Compte rendu
Commission d’enquête sur
les défaillances des
pouvoirs publics face à la multiplication des plans
de licenciements
– Audition, ouverte à la presse, de M. Benjamin Maurice, délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), M. Olivier Juvin, chef de la mission de l’anticipation et de l’accompagnement des plans de sauvegarde de l’emploi, Mme Julia Colbeaux, adjointe au chef de la mission de l’anticipation et de l’accompagnement des plans de sauvegarde de l’emploi, M. Mathieu Guibard, adjoint à la sous-directrice des mutations économiques et de la sécurisation de l’emploi, M. François Desimon, adjoint à la cheffe de la mission du fonds national de l’emploi, et Mme Camille Tafani, chargée de mission au sein de la mission du fonds national de l’emploi 2
– Présences en réunion................................14
Mardi
29 avril 2025
Séance de 9 heures 45
Compte rendu n° 17
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Denis Masséglia, président
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La séance est ouverte à neuf heures cinquante.
Présidence de M. Denis Masséglia, président.
La commission d’enquête auditionne M. Benjamin Maurice, délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), M. Benjamin Maurice, délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), M. Olivier Juvin, chef de la mission de l’anticipation et de l’accompagnement des plans de sauvegarde de l’emploi, Mme Julia Colbeaux, adjointe au chef de la mission de l’anticipation et de l’accompagnement des plans de sauvegarde de l’emploi, M. Mathieu Guibard, adjoint à la sous-directrice des mutations économiques et de la sécurisation de l’emploi, M. François Desimon, adjoint à la cheffe de la mission du fonds national de l’emploi, et Mme Camille Tafani, chargée de mission au sein de la mission du fonds national de l’emploi.
M. le président Denis Masséglia. Nous recevons, pour débuter notre programme d’auditions de la journée, M. Benjamin Maurice, délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), dont le témoignage, indispensable au regard de nos interrogations, sera précieux pour nos travaux.
Je vous souhaite la bienvenue, ainsi qu’aux personnes qui vous accompagnent :
– M. Olivier Juvin, chef de la mission de l’anticipation et de l’accompagnement des plans de sauvegarde de l’emploi, et Mme Julia Colbeaux, adjointe au chef de ladite mission ;
– M. Mathieu Guibard, adjoint à la sous-directrice des mutations économiques et de la sécurisation de l’emploi ;
– M. François Desimon, adjoint à la cheffe de la mission du fonds national de l’emploi, et Mme Camille Tafani, chargée de mission au sein de ladite mission.
La DGEFP, qui relève du ministère du travail, conçoit, met en œuvre et contrôle les politiques publiques dans les domaines de l’insertion professionnelle, de l’accompagnement des transitions professionnelles, de la formation continue ou encore des mutations économiques et sociales.
Je vous rappelle que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, Mesdames, Messieurs, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(M. Benjamin Maurice, M. Olivier Juvin, Mme Julia Colbeaux, M. Mathieu Guibard, M. François Desimon et Mme Camille Tafani prêtent serment.)
M. Benjamin Maurice, délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP). Je vais m’efforcer de répondre à l’ensemble de vos questions. Toutefois, j’ai pris mes fonctions il y a trois semaines à peine. Je découvre donc progressivement les dossiers mais mes collègues de la DGEFP et moi-même avons à cœur d’apporter des réponses précises à vos interrogations, que ce soit aujourd’hui ou plus tard, par écrit.
La DGEFP est une direction d’administration centrale qui couvre un champ très vaste, incluant notamment les mutations économiques, et qui joue un rôle actif dans le traitement des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), régis par des dispositions issues, notamment, de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, elle-même fruit d’un accord national interprofessionnel (ANI) conclu en janvier 2013.
Ce texte a profondément modifié le droit applicable. Avant l’adoption de cette loi, en effet, les PSE étaient très majoritairement mis en œuvre unilatéralement. L’administration n’avait alors qu’un rôle limité et ne disposait pas d’un pouvoir contraignant. Les observations formulées avaient donc une portée réduite. Quant au juge judiciaire, il remplissait son office dans des délais longs et générateurs d’une forte insécurité juridique.
La loi de 2013 a d’abord consacré la primauté de la négociation collective, ce qui constitue une évolution majeure. Ainsi, le dispositif actuel doit permettre la conclusion d’accords pour accompagner les PSE et les restructurations d’entreprises.
