Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

  Commission d’évaluation des politiques publiques relatives à l’exécution budgétaire de la mission Cohésion des territoires : logement et hébergement d’urgence : audition de Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement              2

  Présence en réunion...........................23


Mercredi
21 mai 2025

Séance de 21 heures 30

Compte rendu n° 115

session ordinaire de 2024-2025

 

 

Présidence de

M. Éric Coquerel,

Président

 

 


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La commission, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, procède à l’audition de Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement

M. le président Éric Coquerel. L’ordre du jour appelle l’examen des politiques publiques relatives aux crédits du logement et de l’hébergement d’urgence au sein de la mission Cohésion des territoires. Madame la ministre, vous avez la parole sur l’exécution budgétaire de cette mission.

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement. Je vous remercie de me donner l’occasion de vous présenter quelques aspects de la mise en œuvre du budget du logement en 2024. Je suis convaincue de l’importance de l’évaluation des politiques publiques et du travail de contrôle du Parlement, qui nourrira aussi la préparation du prochain budget, dans un contexte marqué par un certain nombre de tensions.

En 2024, le secteur du logement a beaucoup souffert. Nous faisons face à une crise inédite liée notamment aux conséquences de l’inflation consécutive aux événements géopolitiques en Ukraine, qui s’est traduite par l’augmentation des coûts de construction, des taux d’emprunt et du livret A. Le volume de logements autorisés a chuté, le nombre de logements sociaux reste insuffisant pour répondre à une demande croissante, l’investissement locatif privé se situe à un niveau très faible et la demande d’hébergement d’urgence reste très élevée. La rénovation urbaine et la rénovation énergétique ont poursuivi leur dynamique mais, pour que celle-ci continue, il faut les soutenir. En 2024, l’ensemble de ces facteurs ont conduit à une diminution de l’emploi et à une augmentation des défaillances d’entreprises, qu’il s’agisse des promoteurs, des artisans ou des agents immobiliers, alors que le logement et la construction sont des poumons de l’économie. Ceux-ci représentent en effet 22 % du PIB en France, dont 13 % pour la construction, et font vivre 380 000 entreprises et 1,8 million d’emplois.

Aussi les crédits de la mission Cohésion des territoires, qui bénéficie de 19,5 milliards d’aides budgétaires et de 9,6 milliards de dépenses fiscales, sont-ils particulièrement stratégiques.

La première brique de ce budget est, évidemment, l’hébergement d’urgence. En 2024, le gouvernement a alloué 3,1 milliards à l’hébergement, au « plan Logement d’abord 2 » et à l’accompagnement social. Les moyens sont substantiels, puisque 203 000 places ont été ouvertes tout au long de l’année – ce qui représente une dépense quotidienne de 6,5 millions –ainsi que 2 000 places dans des pensions de famille et plusieurs milliers de places supplémentaires en intermédiation locative dans le cadre du « plan Logement d’abord 2 ». Quelque 650 000 personnes sans domicile ont accédé au logement depuis 2017 grâce à l’ensemble des actions conduites.

Je veux aussi insister sur le fait que le gouvernement a été au rendez-vous du maintien des places, 250 millions ayant été alloués en fin d’année pour garantir le financement de cette politique tout au long de l’hiver – le doublement des moyens depuis 2017 ne permet pas, en effet, de répondre à l’intégralité des besoins.

Désormais, après la reconduite des crédits et du nombre de places en 2025, le budget 2026 doit permettre de fiabiliser les prévisions budgétaires, l’ensemble des missions d’inspection des dernières années ayant confirmé le pilotage fin et de qualité du parc au regard des besoins.

La deuxième brique est constituée par les aides personnelles au logement, destinées à faciliter l’accès au logement, qui constituent le premier poste de dépenses du ministère. En 2024, l’État a aidé 5,9 millions de ménages, pour un montant de près de 16 milliards d’euros. Cette somme est évidemment très élevée, mais l’enjeu est essentiel. Je veux rappeler que ces aides sont progressives et très ciblées : une personne seule ne peut percevoir d’APL (aide personnalisée au logement) si ses revenus mensuels excèdent un plafond compris entre 1 047 et 1 426 euros selon les zones. Ces aides sont aussi essentielles pour notre modèle social dans la mesure où elles soutiennent l’accès au logement de nombreux étudiants issus des classes populaires mais aussi des classes moyennes, ce qui me semble essentiel en cette période de crise du logement.

En parallèle des aides proposées aux locataires, l’une de mes préoccupations majeures est d’augmenter la production de logements pour répondre à la très forte demande qui continue de s’exprimer dans de nombreux territoires. Grâce au Fnap (fonds national des aides à la pierre) et à l’Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine), 95 000 logements sociaux ont été produits en 2024. Cela reste évidemment insuffisant pour répondre à la demande ; c’est pourquoi nous avons fait baisser la RLS (réduction de loyer de solidarité), en 2025, de 200 millions, mesure qui s’ajoute à la diminution du taux du livret A, laquelle a engendré 850 millions de liquidités. Ces deux mesures permettent de mobiliser les fonds propres des bailleurs sociaux. C’est aussi pour cela que nous poursuivons activement les réflexions sur l’avenir des aides à la pierre et le modèle économique du secteur, qui est en tension.

À ces aides directes s’ajoutent les mécanismes de dépense fiscale, qui jouent un rôle essentiel pour soutenir la production de logements sociaux et privés. En 2024, ils ont permis de soutenir le logement social, à hauteur de 1,3 milliard, ainsi que le logement intermédiaire, pour 160 millions, et l’investissement locatif, pour 2 milliards. Le prêt à taux zéro (PTZ) a quant à lui permis d’accompagner plus de 45 000 ménages en 2024 pour 600 millions d’euros et les extensions que nous avons introduites en 2025 dans le budget devraient permettre d’augmenter ces chiffres et la production associée.

Néanmoins, ces dispositifs n’ont pas pu enrayer la chute de la production. Il faut souligner que, depuis 2018, les dépenses fiscales ont baissé de 40 % et que l’année 2024 a été la dernière du dispositif Pinel, lequel a représenté, en 2025, une aide de près de 1,5 milliard. C’est d’ailleurs pour cela que, pour 2025, la loi de finances prévoit d’exonérer, jusqu’à la fin 2026, les donations visant à aider à l’acquisition de logements neufs. Cela permet de sortir du dispositif Pinel, qui était une solution conjoncturelle. Cette mesure étant temporaire, j’ai souhaité lancer, avec le ministre de l’économie, une mission qui a été confiée au sénateur Marc-Philippe Daubresse et à votre collègue Mickaël Cosson. L’objectif poursuivi est de rendre l’investissement dans le logement de nouveau attractif, dans un cadre fiscal pérenne qui favorise la location de longue durée. On capitalisera ainsi sur les évolutions opérées en 2024, notamment grâce à la loi d’Annaïg Le Meur et d’Inaki Echaniz, qui a ajusté la fiscalité des logements meublés de courte durée et qui a complété les outils de régulation à la main des élus locaux pour lutter contre l’attrition des résidences principales et du marché locatif.

La production de logements doit aussi passer par une réflexion stratégique en matière d’aménagement du territoire. Avoir une vraie politique d’aménagement est crucial pour mobiliser du foncier aux bons endroits mais aussi, plus largement, pour produire au bon moment en tenant compte des dynamiques territoriales. Le ministère soutient ces politiques, en affectant 375 millions au programme 135, dont 180 millions pour les établissements publics fonciers locaux, qui sont des outils essentiels. Nous avons aussi financé, à hauteur de 122 millions, les 22 territoires engagés pour le logement et, pour un montant de 50 millions, les 14 établissements publics d’aménagement, dont certains sont particulièrement stratégiques, comme à Saclay ou à Marseille.

Enfin, nous devons bien sûr avoir un parc de logements de qualité. La rénovation énergétique est devenue l’une des politiques clés du ministère et représente désormais le troisième poste budgétaire, après les APL et l’hébergement d’urgence. En 2024, 4 milliards ont été engagés par l’Anah (Agence nationale de l’habitat) pour rénover 403 000 logements privés. Il s’agit principalement de rénovations énergétiques, qui concernent 340 000 logements, dont 91 000 rénovations d’ampleur ; à cela s’ajoute un soutien important aux copropriétés dégradées et à la lutte contre l’habitat indigne, pour plusieurs centaines de millions d’euros.

L’année 2024 a aussi été marquée par des stop and go sur les paramètres des aides, pratique à laquelle j’ai souhaité mettre fin en 2025. MaPrimeRénov’ est une aide aujourd’hui très demandée, ce dont je me félicite, mais les changements intervenus ont fortement perturbé la distribution des aides – nous continuons d’en payer les conséquences en matière de qualité opérationnelle. Mon objectif pour 2025 et 2026 consiste à améliorer le parcours de l’usager dans l’accès à MaPrimeRénov’, en offrant davantage de stabilité et en réduisant les fraudes et les délais.

