N° 487
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 octobre 2024
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2025
(n° 325)
PAR M. Yannick NEUDER
Rapporteur général, rapporteur pour les recettes, l’équilibre général et la branche maladie, Député
M. Guillaume FLORQUIN
Rapporteur pour la branche autonomie, Député
M. Louis BOYARD
Rapporteur pour la branche famille, Député
Mme Sandrine ROUSSEAU
Rapporteure pour la branche vieillesse, Députée
M. Jean-Carles GRELIER
Rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, Député
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TOME I
AVANT-PROPOS ET SYNTHÈSE
Voir les numéros : 325, 480.
SOMMAIRE
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Pages
Avant‑propos de M. Guillaume Florquin, rapporteur pour la branche autonomie
Avant‑propos de M. Louis Boyard, Rapporteur pour la branche famille
Avant-Propos de Mme Sandrine rousseau, rapporteure pour la branche vieillesse
Article 6 Réforme des allégements généraux de cotisations patronales
Article 8 Transferts financiers au sein des administrations de sécurité sociale
Article 9 Clarifier les modalités d’appel et de calcul des clauses de sauvegarde M et Z
Article 10 Compensation par l’État des pertes de recettes pour la sécurité sociale
Article 14 Approbation de l’annexe pluriannuelle dite « annexe A »
Article 15 Régulation des dépenses dans le champ conventionnel
Article 16 Extension du champ de l’accompagnement à la pertinence des prescriptions
Article 17 Améliorer l’efficience des dépenses de transports de patients
Article 18 Plafonnement des rémunérations des personnels non médicaux exerçant en intérim
Article 19 Lutter contre les pénuries de produits de santé
Article 20 Pertinence des dispositifs médicaux numériques pris en charge par l’assurance maladie
Article 23 Décalage de la revalorisation des prestations d’assurance vieillesse au 1er juillet
Article 26 Objectif de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès
Article 28 Objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles
Article 29 Objectif de dépenses de la branche vieillesse pour 2025
Article 30 Objectif de dépenses de la branche famille
Article 31 Objectifs de dépenses de la branche autonomie
Avant-propos de M. Yannick Neuder,
rapporteur gÉnÉral, RAPPORTEUR pour l’Équilibre gÉnÉral, les recettes et la branche maladie
Les conditions d’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 sont exceptionnelles à plus d’un titre.
● En premier lieu, car c’est la première fois depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale par la révision constitutionnelle du 22 février 1996 ([1]) que la date limite de dépôt du texte devant l’Assemblée nationale n’est pas respectée. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a été déposé le jeudi 10 octobre 2024 après délibération en Conseil des ministres, soit dix jours après l’expiration du délai fixé par les dispositions organiques du code de la sécurité sociale, lesquelles imposent que ce dépôt intervienne au plus tard le premier mardi d’octobre ([2]).
Les raisons d’un tel retard sont connues : les membres du Gouvernement de M. Michel Barnier n’ont été nommés que le 21 septembre 2024 ([3]), soit soixante‑huit jours après la démission du Gouvernement de M. Gabriel Attal. Il en résulte que le texte présenté à l’Assemblée nationale est le fruit d’un travail effectué en urgence sans que la représentation nationale ait eu le temps de le préparer. C’est une évidence qu’il ne servirait à rien de masquer.
● En deuxième lieu, car à cette urgence purement contingentée par des raisons politiques s’ajoute une urgence liée à la situation financière de la sécurité sociale. D’abord, l’exercice 2024 est marqué par un dérapage considérable des déficits. Selon les données du dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, le résultat négatif des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) s’établirait à 18 milliards d’euros en 2024, soit à un niveau aggravé de 7,5 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la dernière loi de financement de la sécurité sociale ([4]). Le rapporteur général s’étonne d’un tel écart à la prévision. Les branches maladie et vieillesse présenteraient des soldes déficitaires à hauteur de 14,6 milliards d’euros et de 5,4 milliards d’euros ([5]). Si aucune mesure de redressement n’était prise, le déficit se dégraderait de façon spectaculaire pour atteindre 28,4 milliards d’euros en 2025. C’est un étiage jamais atteint en dehors des épisodes de crises économique ou sanitaire.
Sur le plan financier, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 prévoit, dans sa version initiale, près de 12,5 milliards d’euros de mesures nouvelles en recettes (8,6 milliards d’euros) et en dépenses (4,9 milliards d’euros). L’adoption du texte conduirait donc à réduire le déficit à hauteur de 16 milliards d’euros en 2025.
Toutefois, et c’est le corollaire des conditions particulières de son élaboration, le projet de loi de financement qui est soumis à l’examen du Parlement contient des mesures auxquelles s’opposent la majorité des groupes composant l’Assemblée nationale. La plus emblématique d’entre elles, le décalage de la date de revalorisation des pensions de retraites du 1er janvier au 1er juillet de l’année prochaine (article 23), a même suscité l’opposition unanime des membres de la commission des affaires sociales.
● En troisième et dernier lieu, et c’est la suite logique des deux points exposés supra, car c’est la première fois de l’histoire des lois de financement de la sécurité sociale que l’article liminaire et l’ensemble des parties qui composent le projet de loi de financement sont successivement supprimés ou rejetés en commission, rendant donc inutile un vote sur l’ensemble du texte.