L’administration intervient à travers la validation ou l’homologation des PSE ou des ruptures conventionnelles collectives (RCC). Cette compétence relève des directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets). Cette évolution est significative en ce qu’elle place l’administration dans une position véritablement centrale, à la fois dans la prise de décision et en amont, dans le cadre de l’accompagnement des entreprises. Les rencontres entre les Dreets, la DGEFP, les représentants des salariés et les employeurs sont à la fois fréquentes et multiples. Les conseils et recommandations émanant des services déconcentrés de l’État ou de la DGEFP revêtent un certain poids car ils s’inscrivent dans une logique de soutien actif au dialogue social. Pour autant, l’administration n’est pas toute‑puissante puisqu’elle agit sous le contrôle du juge administratif.
La loi de 2013 a également introduit dans le droit les délais dits « préfix », qui oscillent entre deux et quatre mois, selon les cas. L’objectif est à la fois de permettre la tenue de la négociation et de limiter les risques d’insécurité juridique précédemment évoqués.
Les services déconcentrés de l’État veillent à la bonne exécution des procédures et entretiennent des échanges réguliers avec les partenaires sociaux, qu’il s’agisse des représentants des salariés ou des employeurs.
Le juge administratif joue, pour sa part, un rôle tout à fait particulier. Il statue sur les décisions de l’administration, mais les recours sont peu nombreux. En effet, seuls 8 % à 10 % des décisions sont contestées et le taux d’annulation est encore plus faible, puisqu’il est à peu près égal à 1 %. Cela démontre que la procédure est juridiquement sécurisée. J’y vois un hommage au travail de l’administration.
Le juge judiciaire peut encore intervenir, mais sur d’autres aspects.
M. Benjamin Lucas-Lundy, rapporteur. Pour débuter, pourriez-vous nous indiquer comment le nombre des PSE a évolué depuis 2013 ? Disposez-vous de données chiffrées susceptibles d’éclairer notre réflexion, en particulier selon les secteurs d’activité, les régions concernées et le nombre de salariés affectés ? Afin de mieux appréhender les dynamiques récentes, seriez-vous en mesure de nous fournir des données propres à l’année 2024 ? Disposez‑vous d’ores et déjà des chiffres pour le premier trimestre 2025 ? Pourriez-vous, enfin, nous donner des prévisions pour le reste de l’année 2025 ?
M. Benjamin Maurice. Entre 2014 et 2022, le nombre de PSE initiés est passé de 780 à 325, soit une diminution de plus de 50 %. La crise sanitaire a toutefois provoqué une rupture dans cette trajectoire, 861 procédures ayant été recensées en 2020. Les années 2023 et 2024 marquent une nouvelle inflexion, puisque l’on observe une recrudescence du nombre de PSE, avec respectivement 512 et 664 procédures initiées. Plusieurs éléments expliquent cette évolution récente. D’une part, la fin progressive des aides publiques mises en place dans le cadre du « quoi qu’il en coûte », à partir de 2022, a incontestablement fragilisé certaines entreprises. D’autre part, l’inflation persistante ainsi que la crise énergétique ont accru les tensions économiques.
Du point de vue sectoriel, l’industrie manufacturière se distingue très nettement comme le secteur le plus touché. Elle représente, en moyenne sur la période 2014-2023, plus de 30 % des ruptures de contrat liées à des PSE, alors même qu’elle ne concentre qu’environ 11 % de l’emploi salarié total. Le secteur du commerce occupe la deuxième position.
Sur le plan géographique, les régions les plus fortement touchées sont l’Île‑de‑France, Auvergne-Rhône-Alpes et les Hauts-de-France.
L’année 2024 enregistre le niveau de PSE le plus élevé depuis 2017, avec une augmentation proche de 30 %. Ce chiffre, bien qu’alarmant, doit être relativisé au regard des 2 245 procédures enregistrées lors de la crise de 2008-2009, même si les conditions légales applicables à l’époque différaient de celles qui sont en vigueur aujourd’hui.
Près de 35 % des entreprises initiant une procédure de PSE se trouvent en redressement ou en liquidation judiciaire, ce taux étant relativement stable au cours des dernières années. Les entreprises in bonis, quant à elles, présentent des profils très variés : certaines connaissent une situation financière solide alors que d’autres se trouvent en phase de fragilité avancée.
La majorité des PSE touche des structures de moins de 250 salariés, qui comptent pour 60 % à 64 % des cas sur les trois dernières années. Les entreprises qui emploient entre 250 et 999 salariés concentrent environ 28 % des procédures tandis que celles qui emploient plus de 1 000 salariés ne comptent que pour 10 % des cas environ.
M. le président Denis Masséglia. Vous indiquez que les entreprises de moins de 250 salariés sont principalement concernées par les PSE. Avez-vous pu analyser l’évolution de l’actionnariat en amont de l’établissement des PSE ? En effet, les transitions de propriété dans ce type d’entreprises sont souvent des moments critiques. Disposez-vous d’indicateurs permettant d’établir un lien entre les changements d’actionnariat et l’initiation des PSE ?