Un dernier mot sur la rénovation urbaine : vous connaissez mon engagement sur ce programme majeur pour les 3 millions d’habitants des quartiers prioritaires. En 2024, les 50 millions que l’État avait prévus n’ont pas été versés. J’ai obtenu leur versement en 2025 – c’est chose faite depuis avril – et je poursuis les réflexions pour assurer le financement de la rénovation urbaine pour les années à venir. Le décalage d’un an de l’engagement des projets, que j’ai proposé hier lors d’une revue des projets avec les acteurs concernés au sein du conseil d’administration de l’Anru, va permettre à plusieurs dizaines de projets d’aboutir, mais cela ne doit pas ralentir les 13 000 projets déjà lancés, que nous devons absolument financer.

Le soutien budgétaire et fiscal de la politique du logement est un outil clé pour la politique publique. En engageant des dépenses de 45 milliards, l’État et les collectivités récupèrent 90 milliards de recettes fiscales. Les montants sont substantiels mais l’effet de levier est massif, comme l’année 2024 l’a encore montré. Pour répondre à la crise, nous devrons continuer à nous appuyer sur cet effet de levier, garder la confiance des acteurs et poursuivre ensemble les efforts.

M. François Jolivet, rapporteur spécial (Logement et hébergement d’urgence). Le budget alloué au logement et à l’hébergement d’urgence s’élevait, en loi de finances initiale (LFI) pour 2024, à 18,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 18,7 milliards d’euros en crédits de paiement (CP). L’exécution budgétaire des programmes a finalement atteint 17,67 milliards d’euros en AE. Globalement, l’autorisation parlementaire a donc été correctement exécutée, le taux d’exécution s’élevant à près de 96 % en AE et en CP. Cela étant, nous devons faire preuve de vigilance sur quelques points.

En premier lieu, le programme 177 est, en quelque sorte, la voiture-balai des insuffisances de nombreuses administrations publiques. Il finance à titre principal l’hébergement d’urgence, qui a bénéficié d’un budget historique de 2,9 milliards en LFI 2024, soit une hausse de 2,6 % par rapport à la LFI 2023 – rappelons qu’il s’élevait à 900 millions en 2017. En outre, 1 milliard est affecté au budget du ministère de l’intérieur. Cette hausse était destinée à renouveler un parc d’hébergement d’urgence de 203 000 places.

Cependant, le budget de la LFI était inférieur de près de 5 % à l’exécution 2023. Or il a été arbitré, dès septembre 2023, que la cible des 203 000 places d’hébergement d’urgence serait maintenue pour 2024 et que les crédits nécessaires feraient l’objet d’ouvertures en cours de gestion et non pas dès le vote de la LFI. La budgétisation initiale traduit donc un manque de crédits récurrents nécessaires pour ouvrir l’ensemble des places alors que le besoin était documenté. Cela étant, les places ont bien été ouvertes, ce qui signifie que le gouvernement a maintenu son action bien qu’il ne l’ait pas inscrite dans la LFI.

L’exécution a dépassé de 7 % la programmation budgétaire initiale, ce qui a conduit à une ouverture de crédits en loi de finances de fin de gestion afin de faire face à l’urgence signalée par les acteurs de la rue.

La politique de l’hébergement d’urgence souffre des insuffisances d’autres administrations publiques. Lorsque des mineurs isolés atteignent l’âge de 18 ans et ne signent pas de contrat jeune majeur, ils sont remis à la rue, même en hiver, et viennent grossir les rangs des centres d’hébergement d’urgence. Pour sortir d’un établissement géré par l’administration pénitentiaire – cela ne concerne pas toutes les personnes sortant d’incarcération –, il suffit d’indiquer une adresse, même si, dans certains cas, l’hébergeur ne gardera pas la personne. Il en va de même pour quitter un centre psychothérapeutique, quel que soit le jour de l’année. Beaucoup de gens souffrant de maladies mentales se retrouvent dans des centres d’hébergement. Enfin, la durée d’accueil maximale dans un Cada (centre d’accueil pour demandeurs d’asile) est de trois mois, période au-delà de laquelle on remet la personne à la rue, là encore du 1er janvier au 31 décembre.

Votre tâche est très difficile, madame la ministre, car vous ne pouvez pas prévoir ce qui va se passer. Il est nécessaire d’avoir une vision interministérielle ; à défaut, les centres d’hébergement d’urgence grossiront encore davantage.

Par ailleurs, des gens hébergés dans ces centres ont été régularisés et ont trouvé un travail, mais ne disposent pas de logement. Ils restent donc dans ces structures, ce qui alimente l’embolie du système. Je crains que l’on aille au-delà des 203 000 places pour atteindre 215 000, 230 000 ou même 250 000 places si l’on ne trouve pas de solution et si les pratiques administratives de l’État, en certains domaines, et celles des collectivités territoriales ne changent pas. En tout état de cause, ce programme est une voiture-balai qui sauve les gens et leur permet de dormir au chaud.

En deuxième lieu, le programme 109 assure le financement du Fonds national d’aide au logement (Fnal), qui verse, notamment, les APL, lesquelles constituent, je le rappelle, des dépenses de guichet. Le volume d’annulation de crédits en gestion a été élevé, puisqu’il a atteint 524 millions d’euros. Cependant, ces annulations n’ont pas pénalisé l’exécution budgétaire du programme du fait d’estimations de dépenses supérieures aux besoins. Cela a conduit à une sous-exécution des crédits à un niveau de 96 %.

La réforme de la contemporanéisation du versement des APL, appliquée dès 2021, a fait apparaître de nouvelles zones de fragilité, liées à la qualité insuffisante des données du ministère des finances ou des déclarations des allocataires demandeurs. La réforme a permis un meilleur ajustement global des aides, puisqu’elle autorise la prise en compte immédiate, tous les trimestres, de la situation de chaque candidat ou occupant d’un logement social ou d’un logement du parc privé. Toutefois, il semblerait qu’il y ait eu une forte progression des indus et une dégradation des indicateurs de maîtrise des risques. J’exercerai un contrôle sur la Cnaf (Caisse nationale des allocations familiales) au cours du Printemps de l’évaluation à ce sujet. Nous porterons notre attention sur les aides au logement.

En troisième lieu, le programme 135 finance principalement les moyens dédiés à la rénovation énergétique. Le budget en LFI 2024 comportait une dotation de 1,92 milliard d’euros en AE et 1,58 milliard d’euros en CP, soit une augmentation de plus de 1,1 milliard d’euros en AE et 803 millions d’euros en CP par rapport à la LFI 2023.

Cette forte augmentation était principalement due à une nouvelle hausse de la subvention versée à l’Anah au titre de la rénovation thermique des logements privés, qui atteint 1 milliard, et à l’adaptation des logements au vieillissement de la population.

Malgré ce budget en forte croissance, la consommation des crédits du programme demeure la plus faible de la mission : elle s’élève à 76,4 % pour les AE, ce qui est largement inférieur au taux d’exécution de 2023.

Même si on la compare aux crédits ouverts, la consommation des crédits en gestion en 2024 s’élève à 82,8 % pour les AE et 60,7 % pour les CP. L’exécution du programme en 2024 a donc été caractérisée par des estimations de dépenses supérieures aux besoins et par une sous-consommation des crédits du dispositif MaPrimeRénov’.

La réforme du parcours d’accompagnement, qui privilégie la rénovation d’ampleur, a réduit au cours du premier semestre le nombre de rénovations en mono-geste. Votre prédécesseur avait supprimé les aides à l’accomplissement des travaux mono-geste, mais celles-ci sont réapparues à la fin du premier trimestre 2024. Cela étant, je m’alarme de la sous-consommation des crédits, qui est préjudiciable à la transition énergétique du parc immobilier. Nous connaissons la demande de logement et l’état des logements classés G et F – les logements classés E seront bientôt concernés par les règles de décence. La rénovation énergétique doit demeurer la priorité : je sais que c’est la vôtre, madame la ministre, mais il faudrait s’assurer que c’est également le cas de l’Anah, en examinant le travail qu’elle accomplit sur ce sujet, en lien avec le ministère de l’économie.

Madame la ministre, comptez-vous remédier à l’impasse budgétaire persistante dans laquelle se trouve l’hébergement d’urgence ? Envisagez-vous de modifier profondément les pratiques des autres administrations publiques ? À défaut, votre budget ne permettrait pas de faire face à la situation et, je ne pourrais plus, en ma qualité de rapporteur spécial, le défendre.

Par ailleurs, alors que le programme 135 a fait l’objet de 787 millions d’euros de reports pour 2025, pensez-vous que la mise en œuvre des travaux de rénovation énergétique s’améliorera cette année ?

Enfin, que comptez-vous faire pour mettre fin aux dysfonctionnements – actés par tous, semble-t-il, y compris par la direction de l’Anah – de « MaPrimeRénov », en particulier l’allongement des délais d’instruction des demandes et la hausse massive de la fraude ?

