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N° 277
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 septembre 2024.
PROPOSITION DE LOI
visant à optimiser la protection et l’accompagnement des parents d’enfants atteints de cancers, de maladies graves et de handicaps,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Vincent THIÉBAUT, M. Laurent MARCANGELI, M. Paul CHRISTOPHE, Mme Anne-Cécile VIOLLAND, Mme Agnès FIRMIN LE BODO, Mme Anne LE HÉNANFF, M. Thierry BENOIT, Mme Isabelle RAUCH, M. Christophe PLASSARD, Mme Lise MAGNIER, M. Xavier ALBERTINI, M. François GERNIGON, M. François JOLIVET, Mme Félicie GÉRARD, Mme Marie-Agnès POUSSIER-WINSBACK, Mme Naïma MOUTCHOU, M. Jérémie PATRIER-LEITUS, M. Bertrand BOUYX, Mme Béatrice BELLAMY, M. Loïc KERVRAN, M. Michel LAUZZANA, Mme Brigitte KLINKERT, Mme Véronique RIOTTON, Mme Julie DELPECH, Mme Delphine LINGEMANN, M. Stéphane VOJETTA, Mme Louise MOREL, M. Philippe FAIT, M. Bruno FUCHS, M. Jean-François ROUSSET, Mme Graziella MELCHIOR, Mme Perrine GOULET, M. Jean-Carles GRELIER, M. Charles SITZENSTUHL, M. Hubert OTT, Mme Sophie PANONACLE, M. Ludovic MENDES, M. Karl OLIVE, Mme Liliana TANGUY, M. Jean-Marie FIÉVET, M. Mickaël COSSON, M. Éric WOERTH, Mme Violette SPILLEBOUT, Mme Françoise BUFFET, Mme Sandrine JOSSO, Mme Maud PETIT, M. Stéphane VIRY, M. Yannick FAVENNEC-BÉCOT, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, M. Max MATHIASIN, Mme Claudia ROUAUX, M. Yannick NEUDER, Mme Annie GENEVARD, Mme Sophie METTE, M. Paul MOLAC, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Nicolas FORISSIER, M. Olivier BECHT, M. Gérard LESEUL, Mme Isabelle SANTIAGO, M. Philippe BRUN, M. Ian BOUCARD, Mme Alexandra MARTIN, M. Christophe NAEGELEN, M. Antoine ARMAND, M. Jean-Luc WARSMANN, M. Arthur DELAPORTE, Mme Béatrice PIRON, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, M. Mickaël BOULOUX, M. Stéphane DELAUTRETTE, M. Hervé SAULIGNAC, Mme Fatiha KELOUA HACHI, M. Jérôme GUEDJ, M. Roger VICOT, Mme Chantal JOURDAN, M. Alain DAVID, M. Inaki ECHANIZ, M. Christian BAPTISTE, M. Philippe NAILLET, M. Stéphane BUCHOU, M. François CORMIER-BOULIGEON, Mme Karine LEBON, M. Paul-André COLOMBANI, Mme Blandine BROCARD, M. Olivier FAURE, Mme Constance LE GRIP, M. Christophe BLANCHET, M. Olivier FALORNI, M. Jean-François PORTARRIEU, M. Didier LE GAC, M. Christophe MARION, M. Sylvain BERRIOS, Mme Sandrine LE FEUR, M. Xavier BRETON, M. Jean-Pierre BATAILLE, M. Jean-Michel BRARD, M. Benoît BITEAU, M. Pouria AMIRSHAHI, Mme Émilie BONNIVARD, M. Jean LAUSSUCQ, M. Laurent MAZAURY, M. François RUFFIN, M. Damien GIRARD, M. Sébastien PEYTAVIE, M. Steevy GUSTAVE, Mme Josiane CORNELOUP, M. Denis FÉGNÉ, Mme Marie-José ALLEMAND, M. Joël BRUNEAU, Mme Annie VIDAL, M. Philippe JUVIN, Mme Ayda HADIZADEH, M. Fabrice BRUN, Mme Mereana REID ARBELOT, M. Jean-Claude RAUX, Mme Céline HERVIEU, M. Frédéric VALLETOUX, Mme Catherine HERVIEU, M. Arnaud BONNET, Mme Julie OZENNE, Mme Léa BALAGE EL MARIKY, Mme Sabrina SEBAIHI, M. Jean-Louis ROUMÉGAS, M. Boris TAVERNIER, Mme Marie POCHON, Mme Delphine BATHO, Mme Lisa BELLUCO, M. Karim BEN CHEIKH, M. Nicolas THIERRY, Mme Cyrielle CHATELAIN, Mme Marie RÉCALDE, M. Michel HERBILLON, M. Édouard BÉNARD, M. Michel CASTELLANI, M. Nicolas TURQUOIS, M. Jean-René CAZENEUVE, M. Vincent DESCOEUR, Mme Prisca THEVENOT, Mme Sandra REGOL, M. Gérald DARMANIN, M. Olivier SERVA,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Chaque année en France, plusieurs milliers d’enfants et d’adolescents sont touchés par une maladie grave, telle qu’un cancer ou par un accident de la vie entrainant un handicap majeur. Cette réalité́‑là peut durer des mois, voire des années avec une issue parfois tragique.
