Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’ administration
générale de la République

 Audition de M. Didier Paris, dont la nomination est proposée par la Présidente de l’Assemblée nationale en qualité de membre du Conseil supérieur de la magistrature, et vote sur cette proposition de nomination dans les conditions prévues par l’article 29- 1 du Règlement (M. Paul Molac, rapporteur)                            2

 

 


Mardi
10 décembre 2024

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 25

session ordinaire de 2024-2025

Présidence
de M. Florent Boudié,
Président


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La séance est ouverte à 15 heures.

Présidence de M. Florent Boudié, président.

La Commission auditionne M. Didier Paris, dont la nomination est proposée par la Présidente de l’Assemblée nationale en qualité de membre du Conseil supérieur de la magistrature, et vote sur cette proposition de nomination dans les conditions prévues par l’article 29-1 du Règlement (M. Paul Molac, rapporteur).

M. le président Florent Boudié. La présidente de l’Assemblée nationale m’a fait savoir qu’elle souhaitait désigner M. Didier Paris comme membre du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), au titre des personnalités qualifiées, en remplacement de M. Loïc Cadiet, démissionnaire. Si nous confirmons cette nomination, M. Paris achèvera le mandat de quatre ans de M. Cadiet et siégera au CSM jusqu’en janvier 2027.

En application de l’article 65, alinéa 2, de la Constitution, cette nomination suit la procédure prévue à l’article 13. Elle ne peut avoir lieu si les votes négatifs représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein de notre seule commission : s’agissant d’une nomination proposée par la présidente de l’Assemblée nationale, il n’y aura pas d’audition au Sénat.

Ainsi qu’en dispose l’article 29-1 du règlement de l’Assemblée, la commission a désigné sur cette nomination un rapporteur appartenant à un groupe minoritaire ou d’opposition : M. Paul Molac, du groupe LIOT. Il a adressé à M. Didier Paris un questionnaire, auquel ce dernier a répondu par écrit. Ses réponses ont été adressées aux commissaires hier, puis mises en ligne sur le site internet de l’Assemblée, à la page consacrée à l’activité de la commission des lois.

M. Paul Molac, rapporteur. Monsieur Paris, la présidente de l’Assemblée nationale propose votre nomination au Conseil supérieur de la magistrature, pour remplacer le professeur Loïc Cadiet, qui a démissionné de ses fonctions. Nous vous recevons aujourd’hui pour apprécier en conscience l’opportunité de votre désignation.

Le parcours professionnel constitue naturellement un critère déterminant de nomination. Le vôtre est difficile à résumer : vous avez suivi une carrière très riche, à la croisée des mondes judiciaire, administratif et politique, sans oublier un passage par le secteur privé. Sorti de l’École nationale de la magistrature (ENM) en 1984, vous avez été juge d’instruction en Haute-Savoie jusqu’en 1993 ; vous avez appartenu au corps préfectoral jusqu’en 2000 ; vous avez conseillé successivement les ministres François Patriat et Laurent Fabius durant les dernières années du gouvernement Jospin. Après un bref passage à la cour d’appel de Lyon, vous avez été directeur général des services du conseil régional de Bourgogne en 2004 ; en 2009, vous avez rejoint le groupe français Saur, spécialiste du traitement et de la distribution de l’eau, où vous avez travaillé jusqu’à votre élection comme député, en 2017.

Vos travaux de député sont bien connus des membres de notre commission, où vous avez siégé pendant vos sept années de mandat, et dont vous avez été le vice-président de 2017 à 2019. Vous avez participé à nombre de travaux relatifs à la justice et au monde judiciaire. Vous avez été rapporteur du projet de loi de programmation et de réforme pour la justice en 2018 et 2019 ; de la mission d’information sur le secret de l’enquête et de l’instruction, de juin à décembre 2019 ; de la commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire, de janvier à septembre 2020 ; de la commission d’enquête sur les éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l’affaire dite Sarah Halimi, de juillet 2021 à janvier 2022 ; du projet de loi organique relative à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire en 2023. En outre, de 2021 à 2024, vous avez siégé à la Cour de justice de la République (CJR).

Être membre qualifié du CSM est une responsabilité lourde, mais noble. En effet, le CSM joue un rôle majeur dans le fonctionnement de l’institution judiciaire et, plus largement, dans la consolidation du pacte civique qui lie la nation à la justice. Ce pacte repose avant tout sur deux principes. Le premier est l’indépendance de la justice, condition de son impartialité.  L’intervention du CSM dans la nomination des magistrats en est la garante. Le Conseil a seul le pouvoir de proposer la nomination des plus hauts magistrats du siège, et son avis conforme est nécessaire pour la désignation des autres, qui relève de l’exécutif. Faut-il également prévoir son avis conforme pour la nomination des membres du parquet, comme l’instituait un projet de loi constitutionnelle adoptée par notre assemblée en 2016 ? Vous y êtes favorable – vous l’indiquez dans vos réponses à mon questionnaire. Il serait intéressant que vous nous exposiez votre vision du parquet, dont l’évolution constitue un enjeu majeur pour notre système judiciaire.

Deuxième principe : la responsabilité des magistrats, corollaire de leur indépendance. Instance disciplinaire des magistrats du siège, le CSM donne son avis sur les sanctions disciplinaires des magistrats du parquet. Dans vos réponses, vous vous déclarez satisfait du régime de responsabilité des magistrats issus de la loi organique du 20 novembre 2023. Je relève toutefois que la possibilité pour le justiciable de saisir le CSM en matière disciplinaire est peu opérationnelle : plus de 99 % des plaintes ont été jugées irrecevables ou manifestement infondées en 2023. Dès lors, comment favoriser l’ouverture du CSM aux justiciables ?

Par ailleurs, le président de la République et le ministre de la justice peuvent saisir le CSM, notamment sur les questions relatives à l’indépendance de la justice et à son fonctionnement, ainsi qu’à la déontologie des magistrats. Vous vous déclarez favorable à l’élargissement de la saisine obligatoire du CSM, comme vous le recommandiez déjà dans le rapport de la commission d’enquête sur l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Je conclus par deux questions. Vous avez déposé un recours au Conseil constitutionnel pour contester l’élection de votre adversaire lors les dernières législatives – celui-ci a gagné d’une très courte tête. Quel est le calendrier de la procédure ? Que ferez-vous si le Conseil constitutionnel fait droit à votre demande ?

Vous avez été député. Nul dans cette enceinte ne vous reprochera votre engagement ; néanmoins, la loi organique du 5 février 1994 prévoit que les membres du CSM s’acquittent de leur mission « dans le respect des exigences d’indépendance [et] d’impartialité ». Comment pourrez-vous concilier votre engagement politique passé et cette obligation ?