M. Benjamin Maurice. Votre observation est tout à fait pertinente. Nous ne disposons malheureusement pas de données précises sur l’état du capital ou sur l’évolution de la composition de l’actionnariat des entreprises qui initient des PSE. Il est exact que nous observons, de manière récurrente, une certaine instabilité au sein de ces structures, liée notamment à des opérations fréquentes de cession ou de rachat. Nous manquons toutefois d’éléments objectivables permettant de mesurer rigoureusement l’ampleur du phénomène.
M. le rapporteur. J’aimerais connaître l’évolution, depuis 2013, du nombre des licenciements, des départs volontaires et des reclassements. Disposez-vous également d’informations chiffrées sur les budgets alloués à l’accompagnement des salariés ?
M. Benjamin Maurice. Les données à notre disposition pour la période 2018-2021 mettent en évidence les tendances suivantes : en moyenne, 63 % des salariés concernés sont licenciés, 27 % choisissent de quitter volontairement l’entreprise et 9 % bénéficient d’un reclassement interne, soit au sein de la même entité, soit dans une autre entité du groupe.
Les salariés les plus âgés sont particulièrement exposés. En effet, les personnes âgées de 57 ans et plus représentent 15 % des licenciements économiques et 42 % des départs volontaires, alors même qu’elles comptent pour 11 % seulement de l’ensemble de la population salariée.
Je dois avouer que nous rencontrons des difficultés importantes dans la collecte des données relatives aux budgets d’accompagnement des salariés. Les entreprises n’indiquent pas systématiquement les montants alloués aux mesures d’accompagnement, que ce soit en amont ou en aval des procédures. Cette absence de déclaration régulière affecte fortement la fiabilité et la représentativité des données disponibles, qui ne peuvent, en l’état, être considérées comme statistiquement significatives.
M. le rapporteur. Quelle est la principale difficulté expliquant, du côté des entreprises, la mise en œuvre des PSE, sachant que 65 % d’entre elles ne sont pas en redressement ou en liquidation judiciaire ? Par ailleurs, pouvez-vous nous éclairer sur l’impact des évolutions économiques, technologiques et écologiques sur les licenciements ?
M. Benjamin Maurice. Nos échanges avec les représentants des salariés et des employeurs font apparaître que plusieurs causes majeures sont invoquées pour justifier le recours aux procédures de restructuration.
Nous constatons une hausse marquée des coûts de production dans un contexte de concurrence exacerbée, en particulier dans les secteurs de l’industrie manufacturière et du commerce. Cette pression est accentuée par l’augmentation du coût de l’énergie, directement liée au contexte géopolitique, qui pèse de manière significative sur la viabilité économique de nombreuses entreprises.
Les effets de la crise du covid‑19 continuent par ailleurs de se faire sentir, tant en termes de contraction durable de la consommation que de perturbations persistantes dans les chaînes logistiques. À cela s’ajoute l’expiration progressive des dispositifs de soutien mis en place pendant la crise, les entreprises étant tenues de rembourser les prêts garantis par l’État (PGE), qui constitue une source de tension supplémentaire pour un grand nombre de structures.
Les acteurs économiques expriment également une forme de lassitude face à un cadre réglementaire qu’ils jugent souvent contraignant. Les mutations d’ordre technique et technologique, telles que l’automatisation, la numérisation des processus ou encore l’émergence de l’intelligence artificielle, ont inévitablement des effets sur l’emploi. La transition énergétique, quant à elle, impose des ajustements structurels profonds qui, bien qu’ils présentent des aspects positifs sur le long terme, impliquent des réorganisations substantielles à court terme, voire des suppressions d’emploi.
Enfin, il convient de souligner que, parmi les motifs énumérés à l’article L. 1233-3 du code du travail, c’est celui de la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise qui est le plus fréquemment mis en avant pour justifier le déclenchement des procédures de licenciement.
M. le rapporteur. J’ai été informé que seulement 40 % des bilans des PSE sont correctement effectués. Pouvez-vous confirmer l’exactitude de cette donnée ? Quelles mesures pourraient, selon vous, être prises pour améliorer la situation ? Serait-il envisageable de faciliter l’accès des chercheurs aux données relatives aux PSE ?
M. Benjamin Maurice. Cette donnée est exacte. Comme je l’indiquais précédemment, nous regrettons l’insuffisance des informations disponibles. Elle s’explique par l’absence d’obligation légale stricte et par l’inefficacité des mécanismes de sanction en cas de déclarations incomplètes. Pour remédier à cette situation, nous pourrions soit intervenir au plan législatif afin de poser des règles plus contraignantes, soit renforcer les actions de sensibilisation, bien que cette seconde stratégie, malgré les efforts que nous déployons, ne produise pas toujours les résultats escomptés.
