N° 1458
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mai 2025.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
invitant le Gouvernement à organiser des états généraux du financement des associations,
présentée par
M. Damien GIRARD, Mme Christine ARRIGHI, Mme Lisa BELLUCO, M. Arnaud BONNET, M. Nicolas BONNET, M. Emmanuel DUPLESSY, M. Tristan LAHAIS, M. Benjamin LUCAS-LUNDY, M. Sébastien PEYTAVIE, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, Mme Sandra REGOL, M. Jean-Louis ROUMÉGAS, Mme Sabrina SEBAIHI, M. Boris TAVERNIER,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les associations sont le bien commun de notre pays. Sous une multitude de statuts et de missions, ces structures sont en effet vitales pour garantir l’accès aux droits, à la santé, à l’emploi, à l’information, au numérique, au logement et contribuent à la vie sociale, éducative, culturelle et démocratique des territoires.
Les associations, ce sont bien plus que des structures : ce sont des forces vives qui irriguent notre tissu social. Quelques chiffres en témoignent :
– 40 millions d’adhérents à travers tout le pays,
– 20 millions de bénévoles qui donnent de leur temps et de leur énergie,
– 1,8 million de salariés associatifs, soit près de 10 % de l’emploi privé,
– 1,5 million d’associations, ancrées dans tous les territoires.
Les associations sont considérées par 9 Français sur 10 comme des acteurs importants de la vie des territoires et sont le 2e acteur à agir pour le bien‑être territorial des Français après le conseil municipal selon l’étude réalisée par l’IFOP pour le Mouvement associatif de 2020.
Elles contribuent ainsi à dynamiser notre pays, y compris ses espaces ruraux et urbains isolés. Les associations sont le premier pilier de la vie sociale de notre pays. Elles sont la fierté de notre nation et la garantie de ses valeurs de solidarité, d’égalité, de fraternité, sans elles, notre cohésion sociale, notre solidarité, notre vitalité démocratique seraient gravement amputées
Pourtant, malgré leur importance, le soutien budgétaire de l’État aux associations stagne et le mode de financement autrefois pérenne ou pluriannuel se transforme au profit d’appels à projets et de compensations conditionnées à des prestations. Celles‑ci se financent donc davantage par le recours aux ressources d’origine privée, et déploient des ressources considérables dans la recherche de financements. En 2017, plus de la moitié (56 %) de leurs ressources est d’origine privée.
Les usagers sont notamment davantage mis à contribution : de 32 % en 2005, la part des usagers dans le financement des associations a augmenté jusqu’à 42 % en 2017.
Ce retrait de l’État participe à rendre les associations plus dépendantes des mécènes privés et à d’éventuelles discriminations financières de l’accès à leurs services.
La non compensation par l’État de l’extension de la prime Ségur aux salariés du secteur social privé par l’arrêt du 6 août 2024 a révélé la fragilité du secteur associatif.
Ainsi en Bretagne, l’association SeaSAM Bretagne comme les quatre centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) ont exprimé leur fragilité et le risque d’une cessation de paiements et d’activité durant l’année 2025. Pourtant, en 2024 le travail des CIDFF pour réparer notre société et défendre l’accès aux droits des femmes : plus de 10 000 personnes accompagnées dont 2 500 victimes de violences. De même, l’association SeaSAM Bretagne joue un rôle essentiel d’écoute, d’accompagnements de publics en difficulté, de respect du droit et d’accès à la formation.
L’étude par l’Observatoire Régional de la Vie Associative (ORVA) des Hauts‑de‑France pour Le Mouvement associatif, le Réseau National des Maisons des Associations (RNMA) et Hexopée, recueillant près de 5 557 témoignages de dirigeants associatifs démontre qu’au sein de ce large échantillon :
– un tiers des associations employeuses (31 %) disposent d’une trésorerie inférieure à trois mois, les rendant particulièrement vulnérables ;
– plus de la moitié signale des problèmes de trésorerie (23 % de manière récurrente, 31 % de manière ponctuelle) ;
– 69 % des associations employeuses déclarent que le montant de leurs fonds propres en mars 2025 est fragile ou nul ;
– 55 % des subventions attribuées à ces associations sont en baisse.
Résultat de cette précarisation financière : près d’un tiers des associations interrogées déclare diminuer leurs activités et seulement un quart des associations excluent toute réduction de masse salariale.
Déjà en 2023, l’appel des Restos du cœur face à l’absence de soutien public et privé alertait sur le risque de baisse d’activité des associations et l’incapacité à répondre à l’explosion des demandes alimentaires. En 2025 à Lorient, c’est l’association culturelle Amzer Nevez, acteur historique et majeur de la culture bretonne qui doit fermer ses portes faute de soutien public à la hauteur et les CIDFF du Morbihan qui perd 5,7 de ses équivalents temps plein.
Ces exemples illustrent une réalité française : le secteur associatif connaît une crise de son modèle de financement alors qu’il effectue, pour de nombreux territoires et secteurs de la population, le soutien et les missions que les politiques publiques échouent ou se refusent à mettre en œuvre.
