Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Audition de M. Jean-Luc Tavernier, directeur général de l’INSEE, sous-directeur de la cohésion et de l'aménagement du territoire, dans le cadre des travaux menés pour étudier et rechercher les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024 (article 5 ter de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958) 2
– Présences en réunion...........................24
Mercredi
15 janvier 2025
Séance de 15 heures
Compte rendu n° 070
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Éric Coquerel,
Président
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La Commission auditionne M. Jean-Luc TAVERNIER, directeur général de l’INSEE, dans le cadre des travaux menés pour étudier et rechercher les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024 (article 5 ter de l’ordonnance n° 58 1100 du 17 novembre 1958)
M. le président Éric Coquerel. Chers collègues, je vous rappelle que nous sommes réunis pour « étudier et rechercher les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024 » et que notre commission s’est vue octroyer à ce titre les prérogatives d’une commission d’enquête. Cette audition obéit donc au régime des auditions d’une commission d’enquête, tel que prévu par l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
De façon générale, le bureau de la commission a décidé que ces auditions seraient publiques. Les deux rapporteurs de l’enquête, MM. Éric Ciotti et Mathieu Lefèvre, ont élaboré un questionnaire écrit qui a été communiqué à la personne auditionnée et qui vous a également été transmis. Dans un premier temps, après avoir fait prêter serment à la personne auditionnée puis avoir écouté son propos liminaire, moi-même ainsi que les rapporteurs poserons des questions ; après quoi les commissaires appartenant aux différents groupes pourront également poser les leurs, de préférence courtes, l’idée étant de laisser le plus possible la parole aux personnes auditionnées, et le temps imparti à chaque groupe pour l’ensemble de ses orateurs ne devant pas excéder deux minutes. Le président et les rapporteurs pourront, s’ils l’estiment nécessaire, procéder quand ils le souhaitent à des relances si des réponses semblent insatisfaisantes ou incomplètes.
Notre audition est retransmise en direct sur le site de l’Assemblée nationale. L’enregistrement audiovisuel sera ensuite disponible à la demande.
M. Jean-Luc Tavernier, vous êtes directeur général de l’Insee. L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(M. Jean-Luc Tavernier prête serment.)
M. Jean-Luc Tavernier, directeur général de l’Insee. Dans mon propos liminaire, je voudrais essayer de planter le décor en précisant ce qu’est et ce que n’est pas le rôle de l’Insee dans les prévisions et l’établissement de la comptabilité nationale a posteriori.
Que les choses soient claires : l’Insee ne participe pas du tout à l’élaboration des prévisions du gouvernement, même si les services de Bercy et les cabinets ministériels ne méconnaissent évidemment pas l’information que nous publions à un rythme quasi quotidien et qui relève essentiellement du bien public. Pour ma part, j’ai à connaître ces prévisions en tant que membre du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), ce dont nous parlerons peut-être ultérieurement.
Contrairement à la plupart des instituts statistiques dans le monde, nous faisons un effort de prévisions conjoncturelles, en publiant une demi-douzaine de notes et points de conjoncture par an, en fonction de l’actualité. Dans ces notes dont l’horizon est de trois ou six mois, nous prévoyons les grands indicateurs macroéconomiques que sont la croissance, l’inflation, l’emploi et le chômage, mais aussi un peu de ce que le jargon comptable nomme les comptes d’agents, c’est-à-dire le revenu des ménages ou le taux de marge des entreprises. En revanche, nous ne prévoyons pas le déficit public dans ces notes de conjoncture.
Le principal rôle de l’Insee est d’établir les comptes a posteriori. Au regard des règlements européens, le directeur général de l’Insee est le garant de la qualité de l’ensemble de la comptabilité nationale, ce qui recouvre la croissance, les comptes des ménages et des entreprises ainsi que les comptes des administrations publiques. Nous sommes en effet très encadrés par les textes européens. Depuis l’adoption d’une monnaie unique, la surveillance budgétaire s’exerce à partir de règles communes qui sont exprimées en comptabilité nationale et portent sur le champ de l’ensemble des administrations publiques – État, collectivités locales, sécurité sociale – afin de favoriser la comparabilité, indépendamment des particularités institutionnelles de chaque État membre. C’est donc aux directeurs des autorités statistiques nationales qu’est confiée la responsabilité de l’établissement des comptes, sous la supervision attentive d’Eurostat, la direction générale de la statistique de la Commission européenne.
Comment cela se passe-t-il en pratique ? L’Insee notifie les résultats de finances publiques à la Commission européenne deux fois par an. La première notification, celle qui retient le plus l’attention, a lieu à la fin du mois de mars. L’année dernière, c’était le 26 mars. Cette année, je signerai la notification des comptes 2024 à la Commission européenne le 27 mars. Pour intégrer certains résultats comptables dont nous ne disposons pas au mois de mars, nous faisons une deuxième notification annuelle qui, au regard des textes européens, doit avoir lieu avant la fin du mois de septembre – nous avons pour habitude de le faire dès la fin août.
La Commission européenne peut émettre des objections, réserves ou questions sur la notification que les instituts statistiques des États membres réalisent, ce qui donne lieu à une procédure contradictoire sous forme de questions, réponses et vérifications. Trois semaines plus tard, vers le 20 avril, Eurostat communique les résultats de tous les États membres, éventuellement assortis de réserves quand tout n’a pas été élucidé au cours de la procédure contradictoire. Eurostat vérifie la rigueur des processus et la conformité des choix méthodologiques, notamment en ce qui concerne le périmètre des administrations publiques et la nature des enregistrements des opérations. Deux fois par an, nos collègues d’Eurostat viennent nous rendre ce que l’on appelle des visites de dialogue au cours desquelles ils peuvent soulever une centaine de points sur lesquels nous devons répondre. Les points soulevés sont moins nombreux lors des échanges que nous avons en mars-avril, mais nous devons néanmoins répondre à beaucoup de questions dont le nombre varie selon les années.
Le déficit public à 6,1 % du PIB en 2024, cela relève donc pour moi du domaine de la prévision : l’Insee ne notifiera pas son taux avant le 27 mars prochain. À ce stade, je n’ai pas l’impression que notre taux sera très éloigné de 6,1 %, mais ce n’est qu’une impression : je n’ai pas établi de comptes et, a fortiori, Eurostat ne les a pas validés.
Depuis une dizaine d’années, grâce aux progrès de la gouvernance et des règles européennes, nous publions aussi des données de finances publiques dans le cadre des comptes nationaux trimestriels. Nous faisons deux publications pour chaque trimestre : un mois après la fin du trimestre, puis un mois plus tard. La première estimation de la croissance contient déjà beaucoup d’agrégats, mais pas de comptes d’agents. Deux mois après la fin du trimestre, nous révisons éventuellement la première estimation, en ajoutant des comptes d’agents – revenus des ménages, comptes des entreprises. Lors de cette révision, depuis une dizaine d’années, nous publions aussi une estimation du déficit public pour le trimestre sous revue.
Nos publications font ainsi état de trois trimestres et donc de trois taux de déficit public pour 2024 : 5,8 % du PIB au premier trimestre ; 5,7 % au deuxième trimestre ; 6,3 % au troisième trimestre. Mais il arrive que les comptes annuels s’écartent des estimations des trois premiers trimestres pour lesquels nous disposons de beaucoup moins d’informations, notamment de remontées comptables, que lors de l’établissement des comptes annuels à la fin mars.
Dans les comptes annuels, nous devons agréger les comptes de 69 000 entités publiques, dont les deux tiers appartiennent au champ des administrations publiques locales – communes, régies, agences, etc. Fin mars, il nous en manque 10 000, qui ne sont évidemment pas les plus importantes. Il nous manque notamment les comptes de l’Agirc-Arrco – pour lesquels nous avons néanmoins une estimation plutôt fiable – et ceux des hôpitaux. Tenus de publier leurs comptes à la fin juin, les hôpitaux respectent en général le délai ou le dépassent de peu. Quoi qu’il en soit, leurs comptes peuvent réserver quelques surprises et être l’une des causes de révision du déficit public en août-septembre. Au moment de la notification de mars, nous avons environ 92 % des flux ; dans les comptes trimestriels nous avons de bonnes remontées comptables pour les recettes et environ 80 % des flux pour les dépenses.
C’est ce que je pouvais vous dire sur le rôle de l’Insee, les limites de notre action et le cadre assez procédural dans lequel elle s’inscrit vis-à-vis de la Commission européenne.
M. le président Éric Coquerel. L’importance du dérapage du déficit pour 2023 a été rendue publique avec votre chiffre de mars 2024, mais nos auditions ont montré que les ministres avaient connaissance de la situation budgétaire dès décembre 2023. À quel moment étiez-vous en mesure de constater cette situation dégradée ? Quand les signaux étaient-ils suffisamment forts pour permettre de comprendre que l’écart entre les prévisions et les recettes allait être important ?
M. Jean-Luc Tavernier. Il arrive que l’on révise les standards dans les comptes nationaux, notamment sous l’influence d’Eurostat qui définit scrupuleusement ce qui doit être ou non dans le champ des administrations publiques – il y a plusieurs années, nous y avons ainsi intégré Réseau ferré de France (RFF). Il arrive aussi, tous les cinq ou dix ans, que l’on change de base dans les comptes nationaux, que l’on modifie certaines sources ou méthodes.
