Compte rendu
Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République
– Examen de la proposition de loi adoptée par le Sénat, portant création d’un statut de l’élu local (n° 136) (MM. Stéphane Delautrette et Didier Le Gac, rapporteurs) 2
Mardi
17 juin 2025
Séance de 17 heures 45
Compte rendu n° 81
session ordinaire de 2024-2025
Présidence
de Mme Pascale Bordes,
vice-présidente
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La séance est ouverte à 17 heures 45.
Présidence de Mme Pascale Bordes, vice-présidente.
La Commission examine la proposition de loi adoptée par le Sénat, portant création d’un statut de l’élu local (n° 136) (MM. Stéphane Delautrette et Didier Le Gac, rapporteurs).
M. Didier Le Gac, rapporteur. Nous examinons la proposition de loi adoptée par le Sénat le 18 janvier 2024 portant création d’un statut de l’élu local. Mon collègue corapporteur Stéphane Delautrette et moi-même ne sommes pas tout à fait d’accord avec l’intitulé : il ne s’agit pas, à nos yeux, de créer un véritable statut, au sens juridique du terme – les élus qui s’engagent sont d’abord des citoyens au service d’autres citoyens – mais de lever les freins à l’engagement des élus, de simplifier leur quotidien et de ne pas les décourager, que ce soit pendant leur mandat ou à l’issue de celui-ci.
Je tiens d’abord à saluer le choix du gouvernement d’inscrire – j’ai envie de dire : enfin ! – à l’ordre du jour de notre assemblée cette proposition de loi sénatoriale. Notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, créée en 2017, dont je suis membre et que Stéphane Delautrette préside, s’est d’ailleurs penchée à plusieurs reprises sur cette question et a publié deux rapports d’information, l’un de M. Delautrette et de Mme Violette Spillebout, l’autre de Mme Spillebout et de M. Sébastien Jumel. Je salue la richesse de ces travaux.
Le titre Ier de la proposition de loi a pour ambition d’améliorer les indemnités des élus. C’est l’un des nerfs de la guerre en matière d’attractivité et de reconnaissance de l’engagement local, car les élus locaux sont généralement assez peu indemnisés – quand ils perçoivent des indemnités, ce qui n’est pas toujours le cas. Il est vrai, cela étant, que, comme vous, probablement, je n’ai jamais entendu, en circonscription, un élu dire que l’indemnité était la principale motivation de son engagement.
L’article 1er prévoit une revalorisation d’environ 10 % des indemnités de fonction de tous les maires et l’application par défaut du maximum légal dans la détermination de ces indemnités, sauf délibération contraire.
L’article 2 applique ces modifications aux adjoints au maire. Le Sénat a en effet étendu ces dispositions afin d’en faire bénéficier l’ensemble des exécutifs locaux. Surtout, cet article modifie le mode de calcul de l’enveloppe indemnitaire globale en la faisant dépendre de l’effectif théorique maximal des adjoints et non plus de l’effectif réel. Cette disposition est une avancée importante car elle donne davantage de liberté aux maires dans la formation de leur exécutif. Toutefois, la fixation au maximum légal de l’indemnité des adjoints ne me paraît pas opportune car elle risque d’empêcher les conseils municipaux de verser une indemnité de fonction aux conseillers municipaux, qu’ils soient délégués ou non, voire de moduler les indemnités versées aux adjoints.
L’article 3 majore la durée d’assurance retraite d’un trimestre par mandat complet pour l’ensemble des élus locaux, dans la limite de huit trimestres supplémentaires. Je pense que les élus ne doivent perdre aucun droit du fait de leur engagement pour nos territoires. Toutefois, il me semble difficile de justifier l’attribution de trimestres complémentaires sans cotisation, alors que nous sommes en pleine réflexion sur l’évolution de notre système de retraite. Je préconise donc que ce dispositif soit resserré autour des élus qui ont suspendu leur activité professionnelle en raison de leur engagement et qui, de ce fait, n’ont pas assez cotisé pour valider quatre trimestres.
L’article 4 élargit le périmètre des bénéficiaires de la dotation particulière relative aux conditions d’exercice des mandats locaux (DPEL) aux communes de moins de 3 500 habitants, puisque, jusqu’à présent, seules les collectivités de moins de 1 000 habitants la touchent. Cette disposition nécessitera des négociations dans le cadre du futur projet de loi de finances (PLF), puisque c’est dans ce cadre qu’est fixé chaque année le montant de la DPEL. Je souscris à cet objectif : c’est une bonne nouvelle pour les communes de moins de 3 500 habitants.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. En tant que président de la délégation aux collectivités territoriales, je salue ce texte important, qui fait suite aux travaux conduits sous la précédente législature par Mme Violette Spillebout et M. Sébastien Jumel, lesquels avaient abouti à un rapport et à une proposition de loi issue de notre délégation. Aucun texte sur ce sujet très attendu par les associations d’élus n’ayant été inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée, nous avons repris ces travaux avec Mme Spillebout en septembre.
Il est en effet essentiel d’améliorer les conditions d’exercice des mandats locaux. Je sais que cette préoccupation est largement partagée par tous les groupes politiques, ainsi qu’en témoignent les amendements déposés. J’ai donc espoir que ce texte soit rapidement adopté, à tout le moins avant les prochaines élections municipales, afin d’envoyer un signal aux futurs candidats.
J’ai la charge des trois premiers chapitres du titre II, relatifs à l’amélioration des conditions matérielles d’exercice du mandat et à la conciliation du mandat avec l’activité professionnelle et la vie personnelle de l’élu, qui englobent les articles 5 à 17. Ceux-ci constituent, à mes yeux, le cœur du texte tant ils sont essentiels pour lever les freins à l’engagement local – ce qui constitue, à mon sens, le principal objectif de la proposition de loi.
L’article 5 instaure une obligation de remboursement des frais de déplacement engagés par les élus lorsqu’ils représentent leur collectivité et prévoit une compensation par l’État des frais de transport engagés par les communes de moins de 3 500 habitants. Cette disposition est bienvenue. Nombreux sont les élus qui ne se font pas rembourser de tels frais par crainte de peser sur le budget de leur commune.
L’article 5 bis, ajouté par le Sénat, prévoit la rédaction et la diffusion d’une circulaire sur le statut de l’élu local. Je souhaite que nous parvenions, d’ici à la séance publique, à une rédaction plus satisfaisante, moins réglementaire, de cette disposition. Nous y travaillerons en lien avec le gouvernement.
Les articles 6 et 6 bis étendent à certains élus locaux des dispositions existantes. L’article 6 permet ainsi aux présidents des conseils départementaux et régionaux de bénéficier, à l’instar des maires, du remboursement de frais de représentation. L’article 6 bis octroie aux élus des conseils d’arrondissement des droits dont bénéficient déjà les conseillers municipaux. Il me semble difficile de s’opposer à ce parallélisme des formes.
De même, l’article 8 allonge le congé électif dont bénéficient tous les élus et l’article 9 étend le périmètre des autorisations d’absence et du crédit d’heures. Le régime de prise en charge des frais spécifiques bénéficiant aux élus en situation de handicap, qui est l’objet de l’article 13, est renforcé ainsi que celui permettant le remboursement des frais de garde et d’assistance engagés par les élus pour assister aux réunions, qui est l’objet des articles 16 et 16 bis.
Je regrette d’avoir été, comme beaucoup d’entre vous, contraint par l’article 40 de la Constitution, ce qui m’a empêché de proposer des modifications, qui auraient été bienvenues. Il nous faudra évoquer ce sujet avec le gouvernement.
L’article 17 permettra de sécuriser la situation des élus locaux en cas de congé maladie, maternité, paternité ou adoption. Il apportera une réponse concrète à des situations telles que celle vécue récemment par Mme la maire de Poitiers, Léonore Moncond’huy.
L’article 12 vise à permettre aux élus de mieux concilier leur engagement et la poursuite d’études supérieures. Nous n’avons malheureusement pas pu aller plus loin, pour les mêmes raisons de recevabilité financière.
Le texte comprend également des dispositions en matière de formation, aux articles 14 à 15 bis. La formation peut jouer un rôle essentiel dans l’exercice du mandat et dans la reconversion professionnelle, mais les élus ne s’en saisissent pas encore assez. De nombreux amendements ont été déposés sur cette question.
Certaines dispositions vont dans le bon sens, mais me semblent devoir être amendées pour être pleinement opérationnelles. Il en va ainsi de l’article 10, qui prévoit la création d’un dispositif de labellisation des entreprises qui emploient des élus locaux. Le Sénat a souhaité inciter les entreprises à s’y engager par la voie d’une réduction fiscale, ce qui ne me semble pas être la meilleure manière d’avancer. Il me semble préférable de renforcer la dimension extrafinancière.
À l’article 11, le Sénat a prévu d’imposer à l’employeur et aux salariés titulaires d’un mandat local d’évoquer le mandat au cours des entretiens obligatoires prévus par le code du travail ou le code général de la fonction publique. L’idée de favoriser le dialogue entre l’employeur et le salarié élu est intéressante. Cela doit permettre de mieux concilier la vie professionnelle et l’engagement électif ainsi que de valoriser les compétences acquises. Je pense toutefois qu’il faut le faire dans un cadre plus souple, dans l’intérêt de l’élu. Je vous proposerai donc une réécriture de l’article qui s’appuie sur les dispositifs déjà existants.
Permettez-moi de souligner quelques points de désaccord avec le Sénat. À l’article 8 A, les sénateurs ont souhaité supprimer l’incompatibilité entre le mandat d’élu communautaire et un emploi dans une commune membre de l’EPCI (établissement public de coopération intercommunale). À l’article 9 bis, ils ont souhaité inscrire plusieurs dispositions du code général des collectivités territoriales (CGCT) au sein du code du travail, sans créer aucun droit nouveau. Je proposerai la suppression de ces dispositions : la première, car elle me paraît revenir sur des règles nécessaires en matière de prévention des conflits d’intérêts ; la seconde, car elle constitue un doublon avec le droit existant.
Je serai bref sur les dispositions les plus consensuelles, comme l’est, par exemple, l’article 7, qui élargit le recours à la visioconférence aux commissions permanentes. Il me paraît pertinent d’aller plus loin afin de le permettre aussi pour les bureaux des EPCI. Je serai favorable aux nombreux amendements qui vont dans ce sens.