Par ailleurs, nous avons eu l’occasion de collaborer avec des chercheurs par le passé, en veillant à préserver la confidentialité des données, notamment celles qui sont couvertes par le secret industriel. L’accès aux informations s’effectue dans le cadre d’un protocole défini avec précision. Nous sommes tout à fait ouverts à l’idée de reconduire ce type de coopération, dès lors que les demandes sont circonstanciées. Ce champ d’étude se révèle en effet particulièrement riche, comme l’illustrent les travaux menés par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail ainsi que les analyses faites par la DGEFP. Il existe, de toute évidence, une réelle opportunité d’en tirer des enseignements utiles.
M. le rapporteur. Quelle est la proportion de PSE qui sont accompagnés de la conclusion d’une convention de revitalisation ? Disposez-vous de données sur l’évolution de cette proportion par secteur ou par région ?
M. Benjamin Maurice. Les conventions de revitalisation constituent un dispositif particulièrement utile. Les préfets de département sont chargés d’évaluer l’impact territorial des restructurations et peuvent, dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision administrative de validation ou d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi ou de la rupture conventionnelle collective, décider d’assujettir l’entreprise concernée à ce dispositif. Celle-ci peut alors conclure une convention avec l’État ou négocier un accord collectif.
Lorsqu’il s’agit d’une convention locale de revitalisation, celle-ci est signée par l’entreprise et le préfet de département ou, par délégation, par le directeur départemental de l’emploi, du travail et des solidarités (Ddets) du bassin d’emploi concerné. En revanche, lorsque les suppressions d’emploi présentent un caractère diffus à l’échelle nationale et concernent plus de trois départements, c’est au ministère du travail qu’il revient de conclure avec l’entreprise une convention-cadre nationale de revitalisation.
Les données disponibles sur ces conventions ne sont pas totalement exhaustives, en raison notamment de difficultés techniques survenues dans le système de remontée d’informations avant l’année 2022. Cela dit, nous disposons de données fiables pour la période récente.
La part des PSE ayant donné lieu à la conclusion d’une convention-cadre nationale de revitalisation était de 2,27 % en 2019 et de 0,6 % en 2024. La tendance est donc globalement à la baisse même si, à partir de 2023, de nombreuses négociations ont été engagées, sans que leur aboutissement ne soit immédiat. Dans ce contexte, la DGEFP propose d’orienter une partie du montant de la contribution financière vers des actions structurantes à l’échelle nationale, notamment dans les domaines liés aux grandes transitions.
La hausse récente du nombre de PSE élaborés par les entreprises devrait mécaniquement entraîner une augmentation du volume de conventions-cadres nationales de revitalisation signées en 2025 et 2026. Plusieurs négociations sont en cours.
Les secteurs d’activité les plus concernés par ces conventions sont l’industrie, en particulier les filières aéronautique, spatiale, métallurgique, énergétique et automobile, mais également la grande distribution, les télécommunications, la restauration et la santé.
Pour ce qui est des conventions locales de revitalisation, nous disposons de données plus précises pour la période allant de 2022 à 2024. En 2022, 22 % des PSE étaient accompagnés de la conclusion d’une convention de revitalisation. Cette proportion est passée à 9,1 % en 2024. Ce recul s’explique par plusieurs facteurs, mais il faut rappeler que la proportion relativement élevée observée en 2022 tenait notamment à l’importance des enjeux territoriaux et à l’engagement actif des préfets de département. Les régions les plus concernées sont les Hauts‑de‑France, Auvergne-Rhône-Alpes et l’Île-de-France. Les secteurs d’activité principalement touchés sont l’industrie manufacturière ainsi que le commerce de gros et de détail.
Une nouvelle période d’observation s’ouvrira à partir de 2025-2026, à la suite de la signature de nouvelles conventions. Cette séquence à venir nous offrira l’opportunité de tirer des enseignements plus approfondis sur les effets de ces dispositifs dans les années futures.
M. le rapporteur. Quel bilan faites-vous du dispositif imposant la recherche d’un repreneur en cas de fermeture d’un établissement ?
M. Benjamin Maurice. Vous faites référence au dispositif issu de la « loi Florange » de 2014, qui impose aux entreprises comptant au moins 1 000 salariés qui envisagent la fermeture d’un établissement de rechercher un repreneur. Il s’agit d’une obligation de moyens et non de résultat.
