 42 millions d’euros soient insuffisants, compte tenu des contraintes sur les finances publiques. Il s’agit d’un budget conséquent, suffisant pour ce que nous souhaitons réaliser. Nous aurons bientôt une Exposition universelle à Belgrade, puis à Riyad en 2030. Vous aurez peut-être à vous positionner, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2026, sur le niveau d’ambition que l’on souhaite pour ce genre d’événement. Cependant, la France ne peut pas se permettre de jouer la demi-mesure, car un pavillon décevant ne rencontre pas sa cible et représente un gaspillage d’argent qui n’engage pas les partenaires.
Ensuite, je vous invite, avec les parlementaires du groupe d’amitié et ceux que cela intéresse, à visiter d’abord le pavillon virtuel avant le 30 mars, puisque vous n’irez pas tous à Osaka. En outre, nous pouvons vous présenter le film à 360 degrés à l’Assemblée nationale au mois de juin pour vous faire vivre l’expérience du pavillon. Je pense aussi que le groupe d’amitié peut, à travers ses membres, diffuser ce pavillon lors d’événements dans les territoires. La ville de Dunkerque le fera, y compris dans des établissements scolaires, car c’est une fierté à partager. Enfin, nous sommes bien sûr en mesure de vous accueillir sur place. Nous ne prenons pas en charge le transport, mais, sur le lieu de l’Exposition, nous avons une direction du protocole très compétente, qui pourra vous offrir le traitement approprié pour que vous viviez la meilleure expérience possible. Nous accueillons quotidiennement trois délégations institutionnelles, internationales et françaises, comprenant de nombreux présidents de région, de grandes villes, mais aussi beaucoup de ministres étrangers. Les parlementaires peuvent nous communiquer les sujets qui les intéressent, comme les océans ou la nutrition, afin que nous puissions anticiper leur venue dans le cadre d’une programmation déjà visible. Ainsi, nous pouvons faire en sorte que les parlementaires bénéficient de cet environnement et que leur visite rayonne, bien au-delà du pavillon français, dans leurs centres d’intérêt.
M. Michel Herbillon (DR). Nous vous souhaitons beaucoup de succès pour votre mission et pour la mise en œuvre du pavillon français.
Vous n’avez pas cité le nom des architectes. Qui sont les architectes de ce pavillon et qu’ont-ils réalisé auparavant ?
M. Jacques Maire. Les architectes sont Thomas Coldefy et Carlo Ratti. Thomas Coldefy est une agence de taille moyenne du Nord–Pas-de-Calais, très impliquée dans différentes régions françaises, mais aussi à l’international, notamment en Chine et aux États-Unis. Il s’agit du premier pavillon international d’exposition créé par cette agence, notamment spécialisée dans les grands équipements publics et résidentiels.
Il s’agit de consortiums et d’un marché de construction-conception, ce qui signifie que l’architecte est sous-traitant du constructeur. Bien que cela soit contraignant pour l’architecte, cette organisation est la seule façon de pouvoir délivrer à temps.
Carlo Ratti, grand nom de l’architecture italienne, est l’architecte en chef de la biennale d’architecture de Venise qui s’ouvre actuellement et l’un des penseurs internationaux importants en matière d’organisation urbaine.
M. Michel Herbillon (DR). Avez-vous envisagé la possibilité de maintenir le pavillon français de manière permanente après l’Exposition, afin qu’il devienne une image durable de la France au Japon ?
M. Jacques Maire. Le terrain sera rasé et remis dans son état initial à la demande des Japonais. La question de la pérennisation sur place ne se pose donc pas. Ce terrain sera utilisé dans le cadre d’un grand complexe lié au divertissement.
M. Michel Herbillon (DR). Quelle image de la France souhaiteriez-vous que les visiteurs conservent après avoir visité le pavillon français ?
M. Jacques Maire. Nous voulons apporter une réponse à la quête de sens. Les gens sont perdus, y compris sur la question du rôle de la technologie. Quand vous dites aux jeunes que leur avenir sera meilleur parce qu’un robot leur apportera le café le matin, alors qu’ils sont seuls face à leur écran, cela ne résout pas leurs problèmes. Le message différenciant que nous apportons est de donner la possibilité de montrer que les offres et les technologies répondent à des besoins fondamentaux de l’homme et de la nature.
