Compte rendu

Commission d’enquête
visant à établir les freins à la réindustrialisation de la France

 Audition, ouverte à la presse, de M. Bruno Le Maire, ancien ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ancien député               2

– Présences en réunion................................23

 


Jeudi
12 juin 2025

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 53

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Charles Rodwell,
Président de la commission


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La séance est ouverte à neuf heures.

M. le président Charles Rodwell. Aujourd’hui nous allons entendre M. Bruno Le Maire. Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d’avoir répondu à notre invitation.

Votre parcours politique est connu de tous : entre 2006 et 2012, vous avez été successivement directeur de cabinet du Premier ministre, député de l’Eure, secrétaire d’État aux affaires européennes, puis ministre de l’agriculture et conseiller régional de Haute-Normandie. Plus récemment, de mai 2017 à septembre 2024, vous avez été ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Depuis lors, vous êtes devenu professeur invité au Centre Entreprise for Society à Lausanne et conseiller stratégique extérieur au sein du groupe néerlandais ASML, l’un des leaders mondiaux de la fabrication de machines pour l’industrie des semi-conducteurs.

Je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations. Pour ma part, j’indique que j’ai été votre collaborateur au ministère de l’économie et des finances.

Je vous rappelle que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite à lever la main droite et à dire « Je le jure ».

(M. Bruno Le Maire prête serment.)

M. Bruno Le Maire, ancien ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Je rappelle, après vous, que je suis conseiller spécial de l’entreprise néerlandaise Advanced Semiconductor Materials Lithography (ASML).

En quarante ans, la France est le pays qui a perdu le plus d’emplois industriels parmi les nations développées et qui a le plus délocalisé sa production. Les chiffres sont connus : 2,5 millions d’emplois industriels ont été perdus depuis 1974. La cause première de cette désindustrialisation est également connue, c’est le choc pétrolier de 1973 et la crise inflationniste qui en a résulté.

Ce choc aurait pu et aurait dû être surmonté s’il n’avait pas été accentué par la faillite des élites politiques et économiques de la nation. L’industrie française n’a pas subi que la mauvaise conjoncture, elle a payé le prix d’une invraisemblable accumulation d’erreurs économiques, financières et politiques, qui, en quarante ans, l’ont laminée : de la retraite à 60 ans à l’augmentation massive des impôts de production, du baccalauréat pour tous à la dévalorisation des filières industrielles, de l’acharnement contre la filière nucléaire au concept absurde d’industrie sans usines, tout a été fait par les élites économiques et politiques pour tuer notre industrie. Elles y sont parvenues ou presque. En quarante ans, la part de l’industrie dans la richesse nationale a été divisée par deux, alors qu’elle est restée stable en Italie et en Allemagne.

Cette tendance est-elle irréversible ? Nous avons montré en sept ans que tel n’était pas le cas. Avec le Président de la République et la majorité, nous avons prouvé que la réindustrialisation était possible. Les chiffres sont là et les faits sont têtus : depuis 2017, nous avons ouvert plus de 600 usines, nous avons développé de nouvelles filières industrielles comme les batteries électriques dans la vallée de la batterie dans la région de Dunkerque, nous avons créé 130 000 emplois industriels, nous avons revalorisé l’apprentissage, nous avons rapatrié les turbines Arabelle chez Alstom et nous avons relancé la filière nucléaire. Rien d’équivalent n’avait été fait en quarante ans : nous pouvons donc reconquérir des parts de marché industrielles si nous nous en donnons les moyens.

Du haut de mon expérience de sept années comme ministre de l’économie chargé de l’industrie ou de l’énergie, je peux vous assurer qu’il ne suffit pas de sauter sur sa chaise comme un cabri en criant « redressement productif » ou « réindustrialisation » pour qu’il se passe quelque chose. Il faut prendre des décisions. Certaines sont difficiles et lourdes. Autre impératif, ne pas changer de cap tous les quatre matins. C’est cette méthode que nous avons suivie entre 2017 et 2024. Les décisions que nous avons prises ont donné les résultats chiffrés dont je vous ai parlé.

Je constate avec un peu de tristesse que la remise en cause de ces décisions explique autant que la conjoncture le fait que la France de 2025 détruit à nouveau des emplois industriels. Des usines ferment à nouveau et le tissu productif, notamment celui des PME, s’affaiblit. Je veux profiter de cette audition pour le dire avec beaucoup de clarté : si nous ne réagissons pas vite et avec vigueur, certaines filières se retrouveront dans une situation critique. La filière automobile pourrait être rayée de la carte en quelques années si nous ne prenons pas les mesures nécessaires face à la concurrence chinoise.

Il n’y a pas de recette miracle pour la réindustrialisation, il faut simplement élaborer une stratégie et la déployer sur le long terme, qualité qui n’est pas la plus répandue dans la vie politique française. Cette stratégie doit faire l’objet d’un consensus national : elle doit être soutenue par nos compatriotes, elle ne peut pas être uniquement le produit des élites. Elle doit être appliquée pendant plusieurs décennies, non quelques mois ni même quelques années. Elle doit être définie à l’échelle nationale comme européenne, mais avant cela, il faut répondre à deux questions politiques majeures.

Voulons-nous être une nation de production ou de consommation ? Tous ceux qui défendent l’idée de la réindustrialisation n’ont pris que des décisions en faveur de la consommation et n’ont jamais eu le courage de prendre les décisions fiscales, financières et économiques nécessaires pour que la France soit une grande nation de production. Pour moi, notre pays a vocation à être une grande nation de production.

Voulons-nous que l’Union européenne (UE) soit un grand marché ou une puissance ? Je me suis toujours battu pour une Europe de la puissance face aux États-Unis et à la Chine.

Une fois que nous avons répondu à ces deux questions avec franchise, il convient de construire les piliers d’une stratégie nationale. Ils sont au nombre de quatre selon moi. Ce sont ceux que nous avons bâtis depuis 2017. Ils ont montré leur efficacité et, pour cette raison, ils doivent être rétablis et renforcés pour donner des résultats encore plus probants.

Le premier, c’est la compétitivité. Il n’y a pas d’industrie sans compétitivité. Il faut rentrer dans le monde réel et sortir des mots politiques, des déclarations à l’emporte-pièce et des positions idéologiques. Une usine doit être compétitive, car le marché et les concurrents ne font aucun cadeau. Quand on augmente les impôts de production comme l’ont fait mes adversaires politiques depuis des années, on ne peut pas prétendre vouloir réindustrialiser la France. Il n’est pas possible d’ouvrir la moindre usine avec des impôts de production sept fois plus élevés que ceux de nos concurrents allemands ou italiens. La baisse des impôts de production ne figurait pas dans le programme d’Emmanuel Macron, c’est moi qui lui ai proposé cette mesure en 2017. Nous avons appliqué cette décision contre tout le monde : les oppositions bien sûr, mais également une partie de la majorité et des élus régionaux. Personne ne voulait de cette mesure présentée comme un cadeau aux entreprises. Je persiste et je signe : sans augmentation des facilités financières des entreprises et sans diminution des impôts de production, il n’y a pas de réindustrialisation possible. Je suis favorable à la suppression définitive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), que j’ai fait baisser depuis 2017, et à celle de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Il ne faut pas toucher à la stabilité fiscale que j’ai défendue bec et ongles depuis 2017 en laissant notamment le taux de l’impôt sur les sociétés (IS) inchangé, même en période de crise. La remise en cause de notre politique de compétitivité fiscale est une faute économique et politique. La compétitivité fiscale n’est pas un cadeau aux entreprises, mais la condition sine qua non de la réindustrialisation de la nation française et le rattrapage de quarante ans de folie fiscale. La compétitivité réside également dans notre énergie nucléaire : il n’y a pas de réindustrialisation possible si on affaiblit le premier atout français, à savoir le nucléaire. Il est stupéfiant, consternant et révoltant d’entendre certaines forces politiques s’opposer à la relance du nucléaire et au développement de cette énergie sans laquelle il n’y a pas d’usine. Nous bénéficions d’une énergie décarbonée, sûre et bon marché. Qu’est-ce qui passe par la tête des gens qui veulent à la fois ouvrir des usines et renoncer au nucléaire ? Les seules personnes cohérentes sont celles qui défendent la décroissance et qui refusent le nucléaire, les usines et l’industrie, mais celles qui souhaitent relancer la production industrielle tout en augmentant les impôts de production et en rejetant le nucléaire ont un petit pois dans la tête.

Le deuxième pilier de la stratégie nationale doit être la productivité, à savoir la modernisation de notre outil industriel. La France a manqué la révolution de la robotique et a tenu, comme toujours, un discours idéologique et politicien qui ne résiste pas aux faits : on a entendu dire, dans des propos qui n’ont aucun lien avec l’économie, que les robots allaient détruire les emplois. C’est exactement l’inverse qui s’est produit, car en améliorant la productivité, les robots ont contribué à la création d’emplois. Il y a 180 robots pour 10 000 salariés en France, mais il y en a 300 en Allemagne. Des deux pays, lequel a réussi sa réindustrialisation ? Il n’y a pas de relance industrielle sans gain de productivité et il n’y aura pas de gain de productivité si nous ne réussissons pas la révolution de l’intelligence artificielle. Nous devons tout faire pour compenser la marche que nous avons manquée sur la robotique : dans cette optique, il convient d’accélérer le déploiement de la stratégie d’intelligence artificielle dans nos usines. Sans productivité, pas d’usine et sans usine, pas de réindustrialisation. Nous avons soutenu l’innovation dans le plan France 2030, qui, comme la stratégie d’intelligence artificielle (IA), est un instrument de reconquête de notre productivité et de notre industrie.

