Compte rendu
Commission spéciale
chargée d’examiner le projet de loi
de simplification de la vie économique
– Suite de l’examen des articles du projet de loi de simplification de la vie économique (n° 481 rect.) (MM. Christophe Naegelen et Stéphane Travert, rapporteurs) 2
Mardi
25 mars 2025
Séance de 17 heures
Compte rendu n° 6
session ordinaire de 2024 - 2025
Présidence de
M. Ian Boucard,
président
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La séance est ouverte à 17 heures 05.
Présidence de M. Ian Boucard, président.
La Commission poursuit l’examen des articles du projet de loi de simplification de la vie économique (n° 481 rect.) (MM. Christophe Naegelen et Stéphane Travert, rapporteurs).
Article 4 bis (nouveau) : Pérennisation du relèvement du seuil en dessous duquel un acheteur peut passer un marché de travaux sans publicité ni mise en concurrence
Amendement CS1008 de M. Emmanuel Maurel
M. Emmanuel Maurel (GDR). Cet amendement vise à simplifier le droit applicable aux acheteurs publics en fixant un seuil de publicité et de mise en concurrence, pour les marchés de maîtrise d’œuvre, à 100 000 euros hors taxes. Cet allègement des procédures favorisera les opportunités économiques pour les acteurs de la filière du bâtiment et travaux publics, qui sont en grande majorité des PME.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Les marchés de maîtrise d’œuvre sont d’une nature spécifique et régis par des dispositions particulières du code de la commande publique et de la loi relative à la maîtrise d’œuvre publique. Je ne suis donc pas certain qu’on puisse les faire bénéficier d’une dérogation pour la mise en concurrence sans prendre un risque juridique au regard du droit européen. En outre, ils sont historiquement passés suivant des procédures de concours, ce qui implique de fait une mise en concurrence. Avis défavorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Les marchés de maîtrise d’œuvre sont des marchés publics de services et non de travaux. Les règles de publicité et de mise en concurrence traduisent des dispositifs constitutionnels qui gouvernent la commande publique en matière d’égalité de traitement des candidats, de liberté d’accès et de transparence – ces principes s’appliquant en deçà des seuils européens. La dispense envisagée pourrait soulever un risque élevé de censure constitutionnelle, dans la mesure où le cadre applicable à ces marchés serait fragilisé juridiquement. Le gouvernement émet donc un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS745 de M. Robert Le Bourgeois
M. Robert Le Bourgeois (RN). L’article 4 bis va dans le bon sens en facilitant l’ouverture des marchés mais emporte des risques de concurrence déloyale, en particulier dans les zones frontalières. Il nous paraît opportun de préciser que ses dispositions sont réservées aux entreprises françaises.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1164 de M. Charles Alloncle
M. Charles Alloncle (UDR). Les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) ont beaucoup de mal à accéder aux marchés publics alors qu’elles constituent le cœur du tissu entrepreneurial : 97 % des entreprises en France réalisent moins de 3 millions d’euros de chiffre d’affaires ou comptent moins de 10 salariés. Pour leur permettre de se réapproprier la commande publique, cet amendement vise à porter à 150 000 euros hors taxes le seuil de publicité et de mise en concurrence des marchés publics. Cela semble difficile à refuser dans la mesure où, pour les marchés de fournitures et de services des collectivités, ce seuil est fixé à 214 000 euros – et 408 000 euros en matière de défense et de sécurité.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable : les seuils français sont largement inférieurs à ceux qui existent en droit européen.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Le seuil de 100 000 euros constitue déjà une dérogation par rapport au seuil habituel de 40 000 euros. Il est introduit pour la première fois dans la loi et semble satisfaire les professionnels. Avis défavorable.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Notre groupe s’oppose à cet amendement qui ne tient compte que de l’avis de l’entreprise. Pour ma part, en tant qu’élu, je vois plutôt que le seuil proposé représente quasiment 10 % du budget de ma commune ! Il faut prendre en compte aussi l’intérêt du contribuable et des collectivités locales. Des dépenses atteignant de tels montants doivent être débattues en conseil municipal, y compris au sein des plus petites collectivités, et nécessitent une mise en concurrence.
M. Charles Alloncle (UDR). Justement, cet amendement permettrait de simplifier les délibérations au sein des conseils municipaux.
M. Henri Alfandari (HOR). Un seuil de 150 000 euros serait-il conforme aux seuils européens ? Car de toute façon, un maire est obligé de mettre les entreprises en concurrence et de rendre compte des décisions qu’il prend dans le cadre de ses délégations.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Pour qu’il y ait une véritable mise en concurrence, il faut justement qu’il y ait publicité et que les réponses des entreprises fassent l’objet d’un débat. Nous sommes opposés à ce que le seuil augmente dans de telles proportions, au détriment de la mise en concurrence et, de ce fait, de la baisse du coût des prestations.
M. Gérard Leseul (SOC). À titre personnel, je suis opposé à la hausse de ce montant. Lors des auditions, de petites entreprises ont expliqué qu’un seuil à 100 000 euros serait délicat pour elles, et qu’à 150 000 euros il leur serait totalement défavorable. Il faut que l’ensemble des marchés fassent l’objet d’une publication, afin que les petites entreprises puissent y concourir.
M. Charles Fournier (EcoS). Certaines collectivités pourraient souhaiter que les marchés de services soient également facilités. Je pense néanmoins qu’en remontant le seuil, on ouvre la voie à des hausses régulières qui finiront par affaiblir la capacité collective à faire des choix. Notre groupe s’opposera donc à cet amendement, même si le sujet mérite d’être débattu.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Le seuil européen est fixé à 143 000 euros pour les marchés de fournitures et de services passés par des pouvoirs adjudicateurs centraux et s’élève à 5 millions pour les marchés de travaux. L’Italie a mis en place une dérogation à hauteur de 150 000 euros. C’est ce qui a fondé mon avis favorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Le seuil de 100 000 euros est déjà supérieur au seuil moyen des autres États membres de l’Union européenne, qui est de l’ordre de 85 000 euros.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS968 de M. Guillaume Lepers
M. Guillaume Lepers (DR). L’article 4 bis, en remontant le seuil de publicité et de mise en concurrence des marchés de travaux, va permettre à de nombreuses entreprises, en particulier petites et moyennes, d’accéder à la commande publique. Le projet de loi omet cependant de prendre en compte l’inflation, alors que, d’une base 100 à l’été 2021, l’indice du coût de la construction est passé à 120 au premier trimestre 2024 selon l’Insee. Je propose donc de prévoir une revalorisation du plafond tous les trois ans, par décret, sur la base de cet indice.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Vous soulevez une excellente question. Toutefois, il est toujours préférable de se référer à des chiffres précis, exprimés de la même façon que les seuils européens, qu’à des chiffres amenés à évoluer. Pourquoi, par ailleurs, avoir choisi une fréquence de trois ans et pas une autre ? Avis défavorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’idée est bonne, car les seuils perdent de leur pertinence en quelques années, mais il n’est pas possible de réévaluer par voie réglementaire un seuil fixé par la loi. Se pose aussi la question de la pertinence de l’indice choisi, par rapport à d’autres. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1111 de M. Aurélien Lopez-Liguori
M. Thierry Tesson (RN). Pour favoriser les entreprises nationales et éviter toute concurrence étrangère déloyale, cet amendement vise à préciser que les acheteurs publics choisissent une entreprise locale.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS1412 de M. Christophe Naegelen et CS818 de Mme Lisa Belluco
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il s’agit de reporter l’entrée en vigueur de l’article 4 bis à l’année 2026, afin de tenir compte du retard pris par le présent projet de loi.
M. Charles Fournier (EcoS). La dissolution a entravé le cheminement du texte et les entreprises ont été relativement secouées au cours de cette période : il nous semble utile de leur accorder un délai supplémentaire.
La commission adopte les amendements.
Elle adopte l’article 4 bis modifié.
Amendement de suppression CS1408 de M. Christophe Naegelen
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Cet article, introduit par le Sénat, facilite le recours au dispositif « Achats innovants » créé en 2018. Il élargit à cet effet le périmètre de la notion d’innovation en y intégrant notamment les travaux, fournitures et services qui tiennent compte de leurs incidences énergétiques et environnementales. Si l’objectif est louable, la rédaction retenue fragiliserait le recours à cet outil de la commande publique. Je propose donc la suppression de cet article.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 4 ter est supprimé et les amendements CS1134 de M. Nicolas Bonnet et CS853 de M. Éric Michoux tombent.
Après l’article 4 ter
Amendement CS1359 du gouvernement
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Le présent amendement donne la possibilité aux acheteurs de réserver 15 % du montant total des lots d’un marché public portant sur des travaux, fournitures ou services innovants et dont la valeur estimée est inférieure à 143 000 euros hors taxes, aux jeunes entreprises innovantes (JEI). Le dispositif JEI vise à aider les start-up françaises dans un contexte général de décrochage de l’Union européenne en matière d’innovation.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.
Amendement CS1358 du gouvernement
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence préalable pour les achats innovants est actuellement fixé à 100 000 euros hors taxes. Nous proposons de le porter à 143 000 euros, c’est-à-dire au niveau du seuil de procédure formalisée applicable aux marchés de fournitures et de services passés par les pouvoirs adjudicateurs centraux. Le but, de nouveau, est de soutenir l’innovation.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable.
M. Emmanuel Maurel (GDR). Que sont les achats innovants ? Et pourquoi avoir refusé mon amendement précédent sur les marchés de services, alors que le vôtre porte aussi dessus ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Cet amendement crée un dispositif dérogatoire. En matière de commande publique, les seuils nationaux sont fixés au-dessous des seuils européens et nous ne pouvons prévoir des dérogations que pour des situations relativement ciblées. C’est le cas ici pour les achats à des JEI.
M. Gérard Leseul (SOC). Votre définition de l’innovation n’est pas très convaincante. Par ailleurs, pour en revenir à l’amendement précédent, rien ne précise que les start-up qu’il vise sont spécialement européennes ou françaises.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Le caractère flou de la notion d’achats innovants est problématique, surtout s’il s’agit de relever les seuils et donc d’affaiblir la transparence autour de la passation des marchés. Nous avons besoin d’explications plus précises.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. La notion d’achats innovants est définie dans le code de la commande publique.
La commission adopte l’amendement.
Amendements de suppression CS1409 de M. Christophe Naegelen, CS142 de Mme Danielle Brulebois, CS394 de Mme Josiane Corneloup, CS597 de M. Pierre Meurin, CS1112 de M. Aurélien Lopez-Liguori et CS1155 de Mme Béatrice Bellamy
M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’article 4 quater introduit un nouvel article au sein du code de la commande publique afin d’exclure de la procédure de passation des marchés publics les entreprises n’ayant pas rempli l’obligation de dépôt de leurs comptes annuels au greffe du tribunal de commerce compétent.
Cette disposition n’est pas souhaitable pour plusieurs raisons. En premier lieu, certains acteurs que nous avons sollicités ont estimé qu’elle constituerait un obstacle supplémentaire. En second lieu, le régime des interdictions de soumissionner comprend déjà de très nombreuses restrictions dont certaines, facultatives, sont laissées à l’appréciation de l’acheteur : en l’espèce, pourquoi ne pas laisser le donneur d’ordre juger ? Ensuite, l’existence de dispositions spécifiques réprimant le non-respect de l’obligation pour les sociétés de déposer annuellement leurs comptes ne plaide pas en faveur d’une contrainte supplémentaire.