En 2024, nous avons utilisé une nouvelle base pour la publication des résultats, nous avons amélioré l’enregistrement de certaines opérations en droits constaté et, surtout, une fois n’est pas coutume, nous avons sorti une entité du périmètre des administrations publiques : l’Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (Erafp) – en accord avec Eurostat, nous l’avons considéré comme un fonds de pension. Or cet organisme en phase de maturation, qui a des rentrées supérieures aux sorties, avait une contribution positive qui a désormais disparu. Globalement, tous ces changements méthodologiques ont contribué au déficit à hauteur de 4 milliards d’euros, soit 0,14 % du PIB.
Mais c’est surtout le cinquième acompte de l’impôt sur les sociétés (IS), versé en toute fin d’année 2023, qui a réservé de mauvaises surprises. Depuis une vingtaine d’années qu’il existe, ce cinquième acompte introduit d’ailleurs une incertitude structurelle sur les recettes jusqu’au dernier jour de l’exécution budgétaire. L’Insee n’est pas au premier rang pour observer le phénomène : il se manifeste d’abord dans la situation budgétaire hebdomadaire et mensuelle. Nous ne l’avons intégré qu’au mois de mars dans l’établissement des comptes nationaux.
M. le président Éric Coquerel. Vous ne pouviez pas l’anticiper ?
M. Jean-Luc Tavernier. La principale surprise, la baisse de l’IS, était imprévisible et n’est toujours pas parfaitement expliquée.
M. le président Éric Coquerel. Le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) sur les prévisions de recettes des prélèvements obligatoires, rédigé à la demande des ministres lorsque le dérapage du déficit a été rendu public, indique que 20 % de l’écart à la prévision résulte d’erreurs techniques, notamment d’une surestimation des recettes d’IS. Entre le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 et l’exécution budgétaire, la prévision des recettes a effectivement été revue : elle a augmenté de 11 % dans le programme de stabilité en avril 2023 – il semblerait que les services de Bercy se soient fondés sur votre révision à la hausse du taux de marge des entreprises en mars 2023. Cette fois, il semblerait que Bercy n’ait pas voulu vous suivre lorsque vous avez révisé à la baisse le taux de marge pour 2023 pour le ramener à son niveau de décembre 2022, soit à son niveau du PLF pour 2023. Pour résumer : le gouvernement vous suit lorsque vos prévisions lui permettent d’augmenter le niveau des recettes attendues, mais pas quand elles impliqueraient une révision des recettes à la baisse. Faites-vous ce constat régulièrement ?
M. Jean-Luc Tavernier. Vous me donnez des informations que je n’avais pas sur la manière dont les services – et a fortiori le ministre – ont intégré les évolutions du taux de marge dans la prévision de l’IS. Dans mes fonctions actuelles, je n’ai pas à le savoir. J’ai été le dernier directeur de la direction de la prévision à Bercy, avant qu’elle ne soit supprimée. J’ai donc fait ce métier d’essayer de prévoir, y compris les finances publiques. Depuis que j’ai quitté Bercy, je ne reçois pas les notes de prévisions de la direction générale du Trésor.
Ce que je peux dire, en espérant ne pas trop m’éloigner de votre question, monsieur le président, c’est que l’élément déterminant est le cinquième acompte d’IS. C’est de son observation en décembre 2023 que les services infèrent ce qu’a dû être l’évolution du résultat fiscal des entreprises en 2023 et en tirent des conséquences sur la prévision d’IS en 2024. Idem pour les années ultérieures : les services sont en train d’ausculter le cinquième acompte, encaissé il y a quelques semaines au titre de l’exercice 2024, et en déduisent d’éventuelles surprises concernant la prévision d’IS pour 2025.
On a pu réviser l’excédent brut d’exploitation (EBE), mais pas dans des proportions considérables. À ce jour, il me semble que l’effet de surprise concernant l’IS perçu au titre de l’année 2023 n’est pas tant lié à l’évolution d’indicateurs macroéconomiques tels que l’EBE qu’au passage de l’EBE au bénéfice fiscal, où il peut se produire beaucoup de mouvements en termes de déficits reportables, de provisions, etc. Cela étant, j’émets immédiatement une réserve : les comptes annuels de la France et la prévision de croissance pour 2023 sont encore établis sur la base des comptes provisoires que nous avons publiés l’an dernier dans lesquels nous n’avons pas les informations comptables des entreprises. Mes collaborateurs des comptes nationaux sont en train d’intégrer ces informations comptables pour éventuellement réviser l’année 2023 à la fin du mois de mai. C’est à ce moment-là que je pourrais vous dire précisément quel a été l’EBE en 2023 et le comparer aux estimations faires dans les comptes trimestriels et le compte provisoire pour 2023. Pour l’instant, je sais seulement que le bénéfice fiscal de 2023 a été visiblement décevant et j’ai l’intuition que cela est lié à des opérations effectuées en aval de l’EBE, au passage de l’EBE au bénéfice fiscal.
M. le président Éric Coquerel. Dans cette part d’écart évitable, l’IGF intègre aussi les mauvaises anticipations du comportement des acteurs, notamment en matière de consommation et de taux d’épargne : on s’attendait à ce que les ménages épargneraient moins pour consommer plus. Pour ma part, je considère qu’estimer que les ménages allaient réduire leur épargne n’est pas un choix technique, c’est estimer que les conditions de vie sont satisfaisantes et que les ménages n’ont pas à se prémunir contre l’avenir. C’est donc estimer que la politique économique fonctionne. Pourtant, dans un contexte inflationniste et de baisse du salaire réel, ces comportements attendus étaient peu probables. Si le revenu disponible brut (RDB) augmente en 2023, c’est seulement parce qu’il est tiré par les revenus du patrimoine, comme l’ont montré vos études. Or ces revenus sont plutôt épargnés que consommés. Ne pouvons-nous pas en conclure que le gouvernement, une fois de plus, n’a pas pris en compte vos études, alors que nous avons pu le faire ici même en commission ?
M. Jean-Luc Tavernier. Monsieur le Président, est-ce que je peux élargir votre question et considérer qu’elle porte aussi sur le même phénomène en 2024 ?
M. le président Éric Coquerel. Dès lors que vous répondez, cela ne me pose pas de problème.
M. Jean-Luc Tavernier. Pour 2024, l’estimation de croissance reste à 1,1 % en moyenne annuelle, mais sa composition est très différente de celle qui était attendue : moins de consommation, un peu plus d’exportation et plus de dépenses publiques, ce qui va se traduire par une baisse des recettes de fiscalité indirecte, notamment de TVA. Et n’oublions pas l’effet de l’inflation sur lequel nous pourrons revenir.
Au HCFP, où nous passons en revue l’ensemble des prévisions des économistes, nous constatons qu’ils attendent tous une baisse du taux d’épargne. En dépit de ce que vous avez dit, monsieur le président, sur le fait qu’une partie de la hausse du pouvoir d’achat est liée à l’évolution des revenus du patrimoine, il n’y a pas d’explication globale à la forte hausse du taux d’épargne, qui a commencé avant même la crise sanitaire. Le taux d’épargne global des ménages français est passé de 15 % du revenu avant la pandémie de covid-19 à 18 % en ce moment. Cette hausse de 3 % représente des dizaines de milliards d’euros, et des milliards de recettes de TVA en moins, pour ne parler que de cette partie de la fiscalité indirecte.
La plupart des organismes de conjoncture, des organisations internationales et des économistes de banque prévoyaient une baisse du taux d’épargne pour 2024. Aucun d’entre eux ne tablait sur une nouvelle hausse de ce taux. Que s’est-il passé en 2024 ? Dans notre dernière note de conjoncture, nous prévoyons une hausse de 2 % du pouvoir d’achat du revenu des ménages, qui n’est pas intégralement due aux revenus du patrimoine, même si ceux-ci ont été plus dynamiques que la moyenne. Tous les retraités, par exemple, ont pu constater une hausse de leur pouvoir d’achat. Nous estimons que la consommation a progressé de 0,9 % en moyenne annuelle, ce qui fait apparaître une nouvelle hausse du taux d’épargne – en gros, il est passé de 17 % à 18 %. Aucun consensus ne s’est encore dégagé parmi les observateurs, analystes, économistes et conjoncturistes de tout poil pour expliquer le phénomène. Nous nous y sommes essayés dans notre dernière note de conjoncture, mais l’exercice est difficile.
Pour ce que nous avons pu en voir au HCFP, la plupart des prévisions vont dans le sens d’une légère baisse du taux d’épargne en 2025, ce qui serait le principal soutien à la demande car celle-ci n’est pas soutenue par l’investissement et elle le sera moins que les années précédentes par les dépenses publiques. Il faut imaginer une hausse de la consommation, mais on ne peut pas avoir de certitude tant que nous ne saurons pas expliquer clairement, malgré tous les éléments que l’Insee met sur la table, pourquoi le taux d’épargne des ménages est à 18 %. Le constat vaut pour les années précédentes. Du reste, il ne me semble pas que le HCFP ait eu une appréciation très optimiste de la consommation dans ses avis donnés au cours des dernières années.
