Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Audition de M. Julien Rencki, préalable à sa désignation en tant que directeur général du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) 2
– Examen pour avis, par délégation, de l’article 22 du projet de loi, adopté par le Sénat, de programmation pour la refondation de Mayotte (n° 1470) (M. Charles de Courson, rapporteur pour avis) 15
– Examen, en commission d’évaluation des politiques publiques, du rapport d’information sur l’impact et les évolutions possibles pour les dépenses fiscales en faveur du patrimoine de M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial de la mission Culture : Patrimoines 25
– Examen, en commission d’évaluation des politiques publiques, du rapport d’information sur l’aide publique au financement de la décarbonation du site ArcelorMittal de Dunkerque de M. Carlos Martens Bilongo, rapporteur spécial des missions Investir pour la France de 2030 et Plan de relance 26
– Examen, en commission d’évaluation des politiques publiques, du rapport d’information relatif à l’évaluation des résultats des centres éducatifs fermés de M. Jean-Didier Berger, rapporteur spécial de la mission Justice 27
– Examen, en commission d’évaluation des politiques publiques, du rapport d’information sur la réforme des bourses de MM. Charles Sitzenstuhl et Thomas Cazenave, rapporteurs spéciaux de la mission Recherche et enseignement supérieur : Enseignement supérieur et vie étudiante 28
– Présence en réunion................................29
Mercredi
11 juin 2025
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 128
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Éric Coquerel,
Président
— 1 —
La Commission entend M. Julien Rencki, préalablement à sa désignation en tant que directeur général du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO)
M. le président Éric Coquerel. M. Julien Rencki exerce depuis 2016 les fonctions de directeur général du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO). Son audition par notre commission, préalable à sa reconduction dans ces fonctions pour une durée de trois ans, est prévue par l’article L. 421-2 du code des assurances tel qu’il a été modifié par la loi du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, sur la proposition de notre collègue Daniel Labaronne.
Cette audition n’est pas suivie d’un vote, mais elle présente l’intérêt d’associer plus étroitement notre commission aux réflexions menées par le FGAO. Cet organisme a pour mission d’indemniser les victimes d’accidents de la circulation lorsque le responsable du sinistre n’était pas assuré ainsi que de prendre en charge les assurés victimes du retrait d’agrément de leur assureur. Il intervient également auprès des victimes d’accidents de chasse causés par des chasseurs non assurés ainsi que des propriétaires d’habitations endommagées par une activité minière.
M. Julien Rencki, directeur général du fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO). J’ai l’honneur d’exercer les fonctions de directeur général du FGAO depuis 2016. Le Gouvernement a bien voulu proposer ma reconduction pour un nouveau mandat de trois ans, ce qui me conduit à me présenter devant vous aujourd’hui. Je me réjouis de cette occasion d’évoquer l’action et les grands enjeux du fonds et de répondre à vos questions.
Le directeur général du FGAO exerce en réalité une double fonction : non seulement il gère les missions propres du FGAO, dont la principale est l’indemnisation des victimes d’accidents causés par des conducteurs non assurés ou en fuite, mais il est également chargé de mettre en œuvre, par délégation, les missions du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI), créé en 1986 sous l’impulsion de Françoise Rudetzki, inlassable porte-parole des victimes d’attentats et elle-même victime, que j’ai eu la chance de côtoyer pendant six ans – elle a été membre du conseil d’administration du fonds depuis la création de celui-ci et jusqu’à son décès, en 2022. Je suis heureux de pouvoir évoquer sa mémoire devant vous aujourd’hui.
Il y a donc deux fonds, deux organismes de service public, qui disposent chacun de leur conseil d’administration et de leurs ressources propres, mais qui sont gérés de manière intégrée par la même équipe, placée sous l’autorité du même directeur général. Ce modèle original, qui existe depuis quarante ans, a fait la preuve de sa pertinence en conciliant la pluralité des gouvernances, qui permet la représentation de chacune des parties prenantes, et l’unité de la gestion, gage d’efficacité et de réactivité salué par la Cour des comptes.
Le FGAO et le FGTI, rassemblés pour plus de lisibilité sous la dénomination commune de « fonds de garantie des victimes », ont de nombreux points communs, à commencer par ce qui constitue leur raison d’être : l’indemnisation des victimes qui n’ont d’autre recours que la solidarité nationale face à la violence – terroriste, criminelle de droit commun ou routière – qui les a frappées. La prise en charge de leurs dommages, souvent graves, constitue le cœur des compétences et de l’engagement des 390 collaborateurs du fonds de garantie des victimes, rassemblés à Vincennes et à Marseille. Ainsi, en 2024, le fonds a pris en charge 110 000 victimes et versé 840 millions d’euros d’indemnités. Mais après avoir indemnisé une victime, il se retourne contre le responsable du crime ou de l’accident, lorsqu’il est connu, pour exercer, dans la limite de la solvabilité dudit responsable, un recours subrogatoire ; 125 millions d’euros ont ainsi été recouvrés l’année dernière.
J’en viens maintenant aux spécificités de chacun des deux fonds.
Le FGAO est administré par un conseil constitué de douze membres, dont sept sont désignés par le secteur de l’assurance et cinq sont des personnalités qualifiées nommées par l’État. Ce dernier est par ailleurs représenté par un commissaire du gouvernement, aux pouvoirs étendus.
La principale mission du FGAO est la prise en charge des victimes d’accidents de la route dont l’auteur n’est pas assuré ou a pris la fuite. Ainsi, 8 000 victimes de dommages corporels, dont les proches de 168 victimes décédées, ont été indemnisées l’année dernière.
Le phénomène de la conduite sans assurance est un fléau, tant pour les victimes que pour la collectivité des assurés, qui en supporte l’essentiel du coût à travers la contribution de 1,2 % sur les primes d’assurance de responsabilité civile automobile versée au FGAO, et pour les conducteurs eux-mêmes, souvent jeunes, qui ont fait preuve de négligence ou de légèreté en choisissant de ne pas s’assurer et doivent donc, en cas d’accident, rembourser au fonds de garantie des sommes parfois très élevées.
Si le nombre de victimes prises en charge tend à décroître depuis quelques années – ce qui est évidemment une bonne nouvelle –, le coût de la non-assurance, lui, continue de progresser. Dans ce contexte, le FGAO connaît une situation financière fragile, caractérisée par un déficit de fonds propres de l’ordre d’une centaine de millions d’euros. Le retour à l’équilibre suppose un renforcement des actions de lutte contre la non-assurance, grâce notamment à l’utilisation accrue du fichier des véhicules assurés (FVA).
Pour sa part, le FGTI est administré par un conseil de neuf membres, dont quatre représentants de l’État, trois représentants des victimes et un représentant du secteur de l’assurance. Il est présidé par une magistrate issue de la Cour de cassation.
Le FGTI a été très fortement mobilisé, depuis dix ans, dans le contexte de la vague d’attentats sans précédent qu’a connue notre pays. Depuis le début de l’année 2015, il a ainsi indemnisé 7 700 victimes au titre de 96 attentats ayant frappé la France ou des Français à l’étranger – attentats qui, au total, ont causé la mort de plus de 360 personnes. Le FGTI a notamment pris en charge près de 3 000 victimes des attentats du 13 novembre 2015, ainsi que 2 800 victimes de celui commis à Nice le 14 juillet 2016.
Confronté à un choc opérationnel majeur, comme l’ensemble des acteurs de l’aide aux victimes, le fonds s’est transformé en profondeur pour mieux répondre aux attentes des victimes. Cette transformation est le résultat d’un dialogue approfondi mené avec les associations de victimes, que j’ai d’ailleurs eu l’honneur de réunir hier pour faire un point sur nos actions, lesquelles visent trois grands objectifs.
Il s’agit tout d’abord de mieux accompagner les victimes, notamment sur le terrain. Ainsi, chaque victime dispose, au sein du fonds de garantie, d’un interlocuteur dédié et spécialement formé, dont elle connaît le nom et le numéro de téléphone. Dès que c’est possible, nos chargés d’indemnisation se déplacent sur le terrain. Au cours des sept dernières années, ils ont ainsi réalisé plus de 2 800 déplacements auprès des victimes. Présentes sur place dès la survenance de l’attentat, que ce soit en France – comme récemment à Arras ou à Mulhouse – ou à l’étranger, les équipes accompagnent les victimes tout au long du processus d’indemnisation.
Le deuxième objectif est de faciliter l’accès des victimes à leurs droits. Le droit français de l’indemnisation repose sur le principe de la réparation intégrale et individualisée – c’est-à-dire non forfaitaire – des préjudices. Très complet, il est aussi complexe : c’est pourquoi nous déployons de grands efforts d’information et de pédagogie pour permettre aux victimes d’exercer leurs droits dans les meilleures conditions.
Enfin, nous voulons apporter aux victimes des solutions concrètes afin de mieux répondre à leurs besoins. Une indemnisation purement financière ne répond en effet pas toujours à leurs attentes. De ce fait, le fonds leur propose désormais une réparation en nature, qui vise à rendre l’indemnisation plus effective. Parmi les services proposés, on peut notamment citer l’accompagnement au retour à l’emploi, le soutien scolaire – je pense aux nombreux mineurs victimes de l’attentat de Nice –, ou encore, pour les victimes en situation de handicap, la mise en relation avec un architecte spécialisé dans l’aménagement du domicile.
Depuis 2015, le FGTI a fait la preuve de sa capacité d’adaptation et de son efficacité au service des victimes. Saluée par la Cour des comptes, l’action du fonds est, dans l’ensemble, perçue positivement par les victimes, même si l’indemnisation ne sera, par définition, jamais à la hauteur des traumatismes subis.
J’en viens à la deuxième mission du FGTI, la prise en charge des victimes d’infractions de droit commun. Elle est régie par une procédure particulière, puisque les victimes doivent d’abord saisir une juridiction spécialisée, la commission d’indemnisation des victimes d’infraction (Civi), qui transmet ensuite la demande au FGTI pour instruction.
