Compte rendu
Commission d’enquête concernant l’organisation des élections en France
– Audition, ouverte à la presse, de M. Arnaud Rérolle, directeur général de Périclès 2
– Présences en réunion................................30
Mardi
6 mai 2025
Séance de 17 heures
Compte rendu n° 36
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Thomas Cazenave, président de la commission puis de M. Pierre-Yves Cadalen,
Vice-président de la commission
— 1 —
La séance est ouverte à dix-sept heures.
M. le président Thomas Cazenave. Avant de céder la parole à M. Arnaud Rérolle, je souhaite rappeler le cadre dans lequel s’inscrit son audition. Notre commission d’enquête a pour mission d’examiner les conditions de l’organisation des élections en France. Son périmètre ne s’arrête pas aux seuls aspects logistiques, juridiques ou techniques pilotés par l’État, les collectivités territoriales ou les autorités indépendantes, dont nous avons auditionné les représentants ces derniers mois. Nous nous attachons aussi à comprendre les évolutions profondes de notre environnement démocratique : progression de l’abstention, tensions sur le recrutement des personnels électoraux, mutations numériques, influence des réseaux sociaux, risques d’ingérences étrangères, transformations de l’offre politique.
C’est bien ce dernier point – l’émergence, en dehors des formations politiques traditionnelles, d’acteurs nouveaux engagés dans la vie publique –, qui est l’objet principal de la présente audition. Le projet Périclès, que vous dirigez, en constitue en effet un exemple particulièrement abouti. Selon les documents rendus publics par la presse, il reposerait sur une stratégie d’influence assumée, de nature à la fois politique, idéologique et opérationnelle, et articulée autour de trois axes : la formation de futurs élus locaux, l’accompagnement ciblé de certaines forces politiques et la constitution d’un vivier de cadres destinés à exercer le pouvoir administratif et politique.
Dans une tribune publiée en février dernier dans les colonnes du Figaro, vous affirmiez d’ailleurs : « nous avons créé Périclès […] afin de susciter, conseiller et financer des initiatives citoyennes en vue de constituer un écosystème politique et économique favorable au développement de la France. » Cette déclaration éclaire, je le crois, votre intention, qui n’est pas simplement de participer au débat public, mais de structurer un véritable écosystème d’action, d’influence et de conquête politique, pour peser sur le paysage politique français et sur les échéances électorales à venir. D’après les documents dont la presse se fait l’écho, l’objectif est d’obtenir une « victoire électorale » en identifiant des candidats et en mettant à leur disposition « tous les outils nécessaires (big data, médias, ressources humaines, financements) ».
Ces éléments soulèvent, vous en conviendrez, des interrogations légitimes. D’abord, les personnes morales, à l’exception des partis politiques, ne peuvent participer ni directement ni indirectement au financement des campagnes électorales. Les moyens humains, matériels ou financiers que votre structure mettrait à disposition de certains candidats pourraient être analysés à l’aune de ce cadre juridique.
Par ailleurs, les partis politiques sont soumis à des règles strictes en matière de transparence financière, de contrôle et de déclaration. Votre organisation, qui, à notre connaissance, ne présente pas directement de candidats mais en soutiendrait certains de manière active, échapperait à ces obligations – à moins que vous estimiez qu’elle se rapproche en réalité d’un parti politique –, ce qui pose une question de fond, qui relève bien des travaux de notre commission, quant à la transparence du financement de la vie démocratique.
L’objectif de cette audition n’est pas de débattre du fond des idées que vous défendez, mais de savoir comment votre projet s’inscrit dans le cadre légal et réglementaire qui régit notre vie politique, et plus particulièrement les grands moments démocratiques que sont les élections. Je vous invite donc à nous présenter en détail le fonctionnement, les objectifs, les moyens et la nature du projet Périclès.
L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(M. Arnaud Rérolle prête serment.)
M. Arnaud Rérolle, directeur général de Périclès. Je tiens à vous remercier de votre invitation, même si j’ai exprimé une certaine surprise à la réception de ma convocation – peut-être aurai-je l’occasion d’y revenir. Permettez-moi de me présenter brièvement avant d’exposer la genèse de Périclès et le contenu de nos activités, puis de partager quelques réflexions liées à vos travaux.
J’ai 32 ans, je suis le troisième d’une fratrie de quatre enfants ayant des racines bourguignonnes et lozériennes, et je suis moi-même marié et père de trois jeunes enfants. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je n’étais pas disponible pour honorer ma première convocation, passant les vacances scolaires avec ma famille en Bretagne. Je vous remercie de votre compréhension et d’avoir accepté de reporter cette audition à une date plus propice. Après des études supérieures à l’université Bocconi de Milan, puis à l’Essec – École supérieure des sciences économiques et commerciales – de Cergy-Pontoise, dont je suis sorti diplômé en 2016, j’ai démarré ma carrière dans une société technologique puis ai travaillé quelques années dans une entreprise d’investissement industriel avant de commencer ma collaboration avec Pierre‑Édouard Stérin.
En parallèle de mon parcours académique et professionnel, j’ai toujours eu un goût très prononcé pour la chose publique, sans avoir eu l’occasion de me présenter au suffrage – raison pour laquelle je salue le courage et l’engagement de ceux qui s’y soumettent, pour peu, évidemment, qu’ils le fassent en vue de faire vivre notre démocratie.
Je me suis toujours retrouvé dans un socle de valeurs qu’on a tendance à positionner à droite de l’échiquier politique, sans pour autant être attaché à une quelconque formation. J’ai toujours été convaincu que la société civile a un rôle essentiel à jouer pour faire vivre notre démocratie, à laquelle je suis très attaché. Je crois même que l’engagement citoyen est une solution à la profonde crise de confiance qui mine les liens entre les Français et la politique. J’ai effectivement écrit une tribune en ce sens dans Le Figaro en février dernier.
Après réflexion, Pierre-Édouard Stérin et moi-même en sommes venus à poser trois constats. D’abord, la situation économique, sociétale et morale de notre pays a atteint un niveau critique. Ensuite, la relation des Français à la politique connaît une crise profonde. Enfin, s’il existe en France depuis des décennies un écosystème d’associations structuré et financé – que ce soit par des subventions publiques ou par des philanthropes généreux –, il n’existe aucune organisation cherchant à soutenir et à faire émerger, de manière structurée, des initiatives citoyennes promouvant dans le débat public les valeurs libérales et conservatrices auxquelles nous sommes attachés. C’est donc dans un souci de rééquilibrage démocratique, lié à notre attachement au pluralisme, que nous avons jugé opportun de lancer une organisation agissant dans le champ métapolitique pour promouvoir ces valeurs.
Vous nous avez qualifiés d’acteur nouveau. S’il est vrai que nous nous sommes lancés il y a seulement un an et demi, en fin d’année 2023, il me semble toutefois que rien de ce que nous faisons n’est particulièrement nouveau : le débat, la promotion d’idées ont toujours fait partie de la vie démocratique. Les think tanks y jouent un rôle essentiel et ont toujours été financés par des tiers, sans que cela pose problème. La particularité de notre démarche tient surtout à la grande transparence dont nous faisons preuve, et probablement aussi à nos méthodes, inspirées de l’univers dont nous sommes issus, à savoir le secteur privé.
Périclès est une société d’intelligence politique, qui suscite, conseille et finance des initiatives citoyennes en vue de constituer un écosystème économique et politique favorable au développement de la France. Nous agissons donc dans le champ des idées et de leur diffusion auprès du plus grand nombre. Concrètement, nous sommes une pépinière de projets métapolitiques, que nous créons – en accueillant des entrepreneurs et en leur donnant les moyens de monter une initiative citoyenne – ou que nous accompagnons et aidons à passer à l’échelle supérieure. Nous nous concentrons principalement sur trois types d’initiatives : le soutien aux think tanks, médias et cercles de réflexion qui produisent, diffusent et promeuvent des idées dans l’espace public ; le développement de solutions technologiques favorisant la professionnalisation de l’action publique ; la formation, qui permet de faire émerger de nouveaux décideurs susceptibles de s’approprier ces idées.
Nous ne prétendons pas être apolitiques et assumons pleinement notre positionnement à droite – Pierre-Édouard Stérin dirait qu’il se considère au centre de la droite. Nous ne sommes certainement pas de gauche – surtout au vu de ce qu’elle est devenue, même si une part significative de la gauche républicaine peut, je le crois, se retrouver dans les valeurs et les idées que nous défendons, et nous nous en réjouissons. J’insiste en revanche sur le caractère totalement non partisan de notre action. Nous connaissons parfaitement le code électoral, notamment son article L. 52-8, et nous nous conformons, dans toutes nos actions, à la loi.
Depuis le lancement de Périclès, nous avons étudié plus de 600 dossiers et en avons retenu moins de 15 %, ce qui montre la grande rigueur et l’exigence de nos équipes. Nous avons déployé environ 8 millions d’euros en 2024 pour soutenir une cinquantaine d’initiatives et nous ambitionnons, en 2025, de déployer une vingtaine de millions d’euros pour un nombre similaire de projets. À ce jour, Pierre-Édouard Stérin est, à titre personnel, l’unique contributeur financier de Périclès, mais nous envisageons de diversifier nos ressources dès cette année et d’attirer d’autres contributeurs susceptibles d’être intéressés par nos actions. Nous avons recruté une dizaine de personnes, que je tiens à remercier pour leur engagement, la qualité de leur travail et leur rigueur. Je suis très fier de diriger cette équipe et du travail qu’elle accomplit, ainsi que de tous les projets que nous soutenons.
Nous agissons de manière transparente, ce dont témoignent les nombreuses tribunes et réponses aux sollicitations de la presse rendues publiques ces derniers mois. Je suis donc ravi de répondre à vos questions.
J’ai bien compris l’objet de cette commission d’enquête et j’ai bien noté que vos principaux axes de travail concernent l’inscription sur les listes électorales, la propagande, ou encore la gestion des bureaux de vote. Si j’avais exprimé une certaine surprise dans mon courriel de réponse à votre convocation, c’est parce qu’il me semblait que, lors de l’examen de la recevabilité de la proposition de résolution tendant à créer votre commission, le 20 novembre 2024, M. le rapporteur avait explicitement exclu le financement des campagnes électorales de ses travaux, déclarant : « Nous avons […] souhaité limiter le champ de notre commission d’enquête aux éléments que j’ai cités ainsi qu’à la question des sondages. […] Cela représente déjà beaucoup de travail. Restons concentrés sur ces sujets ».
Je me réjouis toutefois que vous ayez changé d’avis et je suis tout disposé à répondre à vos questions. J’espère – j’en suis même certain – que, puisque la question des personnalités ou organisations s’attachant à diffuser leurs idées dans le débat public concerne votre commission, vous serez amenés à interroger prochainement d’autres personnalités, comme M. Legrain, qui a financé à hauteur de 400 000 euros la Primaire populaire dont l’objectif était de faire émerger un candidat unique pour la gauche, ou encore M. Pigasse qui, le 11 janvier 2025, déclarait dans Libération : « J’ai pris position pour le Nouveau Front populaire. […] Il y a un combat majeur à mener […]. Je veux mettre les médias que je contrôle dans ce combat, au service d’une conception ouverte du monde […]. Je mets mes intérêts financiers au service de mes idées. » Nul doute que ces prises de position intéresseront aussi votre commission.
Enfin, j’ai été étonné de découvrir la nouvelle date d’audition dans la presse, en l’occurrence dans Mediapart, qui a publié un article environ trente minutes avant que je reçoive une convocation officielle, et vingt-quatre heures avant que M. Stérin reçoive la sienne. S’agissant d’une commission d’enquête consacrée aux élections en France, donc aux liens que certaines organisations politiques pourraient nouer avec des acteurs du débat public, voilà qui me semble poser une question intéressante.
M. le président Thomas Cazenave. Avant de donner la parole au rapporteur, je tiens à apporter quelques précisions, qui ont d’ailleurs donné lieu à un courrier argumenté de ma part, pour – pardon de le dire – insister sur votre présence et celle de M. Stérin.
