Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Examen de la seconde partie du projet du projet de loi finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général) ; examen et vote sur les crédits de la mission :
– Suite de l’examen de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ; Développement agricole et rural (M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial) 2
– Présences en réunion...........................43
Lundi
28 octobre 2024
Séance de 21 heures
Compte rendu n° 030
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Éric Coquerel,
Président
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La commission poursuit l’examen de la seconde partie du projet du projet de loi finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général)
Mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial) (suite)
Article 42 et État B
Amendements II-CF282, II-CF281 et II-CF280 de M. Matthias Renault
M. Matthias Renault (RN). Ces amendements visent à internaliser respectivement l’Odeadom (Office de développement de l’économie agricole d’outre-mer), l’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité) et l’Agence bio (Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique).
L’Odeadom couvre les missions dévolues à FranceAgriMer pour l’outre-mer. Le manque de lisibilité de son périmètre d'action a été critiqué par la Cour des comptes dans un rapport de 2023.
L’Inao, un organisme ancien qui exerce des missions essentielles pour les AOC (appellations d’origine contrôlée), est dirigé par un conseil permanent et des comités nationaux. Son organisation pourrait être simplifiée s’il était intégré au ministère de l’agriculture qui pourrait le gérer directement, vu le succès commercial des AOC.
Quant à l’Agence bio, le rapport d’information du Sénat de 2020 sur la politique de développement de l’agriculture biologique pointait son « bouquet de missions hétéroclite » et soulignait que son « apport à la conception et à la mise en œuvre de la politique publique en faveur de l’agriculture biologique [restait] à démontrer. ». Ce groupement d’intérêt public devrait donc être réinternalisé au sein du ministère de l’agriculture.
M. le président Éric Coquerel. Pour être clair, outre l'internalisation de ces structures, demandez-vous également une diminution de leurs crédits ?
M. Matthias Renault (RN). Les amendements prévoient les deux.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Effectivement, ces amendements prévoient une diminution de 20 % des crédits de chacune des structures concernées.
L’Odeadom bénéficie de 198 millions d’euros de crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales. La création de cet office, en 2009, se justifiait par le caractère très spécifique des filières agricoles ultramarines et des outre-mer eux-mêmes. Toutefois, selon le rapport que lui a consacré la Cour des comptes en 2023, l’Odeadom est devenu un guichet de paiement à la représentativité contestable, qui privilégie les coopératives au détriment des producteurs indépendants. Ainsi, cet organisme n’accomplit pas sa mission initiale de suivi et d’accompagnement des filières. Le nouveau contrat d’objectifs et de performance de cet organisme signé cette année ne me semblant pas permettre de remédier à ces problèmes, j’émets un avis favorable sur l'amendement II-CF282.
L’amendement II-CF281 vise l’Inao, un institut fondé en 1935 pour accroître la visibilité des produits du terroir. S’il a longtemps rempli cet office, une conseillère départementale centriste, Véronique Richez-Lerouge, a constaté, dans un ouvrage paru cette année, Les labels pris en otage, qu’une partie significative des appellations contrôlées, notamment dans le secteur fromager, est désormais sous la coupe de l’agrobusiness. Les labels ont ainsi perdu leur valeur ; ils ne garantissent plus une agriculture de qualité, qui est purement et simplement remplacée par le productivisme. C’est dommage. J’émets donc un avis favorable à l’internalisation de l’Inao.
Quant à l’Agence bio, elle a été créée en 2001 et le montant de ses crédits pour 2025 s’élève à 25,9 millions. Est-elle vraiment nécessaire, alors que l’agriculture biologique bénéficie déjà de multiples sources de financement, telles que le fonds Avenir bio, doté de 13 millions d’euros, le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique, qui coûte 142 millions d’euros, ou le plan de soutien à l’agriculture biologique adopté en 2024 pour 90 millions d’euros ? Tous ces fonds, dont certains sont gérés directement par l’Agence bio, fonctionnent comme des guichets et ne nécessitent pas un opérateur externe à l’État. J’émets donc un avis favorable à l’internalisation de l’Agence bio.
M. le président Éric Coquerel. Je ne suis pas opposé au principe d’internalisation des missions qui pourraient être accomplies plus efficacement par l’État. Je remarque d’ailleurs la concomitance entre la politique de non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux et la multiplication des opérateurs – leur création a permis de réduire les coûts.
En revanche, je m’oppose à votre projet de réduire les budgets.
M. Charles de Courson, rapporteur général. On peut éventuellement discuter du statut de l’Agence bio, mais internaliser l’Inao serait une erreur. La définition des appellations d’origine est complexe ; elle suppose des relations étroites avec les filières concernées, dont l’administration ne peut se charger seule. Je pense surtout au secteur viticole, qui représente 80 % des appellations d’origine.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). L’Inao, qui permet notamment le maintien des appellations d’origine protégée, des appellations d’origine contrôlée et des indications géographiques protégées comme le porc cul noir du Limousin ou l’agneau du Limousin, est l’une des dernières subsistances du protectionnisme agricole. Il rémunère les agriculteurs et les agricultrices, en les protégeant de la concurrence déloyale liée à la multiplication des traités de libre-échange.
Il est cocasse que le Rassemblement national propose de diminuer de 20 % les fonds dédiés à cet institut. En préparant sa faillite – plutôt que son internalisation –, vous préparez également celle des agriculteurs qu’il protège.
Mme Véronique Louwagie (DR). La question de l’externalisation de certaines missions est légitime. Encore faut-il que l’État dispose des moyens d’évaluation nécessaires pour déterminer quelles missions gagneraient à être externalisées ; bien souvent, ce n’est pas le cas.
Quant au lien de corrélation que vous semblez établir, monsieur le président, entre la diminution des crédits et celle de la qualité des services, nous devons sortir de cette logique. Une hausse budgétaire n’est pas systématiquement synonyme d’amélioration du service.
M. Benoît Biteau (EcoS). L’Inao protège la gastronomie de notre pays, inscrite au patrimoine immatériel de l’Unesco. Pourquoi le supprimer, alors que les producteurs se le sont approprié pour bâtir des cahiers des charges dont la qualité est reconnue dans le monde entier ?
Même remarque concernant l’Agence bio : non, l’agriculture bio ne bénéficie pas de financements pléthoriques. La France est le pays d’Europe qui aide le moins les agriculteurs bio. Ne mélangez pas, en outre, les crédits d’impôt destinés à l’agriculture biologique et l’Agence bio, qui permet aux producteurs de faire évoluer les cahiers des charges – en lien avec l’Inao, d’ailleurs.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. La baisse des crédits que nous proposons correspond aux économies de coûts de structure que permettrait l’internalisation de ces opérateurs. Il ne s’agit pas de rogner sur les missions elles-mêmes.
Internaliser ne veut pas dire centraliser et perdre en agilité. Les missions de l’Inao pourraient être gérées de manière plus directe par le ministère, tout en maintenant les contacts nécessaires avec la filière.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CF129 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). Cette année, de nombreux amendements visent à réduire des crédits d’opérateurs de l’État, voire à les supprimer, car la dépense publique a atteint un niveau incompatible avec la prospérité du pays. C’est un débat que nous devrions avoir à chaque examen du budget.
Je vise avec cet amendement une structure déjà ciblée par la Cour des comptes pour ses performances, l’Agence bio, même si je ne nie pas que le label « AB » – pour agriculture biologique – soit utile.
Contre l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement.
Amendements identiques II-CF1464 de Mme Marie Pochon et II-CF1737 de M. Dominique Potier, amendements II-CF1415 de Mme Manon Meunier, II-CF1478 de Mme Marie Pochon, II-CF1259 de Mme Manon Meunier, II-CF877 de M. Benoît Biteau, II-CF1739 et II-CF1738 de M. Dominique Potier et II-CF878 de M. Benoît Biteau (discussion commune)
Mme Sophie Pantel (SOC). L’amendement II-CF1737 tend à attribuer une aide forfaitaire de 15 000 euros à chaque ferme labellisée en agriculture biologique pour aider les producteurs bio à faire face à la crise conjoncturelle. Les prix qui leur sont payés sont inférieurs aux coûts de production, dans un contexte de forte inflation et de baisse du pouvoir d’achat. Une régression des surfaces agricoles bio menace.
Il faudra en outre réviser le plan stratégique national (PSN), pour trouver des solutions structurelles. En effet, si les aides à la conversion à l’agriculture biologique ont été maintenues dans le PSN en vigueur, les aides au maintien de l’agriculture biologique, elles, ont disparu.
L’amendement prévoit de compenser le coût de la mesure par la baisse de différents crédits, mais nous souhaitons que le Gouvernement lève ce gage, prévu uniquement par souci de recevabilité financière.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). L’amendement II-CF1415 vise à augmenter de 350 millions d’euros les crédits des mesures agroenvironnementales et climatiques, les Maec, qui ont subi d’importantes coupes budgétaires dans la nouvelle politique agricole commune (PAC). Un agriculteur du Limousin témoignait ainsi avoir perdu 10 000 euros par an d’aides au maintien de l’agriculture en zones humides. Ces coupes obligent les agriculteurs à renoncer à l’élevage extensif, alors que ce modèle permet notamment de maintenir les bocages, bénéfiques à l’environnement.
L’amendement II-CF1259 tend à allouer 220 millions à l’agriculture biologique : cette filière est profondément menacée par la crise et une aide exceptionnelle est nécessaire, en attendant que des mesures de soutien au pouvoir d’achat permettent la reprise de la consommation de produits biologiques.
M. Benoît Biteau (EcoS). Les contrats Maec, d’une durée de cinq ans, permettent de soutenir les agriculteurs qui s’engagent à préserver la biodiversité dans des espaces patrimoniaux remarquables, tels que les zones de montagne ou les zones humides. Ils favorisent les pratiques agricoles les plus vertueuses et concernent en premier lieu les éleveurs, dont la situation est très difficile. Nous refusons la diminution prévue de leurs crédits.
L’amendement II-CF877 tend donc à augmenter de 100 millions d’euros le budget des Maec. C’est le minimum, si nous voulons que les contrats signés en 2024 soient honorés. À plus long terme, il faudra peut-être cibler une partie des aides du premier pilier de la PAC vers ces contrats, pour aider les éleveurs.
Mme Sophie Pantel (SOC). L’amendement II-CF1739 vise à augmenter de 100 millions d’euros l’enveloppe dédiée aux Maec. Il faut soutenir l’élevage extensif, qui est vertueux, respecter la parole donnée et donner de la visibilité aux éleveurs qui se sont engagés pour cinq ans.
L’amendement II-CF1738 concerne les écorégimes, des aides aux pratiques agronomiques favorables au climat et à l’environnement. Alors que le Gouvernement prévoit une baisse homogène de la rémunération pour les trois niveaux d'écorégime, nous souhaitons que la rémunération spécifique à l’agriculture biologique, qui est la plus vertueuse, soit préservée, avec un montant de 145 euros par hectare.
M. Benoît Biteau (EcoS). L’amendement II-CF878 vise également à rémunérer chaque hectare d’agriculture biologique bénéficiant de l’écorégime à 145 euros par an.
L’agriculture biologique est l’agriculture de demain. Alors que la productivité agricole, la souveraineté alimentaire et le revenu des agriculteurs sont menacés par le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité, elle préserve le revenu des agriculteurs et la productivité de la ferme Europe. Il faut transférer les aides dédiées aux pseudo-labels tels que « haute valeur environnementale » vers l'agriculture biologique, à travers les écorégimes.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Les amendements II-CF1464 et II-CF1737 visent à accroître considérablement les aides allouées à l’agriculture biologique, de 910 millions d’euros. Or aucun des organismes du ministère n’a pu m’apporter de garantie concernant la bonne utilisation des fonds alloués à la planification écologique. C’est sidérant.
En revanche, les Maec ont fait leurs preuves auprès des acteurs de la filière. Je ne suis donc pas opposé au relèvement des fonds qui leur sont dédiés. Même s’il s’agit d’instruments financés par la PAC, un cofinancement national plus important est toujours possible. J’émets donc un avis favorable sur l’amendement II-CF1739, qui me semble prévoir le montant le plus approprié, de 100 millions d’euros. Cette somme permettra de compenser la baisse considérable du montant de la planification écologique. Avis défavorable sur les autres amendements.
M. Fabrice Brun (DR). Les Maec sont des outils adaptés à l’agriculture extensive, sur des terres en pente ou dans les zones de montagne. La chute brutale de leurs crédits pose problème.
Toutefois, les amendements visant à relever leur budget puisent dans les crédits du TODE (exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi), qu’ils vident de sa substance. Le coût de la main-d’œuvre agricole est inférieur de 22 % en Italie et en Allemagne, et même de 37 % en Espagne. Des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre tels que l’arboriculture, la viticulture, le maraîchage et les pépinières viticoles ont besoin d’exonérations de cotisations pour la main-d’œuvre saisonnière. Il ne faut pas déshabiller Pierre pour habiller Paul.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Monsieur Brun, les auteurs de l’amendement ont bien précisé qu’ils souhaitaient que le Gouvernement lève le gage. Ainsi, Il n’est pas question de réduire les crédits du programme 381, consacré au TODE.
Je précise que les agriculteurs bio forment une part importante des agriculteurs qui, malgré tout le travail qu’ils fournissent, vivent au RSA.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Ces amendements portent sur des montants considérables. Leur adoption conduirait à transférer la moitié des crédits de la mission.
Comme l’an dernier, l’absence des députés du bloc central conduit à l’adoption de transferts massifs de crédit, sans réelle coordination. L’an dernier, les crédits de certains programmes ou certaines actions étaient ainsi déjà épuisés avant même que nous ayons achevé l’examen des amendements de la gauche.
Seul le bio, entend-on, garantirait une alimentation saine, même si aucune preuve scientifique ne permet d’étayer cette affirmation. Cela revient à sous-entendre que le bio, financé par les subventions publiques, serait réservé aux riches, les plus modestes devant se contenter de l’agriculture conventionnelle qui, elle, ne serait pas saine. Pour ma part, je suis favorable à une République laïque ; si certains nourrissent des croyances magiques à l’endroit du bio, cela les regarde mais qu’ils l’assument.
M. Benoît Biteau (EcoS). Si vous êtes si sensible aux dépenses publiques, vous devriez étudier le coût des dommages liés aux pesticides et aux engrais de synthèse. Il faut dépolluer l’eau, l’air et restaurer la biodiversité : c’est un puits sans fond pour l’argent public. Vous devriez en outre étudier les travaux consacrés au lien entre santé publique et usage de pesticides dans l’agriculture conventionnelle.