L’année dernière, 29 000 victimes ont été prises en charge au titre de cette procédure. Ce chiffre est en constante augmentation : entre 2019 et 2024, le nombre de victimes indemnisées a ainsi progressé de 28 %, sous l’effet de la hausse sensible du nombre de victimes de blessures volontaires et de violences sexuelles. Ces évolutions reflètent celles de l’activité judiciaire, mais avec quelques années de décalage, puisque la procédure Civi intervient généralement après la condamnation pénale.
Le FGTI est mobilisé, avec l’ensemble des acteurs de l’aide aux victimes, pour accompagner au mieux ces personnes et leur permettre de faire valoir leurs droits. J’ai à cet effet noué une collaboration étroite avec la fédération France Victimes et son réseau d’associations locales d’aide aux victimes, qui jouent un rôle très important. Même si l’indemnisation intervient souvent tardivement, pour les raisons de procédure que j’évoquais à l’instant, on peut se féliciter qu’elle s’inscrive, dans 85 % des cas, dans un cadre amiable.
La troisième mission du FGTI, créée en 2008, est l’aide au recouvrement des victimes d’infractions. Nous intervenons pour permettre aux victimes non éligibles à la procédure Civi de recouvrer, totalement ou partiellement, les dommages et intérêts que le juge pénal leur a alloués. En 2024, 60 000 personnes ont bénéficié de ce dispositif.
Je souhaite appeler votre attention sur la situation financière très dégradée du FGTI. Au 31 décembre 2024, son déficit de fonds propres s’établissait à quelque 6 milliards d’euros : il ne dispose que d’environ 3 milliards d’euros d’actifs, mis en réserve, pour faire face aux 9 milliards d’euros de « provisions techniques » correspondant aux engagements envers les victimes au titre d’infractions déjà survenues. Si le FGTI ne connaît pas de difficultés de trésorerie à ce stade, il fait donc face à un problème de solvabilité à moyen terme.
Cette situation n’est pas nouvelle, mais elle s’aggrave. Dans un référé adressé à l’État en novembre 2020, la Cour des comptes l’avait déjà jugée « particulièrement inquiétante ». Elle s’explique par un effet de ciseau structurel entre la croissance des dépenses d’indemnisation et celle, beaucoup moins rapide, des ressources. Ainsi, au cours des cinq dernières années, les dépenses d’indemnisation ont progressé en moyenne de 7,5 % par an quand les recettes n’ont augmenté que de 2,5 %.
La progression des dépenses s’explique par le dynamisme de l’indemnisation des victimes d’infractions de droit commun, qui représente 85 % de l’ensemble des indemnités versées en 2024. Cette hausse résulte de l’augmentation du nombre de victimes, mais aussi du montant moyen des indemnisations.
Face à cette progression spontanée des dépenses, les ressources ne suivent pas. Le financement du FGTI repose à 80 % sur la contribution forfaitaire prélevée sur les contrats d’assurance de dommages aux biens. Cette dernière a été portée, le 1er juillet 2024, à 6,50 euros, ce qui correspond au plafond légal – elle ne peut donc plus être relevée par le Gouvernement. Toutefois, cette hausse ne suffira pas à rééquilibrer le modèle financier. À moins d’envisager de réduire le périmètre d’intervention du FGTI, il me paraît donc nécessaire de réformer cette contribution afin de ne pas reporter la charge sur les générations futures et de garantir la pérennité financière du fonds. C’est un sujet majeur, sur lequel vous aurez certainement des questions.
Je conclurai mon propos en évoquant les priorités que je me fixe pour mon nouveau mandat, dans la continuité des précédents. Je suis convaincu que la transformation de l’action publique nécessite du temps.
Ma priorité est bien évidemment l’accompagnement des victimes. Le fonds de garantie s’est déjà beaucoup transformé, et l’action de ses collaborateurs est reconnue et saluée, mais il nous faut poursuivre dans cette voie en associant toujours plus les victimes elles-mêmes. L’objectif doit être de donner plus de sens à l’indemnisation, qui mobilise des ressources publiques importantes, en en faisant un véritable levier de reconstruction des victimes.
Ma deuxième priorité est de conforter l’outil précieux que constitue le fonds de garantie des victimes, que certains de nos voisins européens nous envient. Là aussi, il s’agit de poursuivre le travail de modernisation entrepris, notamment pour renforcer la résilience du fonds et sa capacité à faire face à des crises, notamment terroristes. Cela suppose aussi de continuer à veiller au bien-être des salariés du fonds, qui remplissent leur mission avec efficacité et dévouement, dans des conditions souvent difficiles. Je souhaite leur rendre hommage devant vous.
Le troisième enjeu fondamental, que je viens d’évoquer, est celui du modèle de financement du FGTI.
M. le président Éric Coquerel. Chers collègues, devant nous quitter bientôt en raison de certains engagements, M. Labaronne, auteur de la disposition en application de laquelle nous entendons maintenant M. Rencki, s’exprimera avant le rapporteur général et moi-même, et les orateurs des groupes.
M. Daniel Labaronne (EPR). Je souhaite souligner l’importance des missions confiées aux deux entités que vous dirigez, le FGAO et le FGTI. Ces deux fonds sont les garants d’un principe fondamental de notre République, en vertu duquel la solidarité nationale doit prendre le relais lorsque le droit commun ne suffit plus à protéger.
Le FGAO a versé des indemnités d’un montant élevé, souvent dans des situations de grande détresse, notamment lorsqu’un conducteur non assuré ou non identifié est impliqué dans un accident. Il est financé par une contribution assise sur les primes d’assurance automobile, mais sa situation financière appelle à la vigilance. Si sa trésorerie reste excédentaire à court terme, la Cour des comptes souligne une dégradation progressive de l’équilibre à moyen terme.
Le FGTI, quant à lui, indemnise les victimes d’attentats ou d’infractions pénales graves. Financé par une contribution de 6,50 euros par contrat d’assurance, il a permis de réagir à des crises majeures, mais, là aussi, nous pouvons nous interroger sur sa soutenabilité à moyen terme, surtout si l’intensité des événements ouvrant droit à indemnisation venait à augmenter.
À l’heure où les sinistres lourds se multiplient, qu’ils relèvent de l’incivilité routière ou de la menace terroriste, il me paraît essentiel de s’assurer que les modèles économiques de ces deux fonds restent viables et socialement justes. La question de l’évolution des contributions et de la mobilisation de nouveaux revenus, voire d’une meilleure articulation avec les assureurs privés, mérite d’être posée.
Quelles pistes envisagez-vous pour garantir à long terme la pérennité financière de ces deux piliers silencieux de notre solidarité nationale ? Comment entendez-vous renforcer la lisibilité, l’efficacité et la célérité des procédures d’indemnisation, qui sont autant de facteurs de dignité pour les victimes ?
M. Julien Rencki. Monsieur le député, je vous dois de me trouver devant votre commission aujourd’hui. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de présenter l’action du fonds de garantie.
La situation financière du FGAO est certes toujours déficitaire, puisque ses capitaux propres sont négatifs, mais elle a tendance à s’améliorer dans un contexte où le nombre de victimes d’accidents causés par des conducteurs non assurés est en diminution. Le FGTI connaît, quant à lui, une situation très gravement déséquilibrée ; pour ce qui le concerne, je ne vois pas de mécanisme spontané de redressement, d’où la nécessité de réformer la contribution.
La situation financière du FGAO est déterminée par l’évolution du phénomène de non-assurance. Celle-ci apparaît contrastée, selon les chiffres pris en compte. Si l’on en croit les données des forces de l’ordre, le nombre de délits pour conduite sans assurance progresse très fortement – il a doublé en cinq ans –, mais on peut penser que cela résulte avant tout de l’amélioration des contrôles et de la procédure de sanction, dont nous pouvons nous féliciter. D’une part, l’introduction d’une amende forfaitaire délictuelle a permis d’accélérer considérablement la sanction des conducteurs non assurés. D’autre part, le FVA, créé en 2019 avec le soutien du fonds de garantie, permet aux forces de l’ordre de contrôler automatiquement le respect de cette obligation en relevant la plaque d’immatriculation d’un véhicule – si ce dernier ne figure pas dans le fichier, il sera verbalisé. À mon sens, ces chiffres témoignent donc davantage d’une efficacité renforcée des contrôles que d’une explosion de la non-assurance, d’autant que le FGAO, qui ne connaît que les véhicules non assurés qui causent des accidents, perçoit une baisse de ce phénomène.
Ainsi, il n’y a pas d’explosion de la non-assurance en France : l’immense majorité de nos concitoyens sont heureusement assurés, et le FVA compte 57 millions de véhicules. Néanmoins, ce phénomène n’a pas disparu. Il prend même des formes nouvelles : ainsi, nous avons pris en charge, l’année dernière, près de 500 victimes de dommages corporels causés par des trottinettes électriques, alors que ces engins sont assujettis à l’obligation d’assurance.
S’agissant du modèle financier du FGAO, je pense non pas qu’il faille relever le montant des contributions qui l’alimentent, mais plutôt qu’il faut renforcer la politique de lutte contre la non-assurance, en exploitant peut-être encore davantage le FVA, notamment grâce à une plus grande automatisation des contrôles. Ces actions relèvent naturellement du Gouvernement, non du FGAO.
J’en reviens au FGTI, qui se trouve confronté, comme je le disais tout à l’heure, à une situation financière très déséquilibrée. Il est possible d’agir sur les ressources comme sur les dépenses.
Les ressources du FGTI sont au nombre de trois. Le fonds dispose d’abord de deux ressources propres. La première est le produit des recours exercés contre les responsables des dommages, qui représente à peu près 13 % de l’ensemble des ressources. Bien que nos équipes accomplissent au quotidien des efforts considérables afin que les responsables paient pour les dommages qu’ils ont causés, nous sommes évidemment tributaires de leur solvabilité, qui est souvent limitée. La seconde ressource propre est constituée par les produits financiers dégagés par les 3 milliards d’euros d’actifs que nous gérons, qui constituent 7 % des ressources totales. Ainsi, 80 % de nos ressources proviennent de la contribution de 6,50 euros due au titre de chaque contrat d’assurance.