M. Didier Paris. Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, a jugé bon de me désigner pour remplacer Loïc Cadiet. C’est un honneur, ainsi qu’une responsabilité – je la mesure. Le CSM joue un rôle central dans notre démocratie. Organe constitutionnel, le schéma institutionnel français lui donne une place majeure. Garant de l’indépendance de la justice, à laquelle nous sommes tous très attachés, il est la pierre angulaire de la séparation du pouvoir législatif, du pouvoir exécutif et de l’autorité judiciaire – cette dénomination avait donné lieu à un débat dans le cadre de la commission d’enquête que j’ai menée avec Ugo Bernalicis, qui souhaitait adopter le terme de « pouvoir judiciaire », ce que la Constitution ne prévoit pas. Le CSM rend des avis judicieux et respectés en matière d’organisation de la justice et de déontologie des magistrats. Au fil du temps, les différentes réformes, notamment de 1993, de 2008 et de 2023, dont on ne mesure pas encore tous les effets, en ont fait un organe essentiel, voire exclusif, de nomination, de régulation, de discipline et de déontologie du corps judiciaire.

Certains d’entre vous se demandent si mon récent mandat parlementaire est compatible avec cette fonction. J’ai été député. Depuis le 9 juin, je ne le suis plus. Ce sont des faits, il serait vain de vouloir les remettre en cause. Je ne suis pas le premier à être présenté à une nomination au CSM dans ces conditions ; vous avez déjà validé la candidature d’anciens parlementaires – une fois au moins récemment. Quand on a été magistrat, je ne dis pas qu’on le reste, mais on garde chevillés au corps des principes d’indépendance, de dignité et de respect. À titre personnel, je n’éprouve aucune difficulté à passer d’un statut à l’autre. J’ai eu la chance d’exercer sous trois statuts différents. En tant que directeur de cabinet de membres du gouvernement, j’ai appartenu au pouvoir exécutif ; au pouvoir législatif comme député ; à l’autorité judiciaire dans un temps plus ancien. En décidant qu’un ancien parlementaire peut devenir membre du CSM, comme il vous est proposé de le faire, vous estimerez qu’il est encore capable d’action et de réflexion – sans quoi, que deviendrions-nous ? Par ailleurs, cela me permettrait de m’acquitter de ma part, en usant de ma capacité à comprendre la loi dans l’esprit et dans la lettre, avec une vision pragmatique de l’action réelle de la justice et de ses besoins.

Suis-je légitime ? Il vous revient de l’apprécier. Je crois ma légitimité fondée sur trois éléments : mon expérience, mon engagement et ma conviction. J’ai été magistrat, directeur de cabinet de membres du gouvernement, sous-préfet, directeur général de région – j’en oublie. J’ai exercé des responsabilités qui m’ont donné de ces fonctions une connaissance fine ; je les ai remplies avec tempérance ; mon mandat parlementaire a montré que je ne m’opposais pas frontalement pour m’opposer, mais après réflexion, mû par des convictions. J’ai fait la preuve de mon respect du collectif ; d’une compréhension fine des enjeux de politique publique, notamment de l’efficacité des structures, objectif important pour la sphère judiciaire ; de ma sensibilité particulière pour la matière humaine.

Mon engagement, pendant sept années de mandat parlementaire, s’est traduit par mon implication dans de nombreux travaux relatifs à la justice et à la sécurité – j’ai été co- rapporteur, avec Laetitia Avia, de la loi Belloubet et rapporteur de la dernière loi statutaire, relative à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire – chacun des trois termes a son importance. Cette loi occupe une place majeure dans ma candidature. J’ai également conduit de multiples missions parlementaires, notamment sur les fichiers mis à la disposition des forces de sécurité, avec Pierre Morel-À-L’Huissier ; sur le secret de l’enquête et de l’instruction, avec Xavier Breton ; à la demande du premier ministre, sur la manière de faire progresser le travail d’intérêt général (TIG), insuffisamment utilisé par les juridictions françaises comme dispositif alternatif dans le domaine pénal – c’était le cas à l’époque, et l’est encore le plus souvent. Je n’oublie pas mes travaux de rapporteur dans la commission d’enquête sur l’affaire Sarah Halimi, ni sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire – comme l’a nommée son président, Ugo Bernalicis, même si le terme « pouvoir » était impropre à mon sens. Cette commission a donné lieu à de nombreux débats ; ses travaux prennent tout leur sens aujourd’hui.

Ma place de juge titulaire à la CJR m’a rappelé à quel point il est toujours difficile d’être juge, et qu’il est impératif d’occuper cette position avec impartialité, dignité, intégrité et en toute indépendance – ni plus ni moins que les exigences imposées aux membres du CSM. Je n’ai eu de cesse de m’inscrire dans cette logique, alors que la posture est politiquement délicate – à tout le moins. Enfin, la dimension internationale de mon engagement m’a permis d’apprécier l’extraordinaire variété des visions de la justice – même celle de pays voisins peut différer grandement de la nôtre.

J’ai eu la chance d’être membre pendant sept ans de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (AP-OSCE) et de présider la délégation française. Lors de mon dernier mandat, j’ai pu mesurer combien la perception de la justice pouvait évoluer selon les pays et les époques. J’ai ainsi acquis la conviction que l’autorité de la justice est le premier indicateur de la santé d’une démocratie. Les régimes autoritaires et les démocraties dites illibérales, dont le modèle plus récent tend malheureusement à s’étendre, tiennent la justice pour le premier obstacle à abattre. Dans ces pays, elle est d’ailleurs devenue un enjeu majeur. Fort heureusement, notre République est suffisamment forte pour ne pas courir le même risque. Aussi faut-il inlassablement et sans jamais faiblir faire de l’indépendance de la justice l’objet de toutes nos précautions et de tous nos soins. Je parle d’abord du respect des décisions juridictionnelles, toutes nécessairement prises en application de notre loi commune, adoptée dans cette enceinte et au Sénat – la démocratie exige son respect le plus scrupuleux –, en donnant à tout justiciable le bénéfice d’un procès équitable et de voies de recours. Pourtant, l’autorité de la justice est régulièrement mise en cause, au motif que le juge interpréterait la loi, qu’il pourrait tendre à la brider, voire à l’outrepasser, ce qui nourrit son procès en illégitimité – bien que je déplore la trop grande fréquence de ce phénomène, je ne peux que constater son existence. À cela s’ajoutent la virulence exacerbée du débat public que vous vivez tous les jours et l’érosion de la confiance dans les institutions ; le juge est sommé de répondre à la détresse, à la colère, au sentiment de déclassement d’une partie de la population. Certes, il faut améliorer l’organisation judiciaire et la justice doit s’interroger sur sa propre responsabilité ainsi que sur l’éventuelle responsabilité de ses juges. Toutefois, le respect des principes d’indépendance, de séparation et d’équilibre des pouvoirs doit constituer la réponse évidente à ces injonctions contradictoires. Cela n’exclut aucunement le dialogue, l’adaptation ni la compréhension des enjeux. En revanche, cela exige que la justice dispose des moyens financiers, matériels et humains suffisants – la question vous a beaucoup occupés ces dernières années.