Le troisième pilier, c’est la formation. En la matière, les choix sont fondamentalement politiques. La revalorisation des métiers industriels est indispensable. Ces métiers sont formateurs, rémunérateurs et dignes. Je tiens à saluer tout le travail accompli au gouvernement par Roland Lescure et Gabriel Attal pour faire découvrir les métiers industriels, prévoir des stages en entreprise dès la classe de troisième et montrer ce qu’est la réalité actuelle de l’industrie. Ce secteur propose des métiers innovants, techniques, formateurs et bien rémunérés. Nous devons aller beaucoup plus loin dans ce domaine. Il faut revaloriser les filières professionnelles et en finir avec l’objectif absurde d’emmener 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat. Ce dessein est purement idéologique : il ne donne ni emplois, ni avenir, ni reconnaissance de la diversité des intelligences en France. Mon but n’est pas que 80 % d’une classe d’âge soit diplômée du baccalauréat, il est que 100 % d’une classe d’âge exerce un emploi qualifié, digne, intéressant et correspondant à l’intelligence de chacun. Ce sont ces combats idéologiques qu’il faut mener si nous voulons réussir la réindustrialisation de notre pays.

Enfin, le quatrième pilier de la stratégie repose sur les filières. La logique de filière doit guider nos choix. Nous n’allons pas relocaliser l’ensemble de la production manufacturière de la France du XIXe siècle : cela n’est ni possible, ni souhaitable. Il nous faut d’abord protéger l’existant et soutenir les filières d’excellence que sont l’aéronautique, la pharmacie ou le luxe. À ceux qui nous reprochent d’avoir trop dépensé pendant la pandémie de Covid, je dis que si nous n’avions pas protégé la filière aéronautique, ses sous-traitants, le secteur du luxe, celui des biotechnologies ou de la pharmacie, nous aurions perdu l’ensemble de notre base industrielle et la réindustrialisation serait impossible. Il était nécessaire et juste de soutenir les filières industrielles d’excellence. À côté de cette base, il convient de développer de nouvelles filières en faisant des choix : les batteries, l’hydrogène vert, le quantique et les semi-conducteurs. Dans ces secteurs, nous disposons d’atouts stratégiques pour réussir la relance industrielle française.

Cette stratégie nationale serait une perte de temps et d’argent si elle ne s’accompagnait d’une stratégie européenne. Je profite de cette audition pour vous parler avec toute la franchise et la liberté de celui qui n’est plus dans la vie politique : il serait totalement inutile de déployer une ambition industrielle nationale en y consacrant de l’argent et des moyens si nous ne gagnions pas certaines batailles européennes. Des batailles, j’en ai gagné au moins cinq : il convient maintenant d’en mener d’autres et de les remporter.

Nous avons gagné notre première bataille lorsque nous sommes parvenus à remettre au goût du jour l’expression « politique industrielle ». Au moment de ma nomination à Bercy en 2017, nos amis allemands ne voulaient pas entendre parler de politique industrielle, pas plus que la Commission européenne pour qui ces mots sentaient trop le colbertisme et l’industrie à la française. Finalement, chacun s’est rendu à l’évidence : la Chine et les États-Unis suivent pendant dix, quinze ou vingt ans une stratégie industrielle et cette approche donne des résultats. Une politique industrielle européenne est indispensable et je suis fier d’avoir été le premier, avec l’ancien ministre allemand Peter Altmaier, à avoir remis ces termes au goût du jour, notamment dans le Manifeste franco-allemand pour une politique industrielle européenne au XXIe siècle, que nous avons publié en 2019. Nous ne résisterons pas à la planification militaire chinoise sans une stratégie industrielle européenne de long terme.

La deuxième bataille que nous avons remportée est celle du nucléaire. Celui-ci n’était pas considéré comme une énergie décarbonée en 2017. Nous avons livré, notamment avec Agnès Pannier-Runacher, une bataille farouche. Nous avons gagné ce combat et sommes parvenus à faire inclure le nucléaire dans la taxonomie européenne des énergies décarbonées. Au-delà de ces éléments techniques auxquels personne ne comprend rien, l’enjeu est d’obtenir ou non de l’argent pour le nucléaire. Si celui-ci était resté hors du périmètre des énergies reconnues comme décarbonées, aucune banque ni aucun fonds d’investissement ne l’aurait soutenu. L’inscription dans la catégorie des énergies décarbonées ouvre l’accès aux financements. Cette victoire fut donc décisive pour l’avenir de la filière nucléaire française.

La troisième victoire que nous avons obtenue a trait aux subventions publiques. Je me suis battu pendant des années pour que la Commission européenne accepte que l’État français, allemand ou italien puisse subventionner son industrie comme la Chine a massivement subventionné la sienne ou comme les États-Unis le font puissamment à travers l’Inflation Reduction Act promulguée le 16 août 2022. J’ai obtenu, notamment avec les projets importants d’intérêt européen commun (Piiec), que nous puissions déployer des dispositifs de subvention de l’industrie, notamment des industries naissantes. Sans ces aides, il n’y aurait pas eu de filière de batteries dans le Nord de la France. Dans la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, nous avons utilisé la faculté accordée par la Commission.

La quatrième bataille que nous avons gagnée concerne la protection du marché. L’idée selon laquelle il est possible de gagner la bataille industrielle uniquement dans le cadre d’un marché libre et ouvert ne résiste pas à la réalité des faits, car les autres ne respectent pas les règles du jeu. Si l’Union européenne est la seule à les respecter, elle se fera éliminer. Cette menace plane au-dessus de l’UE. Je suis très favorable aux règles du jeu, mais je veux que tout le monde les respecte, la Chine comme les États-Unis. Nous avons naïvement cru que la Chine allait respecter les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) après son entrée dans cette institution : elle n’en a respecté aucune. Elle les a toutes contournées et a massivement subventionné l’émergence de filières industrielles, avec un succès que je salue, notamment avec les véhicules électriques. C’est stupéfiant ce qu’a fait la Chine, mais elle ne s’est pas embarrassée des règles de l’OMC. Je suis fier d’avoir obtenu cette victoire pour que l’Europe apprenne à se protéger et à défendre ses intérêts, ses usines, ses industries, ses ouvriers, ses ingénieurs et ses habitants et délaisse la seule défense d’une idéologie. Voilà ce que nous attendons de l’UE ! Nous défendre nous et non une idéologie. Le combat pour l’application de droits de douane sur l’importation de véhicules électriques chinois fut difficile, mais nous l’avons gagné. Ces droits de douane sont justes, car les véhicules chinois ont bénéficié de subventions pendant quinze ans. Ils ne suffiront pas, mais il ne faut pas non plus entrer dans une guerre commerciale avec la Chine. Rétablir l’équité est en revanche le rôle et l’honneur de la politique. Je suis fier d’avoir obtenu le déploiement de mesures de protection douanière contre la concurrence inéquitable que nous livre l’industrie chinoise.

Enfin, la dernière bataille porte sur la simplification des règles. Nous avons obtenu la simplification et le report de l’application de la directive du 14 décembre 2022 relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises ou Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) ainsi que la conduite d’un examen global de la politique normative de la Commission européenne : tout cela va dans la bonne direction.

Aucune réindustrialisation n’est possible sans livrer ces batailles européennes.

Pour la première fois depuis quarante ans, nous avons arrêté l’hémorragie industrielle nationale et relancé notre production industrielle. La fierté que j’éprouve après sept ans passés à Bercy tient aux ouvertures d’usines et aux créations d’emplois industriels. Est-ce suffisant ? Non. Fragile ? Oui. C’est même très fragile. Il faut être lucide : on ne revient pas sur quarante ans d’erreurs politiques, économiques et financières en sept ans. C’est une affaire de plusieurs décennies. La concurrence chinoise explose et notre partenaire américain se montre agressif, notamment depuis la loi sur la réduction de l’inflation, adoptée au début de la guerre en Ukraine quand les prix de l’énergie explosaient. Dans ce contexte, des pans entiers de l’industrie européenne sont menacés de disparition : l’acier, l’automobile et la chimie sont en danger. Dans les années 1990, la Chine ne produisait aucune voiture ; en 2025, elle fabrique 30 millions des 80 millions de véhicules produits dans le monde, c’est vous dire le caractère vertigineux de l’expansion industrielle chinoise. La Chine produit plus de 50 % des biens manufacturés de la planète : c’est la première fois dans l’histoire qu’un pays dépasse ce seuil, même les États-Unis n’y étaient pas parvenus.

La première vertu politique est la lucidité : soyons conscients de la nécessité d’accélérer et d’amplifier massivement nos efforts, afin d’obtenir des résultats. Je lance un appel pressant à la constance de notre politique industrielle nationale, à la baisse des impôts de production, à la stabilité fiscale et à la permanence de l’environnement économique national. Je lance également un appel pressant à la poursuite de la simplification des règles nationales, notamment par la suppression de certaines commissions qui empêchent l’ouverture d’usines et la mise à disposition de sites et de terrains industriels dont nous avons besoin. Je lance enfin un appel pressant à la démultiplication des efforts européens, à l’instauration immédiate de l’union des marchés de capitaux, seule à même d’apporter les financements nécessaires à notre industrie, au développement de filières comme celle des semi-conducteurs, à la protection de notre marché et à la simplification des normes. Sans cette prise de conscience et sans ces décisions, l’avenir de l’industrie européenne et française au XXIe siècle est menacé.