Derrière cette situation douloureuse, impactante pour ces familles mais aussi, pour la fratrie, il y a trop souvent une double peine : à la maladie ou au handicap de leur enfant s’ajoutent des lourdeurs administratives et des baisses de ressources substantielles liées à une réduction voire un arrêt de leur activité professionnelle, incontournable au vu de la gravité de la situation.
Pendant ce temps, les charges ne baissent pas. Pire, elles peuvent augmenter. De nombreuses familles se retrouvent dans l’incapacité d’honorer leur loyer ou leur crédit immobilier, avec des menaces d’expulsion ou de saisie. Elles peuvent aussi engager des frais importants pour se loger temporairement près des centres de soins lorsqu’elles en sont éloignées, ou pour acquérir l’appareillage coûteux dont leur enfant a besoin. Les familles modestes, monoparentales sont particulièrement exposées à ces difficultés, conduisant certaines d’entre elles à renoncer à certains soins ou à un accompagnement pourtant indispensable.
Face à cette situation, l’État apporte un certain nombre d’aides mais elles sont souvent inadaptées à l’urgence de la situation. Les familles doivent multiplier les démarches auprès de l’administration, faire face à des délais d’attente de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois – comme cela a pu être démontré par des enquêtes menées par la fédération Grandir Sans Cancer auprès de plusieurs centaines de familles - pour bénéficier de leurs droits en termes d’accompagnement financier, scolaire ou même afin d’obtenir une carte d’invalidité pour leur enfant. Elles subissent aussi parfois le manque de compréhension de leurs débiteurs.
Les associations de parents interviennent ponctuellement, mais elles n’ont pas la puissance et les moyens de se substituer à l’État.
C’est pourquoi cette proposition de loi vise à renforcer la protection et l’accompagnement des parents dont l’enfant à charge est victime d’une maladie grave, reconnue en tant que telle à l’article D. 322‑1 du code de la sécurité sociale.
Cette proposition de loi a été rédigée en étroite collaboration avec l’association Eva pour la vie et la fédération Grandir sans cancer, qui rassemble près d’une centaine d’associations de parents, ainsi que des chercheurs, des médecins, des assistantes sociales et des professionnels.
L’article 1er vise à étendre l’aide apportée par la collectivité pour accéder à un logement décent et indépendant ou s’y maintenir et pour y disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques.
L’article 2 concerne les parents ayant souscrit un crédit. Il prévoit la possibilité de suspendre le paiement de la part de capital dans les mensualités en cas d’obtention de droit à l’allocation journalière de présence parentale prévue à l’article L. 544‑2 du code de la sécurité́ sociale. Elle s’applique alors aux autres coemprunteurs pour éviter le transfert de la charge sur le deuxième parent. Cette suspension de remboursement a pour but de réduire les charges financières des parents. Elle permet également d’éviter un risque financier futur au terme du versement de l’allocation en maintenant le dispositif de crédit et le paiement de ses intérêts tout en allongeant sa durée.
L’article 3 vise à permettre à l’établissement de santé de pouvoir proposer une solution d’hébergement aux parents ou représentants légaux, à proximité de l’établissement de soins de l’enfant lorsque l’éloignement important et la durée de l’hospitalisation le justifient, tout en étant exonéré du délai de demande auprès de l’agence régionale de santé territorialement compétente, au profit d’un accord tacite. En effet, le délai fixé à trente jours pour cette prestation prévue au sein de l’article R. 6111‑50 du code de la santé publique est inadapté́ aux situations nécessitant des soins urgents.
L’article 4 vise à mener une expérimentation sur le dispositif mentionné à l’article R. 541‑6 du code de la sécurité sociale pour les familles d’enfants à charge concernés par un handicap. Cette expérimentation porte d’une part le délai de réponse à deux mois, délai adapté au temps de traitement du dossier médical et aux besoins des familles. Par ailleurs, elle sera également assortie d’un « silence vaut accord » et non plus d’une décision de rejet.
L’article 5 vient corriger l’adéquation entre la durée prévisible maximale d’un an et l’indemnisation maximale de 310 jours ouvrés soit 14 mois, afin de ne pas contraindre les familles en Allocation journalière de présence parentale (AJPP) à temps complet à faire une nouvelle demande pour seulement 2 mois.
L’article 6 adapte le versement de l’allocation journalière de présence parentale aux cas des enfants en résidences alternées. En effet, avec l’augmentation des divorces, les deux parents sont parfois amenés à s’occuper de manière continue d’un enfant handicapé ou gravement malade et les modalités de versement de l’allocation journalière de présence parentale actuelle oblige les parents séparés à prendre des jours de congés payés voire sans solde.
