Compte rendu
Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République
– Audition de Mme Catherine Vautrin, ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, sur la politique du gouvernement en matière de décentralisation et sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis) 2
Mardi
15 octobre 2024
Séance de 16 heures 30
Compte rendu n° 5
session ordinaire de 2024 - 2025
Présidence
de M. Florent Boudié, président
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La séance est ouverte à 16 heures 30.
Présidence de M. Florent Boudié, président.
La Commission auditionne Mme Catherine Vautrin, ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, sur la politique du gouvernement en matière de décentralisation et sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis).
M. le président Florent Boudié. Nous commençons notre marathon budgétaire par l’audition de Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, sur les crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales (RCT).
Cette première audition depuis votre nomination aura également pour objet de nous présenter les grandes lignes de la politique du nouveau gouvernement en matière de décentralisation.
Outre les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales, qui sont particulièrement scrutées cette année, les sujets d’actualité ne manquent pas, comme la mise en œuvre du rapport Woerth ou les projets d’autonomie de la Corse.
J’aurai, pour ma part, une question sur l’effort demandé aux collectivités territoriales. J’ai participé hier à la séance plénière du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine et ce sujet a été très largement commenté, notamment par son président Alain Rousset, dans des termes vifs qui reflètent les réactions générales des élus locaux. Peut-être pourrez-vous apporter des précisions très attendues par la représentation nationale sur la répartition de cet effort de 5 milliards d’euros.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Cette première audition est en effet pour moi l’occasion de vous présenter les principales mesures du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 qui concernent les collectivités territoriales et d’échanger avec vous.
Je souligne les conditions très particulières dans lesquelles ce PLF a été élaboré, tant au regard du calendrier que du contexte budgétaire, qui nécessite un sursaut collectif des différents responsables de l’action publique.
Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a placé au premier rang des priorités du Gouvernement la réduction de la dette financière et de la dette écologique. Il a rappelé que le niveau de la dette publique atteint 3 228 milliards et que la charge d’intérêts s’élève à 55 milliards. Si nous n’y prenons pas garde, cela pourrait porter atteinte à la souveraineté du pays et à sa capacité d’agir. La charge de la dette est désormais le deuxième poste de dépenses de l’État. Tous les gouvernements successifs depuis 1976 ont participé à la formation de cette dette, qui s’explique principalement par un niveau de dépenses publiques très élevé. Il représente 57 % de notre richesse nationale, contre 49 % en moyenne en Europe – une différence que le niveau de services n’explique pas avec certitude.
Je n’oppose pas le budget de l’État à celui des collectivités territoriales – je suis encore élue locale et je sais combien les élus locaux sont engagés dans les questions budgétaires de leur territoire. La situation nécessite incontestablement un effort exceptionnel, un sursaut qui ne peut être que collectif. Or, en matière d’impôts et de taxes, le contribuable et le citoyen ne font qu’un.
Les collectivités territoriales ne sont pas responsables de l’aggravation du déficit public. Elles assurent 60 % de l’investissement public et leur dette représente 8 % de la dette publique. Certes, leurs dépenses ont augmenté rapidement, mais le second fascicule du rapport annuel de la Cour des comptes sur les finances publiques locales, paru il y a deux semaines, montre que l’une des raisons de l’accroissement de la dette des collectivités territoriales est à rechercher dans les injonctions de l’État – notamment, 3 milliards au titre de l’augmentation du point d’indice et 800 millions du fait correspondant à la prime de pouvoir d’achat des agents de catégorie C. Ces mesures, extrêmement importantes pour les agents, ont eu des conséquences tout aussi importantes sur les comptes des collectivités.
Le mot « partenariat » qui figure dans le titre du ministère que j’ai l’honneur de diriger introduit une notion relativement nouvelle dont j’espère qu’elle sera plus qu’un concept de marketing gravé sur une plaque. Je compte bien l’adopter comme méthode de travail, même si l’exercice n’est pas aisé dans le contexte que nous connaissons.
La méthode que je souhaite mettre en place s’énonce en quatre mots : écoute, dialogue, suivi et contractualisation.
Tout en respectant les compétences des collectivités, nous avons vocation à étudier les possibilités de les renforcer. Quarante ans après les grandes lois de décentralisation, il faut bâtir un nouveau contrat de responsabilité entre les collectivités et l’État. C’est bien l’un des éléments de ma feuille de route. Il faut tirer les leçons de ce qui a pu être fait, et notamment de l’expérimentation de simplification et de déconcentration conduite lors des Jeux olympiques et paralympiques (JOP). Tout le monde a relevé le succès de leur organisation ; les simplifications qui y ont contribué doivent être envisagées comme faisant partie de l’héritage de ces jeux.
Je ne suis pas la première ici à dire qu’il faut simplifier la vie des élus. Comment faire en pratique ? En identifiant tous les projets locaux dont la réalisation est empêchée par la complexité de la réglementation. Les remontées de terrain et propositions de simplifications sont importantes et nous devrons travailler avec le Parlement pour lever certains obstacles.
Des travaux ont été conduits entre la fin de 2023 et le début de 2024, et je citerai en premier lieu le rapport de Boris Ravignon sur le coût du millefeuille administratif. Appréhender la norme par son coût plutôt que par l’hypothétique amélioration qu’elle pourrait apporter me semble une voie de progrès. C’est la raison pour laquelle j’ai chargé Boris Ravignon de la mission de déterminer comment appliquer une partie de ses recommandations.
Nous devons également prendre en compte la spécificité des territoires : les solutions ne peuvent pas être identiques pour la métropole, l’outre-mer, les territoires de montagne ou insulaires.
Je souhaite évidemment reprendre le dialogue avec les élus corses pour parvenir à un consensus républicain et présenter un projet de loi constitutionnelle qui réponde au mieux aux nombreux problèmes auxquels l’île est confrontée.
Nous devons également travailler en concertation sur des sujets tels que l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) ou les zones à faibles émissions (ZFE), ainsi que sur les transferts de compétences. Les transports, la sécurité, le logement et la santé sont au cœur des préoccupations quotidiennes des Français. Le territoire au sens du bassin de vie vécu est la bonne échelle pour mener ces travaux – j’insiste sur cette notion, qui ne correspond pas forcément à la définition du bassin de vie par l’Insee mais qui est une réalité pour nos concitoyens. Penser l’action publique à ce niveau, c’est se mettre à hauteur de leur quotidien, ce qui doit conduire à examiner le rôle des préfets et, surtout, des sous-préfets dans leur mission de proximité et de mutualisation. Il faut probablement mener une réflexion sur la manière dont est organisée actuellement l’action publique.
En cette période budgétaire très complexe, nous devons trouver des solutions sur le plan tant national que territorial, ce qui m’amène à la contribution qui est demandée aux collectivités territoriales dans le PLF – dont la version initiale a évidemment vocation à évoluer au gré des travaux parlementaires. Il est proposé d’instaurer un fonds de réserve dit de résilience des finances locales en cas de dépassement par ces collectivités dans leur ensemble de l’objectif de déficit fixé par la loi de finances de 2024 et au regard des comptes réellement exécutés. J’insiste sur ce dernier point : il n’est plus question de se fonder, comme cela était envisagé il y a un mois, sur les projections arrêtées au mois de juillet. Le prélèvement sur les recettes des collectivités concernerait, à ce stade, celles dont les dépenses réelles de fonctionnement sont supérieures à 40 millions d’euros, dans la limite de 2 % des recettes réelles de fonctionnement.
Cela permettrait d’alimenter trois mécanismes de péréquation : le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic), le fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et le fonds de solidarité régional. Le produit du prélèvement sera affecté à un fonds de réserve en 2025, lequel permettra en 2026 d’alimenter les fonds de péréquation précités. L’utilisation des sommes sera alors faite sur proposition du Comité des finances locales (CFL). Les collectivités les plus fragiles – celles qui sont bénéficiaires de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) ou du Fpic – ne sont pas concernées par ce prélèvement.
Quatre autres mesures concernant les collectivités territoriales figurent dans le PLF.
La première prévoit d’abaisser, dès le 1er janvier 2025, de 16,404 % à 14,850 % le taux de compensation forfaitaire pour les dépenses éligibles au fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), ce fonds devant également rester un instrument de soutien à l’investissement – nous y sommes tous très attachés.
Il est ainsi proposé de supprimer les exceptions qui rendent éligibles au FCTVA des dépenses de fonctionnement comme celles de l’entretien des réseaux et de l’informatique en nuage, par exemple.
La part de la TVA affectée aux collectivités sera stabilisée et elle atteindra de nouveau 5,2 milliards d’euros.
Le PLF prévoit une baisse des variables d’ajustement à hauteur de 487 millions d’euros après plusieurs années de grande modération, ce qui permettra de retrouver un niveau comparable à celui de 2017.
Encore une fois, il s’agit d’une première version du PLF.
J’en viens aux moyens des collectivités au titre des prélèvements sur recettes. Les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales s’élèvent à 53,5 milliards d’euros en crédits de paiement (CP). L’année 2025 sera marquée par l’arrêt du dispositif de filet de sécurité mis en place en 2023 pour soutenir les collectivités face à la croissance du prix de l’énergie, ce dernier étant désormais relativement stable.
La dotation globale de fonctionnement (DGF) sera stable et, en son sein, l’effort supplémentaire en faveur de la péréquation sera poursuivi avec une augmentation du même niveau qu’en 2024. La majoration de la DSU atteindra 140 millions et celle de la dotation de solidarité rurale (DSR) 150 millions. La DGF augmentera pour 60 % des collectivités en 2025. La dotation d’intercommunalité la péréquation verticale des départements augmenteront chacune. La dotation pour les titres sécurisés (DTS) et la dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales (DSCAR) resteront chacune fixées à 100 millions.
En ce qui concerne les interventions territoriales de l’État en 2025, les crédits des dotations de soutien à l’investissement local sont reconduits à 2 milliards en autorisations d’engagement (AE). Leur trajectoire de verdissement est rehaussée, tout en conservant leur vocation généraliste. La démarche de simplification et de dématérialisation sera poursuivie.
Depuis 2023, le soutien de l’État aux projets d’investissement des collectivités est principalement assuré par deux programmes budgétaires, qui me sont rattachés.