À mesure que nous cheminons dans nos travaux, nous pouvons être amenés à programmer de nouvelles auditions. Les événements survenus dans d’autres pays, où des élections ont dû être annulées, nous ont par exemple incités à nous arrêter sur la question fondamentale des risques d’ingérence étrangère et sur le rôle des réseaux sociaux, car nous estimons qu’il y a là une faiblesse potentielle dans le bon déroulement des élections en France. L’inclusion de la question du financement dans le champ de nos travaux a quant à elle fait l’objet d’un débat entre les membres de la commission d’enquête lors de notre réunion constitutive. Nous avons choisi de l’intégrer, car la bonne tenue des élections suppose que les règles régissant leur financement soient effectivement respectées.
Nous avons ainsi eu l’occasion d’entendre le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), qui a évoqué le cas de Périclès et exprimé certaines interrogations qui seront probablement au cœur de nos échanges aujourd’hui, notamment celle de savoir comment cette nouvelle initiative politique s’intègre dans le cadre légal et réglementaire. Il est bien de la responsabilité de la représentation nationale de s’assurer que les lois en vigueur, particulièrement celles qui portent sur l’organisation de la vie politique et les élections, sont bien respectées.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Il est vrai que le financement de la vie politique ne faisait pas, initialement, partie du champ de la commission d’enquête, qui me semblait avoir déjà beaucoup de travail. En réponse à la proposition du Rassemblement national et du groupe EPR, j’avais cependant indiqué que nous pourrions peut-être nous y intéresser à la fin de nos travaux. Nous y sommes. J’aurais préféré que votre audition intervienne plus tôt, mais vous étiez malheureusement indisponible à la date initialement prévue. Nous avons d’ailleurs fait preuve d’une certaine mansuétude en acceptant de la reporter, car vous n’êtes pas sans savoir que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 dispose que « toute personne dont une commission d’enquête a jugé l’audition utile est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée ». Nous avons été plutôt patients et c’est dans l’ordre des choses.
Pourquoi avons-nous jugé utile de vous auditionner ? Parce que le journal L’Humanité a rendu public un document, qui semble être un document de travail de Périclès, comportant plusieurs éléments qui nous ont intéressés, en lien avec la question du financement des élections. Il y est notamment fait mention de « trois objectifs pour servir et sauver la France ». Le premier est la « victoire idéologique », qui suppose, dites-vous, de « rendre nos idées majoritaires dès maintenant, […] imposer nos thèmes et en maîtriser la fenêtre d’Overton […], décrédibiliser et attaquer les idées adverses », celles-ci étant définies de la manière suivante : « hyperétatisme, socialisme et assistanat, lois liberticides, wokisme, refus des limites, laïcité agressive, refus de la préférence nationale, islamisme, immigration incontrôlée ».
Le deuxième objectif est la « victoire électorale », votre souhait étant de « faire la différence lors des élections d’ici à deux ans ». Le document ayant été établi en fin d’année 2023, cette perspective inclut les élections européennes, voire les élections municipales à venir. Cette dernière question prend un relief tout particulier, puisque vous annoncez vouloir « permettre au Rassemblement national de transformer ses derniers succès électoraux en victoire aux municipales 2026 » et faites mention, « à date », d’un « projet validé par la direction et l’état-major du RN aux Estivales 2023 ». Dans la perspective des échéances électorales à venir, vous indiquez également vouloir « influencer les sujets traités lors des européennes (2024) » – il s’agirait donc d’influer sur les thèmes abordés au cours de la campagne –, « aider à remporter plus de 1 000 mairies (2026), aider à remporter la présidentielle » et une « majorité absolue (2027) ». Vous assurez enfin que « cette première mission de conseil ne rend le RN ni exclusif ni prioritaire par rapport aux autres partis ». C’est sans doute ce à quoi vous faites référence quand vous affirmez ne pas vous inscrire dans une logique partisane mais qui vise à faire gagner, d’une certaine manière, la droite.
D’après vous, Périclès se distingue d’autres structures préexistantes par le caractère transparent de son action – vous l’avez même dit deux fois. Pourtant, s’il y a une organisation qui ne semble pas transparente, c’est bien Périclès ! Pierre-Édouard Stérin a annoncé son existence quelques jours seulement avant les révélations de L’Humanité, ce qui donne l’impression qu’il s’y est résolu contraint et forcé. Votre site internet ne présente d’ailleurs que vingt-trois projets – et un autre dont le contenu n’est pas accessible –, alors que vous nous dites en avoir financé une cinquantaine en 2024 et que vous projetez d’en soutenir autant en 2025. Si vous avez effectivement retenu 15 % des 600 dossiers reçus, soit 90 projets, cet objectif est en passe d’être atteint. Pouvez-vous dresser la liste des dossiers financés par Périclès et des montants associés ?
M. Arnaud Rérolle. L’article de L’Humanité n’était pas une « révélation », dans la mesure où le média La Lettre s’était fait l’écho dès avril 2024, donc quelques mois plus tôt, du lancement par Pierre-Édouard Stérin d’une initiative intitulée Périclès, en citant quelques collaborateurs impliqués dans le projet. Par la suite, Pierre-Édouard Stérin a effectivement publié une tribune. Le JDD avait d’ailleurs mentionné le document auquel vous faites référence avant L’Humanité, dont la couverture a par ailleurs été particulièrement caricaturale et tronquée, ce qui n’est pas forcément surprenant au vu du positionnement de ce journal.
Nous avons toujours eu pour ambition de rendre nos activités publiques. Je l’ai dit, Périclès est né en fin d’année 2023 après plusieurs mois de réflexion. En tant qu’organisation privée, qui finance ou crée des initiatives citoyennes conduites par des associations ou des entreprises – ce peuvent être des think tanks participant à la vie publique, des médias, des entreprises proposant des solutions technologiques, ou encore des organismes de formation –, nous avons fait le choix de jouer la transparence en créant un site internet, en répondant aux sollicitations de la presse et en nommant certaines des initiatives que nous avons soutenues, sans prétendre toutes les lister, parce que la loi ne nous y oblige pas. Nous sommes uniquement tenus de respecter le droit en vigueur, notamment pour ce qui concerne le type d’organisations financées. Je ne suis pas en mesure d’énumérer de tête toutes les organisations que nous avons soutenues, mais je pourrai citer les principales.
Le document publié par L’Humanité en juillet 2024 date de septembre 2023. Il est donc vieux de près de deux ans. Dans le cadre de travaux exploratoires et de réflexion, nous avons couché sur le papier un certain nombre d’idées, d’initiatives et de projets que nous envisagions de développer car ils nous paraissaient pertinents. Ensuite, à mesure que notre réflexion a progressé – un peu à l’instar des travaux de votre commission, si vous me permettez cette analogie –, nous avons pu identifier de nouveaux sujets à traiter, en mettre certains de côté ou modifier l’ordre de nos priorités. J’assume ce document, dont je suis l’auteur, mais certains des éléments qui y sont présentés ne sont plus d’actualité.
S’agissant notamment des municipales, nous avions effectivement jugé intéressant de regarder ce qui pourrait être fait et avions envisagé de mener une mission rémunérée – le cadre légal nous l’aurait permis, au même titre que des prestataires peuvent répondre à une sollicitation ou proposer des solutions à des organisations politiques. Il se trouve que cette mission spécifique n’a pas abouti.
En revanche, étant convaincus que l’engagement citoyen, notamment au niveau local, est essentiel pour l’avenir de la démocratie, nous avons décidé de soutenir, au cours du premier trimestre 2024, l’organisation Politicae fondée, je crois, en 2023 par deux jeunes maires et qui a vocation à fournir des solutions didactiques sur l’engagement local – notamment dans le cadre des élections municipales – à toutes les personnes intéressées. Nous lui avons apporté une aide significative pour lui permettre de renforcer son activité, qui consiste essentiellement en un blog reprenant des éléments publics relatifs au code électoral ou à la gestion d’une commune, en des tutoriels vidéos disponibles en libre accès, et en des séminaires organisés régulièrement, à Paris comme en province. Politicae fournit ainsi une boîte à outils technologiques et civiques accessible à tous, qui nous paraît pertinente dans une perspective de promotion de l’engagement local. Voilà qui me permet de répondre explicitement sur au moins un projet que nous avons soutenu de manière significative en 2024.
M. le président Thomas Cazenave. Pour la clarté du débat, je souhaite que vous nous apportiez une précision fondamentale. Certaines questions de M. le rapporteur se fondent sur un document révélé par le journal L’Humanité. Vous reconnaissez que ce document existe – vous indiquez en être l’auteur –, mais vous soulignez qu’il a été rédigé il y a deux ans et que depuis, le projet a pu évoluer. Cette base de départ est très importante, car certains objectifs mis en avant dans ce document nous interpellent au plus haut point ; nous souhaitons savoir si vous les maintenez. Je les rappelle : former des élus locaux, accompagner certaines formations politiques, constituer un vivier de cadres destinés à exercer le pouvoir politique, arriver à la victoire électorale en identifiant des candidats et en mettant à leur disposition tous les outils nécessaires : big data, médias, ressources humaines, financement.
Est-il toujours d’actualité pour Périclès de détecter et d’accompagner des candidats ? Avez-vous des liens privilégiés avec certaines formations politiques ? L’accompagnement éventuel de candidats se fait-il de manière gracieuse ou rémunérée ? J’insiste sur ce point, car nous essayons de comprendre la nature des activités de Périclès au regard du cadre législatif et réglementaire. Êtes-vous un quasi-parti politique, un parti politique ? Il existe de nombreux think tanks, mais rares sont ceux qui préparent directement des candidats. Votre objectif est-il toujours, comme vous l’affirmez dans le document, de préparer la stratégie électorale de candidats que vous accompagnez, que vous financez et que vous dotez d’outils matériels, technologiques et numériques ?
M. Arnaud Rérolle. Je vous confirme que ce document existe ; il a été diffusé à notre insu, quand bien même nous avions vocation à communiquer sur l’existence de Périclès et sur le contenu de nos activités.
Comme je l’ai expliqué dans mon propos liminaire, Périclès est une organisation qui assume un positionnement libéral-conservateur, qui défend un certain nombre de valeurs et qui souhaite utiliser tous les moyens légaux à sa disposition pour diffuser et promouvoir ses idées. Nous le faisons en soutenant des organisations qui sont soit des associations, soit des entreprises. J’ai insisté sur le fait que Périclès était une pépinière : mon métier est d’instruire des dossiers pour identifier s’ils sont pertinents et si nous souhaitons les accompagner. Nous donnons les moyens à des entrepreneurs de développer leur activité.
Périclès est donc une structure qui soutient d’autres organisations, lesquelles déploient ensuite leur activité – Politicae, par exemple, propose de nombreux outils sur sa plateforme en ligne à ceux qui s’intéressent aux élections municipales.
Périclès ne forme pas de candidats et n’en accompagne pas, ni gracieusement ni de manière rémunérée. En revanche, Périclès peut tout à fait être amené à soutenir des initiatives qui, dans le respect du code électoral, proposeraient à des candidats des solutions – formations, outils technologiques – pour mener leur campagne. Cela répond-il à votre question ?
M. le président Thomas Cazenave. Je vous avais demandé si vous aviez un lien privilégié avec des formations politiques, comme l’indique le document dont vous dites être l’auteur.
M. Arnaud Rérolle. Nous avons, je vous l’ai dit, un positionnement politique assumé, et notre vocation est de faire gagner nos idées. Ces idées, libérales conservatrices, expliquent notre attachement à certains grands principes comme la liberté, la prospérité et la sécurité. Nous avons la volonté que ces idées émergent et soient reprises par le plus grand nombre, qu’il s’agisse du grand public ou des décideurs politiques. Il nous arrive de rencontrer des personnalités politiques dans le but de promouvoir nos idées, et nous avons des liens privilégiés avec tous ceux qui les partagent. Le champ libéral-conservateur est suffisamment large pour accueillir, notamment, des personnes très attachées aux principes libéraux économiques que nous partageons.
