Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Examen, par délégation de la commission du développement durable et de l’aménagement durable, des articles 1er à 12 du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (n° 529) (M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis) 2
– Examen, en seconde lecture, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession (n° 158) (Mme Christine Pires Beaune, rapporteure) 25
– Présences en réunion...........................31
Mercredi
27 novembre 2024
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 053
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Éric Coquerel,
Président
— 1 —
La commission examine, par délégation de la commission du développement durable et de l’aménagement durable, les articles 1er à 12 du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (n° 529) (M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis)
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Notre commission examine ce matin, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière. Le projet de loi soumis à notre examen s’inscrit dans le sillage de ses prédécesseurs et reflète, une fois de plus, l’influence croissante du droit de l’Union européenne sur le cadre économique et financier national.
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a délégué à la commission des finances l’examen des dispositions relatives au droit bancaire, monétaire et financier qui composent le premier titre de ce projet de loi. Nous examinerons une cinquantaine d’amendements. Ceux que j’ai déposés sont majoritairement rédactionnels et visent à garantir l’intelligibilité de la loi mais nous aurons également l’occasion d’évoquer les dispositions portées par ce projet de loi.
Ce projet de loi introduit, en effet, plusieurs dispositions visant à renforcer la sûreté bancaire et à améliorer la transparence des pratiques financières.
Parmi elles figure l’interdiction des paiements pour flux d’ordres, une pratique problématique qui engendre des risques majeurs de conflits d’intérêts en encourageant les courtiers à diriger les ordres de leurs clients vers les teneurs de marché proposant les redistributions les plus avantageuses, au détriment des intérêts des investisseurs. Bien que cette pratique soit peu répandue en France, son interdiction est essentielle pour préserver la confiance dans notre système financier.
L’introduction d’un standard réglementaire applicable aux obligations vertes européennes constitue une autre avancée. Jusqu’à présent, leurs émetteurs évoluaient dans un cadre juridique général, se conformant à des standards de marché non contraignants. Si ces standards sont couramment utilisés, leur absence d’obligation légale a pu limiter la crédibilité et l’attractivité des obligations vertes. Grâce à ce texte, les émetteurs auront désormais la possibilité, sur une base volontaire, d’adopter un cadre strict, prévoyant notamment la publication d’une fiche d’information avant émission, d’un rapport détaillant l’affectation des fonds et d’un rapport d’impact après émission.
Le projet de loi vise aussi à prendre acte de l’évolution des pratiques pour mieux sécuriser et encadrer certains dispositifs financiers. Plusieurs mesures tendent ainsi à assurer une égalité de traitement aux fournisseurs du produit paneuropéen d’épargne retraite individuelle (PEPP), lancé le 22 mars 2022.
Enfin, le texte prévoit des corrections liées à la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD), transposée par l’ordonnance du 6 décembre 2023. Ces publications doivent obéir au principe de double matérialité, c’est-à-dire mettre en évidence non seulement les risques et opportunités que la durabilité représente pour l’entreprise et sa performance, mais aussi les impacts de l’entreprise sur l’environnement et la société.
Si ces éléments vont dans le bon sens, j’exprimerai une réserve, si ce n’est une alerte, au sujet de l’article 4, qui tire les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 22 novembre 2022. Dans cet arrêt, qui clôt une procédure ouverte à la demande de deux entreprises, la CJUE a invalidé les dispositions de la cinquième directive qui autorisaient un accès sans restriction au registre des bénéficiaires effectifs au motif qu’elles violaient le droit au respect de la vie privée et la protection des données personnelles, reconnus par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
S’il nous faut respecter le droit européen, une telle évolution n’est pas sans conséquence : restreindre l’accès au registre des bénéficiaires effectifs, le RBE, c’est priver d’informations des acteurs essentiels de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
S’il ne me semble pas opportun de supprimer l’article 4 au risque que l’accès au RBE soit régi par le seul arrêt de la CJUE, j’ai déposé un amendement visant à assurer l’accès au RBE aux journalistes, aux chercheurs et aux organisations de la société civile ayant un lien, même indirect, avec les activités concernées.
J’ajoute deux observations d’ordre général. D’abord, certains articles peuvent avoir des effets très concrets pour nos concitoyens et pour les entreprises. La transposition de la directive CSRD, par exemple, permettra la publication d’informations harmonisées et contrôlées, mais suscite également des inquiétudes au regard du volume d’informations concernées et des obligations en matière d’audit.
Ma deuxième observation porte sur notre rôle en tant que législateur. Ce texte prévoit plusieurs habilitations à légiférer par ordonnance, notamment pour transposer les directives relatives aux contrats de crédit à la consommation. Je le regrette. Je l’ai fait d’ailleurs savoir aux administrations impliquées et j’espère que mes demandes en faveur d’une meilleure implication du Parlement seront entendues.
M. le président Éric Coquerel. Le texte comporte en effet des avancées, comme le renforcement du pouvoir de contrôle de l’Autorité des marchés financiers (AMF) sur les transactions et la gouvernance de l’entreprise ainsi que les missions de surveillance de la commercialisation des obligations vertes et de sanction des manquements qui lui sont confiées, ou encore l’interdiction de rémunération des courtiers pour acheminer les flux d’ordres vers les teneurs de marché.
Plusieurs articles posent cependant problème. Outre l’article 4, l’article 1er prévoit que les modifications de patrimoine liées à la détention de cryptoactifs soient enregistrées dans les conditions prévues par la loi du pays qui héberge la plateforme opérant les transactions, permettant aux plateformes localisées à l’étranger d’échapper à la loi française. Pour réguler ce marché, il serait souhaitable que la loi du pays détenteur ou de chaque partie à la transaction s’applique.
L’article 7, quant à lui, élargit les exemptions de transparence sur l’impact environnemental des entreprises en ouvrant la possibilité, pour une société mère, d’atténuer le bilan d’une de ses sociétés, donc de cacher de potentiels problèmes, voire des scandales.
Enfin, je regrette que, comme souvent dans les textes de transposition, le gouvernement demande des habilitations à légiférer par ordonnance.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je partage les préoccupations exprimées à propos de l’article 4 : il conviendrait en effet de préciser que la consultation du RBE sera ouverte aux journalistes et aux chercheurs. Même si la jurisprudence l’établit déjà, mieux vaut l’inscrire explicitement dans la loi.
Pour le reste, le texte va dans la bonne direction.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Claire Marais-Beuil (RN). Ce projet de loi est la traduction très concrète de notre perte de souveraineté législative. Vous nous opposerez que la hiérarchie des normes fait primer le droit communautaire sur le droit national, validant ainsi le principe de la transposition du droit européen dans notre corpus juridique. C’est précisément ce principe que nous contestons. La souveraineté passe également par la maîtrise de la loi : si nous ne maîtrisons plus notre agenda législatif, nous ne sommes plus souverains.
Par ailleurs, le caractère de plus en plus opaque et abscons des directives européennes, que même les juristes les plus éminents peinent parfois à interpréter, est problématique. On ne peut appliquer une loi qui n’est pas intelligible. En examinant dans le détail les différents articles, on trouve de tout, y compris des dispositions sans lien avec l’objet initial du texte.
Parmi les mesures que nous pourrions soutenir figurent celles relative au renforcement de la réponse pénale à la circulation sans assurance ou au respect de la vie privée dans l’accès au RBE.
En revanche, nous nous opposerons à l’article 2, en raison des contraintes toujours plus fortes qu’il fait peser sur les établissements de crédit, déjà soumis à des règles prudentielles draconiennes. Nous ne voulons pas que les banques françaises soient davantage pénalisées face aux structures américaines et britanniques.
Nous ne soutiendrons pas non plus l’article 1er. La priorité n’est pas au développement du marché des obligations vertes, mais à l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie verte.
Nous voterons donc contre ce projet de loi.
M. Daniel Labaronne (EPR). La philosophie que j’avais défendue l’an dernier en tant que rapporteur sur les articles relatifs au droit bancaire et financier d’un précédent projet de loi de transposition demeure inchangée : il faut garantir une transposition rigoureuse et efficace des textes communautaires.
Nous sommes chargés d’examiner les articles visant à appliquer les réglementations européennes en vue de renforcer la transparence des marchés financiers, notamment grâce à l’interdiction des paiements pour flux d’ordres, à l’encadrement des obligations vertes et des cryptoactifs, à l’harmonisation des règles bancaires et financières afin d’accélérer le déploiement des virements instantanés en euros, ou encore à la définition d’un cadre pour la gestion des garanties financières sur cryptoactifs. Nous devons plus que jamais créer un environnement réglementaire clair et cohérent, qui favorise notre compétitivité tout en assurant la stabilité financière et la protection des consommateurs.
Il faut néanmoins faire preuve de prudence : toute sous-transposition compromettrait la conformité de la loi française au droit européen ; toute sur-transposition alourdirait inutilement le fardeau de nos entreprises ; toute transposition trop hâtive risquerait de compromettre la cohérence de notre législation. Notre groupe s’engage donc à analyser chaque amendement avec la plus grande vigilance et à privilégier une approche mesurée et pragmatique.
En choisissant la voie du pragmatisme et de la simplicité, nous consoliderons la confiance des investisseurs, stimulerons le développement économique et renforcerons la compétitivité de la France. Nous jouerons ainsi un rôle clef dans le dynamisme et la compétitive de l’Union européenne.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Depuis les années 1970, le capitalisme financiarisé s’est peu à peu propagé dans toutes les sphères de l’activité sociale. Le marketing financier vend même des titres verts, supposés être une solution miracle au réchauffement climatique.
La finance est dérégulée au point d’en devenir incontrôlable. Certains, aveuglés par leur dogmatisme idéologique et leur foi dans le marché, l’espéraient efficiente, mais force est de constater que la dérégulation nous a maintes fois poussés dans le gouffre de crises financières se propageant à l’économie réelle. Songeons aux millions de personnes jetées à la rue sans emploi, sous l’effet boule de neige de l’effondrement du système monétaire et financier international causé par la faillite mémorable de la banque Lehman Brothers il y a seize ans. Ces faillites, ce sont celles d’un système financier transformé en no man’s land de la réglementation et ayant pour seule ambition le profit à tout prix.