Monsieur le rapporteur spécial, vous vous plaignez de la charge prétendument colossale de l’agriculture bio pour l’État. Je vous rappelle qu’il nous serait possible de plafonner à 100 000 euros par exploitation les aides de la PAC. Les sommes ainsi dégagées iraient à l’agriculture bio qui, elle, préserve la santé, la biodiversité et le climat. Cela ne coûterait pas un euro à l’État.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ces amendements sont d’appel. La consommation de produits bio a progressivement baissé au cours des trois dernières années, entraînant les producteurs bio dans une crise. Le lait bio, ainsi, a parfois été vendu moins cher que le lait issu de l’élevage conventionnel. Même en Champagne, les 7 % ou 8 % des viticulteurs qui se sont convertis au bio sont affectés.
C’est donc une crise de la demande, liée à la stagnation du pouvoir d’achat. Or ces amendements ne traitent que des producteurs ; ils ne résoudront donc pas le problème.
La commission rejette les amendements identiques II-CF1464 et II-CF1737, puis les amendements II-CF1415, II-CF1478 et II-CF1259.
Elle adopte l’amendement II-CF877.
Elle rejette successivement les amendements II-CF1739, II-CF1738 et II-CF878.
Amendement II-CF1736 de M. Dominique Potier, amendements identiques II-CF652 de la commission des affaires économiques et II-CF874 de M. Benoît Biteau, amendements identiques II-CF651 de la commission des affaires économiques et II-CF1742 de M. Dominique Potier, amendements II-CF178 de M. Fabrice Brun et II-CF1735 de M. Dominique Potier (discussion commune)
Mme Sophie Pantel (SOC). Il convient d’accompagner les producteurs vers l’agroécologie, en partant du principe que les efforts de transition ne peuvent reposer sur leurs seules épaules. Alors que nous avons tendance à aider celles et ceux dont les marges de progression sont les plus importantes, il nous faut aussi soutenir les exploitants dont la production atteint déjà un bon niveau environnemental et dont le système est vertueux. L’amendement II-CF1736 vise à créer un fonds en ce sens, lequel serait doté de 250 millions d’euros et s’inspirerait du fonds Avenir bio, qui a montré toute sa réussite.
Je précise que pour être recevable, l’amendement prévoit de minorer de la même somme d’autres lignes budgétaires, ce que nous ne souhaitons pas. Nous demandons donc la levée de ce gage.
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. L’amendement II-CF652, auquel je ne me suis pas opposé, vise à faire obstacle à la réduction de 35 %, soit 90 millions d’euros, des crédits de l’action 09, Planification écologique – Stratégie de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires la planification écologique, du programme 206. Étant donné les défis que nos agriculteurs ont à relever pour accomplir leur transition agroécologique, il me paraît en effet difficile de diminuer le soutien à la recherche et au développement de solutions alternatives à l’utilisation des produits phytosanitaires.
M. Benoît Biteau (EcoS). J’ajouterai que l’utilisation des pesticides menace non seulement la biodiversité, la santé et le climat, mais aussi le modèle économique des agriculteurs. En effet, de nombreuses études ont démontré que la réduction de l’usage de ces produits améliore le revenu des exploitants. La belle expérience conduite à Chizé, dans les Deux-Sèvres, en atteste. Sur une surface de plusieurs milliers d’hectares, où travaillent plusieurs centaines d’agriculteurs, la réduction de 50 % des pesticides n’a pas réduit la productivité des structures agricoles, mais a procuré une économie de 200 euros par hectare et par an. Appliquée à une structure céréalière française classique, c’est-à-dire vaste d’une centaine d’hectares, une telle diminution de l’usage des pesticides offrirait donc un gain de 20 000 euros par an. Nous devons soutenir la recherche pour avancer sur cette voie.
M. Fabrice Brun (DR). Parmi les revendications formulées par les agriculteurs au printemps, lors de leur mouvement de colère, figurait celle de ne plus se voir imposer d’interdiction sans solution de remplacement. Nous sommes nombreux, ici, à défendre l’idée consistant à ne pas supprimer de matière active en l’absence d’une option alternative techniquement fiable et économiquement viable. L’objet de mon amendement II-CF178 est donc de soutenir la recherche et l’innovation, afin que la transition agroécologique ne laisse aucune filière dans une impasse.
Mme Sophie Pantel (SOC). Le bilan réalisé à l’occasion des dix ans du réseau des fermes Dephy fait état d’une réduction importante de 26 % de l’utilisation des produits phytosanitaires dans la filière des grandes cultures et de la polyculture-élevage. L’amendement II-CF1735 tend donc à accorder des crédits supplémentaires à ce réseau, de sorte d’atteindre les 3 000 fermes participantes. Cette cible était initialement prévue par le premier plan Écophyto, mais a été abaissée à 2 000.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. J’ai eu l’occasion d’indiquer mon grand scepticisme quant à l’évolution en montagnes russes du budget dédié à la planification écologique, dont les différentes composantes, je le rappelle, ne font l’objet d’aucun retour de la part du ministère de l’agriculture, muet sur le sujet. Je serai donc défavorable à tous les amendements visant à fortement abonder les crédits relatifs à la stratégie Écophyto 2030, qui est punitive et qui risque de laisser les agriculteurs sans solutions face aux interdictions.
Seul l’amendement de M. Brun est d’une nature différente, dans la mesure où il tend à allouer la somme raisonnable de 10 millions d’euros supplémentaires au programme 149, c’est-à-dire à la recherche publique sur les produits phytosanitaires, afin d’y voir plus clair. Je lui donne un avis favorable.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Je regrette que vous vous opposiez systématiquement à toute augmentation des crédits relatifs à la planification écologique au motif que le ministère de l’agriculture ne communique pas de feuille de route, ni ses intentions budgétaires, action par action, pour l’année à venir. Comme vous, je déplore ce silence, mais l’adaptation des agriculteurs au changement climatique dépend de cette enveloppe.
Par ailleurs, j’invite les membres du Rassemblement national, qui considèrent le bio comme de la magie, à consulter un récent rapport d’information élaboré au nom de la commission du développement durable, au sein duquel une cinquantaine de chercheurs – des magiciens du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), notamment – expliquent que ce type d’agriculture constitue l’un des outils les plus efficaces pour préserver la biodiversité et qu’il faut donc accroître les crédits qui lui sont affectés, afin d’accompagner financièrement les agriculteurs qui, bien souvent, se retrouvent à assumer seuls un problème qui est en réalité sociétal.
M. Philippe Juvin (DR). Entre 2014 et 2022, l’Union européenne a versé 12 milliards d’euros d’aides aux agriculteurs bio, les deux tiers de cette somme étant d’ailleurs revenus à cinq pays, parmi lesquels la France. Le secteur s’en porte-t-il mieux pour autant ? Pour répondre à cette question, le seul indicateur dont nous disposons est celui de l’évolution de la surface bio, ce qui est tout à fait insuffisant. Avant toute nouvelle allocation d’argent public, il est donc absolument indispensable de mesurer l’efficacité réelle des fonds engagés jusqu’à présent. Cela n’a pas été fait, ce qui est vraiment dommage.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Pour la bonne information de notre commission, l’enquête de l’association Avenir Santé Environnement, citée dans l’exposé sommaire des amendements identiques II-CF652 et II-CF874, a été décrite par l’Agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine comme une « enquête civile non scientifiquement prouvée ». Quant à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), également mentionné comme source, je n’ai pas trouvé d’enquête de sa part confirmant les affirmations contenues dans ces mêmes exposés sommaires. Si les auteurs de ces amendements disposent d’études établissant scientifiquement un lien entre l’utilisation de pesticides dans la plaine d’Aunis – ou ailleurs en France – et une prévalence supérieure de cancers pédiatriques, j’aimerais qu’ils nous les communiquent. La gauche s’est déjà réclamée d’une étude liant la prévalence des leucémies à la proximité de centrales nucléaires et la commission des affaires économiques avait montré qu’elle n’était pas digne de foi.
M. Benoît Biteau (EcoS). La plaine d’Aunis étant située dans ma circonscription, je connais le dossier – tout comme je connais l’association Avenir Santé Environnement. Le fait est que les cancers pédiatriques y sont six fois plus nombreux qu’ailleurs en Charente-Maritime ou même en France. De tels chiffres auraient dû alerter l’ARS, mais comme cela n’a pas été le cas, l’association a pris le taureau par les cornes en faisant des prélèvements de cheveux et d’urine chez soixante-douze enfants. Certes, l’étude n’est pas scientifique à proprement parler, mais elle a bien établi une présence de pesticides beaucoup plus importante que partout ailleurs dans le pays. Il revient maintenant aux autorités publiques de démontrer qu’il existe, ou qu’il n’existe pas, de lien entre ces produits et le nombre très élevé de cancers pédiatriques dans ce territoire.
M. Pierre Henriet (HOR). La manière dont M. Biteau présente les choses me laisse circonspect, car tant que le lien de causalité n’a pas été scientifiquement démontré, nous restons dans le domaine de la suspicion. Pour connaître également très bien la plaine d’Aunis, ma circonscription étant située dans le Marais poitevin, je crains que ce type d’argumentation ne délégitime complètement tout le travail conduit notamment par l’Inrae. À l’instar de ce que fait l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), il convient de ne s’appuyer que sur des travaux scientifiquement rigoureux. Nous serons évidemment attentifs à cette question et soutiendrons la conduite d’une enquête, mais pas de cette manière.
M. le président Éric Coquerel. Cela me rappelle le film Erin Brockovich, seule contre tous. Comme M. Biteau, qui ne me semble pas prendre au pied de la lettre l’étude d’Avenir Santé Environnement, j’estime qu’il serait raisonnable que l’ARS se saisisse de l’alerte et conduise des vérifications scientifiques.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Madame Meunier, je suis sidéré qu’en l’absence d’évaluation des actions lancées en matière de planification écologique, qui représentent un montant de 1 milliard d’euros, vous souhaitiez tout de même, et de manière incantatoire, sanctuariser ce budget. Un tel positionnement est incompréhensible pour les agriculteurs alors que les crédits qui leur sont alloués sont grevés par l’ampleur des indemnisations des éleveurs ayant subi des pertes sanitaires.
L’amendement II-CF1736 est retiré.
La commission rejette successivement les amendements restants.
Amendements II-CF1229 et II-CF1253 de Mme Mathilde Hignet, amendements identiques II-CF561 de M. Charles Sitzenstuhl, II-CF1008 de M. Jean-René Cazeneuve et II-CF1154 de Mme Marie-Christine Dalloz, amendement II-CF1078 de M. Guillaume Garot, amendements identiques II-CF644 et II-CF645 de la commission des affaires économiques, II-CF1246 de Mme Mathilde Hignet et II-CF1847 de M. Guillaume Garot (discussion commune)
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Nous connaissons tous les difficultés que rencontrent de nombreuses filières en raison des chocs climatiques. Dans mon département de la Gironde, la viticulture est particulièrement touchée ; ailleurs, c’est souvent le cas de l’élevage. La création d’un fonds de soutien à la diversification agricole, objet de l’amendement II-CF1229, constituerait une réponse à une demande consensuelle formulée par le monde agricole lors des travaux préparatoires à l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, ainsi qu’un levier pour une véritable planification écologique.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’amendement II-CF1253 tend à financer des contrats de transition écologique, qui s’inspireraient des contrats territoriaux d’exploitation, expérimentés entre 2000 et 2002.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Peu de métiers ont été autant bouleversés que celui d’agriculteur. Ces professionnels font face à une obligation d’adaptation très forte, liée bien sûr au changement climatique, mais aussi à la nécessité de revoir les usages des intrants et de l’eau, ainsi que les types de cultures exploitées. Dans la mesure où beaucoup de nos agriculteurs sont désemparés par la vitesse avec laquelle ils doivent faire évoluer leurs pratiques, nous souhaitons, par les amendements identiques II-CF561, II-CF1008 et II-CF1154, allouer des fonds supplémentaires aux chambres d’agriculture, dont le rôle essentiel – c’est le cas dans le Gers – est de les accompagner dans leur transition.
Je précise que nous souhaitons que le Gouvernement lève le gage sur lequel reposent ces amendements, afin que la somme ici prévue ne soit pas ponctionnée sur d’autres lignes budgétaires.
Mme Sophie Pantel (SOC). Dans le même esprit, l’amendement II-CF1078, qui a été rédigé en lien avec Chambres d’agriculture France, vise à créer une nouvelle ligne budgétaire relative au soutien des agriculteurs en transition. Grâce à ces crédits, les exploitants pourraient recourir à un conseil stratégique afin de réaliser un diagnostic et d’établir un plan d’action. Nous estimons que 3 000 exploitations pourraient bénéficier de cette aide dès 2025.
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour avis. Les amendements identiques II-CF644 et II-CF645 tendent à créer un fonds d’expérimentation de projets de restructuration-diversification d’exploitations agricoles. Si, en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, je n’ai pas soutenu cette proposition, qui correspond effectivement à un besoin, c’est parce que j’estime que la création d’un nouveau programme n’est pas nécessaire. Selon moi, cette mesure trouverait plutôt sa place dans le cadre rénové de l’accompagnement à l’installation et à la transmission d’exploitations agricoles, ou dans le volet agriculture de l’action 29, Planification écologique, du programme 149.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). L’amendement II-CF1246, identique, vise créer un réseau d’expérimentation pour soutenir les opérations de restructuration-diversification dans les exploitations agricoles.
Mme Sophie Pantel (SOC). Je précise que le réseau d’expérimentation que les amendements identiques II-CF644, II-CF645, II-CF1246 et II-CF1847 visent à créer concernerait particulièrement les exploitations d’élevage et serait doté de 5 millions d’euros.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Les deux premiers amendements de cette discussion commune visent à encourager la diversification agricole grâce à l’allocation de 50 millions d’euros supplémentaires, mais cet objectif se retrouve déjà dans plusieurs lignes budgétaires. En effet, 62 millions d’euros sont affectés aux mesures issues du conseil interministériel de l’outre-mer (Ciom), qui promeut la diversification des filières dans ces territoires, tandis que l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), qui représente 384 millions d’euros, participe au maintien d’exploitations agricoles durables dans les zones défavorisées. Un fonds supplémentaire reviendrait à multiplier les instruments, les guichets et les démarches et serait donc source de complexité administrative ; j’y suis défavorable.
De la même manière, plusieurs instruments permettent déjà d’accompagner les agriculteurs dans leur transition : je pense aux Maec, à l’écorégime, aux mesures de soutien à l’agriculture biologique et au fonds Avenir bio. De plus, les dispositifs créés l’an dernier dans le cadre de la planification écologique me semblent avoir brouillé les esprits. Créer un énième interlocuteur, comme le proposent les amendements identiques II-CF561, II-CF1008 et II-CF1145, ne me semble donc pas opportun ; avis défavorable.
Même avis défavorable au sujet des amendements visant à créer un fonds d’expérimentation à la restructuration-diversification : si la question des transmissions est effectivement une priorité, l’outil ici proposé me semble mal ciblé, dans la mesure où l’avantage fiscal de la subvention serait conditionné à la diversification de l’exploitation, laquelle n’est pas toujours possible. N’imposons pas davantage de contraintes aux agriculteurs.