Pour le dire différemment, nous nous attachons à soutenir des projets et à discuter avec des personnes qui partagent les vues que nous voulons promouvoir. À titre d’exemple, nous sommes convaincus qu’il faut promouvoir la liberté d’entreprendre et la liberté d’action des entrepreneurs auprès de tous ceux qui sont prêts à se saisir de ces idées – la formation politique à laquelle vous appartenez, monsieur le président, est également sensible à ces sujets. Le lien que nous entretenons avec des personnalités est donc lié à leur sensibilité aux thèses que nous défendons.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Le document rendu public par L’Humanité classe des personnalités dans différentes catégories : « relation de confiance/influence réelle », comme M. Bardella et Mme Le Pen ; « relation active mais pas de réelle influence », comme M. Ciotti, M. Retailleau, M. Tanguy et Mme Maréchal ; « relation activable via accès » ; « pas de relation activable à date », comme M. Sarkozy, M. Zemmour et M. Philippe. Où en êtes-vous aujourd’hui ? L’objectif à fin 2024 était le suivant : « 80 % des profils prioritaires en relation de confiance ou influence réelle, contre 30 % aujourd’hui. » Suivaient des questions pour le comité exécutif : « Quels sont les autres profils prioritaires avec qui nous devons nouer une relation de confiance/influence réelle ? Qui sont, pour chaque profil prioritaire, les responsables capables de devenir l’homme de confiance ? Quelles sont les personnes manquantes sur cette cartographie (potentiels dirigeants de demain) ? » Comment rester transpartisan tout en travaillant étroitement avec des concurrents, puisqu’il y a des gens qui viennent de plusieurs partis – partis néanmoins assez marqués à droite ?
Où en êtes-vous de ces relations ? Par exemple, avez-vous des relations de confiance ou une influence réelle sur M. Retailleau, qui est aujourd’hui ministre de l’intérieur, ou avec d’autres personnalités figurant dans cette liste ?
M. Arnaud Rérolle. Lors des travaux exploratoires qui ont précédé la création de Périclès, il nous a paru évident de cibler en priorité des personnalités qui pouvaient partager de manière significative un socle commun d’idées que nous défendons ; c’est la raison pour laquelle nous en avons dressé la liste. Encore une fois, nous défendons des idées et souhaitons qu’elles soient reprises par le plus grand nombre – je serais ravi de rencontrer des parlementaires de La France insoumise pour leur présenter nos vues concernant la liberté ou la sécurité, sans aucune relation d’exclusivité, quelle qu’elle soit.
Le terme « influence » employé dans le document se rapporte à la qualité des échanges que nous avons avec ces personnes, et surtout à leur sensibilité aux idées que nous défendons. Nous n’avons pas l’outrecuidance de prétendre manipuler des personnalités politiques qui ont fait preuve de liberté et d’une forte indépendance tout au long de leur carrière. Ce serait leur faire injure que de croire qu’elles pourraient être manipulées.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Vous n’avez pas répondu à ma question.
M. Arnaud Rérolle. Comme je vous l’ai dit, nous rencontrons différentes personnalités, mais mon métier principal est de rencontrer des entrepreneurs qui montent des projets et des organisations. Je n’ai pas de relation étroite, de proximité ou d’influence avec les décideurs, notamment avec le ministre de l’intérieur.
M. Antoine Léaument, rapporteur. C’est intéressant car vous dites : « je n’ai pas de relation de confiance », or le document parle de trouver « les responsables capables de devenir l’homme de confiance ». Êtes-vous en relation avec des relais de confiance de responsables politiques listés dans le document ?
M. Arnaud Rérolle. Nos relais de confiance, sur lesquels nous pouvons nous appuyer, sont les personnes qui incarnent les idées que nous voulons défendre. Si vous me demandez si les personnes avec lesquelles nous discutons discutent elles-mêmes avec des personnalités politiques, la réponse est probablement – et évidemment – oui. Mais, pour répondre explicitement à votre question, nous ne mettons évidemment pas ce tableau à jour toutes les semaines pour actualiser les scores de confiance des uns et des autres.
M. le président Thomas Cazenave. Notre objectif n’est pas de débattre au fond des idées que vous défendez, mais de comprendre comment votre action s’insère dans le cadre légal et réglementaire. Vous expliquez que vous respectez les règles de financement de la vie politique et j’ai compris de ce que vous m’avez dit que vous ne financez pas directement des candidats. Vous me le confirmez ?
M. Arnaud Rérolle. Périclès ne finance pas de candidats, ni directement ni indirectement. Je suis au clair de l’article L. 52-8 du code électoral qui indique qu’une personne morale ne peut ni financer des candidats ni leur apporter des avantages en nature dans le cadre d’élections. Nous avons parfaitement conscience de ce cadre légal. C’est pourquoi j’insiste sur le fait que notre activité consiste aujourd’hui à produire et à soutenir des idées, ce que nous assumons complètement, dans le respect du cadre légal. Les organisations plutôt positionnées à gauche que j’ai citées dans mon propos liminaire, ainsi que d’autres think tanks ou les organisations qui les financent, assument aussi leurs idées et rencontrent des personnalités politiques pour leur faire part de leurs réflexions et de leurs travaux. C’est dans ce cadre que nous nous inscrivons.
M. le président Thomas Cazenave. Vous ne financez pas seulement des entreprises, mais aussi des projets « métapolitiques », pour reprendre votre terme, c'est-à-dire des organisations dont j’imagine qu’elles peuvent mener des combats politiques et défendre des idées, voire lancer des initiatives qui influent directement sur la vie politique– Politicae, par exemple, accompagne des candidats. En quoi cela se distingue-t-il d’une forme de soutien ou de financement, même indirect, d’une activité politique – ce qui relèverait de l’article du code électoral que vous avez cité ? Quelles précautions prenez-vous et quelles garanties pouvez-vous apporter en la matière ? Le document révélé par L’Humanité sème le trouble, puisque vous dites y préparer des candidats en vue d’une victoire électorale. L’objectif de la commission d’enquête est de comprendre si le financement d’un projet métapolitique n’a pas pour conséquence de soutenir indirectement, par la voix d’un tiers, un candidat et une formation politique.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Vous affirmez respecter le code électoral et ne pas financer de candidats dans le cadre d’élections. La loi électorale vise à protéger notre démocratie d’influences financières qui produiraient des inégalités : toutes les dépenses associées à un candidat ou à une liste électorale doivent passer par un compte de campagne, pour pouvoir être tracées ; elles doivent respecter un plafond afin de garantir une forme d’égalité entre les candidats – même si certains ont davantage de moyens que d’autres.
Vous dites ne pas financer de candidats dans le cadre d’élections, mais qu’en est-il autour des élections ? Dans le document dont nous avons connaissance, au paragraphe « victoire électorale », vous dites vouloir « former au combat électoral des candidats » et « mettre à leur disposition tous les outils nécessaires (big data, médias, ressources humaines, financement) ». Il pourrait donc y avoir une forme de participation légale à des campagnes politiques en amont de leur date officielle, sous la forme de préparations de candidats ou de précampagnes. Est-ce l’objectif de Périclès ?
M. Arnaud Rérolle. L’objectif de Périclès, comme je l’ai déjà indiqué, est de soutenir et de faire émerger des initiatives citoyennes qui permettent de constituer un écosystème favorable au développement de la France et de promouvoir nos idées.
Les garanties que nous prenons quant au respect de la loi sont communes à notre activité : lorsque nous décidons de soutenir une organisation – association ou entreprise –, nous procédons à une due diligence – pardonnez-moi cet anglicisme barbare –, c’est-à-dire que nous étudions les projets dans toutes leurs composantes, y compris légales. Nous recourons à des conseils juridiques pour nous assurer que ces initiatives respectent la loi. Je me permets de vous livrer une réflexion en cours, qui n’est pas aboutie mais qui pourrait constituer une garantie supplémentaire : nous réfléchissons à la mise en place d’une charte qui rappellerait des règles de droit essentielles et que nous signerions avec les organisations que nous déciderions de soutenir.
Vous établissez une distinction entre la période électorale et la précampagne. Il est tout à fait possible – et conforme à la loi – que Périclès investisse dans des organisations qui apportent des solutions à des candidats dans le cadre d’une campagne électorale. Nous pouvons, par exemple, décider d’investir dans une entreprise qui propose de l’analyse de données électorales et des missions de conseil en la matière. Cette entreprise peut elle-même accompagner des clients lors d’une précampagne – pour les aider à réfléchir à leurs besoins, leur fournir une analyse électorale –, mais aussi pendant la campagne dans le cadre d’une mission facturée, encadrée par la loi.
J’insiste sur le fait que nous ne finançons pas la vie politique, ni directement ni indirectement ; nous soutenons des initiatives qui, dans le cadre légal, apportent des solutions technologiques utiles pour professionnaliser l’action publique. J’ai mentionné l’analyse de données électorales, mais nous pourrions aussi parler des outils de communication. Ce n’est pas le cas à ce jour, mais nous pourrions décider d’investir dans une agence de communication qui vendrait des prestations de service à des clients pouvant être des candidats. Ces prestations seraient parfaitement légales – vous le savez, monsieur le rapporteur, puisque c’était votre métier avant de siéger à l’Assemblée nationale. Elles peuvent répondre à un besoin de professionnalisation de candidats en matière de communication, et entrent dans leurs comptes de campagne.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Il faut distinguer les structures qui viennent en aide aux candidats et entrent bien dans le cadre légal – analyse de données électorales, cartographie… –, et tout ce qui gravite autour de l’élection : activité médiatique, thèmes de campagne, sondages.
Le financement des structures qui aident les candidats dans le cadre d’une élection sont régies par la loi électorale et payées sur les comptes de campagne. Cela ne pose pas de problème. En revanche, ce qui se passe en amont de l’élection est plus problématique. Les documents dont nous disposons et vos explications nous donnent l’impression que vous misez d’une certaine manière sur des individus qui s’approchent de votre idéologie libérale conservatrice – Périclès est l’acronyme de patriotes, enracinés, résistants, identitaires, chrétiens, libéraux, européens, souverainistes – et que vous pourriez les soutenir dans la période qui précède l’élection. Est-ce le cas ? Si oui, cela passe-t-il par les structures que vous financez ? Leurs prestations – formations, accès à des données… – sont-elles gratuites ou payantes ? Pourrait-il exister une forme de financement un peu détourné dans laquelle vous essayeriez de professionnaliser des candidats en leur permettant de faire campagne à temps plein avant le début officiel de la campagne, par exemple en finançant des prestations de service dispensées par des autoentrepreneurs ou des associations ?
M. Arnaud Rérolle. Avant d’être un acronyme, Périclès est un stratège athénien particulièrement attaché à la démocratie, qui a fait retrouver son âge d’or à sa cité. Nous avons voulu nous placer sous son patronage – pour l’anecdote, je venais de lire ces paroles de Périclès relatées par Thucydide : « Il n’y a pas de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage. » C’était aussi l’occasion d’énoncer nos sensibilités et les valeurs que nous promouvons. J’assume sans difficulté le fait que nous soyons patriotes et que nous aimions notre pays – tout le monde d’ailleurs devrait aimer son pays et être patriote. La question de l’enracinement est essentielle ; Simone Weil y voyait un besoin naturel de l’homme. Personne ici ne remettra en question l’héritage de la Résistance. Nous sommes attachés à l’identité, particulièrement dans une société qui parfois la remet en question de manière significative. L’héritage chrétien de notre civilisation nous paraît essentiel. Nous sommes attachés à la liberté, premier mot de notre devise républicaine à laquelle je crois que vous êtes également très attaché, monsieur le rapporteur, ce qui nous fait un point commun. Nous sommes européens et attachés à notre continent, à son histoire. Enfin, nous sommes souverainistes : les enjeux de souveraineté sont essentiels et dépassent les clivages politiques. Telle est la variété des sensibilités que Périclès veut incarner.