Qu’on ne se méprenne toutefois pas sur le sens de ce rejet : il ne s’agit pas pour la commission des affaires sociales de refuser de prendre ses responsabilités et de doter la France d’une loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, tant au contraire elle est viscéralement attachée à la préservation et même au renforcement des droits des assurés sociaux. D’ailleurs, le rejet de la deuxième partie portant sur les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l’année à venir traduit au contraire le refus exprimé par la majorité des députés de la commission d’accepter un texte au sein duquel avaient été votés plus de 60 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires sur les ménages et les entreprises par la seule conséquence d’une alliance entre les groupes de l’opposition. S’agissant du rejet de la troisième partie portant sur les dépenses pour l’année 2025, voté à l’unanimité des groupes, son objet est bien davantage de signifier au Gouvernement que le texte qu’il a soumis à l’Assemblée doit évoluer sur un certain nombre de grandes lignes.
Le rapporteur général ne saurait avoir la prétention de parler au nom de groupes auxquels il n’appartient pas. Qu’il lui soit toutefois permis d’exposer les axes qui devraient selon lui connaître des modifications afin qu’un texte puisse être adopté au Parlement.
● D’une part, les retraités ne doivent pas être la variable d’ajustement budgétaire des comptes sociaux. Le décalage de la date annuelle de revalorisation des pensions de retraite du 1er janvier au 1er juillet aurait pour conséquence d’engendrer 3 milliards d’euros d’économies supplémentaires pour la sécurité sociale et 1 milliard d’euros pour l’État. Le rapporteur général refuse qu’un tel effort soit imposé aux retraités. C’est la raison pour laquelle, comme nombre de ses collègues, il a déposé un amendement de suppression de l’article 23, lequel a été adopté à l’unanimité par la commission.
D’autre part, la hausse du taux de cotisation des employeurs territoriaux et hospitaliers à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales (CNRACL) de 4 points par an entre 2025 et 2027 ne doit pas amputer la capacité des collectivités territoriales et des hôpitaux à mener les missions qui sont les leurs. S’agissant des établissements de santé, cette hausse du taux de cotisation se traduit par des dépenses supplémentaires estimées à 1,1 milliard d’euros dès 2025. Or cette charge contrainte supplémentaire est intégrée dans le sous-objectif de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) relatif aux établissements de santé. Affiché en hausse de 3,3 milliards d’euros (soit 3,1 %), il n’est donc en réalité que de 2,2 milliards d’euros (soit 2,1 %). En prenant en compte l’inflation attendue à 1,8 % en 2025, l’on constate donc que l’Ondam hospitalier n’augmente presque pas en termes réels. Cela n’est pas acceptable compte tenu des besoins auxquels notre système de santé et nos hôpitaux en première ligne font face. Le rapporteur général souhaite donc affirmer clairement, comme il a eu l’occasion de le faire à plusieurs reprises lors des débats, qu’il est indispensable que la hausse des cotisations à la CNRACL soit neutralisée par une augmentation de l’Ondam hospitalier à un niveau au moins égal aux dépenses supplémentaires qu’elle fait peser sur les hôpitaux. Demandée par l’ensemble des fédérations hospitalières, cette compensation est un préalable absolu pour que ne soit pas obérée la marge de manœuvre des établissements non seulement pour investir dans des outils et des techniques innovants, mais pour assurer une qualité des soins partout sur le territoire, alors que les tensions en personnel sont déjà grandes et que les Françaises et les Français ont pu constater une nouvelle fois lors de l’été 2024 que nombre de services d’urgence devaient fermer.
Aussi, pour des motifs analogues à ceux ayant quelques jours plus tôt motivé le rejet de la rectification de l’Ondam pour l’année en cours ([6]), la commission a donc supprimé l’article 27, portant fixation de l’Ondam pour 2025.
Un autre sujet de préoccupation concerne la refonte des allégements généraux de cotisations prévue à l’article 6. Plusieurs rapports récents ont mis en lumière les effets pervers provoqués par l’architecture actuelle de ces allégements. La sédimentation de trois dispositifs tantôt dégressifs – la réduction dégressive sur les salaires compris entre 1 et 1,6 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) – et tantôt forfaitaires – les réductions de cotisations d’assurance maladie et d’allocations familiales sur les salaires respectivement inférieurs à environ 2,4 fois le Smic et 3,4 fois le Smic dits « bandeaux maladie et famille » ([7]) – provoque des effets de seuil susceptibles d’alimenter des phénomènes de trappes à bas salaires. Missionnés par Mme Élisabeth Borne, alors Première ministre, les économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer ont remis un rapport très riche visant à refondre complètement ces dispositifs au profit d’un mécanisme unique entièrement dégressif et portant sur les salaires inférieurs à 2,5 fois le Smic ([8]). Leur proposition, conçue à coût constant pour les finances publiques, était calibrée de façon à inciter à la hausse des salaires tout en assurant un effet positif sur l’emploi total. Le dispositif retenu par le Gouvernement dans le projet de loi de financement repose sur un choix différent puisqu’il ajoute à cet objectif de « désmicardisation », un objectif d’économies de l’ordre de 4 milliards d’euros, net des pertes pour l’État au titre de l’impôt sur les sociétés, puisque les cotisations sociales fragilisent les bénéfices.