M. Benoît Biteau (EcoS). Les Maec et les aides au bio relèvent du second pilier de politique agricole commune. En conséquence, si on supprime le premier euro issu des financements nationaux, toucher le deuxième euro de l’Union européenne devient impossible, la totalité de l’enveloppe étant ainsi perdue. Je ne comprends donc pas la logique qu’il y aurait à renoncer aux financements nationaux.
Par ailleurs, nous pourrions nous appuyer sur la possibilité de plafonner à 100 000 euros les aides de la PAC, afin de financer, dans le budget national, des aides publiques destinées à soutenir les logiques vertueuses permettant la préservation de la biodiversité et du climat. Cela s’appellerait de la solidarité.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur spécial, veuillez ne pas m’attribuer des propos que je n’ai pas tenus. Vous avez raison, nous ne pouvons accepter l’absence d’évaluation, de la part du ministère de l’agriculture, du milliard d’euros engagés en faveur de la planification écologique. Les parlementaires contrôlent l’action du Gouvernement et nous devons exiger un retour sur l’utilisation de cette enveloppe. Cependant, cette situation regrettable ne saurait justifier la suppression de ces crédits, alors même que nous traversons une période d’urgence. Au cours de l’année écoulée, nous avons assisté à la multiplication des épidémies et à d’importantes pertes de rendement dues à des conditions climatiques dégradées. Ce n’est donc pas le moment de renoncer, tel que le prévoit le PLF pour 2025, à 700 millions d’euros destinés à l’accompagnement des agriculteurs dans la planification écologique.
La commission rejette successivement les amendements II-CF1229 et II-CF1253.
Elle adopte les amendements identiques II-CF561, II-CF1008 et II-CF1154.
Elle rejette successivement les amendements restants.
Amendement II-CF1532 de Mme Lisa Belluco, amendements identiques II-CF1198 de Mme Lisa Belluco et II-CF1730 de Mme Chantal Jourdan, amendements II-CF1475 et II-CF1476 de Mme Sophie Mette, II-CF1731 de Mme Chantal Jourdan et II-CF638 de la commission des affaires économiques (discussion commune)
Mme Marie Pochon (EcoS). Les haies sont des piliers indispensables pour la transition agroécologique. Elles forment des corridors écologiques, elles améliorent la qualité de l’eau et son infiltration dans le sol, ce qui permet de lutter contre la sécheresse et les inondations, elles préviennent l’érosion des sols, elles stoppent le carbone, elles contribuent à l’affouragement des bestiaux, elles protègent les cultures des vents et de la chaleur et elles constituent un élément paysager structurant pour les milieux ruraux, urbains et périurbains. Pourtant, environ 23 500 kilomètres de haies disparaissent chaque année en France.
Chers collègues de la majorité, vous avez créé un dispositif, le pacte en faveur de la haie, qui est doté de 110 millions d’euros. Or, selon le chiffrage de l’Afac-Agroforesteries, il faudrait 250 millions par an pendant sept ans pour atteindre, avec la filière, les objectifs de la planification écologique. Si nous voulons arrêter l’hémorragie et respecter l’engagement du Président de la République, 110 millions ne suffiront pas. Je propose de doubler le budget consacré à votre pacte.
M. Benoît Biteau (EcoS). On détruit deux fois plus de haies qu’on n’en replante. Par ailleurs, la perte écologique liée à la disparition d’une haie ancienne est difficile à compenser même si on replante – il faut du temps. Nous avons donc besoin de budgets d’animation territoriale afin d’expliquer aux agriculteurs toutes les aménités positives qui sont liées aux haies – hébergement de la biodiversité nécessaire pour protéger les cultures, restauration de la fertilité des sols, mais aussi restauration de réserves de sols utiles en matière d’eau. L’amendement déposé par Lisa Belluco propose 80 millions d’euros supplémentaires pour mener ce type d’action.
Mme Chantal Jourdan (SOC). Mon amendement demande également 80 millions d’euros de plus afin d’atteindre au moins l’objectif fixé dans le cadre du pacte en faveur de la haie. Beaucoup d’agriculteurs se sont engagés l’an dernier dans des appels à projets, mais certains d’entre eux ne pourront pas être financés si nous réduisons les budgets. Ce n’est pas le moment de casser la dynamique : nous avons besoin de financements pour continuer l’animation, les investissements et le soutien à la valorisation des haies.
Mme Sophie Mette (Dem). Mon premier amendement vise à soutenir le pacte de 2023 en faveur de la haie, qui a fixé un objectif de 50 000 kilomètres supplémentaires d’ici à 2030, les bienfaits des haies pour la biodiversité étant largement reconnus. Une baisse de 70 % des crédits mettrait en péril cet objectif et aurait une incidence sur l’emploi. Je vous propose donc d’allouer 60 millions d’euros supplémentaires au programme 149. L’amendement suivant, de repli, est de 50 millions d’euros.
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour avis. Ces crédits, qui s’élevaient à 110 millions dans le PLF pour 2024, passeraient à 30 millions, ce qui représente une division par plus de trois, au moins, alors que les moyens de la planification écologique seraient en moyenne divisés par deux. Afin que le pacte en faveur de la haie ne subisse pas une coupe plus sévère que les autres dispositifs, l’amendement adopté par la commission des affaires économiques, à mon initiative, tend à relever les crédits de 20 millions.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Tous ces amendements visent à augmenter, dans des proportions variables, les crédits pour le pacte en faveur de la haie qui, dans le précédent PLF, était doté de 110 millions en autorisations d’engagement et de 45 millions en crédits de paiement, dans le prolongement du plan de relance, l’objectif étant un gain net du linéaire de haies de 50 000 kilomètres d’ici à 2030. Je n’ai aucun doute sur le rôle des haies en matière de restauration des écosystèmes, mais nous n’avons, comme pour tous les crédits de la planification écologique, aucune évaluation précise, aucun chiffrage. Je préconise donc d’en rester au montant prévu pour 2025, c’est-à-dire 30 millions, en attendant d’avoir des retours sur ce qu’ont permis de faire les 45 millions déjà engagés.
M. le président Éric Coquerel. J’ai l’impression que la baisse du budget prévu pour les haies, dont vous ne remettez pas en question la pertinence, provient plus de la volonté d’appliquer des coups de rabot sur les crédits du ministère de l’agriculture que d’une insuffisante mesure des impacts. Sans être un très fin connaisseur des questions agricoles, je sais le rôle bénéfique des haies et je suis assez étonné par le raisonnement suivi, compte tenu de la gravité des conséquences du dérèglement climatique. Dans ce domaine, les coups de rabot se justifient encore moins qu’ailleurs.
Mme Chantal Jourdan (SOC). L’Afac-Agroforesteries, qui connaît très bien le rôle des haies, a fait des modélisations pour évaluer l’impact d’une réduction des crédits. Les fixer à 80 millions serait vraiment le minimum. Nous aurions encore une petite dynamique avec 40 millions, mais elle ne permettrait pas du tout d’aller vers l’objectif établi par le Gouvernement pour 2030. Les bénéfices permis par les haies s’inscrivent pleinement dans la transition écologique : nous avons besoin de ces moyens pour demain.
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour avis. Je suis un peu surpris par les explications du rapporteur spécial. Quand on connaît la ruralité, l’agriculture et la biodiversité, on sait l’impact des haies et on mesure bien que les financements sont insuffisants. La proposition de la commission des affaires économiques, qui est d’augmenter les crédits de 20 millions, est tout à fait raisonnable.
M. Philippe Lottiaux (RN). Nous ne voterons pas certains amendements qui nous paraissent excessifs ou qui sont gagés sur les crédits du TODE. L’amendement de la commission des affaires économiques nous paraît tout à fait raisonnable, en revanche, compte tenu de l’intérêt des haies. Par ailleurs, tout ne se résume pas à la question des crédits : beaucoup d’agriculteurs, on le voit beaucoup depuis quelques mois, sont excédés par les réglementations et les contraintes qui pèsent sur eux.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Le pacte en faveur de la haie, que M. Fesneau nous a servi à toutes les sauces, est l’une des seules mesures de planification écologique prévues par le ministère de l’agriculture. Par ailleurs, ce pacte fait partie des dispositifs dont nous observons quelques retombées sur le terrain : je croise des agriculteurs et des agricultrices qui ont pu bénéficier de fonds pour installer des haies dans leur exploitation. Il faut aider ceux qui veulent maintenir l’existant, car les vieilles haies jouent un rôle agroécologique fondamental. Nous avons donc besoin de davantage de crédits. Je ne comprends pas qu’on sabre le financement de la planification écologique au sein du ministère de l’agriculture.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Les agriculteurs sont las de toutes ces réglementations et contraintes. Ils ne peuvent pas entretenir les haies quand ils le veulent ou le peuvent, en fonction des intempéries. Lorsque de graves incendies ont lieu, comme dans le Jura il y a deux ans – 1 100 hectares ont brûlé –, le feu se propage davantage quand les haies ne sont pas entretenues correctement. Il faut savoir raison garder ; de grâce, évitons les excès.
M. Benoît Biteau (EcoS). Je suis agriculteur – nous ne sommes peut-être pas nombreux ici – et j’ai des dizaines de kilomètres de haies. Je n’ai jamais rencontré de difficulté à les entretenir à cause de la réglementation. Vous pourrez vérifier sur place qu’elles sont en très bon état.
S’agissant de l’évaluation, je vous invite à consulter régulièrement les publications du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) ainsi que de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd). Elles ne montrent pas seulement que les haies sont à l’origine d’aménités positives : l’intérêt économique de la présence des haies et des infrastructures agroécologiques a également été chiffré. On arrive à évaluer ce que leur présence rapporte à nos territoires et aux structures agricoles. Par ailleurs, je vous invite à lire les travaux de l’Inrae et du CNRS, qui apportent aussi beaucoup d’éléments.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Je n’ai pas de problème avec l’idée que les crédits prévus en matière de planification écologique sont plus ou moins utiles – le ministère nous a dit que la ventilation actuelle était arbitraire –, mais il est faux de prétendre que rien n’est prévu pour le plan en faveur de la haie : 30 millions d’euros en crédits de paiement sont maintenus. De plus, une partie des fonds vont à des contrôles actuellement mal calibrés et, pour beaucoup, inopérants, qui pénalisent énormément nos agriculteurs au quotidien.
La commission rejette successivement les amendements II-CF1532, II-CF1198, II-CF1730, II-CF1475, II-CF1476 et II-CF1731, puis adopte l’amendement II-CF638.
Amendements II-CF1267 de Mme Mathilde Hignet et II-CF870 de M. Benoît Biteau (discussion commune)
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Il s’agit de rétablir un des budgets de la planification écologique, celui du plan Protéines végétales. Nous ne comprenons pas, même si le ministère n’a pas terminé sa copie, que les moyens prévus tombent à zéro. Il faut structurer des filières dans ce domaine : la dépendance aux importations est très forte, ne serait-ce que pour nourrir les élevages.
M. Benoît Biteau (EcoS). Ce plan est effectivement nécessaire. On ne peut pas se dire, la main sur le cœur, opposé au Mercosur et aux importations de protéines venant de l’autre côté de l’Atlantique, tout en ne soutenant pas leur production sur notre territoire. Par ailleurs, les plants utilisés fixent l’azote atmosphérique et enrichissent le sol, ce qui entretient leur fertilité et réduit la dépendance aux engrais de synthèse. Beaucoup de très bonnes raisons plaident pour un accompagnement de la filière dans la durée et suivant une approche globale, notamment le fait que la restauration de la fertilité des sols permettra de réaliser des économies substantielles en matière d’importations. Il faudra donc renégocier l’accord de Blair House qui a limité, en 1992, les surfaces allouées à la production de protéines en Europe.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. La sous-action Protéines végétales, qui subira une des nombreuses coupes prévues, faisait partie en 2024 de la queue de comète du plan de relance. Le ministère, je l’ai dit, n’a pas terminé sa copie : il est très probable que les crédits du plan « protéines » ne tomberont pas à zéro dans la ventilation finale, contre 110 millions d’euros jusque-là en autorisations d’engagement. Augmenter ces moyens reviendrait à renforcer l’action menée en matière de planification écologique alors que nous n’avons aucun retour en la matière, comme je l’ai maintes fois expliqué. Enfin, le plan « protéines » comportait bon nombre d’actions visant à financer des investissements en agroéquipements. On peut estimer qu’un certain nombre d’exploitations agricoles ont pu s’équiper depuis 2020 : il faudrait donc, au moins, ne pas reconduire des montants aussi importants.
M. le président Éric Coquerel. Il ne s’agit pas d’augmenter les crédits, mais de les rétablir. Je ne suis pas favorable à tout ce qu’ont fait les gouvernements précédents, mais l’existence du plan « protéines » avait une raison essentielle que M. Biteau a expliquée : à partir du moment où on rejette des accords de libre-échange tel que celui avec le Mercosur, il faut aller vers la souveraineté agricole.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il existait, de mémoire, un plan « protéines » au niveau européen. Où en est-on ?
M. Gérault Verny (UDR). Nous sommes tous pour la souveraineté alimentaire et la production de protéines végétales, mais les amendements sont gagés sur le TODE et reviennent donc à déshabiller Pierre pour habiller Paul.
M. Benoît Biteau (EcoS). Une enveloppe existe effectivement au niveau européen, mais il faut, je l’ai dit, amorcer la pompe avec des crédits nationaux. Si on les coupe, il n’y aura pas de financements venant de l’Union européenne.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). M. Macron et M. Barnier commencent à faire miroiter l’idée qu’un accord avec le Mercosur pourrait être accepté en échange d’un fonds européen pour les agriculteurs. Il serait préférable d’investir dans la structuration de filières locales de protéines végétales, qui seraient directement profitables à nos agriculteurs, plutôt que de créer un fonds européen pour compenser la misère que produit le libre-échange agricole à outrance.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. S’agissant du Mercosur, ma position est plutôt de conseiller au Gouvernement de se battre, ce qu’il ne fait pas assez.
Les crédits du plan « protéines » ne passeront évidemment pas à zéro. Nous savons que le ministère n’a pas terminé sa copie.
La commission adopte l’amendement II-CF1267.
L’amendement II-CF870 est retiré.