M. le président Éric Coquerel. Je ne parlais pas du taux d’épargne mais des résultats de 2023 qui permettent d’anticiper ceux de 2024. Dans vos tableaux de 2023, il était clair que la hausse des revenus disponibles bruts était tirée par les revenus du patrimoine et non par les revenus des salaires, ce qui n’est pas sans incidence sur l’inquiétude pour l’avenir et l’évolution de l’épargne – ceux dont les revenus le permettent épargnent davantage au lieu de consommer. L’évolution des revenus disponibles pouvait alarmer. Mais vous me dites que ce n’est pas le cas.
M. Jean-Luc Tavernier. Des milliers de pages ont été écrites sur les arbitrages entre consommation et épargne. En cas de tension sur le revenu et de diminution du pouvoir d’achat, on a plutôt tendance à en lisser l’effet et à réduire son taux d’épargne. Est-ce que la baisse du revenu n’entraîne pas les mêmes conséquences sur la consommation ? Il est très difficile de corréler l’évolution de la consommation des ménages en fonction de la typologie de leurs revenus. Mais nous observons globalement une hausse du taux d’épargne dans un contexte où la population ressent un affaiblissement de son pouvoir d’achat. Ce n’est pas complètement intuitif, ce qui explique que ce n’était pas attendu par l’ensemble des conjoncturistes.
D’autres facteurs jouent sur l’arbitrage entre consommation et épargne, notamment la composition du revenu, comme vous l’avez relevé. Cet arbitrage peut aussi être influencé par la situation du marché de l’emploi et la peur du chômage. Or le marché de l’emploi était plutôt bien orienté en 2023. La peur des déficits publics peut induire ce que l’on appelle un comportement ricardien : redoutant une hausse des impôts, on épargne dans cette perspective quand on a les moyens de le faire.
Dans la note de conjoncture de décembre 2024 de l’Insee, nous avons fait un éclairage sur l’élévation du taux d’épargne en France et dans d’autres pays tels que l’Allemagne. Nous n’avons pas encore trouvé d’explication globale à ce phénomène qui peut aussi être lié à des comportements de sobriété – on retarde le renouvellement de son véhicule, par exemple. Quoi qu’il en soit, je ferais plutôt preuve de modestie en la matière. Quand le HCFP a publié son avis en septembre, nous avons constaté que la plupart des conjoncturistes estiment que le taux d’épargne a des marges à la baisse et qu’il devrait diminuer pour soutenir la demande. Cela relève peut-être du vœu pieux, mais c’est l’avis de la plupart des conjoncturistes.
M. le président Éric Coquerel. Pour ma dernière question, je vais revenir au rapport de l’IGF. L’écart des prévisions fiscales et budgétaires s’explique aussi par une surestimation de la masse salariale : alors que le gouvernement prévoyait une augmentation de la masse salariale de 6,1 % dans le programme de stabilité pour 2023 et même de 6,5 % dans le PLF pour 2024, elle n’a finalement augmenté que de 5,3 %. De votre côté, vous estimiez sa croissance à 5,7 % dès l’été 2023. Selon l’IGF, cette différence entre les prévisions s’expliquerait par une différence méthodologique. Votre prévision semble à l’évidence plus fiable. Pourriez-vous nous indiquer quelles sont ces différences méthodologiques ?
M. Jean-Luc Tavernier. Je n’ai pas complètement le rapport de l’IGF en tête et je ne me souviens pas de cette mention de différence méthodologique. Le ralentissement rapide de l’inflation et des salaires, observé à la fin de 2023, n’avait pas été totalement prévu par tout le monde, notamment le gouvernement. Il a pesé sur l’évolution de la masse salariale et, par conséquent, sur celle des cotisations sociales et de la contribution sociale généralisée (CSG) en fin d’année 2023.
M. le président Éric Coquerel. Vous l’aviez mieux anticipé, semble-t-il.
M. Jean-Luc Tavernier. Il me semble en effet que nous avions mieux vu le ralentissement des salaires. Je n’en tire pas gloriole car c’est toujours facile d’avoir raison a posteriori. Il me semble aussi que, dans un avis du HCFP, nous avions signalé un petit risque de baisse des salaires et des cotisations à cette époque-là. Cela reste à vérifier.
M. le président Éric Coquerel. Pourriez-vous, même plus tard, me donner des informations sur ces différences de méthodologie ?
M. Jean-Luc Tavernier. Je me tourne vers Nicolas Carnot, directeur des études et synthèses économiques, qui m’accompagne pour cette audition. Cela ne lui évoque rien non plus. Nous allons vérifier ce point.
M. le président Éric Coquerel. Malgré les chiffres que j’ai trouvés dans vos travaux et qui ont été souvent présentés ici, Bruno Le Maire n’a pas reconnu que le bilan de sa politique était contestable, notamment en termes de création d’emplois. Au regard des études que vous avez publiées ces dernières années, pouvons-nous considérer que les objectifs de la politique de l’offre ont été atteints ?
M. Jean-Luc Tavernier. N’attendez pas du directeur général de l’Insee qu’il émette un jugement définitif sur ce point ! Il faut bien avoir en tête que nous avons vécu pendant des décennies sous l’empire de difficultés de demande, donc dans une situation, au moins en partie, de chômage keynésien. Il est clair que, depuis le covid, et même depuis 2019, le nombre d’entreprises qui déclarent des tensions sur l’offre, le recrutement ou l’approvisionnement s’est fortement accru, notamment dans l’industrie. C’est bien l’une des difficultés de l’exercice de prévision : quand toutes les entreprises sont contraintes par la demande, il faut prévoir la demande et on en déduit la production ; quand elles sont contraintes par l’offre, il faut aussi tenir compte d’une forte hétérogénéité en fonction des secteurs, ce que l’on constate de façon inédite depuis le covid.
M. Éric Ciotti, rapporteur. Pour expliquer l’écart de près de 50 milliards d’euros sur lequel nous enquêtons, il y a trois ensembles de réponses possibles : une construction d’un budget qui ne tenait pas compte des alertes et des notes, c’est-à-dire un choix politique, qui ne relève pas de vous ; des erreurs dans les modèles de prévision, qui pourraient être obsolètes ; des facteurs conjoncturels totalement imprévisibles. Qu’en est-il, selon vous ?
M. Jean-Luc Tavernier. Pour 2024, l’écart entre les 4,4 points de PIB auxquels le projet de loi de finances pour 2024 plaçait le déficit des finances publiques et l’estimation actuelle établie par Bercy, qui est de 6,1 points, correspond en effet à une cinquantaine de milliards d’euros.
On peut isoler les 4 milliards d’euros dus au changement de base de la comptabilité nationale dont j’ai parlé tout à l’heure.
Je suis moins à même de vous répondre que le directeur général du Trésor, puisqu’il s’agit de comparer des prévisions que je n’ai ni les unes ni les autres élaborées, et dont je ne suis pas parti. Mais ma compréhension est qu’il y a eu une petite économie sur les dépenses de l’État – à hauteur de 4 milliards d’euros – et que les autres termes de l’équation ont tous donné lieu à des surprises négatives : les dépenses des administrations de sécurité sociale, du côté de l’Unedic comme de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), ont été un peu supérieures aux prévisions, tout comme les dépenses des collectivités locales, dans des proportions cette fois-ci importantes ; du côté des recettes, toutes ont été un peu inférieures aux prévisions : impôt sur les sociétés, impôt sur le revenu, TVA, cotisations sociales. Il y a donc eu une conjonction de mauvaises surprises – c’est un manque de chance, car il n’y a pas de raison que les surprises soient corrélées entre elles.
J’ai exercé ce métier, et il n’est pas facile : je me dois de signaler que ces écarts restent dans des proportions habituelles. Trois se détachent : les recettes d’IS ; celles de TVA ; les dépenses des collectivités territoriales. Dans les trois cas, l’écart avec ce qui était prévu en septembre 2023 et ce que constate Bercy doit dépasser les 10 milliards d’euros.
Dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2024, publié en septembre 2023, le Haut Conseil des finances publiques – dont je suis membre par la volonté du législateur, et en particulier de cette commission – souligne que l’estimation de croissance lui paraît un peu optimiste ; en matière de finances publiques, il évoque aussi l’optimisme des prévisions quant à la TVA – notamment parce que la croissance prévue de la TVA est supérieure à celle de sa base taxable – et aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Mais aucun membre du Haut Conseil n’imaginait, à cette date, un écart de 50 milliards d’euros – en tout cas, cela ne se lit pas dans l’avis.
Nous avons donc des surprises de grande ampleur sur trois postes, seul celui relatif à la TVA étant mentionné dans l’avis du HCFP. Je vois là essentiellement des questions techniques – sur lesquelles il faut travailler, bien sûr.
S’agissant de l’IS, il est très difficile à prévoir. Il faudra, dans le courant de l’année 2025, s’interroger sur l’évolution de l’EBE des entreprises en 2023, et sur le passage de l’EBE au bénéfice fiscal. On sait par exemple que l’on n’a pas assez tenu compte du fait que certaines grandes entreprises dont les EBE étaient très importants en 2023 disposaient encore de déficits reportables ; c’est le cas d’EDF, mais aussi de CMA CGM. Ce n’est toutefois là qu’une partie de l’histoire. Nous pourrons faire ce travail quand nous disposerons des comptes révisés de 2023, après avoir intégré complètement la comptabilité des entreprises dans nos comptes nationaux. Nous devons comprendre cette surprise sur le bénéfice fiscal, qui s’est traduite par une évolution très importante sur le cinquième acompte de décembre 2023, et dont on voit l’ombre portée sur tous les comptes 2024.