Au cours de la période récente, le nombre d’entreprises assujetties à ce dispositif a évolué de la façon suivante : 52 en 2021, 32 en 2022, 56 en 2023, 46 en 2024 et neuf depuis le début de l’année 2025. Force est néanmoins de constater que ce dispositif n’a pas, pour le moment, atteint les objectifs qui lui étaient assignés car très peu de procédures aboutissent à une reprise effective.
En 2023, on comptait 56 dossiers. Dans sept d’entre eux, des offres de reprise ont été formulées et dans trois d’entre eux, il y a eu une reprise. En 2024, sur les 664 PSE initiés, 46 relevaient des dispositions de la « loi Florange ». Six entreprises ont suscité des marques d’intérêt et une seule entreprise a été reprise in fine. Cette faible efficacité s’explique en grande partie par la situation des repreneurs potentiels qui, parce qu’ils appartiennent souvent au même secteur d’activité que l’entreprise cédante, se trouvent eux-mêmes confrontés à des difficultés économiques.
M. le rapporteur. Comment les recours contre les décisions de validation ou d’homologation des PSE ont-ils évolué ?
M. Benjamin Maurice. L’activité contentieuse est demeurée relativement stable en 2022 et 2023, en cohérence avec l’évolution du nombre de plans de sauvegarde de l’emploi engagés au cours de ces deux années. Nous constatons toutefois une hausse sensible de cette activité depuis le premier semestre 2024, ce qui, compte tenu de l’augmentation du nombre de procédures initiées, n’est pas surprenant. Le taux de recours formés contre les décisions administratives demeure compris entre 8 % et 10 % tandis que le taux d’annulation reste extrêmement faible – autour de 1 %. Cette stabilité, observée sur plusieurs années, atteste de la solidité juridique des décisions rendues.
J’insiste sur l’importance de notre rôle en amont des procédures, tant en matière d’accompagnement que de conseil. L’administration intervient de manière active, en formulant des observations et en sollicitant des ajustements de la part des employeurs. À titre d’exemple, en 2024, la direction régionale et interdépartementale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Drieets) d’Île-de-France a sollicité d’un employeur des précisions sur les informations économiques transmises au comité social et économique (CSE), un affinement des catégories professionnelles affectées par le projet de licenciement, un renforcement des mesures de prévention, ainsi qu’une amélioration du dispositif de reclassement. À la suite de cette intervention, l’employeur a procédé à des modifications substantielles, en renforçant son dispositif d’accompagnement psychosocial, en révisant les critères d’ordre des licenciements et en améliorant les mesures de reclassement proposées.
Un autre cas illustre cette posture proactive adoptée par l’administration. La même Drieets a émis, auprès d’un employeur, des observations relatives à la forme des documents, aux pièces à fournir, à la structuration des catégories professionnelles concernées par le projet de licenciement et aux mesures de reclassement envisagées. En réponse, l’entreprise a ajusté ses critères de licenciement, mis à jour les documents constitutifs du plan et rehaussé le niveau des aides proposées.
Ce travail de conseil effectué en amont contribue à sécuriser l’ensemble du dispositif, qu’il s’agisse du contenu du PSE, des accords conclus ou des décisions administratives qui en découlent.
M. le rapporteur. Que pensez-vous de l’idée consistant à confier à l’administration le soin de contrôler le motif économique servant de fondement à un licenciement ?
M. Benjamin Maurice. Cette proposition rappelle le régime d’autorisation préalable des licenciements économiques par l’administration, supprimé en 1986. La réintroduction d’un tel dispositif ferait peser sur l’administration une responsabilité particulièrement lourde. À ce jour, l’appréciation du motif économique relève du pouvoir de direction de l’employeur, sous le contrôle, en dernier ressort, du juge. L’employeur demeure en effet le mieux placé pour évaluer l’état de sa compétitivité ainsi que l’impact des mutations technologiques sur son activité. Transférer cette responsabilité à l’administration poserait des difficultés majeures car elle ne dispose pas des outils permettant de faire un travail aussi complexe. Du reste, une telle mesure, craignent certains, pourrait affecter négativement l’attractivité du territoire national et les dynamiques de l’emploi.
Sur le plan constitutionnel, une telle disposition pourrait entrer en contradiction avec le principe de la liberté d’entreprendre, auquel le Conseil constitutionnel attache une importance toute particulière.
Enfin, la charge de travail qui pèse sur les services de l’État est déjà considérable. L’ajout de cette mission viendrait alourdir significativement ladite charge, tout en soulevant de nombreuses difficultés, tant méthodologiques que conceptuelles.
M. le rapporteur. J’entends votre appel implicite à un soutien de la représentation nationale à votre administration, notamment en termes de moyens.
