N° 4746
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 novembre 2021.
PROPOSITION DE LOI
relative à la légalisation de la production, de la vente et de la consommation du cannabis sous le contrôle de l’État,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),
présentée par Mesdames et Messieurs
Éric COQUEREL, Danièle OBONO, Mathilde PANOT, Jean‑Luc MÉLENCHON, Jean‑Félix ACQUAVIVA, Elsa FAUCILLON, Caroline JANVIER, Hubert JULIEN‑LAFERRIÈRE, François‑Michel LAMBERT, Jean‑Baptiste MOREAU, Matthieu ORPHELIN, Michèle VICTORY, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Alexis CORBIÈRE, Caroline FIAT, Adrien QUATENNENS, Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Loïc PRUD’HOMME, Jean‑Hugues RATENON, Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, François RUFFIN, Bénédicte TAURINE,
députés.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Cette proposition de loi se donne pour objectif de lutter contre le commerce illégal du cannabis par sa légalisation sous contrôle de l’État en France hexagonale et dans les territoires des outre‑mer. Par la décriminalisation de l’usage du cannabis et l’encadrement de sa production ainsi que de sa commercialisation, cette loi entend rompre avec le paradigme répressif de gestion de cette drogue afin de mettre en œuvre une véritable politique de santé publique à destination des usagers et usagères de ce produit. Elle s’inscrit ainsi dans le cadre d’une politique de prévention et de réduction des risques, visant à transférer le pilotage des politiques en matière de stupéfiants de la sphère pénale à la sphère médicale. Car l’approche uniquement répressive a montré ses limites en termes de réduction de la consommation de stupéfiants et des risques qui y sont liés. Il est donc temps d’opter pour une politique de santé publique adaptée à la réalité des dangers du cannabis.
A/ Une consommation de cannabis en France en constante augmentation
Selon l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, la France est le premier pays européen en termes de consommation de cannabis([1]). Près de la moitié des Français et Françaises (44,8 %) a fumé au moins une fois dans sa vie alors que la moyenne européenne se situe à 29 %, et atteint seulement 27,7 % aux Pays‑Bas où le cannabis est légal et en vente libre. On évalue à 2 % la proportion des Français et Françaises qui consomment quotidiennement du cannabis. Chez les jeunes, malgré une stabilisation de l’âge de la première expérimentation du cannabis à 15 ans depuis les années 2000, la France est le pays où l’usage mensuel du cannabis à 16 ans est le plus élevé d’Europe. Et la crise sanitaire n’a pas arrangé la situation. Au contraire, la consommation de cannabis a augmenté malgré les difficultés d’approvisionnement selon les études “Cannabis Online 2020” de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et de la Global Drug Survey à laquelle participe une équipe de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)([2]).
Pourtant, la dangerosité du cannabis est avérée, notamment chez les jeunes. Sa consommation altère le psychisme et nuit au développement cérébral des adolescents qui se poursuit jusqu’à 25 ans. Mais les rares campagnes de prévention peinent à toucher ce public, notamment en raison de la dissonance cognitive que génère la prévention vis‑à‑vis d’une substance prohibée. C’est la raison pour laquelle il convient de changer de paradigme.
Le cannabis se classe à la 6ème position du classement de la Commission globale de politique en matière de drogues en termes de létalité et à la 8ème position en termes de nocivité (indicateur comprenant notamment la mortalité et la morbidité pour soi ainsi que pour les autres, l’accoutumance, les conséquences sociales…)([3]). Pour rappel, l’alcool se situe à la 3ème position en termes de létalité, derrière l’héroïne (1ère) et le tabac (2ème, à égalité avec la méthamphétamine), et à la première position en termes de nocivité (le tabac arrivant en 6ème position).
Cette contextualisation n’a pas vocation à minimiser la dangerosité du cannabis mais à replacer sa légalisation dans le cadre plus large de la régulation des substances psychoactives. Comme l’alcool et le tabac, le cannabis est un produit dangereux. Et il le devient d’autant plus à mesure que les taux de tetrahydrocannabinol (THC), principal composant psychoactif du cannabis, contenus dans les produits vendus illégalement augmentent.