Depuis ce triste épisode, la finance est devenue un ennemi dans certains discours, mais n’est que très mollement combattue dans les actes – en tout cas, sans jamais contester trop fort les innovations financières à l’origine de la crise, sans jamais s’attaquer à l’avidité et à la puissance des acteurs opérant sur ces marchés en dépit du bon sens le plus élémentaire, et sans renforcer suffisamment la transparence, qui devrait pourtant être la clef d’un système sain. La finance dérégulée, décloisonnée, déréglementée, a échoué à allouer les ressources d’une façon profitable à tous. Il est temps d’en prendre acte et d’avancer.
Si le texte comprend de très modestes avancées, elles sont loin d’être suffisantes. En l’état, il avaliserait des reculs importants en accroissant l’opacité financière et environnementale – je pense ici à l’article 4 qui restreint les possibilités d’accès au RBE et aux articles 7 à 10 relatifs au reporting environnemental.
Ce projet de loi nécessite donc d’être amendé, pour accroître la transparence sur les marchés et sur l’impact environnemental de l’activité des firmes, à l’heure où tous nos efforts doivent être tournés vers la lutte contre le réchauffement climatique.
M. Mickaël Bouloux (SOC). Trois des douze articles qui nous sont soumis comportent une demande d’habilitation à légiférer par ordonnance. Bien que réticents à déléguer ainsi notre pouvoir législatif au gouvernement, nous sommes contraints par les délais de transposition qui nous sont impartis. Cela étant, il est regrettable que le projet de loi ne nous ait pas été transmis plus tôt. Il n’est pas acceptable que la transposition des directives relatives aux crédits à la consommation, qui concerne directement de nombreux citoyens, ne fasse pas l’objet d’un examen plus approfondi au Parlement. Il en va de même pour la transposition du règlement instituant un point d’accès unique européen, un dispositif clef visant à centraliser les informations sur les services financiers, les marchés des capitaux et les enjeux de durabilité. Je déplore sincèrement que nous ne puissions pas débattre pleinement de ces questions cruciales.
J’insiste aussi sur la nécessité de réécrire l’article 4. Limiter l’accès au RBE à un cercle restreint d’acteurs priverait ce dispositif de contributions essentielles. Rappelons que c’est l’association Transparency International France qui a utilisé le RBE pour identifier les chaînes de propriété permettant à plusieurs oligarques russes de dissimuler leur patrimoine immobilier en France. Cet exemple illustre l’importance de maintenir un accès aussi large que possible à ce registre. La lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme doit mobiliser tous les acteurs concernés. Préserver cette ouverture est une condition indispensable pour garantir l’efficacité et la transparence de nos dispositifs.
Nous ne soutiendrons le texte que s’il intègre des garanties claires sur ce point.
Mme Véronique Louwagie (DR). Sur le fond, le groupe Droite républicaine est favorable à la mise en conformité de notre droit avec celui de l’Union européenne, nonobstant un certain nombre de points que nous serons amenés à évoquer, notamment concernant l’article 4.
Sur la forme, il est vrai que le projet de loi comporte de nombreuses dispositions techniques et balaie un grand nombre de domaines. Son examen est éclaté entre quatre commissions. Nous alertons sur le risque de surtransposition qui accompagne bien souvent les textes de cette nature. Je me joins également au rapporteur pour regretter que nous soyons amenés à nous prononcer dans des délais si restreints. Je relève enfin un recours important aux habilitations à légiférer par ordonnance, qui devraient rester l’exception.
Sous réserve de ces remarques, eu égard à la nécessité d’adapter le droit français aux règles européennes, notre groupe ne s’opposera pas à ce texte, tout en restant vigilant quant à certains de ses aspects.
Mme Eva Sas (EcoS). Si la mise en conformité avec le droit européen est évidemment indispensable, il est regrettable qu’elle passe bien souvent par des ordonnances, sans débat démocratique, comme ce fut le cas pour la directive CSRD en 2023 et comme c’est à nouveau le cas ici pour l’Esap – le point d’accès unique européen –, les contrats de crédits aux consommateurs ou encore les contrats de services financiers conclus à distance.
Si les dispositions relatives à l’Esap, qui faciliteront l’accès aux données financières et extra-financières, constituent une avancée, le seul reporting n’est pas suffisant pour engager véritablement les entreprises dans la transition écologique. Depuis vingt ans, la réglementation environnementale s’accumule sans résultats probants. Ainsi, en 2023, l’AMF a constaté que certains fonds verts promettant d’agir sur des thématiques comme l’eau ou la biodiversité ne s’appuyaient sur aucun indicateur sérieux et excluaient seulement les pires scores aux critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). En janvier 2024, l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) relevait que les rapports des assureurs sur la durabilité ne respectaient pas les exigences légales. Ces autorités tirent donc la sonnette d’alarme et demandent des améliorations. La société civile se joint à cet appel : en juin dernier, plus de vingt organisations et personnalités exhortaient le gouvernement à « prendre des mesures fermes » contre l’écoblanchiment.
Pourtant, l’exécutif, au lieu de renforcer les obligations de reporting, a envisagé un temps de demander à la Commission européenne d’assouplir la directive CSRD en réduisant le nombre d’indicateurs et d’entreprises concernés. Nous proposons une tout autre voie : renforcer le pouvoir de sanction de l’AMF et conditionner le versement des subventions publiques à la publication de bilans d’émissions de gaz à effet de serre et de données relatives à la durabilité. La réglementation extra-financière doit être aussi rigoureuse que la réglementation financière et servir de base à la modulation de la fiscalité ainsi qu’à la conditionnalité des aides aux entreprises.
M. Emmanuel Mandon (Dem). Même si ce nouveau projet de loi de transposition pourrait être abordé en mettant l’accent sur sa dimension particulièrement technique, il est l’occasion d’évaluer de manière très concrète les nouvelles avancées prévues dans l’Union européenne.
L’article 1er permettra de mieux encadrer les services d’investissement et les activités de marché financier, notamment grâce à l’interdiction, à compter de 2026, de la pratique du paiement par flux d’ordres, très controversée en raison des conflits d’intérêts qu’elle génère pour les courtiers.
L’article 2 transpose la directive « Daisy Chains II » et met en application le règlement CRR3 (Capital Requirements Regulation 3), qui finalise le déploiement de l’accord de Bâle III. Ces paquets de mesure permettront de disposer d’un cadre macroprudentiel renforcé pour prévenir les défaillances bancaires et gérer le risque opérationnel, en corrigeant certaines lacunes révélées par la dernière crise financière mondiale. Ce travail est essentiel pour rendre les banques capables de résister à de futurs chocs.
Enfin, alors que la France a été le premier État membre à transposer la directive CSRD, qui fixe de nouvelles obligations en matière de reporting extra-financier, les articles 7 à 12 apportent divers ajustements techniques et des clarifications attendues par les acteurs économiques pour assurer la bonne application de cette réforme d’ampleur.
Parce que ce texte permet de traduire en droit national des mesures utiles et équilibrées, notre groupe envisage de le voter, tout en restant vigilant au sort des différents amendements présentés.
M. François Jolivet (HOR). Les articles qui nous sont soumis visent à renforcer la transparence des entreprises et à harmoniser les pratiques entre les États européens. Cet effort de transparence est à saluer, particulièrement la création d’obligations de reporting, notamment environnementales. Ce pas en avant vers une économie plus transparente vise à protéger les habitants de l’espace européen des escrocs, malheureusement de plus en plus nombreux. Mon groupe salue l’effort conjoint des pays européens en ce sens.
Ces mesures s’inscrivent dans le cadre de la directive CSRD, qui impose des règles strictes. Il est essentiel que cette réforme apporte une plus-value en matière de gouvernance et que son application ne devienne pas un fardeau supplémentaire pour les entreprises, en particulier pour les PME. De la même manière, l’introduction du point d’accès unique européen permettra de renforcer la transparence des entreprises et de faciliter l’accès des investisseurs à des données fiables et complètes.
Cela étant dit, bien que les dispositions des articles 1er et 2 soient centrales pour appliquer plusieurs règlements européens, le fait qu’elles soient regroupées en un seul bloc nuit à la clarté du texte. La transposition des normes européennes cristallise déjà bien des tensions, l’amoncellement des normes et leur manque de lisibilité participant à la crise de confiance entre nos concitoyens et l’Union européenne.
Malgré cela, ce texte, bien que devenu au fil des ans une succession de mesures techniques parfois très difficilement compréhensibles et sans lien direct entre elles, reste une étape nécessaire dans l’adaptation de notre droit économique et financier. Mon groupe rappelle néanmoins que le recours aux ordonnances doit rester une exception et alerte sur le risque de surtransposition qui ressort de certains amendements – risque contre lequel les ordonnances ne sont d’ailleurs pas forcément une garantie.
Un philosophe du XIXe siècle remarquait déjà que, quand l’administration n’est plus un acteur du développement et n’a plus d’argent à distribuer, elle crée des normes pour justifier son existence et continuer à grandir. Veillons à éviter cet écueil.
La commission en vient à l’examen des articles délégués.
Article 1er : Dispositions d’adaptation au règlement 2024/791 modifiant MIFIR
Amendements rédactionnels CF44, CF14, CF15, CF46, CF47 et CF48 de M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Nombre des amendements que j’ai déposés, comme ceux-ci, visent à remédier aux problèmes rédactionnels dont nous a fait part la division des lois.
La commission adopte les amendements CF44, CF14, CF15, CF46, CF47 et CF48.
Amendement CF40 de Mme Eva Sas
Mme Eva Sas (EcoS). Je propose de compléter la sanction prévue en l’absence de respect des exigences légales par les émetteurs d’obligations vertes en prévoyant, en plus de l’interdiction d’émettre des obligations vertes pendant un an, une sanction pécuniaire pouvant atteindre 500 000 euros ou 0,5 % du chiffre d’affaires pour les entreprises et 50 000 euros pour les individus.
