N° 1251

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 avril 2025.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

visant à dénoncer l’Accord euro-méditerranéen de 2005 établissant une association entre la Communauté européenne et ses États-membres, d’une part, et la République Algérienne démocratique et populaire, d’autre part,

(Renvoyée à la commission des affaires européennes)

présentée par

Mme Manon BOUQUIN, Mme Yaël MÉNACHÉ, M. Philippe BALLARD, M. Guillaume BIGOT, M. Jorys BOVET, M. Sébastien CHENU, M. Jocelyn DESSIGNY, M. Nicolas DRAGON, M. Marc DE FLEURIAN, M. Michel GUINIOT, Mme Marine HAMELET, M. Alexis JOLLY, Mme Sylvie JOSSERAND, Mme Hélène LAPORTE, M. Alexandre LOUBET, M. Matthieu MARCHIO, M. Patrice MARTIN, Mme Alexandra MASSON, M. Kévin PFEFFER, M. Stéphane RAMBAUD, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, M. Alexandre SABATOU,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’Accord euro‑méditerranéen établissant une association entre l’Union européenne et la République algérienne démocratique et populaire (l’Accord d’association de 2005) devait initialement favoriser une coopération équilibrée et mutuellement bénéfique. Cette entente, souhaitée et souhaitable, portait l’espoir d’asseoir l’Algérie comme une force régionale stabilisatrice et un partenaire de confiance pour les États‑membres de l’Union européenne. Cependant, force est de constater que les résultats escomptés ne sont pas réellement au rendez‑vous.

Loin d’être une force de consolidation régionale, l’Algérie mène une politique déstabilisatrice compromettant la sécurité des États‑membres de l’Union européenne, notamment en menant des actions qui encouragent le chaos migratoire et indirectement le terrorisme sur le sol européen. A ce titre, la politique algérienne de refus de délivrance de visas en infraction patente de l’article 90 de l’Accord d’association de 2005 portant sur la lutte antiterroriste, conduit à une augmentation de ce risque.

L’article 2 de l’Accord d’association de 2005 précise que « le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l’Homme, tels qu’énoncés dans la déclaration universelle des droits de l’Homme, inspire les politiques internes et internationales des parties et constitue un élément essentiel du présent Accord ». Pourtant, la situation en Algérie est tout à fait contraire à cette affirmation car, les atteintes à la liberté d’expression, les pressions exercées sur les intellectuels et les artistes, ainsi que les persécutions politiques existent.

L’incarcération arbitraire de Monsieur Boualem Sansal, écrivain franco‑algérien de renommée internationale, systématiquement censuré pour ses prises de position critiques à l’égard du régime algérien, illustre cette restriction des libertés. Cette dérive autoritaire de dirigeants du pays est régulièrement dénoncée par la population algérienne comme elle a souhaité le faire en février 2024 à l’occasion du cinquième anniversaire du Hirak, mouvement de contestation populaire en Algérie débuté en 2019. Ce mouvement dont la répression est documentée dans des rapports d’Amnesty International et Human Right Watch, défendait une transition démocratique sans intervention militaire, un retour à l’État de droit et la fin de la corruption. De nombreux protestataires, politiciens, défenseurs des droits humains et journalistes ont été arrêtés et poursuivis en justice, certains ayant été condamnés à des années de prison, souvent pour des chefs d’accusation relatifs à l’expression d’opinion, tandis que des partis politiques étaient dissous.

La politique de déstabilisation menée par l’Algérie se retrouve également dans le soutien qu’elle apporte au Front Polisario depuis 1975, en lui fournissant des armes, des formations, une aide financière et de la nourriture. 

L’Algérie viole également le droit international en refusant de coopérer pleinement avec ses partenaires européens sur des questions cruciales telles que la lutte contre les trafics illégaux, notamment le trafic des drogues. Cette posture négative constitue une entrave directe aux efforts de l’Union européenne dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée et du blanchiment d’argent contrevenant ainsi aux articles 86 et 87 de l’Accord d’association de 2005.

L’Algérie est encore défaillante sur le plan de la coopération migratoire, y compris concernant le retour de ses propres citoyens. Le cas de « l’influenceur » Doualemn est ainsi l’illustration flagrante d’une violation de l’article 84 de l’Accord d’association de 2005 et du droit international.

Les dispositions de la présente proposition de résolution européenne sont de nature à rétablir une relation équilibrée avec l’Algérie, qui devra nécessairement se fonder sur un principe de réciprocité, pour le moment inexistant, dans de nombreux domaines.