Pour l’alcool et le tabac, l’encadrement de la production, de la vente et de la consommation permettent de réglementer le taux des substances psychoactives et d’élaborer des politiques de prévention à destination des usagers et usagères.
B/ Le commerce illégal de drogues : un phénomène massif aux conséquences délétères pour les quartiers, leurs habitant·es, les « petites mains » du trafic et les usager·es
Aujourd’hui en France, 240 000 personnes vivent des trafics de drogues. On estime son chiffre d’affaires à 2 milliards d’euros au niveau national, s’agissant du trafic du cannabis. Il s’agit donc d’une économie très importante qui n’a plus rien de souterraine([4]).
La crise du covid a généré sur ce marché des pressions importantes telles que des difficultés d’approvisionnement depuis le Maghreb et une augmentation des prix ayant pour conséquence des rivalités extrêmement fortes entre groupes de trafiquants pour la reconquête de territoires.
Les trafics de drogues obéissent en effet aux règles du capitalisme le plus sauvage, et de la concurrence la plus guerrière. Dans ces activités, tout est précaire pour les « petites mains » du trafic, y compris la vie. Elles représentent les premières victimes des règlements de compte sur fond de trafics. En 2018, le SIRASCO (Service d’information, de renseignement et d’analyse stratégie sur la criminalité organisée) a recensé 77 règlements de compte faisant 106 victimes, dont 54 décès([5]). En février 2020, c’était presque une victime par jour. La crise du covid a accru, depuis, ce phénomène.
Ceux que l’on appelle « les petites mains », des jeunes souvent mineurs faisant le guet et gérant la vente, sont attirés par « le mythe de l’argent facile ». Ils ne sont évidemment pas recrutés n’importe où, mais bien dans des quartiers où se trouvent des personnes en précarité économique et sociale, et où le décrochage scolaire est important. Ces quartiers sont donc un terreau de main d’œuvre bon marché prête à s’impliquer dans le trafic de stupéfiants pour des raisons de subsistance socio‑économiques.
En définitive, le trafic de drogue gangrène des quartiers entiers, souvent déjà défavorisés. Véritable fléau, il génère, en outre, plusieurs trafics dont celui des armes. Ses victimes sont :
– en premier lieu les habitants et habitantes de ces quartiers qui pâtissent dans leur vie quotidienne d’une véritable « privatisation » délinquante de leurs lieux de vie communs (cages d’escaliers, cités, voies d’accès) ;
– les usagers et usagères consommant des stupéfiants de qualité toujours plus dégradée et addictive ;
– la collectivité puisque ces milliards échappent à toute fiscalité et cotisations sociales tout en ayant des conséquences graves en matière de santé publique.
II. Une proposition de loi qui constate l’échec de la politique prohibitive en France.
Depuis trente ans, la consommation n’a cessé d’augmenter. Les personnes consommant au moins une fois dans l’année du cannabis représentaient 4 % de la population en 1990 ; elles et ils représentent 11 % aujourd’hui (proportion nettement supérieure à celles observées en moyenne dans les autres pays européens qui est de 7 %). Pourtant, la prohibition – interdiction juridique de vente et de consommation de drogues – et la répression n’ont cessé d’être renforcées. Le nombre d’individus arrêtés pour infraction à la législation sur les stupéfiants a été multiplié par 50. Cette politique répressive provoque l’interpellation de 150 000 personnes par an, mobilise un million d’heures de travail de la police, et a pour conséquence une surpopulation carcérale. En définitive, la politique répressive menée depuis 50 ans n’a permis de réduire ni la consommation de cannabis, ni le trafic de cette substance. De surcroît, elle a empêché la mise en œuvre de politiques de réduction des risques à destination des usagers et mobilisé de trop nombreux effectifs de police et de justice pour la répression des consommateurs et consommatrices, et des petites mains des trafics.
L’approche prohibitive s’oppose à la mise en œuvre d’une véritable politique de santé publique à destination des usagers et usagères de cannabis. Par la légalisation, cette proposition de loi permet d’engager un véritable travail de prévention et de réduction des risques à destination des usagers potentiels et effectifs.