Pour le reste, nombre de formations dispensées par les structures que nous soutenons ne s’adressent pas à des décideurs politiques, ni actuels ni à venir : apprendre à débattre en public, apprendre à s’engager dans la vie citoyenne, promouvoir l’engagement citoyen sous toutes ses formes, au-delà de la dimension politique, au service de la cité et du pays.
Concernant les aides, ou plutôt les solutions technologiques qui pourraient être apportées hors période électorale, nous y voyons, pour employer un anglicisme barbare, une opportunité business. C’est sans doute un tropisme lié à notre formation : j’ai fait une école de commerce et Pierre-Édouard Stérin est un entrepreneur. Nous jugeons opportun d’investir dans des initiatives qui participent à la professionnalisation de la vie politique en soutenant des initiatives qui nous paraissent pertinentes, tout en restant dans le cadre de la loi. Très concrètement, si nous investissons dans une agence de communication, elle proposera en période électorale des prestations qui seront inscrites dans les comptes de campagne du candidat ; hors période électorale, elle proposera des prestations de services légales et juridiquement encadrées par un contrat entre client et prestataire. Nous y voyons une opportunité de participer à la professionnalisation de l’action publique.
Parallèlement, un autre type d’actions, gracieuses celles-là, est la production de notes et de travaux de réflexion par des think tanks, à destination de personnalités politiques mais aussi du grand public. L’Institut des Français de l’étranger, que nous soutenons, étudie par exemple les meilleures propositions de politiques publiques à l’international. Ses notes sont diffusées sur son site internet et l’institut s’attache ensuite à rencontrer le plus possible les décideurs politiques pour les former et leur faire prendre conscience de l’importance des sujets qu’il a traités. Cela rentre parfaitement dans le cadre légal. Je ne vous apprends rien, puisque l’activité des think tanks est la diffusion d’idées auprès des personnalités politiques et du grand public. Vous recevez sans doute vous-même de nombreuses sollicitations.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Le document qui a été rendu public ne décrit pas seulement une volonté de venir en aide à telle ou telle personne en mettant à sa disposition les outils nécessaires pour les faire gagner, mais une volonté de peser sur le débat public : « rendre nos idées majoritaires dès maintenant », « imposer nos thèmes et en maîtriser la fenêtre d’Overton », « décrédibiliser et attaquer les idées adverses ». C’est une logique de bataille culturelle au sens gramscien ou, à tout le moins, un combat idéologique. Soit dit en passant, je n’ai pas tout à fait la même définition que vous de certains des termes qui composent l’acronyme Périclès – pour moi, le patriotisme renvoie davantage au sans-culottisme, c’est un aparté destiné à nos auditeurs qui, je le crois, sont nombreux.
Je m’interroge également sur la structure concrète de Périclès. Est-ce une association ou une entreprise ? Vous avez parlé tout à l’heure d’une “société d’intelligence politique” : je ne sais pas à quoi renvoie ce qualificatif du point de vue légal. Vous avez également dit que Pierre-Édouard Stérin était le seul financeur de cette organisation. Est-il financeur à titre individuel ou par le biais d’une autre structure, comme Otium Capital ou le Fonds du bien commun ? Dans le document qui a été rendu public, il est spécifiquement fait mention de la nécessité de « protéger le Fonds du bien commun aux plan légal et réputationnel ». D’où viennent les financements et quelle est la traçabilité des dépenses engagées par Périclès ?
M. Arnaud Rérolle. Je serais ravi de débattre avec vous de la définition du patriotisme, hors du cadre de cette commission d’enquête. Nous participons effectivement au combat d’idées, ce qui est évidemment légal ; surtout, je considère que c’est une nécessité pour tout citoyen. Nous sommes attachés à la démocratie et nous nous attelons à la faire vivre en prenant part à la diffusion des idées.
S’agissant de la structure juridique, Périclès est un nom commercial. Je suis le directeur général d’une société par actions simplifiée (SAS) qui nous permet de mener nos actions en toute légalité, que ce soit par la prise de participation dans des entreprises ou par des dons à des associations. Je dirige aussi une association qui permet d’organiser des événements et de produire des travaux. Le financement provient exclusivement de Pierre-Édouard Stérin en tant que personne physique. Vous avez évoqué des auditeurs nombreux ; je profite donc de cette occasion pour dire que nous cherchons d’autres contributeurs. Nous serions ravis d’attirer d’autres personnes qui partagent nos ambitions et nos idées et qui seraient prêtes à apporter leur soutien à Périclès, comme Pierre-Édouard Stérin a la générosité de le faire.
M. le président Thomas Cazenave. Je me permets de rebondir sur ce terme de générosité. Les 20 millions d’euros de financement octroyés à Périclès pour 2025 sont-ils un acte de générosité – ou de mécénat – de Pierre-Édouard Stérin – à qui nous poserons aussi la question la semaine prochaine – ou l’acte d’un investisseur privé avisé ? Depuis le début de l’audition, nous naviguons de l’un à l’autre. Quand nous vous interpellons sur le risque de financement de la vie politique, vous répondez sur le registre économique en disant investir dans une start-up d’analyse de données qui facturerait ses prestations, ou potentiellement dans un média qui aurait son propre modèle économique. En 2024, 8 millions d’euros ont été investis – ou donnés – par Périclès. Quelle part de cette somme relève de l’investissement dans des entreprises et quelle part relève du don, c’est-à-dire de l’argent mis au service d’une cause politique ? La somme annoncée pour 2025 est nettement plus importante : connaissez-vous déjà la répartition entre ces deux volets ? Pouvez-vous nous éclairer ?
M. Arnaud Rérolle. Pierre-Édouard Stérin pourra vous répondre de manière plus exhaustive. C’est un entrepreneur et un investisseur. Il n’a pas fondé – et je ne dirige pas – Périclès dans le but de gagner de l’argent. Ce but a été clairement exposé dans mon propos liminaire.
Les moyens d’action de Périclès sont doubles : il s’agit soit de dons à des associations, c’est-à-dire de générosité pure, soit d’investissement dans des entreprises pour lesquelles la rentabilité, sans être la finalité première, est une composante essentielle. Nous évaluons ainsi les dossiers qui nous sont soumis à l’aune de quatre critères principaux : le premier est la cohérence du projet par rapport à notre stratégie et aux cibles que nous avons identifiées comme prioritaires ; le deuxième est la qualité de l’équipe et de ses dirigeants, qui est à nos yeux l’élément fondamental pour tout projet, qu’il soit entrepreneurial ou associatif ; le troisième est l’ambition du projet, c’est-à-dire l’impact souhaité ; le quatrième est sa pérennité économique, autrement dit l’absence de dépendance démesurée au mécénat de Périclès. Nous nous assurons ainsi de l’existence d’un plan à court ou moyen terme pour trouver d’autres financeurs et donateurs, grands ou petits, aussi bien pour les associations que pour les entreprises.
M. le président Thomas Cazenave. Je comprends bien la distinction. Pour l’année 2024, sur les 8 millions d’euros dépensés, quelle est la part qui relève du don et quelle est la part qui relève de l’investissement ?
M. Arnaud Rérolle. J’y viens. Je tenais à préciser que nous assumons l’originalité de cette action qui consiste à soutenir des organisations, qu’elles soient des associations ou des entreprises.
Je ne veux pas dire de bêtise sous serment. En 2024, l’immense majorité du financement a été du don ; la partie investissement est résiduelle. Pour 2025, la part de prise de participation est plus significative et nous arriverons probablement à 60 % de don et à 40 % de participation dans les entreprises. Il ne s’agit que de projections, car l’année n’est pas terminée.
M. le président Thomas Cazenave. Pour l’année écoulée, c’est donc essentiellement du don à des associations qui entrent dans le cadre que vous avez défini : on reste encore très loin de l’investissement dans des entreprises qui voudraient rénover la vie politique.
M. Arnaud Rérolle. Tout à fait. C’est très clair.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Il me semble que vous n’avez pas répondu à toutes mes questions.
Vous avez dit que Périclès est à la fois une SAS et une association. Il y a donc deux, si je comprends bien, deux structures ?
Par ailleurs quels sont les liens encore existants entre Périclès, Otium Capital et le Fonds du bien commun ? Dans votre document de travail, vous parliez de vous en rendre indépendant : est-ce le cas ? Il a été un temps question que vous partagiez vos locaux avec Otium Capital : en êtes-vous désormais séparés ?
M. Arnaud Rérolle. L’actionnaire de la SAS est Pierre-Édouard Stérin, personne physique, à travers l’une de ses holdings, qui n’est ni Otium Capital ni le Fonds du bien commun.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Quelle holding ?
M. Arnaud Rérolle. Une holding en Belgique.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Quelle holding ?
M. Arnaud Rérolle. Elle s’appelle Graal Holding.
M. Antoine Léaument, rapporteur. La SAS est donc détenue par Pierre-Édouard Stérin via Graal holding, qui est indépendante d’Otium Capital et du Fonds du bien commun.
M. Arnaud Rérolle. Tout à fait.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Ma première question porte sur le financement de Périclès. Les mentions légales de votre site internet mentionnent que celui-ci est édité par l’association Forum Liberté Prospérité, créée en septembre 2024. Qui sont ses dirigeants ? Quel est l’objet de cette association, outre l’édition du site internet d’une SAS ? Est-elle reconnue d’utilité publique ou a-t-elle fait une demande de rescrit fiscal ? Reçoit-elle des financements de la part de M. Stérin ?
La seconde question concerne l’éventuelle mise à disposition de deux salariés de Périclès auprès d’un parti politique. Votre responsable des relations publiques et votre senior advisor font partie des cadres du parti Reconquête. Avez-vous instauré un suivi du temps de travail de vos équipes pour vous assurer qu’elles ne soient pas rémunérées par Périclès pour travailler au service de Reconquête ?
M. Arnaud Rérolle. Le Forum Liberté Prospérité est l’association que je dirige et que j’ai évoquée dans ma réponse à M. le rapporteur. L’autre membre du bureau doit être Philippe de Gestas. Les statuts de l’association sont disponibles sur internet. Sa seule activité est d’éditer notre site internet. Elle ne reçoit aucun financement de Pierre-Édouard Stérin. Elle n’est pas une association d’utilité publique et n’a pas vocation à l’être. Elle n’émet pas de reçus fiscaux.
Les deux collaborateurs que vous citez ont eu par le passé des engagements auprès du parti Reconquête. Je crois que ni l’un ni l’autre ne sont plus membres de ce parti ; l’un d’eux est même engagé dans un autre mouvement. Il s’agit d’un engagement personnel et je suis heureux de voir que des membres de la société civile, en parallèle de leurs activités professionnelles, s’engagent au service de leurs convictions au sein d’un parti politique. En aucun cas les salariés de Périclès ne travaillent pour un parti politique durant leur temps de travail.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Disposez-vous d’outils afin de garantir, en cas de contrôle, que le temps de travail des salariés est bien mis à disposition de Périclès, et non de partis politiques ?
M. Arnaud Rérolle. Nous avons des outils de travail similaires à ceux de n’importe quelle organisation. La question de savoir si un collaborateur effectue la mission décrite dans son contrat de travail concerne toutes les entreprises en France. Nous utilisons des outils classiques de suivi des tâches et de la performance pour nous assurer que l’activité de nos salariés est conforme au code du travail.
M. le président Thomas Cazenave. Vous avez dit que la holding Graal avait son siège en Belgique. La commission d’enquête porte une grande attention aux risques d’ingérence étrangère dans le débat politique. Considérez-vous être dans la situation où, depuis un autre pays, un acteur tenterait d’imposer ses thèmes de campagne, donc de s’ingérer d’une certaine manière dans la vie politique nationale ?