Il convient d’envisager une réforme de cette contribution, qui est purement forfaitaire : son montant est identique quelle que soit la valeur du contrat – qu’il s’agisse de l’assurance multirisque habitation d’un pavillon ou de celle d’un château –, ce qui n’est pas très égalitaire, mais il s’agit là d’une considération politique sur laquelle je n’ai aucun jugement à porter. Par ailleurs, cette contribution n’est pas du tout dynamique : ainsi, sa valeur réelle s’est érodée au fil du temps. Peut-être faudrait-il la rendre proportionnelle, sur son assiette actuelle ou sur d’autres assiettes. Encore une fois, c’est à vous qu’il revient de mener cette réflexion.
Du côté des dépenses, l’ampleur de la solidarité nationale mise en œuvre à l’égard des victimes est un sujet très sensible politiquement. Il existe quelques pistes, notamment une proposition formulée par la Cour des comptes consistant à soumettre à une condition de ressources le service d’aide au recouvrement des victimes d’infraction (Sarvi), dont bénéficient aujourd’hui 60 000 de nos compatriotes.
Soyez rassurés, le FGTI n’est pas confronté à des difficultés de trésorerie : il est tout à fait capable de financer les indemnisations qu’il faudra verser dans les prochaines années. Cependant, à terme, nous aurons un vrai problème de solvabilité.
M. le président Éric Coquerel. Vous venez de répondre à la question que je voulais poser sur le montant de la taxe attentat qui a été portée récemment à 6,50 euros, puisque vous avez appelé de vos vœux une réflexion à ce sujet.
Le baromètre de la non-assurance publié par le FGAO relève : « Sur 80 000 conducteurs impliqués dans un accident corporel ayant fait l’objet d’un procès-verbal des forces de l’ordre en 2022, près de 4 200 n’avaient pas d’assurance. Ce chiffre a de quoi alerter, puisqu’il progresse de plus de 50 % depuis 2017. » Comment l’expliquez-vous, et comment enrayer ce phénomène ?
Par ailleurs, vous avez noué de nombreux partenariats, notamment avec la délégation interministérielle à l’aide aux victimes, la délégation à la sécurité routière, le Centre national de ressources et de résilience, des associations, ou encore France Assureurs. Quels sont les partenariats dont le renforcement vous paraîtrait prioritaire, et pour quelles raisons ? Quels sont les partenariats nouveaux que vous souhaiteriez conclure au cours de votre nouveau mandat ?
M. Julien Rencki. Les chiffres du ministère de l’intérieur témoignent d’une forte hausse du nombre de conducteurs sanctionnés pour conduite en défaut d’assurance. Le quasi-doublement de la part des conducteurs non assurés impliqués dans des accidents corporels est particulièrement frappant. Encore une fois, cependant, je pense que cette évolution s’explique largement par l’amélioration des outils de contrôle et de la procédure de sanction, à savoir l’introduction de l’amende forfaitaire délictuelle en 2018 et la création du FVA.
La non-assurance n’en reste pas moins un fléau. Il est important de lutter contre ce phénomène, ce qui suppose d’en comprendre les causes – c’est ce que nous tentons de faire dans le baromètre que vous avez bien voulu citer – et de dresser le portrait-robot du non-assuré. Il s’agit d’un homme dans 80 % des cas, de moins de 30 ans dans 50 % des cas, souvent sans revenus ou avec des revenus faibles, et qui cumule les infractions routières dans 40 % des cas. Aussi les déterminants de la conduite sans assurance sont-ils de trois ordres.
Le premier déterminant est ce que j’appellerais la méconnaissance. Nos études montrent que les Français – en particulier les jeunes, qui sont les plus concernés par ce phénomène – savent qu’il existe une obligation d’assurance mais n’en connaissent pas exactement la portée. Ils n’ont pas en tête que l’obligation ne porte pas sur l’assurance en général, mais sur l’assurance de responsabilité civile, au titre des dommages qu’ils sont susceptibles de causer à des tiers. Il y a donc un véritable enjeu de pédagogie et d’information. Le fonds de garantie déploie de nombreux efforts, y compris sur le terrain, en lien avec les missions locales, pour informer les jeunes.
Le deuxième facteur d’explication relève de la délinquance routière. Il arrive que ceux qui roulent sans permis ou ne respectent pas le code de la route ne respectent pas non plus l’obligation d’assurance.
Le troisième déterminant est d’ordre économique. L’accès à la mobilité automobile représente un budget significatif, entre les leçons de conduite, le véhicule et le carburant. Dans ce contexte, certains jeunes, en particulier des primo-conducteurs, peuvent être tentés de faire l’impasse sur l’assurance, d’autant que le montant des primes est parfois très élevé, le risque que représente un primo-conducteur étant, du point de vue de l’assureur, plus élevé que pour un conducteur aguerri. Il convient donc de réfléchir à la façon de faciliter l’accès des jeunes à la mobilité automobile, et donc à l’assurance, notamment dans les zones rurales dépourvues de transports collectifs.
Effectivement, nous avons noué de nombreux partenariats, parce que notre action s’inscrit dans l’écosystème de la prise en charge des victimes. Il est important que tous les maillons de la chaîne travaillent main dans la main : nous y œuvrons quotidiennement. L’un des partenariats que je souhaite particulièrement renforcer est celui conclu avec la fédération France Victimes, laquelle est représentée dans chaque département par des associations locales d’aide aux victimes. Ces partenaires clés nous signalent les situations les plus sensibles et relaient nos messages de pédagogie et d’information sur l’accès aux droits des victimes.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je m’interroge sur la nature juridique du FGTI, dont le code des assurances nous dit qu’il est « doté de la personnalité civile ». S’agit-il d’un fonds de droit public ou d’un fonds de droit privé ? Est-il doté de la personnalité morale ?
Par ailleurs, votre équipe est de nature hybride, si j’ose dire, puisqu’elle gère en même temps deux fonds différents. Ne faudrait-il pas les fusionner ?
Comme vous le dites vous-même, la situation financière du FGTI est catastrophique, bien qu’il n’y ait pas de problème de trésorerie – j’y reviendrai tout à l’heure. L’alimentation du fonds par une contribution plafonnée à 6,50 euros par contrat d’assurance de dommages aux biens, quel que soit le montant de ce dernier, ne peut que vous mettre en difficulté. Ce régime paraît d’autant plus étrange que le FGAO est, quant à lui, alimenté par une contribution de 1,2 % sur les primes d’assurance de responsabilité civile automobile. Ne faudrait-il pas tout simplement remplacer cette taxe forfaitaire par une taxe proportionnelle, comme vous l’avez vous-même suggéré tout à l’heure ? Dans cette hypothèse, de quel ordre serait cette taxe ?
Quelle est votre position sur le mode d’indemnisation ? Les victimes ont-elles le choix entre une indemnisation sous la forme d’une rente et une indemnisation sous la forme du versement d’un capital ou la décision revient-elle au fonds ?
Enfin, quelle est la proportion de véhicules non assurés ? Pour lutter contre ce phénomène, l’obligation de produire un certificat d’assurance lors de la vente d’un véhicule ne serait-elle pas une mesure de prévention efficace ?
M. Julien Rencki. Lors de la création du FGAO, en 1951, le législateur a précisé qu’il s’agissait d’une personne morale de droit privé ; son statut est donc clair. En ce qui concerne le FGTI, créé en 1986, il s’est contenté d’indiquer qu’il était doté de la personnalité civile, sans préciser si cette personne morale était de droit privé ou de droit public. Son intention était, semble-t-il, de le considérer comme relevant du droit privé, à l’instar du FGAO, auquel il était rattaché, mais, dans le silence de la loi, le Conseil d’État a été amené à estimer, dans un avis de 2019, qu’il s’agissait d’une personne morale de droit public. Le FGAO est donc de droit privé et le FGTI de droit public.
Le dispositif est, certes, un peu hétérodoxe, mais il fonctionne. Néanmoins, il serait souhaitable que le législateur clarifie le statut juridique du FGTI. Je signale, à ce propos, que le statut privé présente l’avantage d’offrir une très grande souplesse et de permettre une très grande réactivité. Ainsi, lors de l’attentat de Nice, survenu quelques jours après ma prise de fonctions, j’ai pu renforcer très rapidement les moyens nécessaires à la prise en charge des victimes grâce au statut privé du FGAO, lequel gère l’ensemble des moyens, notamment les salariés. L’État a engagé une réflexion sur la question du statut du FGTI, mais elle n’a pas encore abouti.
Quant à la fusion des deux fonds, je suis tenté de vous répondre qu’elle a déjà eu lieu puisqu’ils partagent l’ensemble des équipes et des moyens. Il convient, me semble-t-il, de maintenir les deux gouvernances distinctes, car il est important que chaque catégorie de victimes se sente représentée. Au demeurant, les supprimer pour leur substituer un seul conseil d’administration ne produirait aucune économie.
S’agissant de la situation financière, le cœur du problème réside dans le fait que la contribution qui finance le FGTI est forfaitaire. Ma recommandation – la décision appartenant au Parlement et au Gouvernement – serait d’adopter un mécanisme proportionnel, à l’instar de ce qui existe pour le FGAO. Je ne peux pas vous dire quel serait le taux de la contribution : cela appelle une réflexion, qui pourrait s’étendre à l’assiette.