Dans ce cadre, le ministère de la santé a vocation à devenir l’acteur central des politiques publiques en matière de drogues, sans oublier pour autant une réorientation des missions des forces de police afin de lutter plus efficacement contre le trafic qui restera illicite.
Pour donner tout son sens à cette politique, il conviendra de renforcer le rôle de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) en la plaçant sous l’autorité du ministre de la Santé. La MILDECA pourrait ainsi être appelée à jouer le rôle du Service d’intervention en conduites addictives et dépendances (SICAD) au Portugal qui coordonne à l’échelle nationale et locale les politiques en matière de stupéfiants.
A/ Prévenir et réduire les risques liés à l’usage de cannabis, se préoccuper de l’avenir des “petites mains” de la drogue
Cette politique de prévention vis‑à‑vis de la consommation, des consommateurs et consommatrices, doit s’articuler autour de deux axes principaux : l’intervention préventive précoce et la réduction des risques. La politique de prévention vise notamment à retarder l’âge des premiers usages.
Dans le cadre scolaire et au sein du tissu associatif et médico‑social, devront être mis en place, de manière systématique et par voie réglementaire, des programmes où les jeunes sont impliqué·es dans la réflexion sur les usages, plutôt que d’être un public passif uniquement informé sur les dangers des drogues. Notre proposition est de systématiser un programme de renforcement de l’éducation préventive en ce domaine, inséré dans les programmes scolaires et reconnu par l’Éducation nationale, car, pour l’instant, ces programmes ne sont pas déployés sur l’ensemble du territoire national.
Le financement de cette politique de prévention devra continuer à être intégré dans le Fonds national de lutte contre les addictions, assuré par les budgets de la MILDECA, du ministère de la santé, celui de l’éducation et celui de la Sécurité sociale par l’objectif national des dépenses d’assurance maladie. Un contrôle des fonds devra être assuré par l’agence régionale de santé. Le financement de cette politique de prévention sera abondé par une taxation du commerce légal du cannabis.
Un tel financement s’appuyant sur des structures existantes permettra donc de renforcer le service public de prévention des usages, et de la « Santé des addictions » de Santé publique France. La politique de prévention concernant la demande a pour objectif de retarder l’âge des premiers usages. L’action transdisciplinaire permet aussi de prévenir des facteurs à risques importants (violences intra‑familiales, abus sexuels…), ce que ne réussit pas à faire la prohibition.
L’autorité de l’encadrement de la production et de l’exploitation du cannabis (AEPEC), créée par la présente proposition de loi, sera impliquée à différents niveaux dans les politiques de prévention et de réduction des risques. D’une part, l’AEPEC sera chargée de fournir aux consommateurs et consommatrices une information adaptée sur la nature et la composition des produits ainsi que les risques liés à leur consommation. Elle sera investie d’un pouvoir de contrôle de l’offre pour vérifier le respect du cadre légal de vente. D’autre part, elle agira sur la modération de la demande par sa participation aux politiques de santé au travers des campagnes de prévention, de lutte contre les conduites addictives et de sensibilisation.
La politique de prévention doit également concerner les “petites mains” du trafic. Comme rappelé précédemment, près de 240 000 personnes vivent des trafics de drogues. Par conséquent, il convient de prendre des mesures concrètes pour prévenir l’entrée dans le trafic et le report des trafics sur d’autres substances psychoactives. L’évolution de la législation sur le commerce et la consommation du cannabis devra donc s’accompagner d’une politique de réinsertion volontariste à destination notamment des jeunes enrôlés dans le commerce illégal de drogues. Elle devra notamment s’appuyer sur des dispositifs et des structures existantes d’insertion, en augmentant les moyens qui leur sont alloués.
Cela étant, la réinsertion des “petites mains” du trafic ne peut être assurée qu’à la condition de réaliser le plein emploi et de mettre en œuvre une politique ambitieuse en faveur de la scolarisation de ces publics éloignés de l’Éducation nationale.