Il ne s’agit pas de confier des marchés publics aux entreprises qui ne respectent pas la loi mais de ne pas ajouter une disposition superfétatoire.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Cet article ne va pas du tout dans le sens d’une simplification. Les entreprises doivent déjà remplir des dossiers à répétition, ne rajoutons pas à la complexité du système. L’article 4 quater pourrait conduire des entreprises de qualité à être exclues des marchés publics, alors que les collectivités locales ont déjà du mal à obtenir des réponses à leurs appels d’offres. Les entreprises qui ne déposent pas leurs comptes ne sont pas nécessairement en difficulté financière et ne cherchent pas forcément à frauder. De surcroît, les acheteurs publics peuvent demander aux candidats des informations sur leur santé financière.
Mme Josiane Corneloup (DR). J’adhère à tous ces arguments. L’introduction de ce type de sanction paraît en effet injustifiée et contre-productive.
M. Pierre Meurin (RN). Il me semble que les pouvoirs adjudicateurs sont attentifs à la santé financière des entreprises et qu’ils ne font pas appel à celles qui sont insolvables ou ne sont pas en état d’intervenir.
M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Exclure d’office une entreprise qui n’a pas déposé ses comptes au cours des deux derniers exercices ne simplifie en rien la vie économique. Cela revient à pénaliser des entreprises déjà en difficulté, notamment des TPE-PME. Ces dernières peuvent connaître de simples retards administratifs, sachant qui plus est que la transmission des comptes est souvent réalisée par les experts-comptables : pourquoi les pénaliser ? Enfin, de nombreuses dispositions existent déjà en droit pour garantir la fiabilité des candidats aux marchés publics.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. La mesure inscrite à l’article 4 quater pourrait avoir un effet discriminatoire, car toutes les sociétés ne sont pas obligées de déposer leurs comptes. Elle ferait peser sur les entreprises françaises une obligation à laquelle ne seraient pas soumises les entreprises européennes. Elle complexifierait également le processus pour les acheteurs. Enfin, ces derniers peuvent prévoir une disposition semblable s’ils le souhaitent. Pour toutes ces raisons, le gouvernement donne un avis favorable à ces amendements de suppression.
M. Charles Fournier (EcoS). Cet article vient d’un amendement défendu au Sénat par le groupe communiste. Il ne concerne que les entreprises qui ont l’obligation de publier leurs comptes et qui ne l’ont pas fait deux années de suite. Il y a là un enjeu de transparence, non seulement dans les marchés mais dans la vie des entreprises – d’ailleurs, la non-publication engage le chef d’entreprise, pas l’expert-comptable. Vous êtes souvent prompts à demander des sanctions : en l’espèce aussi, la loi doit s’appliquer à tous, y compris aux entreprises. Rien n’empêche, pour éviter toute inégalité dans le marché, d’exiger aussi les comptes de celles qui ne sont pas soumises à une obligation de publication.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Notre groupe s’oppose à la suppression de cet article. Dans sa sagesse – pour une fois – le Sénat a pris la défense des collectivités territoriales. Si des travaux sont confiés à une entreprise dont la santé financière n’est pas garantie, c’est leur bon achèvement qui peut être compromis. Les collectivités territoriales doivent avoir cette garantie de la pérennité de la fourniture des services ou des biens concernés.
M. Gérard Leseul (SOC). Je peux comprendre le dépôt de cet amendement libéral, mais je ne comprends pas votre avis favorable, madame la ministre. Déposer ses comptes au greffe du tribunal de commerce dans un délai d’un mois après l’arrêté des comptes, c’est une obligation légale : l’entreprise qui s’y soustrait est passible d’une amende, et le tribunal peut d’ailleurs s’autosaisir dans ce domaine. Les auteurs de l’amendement voudraient donc que l’on ne pénalise pas une entreprise qui ne respecterait pas la loi ! C’est incroyable. Nous avons besoin de transparence.
M. Jean-Pierre Taite (DR). Il me semble que déposer ses comptes est une obligation pour les sociétés à responsabilité limitée (SARL), les sociétés par actions simplifiées (SAS), les sociétés anonymes (SA) ainsi que certaines microentreprises. J’ai toujours déposé les comptes des deux entreprises que j’ai eues. J’aimerais savoir quelles sont les entreprises qui font du commerce et qui ne sont pas soumises à cette obligation.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’article concerne les entreprises qui ont l’obligation de déposer leurs comptes. Or la loi prévoit déjà que celles qui ne le font pas sont passibles d’une contravention de cinquième classe, punie par une amende pénale. En outre, le donneur d’ordre a la possibilité, dans le cadre d’un marché public, de demander des informations financières au soumissionnaire. C’est la raison pour laquelle je demande la suppression de cet article.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’obligation de dépôt des comptes annuels n’est aucunement remise en cause et les sanctions en cas de non-respect sont maintenues. Je répète que la disposition prévue serait discriminatoire, à l’égard par exemple des sociétés en nom collectif, qui ont des activités commerciales et qui ne sont pas soumises à l’obligation de dépôt. J’ajoute que, dans la mesure où celle-ci n’existe pas non plus dans les autres pays européens, le dispositif pénaliserait les entreprises françaises.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. J’insiste sur le fait que nous ne remettons en cause ni l’obligation de dépôt des comptes, ni la sanction. Pour le reste, imaginez une jeune entreprise qui a déposé ses premiers comptes au bout de dix-huit mois au lieu de douze, comme elle en le droit : elle sera exclue de toute possibilité d’obtenir un marché public jusqu’à son trentième mois d’existence, puisqu’il faut avoir déposé deux fois ses comptes. Ne dites pas que cela ne peut pas arriver.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 4 quater est supprimé et les amendements CS353 de Mme Eva Sas et CS916 de M. Charles Fournier tombent.
Article 4 quinquies (nouveau) (art. L. 2151-2 du code de la commande publique [nouveau]) : Autorisation des variantes au sein des marchés publics soumis à une procédure formalisée
Amendements de suppression CS1410 de M. Christophe Naegelen, CS323 de Mme Danielle Brulebois et CS1192 de M. Jacques Oberti
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Le recours aux variantes dans les marchés publics est utile. Néanmoins, cet article, tel que rédigé, fragiliserait sur le plan juridique tout acheteur public qui appliquerait le nouveau régime créé. En outre, les dispositions concernées sont de nature réglementaire et non législative.
Les acteurs auditionnés y sont défavorables : le recours aux variantes risque de porter atteinte aux principes de transparence et de juste concurrence entre les offres proposées sur un marché donné.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Il convient effectivement de supprimer le principe d’autorisation générale des variantes dans les marchés publics passés selon une procédure formalisée ou une procédure adaptée.
Les variantes, qui sont des offres techniques présentées par l’entreprise candidate qui s’écartent des exigences techniques prévues dans le cahier des charges, rendent la comparaison des offres beaucoup plus difficile pour le maître d’ouvrage public et faussent le libre jeu de la concurrence. Alors qu’il est essentiel de donner confiance aux TPE et aux PME dans les règles de la commande publique, cette disposition complexifierait les démarches, notamment accomplies par les TPE du bâtiment, et porterait atteinte au principe de transparence dans la commande publique.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. En application du droit de l’Union européenne, les variantes sont interdites dans les procédures formalisées passées par des acheteurs, sauf mention contraire dans l’avis de marché ou dans l’invitation à confirmer l’intérêt. Elles sont autorisées dans les procédures adaptées. Avis favorable.
M. Pierre Meurin (RN). Je ne comprends pour quelle raison on supprimerait cet article. En quoi est-il négatif qu’une entreprise puisse présenter une variante ? Une collectivité peut toujours la refuser, mais elle peut aussi être convaincue par une variante à laquelle elle n’avait pas pensé – l’entreprise a également un rôle de conseil –, a fortiori dans le cadre d’une procédure adaptée. C’est une mesure de flexibilité et de simplification.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Que l’on soit ou non d’accord avec cet argument, cet article est contraire au droit européen.
Par ailleurs, les grosses entreprises seraient avantagées car elles ont davantage les moyens de proposer des variantes que les petits artisans. C’est pourquoi la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment est fortement défavorable à cet article.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 4 quinquies est supprimé.
Amendement de suppression CS640 de Mme Anne Stambach-Terrenoir
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous sommes opposés aux partenariats public-privé institutionnalisés (PPPI).
Selon un rapport de la Cour des comptes européenne de mars 2018, ces partenariats public-privé sont, pour la plupart, inefficaces et extrêmement coûteux pour le partenaire public. Ils induisent une distorsion de concurrence, au détriment des PME et des TPE. En l’état du droit et de la pratique, la Cour des comptes européenne recommande de cesser de recourir aux PPP dans l’Union européenne. Entre 2000 et 2014, elle a recensé de nombreux retards de construction et une forte augmentation des coûts : « En tout, sept des neuf projets achevés (dont le coût total s’élevait à 7,8 milliards d’euros) ont accusé un retard, compris entre deux et 52 mois. »
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Défavorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Les PPPI sont des outils pertinents pour faciliter la réalisation de certains projets, notamment des grands projets ou des projets complexes – grandes opérations d’aménagement ou de construction de logements par exemple –, grâce à un cofinancement du public et du privé et à la création d’une structure de gouvernance conjointe. Avis défavorable.
M. Matthias Renault (RN). Nous voterons contre cet amendement. L’article concerne les PPPI, qui, en droit français, impliquent la création d’une société d’économie mixte dont le capital est détenu à la fois par une personne publique et une personne de droit privé.
De manière générale, on tire à boulets rouges sur les PPP. Mais la pratique dépend des projets, des sociétés qui sont choisies et des termes du contrat. À très long terme, certains peuvent être déséquilibrés au détriment de la puissance publique – l’indexation des loyers peut être intéressante durant les quinze premières années puis devenir incontrôlable, par exemple. Il revient à la personne publique de bien négocier le PPP dans le cadre d’une vision à long terme.
M. Charles Fournier (EcoS). Nous exprimons une forte défiance à l’égard des PPP : ils créent une relation asymétrique entre l’organisme public et l’opérateur privé, que les PPPI tentent de corriger. L’article 4 sexies ouvre le recours au PPPI à l’ensemble des marchés. Néanmoins, toutes dispositions encadrant les PPP ne s’appliqueront pas aux PPPI, ce qui pose un problème. Nous souhaitons donc la suppression de cet article.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1378 du gouvernement
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Il vise à permettre à un tiers investisseur d’apporter les capitaux nécessaires aux investissements réalisés par la société de projet titulaire du marché public ou de la concession dont il sera actionnaire.
Ce dispositif permettra de mobiliser des financements, notamment provenant de la Caisse des dépôts et consignations, pour faciliter la réalisation de projets sans que le tiers investisseur soit contraint de créer un groupement avec l’opérateur économique chargé de l’exécution matérielle des prestations. Cet amendement assouplit les conditions juridiques afin de faciliter la participation de la Caisse des dépôts.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Favorable.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article 4 sexies modifié.
Amendements de suppression CS324 de Mme Danielle Brulebois et CS1193 de Mme Mélanie Thomin
Mme Danielle Brulebois (EPR). Cet article permet de déroger d’une manière beaucoup trop large et injustifiée au principe d’allotissement pour une catégorie de travaux dont le périmètre n’est pas clairement défini.
L’allotissement, qui consiste à diviser les marchés publics en plusieurs lots, est un outil essentiel pour garantir l’accès au marché des TPE. Il permet de créer un écosystème où les petites entreprises locales travaillent ensemble. Cet article va donc à l’encontre de l’esprit du projet de loi, qui vise à redonner du souffle aux TPE en assainissant certaines réglementations trop complexes.
En l’absence d’allotissement, les entreprises artisanales du bâtiment, qui représentent 97 % des entreprises du secteur et maillent les territoires, seraient privées de travail.