Amendement II-CF1254 de Mme Manon Meunier
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous proposons de rétablir un autre budget dont les crédits tombent à zéro sans la moindre justification du ministère, à savoir ceux alloués à la décarbonation de l’agriculture. Une telle action a une traçabilité puisqu’elle permet aux agriculteurs d’investir dans du matériel décarboné ou moins émetteur de gaz à effet de serre, par exemple des engins agricoles ou des dispositifs de stockage ou d’épandage des effluents d’élevage. Les 80 millions d’euros que nous demandons étaient inscrits dans le PLF pour 2024.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Même avis défavorable qu’à l’ensemble des amendements portant sur la planification écologique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF1871 de M. Jean-René Cazeneuve
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). L’accumulation des aléas climatiques pèse sur les rendements des agriculteurs dans beaucoup de domaines. Les viticulteurs du Sud-Ouest ont ainsi affronté au cours des trois dernières années des épisodes de gel, de mildiou et de grêle, qui ont parfois touché les mêmes exploitations. S’agissant du mildiou, nous avions voté l’an dernier la création d’un fonds, mais il a été insuffisant, en particulier parce que la règle dite de minimis s’applique. Cette année, les pluies ont été trop importantes au printemps et les rendements seront inférieurs de 20 ou 30 % à la moyenne des dernières années. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons la mobilisation de 50 millions d’euros.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. On connaît les conditions difficiles que traversent les exploitations en raison des maladies épizootiques et des très mauvaises récoltes céréalières. L’assurance récolte va atteindre son régime de croisière : les crédits du fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) s’élèveront à 600 millions d’euros en 2025. Il est vrai, néanmoins, que des lacunes de la réforme nous sont rapportées. Les exploitations doivent notamment verser en intégralité les cotisations d’assurance récolte avant de bénéficier d’un remboursement par l’État, ce qui grève leur trésorerie. L’amendement qu’avait déposé M. Alfandari visait à créer un fonds d’urgence pour accompagner les exploitations en difficulté, ce qui était intéressant. Pour ce qui est d’une augmentation du budget de l’assurance récolte, je préconise de vérifier si le dimensionnement est adéquat avant d’augmenter, l’année prochaine, les crédits. Par conséquent, avis défavorable.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’objectif est de venir en aide aux exploitations sous la forme d’une avance de trésorerie – qui se rembourse. Ces dispositions n’ont donc pas leur place ici, mais au sein des comptes d’avance.
M. Thomas Cazenave (EPR). Nous voterons pour l’amendement. La viticulture souffre dans de nombreux territoires. Nous avions instauré un dispositif pour l’aider l’année dernière, mais la crise continue et il faut une réponse spécifique au problème du mildiou au-delà des plans d’arrachage et d’accompagnement.
M. Benoît Biteau (EcoS). Deux éléments pourraient permettre de faire faire des économies au budget de l’État.
La réserve de crise, ponctionnée chaque année sur l’enveloppe d’aides de la PAC que reçoivent les agriculteurs, n’a jamais été mobilisée pour ce genre de situation : sous la pression de la FNSEA et du Copa-Cogeca (Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne-Confédération générale des coopératives agricoles), elle est restituée au profit de ceux qui l’ont le plus alimentée. Ainsi, pas de solidarité entre les plus petites structures agricoles et les plus grosses.
Quant au régime assurantiel, on utilise de l’argent public pour financer des cotisations à des assurances privées selon le principe de la moyenne olympique – fondée sur les rendements des cinq dernières années à l’exception de la meilleure et de la plus mauvaise –, mais, vu la récurrence des accidents climatiques, l’assurance ne sert plus à rien.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Il faut en effet que la France demande davantage la mobilisation de la réserve de crise, mais c’est un autre sujet.
Je confirme qu’une avance de trésorerie a sa place ailleurs. Je suggère donc le retrait de l’amendement.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Ce n’est pas une avance de trésorerie.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CF279 de M. Matthias Renault, amendements identiques II-CF820 de Mme Marie Pochon et II-CF1728 de Mme Chantal Jourdan, amendement II-CF1729 de M. Dominique Potier, amendement II-CF1224 de Mme Mathilde Hignet, amendement II-CF1711 de Mme Sophie Mette, amendement II-CF977 de Mme Marie Pochon, amendement II-CF175 de M. Fabrice Brun, amendements identiques II-CF928 de Mme Marie Pochon et II-CF1221 de Mme Manon Meunier, amendement II-CF1725 de Mme Sophie Mette, amendement II-CF1544 de Mme Dominique Voynet, amendement II-CF971 de Mme Marie Pochon, amendement II-CF177 de M. Fabrice Brun, amendement II-CF636 de la commission des affaires économiques, amendements identiques II-CF632 et II-CF633 de la commission des affaires économiques et II-CF1829 de Mme Sophie Mette, amendement II-CF631 de la commission des affaires économiques, amendement II-CF172 de Mme Émilie Bonnivard (discussion commune)
M. Matthias Renault (RN). Le Centre national de la propriété forestière (CNPF) a pour mission de développer, d’orienter et d’améliorer la gestion des forêts privées françaises. Mais il est loin d’être le seul acteur du soutien à la filière bois : il y a aussi l’Office national des forêts (ONF), les fédérations professionnelles ou encore la Société forestière, filiale de la Caisse des dépôts et consignations.
Dès 2015, la Cour des comptes pointait à propos du CNPF « un rôle de conseil pour la forêt privée dont l’efficacité est incertaine », « un pilotage et une tutelle peu directifs », et regrettait que l’établissement ne soit pas en mesure d’évaluer l’efficacité de ses propres actions. Sa réinternalisation permettrait un meilleur pilotage par l’État du soutien à la filière bois, dont l’organisation est éclatée, répartie entre des acteurs trop nombreux et mal coordonnés.
Mme Marie Pochon (EcoS). La capacité des puits de carbone des forêts a été divisée par deux en dix ans, le dépérissement s’aggrave, la mortalité des arbres a doublé en cinq ans. C’est un enjeu existentiel dont nos dirigeants ne prennent pas la pleine mesure.
Il y a un an, nous présentions une proposition de loi transpartisane sur la gestion durable des forêts et Sarah El Haïry, alors secrétaire d’État chargée de la biodiversité, déclarait en commission être la garante et la défenseure de la diversification des forêts et de l’encadrement des coupes rases, pour diversifier les sylvicultures et favoriser la bonne santé des forêts. Tout ce qui est arrivé depuis dans ce domaine est la suppression du secrétariat d’État à la biodiversité… et une seule ligne budgétaire de soutien au renouvellement forestier, correspondant au plan de plantation de 1 milliard d’arbres voulu par le chef de l’État, mais sans rien d’autre, comme si les budgets destinés à la forêt ne méritaient pas plus de détails ni de conditions d’allocation.
Vu l’état de nos forêts, nous proposons donc dans l’amendement II-CF820 un meilleur ciblage de ces crédits : 18 millions pour un fonds de soutien au renouvellement forestier par amélioration, 14 millions pour une aide financière à la réalisation de travaux de sylviculture mélangée à couvert continu, 28 millions pour rehausser le niveau des effectifs de l’ONF, 3 millions pour faire de même avec ceux du CNPF, 5 millions pour rétablir une aide aux pépinières et aux entrepreneurs de travaux forestiers, 12 millions pour un fonds de soutien aux petites et moyennes scieries de feuillus, 34 millions pour un fonds de défense des forêts contre l’incendie, 7,5 millions afin de poursuivre les travaux de recherche engagés dans le cadre de France 2030 pour les forêts d’outre-mer. Nous ne proposons pas d’ajouter des crédits mais seulement d’améliorer l’allocation et le ciblage des fonds disponibles dans ce budget, pour une gestion plus durable de nos forêts.
Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit en effet, dans mon amendement identique, de ventiler différemment le même budget, afin d’orienter les actions en vue d’une sylviculture durable.
Mme Sophie Pantel (SOC). L’amendement II-CF1729 tend à rétablir des moyens au profit de l’ONF.
La forêt, qui procure des aménités positives, fait face à des événements climatiques et à des problèmes sylvo-sanitaires. Parce qu’elle est moins gérée, le risque accru d’incendie y est moins bien combattu. L’ONF a perdu 40 % de ses effectifs en vingt ans et une nouvelle suppression – de 95 ETP – est annoncée. Dans mon département, ce week-end, un train a déraillé après avoir heurté un arbre d’une forêt relevant de l’ONF et nous avons frôlé la catastrophe. C’est aussi ce type de conséquences qu’entraîne une mauvaise gestion faute de moyens.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Il paraît incroyable que les crédits alloués à la défense des forêts contre les incendies (DFCI) aient totalement disparu du budget. Des incendies ont lieu tous les ans et le phénomène risque de s’intensifier. Selon une étude de la Banque mondiale, 1 euro investi dans la prévention des incendies de forêt permet d’économiser 2 euros sur le coût des dommages.
M. le président Éric Coquerel. L’amendement II-CF1711 tombe, car les crédits de la ligne sur laquelle il est gagé sont insuffisants.
Mme Marie Pochon (EcoS). En dix ans, la capacité des forêts à stocker le CO2 a été divisée par deux. Maladies et dépérissement s’aggravent au sein de ces sentinelles du climat. Les feux de forêt qui ont frappé tout le territoire métropolitain en 2022, y compris dans des massifs d’ordinaire épargnés, faisant partir en fumée 62 000 hectares – un record en France –, sont encore dans nos mémoires. C’est le monde que nous connaissons qui part en fumée, nous disent les chercheurs. Nous, décideurs, devons l’anticiper et entreprendre une transformation radicale de notre modèle de gestion des forêts et une action à la hauteur de l’enjeu climatique.
Dans ce contexte, la disparition des moyens consacrés à la défense des forêts contre les incendies nous semble absolument incompatible avec la réalité. Un été sans feux massifs ne devrait pas nous faire oublier les catastrophes passées ni les alertes concernant les risques avérés de feux de forêt plus fréquents et plus importants dans un futur très proche. La lutte contre les feux de forêt doit rester une priorité publique. La France doit plus que jamais se préparer à une évolution défavorable du risque incendie, structurellement causé par le réchauffement climatique et l’augmentation de la biomasse forestière.
Nous proposons donc que les crédits destinés à la DFCI soient au moins préservés.
M. Fabrice Brun (DR). Avec 130 millions de tonnes séquestrées par an, la forêt compense plus de 25 % des émissions françaises de gaz à effet de serre. Le reboisement et la gestion durable de la forêt répondent aux besoins de toutes les parties intéressées : lutte contre le réchauffement climatique, stockage du CO2, lutte contre la pollution de l’air, défense des forêts contre les incendies, utilisation de l’énergie bois, emploi de ce matériau noble et renouvelable dans la construction.
L’amendement II-CF175 tend donc à augmenter les moyens destinés à l’action 26, Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois, du programme 149, selon une logique que j’ai déjà défendue ici à plusieurs reprises : le retour à la filière bois de 1 euro par tonne de carbone, défendu par les acteurs de terrain du secteur. Il ne s’agit ici que d’une amorce, à hauteur de 30 millions d’euros.
Mme Marie Pochon (EcoS). Ce sont 38 % des effectifs de l’ONF qui ont été supprimés au cours des vingt dernières années. De ce fait, les surfaces confiées à chaque agent ont fortement augmenté, ce qui réduit la qualité de la gestion forestière publique et des missions de surveillance des départs de feu et de suivi sanitaire des peuplements.
Alors que la grave crise sanitaire en cours éteint la capacité de stockage carbone de nos forêts et que les risques d’incendie sont aggravés par le changement climatique, sans parler de l’effondrement massif de la biodiversité, la nouvelle baisse d’effectifs prévue dans ce budget est tout simplement irresponsable.
Par l’amendement II-CF928, le groupe Écologiste et social propose donc la création de 478 postes supplémentaires.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Voilà bien un exemple de la manière dont une politique d’austérité qui sabre dans les dépenses met en danger toute notre société. Le débat sur l’ONF emporte bien d’autres enjeux. Le stockage du carbone a déjà été cité. En outre, dans le moment de dérèglement climatique que nous connaissons, on ne peut pas se contenter de déplorer les incendies tous les étés sur les chaînes d’information sans donner les moyens d’entretenir les forêts à celles et ceux qui en sont chargés.
Pourtant, entre 2000 et 2024, le nombre d’agents de l’ONF est passé de 12 800 à 7 500, avant la diminution annoncée de 95 postes supplémentaires cette année. Par l’amendement II-CF1221, nous proposons d’en rétablir 478.
Mme Sophie Mette (Dem). Préparé avec les acteurs locaux de la prévention des incendies et de la DFCI, particulièrement en Gironde, mon amendement II-CF1725 vise à rétablir au minimum 20 millions de crédits supprimés dans le PLF pour 2025. Cette suppression mettrait en effet en péril les capacités de la DFCI, donc la prévention des incendies – qui est pourtant la meilleure arme dont nous disposons. Nous avons tous vécu des incendies dramatiques il y a deux ans en Gironde : trop d’hectares ont brûlé faute de moyens.
Mme Marie Pochon (EcoS). Le CNPF est le seul établissement public ayant pour mission principale d’accompagner les propriétaires de forêts privées, qui représentent 75 % de la forêt française, vers une gestion durable. Il agrée les documents de gestion forestiers, il réalise des études et des expérimentations sur la forêt, il vulgarise les méthodes de sylviculture auprès des propriétaires, il regroupe les chantiers d’exploitation, il mutualise les coûts des travaux forestiers.
Pour lui permettre d’y parvenir, sans parler de tous les aléas sanitaires et climatiques qui déciment nos forêts, et pour tenir compte de l’abaissement à 20 hectares de la surface à partir de laquelle un plan simple de gestion doit être réalisé par le propriétaire, ce qui représente 20 000 dossiers supplémentaires à traiter chaque année, nous proposons dans l’amendement II-CF971 une hausse de 46 ETP des effectifs du CNPF.
M. Fabrice Brun (DR). La forêt, qui couvre plus de 30 % de l’Hexagone, est détenue aux trois quarts par des particuliers – la proportion atteint 90 % en Ardèche. Par l’amendement II-CF177, nous demandons par conséquent une augmentation de 1 million des moyens humains et techniques dévolus au CNPF – et aux CRPF (centres régionaux de la propriété forestière) sur le terrain – pour exercer ses missions : construire la gestion durable des forêts privées, accompagner les sylviculteurs, collaborer avec les collectivités, travailler avec les acteurs de la filière bois et de l’environnement, contribuer à la défense des forêts privées contre les incendies.
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour avis. L’amendement II-CF636 est issu d’un amendement adopté par la commission des affaires économiques à la suite de mon avis favorable.
Les missions du CNPF ayant été étendues, il convient de lui allouer les moyens correspondants, dans le prolongement de ce qui a été fait l’année dernière.
Les amendements II-CF632 et II-CF633, comme le II-CF631, visent à sanctuariser le plafond d’emplois de l’ONF, ce qui fait consensus au sein de la commission des affaires économiques, à rebours de la suppression de 95 ETP prévue par le PLF.
L’ONF ne demande pas que cette stabilisation se traduise par une augmentation de sa dotation budgétaire, étant donné que 70 % de son budget est constitué de recettes propres et que les principales contributions publiques qui lui sont versées ne sont pas directement calculées sur la base d’un effectif à rémunérer.
Pour cette raison, je soutiens ces amendements.
Mme Sophie Mette (Dem). Par l’amendement identique II-CF1829, nous demandons également le maintien des 95 ETP qu’il est prévu de supprimer à l’ONF.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. L’amendement II-CF279 tend à supprimer le CNPF et les CRPF qu’il regroupe. Pourtant, le CNPF présente l’avantage d’une gouvernance partagée dans laquelle le privé a son mot à dire, ce qui serait bien plus difficile si ces organismes étaient réinternalisés. Avis défavorable.