Le produit des sanctions serait directement affecté au fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier. On créerait ainsi un cercle vertueux : les ressources issues des manquements au respect des exigences en matière d’obligations vertes seraient réinvesties dans la réparation des dommages environnementaux.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Plusieurs objectifs peuvent être assignés aux sanctions financières que vous proposez.
D’abord, elles renforceraient la crédibilité des obligations vertes européennes et garantiraient que les fonds levés soient effectivement consacrés à des projets conformes aux normes environnementales.
Ensuite, l’affectation des amendes au fonds Barnier créerait effectivement un cercle vertueux en liant directement les manquements aux réglementations à la réalisation d’actions tangibles en faveur de la transition écologique. Ce mécanisme assurerait une utilisation optimale des pénalités tout en incitant les acteurs financiers à se conformer à leurs obligations.
Enfin, la transparence des expositions titrisées s’en trouverait renforcée. Un cadre clair assorti de sanctions protégerait l’intégrité des outils financiers verts et éviterait les dérives telles que l’écoblanchiment.
Je suis donc favorable à l’amendement.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Chaque fois qu’il s’agit de transposer une directive européenne, on observe une tendance à sur-transposer. Cet amendement en est un parfait exemple. Ne vous étonnez pas, chers collègues, que nos concitoyens soient devenus anti-européens si vous accusez systématiquement l’Europe alors que c’est vous qui insistez pour excéder ses exigences ! Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que la contestation contre l’Europe monte dans le pays. Soyez un peu responsables !
M. Daniel Labaronne (EPR). La modification introduite par cet amendement ne me semble absolument pas nécessaire, puisque l’article L. 621-15 du code monétaire et financier permet déjà à l’AMF de prononcer des sanctions pécuniaires à l’égard de ceux qui ne respectent pas les obligations découlant du règlement 2023/2631.
Par ailleurs, nous devrions nous opposer, en tant que législateurs, à la pratique de la taxe affectée, qui empêche les parlementaires d’exercer leur contrôle sur les montants en jeu et leur utilisation. Nous sommes donc également contre l’affectation du produit de ces sanctions au fonds Barnier.
Mme Eva Sas (EcoS). Nous ne prétendons pas que le reporting extra-financier existe à cause de l’Europe, mais bien grâce à elle, ce dont nous nous réjouissons. Je ne comprends pas votre intervention, madame Dalloz : êtes-vous opposée aux sanctions contre les abus en matière d’obligations vertes ? Attachons-nous au fond plutôt qu’à la forme : voulons-nous un reporting extra-financier sérieux et des sanctions pour ceux qui ne respectent pas leurs engagements ?
Monsieur Labaronne, vous prétendez que les sanctions existent, mais, comme je l’indiquais, l’AMF et l’ACPR estiment qu’il y a matière à les renforcer. Par ailleurs, l’affectation des amendes au fonds Barnier me semble absolument nécessaire. La transformation du fonds en programme budgétaire a été une très mauvaise opération. La part de la surprime catastrophes naturelles qui devait lui être affectée est ainsi désormais reversée au budget général, alors qu’elle devrait être affectée à la prévention des risques.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. L’AMF peut effectivement infliger des sanctions, mais pas pour manquement au respect des exigences associées aux obligations vertes. En outre, nous serions dans tous les cas amenés à nous prononcer sur le fléchage dans le cadre du PLF. Le Parlement serait donc bien consulté.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF41 de Mme Eva Sas
Mme Eva Sas (EcoS). Dans le même esprit que mon amendement précédent, il vise à l’affectation du produit de ces sanctions à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf).
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Pour les mêmes raisons que précédemment, avis favorable.
M. Daniel Labaronne (EPR). Ces recettes ont un caractère très aléatoire et imprévisible, qui peut créer une difficulté pour cette agence. Ce mode de gestion est très dangereux.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Il s’agirait d’un complément, et non pas des seules recettes de l’agence.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CF50, CF69 et CF70 de M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis.
Amendement CF16 de M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Il est rédactionnel.
Mme Véronique Louwagie (DR). Pas tout à fait, car il vise à opérer un changement relatif à la date d’entrée en vigueur du texte.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Ce changement est pragmatique, car il est très peu probable que le texte soit adopté avant le 21 décembre.
M. le président Éric Coquerel. Concrètement, le texte devant être examiné par le Sénat en début d’année prochaine, il ne saurait être adopté avant cette date.
Mme Véronique Louwagie (DR). Comment a été choisie la date du 21 décembre plutôt que, par exemple, le 31 ?
M. Daniel Labaronne (EPR). La date du 21 décembre 2024 correspond à la date butoir imposée par le règlement européen (UE) 2023/2631 du Parlement européen et du Conseil du 22 novembre 2023, à l’alinéa 5 de son article 72, pour se conformer à ses articles 45 et 46 relatifs au pouvoir des autorités compétentes.
M. le président Éric Coquerel. Il reste qu’il est impossible de respecter ce délai. D’où la proposition du rapporteur pour avis.
Mme Véronique Louwagie (DR). Pourquoi le gouvernement nous soumet-il toujours si tard de tels dispositifs ?
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. La dissolution de l’Assemblée a causé des embouteillages dont nous subissons les conséquences. Du reste, au vu de l’actualité politique, la date du 1er mars 2025 est optimiste.
La commission adopte l’amendement CF16.
Amendement CF9 de M. Matthias Renault
M. Matthias Renault (RN). L’article 1er modifie le code monétaire et financier afin d’étendre les pouvoirs de contrôle, de surveillance et de sanction de l’AMF aux émetteurs d’obligations dites vertes. Toutefois, ni le projet de loi ni l’étude d’impact annexée ne précisent si ces obligations incluent l’énergie nucléaire. Cet amendement d’appel vise à nous assurer de la bonne prise en compte du nucléaire dans la taxonomie verte des obligations mentionnées, conformément à la décision de la Commission européenne du 2 février 2022, entrée en vigueur le 1er janvier 2023.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. La production d’un rapport supplémentaire dans un délai de trois mois alourdirait inutilement la charge de travail, sans valeur ajoutée significative, d’autant plus que les obligations vertes doivent déjà respecter les critères fixés par la taxonomie européenne. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF1 de M. Bérenger Cernon
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Il vise à ce que la propriété des cryptoactifs relève de la loi de l’État auquel appartient leur détenteur. De fait, l’étude d’impact affirme que « s’agissant de titres financiers ayant par essence une nature transfrontalière, il est nécessaire de clarifier les règles de conflit de lois afin de renforcer la sécurité juridique dans ce domaine ». Or le texte que nous examinons rattache la propriété de ces actifs au pays qui héberge la plateforme et opère les transactions : si l’organisme concerné est situé hors de France ou d’Europe, les cryptoactifs concernés n’obéiront pas aux règles de la loi française. Il s’agit donc d’éviter qu’ils ne deviennent insaisissables et incontrôlables.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Cet amendement me paraît pertinent pour trois raisons. Tout d’abord, il assure le renforcement de la sécurité juridique. Il clarifie en effet les règles de conflit de lois en imposant que la législation applicable aux crypto-actifs soit celle du pays des détenteurs ou des parties impliquées dans une transaction. Cela évite que des plateformes comme Binance, enregistrée à Malte et traitant des milliards de dollars de transactions chaque jour, échappent aux régulations locales, créant ainsi un vide juridique qui peut être exploité par des acteurs peu scrupuleux.
Ensuite, en rendant les acteurs des transactions de cryptomonnaies responsables devant le droit monétaire et financier français, l’amendement vise à éviter les comportements opportunistes. L’AMF a mis en évidence le fait que près de 10 % des plateformes d'échange de crypto-monnaies étaient impliquées dans des pratiques de manipulation de marché telles que le pump and dump, qui faussent les prix et exposent les investisseurs à des risques considérables. Un cadre plus strict permettrait de limiter ces comportements en assurant une meilleure régulation des plateformes opérant en France.
Enfin, il faut assurer la protection des investisseurs et la stabilité du marché. L’amendement vise ainsi à protéger les investisseurs face à la volatilité des cryptomonnaies, dont la valeur peut fluctuer de 20 % en quelques heures. Selon un rapport de l’AMF, plus de 50 % des investisseurs français en cryptoactifs déclarent ne pas comprendre les risques liés à ces investissements, ce qui souligne l’importance d’un cadre législatif solide pour garantir une meilleure protection.
Je suis donc favorable à cet amendement.
M. Daniel Labaronne (EPR). Le texte propose d’aligner les garanties et sécurités juridiques sur une règle de droit qui s’applique à l’ensemble des instruments financiers. Il s’agit donc précisément d’un instrument de sécurisation et de simplification consistant à aligner les règles juridiques applicables aux tokens sur des instruments financiers qui existent déjà. Je ne vois donc pas là de vide juridique, mais je vois bien, en revanche, la complexité et la perte de sécurité juridique que provoquerait l’adoption de cet amendement – ce serait une forme de sur-transposition. Cette disposition est une proposition du Haut comité juridique de la place de Paris, qui dispose d’une compétence certaine dans ce domaine.
M. le président Éric Coquerel. Pour ma part, je considère que l’amendement est de bon sens et je suis un peu étonné, monsieur Labaronne, de votre réaction qui laisserait supposer que, puisque le dispositif visant à sécuriser les règles émane de gens compétents, nous ne pourrions pas formuler d’observations. Or il s’agit tout simplement d’appliquer aux transactions sur les cryptoactifs les règles du pays où ces transactions sont finalisées, plutôt que celles, pas toujours aussi rigoureuses, du pays qui héberge la plateforme.