Mme Valérie Létard, ministre. Concernant le programme 177, vous avez évoqué le financement des associations, qui a atteint 250 millions en fin de gestion, et la nécessité que le montant figurant en LFI soit réajusté à cette hauteur. Je ne peux qu’être sensible à cette recommandation. Tel sera l’objectif que je m’assignerai dans le cadre des discussions budgétaires que nous aurons avec Bercy et du travail de construction globale que nous engagerons. Il faut éviter de fragiliser l’ensemble du dispositif d’accueil et d’hébergement d’urgence. Le fait d’inscrire en début d’exercice une enveloppe consolidée en fin de gestion permettra peut-être aussi à un certain nombre de structures de mieux se projeter et aux préfets de pérenniser des places.

Comme vous l’avez dit, nous sommes un peu le dernier maillon de la chaîne. Nous accueillons, par exemple, des enfants sortis de l’ASE (aide sociale à l’enfance) qui atteignent la majorité, des personnes quittant le système pénitentiaire et des personnes confrontées à bien d’autres situations. Certes, cet outil est inflationniste, mais il est le reflet de toutes les formes de précarité et de fragilité de notre société. Nous avons le devoir d’être au rendez-vous – nous le sommes puisqu’en dix ans, le budget a triplé – et de créer les conditions pour qu’à l’avenir, on trouve des solutions et qu’on ne soit pas amenés à augmenter le nombre de places d’accueil.

Il s’agit, par exemple, comme vous l’évoquiez, de trouver des solutions en matière de logement des personnes qui font l’objet d’une régularisation. La question se pose pour les personnes qui exercent des métiers en tension, en direction desquelles nous menons un certain nombre d’actions. Je travaille avec le ministère de l’intérieur pour essayer de trouver, dans le cadre de la circulaire Retailleau, les moyens d’obtenir des régularisations. Nous avons la volonté, avec le ministère du travail, d’inscrire des parcours : nous avons conclu des conventions en ce sens.

L’aide personnalisée au logement a déjà été très ciblée. Dans le contexte actuel, marqué par des situations de fragilité, je suis plutôt favorable à ce que son montant reste inchangé.

En 2024, 91 000 rénovations d’ampleur et 250 000 gestes ont été accomplis dans le cadre de MaPrimeRénov’. Cela étant, comme vous l’avez rappelé, des crédits ont été annulés en cours d’année, ce qui a engendré des stop and go préjudiciables à l’instruction des dossiers par l’Anah. La LFI 2025 prévoit un objectif de 100 000 rénovations d’ampleur et 250 000 gestes. En autorisations d’engagement, nous avons maintenu les moyens ; en crédits de paiement, en revanche, nous faisons face à une diminution de 460 millions, mais des mesures ont été prévues pour neutraliser l’impact de cette baisse. Ainsi, la réserve, qui est généralement de 5 %, a-t-elle été établie à 0,5 % pour MaPrimeRénov’, ce qui redonne des marges de manœuvre budgétaires. En outre, les réserves de trésorerie de l’Anah permettent d’accompagner un effort supplémentaire. Si, malgré tout, il se révélait nécessaire de compléter les crédits, une régularisation interviendrait en fin de gestion.

L’année 2025 a connu un démarrage très rapide puisqu’au premier trimestre, 17 000 rénovations d’ampleur ont été réalisées, soit trois fois plus qu’au premier trimestre 2024 ; en revanche, seuls 46 000 gestes ont été accomplis, ce qui est inférieur au niveau de l’année précédente. Autrement dit, pour la première fois, les rénovations d’ampleur – qui ont une incidence bien plus importante que les gestes sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre – connaissent une trajectoire très dynamique. Il faut toutefois conserver les aides relatives aux mono-gestes, car tout le monde ne peut pas se lancer dans une rénovation globale, et cela permet d’engager des parcours sur plusieurs années.

Ce démarrage rapide est l’une des raisons du retard pris en matière d’instruction, les rénovations d’ampleur nécessitant une instruction plus approfondie. En outre, l’Anah a engagé des contrôles qui lui ont permis d’empêcher des fraudes d’un montant de 229 millions d’euros en 2024. Cela a un peu allongé l’instruction des dossiers.

On constate de fortes tensions en matière d’instruction des dossiers, avec des délais compris entre 70 et 100 jours. L’Anah a apporté son aide, ce qui a permis de traiter les 7 500 dossiers les plus en retard, en s’appuyant sur des prestataires extérieurs comme Docaposte et en ciblant les territoires où l’on rencontrait les plus grandes difficultés.

Les délais de paiement sont stables et atteignent trente jours.

Depuis le début de l’année, on assiste à une forte augmentation du coût des rénovations. Elle s’élève à 7,5 % alors que l’inflation est à 2 %. Cela va conduire à des mesures correctives – baisse des plafonds de travaux, recentrage sur les logements classés E, F et G et suppression du bonus sortie de passoire thermique. Il faut absolument maîtriser cette inflation si l’on souhaite agir de manière massive. On ne pourra plus accepter des dossiers qui représentent jusqu’à 85 000 euros.

Nous voulons tenir compte de ces évolutions en ajustant le dispositif en 2025, afin de se mettre en ordre de marche, de cibler les priorités et d’adopter un rythme ambitieux mais maîtrisé. Pour 2026, nous anticipons une stabilisation à 200 000 mono-gestes et une hausse de 10 % des rénovations d’ampleur.

La proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques, déposées par Thomas Cazenave et qui vient d’être définitivement adoptée, va permettre de croiser les fichiers de Tracfin, de la DGFIP (direction générale des finances publiques) et de l’Anah. Ce texte permet également de lutter contre le démarchage commercial téléphonique. Grâce à ces outils, nous allons entamer dès cet été un travail de contrôle et de lutte contre la fraude, afin de mettre fin très rapidement à certaines dérives.

M. le président Éric Coquerel. Je regrette que tous les groupes ne soient pas représentés lors de cette audition. Le logement est en effet le premier problème pour les Français.

J’avais dit il y a deux ans qu’il s’agissait d’une bombe sociale ; elle a explosé. Cette catastrophe est le résultat d’une politique consistant à réduire de manière continue les crédits en faveur du logement. La part consacrée à ce dernier dans les dépenses des foyers ne cesse de croître. Si la baisse des taux d’intérêt, qui a favorisé l’accès à la propriété pour les classes moyennes, a atténué pendant quelque temps les difficultés, le problème s’est transformé en crise, notamment économique pour le BTP, lorsque ces taux sont repartis à la hausse. Cette crise touche 15 millions de personnes et s’est étendue au logement d’urgence, qui accueille désormais des personnes relevant normalement du logement social.

Les dépenses publiques pour le logement s’élevaient à 2,2 % du PIB en 2010 ; elles n’en représentent plus que 1,5 %. Entre 2023 et 2024, les crédits consommés pour les trois programmes relatifs au logement de la mission Cohésion des territoires ont diminué de 4,7 % en euros constants. Les crédits du programme qui finance les APL ont diminué de 6 %, alors que la réforme de leur calcul faite en 2021 a permis d’économiser 1,4 milliard en 2024. Et ces baisses continuent puisque, après l’annulation de crédits en avril, les crédits ouverts en 2025 pour les programmes 109, 135 et 177 ont diminué de 3,6 % – la baisse allant jusqu’à 31 % en ce qui concerne le programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat.

« Le logement ne pourra pas échapper à la rigueur budgétaire nécessaire », avez-vous annoncé en octobre 2024. Les baisses que nous constatons correspondent-elles à la rigueur budgétaire promise ? Comptez-vous poursuivre dans cette voie ?

Pour résoudre cette crise, vous proposez notamment de relancer l’investissement locatif privé, en travaillant sur un cadre fiscal « pérenne et attractif » – c’est-à-dire en baissant toujours plus les impôts de ceux qui ont les moyens d’investir dans ce secteur. Je rappelle que, jusqu’à fin 2026, les donations familiales jusqu’à 300 000 euros sont exonérées de droits pour l’achat d’un logement. Quand on sait que, dans 87 % des cas, les héritages transmis par les parents à leurs enfants sont inférieurs à 100 000 euros, ceux qui recevront une donation de 300 000 euros n’auront pas de problème d’accession à la propriété – ou en tout cas par les mêmes problèmes que ceux rencontrés par la grande majorité de nos concitoyens.

Il faut effectivement construire de nouveaux logements, mais il doit s’agir de logements sociaux, car la situation de l’offre est critique. Au premier trimestre 2025, on dénombrait 2,8 millions de demandes, et seulement 384 000 logements ont été attribués en 2024, contre 500 000 par an en moyenne de 2015 à 2017.

Alors que 198 000 logements sociaux doivent être produits chaque année entre 2024 et 2040 selon l’USH (Union sociale pour l’habitat), ne pensez-vous pas que, face au besoin massif d’investissements, la solution passe par l’augmentation des subventions en faveur de la construction, et non par des avantages fiscaux qui encouragent la concentration des richesses et la spéculation ?

