N° 547
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 novembre 2024.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
pour une définition harmonisée des entreprises de taille intermédiaire et la création d’une catégorie statistique dédiée à l’échelle européenne,
(Renvoyée à la commission des affaires européennes)
présentée par
Mme Sabine THILLAYE, M. Charles SITZENSTUHL, M. Laurent MAZAURY, M. Hubert OTT, Mme Josiane CORNELOUP, Mme Delphine LINGEMANN, Mme Liliana TANGUY, M. Philippe BONNECARRÈRE, Mme Lise MAGNIER, Mme Marie RÉCALDE, M. Nicolas RAY, Mme Louise MOREL, M. Michel CASTELLANI, Mme Sophie METTE, M. Christophe BLANCHET, M. Paul MIDY, M. Pascal LECAMP, M. Fabien LAINÉ, M. Stéphane VIRY, Mme Josy POUEYTO, M. Nicolas TURQUOIS, M. Didier PADEY, Mme Anne BERGANTZ, M. Richard RAMOS, Mme Maud PETIT, M. Philippe BOLO, M. Erwan BALANANT,
députées et députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’importance des entreprises de taille intermédiaire pour l’économie française
Créée en 2008 par la loi de modernisation de l’économie, la catégorie d’entreprise de taille intermédiaire (ETI) désigne les entreprises qui emploient entre 250 et 4 999 salariés et génèrent soit un chiffre d’affaires égal ou inférieur à 1,5 milliard d’euros, soit un total de bilan n’excédant pas 2 milliards d’euros.
Au nombre de 6 200 dans l’hexagone en 2021 ([1]), ces entreprises emploient 3,5 millions de salariés – soit 25 % de l’emploi total – et sont présentes partout sur le territoire national, avec près de 120 000 implantations, dont 75 % situées en dehors des grands centres urbains. Il s’agit pour notre pays d’un véritable actif stratégique, tourné vers le long terme et fer de lance de la réindustrialisation. En effet, 38 % des salariés de l’industrie travaillent dans une ETI et ces entreprises participent à l’équilibre de notre balance commerciale puisqu’elles réalisent 32 % du chiffre d’affaires à l’export des entreprises françaises, contre 55 % pour les grandes entreprises et 13 % pour les petites et moyennes entreprises (PME).
Si le rôle essentiel des ETI pour l’économie française est mesuré aujourd’hui, c’est grâce à la création d’une catégorie statistique propre, qui a constitué un véritable tournant en permettant d’intégrer les ETI dans la conception de la politique économique française. Des politiques publiques dédiées ont également vu le jour, comme le lancement de la stratégie « Nation ETI » par le Président de la République en 2020 pour renforcer l’accompagnement des ETI par les pouvoirs publics, ou encore le programme « ETIncelles » en 2023 pour soutenir les PME les plus dynamiques dans leur passage au statut d’ETI.
Cette politique volontariste en faveur du développement des ETI commence ainsi à porter ses fruits (1 500 ETI supplémentaires ont été créées entre 2011 et 2021) et contribue au renforcement du tissu productif et industriel français.
L’importance des ETI pour l’économie européenne
Comme il n’existe pas de catégorie statistique dédiée aux entreprises de taille intermédiaire au niveau européen, leur poids économique ne peut être appréhendé qu’à travers des approches variées. La Banque européenne d’investissement se fonde exclusivement sur le nombre de salariés pour définir les entreprises à moyenne capitalisation (mid‑caps) comme celles qui emploient entre 250 et 2 999 personnes – soit bien en deçà des critères retenus pour la catégorie française d’ETI.
Comprises ainsi, les mid‑caps représentent près de 17 % de l’emploi et 21 % du chiffre d’affaires de la totalité des entreprises de l’Union européenne ([2]). Elles génèrent plus de la moitié de la valeur ajoutée du secteur manufacturier, et soutiennent la balance commerciale européenne – 85 % des mid‑caps du secteur manufacturier exportent. Leur rôle important dans l’investissement et l’innovation, leur niveau de productivité plus élevé que les PME et les grandes entreprises, ou encore l’effet d’entraînement qu’elles exercent sur leurs chaînes de valeur, en font des entreprises structurantes pour la compétitivité européenne. Véritables « champions cachés », elles sont essentielles pour réaliser la triple transition environnementale, numérique et sociale de notre économie.
La nécessité d’une définition harmonisée et d’une catégorie statistique dédiée aux entreprises de taille intermédiaire
Face aux défis géopolitiques, économiques et écologiques, il est impératif de créer un environnement propice à la prospérité des ETI. Cette priorité doit plus que jamais être réaffirmée pour bâtir un véritable écosystème européen d’entreprises de taille intermédiaire, sur le modèle du Mittelstand allemand, et ainsi assurer la résilience des chaînes de valeur européenne.
L’absence d’une catégorie statistique propre aux entreprises de taille intermédiaire au niveau européen limite leur visibilité et leur intégration à la conception des politiques européennes, au risque d’entraver leur développement.