M. Stéphane Rambaud (RN). L’Exposition universelle d’Osaka 2025 aura pour thème « Concevoir la société du futur, imaginer notre vie de demain ». Cet événement mettra en lumière les avancées technologiques qui façonneront l’avenir de l’humanité, avec une attention particulière portée à l’intelligence artificielle et à la robotique. Dans ce cadre, la robotisation apparaît comme l’un des leviers majeurs des transformations économiques et industrielles à venir. De nombreux pays ont fait de l’automatisation un outil stratégique pour pallier les pénuries de main-d’œuvre et accroître leur compétitivité. Le Japon a développé, en raison du vieillissement de sa population, la robotique dans l’industrie, la logistique et les secteurs médicaux. La Corée du Sud, leader mondial en densité robotique, a massivement automatisé ses processus industriels. L’Allemagne, à travers l’industrie 4.0, a renforcé la robotisation pour optimiser la production manufacturière. En France, cette transition est encore au stade embryonnaire. Dans le cadre de l’Exposition universelle d’Osaka, la France compte-t-elle enfin explorer et promouvoir activement la robotisation comme une solution crédible pour répondre aux besoins de nos entreprises et renforcer notre compétitivité ?
M. Jacques Maire. La robotisation sera très présente dans l’Exposition en général, où les robots seront présents un peu partout. Dans la mesure où ils sont déjà présents dans tous les restaurants japonais un peu développés, il s’agit d’un produit qui, du point de vue de l’expérience visiteur, est un peu banalisé sur le plan de la vie quotidienne et des environnements festifs. À ce stade, nous n’avons pas de robot dans l’exposition permanente ni dans l’interaction entre le visiteur et le pavillon. Nous nous sommes posé la question du choix entre un robot ou un hologramme et nous avons finalement préféré privilégier le rapport humain. Il est possible qu’il y ait de la robotique dans la présentation du CEA, puisque tout n’est pas encore finalisé. Par ailleurs, nous avons envisagé d’avoir un robot sous forme d’exosquelette permettant à une personne handicapée de marcher. Nous voulions le mettre en scène, mais nous n’avons pas trouvé de solution scénographique satisfaisante. Il nous semblait intéressant de montrer qu’un robot peut aider une personne invalide à retrouver une plus grande mobilité.
M. Frédéric Petit (Dem). Je suis ravi que nous abordions ce sujet dans une nouvelle formule, plus ouverte. Je tiens à signaler que, contrairement à ce qui a été dit, la France est toujours championne d’Europe de l’attractivité des investissements étrangers.
Le coût d’entrée administratif est terrible au Japon. Les Français présents sur place y ont beaucoup souffert durant la crise liée à la pandémie de covid-19.
Par ailleurs, je rappelle que la coupe du monde de rugby de 2019, organisée au Japon, a rencontré un grand succès.
Vous avez évoqué la création de la COFREX. Je me pose beaucoup la question de la mise en silo de notre administration et de différentes démarches transversales. J’aimerais que vous me décriviez comment un travail aussi transversal, ayant réuni plusieurs ministères, a été mené. Quelle est la tutelle de la COFREX ? Les ministères mentionnés sont-ils représentés ? Comment se passe cette coordination entre des éléments traditionnellement répartis en plusieurs tranches dans notre administration ? Comment avez-vous senti ce travail, qui concerne des missions de l’État français parfois gérées en silo ?
M. Jacques Maire. Avant 2017, nous réinventions le processus pour chaque Exposition, ce qui n’était plus viable face à la concurrence internationale croissante en termes d’immersion, de coûts et de scénographie. La création de la COFREX, avec son équipe dédiée de professionnels de l’événementiel et de la construction d’expériences, apporte une valeur ajoutée significative. Elle permet une meilleure gestion des fonds publics et positionne la France dans un environnement concurrentiel, avec un niveau d’ambition installé dès la conception du projet. L’un des avantages de cet opérateur dédié est sa capacité à favoriser les relations avec tous les acteurs de « l’équipe de France », qu’il s’agisse des maisons de luxe, des pôles de compétitivité, des ministères ou encore des grands établissements publics. Cette continuité relationnelle d’une Exposition à l’autre est précieuse. Par exemple, nous collaborons avec le Mobilier national pour recréer des meubles conçus par Paulin pour l’Exposition d’Osaka 1970. Ce type de projet est rendu possible grâce à la relation de confiance établie au fil du temps avec le Mobilier national.
Quant à l’avenir, il est envisageable que la COFREX étende ses compétences à d’autres grands événements mondiaux. La forme actuelle de société anonyme semble appropriée, mais d’autres options pourraient être explorées. En comparaison avec les difficultés rencontrées pour les Expositions de Milan et de Shanghai, le choix de l’État de créer cet opérateur dédié apparaît judicieux.
Mme Liliana Tanguy (EPR). Je souhaite aborder la question du rayonnement de la France à travers sa gastronomie et son caractère maritime, particulièrement en Bretagne. Vous avez mentionné l’importance de valoriser les territoires. Je voudrais savoir si des initiatives sont prévues pour la Bretagne.