Le rapporteur général l’a évoqué, l’objectif de redressement des finances publiques peut justifier ce choix de cibler un dispositif dont le coût a fortement progressé depuis 2020 (78,4 milliards d’euros en 2024, soit près de 20 milliards d’euros d’augmentation en quatre ans) sous l’effet des revalorisations successives du Smic dans un contexte de forte inflation. Pour autant, la commission a estimé que le dispositif présenté n’était pas suffisamment équilibré et que, en tout état de cause, les simulations fournies ne permettaient pas d’apprécier avec suffisamment de précision l’incidence d’une telle réforme sur l’emploi et sur les différents secteurs d’activité. C’est la raison pour laquelle la commission a voté la suppression de l’article 6 afin que puisse être proposée une alternative plus acceptable pour son examen en séance publique
● Ce texte comporte toutefois de véritables avancées pour un certain nombre de nos concitoyens. Il pérennise le dispositif d’exonération pour l’embauche, dans le secteur agricole, de travailleurs occasionnels et de demandeurs d’emploi (TO‑DE), c’est-à-dire de saisonniers, en même temps qu’il l’étend aux salaires compris entre 1,2 et 1,25 fois le Smic (article 4). Il autorise le cumul de l’exonération de cotisations sociales dont bénéficient les jeunes agriculteurs avec les taux réduits de cotisations d’assurance maladie et d’allocations familiales réservés aux travailleurs indépendants (article 5). Ces deux mesures complètent les réponses apportées aux revendications légitimes exprimées il y a quelques mois par les exploitants et des salariés agricoles. Le plein soutien du rapporteur général leur est acquis et il s’est d’ailleurs prononcé en faveur d’une extension des entreprises éligibles à l’exonération dite TO-DE.
S’agissant de l’assurance maladie, le projet de loi de financement comporte plusieurs mesures visant surtout à mieux réguler et renforcer la pertinence des dépenses de santé. Il prévoit ainsi des dispositifs permettant de réguler les dépenses dans le champ conventionnel, en particulier pour les secteurs de la biologie médicale et de l’imagerie (article 15), de rationaliser l’efficience des dépenses de transports sanitaires (article 17) ou de plafonner les rémunérations des personnels non médicaux exerçant en intérim (article 18).
S’agissant des articles relevant des autres branches de la sécurité sociale, le rapporteur général retient plus spécifiquement l’article 22, qui concrétise la loi « Dive » du 18 février 2023 pour permettre, dès 2028 avec effet rétroactif au 1er janvier 2026, d’aligner le mode de calcul des pensions de retraites agricoles sur les règles applicables aux indépendants, à savoir un calcul sur les vingt‑cinq meilleures années ([9]) ; fruit d’un paritarisme exigeant, l’article 24 enfin réaffirme la dualité de la réparation servie par la rente ou l’indemnité en capital perçue par la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (AT-MP) dont l’incapacité est permanente, tout en clarifiant la répartition des sommes en tout état de cause à la charge de la sécurité sociale et de celles le cas échéant mis aux dépens de l’employeur lorsque le juge judiciaire le condamne pour faute inexcusable.
● De nombreuses autres mesures ont été adoptées par la commission avant que le texte ne soit rejeté dans sa globalité. Aussi ne s’agit‑il pas ici d’en dresser la liste exhaustive mais d’insister sur certaines d’entre elles qui revêtent, aux yeux du rapporteur général, une importance particulière.
À l’initiative du rapporteur général, la commission a adopté un amendement visant à réactiver et pérenniser le dispositif d’exonérations de cotisations d’assurance vieillesse dont avaient pu bénéficier, en 2023, les médecins retraités qui avaient repris une activité ([10]). Ce levier apparaît particulièrement déterminant pour inciter nos médecins retraités à reprendre du service alors que la désertification médicale est l’un des enjeux les plus cruciaux auxquels fait face notre système de santé.
Sur le plan de la santé publique, des amendements de plusieurs groupes ont été adoptés afin de renforcer la fiscalité comportementale, par la création d’une contribution sur les produits alimentaires contenant des sucres ajoutés ([11]) et la réforme du barème de la taxe sur les sodas ([12]), afin de renforcer l’arsenal de la lutte contre la malbouffe et l’obésité.
Dans le champ du médicament, la commission a voté des amendements autorisant les laboratoires à pratiquer des remises sur les achats de spécialités biosimilaires et hybrides par les pharmaciens dans le but de favoriser leur substitution à ceux utilisant les molécules de référence ([13]).
Le rapporteur général a également fait adopter un amendement ([14]) permettant d’avancer l’entrée en vigueur de la réforme du financement au forfait de la radiothérapie votée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 ([15]), un amendement instaurant une expérimentation du dépistage du cancer broncho-pulmonaire par scanner volumique de faible dose auprès des populations à risque ([16]) et un amendement inspiré des revues de dépenses effectuées par les inspections générales des affaires sociales et des finances au sujet des affections de longue durée (ALD) pour inciter les médecins à mieux respecter les règles régissant l’ordonnancier bizone pour les personnes en ALD ([17]).
