N° 5

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 juillet 2024.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

relative à l’extension des prélèvements sur les recettes de l’État au profit des organismes du secteur audiovisuel public,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Constance LE GRIP,

députée.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi organique reprend les termes de la proposition de loi organique n° 2616, déposée sous la XVIe législature et enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 mai 2024.

Le mardi 4 juin 2024, sous la précédente mandature, avait été constituée la Commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi organique n° 2616 relative à l’extension des prélèvements sur les recettes de l’État au profit des organismes du secteur audiovisuel public. Cette commission spéciale était chargée d’examiner la Proposition de loi organique n° 2616 déposée par MM. Quentin Bataillon et Jean‑Jacques Gaultier. Cette commission a été de facto clôturée le 9 juin 2024 à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale par le Président de la République.

Par l’importance des moyens qui lui sont consacrés, la grande spécificité de ses missions tout autant que par son histoire, l’audiovisuel constitue un pan particulier du service public en France. D’après M. Frédéric Dabi, directeur de l’IFOP ([1]), interrogé par MM. Quentin Bataillon et Jean‑Jacques Gaultier lors des travaux de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public, sur les résultats d’une étude réalisée en novembre 2022 et portant sur « Le regard des Français sur les services publics » ([2]) , les Français sont 69 % à estimer que le service public de l’audiovisuel fonctionne bien, et mieux que les transports publics (55 %). Ce sondage est d’autant plus remarquable que cette opinion majoritairement favorable s’inscrit dans le contexte d’un sentiment général mitigé envers les médias.

Le secteur public n’échappe pas aux répercussions des transformations des usages numériques, du dérèglement informationnel, du flot de contenus qui circule sur les réseaux et les plateformes. La concurrence frontale de ces plateformes bouscule autant les médias historiques privés que nos médias publics.

Face à ces constats, Mme Constance Le Grip reste attachée aux conclusions présentées le 7 juin 2023 pour la mission sur l’avenir de l’audiovisuel public présidée par M. Jean‑Jacques Gaultier et dont le rapporteur était M. Quentin Bataillon. La France doit disposer d’un audiovisuel public digne des grandes démocraties libérales : tiers de confiance des Français, poumon économique d’un secteur en croissance, vecteur de diffusion culturelle internationale.

Ces conclusions portent une vision stratégique, offensive mais structurante pour nos acteurs publics afin de consolider les succès acquis et de porter des projets dans le monde numérique, clé de la visibilité des contenus et de leur accessibilité au plus grand nombre. Cette vision ne saurait prospérer sans donner à ces acteurs les moyens d’accomplir leurs missions. Aussi est‑il apparu que les modalités de financement avaient une incidence directe sur l’accomplissement des missions confiées à l’audiovisuel public, et qu’elles pourraient constituer l’un des piliers de son indépendance.

Alors que le projet de loi de finances rectificative pour 2022 prévoyait, dans sa version initiale, la suppression de la contribution à l’audiovisuel public et un financement par le budget général de l’État, les groupes de la majorité présidentielle de l’époque et le groupe Les Républicains proposèrent une solution transitoire consistant à affecter au compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Cette solution fut alors acceptée par le Sénat avec l’ajout de la limite temporelle du 31 décembre 2024.

Le financement de l’audiovisuel public doit donc être précisé avant la fin de l’année 2024, afin d’éviter que les moyens publics accordés à l’audiovisuel public soient uniquement des dotations budgétaires. En effet, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), telle que modifiée par la réforme de 2021 qui entrera en vigueur lors du dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2025, dispose qu’à partir du 1er janvier 2025, l’affectation à un tiers d’une imposition de toute nature « ne peut être maintenue que si ce tiers est doté de la personnalité morale et si ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées ». En l’état actuel de la LOLF, l’absence de lien entre la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et la mission de l’audiovisuel public rend impossible le maintien de l’affectation d’une fraction de la TVA à l’audiovisuel public à partir de 2025.

L’année 2023 a permis d’analyser plusieurs pistes de financement. Premièrement, une modification de la LOLF permettant de conserver le système transitoire : soit en modifiant l’article 2 de la loi organique afin de permettre à l’audiovisuel public de bénéficier de l’affectation d’une imposition sans que cette dernière ait un lien direct avec les missions de service public confiées au secteur ; soit en modifiant l’article 6 de la loi organique afin de permettre à l’audiovisuel public d’être bénéficiaire d’un prélèvement sur recettes (affectation d’un montant déterminé de recettes de l’État vers une catégorie particulière de dépenses) au même titre que les collectivités territoriales et l’Union européenne. Deuxièmement, une budgétisation du financement de l’audiovisuel public, éventuellement assortie de garanties (absence de mise en réserve des crédits, versement intégral des dotations au mois de janvier).

Cette dernière solution porterait un risque « réputationnel » au sein du secteur audiovisuel (organismes de gestion collective, producteurs audiovisuels, syndicats et responsables de l’audiovisuel public) tout comme à l’étranger, où les perceptions sont différentes. Par ailleurs, l’annulation, sous l’ancienne mandature, par décret, d’une partie des crédits du programme de transformation, est apparue, pour certains acteurs du secteur, comme une illustration concrète des risques que peut représenter pour l’indépendance de l’audiovisuel public la budgétisation de son financement.

Il est dès lors impératif d’engager la révision de la LOLF au plus vite, et de la finaliser avant le vote du prochain projet de loi de finances, afin de pérenniser le mode de financement de l’audiovisuel public sous la forme d’un prélèvement sur recettes (PSR). Cette solution serait encore plus protectrice qu’une affectation de fraction de TVA, dans la mesure où elle placerait le financement de l’audiovisuel au même niveau que celui de l’Union européenne ou des collectivités territoriales. Le statu quo ne saurait constituer en revanche une option juridiquement viable, dans la mesure où l’absence de décision aurait comme conséquence une budgétisation dès l’exercice 2025.

Une modification de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) est donc nécessaire afin d’étendre aux seuls organismes de l’audiovisuel public définis dans la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication la possibilité d’instituer les prélèvements sur les recettes de l’État.

Cette proposition de loi organique vise donc à définir un nouveau mode de financement pérenne des organismes de l’audiovisuel public, en permettant qu’ils bénéficient d’un prélèvement sur les recettes de l’État.

Les entités de l’audiovisuel public pourront ainsi continuer à bénéficier à compter de 2025 d’un niveau de recettes sécurisé grâce au vote par le Parlement chaque année en loi de finances d’un montant en euros, sans réserve de précaution.

Ce nouveau dispositif de financement permet de maintenir les garanties d’indépendance du secteur.

Ainsi, l’article 1er de la proposition de loi organique modifie le quatrième alinéa de l’article 6 de la loi organique relative aux lois de finances afin d’étendre la possibilité d’instituer un prélèvement sur les recettes de l’État au profit des organismes de l’audiovisuel public.

L’article 2 est un article de gage.

 

 


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proposition de loi ORGANIQUE

Article 1er

Au quatrième alinéa de l’article 6 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, après le mot : « territoriales », sont insérés les mots : « , des organismes du secteur audiovisuel public ».

Article 2

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

 


([1])  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/docs/PIONANR5L16B1324.raw#_ftn1.

([2])  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/docs/PIONANR5L16B1324.raw#_ftn2.