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N° 2664

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 mai 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à instituer la conférence départementale de l’enseignement public en zones rurales,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Antoine VILLEDIEU, M. Franck ALLISIO, M. Philippe BALLARD, Mme Véronique BESSE, Mme Sophie BLANC, M. Frédéric CABROLIER, M. Victor CATTEAU, M. Sébastien CHENU, M. Roger CHUDEAU, Mme Caroline COLOMBIER, Mme Annick COUSIN, Mme Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, Mme Edwige DIAZ, Mme Sandrine DOGOR-SUCH, M. Nicolas DRAGON, Mme Christine ENGRAND, M. Frédéric FALCON, M. Grégoire DE FOURNAS, M. Thibaut FRANÇOIS, M. Frank GILETTI, M. Christian GIRARD, M. José GONZALEZ, Mme Florence GOULET, Mme Géraldine GRANGIER, M. Daniel GRENON, M. Jordan GUITTON, Mme Marine HAMELET, Mme Hélène LAPORTE, Mme Laure LAVALETTE, Mme Julie LECHANTEUX, M. Hervé DE LÉPINAU, Mme Katiana LEVAVASSEUR, Mme Christine LOIR, M. Aurélien LOPEZ-LIGUORI, M. Philippe LOTTIAUX, Mme Michèle MARTINEZ, Mme Alexandra MASSON, M. Kévin MAUVIEUX, M. Nicolas MEIZONNET, Mme Joëlle MÉLIN, M. Serge MULLER, M. Kévin PFEFFER, Mme Lisette POLLET, M. Stéphane RAMBAUD, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, Mme Anaïs SABATINI, M. Emeric SALMON, M. Michaël TAVERNE, M. Julien RANCOULE, M. Alexis JOLLY, M. Christophe BARTHÈS, M. Emmanuel BLAIRY, M. Frédéric BOCCALETTI, Mme Angélique RANC, M. Matthieu MARCHIO, M. Jérôme BUISSON, Mme Bénédicte AUZANOT, M. Bryan MASSON, Mme Gisèle LELOUIS, M. Romain BAUBRY, M. Pierre MEURIN, M. Thomas MÉNAGÉ,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En fondant la République Française, les Hommes de 1789 ont abattu les privilèges de la naissance en favorisant la transmission du savoir par l’instruction publique. À chacun, ils ont donné la possibilité de poursuivre ses rêves et de satisfaire ses ambitions. À tous, ils ont offert un socle de compétences et de valeurs indispensables à l’émancipation. Depuis lors, seuls le mérite et le travail déterminent l’utilité commune d’un citoyen pour la société.

Le destin de nos établissements scolaires est un enjeu capital à la fois pour le futur de nos enfants mais aussi pour l’avenir de la France. Le contenu des programmes, la qualité de l’enseignement dispensé, les financements pour les infrastructures et les moyens humains ; aucune mesure n’est de trop lorsqu’il s’agit d’inculquer à notre jeunesse la justesse, la solidité de nos principes et de transmettre les connaissances dont regorge notre pays.

Pourtant, aujourd’hui des statistiques inquiétantes circulent sur les lacunes de notre système d’enseignement. Alors que tous les enfants devraient maîtriser les trois fondamentaux dès leur entrée au collège, il apparaît qu’une large moitié d’entre eux connaît des difficultés notables dans ces domaines essentiels tout au long du parcours scolaire.

Cet échec est imputable à plusieurs causes. La première est le recul considérable des principes qui ont fait la grandeur de notre système d’instruction. Parmi eux, la perte des repères moraux, la remise en cause de l’autorité des enseignants, la rigueur intellectuelle, l’abandon de l’effort.

La seconde raison est tout autant visible que la première. Il s’agit également d’un recul mais cette fois‑ci de l’État dans certains territoires dont il a également la charge mais qu’il a de plus en plus de mal à gérer. On peut évoquer dans ces zones géographiques des classes surchargées, une diminution importante des dotations aux communes chargées de financer les établissements scolaires, des pénuries d’enseignants et des difficultés de recrutement.

Pour faire face à ces défis, l’État a mis en place une quantité de mesures qui partagent néanmoins une caractéristique essentielle, celle de délaisser les territoires ruraux. Jusqu’à présent, les principaux efforts fournis par les autorités publiques ont été concentrés sur des quartiers dits « sensibles » autour des grandes métropoles. Une fois de plus, les zones rurales ont été laissées de côté et délaissées au profit des grandes concentrations de populations.

Certes, quelques dispositifs sont venus combler les manquements ces dix dernières années comme la loi du 8 juillet 2013 qui pousse à accorder une attention particulière aux territoires ruraux et montagnards. Les conventions « ruralité » et les schémas départementaux de la petite enfance sont aussi des mesures qui méritent d’être évoquées. Mais elles restent superficielles et insuffisantes si l’on observe leurs maigres résultats. Tout au plus, elles n’auront servi qu’à davantage mettre en lumière les problèmes constatés.

La récente annonce d’un plan ambitieux pour les territoires ruraux visant à y garantir l’amélioration durable de la qualité de l’éducation semble opportune. Mais la fragilisation des écoles en milieu rural est une problématique capitale à laquelle il convient de remédier rapidement afin d’empêcher des conséquences néfastes et irréversibles pour les territoires concernés. De la qualité des écoles dépendent à la fois l’installation de nouveaux médecins, de commerces de proximité et de familles désireuses de voir leurs enfants évoluer dans un milieu sain et prospère. Si la désertification médicale est aussi prégnante dans la ruralité, c’est aussi parce que l’école se détériore au fil du temps. On a coutume de dire qu’une école qui ferme dans un territoire rural, ce sont des médecins et des commerces en moins.