Loin de n’avoir été qu’un lieu d’opposition au projet qui lui était soumis, la commission a donc été force de proposition pour améliorer un texte qui lui semblait manquer d’ambition. Bien que ce dernier ait finalement été rejeté, ces propositions feront bien évidemment l’objet d’amendements pour la séance publique.
● Le projet de loi de financement constitue un outil évidemment essentiel pour le pilotage des finances sociales. La façon dont il a été pensé et plusieurs fois réformé n’en fait pas pour autant un outil suffisant pour répondre aux enjeux contemporains de la sécurité sociale. Ainsi un certain nombre de réformes n’entrent‑elles pas dans son périmètre alors qu’elles seraient susceptibles d’avoir des effets vertueux, y compris sur le plan financier.
À titre d’exemple, le rapporteur général aurait souhaité que la commission puisse se prononcer sur l’instauration d’un jour de carence obligatoire, sans indemnisation de l’employeur en cas d’arrêt de travail et sans possibilité pour une convention collective d’en permettre le rachat mais cela relève du droit du travail et de la fonction publique. Combinée à une auto‑déclaration pour les arrêts courts, une telle mesure aurait certainement eu des effets notables sur le nombre de jours d’arrêts de travail prescrits avec des répercussions manifestes sur le montant des indemnités journalières versées par l’assurance maladie. Le Gouvernement a plutôt souhaité agir sur le plafonnement de ces dernières à hauteur de 1,4 fois le Smic au lieu de 1,8 fois ce montant. Contrairement à cette proposition, celle formulée par le rapporteur général responsabilise les assurés, libère du temps médical, allège la dépense de la sécurité sociale et n’augmente ni celle des employeurs ni celle des complémentaires.
Le rapporteur général aurait également voulu qu’un travail d’évaluation puisse être mené au sujet des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) afin d’en mesurer la pertinence et d’identifier d’éventuelles solutions alternatives et moins coûteuses en matière d’organisation des soins.
Enfin, le rapporteur général espérait pouvoir évoquer les questions de modernisation et de revalorisation de la profession infirmière, le précédent Gouvernement n’ayant pas pu concrétiser sa réforme du « métier socle » tant attendue par la profession. Tout cela fera l’objet de chantiers à venir.
● Pour conclure, le rapporteur général appelle de ses vœux à un véritable choc de prévention. Notre système de soins est encore trop dépendant d’une logique curative qui a le double inconvénient d’être moins efficace en matière de santé tout en étant très coûteux. Comme cela a été évoqué précédemment, certaines mesures ont été esquissées lors des débats en commission. Nous ne pouvons toutefois plus nous contenter d’une sédimentation de dispositifs accumulés loi de financement après loi de financement. Il nous faut nous doter d’une véritable stratégie de long terme.
Puisqu’une telle stratégie doit avoir la légitimité des urnes, le rapporteur général plaide depuis longtemps pour l’instauration d’une loi pluriannuelle de programmation pour la santé, laquelle pourrait être déclinée dans les lois de financement successives avec, sur le modèle des lois de programmation des finances publiques, un compteur des écarts entre les objectifs fixés par la loi de programmation et les résultats constatés. Certes les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss) annexés au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) retracent de tels objectifs, mais ceux‑ci n’ont pas fait l’objet d’une validation par le Parlement, à la différence des objectifs et indicateurs de performance qui accompagnent les programmes de la loi de finances. Le rapporteur général a la conviction qu’il y a là le chaînon manquant d’une politique de santé véritablement ambitieuse, à même de créer l’adhésion nécessaire de l’ensemble des acteurs au profit de l’amélioration de la santé de tous nos concitoyens.
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Avant‑propos de M. Guillaume Florquin,
rapporteur pour la branche autonomie
Si les politiques du grand âge et du handicap existent depuis de nombreuses années, leur réunion et leur articulation au sein d’un champ unifié restent relativement récentes. Un premier effort a été réalisé en 2004 avec la création de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), qui rassemblait au sein d’une même structure les moyens mobilisés en soutien à l’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, ainsi qu’une partie des dépenses de soins qui leur sont consacrées.
Confrontés à l’évolution des attentes des citoyens français, à la fois en matière de grand âge, mais aussi de handicap, les pouvoirs publics ont été forcés de s’attaquer à la question du financement des politiques de l’autonomie. Il s’agit en effet de répondre à une double problématique. D’une part, l’inclusion des personnes handicapées constitue, encore aujourd’hui un défi alors même que le handicap concerne 14 % de la population adulte, soit 7,6 millions de personnes, et un peu plus de 5 % des enfants de moins de 14 ans. D’autre part, le vieillissement de la population française laisse craindre un « mur » démographique qui ne pourra être surmonté sereinement sans une réforme structurelle de la prise en charge de la perte d’autonomie, tant à domicile qu’en établissement : en 2023, on comptait ainsi 2,6 millions de personnes âgées dépendantes ; elles seront 3 millions en 2030, et 3,5 millions en 2040. De plus, en 2040, plus d’un million d’entre elles présenteraient une dépendance lourde, nécessitant une prise en charge en établissement.