M. Daniel Labaronne (EPR). Nous avons déjà adopté des projets de loi de transposition, et nous avons notamment aligné les règles françaises sur les règles européennes conformément au règlement (UE) 2023/1114 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 sur les marchés de cryptoactifs, dit règlement Mica. Le projet de loi propose précisément, dans le cadre de ce dispositif, d’aligner un dispositif juridique consacré aux tokens sur les instruments financiers qui existent déjà. Je rappelle en outre que la France est l’un des pays européens qui accueille le plus d’instruments financiers gérés par des plateformes.
M. François Jolivet (HOR). L’amendement me semble déjà satisfait car le règlement Mica impose aux plateformes de s’installer en Europe pour pouvoir distribuer des services aux Européens.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). En cas de dysfonctionnement, les parlementaires français sont en droit, à tout moment, de fixer des règles financières spécifiques : c’est une question de souveraineté de notre pays. Je ne suis pas d’accord avec l’idée que certains actifs pourraient ne pas respecter les règles que nous fixons en France parce qu’ils relèveraient des règles du pays où est située la plate-forme qui les gère, surtout lorsqu’il s’agit d’actifs très volatils et sujets à spéculation, susceptibles de créer des bulles financières et de poser de nombreux problèmes. Le législateur français doit pouvoir dire que les actifs détenus par des Français et les transactions concernant la France sont soumis à la loi française. La loi qui doit s’appliquer est celle du pays du détenteur.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF2 de Mme Sylvie Ferrer
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Il vise à interdire de gager des transactions financières sur des cryptoactifs, car ces derniers sont particulièrement volatils – le rapporteur pour avis rappelait à l’instant qu’ils pouvaient fluctuer de 20 % en quelques heures, et nous en avons bien des exemples. Ainsi, en mars dernier, le bitcoin a atteint des sommets, juste avant de chuter abruptement de 10 000 dollars. On ne peut donc pas considérer les cryptomonnaies comme des gages financiers fiables. Dans des contextes de spéculation, cela pourrait induire un risque de crise financière si les gages venaient à perdre leur valeur.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Tout d’abord, en effet, les cryptomonnaies sont d’une volatilité extrême. En 2021, par exemple, la valeur du bitcoin a fluctué de près de 40 % en quelques semaines. Permettre leur utilisation comme garanties financières introduirait une incertitude et un risque difficilement contrôlable dans les marchés financiers, car leur valeur peut chuter de manière imprévisible, compromettant ainsi la solvabilité des emprunteurs.
Plus fondamentalement, il faut relever l’inadéquation des cryptomonnaies au statut de sûretés réelles. La constitution d’un nantissement sur des cryptoactifs présente de graves difficultés tant juridiques que pratiques. Un nantissement sans dépossession offrirait en effet une garantie très faible au créancier, étant donné la difficulté de prouver la validité d’un tel nantissement sur un bien aussi intangible. De plus, un nantissement avec dépossession imposerait de transférer les cryptomonnaies entre les mains du créancier ou d’un tiers, ce qui crée une complexité technique et logistique, avec des risques de litiges et d'incertitude quant à la titularité et à la valeur des actifs.
En interdisant le nantissement des cryptomonnaies, l’amendement protège donc les créanciers, les entreprises et l’économie en évitant les risques liés à la spéculation et aux complications pratiques que ces actifs engendrent. J’y suis donc favorable.
M. Daniel Labaronne (EPR). Mica n’est pas une directive, mais un règlement européen, qui s’impose donc, comme tel, à tous les États membres de l’Union européenne. Vouloir appliquer le droit national à ce type d’instruments financiers est donc contraire à l’esprit européen.
En deuxième lieu, tous les opérateurs français ou européens qui agissent dans le cadre du marché des cryptomonnaies sont des prestataires agréés qui satisfont à un niveau d’agrément très sophistiqué – nous en avons débattu lors de l’examen du dernier projet de loi de transposition.
Je suis, du reste, très surpris d’entendre dire que cet amendement créerait une sécurité juridique, car c’est exactement l’inverse. Son adoption se traduirait par une insécurité juridique sur les modalités de constitution et de réalisation du nantissement des cryptoactifs, au détriment des différentes parties concernées. Nous avons à cet égard deux lectures radicalement opposées.
Nous voterons donc contre cet amendement.
Mme Véronique Louwagie (DR). Madame Dalloz soulignait tout à l’heure que nous nous plaignons régulièrement, en France, d’un excès de normes et de réglementations par rapport aux autres pays – c’est un diagnostic que tous partagent. Ne pourrions-nous pas nous fixer pour règle générale, lorsque nous devons procéder à une transposition, de faire une transposition pure et simple ? Il me semble que nous pourrions tous être d’accord avec ce principe.
Nous voterons évidemment contre cet amendement, qui vise à interdire, réduire, diminuer et empêcher – et cela au niveau français. C’est un excès de normes dont vous affirmez qu’il protège, mais qui, surtout, réduit différents dispositifs.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Je ne suis pas du tout d’accord avec ce principe. Faudrait-il, par exemple, appliquer tel quel l’article 4 sans y apporter de modifications ? C’est le rôle du Parlement – à moins de tout traiter par ordonnances !
M. Daniel Labaronne (EPR). Les amendements qui ont été examinés jusqu’à présent étaient soit déjà satisfaits parce que leur dispositif était déjà inclus dans le droit français, comme j’ai essayé de le dire à propos du premier amendement, soit contraires à l’esprit du règlement, et donc à la transposition de la directive. Mica est un règlement, et on ne peut donc pas le rectifier. Le nantissement et les garanties correspondantes figurent ainsi dans le règlement Mica et le risque n’est pas tant celui d’une éventuelle sur-transposition que celui d’aller à l’encontre du principe même d’un règlement européen qui est, conformément aux règles européennes, d’application obligatoire.
M. Matthias Renault (RN). Notre groupe s’opposera à cet amendement, non pas par soumission au règlement Mica et à l’absence de marges de manœuvre qu’il laisse au droit français, mais pour des raisons pratiques : ce que nous interdirions en France pourrait immédiatement se produire, par exemple, en Belgique.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CF22 et CF21 de M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis.
Amendement CF54 de M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Étant donné que la loi ne sera probablement pas publiée avant la nouvelle version à venir de l’article codifié, il est nécessaire d’adapter les dispositions à la version modifiée.
La commission adopte l’amendement CF54.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er modifié
Article 2 : L’exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles –directive « Daisy Chains II »
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CF45 et CF49 de M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis.
Amendement CF10 de M. Matthias Renault
M. Matthias Renault (RN). Le II de l’article 2 du projet de loi prévoit de modifier le code monétaire et financier afin d’y inclure les nouvelles exigences prudentielles en matière d’exigences minimales de fonds propres pour le risque opérationnel, et notamment d’y assujettir les entreprises d’investissement. Or l’étude d’impact relative à cette partie de l’article 2 n’identifie notamment aucun impact macroéconomique ou budgétaire et nous ne connaissons donc pas les effets de ce qui est soumis à notre vote. L’amendement vise donc à supprimer cette disposition.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Le cadre de Bâle III, transposé par le règlement CRR3, vise à assurer une régulation harmonisée au niveau européen. Supprimer cette disposition nationale irait à l’encontre de cet objectif, risquant d’isoler la France et de fragiliser son secteur financier. De même, une régulation incomplète ou incohérente pourrait affaiblir la confiance des investisseurs dans le système financier français, au détriment de l’attractivité économique du pays. Les exigences prudentielles sur les fonds propres, y compris pour les entreprises d’investissement, sont essentielles pour garantir la stabilité financière et prévenir les crises liées au risque opérationnel. Assujettir les entreprises d’investissement à ces exigences est indispensable pour garantir la solidité des dépositaires d’OPCVM, qui jouent un rôle clé dans la sécurisation des actifs des investisseurs. Avis défavorable.
M. Charles de Courson (LIOT). A-t-on une idée du besoin en fonds propres supplémentaires lié à cette nouvelle réglementation ? Le montant est-il négligeable ou très important ?
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Le but est d’adopter une approche plus fine, ce qui devrait minimiser le besoin de fonds propres.
M. Matthias Renault (RN). Mon amendement a pour objet d’obtenir du gouvernement des données chiffrées démontrant la nécessité de cette disposition.
M. Daniel Labaronne (EPR). Il s’agit ici d’améliorer la définition des acteurs intervenant sur les marchés financiers, car la définition précédente n’était pas assez précise.
Par ailleurs, la nouvelle disposition CRR3 étant réglementaire, elle s’impose aux vingt-sept États membres de l’Union européenne sans que les parlements nationaux puissent modifier cette définition.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CF56, CF53, CF55, CF57, CF58, CF59, et CF60 de M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis.
Amendement CF11 de M. Matthias Renault
M. Matthias Renault (RN). Il vise à empêcher que soient prises par ordonnances les mesures de transposition relatives aux crédits à la consommation. On observe en effet dans le champ de l’ordonnance, comme en attestent l’exposé des motifs et l’étude d’impact, un changement significatif du régime des crédits à la consommation, avec notamment la suppression des exemptions existantes, et les mesures relatives aux crédits de 200 euros, aux découverts de moins d’un mois, aux crédits de moins de trois mois avec des frais négligeables, aux crédits gratuits et à la hausse du plafond des crédits couverts, qui passerait de 75 000 à 100 000 euros. Ces mesures ne sont pas neutres et nécessiteraient des dispositions explicites plutôt qu’une habilitation à les prendre par ordonnance.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Si l’on peut partager philosophiquement le regret que cette directive fasse l’objet d’une habilitation à légiférer par ordonnances, il se trouve que, la France étant déjà en retard dans la transposition des mesures concernées, le recours aux ordonnances apparaît malheureusement indispensable pour garantir le respect de ses obligations.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur le rapporteur pour avis, estimez-vous que le texte proposé encadre suffisamment le gouvernement ?
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. C’est plutôt par des contacts informels que j’ai obtenu des garanties et il ne faudra pas hésiter, à l’occasion de la séance publique, à interpeller directement le gouvernement sur ces questions.