En effet, les engagements pour la liberté des échanges économiques et commerciaux pris par l’Algérie dans le cadre de cet Accord d’association de 2005 n’ont pas davantage été respectés avec la levée des barrières douanières par l’Union européenne, tandis que celles de l’Algérie ont été largement maintenues sur les secteurs qu’elle estime stratégiques. A titre d’exemple, l’Algérie n’hésite pas à utiliser la certification halal, comme dispositif protectionniste déguisé, visant à renchérir le prix de denrées alimentaires européennes.

L’Algérie mène une politique concurrentielle déloyale ciblant spécifiquement les entreprises françaises et européennes à des fins de représailles diplomatiques, notamment par l’arrêt des importations de blé français ou le gel de projets industriels communs.

L’Union européenne ne peut être la seule partie qui s’engage réellement à respecter les stipulations de l’Accord d’association de 2005, au détriment des États‑membres, dont la France.

La présente proposition de résolution européenne a pour objectif de réviser, voire dénoncer l’Accord d’association de 2005 pour restaurer une relation fondée sur le respect et la réciprocité.

 

 


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proposition de rÉsolution europÉenne

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le traité sur l’Union européenne, notamment ses articles 3 et 21,

Vu l’Accord euro‑méditerranéen établissant une association entre l’Union européenne et ses État‑membres et la République algérienne démocratique et populaire, signé à Valence le 22 avril 2002, entré en vigueur le 1er septembre 2005,

Vu l’article 56 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969,

Vu l’article 218 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la note verbale du 14 juin 2024 de la direction générale du Commerce de la Commission européenne, agissant au nom de l’Union européenne au sujet d’un différend entre l’Union européenne et l’Algérie relatif à l’application et à l’interprétation de l’Accord d’association de 2005,

Considérant que les relations entre l’Union européenne et ses partenaires doivent être fondées sur la réciprocité, des principes partagés et une coopération mutuellement bénéfique ;

Considérant que les conditions économiques prévues par l’Accord d’association de 2005 ont créé des distorsions de concurrence préjudiciables aux entreprises françaises et européennes ;

Considérant les violations répétées des engagements pris par l’Algérie dans le cadre de l’Accord d’association de 2005, notamment en matière de liberté d’entreprise et de protection des investissements européens ;

Considérant que l’Algérie ne respecte pas les droits de l’Homme, notamment par des atteintes graves à la liberté d’expression, largement documentées dans les rapports annuels d’Amnesty International de 2024 et de Human Right Watch pour 2025 ;

Considérant la répression par le régime du mouvement citoyen Hirak appelant à des réformes en faveur de l’État de droit, de la fin de la corruption et d’une transition démocratique sans intervention armée ;

Considérant l’emprisonnement arbitraire de l’écrivain franco‑algérien Monsieur Boualem Sansal ;

Considérant que l’Algérie viole le droit international et les dispositions de l’Accord d’association de 2005 en empêchant l’entrée sur son territoire de ses citoyens, frappés d’obligation de quitter le territoire français ;

Considérant l’opacité de la gouvernance algérienne et la prégnance de la corruption, la persistance de trafics illégaux, notamment le trafic de drogues, ainsi que la coopération insuffisante des autorités algériennes en matière de sécurité et de lutte contre l’économie souterraine illégale ;

Considérant que le Président de la République algérienne a affirmé la nécessité de réviser l’Accord d’association de 2005 entre l’Algérie et l’Union européenne en faveur du marché algérien ;

Appelle la Commission européenne à engager une procédure de révision de l’Accord d’association de 2005 afin de rétablir un équilibre commercial et économique favorable aux intérêts français et européens ;

Invite la Commission européenne à s’assurer que l’Algérie remplit bien ses obligations au titre de l’Accord d’association de 2005, notamment en ce qui concerne le respect :

– des droits de l’Homme en vertu des articles 2 et 74, en particulier concernant la libération de Monsieur Boualem Sansal,

– des dispositions sécuritaires, notamment la réadmission des ressortissants algériens en situation irrégulière et la lutte contre les trafics illégaux, en vertu notamment des articles 84, 86 et 87,

– des règles commerciales, en particulier la levée des restrictions imposées aux États membres qui freinent les échanges bilatéraux, telles que le certificat ALGEX, le réengistrement des entreprises importatrices selon des critères contraignants, ainsi que la non‑application des tarifs préférentiels aux produits agricoles transformés en provenance de l’Union européenne ;

Demande au Gouvernement d’agir auprès des autres États‑membres au sein du Conseil de l’Union européenne pour obtenir une dénonciation de l’Accord d’Association de 2005 s’il s’avérait que l’Algérie ne respectait pas ses engagements.