Le programme 119 Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements représente un montant total de 2 milliards, reconduit dans le PLF. Ce programme comprend la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) – 1,046 milliard –, la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) – 570 millions –, la dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID) – 200 millions – et la dotation politique de la ville (DPV) – 150 millions. Le programme 119 retrace des dotations de décentralisation qui compensent des charges supportées par les collectivités à la suite d’un transfert, d’une création ou d’une extension de compétences.
En 2023, la consommation des crédits du programme 380 Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires s’est élevée à 1,8 milliard. Le PLF pour 2025 prévoit de ramener ses crédits à 1 milliard d’euros ; il s’agit clairement de participer à la maîtrise des dépenses de l’État. Le recentrage du fonds Vert permettra de rationaliser certains dispositifs, dont les gestionnaires délégués sont les préfets.
Je souhaite que les dotations de soutien à l’investissement local fassent l’objet d’un travail d’évaluation en vue de les rapprocher. En effet, on se rend compte que l’effort de verdissement a déjà été pris à bras-le-corps par les élus locaux, puisque 25 % des investissements de la DSIL et 15 % de ceux de la DETR contribuent aux objectifs de la transition écologique – ce qui montre que le fonds Vert n’est pas le seul outil utilisé pour les dépenses territoriales en faveur de cette transition. Aucune dépense publique ne peut désormais ignorer l’objectif d’accompagnement de la transition écologique – sachant que la dette écologique est la deuxième dette supportée par le pays.
À rebours de leur philosophie première, qui visait à donner à chaque dotation d’investissement un objectif ou un objet précisément déterminé, on constate une multiplication des financements croisés par les différents outils que sont la DSID, la DSIL, la DETR et le fonds Vert. Leur cloisonnement n’a plus vraiment de sens et je suis disposée à travailler pour élaborer une doctrine d’emploi plus simple. La notion de fongibilité partielle doit être évoquée. Il ne s’agit pas de diminuer les budgets par rapport au PLF mais bien d’avoir plus de souplesse à l’intérieur des différentes enveloppes. Un gestionnaire qui peut financer au meilleur coût certains projets d’investissement ne doit pas être sanctionné par la perte de crédits ainsi libérés mais, bien au contraire, pouvoir redéployer son effort ailleurs.
Le programme 122 Concours spécifiques et administration regroupe des aides spécifiques gérées par le ministère et attribuées aux collectivités territoriales, ainsi que les moyens dévolus à la direction générale des collectivités locales (DGCL) pour ses missions au profit des collectivités territoriales. Les crédits du programme sont reconduits sensiblement à l’identique, à l’exception d’une ouverture supplémentaire de 63 millions de CP pour financer les restes à payer du fonds destiné à la réparation des dégâts subis par les collectivités territoriales au cours des émeutes urbaines du 27 juin au 5 juillet 2023.
Telles sont les principales dispositions du PLF ainsi que les grands axes de mon action à la tête du ministère.
M. le président Florent Boudié. Je précise que l’examen des amendements et le vote sur les crédits de cette mission auront lieu le 30 octobre.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Tout d’abord, nous pouvons être rassurés par le maintien du niveau des crédits alloués à la mission Relations avec les collectivités territoriales en 2025, avec un montant d’environ 4 milliards d’euros en AE et en CP. Cela signifie que l’État sera au rendez-vous en ce qui concerne les principales dotations d’investissement allouées à ces collectivités, comme la DETR, la DSIL ou les différentes dotations générales de décentralisation.
En revanche, en raison de la situation complexe dans laquelle nous nous trouvons, le Gouvernement demande aux collectivités territoriales de faire un effort de 5 milliards en 2025.
Il est important de souligner que tous les acteurs contribueront cette année au travail de redressement des comptes publics. Ce qui importe, c’est que cette contribution soit la plus juste et la plus équitable possible.
Pour les collectivités territoriales, cette contribution passe notamment par un prélèvement de 3 milliards réparti sur 450 « grosses » collectivités en bonne situation financière, afin de financer un fonds de réserve dans une logique d’autoassurance. Si l’idée apparaît raisonnable, nous manquons à ce stade d’informations sur les modalités de redistribution de ces 3 milliards.
Ce financement aura-t-il un effet sur l’écrêtement de la DGF, puisque les collectivités qui contribuent le plus à celui-ci sont aussi celles qui financeront ce fonds ? Au bout du compte, ce mécanisme ne risque-t-il pas d’encourager la mauvaise gestion puisque seules les collectivités qui sont de « bonnes élèves » sont concernées ?
Enfin, de façon générale, avez-vous réalisé des études sur les conséquences de cette mesure sur l’investissement des collectivités, alors qu’elles s’engagent massivement dans la transition écologique ? Cette question est d’autant plus importante que les crédits alloués au fonds Vert – qui ne sont pas rattachés à la mission RCT mais qui financent les projets d’investissement des collectivités – vont être significativement diminués en 2025, passant de 2,5 milliards en loi de finances de 2024 à 1 milliard dans le PLF que vous présentez. Dans ces conditions, comment s’assurer que nous serons à la hauteur des enjeux en matière de transition écologique ?
J’en viens à la partie thématique de mon avis. J’ai choisi de me concentrer sur la lisibilité des dotations aux communes. J’ai donc auditionné les principales associations d’élus et la DGCL, et je me rendrai jeudi dans le Rhône, pour rencontrer notamment les services de l’État.
Le premier bilan de ces entretiens est sans appel : les élus font état de difficultés liées à l’impossibilité de connaître avant le lancement d’un projet – et parfois même lorsqu’il démarre – le montant de la subvention d’investissement qui sera finalement attribuée. Si ce problème semble avoir été encore plus important en 2024 du fait des annulations de crédits en cours d’année, il me semble possible d’agir pour améliorer la prévisibilité de ces dotations. Tout le monde serait gagnant : plus de prévisibilité permet d’avoir un véritable effet de levier et non un simple effet d’opportunité.
Cela passe par un renforcement de la pluriannualité des dotations, dans la continuité de ce que prévoit la circulaire du 31 mai 2024. Pouvez-vous faire le point sur l’application de celle-ci par les préfets ? Peut-on aller plus loin dans la prévisibilité des dotations pour les communes ? Cette pluriannualité doit-elle intervenir dans un cadre contractualisé renforcé ?
En tout état de cause, cette prévisibilité accrue doit nécessairement être associée à une simplification des normes, pour plus d’efficacité. Les élus locaux ont également fait part de leur souhait d’être mieux accompagnés par les préfectures lors de l’élaboration de leurs projets.
J’en termine par une réflexion plus personnelle. Je m’interroge sur l’effet de la suppression de la taxe d’habitation sur nos finances publiques, d’une part, et sur la rupture du lien qu’elle a causée entre le citoyen et la commune, d’autre part. Je vous sais sensible à ce sujet, madame la ministre. Une réflexion est-elle engagée par le Gouvernement s’agissant de la mise en place d’une contribution citoyenne locale, dont les modalités seraient différentes de celles de l’ancienne taxe d’habitation que nous avons supprimée car elle était injuste ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Le fonds de réserve sera bien alimenté par un prélèvement en 2025 et la redistribution interviendra en 2026 à travers trois fonds de péréquation : le Fpic, le fonds national de péréquation des DMTO perçus par les départements et le fonds de solidarité régional. Cette redistribution sera effectuée après avis du CFL. Il n’y a pas d’effet sur l’écrêtement de la DGF puisqu’il s’agit d’un mécanisme financier différent.
Vous avez relevé que les collectivités concernées par le prélèvement, dont le budget de fonctionnement est supérieur ou égal à 40 millions, sont potentiellement celles qui ont le moins de difficultés financières. Le travail à réaliser est difficile et l’objectif est aussi de tenir compte de la situation financière de l’ensemble des collectivités. Vous savez qu’un certain nombre de départements sont dans une situation extrêmement difficile qui ne permet pas le moindre prélèvement – d’où la notion de vigilance. Le mécanisme proposé a pour objet d’inciter à baisser les dépenses de fonctionnement et non à mal gérer.
La loi de finances de 2024 avait certes prévu 2,5 milliards de crédits pour le fonds Vert, mais le décret d’annulation du 21 février a ramené sa dotation à 1,75 milliard. La consommation des crédits est le véritable sujet, et elle s’est élevée à 1,8 milliard en 2023.
Trois semaines après avoir pris mes fonctions, je n’ai pas encore d’avis définitif sur la contractualisation et la pluriannualité des dotations, même si cela fait partie des points que je souhaite examiner. Dans sa feuille de route, le Premier ministre a insisté sur l’importance du suivi : l’heure n’est pas aux annonces mais à l’examen de ce qu’elles sont devenues.
En tant qu’élue locale, je fais partie de ceux qui pensent que la contractualisation pluriannuelle est un moyen d’avancer. Le contrat de relance et de transition écologique (CRTE) est un outil intéressant. Je souhaite examiner ceux qui ont été conclus dans chacune des régions, en identifiant les dix qui fonctionnent le mieux et les dix qui ne fonctionnent pas, afin d’analyser l’origine de telles différences. En d’autres termes, il s’agit de comprendre d’où viennent les blocages et non d’essayer de réinventer un nouvel outil.
En ce qui concerne la simplification des normes, le rapport de Boris Ravignon propose de mettre rapidement en place des mesures pratiques.
S’agissant de la rupture du lien entre le citoyen et la commune, même si je n’ai pas de mandat pour m’engager au nom du Gouvernement je considère, à titre personnel, qu’il conviendrait de redonner un pouvoir de taux aux collectivités. Je suis consciente que la pression fiscale dans notre pays est l’une des plus élevées et nous devons donc être extrêmement vigilants. Pour autant, nous ne pouvons pas éviter ce débat avec les collectivités. À dix-huit mois des élections municipales, le moment est probablement venu de réfléchir à une contribution, dont j’ignore la forme qu’elle pourrait prendre.
M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Yoann Gillet (RN). La situation est critique. Personne ne peut le nier et certainement pas le Rassemblement national, qui n’a eu de cesse, ces dernières années, de sonner l’alarme. La France vit au-dessus de ses moyens, mais c’est bien la gestion catastrophique de nos finances publiques par les gouvernements successifs qui l’a mise dans cette situation. Notre pays cumule ainsi des records d’impôts, de déficit et de dette.