Mme Mélanie Thomin (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés est favorable au principe d’allotissement, essentiel au maillage et à l’équilibre économique des territoires.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Sagesse.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Le principe de l’allotissement n’est aucunement remis en cause. La nouvelle forme de marché global qu’ouvre l’article 4 septies permettra aux collectivités publiques et aux bailleurs sociaux d’améliorer l’offre de logements. Ils pourront en confier la maîtrise d’ouvrage à l’opérateur privé sans contraintes malvenues ni risques relatifs à la réalisation du programme. Demande de retrait ou avis défavorable.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Ce sont les grands groupes qui ont inspiré cet article : ils ont intérêt à ce que les marchés publics ne comportent qu’un seul et unique lot. Mais pour rester dans l’esprit du projet de loi, qui prétend dynamiser et simplifier la vie économique, il convient de s’intéresser aux petites entreprises. Le principe des lots permet de faire vivre le tissu économique local. Quiconque est pour le développement économique des petites entreprises locales doit voter la suppression de cet article.
Mme Mélanie Thomin (SOC). La simplification de la vie des entreprises doit se faire à la faveur des territoires, et non des grands groupes qui se développent de manière centralisée. Le principe d’allotissement doit donc être préservé.
M. Jean-Pierre Taite (DR). Je n’ai pas compris : est-ce l’amendement ou l’article qui vise à supprimer le principe de l’allotissement ? Je souhaite le conserver.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’article crée une nouvelle catégorie de marché global. Les marchés ne comportant qu’un seul lot sont plus intéressants pour les bailleurs – la gestion est plus facile –, tandis que les marchés composés de plusieurs lots le sont davantage pour les petits artisans.
M. Charles Fournier (EcoS). Cet article favorisera les très grandes entreprises au détriment des petites. Nous souhaitons préserver le principe de l’allotissement.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 4 septies est supprimé.
Amendement de suppression CS1411 de M. Christophe Naegelen
M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’article 4 octies prévoit que la durée maximale entre le moment où l’acheteur public retient un opérateur économique candidat et la notification qu’il lui adresse ne peut excéder un an. Au-delà, l’opérateur économique concerné est autorisé à ne plus donner suite à la notification.
En dépit de cette intention louable, cet article risque de dissuader les acheteurs publics de notifier rapidement le marché à l’entreprise retenue. Qui plus est, cette durée d’un an pourrait logiquement allonger les délais.
En outre, à la lumière des auditions menées, la rédaction est sujette à interprétation.
Enfin, certains délais de notification ne sont pas imputables à la mauvaise volonté des acheteurs publics, mais sont plutôt liés au respect de diverses demandes d’autorisation.
Pour ces raisons, évitons de consacrer un tel délai au sein de la loi.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Un tel délai dans la loi n’est pas pertinent : ce serait de la loi bavarde. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 4 octies est supprimé.
Article 4 nonies (nouveau) (art. L. 2193-1 du code de la commande publique) : Application exclusive des règles de sous-traitance aux marchés de travaux pour lesquels l’acheteur a conservé la maîtrise d’ouvrage
La commission adopte l’article 4 nonies non modifié.
La commission adopte l’article 4 decies non modifié.
Article 4 undecies (nouveau) : Expérimentation outre-mer de la faculté de réserver certains marchés publics à des TPE/PME ou à des artisans locaux
Amendements CS1194 de M. Gérard Leseul et CS836 de Mme Anne Stambach‑Terrenoir (discussion commune)
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). L’amendement CS1194 vise à renforcer l’ambition de cet article, adopté à l’initiative du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain au Sénat, qui tend à favoriser le développement, dans les territoires ultramarins, d’un écosystème d’opérateurs locaux capables d’accéder pleinement à la commande publique.
Cet amendement reprend les dispositions de l’article 20 de la loi d’urgence pour Mayotte du 24 février 2025, qui avaient fait l’objet d’un large soutien de la part de l’Assemblée et qui visaient à assurer aux Mahorais un plein accès de leurs entreprises locales aux travaux de reconstruction de l’île. Ce dispositif, qui a trouvé un équilibre au cours des débats, pourrait utilement être étendu à l’ensemble des territoires ultramarins, du moins à titre expérimental.
Les acheteurs pourraient ainsi réserver jusqu’à 30 % du montant des marchés dont la valeur hors taxes estimée est inférieure aux seuils européens applicables aux microentreprises, aux petites et moyennes entreprises ainsi qu’aux artisans répondant aux critères prévus dans le code de l’artisanat.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous souhaitons également renforcer l’ambition de cet article en proposant que, dans les collectivités d’outre-mer, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, les marchés publics dont le montant estimé est supérieur à 500 000 euros hors taxes prévoient une part minimale d’exécution du contrat, fixée à 20 %, confiée à des petites et moyennes entreprises locales ou à des artisans locaux.
Les deux amendements sont complémentaires, nous devrions les fusionner en vue de la séance.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable sur ces deux amendements. Le seuil de 20 % prévu dans la rédaction initiale est raisonnable. Dans le cadre des achats innovants, les acheteurs peuvent passer des marchés sans publicité ni mise en concurrence, à condition que la valeur de l’ensemble des lots n’excède pas 20 % du montant total du marché. Prévoir un seuil supérieur serait contraire au droit européen et porterait atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis défavorable sur ces deux amendements. Le code de la commande publique prévoit que les titulaires de marchés globaux ou de marchés de partenariat, auxquels les PME ont difficilement accès, doivent s’engager à confier 20 % du montant prévisionnel du contrat à des PME ou à des artisans. L’amendement CS836 vise à rendre obligatoire la part minimale de 20 % en lieu et place de la faculté prévue à l’article 4 undecies. Cette disposition porterait atteinte à la liberté contractuelle et paraît disproportionnée vu les marchés concernés.
Néanmoins, l’amendement CS1194 avait l’avantage de donner une définition précise des entreprises locales ou des artisans locaux, qui sont des entreprises dont le siège social est établi dans un de ces territoires au 31 décembre 2024.
M. Matthias Renault (RN). Nous voterons en faveur de ces amendements.
Il s’agit de soumettre l’attribution des marchés publics en outre-mer au principe de préférence locale, ce qui constitue une dérogation au droit de l’Union européenne – nous la réclamons, au même titre que la préférence nationale.
Tant mieux si les députés de la Droite républicaine, qui ont longtemps soutenu l’application du droit de l’Union européenne, ont évolué sur ce point. Nous serions heureux que ces dispositifs soient adoptés dans la mesure où, depuis des années, nous défendons la préférence locale ou nationale dans les marchés publics.
M. Gérard Leseul (SOC). Madame la ministre déléguée, vous avez déjà fait un pas vers notre amendement. Nous souhaiterions que vous le souteniez pleinement.
À défaut de ce soutien, que proposez-vous pour favoriser l’accès des TPE et des PME locales aux marchés de travaux dans les départements et collectivités d’outre-mer ? Nous avons besoin d’un dispositif particulier. Il y a de nombreuses années, l’accès des coopératives à la commande publique était favorisé par le dispositif du quart réservataire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Ces amendements ont l’inconvénient de fixer une obligation, ce qui limite la liberté contractuelle. Ils ne sont pas nécessaires, car dans le système actuel, l’acheteur a toujours la possibilité de fixer un seuil s’il le souhaite.
Pour répondre à votre question, monsieur Leseul, un décret du 30 décembre 2024 a porté de 10 à 20 % la part de sous-traitance obligatoire confiée aux PME et aux artisans pour favoriser le recours aux PME.
La commission adopte l’amendement CS1194.
En conséquence, l’amendement CS836 tombe, de même que l’amendement CS289 de Mme Anne-Laure Blin.
La commission adopte l’article 4 undecies modifié.
Après l’article 4 undecies
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS1099 de Mme Julie Ozenne.
Amendement CS1392 du gouvernement
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Il vise à rétablir l’article 5, supprimé par le Sénat, qui unifie le contentieux de la commande publique au profit du juge administratif.
Aujourd’hui, tant le juge administratif que le juge pénal sont compétents en matière de commande publique. Les entreprises titulaires du contrat ont du mal à percevoir les subtilités de ce dualisme juridictionnel. Je précise que les contrats qui relèvent de la compétence du juge judiciaire sont déjà soumis aux règles de la commande publique. Par ailleurs, le juge administratif paraît être le juge naturel de la commande publique. Cette simplification garantira une interprétation et une application uniformes des règles de la commande publique, ce qui renforcera la sécurité juridique.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable. Lors des auditions, l’ensemble des acteurs ont expliqué que cette modification ne présentait aucun intérêt. En outre, dans son avis sur le texte, le Conseil d’État a considéré que cette réforme d’ampleur aurait des conséquences jurisprudentielles non négligeables et placerait les acteurs concernés, notamment les bailleurs sociaux, dans l’incertitude.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cette mesure est trop lourde de conséquences, notamment jurisprudentielles, pour être introduite par voie d’amendement. Nous craignons aussi qu’elle induise une surcharge de travail pour les juges administratifs, qui sont soumis à de nombreuses contraintes et qui n’ont pas les moyens de traiter tous les contentieux. Elle mériterait au moins une étude d’impact approfondie, qui évaluerait la charge de travail et les conséquences jurisprudentielles.
Mme Sophie-Laurence Roy (RN). Pour le gouvernement, l’article 5 simplifie les choses alors que, pour le Sénat et les acteurs concernés, il les complexifie. Quant au Conseil d’État, il a du mal à trancher : à défaut d’être pour ou contre, il est réservé.
Il y aura à tout le moins des difficultés d’adaptation, car il ne s’agit pas seulement d’unifier la compétence des juridictions mais de changer la nature des marchés, qui deviendraient tous des contrats administratifs. Toutes les entreprises qui fonctionnaient en contrats de droit privé vont devoir se mettre aux règles de la commande publique. Autre problème, on dénombre 42 tribunaux administratifs contre 160 tribunaux judiciaires. Cela étant, une fois que les acteurs connaîtront les nouvelles règles, il est possible que les choses deviennent plus simples.
Il nous semble donc indispensable d’approfondir la question. Pourquoi le gouvernement tient-il rétablir cet article, pourquoi le Sénat l’a-t-il supprimé, pourquoi les entreprises n’en veulent-elles pas ? En attendant, nous nous abstiendrons.
M. Charles Fournier (EcoS). Nous nous opposons au rétablissement de cet article. Les établissements publics locaux ou les bailleurs, par exemple, ne pourraient plus recourir au droit privé, ce qui leur compliquerait la vie. Il n’y a aucune évaluation non plus des conséquences de cette disposition sur le régime de la garantie décennale, des avances ou des pénalités. Au lieu de simplifier, on complexifie.
Mme Sophie Errante (NI). Je partage les arguments de M. Fournier. Je suis contre le rétablissement de l’article 5, que personne ne défend, à l’exception de Mme la ministre.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Personne ne peut nier qu’il s’agit d’une mesure de simplification, face à un contentieux de la commande publique réparti entre le juge judiciaire et le juge administratif. Par ailleurs, le droit administratif n’est absolument pas moins protecteur. En outre, les délais de jugement sont plus courts devant la juridiction administrative. Certes, la charge de travail du juge administratif s’en trouvera alourdie, mais cela contribuera à l’effort de déjudiciarisation du gouvernement et allégera la charge du juge judiciaire.
J’entends vos inquiétudes, car cette unification prendra du temps. Néanmoins, à terme, cette mesure de simplification améliorera la visibilité et simplifiera le quotidien des uns et des autres sans pour autant réduire leurs droits.
