Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

 Examen, selon la procédure de législation en commission, de la proposition de loi visant à assurer le droit de chaque enfant à disposer d’un avocat dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative et de protection de l’enfance (n° 1831) (Mme Ayda Hadizadeh, rapporteure)                            2

 Examen de la proposition de loi visant à garantir un renouvellement automatique des titres de séjour de longue durée (n° 1799) (Mme Colette Capdevielle, rapporteure)                            26

 

 


Mercredi
3 décembre 2025

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 18

session ordinaire de 2025-2026

Présidence
de M. Philippe Gosselin
Vice-président,
puis de M. Florent Boudié
Président


  1 

La séance est ouverte à 9 heures.

Présidence de M. Philippe Gosselin, président.

La Commission examine, selon la procédure de législation en commission, la proposition de loi visant à assurer le droit de chaque enfant à disposer d’un avocat dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative et de protection de l’enfance (n° 1831) (Mme Ayda Hadizadeh, rapporteure).

M. Philippe Gosselin, président. Mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence momentanée de notre président, qui reçoit les coprésidents du Conseil supérieur de la magistrature avec la présidente de l’Assemblée nationale.

Nous allons examiner aujourd’hui trois nouvelles propositions de loi que le groupe Socialistes et apparentés a souhaité inscrire à l’ordre du jour de sa journée réservée du 11 décembre. Notre commission avait déjà examiné la semaine dernière sa proposition de loi relative à la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux.

M. Philippe Gosselin, président. Ce texte, déposé le 16 septembre, est examiné selon la procédure de législation en commission.

Mme Ayda Hadizadeh, rapporteure. C’est avec une certaine émotion que je m’exprime aujourd’hui. En avril 2024, j’étais en salle Lamartine pour le lancement d’une commission d’enquête historique, qui avait pour présidente Laure Miller et pour rapporteure Isabelle Santiago. Voulue par le groupe socialiste, elle devait se pencher sur les dysfonctionnements de l’aide sociale à l’enfance. À l’époque, je n’étais pas encore députée, mais coordinatrice du comité de vigilance des enfants placés.

J’ai eu l’honneur d’animer ce comité pendant de nombreux mois, pour suivre les travaux de cette commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance. Ma relation avec les anciens enfants placés est devenue presque une histoire de famille. Quand je suis entrée dans la vie politique nationale, après la dissolution, je me suis fait le serment de faire entendre leur voix et d’être à leurs côtés pour réformer la protection de l’enfance, qui devrait être au cœur de toutes nos politiques publiques – puisque tout commence et tout finit par l’enfance – et dont le rapport de Mme Santiago a pourtant établi les dysfonctionnements graves et systémiques.

Lorsque le rapport a été rendu, j’ai demandé à ces anciens enfants placés quelle recommandation, sur près d’une centaine, leur paraissait la plus urgente à mettre en œuvre. Sans aucune hésitation, ils ont choisi la présence systématique et obligatoire d’un avocat. Je dois dire que s’ils en avaient désigné une autre, je l’aurais défendue avec la même force.

Cette évolution n’est pas une idée nouvelle. Elle est promue depuis très longtemps par les défenseurs des enfants. Certains sont d’ailleurs présents, comme Perrine Goulet, qui a commencé à mener ce combat bien avant de présider la délégation aux droits des enfants, ou Marianne Maximi, qui, forte de son expérience d’éducatrice, demande des évolutions profondes pour réparer le système de la protection de l’enfance. Au Sénat, notre collègue Xavier Iacovelli a récemment déposé une proposition de loi identique.

En 2022, lors de l’examen de la loi relative à la protection des enfants présentée par le ministre Adrien Taquet, un amendement avait été déposé par plusieurs groupes politiques pour permettre à tout enfant entrant dans une procédure d’assistance éducative d’être accompagné d’un avocat. Il y avait eu des débats, des inquiétudes aussi, et il avait finalement manqué une voix pour que cet amendement soit adopté.

Nous avons demandé pour le présent texte une procédure de législation en commission car les constats du rapport d’Isabelle Santiago sont partagés par de nombreux groupes politiques – si ce n’est l’ensemble des groupes, s’agissant des dysfonctionnements graves de l’aide sociale à l’enfance. Après des années de combat, il est donc temps de permettre à chaque enfant d’être assisté d’un avocat.

Je remercie tous les groupes politiques avec lesquels j’ai travaillé lors des auditions de ces dernières semaines pour affiner le texte et essayer de répondre aux préoccupations et aux inquiétudes.

Je remercie particulièrement Caroline Yadan, responsable du texte pour le groupe Ensemble pour la République, qui était à mes côtés lors de toutes les auditions. Son regard d’avocate et son expertise en droit de l’enfant et de la famille ont été précieux. Nous avons quasiment fait évoluer le texte ensemble.

Le groupe D a également été très présent. Nous nous sommes bien sûr appuyés sur l’important travail effectué par le groupe socialiste, notamment avec Isabelle Santiago, mais aussi sur celui du groupe LFI. Quant au groupe Rassemblement national, il avait aussi défendu cette mesure il y a quelque temps, dans le cadre d’une proposition de résolution.

Lors des auditions, personne ne nous a dit que la présence d’un avocat de manière systématique et obligatoire mettrait en danger les enfants. Tout le monde comprend la nécessité de mieux garantir le respect des droits de l’enfant. Mais, si la mesure ne suscite pas d’opposition, elle soulève toutefois des inquiétudes sur sa faisabilité, sur sa montée en charge et sur la judiciarisation, voire la conflictualisation, des procédures.

Nous ne balayons pas ces inquiétudes d’un revers de la main, mais nous pouvons y apporter des réponses, en nous appuyant sur les expérimentations menées par les barreaux de Nanterre et de Bourges. Elles ont montré que partout où l’avocat était présent, le travail du juge – qui reste le garant de l’intérêt de l’enfant – s’en est trouvé amélioré. Ce sont des juges des enfants qui nous ont tenu ce discours, non des avocats.

Quel sera le rôle de l’avocat chargé d’accompagner un enfant entrant dans une procédure d’assistance éducative ? Il sera bien sûr son représentant juridique et son porte-parole. Grâce à son travail de préparation, il fera en sorte que cette parole et ces mots parfois difficiles à dire émergent, lors des entretiens individuels ou des audiences avec le juge des enfants. Il lui reviendra aussi d’expliquer la décision qui sera rendue et d’en faciliter la compréhension. Toutefois, son rôle ne s’arrêtera pas là. Les états généraux de la justice ont insisté sur le fait que l’avocat était, encore plus que par le passé, le gardien des droits. Pour les enfants placés, j’ajoute qu’il est un gardien des droits de proximité.

Lorsque l’enfant n’est plus protégé par sa famille, qui est dysfonctionnelle, violente, maltraitante, il est important d’avoir – à côté du service gardien et à côté du juge qui prononce ses décisions dans l’intérêt de l’enfant – un regard extérieur et indépendant sur le déroulement de la procédure d’assistance éducative, laquelle peut donner lieu, mais pas nécessairement, à un placement.

Nous le savons depuis le rapport de Mme Santiago, les dysfonctionnements de la protection de l’enfance sont nombreux et ont malheureusement un caractère systématique. Les violences sont une réalité au sein des lieux de placement. Le cas échéant, l’enfant doit pouvoir alerter et dire ce qu’il subit. À qui peut-il parler ? Ses parents ne sont pas là et le service gardien ne peut pas non plus le protéger. Le juge est certes garant de ses droits, mais il ne fait pas partie de son environnement quotidien. La relation de proximité est donc essentielle. On le sait, les enfants ont la carte de leur avocat dans leur poche – certains leur permettent même de les contacter par les réseaux sociaux.

L’avocat assure par ailleurs le suivi juridique et judiciaire du dossier. Il en est la mémoire et le fil rouge. Pour cette raison, il est important qu’il puisse intervenir le plus tôt possible, sans attendre que l’enfant soit considéré comme discernant – nous reviendrons lors de l’examen des amendements sur cette notion, qui interroge le garde des sceaux et tous ceux qui s’intéressent à la protection de l’enfance. Il est essentiel que le dossier commence au plus tôt et qu’il n’y ait pas de trous, pour que l’enfant puisse s’y référer une fois adulte. Les anciens enfants placés le disent, le dossier est la seule mémoire de leur enfance. Nous, nous avons des souvenirs et des photos de famille. Eux, il ne leur reste que ce dossier. Lorsqu’il n’est pas complet, c’est une violence supplémentaire qu’ils ont à affronter.

Il est beaucoup question de la place des uns et des autres dans la procédure d’assistance éducative et, en préparant mon intervention, une image m’est venue à l’esprit. Quand l’enfant traverse la nuit sombre des violences qu’il subit au sein de sa famille, il doit pouvoir compter sur plusieurs sources de lumière. Le juge, c’est le phare, cette figure imposante et respectable qui est là pour éclairer le chemin et éviter les écueils. Le service gardien, c’est le feu de cheminée, qui apporte de la lumière mais surtout de la chaleur et du réconfort, au quotidien. Quant à l’avocat, c’est la petite veilleuse que l’enfant peut toujours avoir à ses côtés pour le rassurer lorsqu’il a peur du noir, et qui doit constamment être entretenue.

Je suis très fière du long chemin qui a été parcouru par tous ceux qui veulent protéger davantage les enfants. J’espère que nous pourrons faire ensemble les derniers kilomètres et, peut-être, faire en sorte que cette proposition de loi soit adoptée tout à l’heure en commission, puis en séance la semaine prochaine.

Dans cette salle, il n’y a pas ceux qui se préoccupent des enfants et les autres. Nous sommes tous convaincus que l’enfance en danger, celle qui n’est pas protégée par ses parents, n’est pas suffisamment protégée non plus par nos institutions. Le texte que nous vous proposons vise à réparer l’un des dysfonctionnements qui existent. Je remercie d’ailleurs les groupes qui ont fait part de leurs inquiétudes, car nous avons pu avoir un dialogue constructif. J’espère qu’il en sera de même ce matin et que nous pourrons aboutir dans la sérénité à une évolution législative majeure et très attendue.

Les anciens enfants placés ne représentent aucun intérêt partisan. Ils n’ont d’autre souci que de s’assurer que les malheurs qu’ils ont subis une fois placés ne se reproduisent plus. Leur seul mot d’ordre est : Plus jamais ça ! Ce qu’ils demandent pour leurs petites sœurs ou leurs petits frères placés, c’est tout simplement de la justice et de la réparation.

M. Philippe Gosselin, président. Merci pour cette intervention qui est une vraie plaidoirie.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Sylvie Josserand (RN). Déposée par le groupe socialiste, cette proposition de loi visait, dans sa rédaction initiale, à « assurer le droit de chaque enfant à disposer d’un avocat dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative et de protection de l’enfance ». À la faveur d’un amendement du groupe Rassemblement national, Mme la rapporteure en modifie le titre afin qu’il s’agisse plutôt du droit de chaque enfant à « être assisté » d’un avocat.

Le titre initial était fort maladroit, car un justiciable ne dispose pas d’un avocat. Le nouveau titre proposé par la rapporteure est toutefois loin d’être satisfaisant. En effet, le mineur privé de discernement ne peut pas être assisté : il est représenté par un administrateur ad hoc, lui-même assisté d’un avocat. Ces subtilités auront manifestement échappé aux signataires socialistes de la proposition de loi.

D’autres errements sont par ailleurs à déplorer. Dans son article 1er, la proposition de loi envisage de modifier l’article 1186 du code de procédure civile. On s’étonnera de l’extrême légèreté de cette proposition de modification par la voie législative d’une disposition relevant exclusivement de la voie réglementaire. En effet, l’article 1186 du code de procédure civile est le produit de deux décrets, du 15 mars 2002 et du 24 mai 2013, et le principe de la séparation des pouvoirs exécutif et législatif prive le législateur de toute prérogative sur les décrets et les arrêtés.

Dans un sursaut tardif, le groupe socialiste, confronté à sa propre impéritie, proposera par amendement de supprimer l’article 1er de sa proposition de loi. Triste aveu d’amateurisme.

À cette difficulté dirimante s’ajoute, à l’article 2, la confusion entre les domaines respectifs du code civil et du code de procédure civile. Le texte envisage en effet de modifier l’article 375-1 du code civil pour préciser les modalités de désignation de l’avocat de l’enfant concerné par la mesure d’assistance éducative. Or cette modification ne relève pas du code civil, qui a vocation à affirmer des principes, mais du code de procédure civile, qui décline la procédure pour permettre leur mise en œuvre.

Cette proposition de loi se commet dans une autre confusion en visant les « mesures d’assistance éducative relevant de l’aide sociale à l’enfance », alors que le prononcé d’une mesure d’assistance éducative par un juge des enfants n’implique pas obligatoirement l’intervention des services départementaux de l’aide sociale à l’enfance.

Ces approximations signent avec éclat la recherche de communication à tout crin des auteurs de cette proposition de loi. Elles contrastent avec l’enjeu fondamental de préservation des intérêts propres du mineur, sujet souvent passif d’une procédure dont les principaux acteurs sont les services de l’aide sociale à l’enfance et le juge des enfants, les parents étant également relégués au second plan.

La présence d’un avocat aux côtés du mineur en âge de discernement comme de l’administrateur ad hoc du mineur non doté de discernement est une garantie essentielle du procès équitable et de son corollaire, le principe du contradictoire. Elle est posée par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et tout le monde doit pouvoir en bénéficier.

Nous déplorons avec gravité que l’exposé, par les services de l’aide sociale à l’enfance, d’une situation familiale qui justifierait un placement de l’enfant, ou encore du quotidien d’un mineur placé dans un foyer, diffère parfois fortement du récit fait par le mineur lui-même. En cela, je vous rejoins, madame la rapporteure.

Toutefois, en l’état, cette proposition de loi ne conférera pas la moindre effectivité au principe de la défense du mineur faisant l’objet d’une procédure d’assistance éducative. Les amendements de dernière minute de Mme la rapporteure ne suffiront pas à effacer les vices dirimants de ce texte. Pour cette raison, le groupe Rassemblement national s’abstiendra.

Mme Caroline Yadan (EPR). Certains textes ne viennent pas ajouter une pierre à l’édifice normatif mais en consolident les fondations. Ils rappellent l’impérieuse nécessité d’adapter notre droit pour mieux protéger les plus vulnérables, en corrigeant des lacunes trop longtemps ignorées.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise clairement cet objectif. À l’instar de ce qui est prévu en matière pénale, elle garantit que tout enfant concerné par une mesure d’assistance éducative au sens des articles 375 et suivants du code civil soit systématiquement assisté d’un avocat chargé de défendre ses intérêts, quel que soit son âge et indépendamment de l’appréciation de son discernement.

Cette garantie nouvelle constitue une avancée importante. Elle consacre les droits de l’enfant dans les procédures d’assistance éducative et donne corps à l’exigence inscrite dans la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) selon laquelle l’intérêt supérieur du mineur doit primer dans toutes les décisions qui le concernent. En effet, cet intérêt supérieur ne peut être réellement protégé que si la parole de l’enfant est recueillie, comprise et portée, que si l’exercice de ses droits est effectif, et que si un professionnel du droit formé l’accompagne tout au long d’une procédure déterminante pour son avenir.

Dans ce contexte, l’avocat joue un rôle essentiel. En amont de l’audience, il explique au mineur les enjeux de la mesure d’assistance éducative ordonnée par le juge, recueille ses explications et lui rend accessibles les éléments du dossier. Pendant l’audience, il porte sa parole, garantit l’ensemble de ses droits fondamentaux et veille au respect du contradictoire. Puis, après la décision, il en clarifie la portée, suit sa mise en œuvre et exerce le cas échéant les recours nécessaires. Parce qu’il suit l’enfant dans la durée, un lien de confiance se construit progressivement. Comme les auditions nous l’ont rappelé, ce lien permet à l’enfant d’exprimer des inquiétudes ou des besoins qu’il n’ose pas toujours confier aux éducateurs, à sa famille ou au juge. L’avocat devient ainsi un veilleur indispensable. Il peut percevoir un basculement vers la délinquance, repérer une situation de maltraitance, identifier un risque d’exploitation sexuelle ou détecter des troubles psychiques émergents.

Contrairement à certaines craintes qui ont été exprimées, l’avocat n’a pas vocation à s’opposer par principe au juge : il peut aussi être son partenaire. Cette coopération peut apaiser les audiences, renforcer la compréhension des situations et soutenir l’action des magistrats, des éducateurs, des travailleurs sociaux et des services départementaux.

Les avocats sont en mesure d’assumer cette nouvelle mission. Dans la quasi-totalité des barreaux, des antennes spécialisées ont été créées. Depuis 2021, une mention de spécialisation en droit des enfants atteste en outre d’une expertise reconnue.

La désignation systématique d’un avocat constitue un investissement social majeur, mais aussi une source d’économies pour l’État. Elle limitera les coûts liés aux ruptures de parcours des jeunes passés par l’aide sociale à l’enfance, dont nous savons qu’ils rencontrent davantage de difficultés scolaires ou sociales et qu’ils ont plus de mal à accéder à l’autonomie.

Protéger mieux aujourd’hui, c’est prévenir des ruptures humaines, sociales et financières bien plus lourdes demain. Voilà pourquoi ce texte composé de trois articles constitue une avancée.

Nous souhaitons la suppression de son article 1er, eu égard à la nature exclusivement réglementaire du code de procédure civile. Nous proposerons aussi une nouvelle rédaction de l’article 2 intégrant les ajustements identifiés au fil des auditions. Nous avons mené ces dernières en étroite collaboration avec la rapporteure Ayda Hadizadeh, que je remercie pour la qualité du travail effectué en commun et pour l’esprit de coopération transpartisan qui l’a guidée.

Il est temps que les enfants concernés par une mesure éducative deviennent pleinement des sujets de droit, dont les intérêts sont défendus de manière indépendante, constante et professionnelle. C’est tout le sens de cette proposition de loi, que le groupe Ensemble pour la République soutiendra résolument.

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Merci d’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale un texte relatif à la protection de l’enfance. Permettre aux enfants d’être assistés d’un avocat dans leur parcours en protection de l’enfance est en effet essentiel.

Tout le monde ne sait pas comment se déroule une audience en assistance éducative devant un juge des enfants ; lorsque j’étais éducatrice, avant de rejoindre l’Assemblée nationale, c’était mon quotidien. Les échanges se déroulent à huis clos, dans un petit bureau. Les parents sont présents, de plus en plus souvent assistés d’un avocat. Les éducateurs spécialisés et les représentants des services gardiens sont là pour défendre les intérêts de l’enfant, mais ce sont des spécialistes du développement de l’enfant et non des spécialistes du droit. L’enfant n’a donc pas d’assistance juridique et nous avons besoin qu’il puisse être accompagné sur ce plan.

Cette proposition de loi est cruciale pour garantir le respect des droits des enfants. Elle semble toutefois bien isolée dans un océan d’abandon de la protection de l’enfance par les gouvernements successifs. Pas plus que les déclarations du ministre Darmanin, les votes favorables des macronistes sur ce texte n’effaceront les années d’effondrement de la protection de l’enfance. Ils n’effaceront pas les coupes dans les budgets de la justice des enfants, au point que la plupart des audiences se déroulent désormais sans greffe et que les juges des enfants suivent chacun près de 800 situations. Ils n’effaceront pas les milliers de mesures non exécutées, avec des enfants qui restent au domicile familial, lieu de tous les dangers, dans l’attente d’être placés. Ils n’effaceront pas les salaires de misère des éducateurs, des veilleurs de nuit, des cuisiniers ou des blanchisseurs qui travaillent en protection de l’enfance et subissent l’austérité imposée par la Macronie.

Qui peut croire, parce que vous voterez ce texte aujourd’hui, que vous soutiendrez demain les mesures essentielles et urgentes défendues par tout le secteur et reprises dans le rapport de la commission d’enquête sur les dysfonctionnements de l’aide sociale à l’enfance, comme l’augmentation du nombre de juges des enfants, l’instauration de ratios d’encadrement, la revalorisation des salaires des différents professionnels ou l’ouverture de nouvelles places pour accueillir les enfants ?

Les avocats dont nous souhaitons rendre la présence obligatoire seront des témoins supplémentaires de la destruction méthodique d’un service public pourtant essentiel. Ils lanceront probablement l’alerte. Ils se mobiliseront, comme tous les autres professionnels du secteur le font depuis des années, mais leur voix sera certainement minorée, méprisée, ignorée.