Le mode d’indemnisation – rente ou capital – est très important car il y va de l’intérêt des victimes. La politique du fonds de garantie est de proposer, lorsque c’est possible, une indemnisation sous forme de rente, plus protectrice pour la victime, mais c’est à cette dernière – en pratique, souvent, à son conseil – qu’il appartient de choisir. En effet, lorsque nous versons en capital une indemnité de plusieurs millions d’euros à une très jeune victime lourdement handicapée, il nous arrive de constater, quelques années plus tard, que les parents ont fait construire une piscine ou acheté une voiture de luxe et que l’argent destiné à l’enfant ne lui a pas du tout profité. Par ailleurs, un versement en capital très significatif expose les personnes qui ne sont pas formées à gérer des sommes de cette importance à un risque de pertes. La rente, plus protectrice pour les victimes, est, certes, plus complexe à gérer, mais cela relève de notre mission de service public.
Enfin, le ministère de l’intérieur estime à 650 000 le nombre des véhicules non assurés, soit environ 1 % du parc automobile français. Notre pays doit encore progresser pour éradiquer la non-assurance. D’autres pays y sont parvenus. En Allemagne, par exemple, où le taux de non-assurance est de l’ordre de 0,1 %, la souscription préalable d’une assurance conditionne non seulement la vente, mais aussi l’immatriculation du véhicule.
M. le président Éric Coquerel. Cela va de pair avec le droit à la mobilité, notamment des primo-conducteurs.
M. Eddy Casterman (RN). Le FGAO, pilier de l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation provoqués par des délinquants de la route non assurés, permet d’appréhender un phénomène délictuel très inquiétant, à savoir l’augmentation continue du nombre de conducteurs non assurés, qui a quintuplé entre 2017 et 2023. Le montant des indemnités versées par le fonds est d’autant plus important que ces délinquants sont impliqués dans plus de 5 % des accidents de la route et que, selon l’Observatoire national de la sécurité routière, un automobiliste non assuré a quatre fois plus de risques de causer un accident mortel. Or ce sont les automobilistes qui en supportent le coût en devant s’acquitter, dans le cadre de leurs primes d’assurance, d’une contribution supplémentaire destinée à pallier les conséquences souvent dramatiques de l’irresponsabilité de ceux qui violent la loi.
Premièrement, comment expliquez-vous qu’entre 2022 et 2023, le montant des indemnités ait augmenté de près de 30 % alors que le nombre des victimes indemnisées baissait de 10 % au cours de la même période ? Cette dynamique s’est-elle confirmée en 2024 ?
Deuxièmement, avez-vous des données sur le taux de refus des dossiers après instruction et sur les raisons invoquées ? Le FGAO est-il l’objet de reproches similaires à ceux qui sont adressés au FGTI au sujet de l’accompagnement des victimes ?
Troisièmement, quelle part des indemnités versées par le FGAO les sommes réellement recouvrées auprès des conducteurs représentent-elles ?
Enfin, le modèle de financement des deux fonds est-il réellement consolidé ou doit-on s’attendre à une augmentation de la contribution financière liée aux primes d’assurance dans les années à venir ?
M. Julien Rencki. On observe bien une progression du nombre des délits de non-assurance routière, qui témoigne sans doute moins d’une explosion du phénomène que d’une amélioration des contrôles.
La baisse du nombre des victimes prises en charge par le FGAO est liée à la diminution, au cours des dernières années, du nombre des accidents de la route, parmi lesquels les accidents non assurés. Le montant des indemnités, quant à lui, progresse, en raison de ce que l’on appelle la dynamique de l’indemnisation du dommage corporel, laquelle est liée à l’allongement de l’espérance de vie, au coût des soins et à une jurisprudence plus protectrice pour les victimes.
La procédure est mise en œuvre dans des conditions assez satisfaisantes, comme en témoigne le taux d’accords amiables, qui est de l’ordre de 85 %. Il peut y avoir des refus car la loi dispose que l’intervention du FGAO est subsidiaire, de sorte qu’il lui appartient de vérifier, pour ménager la ressource publique, qu’un autre acteur n’est pas susceptible de prendre en charge le dommage – un assureur, par exemple.
Le recouvrement est bien entendu une mission fondamentale du fonds de garantie : les auteurs doivent payer pour les dommages qu’ils causent. Hélas, le FGAO se heurte à une solvabilité moyenne très faible. Ainsi, l’an dernier, nous avons recouvré environ 12 millions d’euros pour 123 millions d’euros versés au titre de l’indemnisation des victimes d’accidents non assurés. Il est difficile de définir un taux car les montants recouvrés en 2024 concernent en partie des accidents antérieurs, mais nous constatons qu’en dépit des efforts fournis, le recouvrement est difficile. À ce propos, je remercie votre commission d’avoir soutenu l’introduction, dans la loi de finances pour 2025, d’une mesure ouvrant l’accès du fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) au FGAO, qui pourra ainsi agir plus efficacement.
Enfin, s’agissant du modèle de financement, l’enjeu est différent pour l’un et l’autre fonds : pour le FGAO, il est lié, plutôt qu’à un relèvement des contributions, au renforcement des contrôles grâce à l’accès au fichier des véhicules assurés ; pour le FGTI, il conviendrait de mener une réflexion sur la refonte de la contribution.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Estimez-vous que le niveau de l’indemnisation des victimes est satisfaisant au regard de la profitabilité des compagnies d’assurances ou faut-il renforcer la pression exercée sur ces dernières ?
En ce qui concerne les accidents de chasse, l’intervention du fonds se limite probablement à ceux qui ont été causés par des chasseurs sans permis puisqu’il me semble que le titulaire d’un permis de chasse est automatiquement assuré. Ces interventions sont-elles en augmentation ou en recul ?
M. Julien Rencki. Sur le premier point, vous me permettrez d’être prudent, car il ne s’agit pas du cœur de ma mission. En tout état de cause, la notion de profitabilité ne s’applique évidemment pas au fonds de garantie, qui est un service public.
Par ailleurs, nous intervenons en effet auprès des victimes d’accidents de chasse causés par des chasseurs non assurés – ainsi que par des animaux sauvages, du reste. Ces interventions sont résiduelles : elles se limitent à quelques cas par an.
M. Philippe Brun (SOC). J’ai trois questions brèves. Premièrement, quelle est l’appréhension du risque terroriste par le comité de pilotage ? Deuxièmement, qu’en est-il des victimes civiles de guerre ? Enfin, quel est l’impact de la hausse de la sinistralité sur votre politique d’investissement et quelle est l’évolution de cette dernière sur les marchés financiers ?
M. Julien Rencki. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur le risque terroriste. Sur ce point, je m’en remets aux déclarations du procureur national antiterroriste, qui confirme l’existence d’une menace élevée dans notre pays. Notre rôle est de nous tenir prêts en cas de survenance d’un attentat : nous devons être capables d’envoyer une équipe sur le terrain dans un délai très bref pour prendre contact avec les victimes et leurs proches et mobiliser les premières provisions, qui sont des acomptes sur l’indemnisation définitive.
Le statut de victime civile de guerre est attribué aux victimes d’attentats. Nous travaillons en lien étroit avec l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG), chargé de le mettre en œuvre.
Enfin, notre politique d’investissement porte sur 6 milliards d’euros d’actifs, répartis à parts égales entre le FGTI et le FGAO. Ces réserves ne sont pas destinées à l’indemnisation des victimes de demain ou d’après-demain ; elles doivent nous permettre de finaliser l’indemnisation versée au titre d’événements déjà survenus, car les rentes que nous avons commencé à verser en 2024 seront servies pendant des dizaines d’années.
En 2022, le Trésor a revu le cadre prudentiel dans lequel s’inscrit notre politique d’investissement, laquelle doit concilier les objectifs de sécurité et de rentabilité. En 2024, cette dernière a été très satisfaisante puisqu’elle s’est établie à environ 6 % en moyenne. Bien entendu, la rentabilité d’un portefeuille comme le nôtre s’évalue sur le temps long : depuis 2012, elle est, en moyenne annuelle, de 3,8 %. Ce bon résultat permet d’économiser de l’impôt.
M. Nicolas Ray (DR). Pourriez-vous nous rappeler le délai moyen qui s’écoule entre le dépôt du dossier et le versement de l’indemnisation ? Ce délai a-t-il évolué depuis votre prise de fonctions ?
Comment pouvons-nous faire évoluer la législation de manière à limiter l’insolvabilité des auteurs d’accidents ? Je pense aux règles qui s’appliquent en matière de prescription et d’insaisissabilité de certains actifs, par exemple.
Quel a été l’impact de l’abaissement à 17 ans de l’âge minimal auquel il est possible d’obtenir le permis de conduire ?
Enfin, la complexité de notre système d’indemnisation des victimes d’atteintes aux personnes, due à l’existence de différentes instances – la Civi (commission d’indemnisation des victimes d’infraction) et le Sarvi – retarde le versement des indemnités.
M. Julien Rencki. La loi dispose que l’indemnisation ne peut être finalisée qu’au moment de la consolidation, c’est-à-dire lorsque le médecin expert constate que l’état de santé de la victime ne peut plus se dégrader ni s’améliorer et qu’il est donc stabilisé, mais il ne s’agit pas d’attendre plusieurs années pour indemniser la victime. Nous lui versons donc, dès la survenance de l’événement, autant de provisions que nécessaire pour l’aider à faire face à ses besoins. Néanmoins, la finalisation complète de son indemnisation ne pourra intervenir qu’après la consolidation de son état de santé. Il est donc difficile de donner un délai moyen ; cela dépend de la situation de la victime. L’État nous fixe, notamment en matière d’offre et de versement de la première provision, des délais que nous nous efforçons de respecter, mais le temps de l’indemnisation est le temps du soin.
Par ailleurs, le dispositif vise précisément à éviter que la victime d’un accident, d’une infraction ou d’un attentat ne soit tributaire de la solvabilité de l’auteur. Par conséquent, nous l’indemnisons et mettons en œuvre la réparation intégrale, comme il se doit, avant de nous retourner contre l’auteur. Notre politique, en la matière, consiste à privilégier un règlement amiable. Nous y parvenons dans 90 % des cas, de sorte que nous ne recourons à une procédure judiciaire que dans les 10 % de cas restants, lorsque l’auteur est manifestement de mauvaise foi et ne veut pas s’acquitter de sa dette. À l’exception de l’accès au Ficoba, le fonds de garantie n’a pas de privilège exorbitant du droit commun en matière de recours ; il ne peut notamment pas émettre de titre exécutoire.