Dans ma circonscription, sur le port de Loctudy, une entreprise remarquable produit de l’algue française et l’exporte au Japon, ce qui est une performance notable. Elle utilise des méthodes de conditionnement inspirées des techniques traditionnelles japonaises. Il serait intéressant que de telles petites entreprises, qui se battent pour exister à l’international et sur leur territoire, puissent être représentées lors de cet événement.
M. le président Bruno Fuchs. J’appuie cette demande, d’autant plus que vous avez insisté sur l’importance de l’hymne à l’amour, de la tendresse et de l’affection, au-delà des aspects purement commerciaux et rationnels. Il y a peut-être une place affective pour ce type d’entreprise.
M. Jacques Maire. La Bretagne est une grande déception dans le cadre de cet événement. J’ai sollicité à de nombreuses reprises le conseil régional, le conseil départemental, la communauté urbaine de Brest, les pôles de compétitivité ou encore les pôles mer. Nous sommes un porte-avions, mais nous n’organisons pas les événements. Les acteurs doivent s’organiser, concevoir leurs projets et se projeter sur place. Par exemple, il existe un beau jumelage entre Yokosuka et Brest. J’ai moi-même lancé un échange entre les maires des deux villes à l’occasion de Brest 2024. Ils se sont rencontrés, mais, malheureusement, rien ne s’est concrétisé ensuite, ce qui est regrettable. Je comprends qu’il puisse y avoir des contraintes budgétaires, voire politiques.
Madame Tanguy, votre circonscription sera représentée dans la programmation, puisque le lycée maritime du Guilvinec sera accueilli au sein du pavillon français. Il semble un peu complexe qu’une entreprise, comme celle que vous avez mentionnée, soit présente seule, car il aurait fallu imaginer une mission collective autour du pôle mer, ce qui n’est pas le cas. Néanmoins, si elle souhaite participer, nous l’accueillerons de manière personnalisée. Il est encore possible de monter des événements, mais il faut les autofinancer.
Mme Liliana Tanguy (EPR). Cette entreprise pourrait peut-être se concerter avec le lycée maritime du Guilvinec. Je propose de les mettre en relation, ce qui pourrait faciliter leur accueil.
M. le président Bruno Fuchs. Vous pourriez également envisager une association avec une autre région. Quelle est la région de France la plus active dans ce domaine ?
M. Jacques Maire. Il s’agit du Grand Est, qui n’a pas été décevant, notamment grâce à l’énergie déployée par l’Alsace. Cependant, je dois exprimer un regret relatif au désengagement du centre européen d’études japonaises d’Alsace (CEJA) concernant la venue d’une mangaka qui devait réaliser une fresque au musée européen du manga, à Colmar. Pour des raisons budgétaires, tant du côté de la région que du CEJA, ce projet important risque de ne pas voir le jour.
Mme Stella Dupont (NI). Votre audition nous permet de mieux mesurer la capacité à fédérer que nécessite un tel projet, dans un délai relativement court, ce qui représente un véritable défi pour vous et vos équipes. Je vous félicite de votre engagement en faveur de la concrétisation de cette belle Exposition universelle dans quelques semaines.
Les verbes « fédérer », « collaborer » et « réunir » semblent être au cœur de votre vocabulaire quotidien. Ma question porte justement sur cette capacité à fédérer et ses effets. Les grandes Expositions universelles du passé se sont parfois révélées être des accélérateurs d’innovation. Avez-vous déjà identifié, pour le pavillon français, mais aussi potentiellement pour d’autres pays participants, des domaines technologiques ou des secteurs où l’Exposition d’Osaka pourrait jouer ce rôle d’accélérateur d’innovation, non seulement pour la France, mais aussi à l’échelle internationale ?
M. Jacques Maire. La programmation du pavillon s’articule autour de thèmes qui reflètent les principaux objectifs du développement durable et s’alignent sur la programmation de l’Exposition elle-même. On dénombre environ huit thèmes majeurs, tandis que la France en a défini douze. Nous attendons de voir ce que ces forums vont produire en termes d’émulation et d’innovation. Nous sommes présents sur chacun de ces thèmes à travers les entreprises et les acteurs économiques, y compris vis-à-vis des Japonais. Nous espérons également un renforcement de la mobilisation gouvernementale. Les récents remaniements ont parfois compliqué la projection à long terme des ministres sur leur agenda. Maintenant que la situation semble se stabiliser pour les mois à venir, nous espérons accélérer cette projection. Cinq ou six ministres sont présents. Or, la présence d’un ministre permet de fédérer des acteurs politiques, institutionnels et économiques autour de moments forts.