L’article 7 vise à exonérer de taxe foncière les parents d’enfants malades se situant en dessous du plafond de ressources déjà̀ prévu pour les personnes âgées.
L’article 8 vise à assurer la gratuité des parcs de stationnement des établissements de santé pour les familles s’occupant d’enfants atteints d’une maladie grave.
L’article 9 permet d’appliquer un reste à charge zéro pour les enfants atteints de maladies graves, dès lors qu’il s’agit d’une prescription établie par un médecin dans le cadre du parcours de soin de l’enfant.
L’article 10 constitue le gage financier assurant la recevabilité de la présente proposition de loi.
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proposition de loi
Article 1er
Au deuxième alinéa de l’article 1 de la loi n° 90‑449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, après le mot : « existence », sont insérés les mots : « , de l’état de santé d’un enfant à charge atteint d’une affection grave mentionnée à l’article D. 322‑1 du code de la sécurité sociale ».
Article 2
L’article L. 314‑20 du code de la consommation est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « licenciement », sont insérés les mots : « ou d’obtention du droit à l’allocation journalière de présence parentale prévue à l’article L. 544‑1 du code de la sécurité́ sociale » ;
2° Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette suspension prend effet au plus tard un mois après réception de la demande. Elle prévoit le paiement des intérêts et de l’assurance du crédit durant la période de droit à l’allocation journalière de présence parentale. Un nouveau tableau d’amortissement est adressé par le créancier au débiteur pour matérialiser ces modifications. Ce délai de grâce s’applique également aux autres débiteurs du crédit. »
Article 3
Après le premier alinéa de l’article L. 6111‑1‑6 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’établissement de santé prévoyant de proposer la prestation d’hébergement temporaire non médicalisée aux parents d’enfants atteints d’une affection grave mentionnée à l’article D. 322‑1 du code de la sécurité sociale bénéficie d’un accord tacite de l’agence régionale de santé territorialement compétente et la durée de cette prestation ne peut faire l’objet d’aucun seuil. »
Article 4
I. – Pour une durée de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, une expérimentation est mise en place dans vingt départements dont au moins un en outre‑mer, permettant que le silence gardé par la commission mentionnée à l’article R. 541‑6 du code de la sécurité sociale pendant plus de deux mois à compter du dépôt de la demande d’allocation d’éducation de l’enfant handicapé vaille décision d’acceptation de celle‑ci.
II. – Au plus tard six mois après la fin de l’expérimentation de ce dispositif, le Gouvernement remet un rapport sur l’opportunité et la possibilité de prolonger ce dispositif sur l’ensemble du territoire.
III. – Un décret précise les modalités de mise en place de cette expérimentation. La liste des territoires participant à l’expérimentation est fixée par un arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé des collectivités territoriales.
Article 5
Le second alinéa de l’article L. 544‑2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la fin de la deuxième phrase, les mots : « inferieure à six mois ni supérieure à un an » sont remplacés par les mots : « supérieure à quatorze mois » ;
2° À la dernière phrase, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « quatorze mois ».
Article 6
I. – Après l’article L. 544‑1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 544‑1‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 544‑1‑1. – Par dérogation à l’article L. 544‑1, sous réserve des cas prévus à l’article L.373‑2‑9 du code civil, le bénéficiaire de l’allocation journalière est celui des deux parents qu’ils désignent d’un commun accord. À défaut d’accord sur la désignation d’un allocataire unique, chacun des deux parents peut se voir reconnaître la qualité d’allocataire au prorata du temps de garde :
« 1° Lorsque les deux parents en ont fait la demande conjointe ;
« 2° Lorsque les deux parents n’ont ni désigné un allocataire unique, ni fait une demande conjointe de partage. »
II. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article.
Article 7
Au I de l’article 1391 du code général des impôts, après le mot : « ans » sont insérés les mots : « ou ayant à charge un enfant atteint d’une affection grave telle que mentionnée à l’article D. 322‑1 du code de la sécurité sociale ».
Article 8
Les gestionnaires de parcs de stationnement d’établissements de santé disposant d’une délégation de service public garantissent la gratuité du stationnement, et ce pour la durée de l’hospitalisation, aux personnes ayant à charge un enfant atteint d’une affection grave telle que mentionnée à l’article D. 322‑1 du code de la sécurité sociale.
Article 9
I. – Le reste à charge zéro s’applique systématiquement aux prescriptions établies par un professionnel de santé dans le cadre du parcours de soin pour les enfants atteints d’une affection grave telle que mentionnée à l’article D. 322‑1 du code de la sécurité sociale, dès lors qu’il s’agit d’une prescription établie par un médecin dans le cadre du parcours de soin de l’enfant.
II. – Un décret précise les modalités d’application du reste à charge zéro concernant les enfants atteints de maladies graves.
Article 10
I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
III. – La charge pour les organismes de sécurité́ sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.