La commission rejette l’amendement.
Elle maintient la suppression de l’article 5.
TITRE IV
SIMPLIFIER LES OBLIGATIONS PESANT SUR L’ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DES ENTREPRISES
Chapitre Ier
Simplifier les obligations d’information
Amendements de suppression CS214 de Mme Sandrine Nosbé, CS435 de M. Emmanuel Maurel, CS486 de M. Thierry Tesson , CS599 de M. Pierre Meurin , CS917 de M. Charles Fournier et CS1199 de M. Gérard Leseul
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). La suppression de l’obligation d’information préalable des salariés en cas de cession d’entreprise les prive de la possibilité de présenter une offre de rachat, ce qui est plus que malvenu dans un contexte de multiplication des plans sociaux. Alors que, selon l’estimation de CCI France, il y aurait 350 000 entreprises à reprendre dans les dix prochaines années, la capacité de reprise par les salariés est déjà très contrainte par les délais. Les salariés ont besoin de plus de temps pour monter un dossier, prétendre au crédit d’impôt pour leur plan de financement, a fortiori au sein de petites entreprises. Il convient donc au contraire de favoriser la reprise d’entreprises par les salariés pour préserver les emplois, les savoir-faire et les outils de production sur nos territoires, notamment en renforçant l’information préalable des salariés en cas de vente et en leur conférant un droit de préemption.
M. Emmanuel Maurel (GDR). Je ne vois pas en quoi la suppression de l’information des salariés, dispositif issu de la loi Hamon relative à l’économie sociale et solidaire, contribuera à simplifier la vie des entreprises et des salariés. En 2024, le Conseil d’État a rendu un avis sur le projet de loi dans lequel il affirme ne voir aucune difficulté particulière tenant à l’obligation d’information préalable des salariés, notant qu’il n’était pas établi que cette obligation compromettait des projets de vente. Je ne sais pas d’où sort cette suppression et ce qu’elle fait dans le projet de loi. Des salariés utilisent ce dispositif d’information, ce qui est bon et sain.
M. Thierry Tesson (RN). L’article 6 constitue en réalité un recul majeur en matière de transparence et de droits des salariés. Pour les membres du groupe Rassemblement national, il est important que les salariés soient informés de l’avenir de leur entreprise et ce droit ne peut être remis en cause. Par ailleurs la suppression de leur information n’est pas une véritable simplification pour le repreneur : au contraire, son application risque de générer des tensions accrues entre les salariés et les nouveaux employeurs, fragilisant ainsi le climat social de l’entreprise.
M. Pierre Meurin (RN). C’est bien de simplifier, mais il ne faut pas le faire comme des bourrins ! Il est excessif de supprimer l’obligation d’information des salariés. Dans ma circonscription, l’usine Solvay ferme : 72 salariés doivent pouvoir s’organiser pour payer leur crédit immobilier et chercher un boulot. Qu’ils puissent être informés dans un délai raisonnable n’est tout de même pas mal !
L’obligation d’information permet aussi de donner aux salariés l’option de la reprise de l’entreprise, comme cela a été le cas pour Duralex, dont 228 salariés se sont constitués en société coopérative de production pour que les Français continuent à bénéficier de cette verrerie. Nous devrions tous adopter cet amendement de suppression., Au Rassemblement national, nous défendons les entreprises mais nous défendons aussi les salariés.
M. Charles Fournier (EcoS). La réduction du délai est contre-productive et nous y sommes tout à fait opposés. La simplification de la vie économique ne doit pas être seulement pour les chefs d’entreprise, mais aussi pour les salariés ! En l’occurrence, il s’agit de leur laisser le temps d’imaginer une reprise. Tout le monde s’est félicité de la reprise de Duralex, mais il en existe de nombreux autres exemples.
Il serait intéressant de se demander ce qui faciliterait la vie des salariés, qui sont eux aussi confrontés à de la paperasse et à des contraintes dans l’entreprise. Sur les 350 000 entreprises qui risquent de devoir être reprises dans les dix prochaines années, 10 % à 15 % pourraient l’être en interne. Or, cela exige du temps ! L’un de nos amendements qui suit vise à allonger le délai, au lieu de le réduire. Selon ESS France – qui a heureusement échappé à la suppression à l’article 1er du projet de loi –, il faut environ six mois de délai pour organiser la reprise d’une entreprise. Voilà une mesure qui simplifierait la reprise et donc la vie économique et qu’il faut encourager !
M. Gérard Leseul (SOC). Madame la ministre déléguée, cet article va totalement à l’encontre de l’ambition que vous avez affichée, dans votre feuille de route pour l’économie sociale, de faciliter la transmission et la reprise des entreprises par les salariés. Comme l’a dit M. Fournier, quelle que soit sa forme, lorsque l’entreprise va changer de capitaine, les salariés ont besoin de temps pour envisager sa reprise ou sa transmission. Je soutiendrai d’ailleurs l’amendement de M. Fournier visant à allonger le délai. Pour l’heure, nous sommes favorables à la suppression de l’article.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. J’entends les arguments avancés – à l’exception de ceux de M. Meurin, dont les deux exemples ne conviennent pas car l’article ne concerne que les entreprises de moins de 50 salariés et qui n’ont pas de comité d’entreprise. J’ai déposé un amendement qui sera examiné juste après, car les mesures adoptées par le Sénat me semblaient excessives. Il conviendrait de revenir au délai prévu dans la version initiale du texte, plus court que celui en vigueur mais plus long que dans l’amendement du Sénat, qui réduisait tout à néant. J’émets donc un avis de sagesse par cohérence mais j’entends les arguments des uns et des autres !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Ces amendements visent à rétablir le dispositif tel qu’il existait, avec un délai d’information préalable des salariés de deux mois. En l’état, l’article ne prévoit plus du tout de délai alors que le projet de loi initial prévoyait un mois.
Il faut prendre en compte deux dimensions. Tout d’abord, les fédérations nous ont rapporté que, parfois, le délai de deux mois appliqué à des entreprises de moins de 50 salariés peut compromettre la vente ou la cession en dissuadant de potentiels acquéreurs. En revanche, ne prévoir aucun délaine va pas du tout dans le sens de l’information des salariés qui doit exister : les salariés doivent avoir la possibilité de reprendre l’entreprise.
Monsieur Fournier, votre argument va à l’encontre de votre amendement : s’il faut vraiment six mois, alors que le délai soit d’un mois ou de deux ne change pas grand-chose. Lorsqu’une démarche de cette nature aboutit, c’est que des dispositions ont été convenues bien plus à l’avance entre le chef d’entreprise et les salariés. Avis défavorable, donc, à votre amendement et favorable à celui du rapporteur, car un délai d’un mois me paraît intéressant pour ne pas mettre en difficulté les potentiels acquéreurs et le cédant dans le cadre d’une cession, ainsi que pour permettre l’information des salariés.
M. Charles Fournier (EcoS). Ramener le délai de deux mois à un seul ne change guère les choses, mais cela dégrade la situation pour les salariés. Je ne comprends pas l’argument. Il n’est pas vrai qu’un délai plus long empêcherait une vente et je regrette que le seul article du texte qui concerne les salariés soit destiné à réduire le délai qui leur est laissé pour travailler à la reprise de leur entreprise en interne, qui est une bonne solution. Je propose donc, avec la suppression de l’article, de revenir au délai légal, même si ce n’est pas encore satisfaisant. En tout cas, un délai d’un mois, c’est du gagne-petit et je n’en vois pas l’intérêt.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). C’est un problème récurrent de ce projet de loi : on nous présente comme des mesures de bon sens et de simplification des dispositifs qui sont en réalité déséquilibrés et en défaveur des salariés. Notre vocation de législateur, chargé de défendre l’intérêt général, implique de prendre en compte divers facteurs plutôt que d’écouter seulement les fédérations d’entreprises. Les droits acquis pour les salariés sont des avancées et toute norme n’est pas une mauvaise chose. Ce serait une régression sociale massive pour les salariés que de commencer à réduire un dispositif déjà insuffisant en l’état. Quant à la simplification que cet article apporterait, on ne la voit guère !
Mme Anne-Laure Blin (DR). Ce projet de loi de simplification veut réaffirmer la confiance que nous plaçons en nos chefs d’entreprise. Nous parlons d’entreprises de taille relativement modeste, souvent familiales et créées par des gens qui y ont mis leur épargne et leur travail pour faire progresser tout un pan de l’économie, et qui ne veulent pas abandonner en rase campagne les gens qu’ils ont embauchés. S’ils veulent céder leur entreprise, ils veulent aussi assurer la suite pour leurs salariés et la préparer avec eux. Ne jetez pas systématiquement la suspicion sur les chefs d’entreprise parce qu’ils cèdent leur exploitation !
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 6 est supprimé et les amendements CS1434 de M. Christophe Naegelen, CS1149 de M. Hendrik Davi, CS262 de Mme Sandrine Nosbé, CS319, CS1357 et CS318de Mme Claire Lejeune, CS918 de M. Charles Fournier et CS317 de Mme Claire Lejeune tombent.
Après l’article 6
Amendement CS674 de Mme Claire Lejeune
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable ! L’idée d’un fonds dédié à la reprise d’entreprises est plutôt intéressante, mais la disposition n’est pas normative. Ce serait dommage de faire du texte une loi bavarde…
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’idée est bonne, car la question du financement se pose à chaque fois qu’il est question de reprise de l’entreprise par les salariés. Il existe toutefois déjà des dispositifs, portés notamment par BPIFrance, la Banque publique d’investissement.
M. Gérard Leseul (SOC). Il existe déjà, en effet, des dispositifs, mais il serait utile de disposer d’un vrai fonds dédié à la reprise d’entreprises – qui pourrait être géré par BPIFrance, par France Active ou par d’autres organismes de la sphère publique de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). À défaut d’être pleinement abouti, l’amendement porte au moins une saine ambition et mériterait d’être adopté ou réécrit pour la séance.
M. Charles Fournier (EcoS). Je soutiens cet amendement. Malheureusement, les dispositifs de BPIFrance ne répondent pas à cette préoccupation, ou du moins pas à la hauteur des besoins. Madame la ministre, comment pourrions-nous travailler à la création d’un fonds destiné à faciliter la reprise par les salariés ? Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises la question, notamment dans le débat sur le projet de loi de finances, mais à chaque fois, les amendements ont été rejetés et nous n’avons pas travaillé à une solution. Pourtant, des réponses opérationnelles sont très attendues, notamment par les acteurs de l’économie sociale et solidaire.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). L’amendement vise à créer un fonds spécifique, qui serait présenté comme tel aux salariés. En effet, il ne faut pas seulement les informer sur la possibilité d’une reprise, mais aussi leur donner les outils pour que cette reprise soit matériellement possible – en l’état, ils sont souvent obligés de puiser dans leur propre épargne et dans leurs indemnités de licenciement. Les dispositions prévues par BPIFrance ne sont ni suffisantes, ni assez spécifiques pour constituer un véritable soutien aux initiatives de reprise des entreprises par les salariés. Il a déjà été souvent rappelé qu’un très grand nombre d’entreprises seront prochainement en situation de faillite, ce qui donnera aux salariés la possibilité de les reprendre. Il peut être d’intérêt général de créer les conditions matérielles qui rendront cela faisable le plus simplement possible.
M. Jean-Pierre Taite (DR). Nous voterons contre cet amendement, au nom de l’équité qui doit exister, pour la reprise de l’entreprise, entre les salariés et les autres repreneurs possibles. N’importe quel créateur ou repreneur d’entreprise y met souvent de ses propres fonds. Du reste, les entreprises sont suivies par des organismes bancaires et doivent établir des bilans prévisionnels viables et crédibles.