M. le président Charles Rodwell. À l’occasion de l’examen du dernier projet loi de finances (PLF), plusieurs groupes politiques ont appelé à vaincre la politique de l’offre, mettant en cause ce qui a été bâti depuis sept ans : la stabilité fiscale et la baisse des impôts. Faut-il poursuivre coûte que coûte la politique de l’offre, et quelle forme devra-t-elle prendre dans les années à venir ?

J’en viens au financement de la protection sociale et des retraites. Un régime de retraite par capitalisation éviterait de faire peser sur les générations futures un système par répartition devenu hors de contrôle. Ce serait l’occasion de créer des fonds de pension français et européens pour financer notre industrie. Quel regard portez-vous, d’un point de vue théorique, philosophique et politique, sur un tel système qui permettrait de financer à la fois la retraite de ceux qui la méritent – tous les Français, notamment ceux qui travaillent – et notre industrie ?

M. Bruno Le Maire. La notion de politique de l’offre n’est pas comprise. Je n’y mets aucune idéologie, j’ai simplement une vision d’avenir pour mon pays, que j’ai défendue pendant vingt-cinq ans d’engagement politique pour la France et les Français, comme ministre de l’agriculture et de l’économie, entre autres. Je crois à la production nationale. Il n’y a pas de grande nation sans production agricole et manufacturière. À l’heure où le risque de retour des pandémies est élevé, où les chaînes de valeur se réorganisent à vitesse accélérée, où l’Union européenne est prise en étau entre la Chine et les États-Unis, nous avons besoin d’usines et d’une production manufacturière et agricole indépendante. Nous devons créer de la valeur sur le territoire national et européen. Appelez cela comme vous voulez, politique de l’offre ou autre – à vrai dire, je m’en fous. Je n’y mets aucune idéologie, seul le résultat compte. On ne peut pas garantir un avenir serein à nos compatriotes sans ouvrir des débouchés bien plus larges en matière d’emploi, de créativité, d’innovation et de création de valeur.

Prenez la filière des batteries électriques. La partie n’est pas encore gagnée, je le dis avec lucidité – voyez ce qui est arrivé à certaines grandes entreprises du secteur. Il n’en reste pas moins qu’à côté de Dunkerque, ACC ouvre une usine de plusieurs milliers de mètres carrés avec des machines, des ouvriers, des ingénieurs, des techniciens de maintenance : c’est bon pour le pays, c’est bon pour le bassin dunkerquois et c’est bon pour l’avenir de la nation. Quand vous ouvrez des installations d’électrolyse pour produire de l’hydrogène, vous créez des emplois qualifiés et bien rémunérés. Quand vous créez de nouveaux réacteurs nucléaires, que vous mettez en service des réacteurs pressurisés européens ou European Pressurized Reactors (EPR), que vous travaillez sur des réacteurs de nouvelle génération ou sur la fusion nucléaire, c’est toute une filière, de l’ouvrier jusqu’à l’ingénieur le plus qualifié, du chaudronnier jusqu’au scientifique en physique nucléaire, qui trouve une place dans la société et qui permet à la France de réussir. Il y a des conditions à cela, car la compétition fait rage. Ces conditions découlent de la politique qui est menée – appelez-la politique de l’offre, politique industrielle, politique de production nationale, comme vous voulez, ce sont simplement des faits et une réalité.

Il faut être compétitif sur le plan fiscal. Il faut pouvoir ouvrir des usines rapidement, car le temps est absolument décisif. Qu’est-ce qui justifie qu’une commission nationale du débat public (CNDP) allonge les délais de quatre à six mois ? Je suis favorable à la suppression de cette commission pour accélérer le développement industriel. Les autres nations n’ont pas ce type de contrainte, et on peut parfaitement avoir un débat sans CNDP. Il faut que nous simplifiions nos règles, que nous formions et que nous garantissions l’avenir d’une énergie décarbonée à bas coût. C’est ça, la politique de l’offre : c’est tout simplement réunir les conditions nécessaires pour rester une nation de production. Je défends depuis vingt-cinq ans l’idée que la France est fondamentalement, dans sa culture, dans ses tripes, une nation qui aime produire et créer, pas uniquement une nation de consommateurs. Tant que je pourrai m’exprimer publiquement, je défendrai l’idée d’une nation française qui crée, qui produit et qui invente.

Vous m’interrogez sur la capitalisation ; j’ai vu qu’elle était à la mode – très bien. J’ai défendu cette option dans un ouvrage, La Voie française, publié début 2024 ; vous ne serez donc pas surpris d’entendre que j’y suis favorable. Parlons très simplement : peut-on permettre aux gens de mettre de l’argent de côté pour préparer le mieux possible leur retraite ? Je me méfie de tous ces mots auxquels les gens ne comprennent pas forcément grand-chose – moi-même, par moments, je pense qu’on peut être trompé par les mots.

Tout d’abord, la capitalisation existe déjà, notamment pour les fonctionnaires. Je ne vois pas pourquoi on n’ouvrirait pas cette possibilité à l’ensemble des Français. Ensuite, l’outil de capitalisation qu’est le plan d’épargne retraite (PER), que nous avons instauré – vous étiez à l’époque mon conseiller, monsieur le président – a été un immense succès : on a simplifié les règles, on lui a donné un avantage fiscal – je me suis battu pour cela contre mes services – et on a laissé la possibilité à l’ensemble des citoyens de le toucher sous forme de rente ou de capital. C’est un énorme succès, et c’est une forme de capitalisation. Encore une fois, il s’agit de permettre à chacun de mettre de l’argent de côté pour préparer sa retraite.

Je suis même favorable à ce qu’on mette à la disposition de chaque Français, à sa naissance, un produit d’épargne qui pourrait être abondé d’abord par l’État, ensuite par les parents jusqu’à la majorité de l’enfant, puis par la personne qui travaille, avec des conditions fiscales très attractives, pour faire grandir un pécule année après année en profitant des meilleurs rendements, qu’on ne trouve que sur les marchés. Ce pécule pourrait être libéré au moment de la retraite, sauf accident de la vie. Je ne vois pas pourquoi les meilleurs rendements seraient réservés aux investisseurs privés et pas aux citoyens. Je veux que les citoyens aient le meilleur.

Tout cela permettra de favoriser le financement de notre industrie. C’est vertueux pour les citoyens et pour notre économie.

M. le président Charles Rodwell. Pouvez-vous revenir sur la réponse que vous avez apportée à la crise du Covid ? Ceux qui vous reprochent aujourd’hui d’avoir investi l’argent des Français pour sauver l’industrie soutenaient unanimement, à l’époque, la politique que vous meniez face à cette crise. Pouvez-vous expliciter la stratégie qui était la vôtre, mais aussi votre politique d’investissement après la crise, avec les plans France relance et France 2030 ?

M. Bruno Le Maire. Je pense au chef d’une très grande entreprise qui est venu me voir trois fois dans mon bureau pendant la crise du Covid pour me dire : « Vous ne donnez pas assez, vos dispositifs ne sont pas assez généreux, on ne va pas s’en sortir. L’État doit prendre en charge non pas 90 % mais 100 % du chômage partiel. L’industrie est menacée, vous devez être beaucoup plus généreux ; il faut déplafonner les aides directes à l’industrie. On veut des prêts garantis par l’État (PGE) à taux zéro... » Je me souviens de cette personne ; je la revois en face de moi. C’est la même que j’ai retrouvée avec étonnement un matin, sur une chaîne d’information grand public, disant que ce qu’avait fait M. Le Maire était scandaleux, qu’il avait trop dépensé pendant la crise du Covid et qu’il avait ruiné le pays. Il faut le prendre avec philosophie. C’est le charme de la vie politique : on dit tout et son contraire et on retourne rapidement sa veste. Ceux qui vous reprochaient hier d’être trop économe vous accusent le lendemain d’avoir été trop dépensier.

J’estime que nous avons fait ce qui était nécessaire pendant la crise du Covid. L’enjeu était très simple : laisserions-nous disparaître les filières industrielles françaises ? Prenons l’exemple de l’aéronautique, sujet de préoccupation majeur : elle n’arrivait plus à se fournir en titane. Les éponges de titane venaient de Russie, et tout à coup, il n’y en avait plus. Il n’y avait plus de ventes d’Airbus. Tous les sous-traitants et tout l’écosystème étaient menacés, en Normandie – j’y tiens particulièrement – et en Occitanie. Or une fois que cela a disparu, cela ne rouvre jamais. Je l’ai appris quand j’étais ministre de l’agriculture : lorsqu’une ferme disparaît, c’est pour toujours. Il faut tout faire pour protéger la production face aux crises. Ce que nous avons fait était juste et nécessaire : notre stratégie était de protéger la base industrielle française.

Sur les 100 milliards d’euros du plan France relance, plus de 10 milliards ont été consacrés aux PME industrielles. Dans de nombreux domaines – médicaments, biotechnologies, matériaux de base, etc. –, cela a permis de relancer la production industrielle.

