N° 1327
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 avril 2025.
PROPOSITION DE LOI
relative à la restitution de biens culturels à la République fédérale du Mexique,
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Sophia CHIKIROU, M. Arnaud LE GALL, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Rodrigo ARENAS, M. Idir BOUMERTIT, M. Perceval GAILLARD, M. Stéphane HABLOT,
députées et députés.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La République française conserve aujourd’hui dans ses institutions publiques plusieurs biens culturels d’origine mésoaméricaine, dont deux codex d’une importance majeure pour le peuple mexicain : le Codex Borbonicus, conservé à l’Assemblée nationale, et le Codex Azcatitlan, conservé à la Bibliothèque nationale de France. Ces documents, rédigés par les peuples Nahuas avant et après la conquête espagnole, constituent des témoignages précieux sur l’histoire, la cosmologie et les traditions autochtones qui perdurent jusqu’à nos jours.
Le Codex Borbonicus, notamment, est un document mesurant 14 mètres, qui décrit en détail les rituels divinatoires et le calendrier aztèque. Il est encore aujourd’hui une référence essentielle pour la compréhension des pratiques culturelles et religieuses du peuple Nahua. Les anthropologues mexicains ont attesté que certaines cérémonies représentées dans ce manuscrit sont toujours pratiquées, comme l’embrasement des torches à base de cactus pour annoncer des festivités rituelles.
Par conséquent, les Codex Borbonicus et Azcatitlan ne sont pas de simples objets de collection désincarnés, mais des éléments fondamentaux de l’identité culturelle mexicaine. Leur présence en France découle d’une histoire marquée par des transferts de patrimoine à travers les siècles, notamment suite à la colonisation espagnole et à des acquisitions ultérieures par des collectionneurs européens. Ainsi, le Codex Borbonicus est entré dans les collections de l’Assemblée nationale en 1826, soit deux ans après l’adoption d’une loi mexicaine interdisant l’exportation de son patrimoine archéologique et historique.
La demande de restitution des biens culturels mexicains n’est pas nouvelle. Dès 1982, l’affaire du Codex Tonalamatl Aubin, dérobé à la Bibliothèque nationale de France et retrouvé au Mexique, a mis en lumière les attentes légitimes du peuple mexicain en matière de préservation et de récupération de son patrimoine culturel.
Plus récemment, en octobre 2020, Beatriz Gutiérrez Müller, alors Première dame du Mexique, a remis en main propre à Brigitte Macron une lettre officielle signée par le Président mexicain Andrés Manuel López Obrador, demandant la restitution des codex et d’autres objets d’origine mexicaine. Cette requête s’inscrivait dans une dynamique plus large de dialogue culturel entre la France et le Mexique.
Aujourd’hui, sous l’impulsion du directeur de l’Institut national d’anthropologie et d’histoire (INAH), Diego Prieto, le Mexique continue de formuler cette demande de restitution. Il en va de la souveraineté culturelle du Mexique et du respect des droits des peuples autochtones à recouvrer leur patrimoine.
Le 7 décembre 2024, une assemblée réunissant des représentants du peuple Nahñu a adressé une lettre officielle aux députés français, demandant formellement la restitution du Codex Borbonicus. Ce groupe, le Front de défense de la culture ancestrale, œuvre pour la valorisation et la transmission de son patrimoine historique. Cette demande illustre encore une fois l’importance de ces manuscrits pour les communautés concernées et souligne l’opportunité d’un dialogue culturel renforcé entre nos deux pays.
La France a déjà engagé des démarches en faveur de la restitution de biens culturels à d’autres pays, à l’instar du retour de vingt‑six œuvres provenant d’Abomey au Bénin, ou du renvoi du sabre avec fourreau dit d’El Hadj Omar Tall au Sénégal, en 2021. La présente demande s’inscrit dans cette séquence. Il serait donc logique, qu’aujourd’hui, l’Assemblée nationale se prononce en faveur de la restitution des Codex mexicains.
Or, le cadre juridique français reconnaissant ces biens comme des « trésors nationaux », une modification législative est nécessaire pour permettre leur restitution. Ce texte vise dès lors une dérogation à l’inaliénabilité des collections publiques pour permettre le transfert des Codex Borbonicus et Azcatitlan au Mexique.
Cette proposition de loi s’inscrit dans une dynamique constructive de coopération entre la France et le Mexique, permettant de renforcer les liens entre nos deux nations. Elle n’obère pas la richesse et la diversité des collections muséales françaises, mais reconnaît la valeur patrimoniale et identitaire particulière que les Codex représentent pour le Mexique et les peuples autochtones.
En initiant ce processus, l’Assemblée affirme son engagement en faveur du dialogue interculturel et de la reconnaissance du patrimoine des nations partenaires. L’adoption de cette loi permettrait d’ouvrir un nouveau chapitre dans les relations franco‑mexicaines, fondé sur le respect mutuel et la valorisation partagée du patrimoine.
L’article 1er prévoit donc la restitution du Codex Borbonicus, actuellement conservé à l’Assemblée nationale, en établissant une dérogation au principe d’inaliénabilité des collections publiques.
L’article 2 applique la même disposition au Codex Azcatitlan, détenu par la Bibliothèque nationale de France, afin d’organiser son transfert à la République fédérale du Mexique dans un cadre légal sécurisé.
– 1 –
proposition de loi
Article 1er
Par dérogation au principe d’inaliénabilité des collections publiques françaises inscrit à l’article L. 451‑5 du code du patrimoine, à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente loi, le Codex Borbonicus, conservé dans les collections nationales placées sous la garde de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, cesse de faire partie de ces collections. L’autorité administrative dispose, à compter de la même date, d’un délai d’un an au plus pour transférer ces œuvres à la République Fédérale des États‑Unis mexicains.
Article 2
Par dérogation au principe d’inaliénabilité des collections publiques françaises inscrit à l’article L. 451‑5 du code du patrimoine, à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente loi, le Codex Azcatitlan, conservé dans les collections nationales placées sous la garde de la Bibliothèque Nationale de France, cesse de faire partie de ces collections. L’autorité administrative dispose, à compter de la même date, d’un délai d’un an au plus pour transférer ces œuvres à la République Fédérale des États‑Unis mexicains.