N° 1338

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 avril 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à créer le statut de réfugié scientifique,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. François HOLLANDE,

député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans de nombreux pays, des scientifiques, chercheurs et universitaires sont contraints à l’exil à cause de conflits armés, de régimes autoritaires, de persécutions liées à leurs travaux de recherche, opinions ou appartenances sociales/ethniques. Ces individus, porteurs de savoirs et d’innovations, se retrouvent parfois dans un vide juridique et institutionnel.

En effet, les mécanismes actuels du droit d’asile ne prennent pas en compte les spécificités du milieu académique et la cible que sont devenus les scientifiques au sein des régimes autoritaires.

Au même titre que l’expression des opinions divergentes, les travaux des scientifiques, porteurs d’innovation et de savoirs, sont devenus une menace pour la stabilité des régimes.

Au même titre que les journalistes ou les opposants politiques, lorsqu’ils sont entravés, menacés, censurés, les scientifiques doivent donc nécessairement pouvoir être reconnus comme des réfugiés à part entière. Menacés parce que libres.

Un statut de « réfugié scientifique » dédié permettrait un traitement plus rapide et efficace, avec des critères d’éligibilité clairs, des passerelles d’intégration professionnelle, un accompagnement ciblé et une continuité de la recherche mondiale.

Il permettrait d’offrir un refuge aux chercheurs menacés, tout en leur permettant de développer leur capital intellectuel. Leur intégration dans les laboratoires, universités ou centres de recherche contribuerait à l’innovation, à la recherche appliquée, à la diplomatie scientifique, française voire européenne.

Il permettrait de préserver leur sécurité tout en valorisant leur potentiel, en identifiant clairement l’hypothèse dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Ce statut permettrait également de réaffirmer l’attachement de la France au droit d’asile, et de rappeler que la liberté de la recherche et d’expression est une valeur fondamentale des sociétés démocratiques. Il faut offrir un refuge aux chercheurs menacés, tout en leur permettant de développer en France leur capital intellectuel.

Leur intégration dans les laboratoires, universités ou centres de recherche contribuerait à l’innovation, à la recherche appliquée, voire à la diplomatie scientifique.

L’asile, tel que défini par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, renvoie à deux situations.

Le statut de réfugié, d’abord, est assez strictement défini (art. L. 511‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile). Il renvoie à des actes de persécution graves ou à une reconnaissance internationale.

La protection subsidiaire, ensuite, est prévue à l’article L. 512‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, et elle concerne des personnes qui ne remplissent pas les conditions de réfugié, mais qui encourt dans leur pays un risque de subir :

– La peine de mort ou une exécution ;

– La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

– S’agissant d’un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne ;

Cette seconde situation pourrait être enrichie d’une quatrième hypothèse, pour viser spécifiquement les chercheurs.

Pourrait ainsi bénéficier de la protection subsidiaire les « scientifiques et chercheurs, au sens de l’article L. 411‑1 du code de la recherche, qui risquent de subir une atteinte grave et individuelle à leur liberté académique, en raison de menaces ou d’une privation de liberté arbitraire ».

Le champ serait assez étroit, mais il s’agit de réserver cette hypothèse aux situations les plus graves. Cette quatrième hypothèse serait assez proche de la précédente, mais elle permettrait d’indiquer clairement à la communauté scientifique et aux chercheurs menacés qu’il est possible de bénéficier de cette protection subsidiaire.

Les textes réglementaires pourraient préciser les conditions et la définition de « chercheurs », par renvoi au code de la recherche et au code de l’éducation, ou en s’inspirant des directives européennes, particulièrement la directive 2016/801 du 11 mai 2016, qui définit, en son article 3, un chercheur comme un « ressortissant de pays tiers titulaire d’un doctorat ou d’un diplôme de l’enseignement supérieur approprié lui donnant accès aux programmes de recherches doctorales, qui est sélectionné par un organisme de recherche et admis sur le territoire d’un État membre pour mener une activité de recherche pour laquelle de tels diplômes sont généralement exigés ».

Il serait également possible, par voie réglementaire, de prévoir les possibilités de création et d’obtention d’un visa scientifique d’urgence.

La modification législative ne porte que sur l’article L. 512‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

 


– 1 –

proposition de loi

Article unique

L’article L. 512‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° S’agissant d’un scientifique ou d’un chercheur, au sens de l’article L. 411‑1 du code de la recherche, une atteinte grave et individuelle à leur liberté académique, en raison de menaces, de persécutions, ou d’une privation de liberté arbitraire. »