Il paraît qu’au sein de cette commission, tout le monde soutient les enfants. Pourtant, certains amendements déposés par des groupes de droite ou de droite extrême essayent de distinguer les droits des enfants en fonction de leur nationalité. Si vous voulez vraiment soutenir les enfants, rebâtissez plutôt l’aide sociale à l’enfance, pour protéger tous les enfants qui sont en danger dans notre pays !

Nous soutiendrons ce texte, mais tant que le pouvoir ne fera pas de la protection de l’enfance une priorité budgétaire et politique, elle continuera à s’effondrer, brisant avec elle de nombreuses vies.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Le groupe socialiste réaffirme son plein et entier soutien à la proposition de loi défendue avec beaucoup d’émotion par Ayda Hadizadeh, dont je connais l’engagement de longue date. La présence d’un avocat aux côtés des enfants faisant l’objet d’une procédure d’assistance éducative est une évolution souhaitée par de nombreux parlementaires, à l’Assemblée nationale et au Sénat. Il s’agissait de la recommandation n° 59 du rapport de la commission d’enquête sur la protection de l’enfance.

Je me réjouis que les choses avancent, même si ce texte mettrait simplement la France en conformité avec la Convention internationale des droits de l’enfant. Depuis plus de trente ans, cette dernière impose que les enfants soient entendus, assistés et défendus dans toute procédure les concernant. La Défenseure des droits le demande régulièrement. De nombreux rapports, ainsi que les avis du Conseil économique, social et environnemental ou du Conseil national des barreaux, convergent pour rappeler à la France qu’elle ne respecte toujours pas la CIDE. En 2022, la loi Taquet a certes introduit l’administrateur ad hoc, mais ce dispositif a montré ses insuffisances, notamment parce qu’il ne s’accompagne d’aucune garantie d’effectivité et ne prévoit aucune formation homogène.

Plusieurs parlementaires, dont certains sont présents, comme Perrine Goulet, qui a déposé un amendement à ce sujet en commission des finances en 2023, ou Marianne Maximi, ont insisté sur la nécessité de permettre aux mineurs en assistance éducative d’être assistés d’un avocat. Le sénateur Loïc Hervé a soulevé la question dans une question écrite en juillet 2023.

Nous sommes donc au milieu du gué. Aujourd’hui, nous avons la possibilité d’avancer tous ensemble.

Alors que leur sécurité, leur vie familiale ou leur avenir sont en jeu, les enfants continuent malheureusement de comparaître sans avocat. Ils doivent pouvoir bénéficier de cet accompagnement qu’ils soient capables de discernement ou non. Cette précision est importante, car on assiste à une augmentation du nombre de tout-petits en protection de l’enfance.

L’enfant est un sujet de droit et, à ce titre, doit bénéficier d’un avocat dans toute procédure de protection. En votant ce texte, nous rejoindrons les nombreux pays européens, mais aussi le Canada et le Royaume-Uni, qui ont déjà reconnu ce droit fondamental aux enfants, qu’ils soient discernants ou non. La présente proposition de loi nous mettra en cohérence avec nos propres constats – la commission d’enquête avait en effet adopté les préconisations de son rapport à l’unanimité – et avec le droit international. Ce sera une grande avancée.

Le groupe socialiste votera ce texte, parce que la protection de l’enfance exige des droits effectifs et parce qu’un pays doit protéger ses citoyens les plus vulnérables. Il est temps que nous avancions sur ce sujet en France. Nous sommes parmi les derniers en Europe à ne pas l’avoir fait.

Mme Élisabeth de Maistre (DR). Le texte que nous examinons ce matin vise à mieux protéger les enfants, mieux recueillir leur parole et mieux garantir leurs droits fondamentaux. Nous ne contestons ni l’importance du sujet ni la valeur du travail réalisé. Au contraire, c’est parce qu’elle partage ces objectifs que la Droite républicaine exprime certaines réserves sur la manière de les atteindre.

Premièrement, la généralisation d’un avocat pour chaque enfant placé sous mesure de protection crée à nos yeux un risque de judiciarisation excessive.

Un avocat peut déjà être nommé sur demande du juge des enfants ou de l’enfant lui-même. En rendant sa présence auprès de l’enfant obligatoire, indépendamment de son âge et de sa capacité de discernement, cette proposition de loi réduira le rôle du juge des enfants, qui est pourtant au cœur de la protection de l’enfance, et lui retirera toute marge d’appréciation.

En outre, alors que les juges des enfants nous alertent sur la surcharge de dossiers, le manque de places et les impossibilités de placement, nous devons veiller à ne pas transformer la procédure éducative en procédure contentieuse permanente.

Deuxièmement, l’avocat n’a ni le rôle ni les compétences du travailleur social, de l’éducateur, du psychologue ou de l’administrateur ad hoc. S’agissant d’un enfant très jeune, âgé de quelques mois ou de quelques années, il ne peut ni recueillir une instruction, ni élaborer avec lui une stratégie. En imposant sa présence dans toutes les situations, nous risquons de multiplier les intervenants, de brouiller les repères et, pour les plus fragiles, d’ajouter de l’anxiété là où l’enfant a besoin d’un cadre clair et stable.

Troisièmement, le texte ignore totalement une réalité majeure de la protection de l’enfance, celle des mineurs non accompagnés, qui représentent jusqu’à la moitié des mesures d’assistance éducative dans certains départements. Leur situation est marquée par une grande précarité, mais peut aussi faire l’objet d’une instrumentalisation par des réseaux de passeurs. Dans ce contexte, l’avocat obligatoire dès l’ouverture de la procédure risque de devenir un levier d’influence, voire de pression, sur les services sociaux ou sur la justice. Il pourrait également d’alimenter une explosion du contentieux dans des juridictions déjà au bord de la rupture. Un texte qui se veut protecteur ne peut ignorer cette dimension.

Quatrièmement, la question financière ne peut être éludée. La mesure coûterait près de 230 millions d’euros par an, dans un contexte où les départements financent déjà l’aide sociale à l’enfance à hauteur de 9 milliards, où les mineurs non accompagnés mobilisent 1,5 milliard et où plus de 28 000 enfants restent hébergés à l’hôtel. Nous croyons à la protection de l’enfance, mais elle doit être soutenable. Pour être utile et efficace, un dispositif doit être finançable.

Une expérimentation est en cours dans mon département des Hauts-de-Seine. Elle a produit des résultats intéressants, mais reste limitée à un seul territoire, où le barreau est structuré et la coordination remarquable avec les deux juges des enfants. Ce n’est que grâce à une expérimentation plus large – vous avez signalé qu’une démarche similaire existait à Bourges – que nous pourrons déterminer si une application nationale est pertinente et soutenable.

Nous partageons donc l’objectif, mais pas la méthode. Nous voulons protéger les enfants sans affaiblir les juges ni désorganiser les services sociaux. Pour cette raison, nous considérons que la voie de l’expérimentation et du ciblage, notamment à partir de 13 ans, serait plus responsable qu’une obligation généralisée. Le groupe de la Droite républicaine s’abstiendra donc lors du vote de ce texte.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). La voix des enfants est certes mieux entendue qu’hier, mais elle n’est pas toujours comprise et des milliers d’entre eux restent invisibles, mal défendus et mal accompagnés.

Alors qu’en matière pénale, la présence de l’avocat est obligatoire, au civil, en assistance éducative, l’accompagnement de l’enfant est encore subordonné à deux critères qui en limitent l’accès réel : il faut qu’il demande lui-même un avocat et qu’il soit considéré comme discernant. Autrement dit, les enfants les plus vulnérables sont aussi ceux qui restent seuls. Le fait que le juge puisse demander un avocat n’a jamais suffi à corriger la situation.

Grâce à cette proposition de loi, aucune mesure éducative, aucun placement, aucune décision structurante pour l’avenir d’un mineur ne pourra être décidée sans avocat. L’enfant devra être systématiquement assisté dès l’ouverture de la procédure, quels que soient son âge et la complexité de sa situation.

Les expérimentations menées dans plusieurs barreaux prouvent que le dispositif fonctionne, qu’il sécurise, stabilise et parfois rassure. Informer un enfant de ses droits ne suffit pas. Il faut encore qu’il ose s’en saisir et qu’il comprenne qu’une voix peut parler pour lui, avec son consentement.

L’avocat garantit l’exercice effectif des droits procéduraux, assure la représentation du mineur devant le juge, protège sa parole, rééquilibre le contradictoire et crée un repère pérenne dans une procédure souvent instable, marquée par un turnover permanent des professionnels. Il permet un traitement égalitaire entre les enfants, qu’ils s’expriment ou non, qu’ils soient armés ou non pour le faire.

Cette avancée n’épuisera pas le chantier que nous avons devant nous. L’aide sociale à l’enfance est à bout de souffle. Le manque d’éducateurs est criant, autant que la pénurie de pédopsychiatres, l’instabilité des prises en charge, la fatigue des services sociaux ou le fait que les juges soient débordés. Tout ce qui n’a pas été fait ces dernières années se fait durement ressentir aujourd’hui.

Mais il faut bien commencer par quelque chose. Ce texte qui consacre le droit de chaque enfant à une justice adaptée est un bon début. Il replace l’enfant au centre, là où il devrait toujours être. Nous le soutiendrons et saluons le travail qui a été mené pour l’améliorer, le clarifier et le sécuriser juridiquement.

En protégeant l’enfant aujourd’hui, nous construisons l’adulte de demain : pardon de cette banalité, mais elle est sans doute plus essentielle qu’on ne l’imagine. L’ordonnance de 1945 avait posé ce principe fondamental et la Convention internationale des droits de l’enfant, dans le premier alinéa de son article 3, l’avait gravé dans le droit international. Mettre la justice à hauteur d’enfant n’a rien d’abstrait, mais implique de changer d’angle. La justice doit s’adapter à l’enfant et non l’inverse. Elle doit prendre en compte sa sensibilité, son rythme, sa compréhension du monde et sa vulnérabilité, et ce quel que soit son âge, sa maturité ou son discernement. L’enfant doit enfin pouvoir être reconnu comme un sujet de droit à part entière.

Mme Perrine Goulet (Dem). La présence d’un avocat pour les enfants en assistance éducative n’est ni plus ni moins qu’une question d’égal accès à la justice. Dans notre pays, nos enfants sont et doivent être des justiciables à part entière. Ils doivent donc pouvoir être représentés et faire valoir leurs droits.

Nous défendons cette mesure depuis plusieurs années. Elle résulte d’un long travail mené par de nombreuses instances. C’était la proposition n° 6 du rapport établi par la mission d’information sur l’aide sociale à l’enfance dont j’étais rapporteure en 2019. La délégation aux droits des enfants, que je préside depuis sa création en 2022, a consacré un cycle d’auditions à la protection de l’enfance en 2024, qui a aussi conduit à recommander la généralisation de la présence d’un avocat ou d’un administrateur ad hoc dans les procédures d’assistance éducative, recommandation confirmée par la commission d’enquête rapportée par Mme Santiago. La Défenseure des droits, les états généraux de la justice ou la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants ont également soutenu cette avancée.

Vous connaissez mon engagement personnel à ce sujet. Je répète donc ce que je disais il y a presque quatre ans, lors de la défense d’un amendement déposé lors de l’examen de la loi de février 2022 : un avocat est nécessaire, car il est le garant des intérêts de l’enfant et uniquement de l’enfant, pour qui il est une source de stabilité, une mémoire, un fil rouge, une boussole absolument essentielle.

Qu’y a-t-il de pire pour un enfant que de se retrouver, lors de son audition par le juge des enfants, entouré d’un éducateur référent qu’il connaît parfois peu, de ses parents souvent accompagnés d’un avocat, et d’un juge qui est certes garant de son intérêt mais qui, compte tenu de sa charge de travail, n’a pas toujours le temps de l’entendre ?

Aujourd’hui, l’accès à un avocat en assistance éducative est soumis à la condition du discernement de l’enfant ou à une décision favorable du juge. Mais qui peut juger du discernement d’un enfant ? Comment justifier que le justiciable le plus vulnérable soit le moins protégé ? Nous ne saurions revenir sur l’accès à un avocat pour un justiciable adulte, que ce soit au pénal ou au civil, et même si cet adulte est non discernant. Ne laissons pas prospérer cette inégalité qui touche nos enfants et permettons-leur de disposer d’un relais en dehors de leur vie quotidienne, qui soit capable de les accompagner sur le long terme et de défendre leurs droits.

Ce texte propose que tout mineur concerné par une mesure de protection judiciaire soit assisté d’un avocat sans condition de discernement. Il représente une avancée majeure, qui comble un manquement de la loi de février 2022. Rien ne justifie que les droits procéduraux d’un enfant non discernant soient mis à mal.

Le groupe Les Démocrates salue le travail transpartisan mené par la rapporteure. Approfondi et marqué par de multiples auditions, il répond aux exigences et aux responsabilités qui nous incombent vis-à-vis de nos enfants.

Nous nous prononcerons en faveur de cette proposition de loi, en soutenant certaines modifications du texte initial, conformément aux travaux menés avec la rapporteure. Son ambition s’inscrit en effet dans la continuité de notre engagement en faveur d’un meilleur accès à la justice pour nos enfants. Il s’agit de permettre aux enfants d’avoir les mêmes droits que les adultes dans notre pays.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). La protection de l’enfance est une composante essentielle de l’action publique. D’une certaine manière, elle en constitue le fondement. Grâce au dévouement des professionnels, elle permet à des enfants ayant vécu une enfance difficile de se relever et de se réaliser. C’est un domaine dans lequel la République s’incarne quotidiennement, sous les traits successifs des agents des services de l’aide sociale à l’enfance, des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, des travailleurs sociaux ou des familles d’accueil.

Dans sa dimension judiciaire, la charge de la protection de l’enfance revient aux juges des enfants. Bien qu’investis d’une mission de première importance, ils se heurtent à la réalité des tribunaux. La surcharge des juridictions pour mineurs rend l’exercice de leur office particulièrement difficile, pour ne pas dire impossible.

En 2024, une enquête du Syndicat de la magistrature, remise au garde des sceaux, mettait en avant des chiffres plus qu’alarmants. Elle montrait que 34 % des juges des enfants ne parviennent pas à respecter leur obligation légale de procéder à un entretien individuel avec l’enfant capable de discernement, en raison de la surcharge de leur juridiction. À l’échelle nationale, plus de 3 000 placements ne sont pas exécutés, conduisant à des situations de maltraitance très graves, et beaucoup d’autres sont mal exécutés. Certains enfants se retrouvent hébergés dans des lieux non agréés par le département et, alors que la loi l’interdit, dans des hôtels.

Le groupe Horizons & indépendants attache une grande importance aux initiatives permettant d’améliorer autant que possible cet état des lieux très préoccupant.

La présente proposition de loi vise à améliorer le suivi individuel des enfants faisant l’objet d’une procédure d’assistance éducative en proposant de rendre systématique leur représentation par un avocat, qu’ils soient discernants ou non. L’avocat serait ainsi un acteur supplémentaire dans la chaîne d’écoute de l’enfant.

Notre groupe soutient la philosophie globale de ce texte et, à ce titre, tient à lui apporter des améliorations. En accord avec la rapporteure, nous avons ainsi déposé des amendements de réécriture de l’article 2. Dans un esprit de bienveillance, nous tenons en outre à l’alerter sur deux difficultés qui demeurent. D’une part, la spécialisation des avocats qui représenteraient ces enfants nous semble indispensable. Ils devront avoir une formation spécifique en matière de protection de l’enfance, en particulier pour accompagner des enfants non discernants. D’autre part, s’agissant de ces enfants non discernants, des précisions nous paraissent nécessaires quant à l’articulation des rôles entre l’avocat et l’administrateur ad hoc. En cas de désaccord, qui tranchera sur la solution préservant au mieux les intérêts de l’enfant ?

Le groupe Horizons & indépendants votera en faveur de ce texte, sous réserve que sa rédaction soit améliorée et précisée par les amendements de réécriture. Nous espérons que l’adoption de cette proposition de loi, de façon transpartisane, apportera une nouvelle pierre et permettra de changer les regards sur la protection de l’enfance.

M. Yannick Favennec-Bécot (LIOT). Même s’il est entouré d’adultes, un enfant reste seul face à la justice tant qu’il n’est pas assisté d’un avocat.

Un mineur n’est pas un justiciable comme les autres. C’est un justiciable vulnérable, parfois en danger, qui doit à tout prix être protégé. Pourtant, en matière civile, un enfant peut se retrouver seul face à une décision qui engage son avenir, son bien-être ou sa vie familiale, sans accompagnement ni conseil d’un avocat. Une telle situation n’est plus acceptable.

Cette proposition de loi vient s’attaquer à cet angle mort de notre République. Elle propose une solution simple, mais qui a tardé à s’imposer. Aucun enfant ne devrait faire l’objet d’une procédure d’assistance éducative sans avocat. Les critères actuels, qui s’apparentent plus à un verrou législatif qui enraye la protection des mineurs, doivent être supprimés.

La présence de l’avocat doit être systématique. Il n’y a pas à s’occuper de savoir si des conditions sont réunies ou si l’enfant est capable de discernement. Comment pouvons-nous refuser à un mineur ce que nous accordons à tout adulte mis en cause dans une procédure ? Comment justifier qu’un enfant, privé de ses repères dans une situation familiale complexe, souvent en souffrance, puisse se voir refuser une protection juridique aussi élémentaire ?

En matière pénale, ce droit est garanti à tout mineur, sans distinction. Cet acquis doit être élargi à la matière civile pour les mesures d’assistance éducative. En modifiant le code civil, l’article 2 de la proposition de loi répare cette incohérence. Il prévoit que le juge aux affaires familiales désigne automatiquement un avocat pour tout mineur, sans condition d’âge ou de discernement. L’État prendra en charge cette assistance juridique pour garantir un égal accès à chacun.

C’est une mesure de bon sens. La condition de discernement n’a pas lieu d’être : ce n’est pas parce qu’un enfant n’est pas apte à comprendre une procédure qu’il ne peut pas être accompagné par un avocat ou, à titre subsidiaire, par un administrateur ad hoc.

Au-delà de l’aspect procédural, la présence d’un avocat permettra d’offrir à chaque enfant une écoute, une voix et une protection. L’avocat veillera aussi à la bonne exécution des mesures éducatives, pour que la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant soit une réalité et pas seulement une promesse.

Cette avancée est très attendue par les acteurs du secteur. Associations, professionnels du droit, Conseil national des barreaux : tous partagent la volonté de renforcer les droits de l’enfant en matière civile. Le groupe LIOT souscrit pleinement à cette vision et votera donc en faveur de ce texte.

M. Édouard Bénard (GDR). La protection de l’enfance traverse une crise profonde qui révèle le manque de moyens et les défaillances structurelles des politiques publiques de l’enfance. Les chiffres cités dans le rapport de Mme Santiago illustrent l’effondrement de notre système. En France, 400 000 enfants sont confiés à l’aide sociale à l’enfance. Ils représentent la moitié des adolescents hospitalisés pour des troubles du comportement ou des syndromes dépressifs et ont en moyenne une espérance de vie inférieure de vingt ans à celle du reste de la population. Par ailleurs, 77 % des juges des enfants ont déjà renoncé à prendre des décisions de placement d’enfants en danger en raison d’un manque de solutions de prise en charge.

Ces données alarmantes témoignent d’une action publique profondément et structurellement dysfonctionnelle, et d’un manque chronique d’implication de l’État. Seule une réforme d’ampleur visant à recentrer la politique de protection sur les besoins fondamentaux de l’enfant ainsi qu’un investissement massif permettront de faire face au délabrement actuel.

Cette proposition de loi permettra, par une meilleure prise en charge de la parole de l’enfant, de mieux protéger ses droits. Pendant trop longtemps, la parole de l’enfant a été un sujet absent ou secondaire des politiques publiques relatives à l’enfance. Pourtant, le droit de l’enfant à participer aux décisions qui le concernent conditionne l’effectivité de bien d’autres de ses droits, comme le souligne régulièrement la Défenseure des droits : « Chaque fois que son expression est recherchée et sa parole écoutée, l’enfant est mieux protégé contre toute forme de violences. S’il est associé aux prises de décisions relatives à sa situation, il pourra en éclairer la compréhension et favoriser ainsi le respect de son intérêt supérieur. » Dans sa décision-cadre du 28 janvier 2025, elle appelle d’ailleurs les conseils départementaux à favoriser par tous les moyens la prise en compte de la parole de l’enfant dans sa prise en charge, à chaque étape de mise en œuvre des mesures administratives ou judiciaires.

Dans cette perspective, notre groupe soutient la présence systématique d’un avocat en assistance éducative à chaque étape du processus judiciaire, quel que soit l’âge de l’enfant. Cela permettra de garantir la défense des intérêts de l’enfant de manière indépendante et dans leur intégralité. Nous voterons donc en faveur de cette proposition de loi, qui constitue une avancée indispensable.