Cela me conduit à évoquer la complexité des dispositifs d’indemnisation. Le principal, la procédure Civi, ouvre droit à des niveaux d’indemnisation variables selon les situations, depuis l’indemnisation plafonnée jusqu’à la réparation intégrale dans les cas les plus graves. Quant à la procédure Sarvi, qui concerne la majorité des 60 000 victimes auprès desquelles nous intervenons, elle fonctionne globalement bien, puisque 70 % des personnes qui y ont recours vont être désintéressées intégralement, rapidement et gratuitement. À celles qui ont un mandat – c’est le cas lorsque le montant des créances qui leur sont dues est supérieur à 1 000 euros –, nous versons immédiatement une partie de la somme, le reste ne leur étant payé que si nous le recouvrons nous-mêmes auprès de l’auteur. Or, contrairement à ce que pensent un certain nombre de nos concitoyens, le mandat de recouvrement n’aboutit pas forcément. Nous faisons le maximum, grâce à des équipes très mobilisées, mais, après dix ans, nous recouvrons environ 30 % de l’ensemble des créances des victimes. C’est un beau résultat, mais je comprends qu’il soit un peu décevant pour certaines victimes. Il conviendrait de clarifier les choses à cet égard : l’aide au recouvrement n’est pas une garantie de recouvrement.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je me réjouis que, grâce à la modification, sur proposition de Daniel Labaronne, du code des assurances par la loi du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, nous puissions vous auditionner pour la première fois alors que vous allez être reconduit, pour un quatrième mandat, à la direction générale du FGAO.
Ma question porte sur la prévention des risques. Quels sont vos projets pour réduire la conduite sans assurance au cours des trois prochaines années ?
M. Julien Rencki. Pour lutter contre la non-assurance, il convient d’actionner trois leviers : la prévention, la répression et le facteur économique.
La prévention est une des missions légales du FGAO. Nous y consacrons beaucoup d’énergie, d’abord pour faire connaître le phénomène. Ainsi, nous publions un baromètre de la non-assurance – le prochain devrait sortir incessamment – et réalisons des campagnes de communication, dont la dernière a pour slogan : « Rouler sans assurance, le pire des paris ». S’adressant en priorité aux jeunes, elle est diffusée sur les réseaux sociaux et établit un parallèle avec les paris sportifs. Il s’agit de convaincre les jeunes que renoncer à s’assurer en croyant qu’ils ne seront pas sanctionnés et ne provoqueront pas d’accidents est un pari très risqué. En effet, en cas de contrôle, ils se verront infliger une amende forfaitaire de 750 euros et, en cas d’accident, le FGAO leur réclamera des dizaines, des centaines, voire des millions d’euros. Nous menons également, en lien avec les missions locales, des actions de terrain dans des établissements de formation. Au-delà du FGAO, cet enjeu concerne un grand nombre d’acteurs de la société : pouvoirs publics, assureurs, parents, éducateurs… La prévention est importante, mais elle ne suffit pas.
C’est pourquoi le deuxième levier, la répression, me paraît essentiel. Nous disposons de tous les outils techniques pour la renforcer. Je pense notamment au fichier des véhicules assurés, qui pourrait – mais il ne m’appartient pas d’en décider – être utilisé de manière beaucoup plus automatisée.
Enfin, il me paraît nécessaire d’engager une réflexion sur la facilitation de l’accès des jeunes qui n’ont pas accès aux transports en commun à la mobilité routière, ce qui inclut l’assurance.
Mme Félicie Gérard (HOR). En 2023, plus de 26 000 victimes ont été prises en charge, pour la très grande majorité d’entre elles dans le cadre d’accidents de la circulation. Le nombre de celles qui ont subi des dommages corporels, qui s’établissait à environ 10 000, a baissé de 3,7 % par rapport à 2022. Quant au nombre de celles qui ont subi des dommages matériels, qui était de 15 000, il a diminué de 32 %. Pourtant, les indemnités versées ont augmenté de 23 % pour les dommages corporels et de 43 % pour les dommages matériels. Comment l’expliquez-vous ? Quelle est la trajectoire prévue pour les années à venir ?
Grâce à l’instauration de l’amende forfaitaire délictuelle, la non-assurance a tendance à diminuer. Comme Nicolas Ray, je souhaiterais savoir quelle évolution législative vous jugez nécessaire.
M. Julien Rencki. Vous l’avez bien résumé : on observe à la fois une baisse du nombre des victimes prises en charge et une hausse tendancielle de la charge des indemnisations. On constate, en France, une dynamique de l’indemnisation des dommages corporels, toujours plus protectrice. Il faut s’en réjouir, mais elle se traduit par une charge financière sans cesse croissante. Le nombre des préjudices pris en charge selon la nomenclature Dintilhac augmente, notamment pour les victimes d’attentats et d’infractions, puisque deux nouveaux préjudices – celui d’angoisse de mort imminente et celui d’attente et d’inquiétude – ont été reconnus. En outre, les quantums, c’est-à-dire les montants associés à chaque préjudice, ont également tendance à augmenter. À cela s’ajoutent la dynamique des frais de santé, l’allongement de l’espérance de vie et une jurisprudence qui tend à favoriser une indemnisation sans cesse plus complète. Cette dynamique est sensiblement supérieure au niveau de l’inflation annuelle.
Tant le FGAO que le FGTI y sont confrontés. Il faut préciser que les deux fonds n’interviennent pas dans le cadre d’une enveloppe limitée : ils indemnisent, sous le contrôle du juge judiciaire, les montants jugés légitimes. À ce stade, cette dynamique de dépense n’est pas encadrée sur le plan réglementaire ou législatif.
Mme Perrine Goulet (Dem). Une jeune femme de ma circonscription victime de violences conjugales s’est vue attribuer par le tribunal une indemnisation dont le montant est contesté par le fonds de garantie, qui demande de nouvelles expertises, si bien que le dossier traîne depuis quatre ans. Je souhaiterais donc savoir combien de décisions d’indemnisation vous contestez chaque année. Vous engagez-vous, lors de votre prochain mandat, à remettre moins souvent en cause les décisions judiciaires ? C’est un coup de massue pour les intéressés et une remise en cause de leur statut de victime.
M. Julien Rencki. La situation des victimes de violences conjugales est un enjeu majeur pour le fonds de garantie. Ainsi, notre politique d’investissement dite à impact a pour objectif de mettre à la disposition des femmes victimes de ces violences, qui doivent souvent être relogées en urgence, des appartements à loyer très modéré.
Ce que vous évoquez concerne l’articulation entre la procédure pénale et celle de la Civi, juridiction autonome sous l’autorité de laquelle est placé le fonds de garantie. La cohabitation de ces deux procédures est, je le sais, problématique pour les victimes. Ce constat appelle une réflexion, qui est du ressort du législateur, sur ce cadre, dans lequel se succèdent la procédure pénale et celle de la Civi – du moins dans la plupart des cas, car il arrive que des victimes soient prises en charge par le FGTI dans le cadre de la procédure Civi sans que l’auteur ait été condamné.
La Civi peut ordonner des expertises supplémentaires pour évaluer précisément le préjudice de la victime. C’est un moment souvent difficile pour cette dernière, surtout quand elle doit se soumettre à plusieurs expertises, mais il s’agit de déterminer le montant de l’indemnisation qui sera assumée par la collectivité au moyen du fonds de garantie. Dès lors qu’il s’agit d’argent public, une procédure spécifique est nécessaire. Je précise néanmoins que, dans 85 % des situations et 95 % des cas de violences sexuelles, l’indemnisation se fait à l’amiable, sans que la Civi ait à se prononcer sur le fond.
M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie d’avoir répondu à nos questions avant votre reconduction au poste de directeur général du FGAO.
Puis la Commission examine pour avis, par délégation, l’article 22 du projet de loi, adopté par le Sénat, de programmation pour la refondation de Mayotte (n° 1470) (M. Charles de Courson, rapporteur pour avis)
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Nous examinons l’article 22 du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, délégué au fond à la commission des finances, comme ce fut le cas lors de l’examen du texte au Sénat.
Avant de commencer, il faut rappeler le contexte. Le 14 décembre dernier, le cyclone Chido a frappé l’archipel de Mayotte, causant des dégâts humains, matériels et environnementaux d’une ampleur inédite. Le rapport du Sénat l’a bien montré, il s’agit de la plus grave catastrophe naturelle que Mayotte ait connue. Quelques semaines plus tard, le 12 janvier, la tempête tropicale intense Dikeledi a aggravé la situation. Ce double coup du sort a profondément affecté l’existence quotidienne des Mahorais, dans un territoire souffrant déjà de nombreuses fragilités économiques et sociales.
Face à cette situation, l’État a élaboré le plan Mayotte debout, que le Premier ministre a présenté le 30 décembre. Le Parlement a ensuite adopté la loi d’urgence du 24 février 2025. Comme nous le savions tous, il ne s’agissait là que de premières réponses. La reconstruction de Mayotte demandera un effort de long terme.
Le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte doit répondre à cet impératif. Il actionne plusieurs leviers pour relancer l’économie mahoraise : l’un d’entre eux est de nature fiscale et fait l’objet de l’article 22.
Cet article vise à créer une nouvelle zone franche globale à Mayotte, par adaptation et extension du régime existant des zones franches d’activité nouvelle génération (Zfang). Dans ces zones, instaurées par la loi de finances pour 2019, les abattements de fiscalité ont vocation à stimuler l’investissement et l’activité dans des secteurs clés du développement outre-mer.
Le dispositif prévu par l’article 22 va beaucoup plus loin. Il élargit très significativement le champ d’application des abattements fiscaux à Mayotte. Les activités agricoles, industrielles, commerciales, artisanales ainsi que celles des professions libérales, qui étaient jusque-là partiellement ou totalement exclues, sont désormais pleinement éligibles. En outre, le taux d’abattement est porté de 80 à 100 % pour l’imposition des bénéfices des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) ainsi que pour la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour une durée de cinq ans.