M. Didier Le Gac, rapporteur. Je voudrais à présent évoquer les articles 18 et suivants. L’article 18, qui est l’un des principaux articles de la proposition de loi, vise à modifier la définition du délit de prise illégale d’intérêts. Il ne concerne que les conflits d’intérêts publics-publics et non les conflits publics-privés qui, eux, bien évidemment, doivent être réprouvés et pénalement condamnés – je pense que nous sommes tous d’accord sur ce point. En l’état du droit, les élus locaux peuvent être pénalement condamnés pour des conflits d’intérêts publics-publics, alors même qu’ils ont été élus pour siéger dans plusieurs collectivités, ou que leur collectivité les a désignés pour siéger au sein d’un organisme extérieur. Il s’agit là d’une exception française.
Comme M. Christian Vigouroux, que nous avons auditionné et qui a remis en mars dernier un passionnant rapport au Premier ministre intitulé « Sécuriser l’action des autorités publiques dans le respect de la légalité et des principes du droit », je pense qu’il nous faut mieux distinguer les situations de conflits d’intérêts qui doivent relever du champ pénal de celles qui ne doivent pas y être soumises.
Nous avons travaillé sur cette question en concertation avec les associations d’élus, la HATVP (Haute Autorité pour la transparence de la vie publique), que nous avons également auditionnée, avec le gouvernement et avec M. Vigouroux. Nous vous proposerons ainsi une nouvelle rédaction de l’article 18 qui permet d’exclure du champ pénal les conflits d’intérêts public-public, mais aussi de clarifier la rédaction du texte du Sénat. En effet, dans sa version actuelle, l’article 18 ne nous paraît pas à la hauteur des enjeux car il ne protège pas véritablement les élus. Il définit par ailleurs de manière trop restrictive les intérêts familiaux permettant de qualifier le délit. Nous vous proposerons également de traduire plusieurs recommandations du rapport de M. Vigouroux, afin de sécuriser davantage l’action de nos élus locaux.
La fin du titre II contient des dispositions utiles pour sécuriser la situation des élus.
Les articles 19 et 20 élargissent le champ de la protection fonctionnelle à tous les élus du conseil municipal victimes de violences, de menaces ou d’outrages.
L’article 21 prévoit une harmonisation des régimes de responsabilité de la commune pour tous les élus du conseil municipal.
L’article 24 instaure une obligation de déclaration des dons, des avantages et des invitations reçus au-delà de 150 euros, sur le modèle de l’obligation à laquelle nous sommes nous-mêmes assujettis à l’Assemblée nationale.
Le titre III concerne la fin du mandat des élus, que ceux-ci aient cessé ou non leur activité professionnelle.
À l’article 25, nous proposons de sécuriser et de simplifier le dispositif introduit par le Sénat relatif à la validation des acquis de l’expérience VAE) et aux modalités de réalisation d’un bilan de compétences en fin de mandat.
Par l’article 26, nous souhaitons instaurer un parcours d’accompagnement proposé par France Travail aux élus à l’issue de leur mandat. En revanche, il nous a semblé préférable de ne pas transférer à cet organisme la gestion du fonds d’allocation des élus en fin de mandat (FAEFM), qui finance l’allocation différentielle de fin de mandat (ADFM), aujourd’hui assurée par la Caisse des dépôts (CDC). Un tel transfert, qui aurait coûté environ 6 millions d’euros, n’aurait pu être mis en œuvre d’ici à 2026. En outre, il ne simplifierait pas la vie des élus, puisque la CDC gère déjà leur droit individuel à la formation (DIF). Nous vous proposerons, en revanche, quelques aménagements des règles d’octroi de l’ADFM, qui est un dispositif mal connu des élus locaux, afin d’améliorer la protection des élus tout en assurant la pérennité financière de ce fonds.
Mme Pascale Bordes, présidente. Nous en venons aux orateurs des groupes.
M. Bryan Masson (RN). Depuis trop longtemps, les élus locaux, piliers de notre démocratie de proximité, exercent leurs fonctions dans des conditions souvent indignes de l’engagement qu’ils incarnent. Le texte que nous examinons répond à une réalité que nul ne peut ignorer, celle d’une crise des vocations locales nourrie par la complexité croissante des mandats, l’insuffisance des protections et l’insécurité grandissante des fonctions électives.
Ce texte, dont l’initiative revient au Sénat, aborde avec sérieux les trois grandes dimensions de la vie des élus : l’exercice du mandat, la conciliation avec la vie professionnelle et personnelle et la fin de mandat. Il offre une réponse globale et pragmatique aux différentes questions qui se posent. Le groupe Rassemblement national salue les avancées proposées : revalorisation des indemnités, meilleure couverture sociale, facilitation de la formation, valorisation des acquis de l’expérience et protection renforcée, notamment en matière de sécurité et de responsabilité.
Ce sont autant de leviers essentiels pour redonner sens et attractivité au mandat local, en particulier dans les communes rurales où l’engagement repose souvent sur le dévouement personnel plus que sur de réels moyens. Nous tenons à souligner la pertinence des mesures visant les élus en situation de handicap et les jeunes élus étudiants. Il est juste que l’engagement républicain soit reconnu dans toutes ses dimensions, sans créer de nouveaux obstacles.
Le groupe RN accueille favorablement cette proposition de loi qui vise à soutenir les milliers d’élus qui, chaque jour, maintiennent la démocratie locale vivante, malgré les vents contraires. Nous veillerons cependant à ce que les textes d’application ne neutralisent pas l’esprit de la réforme, car améliorer le statut de l’élu local, c’est aussi défendre la liberté des communes et l’autorité de l’État là où elle s’exerce avec bon sens, c’est-à-dire sur le terrain.
M. Sébastien Huyghe (EPR). Les élus locaux sont la première interface entre l’État et les citoyens et la concrétisation locale de notre République. Figure de proximité, d’écoute et de stabilité, ils traduisent chaque jour les principes républicains en actes concrets.
Cette fonction essentielle traverse aujourd’hui une période de fragilisation profonde. Pour reprendre les termes du rapport de la mission d’information du Sénat sur l’avenir de la commune et du maire, publié en juillet 2023, « peu à peu, sous l’effet de la dégradation des conditions d’exercice du mandat municipal, l’écart se creuse entre les aspirations des élus municipaux et la réalité de leur mandat ».
Cette dissonance donne lieu à un désengagement croissant. Les candidatures à un mandat local se raréfient, tandis que les démissions se multiplient. Au 31 janvier 2024, plus de 4 % des maires élus lors du renouvellement général des conseils municipaux de 2020 avaient déjà quitté volontairement leurs fonctions. Le nombre de ces démissions, inédit par son ampleur, confirme le diagnostic établi depuis plusieurs années, celui d’une crise profonde de l’engagement local. Il est désormais indispensable de s’intéresser aux racines profondes de ce désengagement.
La violence, bien réelle, touche de plus en plus d’élus. Saint-Brevin-les-Pins, L’Haÿ-les-Roses, Carnac : ces communes sont devenues les tristes emblèmes d’un climat de tensions croissantes. Pour la seule année 2022, les agressions envers les élus ont augmenté de 32 %.
Les conditions d’exercice, ensuite : sans cadre clair, sans reconnaissance effective des compétences mobilisées, sans protection juridique et sociale adéquate, le mandat local peut peser lourdement sur la vie familiale et professionnelle.
Enfin, la perte de sens : la complexité des relations avec l’État, les injonctions contradictoires, le gel des ressources des collectivités, les effets ambivalents de la décentralisation participent à une impression de dépossession.
Ces constats, partagés par les deux chambres de notre Parlement, ont donné lieu au dépôt de deux propositions de loi, l’une au Sénat, l’autre à l’Assemblée nationale. Nous examinons aujourd’hui celle qui a été défendue initialement par nos collègues sénateurs, dont je tiens à saluer la qualité du travail. Je suis toutefois convaincu que les apports issus des travaux de l’Assemblée nationale seront essentiels pour compléter et renforcer la proposition de loi.
Face à l’urgence de la situation, pour éviter une aggravation de cette crise et surtout en prévision des élections municipales à venir, ce texte contient des mesures fortes.
Le titre Ier vise à reconnaître l’engagement des élus locaux à sa juste valeur en revalorisant leurs indemnités et en améliorant les modalités de leur retraite. Le titre II entend faciliter l’engagement et améliorer les conditions d’exercice du mandat. Il prévoit des mesures destinées à mieux concilier l’exercice des fonctions électives avec la vie professionnelle et personnelle, tout en renforçant la sécurité de l’engagement des élus. Enfin, le titre III s’attache à sécuriser la sortie de mandat afin de mieux accompagner les élus locaux au terme de leur engagement.
Je tiens à saluer le travail de nos deux rapporteurs, ainsi que celui de Mme Violette Spillebout, coresponsable du texte à mes côtés. Le groupe Ensemble pour la République, pleinement investi dans l’objectif de valorisation de l’engagement local, se prononcera en faveur de ce texte. Nous défendrons plusieurs propositions visant à mieux protéger nos élus locaux, encourager l’engagement au service de nos territoires et renforcer les conditions d’exercice du mandat local dans toutes ses dimensions, tant humaines qu’institutionnelles et matérielles.
Nous regrettons toutefois que de nombreux amendements aient été déclarés irrecevables, ce qui limite notre capacité à enrichir le texte et à y incorporer les propositions des associations d’élus. Ces mesures visent à aller plus loin que le texte initial pour répondre pleinement aux attentes exprimées sur le terrain et à lever durablement les freins à l’engagement local.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Cette proposition de loi, qui prolonge les travaux de la mission d’information sur le statut de l’élu local menés par Violette Spillebout et mon ancien collègue Sébastien Jumel, répond à l’aspiration exprimée depuis longtemps par mon groupe à voir établi un statut de l’élu local. Ce statut, bien qu’important, ne saurait toutefois à lui seul résoudre les difficultés qui pèsent sur l’engagement des élus dans la démocratie locale, terme toujours délicat car il suggère que leur contribution serait localisée alors qu’elle concerne la démocratie en général. Je veux ici saluer ces hommes et ces femmes qui, par milliers, avec beaucoup de détermination, continuent d’exercer leur mandat. L’augmentation des démissions ne doit pas masquer cette énergie de proximité qui anime tant de communes de notre pays.