Loin de la rupture attendue et du courage politique, le Gouvernement a présenté un budget injuste pour les retraités et les Français qui travaillent, mais aussi pour les collectivités territoriales auxquelles vous allez retirer pas moins de 5 milliards d’euros et dont vous baissez la DGF en euros courants.
Si la situation de ces collectivités ne cesse de se dégrader, c’est en raison de l’étranglement financier imposé par l’État, soit directement du fait de ses décisions, soit par ricochet de la politique menée à l’échelle nationale. Les mesures imposées par l’État sans aucune compensation sont ainsi à l’origine de 90 % de l’augmentation de la masse salariale des collectivités. Depuis deux ans, les recettes tirées des droits de mutation ont chuté, conséquence directe des erreurs stratégiques et de l’incompétence des gouvernements successifs.
On demande toujours plus aux élus locaux, avec de plus en plus de normes mais toujours moins de moyens. On estime le coût des nouvelles normes à plus de 2 milliards d’euros en 2022 et à plus de 1,2 milliard en 2023.
Les crédits destinés aux dotations de soutien à l’investissement des collectivités territoriales dans le cadre du PLF pour 2025 ne répondent pas aux besoins de nos territoires et de nos concitoyens. En euros courants, la DETR, la DPV et la DSIL sont en recul du fait de l’inflation. Cette situation est non seulement injuste pour les collectivités, qui ne sont à l’origine que de 8 % de la dette publique – soit 208 milliards d’euros sur un total de 3 200 milliards –, mais aussi pour les Français, et elle est dangereuse pour l’économie du pays. En effet, 70 % de l’investissement public sont réalisés par les collectivités. Elles sont bien gérées, dans l’ensemble, notamment les communes, et leur dette est globalement saine, pour une raison simple : elles n’empruntent que pour leurs investissements, quand l’État emprunte pour son fonctionnement.
Face à notre situation financière compliquée, le nouveau Gouvernement continue de faire s’envoler les dépenses publiques de l’État et taille là où il est facile de le faire, du côté des retraités, des Français qui travaillent et des collectivités. Il existe pourtant des réformes structurelles à réaliser avec des économies à la clef : l’immigration nous coûte de 30 à 50 milliards d’euros par an, la fraude fiscale et sociale plusieurs dizaines de milliards, et l’accumulation d’un nombre gigantesque de structures et agences gouvernementales, 20 milliards au bas mot. Vous pourriez pourtant agir concrètement dans le cadre de votre portefeuille si le Gouvernement auquel vous appartenez avait un minimum de vision d’avenir et de courage politique.
En 2015, le redécoupage de la carte des régions devait produire des économies. Le Rassemblement national avait prévenu qu’il n’en serait rien et, de fait, les dépenses n’ont fait qu’exploser. Le budget de ma région, l’Occitanie, s’élève ainsi à 3,55 milliards, soit plus d’un milliard de plus qu’avant la fusion des deux anciennes régions. En 2023, les dépenses des régions ont continué d’augmenter, de 4,9 %. Les charges externes étaient alors en hausse de 15 % et les charges financières de 52,9 %. Par ailleurs, le redécoupage des régions a éloigné les Français de leurs élus. Il faudrait donc avoir le courage de s’attaquer au millefeuille administratif – le rapport Ravignon a évalué le fardeau qui en résulte à 7,5 milliards d’euros. Il faut également aborder la question des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), qui gèrent des compétences autrefois confiées aux municipalités et dont les dépenses de fonctionnement et les effectifs ont connu une croissance importante.
Il faut agir ! Le Rassemblement national vous demande de prendre des mesures concrètes d’économies, reposant sur une vision d’avenir pour le moyen et le long terme.
Mme Laure Miller (EPR). Vous avez parlé de respect et d’humilité lors de la passation de pouvoirs : vous avez promis d’écouter chaque élu et de porter une attention toute particulière à la question des moyens d’action. Écouter et soutenir les élus locaux, c’est ce qui a été fait ces dernières années, en protégeant mieux l’exercice des mandats électifs, par un renforcement de l’accompagnement et de la fermeté à l’égard des auteurs de violences contre les élus, en accompagnant les collectivités dans la transition écologique grâce au fonds Vert, qui a été pérennisé alors qu’il ne devait durer qu’un an, et en faisant en sorte que l’État soit un facilitateur pour les projets des collectivités, comme c’est le cas dans le cadre du couple maire-préfet, qui fonctionne très bien. Nous avons aussi agi, plus récemment, en ce qui concerne les secrétaires de mairie, véritables chevilles ouvrières des communes, et il n’est pas inutile de rappeler que la DGF a augmenté en 2023, pour la première fois depuis treize ans, et qu’une nouvelle hausse a suivi en 2024.
Pour ce qui est du fonds de réserve, le sentiment des élus locaux est qu’on va chercher à faire des économies en se tournant vers les collectivités les plus vertueuses, alors qu’on laisse tranquilles celles qui n’ont pas pris leurs responsabilités. Vous avez répondu au sujet de l’avenir de ce fonds et vous avez rappelé que deux rapports très utiles, concernant la question fondamentale du lien de confiance entre l’État et les collectivités territoriales, ont été remis au Gouvernement au cours des derniers mois. Nous ressentons aisément dans nos relations avec les maires et les élus départementaux et régionaux à quel point la confiance est fragile : il existe un vrai besoin de décentralisation, au bénéfice des élus de terrain, et une incompréhension.
S’agissant du RSA, qui relève de la compétence des départements, l’État verse une compensation, mais celle-ci ne tient pas compte de l’évolution du nombre de bénéficiaires. Dans la Marne, 5 millions d’euros ne sont donc pas compensés cette année. Par ailleurs, si l’augmentation du Smic et la revalorisation du point d’indice sont de bonnes nouvelles, elles ne font pas nécessairement l’objet d’une compensation. Quant aux expérimentations, elles constituent une excellente méthode, mais elles finissent parfois par une généralisation à la charge des collectivités. Pour ce qui est des compensations, que pensez-vous de la proposition de notre collègue Éric Woerth de redonner du pouvoir de taux aux collectivités et de mieux partager l’impôt national et la gouvernance ?
Les élus locaux subissent au quotidien l’enchevêtrement des politiques publiques et des compétences de l’État et des collectivités. Les doublons nuisent à la clarté des politiques qui sont menées et à leur efficacité. Le rapport de Boris Ravignon nous offre cependant une lueur d’espoir, puisqu’il permet de chiffrer le coût de l’enchevêtrement, estimé à 7,5 milliards d’euros. Ce coût est en très grande partie à la charge des collectivités, pour 6 milliards, et ce sont les communes qui paient le plus lourd tribut, à hauteur de 4,8 milliards. Quelle méthode envisagez-vous de suivre pour réduire les coûts liés à l’enchevêtrement des compétences et à la surabondance des normes qui pèsent sur les collectivités ? Comment les parlementaires pourraient-ils être associés à la réforme nécessaire dans ce domaine ?
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Allons à l’essentiel : tout cumulé, 10 milliards d’euros seront ponctionnés sur les collectivités, que Bruno Le Maire rendait responsables du déficit public. Leurs budgets doivent pourtant être à l’équilibre : ce que disait Bruno Le Maire était tout à fait faux. La Cour des comptes évoque la suppression de 100 000 emplois, mais on ne sait ni où ni comment. Une réduction drastique des moyens consacrés aux collectivités territoriales aurait des conséquences sur les services publics et les politiques publiques, comme la protection de l’enfance et l’accueil public de la petite enfance. À force d’étrangler les collectivités, on a laissé la place au privé dans ce domaine, avec les conséquences que l’on sait. Par ailleurs, si les crédits du fonds Vert baissent de 60 %, il ne sera même plus question d’isoler les bâtiments publics de façon correcte et écologique. Quelle hypocrisie !
Deux principes constitutionnels et républicains sont bafoués : la libre administration des collectivités et leur autonomie financière. La libre administration des collectivités est un principe démocratique : les élus doivent pouvoir respecter leurs engagements, mettre en œuvre le programme sur lequel ils ont été élus. L’impuissance dans laquelle vous les enfermez explique une partie des tensions dont ils sont victimes, et la surenchère pénale ne réglera absolument rien. L’autonomie financière des collectivités territoriales est aujourd’hui quasi inexistante, en particulier pour les communes. L’expression « redonner du pouvoir de taux » aux collectivités est peut-être pudique ou bien emballée, mais chacun a compris qu’elle voulait dire : « débrouillez-vous, nous allons vous donner l’autorisation de recréer un impôt ». Les collectivités, particulièrement les communes, n’ont plus de levier fiscal. Il ne leur reste plus que la part locale de la taxe foncière, ce qui explique son augmentation massive, alors que cet impôt est spécialement injuste.
L’État n’a pas tenu parole – on pourrait même parler d’imposture à son sujet. Des politiques publiques ont été imposées aux collectivités, par exemple en matière d’accueil périscolaire, avec un financement de l’État, mais on apprend en examinant les documents budgétaires que la compensation prévue n’existera plus. De même, les pertes liées à la disparition de la taxe d’habitation devaient être compensées à l’euro près, ce qui supposait une évaluation, prévue fin 2023. Or elle n’a jamais eu lieu. Voilà pourquoi nous disons que l’État se comporte en imposteur. En la matière, le cynisme le dispute à l’irresponsabilité.
Tout le monde paie sauf vous, qui êtes responsables de la situation financière du pays, et vous entretenez la récession. Les collectivités territoriales représentent 70 % de l’investissement public civil. Celui-ci est a priori vertueux : il s’agit de construire des équipements publics et de permettre aux services publics locaux de fonctionner dans les meilleures conditions. Votre logique austéritaire aura donc un impact économique. Vous dites faire confiance aux élus locaux : c’est ce qu’il faudrait faire, mais en réalité vous les sabordez, vous les empêchez de mener les politiques pour lesquelles ils ont été élus. Ils n’ont même plus les moyens de s’assurer face aux aléas climatiques. Nous avons tous été frappés par les images d’élus locaux venant en aide, les pieds dans l’eau, à leurs concitoyens.
M. Hervé Saulignac (SOC). Nous sommes au mois d’octobre ; les collectivités territoriales entrent dans une période de construction budgétaire. Avec un tel PLF, elles le font avec des questions, des incertitudes, et même dans un contexte d’insécurité. Les conséquences sont pourtant connues : une collectivité qui se trouve dans une situation d’insécurité budgétaire appuie d’abord sur le frein des investissements. C’est très probablement ce qui va se produire.