En définitive, le CSM se trouve au cœur de ces problèmes d’une particulière acuité. Il s’inscrit dans une chaîne de valeurs et de décisions qui visent le redressement de l’institution judiciaire. Si votre commission m’en accorde le privilège, j’ai la ferme intention de prendre ma part de l’effort, à la juste place, en obéissant aux exigences d’indépendance, d’impartialité, d’intégrité et de dignité qui s’attachent à la fonction.

Mme Pascale Bordes (RN). L’article 10 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature prévoit que toute délibération politique est interdite au corps judiciaire. Il précise : « L’expression publique des magistrats ne saurait nuire à l’exercice impartial de leurs fonctions ni porter atteinte à l’indépendance de la justice. » Si la grande majorité des juges sont apolitiques dans l’exercice de leurs fonctions, il existe une petite minorité, bien ancrée à gauche, appartenant au Syndicat de la magistrature (SM), qui considère que la mission du juge est politique et que la justice est un instrument de pouvoir qu’il faut utiliser pour changer la société. Ce syndicat s’est notamment illustré lors de l’opération Wuambushu à Mayotte : la présidente du tribunal judiciaire de Mamoudzou, pilotée par le SM, dont elle fut vice-présidente, a pris une décision s’opposant à l’opération, trois jours après qu’il eut envoyé un mail en ce sens à ses adhérents. Plus récemment, ce même syndicat a expliqué dans un communiqué qu’il prendrait part au mouvement collectif d’union et de résistance contre l’extrême droite. Il était également un invité vedette de la fête de l’Humanité.

Ces actes sont politiques : ils font du SM non un syndicat mais un parti. La question se pose de l’impartialité de ses membres. L’indépendance de la justice ne va pas sans l’impartialité des magistrats. Dès lors, comment peut-on garantir qu’elle sera absolue, ce qui est indispensable pour que de telles situations ne se renouvellent pas et que nos concitoyens, quels qu’ils soient, aient droit à un jugement impartial ? Avez-vous été membre du Syndicat de la magistrature au cours de votre carrière ? Eu égard à ce que je viens d’expliquer et aux fonctions auxquelles vous aspirez, la question est fondamentale.

Mme Aurore Bergé (EPR). Nous devons nous prononcer sur la nomination de Didier Paris au CSM. Il y va de l’indépendance et du bon fonctionnement de la justice, pilier de notre démocratie que nul ne saurait fragiliser ni remettre en cause.

Didier Paris, vous avez manifesté votre engagement vis-à-vis de l’État par les diverses fonctions que vous avez occupées, en mettant l’accent sur l’importance de l’impartialité, de l’intégrité, de l’indépendance de la justice et de la qualité du système judiciaire. Vous avez souligné que ces valeurs sont le socle de la démocratie et de l’État de droit.

À l’Assemblée nationale, vous avez joué un rôle essentiel dans l’examen du projet de loi de 2023 sur l’ouverture et la modernisation du corps judiciaire. Tous les commissaires des lois pourront attester votre capacité à favoriser le consensus et à respecter la diversité des opinions, tout en défendant une autorité judiciaire indépendante. Le groupe EPR soutient votre nomination, qu’elle considère comme une évidence. Votre parcours en magistrature tout comme votre connaissance pointue des réformes de 2018 et de 2023 seront des atouts précieux pour le CSM. C’est l’occasion de le renforcer dans l’exercice de ses missions essentielles, qui allient réforme et indépendance.

En tant que membre du CSM, comment accompagnerez-vous les réformes nécessaires pour répondre à la défiance croissante que nos concitoyens expriment à l’encontre de l’institution judiciaire, tout en préservant l’indépendance des juges ?

Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Au printemps 2023, monsieur Paris, vous avez défendu un texte qui attaquait directement les fondements de l’institution judiciaire, en créant les conditions d’une déstabilisation politique des magistrats du siège. L’article 8 du projet de loi organique relative à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire, dont vous avez été le rapporteur, autorisait la communication au ministre de la justice des décisions d’irrecevabilité prononcées par la commission d’admission des requêtes (CAR) du CSM, qui contiennent le dossier de la plainte. Or cette communication ne répond à aucune nécessité, sinon de transmettre les pièces d’un dossier pourtant jugé irrecevable. Les organisations professionnelles de magistrats et le CSM lui-même se sont opposés à cette disposition qui facilitait la déstabilisation infradisciplinaire. Le 3 juin 2023, l’Association européenne des magistrats appelait la France à renoncer à cette mesure, y voyant une manière de « donner aux justiciables le pouvoir de saisir indirectement le ministre, lequel pourra ordonner toute enquête contre les magistrats concernés puis saisir lui-même le CSM ». Loin de l’avoir combattue, vous avez soutenu son rétablissement après sa suppression lors de l’examen au Sénat. Vous vous en êtes fait le défenseur zélé, en pleine affaire Dupond-Moretti. Je me permets d’évoquer ce dossier de la déstabilisation d’un magistrat par un garde des sceaux « à l’insu de son plein gré », quand bien même la Cour de justice de la République a blanchi ce dernier, au prix d’une cabriole juridique surprenante.

Mon cher ex-collègue, comment comptez-vous nous convaincre que votre nomination renforcera l’indépendance de la justice, alors qu’à l’occasion de votre mandat parlementaire, vous avez contribué à la saborder ?

M. Hervé Saulignac (SOC). L’examen de la nomination d’un nouveau membre du CSM pose la question de l’indépendance de l’autorité judiciaire, dont le garant est le président de la République, assisté dans cette fonction par le CSM en vertu de l’article 64 de la Constitution.

La question de l’indépendance est d’ailleurs la seule qui mérite d’être posée concernant Didier Paris, dont la compétence est difficilement contestable. Notre ancien collègue ne m’en voudra pas que je le qualifie de mouton à cinq pattes : magistrat, sous-préfet, directeur général des services d’une région, directeur de cabinet d’un membre du gouvernement, rares sont les profils à avoir exercé dans les trois pouvoirs, législatif, exécutif et judiciaire. Nous sommes nombreux à considérer, pour l’avoir eu comme collègue, que M. Paris ne manque ni de hauteur de vue, ni d’expertise sur le fonctionnement de la justice, ni des qualités de tempérance et de sérieux que nous sommes en droit d’attendre d’un membre du CSM. Il connaît l’institution judiciaire en général et le Conseil en particulier. À l’Assemblée, Didier Paris était un collègue apprécié, qui a démontré ses qualités de dialogue et de compromis.