M. Arnaud Rérolle. Pierre-Édouard Stérin a fréquemment répondu à la question de son exil fiscal. Je ne doute pas que vous la lui poserez à nouveau lors de son audition. En ce qui me concerne, je ne considère pas Périclès comme étant sous ingérence étrangère. Pierre-Édouard Stérin est notre contributeur principal et il a fait le choix d’habiter en Belgique. Il est évident qu’il n’est pas proche des intérêts belges, si c’est ce que vous sous-entendez. Ses engagements sont réellement au service de son pays, la France.
M. le président Thomas Cazenave. Je ne sous-entends strictement rien. Depuis le début, j’essaie de faire la clarté sur le sujet. Le cadre applicable au financement de la vie politique est aussi là pour protéger celle-ci des financements étrangers. Il est donc normal que nous regardions d’où proviennent des financements dont l’objectif affiché est d’influencer le débat politique de notre pays. Le fait que l’entité qui finance les actions que vous avez décrites se trouve à l’extérieur de nos frontières est de nature à nous interroger. Je n’en tire aucune conclusion à ce stade.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Le vrai Périclès disait, chez Thucydide : « C’est par nous-mêmes que nous décidons des affaires, que nous nous en faisons un compte exact : pour nous, la parole n’est pas nuisible à l’action, ce qui l’est, c’est de ne pas se renseigner par la parole avant de se lancer dans l’action. […] Nous savons à la fois apporter de l’audace et de la réflexion dans nos entreprises. Les autres, l’ignorance les rend hardis, la réflexion indécis. »
Le document que vous avez écrit établit une stratégie en vue d’une « victoire électorale » et indique qu’ont déjà été lancés « avec succès […] deux projets organiques », dont le « conseil opérationnel municipales » apparemment consacré au seul Rassemblement national, avec notamment un « objectif de 300 villes à gagner absolument par le RN en 2026 ». Vous avez dit que ce projet n’était plus d’actualité. Peut-être avez-vous été pressés et les liens se sont-ils distendus ; peut-être aussi n’avez-vous pas été assez précis sur les liens qui vous unissent au Rassemblement national. Pourquoi les liens ont-ils été aussi étroits avec une seule force d’extrême droite, contrairement à l’ambition que vous affichez d’être au cœur de la droite ? Ces liens existent-ils toujours à l’heure où nous parlons ?
La trajectoire de financement présentée dans le document table sur un budget de 25 millions d’euros en 2027 : si rien ne vous engage dans des opérations électorales cette année-là, comment allez-vous les dépenser ? La question vaut également pour 2026.
Enfin, vous soutenez un collectif appelé Justitia, mentionné dans plusieurs journaux et qui souhaite « organiser et professionnaliser le contentieux stratégique en utilisant les leviers juridiques/judiciaires, médiatiques contre l’islamisme, l’immigration, l’attaque à la liberté d’expression, la théorie du genre » pour « faire changer la peur de camp ». En quoi aider des personnes qui considèrent que les réfugiés ou les personnes LGBT font peur et qui s’organisent contre eux relève-t-il d’une initiative citoyenne en République ?
M. Arnaud Rérolle. Le document que vous citez précise explicitement qu’une telle mission, si elle avait abouti, n’aurait signifié en aucun cas une relation exclusive avec le RN et que nous souhaitions proposer une mission similaire à d’autres organisations. Il est caricatural de sous-entendre que nous avons une relation d’exclusivité avec le Rassemblement national.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Cessez de voir des sous-entendus partout. J’ai bien lu votre document et il apparaît que le RN est manifestement la force avec laquelle vous avez entretenu le plus de liens et mené les projets les plus avancés. Pourquoi ces liens étaient-ils si forts ? Le sont-ils toujours ? Telle est ma question !
M. Arnaud Rérolle. Le mot « lien » est probablement mal adapté. Il vaudrait mieux parler d’interactions. Au moment où ce document a été rédigé, nous avions eu des interactions avec le Rassemblement national et partagé nos réflexions sur la question des municipales. Cette mission spécifique n’a pas abouti. Comme je l’ai déjà dit, nous assumons nos interactions avec les organisations politiques de droite, dont le RN, mais aussi avec d’autres organisations politiques qui, sans être de droite, peuvent se retrouver dans certains de nos combats, dans des projets que nous voulons développer ou des idées que nous voulons promouvoir.
Je ne suis pas sûr d’avoir compris votre deuxième question concernant notre budget. Comme toute initiative professionnelle rigoureuse et ambitieuse, nous établissons des projections budgétaires à deux ou trois ans. Il ne s’agit pas d’un engagement pour autant. L’enveloppe financière n’est pas encore allouée. En 2026 et en 2027, nous utiliserons probablement le budget de la même manière qu’aujourd’hui, c’est-à-dire en soutenant des associations ou des entreprises qui correspondent aux objectifs de Périclès.
Je ne suis pas surpris de vous voir mal à l’aise devant certains projets de Justitia. Ce collectif d’avocats cherche à défendre les victimes de la liberté d’expression ou d’une certaine violence de la part de l’État. Il a par exemple accompagné la sœur de Samuel Paty, Mickaëlle Paty, dans la procédure qu’elle a entamée pour faire reconnaître la responsabilité de l’État dans le meurtre abominable de son frère. C’est une question politique que vous me posez ; M. le président a précisé que là n’était pas l’objet de la commission d’enquête. Je me permets toutefois de préciser que si nous soutenons cette initiative, c’est parce que nous avons foi en la justice française et que nous considérons que chaque citoyen, quel qu’il soit, mérite d’être soutenu et accompagné juridiquement, à commencer par les personnes dont la liberté d’expression est limitée ou qui ont été victimes de violences, y compris, dans le cas de Mickaëlle Paty, dans les circonstances les plus difficiles.
M. Maxime Michelet (UDR). Votre présence ici m’offre l’occasion d’évoquer la contribution des acteurs économiques à la vie démocratique, car telle est bien la question que posent nos débats. Comme vous l’avez expliqué, Périclès entend appuyer des initiatives entrepreneuriales – qui n’en sont pas moins des initiatives de citoyens français – afin de leur permettre de contribuer à notre vie politique. Votre démarche entend notamment soutenir la participation à la vie publique des entreprises qui délivrent des prestations de service politique, et ce, bien évidemment, dans le respect du cadre légal et selon les préférences politiques qui sont les vôtres.
Si votre démarche de philanthropie, ou d’investissement, suscite la méfiance de certains, c’est que cette méfiance semble frapper globalement la participation des acteurs économiques à la vie démocratique, alors qu’être entrepreneur ou investisseur ne saurait déchoir quiconque de ses droits de citoyen, notamment de celui à s’investir dans la vie démocratique.
Dans ce contexte, pourriez-vous préciser le rôle que, selon vous et selon Périclès, les entrepreneurs, les investisseurs et les entreprises doivent jouer dans une démocratie moderne et mature ? Comment percevez-vous la continuité qui pourrait exister entre vie économique et vie démocratique, entre la responsabilité sociale des entreprises – une expression à la mode –, leur responsabilité économique et leur responsabilité civique et démocratique ? Cette interrogation ne saurait porter sur les seuls entrepreneurs de droite qui s’engagent dans la vie démocratique, car cela laisserait croire que ce n’est pas tant l’engagement des entrepreneurs que l’engagement à droite qui suscite cette suspicion.
Enfin, puisque la question des ingérences étrangères a été évoquée, je crois que l’audition – certes improbable, mais qui ne manquerait pas d’être intéressante – de George Soros pourrait nourrir nos réflexions, puisque sa fondation a distribué pas moins de 1,7 milliard d’euros en 2022 à divers organismes européens marqués à gauche.
M. Arnaud Rérolle. Effectivement, le budget de Périclès correspond à 0,04 % du budget de l’Open Society Foundation, dont il serait judicieux d’étudier les actions.
Je suis convaincu que la solution à la crise de confiance dans la vie politique passe par l’engagement citoyen de tous au service de la vie de la cité. C’est ce qui fait vivre un débat démocratique. Vous avez fait le choix d’une forme d’engagement particulièrement noble en vous présentant au suffrage des Français, mais chacun doit prendre part à sa mesure au débat public et participer à la vie démocratique. Dans le cadre des actions menées par Périclès, nous voyons de plus en plus de jeunes talents issus du privé qui souhaitent s’exprimer dans le débat public pour promouvoir leurs idées et participer à la vie démocratique. C’est un moyen essentiel pour renouer le lien de confiance entre les politiques et les Français.
Je crois que les entrepreneurs et les investisseurs ont une responsabilité significative face à la situation actuelle du pays et qu’ils doivent donc prendre part au débat public. Pierre-Édouard Stérin montre l’exemple, mais il n’est pas le premier, et il existe aussi des personnes à gauche qui indiquent explicitement vouloir mettre leurs moyens financiers au service de leurs convictions. Je lance donc un appel à tous les entrepreneurs, quelles que soient leurs convictions politiques, car je suis attaché au pluralisme : étant donné le trouble politique dans lequel nous sommes, la France a besoin de toutes ses forces productives pour faire face à un discours, voire à un camp de la destruction dont le combat politique contre la force d’entreprendre est particulièrement inquiétant pour l’avenir de notre pays. J’encourage tous les entrepreneurs à s’engager au service de la démocratie, à la place qui est la leur, pour compléter et nourrir l’action de ceux qui nous représentent.
M. Benjamin Lucas-Lundy (EcoS). Politicae est l’officine de votre galaxie chargée des élus locaux en vue du scrutin de 2026. Qui en sont les deux maires fondateurs et quelle est leur étiquette politique ? Sur la base de quels critères avez-vous décidé de soutenir cette structure plutôt qu’une autre ; en d’autres termes, qu’attendez-vous d’elle et avez-vous été partie prenante à sa création ? Quelle est la nature de votre soutien direct ou indirect : financier, matériel, etc. ? Quelle est la fréquence des échanges que vous et M. Stérin – je dis bien et, pas ou – entretenez avec eux ?
M. Arnaud Rérolle. Vous poserez la question à M. Stérin la semaine prochaine pour ce qui le concerne.
Il est particulièrement caricatural de qualifier d’officine une association qui a pignon sur rue et qui met en avant ses activités. Politicae propose des outils disponibles à tous, qui sont principalement utilisés par des candidats dans de petites communes. Plus de 70 % d’entre eux n’ont pas d’étiquette politique.
Les deux maires fondateurs de Politicae sont Antoine Valentin, qui a été élu maire de Saint-Jeoire en Haute-Savoie en 2020 sous l’étiquette LR et est aujourd’hui membre de l’UDR, et Raphaël Cognet, maire de Mantes-la-Jolie, qui appartient au parti Horizons. Cela illustre la dimension non partisane de Périclès mais aussi et surtout de Politicae, qui a vocation à promouvoir l’engagement local au service des citoyens, indépendamment de la couleur politique, dont chacun sait qu’elle a bien moins d’importance à l’échelon local qu’à l’échelon national. Je n’ai pas participé à la création de Politicae, qui existait avant même le lancement de Périclès. Antoine Valentin a créé, je crois, le premier site internet en avril 2023.
Les critères de sélection ont été les mêmes que pour n’importe quel autre projet : la stratégie du projet, la qualité de ses porteurs, son plan et son ambition ainsi que sa pérennité économique. Nous avons été particulièrement séduits par la pluralité des sensibilités politiques d’Antoine Valentin et Raphaël Cognet et par leur complémentarité, puisque l’un est un jeune maire d’une trentaine d’années dans une petite commune rurale de moins de 6 000 habitants tandis que l’autre est un maire plus expérimenté et plus âgé, dans une commune périurbaine de plusieurs dizaines de milliers d’habitants. Ils incarnent ainsi la diversité de l’engagement local. Ces deux figures nous paraissaient pertinentes : qui mieux que des maires pour encourager d’autres citoyens à s’engager au service de leur ville ou de leur village ?
Notre soutien à Politicae est un soutien financier sous forme de don, car il s’agit d’une association.