M. Daniel Labaronne (EPR). Il convient de transposer rapidement cette directive afin de mieux encadrer les tout petits crédits proposés à des personnes en difficulté financière, qui ne sont actuellement pas encadrés comme les crédits à la consommation d’un montant plus important, et de protéger les emprunteurs de ces petits montants.
Bien qu’il ne s’agisse pas ici d’un règlement qui devrait être appliqué tel quel, mais d’une directive, cette directive relève du principe de transposition maximale, qui ne laisse aucune marge de manœuvre au gouvernement ni au Parlement pour la transposer dans le droit français.
M. le président Éric Coquerel. À vous entendre, je me demande pourquoi nous votons. Je suis un peu dubitatif quant à votre philosophie.
M. Matthias Renault (RN). Pour faire écho à cette dernière remarque, chaque disposition des lois de transposition pourrait faire penser que l’Assemblée nationale est une chambre d’enregistrement et que la France n’a aucune souveraineté ni aucune marge de manœuvre. C’est là une conception assez particulière de notre rôle.
Sur le fond, l’objectif de la transposition est d’assouplir les conditions du crédit à la consommation, notamment pour les petits crédits, ce qui n’est pas neutre en termes d’impact sur le surendettement. Bien qu’on ait observé ces dernières années une baisse des situations de surendettement non réglées, la mesure n’est pas neutre pour les finances publiques au sens large car, en cas d’échec des commissions de surendettement, ce ne sont pas les banques, mais la Banque de France qui prend en charge les dettes – c’est-à-dire, au sens large, les fonds publics.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF 61 de M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Puisqu’il est très improbable que le texte soit voté avant le 31 décembre 2024, l’amendement vise à en reporter l’entrée en vigueur au 1er mars 2025.
M. le président Éric Coquerel. Je précise que le texte doit être examiné fin janvier au Sénat. Il n’est donc pas seulement improbable qu’il soit examiné avant le 31 décembre : il est certain qu’il ne sera pas.
La commission adopte l’amendement CF61.
Amendement CF62 de M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Il vise à substituer à la date de janvier 2025 celle du mois de mars, pour la même raison que précédemment.
La commission adopte l’amendement CF62.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 modifié.
Article 3 : Assurance de responsabilité civile des véhicules
Amendement CF3 de M. Bérenger Cernon
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Il propose de consolider les sanctions pécuniaires en cas de fait avéré de blanchiment sur les produits paneuropéens d’épargne retraite individuelle, qui avaient été créés en raison des inégalités entre les États membres en la matière. Produit d'épargne à long terme, le PEPP représente un outil de financement des entreprises. S’ils permettent de bonnes rémunérations, ces produits plus attractifs peuvent être utilisés pour blanchir des capitaux, contribuant ainsi au rendement de manière immorale et inacceptable. Nous ne comprenons donc pas pourquoi l’AMF devrait, lorsqu’elle constate un manquement, s’aligner sur un plafond de sanctions aussi bas.
La délinquance en col blanc est mal nommée lorsqu’elle a du sang sur les mains, qu’elle repose sur des montages financiers complexes, qu’elle fructifie sur toutes sortes de réseaux criminels et qu’elle est l’apanage d’une oligarchie parfaitement informée et armée juridiquement.
Pour des faits aussi graves que le blanchiment d’argent ou le financement du terrorisme, nous voulons intensifier les sanctions prévues et contribuer à la fin de l’impunité financière. Nous nous opposons donc fermement à la réduction des sanctions et proposons à l’inverse de les systématiser et de les faire passer de 10 % à 25 % du chiffre d’affaires annuel net, toujours en complément des sanctions prévues pour les organismes d’assurance qui se rendent coupables de tels manquements.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. L’AMF, lors de son audition, a souligné qu’une telle sanction ne serait pas effective pour les professionnels qu’elle régule, dont la sanction pour abus de marché est plafonnée à 100 millions, ou au décuple du montant de l’avantage retiré du manquement, si celui-ci peut être déterminé ou, enfin, à 15 % du chiffre d’affaires annuel, montant que le texte propose de fixer à 10 % pour des raisons techniques de cohérence avec les autres dispositions.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Pour être plus efficace, il faudrait donc augmenter ces plafonds ? À quoi correspond le plafond de 100 millions d’euros ?
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Ce plafond n’a jamais été atteint. L’audition de l’AMF me laisse à penser qu’il n’est pas nécessaire de modifier le pourcentage du chiffre d’affaires.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce produit européen d’épargne fonctionne-t-il ?
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. J’ai posé cette question à l’AMF lors de son audition, mais je n’ai pas encore eu de réponse.
M. Daniel Labaronne (EPR). Il semblerait que ce produit ne marche pas.
Concernant les sanctions, je rappelle qu’elles pouvaient être fixées entre 5 et 100 millions et que le gouvernement a donc choisi l’option la plus forte. S’agissant en revanche du pourcentage du chiffre d’affaires, il n’y a aucune marge de manœuvre, les règles européennes imposent de le fixer à 10 %.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF4 de Mme Sylvie Ferrer
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Il vise à exclure les produits paneuropéens d’épargne-retraite individuelle finançant des activités préjudiciables à l’environnement ou à la société au sens du principe Do no signifant harm tel qu’il est défini aux articles 17 et 18 de la taxonomie européenne, et donc contraires aux objectifs de la France en matière de lutte contre le changement climatique et la perte de biodiversité.
Les organismes d’assurances qui contribuent à l’exploration, la production, la transformation et le transport d’énergies fossiles – charbon, pétrole ou gaz – pourraient donc être sanctionnés.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Cet amendement encourage les acteurs financiers à réorienter leurs investissements vers des secteurs contribuant positivement à la transition écologique et sociale. Il répond ainsi à une demande croissante d’investissements éthiques et protège les épargnants contre le risque associé à des investissements non durables. Peut-être les PEPP marcheraient-ils mieux, monsieur Labarone.
Avis favorable.
M. Daniel Labaronne (EPR). Un tel amendement remet en cause la liberté de choix dans le placement de l’épargne. Il porte également atteinte au principe de diversification du portefeuille, recommandé par les compagnies d’assurances dans le cadre de leur devoir de conseil.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CF63 de M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 modifié.
Article 4 : Adapter les modalités d’accès aux données relatives aux bénéficiaires effectifs
Amendement de suppression CF5 de M. Bérenger Cernon
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Si cet article était supprimé, l’accès au RBE serait régi par la seule décision de la CJUE. Or je propose un amendement autorisant l’accès au RBE des journalistes, des chercheurs et des représentants de la société civile ayant un lien, même indirect, avec la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Je vous propose de retirer votre amendement et de privilégier ainsi une autre rédaction de l’article.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Quelle est notre marge de manœuvre dans cette affaire ? Le texte communautaire n’interdit pas, semble-t-il, aux journalistes et aux chercheurs d’accéder au RBE, mais il est bon de le préciser et donc de voter l’amendement qu’évoquait M. le rapporteur.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Il est question dans le texte de « lien direct », formulation qui peut être utilisée pour empêcher l’accès au RBE. Je propose donc d’élargir l’accès aux personnes ayant un lien même indirect, car, en début d’enquête ou de recherche, on ne dispose pas forcément de tous les éléments pouvant caractériser un lien direct.
La rédaction actuelle du texte permet l’accès des journalistes, mais, après la décision de la CJUE, qui s’est fondée sur le droit au respect de la vie privée, celui des particuliers n’est plus permis. Cette décision, prise à la suite de la saisine d’une société de location de jets privés dont les liens avec des oligarques russes ne sont pas très clairs, s’impose bien sûr à nous, mais je propose de la combattre d’une manière subtile plutôt que frontale.
M. Daniel Labaronne (EPR). Notre groupe votera l’amendement CF42 de Mme Christine Arrighi plutôt que celui de M. le rapporteur pour avis.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CF65 et CF67 de M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis.
Amendements CF71 de M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis, et CF42 de Mme Christine Arrighi
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. L’amendement propose un large accès au RBE afin d’améliorer la transparence.
Mme Christine Arrighi (EcoS). En cohérence avec les exigences de la sixième directive européenne antiblanchiment et les réalités du terrain, l’amendement propose d'élargir l'accès au registre des bénéficiaires effectifs. En limitant cet accès aux seuls acteurs dont les activités sont spécifiquement liées à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, le texte initial risque d’exclure les organismes et les chercheurs qui, bien que non directement spécialisés, contribuent de manière essentielle par leurs travaux connexes ou complémentaires à la lutte contre le blanchiment.
Cette approche proportionnée permet d’inclure notamment des chercheurs pluridisciplinaires qui apportent leur expertise dans les actions de prévention, de sensibilisation et de formation. Elle favorise également une meilleure mobilisation des réseaux et des compétences pour répondre à des problématiques systémiques, complexes et évolutives.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. La formulation de votre amendement ne va pas assez loin. Il me semble plus adroit de recourir à la notion de lien indirect afin de garantir l’accès le plus large possible dans le cadre posé par les décisions de la CJUE.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement CF71 me semble préférable car il est plus large que le CF42. Est-il bien euro-compatible ?
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Préciser la nature du lien tel que je le fais dans l’amendement ne me semble pas contraire à la décision de la CJUE, qui exige simplement un intérêt légitime.
M. Matthias Renault (RN). Nous voterons pour l’amendement CF71.
Nous pourrions nous compter, chers collègues, parmi les acteurs ayant accès au RBE. J’ai moi-même interrogé le greffe d’un tribunal de commerce afin d’avoir accès aux bénéficiaires effectifs d’une concession d’occupation du domaine maritime pour des éoliennes. J’ai appris que, par un système de filiales, des capitaux espagnols et chinois étaient présents.
M. François Jolivet (HOR). Je demanderais très amicalement au rapporteur pour avis de retirer son amendement, qui ne semble pas être compatible avec le droit européen, afin que nous puissions voter l’amendement de Mme Arrighi.
M. Daniel Labaronne (EPR). J’ajoute que celui-ci, qui repose sur la notion de proportionnalité, est compatible avec le droit européen.