Parmi les enjeux importants, la question des océans est primordiale. Notre exposition temporaire fait écho au sommet de la conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC) à Nice et de nombreux pavillons abordent cette dimension. Nous avons une belle exposition temporaire, en collaboration avec la fondation Tara Océan, et des partenaires comme CMA-CGM et le port industriel de Dunkerque sont impliqués.
La santé est un autre domaine clé, avec de nombreux acteurs présents. Le Japon étant très investi dans les domaines de la santé et du vieillissement, c’est un sujet de collaboration important. Par exemple, un programme franco-japonais de France 2030, intitulé INNOVCARE, sera très présent dans la programmation du pavillon pendant plusieurs jours, fédérant la communauté scientifique autour du vieillissement.
Je pourrais citer d’autres domaines prometteurs. Nous avons de fortes opportunités et nous verrons ce qui en ressortira.
Mme Stella Dupont (NI). Je suppose qu’il est difficile d’identifier des constantes ou des thématiques communes à différents pavillons, qui pourraient indiquer une dynamique collective vers des innovations.
M. Jacques Maire. Nous avons prévu huit semaines thématiques qui seront l’occasion pour chacun de mettre en valeur ses innovations. Ces semaines sont communes à l’ensemble des pavillons, notamment des pavillons thématiques japonais. Cette structure de programmation permet d’avoir ces grands moments de convergence et d’échange. Notre espoir est de donner l’opportunité à des talents français – qu’ils soient économiques, scientifiques ou même artistiques – de s’exprimer. Une caractéristique importante de notre pavillon est l’accent mis sur l’intelligence artificielle dans la culture, domaine dans lequel nous sommes vraiment en avance. Je suis convaincu que cela sera remarqué dans nos échanges avec les Japonais.
Mme Maud Petit (Dem). Vous avez mentionné des collectivités engagées et d’autres un peu décevantes. Dans cette optique, je voudrais savoir ce qu’il en est de l’Île-de-France, peut-être en lien avec les thématiques du sport et de la création.
En tant que Martiniquaise, je ne peux m’empêcher de m’interroger sur l’implication des territoires et départements d’outre-mer. Je pense notamment aux thèmes de l’alimentation – en particulier le rhum – et de l’océan.
M. Jacques Maire. Nous avons beaucoup tendu la main aux outre-mer, notamment ceux du Pacifique, étant donné la localisation de l’Exposition. Malgré les difficultés liées au contexte, nous avons pris l’initiative de mettre en avant le renouveau culturel de l’outre-mer, sur la thématique de la sauvegarde de la biodiversité. Dans l’exposition permanente, nous mettons en valeur le concept de « rahui », qui est le fait de déclarer tabou des zones écologiques, permettant ainsi leur régénération. Cette pratique, ancrée dans des traditions culturelles anciennes, est aujourd’hui très respectée et se développe dans l’ensemble de l’environnement. Par ailleurs, nous sommes en discussion avancée avec La Réunion pour une éventuelle promotion. De plus, certains acteurs de l’outre-mer, comme Teddy Riner, seront très visibles.
M. le président Bruno Fuchs. Nous vous félicitons pour cette programmation très opportune, dont nous espérons qu’elle sera un succès. Nous aurons peut-être l’occasion de vous solliciter à nouveau à l’issue de l’Exposition universelle pour en faire un bilan. Il est possible que certains membres de la commission, notamment le rapporteur budgétaire sur les crédits dévolus à la diplomatie d’influence, se penchent sur cette question avant nous. Je vous remercie.
La séance est levée à 12 h 22.
_____
Membres présents ou excusés
Présents. – M. Bertrand Bouyx, M. Jorys Bovet, Mme Christelle D'Intorni, M. Alain David, M. Nicolas Dragon, Mme Stella Dupont, Mme Christine Engrand, M. Olivier Faure, M. Nicolas Forissier, M. Bruno Fuchs, M. Julien Gokel, M. Arnaud Le Gall, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Alexandra Masson, M. Frédéric Petit, Mme Maud Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Stéphane Rambaud, Mme Laurence Robert-Dehault, M. Lionel Vuibert
Excusés. – Mme Nadège Abomangoli, M. Pierre-Yves Cadalen, Mme Eléonore Caroit, M. Marc Fesneau, M. Perceval Gaillard, M. Alexis Jolly, Mme Brigitte Klinkert, Mme Amélia Lakrafi, Mme Marine Le Pen, Mme Mathilde Panot, M. Davy Rimane, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Michèle Tabarot, M. Laurent Wauquiez, Mme Estelle Youssouffa
Assistait également à la réunion. – M. Pascal Markowsky