Enfin, concernant la fréquence de nos échanges, Antoine Valentin, comme Raphaël Cognet, est un maire très occupé dans sa commune. Comme pour tous les dossiers que nous avons accompagnés – je rappelle que nous en avons étudié plus de 600, que nous en soutenons une cinquantaine et que nous recevons 50 dossiers par mois – nous nous retrouvons pour un point stratégique tous les trimestres. Il m’arrive assez fréquemment – mensuellement voire hebdomadairement, mais certainement pas quotidiennement – d’échanger avec les dirigeants des associations que nous soutenons, en l’occurrence Politicae.
M. Benjamin Lucas-Lundy (EcoS). Comment se sont passées les discussions en vue de ce soutien ? Le site de l’association n’indique pas que vous la financez : la clarté et la transparence ne sont pas vraiment au rendez-vous.
M. Arnaud Rérolle. Il me semble que le journal L’Humanité a écrit une trentaine d’articles sur Périclès depuis notre lancement.
M. Benjamin Lucas-Lundy (EcoS). Malheureusement, tout le monde ne lit pas L’Humanité.
M. Arnaud Rérolle. Et c’est bien dommage. Je suis en tout cas ravi de voir que nous l’intéressons autant.
Notre soutien à Politicae n’a jamais été nié, ni par Antoine Valentin quand il a été interrogé, ni par moi, ni par Pierre-Édouard Stérin. Il est mentionné sur notre site internet. Cette remarque me semble décorrélée de la réalité.
Je ne suis pas sûr de comprendre votre demande de précision.
M. Benjamin Lucas-Lundy (EcoS). Je m’interrogeais sur le montant des dons et la nature de vos discussions. Comment cela s’est-il fait ?
M. Arnaud Rérolle. Comme l’évoque le document cité par L’Humanité, nous étions convaincus de la pertinence de lancer une initiative autour de l’engagement local. Comme nous aimons bien le grec, nous lui avions donné le nom de code Skholè Polis. L’initiative n’a pas abouti car l’étude de marché que nous avons lancée à la suite de nos réflexions nous a amenés à identifier Politicae, qiui existait déjà et dont Philippe de Gestas connaissait au moins l’un des cofondateurs, si ce n’est les deux.
Concernant le montant des dons, nous avons signé un engagement pluriannuel de plusieurs centaines de milliers d’euros jusqu’en 2026 avec Politicae. À cette date, nous évaluerons si nous continuons ou non à la financer, y compris au regard de sa pérennité économique. Politicae fait partie des cinq projets que nous avons le plus fortement soutenus en 2024.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Quels sont ces cinq projets ?
M. Arnaud Rérolle. Nous avons apporté un soutien à l’Observatoire de l’immigration et de la démographie, un think tank qui traite de manière dépassionnée des questions liées à l’immigration, sujet particulièrement prégnant dans le débat public.
Nous avons également soutenu l’Institut de formation politique, qui propose des formations dont j’ai moi-même eu la joie de bénéficier. C’est une organisation importante qui existe depuis une vingtaine d’années, qui continuera d’exister bien après nous et pour laquelle nous sommes un donateur parmi beaucoup d’autres, mais nous souhaitions apporter un soutien significatif à cette structure particulièrement susceptible de faire émerger de nouvelles vocations d’engagement.
Il y a aussi l’Institut des Français de l’étranger, que nous n’avons pas créé mais qui s’est lancé au moment où nous lui avons apporté du soutien. Nous avons rencontré les fondateurs et avons été très séduits par le projet.
Enfin, nous avons soutenu l’observatoire Hexagone quelques semaines après son lancement. Il produit chaque mois des dossiers et des études statistiques sur l’état du pays, notamment l’éducation, la santé et les dépenses publiques.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Je voulais justement vous interroger sur Hexagone. Pour préparer cette audition, je me suis rendu sur son profil LinkedIn. Une publication y indiquait que la somme du budget de la gendarmerie et de l’aide médicale de l’État atteignait 2 milliards d’euros . Je suis au regret d’indiquer à Hexagone qu’il doit revoir ses chiffres : l’aide médicale de l’État se chiffre à 1,6 milliard d’euros ; quant au budget de la gendarmerie, il dépasse de beaucoup les 2 milliards d’euros, fort heureusement pour les gendarmes.
Le document rendu public par L’Humanité parle d’« imposer nos thèmes », « en maîtriser la fenêtre d’Overton » et « rendre majoritaires nos idées ». L’un des outils prévus dans cette bataille est la création d’un baromètre, dans le cadre d’un partenariat souhaité avec l’Ifop. On trouve aussi l’idée d’une « cocréation/financement de trois baromètres “monothématiques” avec des structures externes » sur les thèmes suivants : « islam et insécurité, immigration, extrême gauche ». On peut s’interroger sur la manière dont vous souhaitez utiliser les instituts de sondage pour alimenter et peser sur le débat public, sachant que les médias sont particulièrement friands de sondages.
Or, par un hasard du calendrier, Hexagone est au cœur de l’actualité politique de ces derniers jours. Hier, l’Ifop a publié les résultats d’un sondage commandé par Hexagone et réalisé sur un échantillon de 10 000 personnes, ce qui est extrêmement coûteux, testant la candidature de Jordan Bardella à l’élection présidentielle en le plaçant au deuxième tour face à Édouard Philippe. Les deux candidats seraient à touche-touche. Une deuxième partie du sondage, réalisée sur un échantillon distinct de seulement 2 000 personnes, présente Marine Le Pen comme perdante face à Édouard Philippe. On dirait que le sondage teste la candidature du remplaçant potentiel de Mme Le Pen à l’élection présidentielle avec un échantillon de taille inhabituellement élevée. La presse s’est d’ailleurs fait l’écho du fait que les proches de Marine Le Pen avaient réagi à cette première version. Le fait d’utiliser Hexagone pour mettre en avant certains candidats dans les sondages fait-il partie de la stratégie de Périclès ?
Présidence de M. Pierre-Yves Cadalen, vice-président de la commission.
M. Arnaud Rérolle. J’ai suivi avec un réel intérêt les travaux de votre commission, notamment les auditions des directeurs d’instituts de sondages. J’ai noté ce propos de M. Jean‑Yves Dormagen : « La liberté de sonder est fondamentale en démocratie. Le pluralisme et la multiplication des sondages participent au processus démocratique. » À titre personnel, bien que n’étant pas un expert des sondages, j’en suis moi aussi convaincu.
En ce qui concerne Hexagone, je salue la qualité de son équipe. Le travail qu’elle mène est parfaitement utile à la démocratie car il éclaire le débat public par des statistiques qui apportent une analyse objective et factuelle sur certaines thématiques. Ce travail est essentiel et complémentaire de celui des think tanks qui, eux formulent des propositions de politique publique. C’est pourquoi nous avons décidé de soutenir Hexagone. Le peuple est souverain ; or, pour voter, il faut être informé, et cette information vient des travaux de différentes organisations. Hexagone en fait partie.
Je suis très attaché au principe de subsidiarité. La relation que j’ai avec Hexagone, comme avec les autres projets que nous soutenons ou dans lesquels nous investissons – je rappelle que nous étudions une cinquantaine de dossiers par mois –, inclut une réunion trimestrielle stratégique, mais je n’échange pas dans le détail sur leurs enquêtes et leurs sondages. Néanmoins, comme je me doutais que vous m’interrogeriez sur celui-ci, je me suis entretenu avec François Pierrard afin qu’il me précise le contenu de ce sondage que lui et son équipe ont décidé de mener. Comme vous l’avez dit, c’est un échantillon très significatif de 10 000 répondants ; à deux ans d’une élection présidentielle, c’est une information très intéressante pour le public. Quand on est attaché à la vie démocratique, on peut se réjouir qu’une organisation produise un sondage exclusif qui donne une photographie à l’instant T de l’état du pays sur cette thématique.
Je ne suis pas sûr de pouvoir commenter outre mesure ce qui a été dit dans la presse. François Pierrard a été interrogé par la presse. Je comprends qu’ils ont voulu tester un candidat pour chaque organisation politique. Au lendemain de la décision de justice qui a été prise, il a été décidé de tester Jordan Bardella ; lorsqu’ils ont sorti leur teaser il y a quelques jours, c’est face aux interrogations – émanant pour beaucoup de personnes anonymes – quant au fait que Marine Le Pen n’était pas testée qu’ils ont demandé à l’Ifop d’ajouter cette hypothèse. M. Dabi pourra vous répondre de manière plus pertinente. L’Ifop est un organisme parmi les autres que vous avez auditionnés, un organisme scientifique dont la méthodologie est parfaitement rigoureuse. Pour ma part, je suis heureux de voir un sondage qui présente deux ans avant, avec toutes les précautions que cela implique, quelque chose du débat démocratique.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Je nourris pour ma part quelques réserves sur le caractère scientifique du travail des instituts de sondage. L’une des caractéristiques de la science est la reproductibilité des expériences, qui suppose notamment de permettre à d’autres chercheurs d’accéder à toutes les données de manière transparente. Pour avoir, en ma qualité de rapporteur de la commission d’enquête, examiné les documents techniques transmis à la commission des sondages, je peux malheureusement affirmer que même cette instance chargée d’évaluer la qualité des travaux des instituts de sondage n’a pas accès à l’ensemble des données brutes statistiques qui lui permettraient d’en vérifier la validité scientifique. Il est en tout cas intéressant de vous entendre reprendre le vocabulaire des sondeurs – photographie à l’instant T, caractère scientifique et rigoureux des enquêtes –, même si, effectivement, j’aborderai plus longuement cette question avec M. Dabi demain.
J’ai le sentiment que Périclès cherche à jouer sur tous les tableaux : vous essayez à la fois de préparer des candidats à des élections, et, une fois qu’ils sont candidats, de leur fournir des outils et des prestations par le biais de structures autonomes mais liées à Périclès, le tout en dessinant un paysage idéologique conforme aux idées que vous défendez.
Vous soulignez à très juste titre que le peuple est souverain et que, pour voter, il faut être informé. Seulement, il ne faut pas non plus être désinformé : les citoyens doivent pouvoir vérifier et croiser les informations qui leur sont fournies, et non être exposés à des informations tronquées, influencées, transformées par des intérêts politiques ou économiques. Or c’est bien la question qui se pose ici, puisque, dans le document révélé par L’Humanité, dont vous admettez être l’auteur, vous indiquez vouloir « décrédibiliser et attaquer les idées adverses ». Il ne s’agit pas de contester, de mettre en débat, d’engager un dialogue ou de provoquer une réflexion chez le citoyen en s’appuyant sur son esprit critique, mais de discréditer des adversaires politiques à l’aide d’un certain nombre d’outils, sur lesquels je souhaite vous interroger plus précisément.
Le premier de ces outils serait un baromètre, réalisé a priori par des structures externes chargées de commander des sondages. Cette méthode, parfaitement illustrée par le recours à Hexagone, fait-elle partie de la stratégie de Périclès ? Votre document de travail révèle aussi que vous envisagiez à l’époque d’acheter un institut de sondage. L’avez-vous fait ? Sur quoi les sondages commandés porteraient-ils : sur les élections, sur des thèmes spécifiques ? Visent-ils à donner à croire que certaines opinions seraient majoritaires ou très populaires dans la société, à partir d’études dont je répète qu’elles n’ont, au vu des données dont je dispose, pas de validité scientifique ?
M. Arnaud Rérolle. Pour ce qui est des termes que j’ai employés, j’ai repris les propos tenus au cours de l’audition que j’ai évoquée et que j’ai trouvée particulièrement intéressante. Remettre en question le principe du sondage n’est pas mon sujet. Quant au sondage auquel vous faites référence, j’espère que l’intérêt prononcé que vous lui portez n’est pas lié à la contre-performance qu’y réalise Jean-Luc Mélenchon.
Pour répondre explicitement à votre question, nous n’avons pas acheté d’institut de sondage, mais nous n’excluons absolument pas cette piste : ces structures font partie, parmi de nombreuses autres, des organisations dans lesquelles nous pourrions investir. À l’heure actuelle, cependant, nous n’en possédons pas, et nous n’avons pas engagé de discussions actives avec quelque institut que ce soit en vue d’un investissement ou d’une création.
