N° 672

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 décembre 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant l’interdiction totale de la vente, de la détention et de la consommation de gaz hilarant pour les particuliers,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Fabien DI FILIPPO, Mme Pascale BAY, M. Thibault BAZIN, M. Jean-Didier BERGER, Mme Sylvie BONNET, Mme Émilie BONNIVARD, M. Ian BOUCARD, M. Pierre CORDIER, Mme Josiane CORNELOUP, Mme Marie-Christine DALLOZ, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Vincent JEANBRUN, M. Philippe JUVIN, M. Corentin LE FUR, M. Eric LIÉGEON, M. Yannick NEUDER, M. Nicolas RAY, M. Vincent ROLLAND, M. Jean-Pierre TAITE,

députés.


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’usage récréatif de protoxyde d’azote, pratique particulièrement dangereuse pour la santé, augmente de façon préoccupante plusieurs régions d’Europe.

Cet usage représente « une préoccupation croissante », selon un rapport publié dernier par l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), qui rappelle que si « les consommateurs ont généralement le sentiment que l’inhalation de protoxyde d’azote est sans danger, une consommation plus fréquente ou plus lourde du gaz augmente le risque de dommages graves, tels que des lésions du système nerveux ».

En effet, depuis plusieurs années, le protoxyde d’azote, habituellement utilisé dans le champ médical pour ses effets anesthésiants et analgésiants ou en cuisine pour les siphons à chantilly, est détourné de son usage par les jeunes qui l’utilisent comme gaz hilarant. Ce gaz connaît une popularité toujours plus importante en raison de sa disponibilité et de son faible prix.

Sa consommation constitue pourtant une pratique très dangereuse pour la santé, provoquant des effets indésirables immédiats et d’autres, à plus long terme. Les risques immédiats sont notamment l’asphyxie par manque d’oxygène, la perte de connaissance, la brûlure par le froid du gaz expulsé de la cartouche, la perte du réflexe de toux, l’altération des réflexes de déglutition, la désorientation ou encore le risque de chute. En cas de consommations répétées, des troubles graves peuvent survenir, engageant parfois le pronostic vital : complications cardiovasculaires avec notamment des troubles du rythme cardiaque, pertes de mémoire, hallucinations, troubles neurologiques, troubles moteurs, convulsions, détresse respiratoire pouvant provoquer la mort, troubles psychiques (addiction) et atteintes neurologiques pouvant être sévères, dont des paralysies persistantes.

Face à cette situation, plusieurs pays ont décidé de prendre des mesures fortes Aux Pays‑Bas, la possession et la vente de protoxyde d’azote sont interdites depuis le 1er janvier 2023. Le gouvernement britannique a annoncé en mars l’interdiction du protoxyde d’azote, dénonçant des consommateurs qui « saccagent les espaces publics », mais aussi « prennent une drogue qui peut avoir un effet psychologique et neurologique et qui contribue à un comportement antisocial ». Le gouvernement veut notamment que les ventes de ces bonbonnes soient « restreintes à des fins appropriées », c’est‑à‑dire comme additif alimentaire ou comme anesthésique en médecine.

En France, un texte a été adopté le 25 mai 2021 par le Parlement pour lutter contre l’usage détourné du protoxyde d’azote et protéger les jeunes de cette pratique à risque de plus en plus répandue. Leur vente est interdite aux mineurs et elle est totalement proscrite dans les débits de boisson et de tabac. Mais ce texte n’est pas assez protecteur. En effet, si les commerçants doivent désormais exiger une preuve de la majorité avant d’en vendre, la vente sur internet reste malheureusement possible, et bien que les sites de vente en ligne soient dans l’obligation de mentionner l’interdiction de vente aux mineurs, cette mesure ne permet pas de lutter efficacement contre l’achat et la consommation de ce gaz, car il n’y a pas de véritable contrôle de l’identité et de l’âge de l’acheteur. Dans les faits, la répression reste donc faible et le protoxyde s’achète toujours en grande quantité et à bas coût sur des sites de revente et via les réseaux sociaux.

La loi actuelle doit être renforcée en urgence pour lutter contre l’usage détourné du protoxyde d’azote. En effet, en France, le gaz hilarant est actuellement le troisième produit psychoactif le plus consommé par les adolescents. Le nombre d’intoxications recensées par les centres antipoison sont en hausse. De moins d’une dizaine de cas signalés avant 2018, les autorités sanitaires recensaient en août 2024 plus de 450 incidents graves liés au protoxyde d’azote, signe que la consommation explose. Des chiffres corroborés par l’Association française des centres d’addictovigilance, qui souligne que le nombre de cas de complications sanitaires graves liés à l’usage non médical du protoxyde d’azote a été multiplié par 10 depuis 2019. Selon une enquête de Santé publique France (SpF) publiée en octobre 2023, la consommation de protoxyde d’azote concerne, chez les adultes, essentiellement les jeunes majeurs, et plus d’un jeune de 18 à 24 ans sur dix en a déjà consommé une fois dans sa vie. Dans la moitié des cas, les consommations sont quotidiennes et peuvent atteindre jusqu’à une dizaine de bouteilles par jour. 5,5 % des élèves de classe de 3e disent avoir déjà consommé du protoxyde, les garçons deux fois plus souvent que les filles, selon l’enquête EnCLASS de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). 3 à 6 % des étudiants en consommeraient de façon occasionnelle ou régulière.

L’usage de protoxyde d’azote semble donc être devenu un enjeu sanitaire majeur, faisant courir un risque imminent d’accident grave, sinon de mort, à de jeunes consommateurs.

De plus, plusieurs accidents de voiture survenus ces dernières années, dont certains mortels, impliquaient des personnes ayant inhalé du protoxyde d’azote. Des mesures urgentes et fortes doivent être prises pour renforcer la lutte contre la consommation récréative de ce gaz par les jeunes, afin de les protéger et de protéger l’ensemble de la société de ses effets profondément néfastes.

Afin de renforcer les restrictions existantes, la présente proposition de loi instaure les dispositions suivantes :

– interdiction totale de la vente du protoxyde d’azote aux particuliers ;

– instauration de circuits de vente réservés à des professionnels de la santé, aux professionnels de la cuisine et de la pâtisserie ;

– pénalisation de la détention et de la consommation, pour que les forces de l’ordre puissent agir efficacement et pour provoquer un effet dissuasif plus important ;

– inscription de ce produit sur la liste des stupéfiants et aggravation de la peine pour toute personne qui commettrait une infraction sous son effet.

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

L’article L. 3611‑3 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « à un mineur » sont supprimés et après le mot : « azote », sont insérés les mots : « à tout particulier » ;

b) Les deux dernières phrases sont supprimées ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Cette interdiction est valable tant pour les sites de commerce électronique que pour tout autre commerce physique. »

Article 2

Après le deuxième alinéa de l’article L. 3611‑3 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La vente en ligne ne peut avoir lieu qu’à destination des professionnels de la santé et des professionnels de la cuisine et de la pâtisserie, par le biais de circuits de vente spécifiques dont les modalités de fonctionnement sont fixées par décret. »

Article 3

L’avant‑dernier alinéa de l’article L. 3611‑3 du code de la santé publique est complété par les mots : « , mais aussi de détenir du protoxyde d’azote ou d’en consommer ».