Le plan France 2030 est aussi une très bonne initiative, mais il doit être exclusivement consacré à l’industrie et à l’innovation. Comme toujours en France, on a cédé à la tentation de saupoudrer quelques dizaines de millions d’euros ici ou là, à des filières qui n’en avaient pas nécessairement besoin. Cibler et choisir, c’est aussi la clé d’une bonne politique industrielle. De ce point de vue, France 2030, plan remarquable et nécessaire, aurait intérêt à cibler l’industrie et l’innovation.

M. le président Charles Rodwell. Je voudrais évoquer le financement de l’industrie européenne, sous l’angle de la dette commune – grand combat mené face à la crise du Covid – et du produit d’épargne européen créé il y a quelques années. Que pensez-vous du fonctionnement de ces outils ? Ont-ils répondu à leurs objectifs de financement ?

Vous avez exposé votre vision des industries européennes et avez insisté sur la nécessité de planifier la politique industrielle pour faire face à la Chine et aux États-Unis. Considérez-vous que les alliances industrielles incarnées par les Piiec sont à la hauteur des enjeux ? Comment les intensifier et les développer ?

M. Bruno Le Maire. Je me suis battu pendant sept ans pour créer une union des marchés de capitaux, et nous n’y sommes pas arrivés. J’ai peur que nous ne soyons toujours pas dans la bonne direction. C’est un handicap majeur pour la réindustrialisation européenne. La raison est très simple : l’industrie, ça coûte très cher et ça consomme énormément de capital. Quand vous ouvrez une usine automobile, il faut acheter le terrain, construire les bâtiments, acquérir des machines très coûteuses, monter des chaînes de production, recruter des ingénieurs, des techniciens et des ouvriers. Tout cela est intensément capitalistique. Sans union des marchés de capitaux, l’Europe ne gagnera pas la bataille industrielle. J’irais même plus loin : sans union des marchés de capitaux, l’Europe perdra son industrie. Pour garder une industrie, il faut innover et avoir des produits à forte valeur ajoutée. Or l’innovation a besoin de financement.

Ce financement, on le trouve aux États-Unis, en Chine et dans les pays du Golfe, mais pas sur le marché européen, parce qu’il est fragmenté. Il n’y a pas de marché unique, c’est une illusion ; on emploie des mots qui ne correspondent pas à la réalité. Il y a un marché unique des consommateurs, mais pas de marché unique financier : il y a vingt-sept marchés financiers différents. Vous pouvez lever du capital à Paris, Berlin, Francfort ou Rome, mais vous ne le levez pas au niveau européen parce que les règles du financement et des faillites ne sont pas les mêmes partout, et qu’il n’y a pas d’union des marchés de capitaux. C’est une urgence vitale absolue.

Prenez les semi-conducteurs – j’y suis très attaché. L’Europe en veut-elle, oui ou non ? Les semi-conducteurs sont le pétrole du XXIe siècle : si vous en avez, vous êtes puissant ; si vous n’en avez pas, vous êtes hors-jeu, parce qu’ils sont partout – dans le micro qui est devant moi, dans les iPhones, les portables, les éclairages, les voitures, les avions, les satellites, les fusées, la domotique... Ils font tourner le monde. Sans eux, vous êtes hors circuit.

Comment nous en doter ? De quels atouts disposons-nous, et qu’est-ce qui est réaliste ? La première stratégie européenne en la matière, le règlement du 13 septembre 2023 établissant un cadre de mesures pour renforcer l’écosystème européen des semi-conducteurs dit « European Chips Act », visait 20 % de parts de marché d’ici à dix ans. C’est n’importe quoi. Si nous atteignons 9 % à 10 % dans les semi-conducteurs, ce sera déjà très bien. On doit se fixer un objectif de 10 %. Pour que cette stratégie réussisse, il faut avoir accès aux terres rares qui entrent dans la composition des semi-conducteurs, se doter d’outils de production et de diffusion et avoir des clients.

Autre question, l’Europe veut-elle accéder aux semi-conducteurs les plus avancés ou garder ceux de 35 nanomètres qu’utilise l’industrie automobile ? J’ai la ferme conviction qu’une stratégie efficace suppose d’accéder aux semi-conducteurs de 2 nanomètres, qui permettront de miniaturiser les iPhones et seront indispensables dans l’industrie de défense. Cela suppose de faire venir en Europe une entreprise taïwanaise comme Taïwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC).

Au cas où cela vous aurait échappé, la première personne que le président Donald Trump a reçue dans le Bureau ovale est le patron de TSMC. Ce n’est pas un hasard. Les Américains ont parfaitement compris l’enjeu stratégique majeur que représentent les semi-conducteurs. Ils savent que s’ils ont gagné un certain nombre de guerres ces quarante dernières années, c’est parce qu’ils ont équipé leurs missiles et leur défense en semi-conducteurs de pointe. Il n’y aura pas d’industrie de défense européenne – pas d’industrie tout court – si nous ne gagnons pas la bataille des semi-conducteurs. Le développement de capacités de production de semi-conducteurs à la fois généraux, pour l’industrie automobile, et de pointe, pour l’industrie de défense, coûterait selon mes estimations 50 à 100 milliards d’euros par an. Sans union des marchés de capitaux, sans la possibilité de lever de telles sommes, vous êtes hors-jeu – imaginez quelqu’un qui voudrait acheter un appartement de 200 mètres carrés à plusieurs millions d’euros, mais qui n’aurait pas le premier sou et pas davantage de banquiers : ça ne peut pas marcher. C’est exactement la même chose pour les semi-conducteurs. Ils sont, pour moi, une des deux ou trois filières critiques dans lesquelles l’Union européenne doit s’engager, ce qui suppose un financement européen et une union des marchés de capitaux.

Les Piiec sont un bon début, mais ce n’est pas suffisant : ils sont trop compliqués et trop lents. Vu la vitesse à laquelle avancent la Chine et les États-Unis, il y a urgence à simplifier et à accélérer la mise en œuvre des Piiec.

Je veux vous redire à quel point je suis préoccupé par l’industrie automobile. Le secteur va très, très vite. Il y a urgence à permettre à notre industrie automobile de réussir dans un environnement concurrentiel devenu féroce. Au-delà des Piiec, il est indispensable de repenser la stratégie de l’industrie automobile. Regardons les faits en face : l’industrie, c’est des faits et des chiffres ; c’est la brutalité du réel. Les véhicules électriques occupent 18 % de parts de marché, très loin des objectifs. Nous ne tiendrons pas l’objectif de 2035. Lors de la clause de révision de 2026, nous devrons étudier les options qui permettront à notre industrie automobile de réussir. Nous ne pouvons pas rester les deux pieds dans le même sabot et nous focaliser sur 100 % de véhicules électriques en 2035 sans rien faire d’autre : c’est du dogmatisme, quand il faut du pragmatisme.

Je suis persuadé que l’Union européenne peut réussir sa transition vers le véhicule électrique, mais nous sommes en train de dévier de nos objectifs et nous devons corriger le tir avant que la fusée se crashe. Faut-il, par exemple, redonner une marge de manœuvre à l’hybride rechargeable ? Pourquoi pas. Je n’ai pas la solution ; je ne suis pas un industriel automobile comme Luca de Meo, mais j’ai mes idées sur le sujet et je considère qu’il faut ouvrir et diversifier les options – hybride rechargeable, véhicules autonomes jusqu’à 150 kilomètres… – pour tenir notre stratégie de décarbonation sans affaiblir l’industrie automobile ni remettre en cause le calendrier.

M. Alexandre Loubet, rapporteur. Ma première série de questions porte sur le versant industriel de la politique économique que vous avez conduite pendant près de sept ans.

Pourquoi avez-vous refusé de développer les contrats de filière, dont Arnaud Montebourg a fait l’éloge ici même ?

Avec le recul, ne croyez-vous pas que le plan France 2030 – consacré aux innovations de rupture, à l’aide à la décarbonation et au soutien d’acteurs émergents – aurait dû être rééquilibré au profit de notre socle industriel, composé de PME et d’ETI ?

Enfin, force est de constater que les entreprises peinent à s’acquitter des PGE qui leur ont été accordés pour faire face à la crise du Covid ; l’encours restant à rembourser s’élève à 32 milliards. Êtes-vous favorable, comme Arnaud Montebourg notamment, à un allongement à dix ans du délai de remboursement de ces prêts, voire, pour les entreprises les plus en difficulté, à leur conversion en fonds propres ?

M. Bruno Le Maire. Je crois aux stratégies de filière, qui me paraissent plus efficaces que des obligations imposées aux industriels et aux sous-traitants.

Quant à France 2030, il me paraît nécessaire de recentrer ses investissements sur les priorités industrielles. Lorsqu’on met 54 milliards à la disposition de l’économie, tout le monde vient toquer à la porte dans l’espoir de profiter des miettes du festin, mais il faut être ferme. Je fais confiance aux responsables de ce programme pour maintenir la priorité donnée à l’industrie et à l’innovation industrielle.

J’ai accordé aux emprunteurs une année supplémentaire pour rembourser les PGE. La conversion des prêts en fonds propres est compliquée. Mais il faut examiner les situations au cas par cas, de manière très pragmatique. Si une entreprise appartenant à une filière industrielle importante est menacée en raison du remboursement de son PGE, on doit pouvoir trouver une solution.