Je ne préconise pas pour autant l’augmentation des moyens dévolus au CNPF : avis également défavorable aux amendements qui vont dans ce sens.
S’agissant de l’ONF, il a son utilité du point de vue écologique et économique ; la Cour des comptes a souligné dans un rapport le mois dernier sa très bonne gestion et la baisse du niveau de sa dette, de 400 millions en 2021 à 271,3 millions fin 2023. En outre, l’établissement paie l’impôt sur les sociétés – 14,5 millions en 2023. Néanmoins, la réduction de ses effectifs fait partie d’un plan qui avait été décidé et simplement gelé l’an dernier compte tenu des missions supplémentaires qui lui étaient confiées. Nous ne faisons que reprendre cette trajectoire, que l’ONF avait lui-même validée. Avis de sagesse sur les amendements de la commission des affaires économiques tendant à stabiliser ses effectifs.
J’en viens aux amendements demandant le rétablissement des crédits destinés à la défense des forêts contre les incendies. Celle-ci sera à nouveau budgétée – je répète que le ministère n’a pas achevé la ventilation des crédits de la planification écologique –, mais, pour les raisons déjà indiquées, je ne peux donner d’avis favorable à son renforcement.
En ce qui concerne le plan d’incitation au reboisement pour permettre le stockage du CO2, à l’amendement II-CF175, je suis sceptique : l’action 29, Planification écologique, du programme 149 est l’une des rares de cette enveloppe à être maintenue et la ligne dédiée au renouvellement forestier diminue peu, passant de 250 à 228 millions.
M. Emmanuel Maurel (GDR). Comme l’a bien dit Marie Pochon, l’enjeu est existentiel. La forêt française ne va pas bien.
Monsieur le rapporteur spécial, s’agissant de l’ONF, la Cour des comptes dit aussi que, vu l’immensité de sa tâche et les restrictions d’effectifs d’année en année, l’établissement ne pourra plus s’acquitter de sa mission. Il faut arrêter la saignée ; c’est de la folie. Vous en appelez à la sagesse de la commission, mais l’importance du sujet justifie un soutien transpartisan.
M. Benoît Biteau (EcoS). La bonne gestion de l’ONF passe par la commercialisation de la forêt. En d’autres termes, plus l’ONF vendra de bois, mieux il sera doté. Mais c’est de l’exact inverse que nous avons besoin : d’une mission publique de préservation du bois et de stockage du carbone. Il faut retrouver la notion de service public à propos de l’ONF.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Dans la plupart des départements, ce sont les Sdis (services départementaux d’incendie et de secours) qui assurent la défense des forêts contre les incendies. En Aquitaine, il existe un système particulier ; le président Emmanuelli avait en son temps réussi à faire augmenter la taxe affectée payée par les propriétaires. La proportion de la forêt privée française assurée contre l’incendie ne dépasse pas 2 ou 3 %. Je suis un défenseur du droit de propriété, mais celui-ci implique des devoirs. J’ai toujours été choqué que des crédits publics soient employés à cette fin.
Quant à l’ONF, les forêts domaniales, propriété de l’État, sont gratuitement mises à la disposition de l’établissement, qui n’en est pas propriétaire mais dont le produit lui revient, grâce à quoi il réalise des bénéfices importants. En revanche, la situation des forêts non domaniales détenues par des collectivités publiques – communes, hôpitaux et ainsi de suite – est plus contrastée : une part de leur produit – le taux de 13 %, décidé par le législateur, s’applique indifféremment – revient à l’ONF mais beaucoup, notamment les maquis méridionaux, présentent peu de valeur, ce qui oblige l’Office à compenser cette moindre rentabilité qui pèse sur son bilan. Bref, la situation de l’ONF est beaucoup plus compliquée que ce qu’on croit.
Mme Chantal Jourdan (SOC). Le dernier rapport de l’IGN (Institut national de l’information géographique et forestière) nous alerte sur la hausse de la mortalité des arbres et sur l’effet du changement climatique sur leur croissance. L’enjeu est le type de sylviculture nécessaire à l’adaptation au changement climatique. Nous devons tout faire pour rendre la forêt résiliente. Mis à part les amendements II-CF820 et II-CF1728, qui sont globaux, les autres correspondent aux différentes catégories d’actions requises pour cela.
La commission rejette successivement les amendements II-CF279, II-CF820 et II-CF1728, II-CF1729, II-CF1224 et II-CF977.
Elle adopte l’amendement II-CF175.
Elle rejette successivement les amendements II-CF928 et II-CF1221, II-CF1725, II-CF1544 et II-CF971.
Elle adopte successivement les amendements I-CF177, II-CF636, II-CF632, II-CF633, II-CF1829, II-CF631 et II-CF172.
Amendements identiques II-CF646 de la commission des affaires économiques et II-CF1606 de Mme Manon Meunier
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour avis. La commission des affaires économiques a adopté contre mon avis cet amendement qui prévoit de soutenir la transition agroécologique dans l’élevage et l’installation de nouveaux éleveurs.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Les filières de l’élevage traversent une période particulièrement difficile. Le niveau de revenu des éleveurs est passé de 0,85 Smic en 2010 à 0,6 en 2021. Et pour cause : les charges explosent.
En outre, l’élevage extensif fait face à la concurrence déloyale de modèles de production intensive, qui ne sont pas soumis aux même normes environnementales et de préservation du paysage – et cette situation va s’aggraver en raison de l’accord avec le Mercosur.
Nous devons accompagner l’installation de nombreux paysans pour faire face au départ à la retraite de la moitié d’entre eux d’ici à 2030. Tel est l’objet de cet amendement, qui prévoit de mettre en place un fonds spécifique pour aider à l’installation en élevage durable.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Des dispositifs d’aide à l’installation et à la transmission existent déjà : l’accompagnement à l’installation-transmission en agriculture (AITA) – j’ai d’ailleurs donné un avis favorable à sa revalorisation, promise par le Gouvernement –, la dotation jeune agriculteur et l’indemnité viagère de départ. Des dispositifs fiscaux ont également été mis en place : les parts de groupements forestiers agricoles sont exonérées et les jeunes agriculteurs bénéficient d’un abattement d’office sur leurs bénéfices.
Créer un nouveau dispositif risque d’accroître la complexité. Nous devrons aborder le débat sur la transmission à l’occasion du projet de loi d’orientation agricole.
Je suis foncièrement en désaccord avec la forme de discrimination qui consiste à réserver à l’élevage durable une nouvelle aide à la transmission, alors que tous les agriculteurs sont déjà dans la galère.
M. Benoît Biteau (EcoS). J’ai du mal à suivre le raisonnement du rapporteur spécial. Il veut supprimer les mesures agroenvironnementales et climatiques, l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) et les aides à la filière bio – c’est-à-dire tout ce qui est à peu près vertueux.
Encore une fois, ce sont le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité qui menacent la productivité, la souveraineté alimentaire et le revenu des agriculteurs. Il faut donc accompagner les élevages aux pratiques les plus vertueuses qui entretiennent des zones humides ou de montagne remarquables – lesquelles sont en outre des puits de carbone –, faute de quoi elles disparaîtront.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques II-CF648 de la commission des affaires économiques, II-CF841 de Mme Marie Pochon et II-CF1667 de Mme Manon Meunier
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour avis. Cet amendement adopté contre mon avis propose de compléter par des crédits nationaux l’aide complémentaire jeune agriculteur (ACJA) – aide de la PAC dont les modalités sont décrites dans le PSN.
Mme Marie Pochon (EcoS). 20 % des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté. S’installer est particulièrement difficile, reprendre une exploitation est un chemin semé d’obstacles et la transmettre un sacerdoce. Il est scandaleux que le Gouvernement, réduise les crédits de l’ACJA, qui constituait l’une des rares avancées sociales de la PAC 2023-2027 et permettait à chaque jeune agriculteur de monter un projet.
Par un arrêté du 16 octobre 2023, le ministère de l’agriculture a décidé de ramener cette aide de 4 469 à 3 100 euros par an. En effet, l’ACJA est victime de son succès : dans un contexte de détresse, le nombre de demandes a été tel qu’il a fallu en réduire le montant compte tenu de l’enveloppe disponible.
L’amendement propose donc d’augmenter de 60 millions les crédits qui lui sont destinés. Notre premier objectif devrait être d’aider à l’installation et à la transmission, mais aussi d’entretenir la fierté d’exercer un aussi beau métier que celui d’agriculteur. Cette mesure ne réglera pas les problèmes des dettes qui s’accumulent, du foncier devenu inaccessible ou de l’augmentation des charges Mais elle représente une aide importante en apportant une once de sérénité à ceux qui conçoivent leur projet d’installation.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Les plans d’arrachage en Gironde sont dramatiques. Il faut absolument redonner aux jeunes l’espoir de pouvoir faire quelque chose de toutes les terres qui vont ainsi devenir disponibles.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Nous sommes tous favorables à l’installation des jeunes agriculteurs, mais quel est le meilleur dispositif pour les y aider ?
Je tiens à rétablir la vérité : l’ACJA n’a pas été diminuée, elle a simplement été versée en deux fois – ce qui est certes très dommageable.
Je rappelle que son montant forfaitaire est de 4 469 euros et qu’elle est versée pendant cinq ans aux agriculteurs actifs de 40 ans au plus, sous condition de diplôme ou d’expérience de quarante mois au cours des cinq dernières années dans le secteur de la production agricole.
On ne peut pas occulter le fait que beaucoup de gens s’installent avec un projet qui n’est pas sérieux et ne survit pas longtemps. Il vaut donc mieux canaliser les aides, notamment en les conditionnant à des aides à la surface. Je suis plutôt contre l’ACJA et j’estime qu’il vaut mieux revaloriser d’autres aides, comme l’AITA – ce qu’a promis le Gouvernement.
M. Gérault Verny (UDR). Je suis étonné par certains propos. La semaine dernière, on s’en est pris à tous les mécanismes d’aide à la transmission intergénérationnelle des entreprises, comme le pacte Dutreil, et l’on vient maintenant nous dire qu’il faut aider les agriculteurs en leur versant des subventions. Ce n’est pas logique.
M. le président Éric Coquerel. Le pacte Dutreil a été légèrement amendé, il n’a pas été supprimé.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’ACJA sert à aider ceux qui se sont installés dans des exploitations de petite taille et qui, de ce fait, ne touchent pas d’aides à l’hectare de la PAC – comme certains maraîchers. Il est important de les accompagner car ce modèle de production crée de l’emploi.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Le Gouvernement maintient-il l’objectif de 500 000 exploitants agricoles d’ici à 2035, voté lors de la discussion du projet de loi d’orientation agricole ?
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Lors de leurs auditions, les représentants du ministère nous ont fourni si peu d’informations que c’en était sidérant. A fortiori, je n’ai reçu aucun engagement du ministère s’agissant du nombre d’exploitants agricoles visé.
M. Benoît Biteau (EcoS). On se plaint des difficultés d’installation et du phénomène de concentration, mais il se poursuivra si l’on ne prévoit pas d’aides pour l’endiguer – et ce d’autant plus si l’on favorise les aides à l’hectare.
Il faut donc concentrer l’effort sur les aides aux actifs afin de permettre à davantage de personnes qui ne sont pas issues du monde agricole de pouvoir s’installer, et donc de préserver le modèle paysan familial et agroécologique. C’est aussi une affaire de souveraineté alimentaire : en Europe, 12 % des surfaces sont cultivées par des exploitations familiales paysannes et agroécologiques et elles assurent 32 % de la production.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’amendement II-CF654 de la commission des affaires économiques tombe.
Amendements II-CF1256 de Mme Manon Meunier, II-CF875 de M. Benoît Biteau, amendements identiques II-CF634 et II-CF635 de la commission des affaires économiques, II-CF871 de M. Benoît Biteau et II-CF1566 de Mme Manon Meunier (discussion commune)
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Avec cet amendement, nous proposons de revenir sur la suppression complète des crédits prévue par le Gouvernement pour la sous-action Diagnostic carbone, laquelle vise à renforcer la décarbonation et à développer les diagnostics au moment de la transmission des exploitations.
M. Benoît Biteau (EcoS). On voit bien l’effet du dérèglement climatique sur le maintien de la souveraineté alimentaire et le rôle que peut jouer l’agriculture dans la captation des gaz à effet de serre. Nous avons donc besoin des diagnostics carbone pour, d’une part, évaluer la qualité des pratiques agricoles et, d’autre part, favoriser les bonnes pratiques qui vont contribuer à séquestrer davantage de carbone dans les sols
De grâce, évitons de supprimer les outils d’accompagnement car cela équivaut pratiquement à un suicide alors que les agriculteurs vont être les premières victimes du dérèglement climatique. Il faut éclairer les agriculteurs pour transformer les pratiques et faire ainsi face aux défis à relever. Nous avons rendez-vous avec l’histoire.
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour avis. Je regrette que l’amendement II-CF654 soit tombé, car il concernait le plan de souveraineté de la filière fruits et légumes et avait recueilli un large soutien en commission des affaires économiques.
M. le président Éric Coquerel. Il est tombé car il ne restait plus assez de crédits sur l’action que vous aviez choisie comme gage.
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour avis. Les amendements II-CF634 et II-CF635 visent à augmenter de 15 millions les crédits consacrés à la forêt outre-mer.
Les crédits destinés au volet « forêts » de la planification écologique s’élèvent à 228 millions en AE. Ils diminuent certes de moitié, ce qui est beaucoup mais correspond à la moyenne de la baisse de l’ensemble des dotations de cette planification. En tout état de cause, il faudra consacrer une partie de l’enveloppe restante à la forêt dans les territoires ultramarins.
Les crédits de l’action 26 Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois, affectés à l’ONF, restent quant à eux stables par rapport à 2024.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’avais donné un avis défavorable à l’adoption de ces amendements.
Mme Christine Arrighi (EcoS). L’amendement II-CF871 vise également à doter de nouveau de crédits la sous-action destinée à la forêt outre-mer.
La filière bois dans les territoires ultramarins est d’une importance stratégique, notamment en Guyane où la forêt stocke autant de carbone que l’ensemble des forêts hexagonales. Pourtant, cette filière reste peu développée et ne bénéficie pas d’un soutien public conséquent. Les actions nécessaires pour mieux la structurer risquent de prendre du retard, compromettant ainsi les efforts de préservation de l’environnement, de captation du carbone et de développement économique durable.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Alors qu’Emmanuel Macron a fait des grands discours au moment de la COP15 sur la biodiversité, en déclarant que la France avait déjà protégé 30 % de ses espaces, le Gouvernement supprime les budgets destinés à la forêt outre-mer.
C’est inacceptable : la biodiversité de la forêt amazonienne est extraordinaire et doit impérativement être conservée. Il faut au moins inscrire de nouveau les 15 millions de crédits de 2024.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Monsieur Fugit, je reviens sur l’amendement II-CF654. L’enveloppe dédiée au fonds en faveur de la souveraineté alimentaire et des transitions, que vous souhaitiez abonder, est l’une des rares qui subsiste en matière de planification écologique dans le PLF et elle bénéficie d’une augmentation de 186 % des CP. Le plan de souveraineté semble donc disposer des moyens nécessaires pour 2025.