Plusieurs rapports ont été produits pour identifier les causes profondes du mouvement de démissions, qui tient à la charge croissante des responsabilités, au désengagement de l’État, à la baisse des dotations, etc. Les élus ont toujours plus de responsabilités et de moins en moins de pouvoirs pour les assumer. C’est à ce problème qu’il faudrait se consacrer si nous voulons vraiment trouver des solutions.
Mon groupe est favorable à cette proposition de loi même s’il considère que des avancées supplémentaires sont nécessaires.
M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Cette proposition de loi, qui prétend répondre à la crise profonde de l’engagement local, particulièrement pour les mandats de maire et de conseiller municipal, passe à côté de l’essentiel. Certes, le constat de départ est juste : le mandat local est fragilisé. Toutefois, en mettant l’accent sur l’aspect pécuniaire, la réponse apportée n’est que partielle : l’engagement local ne se résume pas à une question de rémunération. Cette logique marchande, ce prisme comptable appliqué à la démocratie locale, c’est précisément ce contre quoi nous devons nous élever.
Si les démissions d’élus se multiplient, si la lassitude s’installe, si les vocations s’amenuisent, ce n’est pas à cause d’indemnités faibles ou insuffisantes mais parce qu’il existe un écart croissant entre de légitimes exigences citoyennes et les ressources disponibles, entre la proximité attendue et la centralisation imposée. Ce que la proposition de loi ne traite pas, malgré ses vingt-neuf articles, c’est la véritable nature de la crise : ce qui est jeu, ce n’est pas l’engagement personnel mais les relations entre les collectivités territoriales et l’État. Ce n’est en effet pas un manque de volontaires qui affaiblit nos communes mais l’asphyxie provoquée par un État de plus en plus centralisateur qui décide d’en haut sans écouter ceux d’en bas. Les maires, les adjoints, les élus de proximité sont relégués au rang de simples exécutants contraints de mettre en œuvre, sans disposer des moyens nécessaires, des politiques publiques qu’ils n’ont pas choisies. Derrière chaque démission, il y a le découragement d’hommes et de femmes empêchés d’agir, pris en étau entre les attentes des habitants et les injonctions de l’administration centrale.
Revaloriser une indemnité sans redonner de pouvoir, cela revient à repeindre la façade d’une maison qui s’écroule. Ce que les élus demandent, ce n’est pas un geste symbolique, c’est une reconnaissance réelle de leur rôle et de leur autonomie. L’Association des maires ruraux de France (AMRF), pourtant directement concernée, salue la démarche, mais considère que le compte n’y est pas. Elle estime avec raison que les mesures proposées sont bien en deçà du nécessaire.
Cette proposition de loi ne répond ni à l’urgence démocratique, ni aux réalités de terrain. Ce n’est pas d’une revalorisation partielle ou symbolique que les maires ruraux ont besoin mais d’un véritable changement de paradigme. Ils demandent plus que quelques ajustements, ils veulent pouvoir agir librement, avec des moyens à la hauteur des responsabilités qu’ils assument, souvent seuls et dans les territoires délaissés. À travers leurs voix, c’est tout un pan de la République qui rappelle qu’il n’y a pas de démocratie vivante sans autonomie locale et sans un État qui fasse confiance à ses communes.
J’en veux pour preuve ce que vivent de nombreux adjoints aux maires, notamment ceux qui sont en charge de secteurs sensibles comme la petite enfance, le handicap ou la santé. Quand les dotations baissent, quand les associations ferment faute de financement, quand il faut dire aux familles que le centre social ne pourra plus accueillir leurs enfants, c’est leur vocation même qui est atteinte.
Nous saluons cependant certaines dispositions, qui marquent une étape importante dans la reconnaissance de l’engagement des élus locaux. La crise qui traverse notre démocratie de proximité est bien réelle. On constate une hausse des démissions, une tendance au désengagement, des situations d’isolement. Il est temps d’envoyer un signal fort à celles et ceux qui font vivre nos communes au quotidien. Ce texte contient des avancées non négligeables, telles que la protection fonctionnelle généralisée, la valorisation des acquis de l’expérience, l’accompagnement en fin de mandat, la prise en charge des frais de garde ou de transport ou encore la prise en compte de la situation de proche aidant. Nous soutenons pleinement toutes ces mesures, qui répondent à des réalités de terrain bien identifiées. Nous saluons également la volonté d’ouvrir le mandat à toutes et à tous. Lever certains freins sociaux, familiaux et professionnels va dans le bon sens, celui d’une démocratie représentant davantage les citoyens, plus accessible et plus diverse.
Notre soutien s’accompagnera de vigilance : plusieurs de nos amendements ayant été jugés irrecevables, nous les redéposerons en vue de la séance. La revalorisation uniforme des indemnités de fonction interroge tout particulièrement. Nous défendrons un amendement de justice territoriale qui concentre cette hausse sur les élus des petites communes, là où les besoins sont les plus criants. Grâce à l’adoption de ces diverses modifications, nous pourrons voter avec conviction en faveur de cette proposition de loi, qui pose un socle en vue de futurs progrès.
M. Hervé Saulignac (SOC). Tout le monde s’accordera sur le fait qu’il était grand temps que nous ouvrions ce chantier. Plutôt que de statut de l’élu local, nous devrions d’ailleurs parler des conditions d’exercice d’un mandat d’élu local. Un statut à proprement parler supposerait en effet la mobilisation de moyens financiers qui font un peu défaut à ce texte, ce qui a valu à de nombreux amendements d’être frappés d’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution.
Plus de 4 % des maires ont démissionné depuis 2020 : nous ne pouvons plus ignorer la vague de lassitude et de découragement qui monte parmi les élus locaux. Aucun d’entre nous, compte tenu des relations que nous entretenons avec eux, n’a du reste besoin de ces statistiques pour constater ce phénomène sur le terrain. Cette lame de fond n’est pas seulement un mouvement d’humeur, elle risque de saper les fondements mêmes de notre démocratie locale, laquelle repose sur deux valeurs : l’engagement des intéressés et le sens de l’intérêt général. Pour autant, cet engagement ne saurait devenir un sacerdoce : nos élus doivent être traités avec des égards aussi grands que ceux qu’ils témoignent à la collectivité et à leurs administrés. Il y a donc urgence à examiner un texte qui se doit d’être à la hauteur des enjeux. Je salue le travail réalisé par le Sénat et par nos rapporteurs.
Cette proposition de loi, qui a fait l’objet d’une mobilisation transpartisane, embrasse, comme l’a voulu le Sénat, les trois phases de la vie élective : avant le mandat, avec l’amélioration des conditions d’accès aux fonctions électives ; pendant le mandat, avec une conciliation facilitée entre engagement électif et vie professionnelle ; après le mandat, avec une sécurisation de la dernière phase de l’exercice, de ce qu’on pourrait appeler parfois « la vie d’après » quand le mandat a été particulièrement long.
Ce texte doit protéger nos élus, les soutenir, les accompagner, les reconnaître. Cette tâche commence avant même le mandat : nous devons mieux inciter à l’engagement. Des dispositions visent ainsi à faciliter l’accès aux mandats locaux en créant un label « employeur partenaire de la démocratie locale », ce qui est une piste intéressante même si des améliorations sont envisageables, notamment s’agissant des facilités fiscales. Il importe de lever les freins économiques à l’engagement politique et de favoriser une plus grande diversité de profils parmi les élus. C’est un vrai défi que nous avons devant nous.
Nous devons ensuite améliorer les conditions d’exercice du mandat. Je le dis clairement, si l’argent ne doit pas motiver l’engagement – je crois que ce n’est jamais le cas –, il ne saurait non plus le freiner. La proposition de loi prévoit la revalorisation des indemnités de fonction, notamment pour les adjoints au maire, afin de mieux rémunérer l’engagement des élus. Elle étend également la prise en charge des frais de déplacement et de représentation et améliore l’accès à la formation, en particulier pour les élus des communes les plus modestes. En outre, des dispositions visent à faciliter la conciliation entre le mandat et la vie personnelle de l’élu.
Parce qu’une démocratie se juge aussi à la façon dont elle traite ceux qui l’ont servie, le texte prévoit de sécuriser la fin de mandat des élus grâce à une bonification des trimestres de cotisation de retraite et à la création d’une certification professionnelle adaptée au parcours des élus locaux, qui vise à faciliter leur réinsertion professionnelle. S’il fut un temps où avoir exercé un mandat pouvait constituer un atout dans une reconversion professionnelle, d’aucuns considèrent aujourd’hui qu’il s’agit plutôt d’un handicap.
Face à l’urgence démocratique et à la détresse de certains maires, nous devons donc réagir, non par corporatisme ou par clientélisme, mais parce que nous avons trop attendu. Parler de revitaliser la démocratie locale serait un euphémisme : il s’agit désormais de sauver l’engagement local. Vous l’aurez compris, le groupe Socialistes et apparentés soutiendra toutes les mesures de progrès contenues dans ce texte mais souhaite aller encore plus loin : tel sera le sens des amendements que nous vous soumettrons.
M. Philippe Gosselin (DR). Je suis très heureux de voir cette proposition de loi enfin examinée par notre commission après quelques vicissitudes, dont une dissolution. Le statut de l’élu est un peu un serpent de mer. Il a fait l’objet de plusieurs propositions de loi et rapports. En 2013, avec M. Philippe Doucet, j’avais moi-même conduit une mission d’information à ce sujet, qui avait notamment abouti à la validation des acquis de l’expérience.
Avant d’entrer dans les détails, j’aimerais saluer l’engagement des élus locaux, qui se confrontent au quotidien dans une proximité telle qu’on les dit à portée d’engueulades. Les habitants de leurs communes les connaissent personnellement et savent parfois où ils habitent, ce qui est rarement le cas pour un député, un sénateur, un conseiller départemental ou régional. Dans nos 36 000 communes, ils font figure de moutons à cinq pattes, de couteaux suisses, appelés à résoudre les problèmes du quotidien sans pouvoir toujours s’appuyer sur de larges services, sauf dans les agglomérations d’une certaine taille.