M. Henri Alfandari (HOR). Rien n’empêche BPIFrance ou la CDC d’accompagner des gens. Mais il faut faire attention à ne pas jeter dans l’entrepreneuriat des gens qui ne sont pas forcément faits pour cela, car cela peut mal finir pour eux ! Ce n’est pas forcément un cadeau : un chef d’entreprise doit savoir faire tourner des équipes et des plans, ce qui ne s’improvise pas du jour au lendemain. La reprise par les salariés est parfois possible et je ne suis pas opposé à ce que nous réfléchissions à des fonds permettant d’accompagner des actions stratégiques pour notre souveraineté, comme dans le cas d’Arkema. Nous disposons d’outils pour le faire si nous le voulons.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Un amendement dont la rédaction commence par « La nation se fixe pour objectif » invite à réfléchir sur sa nature…
La commission rejette l’amendement.
Amendements de suppression CS1304 de M. Christophe Naegelen, CS339 de Mme Anne-Laure Blin et CS600 M. Matthias Renault
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Cet article, ajouté par le Sénat, complexifie la vie économique plus qu’il ne la simplifie. En effet, alors que la durée de vie d’une entreprise est de 99 ans, il prévoit que les entreprises doivent être prévenues un an à l’avance qu’elles vont arriver en fin de vie…C’est pour cela que j’en demande la suppression.
Mme Anne-Laure Blin (DR). Nous sommes ici pour simplifier, et non pour complexifier. Cet article complexifie et donc nous en en demandons la suppression.
M. Matthias Renault (RN). Même argument. La question est de savoir ce qui se passe lorsque la durée de vie arrive à expiration – actuellement, pas grand-chose. Renforcer l’information créerait un risque pour les chefs d’entreprise.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis favorable.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 6 bis est supprimé.
Après l’article 6 bis
Amendement CS1310 de M. Philippe Bolo
M. Philippe Bolo (Dem). La loi permet aujourd’hui, sous conditions, au conseil d’administration (CA) des sociétés anonymes et des sociétés commerciales de se réunir en visioconférence mais cette mesure de souplesse et de simplification n’a pas été étendue aux SARL. L’amendement propose donc de le leur permettre – en d’autres termes, que les admirateurs d’une SARL participant à distance à une réunion de leur CA puissent être comptabilisés dans le calcul du quorum et des votes.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable. C’est une mesure plutôt bienvenue, qui participe à la simplification du fonctionnement des entreprises.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’amendement est très intéressant car la situation s’est présentée durant la crise sanitaire. Mais les dispositions applicables diffèrent selon que l’entreprise est une SARL ou une autre forme de société. Il conviendrait par ailleurs de supprimer, dans la rédaction de l’amendement, la référence au « règlement intérieur ». Il faudrait réécrire l’amendement en la supprimant et en ne renvoyant qu’aux statuts.
L’amendement est retiré.
Amendement CS1277 de Mme Louise Morel
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Défavorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’idée est louable, mais le recueil de la signature pose problème. Avis défavorable.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Il est, au contraire, très important que les salariés puissent comprendre de quoi est constituée leur rémunération – tant pis si cela prend cinquante-cinq lignes. Il faut pouvoir comprendre quels sont les ingrédients de la valorisation du travail. Face à la fausse simplification qu’apporte l’article, nous tenons à l’aspect pédagogique de la fiche de paie, qui permet de conscientiser les salariés.
L’amendement est retiré.
La commission maintient la suppression de l’article 7.
Chapitre II
Alléger les contraintes qui pèsent sur la croissance des entreprises
Amendements de suppression CS217 de Mme Claire Lejeune, CS1014 de M. Emmanuel Maurel et CS1200 de M. Gérard Leseul
M. Gérard Leseul (SOC). L’article 8 rehausse les seuils généraux et ceux applicables aux magasins de commerce de détail à partir desquels des entreprises doivent notifier leurs projets d’opérations de concentration auprès de l’Autorité de la concurrence. Il est important de respecter cette autorité, dont le travail permet justement d’éviter que des concentrations soient réalisées en douce.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Défavorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Défavorable.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Le contrôle des opérations de concentration est un élément de transparence très important pour notre vie économique. Je sais que cet article est censé être une mesure technique pour suivre l’inflation, mais il n’est pas possible de réajuster systématiquement les seuils sur l’inflation, à moins de changer la loi chaque année. Il faut donner à l’Autorité de la concurrence davantage de moyens, notamment en personnel, pour lui permettre de bien suivre toutes les notifications qui lui sont adressées, dont le nombre augmente. Elle compte aujourd’hui 208 agents pour des opérations et des sanctions d’un montant de 1,4 milliard d’euros.
M. Charles Fournier (EcoS). Nous nous opposons à cet article. En quoi le relèvement des seuils et l’affaiblissement des protections en matière de concurrence, qui ne sont une facilitation que pour les chefs d’entreprise, constituent-ils une simplification ? C’est là, d’ailleurs, l’ambiguïté constante de votre texte.
M. Matthias Renault (RN). Nous sommes pour ces amendements de suppression, qui sont finalement très libéraux : l’Autorité de la concurrence est, dans tout le monde anglo-saxon, celle qui est le plus fortement défendue car elle veille à favoriser une concurrence pure et parfaite et à éviter les distorsions dues à des fusions parfois artificielles. Je ne vois donc pas quelle simplification apporter l’article. Il faut, au demeurant, augmenter les moyens de cette autorité, dont les 200 agents rapportent 1 à 2 milliards d’euros par an et qui est donc l’une des rares administrations qui rapportent aux finances publiques.
M. Emmanuel Maurel (GDR). Cet amendement ne vise en rien à sacraliser les décisions l’Autorité de la concurrence, mais à s’interroger sur la simplification apportée par cet article. Compte tenu des chiffres d’affaires dont nous parlons, qui sont généralement de plusieurs millions d’euros, il ne concerne pas des PME, mais presque exclusivement des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et des très grandes entreprises. Par ailleurs, si les projets de concentration ont augmenté, ce n’est pas à cause des seuils ni de l’inflation. Enfin, sur les 2 500 projets de concentration notifiés à l’Autorité de la concurrence, on ne dénombre que deux interdictions, soit 0,007 %. Nous ne voyons donc pas bien le sens de cet article, que nous proposons, dans un esprit constructif et de simplification, de supprimer.
M. Charles Alloncle (UDR). À la différence de M. Renault, je pense que l’article apporte une simplification, puisque tout relèvement de seuil se traduit par des démarches, de la paperasse et des obligations en moins pour les services juridiques de nos entreprises.
Pour reprendre une plaisanterie très juste, les États-Unis ont les Gafam, la Chine les BATX, et nous… le RGPD ! Autrement dit, nous avons des réglementations, mais pas de champions technologiques français et européens. L’UDR est favorable à tout ce qui peut encourager à la concentration pour faire émerger des champions, avoir du poids et exister face aux géants numériques et technologiques, en nous libérant d’un certain nombre d’obligations. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je propose, avec l’amendement CS1165, qui suit, un relèvement des seuils à 100 % au lieu de 66 %.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Ces seuils n’ont pas été relevés depuis 2004, c’est-à-dire depuis vingt ans. Or, sur cette période, les flux et la valeur de nos entreprises ont changé.
Il ressort de l’analyse effectuée que 378 opérations de concentration n’auraient pas été notifiées à l’Autorité de la concurrence entre 2018 et 2022 – ce qui est peu –, dont 309 ont abouti à une décision simplifiée. L’impact en nombre d’opérations n’est donc pas important.
La commission rejette les amendements.
Amendements CS1165 de M. Charles Alloncle et CS1100 de M. Emmanuel Maurel (discussion commune)
M. Charles Alloncle (UDR). Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer l’amendement CS1165 vise à porter le seuil de 66 % à 100 %.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS744 de M. David Taupiac
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Cet amendement entend doter l’Autorité de la concurrence de la capacité à se saisir de certaines opérations de concentration inférieures aux seuils usuels dans les secteurs stratégiques et innovants.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’introduction de cette disposition dans le code de commerce n’est pas forcément une mesure de simplification, puisqu’elle ajoute un mécanisme de contrôle des entreprises. Par ailleurs l’Autorité de la concurrence a mené une consultation qui s’est clôturée le 16 février dernier et dont nous n’avons pas encore le retour. Je demande donc plutôt le retrait de l’amendement, afin de pouvoir profiter des éléments que nous fournira cette consultation pour objectiver des données. À défaut, avis défavorable.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Disposerons-nous de ces éléments d’ici à l’examen du texte en séance publique ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je ne pense pas. En tout cas, je ne peux pas vous le garantir.
Mme Anne-Laure Blin (DR). Monsieur le rapporteur, vous êtes en charge d’un texte de simplification de la vie économique. Or à l’évidence, cette disposition la complexifie.
M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Nous sommes opposés à cet amendement, qui va à l’encontre de l’objectif de simplification. Qui plus est, l’exemple du numérique est mal choisi car c’est précisément un secteur qui a besoin de concentration, comme le disait tout à l’heure Charles Alloncle. MM. Breton et Macron expliquent que nous devons créer des Google et des Amazon européens mais, avec les règles de concentration actuelles, c’est impossible. Une autosaisine de l’Autorité de la concurrence va à l’encontre de tous les objectifs que nous devons nous donner, en particulier pour le numérique.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Madame Blin, je suis rapporteur, mais aussi député d’un groupe parlementaire. Ce n’est pas en tant que rapporteur que j’ai pris la parole, mais pour défendre un amendement de M. Taupiac.
Monsieur Lopez-Liguori, Mme la ministre a rappelé qu’il n’y a pas eu de réévaluation depuis vingt ans. J’étais favorable à cette réévaluation, qu’il convenait toutefois de limiter au maximum dans certains secteurs stratégiques.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 8 non modifié.
Amendements de suppression CS1418 de M. Christophe Naegelen et CS219 de Mme Claire Lejeune
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je propose de supprimer cet article pour plusieurs raisons. La réduction du délai d’option contribue à diminuer les chances de redressement des entreprises sous-traitantes, alors que la loi prévoit déjà la possibilité de résilier des contrats de manière anticipée, à la demande de l’administrateur et sur décision du juge-commissaire.
Cet article pose en outre un problème de cohérence, car il vise seulement les procédures de redressement et ne concerne pas celles de sauvegarde.
Enfin, contrairement à ce qui a été dit au Sénat, l’administrateur sommé de prendre position sur la poursuite du contrat de sous-traitance ne pourra pas pourvoir au remplacement du sous-traitant défaillant.
Je propose donc de supprimer cet article qui met un coup de pelle à quelqu’un qui est déjà à terre au lieu de l’aider à se relever.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). En ramenant à quinze jours le délai de mise en demeure, on va fragiliser davantage des sous-traitants, qui sont souvent des petites entreprises. L’avantage en matière de simplification est inférieur aux dommages auxquels on expose ces entreprises. C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet article.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis favorable.
Mme Anne-Laure Blin (DR). Ce n’est pas parce qu’une entreprise est placée en redressement judiciaire qu’elle ne peut pas honorer ses engagements contractuels. Cet article ne ferait que la fragiliser davantage alors qu’elle fait face à une situation difficile. Nous voterons donc pour ces amendements de bon sens.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 8 bis est supprimé.