La création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, la branche autonomie, a constitué une avancée majeure en réponse à ces deux grands défis. Elle traduisait ainsi l’évolution de la conception de la prise en charge des personnes confrontées à la perte d’autonomie, non plus seulement dans le secteur sanitaire et médico-social, mais dans une approche plus globale de la qualité de vie. Surtout, la création de la branche a permis de conférer des moyens plus importants aux politiques de l’autonomie, désormais pilotées par la CNSA.
Pour autant, ces moyens restent insuffisants et le secteur médico-social français semble plus fragile que jamais à l’heure d’affronter des défis de grande ampleur. À cet égard, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 ne prévoit aucune mesure structurante ni de moyens suffisamment conséquents pour adapter la société française au vieillissement et favoriser l’inclusion des personnes handicapées.
● Le PLFSS 2025 fixe l’objectif de dépenses de la branche autonomie à 42,4 milliards d’euros, soit une hausse de 2,4 milliards d’euros par rapport à l’objectif de dépenses prévu par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024.
Cette progression des dépenses résulte principalement de la croissance tendancielle des dépenses couvertes par les objectifs globaux de dépenses, des dépenses liées à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et des dépenses de transfert aux départements, pour un montant total de 1,6 milliard d’euros. Les mesures nouvelles concourent quant à elles à l’augmentation des dépenses pour près de 900 millions d’euros, dont des mesures de revalorisations salariales et des recrutements supplémentaires dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), ainsi que le financement des surcoûts liés à l’expérimentation de la fusion des sections tarifaires « soins » et « dépendance » dans les départements volontaires.
L’augmentation des dépenses de la branche autonomie n’est néanmoins pas entièrement couverte par une hausse de ces recettes, puisque le PLFSS 2025 prévoit que le solde de la branche s’établisse à – 0,4 milliard d’euros, le bénéfice du transfert réalisé en LFSS 2024 de recettes de CSG (+ 2,6 milliards d’euros) ayant ainsi été largement consommé en l’espace de deux ans.
Le rapporteur s’interroge par ailleurs sur l’absence de dégel de la réserve de précaution de la branche autonomie pour 2024. Son montant, situé autour de 130 millions d’euros, pourrait constituer un coup de pouce bien venu pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux. Or, il semblerait que, comme chaque année, la réserve prudentielle de la CNSA soit employée à tenter de limiter le déficit de la branche maladie.
● Le PLFSS 2025 prévoit une seule mesure dans le champ de l’autonomie, à son article 21. Cet article porte des modifications paramétriques de l’expérimentation de la réforme du financement des Ehpad prévue par la LFSS 2024. Cette réforme vise à répondre à l’augmentation des coûts de fonctionnement de ces établissements, à la fois conjoncturelle en lien avec l’inflation constatée ces trois dernières années et les mesures de revalorisations salariales intervenues dans le secteur, mais aussi structurelle du fait de l’évolution du profil des résidents, de plus en plus âgés et de plus en plus dépendants.
Le rapporteur pour la branche autonomie est favorable à cette expérimentation. La fusion des sections « soins » et « dépendance » et le transfert de leur financement à la seule CNSA, par l’intermédiaire des agences régionales de santé, doit permettre d’assurer une évolution des moyens des Ehpad à hauteur des besoins des résidents. Sa généralisation, à terme, devrait donc s’avérer positive tant pour les départements qui pourront recentrer leur action sur l’aide et les soins à domicile, sans renoncer au pilotage de l’offre d’établissements sur leur territoire, que pour les établissements eux-mêmes, pour qui les disparités territoriales en termes de financement devraient se réduire.
Malgré une progression des moyens alloués à la branche, et une mesure expérimentale plutôt encourageante, le PLFSS 2025 reste décevant au regard des besoins du secteur de l’autonomie.
Le rapporteur a entamé son cycle d’auditions en entendant les représentants du secteur des Ehpad. Le constat est unanime, quel que soit le statut juridique des établissements : leur situation financière est très préoccupante. L’annexe 6 du PLFSS fait état de 54,7 % des Ehpad déficitaires en 2022, en progression de 15 points par rapport à 2021. Les échanges que le rapporteur a menés avec les acteurs du secteur laissent à penser que plus de 60 % d’entre eux seraient déficitaires en 2023, et près de 80 % en 2024.
En premier lieu, ces difficultés budgétaires résultent d’une part des revalorisations salariales qui ont été approuvées par l’État dans le cadre du Ségur de la santé et des accords collectifs qui ont suivi, sans pour autant avoir été entièrement financées par la sécurité sociale. Les départements, malgré les compensations partielles versées par la CNSA, n’ont pas tous été en mesure de couvrir l’évolution des coûts de fonctionnement des établissements – qu’il s’agisse des Ehpad ou des autres établissements médico-sociaux accueillant des personnes handicapées – et les structures ont été amenées à financer ces revalorisations sur leurs fonds propres. En second lieu, l’aggravation de la situation financière des Ehpad s’explique également par l’inflation des trois dernières années, notamment sur les prix de l’énergie et des denrées alimentaires, qui n’a pas été compensée par une progression des dotations des établissements de la même ampleur, en particulier en ce qui concerne les sections dépendance et hébergement.
L’accumulation et la progression de ces déficits sont inquiétantes, alors même que les établissements font face à des difficultés de recrutement de plus en plus importantes. Confrontés au manque de personnels, les gestionnaires sont obligés de recourir de manière massive à l’intérim, qui engendre des coûts plus élevés tout en empêchant la construction de vrais collectifs de travail.