M. Benjamin Maurice. Vous avez bien compris mon propos.
M. le rapporteur. Pensez-vous qu’il existe une voie intermédiaire entre le contrôle administratif complet du motif économique du licenciement et l’absence totale de regard sur celui-ci ?
M. Benjamin Maurice. Un tel dispositif existe déjà au bénéfice des salariés protégés, pour lesquels l’inspection du travail intervient aux fins d’autoriser le licenciement économique. Dans ce contexte, le motif économique fait effectivement l’objet d’un examen approfondi. La question se pose donc moins en termes de principe que d’échelle ou de pertinence.
Sans qu’il s’agisse ici de critiquer une proposition qui, à ce stade, n’a pas été formellement formulée, il me semble néanmoins essentiel de souligner que la mesure serait complexe à mettre en œuvre, en particulier dans le cadre de procédures très contraintes dans le temps. Plus d’un tiers des entreprises concernées par ces plans se trouvent en situation de redressement ou de liquidation judiciaire. Ces structures opèrent dans un contexte de grande fragilité et les décisions doivent être prises rapidement. L’administration ne pourrait pas faire une analyse approfondie et sereine de la situation compte tenu de l’urgence.
M. le président Denis Masséglia. Le contrôle du motif économique du licenciement que nous évoquons interviendrait une fois la procédure de PSE engagée, à un moment où les salariés se trouvent dans une situation déjà précaire. Certains d’entre eux prennent même l’initiative de quitter prématurément l’entreprise afin de trouver un nouvel emploi, un phénomène qu’il conviendrait d’ailleurs de limiter.
Aussi, plutôt que de concentrer l’action publique sur le contrôle a posteriori du motif économique, ne serait-il pas plus judicieux de renforcer la présence des salariés au sein des conseils d’administration ou des instances décisionnaires des entreprises ? Une telle implication des salariés pourrait permettre la tenue d’un dialogue approfondi avec les employeurs, lequel faciliterait la recherche de solutions de compromis avant que la situation ne se dégrade.
M. Benjamin Maurice. La question de la transformation de la gouvernance des entreprises excède le champ de mes fonctions actuelles.
Cela étant dit, je peux vous assurer, fort de mon expérience, que le dialogue social, indépendamment de l’issue des négociations, est déjà d’une grande richesse. Depuis 2013, en effet, les procédures font une large place à la négociation collective. Les représentants du personnel, et les experts qui les accompagnent, exercent pleinement leur rôle en contestant de manière argumentée les propositions formulées par les employeurs. Cette confrontation constructive est absolument essentielle.
L’administration intervient également à un moment clé pour garantir que, dès lors que la décision de procéder à une réorganisation est prise, les échanges entre les parties portent de manière approfondie sur la situation économique de l’entreprise et sur les mesures d’accompagnement mises en place.
M. le président Denis Masséglia. Revenons sur un point que vous avez évoqué plus tôt, à savoir les difficultés rencontrées par certaines entreprises, notamment en raison des tarifs de l’énergie. J’aimerais savoir si, à travers vos analyses, vous avez pu mesurer l’impact des normes sur les PSE. Selon vous, certaines normes ont-elles une incidence sur les plans de licenciement ?
M. Benjamin Maurice. L’argument selon lequel les normes, au même titre que d’autres paramètres que j’ai évoqués, expliqueraient la mise en œuvre des licenciements est effectivement avancé. Je ne suis toutefois pas en mesure de donner davantage d’informations. On nous rapporte également que certaines décisions portant sur les cotisations sociales pourraient avoir un effet sur la compétitivité des entreprises.
Quoi qu’il en soit, il demeure particulièrement complexe de mesurer l’incidence des normes, du coût de l’énergie, de la conjoncture internationale ou de l’inflation sur la mise en œuvre des projets de licenciements. Souvent, ils procèdent de plusieurs facteurs.
M. le rapporteur. Quelle analyse faites-vous de l’utilisation des ruptures conventionnelles collectives (RCC) et des accords de performance collective (APC) depuis 2017 ?
M. Benjamin Maurice. Le recours aux ruptures conventionnelles collectives, après une phase de progression, connaît une forme de stabilisation. On enregistre aujourd’hui entre 100 et 110 dossiers par an. Il peut y avoir des pics certaines années, comme en 2022. Le nombre de ruptures de contrat de travail dans ce cadre demeure globalement stable – entre 8 000 et 9 000 par an.
Le dispositif a été créé – en 2017 – pour permettre aux entreprises de procéder à des restructurations impliquant des départs volontaires négociés par accord collectif et leur éviter ainsi de faire un mauvais usage des PSE. Il est désormais inscrit de manière pérenne dans l’architecture globale des outils de restructuration à la disposition des entreprises. Il y est recouru dans 15 % des cas environ.