Alors que le sans-abrisme atteint des niveaux très préoccupants – selon la Fondation pour le logement des défavorisés, 350 000 personnes n’ont pas de domicile en 2025 –, les effets désastreux de l’austérité ont été soulignés par la Cour des comptes en septembre 2024.

Pour afficher une baisse des dépenses, le programme 177 est systématiquement sous-budgété en début d’année et des crédits sont artificiellement mis en réserve. Cette logique d’affichage pèse sur la capacité de l’État à offrir un hébergement d’urgence à ceux qui en ont besoin. Comme le relève la Cour, cette mauvaise gestion a deux effets. D’une part, elle induit une forte charge de travail pour les services déconcentrés, ce qui limite leur capacité à assurer un suivi plus précis de l’activité. D’autre part, elle crée des problèmes de trésorerie pour les associations. Certaines doivent même ouvrir des lignes de trésorerie auprès des banques, ce qui entraîne évidemment des surcoûts. Allez-vous mettre fin à cette pratique de sous-budgétisation ?

Par ailleurs, les moyens alloués à l’hébergement d’urgence sont insuffisants. Le besoin a été évalué par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) à plus de 300 000 places en 2027, ce qui semble impossible à atteindre au vu de la baisse des moyens.

Devons-nous comprendre que l’austérité a eu raison de la promesse de ne plus laisser personne à la rue, faite en 2017 par le président de la République ?

En 2024, le nombre de logements rénovés grâce à MaPrimeRénov’ a diminué de 40 % par rapport à 2023, ce qui a justifié une annulation de crédits en cours d’année de 1,5 milliard et explique une sous-exécution à hauteur de 34 % : sur les 3 milliards d’euros de crédits ouverts, seuls 1,5 milliard d’euros a été consommé. Parmi les multiples raisons, on peut relever la durée de traitement des dossiers, liée à la lutte contre la fraude, le reste à charge pour les ménages et les difficultés d’accès aux prêts bancaires. Par conséquent, la loi de finances pour 2025 a prévu seulement 1,4 milliard de crédits, alors que l’on dénombre 5,2 millions de passoires thermiques selon Oxfam.

Si l’ambition est bien d’accélérer les rénovations, n’aurait-il pas été préférable d’affecter ces crédits à d’autres dispositifs et d’augmenter les moyens de l’Anah, afin d’améliorer le traitement des dossiers et d’accélérer les remboursements tant attendus par les petites entreprises ?

Enfin, que pensez-vous de la proposition, soutenue par des députés de gauche – mais aussi par David Amiel me semble-t-il – qui consiste à remplacer les subventions à la rénovation par un dispositif permettant d’accorder des prêts hypothécaires aux propriétaires ? L’État récupérerait sa mise lors de la vente du logement ou de la succession.

Mme Valérie Létard, ministre. J’ai déjà évoqué les raisons de l’évolution des crédits destinés à MaPrimeRénov’ et à la lutte contre le sans-abrisme. Je vous ai également fait part de nos objectifs en matière de rénovation, de la manière dont nous entendions réduire les délais d’instruction et de notre intention de lutter contre la fraude. Nous allons nous organiser pour attaquer l’année 2026 en nous appuyant sur un dispositif stable, solide et pérenne.

S’agissant de la rigueur budgétaire, je ne vais pas rappeler la nécessité de maîtriser la dette publique, voire de la réduire, car votre commission traite en permanence de ce sujet.

M. le président Éric Coquerel. Cette commission est celle des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Nous abordons d’autres sujets que celui de la dette publique – et notamment celui qui consiste à savoir comment les gens peuvent se loger.

Mme Valérie Létard, ministre. La dette n’est certes pas la seule chose dont vous discutez, mais elle est tout de même au cœur de nombre de vos travaux.

Lors de l’élaboration du budget 2025, nous avons pris acte de l’extinction du dispositif Pinel et constaté que certaines enveloppes de crédits étaient insuffisantes pour atteindre les objectifs de relance de la production de logements sociaux, de rénovation thermique et de soutien à l’investissement privé. Pour faire face à la crise du logement, il faut utiliser aussi bien le levier du logement social que celui de l’investissement privé.

C’est la raison pour laquelle nous avons proposé un amendement – que le Parlement a adopté – diminuant de 200 millions la réduction du loyer de solidarité. Les bailleurs sociaux attendaient cette mesure depuis longtemps. Elle devrait leur permettre de mobiliser davantage leurs fonds propres et d’obtenir plus de prêts issus des sommes collectés grâce au livret A. Comme vous le savez, une révision du taux de ce livret devrait intervenir en août, afin de tenir compte de la conjoncture. Tout cela permet d’augmenter les moyens consacrés au logement et a conduit l’USH à signer avec le ministère une feuille de route qui comporte un objectif de 116 000 logements sociaux et de 130 000 rénovations thermiques. Avec cette initiative, le gouvernement va dans la direction que vous souhaitez.

Grâce aux prêts et au soutien de la Caisse de dépôts, 51 000 logements sociaux supplémentaires vont à ce stade pouvoir être attribués.

S’agissant de la mobilisation en faveur de l’investissement locatif privé, le gouvernement a confié une mission relative à la mise en place du statut du bailleur privé à Marc-Philippe Daubresse et Mickaël Cosson. Il s’agit de conforter l’ensemble des acteurs du secteur, et notamment les promoteurs – FPI (Fédération des promoteurs immobiliers), Fnaim (Fédération nationale de l’immobilier), Nexity –, dont le rôle est essentiel pour produire des logements sociaux. Les promoteurs assurent 55 % de la production dans ce dernier secteur, grâce aux ventes en état futur d’achèvement (Vefa). Nous ne pourrons pas atteindre les objectifs si la situation de ces acteurs est fragilisée et il faut donc les accompagner dans cette période de crise.

Tel est d’ailleurs l’un des objectifs de la mesure temporaire d’exonération des droits de succession en cas de donation pour l’achat d’un logement neuf destiné à l’habitation principale ou à la location de longue durée.

Il s’agit aussi d’accompagner la dynamique du PTZ, qui va permettre, dans les zones tendues et détendues, d’aider les ménages modestes et moyens à accéder à la propriété dans le neuf, tout en relançant la construction et l’investissement dans le logement. Les primo-accédants qui ont recours à un PTZ pour acheter dans l’ancien ne sont quant à eux pas concernés par l’augmentation des DMTO (droits de mutation à titre onéreux). Enfin, les ménages modestes qui bénéficient d’un PTZ peuvent cumuler ce dernier avec MaPrimeRénov’.

Nous avons donc bien un double objectif : aider à accéder à la propriété et accompagner les investissements dans le secteur. Pour ce faire, nous devons réfléchir à un dispositif incitant les ménages moyens à investir dans l’immobilier locatif. Nombreux sont ceux qui veulent acquérir un petit logement pour compléter leur revenu ou leur pension. Les grands opérateurs ont bien compris que, contrairement à ce que l’on croit généralement, ce ne sont pas les ménages les plus aisés qu’il faut viser.

MM. Daubresse et Cosson ont précisément pour mission de proposer un accompagnement dans la durée de ces investisseurs, afin d’accroître l’offre de logements locatifs abordables. Pour y arriver, il faut assurer une rentabilité minimale. On constate en effet un reflux des investissements parce qu’ils rapportent trop peu. Ma crainte, partagée par tous les acteurs et spécialistes du secteur, c’est que le stock de logements à louer ne corresponde plus demain aux besoins de la population.

Le logement social est essentiel – et je le défends – mais il ne peut pas constituer la seule réponse. Il doit être complété par une offre locative abordable. Nous ne réussirons que si nous sommes au rendez-vous de ces deux ambitions. Le rapport de MM. Daubresse et Cosson permettra d’envisager des solutions, lesquelles pourront être débattues au sein du gouvernement avec Bercy, et dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2026.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous avons voté une extension du PTZ à l’occasion du dernier projet de loi de finances. Commence-t-on à en percevoir les effets ? La mesure répondait à une grave préoccupation : il n’y avait plus grand-chose pour aider à l’accession à la propriété, alors qu’elle est essentielle pour rendre le marché du logement de nouveau fluide.

Vous avez évoqué le rapport que doivent vous remettre nos collègues Daubresse et Cosson et vous avez reconnu qu’il était nécessaire de relancer l’investissement locatif privé. On sait que l’épargne est très élevée en France mais qu’une bonne partie n’est pas investie. Comment l’attirer vers le logement locatif privé, qui est essentiel puisqu’il représente 28 % du parc ? On constate que ce dernier se contracte depuis quinze ans, ce qui contribue à tendre le marché dans les grandes agglomérations. Jean-Paul Mattéi et moi-même avions proposé tout d’abord qu’un bien acquis pour être mis en location ne soit pas pris en compte dans l’assiette de l’IFI (impôt sur la fortune immobilière) pendant une durée pouvant aller jusqu’à quinze ans. Nous suggérions ensuite de soumettre au PFU (prélèvement forfaitaire unique) les revenus locatifs tirés de ce logement. Ce dispositif n’aurait concerné que les logements neufs, afin de relancer la construction.