Je voudrais cependant vous remercier d’avoir rappelé que les collectivités représentent 8 % de la dette publique. Une petite musique faisait peser sur elles une forte responsabilité : les propos de Bruno Le Maire étaient très injustes à l’endroit des exécutifs des collectivités, compte tenu de leur travail important pour tenter de maîtriser la dépense publique – je ne cherche pas à les exonérer de cet effort. Vous avez même admis que les injonctions de l’État généraient des dépenses, ce qui est agréable à entendre de la part de la ministre chargée des collectivités ; il reste néanmoins à savoir quels actes suivront.
J’accueille avec un peu de circonspection la fongibilité des enveloppes que vous avez évoquée. La fongibilité risque de pénaliser les territoires qui ne sont pas les plus dynamiques, car ceux qui le sont, au contraire, pourraient ponctionner une bonne partie des moyens. À cet égard, je suis attaché, et je ne suis pas le seul, au « R » du sigle DETR, et je souhaite que les crédits puissent continuer à être fléchés vers les territoires ruraux sans avoir à pâtir d’une quelconque fongibilité.
Les collectivités subissent une double conjoncture, à la fois économique et gouvernementale. La plongée des DMTO, qui sont des recettes volatiles, impossibles à maîtriser, voire à anticiper, est terrible. Dans le même temps, les dépenses sociales augmentent considérablement, notamment pour les départements. Les frais fixes, comme l’énergie, ont également explosé. S’agissant des charges salariales, il est heureux que les rémunérations des agents aient augmenté, mais cela conduit les collectivités à assumer 800 millions d’euros de dépenses supplémentaires en 2024. La revalorisation du RSA, évidemment nécessaire, elle aussi, représente 500 millions d’euros en année pleine, sans compensation ni accord préalable avec notamment le comité des financeurs.
Bref, la barque s’alourdit considérablement, à force de charges supplémentaires et de ponctions, parfois phénoménales. Dans mon petit département de l’Ardèche, j’ai cru comprendre que les sommes prélevées sur les recettes de fonctionnement avoisinaient les 7 millions d’euros. Je suis très heureux de ne pas être le vice-président chargé des finances au sein du conseil départemental : mon collègue va se faire des cheveux blancs en essayant de boucler le budget.
Les crédits du fonds Vert, qui s’élèvent actuellement à 1,8 milliard d’euros en exécution, passeraient à 1 milliard. Ils subiraient donc une coupe claire.
Enfin, je rappelle un principe : celui qui dépense décide. C’est bien d’avoir une méthode, mais envisagez-vous d’améliorer la codécision, pour faire en sorte que celui qui dépense ne soit pas mis devant le fait accompli, comme la plupart des collectivités en ont le sentiment ?
M. Philippe Gosselin (DR). Au moins avons-nous avec vous une connaisseuse des collectivités territoriales. J’ai néanmoins de vraies inquiétudes. Nous partageons tous, quelles que soient les sensibilités politiques, l’idée que ce budget est injuste et nous regrettons qu’on traite parfois les élus locaux comme des boucs émissaires. Ils sont présentés comme responsables de la dette publique alors que les collectivités territoriales, contrairement à l’État, ne peuvent pas adopter des budgets en déséquilibre et que leur dette est vertueuse, puisqu’elle est consacrée à de l’investissement – elle ne pose donc pas de problème, contrairement à la dette de fonctionnement, qui est récurrente.
Entre 60 % et 70 % de l’investissement public émanent des collectivités territoriales. Enrayer la machine en matière d’investissement revient tout simplement à enrayer les marchés publics locaux et donc l’économie départementale, communale et régionale. Même si le code des marchés publics permet une mise en concurrence aussi large que possible, les marchés sont assez souvent locaux, et c’est d’ailleurs très bien. L’investissement est en péril si on rogne les budgets.
Je rappelle aussi que les engagements de l’État ne sont pas nécessairement tenus, ce qui ne date pas d’aujourd’hui : des dépenses ne sont pas compensées. On est loin de l’esprit de la décentralisation de 1982, qui était de compenser au franc près. Dans la Manche, le RSA est compensé à 67 %, le coût de prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA), de 12 millions, est compensé à hauteur de 3,78 %. Le compte n’y est pas.
Le fonds de réserve nous inquiète tous. Dans le seul département de la Manche, il représenterait 19 millions, qui s’ajouteront à la chute d’environ 15 millions des DMTO en raison du faible nombre de transactions immobilières. C’est donc la quadrature du cercle qu’il faudrait réaliser : nous sommes confrontés à de vraies difficultés d’organisation. Et que dire de nos petites communes rurales qui sont à la recherche de bouts de ficelle pour gérer tant bien que mal la situation ? Leurs élus, quasiment bénévoles, sont à la fois des moutons à cinq pattes et des sentinelles de nos petites républiques, qui fondent la grande. À dix-huit mois des élections municipales, beaucoup de vocations sont en train de s’éroder, ce qui m’inquiète pour notre démocratie locale. Comme le disait Tocqueville, qui était de la Manche, lui aussi, « C’est dans la commune que réside la force des peuples libres ».
Enfin, quid du lien fiscal ? Nos collectivités n’en ont plus : la taxe d’habitation a été supprimée. Dans les départements et les régions, c’en est également fini, en partie, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Il est urgent de reconstituer un lien fiscal d’importance. Quelles sont donc les perspectives en matière de décentralisation et de déconcentration de l’État dans les mois à venir ? Comptez-vous redonner confiance grâce à un nouvel acte de décentralisation qui permettrait enfin un retour à une plus grande autonomie des collectivités territoriales ?
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Alors que la demande de proximité et de services publics ne cesse de croître, l’État se retire des territoires depuis de longues années. L’action que déploient au quotidien les collectivités territoriales au service de leurs habitants vise souvent à pallier les insuffisances de l’État. En matière de droit à l’éducation, les collectivités organisent ainsi à tous les degrés, de la maternelle à l’université, l’amélioration des conditions de scolarité en investissant dans les établissements. Elles concrétisent aussi la promesse républicaine d’égalité en prenant en charge des coûts tels que ceux de la restauration, du transport et des fournitures scolaires. Face au manque de moyens dont souffrent les enseignants et l’éducation nationale, les collectivités n’hésitent pas à développer des activités périscolaires et contribuent largement à l’épanouissement de la jeunesse, à son ouverture sur le monde et à son accès à la culture.
Dans ce domaine, les collectivités sont en première ligne pour accompagner et soutenir les acteurs culturels et permettre à nos concitoyens d’accéder à la culture. C’est grâce à leur action que, partout, les arts, le spectacle vivant, les festivals et les événements patrimoniaux vivent et font vivre nos territoires. Les collectivités sont aussi en première ligne pour le développement économique et le soutien à l’activité. Elles confortent partout le tissu commercial, investissent et soutiennent les entrepreneurs. Lorsque des commerces de proximité existent encore dans nos villages, c’est grâce à l’action des collectivités, qui soutiennent les artisans, la pérennité de leur activité et les investissements.
Par ailleurs, les collectivités assurent nombre de services publics de proximité, notamment lorsque l’État se désengage. Dans ma circonscription, pas moins de sept agences postales ont disparu ces dernières années. Quasiment à chaque fermeture, les collectivités ont pris le relais par le biais d’agences postales communales. Lorsque l’État, après avoir tout dématérialisé, cherche à nouveau la proximité, les collectivités sont mises à contribution. Nombre de dispositifs France Services, par exemple, ne peuvent fonctionner que grâce à l’engagement des communes. Face à la désertification médicale, ce sont encore les collectivités qui agissent pour décharger les médecins et libérer du temps de soin, réduire les charges administratives et améliorer les conditions de travail des personnels médicaux.
Les élus locaux sont ceux auxquels nos concitoyens accordent le plus leur confiance. Contrairement à ce que le Gouvernement prétend, l’action des collectivités ne s’inscrit pas dans une logique de dépenses incontrôlées. Depuis des années déjà, les gouvernements qui se succèdent organisent leur appauvrissement : on multiplie à Bercy des mécanismes complexes pour diminuer les recettes locales. L’État détricote ainsi jour après jour le principe de libre administration des collectivités et celui de leur autonomie financière.
J’entends dire que les baisses des budgets porteront sur les grosses collectivités, mais c’est confondre gros et riches. Toutes les grosses collectivités ne sont pas riches : la moitié des départements ont déjà une épargne négative, alors qu’ils sont chargés de s’occuper des allocataires du RSA, des prestations de compensation pour les personnes en situation de handicap, de l’allocation personnalisée d’autonomie des seniors et de l’aide sociale à l’enfance, qui se trouve dès à présent dans un état catastrophique. Et il ne s’agit là que de dépenses non pilotables. Par ailleurs, c’est oublier que les fonds de concours ne seront pas épargnés, comme le fonds Vert, qui se verrait amputer de plus d’un milliard d’euros, et le fonds de soutien au développement des activités périscolaires. Or, dans de nombreuses petites collectivités, il n’y a plus que les fonds de concours qui permettent d’agir, tant les dépenses de fonctionnement ont déjà été comprimées par les budgets précédents.
Dans ce contexte d’injonctions contradictoires, qui voudraient qu’on fasse toujours plus avec toujours moins, les maires sont de plus en plus nombreux à démissionner : ils ne peuvent plus mener à bien le projet pour lequel ils ont été élus. Plus de 4 700 élus municipaux ont jeté l’éponge depuis 2020, dont 1 300 maires, et ce mouvement risque de se poursuivre. Les élus locaux ont plus que jamais besoin d’être confortés dans leurs missions, toujours plus nombreuses, et de disposer d’une véritable vision pluriannuelle, à la fois pour les recettes et pour les dépenses.
Au vu de l’action menée par les collectivités territoriales, comment pouvez-vous penser que la cure de 6 milliards d’euros que vous souhaitez leur imposer puisse avoir lieu sans dégrader durablement les conditions de vie dans nos territoires ?
M. Éric Martineau (Dem). L’ampleur du portefeuille de vos responsabilités ouvrira la porte, pour reprendre vos mots, à un dialogue nouveau avec les collectivités. Vos missions sont définies par l’intitulé même de votre ministère : le partenariat avec les collectivités territoriales, pour rétablir le lien entre elles et le Gouvernement, et la décentralisation, dans l’ambition de clarifier et de faciliter le transfert de compétences.