M. Alexandre Loubet, rapporteur. La filière automobile est en grande difficulté. La Plateforme automobile (PFA) estime que, dans les dix années à venir, près de 100 000 emplois industriels seront supprimés. L’interdiction, à compter de 2035, de la vente de véhicules à moteur thermique est une des raisons majeures de ces difficultés. Votre position semble avoir évolué depuis votre approbation, en tant que ministre de l’économie, de cette interdiction européenne. Votre décision a-t-elle été précédée d’une étude d’impact prenant en compte la situation de l’emploi ? Par ailleurs, l’inclusion des moteurs hybrides dans les technologies autorisées à partir de 2035 vous semble-t-elle une piste intéressante pour assouplir cette interdiction ?

Vous estimez par ailleurs que le report de cette dernière est envisageable. Beaucoup d’acteurs de la filière automobile reconnaissent en privé qu’il est impossible de tenir ce cap, mais ils tiennent un tout autre discours en public, notamment devant des autorités ministérielles. Partagez-vous ce constat ?

M. Bruno Le Maire. J’ai beaucoup de défauts, mais je n’ai qu’une seule parole. Je peux me tromper ; je ne mens pas. En l’espèce, en privé comme en public, j’exprime ma très vive inquiétude quant à la situation de l’industrie automobile française et européenne. Je souhaite que l’on ouvre les yeux, en France comme en Allemagne – j’étais à Berlin récemment, notre partenaire doit ouvrir ses yeux ; l’industrie automobile allemande nourrit parfois un sentiment de supériorité, mais elle est tout aussi menacée que la nôtre. Le fait est que nous basculons d’un monde vers un autre.

Le monde du véhicule thermique avait deux caractéristiques. Premièrement, l’Europe était la seule à maîtriser à ce point la production de ce type de moteur, que la Chine n’a jamais su fabriquer. Deuxièmement, il suffit de visiter une usine de véhicules thermiques pour constater que les ouvriers y sont nombreux, qu’elle est équipée de chaînes de montage, recourt à des sous-traitants, utilise toutes sortes de pièces détachées… L’usine de véhicules électriques, quant à elle, s’apparente à une clinique : c’est simple, dépouillé, économique. Tant mieux pour le climat et l’innovation, mais il faut avoir conscience que le nombre d’emplois n’y est pas le même, non plus que les marges, et que cette industrie doit faire face à d’autres complexités, qui se situent en amont – je pense notamment aux batteries.

La révolution est totale. Alors que nous étions dans une situation de quasi-monopole, nous sommes désormais distancés par la Chine, et l’industrie automobile sera beaucoup moins productrice d’emplois qu’auparavant.

Qu’est-ce qu’une voiture aujourd’hui ? Je vais m’attarder sur ce point, car l’enjeu est vital pour les 14 millions d’Européens qui travaillent dans cette industrie, parmi lesquels des centaines de milliers de nos compatriotes. Peu importe à la génération qui vient qu’une voiture soit équipée d’un super moteur et soit très rapide : elle est un lieu de distraction ou de travail. Les écrans doivent donc être le plus larges et les sièges le plus confortables possible, la domotique être de grande qualité ; elle doit être équipée d’une technologie de pointe, des meilleurs haut-parleurs et son autonomie doit être garantie. Or, qu’il s’agisse de la technologie embarquée ou de l’autonomie du véhicule, nous sommes totalement largués ! Il suffit de visiter une usine BYD à Shenzen pour le comprendre. Parce que nous devons garder notre esprit de conquête et d’innovation, nous devons comprendre que le véhicule de demain ne sera pas ce qu’il était hier.

J’en viens aux choix de la Commission européenne. Si nous avons remporté des victoires – en matière de politique industrielle, de soutien aux subventions publiques et d’énergie nucléaire –, nous avons également, je le reconnais humblement, essuyé des défaites, en particulier sur la question de la neutralité technologique. Je n’ai jamais été partisan d’une bascule vers le véhicule électrique en 2035. Je considérais en effet qu’il fallait laisser aux constructeurs la liberté du choix, pourvu que nous parvenions à supprimer nos émissions de CO2. Mais nous avons été battus, pour une raison qui peut se comprendre. On a en effet estimé, à la suite du scandale Volkswagen, qu’on ne pouvait plus faire confiance aux constructeurs en matière de neutralité technologique. La Commission a donc pris la décision – qui, à mon sens, n’est pas bonne pour l’industrie automobile – d’imposer une seule technologie, celle du véhicule électrique.

Comment peut-on corriger le tir ? Je ne suis pas favorable au report de l’interdiction à une date postérieure à 2035 – je peux me tromper, mais c’est ma conviction – mais, et je vous rejoins sur ce point, à ce que l’on ouvre les options, notamment à l’hybride rechargeable.

Par ailleurs, nous devons être cohérents au niveau national. Je me suis battu pendant des années pour maintenir le montant de l’aide à l’achat de véhicules électriques. Or tout a été transformé et compliqué, au point qu’une chatte n’y retrouverait plus ses petits. Ainsi, l’hybride rechargeable, qui pouvait bénéficier d’un bonus il y a quelques mois, peut désormais être frappé d’un malus du fait du poids du véhicule. Stabilité et simplicité : telles doivent être les caractéristiques du soutien à la filière du véhicule électrique. C’est vital ! J’ai indiqué que nous étions en partie responsables, du fait de mauvaises décisions fiscales – l’augmentation des impôts et la remise en cause de certains choix en matière de soutien au véhicule électrique –, de la situation actuelle de l’industrie automobile. Je persiste et je signe ! Je le dis de manière amicale, car il faut corriger le tir et revenir à une politique favorable à l’industrie automobile, notamment au véhicule électrique. Lorsqu’il était ministre des finances de l’Allemagne, mon ami Christian Lindner avait décidé, pour rétablir les comptes, de baisser drastiquement le soutien à l’achat de véhicules électriques allemands. La demande s’est effondrée de 30 % ! Si les pouvoirs publics ne garantissent pas la stabilité de la politique d’aide, il y a fort à parier que l’on ne vendra pas beaucoup de véhicules dans les concessions.

En résumé, je suis favorable au maintien de la date, à l’élargissement des options et à la stabilité de la politique fiscale appliquée au consommateur, afin que l’Europe réussisse sa transition vers le véhicule décarboné.

Puisque nous sommes ici pour nous dire les choses avec franchise, dans l’intérêt général – je vous remercie, du reste, d’avoir créé cette commission d’enquête particulièrement opportune –, j’ajoute que nous ne parviendrons pas à maintenir notre industrie automobile, c’est-à-dire un nombre d’emplois significatif et un volume de construction important, si la France et l’Europe n’accueillent pas de constructeurs étrangers. Je rappelle, du reste, quitte à froisser l’orgueil national, que c’est Toyota qui produit le plus grand nombre de véhicules en France. Et pour cause : cette entreprise a adopté, notamment sur l’hybride rechargeable, une stratégie que tout le monde a moquée en son temps mais qui était la bonne. Je rends hommage au président de Toyota, dont les choix ont été couronnés de succès. Les faits sont têtus : on peut critiquer ses véhicules, mais ils sont vendus.

Nous n’aurons pas d’autre choix que celui de faire venir des constructeurs chinois en Europe. Ayons l’humilité et la lucidité de reconnaître qu’en matière d’industrie automobile, nous devrons nous inspirer d’eux et les copier, comme ils l’ont fait dans d’autres domaines au siècle dernier. Mais ils doivent venir à nos conditions. Par un renversement de l’histoire spectaculaire et vertigineux, nous devrons leur imposer au XXIe siècle ce que la Chine a imposé aux industriels européens au XXe siècle ; je pense aux joint-ventures, aux transferts de technologies et au contenu local. Si BYD vient en Europe, il faut lui réclamer des transferts de technologies et lui imposer de recourir à nos sous-traitants, comme le font les Chinois lorsqu’Airbus, par exemple, s’implante chez eux.

Toutes les illusions doivent tomber, tant l’enjeu économique et humain est important. La responsabilité politique consiste à voir les choses avec lucidité : nous ne nous en sortirons pas seuls. Nous devons donc mener une politique beaucoup plus offensive et étudier la manière dont nous pouvons travailler avec la Chine sur le futur de l’industrie automobile.

M. Alexandre Loubet, rapporteur. L’avantage que les allégements fiscaux de près de 30 milliards d’euros que vous avez décidés auraient pu procurer à la compétitivité des entreprises françaises n’a-t-il pas été neutralisé par le coût d’application des normes européennes, estimé à 40 milliards dans le rapport de Mario Draghi sur l’avenir de la compétitivité européenne du 9 septembre 2024 et, pour les entreprises françaises, à 20 milliards par la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap) ?

Quelle est la position que vous défendiez au nom de la France en tant que ministre de l’économie lorsque l’Union européenne débattait de la directive sur le devoir de vigilance, qui inquiète beaucoup les industriels ?

Le groupe Rassemblement national s’est fermement opposé à la transposition de la CSRD, que nous jugions prématurée et nocive pour la compétitivité de nos entreprises. Regrettez-vous que la France ait été le premier pays à l’avoir transposée, alors que son application représente cette année pour nos entreprises un coût estimé à environ 4,7 milliards ?

Enfin, vous et votre majorité vous étiez opposés à un amendement que nous avions déposé sur le projet de loi relative à l’industrie verte afin de supprimer la CNDP. En effet, une telle instance, coûteuse et parfois idéologisée, ne nous semble pas nécessaire à l’organisation de débats. Pour quelles raisons avez-vous changé d’avis sur ce point ?