C’est la raison pour laquelle une proposition de loi visant à soutenir dans l’urgence les associations à vocation sociale a été déposée en février 2025 par plusieurs députés. Ce texte visait autant à proposer une solution immédiate et opérationnelle qu’à poser l’enjeu du financement des associations sur le long terme.
En effet, l’enjeu du financement du modèle associatif est structurel. Depuis 20 ans, la part de subvention dans leur budget diminue au profit de la commande publique et du financement privé. Pourtant, les associations effectuent de plus en plus souvent le rôle de l’État et comblent l’absence de politique publique, sans compensation ni reconnaissance de leur action. Elles sont réduites à un rôle de prestataire qui aggrave l’impuissance publique et fait reposer des éléments essentiels de l’action de l’État sur des associations fragiles et des bénévoles.
Cette tendance néfaste s’accompagne d’une évolution du financement public vers une logique d’appels à projets. Celle‑ci entrave l’action des associations en se substituant à des financements fiables et structurels. Les multiples appels à projets constituent une charge administrative lourde. Une partie des bénévoles et salariés des associations consacre aujourd’hui une part notable de leur travail à remplir des dossiers de demandes de financements, plutôt que d’effectuer la mission qui fonde leur engagement.
Cette situation contraint les associations à se tourner vers des financements privés, au détriment de leur cœur de mission. Ainsi, l’avis du Conseil économique social et environnemental de mai 2024 indique qu’« entre 2005 et 2020, la part des subventions a baissé de 41 % dans le budget des associations au profit de logiques marchandes » poussant les associations vers une gestionnarisation « qui dénature leur action et contribue à la perte de sens que beaucoup d’associatifs déplorent ». Notre modèle de financement ne peut aliéner à ce point nos associations dans une posture de prestataires privés qui ne respecte ni leur mission ni leurs équipes sans garantir l’efficacité de leur action.
En outre, les velléités de mise au pas du secteur associatif par le contrat d’engagement républicain et les coupes drastiques, comme l’illustre la récente politique budgétaire de la Région Pays de la Loire, menacent l’indépendance et l’action dans le temps long des associations.
Ces problématiques financières peuvent freiner l’activité des associations en France. En 2024, 489 associations ont fait l’objet d’une liquidation, soit +50 % par rapport à 2022. Ce nombre pourrait augmenter en 2025 puisque depuis le 1er janvier, 93 liquidations ont été constatées par le Mouvement associatif.
Pourtant, le modèle associatif est par essence non lucratif. Il ne peut être discriminant et augmenter indéfiniment les contributions des bénéficiaires ou sacrifier son indépendance par un recours sans limite au mécénat privé.
Une refonte durable du modèle de financement associatif est donc nécessaire. Elle doit être construite par et pour les acteurs concernés, en reconnaissant à la fois leurs difficultés financières et leur importance pour la mise en œuvre concrète des politiques publiques.
Il est possible de poser un nouveau cadre du financement des associations en France, un cadre qui respecte leur autonomie et reconnaît pleinement leur rôle essentiel : de renforcer la solidarité, d’animer les territoires, de contribuer aux missions du service public et d’entretenir le lien social.
C’est l’objet de cette proposition de résolution qui propose un Grenelle du financement des associations. En donnant la parole à l’ensemble des acteurs associatifs dans leur diversité, en lien avec le secteur privé et les pouvoirs publics, ce dispositif serait à même d’identifier des propositions susceptibles de garantir à long terme le financement des associations en France en encourageant leur activité et l’engagement de leurs bénévoles.
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proposition de RÉSOLUTION
Article unique
L’Assemblée nationale
Vu l’article 34‑1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946,
Vu la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association,
Vu la loi n° 2024‑344 du 15 avril 2024 visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative,
Considérant que les associations sont le premier outil de lien social et de cohésion nationale en France ;
Considérant que le financement des associations fait face à des difficultés conjoncturelles et structurelles ;
Considérant que l’État réduit ses financements aux associations tout en leur déléguant une part croissante de ses politiques publiques ;
Considérant l’effet nocif du contrat d’engagement républicain sur l’activité des associations et leur indépendance ;
Considérant que notre pays a besoin des associations alors que sa cohésion sociale se dégrade et la paupérisation de sa population augmente ;
Considérant l’enjeu de poser un nouveau cadre global de financement des associations qui soit construit avec elles, respectueux et en soutien de leur activité ;
Souligne la nécessité de soutenir les associations d’un point de vue financier, légal et politique et d’assurer la juste reconnaissance de leur action ;
Propose au Gouvernement de créer des états généraux du financement des associations et de leur rôle social comprenant toutes les dimensions de leur action et posant un nouveau cadre de financement du monde associatif pensé avec l’ensemble de ces acteurs ;
Invite le Gouvernement à effectuer une compensation intégrale de l’extension de la prime Ségur aux associations dont le personnel est concerné.