À terme, la généralisation de la réforme du financement des Ehpad pourrait permettre de répondre à certaines difficultés : des moyens plus stables, et indexés sur l’évolution des coûts et moins de disparités territoriales selon les départements. Toutefois, restera la question du forfait hébergement, et donc celle du reste à charge pour les résidents, notamment les plus modestes. Cette question du reste à charge n’a, par ailleurs, pas encore été véritablement traitée par les pouvoirs publics, qui se réfugient derrière l’existence de l’aide sociale à l’hébergement (ASH). Or, aujourd’hui, le montant de l’ASH ne couvre pas le coût réel de l’hébergement pour l’Ehpad, ce qui contribue à en accentuer les difficultés financières. De plus, dans un même département, le montant de l’ASH est le même alors que les besoins de la population et les moyens des établissements peuvent être différents.
Les Ehpad ont besoin d’une réforme plus structurelle, qui leur permette de se préparer à faire face au mur de la dépendance. La prise en charge de personnes âgées très dépendantes, avec une prévalence de plus en plus importante des troubles neurodégénératifs, exige une adaptation des locaux et de la prise en charge des résidents qui doit être engagée dès aujourd’hui. De nombreux chantiers restent donc à mener, et ce PLFSS est loin de s’y atteler.
Ces dernières années, le Gouvernement a affirmé avoir amorcé le « virage domiciliaire ». Cela correspond au souhait des personnes âgées en perte d’autonomie, comme à celui des personnes en situation de handicap, de pouvoir rester à domicile, grâce à des solutions adaptées à leurs besoins, plutôt que d’entrer en établissement médico-social.
Malheureusement, et malgré l’affichage politique, ce virage domiciliaire n’a pas réellement été engagé. Certes, des réformes ont été entamées pour restructurer le secteur et répondre aux besoins des publics concernés sur l’ensemble du territoire. C’est le cas des services autonomie à domicile, qui doivent, à terme, remplacer l’ensemble des services d’aides et des services de soins, aujourd’hui séparés, pour constituer une forme de guichet unique pour les usagers.
C’est une réforme souhaitable, mais dont l’entrée en vigueur a été reportée à plusieurs reprises, et qui reste donc, à ce jour, inaboutie. Les services d’aide à domicile se heurtent souvent au refus des départements de les autoriser à intervenir en matière de soins. Toutes les fédérations rencontrées ont mis en avant un manque d’accompagnement de la part des autorités territoriales compétentes, parfois les agences régionales de santé, parfois les conseils départementaux. Le manque de pilotage d’une réforme aussi structurante est regrettable.
De plus, comme les Ehpad, le secteur du domicile est confronté à une situation financière très dégradée, et à des difficultés de recrutement majeures. En effet, de nombreux départements n’ont pas accompagné financièrement les revalorisations salariales intervenues au niveau de la branche. Les fédérations, en tant qu’employeurs, ont été contraintes de financer ces hausses de salaires, pourtant bienvenues, sur leurs fonds propres. Le retard pris dans le financement des mesures du Ségur et des accords collectifs ayant suivi a accentué les difficultés d’un secteur déjà en crise. Les départements ont d’ores et déjà annoncé refuser de financer l’extension du Ségur pour tous, faute d’accompagnement suffisant de la part de l’État.
Parmi les acteurs rencontrés, nombreux sont ceux qui ont alerté le rapporteur sur la survie à court terme de leurs services, faute de personnels et de moyens suffisants. Le rapporteur ne peut que constater que le PLFSS 2025 ne répond aucunement à ce cri d’alarme.
Enfin, le rapporteur souhaite rappeler le rôle très important que jouent les infirmiers libéraux dans la politique nationale de santé en faveur du maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie, des personnes en situation de handicap, ou encore des personnes souffrant de maladies graves ou chroniques. Face aux déserts médicaux et au manque de médecins, la question de leur rémunération et des actes qu’ils sont autorisés à accomplir sans prescription médicale doit être pleinement posée.
Lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) au printemps 2023, le Président de la République a annoncé le remboursement intégral de tous les fauteuils roulants dès 2025. Il s’agit d’une demande forte et ancienne du secteur du handicap. Une enveloppe avait été annoncée en LFSS 2024, et des négociations avaient été engagées par les services du ministère de la santé avec les fabricants. Les associations engagées dans le secteur s’étaient rapidement inquiétées d’une insuffisance des moyens alloués – autour de 300 millions d’euros – et du risque de voir certains modèles de fauteuils non remboursés, voire dé-remboursés par rapport au financement dont ils bénéficiaient à l’heure actuelle.
Or, depuis la dissolution de l’Assemblée nationale le 7 juin dernier, les négociations sont au point mort, et aucune nouvelle annonce n’est intervenue en ce sens. Les personnes à mobilité réduite semblent donc avoir été oubliées de ce PLFSS... Cette situation est regrettable, alors même que d’autres chantiers majeurs devraient être engagés concernant les dispositifs médicaux nécessaires aux personnes en situation de handicap, notamment certaines prothèses médicales techniques, qui coûtent extrêmement cher et qui doivent être très régulièrement renouvelées.