J’en viens enfin au problème du logement d’urgence, qui a été longuement évoqué par le rapporteur spécial. Où en sont les discussions entre Bercy et la Dihal pour augmenter les crédits du programme 177 dans la loi de finances initiale pour 2026, afin d’éviter les à-coups en cours de gestion observés en 2024 ? Il avait alors fallu ouvrir massivement des crédits pour faire face aux besoins et continuer à disposer de 103 000 logements d’urgence.

Mme Valérie Létard, ministre. Je ne peux pas préjuger des arbitrages s’agissant de l’hébergement d’urgence, mais je défends pour ma part un budget qui prenne en compte les besoins qui sont apparus en fin de gestion en 2024. Nous devons en effet le consolider pour pérenniser un certain nombre de solutions d’hébergement offrant suffisamment de places, ce qui permettra de moins recourir aux nuitées hôtelières.

Votre proposition pour soutenir l’investissement privé dans le secteur locatif est intéressante et je sais que vous y avez beaucoup travaillé. Nous avons demandé à MM. Daubresse et Cosson de rencontrer l’ensemble des acteurs du secteur. Je souhaite que ce rapport, qui doit être remis à la mi-juin, établisse un constat partagé et fasse des propositions ambitieuses correspondant aux attentes prioritaires, tout en tenant compte de la réalité budgétaire. Il faut redonner confiance à tous ceux qui se détournent de l’investissement dans les logements locatifs abordables. Ce travail est en très bonne voie et un consensus est en train de naître. J’ai bon espoir que les perspectives qu’il permettra de tracer nourriront la discussion au sein du gouvernement avec Bercy et avec le Parlement.

M. Philippe Lottiaux (RN). Il y a beaucoup à dire.

Le secteur du logement est en crise, ce qui entraîne des conséquences sociales et économiques, mais aussi budgétaires. Lorsque l’on construit des dizaines de milliers de logements de moins, ce sont des milliards de recettes de TVA qui n’alimentent pas le budget de l’État.

Vous ne maîtrisez pas les deux grands postes de dépenses de cette mission.

On sait que le logement d’urgence est un puits sans fond, et ce pour une raison très simple : les hébergements sont saturés par les clandestins. Si vous ne mettez pas fin à la submersion migratoire, vous continuerez sans cesse à mettre de l’argent dans l’hébergement d’urgence. C’est une réalité et la solution relève d’une décision politique qui ne vous appartient pas.

Quant à l’APL, elle repose sur une logique de guichet. C’est nécessaire. Mais là encore, le problème réside dans les critères d’accès à cette aide. On pourrait conditionner son versement à un certain nombre d’années de résidence en France.

Si l’on ne maîtrise pas les principales dépenses, nous manquerons de moyens.

J’ouvre une parenthèse sur la rénovation énergétique : nous sommes nombreux à avoir des remontées du terrain qui montrent que la gestion par l’Anah ne marche pas. Les dysfonctionnements sont récurrents et il n’y aura certainement pas d’amélioration dans les prochaines années. Faut-il continuer à travailler avec cette agence ? Ne vaudrait-il pas mieux trouver un autre système ?

Nous estimons tous qu’il n’y a pas assez de logements sociaux. Comme vous l’avez dit à juste titre, s’il n’y a pas de privé, il n’y a pas de social. Actuellement, la majorité des opérations sont mixtes, grâce à la Vefa HLM.

Que peut-on faire pour améliorer la situation ? Un certain nombre de bonnes mesures ont été prises s’agissant du PTZ et des droits de succession. Mais il faut continuer à aider les promoteurs. Le rôle des maires n’a pas été évoqué. S’ils ne signent pas de permis de construire, il n’y aura pas de nouveaux logements. Que fait-on pour les inciter à construire ? Pas grand-chose. Ne faudrait-il pas les inciter financièrement, par exemple en faisant bénéficier les municipalités qui bâtissent d’une part de la TVA ? Faut-il alléger le ZAN, à défaut de le supprimer ? Sans doute, car c’est un véritable frein. Il faut aussi donner aux maires un droit de veto sur l’attribution des logements sociaux, car ils sont nombreux à avoir des craintes sur ce point.

Je suis totalement d’accord avec vous : il faut que l’investissement locatif redevienne rentable, sinon il n’y en aura plus. On voit déjà bien quels sont les problèmes qui résultent du manque d’investissements.

En outre, Airbnb est un bouc émissaire commode. Si les propriétaires n’ont plus envie de signer des baux de longue durée, c’est aussi parce qu’ils craignent d’attendre trois ans pour arriver à faire partir un squatteur. Il faut prendre des mesures plus fermes.

Mme Valérie Létard, ministre. Je ne partage pas votre avis sur les raisons qui expliquent les difficultés d’accès à l’hébergement d’urgence ou aux APL.

S’agissant de la rénovation énergétique, l’Anah a certes connu des difficultés pour honorer les délais. Mais peut-on lui reprocher une chose qui ne dépend pas de sa volonté ? L’année précédente, diverses décisions ont entraîné des modifications dans les modèles d’instruction, aussi bien au niveau national que territorial. Je me suis efforcée de faire en sorte qu’il y ait désormais une stabilité car les changements de règles du jeu sont compliqués pour tout le monde : pour l’Anah, pour les artisans, pour les usagers.

MaPrimeRénov’ est plutôt victime de son succès : les gens ont compris comment ces aides fonctionnaient et les moyens d’y accéder sont mieux identifiés. Ce dispositif récent, qui a déjà aidé 2,5 millions de ménages, a connu une massification très rapide, qui appelle une régulation. Nous commençons à pouvoir nous projeter. À cet égard, 2025 sera une année charnière : nous devrons à la fois stabiliser la trajectoire, notamment en prêtant attention au rythme mensuel, calibrer les moyens et adapter les objectifs. Bref, il s’agira d’ajuster le tir afin qu’en 2026, tous les réglages soient faits. L’Anah a mobilisé cette année 4 milliards pour MaPrimeRénov’– 2,3 milliards de crédits de l’État complétés par des ressources issues des C2E (certificats d’économie d’énergie) et des quotas carbone – et je défendrai un maintien de cette enveloppe dans le prochain budget pour que nous puissions poursuivre cette ambition.

Monsieur Lottiaux, pour ma part, je n’oppose pas logements sociaux et logements privés. L’un ne va pas sans l’autre : le logement social ne peut vivre sans la promotion qui, elle-même, ne tient que parce que ses actions s’appuient sur le logement social. Nous devons préserver cet équilibre et aider le secteur privé à traverser cette crise liée aux phénomènes conjoncturels que vous connaissez. S’agissant de l’investissement locatif, nous avons lancé une mission, en plus des mesures que nous avons déjà prises concernant Airbnb. Nous sommes en train de construire des propositions, que nous partageons avec le secteur, avant d’examiner l’équation budgétaire.

Enfin, dans le cadre du Fonds Vert, est prévue une enveloppe de 100 millions d’euros d’aide aux maires bâtisseurs, qui sera modulée par les préfets. Elle viendra soutenir les élus qui font l’effort de produire plus, en accompagnant les dépenses liées au logement, notamment en leur permettant de financer des services à la population. Cette disposition ambitieuse est saluée par les maires.

Mme Annaïg Le Meur (EPR). Je remercie Mme la ministre pour l’attention qu’elle prête au secteur du logement et à tous ceux qui bénéficient des politiques qui y sont attachées. Parmi les mesures orientées vers la gestion de l’existant, j’aimerais évoquer MaPrimeAdapt’ qu’on oublie un peu : j’espère qu’elle sera un jour fusionnée avec MaPrimeRénov’ afin de financer la rénovation des ascenseurs dans les logements collectifs. Les personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie doivent pouvoir sortir de chez elles.

J’insiste, par ailleurs, sur les problèmes qu’entraînent les délais de versement pour les artisans. Nous ne pouvons pas nous reposer sur leur trésorerie alors que des solutions existent. J’évoquerai ces difficultés demain avec des représentants de la Capeb (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment).

La notion d’usage doit constituer la base de nos réflexions sur l’avenir du logement. Alors que les logements manquent dans nos territoires, notamment pour les salariés, il faut aller vers une densification des usages, à distinguer de la densification des espaces mise en avant dans l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN). C’est le fondement de la proposition de loi qu’Inaki Echaniz et moi-même avons défendue. Nous sommes partis du principe qu’un bien devait être utilisé sur la plus longue durée possible au lieu d’être occupé seulement quatre-vingt-dix jours par an.

J’évoquerai aussi les innovations comme les baux multi-usages ou les mesures de facilitation de la transformation des bureaux en logements, à l’heure où le télétravail se répand. Les collectivités pourraient dans ce cadre reprendre des bâtiments pour les transformer en logements et en hébergements d’urgence.