B/ Justice et police : soulager les institutions, renforcer leurs moyens, réorienter leurs missions
La légalisation du commerce de cannabis et la dépénalisation de son usage auront pour effet direct de soulager les forces de police, de gendarmerie et de justice mobilisées sur cette mission. Au bout de deux ans, le commerce illégal du cannabis au Canada ne représente, en effet, plus « que » 40 % de la consommation, des progrès y étant rapidement attendus dans les années à venir, grâce à un meilleur ajustement des prix de vente et du taux de THC.
Ces mesures auront également un impact sensible sur la surpopulation carcérale dans les maisons d’arrêt, puisqu’environ 9 000 personnes sur 70 000 personnes incarcérées le sont aujourd’hui pour infraction à la législation sur les stupéfiants. Au centre pénitentiaire de Marseille, on compte 35 % à 40 % de personnes détenues pour des activités liées à l’usage et/ou trafic de stupéfiants, dont une majorité pour consommation illicite, le plus souvent pour de courtes peines.
La présente proposition de loi devrait s’accompagner d’une amnistie pour toutes les personnes condamnées pour usage illicite de cannabis hors condamnation pour des atteintes aux biens et aux personnes, pour accompagner les deux mesures de légalisation et de dépénalisation de l’usage et de la vente de cannabis. L’effacement du casier judiciaire, qui est un fardeau pour toute réinsertion dans le temps, pourrait être facilitée par le suivi d’une formation labellisée par l’État par exemple, ou encore d’une activité bénévole, ou d’intérêt général.
Des moyens plus importants de police et de justice, et davantage spécialisés, pourront, grâce à la légalisation du cannabis, être redéployés sur le « marché noir » de tabac et de cannabis, des autres stupéfiants, des systèmes de blanchiments, et des importations illicites de drogues provenant d’une économie criminelle.
D’autre part, cette loi devrait s’accompagner rapidement dans les quartiers concernés aujourd’hui par les trafics de drogues d’une police de présence quotidienne ayant un rôle de prévention et d’intervention de proximité, comparable à un système d’ilotage tel que pratiqué en Angleterre, et en France par le passé avec les Vigies.
De même les moyens consacrés à la police d’investigation devraient être renforcés, par l’augmentation des effectifs d’officiers de police judiciaire dont le nombre est souvent déficitaire, en particulier dans les départements subissant le plus le trafic de drogue. Il en sera de même pour les effectifs des services de la police judiciaire spécialisés sur le sujet. Ces brigades devront, par ailleurs, être placées sous la responsabilité d’un magistrat.
III. Organiser la dépénalisation et la légalisation du cannabis, sous encadrement strict de l’État
Le cannabis sera dépénalisé et légalisé, sous contrôle et encadrement strict de l’État. La prohibition est en effet source de problèmes en matière de santé publique.
A/ Accompagnement des usager·es, encadrement des usages, du commerce et du produit
Le statut juridique actuel de la vente de cannabis empêche le contrôle de la qualité des produits : certains sont coupés avec d’autres produits afin d’en renforcer les effets, augmentant ainsi le risque de surdoses et d’overdoses, mais aussi de dommages importants sur le psychisme des usagers et usagères. Il y a donc un lien de causalité entre la prohibition et la dangerosité des produits consommés : le but des trafiquants étant de faire du profit issu d’un commerce illégal, il n’y a aucun contrôle des usages. La santé des usagers n’entre pas en compte.
A contrario, la légalisation et la dépénalisation permettront la création de nouvelles filières professionnelles réglementées impliquées dans les politiques de santé publique en matière de prévention et de réduction des risques liés à l’usage de drogues. Ces mesures seront organisées comme suit.
– La vente et l’usage du cannabis ne seront plus pénalisés jusqu’à un seuil de grammes et de taux de THC fixés par l’État.
– La légalisation sous contrôle de l’État organisera un encadrement et un contrôle des produits et des usages. Cela implique la création d’un établissement public administratif, dénommé “Autorité de l’encadrement de la production et d’exploitation du cannabis” (AEPEC), auquel sera confié le monopole des agréments et des contrôles de la production et la distribution, ainsi que les licences accordées pour la vente au détail de cannabis et des produits du cannabis. Ce dernier aura autorité sur le contrôle de la qualité des produits vendus et de leur régulation.