Reste la question de son indépendance : je ne sonde ni les cœurs ni les âmes et je ne saurais vous dire si celle de M. Paris est indépendante ou non, mais les apparences comptent en la matière. Ce n’est pas moi qui le dis mais la jurisprudence et la doctrine : il ne suffit pas d’être indépendant subjectivement ou de le déclarer, encore faut-il que cette indépendance soit manifeste aux yeux des justiciables. Nous nommons certes un homme, mais nous protégeons avant tout une institution. M. Paris présente, il est vrai, des garanties personnelles liées à sa réputation et à sa probité, ainsi que des garanties fonctionnelles. Toutefois, à l’heure où 68 % des Français n’ont pas confiance dans la justice, est-il opportun que la présidente de l’Assemblée nationale nomme un ancien collègue, compagnon de route politique et affilié à la même majorité ? Si vous n’aviez jamais été parlementaire, la question qui nous est posée serait simple à trancher. Vous n’êtes plus député, certes, mais comment pouvez-vous nous rassurer sur votre indépendance ?

M. Philippe Gosselin (DR). Beaucoup de choses ont déjà été dites sur le parcours exemplaire de M. Paris. Nous l’avons connu et apprécié dans cette commission, je le dis sans flagornerie ; il a rédigé certains rapports importants, notamment sur le fonctionnement de la justice. Ancien juge d’instruction, fonction qui n’est pas la plus simple de la magistrature, sous-préfet et membre de deux cabinets ministériels, vous êtes en effet un mouton à cinq pattes. Le CSM, comme bien d’autres institutions, a besoin de gens dont le parcours est riche d’expériences diverses, variées, complémentaires et à même d’enrichir la réflexion, les avis et les compétences. Rien ne serait pire qu’une instance peuplée de personnes sortant du même moule et le CV de Didier Paris nous protège de cet écueil. Je ne cacherai pas la sympathie que j’éprouve pour l’homme, avec lequel j’ai eu des débats parfois vifs, notamment sur l’état d’urgence sanitaire : j’étais davantage du côté de la liberté et vous de l’ordre. Vous avez fait montre d’une véritable indépendance, bien plus profonde que celle de certains, prompts à se draper dans la dignité de leur autonomie alors qu’ils font en réalité preuve d’une grande partialité.

Quelle est votre vision de la justice et de son impartialité ? Que pensez-vous pouvoir apporter au CSM ?

M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Vous connaissez bien cette commission puisque vous en avez été l’un des vice-présidents à l’époque où Yaël Braun-Pivet la présidait. Vous l’avez rappelé dans vos réponses au rapporteur, le CSM est un organe constitutionnel, garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire et pierre angulaire de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs. Vous possédez une réelle connaissance de terrain, acquise dans vos diverses fonctions de juge d’instruction à Thonon-les-Bains, de conseiller de la cour d’appel à Riom et à Lyon, de membre du corps préfectoral, de directeur du cabinet de François Patriat au ministère des petites et moyennes entreprises (PME) et de directeur général des services de la région Bourgogne, entre autres. Si votre CV professionnel est intéressant, votre candidature suscite des interrogations liées à votre récent mandat parlementaire alors que des doutes entourent l’indépendance de l’autorité judiciaire. Exercer une fonction dans laquelle l’impartialité est essentielle après une carrière politique ne va pas de soi.

Je me félicite de votre attachement à la liberté syndicale et d’expression des magistrats : il est nécessaire que ces personnes puissent, en tant que citoyens mais aussi en tant que professionnels, nourrir et éclairer le débat public. Quand j’entends les interventions de certains de nos collègues, je ne peux que me réjouir de votre rappel.

Quelle part pourrait prendre le CSM dans l’amélioration de la prise en compte de la parole des femmes victimes de violences dans les procès pénaux ? En effet, les magistrats doivent éviter que ceux-ci ne débouchent sur une mise en cause des victimes. Comment lutter contre les violences sexistes et sexuelles au sein du monde judiciaire ? Y a-t-il lieu de revoir la politique conduite dans ce domaine ?

M. Éric Martineau (Dem). Votre parcours professionnel, à la croisée de la magistrature, de l’administration et de la représentation nationale, présente des atouts indéniables pour l’accomplissement des missions dévolues aux personnalités qualifiées membres du Conseil supérieur de la magistrature. En tant que député, vous avez notamment été rapporteur de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et de la loi organique relative à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire de 2023. Ce dernier texte comporte un volet sur la responsabilité, la déontologie et la protection des magistrats judiciaires ; il vise à simplifier les conditions de recevabilité des requêtes déposées par les justiciables et à renforcer les pouvoirs d’investigation de la commission d’admission des requêtes du CSM. Pouvez-vous nous en dire davantage sur le nombre de dossiers traités par cette commission et êtes-vous favorable à cette procédure ?

Le décret dit de simplification de la procédure d’appel en matière civile, entré en vigueur le 1er septembre 2024, modifie et simplifie la réglementation de la déclaration d’appel. Cette dernière ne pâtit-elle pas d’un formalisme excessif ? Serait-il utile de rationaliser la procédure pour désengorger les tribunaux ? Comment faire évoluer la procédure vers un formalisme raisonné ?

Parmi les modes alternatifs de règlement à l’amiable des litiges, le système judiciaire encourage la conciliation et la médiation pour alléger la charge des tribunaux et trouver des solutions plus adaptées aux besoins spécifiques des parties. Ces procédures sont-elles efficaces et pertinentes ?

M. Jean Moulliere (HOR). Magistrat de carrière, vous avez rejoint la sphère publique et vous êtes notamment distingué au sein de notre assemblée par votre engagement en faveur des thématiques liées à la justice. Je tiens à saluer votre implication dans votre fonction de co-rapporteur de la loi de programmation et de réforme pour la justice, laquelle a ouvert la voie à des hausses importantes de crédits destinées à réparer notre système judiciaire. Plus encore, le rapport dont vous avez été l’auteur dans le cadre de la commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire a démontré votre attachement au double principe démocratique fondamental de séparation des pouvoirs et d’indépendance de l’autorité judiciaire. Plus largement, vous vous êtes engagé tout au long de votre carrière pour notre pays, ses territoires, ses institutions et pour une justice impartiale et efficace. Pour l’ensemble de ces raisons, au premier rang desquelles figure votre remarquable engagement, le groupe Horizons & indépendants émettra un vote favorable à la proposition de la présidente Braun-Pivet.

Je profite de votre audition pour vous interroger sur la participation citoyenne au sein du CSM. Dans le rapport que je viens d’évoquer, vous reconnaissiez les difficultés liées à la nomination de citoyens comme membres du CSM, tout en suggérant qu’il pourrait être pertinent d’envisager des modalités d’association de nos compatriotes aux travaux de cette institution. Si vous rejoignez le Conseil supérieur, avez-vous l’intention d’y approfondir cette réflexion pour en explorer les possibilités ?

M. Jean-Luc Warsmann (LIOT). Je tiens à saluer la présentation du rapporteur, Paul Molac, ainsi que le parcours du candidat, qui lui confère tous les atouts pour réussir dans les fonctions pour lesquelles il est pressenti.

La période actuelle est marquée par une défiance croissante de nos concitoyens envers toutes les institutions et le service public de la justice est durement frappé par ce phénomène. Quel rôle innovant le CSM pourrait-il jouer pour rétablir les liens entre le corps judiciaire et les justiciables ?