Mme Valérie Létard, ministre. Je vous remercie d’avoir évoqué MaPrimeAdapt’, qui représente 200 millions dans le budget de l’Anah. Destinée aux personnes âgées en perte d’autonomie ou aux personnes en situation de handicap, cette aide est fortement mobilisée. Il faudrait voir comment continuer à la faire prospérer tout en trouvant un juste équilibre : la rénovation des ascenseurs ne saurait emboliser les financements qui lui sont dédiés même si l’accessibilité des bâtiments est un enjeu d’importance.

S’agissant des versements aux artisans, j’ai commencé à répondre. Dès le début de cette année, l’Anah a déployé des moyens pour traiter les dossiers dans les territoires où les retards étaient les plus grands. Des prestataires ont reçu une formation de deux mois à cette fin.

Les dispositions de votre proposition de loi, madame Le Meur, sont mises à profit par les territoires, ce qui montre l’importance d’un travail parlementaire fondé sur une approche de terrain. Nous nous félicitons des résultats auxquels a abouti votre démarche, que nous avons soutenue compte tenu de son intérêt majeur.

La transformation des bureaux en logements fait l’objet de deux groupes de travail et d’une expérimentation dans les Hauts-de-Seine. Il s’agit de trouver le bon modèle économique et de déterminer les dispositions, législatives ou règlementaires, susceptibles de compléter la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements de votre collègue Romain Daubié, qui vient d’être adoptée en commission mixte paritaire. La piste d’usages mixtes serait intéressante à explorer. Pensons aux logements étudiants, à l’heure où le plan d’action qui leur est consacré monte en puissance et où la Banque des territoires a annoncé investir 5 milliards pour les financer. Nous recensons beaucoup d’initiatives lancées par les territoires et les préfectures allant dans ces directions, dont certaines sont déjà mises en œuvre.

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). En 2024, 855 personnes sont mortes dans la rue. Parmi elles, il y avait dix-neuf enfants de moins de 4 ans. Dans le budget 2025, les crédits alloués au logement d’urgence stagnent au niveau insuffisant de 2,9 milliards d’euros. La Cour des comptes souligne que « depuis quinze ans, le budget consacré à l’hébergement est structurellement sous-évalué ». Cela emporte des conséquences concrètes pour les associations gestionnaires de centres d’hébergement et, de manière générale, pour la solidarité nationale.

Ces structures, qui assurent l’accueil et l’orientation des personnes les plus vulnérables, jouent un rôle central mais elles sont à bout de souffle. La crise financière à laquelle elles sont confrontées est alimentée par une sous-budgétisation chronique : coupures en cours d’années, retards dans le versement des subventions, paiements partiels. À cela s’ajoute une perte de sens : constamment confrontés à des arbitrages douloureux conduisant à prioriser les personnes, compte tenu du manque de places, leurs équipes peuvent avoir l’impression d’être à l’origine d’une maltraitance institutionnelle. Entre janvier et juillet 2024, le taux de demandes d’hébergement non satisfaites s’établissait à 60 % contre 34 % en 2022. Pire encore, 70 % des personnes concernées n’appellent même plus le 115 car elles savent pertinemment qu’elles n’auront pas de places. Le Sénat a récemment fait part d’une perspective glaçante : si rien n’est fait, les associations gestionnaires estiment que la moitié d’entre elles fermeront d’ici à la fin de l’année.

Nous assistons à une explosion du nombre de personnes sans-abri et à une multiplication des expulsions locatives, phénomène exacerbé par la loi Kasbarian-Bergé – loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite. Cette année, 25 000 personnes ont été expulsées avec le concours des forces de l’ordre, soit une augmentation de 30 % par rapport à 2023. Vous dites vouloir maintenir, madame la ministre, les 203 000 places d’hébergement d’urgence mais cela ne permettra pas de mettre fin au sans-abrisme. À défaut d’investir suffisamment pour sortir l’hébergement d’urgence de ses souffrances, qu’envisagez-vous pour empêcher sa destruction annoncée ?

Mme Valérie Létard, ministre. Je ne sais pas si vous connaissez mon parcours, madame : je suis assistante sociale et j’ai passé ma vie auprès des personnes les plus précaires. S’il y a bien un sujet dans mon engagement politique, associatif et personnel qui m’a toujours tenu à cœur, c’est bien celui-ci. Certains me demandent si je dors bien la nuit : eh bien, non, je ne dors pas bien la nuit. Quand on a la conviction qu’il faut faire quelque chose, on essaie de se battre. En acceptant ces fonctions de ministre, j’ai fait le choix de le faire de l’intérieur. Croyez-moi, que l’on ne puisse pas dégager plus de moyens me pèse beaucoup. Les arbitrages auprès de Bercy sont ce qu’ils sont mais je mènerai un combat pour que les acteurs de l’hébergement d’urgence, qui en sont à ne plus pouvoir payer d’agios, puissent être rassurés par le prochain budget. C’est ainsi que nous pourrons pérenniser les places et trouver des solutions. À toutes celles et tous ceux qui en ont besoin, nous devons offrir cette première marche vers l’autonomie. L’hébergement d’urgence est le réceptacle de toutes les fragilités. Il reflète les insuffisances de toutes les autres politiques publiques. L’État n’est pas seul en cause, c’est la responsabilité de toute la société qui est en jeu. C’est notre devoir d’agir, sans pour autant tomber dans l’excès. Sachez, madame la députée, que j’essaierai de jouer mon rôle.

Mme Sophie Pantel (SOC). La crise du logement concerne tous les territoires, y compris ceux qu’on ne pensait pas être en tension. Les indicateurs mis en avant par le rapporteur spécial le montrent, en particulier la hausse du recours aux APL.

Madame la ministre, je vous remercie pour votre volonté d’accompagner les personnes vulnérables et pour votre action en faveur du maintien du financement de plus de 200 000 places d’hébergement dans le programme 177, même si je partage les remarques du président de la commission sur la méthode budgétaire employée et les difficultés qu’elle engendre pour les associations.

S’agissant de MaPrimeRénov’, je constate aussi à partir des remontées du terrain une forte reprise. Malgré les retards, je tiens à souligner que l’Anah fait un très bon boulot, en particulier avec les programmes d’intérêt général (PIG) et les offices publics de l’habitat (OPH).

Par ailleurs, j’aimerais avoir votre avis sur le projet que nous défendons d’une agence nationale pour la rénovation rurale, sur le modèle de l’Anru.

L’ingénierie est un enjeu important et j’aimerais savoir comment vous envisagez de continuer à accompagner l’Agence nationale pour l'information sur le logement (Anil), dont j’ai été présidente pendant des années, et son réseau d’agences départementales d’information sur le logement (Adil), aujourd’hui confrontées à une baisse du financement des collectivités. Quand l’État a négocié avec Action logement les fameux 9 millions, nous avons pu créer davantage d’Adil même s’il nous en fallait en réalité 11 millions. Aujourd’hui, les agences disposent de beaucoup moins de moyens alors qu’il est toujours aussi nécessaire d’assurer une bonne orientation dans les parcours de logement.

Je rejoins le rapporteur général du budget sur le logement non social. Grâce à des dispositifs de type location-accession, nous pourrions parvenir à répondre aux besoins des familles.

Enfin, je déplore que dans les territoires ruraux et les territoires de montagne, certains propriétaires préfèrent louer leurs biens pendant les saisons touristiques afin d’éviter d’avoir à effectuer des travaux de rénovation. Nous ne pouvons pas nous permettre de voir disparaître 30 % des logements du parc locatif.

Mme Valérie Létard, ministre. L’Anil et les Adil constituent un réseau essentiel pour conseiller, orienter et accompagner nos concitoyens. Je sais leur importance dans les relations entre locataires et propriétaires. Ces structures font un travail considérable et dans certains territoires, elles sont les seuls acteurs de proximité dans le domaine du logement. Il faut effectivement les préserver. Elles bénéficient de 9 millions issus du programme 109 et de 9 autres millions issus d’Action logement. Je ne puis vous en dire plus alors que nous sommes encore en train de construire le budget mais soyez assurée que nous nous battrons pour maintenir notre soutien.

S’agissant des territoires ruraux, je vous indique que Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, mène une réflexion sur un accompagnement plus global à leur apporter qui comprendrait des outils plus adaptés à leur situation. Si nous devions construire une Anru rurale, il faudrait élaborer un modèle complet : quels partenaires prendre en compte ? Pour quelles stratégies et quels projets ? Avec quelles ressources pour les financer ? S’agirait-il de ressources pérennes affectées ? Il importerait, à mon sens, de reprendre cette spécificité de l’Anru qui est la contractualisation pluriannuelle afin de sécuriser sur la durée les différents acteurs financiers et partenaires et leur permettre de se projeter. Ainsi, les territoires auraient la garantie d’être accompagnés sur plusieurs années. Nous devons apporter une réponse à la ruralité et réconcilier urbain et rural.