La crise des vocations se fait sentir ; les agressions à l’encontre d’élus n’ont jamais été aussi élevées ; le manque de moyens comme l’attention insuffisante de certains services de l’État à leur égard les découragent. Les normes et la complexité des procédures plombent parfois l’initiative et les exigences des dossiers à monter, des recherches de subventions, des tours de table peuvent émousser les vocations les mieux établies. Il était urgent de compléter les dispositifs existants et de s’intéresser à l’engagement local, essentiellement à l’échelon de base, celui des communes et des villes. Tocqueville affirmait : « C’est dans la commune que réside la force des peuples libres. » Il faut donner un peu de liberté d’action aux élus.
Cela implique de se préoccuper des parcours qui mènent à l’élection et de faire en sorte que les candidats trouvent un peu de temps pour faire campagne. Cela suppose de permettre une meilleure conciliation entre mandat et exercice professionnel. Actuellement, une très grande majorité de nos élus locaux, notamment en milieu rural, sont des retraités. J’ai le plus grand respect pour eux – ils sont les bienvenus et je souhaite qu’ils restent –, mais il serait bon aussi d’élargir les mandats à de plus jeunes talents, y compris des étudiants, et certaines des dispositions de la proposition de loi vont en ce sens. Cela conduit aussi à prévoir l’après afin d’éviter que des élus restent sur le carreau, une fois leur mandat achevé.
Il ne s’agit pas de graver un statut dans le marbre. Être élu local n’est pas un métier : c’est une vocation, ouverte à tous. Puissions-nous, avec ce texte, donner des moyens supplémentaires à nos 500 000 élus locaux, les encourager, les reconnaître. Ils ne coûtent, pour la plupart, pas cher aux finances publiques, mais donnent beaucoup de leur temps et constituent une vraie richesse pour notre démocratie. S’ils n’étaient plus là, nous ne tarderions pas à nous apercevoir que la République fonctionnerait beaucoup moins bien. Rendons-leur hommage et envoyons-leur un signal en vue des élections de mars 2026. Le prochain mandat, c’est déjà maintenant, d’une certaine façon.
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Nous travaillons depuis longtemps à l’inscription à l’ordre du jour de cette proposition de loi, attendue – certes sans illusions – par les plus de 500 000 élus locaux que compte notre pays alors que les élections municipales auront lieu d’ici moins d’un an. Si elle comporte des avancées bienvenues, elle reste en deçà de l’ensemble des enjeux et n’atteint pas tout à fait l’objectif affiché dans son titre même : la création d’un statut de l’élu. Les dispositions concernant le régime indemnitaire et la bonification des retraites sont limitées par les arbitrages de Bercy et le verrou de l’article 40 de la Constitution, qui bride toute évolution par voie d’amendement.
La revalorisation de 10 % de toutes les indemnités, si elle n’est pas absurde dans l’absolu, aurait pour effet de creuser l’écart entre les maires des grandes communes et ceux des petites communes, ce que nous déplorons. Si un engagement est insuffisamment reconnu, c’est bien celui des élus de nos petites communes. Ceux-ci disposent de moyens matériels et humains très limités et bénéficient d’une indemnisation sans rapport avec les lourdes responsabilités qu’ils assument et le temps qu’ils consacrent à leurs fonctions ; ils ont trop souvent à arbitrer entre leurs propres indemnités et le financement de dépenses communales essentielles. Afin de leur éviter de tels dilemmes, nous vous proposons de créer une enveloppe non fongible au sein de la dotation globale de fonctionnement (DGF) spécifiquement destinée à couvrir les frais liés à l’exercice du mandat.
Nous regrettons, en outre, la quasi-absence de mesures relatives aux droits de l’opposition municipale alors que celle-ci contribue souvent à faire vivre le débat démocratique, notamment dans nos petites communes et dans nos territoires ruraux où les médias sont moins présents. Défenseurs d’une démocratie locale fonctionnelle, nous plaidons en faveur d’un accroissement des moyens dédiés aux groupes afin que chaque élu, même sans délégation, soit indemnisé au moins de façon symbolique. La question d’un meilleur équilibre entre vie personnelle, vie professionnelle et mandat d’élu doit également être au cœur de nos débats.
Nos échanges ne peuvent se limiter à l’amélioration des conditions d’exercice des mandats pour les élus locaux en place ou sortants. Nous devons trouver comment susciter de nouvelles vocations, encourager l’engagement chez nos concitoyens et renouveler sociologiquement nos conseils municipaux, départementaux et régionaux. Notre objectif commun doit être que les femmes, les personnes en situation de handicap, les étudiants et les salariés, qui sont aujourd’hui tenus éloignés des fonctions électives, disposent de conditions matérielles propices pour se présenter à des élections et exercer des responsabilités politiques.
Enfin, il est essentiel de garantir un équilibre entre la nécessaire protection des élus dans l’exercice de leurs fonctions et l’obligation de transparence et de probité. Alléger le risque juridictionnel ne doit pas conduire à affaiblir les mécanismes de contrôle indispensables à la prévention des abus. L’article 18 devra, à mon sens, être réécrit puisque la version du Sénat a réduit assez considérablement la portée de la prise illégale d’intérêts – en décalage avec les intentions affichées, que je partage. Nous en reparlerons en défendant nos amendements sur cette proposition de loi très attendue, au service de la démocratie locale.
Mme Blandine Brocard (Dem). Il est des textes qui, derrière leur technicité, engagent en réalité notre conception de la République ainsi que de la place et de la reconnaissance que nous accordons à celles et à ceux qui s’engagent pour elle et pour nos concitoyens. Cette proposition de loi en fait incontestablement partie. Parler du statut des élus locaux, c’est évoquer ces femmes et ces hommes qui, jour après jour, font vivre la République sur le terrain, parfois seuls, souvent dans l’ombre, mais toujours avec un sens aigu du devoir et de l’engagement. Nos maires, adjoints, conseillers municipaux ne sont ni des fonctionnaires, ni des salariés : ce sont des citoyens investis d’un mandat démocratique. À ce titre, ils méritent notre reconnaissance, notre écoute et un cadre protecteur lisible et équilibré.
Le mandat local a profondément évolué. Les responsabilités se sont accrues, les sollicitations, multipliées et les menaces, banalisées. Quand on est élu municipal, a fortiori maire, on est en première ligne. On est celui qui porte l’écharpe tricolore et à ce titre, le premier à incarner la responsabilité dans une société où elle fait défaut. Dans le même temps, le découragement se fait parfois sentir. Près de 400 maires démissionnent chaque année, soit 1 % d’entre eux. Cette proportion est peut-être moins élevée que dans les entreprises ou les associations mais elle pousse à s’interroger sur les difficultés qu’ils rencontrent au quotidien.
Le désir de s’engager au service de nos communes demeure. Plus de 900 000 candidats se sont présentés aux dernières élections municipales et j’espère qu’il y en aura autant en 2026. Nous devons faire en sorte que ceux qui sont élus résistent à l’épreuve de la durée d’un mandat, en les accompagnant, en les protégeant, en simplifiant l’exercice de leurs fonctions et surtout en leur faisant confiance, comme les citoyens l’ont fait par leur vote.
Ce texte comporte des avancées utiles : meilleure conciliation entre mandat et vie professionnelle, automaticité de la protection fonctionnelle, accès facilité à la formation, bilan de compétences et validation des acquis en fin de mandat, portabilité des droits sociaux, revalorisation des indemnités ou encore aménagements pour les élus en situation de handicap. Ce sont là des réponses concrètes à des difficultés bien identifiées.
Il nous faut toutefois rester lucides et vigilants. Il s’agit d’abord d’éviter que les Français ne regardent, demain, leurs élus locaux comme appartenant à une catégorie à part de citoyens : des droits sans contreparties finiraient par susciter la méfiance, voire alimenteraient la réticence des employeurs, notamment dans les petites entreprises. Il convient donc de protéger sans isoler, de reconnaître sans déresponsabiliser : c’est l’équilibre que nous devons viser. Il s’agit ensuite de maintenir le sens de l’engagement. Qu’il faille améliorer les indemnités des maires de petites communes, c’est une évidence. C’est ce que nous avons fait en 2019 par la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, qui a procédé à une revalorisation historique des indemnités de 50 % compensée par l’État via la DPEL. Que l’on augmente dans le même mouvement celles des élus des grandes villes, alors que leurs agents attendent toujours une hausse du point d’indice, cela nous pose question, d’autant que les indemnités des maires sont déjà liées aux évolutions du point d’indice. La justice territoriale, l’harmonie entre élus, fonctionnaires et administrés doivent être au cœur de nos choix.
Nous pensons nécessaire de réfléchir plus précisément à l’engagement des femmes et des jeunes car nous savons que ce sont celles et ceux qui expriment le plus de réticences à s’engager dans la vie locale. Trouvons les moyens, souvent simples et peu coûteux, de lever les freins à leur participation à l’exercice des responsabilités démocratiques.
Nous souhaitons également creuser la question de la VAE pour que le mandat soit utile à la poursuite d’une carrière et reconnu dans le parcours d’une vie. Cela répondrait à une attente ô combien légitime de nos élus.
Au sein du groupe Les Démocrates, nous estimons que les difficultés que rencontrent les élus au quotidien ne résident pas principalement dans les conditions matérielles de l’exercice de leur mandat. L’amélioration de ces dernières ne fait d’ailleurs pas partie de leurs premières demandes lorsqu’on les écoute. Ce sont des personnes engagées qui souhaitent avant tout qu’on leur permette d’agir pour répondre aux besoins de leurs concitoyens. Trop souvent, ils ont le sentiment d’être noyés sous les procédures, le formalisme, l’enchevêtrement des normes et les injonctions contradictoires.
Cette proposition de loi devra être évaluée, ajustée et accompagnée dans sa mise en œuvre par une politique de soutien aux collectivités. Elle n’est pas une fin mais une étape, un geste de reconnaissance envers celles et ceux qui, souvent modestes, parfois isolés, prennent sur leur temps, leur vie, leur métier pour servir l’intérêt général.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Près de 1 million de candidats aux élections locales : ce chiffre témoigne de la vigueur de l’engagement de nos concitoyens pour leur territoire, ce dont il faut se féliciter. Près de 560 000 élus locaux en France, dont 1 900 conseillers régionaux, un peu plus de 4 000 conseillers départementaux et 520 000 conseillers municipaux : ces chiffres attestent la vigueur avec laquelle se maintient l’engagement des élus locaux.