Au 1er mai 2024, on recensait un peu plus de 1 300 accords de performance collective. 133 avaient été conclus en 2023. Ces accords, signés avec les organisations syndicales représentatives, offrent certaines garanties, en particulier parce qu’ils limitent les risques de contournement des stipulations conventionnelles. Bien qu’ils puissent avoir des incidences directes sur la durée du travail ou sur la rémunération, ils ne peuvent en effet être considérés comme un outil permettant de déroger systématiquement à ces stipulations.
Mme Sophie-Laurence Roy (RN). Je rappelle que l’objectif de la commission d’enquête est de faire la lumière sur les éventuelles défaillances des pouvoirs publics face à la multiplication des plans sociaux. Vous avez, à juste titre, souligné que l’administration ne saurait se substituer au chef d’entreprise ou se prononcer à sa place sur l’avenir de l’activité ou les modalités de son organisation.
La fusion des instances représentatives du personnel (IRP) a-t-elle, selon vous, conduit à une amélioration tangible de la performance des entreprises ? Le CSE vous semble-t-il être un outil efficace pour dialoguer avec l’employeur dans la perspective du maintien de l’activité économique et, par voie de conséquence, des emplois ?
M. Benjamin Maurice. Il est complexe d’établir des corrélations en la matière. Néanmoins, je peux vous dire que les représentants des salariés sont étroitement associés aux projets de restructuration, notamment à travers la procédure d’information-consultation du CSE. Cette association intervient, il est vrai, une fois la procédure engagée. Mais les échanges sont riches et constructifs dans la mesure où les représentants du personnel disposent d’une connaissance fine de leur entreprise et de sa situation économique. Ils peuvent également s’appuyer sur l’expertise d’intervenants hautement qualifiés qui les assistent dans l’analyse des enjeux.
Par ailleurs, aucune étude n’a, à ce jour, démontré que la représentation du personnel pouvait être un obstacle à la croissance économique de l’entreprise. Bien au contraire, des travaux comparatifs récents, notamment un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), tendent à montrer que l’implication des représentants du personnel est, dans la plupart des cas, perçue comme un facteur favorable au développement de la société.
Mme Sophie-Laurence Roy (RN). Ma question portait sur la synergie entre direction et salariés indispensable au bon fonctionnement de l’entreprise. Celle-ci ne peut prospérer que si toutes ses composantes évoluent en harmonie. Les dirigeants ou les collaborateurs, seuls, ne peuvent conduire l’entreprise vers la réussite. Ces éléments rappelés, peut-on dire que la création du CSE a amélioré les choses ?
M. Benjamin Maurice. Le CSE, tel qu’il est conçu, est en mesure de reprendre l’ensemble des prérogatives anciennement exercées par les différentes instances qui ont fusionné. Il peut notamment instituer en son sein une commission spécialisée pour traiter des questions de santé, de sécurité et de conditions de travail ou organiser une représentation de proximité, en fonction des besoins et de la structuration de l’entreprise. Ainsi, les salariés et leurs représentants disposent d’un ensemble d’outils particulièrement étoffé. Certains regrettent la disparition des comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en tant qu’entités autonomes, mais leurs compétences peuvent toujours être exercées par les CSE.
Lorsqu’une entreprise lance une procédure de restructuration assortie d’un PSE, la dimension humaine, incluant notamment la santé, la sécurité et les conditions de travail, est un enjeu central. Les services de l’État y accordent une attention particulière et formulent, le cas échéant, des observations visant à renforcer les dispositifs d’accompagnement des salariés.
Les CSE disposent de toute la latitude nécessaire pour intégrer ces questions dans leurs avis, qui sont, en règle générale, argumentés et étayés. Il est essentiel que la direction réponde avec rigueur et transparence aux demandes d’information émanant des experts mandatés par le CSE.
En définitive, au-delà des évolutions organisationnelles intéressant les instances, l’enjeu principal réside dans l’exercice effectif de leurs compétences. Il importe que les CSE s’approprient pleinement leurs prérogatives, en particulier celles relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail, afin que ces questions soient bien prises en compte dans les procédures de restructuration.
M. le rapporteur. J’aimerais aborder la question du barème des indemnités prud’homales dues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pouvez‑vous, à partir de données empiriques, indiquer à la commission d’enquête si ce dispositif a effectivement modifié les pratiques en matière de licenciement ? Avez-vous à disposition des éléments tangibles permettant de nuancer, voire de réfuter, l’affirmation selon laquelle ledit dispositif aurait facilité, voire encouragé, les licenciements ?