Mme Eva Sas (EcoS). Je relaierai certaines préoccupations exprimées par le rapporteur spécial car les réponses que vous lui avez apportées ne m’ont pas convaincue.

Avec 85 381 agréments en 2024, la production de logements sociaux reste inférieure de plus de 30 % au niveau de 2016. Nous sommes bien loin de l’objectif de 100 000 nouveaux logements sociaux affiché pour 2024. Cette situation résulte notamment du désengagement de l’État et de la pression qu’il exerce sur les bailleurs sociaux. Seuls 29 % des crédits du Fnap ont été dépensés en 2024. L’aide de l’État par logement est très insuffisante, du fait des modes de calcul retenus et des objectifs inatteignables fixés chaque année. D’où ma première question : quelle réforme du Fnap envisagez-vous pour qu’enfin, l’État s’engage dans la création de logements sociaux ?

L’échec est aussi patent s’agissant de l’hébergement d’urgence qui souffre de trois maux principaux : l’insuffisance du nombre de places, qui reste figé à 203 000 alors que les besoins augmentent d’année en année ; une sous-budgétisation chronique ; l’absence de politique globale de lutte contre le sans-abrisme, point sur lequel vous n’avez pas vraiment répondu. L’hébergement d’urgence n’est que le reflet des échecs de nombreuses politiques publiques : aide sociale à l’enfance, accueil des demandeurs d’asile, prise en charge en soins psychiatriques. Tant qu’une politique globale ne sera pas mise en place, nous devrons nous limiter à la gestion d’une crise permanente, d’autant que le « plan Logement d’abord », maillon indispensable pour sortir les personnes vulnérables de la rue, est marqué par des reculs en 2024. Le nombre de créations de logements en pensions de famille est en baisse alors que les 25 000 places disponibles sont très insuffisantes pour répondre aux besoins. Résultat : vous vous fixez un objectif de réponses positives au 115 de seulement 54 %, autrement dit, vous assumez le fait qu’une personne sur deux restera à la rue.

Je n’aurai en définitive, madame la ministre, qu’une seule question : y a-t-il une politique du logement en France ? Que comptez-vous faire pour que nos concitoyens soient enfin logés dignement ? Et je rejoins ici le président de la commission : dans beaucoup de territoires, le logement est le principal problème qu’ils rencontrent.

Mme Valérie Létard, ministre. J’ai déjà évoqué les actions que nous avons déployées pour accompagner les bailleurs sociaux. La nouveauté par rapport aux années précédentes, c’est que nous leur avons redonné des marges de manœuvre pour mobiliser davantage de fonds propres grâce à une baisse de la RLS de 200 millions et du taux du livret A. Ces deux leviers, dans un contexte d’une réduction des taux d’intérêt, sont de nature à relancer la mécanique. Ajoutons un signal encourageant : le nombre d’agréments a connu une hausse de 8 % pour s’établir à 99 000. Certes, les tensions restent toujours fortes et des efforts supplémentaires sont nécessaires, mais cela montre qu’il y a chez les bailleurs sociaux une volonté d’investir. Je ne vous rappellerai pas les objectifs que le gouvernement leur a fixés par contractualisation.

S’agissant du Fnap, sachez que je suis favorable à sa préservation. Des pistes de réforme feront l’objet de débat, en particulier pour trouver des solutions budgétaires.

Pour ce qui est de l’hébergement d’urgence, je pense avoir déjà répondu assez précisément. Vous déplorez une absence de politique globale en matière de lutte contre le sans-abrisme mais je tiens à vous rappeler que nous créons des places supplémentaires grâce au plan Logement d’abord. Les pensions de famille, qui se développent partout, remportent un grand succès. C’est l’un des outils les plus appréciés car ces petites unités, parfaitement intégrées dans leur environnement, allient besoin d’autonomie et besoin d’accompagnement et les relations avec le voisinage se passent merveilleusement bien. Par ailleurs, nous relançons d’autres solutions alternatives. Nous serons au rendez-vous !

M. Emmanuel Mandon (Dem). À mon tour, je crois nécessaire de revenir à la rénovation énergétique des logements privés. La sous-consommation chronique des crédits qui lui sont consacrés résulte à la fois d’un non-recours aux dispositifs d’aides du fait d’un manque de lisibilité et, je dois le dire, de fraudes. L’instabilité des règles n’a pas arrangé les choses, comme j’ai pu le constater dans mon département de la Loire où l’ensemble des collectivités s’étaient fortement mobilisées. Vous plaidez pour la stabilité, madame la ministre, et je vous comprends. Je dois tout de même vous faire part des inquiétudes de notre groupe comme des professionnels de la rénovation que j’ai pu rencontrer. Les dépenses engagées ont été d’une grande ampleur, pour des résultats qui n’ont pas été suffisamment évalués. Nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réforme car il y a eu jusqu’à présent trop d’effets d’aubaine.

Nous proposons de réduire le paiement net par l’État en le remplaçant pour partie par une avance avec remboursement sur droits de mutation pour celui-ci, ou encore de lier plus fortement le montant de l’aide perçue aux économies d’énergie véritablement réalisées. Que pensez-vous de ces propositions ?

Par ailleurs, la mission compte seize dépenses fiscales, qui proviennent pour la plupart du programme 135 et dont le chiffrage est peu fiable selon la Cour des comptes. Et vingt-trois dépenses fiscales concernant majoritairement ledit programme présentent un chiffrage particulièrement dégradé, pour un montant de 4,7 milliards d’euros. À l’instar de la Cour, j’émets le souhait que les services compétents travaillent à améliorer le suivi du coût et de l’efficacité des dépenses fiscales. Il s’agit d’une condition essentielle pour garantir le bon usage des deniers publics. Pourquoi est-il si difficile pour l’administration de chiffrer les dépenses fiscales relevant du programme 135 ? Des réformes sont-elles envisagées pour y remédier ?

Mme Valérie Létard, ministre. En ce qui concerne la rénovation énergétique, il m’est difficile de me prononcer sur vos propositions sans les avoir expertisées au préalable. Cela dit, toutes les pistes méritent d’être examinées avec attention.

Vous l’avez compris, outre la lutte contre la fraude, notre objectif est de revoir le calibrage et le ciblage des aides pour éviter les effets inflationnistes ainsi que les dérives mais aussi améliorer l’efficience du dispositif. Je partage votre appréciation sur l’insuffisante évaluation. Nous devons aussi être capables d’ajuster le dispositif selon les comportements observés dans les premiers mois de l’année.

S’agissant des dépenses fiscales, je ne dispose pas d’éléments de réponse précis. Je m’engage à les transmettre au président de la commission.

Enfin, je reviens sur les pensions de famille : en 2023, elles comptaient 1 271 places ; en 2024, 1 383 ; pour 2025, l’objectif est d’atteindre le chiffre de 2 000 places, en renforçant les moyens que l’État y consacre.

M. François Jolivet, rapporteur spécial. Le logement est la première préoccupation des Français, toutes les enquêtes d’opinion le montrent.

Il me semble que le nombre de livraisons serait un outil de pilotage plus pertinent que le nombre d’agréments. Un agrément est délivré pour une durée de dix ans et parfois certains bailleurs demandent son renouvellement. En région parisienne, le taux de chute entre l’agrément et ce qui est livré se situe entre 25 et 35 %. Les Français ont besoin de savoir ce qui a été livré en HLM – ce serait la moindre des choses puisqu’il s’agit d’une politique publique – et hors HLM. Les arrêtés de permis de construire ne sont pas un indicateur fiable. Ils ne signifient pas que les travaux de construction ont été engagés. L’absence d’outils de pilotage rend difficile, pour les Parlement et les ministres, l’appréciation de la situation sur le territoire.

Ensuite, je crains que le Fnap ne dispose pas des ressources pour financer le 1,7 milliard d’euros environ de dépenses annoncées. J’entends certains plaider en faveur d’une décentralisation de la compétence logement, mais tout est déjà entre les mains des élus, même si les préfets sont très présents, parfois trop peut-être, dans les PLUI (plan local d’urbanisme intercommunal), les PLH (programme local de l’habitat), les Scot (schéma de cohérence territoriale) et les Sraddet (schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires). En revanche, si l’on confiait aux élus locaux la responsabilité politique du logement social, sans doute ne faudrait-il pas leur présenter que des dettes du Fnap à rembourser. La prochaine loi de finances apportera-t-elle quelque ressource au Fonds ?

Enfin, en juin dernier, la ministre du travail a agréé une convention collective modifiant les conditions de rémunération des agents qui travaillent dans les associations gestionnaires, avec effet rétroactif au 1er janvier 2024. Je crois savoir que des crédits ont été débloqués en fin d’année dernière. Qu’en sera-t-il pour cette année complète ? Je ne voudrais pas que la hausse du tarif journalier pour la personne accueillie soit obérée par l’application du droit du travail dans les structures d’hébergement.