Le coût de ce dispositif, évalué à 24 millions d’euros en année pleine à partir de 2026, me paraît parfaitement cohérent avec l’objectif poursuivi. L’enjeu est de redonner un souffle à l’économie locale, en permettant aux entreprises de se relever, d’investir, de recréer de l’activité et de l’emploi. C’est pourquoi je soutiens cet article.
Je souhaite néanmoins y apporter quelques modifications que je vous présenterai lors de l’examen des amendements. Il me paraît notamment essentiel d’inclure les activités de pêche dans le champ de la zone franche : le gouvernement m’a fait passer des messages contradictoires à ce sujet, donc je préfère déposer un amendement pour m’en assurer. Il faut également harmoniser la durée des dispositifs d’exonération : c’est pourquoi je proposerai de proroger, jusqu’au terme des autres abattements de la nouvelle zone franche, l’exonération de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) en vigueur à Mayotte. Enfin, il est utile, conformément à la position traditionnelle de notre commission, que le gouvernement remette, au terme de l’application du dispositif, un rapport au Parlement, afin que les membres de celui-ci se prononcent de manière éclairée sur son éventuelle prorogation, suppression ou évolution.
Ainsi modifié, l’article 22 constituerait un levier proportionné, ciblé et utile à la relance économique de Mayotte. Je vous invite donc, mes chers collègues, à l’adopter.
Article 22
Amendement de suppression CF2 de Mme Nadège Abomangoli
M. Jérôme Legavre (LFI-NFP). Je ne partage pas le point de vue du rapporteur pour avis. Tout le monde s’accordera pour reconnaître le caractère désastreux de la situation à Mayotte. Nous déposons un amendement de suppression de l’article 22, car celui-ci ne réglera rien, bien au contraire. Il vise à instaurer une zone franche globale, dans laquelle les exonérations fiscales seraient totales. Comme d’habitude, on procède à l’envers en choisissant d’accélérer la déréglementation.
Les zones franches n’apportent aucune solution, comme le montre l’exemple de la Seine-Saint-Denis. Ce département est truffé de zones franches, lesquelles n’ont entraîné ni création d’emplois ni baisse du chômage – c’est même plutôt l’inverse qui s’est produit. Le dispositif n’engendrera rien d’autre qu’une trappe à précarité et une augmentation de la pauvreté. Même l’Inspection générale des finances (IGF) soulignait, dans un rapport de 2020, que les exonérations fiscales et sociales zonées n’avaient pas démontré leur efficacité en matière de création d’entreprises et d’emplois.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons supprimer l’article.
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Je ne partage pas du tout votre analyse. Vous avez évoqué le rapport de l’IGF, mais celui-ci portait sur les zones situées dans l’Hexagone. Mayotte est une île isolée, donc les effets de substitution dénoncés par l’Inspection ne la toucheront pas.
Les Mahorais réclament l’élargissement de la zone franche ; d’ailleurs, le conseil départemental, saisi pour avis sur le projet de loi, s’est déclaré, le 10 avril, favorable à l’article 22.
Le coût du dispositif est limité : il est évalué à 24 millions alors que l’actuelle Zfang représentait une charge de 6 millions en 2024. Le surcoût, de 18 millions, se révèle donc tout à fait raisonnable.
M. Matthias Renault (RN). Nous voterons contre l’amendement de suppression car les zones franches sont un bon outil, peu onéreux, pour tenter de relancer l’investissement dans les collectivités d’outre-mer. Les grandes lois Pons, Girardin ou Perben avaient d’ailleurs libéré l’investissement, même si ce résultat s’était accompagné de certaines dérives, auxquelles le dispositif proposé n’est pas exposé.
Que le coût d’un instrument fiscal aussi puissant n’excède pas 18 millions montre la faiblesse de l’activité économique. Pour obtenir la confiance des investisseurs, il faut d’abord rétablir la sécurité dans l’île.
Sur les trente-quatre articles du projet de loi de programmation, un seul a été délégué à la commission des finances. Je m’étonne qu’aucun article ne prévoie, comme dans les lois de programmation sectorielles – relatives à la recherche, à l’intérieur, à la justice… –, de calendrier annuel d’utilisation des crédits. On annonce pompeusement une enveloppe de 4 milliards d’euros d’ici à 2031, mais il n’y a aucun article de programmation budgétaire faisant apparaître des autorisations d’engagement (AE) et des crédits de paiement (CP). Ces éléments sont relégués dans un rapport annexe et encore ne concernent-ils que les AE. Les engagements ne sont pas à la hauteur des annonces.
M. David Amiel (EPR). Le groupe Ensemble pour la République soutient l’article 22 et s’opposera donc à l’amendement.
Les critiques émises à l’encontre des zones franches dans l’Hexagone ne valent pas pour Mayotte. Tout d’abord, la gravité de la situation est extrême dans ce département – le plus pauvre de France –, qui a été ravagé par le cyclone Chido. L’enjeu est la survie de l’économie, des emplois et de la possibilité pour les Mahorais de rester vivre dans leur île. Nous n’avons pas le droit d’élaborer des demi-mesures. Il faut un choc de confiance pour recréer de l’activité économique dans cette île si durement touchée.
Ensuite, la situation de la Seine-Saint-Denis et celle de Mayotte ne sont absolument pas comparables. Les zones franches ont pour inconvénient d’attirer les emplois des zones limitrophes, ce qui neutralise l’objectif du dispositif. Cet écueil ne guette pas Mayotte, île située au milieu de l’océan Indien.
Enfin, le dispositif est borné dans le temps, à la différence des autres zones franches. Nous pourrons l’évaluer à la fin de son application. Il contribuera à la reconstruction de l’île, indispensable après les événements dramatiques qui l’ont frappée. Nous devons faire preuve de pragmatisme et écouter les besoins exprimés par nos collègues mahorais. Ces derniers, qui connaissent l’île comme personne, réclament l’instauration de ces dispositifs.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). L’article 22 instaure une zone franche globale au profit de Mayotte. Il s’agit d’une véritable mesure d’accompagnement. Dresser un constat de la situation, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant. Nous devons agir ! Cette mesure se déploiera au bénéfice de la population locale. Une dynamique de création d’emplois s’enclenchera dans les cinq prochaines années sans créer de trappe à précarité. La confiance des investisseurs est essentielle à l’activité économique, qui est elle-même indispensable à l’emploi.
La meilleure preuve de l’efficacité du dispositif dans certains territoires – peut-être pas en région parisienne, en effet – est apportée par l’ensemble des amendements déposés chaque année en commission des finances pour proroger des zones franches.
Pour aider Mayotte, le groupe Droite républicaine s’opposera à l’amendement de suppression.
M. Steevy Gustave (EcoS). Le groupe Écologiste et social soutient de nombreuses mesures en faveur des territoires d’outre-mer. Nous faisons partie de ceux qui ont vivement critiqué le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 lors de sa présentation en octobre 2024. Très insuffisants, les crédits de la mission Outre-mer ont heureusement été réévalués à hauteur de 3 milliards, même si cette rallonge reste trop limitée.
L’article 22 instaure une zone franche à Mayotte, que ses promoteurs présentent comme une mesure fiscale favorable au territoire. La perte de recettes annuelles pour l’État est évaluée à 18 millions. Il s’agit d’une disposition volatile dans le paysage des promesses budgétaires faites à Mayotte.
Le sujet dépasse largement l’île : dans son analyse de l’exécution budgétaire de 2024, la Cour des comptes souligne que le coût – croissant – des dispositifs fiscaux spécifiques aux territoires ultramarins dépasse désormais les crédits du ministère des outre-mer. Nous militons pour une amélioration de la coordination de l’ensemble des mesures, afin de maximiser les effets de chacune d’entre elles et d’accroître la transparence.
Nos positions, mesurées, visent à renforcer la dimension sociale et écologique des politiques déployées, sans renoncer à quelques principes fondamentaux, que le texte ne doit pas piétiner. Le mécanisme de zone franche repose sur la confiance accordée aux entreprises. Ce pari mérite d’être évalué avec rigueur, en ayant à l’esprit l’intérêt général. Telle est l’exigence que nous défendons ici.
Mme Sophie Mette (Dem). Le groupe Les Démocrates est défavorable à l’amendement de suppression de l’article 22 et soutient le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte. Nous considérons qu’il représente une réponse indispensable à la situation très spécifique de l’île. Nous appuyons les objectifs poursuivis par le texte : stimuler l’investissement privé, soutenir l’emploi et appuyer la refondation structurelle du territoire.
L’article 22, qui relève directement du champ de compétences de la commission des finances, est essentiel : il renforce et élargit, pour une durée de cinq ans, le dispositif de zone franche globale. Pendant cette période, le dispositif d’exonération fiscale zoné concernera presque l’intégralité des secteurs d’activité à Mayotte, tandis que les taux d’abattement seront portés à 100 % pour l’ensemble des impositions concernées.
Cette mesure représente un effort budgétaire de 18 millions en cinq ans. Elle pourrait jouer un rôle important dans la stimulation économique d’un territoire confronté à de nombreux défis. Toutefois, nous considérons qu’il est essentiel d’en assurer un suivi rigoureux. À ce titre, l’amendement CF10 du rapporteur pour avis, qui prévoit la remise d’un rapport d’évaluation d’ici à 2030, est bienvenu, dans la mesure où les dispositifs des zones franches sont peu évalués. Cela permettra de mesurer l’impact économique des exonérations et d’évaluer leur efficacité réelle en matière d’investissement, d’emploi et de développement du tissu économique local.
Dans cet esprit et en rappelant notre attachement à la maîtrise des comptes publics, nous voterons en faveur de l’adoption de l’article 22, en accordant une vigilance particulière à son déploiement et à son évaluation.