Le rapport de notre collègue Éric Woerth a ouvert des pistes de réflexion pour consolider les moyens des collectivités, faciliter l’exercice des mandats locaux et clarifier la répartition des compétences entre les collectivités. L’un des points abordés dans le rapport est la recentralisation de compétences sociales jusqu’à présent dévolues aux départements, notamment l’aide sociale à l’enfance (ASE). J’ai pu constater à plusieurs reprises, dans ma circonscription, des dysfonctionnements dans les services à la petite enfance, largement pénalisés par des limites administratives géographiques entre départements et régions qui vont à l’encontre du bien des enfants. Êtes-vous favorable à une recentralisation de l’aide sociale à l’enfance afin d’apporter des garanties homogènes en matière de protection ? Il y va du bien-être des enfants et de notre société.
Selon le rapport remis par Boris Ravignon, l’enchevêtrement des compétences des collectivités territoriales coûterait chaque année 7,5 milliards d’euros. Ce coût pèse principalement sur les communes, à hauteur de 4,8 milliards. Le rapport appelle à refonder complètement le financement des collectivités pour dépasser la défiance entre elles et l’État et à revoir le partage des compétences et des responsabilités. Vous semblez apprécier certaines de ces recommandations. Pouvez-vous préciser lesquelles ? Compte tenu de l’effort financier demandé aux collectivités cette année, envisagez-vous sérieusement de vous pencher sur la question de la réduction du coût du millefeuille territorial, décrit dans le rapport de M. Ravignon ?
M. Laurent Marcangeli (HOR). Tous les acteurs de la puissance publique doivent participer à la réduction du déficit. Le groupe que je préside est parfaitement lucide à cet égard, mais considère que quelques conditions préalables sont à remplir ; vous les partagez sûrement puisqu’il s’agit de points de méthode comprenant, notamment, l’impératif d’un dialogue franc et respectueux avec les collectivités territoriales. Trois éléments nous semblent essentiels : la concertation, la réciprocité et la juste contribution.
Si l’on regarde les grandes masses, c’est bien l’État et les organismes de sécurité sociale qui pèsent le plus dans le déficit public et l’endettement. Les efforts devront donc, en grande majorité, venir d’eux.
Le PLF pour 2025 prévoit plusieurs mesures de mise à contribution des collectivités. D’abord, la DGF sera maintenue à son niveau de 2024. C’est une bonne nouvelle, car on pourrait faire pire, mais l’évolution de cette dotation ne suivra pas l’inflation. Ensuite, la fraction de TVA allouée aux collectivités restera parfaitement stable par rapport à 2024, ce qui les empêchera de bénéficier de la dynamique de la croissance. Enfin, le taux du FCTVA sera abaissé. Ces mesures semblent a priori proportionnées à la situation, très préoccupante, de nos finances publiques.
En revanche, le dispositif de fonds de réserve créé à l’article 64 fera payer un lourd tribut aux collectivités territoriales. Les plus grandes d’entre elles devront contribuer de manière significative, jusqu’à 2 % de leurs recettes réelles de fonctionnement à partir de 2025. Un tel taux peut sembler peu élevé, mais cela représente un effort massif à l’échelle locale. Comment le fonds de réserve fonctionnera-t-il concrètement ? En tout état de cause, le groupe Horizons & indépendants propose une véritable règle de péréquation pour valoriser les collectivités territoriales qui ont une bonne gestion. Il nous paraît injuste que celles qui sont bien gérées continuent de supporter le poids de l’inefficacité des autres. À terme, il serait souhaitable d’instaurer un système de bonus et de malus pour récompenser enfin ceux qui font preuve de rigueur et contribuent activement au développement de leur territoire.
La clef, c’est la confiance – celle de l’État dans la gestion des deniers publics et celle dans le transfert de certaines de ses compétences. Nos concitoyens attendent l’ouverture d’un nouveau chapitre dans l’histoire de la décentralisation. Quelles sont vos ambitions en la matière et, surtout, avec quels moyens comptez-vous les atteindre ?
Au-delà de la décentralisation se pose la question du statut du territoire dont je suis issu : nous attendons encore de connaître les contours précis de l’autonomie de la Corse, en proie à de véritables difficultés économiques et sociales qui ne doivent pas être occultées par le débat institutionnel. Compte tenu des difficultés concernant les dessertes aériennes et maritimes, je déposerai prochainement des amendements visant à ajuster le montant de la dotation de continuité territoriale de façon pérenne, au lieu de procéder exercice budgétaire après exercice budgétaire. Le temps joue contre nous et je souhaite donc, dans l’intérêt de tous, que les projets aboutissent au plus vite. Pouvez-vous indiquer vos priorités et votre calendrier en la matière ?
La réunion est suspendue de dix-sept heures trente-cinq à dix-huit heures cinq.
M. Stéphane Peu (GDR). On ne peut pas dire que les collectivités territoriales ont été bien traitées sous la présidence d’Emmanuel Macron : elles ont fait l’objet d’une certaine indifférence et d’une certaine méconnaissance de la part de ce qu’on a appelé la Macronie, et les liens de confiance entre les collectivités et les gouvernements successifs se sont distendus. Votre arrivée, madame la ministre, était plutôt une espérance compte tenu de votre parcours, mais le budget qui nous est présenté est une véritable douche froide. S’ajoutent à cela les provocations de Bruno Le Maire, qui a essayé de faire porter le chapeau aux collectivités, ou de leur passer le mistigri de la dérive des comptes publics, alors qu’elles sont vertueuses en la matière, dans la mesure où elles votent des budgets à l’équilibre et que leur dette ne couvre que leurs investissements – c’est donc une dette vertueuse.
La note qui leur est présentée est très salée. Certains parlent de 5 milliards d’euros d’amputation, mais j’arrive plutôt, en faisant les comptes, aux alentours de 6,5 milliards. La mise en place d’un fonds de réserve est pour nous injuste et incompréhensible : ce n’est ni plus ni moins qu’une ponction de 3 milliards. Dans ma circonscription, 10 millions seront pris aux seules villes de Pierrefitte-sur-Seine et de Saint-Denis et à la communauté d’agglomération, alors que nous avons, comme partout, des besoins considérables et que nos villes font partie des plus pauvres de France du point de vue des populations que nous accueillons et dont nous nous occupons. Comme l’écrêtement de la taxe d’habitation, cette mesure se traduira par moins de services publics là où l’État est souvent déficient. Deux rapports parlementaires sur les services de l’État dans le département de la Seine-Saint-Denis, l’un remis par François Cornut-Gentille et l’autre par Christine Decodts et moi-même, ont montré que nous étions souvent en dessous de la moyenne nationale, notamment pour les missions régaliennes que sont la sécurité publique, la justice et l’éducation. Ce que vous proposez conduira inévitablement à une dégradation des services rendus à la population et fera courir le risque d’accroître encore un peu les difficultés.
D’autres mesures, concernant le FCTVA ou le fonds Vert, vont amputer les capacités d’investissement, alors que 1 euro de dotation aux collectivités dans ce domaine a un effet levier d’environ 3 euros. Les 3 milliards d’euros d’investissement, au moins, qui seront prélevés conduiront ainsi à une amputation d’environ 9 milliards et à une dégradation de la capacité des collectivités à agir en faveur de la croissance économique du pays.
M. Paul Molac (LIOT). Quel bel intitulé que celui de votre ministère ! Cette idée de partenariat avec les territoires est porteuse de promesses que le groupe LIOT espère voir se concrétiser. Cependant, le budget pour 2025 nous inquiète grandement : alors que l’ancien gouvernement a ruiné l’État, le nouveau semble bien décidé à faire les poches des élus locaux en n’oubliant aucune strate. Si j’étais taquin, je ferais remarquer que l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) rapportait 5 milliards d’euros par an, c’est-à-dire le montant retiré aux territoires, et que l’on aurait pu rétablir cet impôt pour épargner les finances des collectivités territoriales. Vous avez admis que ces dernières n’étaient pour rien dans la dette publique, qui dépasse 3 200 milliards d’euros, alors que nous avions l’impression, avec M. Le Maire, que l’État central demandait aux autres d’assumer ses propres échecs.
S’agissant du fonds de réserve, je ferais observer deux choses : la grandeur d’une collectivité ne fait pas forcément sa richesse ; il est des collectivités plus vertueuses que d’autres, certaines ayant déjà commencé à réduire leurs coûts de fonctionnement. Quels critères retenez-vous pour demander, par exemple, un effort total de 56 millions à la région Bretagne ?
Je regrette évidemment le choix de geler l’évolution annuelle des recettes de TVA, ce qui va casser une dynamique pour laquelle nous nous étions battus en 2017 – cela n’avait pas été évident de l’obtenir de Bercy. Je peux comprendre la chasse aux dépenses de fonctionnement, mais pourquoi couper dans le fonds Vert, destiné à des investissements, et pourquoi attaquer le FCTVA ? Rappelons que les collectivités assurent des services à la population – écoles, terrains de sport, piscines, aides à la mobilité et autres – et qu’elles réalisent environ 70 % de l’investissement public.
Vous qui êtes chargée de la décentralisation, comment allez-vous amorcer un nouvel acte en privant un peu les élus locaux de leur marge de manœuvre ? Plutôt que de donner le pouvoir aux préfets, des fonctionnaires dépendant de la place Beauvau, je préférerais que vous le donniez aux élus locaux, des élus du peuple. Nous militons pour que, dans le cadre de leurs compétences, les élus locaux aient une autonomie fiscale, réglementaire, voire législative dans certains cas. Il en est ainsi en Nouvelle-Calédonie et dans les régions de pays qui nous entourent. Comme mes collègues corses pour leur territoire, je suis prêt à assumer mes responsabilités pour la Bretagne.
Mme Brigitte Barèges (UDR). Il est profondément injuste de voir les collectivités obligées d’assumer la mauvaise gestion de l’État, alors qu’elles doivent respecter des règles d’équilibre pour leur propre budget de fonctionnement. Cela porte atteinte au principe constitutionnel de libre administration des communes.