La commune est le premier lien de nos concitoyens avec l’État dans le cadre des nombreuses missions qu’elle assure pour lui. Héritage de la Révolution, la commune a conservé sa mission première d’état civil, tout en investissant de nombreux champs : transports en commun en zone urbaine, service public d’aide sociale, entretien des objets classés en matière culturelle. Départements et régions assurent, de même, des missions toujours plus vastes à la suite de l’élargissement de leurs prérogatives au cours des cinquante dernières années.
Le premier visage de l’État, pour nos concitoyens, est donc celui des élus locaux. Il est celui de femmes et d’hommes qui s’engagent, souvent des années durant, avec une ferveur qui force l’admiration. Si le corpus de droits et de devoirs des élus locaux s’est enrichi ces vingt dernières années, il n’existe toujours pas, à proprement parler, de statut de l’élu local. Pourtant, la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions annonçait, dans son article 1er, un futur statut de l’élu. Force est de constater que, quarante-trois ans plus tard, il n’a pas vu le jour.
Tel est l’objet de la présente proposition de loi, que le groupe Horizons & indépendants soutient. Créer un statut de l’élu local permettra d’offrir aux élus locaux un cadre plus adapté et une réponse à leurs préoccupations, notamment professionnelles et financières, qu’ils soient en cours ou en fin de mandat. Un statut leur assurera également des conditions d’exercice plus sereines. Les élus locaux font en effet face à des difficultés matérielles et psychologiques qui ne cessent de se renforcer, comme en témoignent la hausse inquiétante des violences contre les élus et le nombre croissant de démissions – 400 par an. Enfin, cela permettra de lever les freins rencontrés par certains de nos concitoyens qui hésitent à se porter candidats aux élections.
Le groupe Horizons & indépendants tient à souligner que la création d’un statut de l’élu local implique des dispositions de nature financière, mais pas seulement : il convient également de valoriser des mesures d’ordre organisationnel au sein des collectivités et d’alléger les normes qui concernent les élus locaux. Seule une telle philosophie permettra d’apporter la réponse attendue par nos élus locaux, tout en limitant l’aggravation du déficit public. Ce texte, si technique soit-il, met en lumière ceux qui, au quotidien, accompagnent nos concitoyens : les élus locaux. Il faut déjà lui reconnaître ce mérite.
Mme Martine Froger (LIOT). Il y a quelque chose de profondément injuste dans notre République : ceux qui sont en première ligne, qui incarnent l’intérêt général, qui sont les plus exposés sont aussi les plus mal dotés par notre droit. Les élus locaux demandent depuis longtemps un véritable statut : le présent texte doit enfin répondre à leurs attentes. Le groupe LIOT s’est toujours tenu aux côtés des collectivités pour défendre la démocratie locale et les élus de terrain. Notre groupe soutiendra donc ce texte.
Il s’agit d’adresser un signal clair : celui d’un soutien plein et entier à l’ensemble des élus locaux. Face à la crise de l’engagement, la proposition de loi répond à une triple exigence : améliorer l’exercice des fonctions locales, protéger les élus et les accompagner tout au long de leur mandat, puis après leur mandat. Ces trois piliers sont indispensables pour redonner l’envie de s’engager.
Le volet de l’accompagnement budgétaire est très attendu, en particulier dans les zones rurales. Face à la multiplication des responsabilités et des contraintes, certaines revalorisations sont nécessaires. Je pense notamment à la fixation au maximum légal des indemnités pour les exécutifs locaux et à la hausse de l’indemnité des maires.
Sur la sécurité, la position de notre groupe est simple : un élu est un élu. Il n’y a pas lieu d’établir de distinction en fonction du mandat quand un élu est menacé, agressé ou diffamé. Il est indispensable de poursuivre le travail que nous avons mené en 2024 afin d’étendre l’octroi automatique de la protection fonctionnelle à tous les élus locaux.
L’autre priorité de ce texte doit être de s’adapter à tous les profils d’élus. Nous devons lever les freins qui empêchent les femmes, les jeunes ou les personnes en situation de handicap de s’investir dans la vie publique. Le chemin à parcourir pour garantir une véritable inclusion des femmes dans la démocratie locale est encore long. Il a beaucoup été question de l’injustice que vivent les mères en congé maternité, qui se voient privées de toute indemnité et peinent à trouver un remplaçant. Ce texte comporte des avancées, que notre groupe soutiendra.
Enfin, si nous voulons sérieusement nous attaquer à la crise des vocations qui touche de plus en plus d’élus locaux, il est impératif de redonner du sens à leur engagement. Aujourd’hui, trop d’élus ont le sentiment d’être enfermés dans un carcan administratif, noyés sous des obligations réglementaires et dépourvus de leviers d’action concrets. Cette réalité alimente la lassitude, la démotivation, voire le renoncement.
Pour inverser la tendance, il faut leur octroyer de véritables marges de manœuvre, une forme d’autonomie qui leur permette d’agir, d’innover, de défendre des projets utiles à leur territoire et à leurs concitoyens. Redonner de la capacité d’initiative, c’est redonner de la fierté et de l’envie à ceux qui s’engagent dans la vie publique. C’est en recréant cette dynamique positive que nous pourrons renforcer la vitalité démocratique au plus près du terrain.
Mme Brigitte Barèges (UDR). Nous accueillons tous favorablement, me semble-t-il, cette proposition de loi. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître qu’une crise profonde affecte les vocations, notamment chez les élus ruraux, les élus des petites communes. Ils méritent toute notre attention car ils ne bénéficient pas, comme dans les grandes villes, de services compétents pour les accompagner dans tous les domaines, lesquels sont de plus en plus techniques et complexes.
Je ne m’attarderai pas sur les questions financières : il est juste que ces élus perçoivent des indemnités plus élevées. La question est de savoir si on ne pourrait pas défrayer aussi les conseillers municipaux. Pour ma part, lorsque j’étais maire d’une ville moyenne – 62 000 habitants –, j’avais coutume de partager les deux enveloppes dont nous disposions – l’une pour les indemnités du maire et l’autre pour les indemnités des adjoints – afin que chaque conseiller municipal perçoive un défraiement, ne serait-ce que pour ses déplacements. Cela me paraissait juste ; peut-être faudrait-il instaurer une mesure de ce genre, car tout a un coût, à commencer par l’essence pour la voiture.
En dehors de ces aspects purement financiers se pose la question du statut et des droits sociaux. Jusqu’à présent, on ne pensait pas tellement à la conciliation entre l’engagement et la vie familiale, surtout pour les femmes. Je me réjouis donc que l’on envisage des mesures concernant les congés maternité ou les droits de garde : c’est important car nous avons beaucoup de mal à trouver des femmes quand on constitue une liste, à plus forte raison lorsqu’elles sont jeunes et ont charge d’enfants.
Je m’attarderai plus particulièrement sur la sécurité physique et juridique due aux élus. L’excès de normes et de complexité leur fait courir beaucoup de risques ; ils peuvent se voir condamner au titre de leur responsabilité civile ou pénale. Alors que les textes sont de plus en plus fermes, durs, exigeants sur la probité, il faut se souvenir que beaucoup d’élus n’ont pas la formation requise. Du reste, les textes sont de plus en plus nombreux et difficiles à expliquer, même par l’administration.
Ainsi, M. David Lisnard, président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), nous a alertés sur la définition juridique de la prise illégale d’intérêts. Cette infraction un peu floue et difficile à cerner constitue souvent un moyen commode pour les opposants d’essayer d’obtenir, en portant plainte auprès de la justice pénale, le résultat qu’ils n’ont pas eu dans les urnes. Il faut donc aussi penser à la sécurité des élus sur ce point, par exemple en imaginant un droit à l’erreur ou en redéfinissant certaines peines affectant les élus locaux.
Il faut également réfléchir à la formation. Quand j’avais été reçue pour donner mon avis en tant qu’élue locale sur les évolutions envisageables, j’avais émis une idée personnelle et sans doute un peu angélique : la politique n’étant pas un métier mais une fonction, il me semble qu’avant de briguer un mandat local ou national, il serait bon d’avoir déjà exercé un métier afin d’acquérir une connaissance de la réalité du monde qui nous entoure. Cette expérience professionnelle serait profitable pour exercer ensuite un mandat municipal.
Mme Pascale Bordes, présidente. Nous en venons aux questions des autres députés, en l’occurrence à celle de M. Pierre Cordier.
M. Pierre Cordier (DR). Je salue à mon tour les avancées de ce texte – c’est l’ancien maire qui parle.
J’aimerais toutefois relever quelques paradoxes. Ce texte pourrait s’appliquer dès les prochaines élections municipales. Or l’instauration d’un scrutin de liste paritaire dans les communes de moins de 1 000 habitants par la loi du 21 mai 2025, à laquelle notre groupe s’était opposé, cause déjà des difficultés dans la constitution des listes dans les petits villages – c’est ce que l’on me dit sur le terrain. Je me réjouis, comme chacun ici, que l’on instaure la parité – ce n’est absolument pas l’objet de mes critiques – mais je tenais à rappeler que ces dispositions, qui avaient d’ailleurs créé un incident dans l’hémicycle il y a quelques semaines, posaient des problèmes.
Par ailleurs, concernant l’augmentation des indemnités des élus, qui serait justifiée par les responsabilités qu’ils exercent, il faut se rappeler que, depuis la loi du 6 février 1992, les communes ont transféré, de manière croissante, des compétences à l’intercommunalité, retirant des prérogatives aux maires et aux adjoints. Il faut donc prêter attention à la perception que pourraient avoir nos compatriotes de l’augmentation des indemnités.
Comme l’a dit M. Philippe Gosselin, le groupe Les Républicains sera favorable à ce texte, mais je tenais tout de même à rappeler ces paradoxes.
M. Didier Le Gac, rapporteur. Après l’adoption à l’unanimité de cette proposition de loi par le Sénat, un consensus semble se dégager de vos différentes prises de position. Nous saluons, avec M. Delautrette, l’hommage que vous avez tous rendu aux élus locaux.
Concernant le nombre élevé d’amendements qui ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, je veux souligner que beaucoup d’entre eux avaient pour objet la prise en charge de frais de transport ou de frais de garde, ainsi que l’augmentation d’indemnités, ce qui aurait créé des charges financières supplémentaires pour les collectivités locales.