– La vente au détail sera exercée par l’intermédiaire de débitants autorisés par l’État comme ses préposés et tenus à droit de licence. Toute livraison à domicile se fera à partir de ces lieux de vente au détail et sous leur contrôle. Tout autre circuit de vente de cannabis par correspondance restera prohibé.
– La légalisation sous contrôle de l’État s’organisera dans le cadre d’une coopération internationale avec d’autres pays producteurs et exportateurs, de façon licite.
– Le développement de l’ensemble de la filière, de la production à la vente en passant par la transformation et distribution, favorisera, via les décrets d’application de la loi et la politique publique que nous voulons en la matière, des formes d’organisation économique non capitalistiques : coopérative de production agricole, économie sociale et solidaire et forme associatives non marchandes type « Cannabis Social Club » en Belgique.
– A l’opposé du modèle très libéral du commerce légal du cannabis aux États‑Unis, l’implantation des lieux de débit et de consommation en France sera organisée et contrôlée par l’État. Du côté de la production, la politique publique privilégiera les régions agricoles aujourd’hui les plus en difficulté et la culture sans produits phytosanitaires de synthèse.
– L’âge minimal des clients et clientes et des consommateurs et consommatrices des lieux de débit et de consommation sera fixé à 18 ans. Sur le modèle de la loi Evin, la publicité, la promotion et le mécénat seront interdits. L’usage restera prohibé dans les lieux publics, intérieur comme extérieur.
– L’usage de cannabis à proximité d’établissements scolaires ou privés, d’établissements de formation, de lieux professionnels, et dans les lieux publics restera prohibé.
– Le taux de tétrahydrocannabinol (THC) sera fixé par arrêté du ministre chargé de la santé et des solidarités, sachant que ce taux de THC ne doit pas être trop bas afin de ne pas maintenir l’attractivité du marché noir.
– L’AEPEC fournira l’ensemble des débits de vente et fixera les prix minimaux du cannabis et des produits du cannabis, qui seront actualisés chaque année.
– L’AEPEC déterminera les règles de conditionnement (neutralité des emballages) et l’information devant apparaître dessus.
– L’auto‑culture d’un nombre limité de plants par foyer ne sera plus pénalisée.
– Les dispositions pénales du code de la route ne seront pas abrogées.
Cette loi prévoit la seule dépénalisation et légalisation du cannabis qui représente plus de 80 % du trafic. Cela étant, l’ensemble des mesures complémentaires liées à la légalisation du cannabis prévue par cette proposition de loi devra faire l’objet d’une loi ultérieure et des dispositions réglementaires indispensables à leur mise en œuvre.
B/ Une opinion prête à la légalisation, une proposition transpartisane
À propos du seul cannabis, notons que 253 194 personnes ont participé à la consultation citoyenne en ligne sur le cannabis récréatif, lancée le 13 janvier 2021 par la mission d’information relative à la réglementation et à l’impact des différents usages du cannabis menée à l’Assemblée nationale, qui s’est achevée fin février 2021. D’après les résultats de cette consultation, 80,8 % des répondants et répondantes sont d’accord avec une autorisation de la consommation et de la production de cannabis dans un cadre régi par la loi.
Par ailleurs, les conclusions de la mission d’information précitée vont à rebours de la politique répressive menée par le Gouvernement. La mission a en effet conclu à la nécessité de légaliser le cannabis avec un contrôle de l’État. Mme la députée Caroline Janvier (LREM) a d’ailleurs déclaré : « On considère aujourd’hui que la voie de la légalisation avec un contrôle de l’État est la meilleure façon de protéger les Français ». Des propos cohérents avec ceux de notre collègue Jean‑Baptiste Moreau (LREM) rapporteur général de la mission : « Le tout répressif est un échec total […]. On n’a pas arrêté de durcir la loi, de mettre davantage de forces de l’ordre sur le trafic de drogue et, au final, nous sommes devenus les plus gros consommateurs de cannabis en Europe. Donc expliquer encore aujourd’hui qu’on va rester dans le statu quo et mobiliser davantage de forces de l’ordre, ce n’est plus possible. »
Pour toutes ces raisons de santé publique, d’affectation des effectifs de police et de justice à des missions plus utiles pour la collectivité comme la protection des personnes et des biens, d’acceptation sociale et de cohérence (relativement à la légalité de drogues plus dangereuses telles que l’alcool, le tabac ou les médicaments), la proposition de loi prévoit :
– d’encadrer la production, la distribution, la vente, l’usage et le contrôle du cannabis dans un nouveau titre du code de la santé publique, créé à cet effet (article 1er) ;
– de couvrir les charges pour l’État de la légalisation du cannabis par la création d’une taxe additionnelle (article 2).