Vous avez honnêtement constaté que les collectivités assument 70 % de l’investissement public et ne sont responsables que de 8 % de la dette, contrairement à ce que tous les médias avaient d’abord claironné pour justifier l’atteinte aux moyens des collectivités territoriales. Vous avez aussi reconnu que l’État est responsable d’une grande partie de l’alourdissement de nos charges de fonctionnement en raison de transferts de compétences et de la revalorisation des salaires.
Dans vos prévisions, la seule bonne nouvelle est le report de la suppression de la CVAE. Cette suppression pénalisera encore les territoires dynamiques alors que la recette pourrait en partie contrebalancer les très lourdes dépenses dues au transfert vers les intercommunalités des compétences en matière d’eau et d’assainissement. Pour le reste, votre projet est une vraie catastrophe. Une fois de plus, on pénalise les collectivités les plus vertueuses pour favoriser les plus dépensières. C’est totalement injuste et cela n’incite pas à l’effort de redressement, objectif affiché du Gouvernement – il serait temps qu’il se l’applique à lui-même !
Parmi les mauvais souvenirs, je citerais les contrats dits de Cahors : les calculs de l’État étaient erronés dans mon intercommunalité, ce qui a été reconnu par la justice. Quant à la suppression de la taxe habitation, cadeau électoral d’Emmanuel Macron, l’État a fini par la compenser, mais le système est totalement injuste : le financement des services publics est supporté par les seuls propriétaires fonciers ; la péréquation établie fait que les habitants de Montauban, par exemple, paient 11 millions d’euros de taxe foncière, un montant qui excède la compensation, la différence étant redistribuée dans la région parisienne. Ces précédents conduisent les collectivités à avoir très peur.
Dans la mesure du possible, nous nous opposerons donc à ce projet de loi. L’État nous impose déjà des pénalités trop lourdes, que ce soit au titre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) ou des lois sur l’environnement. En obérant la trésorerie des collectivités, vous réduisez leurs capacités d’investissement, ce qui va nuire à la qualité des services publics, mettre en difficulté les entreprises qui contribuent à la construction de nos infrastructures, et pénaliser l’emploi, à l’heure où l’on nous annonce déjà de nombreuses faillites dans les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE).
Nous sommes nombreux à vous le dire, à commencer par Arnaud Robinet, maire de Reims, et par le président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) : les élus locaux n’en peuvent plus ! De grâce, madame la ministre, vous qui avez été une élue locale de qualité, plaidez notre cause auprès d’un Président de la République qui, lui, ne connaît toujours pas la réalité locale.
Mme Catherine Vautrin. Étant encore une élue locale, je connais le dossier et sa complexité. S’agissant du fonds de précaution, il va concerner 450 communes qui ne sont pas forcément les plus importantes, car, en effet, taille n’est pas nécessairement synonyme de richesse. Il a été tenu compte de deux indices de faiblesse pour exonérer certaines d’entre elles : recevoir la DSU ; ne pas contribuer au Fpic. Les cartes qui ont circulé la semaine dernière – pas à l’initiative du Gouvernement –, n’intégraient pas ces indices de fragilité.
La réduction de 800 millions d’euros du FCTVA est un sujet en discussion avec le Premier ministre, en vue d’éventuels ajustements. Sachant parfaitement ce qu’est un plan de financement, j’imagine sans peine que certains élus ont pu contracter un prêt relais sur la base d’un FCTVA à deux ans. Cela étant, les services apportés par les collectivités à la population ayant un coût, nous devons nous poser la question suivante : faut-il durablement tenir nos concitoyens totalement éloignés du coût de tel ou tel service ? Comme je l’ai dit dans mon propos introductif, nous devons mener cette réflexion. L’État doit faire 20 milliards d’euros d’économies dans le cadre de l’effort de redressement, ce qui va entraîner des révisions dans ses coûts de fonctionnements, comme certains d’entre vous le suggèrent.
La loi SRU va fêter ses 40 ans, madame Barèges, et le logement reste un sujet majeur. À l’échelle d’un territoire, il est important d’avoir une complémentarité des types de logement.
À l’instar de M. Gillet, beaucoup d’entre vous ont parlé des dépenses de l’État. N’oubliez pas le filet de sécurité, instauré au moment de la crise sanitaire, qui a permis d’accompagner les collectivités et les entreprises. Avec le recul, on peut même penser que beaucoup a été fait en matière de mesures d’accompagnement.
Madame Miller, je vais signer aujourd’hui même la circulaire pour les préfets concernant la loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie, que vous avez mentionnée. « Il n’y a pas de hasard, il y a que des rendez-vous », disait Éluard. Vous avez raison, nous devons travailler sur les enchevêtrements des politiques et des compétences, en conduisant une réflexion avec les communes, les départements et les régions. Quant au fonds de résilience, il vise à alimenter la péréquation à partir de 2026, après constitution de la réserve en 2025. C’est un fonds de solidarité, un instrument budgétaire inédit pour notre pays.
Élisa Martin a indiqué que 10 milliards d’euros seraient ponctionnés sur les collectivités et Stéphane Peu a évalué la note à 6,5 milliards. Pour ma part, j’en reste à 5 milliards d’euros. Peut-être, monsieur Peu, incluez-vous la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), dossier que je vais suivre de très près ? Dans mes fonctions précédentes, constatant la dérive des comptes de cet organisme, j’avais demandé un rapport : le minimum que l’on doit aux agents de la fonction publique est de s’assurer d’avoir les moyens de payer leur retraite. L’idée est de lisser sur plus de trois ans la hausse des cotisations, sachant qu’une hausse d’un point équivaut à 355 millions d’euros. Et n’oublions pas qu’en d’autres temps l’Ircantec a bénéficié d’un accompagnement de la CNRACL.
S’agissant de l’autonomie financière, je rappelle que les ratios d’autonomie des communes n’ont pas baissé et sont toujours supérieurs à 70 %. Il est demandé 15 milliards d’euros d’économies sur le budget de la sécurité sociale, mais aussi 20 milliards d’économies sur celui de l’État, madame Martin. Il y a une recherche générale et solidaire d’économies, qui n’est pas dirigée contre les élus.
Vous craignez, monsieur Saulignac, que la fongibilité des enveloppes ne pénalise les territoires ruraux. Il n’est pas question de supprimer la poche de la DETR qui est destinée à la ruralité. Nous voulons engager une réflexion afin de simplifier, mais aucune décision n’a été prise et je n’ai pas d’avis préconçu. Quoi qu’il en soit, l’idée n’est pas de chercher à grappiller quelques millions supplémentaires par ce biais-là.
Monsieur Gosselin, vous indiquez que les collectivités territoriales ne sont pas responsables de la dette publique et vous insistez sur leurs dépenses d’investissement. Le problème est que la dette publique au sens de Maastricht intègre toutes les dépenses, y compris les dépenses d’investissement. Pour avoir présidé un exécutif local pendant dix ans, je sais très bien que mes investissements étaient financés par mon épargne, ma capacité d’autofinancement et donc l’accumulation de mes réserves. Je suis tout à fait d’accord avec vous. Il n’en reste pas moins que les courbes montrent que la croissance des dépenses est plus rapide que celle de la constitution des réserves. Gardons cela en tête.
Vous avez raison, monsieur Duplessy, de dire que les compétences sont enchevêtrées, notamment dans les domaines de la culture et du sport. Réfléchissons ensemble, peut-être à une notion de chef de file, afin d’éviter des coûts de fonctionnement redondants, liés en particulier à l’instruction des dossiers. S’agissant des services publics, le réseau France Services compte désormais 2 800 maisons dont plus de 80 % des usagers se déclarent satisfaits. Une bonification d’un montant de 7,5 millions d’euros est dévolue à la participation des collectivités territoriales les plus fragiles au financement de ces structures.
En ce qui concerne la recentralisation des dépenses sociales, monsieur Martineau, je resterai très prudente. Outre l’ASE qui vous préoccupe, je citerai les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) où l’égalité de traitement me semble parfois remise en cause étant donné que les prestations varient d’un endroit à l’autre, ce qui peut inciter des gens à changer de département pour être mieux aidés. La semaine prochaine, j’ai rendez-vous avec Éric Woerth, qui parle en effet du millefeuille territorial dans son rapport. Nous pourrons réfléchir à la création d’un groupe de travail avec des parlementaires et des associations d’élus afin de trouver les voies et les moyens d’avancer sur ce sujet.
Monsieur Marcangeli, je vous rappelle que l’essentiel de l’effort est consenti par l’État et la sécurité sociale : 35 milliards d’euros. La DGF est stable, mais elle a connu des hausses non négligeables en 2023 et 2024. Pour la Corse, le montant de la dotation de continuité territoriale (DCT) est fixé à 187 millions depuis 2009. La collectivité avait reçu 40 millions d’euros supplémentaires en 2023, mais rien en 2024. Avec le président Simeoni, que j’ai rencontré la semaine dernière, nous sommes d’accord pour considérer qu’il faut parler de la DCT, des ports et aéroports ainsi que du plan de transformation et d’investissement pour la Corse (PTIC). S’agissant de la notion d’autonomie dans la République, le Sénat va rendre son rapport sur l’évolution institutionnelle de l’île à la fin du mois. Je le transmettrai à votre commission pour que nous puissions élaborer un projet de loi constitutionnelle à partir du début de l’année prochaine, en discuter à l’automne et réunir le Parlement en Congrès avant la fin de 2025.
Vous insistez sur la notion de population accueillie, monsieur Peu. Je suis très consciente des charges de centralité, de ce que j’appellerai des charges de solidarité et de l’effet levier des investissements. J’ai été à l’initiative de la réforme de la DSU, qui n’a pas perdu de son intérêt en vingt ans d’existence. Son effet n’est pas négligeable en Seine-Saint-Denis, l’un des départements aux indices de fragilité importants. Pour les collectivités, notamment les municipalités et les EPCI, nous devrions aborder l’année 5, mais nous avons pris du retard en raison de la crise sanitaire, je veux bien en convenir.
Monsieur Molac, je ne veux pas faire les poches des élus locaux, mais essayer de remplir la feuille de route qui m’a été confiée : baisser les dépenses publiques. Il n’est pas question non plus de donner le pouvoir aux seuls préfets. Il s’agit de regarder comment on travaille avec eux et les sous-préfets, comment les élus sont entendus, en particulier à l’échelle d’un bassin de vie où la politique conduite est lisible pour nos concitoyens. C’est la politique, la stratégie de proximité. Même si je ne connais pas bien la Bretagne, je me permets de dire que cette région n’a pas la même insularité que la Corse – c’est un peu pareil pour l’Alsace.