TITRE V
FACILITER ET SÉCURISER LE RÈGLEMENT DES LITIGES
Chapitre Ier
Élargir les dispositifs non-juridictionnels de règlement des litiges
Amendement de suppression CS220 de Mme Sandrine Nosbé
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Les personnes physiques et les personnes morales de droit privé peuvent engager une procédure de conciliation ou de médiation afin de régler à l’amiable un différend avec l’administration avant l’engagement d’une procédure juridictionnelle. En outre, le juge administratif peut décider de lui-même de recourir aux services d’un médiateur après l’enregistrement d’un recours.
Nous sommes en principe favorables aux modes alternatifs de règlement de litiges, mais il faut rester vigilants car le médiateur n’est pas un juge. De plus, à la différence de la conciliation, la médiation est payante. Faute d’aide publique, seules les parties qui peuvent se le permettre pourraient donc y avoir recours.
En réalité, cet article ne rend pas la médiation plus accessible pour les personnes physiques et les petites entreprises.
Enfin, depuis 2011, le Défenseur des droits peut être saisi au titre de ses prérogatives en matière de médiation et est compétent pour les litiges opposant les administrations aux entreprises. Or il n’est pas mentionné, alors même qu’il constitue l’instance de médiation la plus importante et, surtout, qu’il présente des garanties d’indépendance sans équivalent.
Cet article crée un véritable déséquilibre entre les différentes formes de médiation. C’est la raison pour laquelle nous en demandons la suppression.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Demande de retrait au profit des amendements CS246, CS265 et CS1201 à venir, qui précisent l’articulation entre le dispositif de cet article et les compétences du Défenseur des droits. Ces amendements étendent par ailleurs le principe d’interruption des délais de recours contentieux lorsque le Défenseur des droits intervient en médiation.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Le recours à la médiation est plébiscité parce qu’il est rapide et garantit la confidentialité, mais c’est au détriment de la transparence et de la sécurité procédurale. C’est d’autant plus un problème que l’on peut recourir à la médiation dans des domaines extrêmement sensibles.
Il n’est pas du tout certain que la médiation fasse progresser la simplification, comme l’a montré le juriste Arnaud Gossement dans son très bon article sur le droit de l’environnement, intitulé « La médiation au risque de la complexité ». Ce dispositif pourrait donc avoir des effets négatifs sur la simplification de la vie économique.
M. Charles Fournier (EcoS). Nous sommes plutôt en désaccord avec l’amendement de suppression. La médiation est une procédure utile, mais elle mériterait d’être mieux encadrée grâce à une loi spécifique – ne serait-ce que pour préciser les conditions de nomination et d’indépendance du médiateur ainsi que ses pouvoirs.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS246 de Mme Louise Morel, CS265 de Mme Manon Meunier et CS1201 de Mme Marietta Karamanli
Mme Louise Morel (Dem). Cet amendement propose de mieux encadrer la médiation en précisant le rôle du Défenseur des droits.
D’une part, la mise à disposition d’un médiateur par l’administration ne doit pas être exclusive de la faculté de saisir le Défenseur des droits, prévue dans la loi organique et par le code des relations du public avec l’administration.
D’autre part, l’effet interruptif de la médiation sur les délais de recours contentieux doit s’appliquer quel que soit le médiateur sollicité par le public pour tenter de résoudre son différend avec l’administration.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous nous étonnons en effet que ce projet ne mentionne pas le Défenseur des droits, et la titulaire de cette fonction nous a alertés sur les risques de déséquilibre que faisait courir l’article 9.
Nous proposons donc de mentionner cette autorité afin que chacun puisse bénéficier de la médiation qu’elle peut offrir, avec des garanties procédurales au moins équivalentes à celles dont bénéficient celles qui ont recours à d’autres dispositifs de médiation.
Mme Valérie Rossi (SOC). L’amendement CS1201 vise à assurer la coordination entre les fonctions assignées par la Constitution au Défenseur des droits, autorité administrative indépendante essentielle, et les dispositions du présent article – dont nous soutenons les objectifs.
Du fait de sa compétence généraliste, le Défenseur des droits doit offrir aux personnes qui le saisissent des garanties procédurales au moins équivalentes à celles dont bénéficient celles qui ont recours à d’autres dispositifs de médiation. La mise à disposition d’un médiateur par l’administration ne doit pas empêcher de saisir le Défenseur des droits.
De même, l’effet interruptif de la médiation sur les délais de recours contentieux doit s’appliquer quel que soit le médiateur sollicité pour résoudre le différend avec l’administration.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable.
La commission adopte les amendements.
Elle adopte l’amendement de précision CS1427 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.
Amendements identiques CS48 de M. Fabrice Brun et CS216 de M. Vincent Rolland
Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement CS48 vise à promouvoir le recours au règlement amiable des différends entre les entreprises et les administrations, qui n’est pas encore suffisamment développé.
Actuellement, lorsque l’État passe un marché public et rencontre une difficulté en cours d’exécution avec l’entreprise titulaire, un comité ministériel de transaction peut rendre un avis, sur le principe du recours à la transaction et sur son montant. Cet avis est obligatoire lorsque le litige dépasse 500 000 euros. Ce dispositif prévu par la loi pour un État au service d’une société de confiance (loi dite « Essoc ») rend en pratique les transactions souvent impossibles.
Cet amendement vise donc à supprimer ces comités pour relancer le règlement amiable des différends, objectif initial de cette réforme, offrant ainsi aux parties prenantes l’opportunité de s’engager dans un processus de coopération sans recourir aux tribunaux.
M. Vincent Rolland (DR). Cet amendement s’inscrit parfaitement dans l’esprit du texte. Il vise à alléger les procédures, notamment judiciaires, et à favoriser les modes de règlement amiable des différends.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Lors des auditions, cette modification a été soutenue par la Fédération nationale des travaux publics.
Je ne suis pas en mesure d’évaluer à quel point la suppression de l’avis du comité ministériel de transaction conduirait à affaiblir les capacités d’expertise de l’État. Je ne suis pas certain que cette suppression soit une mesure de simplification. Au contraire, elle pourrait inciter les administrations à ne plus recourir à la transaction. Sagesse.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Le comité ministériel de transaction présente un double intérêt. Tout d’abord, il assure une instruction rigoureuse et approfondie de tous les dossiers portant sur un montant supérieur à 500 000 euros, lesquels donnent lieu à un avis écrit et signé. Ensuite, lorsque le signataire d’une transaction suit cet avis, sa responsabilité personnelle ne peut pas être engagée. C’est donc une protection.
La suppression de ce comité accroîtrait la complexité en limitant les garanties dont on peut bénéficier lorsque l’on s’engage dans une démarche de transaction. Son avis ne se substitue pas à la transaction, mais il permet d’apporter des éléments étayés qui la rendent possible. Avis défavorable.
M. Gérard Leseul (SOC). Voilà un comité peu connu qui n’a pas été supprimé lors de la folle soirée d’hier…
La commission rejette les amendements.
Elle adopte les amendements de coordination CS1428, CS1429 et CS1426 ainsi que l’amendement rédactionnel CS1469 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.
La commission adopte l’article 9 modifié.
Après l’article 9
Amendement CS1171 de M. Charles Alloncle
M. Charles Alloncle (UDR). Nous sommes tous d’accord avec la ministre déléguée pour dire que ce projet n’est pas le grand soir de la simplification. Il n’y a pas grand-chose pour lutter contre la bureaucratie et pour diminuer le stock de normes.
J’ai consulté beaucoup de chefs d’entreprise dans ma circonscription et tous m’ont alerté sur une question que nous n’avons pas abordée : celle des rapports avec l’Urssaf, qu’ils jugent beaucoup trop rigide et répressive, et absolument pas encline à accompagner et conseiller – contrairement à la direction générale des finances publiques qui, de ce point de vue, fait plutôt du bon travail.
Le pic des défaillances d’entreprises n’est pas encore arrivé : on atteindra probablement les 68 000 l’année prochaine. Beaucoup de TPE-PME en sont victimes pour des raisons de lissage de trésorerie et de délais de paiement, et l’Urssaf vient les pénaliser encore plus.
Cet amendement propose d’aider les entreprises de moins de 50 salariés en prévoyant une phase de médiation préalable de trente jours, en cas de retard ou d’irrégularité de paiement des charges sociales. Je pense que cela peut rétablir un lien de confiance entre l’Urssaf et les TPE-PME utile dans un contexte d’augmentation du nombre de défaillances. Cela constituerait également une mesure de simplification, objet du présent texte.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il existe déjà un dispositif de médiation au sein de l’Urssaf. Son activité est importante, avec 12 361 demandes en 2023, en forte augmentation par rapport à 2022, et le taux de réussite est de 87 % pour les médiations recevables.
Le délai moyen d’analyse de la recevabilité des dossiers est de trois jours et celui de traitement des demandes recevables est de trente-deux jours, ce qui est très correct.
En outre, votre amendement prévoit une saisine systématique, ce qui ne va pas dans le sens de la simplification.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Les relations entre l’Urssaf et les entreprises se sont beaucoup fluidifiées. L’instauration de cette phase de médiation obligatoire ne paraît pas nécessaire puisque la loi Essoc comprend déjà un certain nombre de mesures relatives au recouvrement des cotisations sociales.
Ensuite, depuis 2020, un redevable qui dépasse la date de paiement de ses cotisations dispose de trente jours pour s’en acquitter ou pour demander un délai de paiement. S’il le respecte, les majorations de retard ne sont pas applicables – dès lors qu’il s’agit du premier retard de paiement depuis vingt-quatre mois et que le montant des majorations ne dépasse pas 3 925 euros.
Enfin, les cotisants peuvent toujours solliciter un délai de paiement.
Avis défavorable.
M. Jean-Pierre Taite (DR). Il est en effet possible de discuter avec l’Urssaf et des aménagements sont prévus en cas de difficultés de paiement. Nous voterons contre cet amendement.
M. Charles Alloncle (UDR). Madame la ministre déléguée, monsieur le rapporteur, ce projet étant en quelque sorte l’acte I de la simplification, que prévoyez-vous par la suite pour apaiser les relations tendues entre l’Urssaf et les TPE-PME ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Ces relations se sont améliorées et fluidifiées depuis plusieurs années, et je ne suis pas la seule à le constater. L’Urssaf est véritablement entrée dans une culture de confiance et de discussion. J’invite donc les entreprises qui rencontrent des difficultés à saisir les Urssaf et à solliciter des délais de paiement. Je vous assure qu’ils sont accordés.
La commission rejette l’amendement.
Amendements de suppression CS221 de Mme Manon Meunier et CS820 de Mme Lisa Belluco
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous ne comprenons pas ce qui motive cet article, en particulier s’agissant de la suppression du délit d’entrave à l’audit de durabilité. Si l’on supprime ce délit et que l’on empêche ainsi le commissaire enquêteur d’accéder à des informations nécessaires à son travail, ces audits deviendront complètement inefficaces. Or l’un de leurs objectifs est de favoriser les investissements en faveur des entreprises qui respectent l’environnement, la biodiversité et des valeurs sociales. Vous allez désorienter les investisseurs. Le Conseil d’État a en outre pointé l’insuffisance de l’étude d’impact fournie par le gouvernement.
Par ailleurs, en revenant sur une mesure qui vient d’être transcrite dans notre droit, on ajoute de la complexité.
J’insiste sur le fait que l’audit de durabilité concerne uniquement les entreprises dont le bilan est supérieur à 25 millions d’euros ou dont le chiffre d’affaires dépasse 50 millions, ou celles qui ont un effectif moyen de plus de 250 salariés. Ce ne sont pas du tout des TPE-PME.
Si l’on veut que les entreprises s’engagent dans la transition écologique, il faut maintenir des audits de durabilité efficaces.
Mme Julie Ozenne (EcoS). Notre groupe s’oppose à cet article pour trois raisons.
