N° 2691

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 mai 2024.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à élargir l’obligation de formation aux gestes de premiers secours,

 

présentée par

M. Pierre MOREL-À-L’HUISSIER,

député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

D’après la Croix‑Rouge française, seulement 40 % des français sont formés aux gestes de premiers secours. Pourtant, dès 2018, le Président de la République avait pourtant fixé l’objectif d’avoir 80 % de la population formée aux premiers secours d’ici à la fin de ce premier quinquennat. Aujourd’hui, cet objectif ne serait atteint qu’à moitié, avec 40 % des français formés.

Le taux de formation de la population française est parmi les plus bas d’Europe, près de 80 % des français considèrent qu’ils ne sont pas ou mal préparés face aux crises ou aux catastrophes.

Le rapport remis au gouvernement par M. Eric Faure, ancien président de la Fédération Nationale des Sapeurs‑pompiers et Patrick Pelloux, médecin urgentiste et co‑auteur d’un rapport sur la formation aux gestes qui sauvent, le 20 avril 2017 formulait une trentaine de propositions ayant pour but de former 80 % de la population aux gestes de premiers secours d’ici 2027.

Afin d’encourager les Français à porter secours aux personnes victimes d’un arrêt cardiaque, la loi du 3 juillet 2020 a instauré le statut de « citoyen sauveteur ». Selon le texte, est citoyen sauveteur » toute personne portant assistance de manière bénévole à une personne en situation apparente de péril grave et imminent ». Aucune formation ou diplôme spécifique en matière de premiers secours n’est requis de la part du sauveteur pour bénéficier de ce statut de collaborateur occasionnel du service public. Néanmoins, la loi précise que l’apprentissage des gestes de premiers secours dans le cadre scolaire, déjà prévu dans la loi, doit s’effectuer » suivant un continuum éducatif du premier au second degré ».

À ce titre, en cas d’intervention, ce statut libère de toute responsabilité civile si les gestes effectués s’avèrent inefficaces ou s’ils causent préjudice à la victime (sauf en cas de faute lourde ou intentionnelle).

La loi prévoit également une meilleure sensibilisation des citoyens aux gestes de premiers secours. L’objectif était de former 80 % de la population afin de faire passer le taux de survie des victimes de mort subite en France de 3 % à 10 % d’ici 10 ans. 

Depuis mai 2007, la loi autorise tout citoyen à utiliser un défibrillateur. Le taux de survie à un arrêt cardiaque est en effet 4 à 5 fois plus élevé dans les pays où les lieux publics sont équipés en défibrillateurs automatisés externes et la population formée aux gestes qui sauvent.

Le citoyen est le premier maillon de la chaîne de secours et acquérir les bons réflexes peut donc sauver des vies. Seul 1 français sur 10 a une très bonne connaissance des gestes qui sauvent et pourtant, depuis 2014, le délai moyen d’intervention des secours augmente régulièrement. C’est ce que souligne le rapport sur la résilience publié par la Croix‑Rouge française "Crises, sommes‑nous prêts à les affronter ?" en juin dernier.

L’étude « Les français et les gestes sauvent » Opinion Way pour la Croix‑Rouge française fait apparaître que près de 20 % des personnes interrogées ne se forment pas par manque de temps et que le coût représente un frein pour 71 % des personnes interrogées.

Pour toute situation (arrêt cardiaque, accident de la vie courante, inondation, tempête, voire même attentat), les secours d’urgence ont un délai d’intervention en moyenne de l’ordre de 13 minutes (décroché de l’opérateur, déclenchement des moyens, arrivé sur le site).

Ce délai est plus ou moins long en fonction du territoire (urbain, rural, loin d’établissements de santé). Ainsi, le citoyen est le premier maillon de la chaîne de secours. Il est seul et doit être en capacité de donner les gestes de premiers secours.

Chaque citoyen peut être confronté à une situation d’urgence. Et première victime potentielle, il en est aussi le premier témoin et donc le premier à pouvoir intervenir en attendant l’arrivée des secours. Il faut prendre conscience du rôle primordial des citoyens dans la chaîne de secours afin d’augmenter les chances de survie du plus grand nombre. L’apprentissage des gestes de premiers secours est à la portée de tous, même des plus jeunes, pour acquérir très tôt les bons réflexes. 