M. Philippe Bonnecarrère (NI). Je comprends la générosité de cette proposition de loi et suis, comme chacun ici, conscient de l’énorme enjeu de l’aide sociale à l’enfance. Je remercie d’ailleurs Mme Santiago pour le travail remarquable qu’elle a réalisé dans le cadre de la commission d’enquête. Malheureusement, notre pays protège à la fois trop et mal.

Dans un monde idéal, le présent texte se justifierait. Nous en percevons très bien les avantages et vous avez indiqué qu’il était très attendu. Néanmoins, au risque d’être un peu dissonant, la priorité pour notre pays est de disposer d’un budget. C’est une condition pour engager des dépenses. La généralisation de la présence d’un avocat représenterait plus de 200 millions d’euros – peut-être 210, ou 230, ce n’est pas le moment d’entrer dans une telle discussion – de charges supplémentaires. Or à l’heure actuelle, nous ne les avons pas. En outre, d’autres sujets sont à traiter en matière de justice.

Je propose donc que nous fassions les choses dans l’ordre. Quand nous aurons un budget, nous pourrons débattre de la manière de l’utiliser. En attendant, réaliser une expérimentation, comme cela a été évoqué tout à l’heure, me paraît être une solution assez sage.

Mme Ayda Hadizadeh, rapporteure. Notre collègue du Rassemblement national a mené un réquisitoire assez dur contre la rédaction actuelle, qui n’était pas finalisée et que j’ai moi-même amendée. J’aurais certes aimé déposer un texte parfait, qui ne suscite aucune remarque et qui ne fasse l’objet d’aucun amendement. De mémoire de parlementaire, je crois toutefois que ce n’est jamais arrivé. On peut évidemment tendre vers cet objectif, mais je vous demande un peu d’indulgence, car ce n’est que ma première année au sein de cette assemblée.

Vous avez souligné notre amateurisme, en indiquant que l’article 1er était irrecevable. Pourtant, au lieu de proposer de le supprimer, vous l’avez amendé. Par conséquent, l’amateurisme est peut-être partagé. D’ailleurs, ne permettre qu’aux seuls juristes d’être des législateurs irait à l’encontre de tous les principes fondateurs de notre démocratie.

Quant à ma « recherche de communication à tout crin », si j’étais à la recherche de strass et de paillettes, je me serais emparée de sujets plus porteurs. Le groupe Socialistes et apparenté s’est investi depuis longtemps dans la protection de l’enfance. Elle nous préoccupe également dans les départements que nous dirigeons. Le constat de l’effondrement du système ne nous fait pas plaisir et j’espère que nous continuerons à communiquer largement à ce propos. Après le mouvement MeToo qui a permis de libérer la parole des femmes, j’appelle de mes vœux un MeToo de l’enfance, pour que nous entendions enfin la parole des enfants maltraités.

Enfin, pour ce qui est du changement de titre, c’est votre amendement, qui proposait de supprimer l’expression « protection de l’enfance », qui m’a fait réfléchir et je vous en remercie. En remplaçant « disposer » par « assister », j’ai pensé aux enfants qui pourraient lire cette proposition de loi et trouver le verbe « disposer » un peu trop technique, voire technocratique. « Être assisté d’un avocat » me semblait plus humain et plus concret pour eux. Pour la même raison, je ne souhaite pas que l’expression « protection de l’enfance » disparaisse du titre.

Je remercie ma collègue Caroline Yadan, du groupe EPR, pour le travail que nous avons fait ensemble. Il a été extrêmement précieux pour améliorer cette proposition de loi. Elle a insisté sur l’importance de la formation des avocats. Cette dernière est déjà une réalité : sur 164 barreaux, 163 se sont dotés d’une commission des mineurs. Ils n’ont pas attendu l’évolution de la législation et se sont déjà organisés pour suivre les affaires qui ont trait à l’enfance.

Ma collègue du groupe La France Insoumise a raison de dire que ce texte ne résoudra pas l’entièreté du problème de la protection de l’enfance. Nous sommes confrontés à une politique de gestion de la pénurie à tous les niveaux et ce sont les enfants qui en paient le prix très élevé. Il faut bien être conscient que, durant l’année où se sont déroulées les auditions de la commission d’enquête, dix enfants sont morts alors qu’ils étaient placés.

Notre collègue Béatrice Roullaud est probablement l’une des députées qui étaient les plus assidues aux réunions de la commission d’enquête. Je me souviens qu’elle évoquait à chaque fois ces morts de l’aide sociale à l’enfance, comme le petit Bastien, décédé à 4 ans – ce qui soulève d’ailleurs la question du discernement, sur laquelle je reviendrai.

Des enfants sont maltraités au sein de l’aide sociale à l’enfance. Il existe des familles d’accueil formidables, qui apportent aux enfants du soutien et de l’amour, comme le ferait une vraie famille. Ce sont les enfants qui ont la chance d’y être placés qui s’en sortent le mieux. Malheureusement, il existe aussi des Thénardier. C’était dans une telle famille que se trouvait la petite Ayden, qui n’avait que 7 ans quand elle est morte. Dans un état cadavérique, le corps couvert de bleus, elle ne mangeait plus depuis plusieurs semaines et n’allait plus à l’école depuis plusieurs mois. De tels cas doivent nous interpeller et nous scandaliser, d’autant que ces familles sont payées avec de l’argent public.

Je remercie encore une fois la rapporteure de la commission d’enquête Isabelle Santiago pour le travail considérable qu’elle a effectué. La dissolution a probablement été une mauvaise décision, mais elle a permis à la commission d’enquête de travailler pendant une année au lieu de six mois – une année pendant laquelle dix enfants placés sont morts, je le répète.

Les objections et les réserves les plus fortes ont été exprimées par ma collègue du groupe de la Droite républicaine. Vous partagez notre objectif, mais pas la méthode. Vous redoutez qu’elle se traduise par une judiciarisation excessive. Or cette judiciarisation n’est pas un risque, mais déjà une réalité. Depuis la réforme de 2007, la loi a consacré le principe de subsidiarité, ce qui signifie qu’un enfant ne peut être placé que lorsque les mesures administratives ont échoué ou qu’elles sont impossibles à mettre en œuvre. Les dossiers n’arrivent devant le juge des enfants qu’au terme de ce processus.

La bascule vers la judiciarisation de la protection de l’enfance a donc déjà eu lieu, puisque les mesures judiciaires représentent 80 % des dossiers, contre seulement 20 % pour les mesures administratives. La majorité des décisions sont prises par le juge des enfants. Marianne Maximi a rappelé comment les choses se passent. La réalité, ce sont des audiences successives, des recours et des expertises. Certains renouvellements interviennent sans que l’enfant soit même de nouveau auditionné, faute de temps.

Le système se judiciarise d’ailleurs de plus en plus, parce que les parents contestent les décisions du juge des enfants et viennent dès la première audience accompagnés d’un avocat, comme l’a rappelé notre collègue du groupe LIOT. Pourquoi l’enfant serait-il laissé seul face à ce monde d’adultes ? Il doit avoir un référent judiciaire à ses côtés. Le juge est le garant de l’intérêt de l’enfant, mais n’est pas le gardien de ses droits de proximité. Ce sont des missions à la fois très différentes et complémentaires. C’est en tout cas ainsi que la proposition de loi a été pensée.

Pour ce qui est de la question du discernement, j’en reviens au petit Bastien, décédé à 4 ans après avoir été enfermé dans une machine à laver. Je suis encore marquée par un article que j’avais lu à propos de cette affaire, alors que je n’étais pas encore députée ni même investie dans la protection de l’enfance. Bastien n’était pas discernant. Moult services sociaux étaient investis sur son cas. Les parents bénéficiaient d’une assistance éducative avec un placement à domicile. Les services gardiens se sont succédé à ce domicile. Peut-être un avocat aurait-il pu sonner l’alerte qui n’a été donnée par personne – certes pas par les parents, qui l’ont tué, ni par les services gardiens qui n’ont jamais rien constaté.

Il faut une personne indépendante des services de la protection de l’enfance qui puisse, au quotidien, vérifier l’effectivité de la décision prononcée par le juge. En l’espèce, on ne peut pas savoir si cela aurait changé les choses, mais cela aurait été une garantie supplémentaire. Peut-on penser que, dans la situation actuelle, les enfants de la protection de l’enfance n’ont pas besoin de garanties supplémentaires ? Il faut davantage d’adultes rattachés à l’enfant, et qui soient indépendants. C’est la raison pour laquelle nous voulons systématiser la présence de l’avocat, que l’enfant soit discernant ou non.

S’agissant des mineurs non accompagnés, l’amendement que vous avez déposé porte sur des individus dont la minorité n’est pas encore établie. Or ces derniers, qui sont en zone d’attente, selon l’expression un peu vulgaire qui est utilisée, ne sont pas concernés par les mesures d’assistance éducative et n’entrent pas dans le champ de notre proposition de loi. Ils n’ont pas droit à un avocat et sont représentés par un administrateur ad hoc.

En revanche, les mineurs non accompagnés dont la minorité est établie bénéficient de toutes les mesures de protection de l’enfance. En France, la protection n’est pas liée à un passeport mais à un statut. C’est la grandeur de la France de considérer que l’enfance est la chose la plus précieuse, qu’elle soit française ou étrangère, et je me battrai pour qu’il en soit toujours ainsi.

Quant au coût de la mesure que nous proposons, il est clair qu’elle n’est pas neutre pour les finances publiques. Perrine Goulet, présidente de la délégation aux droits des enfants, a toutefois rappelé que ne pas investir dans la protection de l’enfance se payait très cher par la suite.

Des études, qui ne sont malheureusement pas françaises mais américaines, ont montré que la santé, y compris physique, des enfants placés était déplorable. Les coûts induits par l’absence d’une prise en charge réelle et sérieuse sont estimés à 38 milliards de dollars. Quand les traumas de l’enfance ne sont pas guéris, l’espérance de vie est en outre inférieure de vingt ans. Vingt ans ! Cela devrait nous mettre tous en colère. Certaines dépenses sont des investissements pour notre avenir. Si nous ne les engageons pas, nous paierons bien davantage demain.

J’ai grandi avec une maman qui avait peu de moyens. Elle était assistante maternelle, puis Atsem (agente territoriale spécialisée des écoles maternelles). Pourtant, j’ai pu faire de la musique. Elle était seule avec trois enfants, avec un maigre salaire, et elle a toujours dit qu’elle ne ferait pas d’économies sur notre éducation. Ce principe me guide et devrait tous nous guider, y compris dans nos débats budgétaires.

M. Bonnecarrère nous reproche de faire les choses dans le désordre. Malheureusement, je ne suis pas responsable de l’ordre du jour de l’Assemblée. J’aurais bien aimé que nous disposions d’un budget, mais c’est aujourd’hui que je dois défendre ma proposition de loi. La période est un peu particulière et certains principes mériteraient peut-être d’être revus, comme l’examen des recettes avant les dépenses. En attendant, nous devons nous inscrire dans le cadre existant.

Pour terminer, je remercie une nouvelle fois l’ensemble des collègues qui se sont investis pour faire aboutir ce combat de longue date. Des expérimentations sérieuses ont été menées, dont les résultats permettent de passer à la généralisation. Il n’est pas nécessaire d’en faire d’autres – d’autant qu’elles peuvent présenter des biais, puisque ceux qui y sont favorables mobilisent tous les moyens pour leur réussite tandis que les autres font tout pour qu’elles échouent. Quand dix enfants placés meurent en une année, il n’est plus temps d’expérimenter. Nous savons que les enfants protégés ont besoin que leurs droits soient mieux respectés et que la présence d’un avocat leur apporte des garanties supplémentaires. N’ayons pas la main qui tremble pour adopter une proposition qui renforce la protection des enfants qui en ont besoin.

Article 1er : Modalités de l’assistance du mineur par un avocat dans les procédures d’assistance éducative

Amendements de suppression CL47 de Mme Ayda Hadizadeh, CL33 de M. Jean Moulliere, CL41 de Mme Perrine Goulet et CL43 de Mme Caroline Yadan

Mme Ayda Hadizadeh, rapporteure. Au cours du travail qui a été engagé lorsque cette proposition de loi a été inscrite au programme de la niche socialiste, nous avons constaté que cet article modifiait un article du code de procédure civile qui ne peut l’être que par voie réglementaire. Nous proposons donc de le supprimer.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et les amendements suivants tombent.

Article 2 : Systématisation de l’assistance du mineur par un avocat dans les procédures d’assistance éducative

Amendements CL21 de Mme Élisabeth de Maistre et CL4 de Mme Marianne Maximi (discussion commune)

Mme Élisabeth de Maistre (DR). La généralisation de l’assistance obligatoire du mineur en assistance éducative par un avocat aura des conséquences lourdes sur l’organisation des juridictions et des barreaux – en particulier pour les plus petits, qui comptent moins de vingt avocats – ainsi que sur les délais de jugement, les capacités d’audiencement et le budget de l’aide juridictionnelle, déjà sous tension. Si l’expérience menée dans les Hauts-de-Seine est encourageante, elle ne suffit pas à démontrer la faisabilité du dispositif à l’échelle nationale. La loi Taquet, qui date de trois ans, n’a toujours pas été évaluée. Si le barreau des Hauts-de-Seine, très structuré, entretient une coordination particulièrement fluide avec les juges, ce n’est pas le cas dans l’ensemble des barreaux.

L’intérêt de l’enfant exige un dispositif réaliste, soutenable et applicable partout, pas seulement dans des territoires les mieux dotés. Avant toute généralisation, il convient donc d’étendre cette expérimentation pour deux ans à quatre tribunaux judiciaires représentatifs, à la taille et aux ressources différentes, et d’en remettre une évaluation au Parlement. C’est l’objet de cet amendement.

Mme Ayda Hadizadeh, rapporteure. Pour les raisons déjà évoquées, je suis défavorable à de nouvelles expérimentations. Je précise simplement que si la disposition concernée de la loi Taquet n’a pas encore été évaluée, c’est que les juges ne s’en sont pas saisis : très peu d’avocats ont été désignés pour accompagner les enfants placés. Ce que l’on sait en revanche, c’est que les résultats des expérimentations sont positifs.

Mme Caroline Yadan (EPR). Outre le barreau de Nanterre, ceux de Bourges et d’Avignon ont mené une expérimentation. Par ailleurs, dans les pays où elle a été rendue obligatoire, comme l’Italie, l’Espagne, la Belgique, le Canada ou l’Australie, la présence de l’avocat est aussi un succès. Poursuivre l’expérimentation n’est donc pas utile. Oui, il faudra s’organiser, mais les magistrats que nous avons rencontrés se sont globalement montrés favorables à cette disposition.

L’amendement CL4 est retiré.

La commission rejette l’amendement CL21.

Amendement CL3 de Mme Gabrielle Cathala ; amendements identiques CL48 de Mme Ayda Hadizadeh, CL38 de M. Jean Moulliere, CL42 de Mme Perrine Goulet et CL44 de Mme Caroline Yadan, et sous-amendement CL50 de Mme Isabelle Santiago (discussion commune)

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). L’amendement CL3 vise à indiquer explicitement que l’avocat doit être présent dès l’ouverture de la procédure en assistance éducative. L’objectif est d’insister sur le caractère inconditionnel de cette mesure : chaque enfant, quels que soient son âge et son niveau de discernement, doit pouvoir en bénéficier.

Nous aurons l’occasion de reparler du discernement, une notion d’ailleurs assez floue sur le plan juridique. Elle ne se résume pas en tout cas au langage : un bébé ou un enfant qui ne parle pas peuvent très bien s’exprimer d’autres manières. Quoi qu’il ne soit il nous semble essentiel que le discernement ne constitue pas un critère.

Mme Ayda Hadizadeh, rapporteure. Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement au profit des amendements identiques suivants, fruits d’un long travail transpartisan. Toujours dans l’objectif de systématiser la présence de l’avocat dès le début de la procédure, sans condition de discernement, ils proposent une nouvelle rédaction de l’article, la plus simple et la plus claire possible, pour que tout le monde – en particulier les mineurs – puisse comprendre le dispositif et s’en emparer.

Il dispose ainsi : « En assistance éducative, le mineur, sans condition de discernement, est assisté d’un avocat. Dès l’ouverture de la procédure, le juge des enfants demande au bâtonnier la désignation d’un avocat. Le juge en informe le mineur, ses représentants légaux et le cas échéant, le service à qui il a été confié. Le mineur peut également choisir librement son avocat. Le juge peut demander la désignation d’un administrateur ad hoc dans les conditions prévues au second alinéa de l’article 388‑2. »

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Il est absolument nécessaire que la présence de l’avocat ne soit pas subordonnée au discernement de l’enfant. C’est tout l’objet de cette réécriture et je tiens à remercier la rapporteure pour ce travail transpartisan, qui va nous permettre d’aboutir sur ce sujet.

Mme Perrine Goulet (Dem). J’ajoute que, sur le plan juridique, la procédure d’assistance éducative fait figure d’exception : l’enfant n’a pas forcément d’avocat, on se base en cas d’appel sur le même dossier qu’à l’ouverture de la procédure, il n’y a pas de contre-expertise. Il est temps de faire entrer cette procédure dans le droit commun. Notons que dans les procédures pénales, la présence de l’avocat est de droit : la notion de discernement n’entre pas en ligne de compte. Je vous invite donc à adopter cette réécriture, fruit d’un long travail avec la rapporteure et des auditions menées ces derniers jours.

Mme Caroline Yadan (EPR). Effectivement, en droit pénal, la présence de l’avocat est obligatoire. Pour les procédures d’assistance éducative, la loi Taquet distingue le cas de l’enfant discernant, pour lequel le juge peut désigner un avocat lorsque « l’intérêt de l’enfant l’exige », et celui de l’enfant non discernant, pour lequel le juge peut désigner un administrateur ad hoc. L’objectif de cette rédaction est de supprimer la condition liée au niveau de discernement et à l’intérêt de l’enfant : ce dernier n’exige-t-il pas, de facto, l’assistance d’un avocat ?

Mme Isabelle Santiago (SOC). Mon sous-amendement tend simplement à améliorer la rédaction du dernier alinéa.

Mme Ayda Hadizadeh, rapporteure. J’y suis favorable.

Mme Colette Capdevielle (SOC). Il n’est pas question d’apporter la moindre restriction à la désignation d’un avocat pour l’enfant, dont la présence est déterminante dès l’ouverture de la procédure car c’est là que le juge des enfants, sorte de juge-orchestre, décide de tout, sans respect du contradictoire. L’enfant doit être représenté – par une personne autre que ses parents – dès le moment où se décide la mesure judiciaire d’investigation éducative ; après, c’est déjà trop tard. On le voit bien dans les barreaux ayant signé des conventions avec les tribunaux : plus l’avocat de l’enfant intervient tôt, plus on peut éviter les catastrophes – et il y en a, notamment lorsque c’est l’aide sociale à l’enfance qui mène les investigations puis décide du placement de l’enfant dans sa propre structure, ce qui arrive fréquemment. La présence d’un avocat dès le début de la procédure permet de mieux respecter la parole de l’enfant. Faisons très attention aux placements parapluie, ces décisions prises dès le début sans tenir compte de la parole de l’enfant. C’est avec beaucoup de satisfaction que nous soutiendrons cet amendement.

M. Stéphane Mazars (EPR). Merci, madame la rapporteure, pour les travaux menés avec votre groupe. Cette proposition de loi constitue une avancée importante pour la protection de nos enfants, qu’il faut saluer. La présence de l’avocat peut sembler contre-intuitive pour des audiences qui ont déjà pour objet la protection de l’enfant, mais on voit bien qu’elle est utile pour garantir une protection effective. Il me semble important de préciser que l’avocat ne sera pas désigné uniquement pour l’audience de protection, comme cela arrive dans certains barreaux où il est difficile de mobiliser les avocats, notamment dans le cadre de l’aide juridictionnelle, mais qu’il aura vocation à suivre le dossier de l’enfant dans la durée.

L’amendement CL3 est retiré.

La commission adopte successivement le sous-amendement et les amendements CL48, CL38, CL42 et CL44 sous-amendés.

En conséquence, les amendements CL30 de Mme Sylvie Josserand, CL10 et CL19 de Mme Élisabeth de Maistre et CL31 de Mme Sylvie Josserand tombent.

Amendement CL14 de Mme Élisabeth de Maistre

Mme Élisabeth de Maistre (DR). Afin de sécuriser juridiquement le dispositif et de faciliter son application, cet amendement tend à préciser que l’assistance obligatoire de l’avocat ne s’applique qu’aux jeunes dont la minorité est établie par l’autorité compétente.