Le défaut de proportionnalité des normes adoptées au niveau européen pénalise ces entreprises qui ne disposent ni des exemptions des PME, ni des moyens humains et financiers des grands groupes. Les nouvelles obligations déclaratives issues du Pacte vert en sont un exemple frappant, au premier lieu desquelles celles qui résultent de la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, dite CSRD, qui pourraient représenter jusqu’à 400 000 € pour les ETI ([3]). Ce nouveau choc normatif pour les mid‑caps européennes est le fruit de l’absence de catégorie statistique dédiée qui conduit à l’application de la même règle à une entreprise de 300 salariés qu’à une entreprise qui en compte 30 000.
L’instauration d’une catégorie d’entreprises de taille intermédiaire à l’échelle européenne permettrait également de disposer d’un meilleur cadre temporaire en période de crise, avec des régimes d’exemption clés en main qui permettraient à l’Europe de mieux réagir. Ces dispositifs ont fait leurs preuves en France, où un guichet d’aide au paiement des factures d’électricité a été mis en place pour les ETI lors de la crise énergétique, ce qui n’a pas été le cas dans les autres pays européens.
Au regard des objectifs de la Commission européenne en matière de réindustrialisation et de souveraineté, il importe de mettre en place des politiques publiques qui puissent être pilotées avec des données fiables. Or, l’absence de catégorie dédiée invisibilise les mid‑caps, ce qui limite notre connaissance du tissu industriel et productif européen à l’heure où nous devons le renforcer.
Après avoir publié un rapport ([4]) qui met en lumière le rôle essentiel des entreprises de taille intermédiaire dans l’économie européenne, la Commission européenne a proposé, dans le train de mesures de soutien aux PME ([5]) annoncés en septembre 2023, d’élaborer une définition harmonisée des petites entreprises de taille intermédiaire et d’évaluer les mesures possibles pour soutenir leur croissance. Plus récemment, dans un communiqué commun de l’Allemagne et de la France du 29 mai 2024, où un nouvel agenda pour renforcer la compétitivité et la croissance au sein de l’Union européenne est dessiné, les deux pays ont appelé à la création d’une nouvelle catégorie d’entreprises comprise entre 250 et 500 salariés.
Ces propositions attestent de façon répétée du caractère lacunaire de l’appareil statistique européen comme des définitions européennes des catégories d’entreprises.
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proposition de rÉsolution europÉenne
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu le Traité sur l’Union européenne, notamment ses articles 5 et 13,
Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment ses articles 114, 115 et 173,
Vu la communication de la Commission européenne du 12 septembre 2023 intitulée « Train de mesures de soutien aux PME » (COM[2023] 535 final),
Vu la recommandation de la Commission européenne du 6 mai 2003 concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises (2003/361/CE),
Vu la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil,
Vu la communication de la Commission européenne du 16 décembre 2021 sur les lignes directrices relatives aux aides d’État visant à promouvoir les investissements en faveur du financement des risques (2021/C 508/01),
Considérant qu’il est essentiel de bâtir un véritable écosystème européen d’entreprises de taille intermédiaire, sur le modèle du Mittelstand allemand ;
Considérant que les entreprises de taille intermédiaire, telles que définies par la Banque européenne d’investissement, représentent 17 % de l’emploi et 21 % du chiffre d’affaires des entreprises de l’Union européenne :
Considérant que le système européen de classification des entreprises, qui ne prévoit pas de catégorie intermédiaire entre les petites et moyennes entreprises et les grandes entreprises, ne permet pas de prendre en compte les spécificités des entreprises de taille intermédiaire ;
Considérant que les entreprises de taille intermédiaire, en l’absence de définition commune et de données statistiques accessibles, pâtissent d’une réglementation inadaptée qui affecte leur compétitivité et celle de l’économie européenne ;
Considérant que l’absence de définition harmonisée limite l’efficacité des politiques européennes à leur égard ;
1. Invite la France à jouer un rôle moteur dans l’adoption d’une définition européenne des entreprises de taille intermédiaire ;
2. Invite la Commission européenne à créer, dans les plus brefs délais, une identité statistique pour les entreprises de taille intermédiaire en collectant et publiant des données spécifiques afin de mieux évaluer leur impact économique et social ;
3. Invite à adapter la réglementation européenne à la taille des entreprises en développant des politiques et des instruments financiers dédiés aux entreprises de taille intermédiaire, tenant compte de leur rôle clé dans l’innovation et l’exportation.
([1]) Les entreprises en France – édition 2023, Insee, 6 décembre 2023.
([2]) Champions cachés, opportunités manquées : le rôle crucial des entreprises de taille intermédiaire dans la transition économique européenne, Banque européenne d’investissement, 2024.
([3]) (Rapport d’information de la délégation aux entreprises du Sénat du 7 février 2024 relatif à la mise en œuvre de la directive CSRD dans les entreprises, présenté par Mmes Anne‑Sophie Romagny et Marion Canalès).
([4]) Étude visant à cartographier, mesurer et décrire le paysage des entreprises de taille intermédiaire dans l’Union européenne, Commission européenne, 2022
([5]) Communication de la Commission européenne du 12 septembre 2023 « Train de mesures de soutien aux PME » (COM[2023] 535 final)