De manière générale, il ne me paraît pas efficace d’augmenter les crédits de l’action Planification écologique. Appuyons-nous sur les instruments existants comme l’écorégime et les Maec plutôt que d’inscrire de nouveau des crédits destinés au diagnostic carbone.
La sous-action Forêt en outre-mer a subi une coupe aveugle. Je n’ai pas d’avis tranché sur la question. Sagesse en ce qui concerne les amendements identiques.
M. le président Éric Coquerel. C’est le volet agricole qui subit le plus de réductions de crédits au sein de l’action Planification écologique, avec une baisse de 64 % en AE et de 50 % en CP. Sont particulièrement visées les mesures en faveur d’une agriculture raisonnable, qui repose sur une vision différente de celle de l’agriculture intensive malheureusement favorisée par la PAC. Ce choix n’est pas une réponse adaptée à la question du dérèglement climatique et à la nécessité d’accroître le nombre d’agriculteurs.
Mme Sophie Pantel (SOC). Le rapporteur spécial a donné précédemment un avis défavorable à un amendement qui permettait d’augmenter les crédits des Maec et nous indique désormais qu’il vaut mieux favoriser ces dernières. Or, sans mesures de soutien nationales, on ne peut pas obtenir les versements de la PAC.
En politique, il faut de la clarté, de la constance et de la cohérence. Il est franchement difficile d’entendre ce que vous dites amendement après amendement.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Ce n’est pas vrai. J’avais précisément émis un avis favorable à l’amendement II-CF1739 que vous aviez défendu, parce que je juge plus intéressant d’augmenter les crédits de dispositifs connus et appréciés par l’ensemble des agriculteurs.
La commission adopte l’amendement II-CF1256.
L’amendement II-CF875 est retiré.
La commission adopte les amendements identiques.
Amendements identiques II-CF643 de la commission des affaires économiques et II-CF1680 de Mme Mathilde Hignet, amendements identiques II-CF1828 de M. Pascal Lecamp et II-CF1996 de M. Vincent Trébuchet, amendement II-CF560 de M. Charles Sitzenstuhl (discussion commune)
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour avis. L’amendement adopté par la commission des affaires économiques contre mon avis propose de renforcer les moyens affectés au programme d’AITA.
L’aide à l’installation est au cœur du projet de loi d’orientation agricole, dont je souhaite l’adoption. D’autres textes permettraient d’engager de nouveaux moyens financiers en 2025 si le besoin s’en faisait sentir. Comme il faut faire des choix budgétaires, je m’étais opposé à l’adoption de cet amendement.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’amendement identique II-CF1680 vise à augmenter de 10 millions le budget alloué au programme d’AITA.
Un agriculteur sur deux partira à la retraite dans les dix prochaines années et le projet de loi d’orientation agricole fixe un objectif de 500 000 agriculteurs installés en 2035. Il faut se donner les moyens d’y arriver, en aidant les jeunes à s’installer et ceux qui partent à transmettre.
Mme Sophie Mette (Dem). L’amendement II-CF1828 propose d’augmenter de 7 millions le budget de l’AITA. Ce fonds a notamment pour objectif de favoriser l’installation de jeunes qui ne sont pas issus du monde agricole.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). L’amendement d’appel II-CF560 vise à attirer l’attention sur la croissance des besoins de crédits en faveur de l’installation et de la transmission en agriculture afin de faire face à l’ampleur du défi du renouvellement des générations.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. L’augmentation des crédits destinés à l’AITA est une promesse du Gouvernement et elle est très attendue par les jeunes agriculteurs.
Avis défavorable aux amendements identiques II-CF643 et II-CF1680, avis favorable aux autres amendements.
La commission rejette les amendements II-CF643 et II-CF1680 et adopte les amendements II-CF1828 et II-CF1996.
L’amendement II-CF560 est retiré.
L’amendement II-CF1007 tombe.
Amendement II-CF1077 de M. Dominique Potier, amendements identiques II-CF639 de la commission des affaires économiques et II-CF1508 de M. Charles Sitzenstuhl (discussion commune)
Mme Sophie Pantel (SOC). L’amendement II-CF1077 vise à augmenter les crédits alloués à FranceAgriMer afin de poursuivre l’adaptation des filières. Cette démarche est indispensable pour garantir aux éleveurs et producteurs de pouvoir vivre dignement mais aussi pour valoriser nos terroirs.
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour avis. Adopté par la commission des affaires économiques avec mon avis favorable, l’amendement II-CF639 propose une hausse des crédits de FranceAgriMer, plus raisonnable que la précédente, pour soutenir la structuration des filières.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. J’émets un avis défavorable sur les amendements identiques relatifs à la structuration des filières agricoles, qui est certes essentielle mais le plan de relance y a déjà consacré 54 millions d’euros, ainsi que 4 millions d’euros d’aide à la professionnalisation des organisations de producteur en 2023.
Pour 2025, l’amendement est déjà partiellement satisfait pour deux raisons : le financement de FranceAgriMer augmente fortement de 180 à 277 millions ; le programme 149 comprend déjà une enveloppe de 252 millions destinée à renforcer la structuration des filières et à accompagner leur adaptation à l’évolution des marchés.
L’amendement II-CF1077 vise à développer une approche prophylactique au sein de FranceAgriMer s’appuyant, d’une part, sur les sciences humaines pour anticiper l’évolution des marchés, et, d’autre part, sur les sciences dites dures pour améliorer la prévention des maladies végétales et animales. Je suis favorable à la démarche de prévention, qui manque cruellement au ministère, habitué à la gestion de crise permanente, qu’elle soit économique ou sanitaire. Néanmoins, pour y parvenir, une réorientation des effectifs au sein de FranceAgriMer serait plus pertinente qu’une hausse des crédits, déjà significative.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques II-CF637 de la commission des affaires économiques et II-CF872 de M. Benoît Biteau
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour avis. L’amendement a été adopté par la commission des affaires économiques contre mon avis. Je laisse M. Biteau le présenter.
M. Benoît Biteau (EcoS). La forêt est en train de dépérir. L’amendement vise à soutenir les pépiniéristes et les entreprises de travaux forestiers afin qu’ils développent des essences autochtones adaptées aux nouvelles conditions climatiques et pédologiques pour reboiser.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette les amendements.
Amendement II-CF655 de la commission des affaires économiques
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement très important pour l’outre-mer, aux termes duquel il est demandé à l’État d’abonder le régime spécifique d’approvisionnement (RSA), qui prend partiellement en charge le coût du fret pour l’alimentation animale en outre-mer.
Compte tenu du poids de l’alimentation dans le coût de revient des volailles ou des porcs, qui sont très consommés en outre-mer, la compétitivité de la viande produite localement demeure très dépendante du RSA. Les autorités communautaires ont fait savoir qu’elles ne voyaient pas d’obstacles juridiques au versement d’une aide nationale, en complément des fonds européens.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Je vous remercie de nous alerter sur ce sujet fondamental pour les outre-mer.
Le plafond du RSA n’a pas été relevé depuis dix ans. 8 millions d’euros de coût de fret sont supportés par les éleveurs des départements d’outre-mer, en particulier à La Réunion.
Je suis favorable aux initiatives qui soutiennent la compétitivité des exploitations et le niveau de vie des agriculteurs. Je voudrais cependant apporter deux nuances : il convient de réfléchir aux modalités d’un cofinancement de l’augmentation du RSA par les collectivités territoriales ; l’attribution du RSA doit être conditionnée à un engagement préalable des opérateurs sur leurs prix de vente.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-CF1733 de M. Dominique Potier tombe.
Amendement II-CF1533 de Mme Sophie Pantel
Mme Sophie Pantel (SOC). L’amendement vise à financer l’équipement des louvetiers à hauteur de 1,5 million.
Les pâturages sont indispensables au maintien des milieux ouverts, lesquels jouent un rôle dans la prévention des incendies. Or ils sont mis en péril par la prédation à laquelle les éleveurs sont confrontés.
Les louvetiers, qui sont chargés d’appliquer le plan « loup », sont contraints de payer eux-mêmes leur tenue et leur fusil quand les collectivités ne les financent pas. Leurs frais de déplacement sont pris en charge de manière inégale selon les préfectures.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Le programme 149 comporte un plan Pastoralisme et lutte contre la prédation, doté de 14,4 millions d’euros.
Les louvetiers jouent un rôle crucial en rassurant la population et en régulant la population lupine. À la sortie de l’hiver 2022-2023, on recensait 1 104 loups dans notre pays, soit un doublement par rapport à 2018. Cette hausse, de surcroît sous-estimée, justifie pleinement de renforcer les moyens des louvetiers. Avis favorable.
M. Fabrice Brun (DR). Les louvetiers sont des agents assermentés mais totalement bénévoles qui doivent souvent payer leurs déplacements et leur tenue. Compte tenu de leur rôle dans la régulation du gibier et dans la lutte contre la prédation, le soutien que leur apporte cet amendement me semble bienvenu, notamment pour susciter des vocations.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF1732 de M. Dominique Potier
Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit d’allouer 1 million supplémentaire à la structuration des filières par le biais des organisations de producteurs.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Le plan de relance a accordé 54 millions à la structuration des filières et FranceAgriMer a consacré 4 millions à l’aide à la professionnalisation des organisations de producteurs. Le programme 149 alloue 252 millions à l’adaptation des filières à l’évolution des marchés en métropole et en outre-mer. Votre amendement paraît largement satisfait.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques II-CF707 de la commission des affaires économiques et II-CF1744 de M. Dominique Potier
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour avis. L’amendement II-CF707, qui a été adopté en commission des affaires économiques sur mon avis favorable, vise à financer, à hauteur de 1 million, l’installation dans chaque bassin d’une gouvernance de l’eau, fondée sur une approche scientifique et un partage équilibré entre les différents usages. Il s’agit de placer la science au-dessus des croyances.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Les sécheresses soulignent l’intérêt des retenues, par exemple collinaires, mais certaines sont contestées par les riverains ou les associations environnementales. Je condamne les violences que cette opposition génère parfois.
Plusieurs mesures fiscales et réglementaires récentes concernent l’eau : l’augmentation à plusieurs reprises depuis 2017 de la redevance pour pollutions diffuses qui pèse sur les agriculteurs ; la création en 2024 d’un fonds d’investissement en hydraulique agricole, doté de 30 millions par an, pour accompagner le partage de la ressource en eau et le recyclage des eaux usées pour l’irrigation agricole.
Soucieux de ne pas multiplier les outils, j’émets un avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques II-CF1090 et II-CF1846 de M. Guillaume Garot, amendement II-CF1354 de Mme Marie Pochon (discussion commune)
Mme Marie Pochon (EcoS). Il existe des garanties d’accès de tous à une alimentation saine, abordable, respectueuse de l’environnement et du climat et qui rémunère justement les producteurs est aujourd’hui garanti. Les consommateurs y sont attachés, de même que les producteurs, qu’elles protègent notamment contre la concurrence déloyale et la contrefaçon.
Il est important de soutenir les filières sous signes d’identification de la qualité et de l’origine, parmi lesquels le Label rouge. Or, sept ans près les états généraux de l’alimentation, en dépit de cahiers des charges améliorés, les volumes de production des filières Label rouge ont reculé, faute de volonté politique pour soutenir la demande et valoriser les atouts de ces filières durables qui font la fierté de nos territoires.
Face à l’inflation et à la concurrence accrue de producteurs qui ne sont soumis à aucun cahier des charges officiel ni contrôle, les producteurs des filières Label rouge ont besoin de moyens pour faire connaître leurs pratiques différenciées en matière de lutte contre le changement climatique, de protection de la biodiversité et de bien-être animal. Tel est le sens de l’amendement.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Pour les mêmes raisons que celles qui m’ont amené à soutenir la réinternalisation de l’Inao, je suis défavorable à l’augmentation de son budget.
La commission adopte les amendements identiques, l’amendement II-CF1354 ayant été retiré.
Amendement II-CF1226 de Mme Manon Meunier
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). L’amendement vise à augmenter le financement des syndicats agricoles afin de tenir compte de l’inflation et de la hausse du coût de l’énergie. En effet, le budget dédié est stable depuis deux ans alors que l’inflation a atteint 4,9 % en 2023.
Les élections professionnelles agricoles, qui auront lieu au début de l’année 2025, déterminent la représentativité de chaque syndicat agricole et la répartition des sièges dans les collèges des chambres de l’agriculture.
Des rapports parlementaires et de la Cour des comptes ont pointé, à plusieurs reprises, des dysfonctionnements dans la gouvernance des chambres d’agriculture ainsi que l’absence de démocratie en leur sein. Pour garantir davantage de pluralisme, les règles de financement, qui sont inéquitables et injustes, doivent être revues. La répartition doit être fondée sur le nombre de voix et non sur le nombre de sièges afin qu’elle reflète mieux les résultats du scrutin.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Je suis favorable à la revalorisation, assez modeste – 726 000 euros –, des subventions aux syndicats agricoles qui s’élèvent à 14,5 millions d’euros dans le PLF pour 2025.
S’agissant de la représentativité syndicale, je partage votre avis sur la nécessité de modifier les règles, qui ne permettent pas à l’ensemble des composantes d’être représentées à la hauteur de leur poids dans les élections.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques II-CF641 de la commission des affaires économiques et II-CF1741 de M. Dominique Potier
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour avis. Avec mon avis favorable, la commission des affaires économiques a adopté cet amendement, d’un montant raisonnable, visant à renforcer les moyens de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits agricoles et alimentaires, le fameux OFPM.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Le travail de l’OFPM est précieux, mais il faut être attentif au risque de doublon avec l’Insee, qui étudie aussi les coûts de production.
M. Benoît Biteau (EcoS). Le travail de l’OFPM consiste notamment à détecter d’éventuels effets d’aubaine. Il s’agit d’identifier tous ceux qui profitent de l’activité agricole pour s’enrichir au détriment des agriculteurs. Je pense à de gros fabricants de machines agricoles, dont on n’observe pas l’activité ni les marges, qui tirent avantageusement parti du système d’aides publiques.
La commission adopte les amendements.
Amendements identiques II-CF649 de la commission des affaires économiques et II-CF1675 de Mme Mathilde Hignet
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour avis. L’amendement d’appel II-CF649 sur la revalorisation des retraites agricoles a été adopté par la commission des affaires économiques contre mon avis.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Il s’agit en effet d’un amendement d’appel tendant à souligner l’importance de la revalorisation des retraites agricoles, au moins à hauteur du Smic pour une carrière complète. C’est une question de décence.
Les agriculteurs et agricultrices travaillent un nombre d’heures démentiel – parfois plus de 70 heures par semaine – pour toucher, à l’issue d’une carrière complète, une retraite absolument ridicule.