Je compte aussi travailler sur l’assurabilité, thème cher à votre ancien collègue Alain Chrétien, vice-président de l’AMF et maire de Vesoul, car certains biens sont difficilement assurables. Pour conclure, je répète que l’enjeu est de freiner la dépense tout en continuant à accroître la solidarité entre les différentes strates.
M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux questions des autres députés.
Mme Sophie Blanc (RN). Le 8 octobre dernier, lors de l’audition conjointe devant le Comité des finances locales, où vous étiez présente, le ministre chargé du budget et des comptes publics a annoncé un objectif d’économies de 5 milliards d’euros sur le budget des collectivités territoriales dès 2025. À cette occasion, nous avons aussi appris qu’un impôt local serait probablement rétabli, avec un pouvoir de taux pour les collectivités territoriales. Les élus locaux demandent des réponses claires et rapides afin d’éviter que cette situation ne devienne ingérable et que nos territoires ne soient durablement affaiblis. La fronde des maires prend déjà forme comme en témoigne l’appel du maire de Verdun, qui incite les élus locaux à démissionner en masse pour protester contre votre politique de coupes budgétaires. Pourriez-vous nous éclairer sur les intentions réelles du Gouvernement concernant le financement des collectivités territoriales ? Ces coupes budgétaires, jugées insoutenables, risquent de compromettre gravement la capacité des communes à investir et à maintenir des services publics de qualité.
M. Andy Kerbrat (LFI-NFP). Depuis des années, les collectivités territoriales sont étranglées, prises en étau, asphyxiées de manière orchestrée : baisse de la DGF ; suppression de taxes et d’impôts jamais compensée par la CVAE ; augmentation des coûts liés à l’inflation ; promesses de compensation non tenues pour les transferts de compétences ; nouvelles missions confiées en raison de la fameuse décentralisation. Les collectivités sont ainsi contraintes à s’endetter : leur endettement est passé de 140 à 230 milliards d’euros entre 2011 et 2023. Au total, l’État a soutiré près de 250 milliards d’euros aux collectivités territoriales depuis 2012 – 4,775 milliards au département de Loire-Atlantique. Derrière ces chiffres, il faut se représenter des familles à la rue sans proposition de relogement, une ASE en lambeaux, des collèges délabrés. L’État est le principal responsable de cette dette. Alors que nous avons toujours plus besoin de nos services publics, nous aurions espéré qu’une ancienne présidente de métropole allait préserver les collectivités de nouvelles coupes. André Laignel, premier vice-président délégué de l’AMF, évalue à quelque 10 milliards d’euros les nouvelles coupes budgétaires que vous prévoyez, poursuivant avec un zèle tout particulier la politique des majorités précédentes. Madame Vautrin, quand allez-vous rendre l’argent que vous avez soutiré aux collectivités territoriales ?
Mme Marie-José Allemand (SOC). Pour une question de lisibilité budgétaire, ne serait-il pas souhaitable d’intégrer le fonds Vert dans le périmètre de la mission Relation avec les collectivités territoriales ? À la demande de nos communes, le Sénat a adopté en février dernier une proposition de loi visant à abaisser le seuil d’autofinancement minimal de 20 % à 5 % pour les investissements des communes rurales les moins riches. Certes, les préfets peuvent déjà accorder des dérogations, mais dans des conditions très restreintes, ce qui explique le faible recours à cette disposition. Quelle est votre position sur ce sujet ?
Mme Émilie Bonnivard (DR). Pour ma part, madame la ministre, je vous demanderai d’être vigilante au fonds de péréquation, afin que l’on ne sollicite pas toujours les mêmes. Sous le quinquennat de François Hollande, les collectivités ont subi une baisse massive de la DGF tandis que les recettes du Fpic sont passées de 100 millions à 1 milliard d’euros. La solidarité est une bonne chose, mais si on n’élargit pas le périmètre des contributeurs, cela devient problématique pour les communes concernées, qui sont toujours les mêmes.
Par ailleurs, je m’inquiète du gel, cette année, des crédits alloués à la dotation de solidarité en faveur de l’équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques (DSEC), alors qu’un nombre croissant de communes font justement face à des difficultés climatiques, comme des inondations. De plus, l’État dispose d’un an pour verser les fonds aux communes concernées, alors que certaines, notamment les plus petites, peuvent se trouver en très grande difficulté budgétaire. Je pense à la commune de Bessans, dans ma circonscription, qui doit débloquer 2 millions d’euros d’ici à la fin de l’année, alors que son budget est limité.
M. Jérémie Iordanoff (EcoS). J’ai regardé la définition du mot « partenariat » dans le dictionnaire et celle-ci ne me semble pas correspondre aux annonces qui ont été faites jusqu’à présent. Nous aimerions donc connaître l’acception que vous donnez à ce terme. Quant à la « décentralisation », qui peut être définie comme un « mouvement de transferts de compétences », on peut se demander si empêcher l’exercice des compétences locales en baissant drastiquement les budgets, comme vous prévoyez de le faire, ne représente pas plutôt un mouvement de recentralisation – j’espère que vous me contredirez également sur ce point.
Dans le logiciel macroniste, les collectivités territoriales ne comptent pas, ou si peu. Elles ont été méprisées depuis 2017 et les dernières annonces, si elles sont regrettables, paraissent cohérentes. Une telle politique semble toutefois plus surprenante de la part d’une ministre telle que vous – conseillère municipale, ancienne présidente du Grand Reims et membre de l’UMP et de LR, une famille politique aux affaires dans nombre de collectivités et qui a une culture de la gestion locale. Comment expliquer que vous tolériez une telle méthode, une telle brutalité dans les coupes budgétaires, un tel mépris des élus locaux ? N’avez-vous pas songé, à l’instar du garde des sceaux, à mettre votre démission dans la balance ?
Veuillez excuser la tonalité de mes questions, mais les élus locaux sont en colère et nos débats du jour me semblent un peu trop apaisés.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). « Écoute », « dialogue » et « contractualisation », tels sont les mots que vous avez employés pour décrire votre méthode de travail. En juin dernier, un décret a été signé imposant aux départements la prise en charge des revalorisations des oubliés du Ségur de la santé, ce qui, pour la Seine-Maritime, représente une charge de 3,6 millions d’euros. Sans remettre en cause le bienfondé de ces primes, pouvez-vous nous assurer que l’absence de concertation au moment où cette décision a été prise ne se reproduira pas ?
Et je ne parle pas des 40 millions d’euros – même si j’ai bien noté que vous avez contesté l’exactitude de ce chiffre publié dans la presse –, qui doivent être ponctionnés sur les comptes du département dans le cadre du budget pour 2025.
M. Paul-André Colombani (LIOT). Je salue votre engagement à renouer le dialogue avec la Corse. J’espère que nous saurons convaincre la représentation nationale de la nécessité de faire évoluer son statut.
Je souhaite ici relayer l’inquiétude de plusieurs maires de ma circonscription au sujet du nouveau zonage France ruralité revitalisation (FRR). Leurs communes viennent d’en être exclues alors même qu’elles faisaient partie des zones de revitalisation rurale (ZRR). Je sais que le PLF pour 2025 prévoit que les communes dans cette situation conserveront le bénéfice de leur classement jusqu’en 2027, ce dont je me félicite, mais l’opacité entourant les critères statistiques retenus pour ce nouveau zonage m’interroge, d’autant plus que s’y ajoute une forme d’incohérence. En effet, comment expliquer que certaines communes rurales au sens de la définition de l’Insee soient éligibles au dispositif renforcé FRR « plus », alors qu’elles ne faisaient pas partie du FRR ?
Mme Sophie Vaginay (UDR). L’État demande aux collectivités de contribuer à la réduction de sa dette au lieu de trouver des solutions pour équilibrer ses comptes. Pour répondre à la faillite de l’État, le Gouvernement ponctionnera donc une nouvelle fois, dans le cadre du PLF pour 2025, les communes et les collectivités. Il en résultera un effet ciseaux, avec moins de services, moins d’investissement et une pression supplémentaire sur les impôts locaux. Certaines collectivités territoriales étaient pourtant déjà en difficulté en raison de la suppression de la taxe d’habitation et de la baisse des DMTO. De plus, tous les contribuables locaux vont avoir à supporter une part de la dette nationale, sans distinction et donc de manière inéquitable selon les communes, les départements et les régions.
Quelles sont les mesures concrètes prévues pour que nos collectivités territoriales, en particulier en milieu rural, continuent à jouer leur rôle sans être sacrifiées sur l’autel de la dette publique ?
Mme Béatrice Roullaud (RN). Dans un entretien donné à Ouest-France, vous avez déclaré vouloir créer une « équipe de France » des services publics locaux, afin de mutualiser certains services à l’échelle des bassins de vie. Doit-on comprendre que certains services publics, guichets, points de vente, comme ceux de La Poste ou de la SNCF, pourraient être supprimés dans les petites communes ? Les Français doivent-ils s’attendre à une diminution des services publics en milieu rural et, si oui, quels services seraient concernés ?
J’ai également une question sur la bonne utilisation de l’argent public par les collectivités territoriales. En Seine-et-Marne, des dirigeants de l’association Adsea 77 et de l’association Equalis ont été épinglés pour enrichissement personnel. Seriez-vous favorable à l’instauration de davantage de transparence dans l’octroi des subventions publiques, en créant des obligations déclaratives ou de communication de pièces, afin de permettre aux élus de délibérer en connaissance de cause et d’éviter de telles fraudes ?
M. Michaël Taverne (RN). La situation budgétaire est plus qu’alarmante et des efforts considérables seront nécessaires. Dans ce contexte, les maires de nos communes rurales, comme dans mon département du Nord, s’inquiètent de la possible diminution des subventions qui leur sont allouées, à commencer par la DETR, la DSIL ou la DPV. Leur crainte est évidemment que certains projets ne puissent finalement aboutir et, surtout, de subir une augmentation des charges, notamment de l’énergie.