De plus, le texte présente le travers habituel des propositions de loi, à savoir l’absence d’étude d’impact. Depuis une semaine – nous avons appris tardivement l’inscription du texte à l’ordre du jour –, nous avons consacré beaucoup de temps à la vérification de la constitutionnalité et de l’applicabilité des dispositions, ainsi qu’à la charge financière qu’elles représentent.
Enfin, vous avez évoqué des sujets périphériques que la proposition de loi n’aborde pas. Celle-ci se concentre sur les conditions d’exercice du mandat des élus, et non sur les questions, fort passionnantes par ailleurs, des relations entre l’État et les collectivités locales, de l’autonomie fiscale et financière ou de l’allègement des normes.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Il faut saluer, comme vous l’avez tous fait, l’engagement de nos plus de 500 000 élus locaux. Je retrouve, dans les positions que chacun a pu exprimer au nom de son groupe, les propos que j’avais entendus dans le cadre des travaux que la délégation aux collectivités territoriales a consacrés au statut de l’élu, à savoir un soutien unanime de notre assemblée aux élus locaux et la volonté de renforcer la démocratie locale.
Ce texte, que nous examinons à l’approche des élections municipales, vise à ce que chaque citoyen puisse, s’il le souhaite, s’engager dans la vie locale, en levant les freins que constituent l’engagement professionnel et la situation familiale. Il faut également aider la jeunesse, notamment les étudiants, à siéger au sein des conseils municipaux.
Je partage l’idée que la proposition de loi ne remédiera pas à toutes les difficultés. Le pouvoir d’agir des élus, qui est au cœur des discussions, renvoie au débat budgétaire : il ne faudra pas oublier de traiter cette question lors de l’examen du projet de loi de finances. Actuellement, les discussions engagées avec le gouvernement sur ce sujet laissent présager quelques difficultés dans le budget à venir. C’est un continuum : l’année dernière, un travail substantiel a été accompli, qui a débouché sur la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, dont Mme Violette Spillebout avait été la rapporteure. Nous le poursuivons aujourd’hui car nous avons identifié, depuis, certains points qui peuvent encore être améliorés. Je salue l’engagement de toutes et tous pour faire aboutir ce texte.
Titre Ier
AmÉliorer le rÉgime indemnitaire des Élus pour reconnaÎtre leur engagement À sa juste valeur
Article 1er (art. L. 2123-23, L. 2123-24-1-1, L. 3123-19-2-1, L. 4135-19-2-1 et L. 5211-12-1 du code général des collectivités territoriales) : Revalorisation du plafond des indemnités de fonction des maires et des présidents de délégations spéciales
Amendements CL323 de Mme Blandine Brocard et CL359 de M. Carlos Martens Bilongo (discussion commune)
Mme Blandine Brocard (Dem). Le texte issu du Sénat propose une nouvelle revalorisation de 10 % des indemnités pour l’ensemble des communes, y compris les plus grandes. Autant il est compréhensible que l’on revalorise les indemnités d’un maire qui perçoit moins que ses agents – elles passeraient de quelque 1 050 euros bruts par mois à 1 150 euros environ dans une commune de moins de 500 habitants –, autant il est difficilement acceptable d’augmenter l’indemnisation des maires des communes de plus de 100 000 habitants – le montant de leurs indemnités passerait de 5 960 à 6 577 euros – quand les agents, eux, devront attendre une revalorisation du point d’indice, dont les maires bénéficieront aussi par ailleurs.
L’amendement CL323 propose une revalorisation dégressive pour les maires des communes de 10 000 habitants et plus afin de réduire encore, comme nous l’avons fait en 2019, l’écart indemnitaire, celui-ci étant corrélé à la population mais absolument pas à la sujétion. Une telle disposition permettrait de réduire de 2 millions d’euros la charge de la proposition de loi initiale, laquelle s’élève à 66 millions d’euros.
M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). L’amendement CL359 vise à limiter la revalorisation des indemnités aux seuls maires percevant moins de 4 000 euros par mois. En effet, il ne serait pas cohérent de revaloriser de façon uniforme les indemnités de l’ensemble des maires, sachant que le maire d’une commune de plus de 100 000 habitants perçoit 5 960 euros par mois et celui d’une petite commune, 1 048 euros.
Il convient d’aider davantage les maires des petites communes, qui sont en difficulté. Il faudrait pour cela flécher plus de moyens vers celles-ci afin d’éviter toute disparité avec les grandes villes, dont les maires perçoivent en outre d’importantes indemnités supplémentaires dans le cadre de l’intercommunalité.
M. Didier Le Gac, rapporteur. Lors des auditions, chacune des associations d’élus – qui représentaient les petites, les moyennes et les grandes communes – nous a dit que ses membres méritaient, plus que les autres, de voir leurs indemnités augmenter – parce qu’ils ont plus de travail que les autres, parce qu’ils ne disposent pas de services ni de directeurs de cabinet, parce qu’ils sont présents tous les jours en mairie, etc.
Avec Stéphane Delautrette, il nous a semblé qu’il n’était pas juste de défendre une revalorisation des plafonds pour certains maires seulement : cela signifierait que l’on reconnaît l’engagement des seuls maires des petites communes, alors que les maires des villes moyennes et des grandes villes font eux aussi vivre la démocratie. La charge du mandat de maire, quelle que soit la taille de la commune, justifie une revalorisation, d’autant que les grandes villes concentrent des responsabilités très lourdes. C’est pourquoi nous préférons nous en tenir à la position des sénateurs, à savoir une augmentation identique pour l’ensemble des maires, ce qui est une façon de saluer l’engagement de tous les maires au service de tous les territoires. Avis défavorable sur les deux amendements.
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Nous souscrivons à l’idée qu’une augmentation de 10 % pour tous les élus, quel que soit le montant de leur indemnité de base, est relativement injuste. En effet, un élu percevant une indemnité de 500 euros sera augmenté de 50 euros, tandis qu’un élu recevant 2 000 euros touchera 200 euros, soit 150 de plus.
Cela ne nous semble pas pertinent car c’est dans les plus petites communes que la charge est la plus déséquilibrée, leurs ressources étant inférieures à celles des grandes communes. Ces dernières ont en effet la chance d’avoir des agents, souvent des cadres bien formés, qui accompagnent les élus. Les petites communes, à l’inverse, ne disposent que d’un secrétaire de mairie, parfois à temps partiel : les maires se retrouvent donc souvent seuls.
Notre priorité est d’améliorer l’indemnisation des élus des petites communes. Or ces amendements n’amélioreraient en rien la situation de ces derniers, pour qui une revalorisation de 10 % ne représenterait pas une bonification très importante. Nous avions déposé un amendement qui visait à réaffecter l’augmentation accordée aux grands élus au profit des élus des petites communes. Cela ne coûtait rien : je ne comprends donc pas pourquoi il a été jugé irrecevable. J’espère que vous pourrez nous en donner la raison, ce qui nous permettrait de le retravailler en vue de la séance.
Nous ne soutiendrons pas ces deux amendements car nous pensons qu’il existe une meilleure solution pour répondre à la problématique qu’ils mettent en lumière.
M. Hervé Saulignac (SOC). Ces deux amendements soulèvent l’important enjeu des écarts indemnitaires, dont les excès provoquent du ressentiment. Le maire d’une commune de 1 000 habitants et celui d’une grande agglomération peuvent être mobilisés au cours de plages horaires très étendues, mais le second sera mieux indemnisé.
La loi « engagement et proximité » de 2019 a contribué à réduire ces écarts. Si l’on adoptait ces amendements, on punirait, en quelque sorte, les maires des communes de plus de 100 000 habitants. Cela étant, il serait envisageable d’augmenter les indemnités de l’ensemble des élus locaux tout en prévoyant une modulation pour réduire les écarts : cela irait dans le sens d’une plus grande justice. S’il semble difficile de voter ces amendements en l’état, peut-être faut-il réfléchir, en vue de l’examen du texte en séance publique, à une modulation qui ne laisse personne de côté.
M. Joël Bruneau (LIOT). Avant tout, nous devons être conscients de l’impact symbolique d’une augmentation globale de 10 % de l’indemnité des élus locaux sur nos concitoyens, qui ne percevront évidemment pas tous une augmentation comparable. Il faut se demander comment ils ressentiront cette décision.
Ensuite, je m’inscris totalement en faux contre l’idée selon laquelle les élus locaux consacreraient moins de temps à l’exercice de leur mandat dans une grande ville parce qu’ils y bénéficient du concours de services plus étoffés. L’emploi du temps du maire d’une ville de 100 000 habitants qui fait correctement son boulot est rempli de 8 heures à 20 heures – voire 22 heures – du lundi au samedi, étant précisé qu’il a encore des choses à faire le dimanche. Si je me laissais aller à exprimer ce que je pense, je dirais qu’il y a dans notre pays trop d’élus trop mal payés – mais ce serait politiquement incorrect !
Dans les grandes villes, la tentation existe de limiter le nombre d’adjoints, pour démontrer aux électeurs qu’on est animé par le sens de l’intérêt général plutôt que par l’intention d’en tirer profit personnellement ; quand on se présente à une élection, ce n’est pas pour gagner de l’argent. Pour avoir été maire d’une grande ville pendant une dizaine d’années, je préconise de limiter l’augmentation à ce que le grand public perçoit comme du quasi-bénévolat, c’est-à-dire aux maires des petites communes, plutôt que de procéder à une augmentation généralisée, qui serait mal perçue symboliquement. Souvent, quand on est élu d’une petite collectivité, on cumule plusieurs mandats et on se retrouve finalement à travailler à temps plein.
M. Sébastien Huyghe (EPR). Nos élus locaux sont très mal payés en comparaison de ce que perçoivent les élus des communes allemandes, par exemple.
Je suis favorable à l’augmentation des indemnités des élus des communes les plus importantes, qui sont contraints d’exercer leur activité professionnelle à temps partiel, voire de l’abandonner. Lorsqu’ils deviennent des élus locaux à temps complet, ils subissent une perte de pouvoir d’achat que la République doit compenser ; celle-ci doit aussi reconnaître les sujétions qui s’imposent à eux – on est loin des 35 heures hebdomadaires dans un grand nombre de communes.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). L’indemnisation des élus est un sujet important, mais la hausse proposée de 10 % me laisse perplexe, dans une période où nous demandons sans cesse des efforts à nos concitoyens. Quel signal enverrait-on en votant une telle hausse ? Rappelons que le montant de l’indemnisation n’est pas la préoccupation principale de ceux qui décident de s’engager localement.