S’agissant de la TVA, il y a deux sujets : l’un macroéconomique, l’autre de prévision, compte tenu de ces agrégats macroéconomiques. En 2024, la consommation est inférieure en volume à toutes les prévisions. Nous avons aussi moins d’inflation : la désinflation a été plus rapide que prévu. Le PLF pour 2024 prévoit une inflation de 2,6 % ; l’avis du HCFP considère ce chiffre comme « plausible ». L’inflation, en moyenne annuelle en 2024, a été publiée ce matin : elle est de 2 %. Ces six dixièmes d’écart sont comparables à la surprise sur les volumes de consommation. Nous avons sous-estimé l’ampleur de la désinflation, ce qui est une erreur commune à la plupart des conjoncturistes : personne n’avait, je crois, prévu 2 % d’inflation seulement en 2024. Or les recettes de fiscalité indirecte dépendent de la valeur de l’assiette taxable, donc du volume mais aussi du prix.
Concernant encore la TVA, il faut également souligner de moindres recettes au regard de l’évolution des emplois taxables – c’est toute la question des mouvements de restitution de crédits, sur laquelle je ne saurais pas vous en dire plus bien qu’il y ait là un sujet de réflexion.
S’agissant enfin des dépenses des collectivités locales, c’est une troisième grande surprise, dont il faudra voir si elle se confirme dans les comptes annuels tels que nous les publierons à la fin du mois de mars. L’augmentation de l’investissement peut être attribuée au cycle électoral des communes – elle arriverait un peu plus tôt que ce que l’on imaginerait au vu de la date des élections. Mais il y a surtout une grosse surprise sur les dépenses de fonctionnement, alors même que les collectivités sont soumises à la règle d’or et qu’elles ne peuvent pas s’endetter pour financer leur fonctionnement. Nous devrons nous pencher sur ce sujet dans les mois qui viennent.
Il y a donc eu à mon sens différentes erreurs, dont certaines d’une ampleur particulièrement forte, qui malheureusement sont toutes allées dans le même sens. J’y vois des problèmes plutôt techniques que politiques, mais je ne suis pas dans le secret des arbitrages rendus à Bercy sur le PLF pour 2024.
M. Éric Ciotti, rapporteur. Vous avez cité le chiffre de l’évolution du déficit public pour les trois premiers trimestres de 2024. J’entends que nous n’aurons le chiffre définitif pour l’année qu’au mois de mars, mais à ce stade, la tendance à la dégradation se confirme-t-elle au quatrième trimestre ? La prévision d’un déficit de 6,1 points de PIB demeure-t-elle crédible ?
M. Jean-Luc Tavernier. Votre question est tout à fait légitime mais je suis dans l’incapacité d’y répondre. De trimestre en trimestre, il peut y avoir une grande volatilité. Sur certains postes, l’enregistrement comptable peut être fait à un moment ou à un autre dans l’année : il n’y a pas d’arrêté infra-annuel des comptes des collectivités locales, par exemple. L’incertitude demeure donc jusqu’à ce que l’ensemble des comptes de l’année aient été traités. Je ne peux donc pas vous vendre du rêve : je n’en sais rien.
La prévision d’un déficit à 6,1 points de PIB paraît plutôt réaliste compte tenu de ce que l’on a vu au cours des trois premiers trimestres, et je comprends de mes collègues de Bercy qu’il n’y a pas cette fois de surprise majeure sur le cinquième acompte d’IS.
Mais, encore une fois, avant le 27 mars, il n’y a aucune chance que je donne un chiffre.
M. Éric Ciotti, rapporteur. Vous faites partie du comité scientifique réuni en vue d’un meilleur pilotage des prévisions de finances publiques. A-t-il commencé ses travaux ?
M. Jean-Luc Tavernier. Il a été installé par Antoine Armand et Laurent Saint-Martin au mois de novembre. Il était prévu, je crois, que nous rencontrions à nouveau les deux ministres, mais la censure est arrivée à ce moment-là. Dans mon esprit, ce comité n’est pas destiné à devenir permanent. Je pense que les ministres nous réuniront à nouveau dans les jours ou les semaines à venir. Nous avons échangé avec les services de Bercy, notamment la direction générale du Trésor, la direction générale des finances publiques et la direction du budget – je n’ai pu assister qu’à deux de ces trois réunions. Le comité, si les ministres le réunissent à nouveau, aura certainement à cœur de faire des suggestions, qui s’ajouteront à celles de l’IGF et de la direction générale du Trésor. Nous nous y préparons, en tout cas.
M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Considérez-vous que les niveaux d’inflation et de désinflation que nous avons connus ont pu perturber les modèles de prévision ?
M. Jean-Luc Tavernier. Vous avez bien noté que, depuis plusieurs années, nous sommes soumis à des chocs pour l’essentiel exogènes : la crise sanitaire et l’invasion de l’Ukraine. Nous n’y sommes pas habitués, et cela complique beaucoup la prévision. Cela conduit aussi à l’apparition de phénomènes, inédits dans leur ampleur, de difficultés d’offre, tant d’approvisionnement que de recrutement. Nos courbes de climat de confiance sont, de façon absolument inédite, tout à fait hétérogènes en fonction des secteurs économiques, notamment industriels. Cela complique aussi l’analyse conjoncturelle.
C’est donc tout un ensemble de facteurs, et pas seulement l’inflation, qui rend la prévision plus difficile. L’inflation joue car il est difficile de prévoir la réponse des salaires à l’inflation – pendant deux ans, les salariés ont perdu du pouvoir d’achat, et le rattrapage commence seulement en 2024. Il peut aussi y avoir des conséquences sur les rentrées d’impôt sur le revenu : l’une des suggestions du comité scientifique évoqué par M. Ciotti portera peut-être sur ce point. Nous avons en effet aussi connu une mauvaise surprise en la matière, même si elle est de moindre ampleur que celles que j’ai plus longuement évoquées. Or l’indexation du barème – certains revenus ayant augmenté plus vite que l’inflation, d’autres pas – peut avoir des conséquences que nous n’avons pas totalement maîtrisées.
Notre situation est très chahutée dans son ensemble depuis 2020, avec une grande hétérogénéité des difficultés rencontrées par les entreprises, ce qui est un phénomène nouveau. Il me semble que c’est plutôt là qu’il faut chercher l’origine des difficultés de prévision.
M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Vous avez évoqué le changement de base de la comptabilité nationale, qui a joué sur 0,13 point de PIB environ sur l’écart en 2023. Ce retraitement était-il prévisible ? Les administrations en étaient-elles informées ? Selon vos informations, un tel retraitement est-il possible au titre de l’année 2024 ?
M. Jean-Luc Tavernier. En mars dernier, lorsque nous avons établi les comptes de 2023, il y a eu en effet un événement qui reste heureusement exceptionnel : un changement de base, ce qui entraîne de nombreuses modifications. En l’occurrence, nous avons, en accord avec Eurostat, notamment sorti l’Erafp du champ des administrations publiques. Nous avons aussi amélioré l’enregistrement de certaines opérations en droits constatés – un progrès comptable, qui induit aussi des écarts.
Nous avons fait savoir à la fin de l’année 2023 que l’Erafp avait vocation, si Eurostat en était d’accord, à sortir du champ des administrations publiques. Nous n’avons pas communiqué de chiffrage à ce moment-là. La pratique que j’ai instaurée est que l’Insee ne prend pas les usagers à froid : nous avons donc fait un communiqué de presse sur le passage à la base 2020, qui annonçait notamment la sortie de l’Erafp, mais ne donnait pas de chiffres.
Nous n’avons aucun projet actuel d’une ampleur similaire. Eurostat peut toujours nous interroger sur la présence de telle ou telle entité dans les champs des administrations publiques, bien sûr – jusqu’au moment où ils publient eux-mêmes les comptes, vers le 20 avril. Je n’identifie pas de risque pour cette année, mais il peut y avoir des questions que nous n’avons pas vu venir.
M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Pourriez-vous nous donner la composition précise de ces 4 milliards d’euros ?
En matière d’IS, y a-t-il des modalités de recouvrement ou des modalités déclaratives qui mériteraient d’être améliorées pour faciliter le processus de prévision ?
M. Jean-Luc Tavernier. Nous vous transmettrons le tableau de la composition des 4 milliards d’euros préparé par mes collaborateurs. Il comporte six lignes.
En ce qui concerne votre seconde question, je note comme vous tous que le cinquième acompte a des vertus, puisqu’il permet de demander aux sociétés d’essayer d’anticiper leur bénéfice fiscal et de faire coller au maximum les recettes de l’année avec celles qui sont attendues au titre de l’exercice considéré. Mais, arrivant en décembre, il introduit pour l’ensemble de l’écosystème de Bercy une instabilité qui dure jusqu’à la fin de l’année. Les avantages sont-ils supérieurs aux inconvénients ? Je m’élèverais au-dessus de ma condition en répondant à cette question.
M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Le Sénat propose notamment la publication d’intervalles de confiance dans le processus de prévision. Qu’en dites-vous ?
S’agissant des collectivités, quel est le rapport entre l’évolution des dépenses d’investissement et de fonctionnement ? Depuis quand n’aviez-vous pas constaté une augmentation des dépenses aussi importante ?