Cette précision répond à trois objectifs : garantir que la disposition bénéficie aux enfants réellement en danger, en évitant le détournement des procédures alors qu’une part significative de jeunes qui se déclarent mineurs sont finalement reconnus majeurs ou refusent de se soumettre aux évaluations médicales destinées à établir leur âge ; garantir la soutenabilité de la réforme, compte tenu du poids considérable des procédures impliquant des mineurs non accompagnés dans certains départements, comme les Hauts-de-Seine ; et préserver l’équilibre des juridictions, qui font déjà face à une hausse des contestations, des appels et des demandes d’actes.

Mme Ayda Hadizadeh, rapporteure. Avis défavorable. Les jeunes non accompagnés qui arrivent en France et dont la minorité n’a pas encore été établie ne peuvent pas faire l’objet de mesures d’assistance éducative. L’obligation que nous créons ne s’appliquera donc pas à eux. Et si votre proposition est de faire vérifier la minorité de toutes les personnes qui se présentent dans un tribunal, elle est un peu irréaliste, car elle impliquerait de rajouter une procédure et serait coûteuse en temps d’audience et en argent public.

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Comme ceux qui nous regardent pourraient penser que nous parlons d’un amendement xénophobe du Rassemblement national, je tiens à préciser qu’il émane de la Droite républicaine.

Ce ne sont pas les mineurs non accompagnés qui sont responsables de l’effondrement de notre système de protection de l’enfance et des dysfonctionnements de la justice des mineurs, mais le manque de moyens et de volonté politique. Les mineurs isolés étrangers qui arrivent sur notre territoire sont en danger, ils ont besoin d’être protégés, et sont eux aussi victimes de l’inaction politique. Je rappelle que la Convention internationale des droits de l’enfant, un des textes fondateurs de la protection de l’enfance, ne fait pas de distinction entre les enfants selon leur nationalité. Nous n’avons donc pas à en faire dans les travaux qui nous occupent aujourd’hui.

Mme Perrine Goulet (Dem). Cet amendement est étonnant : si le jeune qui se présente n’est pas reconnu mineur – y compris si la procédure d’établissement de la minorité est encore en cours ou si le jeune a fait appel de la décision – il ne peut pas bénéficier de l’assistance éducative. Votre amendement n’a donc pas d’objet.

Mme Caroline Yadan (EPR). Lorsque le juge a un doute sur l’âge d’un mineur, il peut demander la réalisation d’un test de Risser, qui permet d’évaluer la maturation osseuse, ou se livrer à des investigations plus approfondies, sur la date de naissance par exemple. En tout état de cause, un juge des enfants ne peut s’occuper que d’enfants dont la minorité est établie.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). La présomption de minorité prime jusqu’à preuve du contraire apportée par l’autorité compétente – en l’espèce, le département. C’est à lui qu’il revient de déterminer si le jeune est mineur, en s’appuyant sur les résultats des évaluations menées par des professionnels auxquels je suggère qu’on fasse confiance – c’est un sujet complexe, et leurs connaissances et leur expérience en font des experts. Soit vous avez mal appréhendé ce cadre juridique et votre amendement est une erreur, car il n’a pas d’objet. Soit il n’a d’autre but que de stigmatiser des enfants de nationalité étrangère, et c’est inadmissible.

Mme Sylvie Josserand (RN). Mais si le mineur refuse ou se soustrait aux évaluations visant à établir son âge, que faire ? Cet amendement vise simplement à réserver l’aide aux jeunes dont la minorité est établie, et donc à empêcher le détournement des procédures. Le Rassemblement national le soutiendra.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL32 de Mme Sylvie Josserand et amendements identiques CL49 de Mme Ayda Hadizadeh, CL39 de M. Jean Moulliere, CL40 de Mme Perrine Goulet et CL45 de Mme Caroline Yadan (discussion commune)

Mme Sylvie Josserand (RN). Mon amendement tend à supprimer les deux alinéas qui précisent que l’assistance de l’avocat est prise en charge au titre de l’aide juridictionnelle. Ils sont inutiles, puisque la loi du 10 juillet 1991 le prévoit déjà. S’il faut répéter cette précision pour chaque type de contentieux, les codes vont tripler de volume !

Mme Ayda Hadizadeh, rapporteure. Il n’est pas redondant de préciser que l’assistance du mineur par un avocat dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative est intégralement prise en charge par l’État au titre de l’aide juridictionnelle, car la loi de 1991 ne le prévoyait que pour les mineurs discernants. Moi non plus je ne suis pas favorable aux lois bavardes, mais il s’agit ici de sécuriser la prise en charge de tous les mineurs. Je propose donc de conserver ces alinéas, mais dans une rédaction plus précise, travaillée avec des juristes du ministère de la justice et le cabinet du garde des sceaux.

Avis défavorable à l’amendement CL32.

La commission rejette l’amendement CL32.

Elle adopte les amendements CL49, CL39, CL40 et CL45.

En conséquence, les amendements CL35 de Mme Sylvie Josserand et CL24 de Mme Lisette Pollet tombent.

Amendement CL34 de M. Jean Moulliere

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Nous souscrivons à l’objectif du texte, mais écouter et recueillir la parole d’un enfant, ça s’apprend. Même si cette mesure relève du domaine réglementaire, il nous semble donc important d’inscrire dans la loi que seul un avocat justifiant d’une formation en matière de protection de l’enfance peut accompagner un enfant dans une procédure d’assistance éducative, à plus forte raison s’il n’est pas discernant. Il ne s’agit pas de remettre en cause les capacités des avocats à bien représenter l’enfant, seulement de s’assurer que ceux qui sont désignés ont bien connaissance des multiples enjeux spécifiques à la protection de l’enfance.

Mme Ayda Hadizadeh, rapporteure. Comme vous l’avez vous-même souligné, tout ce qui touche à la formation relève du domaine réglementaire. Partant, avis défavorable.

Je rappelle qu’en 2008, la Conférence des bâtonniers a adopté la Charte nationale de la défense des mineurs, qui prévoit la création d’un groupe de défense spécifique pour les mineurs au sein de chaque barreau ; aujourd’hui, 163 des 164 barreaux en sont dotés. Les assises nationales des avocats d’enfants se tiennent également chaque année depuis plus de vingt ans – cette année, elles auront lieu les 4 et 5 décembre. Pas moins de 800 avocats y participent. Enfin, l’expérimentation menée à Nanterre a donné lieu à des formations croisées avec des magistrats et des avocats sur le recueil de la parole de l’enfant non discernant. Soyez assurée du sérieux de la profession sur ce sujet.

En outre, sachez qu’actuellement, aucune formation ni condition de diplôme ne sont exigées des acteurs de la protection de l’enfance, à commencer par les éducateurs, qui travaillent pourtant aux côtés des enfants au quotidien. J’espère que ce sera l’objet d’un prochain chantier législatif, car ce serait une véritable avancée.

Mme Caroline Yadan (EPR). Dans la quasi-intégralité des barreaux, un avocat ne peut assister un enfant qu’à la condition d’avoir suivi plusieurs heures de formation, portant notamment sur les droits fondamentaux des enfants, la communication avec l’enfant et les approches sensibles. Il existe d’ailleurs une mention de spécialisation « droit des enfants ». Ces avocats sont formés à une approche globale, en collaboration avec l’ensemble des acteurs intervenant dans un dossier d’assistance éducative. Cet amendement est donc superfétatoire.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Pour ma part, je le trouve intéressant, car exercer dans un domaine aussi grave que la protection de l’enfance appelle une préparation sérieuse et des compétences spécifiques, qui dépassent le seul cadre juridique. Certes les barreaux s’engagent, notamment à travers les commissions mineurs. Mais pour les situations les plus complexes, on ne peut pas s’en remettre uniquement à la déontologie et au discernement des avocats : il faut renforcer les procédures d’accompagnement et la formation professionnelle, en précisant notamment ses modalités – formation dispensée par chaque barreau, ou titre de spécialisation délivré par leur Conseil national par exemple. Il faut creuser la question. Pour l’heure toutefois, l’amendement, en plus de proposer une mesure relevant du domaine réglementaire, est trop imprécis. Je ne le soutiendrai donc pas.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Dès lors que tout le monde s’est posé la question, je ne suis pas sûre que cet amendement puisse être qualifié de superfétatoire. C’est, en tout cas, un amendement d’appel. Nous sommes tous conscients qu’écouter et accompagner un enfant en grande difficulté est complexe et ne se décrète pas : cela s’apprend.

Encore une fois, il ne s’agit pas de remettre en cause le sérieux des avocats, seulement de s’assurer que ceux qui accompagneront les enfants en grande difficulté y sont formés. Même si cela relève du domaine réglementaire, il me semblait important d’ouvrir le débat – c’est parfois l’utilité d’un amendement – et je note que tout le monde n’a pas été complètement insensible à cette question.

Mme Colette Capdevielle (SOC). Je rappelle tout de même que la formation continue des avocats est obligatoire, à peine de radiation du barreau. Le droit des enfants est certes complexe, mais pas plus que le droit des étrangers, le droit des affaires, la procédure pénale ou le droit de la propriété industrielle. Dans tous les barreaux, y compris les plus petits, les avocats qui se consacrent à cette matière, d’ailleurs fort mal rémunérée – comme le droit des étrangers et, plus largement, toutes les matières du droit des personnes –, sont souvent des militants, qui mettent justement un point d’honneur à se former tout au long de l’année. Au reste, si le barreau signe une convention avec le tribunal pour qu’un avocat assiste l’enfant dès le début de la procédure, la condition sine qua non est celle de la formation. Cet amendement est donc inutile.

Mme Ayda Hadizadeh, rapporteure. Vous avez raison, madame Firmin Le Bodo, de poser cette question de la formation. Pour les avocats, elle est réglée, puisqu’ils sont tenus de suivre une formation obligatoire. En revanche, de nombreux autres adultes entourant les enfants et rémunérés pour cela ne sont pas obligés de suivre une formation spécifique, à commencer par les éducateurs et les administrateurs ad hoc nommés pour accompagner les mineurs non discernants, alors même que la circulaire de 2024 leur confie un rôle de représentant juridique.

Les bâtonniers sont très vigilants sur le sujet de la formation : de nombreuses matières sont déjà disponibles, de même que des formations conjointes, une modalité essentielle pour créer un binôme avec les représentants juridiques qui entourent l’enfant.

L’amendement est retiré.

Amendement CL36 de M. Jean Moulliere

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Il nous semble nécessaire que la loi précise qui, de l’administrateur ad hoc ou de l’avocat, tranchera en dernier ressort en cas de désaccord sur la situation d’un enfant non discernant, et qui sera compétent pour décider d’interjeter appel ou non.

Mme Ayda Hadizadeh, rapporteure. Avis défavorable. Nous avons précisé dans le texte que le juge avait la faculté de désigner un administrateur ad hoc dans des conditions définies. En cas de litige, c’est le juge qui tranchera. Tous les enfants sont assistés d’un avocat, qu’ils soient considérés comme capables de discernement ou non. Le juge peut désigner un administrateur ad hoc pour remplir des actes à la place de l’enfant qui ne peut le faire. Nous avons retiré aux administrateurs ad hoc la représentation juridique, pour laquelle ils n’ont ni la formation ni les compétences : ils comprendront parfaitement cette restriction.

Le ministère de la justice a par ailleurs entamé une réflexion pour préciser et conforter le statut de l’administrateur ad hoc et, je l’espère, mettre un terme à la pénurie actuelle et à la confusion qui règne dans ce domaine. Notre proposition de loi clarifiera le rôle de chacun.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Dès lors que l’avocat est systématiquement présent, c’est à lui que la fonction de représentation juridique du mineur incombe, non à l’administrateur ad hoc.

Il me semblerait préférable de renvoyer la fixation des modalités de cette mesure à la concertation locale entre les professionnels, plutôt que d’adopter une approche trop procédurale. Si un contentieux opposait différentes autorités se prétendant les représentants légitimes de l’enfant, des recours permettraient de clarifier la situation devant la justice. Je voterai contre l’amendement.

M. Philippe Latombe (Dem). Cet amendement est utile car il faut régler le problème du rapport entre l’administrateur ad hoc, qui représente l’enfant et qui a donc certains pouvoirs, et l’avocat, qui exprime l’intérêt de l’enfant dans une procédure juridique. Il y aura peut-être des problèmes d’articulation entre ces deux rôles. En tout cas l’avocat ne pourra pas saisir le juge au nom de l’enfant puisqu’il n’en est pas le responsable légal ni même le représentant légal. Nous devons régler cette question.

Je comprends cet amendement comme un amendement d’appel. Il convient d’expliciter clairement la répartition des rôles entre l’avocat et l’administrateur ad hoc ainsi que les modalités de recours au juge en cas de conflit entre eux. Nous ne pouvons pas nous contenter d’affirmer qu’il n’y aura pas de conflit parce que nous avons tout prévu : ce n’est pas vrai. Nous sommes en train de construire un nouveau système, alors prévoyons un décret de clarification, ou précisons dans la loi que le juge tranchera. En tout cas la règle doit être claire.

Je voterai en faveur de cet amendement d’appel, qu’il conviendra de retravailler avec la chancellerie et les professionnels d’ici à la séance publique.

M. Stéphane Mazars (EPR). Les choses sont pourtant assez claires : l’administrateur ad hoc assure une représentation et l’avocat une assistance. C’est totalement différent. Si une difficulté se pose, soit l’avocat considère qu’il ne peut pas défendre l’enfant dans de bonnes conditions et demande à être désigné « en lieu et place », soit la question se règle de manière informelle devant le juge, ce dernier étant le garant de l’intérêt de l’enfant dans une procédure d’assistance éducative.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). On peut considérer qu’il s’agit d’un autre amendement d’appel, mais totalement différent du précédent relatif à la formation des avocats.

La question est celle de l’articulation entre la compétence reconnue à l’avocat et celle accordée à l’administrateur ad hoc pour agir au nom de l’enfant, notamment non discernant. La loi doit prévoir la procédure visant à trancher un conflit de compétence en la matière. La question se pose particulièrement pour la décision d’interjeter appel : qui pourra le faire en cas de désaccord ? L’objet de la proposition de loi est de protéger l’enfant, donc n’occultons pas un problème que nous pouvons résoudre ici.

Mme Ayda Hadizadeh, rapporteure. Je comprends le sens de votre amendement d’appel, mais sa rédaction réintroduit la notion d’enfant non discernant. Or un administrateur ad hoc peut également être nommé pour un enfant capable de discernement. Je suis pour cette raison défavorable à l’amendement, mais je compte poursuivre le travail transpartisan pour traiter, avec les acteurs concernés, les points que vous avez soulevés. Nous ne voulons pas créer de la confusion. Au contraire, nous souhaitons, pour les magistrats, élaborer le texte de loi le plus clair et le plus simple possible afin d’éviter d’éventuels conflits.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

Amendement CL1 de Mme Katiana Levavasseur

Mme Katiana Levavasseur (RN). Il vise à inscrire explicitement dans la loi de 1991 relative à l’aide juridique le principe selon lequel les mineurs faisant l’objet d’une mesure d’assistance éducative bénéficient de plein droit de l’aide juridictionnelle lorsqu’elle est fournie par un avocat. En intégrant cette garantie dans cette loi primordiale, le législateur sécuriserait le droit, supprimerait les zones d’ombre et assurerait le maintien tout au long de la procédure de l’assistance juridique. Il s’agit d’une mesure de clarté et de protection des enfants concernés.

Mme Ayda Hadizadeh, rapporteure. L’adoption de l’article 2 dans sa nouvelle rédaction satisfait votre amendement, que je vous demande par conséquent de retirer.

L’amendement est retiré.

Article 3 : Compensation des charges pour l’État

La commission adopte l’article 3 non modifié.

Après l’article 3

Amendement CL20 de Mme Élisabeth de Maistre

Mme Élisabeth de Maistre (DR). Il dispose que le texte de loi entrera en vigueur un an après sa promulgation, afin de permettre aux juridictions, aux barreaux et aux départements d’organiser la montée en charge du nouveau dispositif.

Mme Ayda Hadizadeh, rapporteure. L’avis est défavorable. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre une année supplémentaire : combien d’enfants pourraient encore souffrir, voire mourir durant ce temps ? Il y a urgence à ce que cette loi s’applique.

Mme Caroline Yadan (EPR). Les membres du Conseil national des barreaux nous ont dit que tout était prêt pour déployer la loi. Les avocats intégrés dans les antennes des mineurs sont formés en conséquence. Le texte de loi peut entrer en application.

La commission rejette l’amendement.

Titre

Amendements CL46 de Mme Ayda Hadizadeh et CL25 de Mme Sylvie Josserand (discussion commune)

Mme Ayda Hadizadeh, rapporteure. Je propose de viser dans le titre le droit de chaque enfant non pas à « disposer » mais à « être assisté » d’un avocat. Cette formulation me semble plus précise et plus claire, notamment pour l’enfant.

Mme Sylvie Josserand (RN). Nous souhaitons nous aussi supprimer le verbe « disposer », mais également la référence à la protection de l’enfance. En effet cette notion n’est pas juridiquement définie, contrairement à l’assistance éducative, laquelle renvoie à des mesures précises énumérées par le code. Notre but est de rédiger le titre le plus clair possible, ramassé autour de l’objectif central du texte, à savoir garantir la présence d’un avocat dans l’intérêt de chaque enfant concerné par une procédure d’assistance éducative.

Mme Ayda Hadizadeh, rapporteure. Je vous demande de retirer votre amendement au profit du mien. Je vous remercie de m’avoir fait réaliser que les mots « être assisté » étaient bien plus justes que « disposer ». En revanche, je tiens à conserver les termes de « protection de l’enfance », car j’espère que les mineurs se saisiront de cette loi : ils ne savent certainement pas ce qu’est l’assistance éducative, alors que la protection de l’enfance est une expression très claire. L’objectif du texte est bien de protéger les enfants.

Mme Perrine Goulet (Dem). La loi du 14 mars 2016 a bien défini la notion de protection de l’enfance, dans une disposition codifiée à l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles : « La protection de l'enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l'enfant ».

La commission adopte l’amendement CL46.

En conséquence, l’amendement CL25 tombe.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

Mme Ayda Hadizadeh, rapporteure. Des membres du comité de vigilance des enfants placés que j’ai évoqué au début de mon propos sont présents aujourd’hui à l’Assemblée nationale. Ils seront ravis de vous rencontrer et de vous exposer leur position sur la présence obligatoire de l’avocat. Caroline Yadan, qui les a auditionnés, sait combien leur parole est éclairante et forte. Ils pourront vous expliquer en quoi, à hauteur d’enfant, la présence d’un avocat à leurs côtés aurait pu changer les choses. N’hésitez pas à aller les voir et merci encore de votre vote.

 

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*     *

Puis la Commission examine la proposition de loi visant à garantir un renouvellement automatique des titres de séjour de longue durée (n° 1799) (Mme Colette Capdevielle, rapporteure)

 

Présidence de M. Florent Boudié, président

M. le président Florent Boudié. Ce texte a été déposé par la présidente Keloua Hachi le 16 septembre dernier.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Permettez-moi tout d’abord de rendre hommage à Fatiha Keloua Hachi, instigatrice et auteure de cette proposition de loi pertinente, réaliste et pragmatique qui vise à rendre automatique le renouvellement des cartes de séjour pluriannuelles et des cartes de résident. Si la circonscription de notre collègue est dramatiquement concernée par cette question, nos auditions ont montré que toutes les préfectures se trouvaient en grande difficulté.

Cette proposition de loi résulte d’un état des lieux qu’il sera difficile de contester car il est particulièrement objectivé. Le régime du séjour est fragmenté et repose sur une multiplicité de titres qui doivent être fréquemment renouvelés. L’architecture des titres de séjour est particulièrement complexe, notamment les modalités de leur demande et de leur renouvellement. Les services des étrangers des préfectures sont totalement saturés, non seulement par manque de moyens humains et matériels, mais aussi à cause de la brièveté des titres et d’une complexité accrue des procédures. Les préfectures de la grande couronne parisienne et des métropoles du pays sont les plus exposées. Les délais d’obtention des titres ne cessent de s’allonger. L’administration n’est plus en mesure d’assurer à chacun une situation claire et se trouve fort éloignée de sa promesse « Dites-le nous une fois » : il faut le lui dire x fois !