Le système politique allemand est différent : ce pays compte beaucoup moins de communes et d’élus. Au-delà de la question du montant de l’indemnisation des élus, c’est peut-être l’enjeu de la réorganisation des communes dont nous devrons nous saisir.
M. Philippe Gosselin (DR). Il est nécessaire d’envoyer un signal aux maires des plus petites communes. Je souscris donc aux propos de nos collègues Écologistes et Insoumis. Ce n’est pas tout à fait la même chose d’augmenter de 10 % une indemnité de 600 ou 700 euros et une indemnité de 5 900 euros. Nous pouvons sans doute retravailler ces amendements pour trouver la bonne formulation d’ici à l’examen du texte en séance publique.
Il ne s’agit pas de punir les maires des grandes villes ; M. Bruneau a été maire de Caen, il sait ce que c’est que de s’investir 24 heures sur 24. Quelle que soit la taille de la ville – j’ai été maire d’une commune de 700 habitants –, la charge mentale pèse à temps complet – il n’y a pas de dimanche ni de jours fériés – même si on essaye de protéger sa vie privée.
À la suite du rapport d’information sur le statut de l’élu que j’avais rédigé avec Philippe Doucet, maire d’Argenteuil – ville de plus de 100 000 habitants –, j’avais été surpris des réactions de mes homologues dans ma circonscription : ceux qui dirigeaient de petites communes étaient embêtés à l’idée de devoir accroître le budget de la commune – qu’ils avaient déjà du mal à boucler – pour augmenter leur indemnité. De plus, quand bien même la dotation aux élus locaux passerait à 3 500 euros dans les communes de plus de 1 000 habitants, elle serait très loin de couvrir leurs dépenses. Nous devons nous attacher à trouver le bon équilibre.
Enfin, l’enjeu n’est pas uniquement financier : nous devons prendre en considération les autres aspects du fonctionnement municipal.
M. Didier Le Gac, rapporteur. Je suis d’accord avec ce qui a été dit concernant les petites communes, mais je voudrais rappeler que la loi « engagement et proximité » a déjà augmenté, en 2019, l’indemnité des maires et des adjoints des petites communes de façon différenciée en fonction du nombre d’habitants : la hausse a été de 50 % dans les communes de moins de 500 habitants, de 30 % dans celles de 500 à 1 000 habitants et de 20 % dans les communes de 1 000 à 3 500 habitants.
La commission rejette successivement les amendements.
La séance est suspendue de dix-neuf heures dix à dix-neuf heures vingt.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL137 de M. Didier Le Gac, rapporteur.
Elle adopte l’article 1er modifié.
Après l’article 1er
Amendement CL324 de Mme Perrine Goulet
Mme Perrine Goulet (Dem). Cet amendement vise à harmoniser l’écrêtement pour l’ensemble des élus, qu’ils soient locaux ou nationaux, afin de renforcer le caractère équitable de l’indemnisation. Cela permettrait en outre de faire en sorte que tous les élus soient concernés par l’écrêtement, quels que soient les mandats qu’ils exercent.
M. Didier Le Gac, rapporteur. Les indemnités des élus locaux sont en effet écrêtées à hauteur de 1,5 fois le montant de l’indemnité parlementaire. Par cet amendement, vous souhaitez intégrer au calcul de l’écrêtement les indemnités relatives aux fonctions annexes des élus locaux.
Fusionner ces indemnités reviendrait à nier la charge de travail supplémentaire effectivement assumée par les élus locaux, ce qui risque in fine de les dissuader d’endosser ces responsabilités. Présider un SDIS (service départemental d’incendie et de secours), comme je l’ai fait, représente une charge de travail non négligeable, surtout lorsque l’on siège dans le même temps au conseil départemental ; il faut être présent sur le terrain, visiter les centres de secours, etc. Il en va de même lorsque l’on préside un office public d’HLM, par exemple.
Je ne vois donc pas pourquoi les élus locaux ne devraient pas bénéficier d’une compensation pour ce travail supplémentaire. Avis défavorable.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). À ma connaissance, le président d’un office public d’HLM ne perçoit pas d’indemnité, sauf délibération contraire du conseil d’administration.
Ce sujet est aussi complexe qu’important et j’aimerais avoir des précisions sur les intentions qui sous-tendent cet amendement. Auriez-vous un exemple concret d’indemnité qui n’entrerait pas dans le cadre de l’écrêtement ?
Peut-être suffirait-il de préciser que le montant qui excède le plafond de 1,5 fois l’indemnité parlementaire devra être reversé à la caisse commune et ne pourra être reversé aux autres élus ?
Mme Perrine Goulet (Dem). Certaines fonctions sont déjà concernées par l’écrêtement : la participation au conseil d’administration d’un établissement public local ou du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), ainsi qu’aux conseils d’administration et de surveillance d’une société présidant une autre société.
Toutefois, d’autres ne le sont pas : je pense notamment aux fonctions exercées dans le cadre de certaines associations.
Pour ne plus avoir à se demander si l’indemnisation accordée au titre de telle ou telle fonction est soumise à l’écrêtement, nous proposons d’inclure toutes les indemnités dans le dispositif, à partir du moment où la personne est nommée, élue ou mandatée pour assumer la fonction en question, et ce, quelle que soit la forme juridique de la structure concernée. En effet, certaines structures adoptent des formes juridiques spécifiques précisément pour contourner la limite de l’écrêtement.
Enfin, cela permettra de mieux répartir les fonctions annexes entre élus et, partant, de favoriser leur implication.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL220 de M. Emmanuel Duplessy
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). L’amendement vise à créer, parallèlement à la DGF octroyée aux collectivités par l’État, une enveloppe spécifique, non utilisable à d’autres fins, consacrée aux indemnités et aux frais inhérents à la fonction d’élu.
Les collectivités doivent choisir entre verser une juste indemnité aux élus ou abonder la DGF du montant correspondant pour financer des projets communaux. Cette mesure leur épargnerait ce dilemme.
Lorsque l’Assemblée nationale vote une augmentation des indemnités versées aux élus, les collectivités territoriales sont contraintes de la financer. La création de cette enveloppe permettrait de séparer les deux budgets, à charge ensuite pour le gouvernement de revaloriser le montant de la DGF et de l’enveloppe à la hauteur des besoins.
M. Didier Le Gac, rapporteur. Avis défavorable. Par cet amendement, vous touchez à la libre administration des collectivités territoriales. Un conseil municipal peut tout à fait décider de diminuer le montant des indemnités des élus ; le cas n’est pas si rare : des exemples ont été cités tout à l’heure.
De plus, cela entraînerait une rigidification contraire au principe même de la DGF, qui est une dotation libre d’emploi, attribuée sans affectation particulière ; les élus en font l’usage qu’ils souhaitent pour arbitrer entre leurs dépenses de fonctionnement.
La commission rejette l’amendement.
Article 2 (art. L. 2123-20-1, L. 2123-24, L. 2123-34, L. 2123-34-1, L. 3123-15-1, L. 3123-17, L. 3632-2, L. 3632-4, L. 4135-15-1, L. 4135-17, L. 5211-12, L. 7125-18, L. 7125-20, L. 7227-18, L. 7227-20, L. 7227-21 du code général des collectivités territoriales) : Fixation par principe des indemnités de fonction au maximum légal pour l’ensemble des exécutifs locaux et modification du mode de calcul de l’enveloppe indemnitaire globale
Amendements identiques CL44 de M. Laurent Mazaury, CL69 de M. Philippe Gosselin, CL192 de M. Hervé Saulignac et CL401 de M. Sébastien Huyghe, amendements identiques CL493 de M. Didier Le Gac et CL22 de M. Freddy Sertin, amendement CL110 de M. Philippe Gosselin (discussion commune)
M. Paul Molac (LIOT). L’amendement CL44 vise à supprimer l’extension aux adjoints au maire de la fixation par principe des indemnités de fonction au maximum légal. Nous estimons que la décision doit être prise par le conseil municipal. La mesure proposée nous paraît un peu trop rigide. Le risque est que l’on ne puisse plus financer les indemnités octroyées aux conseillers délégués pour couvrir leurs frais.
M. Sébastien Huyghe (EPR). Si le nombre d’adjoints est fixé au maximum légal, l’enveloppe consacrée aux indemnités sera entièrement consommée et il sera alors impossible d’octroyer une indemnité aux conseillers municipaux délégués. De plus, il est compliqué pour un maire, au cours des premiers jours de son mandat, de demander à ses adjoints de réduire leur indemnité. Laissons aux conseils municipaux la liberté d’en fixer le montant.
M. Didier Le Gac, rapporteur. Je suis également favorable à la suppression du principe de la fixation au maximum, par défaut, des indemnités des adjoints au maire, qui conduirait à vider l’enveloppe indemnitaire globale et à priver les conseils municipaux de toute latitude pour verser une indemnité aux conseillers délégués ou au conseil municipal.
Toutefois, vos amendements – qui me semblent provenir de l’AMF puisqu’elle nous a soumis une proposition identique – auraient pour conséquence de supprimer l’augmentation de 10 % de l’indemnité versée aux adjoints. Ne croyant pas que vous souhaitiez cette suppression, je vous invite à retirer vos amendements au profit du mien et de celui de M. Sertin, qui maintiennent l’augmentation des indemnités de fonction des adjoints.
Les amendements CL44, CL69, CL192, CL401 et CL110 sont retirés.
La commission adopte les amendements CL493 et CL22.
En conséquence, les amendements CL138 et CL140 de M. Didier Le Gac, rapporteur, tombe.
Amendement CL325 de Mme Blandine Brocard
Mme Blandine Brocard (Dem). L’amendement est le pendant pour les adjoints de celui concernant les maires, qui proposait une revalorisation dégressive de leurs indemnités.
Outre que je suis loin d’être convaincue de la nécessité de revaloriser les indemnités des maires des grandes villes, je plaide pour une augmentation significative pour les adjoints des petites communes.
À l’heure où nous demandons à nos concitoyens de gros efforts, il importe d’être transparent sur le coût de la revalorisation générale qui est proposée : il est de 110 millions d’euros dont 71 millions seraient compensés par la DPEL. L’amendement réduit ce coût de 9 millions.