proposition de loi
Article 1er
Le livre IV de la troisième partie du code de la santé publique est complété par un titre III ainsi rédigé :
« TITRE III
« PRODUCTION, DISTRIBUTION, VENTE, USAGE ET CONTRÔLE DU CANNABIS
« CHAPITRE IER
« Art. L. 3431‑1. – Sont autorisés dans les conditions prévues au présent titre la production, la fabrication, le transport, l’importation, l’exportation, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi et, d’une manière générale, les opérations agricoles, artisanales, commerciales et industrielles relatifs au cannabis et aux produits du cannabis dont la teneur en tétrahydrocannabinol n’excède pas un taux fixé par arrêté du ministre chargé de la santé.
« CHAPITRE II
« Dispositions générales
« Section 1
« Autorité de la production et d’exploitation du cannabis
« Art. L. 3432‑1. – Il est institué un établissement public administratif, dénommé Autorité de l’encadrement de la production et d’exploitation du cannabis, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, auquel est confié le monopole des agréments et de contrôles accordés pour la production et la distribution en France, et des licences accordées pour la vente au détail de cannabis et des produits du cannabis, ainsi que le contrôle de la qualité des produits vendus et de leur régulation d’usage. Le droit de licence est régi par l’article 568 du code général des impôts.
« Sans préjudice des compétences reconnues aux ministres chargés de la santé, de la sécurité intérieure, de l’économie et des finances, l’Autorité de l’encadrement de la production et d’exploitation du cannabis fixe les conditions d’exploitation des débits de vente de cannabis et de produits du cannabis.
« Section 2
« Production du cannabis et des produits du cannabis
« Art. L. 3432‑2. – La production agricole de plantes de cannabis sur le territoire national est soumise à autorisation. L’autorisation ne peut être délivrée qu’à un exploitant agricole prévu à l’article L. 311‑1 du code rural et de la pêche maritime.
« Section 3
« Vente et usage du cannabis et des produits du cannabis
« Art. L. 3432‑3. – Le cannabis et les produits du cannabis ne peuvent être vendus au détail que dans des débits de vente de cannabis et dans des débits à consommer sur place conformes à des caractéristiques définies par arrêté interministériel.
« Art. L. 3432‑4. – L’article L. 3335‑1 est applicable aux débits de vente de cannabis.
« Art. L. 3432‑5. – La propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur du cannabis ou des produits du cannabis est interdite en dehors des débits de vente et des débits à consommation sur place, où les enseignes et affichettes sont autorisées. Ces enseignes et affichettes doivent être conformes à des caractéristiques fixées par arrêté interministériel.
« Art. L. 3432‑6. – L’usage du cannabis ou des produits du cannabis est interdit dans les lieux affectés à un usage collectif et dans les transports publics.
La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
([1]) OFDT, “Drogues, chiffres clés”, 2019, 8ème édition.
([2]) OFDT, “Résultats de l’enquête Cannabis Online 2020”, décembre 2020 ; M. Jauffret-Roustide et a., “Consommation d’alcool et d'autres produits psychoactifs pendant la pandémie de covid-19 dans la Global Drug Survey : une perspective française”, Psychotropes : Revue international des toxicomaines, 2020.
([3]) Commission globale de politique en matière de drogues, “Classification des substances psychoactives : lorsque la science n’est pas écoutée”, rapport 2019.
([4]) F. Ploquin, Les Narcos brisent l’omerta, Paris, Albin Michel, 2021.
([5]) Le Point, “Les chiffres du trafic de stupéfiants en France”, 16/09/19.