Conduire à une société plus sûre et plus résiliente, où chacun possède les compétences et les connaissances nécessaires pour apporter une aide vitale en cas de besoin, c’est l’enjeu auquel notre société doit être en mesure de répondre. 

La présente proposition a pour objectif de reprendre les préconisations émises dans le rapport Faure‑Pelloux de 2017, afin d’obtenir une couverture approchant les 80 % des personnes formées aux gestes de premiers secours.

 


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proposition de DE RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article L. 721‑1 du code de la sécurité intérieure,

Vu la loi n° 2020‑840 du 3 juillet 2020 visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l’arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent,

Vu le décret n° 2024‑242 du 20 mars 2024 relatif aux formations aux premiers secours,

Considérant que l’objectif de formation de 80 % de la population française n’est pas atteint ;

Considérant la possibilité d’étendre dans tous les secteurs la formation aux gestes de premiers secours ;

Considérant que la maîtrise des gestes de premiers secours diminue de façon significative la mortalité liée aux accidents de la vie courante et aux arrêts cardiaques ;

Considérant que l’ensemble des préconisations du rapport Faure‑Pelloux n’a pas été repris ;

Considérant que le citoyen est le premier maillon de la chaîne de secours ;

Invite le Gouvernement à rendre obligatoire la formation prévention et secours civiques de niveau 1, au sein des établissements scolaires secondaires ;

Demande au Gouvernement de rendre obligatoire un module de recyclage court qui pourrait se baser sur le module « initiation aux gestes qui sauvent » qui pourrait être donné au lycée ;

Appelle le Gouvernement à rendre obligatoire la formation au prévention et secours civiques de niveau 1 ou sauveteur secouriste du travail ou l’attestation de formation aux gestes et soins d’urgence de niveau 1 pour : la fonction publique d’État, la fonction publique territoriale, la fonction publique hospitalière, les volontaires en service civique et les engagés dans toute forme nouvelle de service national ;

Incite le Gouvernement à doubler le nombre de sauveteurs secouristes du travail dans les chantiers où cette présence est obligatoire et la rendre obligatoire, et non plus simplement recommandée, sur chaque site de chaque entreprise ;

Souhaite que le Gouvernement rende obligatoire la formation sauveteur secouriste du travail pour : les professions et métiers en lien avec des mineurs, les professions et métiers en lien avec des personnes âgées, les professionnels de la route ;

Invite le Gouvernement à insérer la formation prévention et secours civiques de niveau 1 dans le catalogue des formations du « compte personnel de formation » du secteur privé et dans les droits à formation des fonctions publiques ;

Demande au Gouvernement d’intégrer cette charge dans la rubrique des charges déductibles de l’impôt sur le revenu ou inscrire ce coût dans la rubrique crédit d’impôt, pour les citoyens prenant à leur charge le coût d’une formation prévention et secours civiques de niveau 1 ;

Appelle le Gouvernement à inciter des groupes de population, en utilisant des dynamiques de vie collective à s’initier aux gestes qui sauvent : élus locaux, sportifs encadrés, candidats au permis de conduire, candidat à l’examen du permis de chasse, les animateurs titulaires du brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur, les demandeurs d’emplois, avec l’appui de France Travail ;

Incite le Gouvernement à prévoir une exonération des charges sociales patronales et salariales pour les nouveaux emplois de formateurs, aux premiers secours et de soutenir financièrement l’effort de formation des formateurs et initiateurs par l’allocation de subventions couvrant ces frais ;

Souhaite que le Gouvernement renforce la participation des services d’incendie et de secours dans les « initiations aux gestes qui sauvent » et les formations prévention et secours civiques de niveau 1 ;

Invite le Gouvernement à ouvrir largement une mission de sensibilisation du grand public aux gestes et comportements qui sauvent dans les missions confiées aux volontaires en service civique ;

Demande au Gouvernement de permettre aux formateurs des associations agréées de sécurité civile et de la santé de dispenser des formations au sein de l’Éducation nationale et inversement sans avoir besoin de repasser une formation ;

Appelle le Gouvernement à exonérer de taxe sur la valeur ajoutée ou à réduire son taux pour le matériel de formation au secourisme.