Le fait de « décrédibiliser » des idées dangereuses pour notre pays – comme l’antisémitisme, dont l’actualité récente, notamment les événements survenus dans les cortèges du 1er mai, montre qu’il constitue une menace significative dans notre pays – fait évidemment partie des outils que nous sommes prêts à utiliser. À travers Hexagone et toutes les structures produisant des notes objectives que nous soutenons, nous souhaitons lutter contre les fakes news en présentant des faits établis à la population – charge à elle de s’en saisir. La logique qui préside au soutien à un projet comme Hexagone est bien celle-là. Présenter régulièrement des études est un moyen d’informer les Français, au même titre que d’autres offres d’information.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Tout en affirmant vouloir lutter contre les fakes news, vous venez d’en colporter une à propos du 1er mai.
Vous vous fixiez pour objectif, dans votre document de travail, de cocréer ou financer « trois baromètres “monothématiques” avec des structures externes : islam et insécurité, immigration, extrême gauche ». Il semble avoir été tout à fait atteint à travers Hexagone, une structure externe chargée de financer, en l’occurrence, un sondage électoral – avec toutes les réserves que j’attache à cet exercice, d’autant que l’Ifop s’était tout de même trompé de cinq points en prévoyant le score du candidat que je soutiens à la dernière élection présidentielle, un écart largement supérieur à la marge d’erreur.
Où en est ce projet, que vous espériez voir aboutir en décembre 2024 ? Ces baromètres existent-ils ? Si oui, dans quel objectif ? Estimez-vous, par exemple, qu’il existe un lien entre islam et insécurité ?
M. Arnaud Rérolle. J’ignorais qu’affirmer que les défilés du 1er mai ont donné lieu à des propos ou à des actions antisémites revenait à colporter une fake news. Je laisserai les auditeurs juger de ce qui a pu se dérouler à cette occasion. Je rappelle simplement que Marine Tondelier, qui n’est pas réputée pour être particulièrement proche des idées de Périclès, a reconnu l’existence d’un antisémitisme d’extrême gauche. C’est intéressant de le souligner.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Il n’est pas question de nier l’antisémitisme, l’islamophobie et le racisme qui existent dans l’ensemble de la société française et qui doivent être combattus, précisément parce qu’ils constituent des phénomènes structurels. Les statistiques montrent que les actes antisémites et racistes se multiplient. Sachez ainsi qu’on estime à environ 1 million le nombre d’actes racistes perpétrés chaque année en France, quand seules 12 000 plaintes sont déposées. On est donc très loin de prendre en compte correctement l’insécurité vécue par les personnes qui subissent de tels actes – celles qui n’ont pas ma couleur de peau, par exemple. J’estime que ce sujet, sur lequel j’ai longuement travaillé, mériterait d’être davantage mis en avant dans le monde médiatique. Seulement, je ne dispose pas des moyens financiers nécessaires pour mettre en avant les sujets qui m’intéressent sous l’angle qui me paraît pertinent.
Or j’ai l’impression que tel est précisément l’objectif de Périclès. Je repose donc ma question : le baromètre « islam et insécurité » vise-t-il à faire un lien entre l’islam et l’insécurité ? Existe-t-il ou sera-t-il créé dans le futur, de même que ceux consacrés à l’immigration et à l’extrême gauche ? Si oui, à quelle structure externe l’élaboration de ces baromètres sera-t-elle confiée ?
M. Arnaud Rérolle. Le document publié par L’Humanité était un document exploratoire sur les types de projets que nous envisagions de mener, dont certains ont abouti, quand d’autres ont évolué ou ont été abandonnés. Hexagone n’existait pas au moment de l’écriture de ce document, lorsque nous avons réfléchi à la façon de participer à la présentation de l’état du pays sur quelques thématiques.
Nous n’avons pas créé ou financé de baromètres monothématiques, ce qui ne veut pas dire que nous excluons cette possibilité. Je profite d’ailleurs de l’audience que vous m’offrez pour rappeler que nous recherchons régulièrement des entrepreneurs audacieux et ambitieux susceptibles de nous soumettre des projets à étudier.
M. Pierre-Yves Cadalen, président. Veuillez répondre à la question du rapporteur, je vous prie : vous n’êtes pas ici pour faire votre publicité.
M. Arnaud Rérolle. Nous n’avons pas lancé de baromètres monothématiques, même si cela pourrait tout à fait être le cas dans le futur.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Faites-vous un lien entre islam et insécurité, ou le baromètre envisagé aurait-il un objet plus général ?
M. Arnaud Rérolle. Je ne suis pas sûr de comprendre le rapport entre cette question et l’objet de la commission d’enquête.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Si vous essayez de financer un baromètre pour établir un lien entre islam et insécurité, j’y verrais une option idéologique particulière. La lettre « c » de l’acronyme Périclès correspondant à « chrétien », il pourrait y avoir là une volonté délétère de recréer une ambiance de guerre de religions dans le pays.
M. Arnaud Rérolle. L’ambition de Périclès n’est en aucun cas de remettre une ambiance de guerre de religions dans le pays.
M. Pierre-Yves Cadalen, président. Il y a un lien évident entre cette question et l’objet de notre commission d’enquête. S’intéresser à l’organisation des élections en France implique nécessairement de se pencher sur les conditions dans lesquelles le débat se déploie. Si des milliardaires choisissent d’investir dans des instituts de sondage, des associations ou des fondations métapolitiques – pour reprendre votre propre terme –, c’est pour exercer un agenda politique qui, en l’espèce, se rattache à la droite radicale, voire à l’extrême droite. Dès lors, les conditions même du déploiement du débat public s’en trouvent transformées : il est clair que des thèses défendant le partage des richesses ou du patrimoine des milliardaires ne feront pas l’objet de multiples études conduites par des instituts financés par vos soins ou par Vincent Bolloré. Les choix opérés par ces milliardaires ont donc une influence sur les élections, tout comme les biais des études qu’ils financent.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Vous avez mentionné des milliardaires qui défendraient des idées plutôt à gauche. Une autre commission d’enquête pourrait effectivement s’attacher à étudier l’influence des ingérences financières sur le débat public.
En attendant, j’aimerais que vous répondiez précisément à ma question : estimez-vous qu’il existe un lien entre islam et insécurité ? Sur d’autres sujets, vous vous êtes permis d’exposer les idées que vous défendez…
M. Arnaud Rérolle. Quel est le problème ? S’agit-il de savoir si je suis chrétien ou si je m’intéresse à l’islam ?
M. Antoine Léaument, rapporteur. Il me semble avoir posé une question simple qui appelle une réponse par oui ou par non.
M. Arnaud Rérolle. Je pense qu’on peut à la fois s’intéresser à l’islam, à l’insécurité et au lien entre l’islam et l’insécurité en France.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Donc, pour vous, la réponse est oui.
M. Arnaud Rérolle. La réponse est qu’il est tout à fait pertinent de réfléchir au lien entre l’insécurité en France et l’islam, sauf si vous considérez qu’il est interdit de s’interroger sur cette question.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Vous dites vouloir créer un baromètre. Si celui-ci vise à établir un lien entre islam et insécurité, ce serait une torsion de la réalité : l’ensemble des enquêtes sur l’insécurité conduites par des sociologues ou des criminologues lient de façon assez fine celle-ci à divers facteurs, notamment sociaux ou de revenus, mais, à ma connaissance, aucune ne fait de lien entre islam et insécurité.
M. Arnaud Rérolle. D’où l’intérêt de se poser la question : le baromètre que nous avions envisagé ne visait pas à affirmer un état de fait, mais à poser une question. S’il existe, comme vous dites, des études consacrées au lien entre insécurité et précarité, on peut aussi concevoir l’intérêt d’une étude s’interrogeant sur la question de l’islam et de l’insécurité.
J’insiste encore une fois sur le fait que ce baromètre n’existe pas : il faisait partie des différentes options que nous avions identifiées mais sur lesquelles nous n’avons, à date, pas mené d’action.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Vous indiquez aussi, dans votrre document, vouloir combattre un certain nombre de tendances, comme « l’hyper-étatisme », « le socialisme d’assistanat » ou la « laïcité agressive ». Qu’entendez-vous par cette dernière expression ?
M. Arnaud Rérolle. Encore une fois, je me permets de m’interroger sur la pertinence de cette question au vu de l’objet de votre commission d’enquête.
M. Antoine Léaument, rapporteur. C’est précisément le fond du sujet. Vous avez souligné, à très juste titre, l’importance de l’information délivrée aux citoyens pour leur permettre de faire des choix libres et éclairés. Personnellement, je ne conçois pas la démocratie comme une tentative de biaiser la réalité et de la tordre pour la faire coller à une idéologie. Vous avez salué le courage de ceux qui se soumettent au suffrage universel. Je l’ai fait. Il est vrai que je défends des opinions, mais j’essaie de convaincre sur des bases rationnelles. Je vois dans la qualité de l’information délivrée aux citoyens un enjeu majeur des élections à venir.
Or plusieurs éléments pèsent sur la capacité des citoyens à s’informer : les informations qui circulent sur les réseaux sociaux, dont certaines sont fausses, voire créées par l’intelligence artificielle, mais aussi la volonté de certains patrons de presse de mettre leurs médias au service de leurs idées politiques – vous l’avez mentionné pour M. Pigasse. La question est celle de la véracité de l’information. Dès lors que des structures que vous financez mettent en circulation de fausses informations, comme Hexagone l’a fait à propos des budgets de la gendarmerie et de l’AME, je m’interroge très fortement sur les baromètres que vous souhaitez créer et sur vos angles d’analyse. Si ces angles étaient biaisés, comme vous l’avez par exemple démontré avec les propos que vous avez tenus sur la manifestation du 1er-mai, ce serait très inquiétant quant à la capacité des citoyens à recevoir une information de qualité.
Je repose donc ma question : qu’entendez-vous par « laïcité agressive » ? Votre réponse peut nous éclairer sur ce que Périclès souhaite mettre en œuvre dans la perspective des futures élections.
M. Arnaud Rérolle. Vous m’interrogez sur des projets qui n’existent pas. Je voudrai bien vous répondre lorsque nous aurons effectivement lancé ces initiatives, mais ce n’est pas le cas. En réalité, vous vous livrez à un procès politique parce que nous ne partageons probablement pas vos convictions sur un certain nombre de sujets. Je serais ravi encore une fois de débattre avec vous, mais je crois que mon opinion sur telle ou telle thématique sociale n’a, pour le coup, rien à voir avec les travaux de cette commission d’enquête parlementaire. Je ne suis donc pas sûr que votre question soit pertinente, d’autant que, je le répète, les projets auxquels vous faites référence n’existent pas à date.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Je crois que c’est le principe même d’un projet que de ne pas exister « à date », mais j’entends que vous ne souhaitez pas répondre à la question.
Le projet Périclès a aussi pour objectif d’investir dans le monde médiatique. Plusieurs articles ont d’ailleurs évoqué l’intention de M. Stérin d’investir dans les magazines Marianne ou Valeurs actuelles – nous l’interrogerons sur ce point. Votre organisation participe-t-elle, de façon directe ou indirecte, au financement de médias ? Si oui, lesquels ?
M. Arnaud Rérolle. Notre attachement à la vie démocratique et au pluralisme passe notamment par la bonne information ; de fait, nous nous intéressons évidemment à la question des médias. Nous avons accordé un don à L’Incorrect en 2024 et nous détenons des participations dans le capital de Sphere Media.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Périclès a-t-il financé Le Crayon, comme certains médias l’ont affirmé ?
M. Arnaud Rérolle. Pierre-Édouard Stérin a réalisé cet investissement indépendamment de Périclès.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Qu’en est-il de Contrepoints ?