M. Benjamin Maurice. L’instauration de ce barème avait plusieurs objectifs : renforcer l’équité entre les salariés, en réduisant les disparités parfois importantes qui existaient en l’absence de référence encadrée ; accroître la prévisibilité des coûts liés au licenciement pour les employeurs, dans un souci de sécurisation juridique ; favoriser les embauches en contrat à durée indéterminée (CDI), en offrant aux entreprises une meilleure visibilité sur les risques contentieux potentiels.
Des travaux de recherche récents, notamment ceux conduits en 2024 par Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo, confirment que la réforme a permis de renforcer la prévisibilité des conséquences d’une action en justice. On observe en particulier un resserrement des montants d’indemnisation accordés aux salariés, notamment à ceux dont l’ancienneté est inférieure à cinq années. D’une manière générale, l’harmonisation de ces montants contribue à réduire les inégalités de traitement entre salariés placés dans des situations comparables.
Ces mêmes chercheurs soulignent qu’il peut y avoir un effet de substitution entre les différents types de contentieux, et notamment une augmentation des recours fondés sur la nullité du licenciement, qui permet d’échapper au cadre contraint du barème. L’évaluation de ce phénomène demeure cependant délicate, en raison d’un recul encore limité, y compris sur le plan statistique.
Du reste, les analyses actuellement disponibles ne permettent pas d’observer de tendances nettes en ce qui concerne l’impact de la réforme sur les dynamiques d’embauche ou de licenciement.
M. le rapporteur. Pouvez-vous nous éclairer sur l’évolution du recours aux ruptures conventionnelles individuelles (RCI) depuis 2009 ? Est-il possible d’établir un lien entre cette évolution et la diminution observée des procédures de licenciement économique ?
M. Benjamin Maurice. Le nombre de ruptures conventionnelles individuelles augmente régulièrement depuis 2009. La mise en place de ce dispositif, issu d’un ANI conclu en 2008, a d’ailleurs significativement fait diminuer le contentieux relatif aux ruptures du contrat de travail.
Un point mérite d’être souligné : les ruptures conventionnelles individuelles sont intégrées à la somme des ruptures de contrat de travail susceptibles de déclencher l’obligation de mettre en œuvre un projet de licenciement collectif assorti ou non d’un PSE. Ce principe vise à éviter que le dispositif ne soit utilisé comme un levier pour contourner les dispositions relatives aux procédures collectives. Il appartient à l’administration d’être vigilante en la matière.
En définitive, les licenciements pour motif économique sont bien moins nombreux que les licenciements pour motif personnel. Le rapport est d’environ un pour dix.
M. le rapporteur. Que pensez-vous du phénomène de « restructurations à bas bruit », qui passent par la mobilisation de certains dispositifs tels que les ruptures conventionnelles collectives, les accords de performance collective et les contrats courts ? Disposez-vous de données sur les entrées au chômage consécutives à la mobilisation de ces dispositifs ?
M. Benjamin Maurice. Il existe en effet une pluralité de dispositifs, que les entreprises mobilisent en fonction de leur situation.
Lorsqu’elles évoluent dans un contexte stable, elles ont recours à la gestion prévisionnelle des emplois et des parcours professionnels (GEPP), qui permet de favoriser les départs volontaires. En situation intermédiaire, elles peuvent mettre en œuvre, par accord, des ruptures conventionnelles collectives, ce qui n’implique pas l’invocation d’un motif économique. En cas de difficultés économiques avérées, elles mettent en œuvre des PSE.
L’administration fait preuve d’une vigilance constante pour prévenir toute instrumentalisation des différents dispositifs. À titre d’illustration, l’usage des accords de performance collective est strictement encadré. Ils ne sauraient ainsi être mobilisés à l’occasion d’une fermeture définitive d’établissement entraînant le déplacement de l’ensemble des postes, en particulier lorsque les conditions de reclassement laissent présager un refus massif de la part des salariés. Par ailleurs, l’administration s’assure, lorsqu’elle homologue une RCI, de la réalité du consentement des parties et du respect des montants d’indemnisation minimaux prévus par la loi.
Des abus peuvent toujours être constatés. Mais l’administration et l’autorité judiciaire sont extrêmement attentives à ce que ces dispositifs soient utilisés conformément à leur finalité.
M. le président Denis Masséglia. Je vous propose de compléter nos échanges en répondant par écrit au questionnaire que nous vous avons transmis. Je vous remercie.
La séance s’achève à onze heures cinq.
Présents. – M. Benjamin Lucas-Lundy, M. Denis Masséglia, Mme Sophie-Laurence Roy
Excusé. – M. Éric Michoux