La faiblesse des retraites conduit à un cercle vicieux puisque, pour la compenser, l’agriculteur ou l’agricultrice exigera de la transmission de sa ferme un prix qui ne sera pas abordable pour des jeunes désireux de s’installer.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Je partage évidemment votre inquiétude : les agriculteurs méritent une retraite digne. C’est à la fois le fruit d’une vie de labeur et cela favorise le renouvellement des générations.
Cependant, le programme 149, et plus largement la mission Agriculture, ne contiennent aucune disposition sur les retraites, à l’exception d’un complément de retraite pour les anciens affiliés à la caisse mutuelle agricole de retraite d’Alger. J’émets donc un avis défavorable.
Mme Sophie Pantel (SOC). Faute de retraite décente, nombre d’agriculteurs conservent une activité pour toucher un complément de revenu, ce qui freine la transmission du foncier et l’installation des jeunes.
La commission adopte les amendements.
L’amendement II-CF1173 de M. David Taupiac tombe.
Amendements II-CF1995 de M. Vincent Trébuchet, II-CF1468 de Mme Manon Meunier, II-CF986 de M. Jean-René Cazeneuve et II-CF679 de la commission des affaires économiques (discussion commune)
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. L’amendement, inspiré par la commission des affaires économiques, vise à renforcer considérablement la stratégie vaccinale du Gouvernement.
J’ai été sidéré d’entendre la direction générale de l’alimentation expliquer que, lorsque la nécessité de vacciner s’est imposée, le ministère a dû redéployer des crédits pour le faire, faute de crédits dédiés. La conséquence en a été une politique vaccinale moins ambitieuse que ce qu’il aurait fallu.
Il est très problématique qu’un ministère n’ait pas assez d’argent pour mener une politique de vaccination alors que, si elle est précoce, elle permet d’éviter des conséquences dramatiques et des pertes dont le coût est bien plus élevé.
Je suis donc favorable, non pas à une distribution de fonds tous azimuts, mais à une solution pour que le ministère rompe avec la logique de gestion de crise.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Les éleveurs traversent des épidémies à répétition – FCO (fièvre catarrhale ovine), MHE (maladie hémorragique épizootique) – au cours desquelles ils peuvent perdre la moitié de leurs troupeaux, parfois davantage.
La gestion de la vaccination par le gouvernement précédent a été catastrophique. La vaccination contre la FCO de sérotype 3 (FCO3) a été ouverte sur tout le territoire mais ce n’est toujours pas le cas pour la FCO de sérotype 8 (FCO8). Certains éleveurs sont laissés seuls face à l’épidémie, ne sachant pas s’ils doivent vacciner, au risque de mettre en péril leurs finances, ou ne pas vacciner, au risque de perdre une partie de leur élevage. Le manque d’accompagnement est pour eux une source de stress supplémentaire.
Il est donc proposé ici d’ouvrir une enveloppe supplémentaire de 100 millions pour les aider à traverser cette crise.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). La filière palmipède a connu cinq années très difficiles. Le vaccin a permis d’endiguer l’influenza aviaire. La vaccination a été prise en charge par l’État à 85 % en 2023 et à 70 % en 2024. Je salue l’action des agriculteurs et du gouvernement précédent.
L’amendement II-CF986 vise à couvrir une éventuelle campagne de vaccination en 2025.
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour avis. Sur le même sujet, l’amendement II-CF679 a été adopté par la commission des affaires économiques avec mon soutien.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Je suis favorable à l’ensemble de ces amendements qui répondent à une attente très forte des éleveurs.
La commission adopte l’amendement II-CF1995 et les autres amendements sont retirés.
Amendements II-CF993 de Mme Marie Pochon, II-CF1465 de Mme Mathilde Hignet et II-CF2078 de M. Vincent Trébuchet (discussion commune)
Mme Marie Pochon (EcoS). Dans le contexte de déprise et de crise du revenu agricole, l’épidémie de fièvre catarrhale ovine fait craindre de graves conséquences pour de nombreuses exploitations ainsi que pour l’économie de nos territoires ruraux et pastoraux.
Les éleveurs doivent faire face dans l’immédiat à d’importants coûts et pertes malgré des trésoreries déjà exsangues, mais les difficultés vont perdurer dans les années à venir, notamment à cause de problèmes de fertilité.
Une enveloppe de 75 millions d’euros a été annoncée pour l’indemnisation des pertes dues à la FCO3. Elle est non seulement insuffisante mais aussi injuste puisque les éleveurs touchés par la FCO8 ne bénéficieront pas du même soutien alors que, dans la Drôme par exemple, le variant 8 a décimé jusqu’à 50 % des cheptels. Pourquoi une telle différence de traitement ? Certes, les éleveurs seront éligibles au fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) mais nous savons déjà que les aides ne seront pas suffisantes et ne seront pas versées assez vite pour compenser les pertes subies.
Il est indispensable de mettre fin à ce soutien différencié qui fait dire aux éleveurs de ma circonscription qu’ils en ont « marre du mépris pour les péquenots du Sud ». C’est la raison pour laquelle il est proposé une enveloppe de 330 millions destinée à couvrir les pertes directes et indirectes liées aux deux sérotypes de la FCO et à la MHE.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’amendement a pour objet l’indemnisation par l’État de l’ensemble des ravages causés par la FCO et la MHE. C’est parfois la moitié du cheptel qui est décimée. Face à cette crise sanitaire, nous devons soutenir l’élevage français.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. L’amendement vise à pérenniser au moins pour l’année prochaine le dispositif d’indemnisation des pertes à hauteur de 75 millions d’euros.
Je réponds à mes collègues de la Droite républicaine : il n’est pas question d’une augmentation globale du budget du ministère ; il s’agit d’adopter une stratégie d’anticipation. L’an prochain, les pertes seront probablement identiques à celles de cette année, qui n’ont d’ailleurs pas été indemnisées de manière satisfaisante. Comme chaque année, les agriculteurs devront batailler, descendre dans la rue pour obtenir une rallonge dans la loi de fin de gestion. Ce n’est pas cohérent. Il me semble préférable d’anticiper dès maintenant l’indemnisation des pertes futures qui découleront inévitablement d’une stratégie vaccinale défaillante.
J’émets un avis défavorable sur les amendements II-CF993 et II-CF1465, qui allouent des montants trop importants.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Le montant de 330 millions correspond à une estimation des indemnisations nécessaires par la Confédération paysanne. Il y va de la survie des élevages. Les pertes économiques ne sont que la partie émergée, de nombreuses inconnues demeurent quant aux effets de ces maladies – je pense notamment à l’infertilité – qui risquent de causer de nouvelles pertes ultérieurement. Il faut également reconstituer les troupeaux.
Les amendements II-CF993 et II-CF1465 ayant été rejetés, la commission adopte l’amendement II-CF2078.
Amendement II-CF203 de M. Fabrice Brun
M. Fabrice Brun (DR). La drosophila suzukii est une mouche asiatique, un ravageur qui provoque de graves dégâts sur les cerises, petits fruits rouges et myrtilles sauvages. Heureusement, la drosophile a un ennemi naturel : la microguêpe ganaspis.
L’amendement vise à financer, à hauteur de 500 000 euros, les recherches sur les solutions biologiques pour lutter contre la drosophila suzukii. Des lâchers de microguêpes sont déjà organisés sur les cerises ; on pourrait les étendre à la myrtille sauvage qui est menacée, notamment dans les zones d’altitude.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. La mouche orientale des fruits constitue en effet une menace pour de nombreuses cultures fruitières et légumières. En sus des actions mentionnées dans l’exposé sommaire, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), dont je salue le rôle préventif sur le sujet, a rendu une étude en mars dernier. Il faut renforcer les inspections sur les marchandises les plus à risque et sensibiliser les voyageurs aux risques du déplacement de végétaux et de produits végétaux.
Compte tenu de l’utilité de ces mesures et du faible budget demandé, j’émets un avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-CF879 de M. Benoît Biteau tombe.
Amendements II-CF1485 de Mme Mathilde Hignet, II-CF1281 de Mme Marie Pochon, II-CF1804 et II-CF1813 de M. Boris Tavernier (discussion commune)
L’amendement II-CF1281 étant tombé, la commission adopte l’amendement II-CF1485 contre l’avis du rapporteur, et les autres amendements sont retirés.
Amendement II-CF1734 de M. Dominique Potier
Mme Chantal Jourdan (SOC). Actuellement, ce sont les mêmes acteurs qui prodiguent des conseils aux agriculteurs et qui leur vendent des produits phytopharmaceutiques, l’obligation de séparer ces deux activités étant très peu respectée, à cause de la difficulté des contrôles.
Conformément à une recommandation de la commission d’enquête sur l’usage des produits phytopharmaceutiques, nous proposons donc l’instauration d’un conseil agronomique global et universel pour tous les agriculteurs. Ce conseil concernerait toute l’exploitation. Il permettrait de limiter le recours aux produits phytosanitaires, voire de s’en passer et d’engager une dynamique collective.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Vous demandez la création d’une nouvelle structure, placée sous le contrôle des chambres d’agriculture et dont les missions, mal définies, ressemblent à celles des chambres d’agriculture, pour un montant annuel de 70 millions d’euros. Avis défavorable.
Mme Chantal Jourdan (SOC). Cette proposition reprend la recommandation d’une commission d’enquête et part du constat de l’échec des tentatives de séparer les activités de conseil et de vente. Un conseil global et systémique serait intéressant.
M. Benoît Biteau (EcoS). Les coopératives et les distributeurs tirent leurs marges de la distribution des intrants – les semences, les pesticides et les engrais de synthèse –, situation qui encourage la surconsommation. Nous avons trop traîné pour séparer les activités de conseil et de vente, alors que cela permettrait de limiter l’utilisation d’intrants et ainsi de préserver le climat, la santé et la biodiversité.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CF1471 et II-CF1375 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)
Mme Marie Pochon (EcoS). L’amendement II-CF1471 vise à amplifier l’expérimentation de l’abattage à la ferme.
Les petits abattoirs ferment et l’abattage se concentre dans de grandes structures industrialisées, au détriment du maillage du territoire. L’an dernier, dans un rapport au Parlement rendu dans le cadre de la stratégie Abattoirs, le Gouvernement a indiqué que l’abattage à la ferme pourrait constituer une solution. Ce type d’abattage, qui permet de transporter la carcasse plutôt que l’animal, est déjà pratiqué dans de nombreux pays, notamment en Suisse, à l’aide de caissons mobiles.
L’un des plus grands abattoirs paysans coopératifs de France se trouve dans ma circonscription, à Die. Il fonctionne très bien et permet de développer l'élevage pastoral, de rendre l’outil de transformation aux éleveurs et de faciliter l’installation de nouveaux éleveurs. C’est une grande fierté. Cet amendement permettrait de satisfaire une attente des éleveurs et des consommateurs, mais aussi de réduire la souffrance animale.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Je comprends votre objectif de préserver le bien-être animal et de limiter le transport, mais l’abattage à la ferme entraînerait un surcoût important pour l’inspection des abattoirs, alors que les crédits de fonctionnement de ces inspections s’élèvent déjà à 6,5 millions d’euros et que les contrôles des abattoirs mobilisent déjà 30 % des effectifs de contrôle de la direction générale de l’alimentation.
Par ailleurs, l’abattoir est le dernier point de contrôle des maladies animales. Mon avis défavorable est donc aussi motivé par un enjeu sanitaire.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CF302 de M. Matthias Renault, II-CF1740 de M. Dominique Potier et II-CF683 de la commission des affaires économiques (discussion commune)
Mme Sophie Pantel (SOC). L’amendement II-CF1740 vise à allouer 10 millions d’euros de crédits supplémentaires à l’Anses pour qu’elle applique le programme national de recherche portant sur les thèmes environnement, santé et travail.
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour avis. Cet amendement adopté par la commission des affaires économiques vise à augmenter de 2,5 millions d’euros les moyens de l’Anses, une agence stratégique qui est fortement sollicitée dans les domaines de la santé animale et humaine et dont je salue les agents, de grands scientifiques que certains n’hésitent pourtant pas à vilipender.
Le montant de 2,5 millions d’euros correspond à la perte de recettes résultant de l’allégement du barème de la taxe affectée perçue par l’Anses et relative à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants, des matières fertilisantes et de leurs adjuvants et des supports de culture. L’allégement de ce barème, qui s’explique par le soutien de l’État aux dispositifs de biocontrôle, n’a jusqu’à présent donné lieu à aucune compensation pour l’Anses.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements. L’Anses est née de la fusion en 2010 de l’Afssa (l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments) et l’Afsset (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail). Ses laboratoires travaillent pour les différents ministères compétents. La proposition d’internaliser l’Anses, formulée à l’amendement II-CF302, conduirait paradoxalement à accroître les coûts de structure, soit le contraire de l’objectif recherché.
La veille sanitaire de l’Anses est fondamentale et nécessite des investissements en amont, afin de préserver notre capacité de détection des virus. Il faudra donc être prudent concernant le budget alloué à cet organisme pour les prochaines années. Pour l’heure, j’émets toutefois un avis défavorable à son augmentation.
La commission rejette l’amendement II-CF302.
Elle adopte l’amendement II-CF1740, l’amendement II-CF683 ayant été retiré.
Contre l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement II-CF1470 de Mme Mathilde Hignet
Amendement II-CF1079 de M. Dominique Potier
Mme Sophie Pantel (SOC). Cet amendement vise à créer des espaces tests dans l’ensemble des établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricoles (Eplefpa), sur le modèle des pépinières d’entreprises agricoles. De telles structures aident les futurs porteurs de projet en matière d’ingénierie avant leur installation. Par exemple, l’établissement situé dans ma circonscription a mené un travail très fructueux sur la spiruline ou encore sur les questions relatives à l’eau.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Je partage votre attachement à l’enseignement agricole, mais les crédits de 2,1 milliards d’euros qui lui sont affectés ne relèvent pas de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales. Ils relèvent des programmes 142 et 143, rattachés respectivement aux missions Recherche et enseignement supérieur et Enseignement scolaire. Je vous invite donc à retirer votre amendement et à le redéposer sur ces missions.
L’amendement est retiré.
Les amendements II-CF1228 de Mme Manon Meunier et II-CF1472 de Mme Mathilde Hignet tombent.
Amendements II-CF1480 de Mme Mathilde Hignet et II-CF1477 de Mme Manon Meunier (discussion commune)
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). L’amendement II-CF1477 vise à ce que la viande servie dans les établissements collectifs soit à 100 % d’origine française. Les marchés publics contribueront ainsi à créer des débouchés pour nos agriculteurs et à limiter le libre-échange dans ce domaine.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Sans revenir sur la question du traité avec le Mercosur, sur laquelle je me suis exprimé, et même si je partage l’objectif recherché par cet amendement II-CF1477, je ne suis pas favorable à la réaffectation de crédits aussi importants.
La commission adopte l’amendement II-CF1480.
En conséquence, l’amendement II-CF1477 tombe.