M. Arnaud Rérolle. Merci de me le rappeler : nous avons accordé un don au think tank Iref – Institut de recherches économiques et fiscales – lorsqu’il a repris et relancé le média Contrepoints, qui propose notamment des notes sur des questions libérales. Il fait donc partie des médias que nous avons soutenus indirectement.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Participez-vous de manière directe ou indirecte au financement de Boulevard Voltaire et de Frontières ?
M. Arnaud Rérolle. Non. En tout cas, nous ne sommes actionnaires ni de l’un, ni de l’autre.
M. Antoine Léaument, rapporteur. C’est intéressant parce que vous apporté une précision…
M. Arnaud Rérolle. C’est vous qui m’avez demandé s’il était question de participation directe ou indirecte. Directement, nous ne finançons pas ces médias en tant qu’actionnaire et ne leur avons pas fait de don. Nous avons financé des opérations de communication pour Frontières, mais pas sous la forme d’investissements directs auprès de ce média.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Pouvez-vous préciser la nature de ces financements indirects d’opérations de communication ?
M. Arnaud Rérolle. Nous lui avons accordé un don en 2024, mais je n’ai plus le montant en tête.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Vous n’avez donc participé d’aucune manière au financement de Vauban Nominees Limited ?
M. Arnaud Rérolle. J’ignore de quelle structure vous parlez.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Participez-vous au financement d’organes de communication numérique ou d’influenceurs sur internet ? Je crois savoir que vous financez Les films à l’arrache et la chaîne YouTube Transmission, mais soutenez-vous également des structures plus amples comme Progressif Media ? Si oui, dans quel but ?
M. Arnaud Rérolle. Comme je l’ai expliqué dans mon propos liminaire, l’ambition de Périclès est de participer au débat d’idées en soutenant des initiatives citoyennes qui permettent de les diffuser auprès du plus grand nombre. De fait, la première catégorie de projets que nous soutenons est constituée de think tanks, de médias et de structures de production audiovisuelle qui diffusent et promeuvent des idées et des concepts. La production audiovisuelle au sens large – podcasts sur les réseaux sociaux, séries avec Les films à l’arrache… – entre parfaitement dans le type de projets que nous pourrions être amenés à financer. Je confirme que nous avons soutenu Les films à l’arrache et Transmission, car leurs activités nous paraissent intéressantes et nous avons été séduits par la qualité de leurs équipes. En revanche, nous ne sommes pas investisseurs dans Progressif Media.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Le code électoral interdit toute publicité commerciale à des fins de propagande électorale, y compris en ligne, au cours des six mois qui précèdent le mois où se tient une élection. Il n’est donc pas possible de financer des contenus, en particulier sur les réseaux sociaux, qui soutiendraient une campagne politique. Durant les futures périodes pré-électorales, Périclès suspendra-t-il ses financements à des organes qui, d’une manière ou d’une autre, pourraient instaurer une ambiance favorable à certains candidats, comme cela semble être votre ambition ?
M. Arnaud Rérolle. Comme je l’ai dit à de nombreuses reprises, nous nous conformons parfaitement à la loi ; nous la respectons et nous la respecterons. Le podcast Transmission propose des interviews d’intellectuels, qu’ils aient une grande notoriété ou qu’ils publient leur premier livre. Ses activités n’ont aucun lien direct ni indirect avec des campagnes électorales. De la même manière, Les films à l’arrache diffusent une série satirique sur l’état de notre société, qui ne me semble favorable ni de près ni de loin à un candidat ou à un camp politique. Telle en est ma vision à ce jour – mais si le législateur en décide autrement, nous nous y conformerons. Je le répète, nous respectons le code électoral et nous le respecterons évidemment dans tous les investissements et les soutiens que nous accorderons.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Si une personne était invitée dans une de ces émissions pour affirmer son soutien à un candidat, cela pourrait être considéré comme un financement détourné de campagne électorale.
M. Arnaud Rérolle. L’article de loi que vous évoquez concerne les publicités. Or nous ne payons pas de publicités pour les médias précités. Il est vrai que cela pourrait faire partie de nos soutiens : nous pourrions financer des publicités pour faire connaître un podcast, par exemple. Toutefois, nous accordons plutôt des dons non fléchés. Je comprends votre remarque, mais elle ne me semble pas s’appliquer en l’espèce. Encore une fois, nous respecterons la loi.
M. Antoine Léaument, rapporteur. La question a été évoquée avec la CNCCFP. Nous pourrions établir une distinction entre les influenceurs qui décideraient de s’investir dans le débat électoral – chacun fait ce qu’il veut – et ceux qui auraient été incités financièrement à prendre position pour un candidat.
M. Arnaud Rérolle. Le président de la CNCCFP a soulevé les difficultés liées plus particulièrement au dénigrement de candidats par des influenceurs.
Votre raisonnement pourrait vous amener à vous intéresser aux nombreuses associations qui reçoivent des subventions publiques et prennent explicitement position en faveur ou en défaveur d’un candidat pendant une campagne électorale – à l’occasion des législatives de 2024, certaines ont appelé à contrer un parti politique. Peut-être faudrait-il interdire le subventionnement public, en période électorale, d’associations proches de certaines organisations politiques – je vous invite à vous y intéresser, sans vous dicter naturellement la teneur de vos travaux.
Vous pourriez donc vous interroger sur les liens, notamment financiers, qui existent entre un écosystème associatif au sens large et des organisations politiques en temps de campagne électorale. Citons par exemple l’Institut La Boétie, qui est directement rattaché à La France insoumise et dont Jean-Luc Mélenchon est le coprésident. J’ignore s’il bénéficie de financements publics, mais il reçoit des dons défiscalisés qui dépassent les plafonds de financement de la vie politique. Je serais heureux que vous étendiez votre réflexion jusqu’à lui. Demain, des grandes fortunes ou des personnes morales, pour contourner la loi qui les empêche de financer un parti politique, pourraient décider de financer une fondation qui lui est rattachée. Nous pouvons donc nous interroger sur le lien que certaines associations ayant des messages explicitement politiques nouent avec des partis ou des organisations politiques. Il serait également opportun de s’intéresser aux associations subventionnées par le contribuable, à travers des fonds publics, dont des salariés agissent directement dans le cadre d’une campagne électorale – la presse a relaté des situations de ce type lors des législatives.
M. Antoine Léaument, rapporteur. La loi encadre déjà très fortement les instituts et autres think tanks qui sont directement liés à des partis politiques. Je vous retourne la question s’agissant du financement de la vie politique par des milliardaires, qui justifie votre convocation devant cette commission d’enquête.
Je souhaite que vous nous communiquiez les documents relatifs aux financements que Périclès accorde à des structures tierces, afin d’examiner si elles ont des liens proches ou lointains avec les élections.
En particulier, Périclès a-t-il participé au financement de l’association Viv(r)e la République, créée par Céline Pina, et du Centre européen de recherche et d’information sur le frérisme (Cerif), créé par Florence Bergeaud-Blackler ?
M. Arnaud Rérolle. Sauf erreur de ma part, ces deux organisations figurent sur notre site internet – j’en suis certain pour le Cerif, mais j’ai un léger doute pour Viv(r)e la République. À ma connaissance, nous avons financé ces deux associations.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Dans quel objectif ?
M. Arnaud Rérolle. Nous avons soutenu une quantité significative d’organisations et je n’ai pas en tête le détail exact de l’activité de chacune. Florence Bergeaud-Blackler mène des travaux particulièrement pertinents sur le frérisme et le danger que constitue l’influence des Frères musulmans. Rappelons qu’elle est menacée de mort et placée sous protection policière – nous parlions tout à l’heure d’insécurité, monsieur le rapporteur. Nous avons soutenu son initiative avec grand plaisir, parmi beaucoup d’autres, pour des montants qui n’ont rien à voir avec les projets que j’ai évoqués précédemment.
Concernant Viv(r)e la République, je crains de la confondre avec une autre organisation – mais puisque vous posez la question, vous pourrez m’éclairer sur son objet social.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Je n’ai pas davantage d’informations sur son objet social, mais vous pourrez le préciser dans les documents que vous nous communiquerez.
J’aborderai pour finir la question des ingérences étrangères. Outre les ingérences russes, le chef du service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum) nous a alertés d’ingérences possibles de M. Musk en France, visant à influencer le monde médiatique.
Par ailleurs, Périclès est-il membre du réseau Atlas ?
M. Arnaud Rérolle. Nous ne sommes pas membres du réseau Atlas, mais nous le connaissons et avons échangé avec lui une fois, me semble-t-il, il y a quelque temps. J’ignore en quoi consiste le fait d’en être membre – s’il s’agit par exemple de payer une cotisation ou d’entretenir des liens étroits ; ce n’est de toute façon pas notre cas. Atlas fait partie des organisations que nous avions identifiées et avec lesquelles nous avons échangé lors de notre lancement et de notre développement, comme avec des dizaines et des dizaines d’autres, mais nous n’avons pas de liens avec lui. Il organise un événement à Bruxelles en mai – si je ne dis pas de bêtises –, auquel il nous a invités ou auquel nous assisterons en tant que visiteurs – je crois qu’un membre de mon équipe s’y rendra.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Un article du New York Times paru en janvier 2025 relatait des échanges entre Périclès et les équipes de Donald Trump par le biais de M. Paul Manafort, qui vous aurait fait une proposition. Selon Le Nouvel Obs, les équipes de M. Manafort ont proposé « “de développer une campagne ultramoderne et multidimensionnelle” pour faire croître les partis de droite et d’extrême droite en France en mobilisant des tranches ciblées de l’électorat et en attaquant certains opposants ». Le confirmez-vous ? Avez-vous des liens avec M. Manafort et avez-vous répondu à sa proposition ?
M. Arnaud Rérolle. Je confirme avoir échangé avec Paul Manafort par l’intermédiaire d’un contact commun, à l’initiative de ce dernier – ni les équipes de M. Manafort ni moi-même ne sommes à l’origine de cette rencontre. Nous nous sommes vus pendant une heure – en novembre, me semble-t-il, en tout cas avant Noël – pour nous présenter nos activités respectives. À l’issue de ce rendez-vous, M. Manafort m’a indiqué qu’il me ferait une proposition commerciale ; je lui ai répondu qu’il pouvait me l’envoyer s’il le souhaitait. Je l’ai reçue en décembre, toujours avant Noël – je me souviens avoir échangé avec le journaliste du New York Times le soir du réveillon. Entre-temps, j’avais indiqué aux équipes de M. Manafort que sa proposition commerciale ne nous intéressait pas et qu’elle n’était pas adaptée à notre mode de fonctionnement. Je ne me souviens pas du détail de cette proposition, mais je me souviens qu’elle était inadéquate : elle ne correspondait ni à ce dont nous avions besoin, ni à nos objectifs de développement à court ou moyen terme. Depuis, nous n’avons plus eu d’échanges – nous n’y trouverions d’ailleurs pas un intérêt particulier, même si la discussion avait été intéressante. Il est toujours enrichissant de discuter avec des personnes qui ont joué un rôle dans le débat démocratique de leur pays ; c’est la raison pour laquelle j’avais accepté cette rencontre, comme je le fais systématiquement lorsque quelqu’un me propose d’échanger avec lui.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Cette proposition a-t-elle fait l’objet d’un document écrit que vous pourriez nous transmettre ?
M. Arnaud Rérolle. Elle a effectivement pris la forme d’un document ; encore une fois, je ne m’en souviens pas en détail.
M. Antoine Léaument, rapporteur. Nous dresserons la liste des documents que nous vous demanderons de nous communiquer. En l’occurrence, il serait intéressant de connaître la teneur de la proposition de l’ancien directeur de campagne de Donald Trump pour analyser les risques d’ingérence étrangère.
M. Pierre-Yves Cadalen, président. Nous vous remercions.
La séance s’achève à dix-neuf heures quarante.
Présents. – Mme Léa Balage El Mariky, M. Pierre-Yves Cadalen, M. Thomas Cazenave, M. Antoine Léaument, M. Maxime Michelet, M. Stéphane Rambaud
Assistait également à la réunion. – M. Benjamin Lucas-Lundy