M. Jean-Luc Tavernier. La publication des intervalles de confiance est une bonne pratique ; je le dis tout en reconnaissant immédiatement que nous avions l’habitude de produire pour la note de conjoncture ce que l’on appelle en bon français un fan chart, et que nous avons cessé de le faire au moment de la crise sanitaire. En effet, ces intervalles de confiance se fondent sur les estimations du passé, et ils n’étaient plus pertinents. Cela vaut aussi pour les finances publiques : les intervalles de confiance sont une bonne pratique, mais un événement inédit peut toujours nous en faire sortir. Jamais nous ne trouverions, je crois, un intervalle de confiance – hérité de la moyenne empirique des erreurs précédentes – de 1,7 point de PIB, soit 50 milliards d’euros. Cette ampleur est vraiment exceptionnelle.
Quant aux dépenses des collectivités locales, nous séparons habituellement investissement et fonctionnement. On connaît aussi l’effet du cycle électoral sur les dépenses d’investissement, qui sont normalement à leur maximum un à deux ans avant la fin du mandat municipal. Je n’ai pas souvenir d’une surprise à hauteur de 10 milliards d’euros. La prévision d’évolution des dépenses des collectivités locales se voulait volontariste, il faut le dire : on espérait notamment un effet des contrats de Cahors. Cela ne s’est pas produit. Mais au-delà, l’écart de prévision voire la dynamique des dépenses de fonctionnement en euros constants sont peut-être inédits. Nous pourrons le voir quand nous aurons examiné les comptes définitifs.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je souhaite revenir sur votre mission première et sur la manière dont le gouvernement, le Parlement et l’ensemble du monde politique utilisent les indices que vous publiez. Cela me conduit à m’interroger sur votre responsabilité – qui n’est pas d’ordre politique.
J’ai écouté votre interview sur France Inter et au fond, comme le monde politique, vous prenez au premier degré les indices que vous calculez. Quand vous parlez du pouvoir d’achat ou du PIB, on a l’impression que vous vous référez en quelque sorte à une valeur faciale. Ces données sont mentionnées comme on pourrait le faire pour un titre d’article ou de chronique, sans que soit indiquée la manière dont elles sont calculées.
Quand je réfléchis au budget ou à la situation économique, je ne m’intéresse pas au seul PIB, qui n’a pas de valeur en soi. Je me réfère au PIB par habitant qui, lui, présente un intérêt puisque la population de la France augmente. Le PIB peut progresser et l’on peut dire que le pays n’a jamais été aussi riche. Mais si le PIB par habitant décroît ou stagne – ce qui est le cas depuis 2007 selon les données du Fonds monétaire international (FMI) –, on comprend mieux pourquoi le sentiment d’appauvrissement de la population française correspond à une réalité.
La croissance du PIB est l’indicateur retenu dans le budget, mais l’on pourrait très bien utiliser le PIB par habitant et l’on ne parlerait alors pas du tout de la même façon du budget. Ce n’est jamais dit par les instituts et par les observateurs.
J’ai été surpris lorsque vous avez dit, lors de votre interview sur France Inter – très bonne, par ailleurs –, que le pouvoir d’achat avait augmenté. L’évolution du revenu disponible brut ne correspond pas à celle du pouvoir d’achat des Français ordinaires qui, pour la plupart d’entre eux, ne perçoivent pas de dividendes ou de revenus tirés de leurs propriétés. Pour la très grande majorité des gens, le pouvoir d’achat correspond à l’évolution par rapport à l’inflation de leur salaire ou de leur pension ainsi que des transferts sociaux. Le fait que des montants monumentaux de dividendes soient versés ne compte pas pour eux.
Au fond, n’est-on pas bloqué dans une boucle d’erreurs et de biais de confirmation permanents lorsque l’on prend au premier degré des indicateurs sans mentionner par prudence les calculs auxquels ils renvoient ? On est alors dans le faux – ou en tout cas dans l’illusion.
M. Jean-Luc Tavernier. Cette question nous éloigne un peu de l’objet de cette commission d’enquête, mais je vais y répondre car elle est absolument fondamentale.
Je suis un peu déçu que vous n’ayez pas conscience des efforts considérables que nous réalisons pour essayer d’y répondre. Ce qui compte, c’est bien entendu le PIB par habitant et la consommation par habitant – et plus encore la consommation par unité de consommation, car cela permet de tenir compte de la taille et de la composition des ménages. Si les ménages sont de plus en plus petits et segmentés, le poids de leurs dépenses de logement va s’accroître. Il faut en tenir compte. C’est la raison pour laquelle nous avons beaucoup publié au sujet de l’évolution du pouvoir d’achat par unité de consommation.
J’ai moi-même souvent dit – y compris devant votre commission lorsque j’étais invité à y intervenir régulièrement par son précédent président – que le pouvoir d’achat par unité de consommation avait stagné pendant la décennie 2000-2010. Il y a bien eu une augmentation du revenu disponible mais, du fait de la croissance démographique et de la baisse de la taille des ménages, le pouvoir d’achat par unité de consommation a stagné – ce qui correspond au ressenti.
Par ailleurs, j’ai décidé depuis 2020 que l’Insee publierait des billets de blog. Il y en a une vingtaine par an. Ils ne sont pas tous également passionnants, mais la plupart sont très intéressants et je vous invite à les lire. J’en ai moi-même consacré un à la mesure du ressenti à la suite d’une sollicitation de la Fondation Jean-Jaurès. À chaque fois que ce que nous publions s’écarte du ressenti, nous essayons d’y répondre.
Du reste, vous savez bien que nous ne sommes pas avares de chiffres et que nous publions beaucoup sur les évolutions du pouvoir d’achat par décile. Nous pourrions aller encore plus loin. Le pouvoir d’achat moyen de l’ensemble de la population a augmenté de 2 % cette année. Nous pourrions examiner quelle est la part de ceux qui ont vu leur pouvoir d’achat augmenter et celle de ceux qui l’ont vu baisser. Pour l’instant, nous ne sommes pas en mesure de le faire.
Mais je suis bien obligé de répondre lorsque j’entends dire : « Je ne connais pas un Français qui a vu son pouvoir d’achat augmenter cette année. »
M. le président Éric Coquerel. J’ai bien entendu que vous estimiez ne pas être invité assez souvent à intervenir devant la commission des finances…
La question de M. Tanguy correspond bien au champ de cette commission d’enquête. Vous lui avez indiqué que vous disposiez d’assez d’éléments pour appuyer vos propos. Dont acte, mais la question est de savoir si le gouvernement tient suffisamment compte de la masse des publications de l’Insee lorsqu’il fait des prévisions de croissance, de déficit ou de masse salariale. Avez-vous le sentiment que tel est bien le cas ?
L’objet de notre commission est précisément de savoir s’il aurait été possible de mieux anticiper et si les prévisions n’ont pas été le résultat d’une certaine lecture de la situation économique. Y a-t-il quelque chose à améliorer de ce point de vue ?
M. Jean-Luc Tavernier. Je ne veux pas faire preuve d’un excès de confiance. L’Insee publie en effet pas mal de choses. Mais aurait-on pu mieux prévoir les dépenses des collectivités, la mauvaise surprise de l’acompte d’IS à la fin de 2023 ou les mouvements de remboursement de crédit de TVA grâce à nos publications ? Rien ne l’indique objectivement. Il y a hélas encore des choses sur lesquelles il faut travailler.
Vous ne m’avez pas encore posé de questions sur la gouvernance d’ensemble de cette affaire.
Dans la dernière mouture de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), vous avez élargi le mandat du HCFP. Ce dernier n’émet plus seulement un avis sur le réalisme des hypothèses macroéconomiques. Il se prononce également sur celui des prévisions de recettes et de dépenses publiques.
Ce sont deux choses de nature assez différente.
On trouve beaucoup de gens qui travaillent sur la conjoncture et les prévisions économiques dans les organisations internationales, à la Banque de France, dans des organismes comme l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) ou Rexecode et dans les banques. Au sein du HCFP, nous pouvons utiliser les tonnes de documents qu’ils produisent et voir si notre avis correspond au consensus.
Il arrive que tout le monde se trompe avec une belle unanimité – ce qui nous ramène à la discussion précédente sur l’évolution du taux d’épargne. Mais il n’existe pas un écosystème comparable en matière de finances publiques qui se pencherait notamment sur l’évolution des dépenses des collectivités territoriales ou sur les recettes des principaux impôts, dont l’IS. Il faut dire que c’est d’une complexité inouïe. Encore une fois, je conserve un souvenir cuisant de ma tentative d’amélioration de la prévision des recettes d’IS.
Les publications de l’Insee sont bien connues par tout le monde et largement lues, mais il faudrait sans doute que certains laboratoires académiques ou certaines organisations soient incités – éventuellement en les finançant – à travailler sur les prévisions de finances publiques. On peut étendre le rôle du HCFP, mais cela sera sans effet s’il ne peut pas comparer les prévisions faites par les services du Trésor avec celles d’autres intervenants. Telle est pourtant la situation actuelle.
Ce n’est pas facile et je ne prétends pas que l’Institut des politiques publiques (IPP) ou l’OFCE vont forcément trouver la pierre philosophale pour évaluer les recettes des principaux prélèvements obligatoires en utilisant par exemple leurs méthodes économétriques. Mais en tout cas il existe un manque. S’il faut progresser, c’est en irriguant un peu un écosystème de prévisionnistes tiers.