Le rapport de la sénatrice Cécile Cukierman sur la mission Administration générale et territoriale de l’État du projet de loi de finances pour 2026 est éloquent : il souligne que les délais de traitement des demandes de titre de séjour ont augmenté de 27 % en 2024 pour les premières demandes et de 25 % pour les renouvellements. Cette tendance ne fera que s’aggraver sous l’effet des dispositions de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. L’empilement de réformes élaborées sans vision d’ensemble a créé un régime juridique illisible et incompréhensible, qui pèse sur la capacité des préfectures à appliquer la norme de manière uniforme. Voilà où nous mènent les tours de vis successifs votés pendant des années. L’inflation normative multiplie les cas particuliers, les régimes dérogatoires et les conditions propres à chaque catégorie de titre, rendant l’instruction des dossiers plus longue, plus technique et plus exposée aux risques d’erreurs. L’administration amplifie le mouvement en étant sujette à un délire de l’excès de validation. L’amoncellement des textes impose aux agents une expertise juridique toujours plus fine, sans que les moyens ou la formation suivent en conséquence.

La complexité du cadre légal contribue directement à la dégradation des délais de traitement et aggrave les tensions pesant sur les services instructeurs. Les conditions de déploiement de la dématérialisation des procédures et les nombreux dysfonctionnements affectant les téléservices empêchent tout bénéfice pour les usagers. Lors de son audition, la Défenseure des droits nous a informés que 40 % des saisines qu’elle recevait concernaient des demandes de renouvellement de titres de séjour, qu’ils soient pluriannuels ou de résident

La Défenseure des droits a également mis en évidence des dysfonctionnements structurels qui affectent le renouvellement des titres de séjour et qui entraînent des ruptures de droit pour les usagers, ce à quoi s’ajoutent une information et un accompagnement insuffisants. Personne ne peut nier que ces problèmes et ces procédures kafkaïennes génèrent pour les personnes étrangères qui séjournent régulièrement sur le territoire français des ruptures de droit aux effets catastrophiques en termes d’emploi, de logement, d’études ou de stage. En outre, les attestations de prolongation d’instruction ne sont pas automatiquement renouvelées lorsque le traitement de la demande dépasse la durée de validité du titre de séjour. Les agents des préfectures souffrent au travail : ils ont beaucoup de mal à trouver du sens dans l’accomplissement de leur mission de service public. Enfin, l’embolisation des services préfectoraux a pour autre grave conséquence l’encombrement et le coût pour la collectivité de la saisine des tribunaux administratifs. Les magistrats ont récemment lancé l’alerte à ce sujet. Le juge doit intervenir pour garantir un droit élémentaire, celui d’accéder à l’administration. Voilà où nous en sommes ! Cette situation ne peut plus durer.

C’est pour mettre fin à cette injustice silencieuse que le groupe Socialistes et apparentés a déposé cette proposition de loi instaurant le renouvellement automatique des titres de séjour. Ce texte n’accorde aucun privilège ni ne crée aucun nouveau droit. Il concerne celles et ceux qui ont choisi de vivre paisiblement et de travailler ici. La République se doit de traiter chacun avec dignité et de manière égale. Tel est le sens de la proposition de loi.

M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Jonathan Gery (RN). La proposition de loi peut être résumée en deux points. Tout d’abord, elle érige en principe le bien-fondé du renouvellement automatique d’un titre de séjour de longue durée et, par voie de conséquence, met à la charge de l’administration l’apport de la preuve que le titre ne doit pas être délivré une nouvelle fois. Ensuite, elle traduit dans la procédure l’idée que la France ne doit plus, ou en tout cas moins exercer sa souveraineté dans le contrôle de l’admission et du maintien au séjour dans le territoire national.

Aussi ce texte repose-t-il sur deux postulats. Le premier est que l’immigration est un programme. Le second est que l’engorgement des préfectures et des services de l’État est lié à son devoir de contrôle des situations des demandeurs. Le sous-entendu est qu’il n’y a pas trop d’étrangers en France mais qu’il y a trop de procédures qui les empêchent de bénéficier des mêmes droits que les citoyens.

Sans qu’il soit besoin de décortiquer davantage l’idéologie des promoteurs du texte, nous comprenons que son article unique ouvre, malgré son apparence innocente, une boîte de Pandore migratoire, qu’il détricote le pouvoir d’appréciation de l’administration et envoie un très mauvais signal aux associations immigrationnistes accros aux recours contentieux.

Au Rassemblement national, nous tenons une ligne claire et si nous formons le premier groupe politique de cette assemblée, c’est pour la raison simple que les Français ne veulent plus subir cette immigration imposée par leurs dirigeants de gauche et du bloc central. En réalité, les Français se situent sur la même ligne que le communiste Georges Marchais, qui déclarait publiquement le 9 janvier 1981 qu’il fallait « stopper l’immigration officielle et clandestine ».

C’est le moment de donner quelques éléments de contexte pour bien caractériser la submersion migratoire que notre pays connaît et qu’il ne peut plus assumer. En 2024, 3 millions de visas ont été délivrés ; la même année, la primo-délivrance de titres de séjour a atteint 340 000 documents. À la fin de l’année dernière, plus de 4 millions de ressortissants étrangers étaient titulaires d’un titre de séjour provisoire. Pour les seuls titres de longue durée, 300 000 visas de long séjour ont été délivrés en 2024 contre 150 000 il y a cinq ans, soit une augmentation de 92 %. Sans surprise, les principaux pays d’origine sont le Maroc, la Tunisie et l’Algérie, pays qui ne coopèrent pas pour l’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) et dont les ressortissants contribuent bien plus à gonfler les effectifs des prisons que le PIB.

Près de 500 000 étrangers entrent légalement chaque année : si je rapporte ce chiffre à ma région Auvergne-Rhône-Alpes, c’est comme si la France accueillait chaque année la population de la Drôme ou celle de l’Allier et de la Haute-Loire réunis.

Les Français, qui sont 80 % à estimer qu’il ne faut pas accueillir davantage de migrants, peuvent compter sur Marine Le Pen et Jordan Bardella pour défendre une ligne claire. Le Rassemblement national redit que l’immigration que nous subissons n’est pas une chance pour la France. L’immigration massive et dérégulée fait le jeu des passeurs en plus d’être un gouffre financier pour l’État, lequel déverse des milliards d’euros chaque année pour accueillir des étrangers extra-européens dont environ 50 % ne travaillent pas alors qu’ils ont l’âge d’être actifs. Nous affirmons avec force et sérénité que l’immigration n’est pas un projet et que la France doit recouvrer sa souveraineté et décider qui entre et qui n’entre pas.

Face à cette proposition de loi qui ne peut être autre chose qu’une provocation, le groupe Rassemblement national remplira son rôle et s’opposera à son adoption.

Mme Laure Miller (EPR). Il n’est sans doute pas un seul membre de cette commission ni même de cette assemblée qui n’ait été interpellé par des administrés en plein renouvellement de titre de séjour, cherchant désespérément un rendez-vous en préfecture ou tentant simplement d’obtenir que leur dossier, pourtant déposé dans les temps, soit traité avant que le délai légal n’arrive à son terme. Nous connaissons toutes et tous ces situations.

Le système actuel peut placer des personnes de bonne foi, installées depuis longtemps dans notre pays, parfaitement insérées et n’ayant rien à se reprocher, dans une irrégularité qui ne doit rien à leur comportement ou à leur situation réelle mais tout à la lenteur des procédures administratives. Ces personnes se retrouvent plongées dans une insécurité juridique lourde et éprouvante. Il est de notre responsabilité collective de réfléchir à une manière plus juste et plus efficace d’instruire ces renouvellements.

Pour autant, l’automaticité du renouvellement des cartes de séjour de quatre ans ou des cartes de résident de dix ans ne saurait constituer à nos yeux une réponse pertinente. Je laisserai de côté la tonalité inutilement polémique de l’exposé des motifs de la proposition de loi : cette entrée en matière éloigne le débat de ce qu’il devrait être, à savoir une réflexion apaisée, rigoureuse et respectueuse sur les conditions d’un séjour légal en France. Les affirmations sur les carences de l’État ou la prétendue indifférence de l’administration ne rendent pas justice au travail des préfectures ni à la complexité réelle des enjeux migratoires. Elles servent davantage à dresser des procès d’intention qu’à proposer des solutions opérationnelles. C’est précisément pour cela que je souhaite en revenir au fond et expliquer pourquoi le groupe Ensemble pour la République s’opposera à cette initiative.

Tout d’abord, la proposition de loi entre en contradiction directe avec les principes qui structurent le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda). Ce dernier prévoit clairement que, sauf exception, le renouvellement d’un titre de séjour suppose que l’étranger démontre qu’il continue de remplir les conditions qui ont justifié sa délivrance initiale et qu’il apporte la preuve de sa résidence habituelle en France. Autrement dit, le renouvellement n'est jamais automatique, il exige un acte positif du demandeur et un contrôle effectif de l’administration. En supprimant cette étape, on renverse la logique du dispositif : ce serait à l’État et non plus au demandeur de prouver que les conditions ne seraient plus remplies.

Cette inversion de la charge de la preuve affaiblirait considérablement l’efficacité de l’action administrative, en particulier lorsqu’il s’agit de prévenir les atteintes à l’ordre public. Elle soulève également des interrogations sur la charge de travail, déjà très lourde, et l’organisation des préfectures. Ainsi, depuis le début 2025, près de 2 500 renouvellements ont été refusés pour des raisons relatives à la préservation de l’ordre public. Ce chiffre n’a rien d’anecdotique : dans le système proposé, ces titres auraient été automatiquement renouvelés, sans contrôle préalable, avant d’être éventuellement retirés sans que l’on sache sur quelle base puisque le texte est muet sur ce point. Cette façon de procéder ne semble pas la plus efficace, surtout dans le contexte actuel.

Il est donc indispensable que l’État conserve pleinement la maîtrise du contrôle préalable au renouvellement, y compris pour les titres de longue durée. Nous n’ignorons pas les situations humaines qui ont été évoquées : elles existent, elles nous touchent et elles appellent des réponses. Néanmoins, celles-ci doivent respecter le cadre juridique et les impératifs de sécurité. On pourrait imaginer de simplifier davantage la procédure pour les cartes de résident de dix ans, ou de créer un guichet dédié pour traiter plus rapidement les dossiers les moins complexes : ce sont des pistes de réflexion, et il y en a d’autres.

Si la préoccupation qui inspire la proposition de loi est légitime, l’automaticité du renouvellement n’est pas la bonne voie. Elle constituerait même, à bien des égards, une réponse inadaptée à un problème réel. Voilà pourquoi notre groupe votera contre ce texte.

M. Thomas Portes (LFI-NFP). Depuis 2017, la Macronie a fait du droit des étrangers une véritable fabrique de l’illégalité. L’exécutif a délibérément transformé l’accès au séjour en parcours du combattant. Les démarches sont de plus en plus longues, complexes et chères. Une demande de renouvellement de titre de séjour coûte 225 euros, soit vingt-cinq heures payées au smic. La Défenseure des droits a enregistré en trois ans une hausse de 233 % des réclamations relatives aux demandes de titre de séjour, fondées très majoritairement sur un délai d’instruction excessif.

Une personne peut déposer une demande de renouvellement quatre mois avant l’expiration de son titre ; or les délais d’instruction dépassent souvent un an, et les difficultés pour obtenir des justificatifs temporaires sont avérées. L’absence de renouvellement brise les vies comme les élans de solidarité. Il y a moins d’un mois, je suis intervenu en faveur de la régularisation d’un jeune homme de 26 ans qui avait désarmé un individu avec un couteau dans le RER D en 2021. Faute de renouvellement, il risque d’être licencié et expulsé. Dans ma circonscription, à Noisy-le-Grand, en Seine-Saint-Denis, les habitants subissent des pertes de droit et d’emploi, des mesures d’éloignement. Un habitant a déposé dans les temps sa demande de renouvellement : l’avis a été favorable, mais le rendez-vous pour retirer son document n’a été octroyé que plusieurs mois plus tard, au-delà du délai d’expiration ; il a dû déposer un nouveau dossier et, sans récépissé, a basculé dans l’irrégularité et a perdu son emploi et ses droits. Et sur la misère, le capitalisme prospère : des marchands piratent les sites des préfectures et revendent les rendez-vous jusqu’à 200 euros, bloquant ainsi l’accès à un service public supposé gratuit.

La simplification administrative proposée est la bienvenue pour alléger les démarches de millions de personnes tenues de renouveler leur titre de séjour chaque année, en reportant sur l’administration la charge de s’y opposer. La personne en possession d’un titre pluriannuel a déjà démontré qu’elle avait en France un emploi ou une famille, ou qu’elle avait fait des études. Les agents des préfectures que nous avons auditionnés le disent clairement, les refus de renouvellement sont extrêmement marginaux – en Seine-Saint-Denis, 0,4 % en 2024 pour les cartes de résident. Le renouvellement automatique empêcherait de nombreuses personnes de tomber dans l’irrégularité du fait de délais ou de refus abusifs. Nous voterons évidemment en faveur de cette proposition de loi.

Cachés derrière l’excuse de la surcharge ou de l’erreur administratives, ce sont bien les macronistes qui bafouent les droits des étrangers. Les ministres successifs agitent un chiffon rouge : une submersion de migrants ferait exploser le nombre de demandes. C’est faux ! Selon les chiffres du ministère de l’intérieur lui-même, la croissance du nombre de renouvellements n’est que de 1 %. Ce qui a terriblement augmenté, c’est la vague de répression et de harcèlement qui touche les étrangers : les expulsions sont en hausse de 30 % et les interpellations de 20 %. La France est devenue championne d’Europe des OQTF : elle en délivre douze fois plus que l’extrême droite de Meloni en Italie. Lorsqu’il s’agit d’éloigner des étrangers, il n’y a aucun problème pour mobiliser des agents : en Seine-Saint-Denis, les OQFT occupent 7 % de leur temps.

Ce qui bloque, c’est la surenchère législative et l’obsession xénophobe : 119 lois sur l’immigration ont été promulguées depuis 1945, soit un texte tous les dix-huit mois. Darmanin, Retailleau et Macron ont drastiquement durci l’accès au séjour et à la nationalité, allongeant à l’infini les démarches et les conditions à remplir : examen civique de niveau bac + 5, rehaussement du niveau de langue requis, multiplication des motifs d’expulsion aux contours flous comme le non-respect des principes de la République ou le risque de trouble à l’ordre public. Les services de l’intérieur traquent les bonnes raisons de refuser le séjour, jusqu’à y mêler les taux de présence ou les sommes de pensions versées pour les parents d’enfants français. Pour un étudiant, il ne suffit plus d’étudier : le redoublement est parfois synonyme d’expulsion. L’étranger est perçu comme une menace, décrit comme un danger, traité comme un sous-citoyen.

Il est urgent de se mobiliser pour la défense des droits des étrangers. Cela implique, entre autres, de refuser un projet de loi de finances qui taxe le droit à la nationalité et les titres de séjour. Cela implique aussi de censurer un gouvernement qui fait du droit des étrangers une variable d’ajustement.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Karelle, étudiante en master 2 d’informatique, attend le renouvellement de son titre de séjour depuis trois mois : elle ne va plus à l’université. Maria, elle, attend son titre depuis le 6 septembre : elle est empêchée de retourner au travail. Zora est assistante maternelle : elle a cessé de travailler depuis qu’elle est en situation irrégulière du fait des délais de traitement de son dossier par la préfecture. Milan, Landry, Cristaline, Omar, Alessia, Issam, Charles, Patrick, Tanina et tant d’autres, habitants de ma circonscription, m’ont tous contactée depuis ma réélection en juillet 2024 pour évoquer leurs difficultés à obtenir le renouvellement de leur titre de séjour.

La situation est la même dans vos territoires. Selon Amnesty International, des milliers de personnes subissent chaque année les conséquences des délais de traitement excessifs des dossiers dans les préfectures. Ces lenteurs administratives plongent dans la précarité des hommes et des femmes installés depuis de nombreuses années dans notre société, qui ont, pour presque la totalité d’entre eux, construit ici leur vie et fondé leur famille. Ils contribuent pleinement à la vie sociale et économique de notre pays, monsieur Gery : le texte, que vous n’avez peut-être pas lu, concerne le renouvellement de titres de long séjour de personnes qui vivent depuis longtemps en France et qui y sont intégrées.

J’aimerais rappeler que les titulaires d’un titre de séjour de longue durée ne sont pas des nouveaux arrivants sur notre territoire : ils vivent ici depuis longtemps et sont, avec nous, le visage de la France. Pourtant, le renouvellement d’un simple titre demande six mois d’attente, voire une année entière dans certains départements comme le mien. La complexité de la procédure a créé une véritable embolie dans les préfectures, tandis que la multiplication des motifs d’obtention des titres rend leur délivrance plus longue et difficile.

Rien ne justifie ces procédures interminables. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les refus de renouvellement sont extrêmement rares. Prenons l’exemple de mon département, la Seine-Saint-Denis : en 2024, la préfecture a prononcé 14 000 décisions favorables et seulement 48 refus. C’est pour gérer ces 48 malheureux dossiers, soit moins de 0,5 % des demandes, que l’ensemble du système est ralenti au détriment des milliers de personnes qui, elles, remplissent toutes les conditions.

La nécessité de réformer le Ceseda fait consensus parmi l’ensemble des acteurs du droit des étrangers. La proposition de loi de Mme Capdevielle a le mérite de mettre ce sujet essentiel à l’ordre du jour.

Elle introduit trois avancées majeures. D’une part, elle simplifie la démarche : grâce au renouvellement automatique, les demandeurs n’auront plus à présenter un nombre massif de documents inutiles. D’autre part, elle évite de mobiliser les agents pour des renouvellements dont la majorité ne soulève aucune difficulté, et permet de concentrer les moyens sur les situations réellement complexes. Enfin, elle sécurise les parcours des personnes concernées.

M. Éric Pauget (DR). Nous sommes contre le titre de séjour à vie. Comment pourrions-nous décemment accepter un renouvellement automatique des titres de séjour des étrangers quand, chaque année, 14 millions de Français sont encore contraints de déposer une demande de renouvellement de leur carte d’identité ou de leur passeport ? C’est impossible.

Derrière l’intention de simplification administrative affichée par ses auteurs, la proposition de loi aurait des effets considérablement dangereux sur notre politique migratoire et sur la capacité de l’État à contrôler, suivre et garantir la conformité des situations administratives des personnes étrangères présentes sur le sol français. Je le dis avec gravité : supprimer toute vérification régulière des conditions de séjour, c’est affaiblir un pilier de notre souveraineté. Rendre automatique ce qui doit être contrôlé, c’est ouvrir la porte à des dérives, des fraudes, et créer un appel d’air pour l’immigration qui mènera à un affaiblissement de l’État. Créer un droit automatique, c’est défaire la logique même du séjour régulier, qui repose sur un contrôle continu des conditions légales. D’ailleurs, qui parmi vous a déjà vu sa carte d’identité et son passeport être renouvelés automatiquement ? Personne. Le renouvellement automatique des titres de séjour des étrangers irait à l’inverse des exigences posées à nos concitoyens français ; il serait dangereux pour la crédibilité et la sécurité de notre politique migratoire.

En tout, 2,7 millions de titres de séjour sont en circulation dans notre pays, et près de 600 000 renouvellements sont traités annuellement par les préfectures. Cela représente un travail considérable, mais surtout un travail nécessaire.

Ce travail est nécessaire d’abord pour notre sécurité, alors que 15 000 renouvellements sont refusés chaque année pour menace à l’ordre public et condamnation pénale. Avec ce texte qui désarme l’État, l’administration ne détecterait plus les demandes de titres de séjour déposées par les étrangers fichés S, condamnés ou radicalisés.

Il est nécessaire ensuite pour lutter contre la fraude aux titres de séjour, sachant que 12 % des demandes de renouvellement révèlent des cas de faux documents ou de mariage blanc, ou encore la perte des conditions initiales. Sans vérification systématique, comment pourrons-nous savoir si les étrangers remplissent les conditions de stabilité du séjour, de ressources suffisantes ou de respect de l’intégration républicaine lors du renouvellement de leur titre ?

Ce travail est nécessaire enfin pour répondre aux attentes fortes de 80 % de nos concitoyens, qui nous demandent de renforcer les contrôles plutôt que de faciliter les autorisations. Cette proposition de loi constitue un contresens politique et institutionnel : au moment où nos concitoyens attendent plus de fermeté, plus de contrôle et plus de clarté dans notre politique migratoire, elle va exactement dans la direction opposée.

Vous l’aurez compris, le groupe Droite républicaine est résolument contre cette automaticité aveugle et dangereuse. La solution n’est pas de supprimer les contrôles mais de les améliorer par nos procédures, nos moyens humains et nos outils numériques. Simplifier ne veut pas dire automatiser sans discernement et ne doit pas conduire à abandonner le contrôle. La simplification doit rester compatible avec la souveraineté migratoire de la France.