Amendements II-CF650 de la commission des affaires économiques et II-CF1662 de Mme Mathilde Hignet (discussion commune)
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour avis. Adopté par la commission des affaires économiques malgré mon avis défavorable, l’amendement II-CF650 vise à créer un fonds, doté de 100 millions d’euros, pour l’égalité de genre dans le secteur agricole. Le fils d’agriculteurs que je suis sait combien les femmes ont toujours joué un rôle majeur dans notre agriculture, sans toujours être reconnu à sa juste valeur. Cependant, si la place des femmes doit être prise en compte dans les dispositifs d’accompagnement à l’installation, elle ne doit pour autant pas être source de discriminations, notamment en ce qui concerne le montant des aides perçues.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’amendement II-CF1662 a le même objet. La création de ce fonds est justifiée par les fortes inégalités de genre constatées dans le secteur agricole.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. D’après les nombreuses données chiffrées figurant dans le recensement décennal et celles régulièrement publiées par la Mutuelle sociale agricole (MSA), 30 % des actifs agricoles et 25 % des chefs d’exploitation sont des femmes. Parmi celles-ci, 62 % sont cheffes d’exploitation, co-exploitantes ou associées, tandis que 21 % sont conjointes ou parentes et 17 % salariées. Je reconnais que l’égalité de genre progresse trop lentement, mais ce n’est pas par la création d’un fonds ad hoc doté de 100 millions d’euros que nous devons nous y prendre pour améliorer les choses. J’ai une préférence pour les mesures de droit commun, l’une des pistes, parmi tant d’autres, étant l’amélioration de la prise en charge des agricultrices pendant leur grossesse. Avis défavorable.
Mme Véronique Louwagie (DR). Je comprends l’esprit de cet amendement et chacun est libre de défendre les politiques publiques qu’il souhaite, mais il y a là une inadéquation flagrante entre l’objet et le montant envisagé. Je ne vois même pas comment 100 millions d’euros pourraient être dépensés dans ce domaine. Si encore vous proposiez 1 million d’euros ou quelque chose d’approchant, mais 100 millions ! Quelle incohérence !
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Mathilde Hignet, Marie Pochon et moi-même vous inviterons aux tables rondes que nous organisons régulièrement sur l’égalité de genre en agriculture. Nous recevons des paysannes qui témoignent des difficultés qu’elles rencontrent, notamment en raison de l’inadaptation du matériel agricole. Par exemple, les tracteurs qu’elles utilisent émettent en permanence un signal d’alarme car, ayant été configurés pour un gabarit d’homme, ils ne détectent pas leur poids. Il en va de même des tenues de travail, introuvables pour les femmes. Les paysannes en viennent à s’organiser en ateliers pour essayer d’adapter le matériel. Et si elles sont moins nombreuses à s’installer, c’est parce qu’elles rencontrent davantage de blocages que les hommes de la part des banques. On leur demande si elles vont y arriver seules ou, quand on se rend dans leur exploitation, où se trouve le patron, car on n’envisage pas qu’elles puissent l’être. Vous voyez donc que si l’on fait le compte de toutes les actions à mener, la somme de 100 millions d’euros est un strict minimum.
La commission rejette les amendements.
Amendement II-CF1261 de Mme Manon Meunier
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Cet amendement vise à créer une caisse de défaisance destinée à reprendre les dettes des agriculteurs s’engageant à passer au bio dans le cadre d’un contrat de transition.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement.
Amendements II-CF1331 et II-CF1341 de M. Charles Fournier, II-CF1487 de Mme Manon Meunier et II-CF1840 de M. Guillaume Garot (discussion commune)
Mme Marie Pochon (EcoS). Les amendements II-CF1331 et II-CF1341 visent à permettre une expérimentation de dispositifs de sécurité sociale de l’alimentation.
La précarité alimentaire est en nette augmentation dans le contexte de l’inflation : 16 % des Français déclarent ne pas toujours avoir assez à manger. Des dispositifs d’aide alimentaire existent, mais ils ne peuvent constituer la seule réponse : une personne sur deux en situation de précarité alimentaire n’y a pas recours et la couverture offerte aux bénéficiaires n’est que très partielle.
Des initiatives inspirées des principes de la sécurité sociale de l’alimentation se multiplient partout en France, à l’échelle locale ou départementale, notamment à Montpellier, à Cadenet, à Saint-Étienne, à Dieulefit dans la Drôme, à Paris et à Lyon ainsi qu’en Gironde. Elles varient selon leur taille, leur durée, leur degré d’avancement, le nombre de participants et le montant des cotisations, mais toutes consistent à appliquer à leur échelle un système de redistribution alimentaire.
Nous proposons d’aider trente expérimentations de caisses locales d’alimentation, d’environ 5 000 habitants, à changer d’échelle en 2025 avec l’appui d’un financement de l’État, de 15 millions d’euros, représentant un tiers du coût total.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Sur le principe, avis défavorable. J’ajoute que ces amendements n’entrent pas dans le champ de cette mission budgétaire, puisqu’ils visent à créer une forme de sécurité sociale de l’alimentation, ce qui relève plutôt de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, laquelle comporte déjà une enveloppe Mieux manger pour tous, dotée de 60 millions d’euros.
La commission adopte l’amendement II-CF1331.
Les amendements II-CF1341 et II-CF1487 sont retirés, l’amendement II-CF1840 étant tombé.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement II-CFI131 de Mme Marie Pochon.
Amendement II-CF873 de M. Benoît Biteau
M. Benoît Biteau (EcoS). C’est au moment de la transmission et de l’installation qu’il est possible de réorienter les pratiques agricoles pour aller, par exemple, vers davantage d’agroécologie. Nous proposons de soutenir, dans cette perspective, des mesures d’accompagnement de la restructuration et de la diversification.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Oui aux aides à la transmission, mais non à leur conditionnement à la diversification. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
M. le président Éric Coquerel. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission. Nos débats sont longs et épuisants, mais tous les groupes ne sont pas obligés de déposer autant d’amendements.
Nous en venons aux explications de vote sur les crédits de la mission.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous appelons nous aussi à faire preuve de modération concernant le nombre d’amendements. Même quand on en dépose beaucoup, on peut en faire une présentation commune par thème ou par politique publique. Il ne sert à rien d’expliquer cinquante fois la même chose, comme si on était à un meeting de je ne sais quel mouvement politique.
Nous voterons contre les crédits de ce budget qui n’a plus ni queue ni tête : ce n’est qu’une accumulation de mesures dont les montants ne sont visiblement pas du tout documentés, mais proposés à la va-comme-je-te-pousse – ici 50 millions, là 100 millions. Tout le monde a eu son petit billet : la mère Michel, le père Lustucru et le chat.
M. Denis Masséglia (EPR). Nous prenons acte de la proposition de réduction du nombre d’amendements, en espérant que le groupe NFP la mette en œuvre.
Compte tenu des modifications apportées aux crédits de la mission, le groupe Ensemble pour la République votera contre. La nouvelle mouture du présent budget ne ressemble plus à grand-chose.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Ce budget était très insatisfaisant lors de son dépôt. Des évolutions restent nécessaires, mais nous avons adopté des amendements portant sur des sujets urgents, comme les crises sanitaires, l’installation des jeunes et la restauration collective. Les amendements prévoient, si notre calcul est bon, un peu plus de 800 millions d’euros supplémentaires pour l’agriculture. Nous voterons évidemment pour ce budget, en espérant que le débat se poursuive en séance.
Mme Sophie Pantel (SOC). Les agriculteurs nous nourrissent ; ils exercent une activité économique à part entière et jouent un rôle environnemental majeur. La prise en compte du contexte climatique et des crises sanitaires est également essentielle pour nous, ainsi que le renouvellement des générations, la revalorisation des retraites agricoles, la définition de l’actif agricole, la mobilisation du foncier, la souveraineté alimentaire et la notion de revenu digne et décent.
Les agriculteurs sont les premières victimes du changement climatique. Reconnaître les bénéfices environnementaux de l’agriculture, c’est bien, mais on ne peut pas faire peser la responsabilité uniquement sur les épaules des agriculteurs. Il faut défendre des outils tels que les mesures surfaciques et promouvoir l’agroécologie. Les coupes budgétaires sont brutales et presque uniquement ciblées sur ces questions, qu’il s’agisse du diagnostic carbone, des fonds en faveur de la souveraineté alimentaire, de l’aval bois matériau, de la défense des forêts contre les incendies, presque sans soutien, ou de la forêt dans les outre-mer.
Malgré toutes ces insuffisances, l’adoption d’un certain nombre d’amendements essentiels nous pousse à voter pour les crédits de la mission.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Le budget de l’agriculture doit permettre de rendre de la compétitivité à nos territoires, de revaloriser la production de nos agriculteurs et de les accompagner face aux crises économique, climatique et sanitaire.
De ce point de vue, le budget qui nous a été présenté comportait d’importantes avancées, dont la fin de la hausse de la taxe sur le GNR (gazole non routier), la pérennisation du dispositif TODE et l’augmentation de la contribution de l’État au budget de l’assurance récolte.
Nous n’en avons pas parlé, mais la crise énergétique qui a frappé le monde agricole venait de sa dépendance à une énergie aux coûts toujours plus élevés, face à une agriculture ukrainienne représentant une concurrence déloyale sur notre territoire.
C’est l’ensemble de ces problèmes qu’il faudrait traiter.
Toutefois, compte tenu des centaines de millions d’euros ajoutés ce soir à ce budget, essentiellement par le Nouveau Front populaire, nous ne pouvons le voter.
M. Benoît Biteau (EcoS). Ce que nous avons voté n’est pas parfait, mais apporte des avancées intéressantes. La crise exige des solutions immédiates à des problèmes conjoncturels, mais elle est aussi structurelle : quand on parle d’agriculture, on parle d’alimentation, mais également de climat, de biodiversité, de santé, de revenu des agriculteurs, autant de sujets dont il faut traiter les causes par des politiques publiques, notamment pour que les agriculteurs sortent de la mauvaise ornière où ils sont enlisés. C’est tout l’intérêt de certaines des mesures que nous avons adoptées.
Mme Sophie Mette (Dem). Le budget agricole est au cœur du budget de l’État et de nos préoccupations. Malheureusement, le montant total des mesures adoptées ce soir est trop élevé. Nous ne pourrons donc les voter.
M. Pierre Henriet (HOR). Le budget initialement proposé comportait de vraies avancées, touchant notamment le dispositif TODE. Certains amendements, s’ils avaient été un peu plus mesurés, auraient pu être intéressants, concernant par exemple les Maec, en particulier dans les zones humides. Malheureusement, les crédits atteignent désormais un tel montant qu’il ne serait pas raisonnable de les voter dans la situation budgétaire que connaît notre pays.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Le groupe UDR n’était pas favorable au budget présenté par le Gouvernement, qui échouait à accompagner les agriculteurs dans la prévention et la gestion des crises sanitaires. J’étais pour l’adoption des amendements tendant à renforcer les stratégies d’anticipation dans ce domaine afin de soutenir notre élevage, gravement menacé.
Je m’oppose néanmoins formellement à l’augmentation des crédits de la planification écologique. Je répète que, lors des auditions ministérielles, il y avait de quoi être scandalisé par le peu d’éléments fournis concernant les millions d’euros engagés l’année dernière dans ce domaine. Dans ce contexte, une nouvelle hausse me semble totalement irresponsable.
Le groupe UDR est donc défavorable à l’adoption de ces crédits.
La commission adopte les crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, modifiés.
Après l’article 59
Amendements identiques II-CF828 de Mme Marie Pochon et II-CF1745 de Mme Chantal Jourdan
Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit de demander au Gouvernement un rapport sur les mesures permettant d’améliorer la conditionnalité des aides du plan de renouvellement forestier.
Contre l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte les amendements.
Compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural
Article 44 et état D
Contre l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement II-CF838 de Mme Marie Pochon.
Amendements II-CF1075 de M. Fabrice Brun et II-CF1084 de Mme Sophie Pantel
Mme Sophie Pantel (SOC). Notre amendement vise à rehausser l’enveloppe allouée au compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural (Casdar) afin qu’elle corresponde au produit de la taxe collectée en 2025.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. Je suis favorable à l’augmentation du plafond du Casdar : le montant de sa recette est structurellement sous-estimé, ce qui bloque le montant total des dépenses ; c’est injuste pour les agriculteurs, car il s’agit du fruit d’une taxe qui pèse sur les exploitations et qui doit revenir à l’agriculture.
En 2024, ce montant a été rehaussé à 146 millions, mais la prévision de recette est encore supérieure, atteignant 151 millions. Il faut donc procéder à un réajustement dans le PLF pour 2025.
La commission adopte l’amendement II-CF1075.
L’amendement II-CF1084 est retiré.
Amendement II-CF1161 de Mme Stella Dupont
Mme Stella Dupont (NI). Les dix-neuf instituts techniques agricoles (ITA) sont des organismes de recherche appliquée, d’appui technique, d’expérimentation, d’expertise, de formation et d’information, spécialisés par secteurs et par filières. Voilà plusieurs années que leur financement n’a pas été augmenté, ce qui, compte tenu du niveau de l’inflation, implique une lourde charge pour eux. Cet amendement mesuré tend à le revaloriser de 5 %.
M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. C’est un amendement autofinancé par les agriculteurs grâce à l’augmentation du plafond du Casdar. Avis favorable.
M. Pascal Lecamp (Dem). Voilà trois ans que nous nous battons pour les instituts techniques agricoles. Nous devrions voter à l’unanimité cet amendement mesuré.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte les crédits du compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural, modifiés.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du lundi 28 octobre 2024 à 21 heures
Présents. - M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Laurent Baumel, M. Carlos Martens Bilongo, M. Benoît Biteau, M. Anthony Boulogne, M. Mickaël Bouloux, M. Eddy Casterman, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Sébastien Delogu, M. Jocelyn Dessigny, Mme Alma Dufour, Mme Mathilde Feld, M. Emmanuel Fouquart, M. Charles Fournier, M. David Guiraud, M. Pierre Henriet, M. Philippe Juvin, M. Aurélien Le Coq, M. Jérôme Legavre, Mme Claire Lejeune, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Emmanuel Mandon, Mme Claire Marais-Beuil, M. Denis Masséglia, M. Emmanuel Maurel, M. Kévin Mauvieux, Mme Sophie Mette, M. Jacques Oberti, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, Mme Marie Pochon, M. Matthias Renault, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Vincent Trébuchet, M. Gérault Verny
Excusés. - M. Christian Baptiste, Mme Yaël Ménaché, M. Nicolas Metzdorf, M. Emmanuel Tjibaou
Assistaient également à la réunion. - M. Fabrice Brun, Mme Stella Dupont, M. Jean-Luc Fugit, Mme Mathilde Hignet, Mme Chantal Jourdan, M. Pascal Lecamp, Mme Lise Magnier, Mme Manon Meunier, Mme Valérie Rossi