Mme Félicie Gérard (HOR). Notre commission est saisie du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte. Cette île, très vulnérable, est confrontée à des difficultés migratoires et sécuritaires comme aucun autre territoire de notre pays. Elle connaît également une situation économique et sociale marquée par une précarité tristement inédite. Le taux de chômage y atteint 30 % contre 7,4 % dans l’Hexagone et le niveau de vie médian des Mahorais est sept fois plus faible que dans l’ensemble du pays. À cela s’ajoute l’urgence de la reconstruction après le passage du cyclone Chido en décembre 2024, catastrophe naturelle la plus importante de notre histoire récente.
L’État a répondu à cette nouvelle urgence par des mesures fortes en février dernier. Nous devons maintenant adopter des dispositions structurelles pour reconstruire de manière pérenne. Tel est le sens de l’article 22, qui crée, pour cinq ans, une zone franche à Mayotte : le mécanisme repose sur un abattement de 100 % d’impôt sur le revenu (IR) et d’impôt sur les sociétés (IS) ainsi que de la base d’imposition de la TFPB. L’article apportera une respiration au monde économique mahorais et favorisera une reprise progressive et durable. Le groupe Horizons & indépendants soutiendra donc son adoption.
M. le président Éric Coquerel. Je suis opposé à cette zone franche.
Ce mécanisme vise à attirer une partie de l’activité économique dans une zone que l’on juge désavantagée par rapport aux territoires voisins. Je ne vois pas quelle activité pourra être transférée d’un pays voisin vers Mayotte, les territoires environnants étant loin d’être concurrentiels.
En outre, les zones franches, par exemple en Seine-Saint-Denis, présentent des avantages mais la population qui vit dans ces zones a les mêmes droits sociaux que le reste des Français métropolitains. Cette situation ne se retrouve évidemment pas à Mayotte. Un article du projet de loi prévoit une convergence progressive, mais les salaires et les prestations sociales ne sont pas les mêmes à Mayotte et dans l’Hexagone. Autrement dit, les entreprises bénéficieront d’avantages fiscaux alors que les habitants ne possèdent pas les mêmes avantages que leurs concitoyens métropolitains.
Surtout, le défaut principal du dispositif réside dans son indifférenciation : les entreprises, qu’elles soient en bonne ou en mauvaise santé, bénéficieront des avantages, car ceux-ci ne sont ni ciblés ni conditionnés.
Dans le même temps, nous ne pouvons que déplorer l’absence d’aides et de subventions, notamment en faveur des services publics dont les insuffisances constituent le problème criant de Mayotte. L’État devrait agir dans ce domaine, or il n’intervient qu’en créant une zone franche. Il reste à élaborer une proposition de loi qui viserait à permettre l’accès de tous aux services publics dans l’île et à affecter les crédits et les subventions à des projets de développement économique ciblés. Elle serait bien plus utile que la solution de facilité de la zone franche, laquelle n’a pas montré son efficacité dans les nombreux endroits où elle a été déployée, comme l’a montré le rapport de l’IGF.
Pour toutes ces raisons, je voterai en faveur de l’adoption de l’amendement de suppression.
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. L’exonération fiscale augmentera les bénéfices des entreprises. Celles-ci pourront alors investir et créer des emplois. Sans bénéfices, il n’y a pas de créations d’emplois ; les entreprises déficitaires détruisent des emplois.
Il n’y a aucun lien entre le dispositif de l’article 22 et le régime social de nos compatriotes de Mayotte. Ce sont d’autres articles du projet de loi qui prévoient l’alignement progressif, selon des modalités restant à définir, du régime social mahorais sur celui de l’Hexagone. Un rapport est attendu sur les incidences de cette convergence : il faut veiller à éviter qu’un alignement trop rapide détruise l’économie locale.
Ce sont uniquement les PME qui bénéficieront du dispositif et non toutes les entreprises. Néanmoins, selon les informations que j’ai obtenues, seules huit sociétés seront exclues du champ du mécanisme : le tissu économique mahorais est presque exclusivement constitué de PME, il n’y a presque pas de grandes entreprises dans ce territoire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF8 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. L’amendement vise à inclure dans les activités exonérées d’impôt sur les bénéfices celles concernant la pêche et l’aquaculture, secteurs économiques importants à Mayotte – les pêcheurs mahorais se sont regroupés dans deux coopératives. Il me semblait que la pêche était comprise dans les activités agricoles, mais comme les avis divergent en la matière, je préfère le préciser. Nous verrons ce que dira le gouvernement en séance publique.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Il me semble que la rédaction de l’article englobe déjà la pêche.
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. C’est ce que je croyais, mais un débat s’est ouvert au sein des cabinets ministériels sur cette question, donc je préfère insérer cette précision dans le texte par précaution.
M. Matthias Renault (RN). Je suppose que l’amendement vise la pêche artisanale, mais des thoniers, évoluant au large de Mayotte et des îles Éparses, pourraient être exclus du dispositif comme les entreprises que vous avez mentionnées, monsieur le rapporteur pour avis. Qu’en est-il ?
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. D’après ce que l’on m’a indiqué, il n’y a pas d’entreprise de thoniers localisée à Mayotte. Des thoniers entrent dans les eaux territoriales de l’île, mais ils n’y sont pas immatriculés donc ils n’entrent pas dans le champ de l’article 22.
La commission adopte l’amendement CF8 (CL486).
Amendement CF3 de Mme Sandrine Nosbé
M. Jérôme Legavre (LFI-NFP). Il s’agit d’un amendement de repli qui vise à supprimer l’exonération totale d’IR et d’IS. Les arguments sont les mêmes que ceux qui nous poussaient à défendre la suppression de l’article.
Le dispositif prévu n’est absolument pas différencié. Nous ne nous opposerions pas au déploiement d’un dispositif ciblé, mais, au lieu de planifier une aide à la population de Mayotte passant notamment par la reconstruction des services publics, vous accélérez, approfondissez et amplifiez la déréglementation par l’élargissement de la zone franche.
Vous nous avez objecté que Mayotte était une île – grande découverte ! –, mais je vous certifie que les résultats de la zone franche mahoraise seront identiques à ceux des dispositifs hexagonaux. Elle n’apportera aucune amélioration en matière de créations d’emplois, de baisse du chômage et de diminution de la pauvreté et de la précarité, car votre action ne comprend aucun volet d’aide directe aux services publics et à la population. Vous ne parviendrez qu’à aggraver les causes de la crise en rendant les conditions de vie plus difficiles et plus violentes. Vous apportez toujours les mêmes réponses défectueuses : nous en avons maintenant l’habitude.
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. L’amendement vise à supprimer l’augmentation du taux d’exonération, actuellement fixé à 80 % et que l’article 22 prévoit de porter à 100 %. Adopter cet amendement signifierait le statu quo et le maintien de la Zfang actuelle. Poussez votre logique jusqu’à son terme et proposez de supprimer l’exonération de 80 % et la zone franche existante. L’article 22 ne crée pas la Zfang, il en étend le champ et augmente le taux d’exonération fiscale.
J’ai déposé un amendement visant à évaluer le nouveau dispositif au terme de la période de cinq ans : nous pourrons alors nous prononcer sur l’opportunité de sa prorogation. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Vous avez raison de dire qu’une entreprise doit faire des bénéfices pour augmenter les salaires et embaucher, en revanche il arrive qu’une entreprise engrangeant des bénéfices ne fasse rien de tout cela : telle est l’une des conséquences de la politique de l’offre quand ses mesures ne sont pas conditionnées.
Vous pouvez aider une entreprise par des allégements de cotisations et d’impôts, mais s’il n’y a pas d’activité ni de marché dans son secteur, elle ne pourra pas se développer. La question de la consommation intérieure est donc prégnante. Pour y répondre, il faut, à Mayotte encore plus qu’ailleurs, augmenter les salaires.
Dans l’île, 65 % des produits alimentaires sont importés alors que Mayotte était exportatrice nette dans les années 1980. L’une des causes de ce retournement tient au fait que les normes européennes frappent principalement les productions vivrières exportatrices. Je ne pense pas que la zone franche apporte la moindre réponse à ce problème.
La Zfang est une solution de facilité qui ne permettra pas à l’économie mahoraise de redémarrer, comme nous le constaterons, à mon avis, dans quelques années.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Je partage le point de vue du rapporteur pour avis : le dispositif devra être évalué au terme de la période de cinq ans.
L’approche de la zone franche globale peut aider Mayotte à reconquérir sa sécurité et sa souveraineté alimentaires. Il faudra inciter les autorités locales à suivre ce chemin. Faisons confiance à l’économie et aux acteurs locaux pour reprendre en main leur destin. Il n’y a pas de raison que le territoire ne puisse pas recouvrer l’autonomie alimentaire dont il jouissait dans les années 1980. En ce sens, le dispositif de zone franche représente une opportunité. Je m’oppose donc évidemment à cet amendement.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je ne partage pas du tout la vision de l’auteur de l’amendement, qui est aussi la vôtre, monsieur le président. Il faut créer un choc d’attractivité dans ces territoires. Cela inclut l’attractivité fiscale. Je rappelle que les dispositions de l’article ne concernent pas les particuliers, mais les entreprises, puisqu’elles incluent les bénéfices industriels et commerciaux, les bénéfices agricoles et l’impôt sur les sociétés. Le bénéfice ainsi dégagé par les entreprises sera réinvesti pour créer de la valeur ajoutée, donc du développement. Nous avons deux visions très différentes de l’économie : pour vous, l’État doit tout abonder ; pour nous, c’est le fait d’aider les entreprises à s’implanter sur le territoire qui permettra de relancer l’économie et de créer des emplois, dans un système vertueux.
M. le président Éric Coquerel. Créer une zone franche, c’est une aide de l’État. Chacun doit payer l’impôt ; toute exception à cette règle est une forme d’aide.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Les bénéfices distribués aux associés seront imposables.