En conclusion, le renouvellement n’est pas une simple formalité administrative. C’est le moment d’une vérification indispensable, qui doit protéger l’équilibre entre humanité, responsabilité et fermeté. Nous devons être cohérents. Une politique migratoire crédible suppose un suivi sérieux et des conditions à respecter dans la durée. Automatiser, c’est renoncer à cette crédibilité. La droite républicaine est contre le titre de séjour à vie ; elle défend une immigration sélective, maîtrisée, conditionnée par l’intégration et le respect des devoirs envers la nation.

Pour toutes ces raisons, mon groupe s’oppose fermement à cette proposition de loi qui affaiblit l’État, nuit à la cohésion nationale et va clairement à rebours des attentes et des intérêts des Français.

Mme Sandra Regol (EcoS). Ce texte apporte des éléments pratiques et pragmatiques. Or notre assemblée en appelle souvent au bon sens et au pragmatisme.

La réalité est dans les chiffres : ceux des préfectures, qui n’arrivent pas à traiter les demandes dans des délais corrects, ou ceux des tribunaux administratifs, qui ressentent un mal-être croissant à devoir constamment annuler les décisions des préfectures pour non-respect des délais et des droits des personnes. C’est kafkaïen et ubuesque – d’ailleurs, monsieur Pauget, vos collègues sénateurs ont reconnu il y a quelques années, par la voix de M. Buffet, que cela ne pouvait pas durer. Je m’étonne aussi du mépris que vous manifestez pour les fonctionnaires des préfectures, qui représentent l’État dans les territoires et qui souffrent d’une surcharge de travail inutile.

Vous appelez sans cesse à serrer la vis dans la délivrance de titres à des personnes extérieures à l’Europe. Or nous parlons ici de personnes qui ont prouvé leur apport à l’économie française, à la vie du pays, à la vie associative. Je m’interroge sur votre connaissance des tissus économiques locaux et nationaux, car ces personnes sont recherchées pour leur savoir-faire dans le secteur médical, l’hôtellerie, la restauration et encore l’agriculture. Les patrons en ont besoin.

Les changements proposés par le texte sont nécessaires mais non suffisants. Ils nous permettront de ne plus être un pays qui humilie des personnes qui vivent sur son sol parfois depuis des dizaines d’années, contraintes d’attendre un rendez-vous pendant des heures, la nuit, au détriment de leur vie, de leur santé et de leur travail. Ils nous permettront de lutter contre l’épuisement du personnel des préfectures et des tribunaux. Automatiser, c’est montrer que la France est une démocratie qui fonctionne, une république, et non un pays de seconde zone incapable de traiter des questions administratives.

Au reste, les mesures prévues par le texte sont déjà plus ou moins appliquées, de façon inégale selon les préfectures – car en définitive, les agents doivent bien arriver à faire leur travail. J’appelle ceux d’entre vous qui s’y opposent à mesurer la situation impossible dans laquelle sont placés les agents des préfectures, qui relèvent souvent des dernières catégories de l’administration française, qui sont sous-payés et qui effectuent un travail colossal. Vous faites bien peu de cas de tous ces gens – sans même parler du respect que vous avez pour les droits humains. En gros, vous n’aimez pas beaucoup nos professionnels ni les personnes qui font fonctionner notre économie, et vous refusez de prendre des mesures basiques pour nous permettre d’avancer ensemble. Vous l’aurez compris, le groupe Écologiste votera ce texte avec plaisir et œuvrera à son amélioration dès que possible.

M. Éric Martineau (Dem). Nous tenons à saluer l’intention qui anime les auteurs de la proposition de loi. Nous partageons tous ici le même constat, celui d’une administration trop souvent engorgée et de délais qui peuvent placer les étrangers en situation régulière dans une incertitude préjudiciable. L’objectif de simplifier et de fluidifier est donc louable et nécessaire.

Si nous vous rejoignons sur le diagnostic, notre groupe exprime toutefois de sérieuses réserves quant à la solution technique que vous proposez. Nous craignons qu’en voulant simplifier les procédures, le texte ne fragilise l’équilibre du droit des étrangers.

Il touchera d’abord à la nature même du titre de séjour. Vous voulez supprimer le contrôle essentiel exercé par l’administration à chaque échéance pour vérifier que la présence de la personne de nationalité étrangère sur le territoire reste conforme aux règles prévues par la loi. Sans ce rendez-vous régulier, l’administration perdra une part importante de sa capacité de suivi et de contrôle.

Le renouvellement des titres permet également de vérifier que la personne n’est pas une menace pour l’ordre public, n’a pas été impliquée dans des faits graves – violences, radicalisation, délinquance aggravée – et n’a pas commis de fraude documentaire. C’est un point fondamental : l’administration doit pouvoir refuser un renouvellement à une personne qui présente des comportements incompatibles avec une présence en France. Ces exigences sont incontournables.

Sous couvert de simplification, le texte opère un renversement complet de la charge de la preuve. Aujourd’hui, le demandeur doit démontrer qu’il demeure éligible à son titre. Si la proposition de loi était adoptée, l’administration devrait justifier son éventuelle opposition à un renouvellement automatique. Cela constituerait une rupture nette avec l’architecture même de notre droit.

Veillons aussi à la cohérence législative. Votre texte va à rebours des principes et des mécanismes de la loi de 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. Il en neutralise deux piliers centraux. Le premier est l’exigence de maîtrise du français, attestée par un niveau A2 pour les cartes pluriannuelles et B1 pour les cartes de résident. Cette exigence essentielle à l’intégration deviendrait inopérante. Le second est le contrôle du respect des principes républicains. Le contrat d’engagement républicain, qui permet de refuser ou de retirer un titre en cas de rejet de ces principes, perdrait toute portée si le renouvellement était présumé favorable.

Par ailleurs, la loi de 2024 facilite la levée des protections en cas de menace à l’ordre public. Si la procédure devenait automatique, il suffirait d’un contrôle manqué pour que le titre soit renouvelé, créant un droit acquis qu’il serait très lourd, sur le plan juridique et administratif, de retirer ultérieurement.

Je m’interroge enfin sur la faisabilité opérationnelle de la mesure. Le texte prévoit que l’administration conserve la possibilité de s’opposer au renouvellement, mais en pratique, comment faire ? Cela impliquerait qu’elle puisse détecter en temps réel, de sa propre initiative, chaque changement de situation, chaque déménagement et chaque trouble à l’ordre public. Or elle ne dispose pas d’outils suffisamment interconnectés pour assurer cette veille permanente.

Nous comprenons la volonté de désengorger les préfectures : c’est un chantier nécessaire. Mais la réponse ne saurait résider dans la suppression des contrôles. Réformer, simplifier, sécuriser, oui, mais pas dans ces conditions. Le groupe Les Démocrates votera contre ce texte qui soulève des difficultés juridiques et opérationnelles trop importantes.

M. Laurent Marcangeli (HOR). Cette proposition de loi touche à une question éminemment régalienne, celle du contrôle de la présence des étrangers sur notre territoire. Elle interroge notre conception de la souveraineté et du rôle de l’État dans la régulation des flux migratoires et la maîtrise de nos frontières. Le groupe Horizons & indépendants estime que le droit, en particulier dans ce domaine, ne peut être modifié avec légèreté.

Aujourd’hui, l’état du droit est clair : les cartes pluriannuelles sont valables quatre ans au maximum, et les cartes de résident dix ans. Une fois le titre arrivé à échéance, une demande de renouvellement doit être formulée. Cette procédure n’est pas une inutile formalité administrative : il s’agit d’un acte de contrôle de l’État, dans le cadre de ses prérogatives régaliennes, qui permet de vérifier que la personne respecte toujours les critères établis, qu’aucune décision de justice ou d’éloignement ne s’oppose à son maintien sur le territoire et qu’elle souhaite véritablement y demeurer.

La proposition de loi qui nous est soumise risquerait, si elle était adoptée, de porter atteinte à l’ordre public. Elle vise en effet à automatiser le renouvellement des titres de séjour en faisant d’un titre temporaire une autorisation de séjour à durée indéfinie. Cela représente un changement de nature du droit des étrangers. Ce texte représente aussi, d’une certaine manière, un renoncement au droit de l’État de décider qui peut ou non rester sur notre territoire. Je le dis très simplement : ce renoncement, le groupe Horizons & indépendants n’y consentira pas.

Le texte soulève une question très simple : souhaitons-nous garantir à tous les étrangers en situation régulière sur notre territoire un renouvellement automatique de leur titre de séjour, étrangers parmi lesquels figureront inévitablement des personnes susceptibles de ne pas respecter nos lois et donc le pays ? Notre réponse est non. Il y va du respect de l’ordre public, de la sécurité et même de la justice à l’égard des étrangers qui, eux, dans leur grande majorité, respectent scrupuleusement notre droit.

En outre, votre texte créerait, nous semble-t-il, une situation aberrante où des personnes qui ne souhaitent même pas rester sur notre territoire recevraient tout de même un titre de séjour. Cela constituerait une démission pure et simple de l’État dans l’une de ses missions. Nous pensons au contraire que le système actuel fonctionne – dès lors qu’il est appliqué, rappelons-le. Des crédits supplémentaires seraient évidemment souhaitables afin d’accélérer le traitement des demandes de titres de séjour en préfecture, mais nous pensons que les règles actuelles permettent de protéger nos intérêts souverains et d’assurer un traitement juste et lisible pour ceux qui souhaitent s’intégrer dans notre pays.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Horizons & indépendants votera contre la proposition de loi.

M. Paul Molac (LIOT). De quoi parlons-nous, en somme ? De gens qui tombent dans l’irrégularité et deviennent des hors-la-loi simplement parce qu’on n’a pas renouvelé leur titre de séjour. Ils ont fait les choses en temps et en heure, mais l’administration n’a pas été capable de suivre. Ils restent en situation régulière dans les trois mois qui suivent l’expiration de leur titre et doivent ensuite demander trois mois supplémentaires – c’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à porter d’emblée cette durée à six mois.

De qui s’agit-il ? On a voulu nous faire croire que tous ces gens venaient d’Afrique du Nord ; c’est le cas pour certains, mais dans le lot, il y a aussi des Britanniques ou des Canadiens. Ce sont des gens qui viennent de partout dans le monde, qui travaillent, paient leurs impôts, bien souvent sont mariés et ont des enfants : on les met dans l’illégalité et ils doivent arrêter de travailler. C’est gaguesque. Des employeurs me téléphonent parfois parce qu’il s’agit d’un salarié dont ils ont vraiment besoin, un chauffeur par exemple, qui ne peut plus venir au travail car son titre n’a pas été renouvelé dans les temps. Le ministre Gérald Darmanin a d’ailleurs indiqué que même des députés du Rassemblement national lui demandaient de régulariser certains étrangers dont nous avons besoin qu’ils travaillent – preuve d’ailleurs qu’ils tiennent deux discours.

Nous devons faire en sorte que les gens travaillent, vivent de leur travail et puissent s’intégrer. Le renouvellement automatique est donc une mesure de bon sens – à moins qu’on ne veuille payer des fonctionnaires à traiter tout cela, en nous demandant dans le même temps de faire des économies ! Oui, c’est une question de bon sens, en particulier pour les personnes qui ont déjà une carte de résident de dix ans et qui ont donné toute satisfaction. Et je rappelle que, de toute façon, l’administration peut retirer un titre de séjour à tout moment en cas de problème.

M. Édouard Bénard (GDR). La proposition de loi qui nous est soumise va dans le bon sens, pour plusieurs raisons.

Premièrement, le renouvellement d’un titre de séjour représente un coût élevé pour la population concernée : le demandeur doit s’acquitter d’une taxe de 200 euros et d’un droit de timbre de 25 euros tous les ans, tous les deux ans ou tous les quatre ans, selon la durée de son titre, auxquels s’ajoutent les frais de dossier, de traduction, de certification de copie conforme de certains documents et j’en passe. Ces taxes constituent une manne financière illégitime pour l’État, car elles pèsent sur une population déjà fortement précarisée. Selon le rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale relative à la taxation des titres de séjour de 2019, leur montant se situe dans la fourchette haute des tarifs européens. Automatiser le renouvellement des cartes de séjour pluriannuelles ou d’une carte de résident valable dix ans est donc une mesure de justice sociale.

Deuxièmement, cette simplification administrative est bienvenue alors que les préfectures sont engorgées et que le parcours des demandeurs se dégrade. Bien qu’elles aient respecté les démarches et les délais, de nombreuses personnes qui résident et travaillent légalement sur le territoire français se heurtent à des délais de traitement anormalement longs, à l’impossibilité d’obtenir un rendez-vous ou à l’absence de réponse de l’administration préfectorale. Ces lenteurs – ou entraves – administratives ont des conséquences sociales graves : impossibilité d’obtenir ou de conserver un emploi, de signer un bail, de percevoir des aides sociales, voire de renouveler une assurance maladie. Ces situations plongent des salariés, des étudiants et des familles dans une précarité insupportable alors même qu’ils vivent, travaillent ou étudient dans notre pays depuis des années.

Troisièmement, en plus d’être une entrave aux droits des usagers, ces dysfonctionnements alourdissent la charge de travail des agents des services des étrangers des préfectures. La timide augmentation des équivalents temps plein adoptée en commission ne saurait combler le manque de personnel dédié à la délivrance des titres. Comme l’indique le bleu budgétaire du programme 354 : « Il est constaté depuis 2021 une hausse continue de la demande de titres de séjour, en primo-délivrance et en renouvellement, qui entraîne une charge de travail significative pour les préfectures entraînant une dégradation constante des délais de traitement des demandes. […] Les moyens en effectifs ont certes été importants mais n’ont pas permis de suivre la hausse de la demande de titres. » La dégradation des services préfectoraux touche y compris les personnes qui souhaitent renouveler leur carte de séjour pluriannuelle ou leur carte de résident valable dix ans.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR votera en faveur de la proposition de loi.

Mme Hanane Mansouri (UDR). Vous proposez d’instaurer un renouvellement automatique des titres de séjour de longue durée. Certes, notre système est à bout de souffle. En 2024, près de 900 000 titres de séjour ont dû être renouvelés. Les préfectures sont saturées, les files d’attente physiques et numériques s’allongent, et les dysfonctionnements de la plateforme Anef provoquent des ruptures de droits massives. Mais votre réponse n’est pas la bonne.

Pour traiter un dysfonctionnement administratif, vous proposez une solution idéologique : supprimer le contrôle, renverser la charge de la preuve, considérer que tout renouvellement doit devenir automatique sauf si l’État parvient à démontrer qu’il doit être refusé. En 2024, le taux de refus de renouvellement des titres de séjour de longue durée était déjà infime : 0,8 % pour les cartes pluriannuelles et 0,5 % pour les cartes de résident. Autrement dit, le problème ne tient pas à des décisions arbitraires mais à un manque de moyens et à des procédures défaillantes.

Ce que vous proposez revient à faire de l’absence de contrôle la norme. Mais comment l’État vérifiera-t-il le maintien des conditions de séjour – emploi, présence sur le territoire, absence de condamnation – si le renouvellement devient automatique ? Vous créez un angle mort qui affaiblit la crédibilité de notre politique migratoire, déjà mise à rude épreuve. Le problème, en réalité, n’est pas le délai de renouvellement des titres de séjour mais bien le nombre de demandes – car oui, le vrai sujet est la submersion migratoire de la France.

Par ailleurs, l’accès à un titre de séjour n’est absolument pas synonyme d’intégration. Dahbia Benkired, par exemple, a disposé d’un titre de séjour et a commis un meurtre absolument abominable sur la petite Lola.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDR votera contre cette proposition de loi.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Je constate que nous partageons tous le même constat. Oui, il y a un problème, même le groupe UDR en convient. Seuls les députés Horizons pensent que tout va bien ; je les invite à se rendre dans certaines préfectures et je regrette qu’ils n’aient pas assisté aux auditions, notamment celle du préfet de la Seine-Saint-Denis.

Collègues du RN, vous êtes totalement hors sujet. Il est ici question du renouvellement des titres et non de leur délivrance. Vous avancez le chiffre fort discutable des étrangers qui entrent sur le territoire mais ce qui m’intéresse, quant à moi, est le solde : des étrangers entrent mais d’autres partent, volontairement, après avoir fini leurs études par exemple.

Les personnes dont nous parlons ici, ce sont celles qui prennent soin de nous, qui nous soignent, qui s’occupent de nos parents, de nos grands-parents, de nos enfants et petits-enfants, qui nous servent à manger, qui assurent la sécurité et la propreté de nos bâtiments, y compris à l’Assemblée nationale, et qui nous disent régulièrement qu’elles n’arrivent pas à obtenir un rendez-vous en préfecture. Tout le monde reconnaît qu’en raison des délais de traitement administratif, des personnes totalement insérées, qui vivent en France et y travaillent depuis des années, peuvent perdre leurs droits. Il est tout de même catastrophique que la République française ne soit pas capable d’assurer les droits de personnes qui sont légitimement présentes sur son sol.

Nombre d’entre vous, à droite et à l’extrême droite, nous bassinent en permanence avec la simplification. Voilà que nous vous offrons une occasion en or de simplifier, et vous la refusez ! Pour vous, la simplification n’est que pour les Français : les résidents étrangers en France, il faut plutôt compliquer leur séjour, au point de le rendre impossible. Tel est le sens de vos interventions et de vos amendements.

M. Pauget a établi un parallèle entre le renouvellement des titres de séjour et celui du passeport et de la carte d’identité. Ce n’est pas sérieux : vous savez très bien qu’on n’a pas besoin d’un passeport ou d’une carte d’identité pour travailler en France, pour trouver un logement ou un stage ; en revanche, les étrangers – notamment les étudiants – ont besoin d’un titre de séjour pour obtenir un stage ou faire du tutorat. Un passeport ne crée pas des droits, il permet uniquement de passer les frontières de l’Union européenne. Du reste, des progrès ont été accomplis en la matière : désormais, la carte d’identité et le passeport sont délivrés dans des délais raisonnables. Quoi qu’il en soit, leur délivrance n’a pas du tout les mêmes conséquences pour les Français, en matière de droits et de devoirs, que celle du titre de séjour pour les étrangers. Un titre de séjour est un document substantiel sans lequel on ne peut pas vivre, travailler, accéder à des droits, être soigné, faire des stages, se loger.

Mme Miller reconnaît les difficultés actuelles, mais n’apporte pas de solution.

Je remercie Thomas Portes d’avoir souligné que les demandeurs suivaient un véritable parcours du combattant, qui leur coûte extrêmement cher, sur le plan financier et humain – des vies sont brisées –, mais qui coûte aussi à l’État français qui doit mobiliser du personnel dans les préfectures et les tribunaux administratifs. Il a aussi eu raison d’insister sur les rendez-vous payants commercialisés par des escrocs. Le système est devenu tellement fou que des escrocs vendent très cher des rendez-vous en préfecture – les services préfectoraux le reconnaissent eux-mêmes. C’est totalement inacceptable. Comment pouvons-nous tolérer que des étrangers paient pour obtenir un rendez-vous rapidement en préfecture, parce qu’ils ont besoin de leur titre de séjour pour travailler ?

Merci à Fatiha Keloua Hachi d’avoir donné corps et vie à ces personnes – nous en connaissons tous. Je pense pour ma part à Marie-Thérèse : elle vit en France depuis dix ans, elle a obtenu un diplôme et un emploi, mais selon le préfet des Pyrénées-Atlantiques, le fait qu’elle ait profité d’un titre provisoire pour signer un contrat de travail justifie une OQTF. Nous en sommes là, s’agissant de personnes totalement insérées, qui ont des diplômes et qui travaillent !

Vous avez bien fait de signaler, monsieur Molac, que les syndicats d’employeurs et les chefs d’entreprise nous téléphonent pour nous dire que ce n’est plus possible. Ils ont besoin de boulangers, de chauffeurs, d’experts-comptables, de gestionnaires de patrimoine ; ils ont des gens compétents, mais la préfecture traîne pour traiter leurs dossiers. Cessons d’être hypocrites, cette réalité saute aux yeux.

Mme Mansouri a rappelé que les demandes de renouvellement n’étaient refusées que pour 0,8 % des titres pluriannuels et 0,5 % des titres de résident longue durée. Ce sont les lois que vous avez votées et dont vous n’avez pas voulu voir les effets qui sont parvenues à bloquer le système pour les 99,5 % d’étrangers qui remplissent toutes les conditions.

Je remercie par ailleurs Mme Regol d’avoir insisté, comme d’autres, sur la très grande souffrance du personnel des préfectures, qui ne trouvent plus de sens à leur travail tant il est devenu difficile. Nous devons les défendre et faire en sorte que leurs conditions de travail deviennent supportables.