M. Éric Woerth (EPR). Si notre commission avait continué à auditionner de manière régulière les responsables de l’Insee et de la Banque de France au sujet de la conjoncture, peut-être aurions-nous pu pressentir les écarts par rapport aux prévisions. Nous aurions pu nous doter des outils nécessaires.
M. le président Éric Coquerel. Il ne faut pas exagérer… Nous avons régulièrement entendu le gouverneur de la Banque de France.
M. Éric Woerth (EPR). Le sujet qui nous intéresse pose deux types de questions. Les unes sont techniques, les autres politiques. Il n’y aurait d’ailleurs peut-être pas de commission d’enquête s’il n’y avait pas de questions politiques.
Du point de vue technique, on a évoqué la nature des modèles, des surprises inédites ainsi qu’un défaut de perception des effets du cycle électoral sur les dépenses des collectivités territoriales. Selon vous, quelle part faut-il accorder respectivement aux aspects techniques et au volontarisme politique pour expliquer l’écart de prévision ? Moitié-moitié ? 80-20 ? 90-10 ?
Vous avez exercé des responsabilités très différentes au cours de votre carrière. Compte tenu de vos expériences variées, que faudrait-il faire selon vous pour rendre plus fiable la prévision budgétaire et éviter que des surprises d’une telle ampleur se produisent de nouveau ?
M. le président Éric Coquerel. Éric Woerth n’était pas membre de commission lors de la précédente législature. Je suis ravi qu’il soit de retour, mais je tiens à le rassurer : tous les organismes qu’il a mentionnés ont été invités régulièrement.
M. Jean-Luc Tavernier. Monsieur le président, je ne suis pas venu aussi régulièrement que précédemment, mais je suis venu à votre invitation à plusieurs reprises. Je crois pouvoir parler aussi au nom de mon collègue de la Banque de France en disant que nous trouvons que cette pratique est tout à fait souhaitable. Il est très intéressant pour nous de discuter à bâtons rompus avec vous, même si nous n’avons pas réponse à tout.
Je n’ai pas non plus forcément de réponse à la première question de M. Woerth, tout simplement parce que je ne suis plus témoin des échanges qui peuvent avoir lieu entre les services, le ministre et son cabinet depuis que j’ai quitté Bercy.
Mais j’ai discuté avec les uns et les autres – y compris lors des ateliers auxquels j’ai participé à la suite de la réunion du comité dont vous avez parlé précédemment –, j’ai écouté les auditions que vous avez menées et j’ai échangé avec mes collègues qui sont un peu concernés par cette affaire. De ce que j’en comprends, l’erreur est d’ordre technique. Les services n’ont pas anticipé la mauvaise rentrée d’IS, la faiblesse des recettes de TVA et le fort dynamisme des dépenses de fonctionnement des collectivités locales. Ils ne le cachent pas et sont prêts à travailler sur ces sujets, mais aussi à partager l’information pour que d’autres s’y intéressent.
J’ai observé depuis des décennies les efforts sporadiques des assemblées pour développer leurs propres capacités d’expertise, y compris en leur sein. Je constate qu’elles ont toutes fait long feu. Dans certains pays, des crédits sont prévus pour que le pouvoir législatif ne s’appuie pas seulement sur les services du ministère de l’économie et des finances lorsqu’il s’agit des prévisions d’évolution des finances publiques. Que faut-il faire pour éviter les surprises à l’avenir ?
L’année 2024 présente une particularité. À la différence de la plupart des exercices précédents, il n’y a pas eu en juin ou juillet de débat d’orientation et de programmation des finances publiques ou de discussions à l’occasion d’un projet de loi de finances rectificative. D’où l’effet de surprise. Je ne suis pas encore habitué aux nouvelles règles budgétaires européennes, mais je ne suis pas certain qu’elles imposent un débat d’orientation à l’été. C’est un problème.
Les textes européens prévoient la mise en place d’un comité budgétaire indépendant et vous avez confié ce rôle au HCFP. J’observe que notre mandat a été élargi mais que les délais de saisine sont vraiment très courts. En outre, il est difficile d’anticiper quand interviendra une saisine. Je ne saurais vous dire quand nous serons saisis de la révision des hypothèses de croissance du PLF pour 2025. Il est donc difficile de s’organiser. On n’est pas toujours disponible et il est de ce fait difficile de travailler de manière véritablement collégiale au sein du HCFP. Nous avons seulement cinq jours pour répondre et nous ne pouvons pas les programmer à l’avance. C’est une véritable difficulté.
Vous avez nommé des experts macroéconomiques en tant que personnalités extérieures qualifiées, ce qui correspond à l’ancien mandat confié au Haut Conseil. Mais il faut améliorer nos capacités en désignant également des experts des finances publiques appartenant au monde académique ou à des organismes de conjoncture. Cela permettrait d’inciter ces derniers à s’intéresser à ces sujets et enclencherait un cercle vertueux.
Une telle évolution serait salutaire y compris pour Bercy, car il n’est pas bon d’être seul et de supporter seul la responsabilité des erreurs.
M. le président Éric Coquerel. Le premier ministre a annoncé, lors de son discours de politique générale, que l’hypothèse de croissance était ramenée de 1,1 % à 0,9 %. Le HCFP va donc être saisi.
M. Jean-Luc Tavernier. La saisine interviendra probablement dans les jours qui viennent. Il m’appartient bien entendu de m’organiser, mais cette imprévisibilité est une source de difficultés.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous avez été le dernier directeur de la prévision. Pourriez-vous nous expliquer quelles sont vos relations avec la direction générale du Trésor (DGT) ? Vous avez dit tout à l’heure que vous n’en aviez pas s’agissant des prévisions. Ce n’est pas tout à fait ce que l’on nous a dit du côté de la DGT.
Plus largement, l’intégration de la direction de la prévision au sein de la DGT n’est-elle pas à l’origine de l’absence de pluralisme et d’une forme de monopole d’une toute petite équipe qui fait les prévisions ?
M. Jean-Luc Tavernier. Je ne sais pas à quoi vous avez fait référence en posant votre première question. L’Insee ne participe pas aux prévisions du gouvernement. Nous fournissons de l’information de manière publique et nous pouvons la commenter ou répondre à des questions de collègues, mais je ne suis pas destinataire des notes de la DGT.
Pendant plusieurs décennies, la direction de la prévision a fonctionné indépendamment du Trésor. La fusion de la direction du Trésor, de la direction de la prévision et de la direction des relations économiques extérieures au sein de ce qui est depuis lors devenu la DGT est intervenue en 2004.
À vrai dire, je suis un peu partagé. Il est exact qu’il pouvait y avoir des discussions entre les directeurs de la précédente direction du Trésor et de la direction du budget. Mais l’expertise était tout aussi concentrée entre les mains d’un petit nombre de personnes lorsqu’il s’agissait par exemple de travailler sur les bases fiscales pour prévoir les recettes d’IS. Il n’y avait pas des équipes concurrentes s’occupant du même sujet au sein de ces deux directions. Cela n’aurait d’ailleurs pas été la meilleure manière d’utiliser l’argent du contribuable.
Déplacer la direction de la prévision d’une direction générale à une autre ne changerait pas grand-chose. Il convient plutôt d’accroître le capital humain. Encore une fois, cela suppose d’inciter des tiers – laboratoires universitaires et organismes de conjoncture – à développer leurs travaux de prévision dans le domaine des finances publiques.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous paraît-il raisonnable d’avoir fixé aux collectivités locales un objectif d’augmentation de 1,8 % en valeur pour leurs dépenses de fonctionnement en 2024 ? On n’a jamais vu ça ! Cela ne couvrait même pas l’augmentation des traitements des fonctionnaires territoriaux. La progression de ces dépenses devrait finalement s’établir à 5,5 ou 6 % en 2024.
Quant aux dépenses d’investissement, selon les dernières informations disponibles elles devraient progresser de 10 % en raison du cycle électoral, alors que leur croissance avait été estimée initialement à un peu plus de 7 %.
En tant que membre du HCFP et directeur général de l’Insee, avez-vous attiré l’attention sur le fait que ces prévisions de ralentissement brutal de la croissance des dépenses ne correspondaient pas du tout aux évolutions constatées dans le passé et qu’elles pourraient difficilement être respectées en l’absence d’un mécanisme de régulation ?
M. Jean-Luc Tavernier. J’ai dit tout à l’heure que je n’excluais pas qu’il y ait eu un petit peu de volontarisme dans les prévisions de dépenses des collectivités territoriales. Le HCFP l’avait signalé dans son avis sur le PLF pour 2024, mais je crois me souvenir que cela avait aussi été mentionné dans celui sur le programme de stabilité. C’était du volontarisme car les prévisions ne s’appuyaient pas sur un mécanisme de régulation.
S’agissant des dépenses de fonctionnement, je dois souligner que celles de l’Insee n’ont pas augmenté depuis de très nombreuses années, car nous relevons d’un ministère qui doit être exemplaire. Cela n’empêche pas l’Insee de produire de plus en plus.
Cependant, les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. Comme vous allez bientôt discuter de nouveau des crédits du programme 220, j’appelle votre attention sur le fait que les crédits de l’Insee ne pourront pas continuer à diminuer éternellement. Ils ont baissé d’un tiers en part de PIB en moins de vingt ans. On n’observe pas une telle baisse partout... Mais ces crédits ne sauraient diminuer encore si vous voulez que je puisse continuer à répondre à vos questions – je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de le dire…
M. Charles de Courson, rapporteur général. À cette différence près que le Parlement fixe votre dotation mais pas les dépenses des collectivités territoriales.