Premièrement, remplacer la peine de prison par une amende en cas de manquement aux obligations de déclaration des bénéficiaires effectifs n’est pas acceptable. Pour des raisons fiscales, pénales et judiciaires, nous avons besoin de savoir qui est derrière une société, et nous devons donc sanctionner les personnes qui font obstacle à cette transparence.
Deuxièmement, l’amende qui remplacerait la peine de prison est certes élevée, mais il faut la rendre plus dissuasive en la proportionnant à la taille de l’entreprise.
Troisièmement, cet article supprime le délit d’entrave qui consiste à porter atteinte à la mise en place et au bon de déroulement d’une mission d’audit de durabilité. Des personnes qui refuseraient de dire quelles sont les conséquences sociales et environnementales de l’activité de leur entreprise ne seraient plus sanctionnées. Dès lors, qu’est-ce qui inciterait les autres à faire ce travail ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable. Sur les cinq affaires qui ont donné lieu à des condamnations entre 2019 et 2022, aucune peine de prison n’a été prononcée. Supprimer la peine d’emprisonnement en cas de non-déclaration des bénéficiaires effectifs est justifié, car une telle sanction est disproportionnée et inadaptée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’article a deux objets. D’une part, il supprime la peine de prison en cas de manquement aux obligations déclaratives relatives aux bénéficiaires effectifs. D’autre part, il abroge le délit d’entrave qui consiste à faire obstruction aux vérifications ou aux contrôles des auditeurs de durabilité.
Le gouvernement est favorable à la suppression de la peine de prison, mais il souhaite que le montant des amendes soit réévalué. Avis défavorable.
M. Hendrik Davi (EcoS). Nous sommes évidemment favorables à la suppression de cet article.
Comme cela a été souligné lors des débats sur la répression du trafic de drogue, il est évident que prévoir une peine de prison a un effet dissuasif et décourage les gens de faire des choses répréhensibles. Si peu de peines d’emprisonnement ont été prononcées pour sanctionner des non-déclarations, cela ne signifie pas pour autant que le dispositif n’est pas dissuasif. Remplacer la peine de prison par une amende qui, en outre, n’est pas proportionnée reviendrait en fait à supprimer le délit.
La commission rejette les amendements.
Amendements CS822 de Mme Lisa Belluco, CS533 de M. Ian Boucard, CS49 de M. Fabrice Brun, CS717 de M. Nicolas Meizonnet, CS276 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CS1140 de M. Nicolas Bonnet (discussion commune)
M. Charles Fournier (EcoS). Hendrik Davi a bien montré l’incohérence de certaines argumentations. Nous parlons de grandes entreprises qui commettent des délits d’entrave et qui ne respectent pas leurs obligations. Si l’on veut vraiment supprimer la peine d’emprisonnement, il faut au moins s’assurer que l’amende sera proportionnée, sans quoi elle sera totalement inefficace. Ce n’est peut-être pas la meilleure des voies, mais l’amendement CS822 propose de tenir compte du chiffre d’affaires de l’entreprise pour fixer le montant de l’amende.
M. Guillaume Lepers (DR). L’amendement CS533 vise à maintenir le régime de sanctions financières actuellement applicable aux chefs d’entreprise en cas d’absence de transmission ou de transmission erronée des informations relatives aux bénéficiaires effectifs.
L’article 10 prévoit en effet de porter l’amende de 7 500 à 200 000 euros, soit une multiplication par 26. Cette hausse est disproportionnée, notamment lorsque les erreurs sont involontaires. Il convient de revenir à un dispositif plus équilibré.
M. Fabrice Brun (DR). Mon amendement propose de modifier le régime de sanctions pénales auxquelles peuvent être soumis les chefs d’entreprise en réduisant le montant de l’amende prévue en cas de défaut de mention du bénéficiaire effectif.
M. Thierry Tesson (RN). Notre groupe considère que le montant prévu pour l’amende est trop élevé, notamment lorsqu’il s’agit d’entreprises dont la situation économique n’est pas favorable. Aussi l’amendement CS717 propose-t-il de ramener ce montant à 50 000 euros.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Puisque la peine de prison serait supprimée, notre amendement de repli propose d’augmenter l’amende afin de la rendre suffisamment dissuasive.
Le texte du gouvernement prévoyait 250 000 euros, montant qui a été ramené à 200 000 euros par la droite sénatoriale. Nous proposons de le porter à 300 000 euros, faute de quoi l’on fera encore un cadeau aux grandes entreprises.
Je rappelle que l’obligation de mentionner les bénéficiaires effectifs fait partie des mesures destinées à lutter contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme, ce qui n’est pas rien. L’argument selon lequel on punirait de simples oublis dus à la méconnaissance des normes est fallacieux, car ce type d’erreur est la plupart du temps régularisé si l’on en fait la demande au tribunal de commerce. En outre, la loi Essoc a institué un droit à l’erreur qui permet aux entreprises de ne pas risquer de sanction lors du premier manquement à une obligation déclarative.
Selon les données disponibles en 2020, lorsque ce délit est constaté, les amendes sont en moyenne comprises entre 400 et 510 euros – des montants ridicules étant donné les enjeux. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’augmenter l’amende.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Initialement, le projet de loi prévoyait une amende de 250 000 euros pour une personne physique et le quintuple pour une personne morale. Ce montant avait été déterminé à la suite de comparaisons internationales s’appuyant notamment sur les travaux du Groupe d’action financière (GAFI), qui est une organisation intergouvernementale de surveillance du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.
Le Sénat a ramené ce montant à 200 000 euros pour deux raisons. D’une part, le montant initial paraissait trop élevé au regard de certaines autres peines prévues par le code monétaire et financier. D’autre part, le seul autre pays avec le Luxembourg qui ne prévoit pas de peine d’emprisonnement est l’Autriche, et l’amende y est fixée à 200 000 euros.
Je suis donc favorable à la suppression de la peine d’emprisonnement et au maintien d’une amende de 200 000 euros, qui est suffisamment dissuasive.
Avis défavorable à l’ensemble des amendements.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Ces amendements proposent des montants d’amende très différents, allant de 7 500 euros à un pourcentage du chiffre d’affaires.
Je suis favorable à la suppression de la peine d’emprisonnement, mais il faut maintenir une sanction pour les cas où l’obligation ne serait pas respectée. Je rappelle que le chiffre qui sera inscrit est un maximum, et qu’il appartiendra au juge de fixer le montant précis.
Je suis favorable à l’amendement CS1140 qui rétablit le montant de l’amende à 250 000 euros, ce qui est un juste équilibre. Avis défavorable à tous les autres amendements.
La commission rejette successivement les amendements CS822, CS533, CS49, CS717 et CS276.
Elle adopte l’amendement CS1140.
Amendement CS50 de M. Fabrice Brun
M. Fabrice Brun (DR). Il vise à préciser le critère d’inexactitude en ajoutant les mots « de façon volontaire », pour améliorer la protection des dirigeants d’entreprise et mieux cibler les manquements.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il est déjà satisfait par l’article 121‑3 du code pénal, selon lequel « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Même avis. Tout délit est intentionnel. Les irrégularités et les erreurs ne sont pas constitutives d’un délit.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’amendement de coordination CS1430 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.
Amendement CS266 de Mme Manon Meunier
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Par cet amendement de repli, nous proposons de rétablir le délit d’entrave à l’audit de durabilité, que l’article 10 tend à supprimer. Nous avons bien compris que les sanctions seront maintenues, mais cela ne compense pas la suppression du délit d’entrave à la réalisation de l’audit de durabilité. Sanctionner celui qui ne fournit pas cet audit est une chose, sanctionner le délit consistant à y faire entrave en est une autre.
Nous voulons que les travaux des commissaires se déroulent dans de bonnes conditions. Nous voulons notamment qu’ils aient accès à tous les documents nécessaires à la rédaction de leur rapport, afin que celui-ci soit aussi exhaustif et éclairant que possible pour les investisseurs potentiels.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis défavorable. L’ordonnance du 12 mars dernier modifiant le régime des nullités en droit des sociétés prévoit des sanctions alternatives. Je suis fermement opposée à la pénalisation des situations visées.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Supprimer le délit d’entrave à l’audit de durabilité est grave. Dorénavant, lorsqu’un commissaire aux comptes ou un auditeur indépendant demandera à une entreprise de prouver ses déclarations en matière de risques sociaux – conditions de travail, respect des droits – ou environnementaux – pollution, atteinte à la biodiversité –, il n’aura tout simplement pas accès à de nombreux documents.
Cette disposition soulève la question des motivations réelles du présent projet de loi. Ses défenseurs prétendent que la simplification annoncée bénéficie aux TPE, mais il s’agit en réalité d’un cadeau supplémentaire aux très grandes entreprises. Elles sont en effet les seules soumises aux obligations déclaratives introduites par la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD), obligations dont fait partie l’audit de durabilité.
Dorénavant, les plus gros pollueurs pourront polluer tranquillement tout en refusant de fournir les documents adéquats. C’est un vrai problème. Au demeurant, le Conseil d’État considère que l’étude d’impact du projet de loi est insuffisante sur ce point, en raison notamment du caractère récent de l’audit de durabilité. Ayons la sagesse de l’écouter.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS718 de M. Nicolas Meizonnet
M. Thierry Tesson (RN). Il vise à supprimer l’obligation d’examen de la déclaration de performance extra-financière (DPEF) par un organisme tiers indépendant. La directive CSRD ne demande pas le recours à un cabinet d’audit. Une fois encore, la France surtranspose une directive européenne, ce qui en l’espèce a pour effet d’exposer les entreprises à de lourdes sanctions. Le contrôle des DPEF pourrait être confié à l’État.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Le dispositif de l’amendement ne correspond pas à son exposé sommaire : il tend à supprimer des précisions relatives au contenu du plan de vigilance que doivent adopter certaines entreprises. Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Les dispositions relatives à la DPEF ont évolué depuis le 31 janvier 2025. Demande de retrait ou avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement CS1305 de Mme Olivia Grégoire
Mme Annaïg Le Meur (EPR). Il vise à supprimer la peine d’emprisonnement de six mois prévue pour un chef d’entreprise qui aurait omis de soumettre à l’approbation de l’assemblée générale ordinaire les comptes annuels et le rapport de gestion. Cette sanction nous semble disproportionnée et dissuasive, notamment dans les TPE-PME, en matière de prise de responsabilités et d’appétence pour l’entrepreneuriat.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Sagesse.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Vous proposez de supprimer les peines d’emprisonnement pour défaut de convocation et de soumission des comptes à l’assemblée générale, tout en conservant les amendes afférentes, dont le montant est plafonné à 9 000 euros. Vous maintenez aussi la caractérisation pénale des faits, qui restent délictuels. Je pense que l’on pourrait aller plus loin et faire complètement disparaître ce caractère pénal, qui induit une inscription au casier judiciaire. Sagesse.
M. Gérard Leseul (SOC). En somme, ne pas déposer ses comptes au greffe est passible d’une amende de 1 500 euros, et ne pas convoquer l’assemblée générale d’approbation des comptes d’une amende de 9 000 euros. Soyons sérieux ! Nous avons besoin de transparence. Les actionnaires ont besoin de transparence, les sociétaires ont besoin de transparence, les clients ont besoin de transparence, les fournisseurs ont besoin de transparence, les services fiscaux ont besoin de transparence. Nous avons besoin de comptes régulièrement approuvés en assemblée générale et déposés au greffe.