Une fois encore, je suis très étonnée que le groupe Horizons estime que tout va bien et que le système fonctionne – ils sont les seuls à le dire.

Je remercie tous ceux qui se préoccupent de la situation de millions de gens qui vivent et travaillent en France, et souvent s’occupent de nous. Ces étrangers sont entrés de façon régulière sur notre territoire et ont justifié de la régularité de leur séjour ; ils ont pleinement leur place dans notre pays. Du fait de la baisse démographique, la France a cruellement besoin d’eux dans la plupart des secteurs clés. Facilitons-leur la vie car ils contribuent à la cohésion sociale au quotidien et au vivre-ensemble.

Article unique : (art. L. 411-3-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile [nouveau]) : Renouvellement automatique des titres de long séjour

Amendements de suppression CL1 de M. Éric Pauget et CL16 de M. Jonathan Gery

M. Éric Pauget (DR). Le maintien sur le territoire français ne doit jamais être une obligation ni automatique. Au contraire il faut étudier les situations, les instruire, voir si l’intégration républicaine a été réussie. Oui, les préfectures sont débordées et il faut faire évoluer nos moyens humains, techniques et technologiques, mais en aucun cas nous ne devons céder et accorder une automaticité du renouvellement de ces titres. Je ne citerai pas Georges Marchais pour ma part, mais ce serait revenir au programme commun des années 1980 et aux grandes vagues de régularisation – c’est même pire lorsqu’on sait que 600 000 titres doivent être renouvelés chaque année.

M. Jonathan Gery (RN). Cette proposition de loi, je le répète, va à rebours de l’aspiration des Français à une immigration contrôlée et réellement maîtrisée. Je ne donnerai qu’un chiffre : 79 % des Français réclament un durcissement de notre politique migratoire, y compris 64 % des sympathisants de La France insoumise et 52 % des sympathisants socialistes.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Je ne vous comprends pas. Nous vous démontrons l’urgence de la simplification administrative, qui vous est particulièrement chère. C’est d’ailleurs vous-même, avec les lois que vous avez votées, qui avez créé la situation actuelle. Depuis son entrée en vigueur, en 2005, le Ceseda a été modifié 130 fois : un record ! Une quarantaine de ces modifications sont de niveau législatif et plus personne ne comprend ce millefeuille normatif, illisible tant pour les usagers que pour les administrations et même pour les professionnels.

Des personnes qui résident depuis longtemps en France se trouvent piégées dans une précarité administrative permanente et ne peuvent faire valoir leurs droits. Ces personnes qui travaillent depuis des années risquent de perdre logement et emploi. Certains collègues ont rappelé que des employeurs nous supplient littéralement. C’est véritablement un non-sens économique, social et humain. Dans les préfectures aussi, où 39 % des personnels ne sont que contractuels, la souffrance au travail produit de la précarité. Les agents sont épuisés et frustrés devant l’accumulation des dossiers. Or, nous vous l’avons dit, dans 99 % des cas pour les titres pluriannuels et 99,5 % pour les titres de résident, les demandes sont renouvelées sans aucune difficulté.

Enfin, contrairement à ce qu’affirme le Rassemblement national, cette proposition de loi ne va aucunement à rebours des aspirations des Français. La France est un pays de droits et de devoirs et les conditions que vous posez n’existent d’ailleurs pas dans la loi. Vous faites dire aux Français des aberrations et votre amendement est, comme d’habitude, hors sujet.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Je suis surpris de vos tentatives répétées, monsieur Pauget, pour restreindre le droit des étrangers et la possibilité pour notre pays de les accueillir dans de bonnes conditions, alors même que vous nous dites que c’est votre souhait.

En 1981, à l’époque du programme commun que vous évoquez, la carte de dix ans n’existait pas encore. Par ailleurs, il existe déjà des procédures de renouvellement automatique qui fonctionnent très bien, comme vous le confirmeront les employés des maisons départementales des personnes handicapées ou les agents des départements chargés des renouvellements de la prestation de compensation du handicap et de toute une série d’autres prestations sociales : au terme du délai, on vous demande simplement si votre situation a changé – par exemple, si vous avez toujours la même adresse, ou un emploi. Cela facilite grandement le travail des agents du service public.

Surtout, le fait que les personnes demandeuses soient titulaires d’une carte signifie qu’il a déjà été jugé qu’elles pouvaient l’obtenir. Le travail a donc déjà été fait, par des professionnels – à moins que vous ne contestiez la rigueur de nos agents. S’ils ont délivré ce titre, en respectant tous les critères requis, c’est que les étrangers concernés pouvaient résider durablement et légalement en France.

À force de dispositifs contraignants et de baisses de budget systématiques, on en arrive à l’épuisement moral de personnes qui sont pourtant utiles à la nation et qui en outre aiment la France et souhaitent y rester. Ce qu’elles lui apportent est d’ailleurs reconnu par leur entourage comme par les gens qui sont derrière les guichets. Vous devriez avoir plus de considération pour ces femmes et ces hommes et plus de respect pour les agents du service public ; bref vous devriez permettre ces renouvellements automatiques.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). La Droite républicaine et le Rassemblement national, déposant des amendements de suppression de l’article unique, ne veulent clairement pas discuter du renouvellement des titres de séjour. C’est-à-dire qu’ils pensent qu’idéologiquement, il est plus intéressant pour eux de ne pas en discuter, ou de le faire à l’occasion de projets de loi sur l’immigration de plus en plus durs.

Il n’est pas du tout question ici de flux migratoires, mais de résidents, c’est-à-dire de gens qui vivent en France, qui y sont établis, qui y travaillent et qui ont absolument le droit d’y rester – car, je le rappelle, le renouvellement est un droit. Or, avec une administration qui devient trop complexe, on s’oppose à ce renouvellement. Nous sommes en train de fabriquer des sans-papiers et vous ne voulez pas en discuter. Je m’en désole. Je comprends qu’on soit opposé à cette proposition de loi, mais il faut que nous ayons ce débat. Il est très décevant et très choquant que la Droite républicaine ne le veuille pas. C’est manquer de respect aux résidents, qui sont parfois en France depuis quarante ou cinquante ans, qui travaillent, qui ont cotisé toute leur vie. Ils ont des droits, mais aussi des devoirs, auxquels ils se soumettent toute leur vie, et du jour au lendemain ils se trouvent être sans-papiers, dans des situations catastrophiques.

Vous faites de l’idéologie, ce qui n’est pas le cas du groupe socialiste. Nous, nous cherchons une solution au marasme dans lequel se trouve l’Anef, qui dysfonctionne complètement. Trouvons ensemble la meilleure solution, au lieu de chercher à supprimer le texte.

M. Yoann Gillet (RN). Ceux qui ont présenté cette proposition de loi et ceux qui la défendent sont soit totalement déconnectés de la réalité, soit ivres de leur idéologie. Parmi les détenteurs d’un titre de séjour, certains méritent évidemment son renouvellement, mais d’autres devraient se le voir retirer. Selon M. Molac, cette loi permettrait de simplifier les choses et, au bout du compte, de diminuer le nombre de fonctionnaires : mais alors, quand les contrôles seront-ils effectués ? Même actuellement, alors qu’ils ont lieu au moment du renouvellement du titre de séjour, les failles sont nombreuses et certaines personnes ont un nouveau titre alors qu’elles ne respectent pas les lois de la République et devraient être immédiatement renvoyées chez elles.

En supprimant l’étape du renouvellement manuel sur demande, vous supprimez tout contrôle. Soyez connectés à la réalité, ayez conscience du fait que les Français ne veulent plus de la submersion migratoire que nous vivons du fait de l’immigration tant régulière qu’irrégulière. Tout craque. Si, comme vous le constatez, le système ne fonctionne plus et les délais sont trop longs, c’est sûrement parce qu’il y a trop de délivrances de titres de séjour et trop d’étrangers en France ! C’est une réalité. Une majorité de Français, y compris vos électeurs, veulent en finir avec cette submersion migratoire.

Mme Hanane Mansouri (UDR). Vous vous trompez, madame la rapporteure, lorsque vous dites que les personnes en situation irrégulière ont plus besoin d’un titre de séjour que les Français d’une pièce d’identité. Nous en avons besoin pour trouver un logement et pour participer au baccalauréat par exemple. La délivrance de la carte d’identité et du passeport est d’ailleurs payante…

Plusieurs députés du groupe LFI-NFP. Non, la carte d’identité est gratuite !

Mme Hanane Mansouri (UDR). Par ailleurs, quand l’argument de l’emploi est avancé, je suis gênée par le discours de la gauche, qui relève du mépris de classe : selon vous, nous avons besoin de ces personnes pour faire le ménage, pour assurer la sécurité de nos événements ou pour nous conduire ! Cette façon de parler est assez problématique, mais je vous laisse le bénéfice du doute : il s’agit peut-être d’une façon de dire qu’il y a des postes à pourvoir en France. Dans ce cas, votre texte est hors sujet : il aurait mieux valu travailler sur le coût du travail et sur la lutte contre l’assistanat, pour permettre que ces emplois soient pourvus par des Français au chômage.

Enfin, il est vrai, madame la rapporteure, qu’il y a des droits et des devoirs. Mais lorsqu’un devoir n’est pas respecté, la question n’est pas de le supprimer par la loi mais de le faire respecter. Nous voterons donc pour les amendements de suppression de cette proposition de loi complètement démago.

M. Laurent Marcangeli (HOR). Nous avons pris l’engagement de ne pas voter les amendements de suppression et nous ne les voterons pas.

Toutefois, et contrairement aux propos que vous me prêtez, madame la rapporteure, je ne dis pas que tout va bien. Ça ne va pas bien du tout. Mais je me réjouis de voir que feu le Nouveau Front populaire s’engage désormais dans un grand mouvement de simplification. Lorsque j’étais ministre chargé de la simplification, j’observais que, s’agissant de simplifier la vie à nos chefs d’entreprise et à nos commerçants, ses membres étaient plutôt contre. Les Françaises et les Français comprendront.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Je m’étonne que ceux qui défendent ces amendements de suppression ne parlent pas des personnes concernées. Ils les traitent d’une manière déshumanisante, ils évoquent de vagues travailleurs et des situations particulières alors qu’il s’agit d’abord d’êtres humains, qui ont une famille dans notre pays, des enfants, et à qui le fait ne pas avoir accès à ces titres de séjour pourrit littéralement la vie. Chaque fois que nous évoquons ce sujet, nous recevons des dizaines de messages de remerciement de personnes qui nous disent qu’enfin on parle d’elles comme d’êtres humains, et non pas comme de délinquants ou de criminels.

L’ambiance que le Rassemblement national instaure à l’égard des personnes étrangères qui séjournent régulièrement – et même irrégulièrement – sur le territoire de la République est très dangereuse et très violente. À cause des propos que vous tenez, des gens se font agresser – et de cela, vous ne parlez jamais. Or cela concerne plus de 4 millions de personnes, que vous semblez vouloir supprimer, chasser, envoyer je ne sais où, vers ce que vous dites être leurs pays d’origine. Beaucoup de ces personnes sont attachées à la France, le pays dans lequel elles vivent, ce qui ne les empêche pas d’avoir un attachement pour un autre pays. Assa Traoré a dit récemment, et très justement, qu’on n’est pas 50 % quelque chose et 50 % de son pays d’origine, mais 100 % les deux. Eh oui ! Admettez donc que les gens aiment autant la France que leur pays d’origine et respectez-les simplement comme des êtres humains. Cela changera des propos que vous tenez habituellement.

M. Paul Molac (LIOT). Vous voulez contrôler tous les étrangers, tout le temps. C’est une perte de temps et d’efficacité, car le problème n’est pas là. Il faut plutôt contrôler et expulser ceux qui ne respectent pas les règles et instaurer des procédures applicables en cas de problème.

Certains parlent d’assistanat mais que dois-je faire, dans ma circonscription qui compte 5 % de chômeurs, quand les chefs d’entreprise viennent me voir pour me dire qu’ils ont besoin de main-d’œuvre ? Les Français sont paradoxaux : quand vous les interrogez, ils ne veulent pas d’étrangers, mais quand ils ont besoin d’un médecin, ils se fichent bien de savoir si le seul qu’ils ont trouvé est Syrien ! Et si vous essayez d’expulser ce médecin syrien, ils vont débouler dans votre permanence pour vous dire de leur laisser le seul médecin qui leur reste. Voilà la réalité.

M. Ludovic Mendes (EPR). Le sujet est compliqué. La proposition de loi paraît logique : il s’agit de personnes qui restent longtemps en France, et nous connaissons tous, que ce soit dans le Val-de-Marne ou en Moselle, de grandes difficultés pour renouveler les titres de séjour ou délivrer des récépissés dans les temps. Nous savons bien les problèmes que cela pose. Cependant, même nos pièces d’identité à nous, Français, ne sont pas renouvelées automatiquement : il faut démontrer qu’on habite à telle adresse, changer la photo, prendre rendez-vous en mairie. Nous ne pouvons donc pas accepter que le renouvellement du titre de séjour se fasse sans vérification. Il faut vérifier que les règles qui conditionnent ce titre de séjour sont toujours respectées, qu’elles concernent le travail, le logement, la possibilité de faire vivre sa famille ou le fait que cette dernière se trouve encore sur le territoire national. En outre, des personnes présentes depuis années ont peut-être besoin d’un accompagnement différent auprès de nos préfectures – c’est le débat qui a entouré la création du titre pluriannuel de dix ans, dont l’obtention et le renouvellement ont été largement facilités, comme du reste pour le titre de quatre ans.

Il n’y a pas de submersion dans notre pays. Ces personnes sont intégrées, travaillent, payent des impôts et font fonctionner notre État. Toutefois, l’automaticité du renouvellement des titres de séjour n’est pas souhaitable. Il y a certes un problème de fonctionnement, mais la réponse consiste à permettre aux préfectures de traiter les dossiers sans laisser des personnes sans papiers pendant un certain temps en leur faisant perdre leur emploi ou leur logement.

Nous voterons bien entendu contre ces amendements de suppression.

M. Philippe Gosselin (DR). M. Mendes a souligné à juste titre la nécessité d’améliorer l’accompagnement et de fluidifier les procédures, mais aussi le fait qu’il n’existe pas de droit éternel. Certains Français rencontrent régulièrement des difficultés pour faire renouveler leur carte d’identité ou leur passeport : ce sont des Français nés à l’étranger, qui sont presque harcelés pour prouver que l’acte qu’ils produisent vaut bien nationalité française, comme s’ils étaient des étrangers. Par parallélisme, il serait abusif que le droit au renouvellement des titres de séjour soit automatique.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Nous observons tous que la multiplicité des titres de séjour complique les choses. Monsieur Mendes, aucun Français ne perd son emploi, son logement, son droit à un stage, une bourse d’études, des droits liés à la maladie s’il n’obtient pas sa carte d’identité ou son passeport dans les délais. Nous avons connu voilà quelques années une période difficile pour l’obtention de ces documents, mais la situation s’est très largement améliorée et on peut aujourd’hui déposer sa demande dans n’importe quelle mairie. Ce n’est pas le cas des étrangers, puisque la première condition de recevabilité de leur demande de renouvellement est que la préfecture où ils la déposent soit territorialement compétente, et le défaut de titre de séjour peut avoir pour eux des conséquences dramatiques. Le parallèle ne tient donc absolument pas. Par ailleurs, je rappelle que le renouvellement est de plein droit pour les cartes de résident.

Enfin, je souligne à l’intention du Rassemblement national que c’est justement parce que nous sommes très connectés avec la réalité administrative que nous proposons ce texte. Je rappelle aussi que l’administration peut à tout moment procéder à des vérifications et au retrait des titres de séjour, ce dont d’ailleurs elle ne se prive pas. Nous considérons donc que le renouvellement – car il n’est pas question ici de délivrance – peut devenir automatique, puisqu’il s’effectue aujourd’hui dans plus de 99 % des cas.

La commission rejette les amendements.

Amendements CL2 de M. Éric Pauget et CL17 de Mme Colette Capdevielle (discussion commune)

M. Éric Pauget (DR). Mon amendement ajoute des conditions au renouvellement.

Pour en revenir au débat précédent, je précise qu’il n’est pas question d’empêcher le renouvellement, qui est un droit. Mais les droits n’en sont pas moins générés par des devoirs, dont il est normal que nous les contrôlions. Il n’existe aucun pays qui ne contrôle pas le respect des devoirs permettant d’accéder à des droits. Le Canada, grand pays démocratique, important sur la scène internationale, s’est forgé grâce à l’immigration : il n’empêche qu’il y pose, comme on me l’a confirmé à son ambassade, de nombreuses conditions, notamment de ressources et de logement. Nous demandons, quant à nous, que le respect des devoirs associés au droit au renouvellement soit contrôlé. C’est une question de souveraineté nationale.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. L’amendement CL17 est rédactionnel.

Monsieur Pauget, la plupart des pays se développent grâce à l’immigration, pas seulement le Canada. Votre amendement est par ailleurs inutile car les documents que vous citez sont déjà exigés par le Ceseda. Il n’apporte donc aucune nouvelle garantie, mais crée plutôt de la confusion et de la redondance. Avec cet empilement de dispositifs dont le législateur est responsable, on se donne l’impression d’agir alors qu’on ne fait que complexifier. En outre, votre amendement ne relève pas de la loi, mais est de nature réglementaire. Avis défavorable.

M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Une certaine confusion est entretenue, peut-être à dessein, pour rendre cette proposition de loi beaucoup plus radicale qu’elle ne l’est. Visant le renouvellement des titres de long séjour, elle s’adresse en effet à des publics spécifiques : des personnes qui sont déjà en France depuis plusieurs années et ont déjà répondu à divers critères liés à l’intégration, comme la nécessité d’être domicilié et d’avoir des ressources. Cette population voit déjà ses titres de séjour renouvelés à 99,5 %. De ce fait, il conviendrait plutôt, au lieu de contrôler tout le monde, de procéder à des contrôles ciblés. Libérons beaucoup de temps en ne contrôlant plus que 2 % ou 3 % des dossiers pour trouver plus facilement les 1 % qui ne répondent pas aux règles.

Le problème est le même que pour les OQTF : le nombre d’individus concernés est tel que ni les juges ni la police ne savent plus quelle priorité se fixer, si bien que les personnes dont l’OQTF est réellement justifiée et qui présentent un profil dangereux sont moins bien prises en charge. On perd énormément de temps à poursuivre des gens qui ne doivent leur OQTF qu’au fait que leur titre de séjour n’a pas été renouvelé, pour diverses raisons – dont souvent la lourdeur administrative.

C’est une question de bon sens. Nous n’avons pas les moyens de contrôler tout le monde, et il n’y a que 1 % de cas difficiles : la proposition de loi vise donc à réorienter les contrôles vers ce 1 %. Nous ne parlons pas ici de vagues migratoires ni de primo-arrivants, mais de personnes qui sont là depuis au moins cinq ans et qui ont déjà été contrôlées. Ne caricaturez pas cette proposition de loi et tenons-nous en à son mode opératoire et au public visé – qui, je le répète, dans 99 % des cas, respecte les règles.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Monsieur Pauget, je ne comprends pas votre argumentation. Avant de dire à propos du présent amendement que le renouvellement est de plein droit pour les résidents, vous indiquiez, pour votre amendement précédent, que le droit au maintien sur le territoire français ne devait jamais être une obligation et que la France en quelque sorte se mérite. Or l’étranger dont nous parlons mérite d’être en France : il l’a déjà prouvé à son arrivée sur notre territoire. Pourquoi donc devrait-il le démontrer à nouveau lors du renouvellement de son titre de séjour ? Dire que la France se mérite veut à la fois tout dire et rien dire. À s’en tenir aux critères du Ceseda, si un étranger se voit délivrer une première carte de résident, c’est qu’il le mérite et la question est réglée : il n’a pas à prouver à chaque fois qu’il remplit les conditions pour cela.

Quand il faut un bulletin B2 du casier judiciaire pour une carte de résident, la demande n’est pas adressée à l’usager, mais se fait d’un service à l’autre. C’est que nous appelons l’automaticité : cela signifie que l’usager n’a plus rien à faire – plus à produire cinquante papiers différents pour prouver une situation que tout le monde connaît déjà. Si la personne représente une menace pour l’ordre public, auquel cas il n’est évidemment pas question de renouveler son titre de séjour, cela se règle aussi entre deux administrations : le ministère de la justice et celui de l’intérieur. L’usager n’a plus rien à voir là-dedans.