M. Bruno Le Maire. Permettez-moi d’apporter une petite rectification. J’avais moi-même proposé de supprimer la CNDP dans le cadre de l’avant-projet de loi relative à l’industrie verte. Mais cette proposition n’a pas été retenue par le gouvernement. Je suis favorable, je le redis, à la suppression de cette commission : on peut parfaitement organiser des consultations sans qu’un délai de quatre à six mois soit imposé par un organisme dont la justification et la pertinence ne me semblent pas convaincantes. Il faut savoir ce que nous voulons et prendre la mesure de la compétition féroce et brutale dans laquelle nous sommes engagés avec la Chine et les États-Unis.

Je suis également favorable à la suspension de la CSRD ; vous aviez vu juste à ce sujet. Là encore, j’ai toujours exprimé mes plus vives réserves à l’égard de cette directive.

Je mentionnerai deux autres textes, qui ne sont pas sous les feux de l’actualité mais dont la révision est décisive si nous voulons trouver les moyens de financer nos activités. Nous avons, en Europe, les meilleurs scientifiques, qui produisent les meilleures découvertes, très souvent grâce à des fonds publics. Or, faute d’argent, ces découvertes sont industrialisées aux États-Unis ou ailleurs. C’est un véritable scandale ! Il est révoltant que 20 % à 30 % de l’épargne européenne foute le camp aux États-Unis pour financer le développement industriel de découvertes réalisées en Europe. Il est donc temps de nous doter des moyens financiers nécessaires en réalisant l’union des marchés des capitaux et en allégeant les règles de la directive du 25 novembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice, dite « directive Solvabilité II », qui s’applique aux assureurs, et des accords de Bâle III, qui s’appliquent aux banquiers.

L’enjeu est concret. À chaque fois qu’un assureur comme Axa investit un euro dans une PME française, il doit augmenter ses fonds propres d’un montant sensiblement plus élevé que celui qui est imposé aux assureurs américains, de sorte qu’il n’investit pas dans les PME, ou beaucoup moins qu’il ne pourrait le faire. Si l’on modifie les règles prudentielles en réduisant les exigences en matière de ratio de fonds propres par rapport à l’investissement dans les PME, des dizaines de milliards d’euros se déverseront dans l’économie française. C’est simple : cela dépend d’une décision européenne ! Il s’agit, pour le dire clairement, de retrouver le goût du risque. Si, par hantise de l’avenir et manque de confiance dans ce que nous pouvons réussir, nous nous imposons ceinture et bretelles, c’est plié : nous ne pourrons pas faire face à des pays conquérants comme la Chine et les États-Unis. Il faut donc modifier les règles de « Solvabilité II » et de Bâle III.

En ce qui concerne la directive du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, je vous ferai la même réponse que sur la CSRD.

Quant au coût des normes, c’est un enjeu majeur sur lequel Mario Draghi a tout dit. J’exprimerai néanmoins quelques nuances. Oui, chacun en a conscience, il y a un excès de normes européennes : il faut les simplifier. Oui, la France, qui est la championne toutes catégories de la surtransposition des directives, devrait commencer par balayer devant sa porte en mettant fin à cette pratique. Mais, dans au moins deux domaines, les normes traduisent notre conception de la société.

Ainsi, tout ce qui touche à la santé n’est pas négociable. S’agissant des substances per- ou polyfluoroalkylées (PFAS) ou d’autres substances chimiques qui persistent dans l’eau ou l’air pendant au moins des décennies, il ne faut pas baisser la garde. Les problèmes sanitaires majeurs, notamment le développement des cancers, que l’on rencontre dans les pays développés doivent être pris très au sérieux.

Pour moi, s’il y a un sujet sur lequel les normes sont indispensables, c’est la santé de nos compatriotes. On ne joue pas avec la santé de nos compatriotes. C’est l’honneur de l’Europe de ne pas baisser la garde sur ce point.

Le second sujet sur lequel je pense que des normes et des règles sont plus indispensables que jamais, c’est la colonisation numérique de l’Europe par la Chine et par les États-Unis. Elle n’est pas en marche, elle est là. Notre capacité à bloquer le détournement cognitif de nos enfants et de nous-mêmes par des géants du numérique dont la capitalisation boursière dépasse de loin la richesse nationale française exige des normes et des règles inscrites au sein d’un cadre réglementaire.

Je partage ce que vous dites sur les excès normatifs ; il doit être possible de les simplifier. Je fixe deux limites, qui sont à mes yeux tant morales que politiques : la santé et les technologies numériques.

M. Alexandre Loubet, rapporteur. En 2023, le gouvernement dont vous étiez membre a largement communiqué sur sa volonté de réindustrialiser le pays. Vous avez évoqué l’objectif d’une réindustrialisation à hauteur de 15 % du PIB en 2035, soit une ambition particulièrement forte.

Sur quel fondement avez-vous annoncé cet objectif ? Semblait-il raisonnablement atteignable en 2023, évolutions récentes du contexte international mises à part ? Dans quelle mesure étiez-vous en capacité d’affirmer que nous avions la possibilité de réindustrialiser jusqu’à 15 % du PIB en douze ans ?

Fin 2023, vous avez commandé un rapport à l’expert Olivier Lluansi, qui vous l’a remis en 2024. Je l’ai consulté, pourquoi avoir refusé de le rendre public ? Est-ce parce qu’il indique, sur la base notamment des analyses de France Stratégie, que la perspective de réindustrialiser à hauteur de 13 %, 14 % ou 15 % du PIB d’ici 2035 semble irréaliste ?

M. Bruno Le Maire. Sur les rapports en général, j’ai dit, depuis que j’ai quitté mes fonctions, que je suis favorable à la transparence totale. Je l’ai dit à la commission d’enquête sénatoriale à propos des aides aux entreprises. Faisons la transparence totale sur les aides aux entreprises, entreprise par entreprise si nécessaire, cela ne me dérange pas. Je pense que c’est salutaire pour le débat public. Le rapport Lluansi aurait dû être rendu public. Nous aurions dû faire preuve d’une transparence totale.

Quand on fixe un objectif tel que 15 % du PIB, on le fait sur la base de ce qu’a été l’industrie française et de ce que sont l’industrie allemande et l’industrie italienne, qui sont à environ 20 % en nombre d’emplois rapporté à la richesse nationale. Nous fixer comme objectif d’être à 15 %, sachant que nous étions à 20 % il y a quatre décennies, est difficile et ambitieux mais pas déraisonnable. La date de 2035 est sans doute très ambitieuse, mais c’est comme cela que l’on tire un pays, en ayant des ambitions et en lui promettant d’atteindre des objectifs correspondant à l’idée que l’on se fait de son avenir.

Il faut déterminer, filière par filière, là où les emplois peuvent être créés. Quand on parle du nouveau nucléaire, de la production d’hydrogène par électrolyse, des éoliennes reliées à des sous-stations, des industries aéronautique et navale, nous avons des capacités qui sont absolument formidables.

Ce qui me donne foi dans le pays, c’est ce que j’ai vu, par exemple aux Chantiers de l’Atlantique, dont je rappelle qu’il a fallu, lorsque j’ai pris mes fonctions en 2017, les nationaliser temporairement – je ne crois pas aux nationalisations définitives, qui consistent très souvent à brancher du déficit sur le budget français. Nous l’avons fait parce que nous pensions que les Chantiers de l’Atlantique devaient pouvoir se développer.

Je rends hommage à leur directeur général ainsi qu’aux salariés et aux ouvriers de l’entreprise, qui ont déployé son activité dans d’autres secteurs, tels que la défense, les navires de croisière et les sous-stations de la taille de l’Arc de triomphe qu’utilise Engie pour convertir en courant continu le courant alternatif issu des éoliennes implantées en haute mer. Les possibilités sont considérables et les exploiter suppose une stratégie volontariste sur la base de décisions lourdes, difficiles et nécessaires.

M. Alexandre Loubet, rapporteur. Je souhaite évoquer votre bilan. Vous communiquez sur l’ouverture de 600 usines et sur la création nette de 130 000 emplois industriels. Ces déclarations vont dans le bon sens et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Toutefois, comment expliquez-vous concrètement l’ambivalence de ce bilan ? En sept ans, le nombre de chômeurs est resté le même – en 2017 comme en 2024, les inscrits à Pôle emploi, toutes catégories confondues, sont 5,5 millions ; la productivité du travail a stagné ; la production manufacturière a baissé de 6 % et la production industrielle globale de 6,7 %.

Nos entreprises accusent un retard considérable en matière de robotisation et de la numérisation. Notre déficit commercial est abyssal, même en excluant du total les importations de gaz induites par la guerre en Ukraine, il était l’an dernier de 80 milliards.

Surtout, en sept ans, les gouvernements auxquels vous avez appartenu ont endetté le pays de près de 1 200 milliards, que je ramène à 1 000 en excluant les 200 milliards imputables à la crise du covid-19 dont il est difficile de leur faire grief.

La France peut-elle véritablement se réindustrialiser massivement ou sommes-nous condamnés à nous développer sur des filières stratégiques, des niches, des filières de rupture expliquant les quelques indicateurs positifs dont vous pouvez vous prévaloir ?