Concernant le plan « 50 000 solutions » pour les personnes en situation de handicap, son contenu reste encore flou. Qu’entend-on par « solutions » exactement ? Il est très difficile, au regard des annexes du PLFSS, de comprendre concrètement ce que viennent financer les moyens mobilisés. Le rapporteur souhaite rappeler que la nécessaire augmentation des moyens alloués à la branche autonomie doit aussi bénéficier aux personnes en situation de handicap, qu’elles soient accueillies en établissement médico-social ou qu’elles bénéficient d’aides et de soins à domicile.
Celles-ci doivent pouvoir être prises en charge en France, sur leur territoire de résidence, et sans être contraintes de se rendre dans d’autres pays, notamment la Belgique, pour bénéficier de l’accompagnement dont elles ont besoin. En 2023, plus de 8 000 Français – adultes et enfants – en situation de handicap étaient ainsi accueillis dans des établissements belges, malgré la création de 2 500 solutions de prise en charge sur notre territoire, dans le cadre du plan de prévention des départs non souhaités en Belgique de 2020. Lors de la Conférence nationale du handicap, la création de 1 000 solutions supplémentaires dans les départements du nord de la France avait été annoncée par le président de la République. Il est néanmoins difficile de mesurer le niveau de réalisation de cette promesse
Enfin, le rapporteur juge qu’une réforme de la prestation de compensation du handicap (PCH) et de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) est indispensable pour réellement concevoir des politiques de l’autonomie unifiées et adaptées à l’évolution des besoins des usagers tout au long de leur vie. En effet, la barrière d’âge de 60 ans rend obligatoire le basculement, pour une personne handicapée vieillissante du régime de la PCH à celui de l’APA, alors même que ces deux prestations existent pour répondre à deux types de situations, et financent des solutions à des problématiques différentes. Une revalorisation de ces prestations, et la suppression de la barrière d’âge pour empêcher toute rupture de prise en charge, apparaissent donc nécessaires.
Cette même barrière d’âge pose également d’importantes difficultés aux personnes handicapées accueillies en établissement médico-social au cours de leur vie : passé 60 ans, elles ne peuvent plus résider dans les foyers de vie adaptés aux personnes en situation de handicap, et doivent donc se tourner vers des Ehpad. Or, ces derniers ne proposent pas systématiquement une offre tenant compte des problématiques spécifiques que rencontrent les personnes handicapées vieillissantes, qui sont différentes de celles des personnes âgées valides en perte d’autonomie. En particulier, l’absence de personnel spécialisé ou formé à ces questions rend l’accueil des personnes en situation de handicap plus complexe en Ehpad.
Enfin, le rapporteur souhaite souligner le soutien toujours insuffisant apporté aux proches aidants, sur qui repose pourtant la prise en charge des personnes malades, des personnes handicapées, et des personnes âgées vieillissantes.
Si l’élaboration d’une stratégie nationale « Agir pour les aidants » a constitué une avancée non négligeable ces dernières années, l’accompagnement des aidants reste encore peu ambitieux. D’abord, il n’existe pas de définition unique et donc de régime juridique cohérent applicable aux aidants : selon que la personne aidée souffre d’une maladie grave, soit porteuse de handicap, ou soit en perte d’autonomie du fait de son âge, ses proches aidants ne bénéficient pas de la même reconnaissance, des mêmes droits et in fine du même accompagnement. L’unification du régime juridique autour de l’action de l’aidant plutôt que du profil pathologique de la personne aidée constituerait un progrès majeur.
De plus, il est aujourd’hui difficilement acceptable d’ouvrir des droits à congé pour les aidants, opposables à l’employeur, sans que la durée d’indemnisation ne couvre l’intégralité du congé. Le rapporteur a pu constater qu’avant même de revendiquer une revalorisation de l’allocation journalière du proche aidant, les associations représentatives demandaient d’abord l’alignement de sa durée sur celle du congé.
Le système français de prise en charge des patients gravement malades, des personnes handicapées ou des personnes âgées dépendantes tient grâce aux proches aidants. Ils sont le rouage essentiel des politiques d’autonomie, puisque ce sont eux qui permettent le maintien de leurs proches à domicile et qui s’assurent du suivi des démarches administratives et médicales nécessaires à la protection de la santé et du bien-être de la personne aidée.
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Avant‑propos de M. Louis Boyard,
Rapporteur pour la branche famille
Comme trop souvent, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 ne contient aucune mesure en faveur de la politique familiale.
Il y a, bien sûr, l’article 30, qui fixe l’objectif de dépenses de la branche famille à 59,7 milliards d’euros en 2025. L’annexe en fin de texte consacre quant à elle six lignes à la branche famille pour nous indiquer que son excédent « devrait se réduire en 2024 de plus de moitié, à 0,4 milliard d’euros, en lien avec la montée en charge des objectifs poursuivis en matière de petite enfance, et de nouveau en 2025 avec la réforme du complément mode de garde ». En tant que parlementaires, nous voilà bien informés !
Pourtant, il y en aurait des choses à dire sur la branche famille, et des réformes à proposer. Les familles françaises, les parents comme les enfants, méritent mieux que les mots : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » que nous opposent régulièrement la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et son ministère de tutelle.