Mme Christine Arrighi (EcoS). J’ai travaillé l’amendement avec Transparency International France. Je suis très réservée sur la portée juridique de la notion d’intérêt légitime. En outre, un accès très large au RBE n’est pas compatible avec la réglementation européenne. Il me semble donc préférable d’adopter mon amendement plutôt que celui de M. Bouloux qui risque d’être inapplicable.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. L’affirmation de M. Jolivet est définitive alors que la CJUE ne parle que d’intérêt légitime. Je ne vois donc pas en quoi parler de lien indirect serait contraire au droit européen.
La commission adopte l’amendement CF71.
En conséquence, l’amendement CF42 tombe.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CF68 et CF64 de M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 modifié.
Après l’article 4
Amendement CF43 de Mme Christine Arrighi
Mme Christine Arrighi (EcoS). La lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme est une préoccupation partagée par les députés et d’autres acteurs, comme le Conseil supérieur du notariat, qui en fait un chantier prioritaire.
Cet amendement propose la création d’un comité national pour renforcer le suivi des mécanismes d’accès au registre des bénéficiaires effectifs. Son rôle serait d’évaluer la politique de transparence grâce à des indicateurs précis, d’analyser l’accessibilité réelle pour les usagers légitimes et de comparer les pratiques européennes pour identifier des solutions innovantes. La publication annuelle d’un rapport garantirait une transparence totale et l’exercice de leurs fonctions à titre gratuit par les membres du comité minimiserait son coût pour les finances publiques.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Ce dispositif me paraît nécessaire pour assurer l’accès au registre des bénéficiaires effectifs, une exigence cruciale pour prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Selon la Cour des comptes, le blanchiment de capitaux représenterait 1,3 % du PIB de l'Union. Il y a donc urgence à agir et il me paraît pouvoir être facilement mis en place.
Avis favorable.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Comment s’articulerait le fonctionnement de ce comité avec celui de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) ?
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Vous me prenez de court : je vous répondrai en séance.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Il existe déjà de nombreux dispositifs de protection des données, au niveau national et européen. Par ailleurs, j’ai des doutes sur l’efficacité d’un comité dont les membres travailleraient gratuitement. Enfin, je me demande quels indicateurs précis pourraient être retenus dans ce domaine.
L’idée est intéressante, mais elle n’est pas aboutie et demande à être retravaillée.
M. Daniel Labaronne (EPR). Pour mettre en œuvre la directive européenne sur le filtrage de l’accès pour intérêt légitime, la France a mis en place deux filtres : l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi) et les greffiers de tribunaux. Par ailleurs, il existe déjà un organisme de suivi, le Conseil d’orientation de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (Colb). Il est l’instance pertinente pour traiter des enjeux relatifs au filtrage de l’accès selon l’intérêt légitime. Je ne vois donc pas pourquoi créer un nouveau comité.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Le comité dont je propose la création aurait pour fonction d’assurer l’effectivité de l’accès plus large au RBE que nous venons de voter, fonction qui n’est pas remplie par les organismes que vous avez cités, dont la pertinence n’est pas contestée. Il aurait également pour rôle d’évaluer la politique de transparence et serait donc un outil démocratique avant d’être un simple outil de suivi.
La commission rejette l’amendement.
Article 5 : Limitation des recours contre les actes préparatoires et leur auteur en cas de mise en œuvre des clauses d’actions collective
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 non modifié.
Article 6 : Modalités de déclaration des paiements en nature aux gouvernements et autorités publiques dans le rapport sur les paiements des grandes entreprises extractives
Amendement de suppression CF6 de M. Matthias Renault
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. La modification introduite par l’article permet de respecter des exigences de transparence dont la France a soutenu la mise en œuvre de longue date.
Avis défavorable.
M. Daniel Labaronne (EPR). J’ajoute que cette disposition de transposition est obligatoire.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’amendement de coordination CF23 de M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 modifié.
Article 7 : Corrections dans le code de commerce liées à la transposition de la directive CSRD
Amendement de suppression CF6 de Mme Sylvie Ferrer
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Par cet amendement, nous proposons d’obliger toute entreprise, y compris une entreprise dont les comptes sont consolidés dans ceux d’une maison mère, à publier de manière précise et sans dérogation possible les informations relatives à son impact environnemental.
La disposition prévoit d’assouplir les contraintes de publication de rapport environnemental aux filiales, commerciales ou non, dès lors que leur maison mère présente un tel rapport. Lorsqu’un reporting de durabilité consolidé est établi par la société mère d’un groupe, les sociétés filiales peuvent bénéficier d’une exemption de reporting : c’est un nouveau recul pour l’écologie.
Nous ne sommes pas d’accord avec une quelconque exemption de transparence sur l’impact environnemental des entreprises, filiales ou pas. Nous demandons donc la suppression de cet article.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Vous souhaitez la suppression de l’article 7 pour que toute entreprise soit soumise à l’obligation de publication des informations de durabilité. Cependant, l’objet de l’article est d’adopter le même périmètre d’exemption que celui de la directive et éviter ainsi toute sur-transposition. Des sociétés commerciales sont déjà exemptées de la publication des informations de durabilité et la suppression de l’article 7 n’y changera rien.
L’article 7 permet d’appliquer les mêmes obligations de rapport de durabilité pour les entreprises faisant partie d’un même groupe, quelle que soit leur forme juridique. Or, sur ce point, la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) prévoit la publication des informations au niveau du groupe par la société mère. Cet article ne modifie ni les informations devant être publiées ni leur champ.
Par ailleurs, l’article 7 comporte d’autres dispositions nécessaires pour clarifier le texte transposé et pour revenir sur des sur-transpositions.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF38 de Mme Eva Sas
Mme Eva Sas (EcoS). Cet amendement vise à conditionner l’octroi des aides publiques accordées aux entreprises dans le cadre de la mission Investir pour la France de 2030 à la publication des informations de durabilité définies par la directive CSRD dans une section distincte de leurs rapports de gestion
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Avis favorable à cet amendement qui incite les entreprises à se conformer à leurs obligations de publication des informations de durabilité.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CF24, CF26, CF25, CF27, CF28, CF29, CF30, CF31 et CF32 de M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 modifié.
Article 8 : Corrections dans le code de la mutualité liées à la transposition de la directive CSRD
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement de suppression CF7 de M. Bérenger Cernon.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 non modifié.
Article 9 : Corrections dans le code de l’environnement liées à la transposition de la directive CSRD
La commission adopte l’amendement rédactionnel CF33 de M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis.
Amendement CF8 de Mme Sylvie Ferrer
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). L’amendement vise à obliger les entreprises à publier de manière précise les informations sur leurs émissions de gaz à effet de serre en leur imposant notamment de publier un rapport détaillant ces émissions pour chacune de leurs composantes. En effet, la publication de chiffres globaux peut permettre à certaines entreprises de minimiser leur impact, comme cela a été récemment le cas avec TotalEnergies qui a annoncé que ses émissions étaient de l’ordre de 455 millions de tonnes de CO2 sur une année alors que Greenpeace les estime à 1,6 milliard. Je précise que la justice a donné raison à Greenpeace, à qui Total avait intenté un procès.
Au moment où on prévoit que le réchauffement climatique pourrait atteindre 4,5 degrés en 2050 et où plusieurs pays comme le Brésil, les Émirats arabes unis ou l'Azerbaïdjan ont annoncé leur intention d’augmenter leurs émissions de gaz à effet de serre, il est temps que des actions claires soient menées.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis. Votre amendement est satisfait.
L’objet de l’article 9 n’est pas de réduire les obligations de publication d’un bilan d’émissions de gaz à effet de serre, mais d’harmoniser les méthodes de comptabilisation sans remettre en cause le champ de l’obligation de l’article L. 229-25 du code de l'environnement.
L’article 9 précise uniquement que le reporting environnemental issu de l’obligation de publication d’informations de durabilité imposée par le code de commerce peut être fusionné avec le reporting du bilan d'émission de gaz à effet de serre imposée par le code de l’environnement dans un but de simplification, sous réserve que le périmètre français soit bien pris en compte spécifiquement.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF39 de Mme Eva Sas
Mme Eva Sas (EcoS). Il propose de conditionner les subventions publiques de la mission Investir pour la France de 2030 au respect des obligations de publication des émissions de gaz à effet de serre. Il ne s’agit donc pas de créer de nouvelles obligations, mais de faire en sorte que les entreprises respectent ces obligations. 60 % des entreprises assujetties à cette obligation de publication ne la respectent pas.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur. Je m’interroge sur les effets, notamment d’éviction, qu’aurait l’adoption de cet amendement. En effet, la publication du rapport GES n’est pas obligatoire pour certaines entreprises, contrairement à ce que prévoit la directive CSRD. Afin de ne pas risquer d’exclure des petites entreprises, demande de retrait, sinon avis défavorable.
Mme Eva Sas (EcoS). Je m’inscris en faux, monsieur le rapporteur : l’amendement vise à demander aux entreprises déjà assujetties à l’obligation de publication d’un bilan carbone, de s’y conformer. Il ne s’agit en aucun cas de créer de nouvelles obligations pour les PME.
M. Mickaël Bouloux, rapporteur. Je suis prêt à soutenir cet amendement en séance publique, après en avoir mesuré toutes les conséquences, mais je maintiens ma demande de retrait.
M. Daniel Labaronne (EPR). C’est un débat français, alors que nous examinons un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne. Cet amendement aurait donc davantage sa place dans un projet de loi de finances ; nous ne pouvons pas le voter.
M. le président Éric Coquerel. Cette discussion renvoie à mes propos préalables : peut-on modifier le droit communautaire ? À quoi sert un projet de loi de transposition si l’on ne peut rien dire sur la manière dont est transposé le droit européen ?
La commission rejette l’amendement.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 modifié.
Article 10 : Corrections dans le code des assurances, le code de la sécurité sociale et le code rural et de la pêche maritime liées à la transposition de la directive CSRD
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 non modifié.