Un homme m’a interpellé il y a quelques semaines : tuteur de son fils, il a écrit une lettre recommandée le 27 juin au tribunal le plus proche pour demander l’autorisation de transférer de l’argent de son compte courant vers l’assurance vie de son fils afin de percevoir des intérêts. Nous sommes en décembre et personne n’a eu la décence de lui répondre. Il y a, au minimum, un problème d’organisation, sinon de compétence. Le décret du 13 octobre 2021 relatif au traitement des pourvois formés devant la Cour de cassation prévoit qu’en cas d’accumulation de retards dans le traitement des affaires, les juridictions classent celles-ci en trois catégories selon leur rang de priorité. Pour les cas rapides, comme celui du placement de biens d’une personne sous tutelle dans son intérêt, on ouvre le courrier et on traite immédiatement le dossier. Un gendarme a été tué par un conducteur dont le permis avait été annulé un an auparavant : pendant un an, un tribunal a laissé une décision de justice inappliquée. Comment tolérer de telles situations ? Je n’entends pas l’argument du manque de moyens, car nous n’avons cessé de les augmenter. L’institution doit s’adapter. Je ne demande pas de sanctions, mais peut-être le CSM pourrait-il élaborer des guides de bonnes pratiques pour fluidifier le traitement des affaires.

Mme Marie-France Lorho (RN). En juillet dernier s’est achevée l’opération destinée à mesurer la charge de travail des magistrats : ce sont respectivement vingt et vingt-six référentiels qui ont été élaborés pour les tribunaux judiciaires et les cours d’appel. Le 6 août, ces référentiels ont été jugés inexploitables : un nouveau groupe de travail restreint doit être formé pour avancer sur la question. En qualité de candidat au CSM, quelles suites pensez-vous qu’il faille donner aux réflexions du premier groupe de travail, lequel avait conclu à la nécessité de multiplier par deux voire par trois les effectifs actuels de la magistrature ?

Parmi les préconisations du rapport de juillet 2022 des états généraux de la justice, dont le comité était présidé par Jean-Marc Sauvé, figurait celle d’investir quelque 1 500 magistrats supplémentaires : la jugez-vous suffisante ?

Comment expliquez-vous le retard de la France dans la production des référentiels, à l’image de l’Espagne, de l’Italie ou du Portugal ?

Mme Béatrice Roullaud (RN). Monsieur Paris, dans les réponses au questionnaire qui vous a été soumis, vous avez affirmé que le CSM jouissait d’un positionnement en surplomb de l’activité judiciaire, de ses enjeux et de ses contraintes et que son avis indépendant sur ces sujets serait, à votre sens, plus que précieux. Vous faites ainsi partie de ceux qui plaident pour que l’avis du CSM soit obligatoire sur les projets de loi de finances. Dans cette perspective, sur quelles lignes budgétaires recommanderiez-vous de faire porter un effort ?

Nous manquons cruellement de juges, de procureurs et de greffiers. Le CSM a publié cette année des chiffres sur la protection judiciaire de la jeunesse : 522 juges des enfants sont chargés de suivre les 254 673 enfants en danger et faisant l’objet d’une mesure judiciaire de protection. La moitié de ces magistrats suivent au moins 450 situations, soit au moins 800 enfants, alors que le plafond est fixé à 325. Le CSM a qualifié la justice des enfants en danger de système qui craque. Il faudrait au moins 325 juges des enfants supplémentaires et un greffier pour chaque juge. De même, le nombre de procureurs est insuffisant puisque ceux-ci gèrent en moyenne 2 200 dossiers. Cela constitue un défi presque impossible à relever, cette situation pouvant expliquer l’absence de traitement de certaines plaintes émanant de femmes battues.

Quelles sont, selon vous, les priorités à fixer pour le budget de la justice ? Quelles recommandations formuleriez-vous pour améliorer le fonctionnement de celle-ci ?

M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Notre groupe émettra un avis défavorable à la nomination de M. Paris au CSM, fidèle en cela aux travaux de la commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire, que je présidais et dont M. Paris était le rapporteur. Il y a quatre ans, nous avons proposé de fixer une durée maximale au-delà de laquelle les magistrats devraient choisir de poursuivre leur carrière dans les fonctions du siège ou dans celles du parquet : l’objectif était de renforcer l’impartialité et d’éviter les confusions. On peut louer la richesse de votre parcours – magistrature, préfectorale, secteur privé, Parlement –, mais celui-ci prête le flanc au soupçon de porosité. En effet, vous avez consacré de nombreuses années au service des pouvoirs plutôt qu’à la défense des principes d’indépendance et d’impartialité, ce qui est normal compte tenu des fonctions que vous avez exercées.

Alors que le CSM a publié des communiqués de presse pour se plaindre de pressions politiques exercées par le précédent garde des sceaux ou par l’actuel président de la République dans le cadre de l’affaire de la mort de Sarah Halimi, le signal envoyé par la nomination d’un macroniste ayant rapporté plusieurs textes sur la justice serait, au-delà de votre personne, très mauvais. Je ne demande toutefois qu’à être démenti, Jacques Toubon ayant montré qu’une fonction pouvait changer un homme.

M. Paul Molac, rapporteur. Vous avez formé un recours contre l’élection de juillet dernier dans la cinquième circonscription de la Côte-d’Or : vous m’avez annoncé que, si le Conseil constitutionnel annulait l’élection, vous ne vous représenteriez pas. Cet engagement est important, car il ne serait pas très utile de vous nommer au CSM si vous aviez l’intention de mener une nouvelle campagne électorale : avez-vous ou non tourné la page ?

M. Didier Paris. Vos nombreuses questions sont denses et sont toutes légitimes.

Monsieur Molac, je vous remercie à nouveau pour votre rapport. De nombreuses autorités supranationales s’interrogent sur l’indépendance réelle du parquet. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) considère les parquetiers comme des juges du siège, mais la question est lancinante pour les magistrats, lesquels ont besoin de voir le parquet traité de manière équivalente, ou presque, au siège. En 2016, l’Assemblée nationale et le Sénat ont examiné un texte de modification de la Constitution, resté pendant car son adoption nécessite un équilibre politique difficile à atteindre.

Ma position est très claire : on ne peut pas considérer que le parquet français soit indépendant, car un tel statut emporterait la coupure totale du lien avec le pouvoir exécutif. Le ministre de la justice doit conserver sa responsabilité en la matière. Il n’est pas possible de créer en France la fonction, qui existe dans d’autres pays, de procureur général de la nation, instance supra-organique réglant l’ensemble des problèmes : je n’y crois pas une seule seconde et ne pense même pas que la question se pose en ces termes. En revanche, pourquoi les nominations des membres du parquet ne devraient-elles pas, comme celles du siège, recueillir l’avis conforme du CSM ? La proposition d’étendre au parquet le pouvoir de proposition du CSM liant le président de la République pour la nomination des 400 plus grands magistrats du siège est plus délicate, car le pouvoir politique doit conserver son autonomie en la matière. Dans le domaine disciplinaire, les membres du parquet devraient, à l’instar de ceux du siège, bénéficier d’une autorité de jugement indépendante du pouvoir politique. Cette règle pourrait recueillir un certain consensus.