Les communes ne sont aucunement responsables de cette détérioration. Il est difficile de faire le décompte de tous les sacrifices et de tous les efforts dont s’acquittent les maires pour favoriser l’installation de nouvelles personnes et cela même alors que la baisse de leurs dotations ne leur laisse qu’une très faible marge de manœuvre. L’exode rural demeure aujourd’hui une plaie contre laquelle les élus locaux ne cessent de mener une lutte féroce.

Malgré leurs efforts, les inégalités territoriales ne cessent de se creuser. La logique technocratique qui est appliquée actuellement est le fruit d’une vision comptable de l’école. Cette approche est délétère et profondément incompatible avec l’esprit de notre pays. Les enfants qui résident dans la ruralité éprouvent déjà des complications pour les transports scolaires. Au nom du principe d’égalité des territoires, il est donc d’autant plus important de leur garantir un accès scolaire optimal afin de les affranchir des multiples contraintes auxquelles ils sont déjà assujettis. La mise en place d’une conférence départementale de l’enseignement public en zones rurales permettra ainsi de respecter ce principe d’égalité et d’accorder les mêmes chances aux jeunes enfants indépendamment de leur tissu social ou de leur appartenance géographique.

L’article 1er définit les dispositions relatives au service public de l’enseignement en zones rurales en vigueur pour les communes et aux communautés de communes rurales, ainsi que pour certaines agglomérations dans les départements d’outre‑mer. Il instaure la conférence départementale de l’école rurale qui comprend des représentants, élus, collectivités territoriales et acteurs concernés et dont les modalités d’organisation et compétences sont fixées par décret. Cet organe consultatif au moins deux fois par année scolaire et émet un avis sur l’évolution de l’enseignement dans les territoires ruraux du département. Il précise que la fermeture d’un établissement scolaire situé dans les collectivités éligibles à la dotation prévue à l’article L.2334‑32 du code général des collectivités territoriales s’effectue, après accord de l’assemblée délibérante de la collectivité concernée, dans le cadre d’un plan de regroupement pédagogique intercommunal.

L’article 2 charge le Gouvernement de remettre au Parlement au plus tard le 30 juin un rapport annuel sur l’état du service public de l’enseignement en zones rurales. Ce rapport inclut le nombre et la localisation des écoles et établissements publics locaux d’enseignement, le personnel, le nombre d’élèves et les résultats de ces derniers aux examens conduisant à la délivrance de diplômes nationaux par rapport à l’ensemble des élèves.

L’article 3 met en place une mesure de compensation pour l’État.

 


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proposition de loi

Article 1er

Le titre Ier du livre Ier de la première partie du code de l’éducation est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

Chapitre V

« Dispositions relatives au service public de l’enseignement en zones rurales

« Art. L. 1151.  Les établissements scolaires situés dans les collectivités éligibles à la dotation prévue à l’article L. 2334‑32 du code général des collectivités territoriales participent au service public de l’enseignement en zone rurale. Celui‑ci tient compte, pour la localisation et l’organisation des établissements, des spécificités des territoires concernés. 

« Art. L. 1152. – Dans les départements comprenant des établissements scolaires mentionnés à l’article L. 115‑1, est instituée une conférence départementale de l’enseignement public en zone rurale.

« Cette conférence comprend des représentants des collectivités territoriales, des parlementaires, des personnels et des usagers.

« Sa présidence est exercée par le représentant de l’État dans le département.

« La conférence se réunit au moins deux fois par an, afin notamment d’établir un état des lieux concernant les établissements scolaires publics du département situés en zone rurale. Cet état des lieux prend en compte, entre autres, le taux d’encadrement des élèves, les résultats de ces derniers aux évaluations nationales ainsi qu’aux examens conduisant à la délivrance des diplômes nationaux et l’évolution prévisionnelle des structures scolaires.

« Un décret précise l’organisation et les compétences de cette conférence. 

« Art. L. 1153. – Tous les trois ans, et après avis de la conférence départementale de l’enseignement public en zone rurale, les autorités compétentes de l’État déterminent la localisation des établissements scolaires mentionnés à l’article L. 115‑1, leur capacité d’accueil et leur secteur de recrutement, en se fondant sur des critères d’équilibre démographique, économiques et sociaux. 

« La fermeture d’un établissement scolaire mentionné à l’article L. 115‑1 s’effectue, après accord de l’assemblée délibérante de la collectivité concernée, dans le cadre d’un plan de regroupement pédagogique intercommunal. 

« Les modalités d’application du présent article sont définies par décret. »

Article 2

Chaque année, au plus tard le 30 juin, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le service public de l’enseignement en zones rurales. Ce rapport inclut le nombre et la localisation des écoles et établissements publics locaux d’enseignement, le personnel, le nombre d’élèves et les résultats de ces derniers aux examens conduisant à la délivrance de diplômes nationaux par rapport à l’ensemble des élèves.

Article 3

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à la taxe visée à l’article 235 ter ZD du code général des impôts.