Vous avez indiqué que la DGT calait traditionnellement l’évolution de l’IS sur celle de l’EBE. Avez-vous constaté qu’une telle corrélation existait bien au cours des quinze dernières années ? Vous avez cité les exemples de CMA CGM et d’EDF, mais ils sont très particuliers. Comme CMA CGM fait l’objet d’une taxation au tonnage, qu’elle réalise 23 milliards de bénéfices ou qu’elle subisse 5 milliards de pertes, cette société acquitte invariablement une centaine de millions d’euros.
EDF pratique quant à elle d’énormes reports de déficits. Ce n’est donc pas parce qu’elle avait fait un bénéfice de près de 20 milliards qu’elle allait payer de l’IS.
Ne faudrait-il pas adopter une méthode complètement différente pour estimer les recettes d’IS versées par les grandes entreprises ? Par exemple en mettant en place un système d’échantillonnage ou bien en pratiquant une analyse exhaustive pour les quarante principales entreprises et en estimant de manière statistique l’impôt dû par les autres.
M. Jean-Luc Tavernier. C’est une piste. Je n’entretiens pas suffisamment de relations avec les directeurs financiers des grandes sociétés pour vous répondre. Mais je pense que si vous leur demandez lors de la préparation du PLF en août quelles sont leurs prévisions de bénéfice fiscal afin de mieux anticiper le cinquième acompte de l’année suivante, ils vous diront probablement qu’ils n’en savent strictement rien à ce stade. Cela étant, cette question est très éloignée de mon champ de compétence.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je pense que vous êtes directement concerné car toutes les entreprises cotées doivent publier des résultats prévisionnels trimestriels. Les annonces faites à cette occasion sur l’évolution de leurs bénéfices pourraient constituer des éléments très précieux pour estimer l’IS – même s’il est vrai que la chose est un peu compliquée par le fait que la plupart d’entre elles ne payent pas des impôts seulement en France.
Procéder par échantillonnage auprès des grandes entreprises permettrait de mieux savoir où l’on en est et de ne pas se retrouver au bout du compte avec des écarts aussi énormes par rapport aux prévisions.
M. Jean-Luc Tavernier. Cela mérite d’être testé.
Je ne suis pas complètement certain que cela produirait des résultats. En tout cas, l’Insee n’a pas les moyens d’examiner les comptes trimestriels de toutes les entreprises. C’est impossible.
J’insiste en outre sur le fait que les comptes trimestriels que vous avez mentionnés sont des comptes consolidés. Ils ne donnent pas une indication fiable de l’évolution de l’assiette fiscale de l’IS que les groupes internationaux devront acquitter en France. C’est un point absolument majeur dont il faut tenir compte.
Cela me conduit à apporter un complément de réponse à une question de M. Lefèvre sur les difficultés liées à l’évolution des prix. On voit que la situation de CMA CGM et d’EDF est très particulière car ces entreprises ont souffert ou bénéficié d’évolutions des prix du fret maritime et de l’électricité très heurtées et de grande amplitude. Le problème est moins l’évolution du niveau général des prix que celle des prix relatifs. Cela complique l’analyse.
Mais je peux vous assurer que les collègues de la DGT vont désormais regarder cela avec une grande attention. Il n’y aura plus d’épisode où une entreprise publique a plusieurs dizaines de milliards d’EBE sans que l’on en tienne compte dans les prévisions d’IS.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ne pensez-vous pas que les erreurs de prévision concernant les recettes de TVA sont tout simplement liées à un changement de comportement des ménages ?
L’hypothèse avait été faite qu’après avoir atteint 18 % leur taux d’épargne reviendrait au niveau habituel d’environ 15 %. Mais sur quoi reposait-elle ? Les ménages peuvent aussi continuer à mettre de l’argent de côté parce qu’ils ne savent pas de quoi demain sera fait.
M. Jean-Luc Tavernier. Il faut notamment travailler sur la question de la baisse colossale de productivité constatée depuis le covid, qui a fait l’objet d’un billet, « À la recherche des gains de productivité perdus depuis la crise sanitaire », publié sur le blog de l’Insee au mois de juillet, mais aussi sur celle du surcroît du taux d’épargne. Nous avons essayé d’apporter des pierres à l’édifice.
Ni le gouvernement ni aucun prévisionniste n’ont indiqué que le taux d’épargne baisserait de 18 à 15 %. La note de conjoncture publiée au mois de décembre, qui prévoit une progression de la consommation et une croissance du PIB au premier et au deuxième trimestres à hauteur de 0,2 % – il y aurait donc une absence de récession –, se fonde sur une légère baisse du taux d’épargne. Du reste, une diminution drastique du taux d’épargne et le retour des ménages à leurs comportements antérieurs au covid ne font pas partie des hypothèses à moyen terme sur lesquelles se fonde le programme de stabilité.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Au fil des auditions de la commission d’enquête, nous allons de surprise en surprise voire de déconvenue en déconvenue. Ainsi, alors que la Crim – contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité – devait rapporter de 10 à 12 milliards d’euros, son produit s’est établi à 600 millions.
Par ailleurs, la chute des recettes de l’IS, qui était, selon vous, imprévisible, n’a pas été anticipée. De toute évidence, le thermomètre n’est plus adapté.
Dans le cadre des travaux de la commission d’enquête, nous vous interrogeons sur les années 2023 et 2024. Néanmoins, je m’inquiète pour la suite puisque le thermomètre n’a pas été changé. Alors que le PLF est en cours d’examen au Sénat, on peut s’inquiéter de l’ampleur du déficit, des modalités de calcul retenues et des prévisions pour 2025 qu’annoncera le gouvernement. Des mesures ont-elles été prises pour éviter de nouvelles surprises en 2025 ?
Les acomptes d’IS versés par les entreprises peuvent être modulés en fonction de leur chiffre d’affaires. Par conséquent, ne pouvez-vous pas confirmer les prévisions macroéconomiques en vous fondant sur une analyse fine des dix, cinquante ou cent plus grandes entreprises ? Cette méthode permettrait d’éviter les surprises au moment du versement du cinquième acompte.
Vous avez dit que vous ne contestiez pas qu’on ait pu faire preuve d’un certain volontarisme. Qui en a fait preuve et qui l’a imposé ?
M. Jean-Luc Tavernier. Je ne sais pas qui a fait preuve de volontarisme s’agissant des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales. Je n’ai pas connaissance des échanges internes à Bercy et je n’ai pas à les connaître ; je constate le résultat final. Le programme de stabilité, notamment, indiquait que des mécanismes de régulation seraient prévus. Tel n’a pas été le cas.
S’agissant de l’IS, nous pourrions tester l’analyse à partir d’un échantillon d’entreprises. Néanmoins, je doute que les directeurs financiers disposent assez tôt d’informations relatives à leur résultat fiscal qui seraient exploitables dans le cadre de la préparation du PLF. Je ne suis pas vraiment compétent sur cette question.
Avant que nous ayons de mauvaises surprises en matière de recettes fiscales, nous en avons eu de bonnes durant plusieurs années : l’élasticité des recettes fiscales était supérieure à 1. Du reste, en 2023 – et non en 2024 –, le gouvernement avait bien prévu que cette élasticité serait de nouveau inférieure à 1. Il faut toujours rester prudent en matière de finances publiques : il ne faut jamais considérer les bonnes surprises comme acquises. Les années où l’élasticité a été supérieure à 1 ont été compensées ultérieurement par des années où celle-ci a été inférieure à 1. Sur le moyen terme, il n’y a pas de raison que l’élasticité des recettes fiscales soit très éloignée de 1.
S’agissant de l’exercice 2025, nous avons confirmé ce matin que l’inflation a baissé pour atteindre 1,3 % au mois de décembre 2024. Le PLF pour 2025 prévoyait que l’inflation serait de 1,8 %, ce qui est un peu élevé. Du reste, le niveau d’inflation risque de remettre en cause les prévisions de recettes de fiscalité indirecte car elles dépendent non seulement des volumes mais aussi des prix.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Si l’on ne peut rien prévoir, sur quels fondements nous impose-t-on un budget austéritaire ? Cela pose un problème du point de vue démocratique.
M. Didier Padey (Dem). Le modèle Mesange – modèle économétrique de simulation et d’analyse générale de l’économie – qui a été développé par l’Insee, en collaboration avec la direction générale du Trésor, permet de simuler la réponse de l’économie française à différents types de modifications de son environnement. Le rôle de ce modèle est donc essentiel pour construire les scénarios macroéconomiques sur lesquels se fondent les projets de budget.
Comment s’organise votre collaboration avec la direction générale du Trésor dans le cadre de l’utilisation de ce modèle ? En votre qualité de codéveloppeur du modèle Mesange, avez-vous des échanges réguliers avec la DG Trésor pour en améliorer l’efficacité ?
Compte tenu des écarts de prévisions fiscales et budgétaires pour les années 2023 et 2024, des échanges ont-ils eu lieu ces derniers mois pour identifier les potentielles failles du modèle qui auraient pu contribuer à fausser les prévisions ? Pour 2025, modifierez-vous l’algorithme et prendrez-vous en compte les mêmes variables et les données d’entrée ?