La responsabilité des magistrats est nécessaire : pendant de leur indépendance, elle est très encadrée, ce qui est normal. Le principe fondamental est que la décision juridictionnelle ne doit en aucune façon être mise en cause, sous peine de voir le système judiciaire s’effondrer et les mauvaises pratiques d’autres pays s’imposer. La loi du 20 novembre 2023 a renforcé la responsabilité des magistrats : le régime disciplinaire est beaucoup plus dur et il est plus facile à actionner, y compris par les justiciables, qui peuvent saisir le CSM.

L’élargissement de la saisine obligatoire du CSM est un impératif : la règle constitutionnelle actuelle dispose que le CSM ne rend des avis généraux qu’à la demande du président de la République ou du ministre de la justice. L’auto-saisine ne devrait pas heurter les mentalités, car elle constituerait un dispositif démocratique tout à fait compatible avec nos mœurs.

J’ignore quand le Conseil constitutionnel rendra sa décision sur le recours que j’ai formé contre le résultat du scrutin législatif auquel j’ai participé et, évidemment, le sens de celle-ci. L’écart d’une quarantaine de voix qui m’a séparé de mon adversaire est relativement courant dans une telle élection, et il est arrivé que le Conseil constitutionnel confirme un décompte des votes affichant un écart encore plus ténu. Quoi qu’il en soit, le mandat parlementaire est incompatible avec l’exercice simultané de la fonction de membre du CSM : si je me présente devant vous, c’est parce que j’ai pris une direction sur laquelle je ne reviendrai pas. Si vous acceptiez ma candidature, je ne ferais rien d’autre que remplir la fonction de membre du CSM et ne me présenterais pas à une quelconque élection.

De nombreuses questions ont été, de manière compréhensible, posées sur l’impartialité. Elle est fondamentale. Je crois avoir montré, par mon expérience et mes convictions, que j’étais capable de passer naturellement d’un mandat à une fonction dans une organisation. Les textes disposent que la majorité des membres du CSM est extérieure à la magistrature : ces personnes ont donc forgé leur histoire, leur vision et leurs convictions personnelles en dehors du monde judiciaire. Le CSM est un organisme très collégial et il est impossible de vouloir le rejoindre sans attacher aux qualités d’impartialité, de dignité et d’indépendance une importance toute particulière ; leur absence serait d’ailleurs très visible. Voilà l’un des aspects fondamentaux de la candidature présentée par Yaël Braun-Pivet.

Madame Bordes, le CSM a rendu un avis assez net sur l’activité syndicale des magistrats. Une ordonnance de 1994 dispose que le magistrat est tenu à un devoir d’impartialité et de réserve. Tous les magistrats peuvent s’exprimer, dès lors que leurs interventions ne concernent pas leurs décisions juridictionnelles et qu’elles ne se départissent pas de la réserve à laquelle ils sont astreints. Le CSM a reconnu à l’expression syndicale des magistrats un degré de liberté plus élevé : il est admis que le ton du discours syndical peut être plus libre et peut même parfois être un peu provocant. Cette tolérance rencontre les limites que vous avez rappelées et sur lesquelles je n’ai pas grand-chose à dire.

La liberté syndicale, et plus généralement de parole, des magistrats, est un débat d’actualité. Lors de l’examen de loi organique relative à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire de 2023, certains sénateurs ont considéré que l’expression syndicale des magistrats est inséparable de leur impartialité. En somme, les magistrats peuvent s’exprimer à condition de ne rien dire. Vous avez rejeté cette disposition ; en tant qu’éventuel futur membre du CSM, je considère que vous l’avez fait à raison.

Ai-je été membre du Syndicat de la magistrature ? Rien ne m’oblige à répondre à cette question. Par souci de transparence, j’indique l’avoir été en 1984 – un juge dirait qu’il y a prescription.

Madame Bergé, merci infiniment de vos propos, qui me touchent. Vous avez vous-même accompli un travail significatif pour favoriser le dialogue dans le cadre des responsabilités que vous avez exercées au sein du groupe dont j’étais membre. Être membre du CSM, député ou magistrat exige d’écouter l’autre et de faire preuve de tolérance envers les opinions qui divergent des siennes. De cette attitude, vous avez été la plus belle expression.

Soyons clairs : nul ne conteste que la justice est imparfaite et doit encore faire des efforts, dans le cadre de réformes qu’il faut accompagner. Nul ne conteste, non plus, que la justice doit être en capacité de s’interroger sur elle-même. Le CSM a-t-il un rôle à jouer en la matière ? Cela ne fait pas de doute. Il le joue dans le cadre des avis qui lui sont demandés par le président de la République et par le ministre de la justice. Mais cela me semble encore insuffisant. À titre personnel, je préconise de lui donner plus de liberté pour donner ses avis, sans transgresser le cadre du fonctionnement de la justice, sur lequel vous avez beaucoup travaillé, madame Bergé. Ses moyens humains, matériels et financiers ont été significativement renforcés au cours des dernières années. Son organisation demeure perfectible.

Madame Taurinya, ai-je participé de la déstabilisation politique des magistrats du siège ? Si tel est le cas, c’est, si j’ose dire, à l’insu de mon plein gré. Quoi qu’il en soit, je ne souscris pas à votre approche, tout en la respectant.

La question de savoir si le ministre peut avoir communication des pièces d’un dossier de poursuite disciplinaire devant la commission d’admission des requêtes du CSM a fait l’objet de débats ici même. Il ne m’appartient pas, en tant qu’éventuel futur membre du CSM, de juger de la décision majoritaire prise dans cette enceinte, qui devient la loi commune et s’impose à tous. Au fond, est-il anormal que le ministre de la justice soit informé de requêtes jugées recevables et fondées par le CSM à l’égard de tel ou tel magistrat ? La question reste ouverte. La loi lui a apporté une réponse. Je serai, en tant que membre du CSM, le premier à respecter la loi. Quelle qu’elle soit, c’est la loi du peuple français.

Monsieur Saulignac, j’ignore si je suis un mouton à cinq pattes, mais je vous remercie de m’avoir ainsi qualifié. Par construction, le CSM est composé de membres aux parcours divers. Le mien en vaut un autre. Je ne vois pas en quoi avoir été parlementaire constitue une faiblesse pour intégrer une structure distincte du Parlement, quelle qu’elle soit, si du moins l’on s’en tient aux principes. Telle est ma vision des choses. Je crois comprendre qu’elle est partagée par un certain nombre d’entre vous.