Toutes les dispositions que nous examinons depuis le début de cette réunion visent à minimiser les contraintes. Pourtant, vous avez reconnu que de nombreuses entreprises ne déposent pas leurs comptes au greffe. Un minimum de coercition est nécessaire, ce qui suppose des amendes suffisamment importantes pour qui ne respecte pas la loi.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS1307 de Mme Olivia Grégoire
Mme Annaïg Le Meur (EPR). Dans le même esprit, il vise à supprimer la peine de deux ans d’emprisonnement si les documents relatifs au rapport de gestion comportent des omissions.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Sagesse.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Sagesse.
M. Charles Fournier (EcoS). Inscrire des peines d’emprisonnement dans la loi a un effet dissuasif. Personne n’a jamais été emprisonné pour avoir omis des documents relatifs au rapport de gestion, mais en supprimer la possibilité en cas d’omission volontaire démontre qu’il y a deux poids, deux mesures. Selon les sujets, on alourdit les peines ou on dépénalise. J’ignore qui a demandé une telle modification, dont je ne vois pas l’intérêt du point de vue de la simplification.
Mme Anne-Laure Blin (DR). Les chefs d’entreprise assument de plus en plus de responsabilités, et encourent de plus en plus de sanctions prévues à leur encontre par le code pénal. Il est nécessaire de réfléchir à une large dépénalisation, d’autant qu’en l’espèce, les omissions peuvent être totalement involontaires.
De surcroît, ces sanctions introduisent une distorsion de concurrence entre les grandes entreprises, qui le plus souvent ont des services chargés de ces démarches, et les TPE-PME, voire les ETI, qui n’en ont pas.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques CS86 de M. Vincent Rolland, CS181 de Mme Josiane Corneloup, CS292 de Mme Anne-Laure Blin, CS750 de M. Guillaume Lepers, CS1066 de M. Sébastien Huyghe et CS1312 de Mme Olivia Grégoire
M. Vincent Rolland (DR). L’une des dispositions de l’ordonnance de transposition du 6 décembre 2023 surtranspose la directive CSRD. Celle-ci prévoit la désignation d’un vérificateur de durabilité, quand l’ordonnance en pénalise l’absence. Nous proposons de supprimer cette disposition.
Mme Josiane Corneloup (DR). C’est une démarche de simplification des normes applicables aux entreprises.
Mme Anne-Laure Blin (DR). La surtransposition des textes européens est un vrai problème.
M. Guillaume Lepers (DR). L’idée est également de ne pas faire de surtransposition.
M. Sébastien Huyghe (EPR). La directive CSRD ne prévoit effectivement aucune sanction pénale.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis favorable.
M. Gérard Leseul (SOC). Apparemment, nos collègues ont découvert un mot magique : surtransposition.
Vous appelez surtransposition chaque disposition adoptée pour rendre applicable une mesure visée par vos amendements de détricotage. Il ne s’agit pas d’une surtransposition, mais d’une disposition adoptée dans le but de faire appliquer la loi, parce que nous considérons qu’elle doit l’être de cette façon. « Surtransposition » n’est pas un gros mot.
La commission adopte les amendements.
Amendement CS1313 de Mme Olivia Grégoire
Mme Annaïg Le Meur (EPR). La menace de sanctions pénales est particulièrement pesante pour les entrepreneurs, qui ne sont pas toujours informés des normes en vigueur. Le présent amendement vise à supprimer la sanction d’emprisonnement en cas d’omission de la désignation d’un organisme tiers indépendant qui devrait certifier les informations en matière de durabilité.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je suggère un retrait au profit des amendements identiques CS87, CS179, CS298, CS1067 et CS1321.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Demande de retrait également.
L’amendement est retiré.
Amendement CS923 de M. Charles Fournier
M. Hendrik Davi (EcoS). Cet amendement vise à conserver la sanction pénale relative à une absence ou une insuffisance de la déclaration des bénéficiaires effectifs au registre du commerce et des sociétés. D’après des informations publiées hier par Mediapart et aujourd’hui par Marsactu, ArcelorMittal s’est rendu coupable de manquements délictueux en matière de pollution à Fos-sur-mer. Ces enquêtes ont pu être menées car l’accès aux documents est prévu par la loi. La menace de sanction pénale, incluant la possibilité d’être emprisonné, permet d’obtenir des informations.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur et du gouvernement, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1202 de M. Gérard Leseul
M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement de repli remplace, s’agissant des délités d’entrave à l’audit de durabilité, la peine d’emprisonnement et l’amende de 75 000 euros par une seule amende de 750 000 euros, soit un montant réellement dissuasif.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur et du gouvernement, la commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS87 de M. Vincent Rolland, CS179 de Mme Josiane Corneloup, CS298 de Mme Anne-Laure Blin, CS1067 de M. Sébastien Huyghe et CS1321 de M. Nicolas Meizonnet
M. Vincent Rolland (DR). L’ordonnance de transposition de la directive CSRD introduit un délit d’entrave aux vérifications de durabilité, puni de peines d’emprisonnement et d’une amende. Le texte européen ne prévoit rien de tel. Nous proposons de supprimer cette disposition.
Mme Josiane Corneloup (DR). C’est une démarche de simplification des normes pour les entreprises.
Mme Anne-Laure Blin (DR). Nous luttons contre les surtranspositions dont j’informe notre collègue Leseul qu’elles ont fait perdre 70 % de parts de marché à notre agriculture, notamment en augmentant les charges et en rendant coût de la main-d’œuvre trois fois plus élevé que ce qu’il est en Pologne et 1,5 fois que ce qu’il est en Espagne. Les surtranpositions, cela sape nos filières.
M. Thierry Tesson (RN). Nous nous opposons nous aussi aux surtranspositions.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis favorable.
M. Hendrik Davi (EcoS). Nous ne voterons pas ces amendements. Ce débat sur les surtranspositions est surréaliste. Rien n’interdit au législateur français d’aller plus loin que les directives européennes pour protéger les citoyens. On ne peut pas placer toutes les transpositions de textes européens sur le même plan. Il faut les analyser au cas par cas, non les ranger toutes sous le vocable « surtransposition ».
La commission adopte les amendements.
Elle adopte l’amendement de coordination CS1431 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.
Amendement CS1280 de Mme Olivia Grégoire
M. Stéphane Travert (EPR). Cet amendement supprime la peine d’emprisonnement visant l’absence de remise du formulaire type de rétractation ou la fourniture d’un formulaire non conforme.
Suivant l’avis favorable du rapporteur et du gouvernement, la commission adopte l’amendement.
Amendement CS1299 de Mme Olivia Grégoire
M. Stéphane Travert (EPR). Selon le code de la consommation, le professionnel doit proposer au consommateur un délai de rétractation et, à défaut, il peut être condamné à une peine d’emprisonnement de deux ans. Cette peine nous semble disproportionnée et particulièrement préjudiciable aux TPE-PME. Nous proposons de la supprimer, en conservant l’amende.
Suivant l’avis favorable du rapporteur et du gouvernement, la commission adopte l’amendement.
Amendement CS785 de M. Thomas Lam
Mme Béatrice Bellamy (HOR). L’article 10 vise à adapter les régimes de sanctions pénales applicables aux chefs d’entreprise en dépénalisant certaines infractions. Il ne distingue pas les erreurs involontaires des actes délibérés. En précisant que seules les erreurs commises de façon volontaire seront sanctionnées, le présent amendement améliore la protection des dirigeants d’entreprise contre des pénalités excessives et cible les fraudes intentionnelles.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je rappelle les dispositions de l’article 121-3 du code pénal : « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Demande de retrait ou avis défavorable, car votre amendement est satisfait.
L’amendement est retiré.
Amendements CS1317, CS1318, CS1320 et CS1319 de Mme Olivia Grégoire
Mme Annaïg Le Meur (EPR). L’amendement CS1317 vise à supprimer la peine d’emprisonnement de cinq ans prévue si un chef d’entreprise fait procéder à des traitements de données à caractère personnel sans respecter les formalités préalables de mise en œuvre.
Le CS1318 vise à supprimer les peines d’emprisonnement prévues en cas de non-respect de la réglementation relative aux données personnelles s’il résulte d’une imprudence ou d’une négligence.
Le CS1320 vise à supprimer les peines d’emprisonnement prévues si un chef d’entreprise se soustrait à ses obligations relatives à la convocation des parties à la négociation sur la rémunération, le temps de travail, la valeur ajoutée dans les entreprises et l’égalité professionnelle.
Enfin, l’amendement CS1319 vise à supprimer la peine d’emprisonnement en cas d’atteinte ou de tentative d’atteinte à la constitution ou à la libre désignation des membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Dans tous ces amendements, les amendes sont conservées.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je donne un avis défavorable aux deux premiers amendements. La répression des délits relatifs au traitement des données à caractère personnel s’inscrit dans le cadre du règlement général sur la protection des données (RGPD). De surcroît, elle ne vise pas uniquement les chefs d’entreprise, mais quiconque prête son concours à la violation des règles applicables en la matière.
Je suggère le retrait des amendements CS1320 et CS1319, ou émettrai un avis défavorable. Les dispositions relatives au dialogue social au sein de l’entreprise exigent la consultation des partenaires sociaux.
Mme Annaïg Le Meur (EPR). S’il est vrai que la répression des délits relatifs au traitement des données à caractère personnel s’inscrit dans le cadre du RGPD, son application aux entreprises, notamment aux TPE-PME, exige de la flexibilité. J’espère que les peines prononcées tiennent compte de la situation des chefs d’entreprise, parfois isolés dans leur pratique.
Les amendements sont retirés.
La commission adopte l’article 10 modifié.
Après l’article 10
Amendement CS1295 de Mme Louise Morel
Mme Louise Morel (Dem). Il s’agit de créer un article relatif aux sociétés par actions simplifiées unipersonnelles (Sasu). L’article L. 561‑45‑1 du code monétaire et financier impose à de nombreuses entités l’obligation de déclarer leurs bénéficiaires effectifs afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Or les Sasu les identifient à leur création, puisque l’identité de l’associé unique figure dans leurs statuts et dans les registres légaux. Il nous semble donc opportun de simplifier le code monétaire et financier en exonérant les Sasu de cette obligation.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis défavorable. Le dirigeant d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ou d’une Sasu peut ne pas être l’associé unique, seul dans ce cas à connaître son identité. Par ailleurs, les obligations déclaratives relatives aux bénéficiaires effectifs relèvent du droit européen.
La commission rejette l’amendement.
La séance est levée à 19 heures 50.
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Membres présents ou excusés
Présents. - M. Henri Alfandari, M. Charles Alloncle, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Béatrice Bellamy, Mme Anne-Laure Blin, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, M. Ian Boucard, Mme Danielle Brulebois, Mme Françoise Buffet, Mme Josiane Corneloup, M. Jean‑François Coulomme, M. Hendrik Davi, Mme Sophie Errante, Mme Océane Godard, M. Sébastien Huyghe, M. Thomas Lam, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, M. Robert Le Bourgeois, Mme Claire Lejeune, M. Guillaume Lepers, M. Gérard Leseul, M. Laurent Lhardit, M. Aurélien Lopez-Liguori, M. Éric Martineau, M. Emmanuel Maurel, Mme Manon Meunier, M. Pierre Meurin, Mme Louise Morel, M. Christophe Naegelen, Mme Sandrine Nosbé, M. Jacques Oberti, Mme Julie Ozenne, M. Matthias Renault, M. Vincent Rolland, Mme Anne-Sophie Ronceret, M. Xavier Roseren, Mme Valérie Rossi, Mme Sophie-Laurence Roy, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Jean-Pierre Taite, M. Thierry Tesson, M. Stéphane Travert
Assistait également à la réunion. - M. Fabrice Brun