M. le président Éric Coquerel. L’article propose une exonération d’impôt sur les sociétés pendant cinq ans.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). L’exonération d’impôt sur les sociétés s’applique aux entreprises ; les associés, eux, seront imposés sur les bénéfices distribués.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF12 de M. Steevy Gustave
M. Steevy Gustave (EcoS). L’amendement vise à exclure les grandes entreprises du régime fiscal spécifique à Mayotte prévu à l’article 22 afin de mieux cibler l’effort fiscal en direction de ceux qui en ont réellement besoin : les petites et moyennes entreprises.
Le groupe Écologiste et social s’oppose à ce que la relance de l’activité économique à Mayotte passe uniquement par la création d’une zone franche intensifiée. Certes, l’activité économique doit être soutenue après le passage du cyclone Chido ; cependant, il est nécessaire de réfléchir à la façon dont nous intervenons. Le gouvernement a estimé le coût annuel de ce cadeau fiscal à 18 millions d’euros. Nous devons être attentifs à la répartition de cette enveloppe. L’amendement vise à éviter un ruissellement trop théorique et inégal.
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Vous proposez d’exclure de la zone franche globale les entreprises qui remplissent deux des trois seuils suivants : un nombre de salariés supérieur à 250, un chiffre d’affaires net supérieur à 40 millions d’euros et un bilan supérieur à 20 millions d’euros.
L’amendement est partiellement satisfait par l’article 22 dans la mesure où seules les entreprises comptant moins de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires n’excède pas 50 millions d’euros peuvent bénéficier des exonérations liées à la zone franche. Ces plafonds, qui rendent de facto uniquement éligibles les microentreprises et les PME, correspondent aux seuils européens.
Il me semble préférable de conserver les valeurs applicables dans l’Union européenne pour ne pas complexifier inutilement la réglementation. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF4 de M. Aurélien Taché
M. Jérôme Legavre (LFI-NFP). Cet amendement de repli vise à supprimer l’exonération totale de la taxe foncière sur les propriétés bâties prévue dans cet article.
Je retiens des arguments que vous nous opposez systématiquement qu’en définitive, vous souhaitez étendre tout ce qui ne marche pas, c’est-à-dire la politique de l’offre, dont l’article se réclame ouvertement, malgré un bilan qui montre l’augmentation de la pauvreté et du chômage.
Pour déréglementer et instaurer des zones franches, il n’y a aucun problème ; en revanche, dès que l’on parle d’aligner les salaires et les prestations sociales sur l’Hexagone, il n’y a plus personne. Silence total.
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Vous proposez de supprimer la hausse de l’abattement de taxe foncière que l’article porte de 80 à 100 %. Ce n’est pas cohérent par rapport aux autres dispositions du texte : on ne peut pas proposer une exonération de 80 % pour tel impôt et de 100 % pour tel autre. Avis défavorable.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Le moment n’est pas propice à une discussion globale sur la politique de l’offre, mais ses résultats ne sont pas du tout ceux que vous décrivez : on observe bien une création d’emplois très élevée et une baisse du chômage depuis 2017 – même si, du fait de la crise internationale, on assiste désormais au tassement de cette dynamique.
Ce qui me surprend, c’est que vous n’acceptiez pas une politique de différenciation adaptée aux spécificités de Mayotte. Vous nous dites que les zones franches ne marchent pas en métropole mais, compte tenu de l’urgence à réindustrialiser l’île, nous ne pouvons pas nous priver de ce levier. C’est la même chose dans plusieurs départements d’outre-mer, où il n’y a pas de dynamique économique. À contexte spécifique, il faut une réponse spécifique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF11 de M. Steevy Gustave
M. Steevy Gustave (EcoS). L’amendement appelle à un suivi rigoureux des dispositifs fiscaux et sociaux favorables à Mayotte pour garantir leur efficacité concrète. Comme le rappelle régulièrement la Cour des comptes, les dispositifs fiscaux en faveur des outre-mer sont nombreux et les dépenses fiscales y représentent le principal canal d’intervention publique – les crédits budgétaires de la mission Outre-mer en témoignent. Nous souhaitons un pilotage plus cohérent et plus transparent des dispositifs fiscaux qui soit fondé sur la concertation – j’insiste sur ce mot – locale et sur l’évaluation.
M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement prévoit « une stratégie de soutien et de suivi à l’accès aux dispositifs fiscaux et sociaux généraux et spécifiques à Mayotte ». C’est une dénomination vague et peu compréhensible qui dépasse le cadre de l’article dont nous discutons ; d’autres articles du projet de loi portent sur des dispositifs sociaux. Mieux vaut évaluer chacun d’entre eux séparément. C’est l’objet de l’amendement CF 10, qui demande la remise d’un rapport sous quatre ans sur la base duquel nous déciderons de proroger, de modifier ou de supprimer ce dispositif fiscal. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF10 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. L’amendement prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur la nouvelle zone franche globale. Conformément aux dispositions figurant à l’article 7 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 20023 à 2027, il convient d’évaluer les dépenses fiscales attachées à ce dispositif pour s’assurer de leur efficacité, connaître leur coût et éclairer le débat parlementaire dans l’hypothèse d’une suppression, d’une évolution ou d’une prorogation ultérieure.
La commission adopte l’amendement CF10 (CL487).
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 22 modifié.
Après l’article 22
Amendement CF6 de Mme Estelle Youssouffa
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). L’amendement a pour objet de relever le plafond du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) de 2,5 à 3,5 smic, ce qui permettrait à l’employeur d’augmenter le salaire de ses cadres sans perdre le bénéfice intégral du crédit d’impôt.
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. L’amendement vise à soutenir les entreprises mahoraises en rehaussant le plafond du bénéfice du CICE de 2,5 à 3,5 smic. Je comprends l’idée : du fait de la convergence sociale, les cotisations et contributions sociales seront progressivement augmentées à Mayotte. Toutefois, je rappelle que la hausse du smic sur place sera accompagnée du déploiement de l’ensemble des exonérations et allégements dont bénéficient les autres territoires ultramarins et qui – c’est une anomalie – n’existent pas encore sur l’île. En outre, alors qu’un chantier de convergence est à l’œuvre dans le projet de loi, il me paraît contre-intuitif de renforcer un dispositif dérogatoire – le CICE – à Mayotte. Enfin, l’article 22 prévoit des mesures dérogatoires du droit commun très avantageuses pour les entreprises mahoraises. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement CF7 de Mme Estelle Youssouffa
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Avis défavorable, pour les mêmes raisons, sur cet amendement de repli.
L’amendement est retiré.
Article additionnel après l’article 22
Amendement CF9 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. L’amendement a pour objet de prolonger de quatre ans l’exonération de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) applicable aux réceptions de déchets générés à Mayotte, jusqu’au 31 décembre 2030. Il s’agit d’une mesure de coordination fiscale visant à ce que la date de la fin de l’exonération de TGAP à Mayotte coïncide avec celle de la nouvelle zone franche globale. Cette mesure rendrait plus cohérentes les dépenses fiscales applicables à Mayotte. Enfin, il faut admettre que les déchets provoqués par le cyclone Chido ne seront pas tous traités à Mayotte d’ici au 31 décembre 2026, comme le prévoyait le texte que nous avions voté. La prorogation de l’exonération de TGAP doit permettre d’accompagner la reconstruction du département.
La commission adopte l’amendement CF9 (CL488).
La commission examine, en commission d’évaluation des politiques publiques, le rapport d’information sur l’impact et les évolutions possibles pour les dépenses fiscales en faveur du patrimoine de M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial de la mission Culture : Patrimoines
Le compte rendu sera prochainement disponible.
La commission examine, en commission d’évaluation des politiques publiques, le rapport d’information sur l’aide publique au financement de la décarbonation du site ArcelorMittal de Dunkerque de M. Carlos Martens Bilongo, rapporteur spécial des missions Investir pour la France de 2030 et Plan de relance
Le compte rendu sera prochainement disponible.
La commission examine, en commission d’évaluation des politiques publiques, le rapport d’information relatif à l’évaluation des résultats des centres éducatifs fermés de M. Jean-Didier Berger, rapporteur spécial de la mission Justice.
Le compte rendu sera prochainement disponible.
La commission examine, en commission d’évaluation des politiques publiques, le rapport d’information sur la réforme des bourses de MM. Charles Sitzenstuhl et Thomas Cazenave, rapporteurs spéciaux de la mission Recherche et enseignement supérieur : Enseignement supérieur et vie étudiante.
Le compte rendu sera prochainement disponible.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 11 juin 2025 à 9 heures
Présents. - M. Alexandre Allegret-Pilot, M. Franck Allisio, M. David Amiel, M. Jean-Pierre Bataille, M. Laurent Baumel, M. Jean-Didier Berger, M. Anthony Boulogne, M. Philippe Brun, M. Eddy Casterman, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Sébastien Delogu, M. Jocelyn Dessigny, Mme Mathilde Feld, Mme Marina Ferrari, M. Emmanuel Fouquart, Mme Félicie Gérard, Mme Perrine Goulet, M. Pierre Henriet, M. François Jolivet, M. Philippe Juvin, M. Daniel Labaronne, M. Tristan Lahais, M. Aurélien Le Coq, M. Mathieu Lefèvre, M. Jérôme Legavre, M. Thierry Liger, M. Philippe Lottiaux, M. Emmanuel Mandon, Mme Claire Marais-Beuil, M. Jean-Paul Mattei, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, Mme Estelle Mercier, Mme Sophie Mette, M. Jacques Oberti, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, M. Christophe Plassard, M. Nicolas Ray, M. Matthias Renault, M. Charles Rodwell, Mme Sophie-Laurence Roy, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl
Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Mickaël Bouloux, M. Michel Castellani, M. David Guiraud, M. Corentin Le Fur, Mme Yaël Ménaché, M. Nicolas Metzdorf, M. Nicolas Sansu, M. Emmanuel Tjibaou
Assistaient également à la réunion. - M. Carlos Martens Bilongo, M. Steevy Gustave