Vous avez soulevé la question de mon indépendance subjective et objective. La théorie de l’apparence, à laquelle vous avez fait allusion, est très précise en droit français ; elle fait l’objet de nombreux débats et de nombreuses explications. Mon indépendance objective et manifeste réside, je l’espère, dans le fait de ne plus être parlementaire et d’avoir, lorsque je l’étais, constamment agi en faveur de l’indépendance de la justice. J’espère que vous accepterez avec moi, sur cette base, non de courir un risque, inexistant, mais d’adopter une position courageuse et responsable.

Monsieur Gosselin, vous avez évoqué le besoin d’ouvrir le recrutement de nos institutions. Je connais peu d’institutions où les représentants de ceux dont elle a directement à connaître sont minoritaires. Au CSM siègent, d’après l’article 65 de la Constitution, outre un conseiller d’État et un avocat, six personnalités qualifiées nommées deux par deux par le président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale. Il s’agit d’un acquis, d’une donnée juridique.

De surcroît, la réforme de 1994 a introduit une obligation de parité au sein du CSM. Les propositions de nomination en tiennent compte. Cette exigence est fondamentale, et à mes yeux bienvenue. La présence au sein du CSM de personnalités qualifiées est un signe d’ouverture au demeurant parfaitement encadré et intégré dans l’application de la règle majoritaire.

S’agissant de ma vision de la justice, je considère qu’elle correspond aux standards démocratiques dont nous avons besoin. De façon paradoxale, si la justice est conspuée par le peuple français, qui la juge inaccessible et trop lente, les magistrats eux-mêmes sont considérés comme des gens de grande qualité. La justice fonctionne telle qu’elle est.

Est-ce là une situation définitive ? Est-ce à dire qu’elle est parfaite ? Non, sans aucun doute. Est-ce à dire que le CSM doit prendre position et rendre des avis en la matière ? Oui, sans aucun doute. Au demeurant, il lui arrive de le faire, ce qui est heureux, en se fondant sur une interprétation extensive des textes qui l’y autorisent.

Vous êtes sans doute, mesdames et messieurs les membres de la commission des lois, le premier élément de détermination de l’évolution positive de la justice, du point de vue humain au premier chef. Vos récents votes le démontrent. Cela ne suffit pas. Si le temps ne m’était pas compté, je plongerais à pieds joints dans le rapport d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire qu’Ugo Bernalicis et moi-même avons publié.

L’organisation judiciaire mériterait d’évoluer à plusieurs titres, budgétaire et organisationnel notamment. La respiration des juridictions demeure insatisfaisante. Elle doit s’inscrire, me semble-t-il, dans un dialogue de gestion qui doit faire la part belle aux décisions effectives et à leur application concrète sur le terrain.

Qu’apporterai-je au CSM ? Rien ou tout, suivant le jugement que vous en ferez. J’ai le sentiment de faire partie des personnalités qualifiées dont la nomination peut être envisagée. Je suis animé par la volonté de respecter les règles de fonctionnement du CSM et d’y jouer pleinement mon rôle, en faisant preuve d’indépendance ainsi que de qualités d’écoute et de compréhension de ce qui est encore bon pour la justice et de ce qui mérite encore de nombreuses discussions. Comment dire plus ?

Monsieur Duplessy, je considère comme vous que la liberté syndicale des magistrats et leur expression collective ne sauraient sortir du cadre de leur devoir de réserve. Leur parole engage l’institution dans son ensemble. L’expression des magistrats, comme celle des parlementaires, présente cette particularité de revêtir une forme d’objectivité aux yeux de la plupart de nos concitoyens. Un juge n’est pas une personne lambda. On accorde du crédit à sa parole. Je considère donc qu’il me sera absolument nécessaire de prendre garde à ne pas nuire à la justice, tant à son organisation qu’à son image, qui n’en a nul besoin, et à faire en sorte que mes décisions individuelles soient respectées.

En matière de violences faites aux femmes, vous avez beaucoup œuvré. Le CSM n’a pas vocation à prendre des positions de fond sur les sujets qui vous appartiennent, en vertu de la séparation des pouvoirs. Organe indépendant, il donne des avis s’il estime que la situation sociale, politique ou économique, ou qu’un cas particulier, l’exigent. À ma connaissance, il n’a émis aucun avis dans les domaines que vous avez indiqués. La balle est dans le camp de votre commission, dont plusieurs membres ont énormément œuvré pour la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Je sais, pour en avoir été membre, à quel point nous sommes loin du compte. Je crois savoir que les forces de l’ordre sont d’une extrême sensibilité en la matière. Des dispositions ont été prises et renforcées car les circonstances de fait l’exigent, s’agissant d’un fléau auquel il est difficile de s’attaquer avec le gage de réussite nécessaire.

Monsieur Martineau, merci infiniment de vos propos. La commission d’admission des requêtes joue le rôle de filtre, indispensable dans une institution telle que le CSM. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008 ayant rendu possibles les plaintes des justiciables, on en dénombre environ 500 par an. Il s’agit d’une avancée démocratique importante. Il est nécessaire que ceux de nos concitoyens pour lesquels la justice est rendue puissent exprimer leur mécontentement.

Le problème auquel est confronté le CSM, qui justifie l’existence de la CAR, est que beaucoup de nos concitoyens qui contestent une décision ont du mal à faire la différence, dans le maelström technique et juridique dans lequel ils sont pris, entre le mécontentement qu’elle suscite et celui qui naît de la longueur de la procédure, de l’avocat, du notaire ou d’autre chose. La CAR, qui est chargée de juger du bien-fondé de la demande, est souvent confrontée à des problèmes qu’il ne lui appartient pas de résoudre, sous peine de mélanger les genres, ce dont il importe de se garder.

La loi du 20 novembre 2023 a très sensiblement amélioré la situation. Vous l’avez votée en conscience. Elle facilite la saisine du CSM – il est trop tôt pour dire à quel point. Désormais, un justiciable qui n’est pas familier du droit comme nous le sommes n’est plus tenu de formuler un grief précis et argumenté contre le juge – cela constituait auparavant un point de blocage. Le ministre souhaitait aller plus loin en rendant la plainte anonyme. Vous ne l’avez pas suivi sur ce point. Quoi qu’il en soit, sans entrer dans le détail des autres modalités qui ont été fixées, la capacité donnée aux justiciables de saisir le CSM a nettement évolué.

Très peu de décisions aboutissent réellement à une procédure disciplinaire, laquelle relève d’une formation où magistrats et non-magistrats sont à parité, ce qui, me semble-t-il, ne peut pas nous choquer. En 2024, elle a, pour la première fois, condamné un juge. Il ne m’appartient pas de commenter cette décision. Certains peuvent juger ce résultat insuffisant. Il peut être appréhendé positivement, comme le signe que la pratique de la plupart des juges est satisfaisante. Il n’est pas interdit de prendre acte de ce qui fonctionne bien dans notre système judiciaire.