M. Bruno Le Maire. Je ne ferai pas la défense et l’illustration de notre bilan – d’autres s’en chargeront à ma place et à la vôtre et le feront certainement très bien, notamment sur les comptes publics. À ce sujet, j’ai eu l’occasion de répondre aux questions de la commission des finances et de contester les chiffres et les slogans qui sont avancés, à commencer par celui de 1 000 milliards. Ils ne correspondent pas à la réalité, surtout, s’agissant des protections contre la crise du Covid-19, on omet de préciser qu’elles ont permis de sauver l’industrie qui nous occupe aujourd’hui.

Je ne reviendrai pas non plus sur le taux d’emploi, qui est le plus élevé depuis 40 ans, tout cela est documenté. Je ne suis pas là pour me faire l’avocat de ce que nous avons fait.

Dans un bilan, il y a toujours des choses dont on est très fier. En ce qui me concerne, la réindustrialisation en fait partie. Il y a d’autres choses moins réussies ; il faut en tirer les leçons. Ainsi va la vie politique. Je dresserai mon bilan le moment venu, mais ce n’est pas le lieu ni le moment.

Quand vous avez passé sept ans au ministère de l’économie et des finances, il y a des choses qui ont bougé dans le bon sens et vous en est très fier – la bataille industrielle comme le fait d’avoir abattu des dogmes européens – et d’autres dont vous vous dites que vous ne les laissez pas dans l’état où elles devraient être – c’est douloureux, mais, dans la vie politique, rien n’est jamais fini.

La question plus importante que vous avez soulevée tient en un mot : productivité. C’est le vrai problème français. Il faut se demander pourquoi ce qui était l’atout numéro 1 de l’économie française dans les années 1970 est devenu sa faiblesse numéro 1. Je vais vous donner mes éléments d’explication – il y en a certainement beaucoup d’autres, tant le sujet est extraordinairement complexe.

L’explication la plus évidente est que l’augmentation du taux d’emploi fait revenir dans l’activité des personnes dont le niveau de productivité n’est pas celui de celles qui trouvent immédiatement un emploi. De façon plus globale – il s’agit à mes yeux de l’un des grands combats qu’il est nécessaire que le pays mène –, nous nous sommes trompés dans les orientations éducatives de la France.

Nous avons fait une faute en voulant emmener des générations d’enfants vers les études supérieures et en leur imposant l’idée selon laquelle hors du baccalauréat général point de salut. Nous avons privé des centaines de milliers de gamins de la réalisation de leur talent, en leur disant : « Vous avez un talent manuel ? Désolé, ce n’est pas le bon, en France seul le talent intellectuel compte ».

Je trouve cela triste, dommageable et révoltant pour les générations d’enfants auxquels on a dit « Il ne faut pas que tu sois chaudronnier ; il ne faut pas que tu sois soudeur, ce n’est pas bien ; il ne faut pas que tu sois pâtissier ; il ne faut pas que tu fasses une filière manuelle ; il ne faut pas que tu fasses un CAP ; il ne faut pas que tu fasses le lycée professionnel, ce serait un échec ». Tant que nous n’aurons pas gagné la bataille culturelle consistant à dire que l’intelligence de la main est aussi nécessaire que celle de l’esprit et que l’une vaut l’autre, notre bataille économique ne pourra pas être gagnée.

Par ailleurs, nous avons fait peur aux Français. L’un des drames de la vie politique française est qu’elle joue trop sur les peurs et pas assez sur les ambitions, trop sur les craintes et pas assez sur les espoirs, trop sur les oppositions des uns et des autres et pas assez sur le rassemblement. On a fait peur aux gens avec les robots, en disant « Les robots c’est épouvantable, ça va détruire des emplois ». Tout le monde s’est engouffré dans cette brèche – je peux vous en sortir des déclarations de responsables politiques de tous bords opposés aux robots !

Mais la perte des robots et le retard de robotisation de notre économie nous ont fait perdre des centaines de milliers d’emplois et nous ont empêchés de maintenir le même niveau de productivité. Je vois qu’on joue à nouveau à faire peur avec l’intelligence artificielle, mais si nous loupons cette révolution dans toutes les activités économiques, administratives, financières et industrielles, je suis au regret de vous dire que nous serons largués.

Nous devons retrouver un discours d’espoir, de volonté et de rassemblement. C’est à mes yeux le plus important pour réussir la réindustrialisation et pour relever le défi que vous avez parfaitement noté et qui est le défi n° 1 de l’économie française, la productivité.

Mme Florence Goulet (RN). Comment expliquez-vous que l’Italie ait réussi à diviser par deux son déficit public en un an, le faisant passer de 7,2 % à 3,4 % du PIB ? Ne dites pas qu’elle y est parvenue grâce aux subventions européennes : son PIB par habitant a dépassé celui de la France.

Vous avez été, pendant votre longue carrière ministérielle, un ardent défenseur du couple franco-allemand. Notre voisin allemand a toujours soutenu son économie, notamment la filière des énergies renouvelables, au détriment de notre filière française du nucléaire, qui a été sacrifiée. Cette vision fantasmée du couple franco-allemand n’est-elle pas de la naïveté, voire un manque de lucidité ? Auriez-vous été l’idiot utile de cette stratégie avec la complicité de l’Union européenne ?

M. Bruno Le Maire. Je ne comprends même pas votre seconde question. Je regrette, mais les faits sont têtus. Vous pouvez toujours faire de grandes déclarations idéologiques, au demeurant pas très sympathique pour nos voisins allemands, moi, je continue de considérer que l’Allemagne est et doit rester notre premier partenaire, notamment car c’est la condition du succès de la construction européenne. Je rappelle que nous avons réussi à lui imposer que le nucléaire soit considéré comme une énergie décarbonée dans la taxonomie européenne – si vous m’aviez fait l’amabilité d’être là depuis le début de l’audition, je n’aurais pas à répéter ce que j’ai dit.

Quant à l’Italie, je rappelle que le ratio entre son endettement et son PIB est largement supérieur à celui de la France, qui n’en doit pas moins réduire sa dette publique. Concernant la réduction massive du déficit, je donne le point à Giorgia Meloni, qui a eu le courage de retirer une disposition d’aide à la décarbonation des domiciles privés qui était une véritable fuite en avant budgétaire et coûtait des dizaines de milliards à l’Italie.

M. Draghi ne l’a pas retirée, Mme Meloni l’a retirée. Cette décision courageuse explique pourquoi le ratio de déficit public par rapport au PIB s’est amélioré en Italie.

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). Ma première question porte sur la situation d’ArcelorMittal. Le 7 mai 2025, lors d’une audition au Sénat, vous avez estimé qu’il faut tout faire pour sauver le site d’ArcelorMittal à Dunkerque, sans exclure une nationalisation dont vous avez dit qu’elle est « un outil temporaire et de dernier recours ».

La demande d’acier en France étant stratégique et le groupe menaçant de fermer sept sites industriels représentant plus de 600 emplois directs en France, estimez-vous que la situation remplit désormais les conditions pour envisager, comme vous l’évoquiez il y a quelques semaines, la nationalisation du site ? Si tel n’est toujours pas le cas à vos yeux, pouvez-vous dire clairement quelles conditions doivent être remplies pour que l’État nationalise ArcelorMittal ?

Dans vos vœux aux acteurs économiques le 5 janvier 2023, vous avez déclaré : « L’indépendance industrielle et la souveraineté économique sont les nouveaux leitmotivs de la politique économique mondiale ». Vous indiquiez alors vouloir « favoriser la commande publique nationale ». Qu’avez-vous fait pour garantir cette indépendance ?

Dans l’industrie pharmaceutique, dont vous avez dit qu’elle est cardinale pour notre société, la branche grand public de Sanofi, Opella, dont le chiffre d’affaires s’élève à 4,7 milliards, qui possédait notamment le Doliprane et emploie 2 500 personnes en France sur six sites de production, est passée sous le pavillon américain du groupe CD&R au détriment du français PAI Partners, qui était dans la course pour son rachat.

On le constate à regret : en dépit d’une gabegie d’aides publiques – 1 milliard pour Sanofi en dix ans –, de grands groupes industriels finissent par vendre les bijoux de famille, qui sont pourtant le fondement de notre souveraineté et les fleurons de l’industrie. L’État abreuve des grandes entreprises qui finissent par nous abandonner lâchement pour augmenter leurs profits, en dépit d’un contexte de creusement des déficits dû à de mauvais choix politiques et à une mauvaise gestion depuis une bonne vingtaine d’années.

Vous brocardez souvent l’idéologie, mais vous êtes vous-même le tenant d’une idéologie, celle de la concurrence libre et non faussée, celle du marché tout puissant, qui est aux manettes depuis une bonne vingtaine d’années, notamment depuis l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, dont vous étiez ministre dès 2007.

J’ajoute une question qui m’a été inspirée par votre exposé. Vous avez parlé de l’importance cardinale des normes en matière de santé et d’agriculture. Quel est votre sentiment sur la réintroduction des néonicotinoïdes par la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, dite « proposition de loi Duplomb », imposée à l’Assemblée nationale sans vote par l’adoption d’une motion de rejet déposée par le rapporteur ?

M. Bruno Le Maire. La dernière question ne relevant pas de la compétence de la commission d’enquête, je n’y répondrai pas.