Article 11 : Corrections dans le code monétaire et financier liées à la transposition de la directive CSRD
La commission adopte successivement les amendements de coordination CF35 et CF36 de M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 modifié.
Article 12 : Corrections dans l’ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 liées à la transposition de la directive CSRD
La commission adopte l’amendement rédactionnel CF37 de M. Mickaël Bouloux, rapporteur pour avis.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 12 modifié.
M. le président Éric Coquerel. Nous poursuivons avec le rapport de Mme Christine Pires Beaune sur la proposition de loi n° 158 visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession, que nous avions adoptée en première lecture en février dernier et qui revient modifiée du Sénat pour une deuxième lecture.
Mme Christine Pirès Beaune, rapporteure. Les frais bancaires liés aux successions sont souvent perçus, à juste titre, par nos concitoyens comme incompréhensibles, voire profondément injustes.
Tout d’abord, ces frais échappent généralement à l’attention des titulaires de comptes au moment de choisir leur établissement bancaire. Ils sont en effet relégués aux dernières pages des brochures tarifaires et, de par leur nature ponctuelle, ne constituent pas un critère décisif dans le choix d’une banque. Ensuite, ils s’appliquent à des personnes qui n’ont pas eu la possibilité de les choisir : les héritiers, contraints de régler ces frais pour accéder aux comptes de leurs proches décédés. Enfin, dans un tel contexte, les banques se permettent d’imposer des tarifs élevés, bien souvent déconnectés des coûts réels des opérations effectuées. Ils représentent chaque année 125 à 200 millions d’euros, avec un montant moyen de 303 euros par succession, plus de deux fois supérieur à la moyenne européenne.
Ces frais ne font l’objet d’aucune régulation par les pouvoirs publics, malgré leur nature très spécifique. Cette situation est d’autant plus incompréhensible que la clôture d’un compte est une opération gratuite au titre de l’article L. 312-1-7 du code monétaire et financier.
Depuis l’adoption de la proposition de loi en première lecture, les pratiques commerciales ont peu évolué. Selon un relevé effectué le 1er novembre 2024 par le site internet MoneyVox, 122 établissements bancaires continuent d’appliquer des frais de traitement sur les successions. De surcroît, certains établissements ont procédé à des augmentations significatives de leurs tarifs – jusqu’à une multiplication par 1,5 –, alors que d’autres les ont baissés. À ce jour, seules deux banques sur 122 se conformeraient aux exigences de cette proposition de loi si elle était promulguée. Cette situation souligne l’urgence de mettre en place un encadrement rigoureux des frais bancaires liés aux successions.
Dans ce contexte, le présent texte prévoit un encadrement des frais bancaires applicables aux successions en établissant un barème proportionnel complété par un plafond en volume. Ce dispositif est complété par trois cas spécifiques dans lesquels aucun frais bancaire ne peut être prélevé : lorsque la procédure de clôture de compte ne présente aucune complexité manifeste ; lorsque le montant total disponible sur les comptes est inférieur à un seuil défini ; lorsque le détenteur des comptes était mineur à la date du décès. Deux schémas vous ont été transmis ; le premier illustre la version du texte issue du Sénat et le second présente les conséquences de l’adoption des amendements que j’envisage de déposer en séance publique.
Le Sénat a procédé à des modifications significatives du texte, dont trois doivent retenir notre attention. D’abord, pour le premier cas de gratuité, les critères caractérisant une opération complexe ont été définis. Ainsi, une opération est considérée comme manifestement complexe lorsque la banque se trouve dans l’impossibilité de l’exécuter dans un délai raisonnable et en présence de l’un des quatre motifs de complexité suivants : absence d’héritier en ligne directe, nombre excessif de comptes à clôturer, présence de sûretés ou existence d’éléments d’extranéité.
Ensuite, le seuil du montant des soldes permettant de bénéficier du deuxième cas de gratuité est défini par arrêté ministériel, assurant son ajustement en fonction de l’inflation. À ce jour, ce seuil s’élèverait à 5 909 euros.
Enfin, les frais s’appliquant aux opérations non soumises à la gratuité sont désormais encadrés par un double mécanisme : un barème en pourcentage ne pouvant dépasser 1 % des avoirs totaux présents sur les comptes du défunt, complété par un plafond en valeur.
La rédaction de la proposition de loi, telle que proposée par le Sénat, comporte encore quelques axes d’amélioration. Je pense notamment à la définition des cas de complexité, où les notions de « nombre de comptes » et de « délai raisonnable » restent insuffisamment précises, laissant aux banques une marge d’interprétation trop large. Toutefois, compte tenu du contexte politique et de l’importance pour nos concitoyens d’une adoption rapide de ce texte, je vous propose, en commission, de l’adopter sans modification. Je remercie à cet égard M. Labaronne d’avoir retiré ses quatre amendements.
Je suis actuellement en discussion avec le gouvernement et le Sénat pour obtenir un engagement à inscrire ce texte à l’ordre du jour au plus vite. Si cet engagement se concrétise avant la séance du 2 décembre, je déposerai quelques amendements destinés à affiner la rédaction adoptée par le Sénat et je vous proposerai de déposer des amendements identiques. Ces amendements sont en cours d’élaboration avec le sénateur Hervé Maurey, rapporteur de la proposition de loi, afin de permettre une adoption conforme du Sénat en seconde lecture. L’objectif est ainsi de viser une promulgation rapide de ce texte, avant la fin du mois de février 2025.
Il y a un peu moins d’un an, cette proposition de loi était adoptée à l’unanimité, tant en commission qu’en séance. Elle a été améliorée en collaboration avec le gouvernement et le Sénat, et en intégrant les réflexions de la Banque de France, de l’UFC-Que choisir et de la Fédération bancaire française (FBF). La semaine prochaine, elle sera examinée en séance publique, dans le cadre de la niche transpartisane. Je forme le vœu que l’esprit de consensus qui a prévalu en première lecture perdure tout au long de nos travaux sur cette proposition de loi.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux orateurs des groupes.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Nous débattons d’un sujet important, afin de réparer une injustice sociale : les frais bancaires appliqués lors des successions, qui concernent des milliers de familles françaises souvent confrontées à des frais exorbitants et parfois injustifiés qui alourdissent une épreuve difficile. Le montant forfaitaire pénalise les plus petits héritages et soustrait une partie du fruit du travail d’une vie au profit des établissements bancaires. Faute d’encadrement, ces frais augmentent chaque année et varient de manière incohérente d’un établissement à l’autre. Il n’est pas rare qu’une succession de 20 000 euros occasionne des frais supérieurs à 500 euros, ce qui n’est pas acceptable.
Comme l’an dernier, nous soutenons cette proposition de loi qui vise à plafonner ces frais à 1 % des sommes détenues, avec un barème dégressif, et prévoit la gratuité pour les successions les plus modestes. Ces mesures sont essentielles pour garantir une égalité de traitement entre les citoyens, quelle que soit leur situation financière.
Nous devons agir dès maintenant pour mettre fin à la spoliation des familles après le décès d’un proche. L’encadrement des frais bancaires est une nécessité impérieuse, non seulement pour alléger le fardeau des héritiers, mais aussi pour leur permettre de jouir pleinement du bien qui leur est légué. Le groupe Rassemblement national soutient fermement cette proposition de loi, qu’il votera. Il y va de la dignité des Français.
M. Daniel Labaronne (EPR). Cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité en première lecture et ce consensus témoigne de la nécessité de réparer une injustice flagrante. Elle vise à encadrer les frais bancaires liés aux comptes de paiement et aux livrets d’épargne des défunts, en veillant à ce qu’ils soient strictement proportionnés aux coûts réellement supportés par les banques. Ces frais peuvent atteindre des sommes très importantes, qui varient significativement entre établissements bancaires.
Depuis 2017, le gouvernement s’est engagé à réduire les frais bancaires ; nous y avons travaillé collectivement, notamment pour les personnes en situation de fragilité financière. Cependant, certaines pratiques demeurent choquantes, comme le prélèvement de frais sur les comptes d’enfants décédés. Nous ne pouvons plus tolérer que des familles déjà bouleversées par le deuil soient en outre pénalisées par des frais injustifiés.
Par conséquent, le groupe Ensemble pour la République soutiendra cette proposition de loi, selon la chorégraphie indiquée par la rapporteure. Je la remercie de nous donner la possibilité de déposer des amendements identiques aux siens pour l’examen en séance publique. D’ici là, je réfléchirai au sort que je réserve à ceux que j’ai retirés aujourd’hui.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Nous sommes favorables à cette proposition de loi.
M. Mickaël Bouloux (SOC). Les frais bancaires liés aux successions échappent à toute régulation. Souvent excessifs, variables selon les banques, ils sont deux à trois fois plus élevés en France qu’en Europe.
La présente proposition de loi, défendue par Christine Pirès Beaune et le groupe Socialistes et apparenté, vise à les encadrer, en garantissant leur transparence et leur adéquation aux coûts réels, et en exonérant les petites successions. Nous appelons tous nos collègues à soutenir ces mesures de justice sociale.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Cette proposition de loi traite d’un réel problème : l’opacité des frais bancaires pratiqués par les établissements lors des successions. Leur montant total, estimé entre 125 et 200 millions, est anormalement élevé au regard des pratiques dans les pays voisins : il est environ trois fois supérieur aux montants constatés en Belgique ou en Italie.
De nombreuses études ont dénoncé cette situation. Celle de l’UFC-Que choisir, publiée en février 2024, estimait que pour une succession de 20 000 euros, les frais s’échelonnaient de 80 à 527,50 euros. Il importe de mettre fin à ces pratiques et cette proposition de loi va dans le bon sens en matière d’allégement des frais bancaires de succession. Lors de la première lecture, j’avais déposé à l’article 2 un amendement visant à produire un rapport d’évaluation, afin de mesurer l’impact du dispositif. En tout état de cause, le groupe Droite républicaine votera favorablement la proposition de loi.