M. Didier Le Gac, rapporteur. Je ferai la même réponse que sur l’amendement concernant les maires.
Vous soulevez légitimement la question de la progressivité des indemnités selon la taille des communes. Toutefois, il faut prendre garde au message envoyé : un mandat n’est pas plus simple ou plus compliqué selon qu’il est exercé dans une petite ou une grande commune.
J’entends la volonté de privilégier les petites communes, bien qu’elles aient bénéficié en 2019 d’une hausse de 20 à 50 % des indemnités des maires et de leurs adjoints en application de la loi « engagement et proximité ». Nous pouvons travailler ce point d’ici à la séance. En l’état, je suis défavorable à votre amendement.
Mme Marie Pochon (EcoS). Je ne suis pas favorable à l’amendement, qui s’inscrit dans une logique de nivellement par le bas des indemnités.
Nous avons proposé, à enveloppe constante, une répartition différente garantissant une meilleure indemnisation des élus dans les petites communes. La question n’est pas tant de savoir qui travaille le plus ou quel mandat est le plus difficile : c’est l’attractivité des mandats locaux qui doit guider notre réflexion en matière d’indemnisation.
Si les candidats risquent de manquer à l’appel pour les prochaines élections municipales dans certaines petites communes, notamment rurales, reconnaissez que dans les grandes villes, la question de l’attractivité ne se pose pas. Cela ne concerne pas seulement Paris, Lyon ou Marseille : dans ma circonscription, à Valence, l’élection suscite une foule de candidatures, prélude à une intense compétition.
M. Philippe Vigier (Dem). Je soutiens l’amendement. Imaginez les manchettes des journaux dans les prochains jours : « Ils augmentent les indemnités des élus pendant qu’on demande aux Français de se serrer la ceinture ». L’Assemblée et le Sénat ont déjà été confrontés à de tels reproches. L’article 2 est une arme de destruction massive contre les élus. Nous n’avons pas besoin de cela.
Dans la perspective du renouvellement des conseils municipaux, un complément de rémunération dans les petites communes, qui n’ont pas de services administratifs sur lesquels s’appuyer, serait bienvenu.
Réfléchissons un instant avant d’appuyer sur le bouton de cette mesure aux effets dévastateurs.
M. Hervé Saulignac (SOC). L’égalité est parfois source d’injustice. La hausse uniforme des indemnités est sans doute la solution la plus simple, mais les Français, si on les consultait, la jugeraient certainement scandaleuse pour les élus des grandes agglomérations dont les indemnités avoisinent les 5 000 euros. En revanche, ils ne trouveraient certainement rien à redire à une augmentation de 10 % pour les maires de petites communes car ils savent l’ampleur de la tâche qui pèse sur eux.
Même si je conçois que le débat est délicat sur le plan politique, ce serait une erreur de refuser la modulation de la revalorisation à périmètre financier constant – voire réduit, comme l’a suggéré Mme Brocard. Ce serait une mesure de justice que nos concitoyens comprendraient parfaitement, là où la hausse uniforme risque de nous causer bien des tracas.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Le sujet mérite en effet d’être examiné. Un travail collectif pourrait être mené d’ici à la séance en vue d’aboutir à une proposition alternative, cohérente avec les dispositions qui seront prévues pour les maires, qui concernerait les adjoints et les conseillers municipaux, délégués ou non. Mais à ce stade, il me paraît préférable que vous retiriez l’amendement.
M. Didier Le Gac, rapporteur. Nous pouvons nous engager à travailler d’ici à la séance. Le message relatif à la nécessité de moduler la revalorisation des indemnités a bien été entendu. À nous, députés, d’amender le texte adopté par les sénateurs. Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme Blandine Brocard (Dem). Je maintiens l’amendement car, même si je me félicite du travail collectif annoncé par les rapporteurs, il convient de poser des jalons. Nous aurons notamment à nous prononcer sur le seuil – celui de 100 000 habitants, mentionné par certains, me semble élevé, même si cela représente une quarantaine de communes où les indemnités sont les plus importantes.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL141, CL142, CL143, CL144, CL147, CL146, CL145, CL148, CL149 et CL150 de M. Didier Le Gac, rapporteur.
La commission adopte l’article 2 modifié.
Après l’article 2
Amendement CL151 de M. Didier Le Gac, rapporteur
M. Didier Le Gac, rapporteur. Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a considéré, dans une décision du 6 juin 2024, que le seuil de 50 000 habitants, au-delà duquel les conseils municipaux pouvaient prévoir dans leur règlement intérieur une modulation des indemnités de leurs élus en fonction de leur assiduité, ne reposait sur aucune différence de situation et instituait une différence de traitement qui n’était pas en rapport avec l’objectif poursuivi. Par conséquent, il a jugé l’article L. 2123-24-2 du CGCT non conforme au principe d’égalité. L’amendement tire les conséquences de cette décision. L’article L. 5211-12-2 du même code prévoyant un seuil équivalent pour les EPCI, l’amendement a pour objet de le mettre en conformité avec la jurisprudence constitutionnelle.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL271 de M. Jérémie Iordanoff
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). L’amendement vise à rendre obligatoire la modulation des indemnités en fonction de la participation aux travaux du conseil municipal, sur le modèle du conseil régional et du conseil départemental. Mais peut-être est-il redondant avec celui que nous venons de voter ?
M. Didier Le Gac, rapporteur. Il ne l’est pas car l’amendement précédent visait à étendre la faculté de modulation à tous les EPCI alors que le vôtre vise à transformer cette faculté en obligation pour les communes. Avis défavorable au nom de la libre administration des collectivités territoriales.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. En outre, cette disposition introduirait une différence de traitement entre les communes et les EPCI, différence que l’amendement précédent cherchait précisément à gommer.
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Nous remédierons à cet inconvénient d’ici à la séance.
Puisque vous êtes soucieux du message adressé à nos concitoyens, le fait de laisser aux conseils municipaux la faculté de s’assurer de l’assiduité des élus ne me semble pas être un heureux symbole, en particulier dans une période où l’on reproche régulièrement aux médecins de délivrer aux salariés des arrêts maladie en trop grand nombre. L’obligation d’assiduité ne me semble pas relever de l’autoritarisme.
M. Sébastien Huyghe (EPR). Certains élus peuvent être empêchés d’assister au conseil municipal en raison de contraintes professionnelles alors que, par ailleurs, ils sont très mobilisés au service de leur commune. C’est un peu fort de café de leur imposer une obligation d’assiduité.
M. Bryan Masson (RN). Attachés au principe de libre administration des collectivités territoriales, nous sommes opposés à l’amendement car il appartient au maire de décider du rythme de travail de son équipe et de piloter le navire.
M. Philippe Gosselin (DR). S’il faut pouvoir sanctionner des absences répétées et injustifiées, il serait dommageable de pénaliser des élus très impliqués, qui, pour une raison ou pour une autre, ne pourraient pas assister à une réunion que l’on pourrait qualifier de statutaire. Laissons la liberté à chaque conseil municipal d’appliquer ou non, en fonction du règlement intérieur qu’il se sera donné, une modulation des indemnités. Soyons pragmatiques.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). La modulation constitue déjà une obligation dans les conseils départementaux et régionaux.
En vertu de l’amendement, le principe de la modulation est acté mais ses modalités d’application sont fixées par le conseil municipal par le biais du règlement intérieur, donc les élus – et le maire en particulier – conservent la liberté de donner le la s’agissant de la participation des élus.
Pourquoi serait-il plus compliqué pour les élus des petites communes d’être présents, comme vous l’indiquez ? Le cumul des mandats et l’engagement professionnel sont source de contraintes pour tous. Les élus locaux qui renoncent totalement à leur activité professionnelle sont sans doute minoritaires.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Il convient de différencier le cas des conseils départementaux ou régionaux et celui des conseils municipaux du fait de l’indemnisation que perçoivent les élus et du temps qu’ils doivent consacrer à leur mandat.
Grâce au niveau élevé d’indemnisation, les conseilleurs départementaux ou régionaux réduisent souvent leur activité professionnelle, sans l’interrompre complètement. À l’inverse, n’oublions pas que dans les petites communes, la plupart des élus ne sont pas indemnisés – seuls trois ou quatre le sont dans les communes de moins de 1 000 habitants, et ceux-ci doivent participer à de nombreuses réunions et mobilisations.
La généralisation de la modulation n’est pas à mon sens la meilleure des solutions. Il faut laisser le choix aux conseils municipaux, choix qui pourra varier selon leur politique en matière d’indemnisation : certains conseils choisiront d’indemniser tous les élus, éventuellement en contrepartie d’une exigence d’assiduité plus forte, quand d’autres auront une pratique différente.
L’obligation qui est proposée pourrait présenter une difficulté pour des élus qui sont très faiblement indemnisés, mais très mobilisés au service de leur collectivité.
La commission rejette l’amendement.
La séance est levée à 20 heures.
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Membres présents ou excusés
Présents. - M. Xavier Albertini, Mme Brigitte Barèges, Mme Anne Bergantz, M. Bruno Bilde, M. Carlos Martens Bilongo, Mme Sophie Blanc, Mme Pascale Bordes, Mme Blandine Brocard, M. Stéphane Delautrette, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Emmanuel Duplessy, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Marc de Fleurian, Mme Martine Froger, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Monique Griseti, M. Jordan Guitton, Mme Catherine Hervieu, M. Sébastien Huyghe, M. Jérémie Iordanoff, Mme Marietta Karamanli, M. Didier Le Gac, Mme Marie-France Lorho, Mme Élisa Martin, M. Bryan Masson, M. Éric Michoux, M. Paul Molac, M. Jean Moulliere, Mme Marie Pochon, M. Julien Rancoule, Mme Béatrice Roullaud, M. Hervé Saulignac, M. Philippe Schreck, M. Freddy Sertin, Mme Violette Spillebout, M. Jean Terlier, Mme Céline Thiébault-Martinez, M. Roger Vicot
Excusés. - M. Ian Boucard, M. Florent Boudié, Mme Colette Capdevielle, Mme Émeline K/Bidi, Mme Naïma Moutchou, M. Jiovanny William, Mme Caroline Yadan
Assistaient également à la réunion. - M. Joël Bruneau, M. Pierre Cordier, Mme Perrine Goulet, Mme Sandrine Josso, M. Jean-Claude Raux, M. Philippe Vigier