L’amélioration apportée par l’évolution récente de la législation devrait faire augmenter le nombre de cas de mise en responsabilité effective des magistrats. Que l’indépendance de la justice emporte sa responsabilité ne saurait nous choquer, à condition toutefois que la mise en responsabilité des magistrats soit encadrée et protectrice des libertés individuelles, de la liberté du juge et de son pouvoir de décision intrinsèque, sans lequel il n’existe aucune autorité de justice digne de ce nom.

Monsieur Warsmann, il ne m’appartient pas de me prononcer sur les deux exemples que vous avez convoqués pour illustrer ce que vous qualifiez de dysfonctionnements de la justice. Les états généraux de la justice ne peuvent pas ne pas vous donner raison. Le président Sauvé a remis un rapport basé sur l’abondant travail de huit commissions thématiques, dans lesquelles les parlementaires ont pris toute leur place.

Il ne fait aucun doute que des améliorations sont possibles, notamment en matière de rapidité, d’effectivité et d’adéquation de la réponse judiciaire. Il faut aussi faire en sorte que nos concitoyens sachent à qui s’adresser et dans quelles conditions, faute de quoi ils sont démunis. Il faut toutefois tenir compte du fait que la réponse attendue est souvent univoque, là où la justice est plurielle et parfois équivoque, non dans ses réponses mais dans la façon d’aborder les choses. En matière pénale, par exemple, beaucoup de nos concitoyens considèrent l’emprisonnement comme la seule réponse pénale. Nous avons largement démontré – dans un rapport sur le travail d’intérêt général pour ma part – à quel point cela ne correspond pas à la réalité.

Je m’associe à votre position consistant à considérer, en tant que parlementaires, qu’il faut continuer à renforcer notre justice en matière de moyens humains et budgétaires. Vous l’avez fait. J’espère que les conséquences concrètes seront au rendez-vous. Vous savez aussi qu’il est nécessaire de vous appesantir sur les questions organisationnelles, qui sont loin d’être uniquement techniques et sous-tendent l’appréhension que nos concitoyens ont de leur justice.

S’agissant de la porosité entre les fonctions que j’ai exercées dont s’alarme M. Bernalicis, je me contenterai d’indiquer que toute personnalité qualifiée est choisie à raison du parcours qui lui est propre, et que je crois avoir démontré, y compris lorsque nous avons rédigé ensemble le rapport d’enquête précité, à quel point je suis sensible aux notions d’intégrité, d’indépendance et de transparence, ainsi qu’à la réalité de ce que les Français nous imposent.

Madame Lorho, je souscris entièrement à vos propos : il nous faut un référentiel de charges, quitte à l’adapter en fonction des évolutions. On peut améliorer la matière humaine et les finances, encore faut-il que les moyens arrivent au bon endroit au bon moment. Toutes les juridictions n’ont pas la même charge. J’ai exercé dans une juridiction de première instance et en cour d’appel ; j’en sais les différences.

Sur ce point fondamental, je considère que l’avis du CSM pourrait être encore amélioré et rendu en amont du vote des textes. La situation n’est pas mûre pour une telle évolution, qui au demeurant soulève des questions essentielles, au premier rang desquelles celle de la séparation des pouvoirs. Toutefois, dans la mesure où le pouvoir législatif examine des textes auxquels sont annexés des documents tels que des études d’impact, rien n’interdit au CSM de jouer pleinement son rôle en la matière.

S’agissant de l’adéquation du nombre de magistrats à leur charge de travail, nous ne devons pas, dans notre réflexion, nous en tenir à la quantité. La qualité de la justice, de son mode de fonctionnement et de la façon dont elle est rendue, s’agissant notamment de la simplification des procédures – nous avons évoqué la procédure d’appel –, est un impératif appelant des évolutions supplémentaires. Il faut répondre à la mise en question du juge par la société, dont il ne fait que refléter les difficultés.

M. le président Florent Boudié. Je vous remercie pour vos réponses. Nous vous libérons, monsieur Paris, afin que la commission procède au scrutin.

La réunion, suspendue quelques instants, est reprise aussitôt.

M. Paul Molac, rapporteur. Je donne un avis favorable à la nomination de M. Didier Paris au CSM. Son parcours riche et divers le qualifie. Son parcours de parlementaire au sein de cette commission, où il a participé à l’examen de nombreuses lois et pour laquelle il a rédigé de nombreux rapports, démontre son appétence pour la justice, qui est une condition sine qua non pour être nommé au CSM.

Il a par ailleurs les qualités personnelles nécessaires, faisant preuve de modération, animé de la volonté de répondre à tout le monde et de comprendre les positions des uns et des autres. Nous l’avons constaté, sur le fond et sur la forme, lorsqu’il siégeait dans cette commission et encore à l’instant lors de son audition.

À ce propos, qu’il ait été parlementaire a été diversement apprécié. Notre collègue Bernalicis a évoqué le précédent de Jacques Toubon. Il se trouve que j’étais présent lorsque cette commission l’a auditionné, le 2 juillet 2014, lorsqu’il était envisagé de le nommer Défenseur des droits. Nous nous sommes demandé si un ancien ministre étiqueté bien à droite serait ou non un bon Défenseur des droits. Il nous a assuré qu’il le serait, contre le gouvernement si nécessaire. Il l’a été de bout en bout. Je suis donc enclin à faire confiance à M. Paris, dont j’ai pu apprécier les qualités par ailleurs, pour bien faire son travail au sein du CSM.

À l’issue de cette audition, délibérant à huis clos, la commission procède au vote par scrutin secret, en application de l’article 29-1 du Règlement, sur cette proposition de nomination.

Les résultats du scrutin ont été annoncés à la fin de la réunion, à seize heures trente-cinq :

Nombre de votants : 38

Blancs, nuls, abstentions : 7

Suffrages exprimés : 31

Avis favorables : 24

Avis défavorables : 7


 

En conséquence, la commission a émis un avis favorable à la nomination de M. Didier Paris en tant que membre du Conseil supérieur de la magistrature.

La séance est levée à 16 heures 40.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. David Amiel, Mme Anne Bergantz, Mme Aurore Bergé, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, Mme Gabrielle Cathala, M. Jean-François Coulomme, M. Emmanuel Duplessy, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Moerani Frébault, M. Jonathan Gery, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, M. David Guerin, M. Sébastien Huyghe, M. Jérémie Iordanoff, Mme Eliane Kremer, Mme Constance Le Grip, M. Antoine Léaument, M. Roland Lescure, Mme Pauline Levasseur, Mme Marie-France Lorho, M. Éric Martineau, M. Stéphane Mazars, M. Ludovic Mendes, M. Paul Molac, M. Jean Moulliere, M. Marc Pena, Mme Maud Petit, Mme Béatrice Roullaud, M. Hervé Saulignac, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Caroline Yadan

Excusés. - Mme Brigitte Barèges, Mme Edwige Diaz, M. Jordan Guitton, Mme Émeline K/Bidi, Mme Naïma Moutchou, Mme Sophie Ricourt Vaginay, M. Philippe Schreck, M. Jiovanny William