De la même manière, les élus de mon territoire s’inquiètent de l’avenir du troisième pacte « Sambre-Avesnois-Thiérache ». Vous engagez-vous à le poursuivre et, plus généralement, quelle réponse donnez-vous aux élus de notre ruralité, qui se serrent la ceinture tous les ans, et particulièrement cette année ?
Mme Marie-France Lorho (RN). Je m’interroge sur la durée de l’effort qu’auront à consentir les collectivités dans leur participation à la réduction du déficit public. Cette contribution, qui représentera 12,5 % des économies totales prévues, ne sera-t-elle à verser qu’une année, ou les collectivités doivent-elles s’attendre à devoir la subir pour les prochains exercices ?
Par ailleurs, les ponctions opérées sur les recettes des collectivités ne risquent-elles pas de freiner les investissements locaux, alors même que ces derniers, particulièrement dans les territoires ruraux, constituent une source importante d’activité ?
Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Dans un rapport publié en septembre dernier, la Cour des comptes évalue le budget des espaces France Services à 351 millions d’euros, dont les deux tiers sont à la charge des hébergeurs que sont, pour l’essentiel, les collectivités. Ces espaces ne suffisent pas à compenser le démantèlement des services publics et la réduction de leur accès partout sur le territoire. Pour régler le problème, qui emporte des conséquences délétères quotidiennes pour des millions de nos concitoyennes et concitoyens, il faudrait tout simplement rouvrir les accueils physiques dans les services publics, comme le prévoit ma proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en novembre dernier et qui attend d’être inscrite à l’ordre du jour du Sénat.
Le réseau France Services est un palliatif qui confirme la nécessité de ces réouvertures. Les demandes des usagers augmentent de manière continue depuis l’instauration du réseau, leur nombre étant passé de 1 million en 2020 à 9 millions en 2023. À cet égard, la Cour des comptes relève que le financement de l’État ne tient pas compte des situations de saturation qui en découlent et précise qu’une subvention forfaitaire supplémentaire serait nécessaire.
Pouvez-vous confirmer que la trajectoire fixée par votre prédécesseure, qui consiste à porter la subvention de 40 000 à 45 000, puis à 50 000 euros, sera maintenue et même encore renforcée compte tenu des coupes budgétaires que vous prévoyez d’imposer aux collectivités et qui réduiront automatiquement leur capacité à financer de tels dispositifs ?
M. Julien Rancoule (RN). Mercredi dernier, devant les sénateurs, le Premier ministre a annoncé l’abandon du transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux EPCI. La contestée loi portant nouvelle organisation territoriale de la République de 2015 (loi Notre) avait en effet prévu ce transfert pour 2020, échéance ensuite reportée à 2026. La mesure était largement désapprouvée par les maires ruraux, qui craignaient une hausse du coût de l’eau pour les usagers et une gestion moins précise des réseaux. Chaque territoire a ses spécificités et les maires sont les mieux placés pour décider.
L’an dernier, notre groupe avait déposé une proposition de loi pour laisser aux communes la liberté de conserver ces compétences. L’annonce du Premier ministre est donc positive, mais des questions subsistent. Quel sera le calendrier ? Les communes ayant déjà transféré ces compétences pourront-elles les récupérer ? Qu’en sera-t-il des EPCI qui n’ont obtenu ces compétences que d’une partie des communes qui les composent ? Ces communautés de communes ne risquent-elles pas de gérer uniquement les réseaux en mauvais état, plombant ainsi leur budget ?
M. Marc Pena (SOC). C’est au titre de ma triple responsabilité de député des Bouches-du-Rhône, de conseiller municipal d’Aix-en-Provence et de conseiller métropolitain que je souhaite vous interroger sur la métropole Aix-Marseille-Provence. Souvent décrite comme mal née, elle connaît des difficultés structurelles liées à son financement et à son organisation. Par exemple, sa présidente est également à la tête du conseil départemental. Face à ce constat, l’immobilisme est la pire des options et deux pistes s’offrent à nous.
La première consisterait à faire de cette métropole un établissement public de plein exercice, doté de conseillers métropolitains élus au suffrage universel, en la fusionnant éventuellement avec le département des Bouches-du-Rhône.
La seconde, très différente, serait de reconnaître l’existence de deux bassins de vie distincts, avec d’un côté une métropole maritime, dont les problématiques se concentrent sur le littoral, et de l’autre une métropole de l’arrière-pays, qui serait partie intégrante de ma circonscription. Cette deuxième solution impliquerait la création de deux intercommunalités distinctes…
M. le président Florent Boudié. Votre temps est écoulé, monsieur Pena. Tous les orateurs se sont exprimés en une minute, ce dont je les remercie.
M. Marc Pena (SOC). J’aurais eu besoin de trente secondes de plus. Dans ces conditions, personne ne comprendra mon propos…
Mme Catherine Vautrin, ministre. S’agissant d’abord des ZRR, je rappelle que les critères utilisés ont été approuvés par le législateur en 2023. Ils recouvrent trois éléments : le revenu moyen, la densité de population et la nécessité d’un rattrapage du bassin de vie. Tel que le prévoit le PLF pour 2025, le FRR « plus » est cohérent avec le FRR « socle », dans la mesure où il sera réservé aux communes rurales au sens de la définition de l’Insee.
En ce qui concerne ensuite l’enveloppe allouée à la DSEC, elle s’établira à 40 millions d’euros en 2025, soit le même niveau qu’en 2024. En l’occurrence, l’enjeu est davantage celui de l’amélioration de la procédure, car il est vrai que les versements prennent du temps. En effet, quand les dégâts sont importants et supérieurs à 1 million d’euros, il faut procéder à l’évaluation des dommages sur les biens non assurables. Toutefois, les collectivités peuvent demander une avance de 30 % au moment de la notification du soutien de l’État.
Madame Firmin Le Bodo, nous n’avons pas toujours obtenu de réponse de la part des associations lors des concertations relatives au Ségur de la santé, ce qui ne nous a pas aidés s’agissant du surcoût de 170 millions d’euros à propos duquel vous m’avez interrogée. Vous connaissez l’histoire : je ne m’étendrai pas.
Concernant le fonds Vert et l’opportunité de l’incorporer à la mission Relations avec les collectivités territoriales, tel que le suggère Mme Allemand, il me semble que l’important est surtout de pérenniser sa gestion, qui est efficace, notamment pour les petites communes. Il s’agit typiquement d’une question d’articulation des dotations d’investissement. Une circulaire commune sera diffusée dès 2025.
Monsieur Taverne, le troisième pacte « Sambre-Avesnois-Thiérache » est financé et sera poursuivi : nous l’avons examiné spécifiquement. Il fait partie des grands contrats d’équipement et d’investissement de l’État pour 2025 et, malgré la baisse des crédits affectés au programme 112 auquel il est rattaché, soyez assuré de notre volonté absolue de conserver ce dispositif. Il y a parfois des bonnes nouvelles !
Madame Obono, vous avez raison, les deux tiers du budget des maisons France Services sont pris en charge par les hébergeurs. Cette organisation fonctionne et je confirme que le PLF pour 2025 portera de 40 000 à 45 000 euros le montant de la subvention par espace. J’ajoute que nous réfléchirons aussi à des mutualisations avec des locaux appartenant, entre autres, à La Poste et à la SNCF.
S’agissant de la métropole Aix-Marseille-Provence, je ne suis pas certaine d’avoir entièrement compris votre question, monsieur Pena, mais je ne puis, de toute façon, me prononcer dans l’instant sur un tel sujet. À cet égard, n’oublions pas le plan « Marseille en grand », qui prévoit des investissements considérables et qui mérite également toute notre attention.
Concernant les compétences eau et assainissement, le Premier ministre a été très clair : il n’y aura pas de rétroactivité pour les transferts déjà effectués en direction des communautés d’agglomération et des communautés de communes. Les élus ont demandé de tenir compte de leurs spécificités et l’idée est de mutualiser face à ce que l’on peut appeler un mur d’investissements.
Cela me permettra d’ailleurs, en conclusion, de répondre à M. Iordanoff. En agissant ainsi, je ne me renie pas en tant qu’élue, car notre responsabilité est de préserver une action publique de proximité. Reprenons l’exemple de l’eau et de l’assainissement. Dans mon territoire, certaines communes avaient besoin d’une nouvelle station d’épuration. Nous avons tiré des tuyaux pour les relier à la station d’épuration de la communauté urbaine, améliorant ainsi la qualité du service sans construire une autre installation. C’est l’exact résumé de ce que nous devons essayer de faire, et vous êtes au cœur, avec les maires, de ces réponses visant à optimiser et à mutualiser quand l’argent public est rare. Je vous remercie de votre écoute.
Mme Béatrice Roullaud (RN). Le 5 octobre, vous avez déclaré au journal Ouest-France, souhaiter une « équipe de France » des services publics locaux. Une telle mutualisation entraînerait-elle une diminution des services publics dans les zones rurales ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Non, il n’y aura pas de diminution. Je parle de mutualisation, car La Poste ou encore la SNCF disposent de locaux et de personnels mobilisables, et parce que cela peut apporter une réponse dans les endroits où il n’y a rien.
La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq.
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Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Marie-José Allemand, M. Pouria Amirshahi, Mme Brigitte Barèges, M. Ugo Bernalicis, Mme Sophie Blanc, Mme Émilie Bonnivard, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, M. Vincent Caure, M. Emmanuel Duplessy, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Martine Froger, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, Mme Monique Griseti, M. Sébastien Huyghe, M. Jérémie Iordanoff, M. Andy Kerbrat, Mme Marie-France Lorho, M. Laurent Marcangeli, M. Olivier Marleix, Mme Élisa Martin, Mme Laure Miller, M. Paul Molac, Mme Danièle Obono, M. Éric Pauget, M. Marc Pena, M. Julien Rancoule, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, M. Hervé Saulignac, M. Michaël Taverne, M. Jean Terlier, Mme Céline Thiébault-Martinez, Mme Sophie Vaginay, M. Jiovanny William
Excusés. - Mme Colette Capdevielle, M. Moerani Frébault, Mme Émeline K/Bidi, M. Roland Lescure, Mme Naïma Moutchou, M. Philippe Schreck, M. Antoine Villedieu, Mme Caroline Yadan
Assistaient également à la réunion. - M. Paul-André Colombani, M. Fabien Di Filippo, M. Sacha Houlié, M. Éric Martineau, M. Stéphane Peu