Mme Valérie Létard, ministre. Sur le dernier point, des crédits sont bien prévus dans le budget au profit des associations, et ce pour l’année complète.

Vous trouverez dans les jaunes budgétaires le rapport évaluant l’efficacité des dépenses fiscales en faveur du développement et de l’amélioration de l’offre de logements, qui vous renseignera sur les dépenses fiscales du programme 135. Je concède que l’exercice de chiffrage est difficile.

Ensuite, je confirme le très fort démarrage des financements de la Banque des territoires pour les logements sociaux et intermédiaires : de janvier à avril 2025, ils ont augmenté de 30 % par rapport à 2024, soit 8,5 milliards d’euros supplémentaires pour le logement et la politique de la ville. Pour les PLAI (prêt locatif aidé d’intégration), la hausse est de 42 %, pour les PLS (prêt locatif social), de 30 %, et pour le LLI (logement locatif intermédiaire) de 8 %. Au total, ce sont 51 000 logements qui ont été financés fin avril, et non agréés, contre 40 000 à la même période en 2024.

Cela montre que l’effort consenti par le biais de la baisse du taux du livret A et de la RLS a produit des résultats en matière de financement. Malgré la diminution de la collecte sur le Fonds d’épargne, les financements alloués au logement sont plus que préservés. Cette tendance nous a été rapportée par la Banque des territoires ce midi lors d’un échange avec ses responsables.

M. le président Éric Coquerel. C’est une bonne nouvelle mais il faudra attendre la fin de l’année pour voir si elle se confirme car la proximité des élections municipales peut conduire à anticiper certains projets.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). J’écoute avec attention et le constat du caractère dramatique de la situation semble partagé par toutes et tous : des personnes à la rue meurent par centaines chaque année ; des milliers de personnes dorment tous les soirs dehors ; des centaines de milliers sont aujourd’hui sans abri.

Emmanuel Macron avait promis en 2017 que plus personne ne dormirait dehors à la fin de l’année. Pourtant, depuis son arrivée au pouvoir, le nombre de sans-abri a été multiplié par deux.

À ma collègue qui vous interrogeait sur ce qu’il faut faire – vous donnez l’impression que vous faites le maximum pour que la situation cesse –, vous avez répondu dans un cri du cœur que je crois sincère : « que voulez-vous que je vous dise ? »

Nous observons que les crédits continuent à baisser si on prend en compte l’inflation – moins 22 millions l’année dernière pour hébergement d’urgence, moins 216 millions pour les aides au logement, et moins 70 millions pour les autorisations d’engagement sur l’ensemble de la mission depuis avril.

Pourtant, de l’argent, il y en a dans ce pays. Nous avons fait la démonstration lors de l’examen du PLF qu’il était possible de trouver 70 milliards. Ma question est simple : n’est-ce pas la politique budgétaire de ce gouvernement finalement qui empêche de sauver des vies et laisse des gens dormir dehors ?

Mme Valérie Létard, ministre. Je pense avoir répondu à vos interrogations. Certes, certains éléments budgétaires se sont dégradés, mais d’autres permettent de recréer une dynamique en matière de logement social, d’accession à la propriété, ou de rénovation urbaine – pour cette dernière, les 50 millions d’euros inscrits dans le PLF pour 2025 ont déjà été payés. Je pense aussi au statut du bailleur privé.

Cela ne signifie pas que tout va bien, loin de là, mais les mesures budgétaires laissent espérer une trajectoire de reprise. Les chiffres de la Banque des territoires que j’ai cités en attestent.

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Il faut en moyenne cinquante-sept mois à une personne en situation de handicap pour trouver un logement adapté dans le parc social. Depuis la loi Elan, nombre de constructions neuves ne se préoccupent plus de l’accessibilité puisque le seuil de logements accessibles a été abaissé à 20 % – la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances prévoyait une obligation d’accessibilité de 100 %. J’ai compris que MaPrimeAdapt’ était davantage sollicitée par les personnes en perte d’autonomie que par celles en situation de handicap. Comment faire en sorte, par un réajustement budgétaire, que ce dispositif serve vraiment à rendre enfin les logements accessibles ?

Ensuite, quand le rapport évaluant l’application de l’article 64 de la loi Elan sera-t-il transmis au Parlement pour que nous puissions enfin juger de ses résultats et décider enfin de supprimer cet article ?

Mme Valérie Létard, ministre. Un comité interministériel du handicap s’est tenu le 6 mars autour du Premier ministre pour faire un point sur les mesures prises, sous l’autorité de Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre en charge de l’autonomie et du handicap, notamment pour ce qui concerne l’adaptation des logements existant.

Ainsi, 37 000 logements ont été adaptés en 2024 avec l’aide de MaPrimeAdapt’, dont le coût s’élève à 200 millions d’euros. Le dispositif, qui est prolongé en 2025, est accessible autant aux personnes en situation de handicap qu’aux personnes âgées en perte d’autonomie. Nous pourrons étudier dans le débat budgétaire une éventuelle hausse des crédits dès lors que leur maintien aura été assuré.

Avec Charlotte Parmentier-Lecocq, nous cherchons à développer les nouvelles formes d’habitat telles que l’habitat inclusif. 2 millions sont fléchés à l’Anah pour lancer quelques expérimentations dans ce domaine.

S’agissant de l’accessibilité des logements neufs, le rapport évaluant l’application de l’article 64 de la loi Elan a été transmis au Parlement fin avril. Quant à la mise en accessibilité des locaux de travail, les consultations sur le décret sur les locaux de travail neufs ont commencé ; le décret sur les locaux de travail existants fait l’objet d’un groupe de travail avec les associations ; la circulaire aux préfets renforçant les sanctions contre les établissements recevant du public (ERP) non accessibles est en cours de signature.

M. le président Éric Coquerel. S’agissant de la rénovation énergétique, l’avance évoquée par Emmanuel Mandon ou le prêt hypothécaire que je défends ont fait l’objet de propositions de loi ou d’amendements transpartisans que je vous invite à regarder.

De nombreux bailleurs sociaux demandent aux locataires de payer des régulations de charges très importantes – dans ma circonscription, la Semiso réclame jusqu’à 2 000 ou 3 000 euros. Chacun comprendra que ceux-ci, occupant des logements sociaux, n’ont pas les moyens de le faire. Ces charges supplémentaires sont essentiellement liées à la hausse des tarifs de l’électricité. Faute de pouvoir bénéficier d’un tarif réglementé, les bailleurs répercutent sur leurs locataires les augmentations. Que peut-on faire pour aider les bailleurs à surmonter ces difficultés, sachant que les communes ne peuvent pas les assumer ? Cela pose aussi la question de l’éligibilité au tarif réglementé des bailleurs sociaux.

Ensuite, les garanties et cautions demandées aux locataires potentiels constituent un frein notable à l’accès au parc locatif privé. Y a-t-il une réflexion engagée sur l’instauration d’une garantie de l’État ?

De la même manière – c’est l’un de mes vieux dadas –, l’exigence par les banques d’un apport personnel pour accorder un crédit pour l’achat d’un bien est un frein important. J’en ai parlé avec le gouverneur de la Banque de France. La solution n’est pas facile mais cette exigence limite énormément l’accession à la propriété.

Mme Valérie Létard, ministre. Il existe la garantie Visale, qui s’adresse aux étudiants et aux salariés dont le salaire net est inférieur à 1 500 euros. Elle est financée par Action logement pour un montant très significatif de plusieurs milliards d’euros. Elle permet d’accompagner de nombreux salariés et de nombreux jeunes dans l’accès au logement. Il n’est pas possible d’exiger une caution en plus de la garantie Visale.

En ce qui concerne le prix réglementé de l’énergie pour les bailleurs, j’entends votre remarque. Je n’ai pas de réponse immédiate à vous apporter.

Les charges liées à l’énergie peuvent fragiliser la situation des locataires de très bonne foi dans le parc social ou des locataires à faibles ressources dans le parc privé. C’est un sujet auquel je suis sensible et sur lequel il faut continuer à travailler pour imaginer de nouveaux outils susceptibles d’accompagner les ménages en difficulté face aux impayés. Les départements prennent toute leur part dans cet accompagnement. Alors que la part de la population en fragilité est importante, il faut faire preuve de la plus grande vigilance.

M. le président Éric Coquerel. Merci madame la ministre.

 


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mercredi 21 mai 2025 à 21 heures 30

 

Présents. - M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Emmanuel Fouquart, M. Christian Girard, M. François Jolivet, M. Aurélien Le Coq, M. Philippe Lottiaux, M. Emmanuel Mandon, Mme Sophie Pantel, Mme Eva Sas

Excusés. - M. Christian Baptiste, M. David Guiraud, M. Philippe Juvin, M. Mathieu Lefèvre, M. Corentin Le Fur, M. Jean-Paul Mattei, M. Nicolas Metzdorf, Mme Christine Pirès Beaune, M. Emmanuel Tjibaou

Assistaient également à la réunion. - Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, Mme Annaïg Le Meur