Je vous le demande donc : le renouvellement est-il bien un droit et, si c’est le cas, pourquoi dites-vous que la France se mérite ?

M. Jonathan Gery (RN). Monsieur Pauget, nous voterons pour votre amendement. Pour le reste, les propos des députés de la Droite républicaine sont toujours cocasses : vous parlez comme nous, mais vous gouvernez à gauche depuis trente ans. Vivement que vous soyez au pouvoir !

M. le président Florent Boudié. Méditons collectivement cette formulation.

M. Ludovic Mendes (EPR). Nous ne voterons pas l’amendement de M. Pauget, qui vise à durcir les conditions de renouvellement, ni celui de la Mme la rapporteure. Pour en revenir au fond, ce dont il est ici question est la procédure et non le principe du renouvellement du titre de séjour puisque, comme vous l’avez dit, plus de 99 % des personnes concernées l’obtiennent.

Cette procédure, il est un fait qu’elle dysfonctionne. Peut-être demande-t-on aux personnes des documents que les services de l’État pourraient fournir directement, comme c’est le cas dans d’autres domaines. Quoi qu’il en soit, demander tous les dix ans le renouvellement de son titre de séjour, comme celui d’une pièce d’identité, n’apparaît pas déconnant. Le problème est de savoir comment simplifier la procédure.

Je rappelle que quand un titre de séjour est périmé, c’est souvent parce que la demande de renouvellement n’a pas été faite dans les quatre mois prévus par les textes. Il est vrai que certaines préfectures connaissent de véritables dysfonctionnements, comme en Moselle, dans le Val-de-Marne ou dans d’autres territoires, mais il existe un délai de soixante jours où l’on ne perd pas ses droits si la préfecture délivre un récépissé de traitement. Le droit prévoit toutes ces situations et l’on ne perd pas automatiquement son logement, ses aides, sa bourse ou toute autre prestation. Il est aussi une réalité que nous intervenons auprès des préfets pour éviter certaines situations – j’envoie chaque jour à ma préfecture de Moselle trois ou quatre mails sur l’ensemble du sujet, qui est plus large que celui du renouvellement des titres de séjour.

L’automaticité pose problème car elle ne répond pas aux autres besoins. Il est nécessaire d’avoir une procédure de renouvellement des titres de séjour, de la simplifier et de garantir le respect des droits de la personne. Mais nous ne pouvons pas accepter la simplification que vous proposez, qui consiste à rendre le renouvellement automatique.

La commission rejette l’amendement CL2.

Elle adopte l’amendement CL17 et l’article unique est ainsi rédigé.

En conséquence, l’amendement CL6 de Mme Andrée Taurinya tombe.

Après l’article unique

Amendement CL8 de M. Thomas Portes

M. Thomas Portes (LFI-NFP). Cet amendement vise à rendre encore plus automatique et effective cette proposition de loi en supprimant la notion floue de « respect des principes de la République », qui a été réintroduite par la loi de 2024. Un droit qui dépend du bon vouloir de l’administration n’est pas un droit, c’est une fiction. Le respect des principes de la République est une notion fourre-tout et dangereuse. Quand elle est entre les mains d’un ministre tel que Bruno Retailleau, qui ne cesse de parler de « régression vers les origines ethniques » et des « belles heures de la colonisation », on se demande quels ordres sont donnés aux services préfectoraux.

Le critère du respect des valeurs de la République est en vérité une arme politique pour exclure, discriminer, stigmatiser. Ce n’est pas au ministre de l’intérieur ni aux guichets d’une préfecture de définir ce que sont ces valeurs. Avant d’en imposer le respect, il conviendrait que la France assure un accueil digne, valeur essentielle qu’elle ne respecte pas alors que nous devrions tous nous rassembler derrière un tel objectif.

Un mot aussi à propos de la submersion migratoire dont parle l’extrême droite dès qu’il est question des personnes en situation irrégulière : je rappelle que le groupe Rassemblement national a déposé en 2024 un amendement visant à exonérer les patrons d’entreprises de moins de onze salariés de l’obligation de vérifier qu’ils n’embauchent pas des personnes en situation irrégulière. Autrement dit, ces collègues sont racistes, sauf quand il s’agit d’exploiter les gens !

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Cet amendement tend à abroger deux articles du Ceseda permettant de refuser le renouvellement d’un titre de séjour au motif de la méconnaissance des principes de la République. Je partage votre volonté de supprimer ces dispositions, mais je rappelle que le périmètre de la proposition de loi est très ciblé. Ce texte a été construit, avec Mme Keloua Hachi, pour répondre à une urgence très concrète qui tient à la saturation totale des préfectures, à la longueur de l’instruction des demandes de titres de séjour et au non-respect des droits.

Vous avez raison, la loi de janvier 2024 a complexifié les procédures – et ce sera encore plus vrai à partir du 1er janvier prochain – en introduisant des critères flous, extrêmement subjectifs et difficilement applicables. Les agents des préfectures sont déjà en difficulté pour interpréter des notions juridiques imprécises et nous nous sommes rendu compte lors des auditions que les préfectures pouvaient avoir des appréciations totalement différentes, si bien qu’il vaut mieux parfois demander le renouvellement de sa carte de séjour dans une préfecture plutôt que dans une autre. Oui, nous en sommes là ! Une telle situation accroît les contentieux et fragilise la sécurité juridique, tant pour les usagers que pour les administrations.

Un travail global s’impose pour retrouver de la cohérence et il faudra mener pour cela une réflexion de fond. Bien que je sois alignée, en tant que rapporteure et au nom du groupe socialiste, sur l’objectif que vous défendez, cette proposition de loi n’est pas le bon véhicule législatif pour mener une telle réforme. Je vous demande donc, même si je le comprends parfaitement, de retirer votre amendement. À défaut, je donnerai un avis défavorable.

M. Jordan Guitton (RN). Le groupe Rassemblement national votera sans surprise contre cet amendement. Avec la gauche et le parti socialiste, on l’a bien compris, on a toujours plus d’immigration. C’est à peu près le but de ce texte, qui serait encore pire si on adoptait les propositions de la France insoumise. Cette dernière voudrait régulariser l’ensemble des clandestins présents dans notre pays – un petit million – alors que 79 % des Français veulent au contraire durcir les règles de l’immigration pour la réduire. Vivement 2027, vivement que les Françaises et les Français puissent s’exprimer au sujet de la politique migratoire de notre pays !

Le bloc de gauche et l’extrême gauche souhaitent augmenter encore le nombre d’immigrés : peut-être jusqu’à 1 million de personnes supplémentaires par an ? C’est un projet cauchemardesque pour les Françaises et les Français, dont même une partie de vos électeurs ne veulent pas.

Le statu quo, c’est-à-dire le maintien du niveau d’immigration actuel, est le projet du bloc central et d’une partie des Républicains, qui gouvernent en ce moment. Nous accueillons actuellement 500 000 personnes par an.

Le bloc du Rassemblement national et de ses alliés veut, lui, réduire l’immigration. Nous avons ainsi défendu il y a quelques semaines une proposition de loi visant au rétablissement du délit de séjour irrégulier, mesure largement réclamée par les Françaises et les Français et que le bon sens devrait conduire à adopter. En attendant, nous nous opposerons à cette proposition de loi. Nos concitoyens ne veulent plus d’une immigration massive. Il est temps d’arrêter d’écouter la gauche et de se laisser gouverner par des socialistes qui représentent 1,75 % du peuple français.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Dans un débat comme celui-ci, il faut user avec prudence de certains arguments. Je reviens sur la comparaison que vous avez faite, monsieur Pauget, avec le Canada. C’est vrai, ce pays fait preuve de certaines exigences, mais à l’entrée et non pour le renouvellement des titres, qui est beaucoup plus facile qu’en France : vous êtes donc mal renseigné. Par ailleurs, le Québec s’appuie beaucoup sur l’apport d’une main-d’œuvre étrangère, largement issue de pays francophones mais aussi constituée de résidents étrangers qui ont longtemps habité en France. Or ils partent parce que nous les traitons mal.

Je vais vous expliquer exactement la situation, dont pourra aussi témoigner mon voisin Karim Ben Cheikh. Nous avons investi à l’étranger dans des écoles où l’on apprend le français, et nous avons aussi en France de bonnes écoles. Nous payons ainsi une formation de qualité, et même exceptionnelle, jusqu’à l’enseignement supérieur, pour des millions de gens en France et à l’étranger. Or, en raison des obsessions identitaires et de la mise en cause permanente d’un certain nombre de compatriotes et d’étrangers, des gens s’en vont – ils n’en peuvent plus. Nous avons payé leur formation, leurs diplômes et tout ce qui va avec, mais nous les perdons à la fin et ce sont d’autres pays, d’autres nations qui profitent de tous ces investissements stratégiques réalisés.

Le général de Gaulle disait qu’il fallait faire apprendre le français dans tous les pays. Ses héritiers expliquent que c’est pour en faire profiter les autres. Je vous invite à y réfléchir et à avoir une autre approche de l’immigration.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Ce qui m’étonne toujours de la part du Rassemblement national, outre son racisme et sa xénophobie, c’est son hypocrisie. L’immigration n’est pas sans causes. La plupart du temps, il s’agit de gens qui fuient la guerre, mais on n’entend jamais le Rassemblement national la dénoncer à Gaza, au Congo, au Soudan ou en Ukraine. La situation économique peut aussi en être à l’origine, mais on n’entend jamais le Rassemblement national dénoncer l’action de M. Bolloré, qui a exploité des ports, des infrastructures et des matières premières en Afrique pendant des années. Enfin, le changement climatique joue, mais on n’entend jamais le Rassemblement national s’exprimer à ce sujet, sinon pour dire qu’on exagère.

Collègues, vous êtes contre l’immigration mais vous en chérissez les causes. Nous, nous chérissons les êtres humains. Quand des gens arrivent chez nous pour fuir la guerre dans leur pays, nous voulons les accueillir. Vous, au Rassemblement national, vous êtes fondamentalement incohérents : une partie de l’immigration actuelle est faite de gens qui fuient l’Afghanistan, c’est-à-dire les islamistes que vous êtes censés détester ; mais comme ils sont Afghans, leur présence vous pose un problème – parce que, disons-le franco, vous n’aimez pas les Arabes ! Voilà la vérité ! (Exclamations.)

Notre amendement propose de supprimer la partie du Ceseda qui concerne le contrat d’engagement à respecter les principes de la République. Nos collègues du Rassemblement national devraient lire ce contrat : ils verraient qu’il y est question des valeurs de la France, c’est-à-dire de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, mais aussi de l’idée de ne pas juger les gens en raison de leur origine.

M. Yoann Gillet (RN). Monsieur le président, si vous ne faites pas la police dans cette commission, je peux vous dire que cela va mal se passer. Nous n’acceptons pas les propos inadmissibles qui ont été tenus. M. Léaument est certes habitué à faire le clown, mais vous devez veiller à la bonne tenue des débats.

M. le président Florent Boudié. Vous m’avez remis, en tout cas une majorité d’entre vous, le pouvoir de faire la police dans cette commission, c’est-à-dire de faire en sorte que nos travaux soient ordonnés, et c’est ce que je m’efforce de faire. En revanche, je ne fais pas la police de la parole, à l’égard de qui que ce soit. J’essaie, vous le savez, de rester un président à sang froid, quels que soient les propos qui sont tenus, sauf s’ils entrent dans la catégorie des insultes et des injures. Il s’agissait là de propos politiques et c’est le propre de cette commission et de l’Assemblée nationale que de pouvoir en échanger, même si je déplore parfois la tonalité de certaines prises de parole, peu importe les groupes concernés.

Mme Laure Miller (EPR). Sans alourdir les débats, je voudrais m’arrêter un instant sur l’amendement proposé par M. Portes et, à travers lui, par La France insoumise. M. Léaument vient de parler de la liberté, de l’égalité, de la fraternité et du fait qu’il ne faut pas juger les gens en fonction de leurs origines. Or cet amendement entend retirer le critère du respect des valeurs de la République. Je voudrais que chacun ait bien en tête l’espèce de dinguerie que cela représente. Le prétexte invoqué est un manque de clarté. La liberté de conscience, la liberté d’expression, l’égalité femmes-hommes, la laïcité ne seraient donc pas des notions claires ? Il m’aurait semblé que nous serions tous d’accord sur leur importance, mais on peut dire aujourd’hui que La France insoumise ne veut pas qu’on respecte ces valeurs.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL10 de M. Thomas Portes

M. Thomas Portes (LFI-NFP). Cet amendement permettra le renouvellement automatique des cartes de séjour des étudiants dès lors qu’ils étudient. Différentes mesures législatives ont fait des parcours d’études un enfer pour plus de 400 000 jeunes dans notre pays. Voici un exemple qui illustre bien le délire actuel : en 2023, un jeune homme nommé Fodé s’est retrouvé en centre de rétention administrative après que la préfecture lui a retiré son titre de séjour parce qu’il ne faisait pas assez de progrès dans son cursus scolaire. On parle là d’un jeune Malien qui a fui la misère et la guerre, qui est venu faire des études de sociologie en France et qui, parce qu’il a simplement redoublé une fois – ce qui n’arrive à personne d’autre, bien sûr – s’est vu retirer son titre de séjour. Une telle situation est absolument inacceptable. Les marges d’appréciation données aux préfectures ne correspondent pas aux objectifs visés. Nous devrions tous être d’accord avec l’idée que celles et ceux qui étudient dans notre pays devraient avoir droit au renouvellement automatique de leur titre de séjour.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. L’objet de la proposition de loi n’est pas de modifier les motifs de renouvellement des titres de séjour, mais de simplifier les procédures existantes. Par ailleurs, cet amendement aurait un effet contre-productif dès lors que les étudiants pouvant justifier du suivi d’un enseignement ont le droit de se voir délivrer une carte de séjour pluriannuelle, selon le 8° de l’article L. 411-4 du Ceseda. Je vous avoue toutefois que j’ai des doutes, car je n’ai jamais vu de tels titres. J’ai donc demandé aux préfectures, notamment celle de Paris, de nous en produire quelques-uns, bien sûr anonymisés.

S’agissant des étudiants, l’objectif n’est pas de favoriser le renouvellement de leurs titres temporaires. Il faut que nous plaidions ensemble pour qu’ils puissent se voir délivrer une carte de séjour pluriannuelle pour toute la durée de leurs études, dès lors qu’ils sont entrés régulièrement sur le territoire et qu’ils justifient d’un logement. Actuellement, et c’est insupportable, ils sont obligés de présenter tous les ans une demande de renouvellement. On arrive ainsi à des situations aberrantes où les étudiants finissent par obtenir le renouvellement de leur titre de séjour au moment où ils doivent refaire une demande pour l’année suivante – et cela alors qu’ils sont en France pour suivre un cursus complet.

Pour ces raisons, avis défavorable.

M. Jordan Guitton (RN). Je ne reviens pas sur les leçons de morale de La France islamiste, ou immigrationniste. Nos collègues ne font pas confiance au personnel des préfectures. Ils écrivent ainsi dans l’exposé sommaire de leur amendement que « la marge d’appréciation des préfectures est très large, amenant les agents à mener des investigations intrusives ou à refuser des renouvellements pour les étudiants au seul motif que ceux-ci redoublent ou changent de cursus universitaire ». Ayez un peu confiance dans les agents des préfectures, qui font leur travail d’investigation ! On sait très bien qu’il existe des filières d’immigration pour des gens qui se maintiennent illégalement sur le territoire français après leurs études. Il ne s’agit pas de dire que tous les étudiants étrangers posent problème, mais qu’une partie d’entre eux profite des largesses du système français pour venir sur notre sol avant de s’y maintenir illégalement. C’est la réalité ce qui se passe quand l’État laisse tout faire et que des filières d’immigration énormes agissent dans un pays.

Pourquoi nous retrouvons-nous avec presque 1 million de clandestins – sachant que le ministre de l’intérieur n’est même pas capable de donner leur nombre, ce qui pose tout de même un problème ? La France insoumise défend un amendement qui nous met en péril, et doute du personnel des préfectures. Pardon, mais les agents du service public sont tout de même là pour appliquer les lois de la République française ! Quand on vit dans notre pays, il y a des règles et des devoirs à respecter. Il faut commencer par être en situation régulière, mais aussi respecter les mœurs et l’identité françaises. Il existe même une charte de la laïcité. Faites confiance, chers collègues, aux agents de la préfectorale.

Mme Sandra Regol (EcoS). Tous ceux qui sont opposés à ce texte pour des raisons pratiques – et non idéologiques, liées à des choix ethniques – refusent en réalité le renouvellement automatique, qui figure d’ailleurs dans le titre de la proposition de loi. Mais cette automaticité sera très encadrée : des recours seront toujours possibles, en cas de danger par exemple ou si l’administration trouve que tous les éléments ne sont pas réunis.

Les deux amendements déposés par M. Portes montrent bien que cette automaticité mise en avant est un mythe qui ne se réalisera pas, même si le texte est adopté. Il y a donc beaucoup de jeux de positionnement et de communication derrière l’opposition à ce texte. En réalité, vous ne voulez pas trop vous mélanger avec d’autres personnes.

Or les grands pays, les grandes démocraties, les grandes économies font venir des cerveaux du monde entier, ou alors forment les futurs cerveaux, parce qu’ils exercent une influence culturelle qui les rend attirants : on a envie d’aller travailler dans ces pays et d’embrasser leur culture. Le présent amendement vise justement à faire en sorte que les cerveaux de demain puissent être français, ou formés par des Français, afin que notre culture puisse irriguer largement.

Ce qui m’amuse toujours, c’est qu’il est très facile d’hériter de la nationalité française sans jamais l’avoir méritée, sans avoir rien fait pour l’obtenir. Mais il s’agit d’un droit et c’est donc normal. Les personnes qui choisissent de vivre chez nous le font en revanche par amour de la France, et cet amour sera toujours beaucoup plus fort que celui de tous ceux et de toutes celles qui décrient ce texte.

M. Thomas Portes (LFI-NFP). On nous dit qu’il faudrait respecter les agents du corps préfectoral et des préfectures, mais leur souhait n’est pas d’être des tuteurs académiques chargés de vérifier si un étudiant a suivi 30 % ou 40 % des cours ou de savoir pour quel motif il a redoublé ! Ce qu’ils attendent, c’est que la proposition de loi soit adoptée pour simplifier et faciliter leur travail.

Par ailleurs, c’est l’honneur de la France d’accueillir des étudiants étrangers qui demain feront rayonner notre pays à travers le monde. Votre opposition tout au long de l’examen de ce texte montre bien ce que vous êtes : un parti politique qui a fait du racisme sa boussole idéologique. Voilà ce qu’est la réalité de l’extrême droite dont vous êtes l’incarnation.

La commission rejette l’amendement.

M. le président Florent Boudié. Nous achèverons donc l’examen de cette proposition de loi cet après-midi.

 

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La séance est levée à 13 heures.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Nadège Abomangoli, M. Xavier Albertini, Mme Marie-José Allemand, M. Pouria Amirshahi, M. Édouard Bénard, M. Karim Ben Cheikh, M. Ugo Bernalicis, Mme Sophie Blanc, M. Philippe Bonnecarrère, Mme Sylvie Bonnet, Mme Émilie Bonnivard, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Colette Capdevielle, M. Jean-François Coulomme, M. Emmanuel Duplessy, M. Olivier Falorni, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Jonathan Gery, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Perrine Goulet, M. Jérôme Guedj, M. Jordan Guitton, Mme Ayda Hadizadeh, M. Harold Huwart, M. Jérémie Iordanoff, Mme Sylvie Josserand, Mme Marietta Karamanli, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Andy Kerbrat, M. Philippe Latombe, M. Antoine Léaument, Mme Katiana Levavasseur, Mme Marie-France Lorho, Mme Élisabeth de Maistre, Mme Hanane Mansouri, M. Laurent Marcangeli, M. Éric Martineau, Mme Élisa Martin, Mme Marianne Maximi, M. Stéphane Mazars, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, M. Paul Molac, M. Éric Pauget, Mme Lisette Pollet, M. Thomas Portes, Mme Sandra Regol, Mme Isabelle Santiago, M. Hervé Saulignac, M. Philippe Schreck, Mme Andrée Taurinya, M. Michaël Taverne, M. Jean Terlier, M. Roger Vicot, Mme Caroline Yadan

 

Excusés. – M. Ian Boucard, M. Vincent Caure, M. Thomas Cazenave, Mme Sophie Ricourt Vaginay, M. Antoine Villedieu, M. Jean-Luc Warsmann

 

Assistaient également à la réunion. - M. Yannick Favennec-Bécot, M. Guillaume Kasbarian, Mme Béatrice Roullaud