Par ailleurs, je suis un peu surprise, madame la rapporteure, que vous nous invitiez à déposer des amendements identiques aux vôtres pour l’examen du texte en séance publique. Nous en convenons tous, il faut que cette loi soit rapidement adoptée, mais cela laisse très peu d’initiative aux parlementaires.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Sans aller jusqu’à l’interdiction totale des frais bancaires sur les comptes des défunts, comme c’est le cas en Allemagne, nous soutenons le travail de la rapporteure et souhaitons aboutir à un vote conforme. Cela permettrait de réduire les écarts avec la Belgique, l’Italie ou l’Espagne, et de soulager nos concitoyens dans le moment difficile qu’est le deuil.
L’association de défense des consommateurs avait mis en lumière certains cas de figure, dans lesquels les frais bancaires de succession atteignaient 200 euros pour un montant de 500 euros figurant sur le compte. De tels cas s’apparentent à de graves confiscations requérant notre intervention.
Des améliorations sont toujours possibles, en particulier dans la chorégraphie à venir, comme l’a dit M. Labaronne avec poésie. Nous espérons cependant qu’il ne s’agira pas d’un pas de deux avec le gouvernement. Cette version du texte, enrichie par quelques garanties apportées par le Sénat, constitue déjà une évolution importante. Son adoption par notre commission permet de faire progresser le sujet, qui est en discussion depuis trop longtemps déjà. Nos concitoyens attendent que nous mettions fin à cette trop grande latitude accordée aux banques, qui engendre des disparités significatives.
Mme Sophie Mette (Dem). Le texte que nous examinons n’est pas nouveau, il poursuit un travail législatif entamé en février dernier, sous la précédente législature. À l’unanimité, nous avions collectivement approuvé la nécessité d’apporter des réponses législatives rapides à un angle mort de la régulation des frais bancaires.
Si beaucoup a été fait en la matière depuis 2017, notamment pour les publics fragiles, les frais bancaires sur les successions restent encore trop peu régulés, permettant aux banques d’en fixer librement les montants. Dans certains cas, ces frais représentent plus de la moitié de la somme concernée. Ces dérives sont totalement inacceptables ; les instances de concertation de place n’étant pas parvenues à aboutir à un accord après trois ans de négociations, il est logique de légiférer pour y mettre fin.
En première lecture, un travail très constructif avait permis d’aboutir à un dispositif de régulation efficace et équilibré, notamment grâce au travail de la rapporteure, que je tiens à saluer. Au Sénat, sous l’impulsion du sénateur centriste Hervé Maurey, dont je salue également le travail, le dispositif a été amélioré par deux principales évolutions. Tout d’abord, le seuil de gratuité, qui était fixé à 5 000 euros, est désormais remplacé par une référence au seuil, fixé par arrêté, relatif à la procédure des comptes simplifiés, afin d’assurer son adaptation automatique dans le temps. Ensuite, le barème relatif au plafonnement des frais a été précisé dans le domaine de la loi par l’institution d’une limite de 1 % du montant total des sommes détenues par l’établissement, et par un plafond en valeur dont le montant sera fixé par décret. Cet encadrement du champ d’intervention du pouvoir réglementaire est bienvenu pour renforcer la sécurité juridique du dispositif et éviter que le décret vide le dispositif législatif d’une partie de sa substance.
Considérant qu’il est nécessaire d’apporter rapidement davantage de justice et de transparence dans l’application des frais bancaires sur succession, et que le dispositif proposé est satisfaisant, le groupe Les Démocrates votera cette proposition de loi.
M. Christophe Plassard (HOR). La perte d’un proche est une épreuve personnelle, à laquelle s’ajoutent parfois des épreuves administratives que nous devons réduire au strict nécessaire. Depuis 2017, plusieurs mesures ont été prises pour mieux encadrer les frais bancaires, notamment pour les plus fragiles, mais nous devons encore faire avancer la question spécifique des frais de succession, qui varient du simple au quadruple selon les banques.
D’après l’UFC-Que choisir, dont je salue le travail, ces frais représentent une manne de 150 millions pour les banques. Pour les Français, plongés dans le deuil, ils représentent 300 euros en moyenne. Ce ne sont pas tant les sommes qui sont condamnables, que la méthode. D'abord, parce que lors de la signature de leur contrat, les clients lisent très rarement, pour ne pas dire jamais, les dispositions applicables en cas de décès, ce qui accentue l’opacité de ces frais. Ensuite, parce que quand les proches reçoivent la facture, ils ont très rarement, pour ne pas dire jamais, le cœur à examiner les détails. Ils règlent ces frais, qui sont deux fois plus élevés que chez nos voisins.
Permettez-moi de saluer le travail effectué par la rapporteure pour réécrire cette proposition de loi. Je me réjouis de l’inscription à l’ordre du jour de ce texte, adopté à l’unanimité en première lecture, tant à l’Assemblée sous la précédente législature qu’au Sénat. Il prouve que malgré l’éclatement politique, nous pouvons voter des textes utiles. Le groupe Horizons & indépendants salue cette démarche et votera ce texte.
M. Michel Castellani (LIOT). Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires soutient également ce texte et se réjouit de son examen en seconde lecture. Défendu avec beaucoup de conviction par Christine Pirès Beaune, il répond à une attente de nos concitoyens. Il s’agit de mettre fin à des pratiques bancaires discutables, dans des moments particulièrement douloureux pour les familles. Notre groupe avait d’ailleurs déposé une proposition de loi allant dans le même sens, défendue par Charles de Courson et Bertrand Pancher.
M. Gérault Verny (UDR). Le groupe UDR se réjouit de l’examen de ce texte de bon sens ; l’encadrement des pratiques bancaires dans le cadre des successions était nécessaire. Notre groupe est attaché à la protection des héritiers contre les pratiques bancaires abusives, et à la simplification des démarches successorales souvent jugées complexes et coûteuses. La réduction des frais bancaires, qui peuvent représenter un coût important pour eux, est également nécessaire. Cette proposition de loi vise à limiter ces frais grâce à des plafonds, mais il est également important de soutenir les héritiers modestes, en les diminuant ou en les annulant. Le groupe UDR votera ce texte.
M. le président Éric Coquerel. Je suis d’accord avec Christine Arrighi, nous devrions procéder comme en Allemagne et supprimer tout frais bancaires sur les successions, ces derniers pouvant s’apparenter à un impôt privé, intervenant qui plus est au pire moment. Ce texte va néanmoins dans le bon sens, même s’il faudra bien qu’un jour les banques cessent de considérer leurs clients comme des vaches à lait.
La parole est à Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). J’aimerais avoir une explication sur le schéma, concernant le cas des héritiers connus.
Mme Christine Pirès Beaune, rapporteure. Le second schéma qui vous a été transmis présente les conséquences de l’adoption en séance publique des amendements dont je vais vous dire un mot. Le Sénat a prévu un « délai raisonnable » qui pose problème ; il est cumulatif avec les autres cas de complexité ; par conséquent, s’il est conservé dans le texte définitif, une banque pourra considérer qu’un cas est suffisamment complexe et procéder à une facturation dès lors que le délai dépassera celui qui aura été fixé par décret. Notre objectif consiste donc à supprimer la notion de « délai raisonnable », comme dans le second schéma.
Permettez-moi de remercier la conférence des présidents qui a retenu ce texte et l’a inscrit à l’ordre du jour de la séance publique la semaine prochaine. Je vous remercie également tous, non seulement pour le vote unanime en première lecture, mais aussi pour vos prises de position ce matin.
Madame Dalloz, je propose aux députés de déposer des amendements identiques aux miens, mais je ne vous empêche nullement d’en déposer d’autres !
Si nous obtenons l’accord du gouvernement, comme je l’espère, six points feront l’objet d’amendements en séance publique : l’élargissement de la proposition de loi à l’ensemble des opérations et des frais bancaires, au-delà des seuls frais de clôture, grâce à une rédaction plus précise ; l’exclusion de l’ensemble des plans d’épargne en actions (PEA) du champ de la proposition de loi ; avec l’accord du sénateur Hervé Maurey, la suppression du critère du nombre de comptes, ajouté par le Sénat aux trois autres critères de complexité, parce que c’est la nature du compte qui fait la complexité de l’opération et non le nombre ; la suppression du critère englobant du délai raisonnable, comme je viens de l’expliquer ; en accord également avec le sénateur Hervé Maurey et avec le gouvernement, le report de la date d’entrée en vigueur du dispositif, un délai de trois mois étant évidemment trop court ; la prise en compte du nombre de bénéficiaires de la gratuité dans l’évaluation du dispositif.
Article 1er : Encadrement des frais bancaires sur succession et cas de gratuité
La commission adopte l’article 1er non modifié.
Article 2 : Remise d’un rapport d’évaluation
La commission adopte l’article 2 non modifié.
La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi sans modification.
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 27 novembre 2024 à 9 heures 30
Présents. - M. Franck Allisio, M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Laurent Baumel, M. Karim Ben Cheikh, M. Jean-Didier Berger, M. Carlos Martens Bilongo, M. Anthony Boulogne, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Stéphane Buchou, M. Michel Castellani, M. Eddy Casterman, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Ciotti, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, M. Benjamin Dirx, Mme Mathilde Feld, M. Emmanuel Fouquart, M. Christian Girard, M. José Gonzalez, Mme Perrine Goulet, M. David Guiraud, M. François Jolivet, M. Philippe Juvin, M. Daniel Labaronne, M. Tristan Lahais, Mme Constance Le Grip, M. Aurélien Le Coq, M. Mathieu Lefèvre, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Emmanuel Mandon, Mme Claire Marais-Beuil, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, Mme Estelle Mercier, Mme Sophie Mette, M. Jacques Oberti, M. Didier Padey, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, M. Christophe Plassard, M. Nicolas Ray, M. Matthias Renault, M. Charles Rodwell, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Gérault Verny
Excusés. - M. Corentin Le Fur, Mme Marianne Maximi, Mme Yaël Ménaché, M. Nicolas Metzdorf, M. Emmanuel Tjibaou
Assistait également à la réunion. - M. Fabien Di Filippo