Cinq secteurs économiques, dont quatre marchands – l’agriculture, l’industrie, l’énergie, les services exposés et abrités – et un non marchand, sont distingués au sein du modèle qui, par ailleurs, cible deux catégories de salariés, les salariés qualifiés et les salariés peu qualifiés. Cette répartition sectorielle peut-elle être modifiée pour inclure notamment l’économie numérique ?
Selon votre site internet, « Mesange modélise le comportement de l’économie française comme obéissant à court terme à une dynamique keynésienne, où les comportements de demande (consommation, investissement…) sont prédominants. À long terme en revanche, les comportements de demande sont atténués, voire évincés, par des comportements d’offre (ajustement des prix) déterminés selon un cadre théorique sous-jacent au modèle ».
Par ailleurs, lors de son audition, le directeur général du Trésor a indiqué qu’en l’état, l’intelligence artificielle (IA) n’était pas utilisée pour élaborer les modèles de prévisions macroéconomiques. Les possibilités offertes par cet ensemble de nouvelles techniques pourraient-elles contribuer à fiabiliser les prévisions macroéconomiques établies en fin d’année pour l’année n + 1 ?
M. Jean-Luc Tavernier. Mesange est un modèle néokeynésien selon lequel, à court terme, la demande est prédominante et, à moyen et à long terme, l’offre détermine la croissance potentielle. Si nous l’avons développé avec la direction générale du Trésor, nous ne l’utilisons pas de la même manière. J’ignore dans quelle mesure le Trésor utilise ce modèle.
Il ne faut pas faire preuve de naïveté : le modèle ne permet pas d’établir une prévision de manière automatique. Il constitue une aide et un guide qui permet de s’assurer qu’un équilibre général est respecté. Nous continuerons à l’entretenir car il nous aide dans le cadre de nos différentes missions.
Le modèle sera réévalué car la base sur laquelle il avait été apprécié a changé. L’intérêt du modèle est de réestimer les principales équations de comportement qui peuvent permettre de comprendre, d’une part, l’arbitrage entre la consommation et l’épargne – donc l’évolution de la demande dans les années à venir –, et, d’autre part, les raisons de la forte baisse de productivité depuis le covid. Nous devons poursuivre ce travail essentiel sur ces deux problèmes de fond.
Nous utilisons l’IA prédictive pour aider les statisticiens à classer les informations selon la bonne nomenclature. En revanche, je ne connais pas d’exemple d’utilisation de l’IA en matière de modélisation macroéconomique.
M. Didier Padey (Dem). Travaillez-vous avec la direction générale du Trésor sur ces deux questions pour l’exercice 2025 ? Quelles mesures sont prises concrètement pour éviter les écarts de prévisions qui ont eu lieu en 2024 ?
M. Jean-Luc Tavernier. Je ne sais pas quel travail est mené par la direction générale du Trésor. S’agissant de la productivité, nous avons identifié des pistes – elles sont exposées dans le billet de blog – que nous continuerons à creuser. S’agissant de l’arbitrage entre la consommation et l’épargne, nous avons proposé des pistes dans la note de conjoncture publiée le 17 décembre 2024 pour comprendre la hausse du taux d’épargne dans certains pays européens. Du reste, le Trésor a publié le 19 novembre 2024 un article relatif à la perception de l’inflation par les ménages, lesquels ressentiraient une inflation toujours plus élevée qu’elle ne l’est réellement.
Ces sujets sont susceptibles d’intéresser tous les instituts qui analysent la conjoncture économique, tels que Rexecode, l’OFCE ou la Banque de France, qui ont accès à toutes les données.
M. Christophe Plassard (HOR). Nous savons que l’Insee joue un rôle crucial dans la production des données économiques et statistiques essentielles à la planification et à l’évaluation des politiques fiscales et budgétaires.
Nous avons constaté des écarts significatifs entre les prévisions fiscales et l’exécution réelle pour 2023. Quelles sont les raisons possibles de ces écarts ? Comment prenez-vous en compte les imprévus, et comment vous y adaptez-vous au plus vite ?
En 2024, l’Insee a revu à la baisse de 1,4 à 1 % ses prévisions de croissance pour intégrer les imprévus. Comment pourrait-elle accélérer la prise en compte de ces ajustements dans le cadre de ses prévisions et de leurs actualisations ?
Comment les retours d’expérience sont-ils pris en considération pour anticiper l’exercice 2025 ? L’accélération de l’information et la multiplication des variables permettront-elles d’affiner les prévisions à venir ou, au contraire, les rendront-elles moins fiables ?
M. Jean-Luc Tavernier. L’écart de prévision en 2024 était faible. Nous ne saurons jamais élaborer une prévision au dixième de point près. En 2024, le problème résidait dans la composition de la croissance : d’une part, les dépenses publiques furent très importantes et, d’autre part, les exportations et la consommation furent plus faibles qu’attendu, ce qui eut des conséquences sur les recettes des différents impôts.
L’Insee a déterminé la fréquence de publication des notes de conjoncture dans lesquelles sont présentées des prévisions d’une durée de trois à six mois. Celles-ci sont établies sur la base d’enquêtes de conjoncture réalisées auprès des entreprises et des ménages – anticipations relatives à la demande, à l’emploi – qui sont valables entre trois et six mois ; nous n’utilisons pas de modèle.
Chaque année, sauf en cas de choc majeur, sont publiées entre quatre et six notes de conjoncture auxquelles s’ajoutent des points intercalaires qui actualisent les notes. À l’occasion du choc majeur survenu au mois de mars 2020, nous avons eu accès aux transactions bancaires, ce qui nous a permis d’indiquer, dès le 26 mars 2020, que la consommation avait chuté à hauteur de 30 à 35 %. Si nous avons besoin d’avoir accès à certaines données lors de circonstances exceptionnelles, nous le demanderons au législateur. Ces dernières années, notre économie a subi des chocs externes auxquels nous devions nous adapter.
Mme Claire Marais-Beuil (RN). Vous avez indiqué que vous n’aviez pas prévu le dérapage des budgets de fonctionnement des collectivités. Elles sont contraintes d’appliquer les mesures décidées par d’autres – augmentation du point d’indice, création du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (Rifseep), prise en charge de la prévoyance –, tandis que les budgets des départements dédiés à l’aide sociale flambent. N’avez-vous pas pris en compte ces mesures lors de l’élaboration de vos prévisions ?
Depuis le début des travaux de la commission d’enquête, la responsabilité des collectivités territoriales est pointée du doigt, ce qui est difficile à entendre. Aucune collectivité ne vote un budget en déséquilibre, cela lui est impossible ; seul l’État le peut. Comment peut-on leur reprocher d’avoir appliqué ces décisions et d’avoir trop dépensé ?
M. Jean-Luc Tavernier. Je ne fais de reproches à personne, je n’ai même pas utilisé le mot dérapage, qui ne fait pas partie du vocabulaire que nous utilisons à l’Insee. Je n’établis pas les prévisions relatives aux collectivités territoriales ; j’ai constaté, à partir des données dont nous disposons pour les trois trimestres, que les écarts avec les prévisions étaient importants car leurs dépenses de fonctionnement avaient augmenté de manière considérable en euros constants.
Dans le contexte inflationniste que nous connaissons, les salaires ont évolué. L’augmentation du point d’indice n’a pas été la réponse la plus inflationniste apportée à la demande légitime d’évolution des salaires, eu égard à l’inflation.
Par ailleurs, le bloc communal, les régions et les départements sont dans des situations différentes. Les départements font face à des dépenses sociales qui connaissent une dynamique tout à fait singulière.
Je ne fais pas de reproches, j’apporte une réponse factuelle. La Cour des comptes analysera les dépenses des collectivités territoriales pour 2024, comme elle le fait régulièrement, et s’efforcera de comprendre les raisons du dynamisme de leurs dépenses de fonctionnement. Du reste, malgré le contexte inflationniste, les dépenses de fonctionnement de l’État ne connaissent pas la même progression.
M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. La baisse de 5,5 points de la productivité par rapport à sa tendance antérieure a-t-elle eu un impact significatif sur les recettes ?
M. Jean-Luc Tavernier. Bien entendu. À moyen terme, l’élasticité des recettes, malgré ses modulations, s’approche de 1. Dès lors une diminution de productivité de 5,5 points équivaut à une baisse d’environ 2,5 points de PIB de recettes sur la période, toutes choses égales par ailleurs, ce qui entraîne des difficultés à financer le modèle social et public.
D’après le billet de blog, la perte de productivité s’explique notamment par le développement de l’apprentissage. Le PIB est un indicateur critiqué, bien qu’il ait été corrigé. Toutefois, aussi longtemps qu’on s’intéressera d’une part, aux recettes publiques et, d’autre part, au partage du revenu dans le pays, il faudra bien s’intéresser à l’évolution du PIB.
M. le président Éric Coquerel. Merci, monsieur Tavernier.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 15 janvier 2025 à 15 heures
Présents. - M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Éric Ciotti, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Emmanuel Fouquart, M. Christian Girard, M. Mathieu Lefèvre, Mme Claire Marais-Beuil, M. Kévin Mauvieux, M. Didier Padey, M. Christophe Plassard, Mme Sophie-Laurence Roy, M. Alexandre Sabatou, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, Mme Félicie Gérard, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl, M. Emmanuel Tjibaou