Sur les autres, vous seriez bien placé pour formuler ces critiques si la formation politique à laquelle vous appartenez et ses devancières avaient obtenu des résultats en matière de réindustrialisation et n’étaient pas directement comptables de la désindustrialisation massive de notre pays. Toutes les billevesées et les stupidités de la retraite à 60 ans, des 35 heures, de l’augmentation de la fiscalité et de l’explosion des impôts de production, depuis le début des années 1980, ont tué notre industrie. Je n’ai donc aucune leçon à recevoir de formations politiques qui vont, la main sur le cœur, voir les ouvriers dans les usines en disant « nous allons protéger vos usines » mais qui, dans le dos des ouvriers, prennent toutes les décisions qui tuent leurs emplois et ferment leurs usines.

Les chiffres sont têtus. Vous m’avez attaqué sur ma politique. Je vous dis très simplement que les politiques menées depuis quarante ans, notamment par les gouvernements socialistes dans les années 1980, ont précipité l’effondrement de l’industrie nationale. Il ne faut pas s’étonner ensuite que les ouvriers se soient détournés de certains partis tel le parti socialiste, qui les a trahis et qui, en fait, n’a jamais cru à l’industrie française et s’est contenté de tenir des discours sur les riches, les pauvres et les cadeaux aux entreprises.

Avec ces discours idéologiques, on a tout simplement empêché nos entreprises de se battre à armes égales non seulement avec les entreprises allemandes et italiennes, mais plus encore avec les entreprises chinoises et américaines. Il y a une réalité économique, monsieur le député, une réalité économique mondiale, il y a une compétition, elle est féroce.

Tout ce que j’ai fait dans ma vie politique, c’est donner à nos industriels et à nos entrepreneurs la capacité de se battre à armes égales. Je n’ai fait de cadeaux à personne ; j’ai juste permis à nos entrepreneurs et aux ouvriers qui sont derrière de se battre à armes égales.

S’agissant d’ArcelorMittal, des nationalisations, j’en ai fait. Si c’est nécessaire pour protéger temporairement une entreprise, je n’hésite pas à le faire. J’ai nationalisé les Chantiers de l’Atlantique. Toutefois, je savais très bien qu’au bout du compte, ce n’est pas l’État français qui allait les gérer, il en est totalement incapable. C’est la garantie d’un désastre absolu dans les années à venir. Si nous nationalisons ArcelorMittal, ses sites sont fermés dans cinq ans dans le meilleur des cas, si ce n’est dans six mois.

L’État n’est pas fait pour diriger une entreprise telle qu’ArcelorMittal. Il n’en a ni les capacités, ni les talents, ni les possibilités. Il peut temporairement, si l’actionnaire principal ne fait pas ce qu’il doit faire, prendre ses responsabilités et protéger un actif stratégique français en attendant de trouver un nouvel investisseur.

Mais je vais être très clair : ce n’est pas l’État qui va diriger et piloter un grand site industriel sidérurgique tel que celui d’ArcelorMittal à Dunkerque. Il n’en a ni la capacité, ni les compétences. Cela n’aboutira qu’à creuser un peu plus le déficit, parce que le site essuiera des pertes qui seront compensées par le contribuable français.

L’actionnaire d’ArcelorMittal est Lakshmi Mittal, dont chacun est libre de penser ce qu’il veut – je ne suis pas là pour juger ni sa famille ni ses investissements. L’actionnaire doit prendre des engagements et des décisions. Il s’était engagé, lorsque j’étais en fonction, à décarboner le site, ce qui donne un avantage compétitif à notre acier et à notre aluminium. Cela supposait d’installer des fours électriques et d’utiliser de l’hydrogène, ce qui est très coûteux.

Dès lors que l’actionnaire tient ses engagements en matière d’investissement, j’y vois la garantie que le site sera préservé et que l’État peut l’accompagner avec les 870 millions qu’il était prévu d’investir sur le site. Mais c’est donnant-donnant – sur ce point nous sommes d’accord. L’État ne donne pas si l’actionnaire n’investit pas. Cela doit être une règle absolue : pas un euro de l’État si l’actionnaire n’investit pas et ne tient pas ses engagements en matière d’investissement.

Il a commencé à investir, les choses vont dans la bonne direction. Est-ce suffisant ? Non. Faut-il rester vigilant ? Oui. Le sujet est suffisamment important, vous l’avez rappelé à raison, pour que nous soyons extrêmement vigilants sur la réalisation des investissements d’ArcelorMittal sur le site de Dunkerque.

M. Frédéric Weber (RN). J’ai fait partie des gens qui ont fait monter un futur Président de la République sur une camionnette à Florange en 2012. Il y avait beaucoup d’espérance, en effet. Les espoirs placés en la gauche, qui avait tous les pouvoirs en 2012 et qui malheureusement n’a pas été à la hauteur, ont été déçus. Par ailleurs, je pense comme vous que le rassemblement pour la nation est l’objectif à atteindre.

Concernant la situation d’ArcelorMittal, je serai clair : les investissements dans le site de Dunkerque ne sont pas gravés dans le marbre. La famille Mittal a dit : « Si les conditions se confirment à l’été, au mois de septembre, nous ferons les investissements ». Je comprends vos prises de position, mais j’aimerais vous poser une question simple : si demain les capacités de production d’acier liquide sont annihilées, n’est-ce pas un danger pour la France ?

Certes, nous pourrons importer de l’acier liquide de Brême ou de Gand, dans une vision européenne des choses, mais cela ne sera pas sans conséquences sur notre défense. Si nous sommes obligés de compter sur un pays tiers en le considérant comme un ami pour la vie, serons-nous en mesure de faire des choix stratégiques et diplomatiques véritablement autonomes ?

Par ailleurs, j’aimerais demander au ministre de l’économie et des finances que vous avez été si ArcelorMittal a bénéficié, depuis 2012, de l’effacement total ou partiel d’une dette d’impôts très importante.

M. Bruno Le Maire. Sur ce dernier point, je vous ferai parvenir une réponse écrite, sous réserve que je puisse lever le secret fiscal, ce dont je ne suis pas certain. Nous sommes en commission d’enquête ; tout cela doit faire l’objet d’une analyse juridique.

La politique industrielle est une question fondamentale. L’industrie est un choix politique collectif. Il ne faut pas tenir pour acquis ce en quoi nous croyons et considérer que le peuple français, lui, croit autre chose. Moi, j’estime que la France doit garder une capacité de production d’acier. C’est un choix stratégique. De même, je considère que la France doit garder une production animale et un élevage, ainsi qu’une production de lait.

À ce propos, je me souviens très bien – pardonnez ce petit détour, que je m’autorise compte tenu du caractère amical de cette audition – de l’effondrement des cours lors de la crise du lait en 2009 – la tonne de lait se négociait alors à 230 euros, contre un peu plus de 500 aujourd’hui. Pas un paysan n’en vivait. Ils épandaient le lait dans les champs et en crevaient. J’ai le souvenir très vif de paysans désespérés.

Je me souviens d’une discussion avec Mme Fischer Boel, alors commissaire européenne à l’agriculture, qui m’a dit : « Qu’est-ce que vous en avez à faire de produire du lait ? Laissez tomber ! Il y a moins cher ailleurs, vous l’importerez. » Je lui ai répondu : « Jamais, madame la commissaire ! La France produit du lait depuis que la France est la France, elle continuera à en produire. Ce n’est pas économique, ce n’est pas financier, c’est culturel ».

De même, la France ne peut pas ne pas produire d’acier. Non seulement il s’agit d’un enjeu stratégique, ne serait-ce que pour produire des rails de chemin de fer et des véhicules, mais il y va de notre identité. La sidérurgie fait partie de l’identité française. Il faut ne jamais avoir mis les pieds sur le site d’ArcelorMittal à Dunkerque pour ne pas comprendre ce que cela représente en matière de création, de richesse, de savoir-faire, de technologie. Je crois fermement à la nécessité de garder une capacité de production d’acier sur le territoire français.

Par ailleurs, je considère, comme MM. Weber et Fernandes, que le compte n’y est pas. Nous devons donc nous assurer que les investissements promis par Mittal seront réalisés par Mittal. Aucun euro d’argent public ne doit être versé tant que Mittal n’a pas fait les investissements nécessaires à la décarbonation du site.

Enfin, il est absolument nécessaire d’articuler les décisions nationales avec les décisions européennes, lesquelles sont indispensables. Il faut prendre des mesures de sauvegarde sur l’importation d’acier en provenance de Turquie, d’Inde et de Chine.

En l’absence d’un contingentement drastique des importations d’acier produit à bas coût dans des conditions environnementales insatisfaisantes par les concurrents indiens, chinois et turcs, pour ne citer que les principaux, on ne survivra pas. Tout cela forme un tout : les investissements de Mittal pour la décarbonation, le soutien public à ces investissements, les mesures de contingentement européennes permettant d’éviter une compétition perdue d’avance avec l’acier chinois, turc et indien.

M. le président Charles Rodwell. Monsieur le ministre, la commission d’enquête est unanime à vous remercier de la qualité de nos échanges, que vous pouvez compléter en répondant par écrit au questionnaire, en adressant à notre collègue la réponse écrite que vous lui avez annoncée et en transmettant au secrétariat tout document que vous jugeriez utile à ses travaux.

 

La séance s’achève à dix heures quarante-cinq.


Membres présents ou excusés

Présents.  M. Mickaël Cosson, M. Emmanuel Fernandes, Mme Florence Goulet, M. Alexandre Loubet, M. Charles Rodwell, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Frédéric Weber