D’abord, parce que la branche famille est censée répondre au « risque » que constitue la naissance d’un ou plusieurs enfants pour un ménage. Ce risque, c’est celui de la précarité, de la difficulté à faire face aux charges de famille, ou tout du moins à assumer, financièrement, les dépenses nouvelles et importantes qu’engendrent la naissance et l’éducation d’un enfant.
Ensuite, parce que la politique familiale s’adresse à des publics vulnérables. C’est le cas des jeunes enfants, de leur naissance jusqu’à leurs trois ans. C’est la branche famille qui finance les congés postnataux dont bénéficient leurs parents ainsi que les modes d’accueil qui leur sont consacrés – assistante maternelle ou crèche. En conséquence, la politique familiale s’adresse aussi aux jeunes mères et aux jeunes pères, qui ont besoin, à l’arrivée d’un enfant, de temps pour en prendre soin, et d’accompagnement pour apprendre à devenir parent.
La vulnérabilité des familles ne cesse toutefois pas lorsque l’enfant atteint l’âge de trois 3 ans et prend le chemin de l’école. Les prestations familiales viennent répondre à cet enjeu : l’éducation d’un enfant génère des dépenses supplémentaires pour tout ménage. C’est le rôle de la sécurité sociale que de les soutenir, grâce au versement d’une compensation de leurs charges de famille.
Face à ces constats, le rapporteur de la branche famille de la sécurité sociale s’étonne que le PLFSS 2025 ne propose aucune mesure en matière de politique familiale, car les auditions qu’il a menées – en l’absence de texte – lui ont montré à quel point de nombreuses réformes étaient nécessaires.
« Circulez, il n’y a rien à voir ! » dans un secteur qui a connu, en un peu plus de deux ans, le meurtre d’une petite fille dans une crèche, suivi d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) publié en juin 2023 ([18]), de deux enquêtes journalistiques publiées en septembre 2023 ([19]), d’une commission d’enquête parlementaire ayant rendu son rapport en mai 2024 ([20]), puis d’une nouvelle enquête journalistique publiée en septembre 2024 ([21]). Impossible de ne pas voir l’absolue nécessité de réformer le secteur des crèches
Avant le début des années 2000, les crèches relevaient quasi exclusivement de la compétence des communes et de quelques associations. En 2003, lors de la Conférence de la famille, le Gouvernement fait le choix, en concertation avec le conseil d’administration de la Caisse nationale des associations familiales (Cnaf), d’ouvrir le secteur des crèches aux acteurs privés lucratifs. L’ambition affichée était alors de permettre la création massive de nouvelles places d’accueil pour les enfants.
L’apparition d’un secteur marchand dans le domaine de la petite enfance s’accompagne de la mise en place d’un système de financement visant à favoriser l’émergence d’un modèle économique pérenne et rentable. Il est d’abord acté de permettre l’accès des acteurs privés lucratifs aux subventions publiques versées par la Cnaf.
Apparaît ainsi la prestation de service unique (PSU). Son principe est simple : afin d’encourager les établissements d’accueil du jeune enfant à prendre en charge tous les enfants, quel que soit le niveau de revenus de leurs parents, la branche famille complète les participations familiales, dont le montant dépend des ressources du ménage, dans la limite de 66 % du coût de revient horaire. Ainsi, à l’image de vases communicants, la structure perçoit toujours le même niveau de financement, que le tarif payé par la famille soit très faible ou très élevé, grâce à l’intervention de la branche famille.
À la même époque, les aides à l’investissement deviennent accessibles au secteur marchand. Ces dernières permettent de prendre en charge jusqu’à 80 % du coût de création d’une place d’accueil. Pratique, lorsque le secteur privé lucratif souhaite se développer rapidement
Toujours dans les années 2000, le Gouvernement crée les micro-crèches, des structures habilitées à recevoir une dizaine d’enfants tout au plus, financées de manière plus souple que les crèches traditionnelles afin d’encourager leur installation en milieu. Ainsi, ce sont les parents qui financent en totalité le coût d’accueil de leur enfant. Ils bénéficient, a posteriori, du complément de libre choix de mode de garde (CMG) dit « structure », l’une des prestations qui composent la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje), qui vise à les solvabiliser.
Enfin, le secteur privé lucratif n’aurait pas pu se développer sans la création du crédit d’impôt famille (Cifam), qui constitue une dépense fiscale imputable au budget de l’État. En effet, dans la mesure où les participations familiales et la PSU ne peuvent couvrir, au maximum, que 66 % du coût horaire de fonctionnement, toute crèche a nécessairement besoin d’un tiers financeur. Dans les secteurs public et associatif, les communes sont le tiers financeur naturel des crèches, soit par une gestion directe en régie, soit par l’intermédiaire de subventions de fonctionnement annuelles. Pour les crèches commerciales, la question du tiers financement était moins évidente à résoudre : elles ont pu s’appuyer sur les communes dans le cadre des délégations de service public, mais leur interlocuteur spontané s’est trouvé être l’employeur des parents des enfants accueillis.
Le Cifam vient encourager les entreprises qui emploient des parents de jeunes enfants à financer le fonctionnement des crèches, afin de faciliter la conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle de leurs salariés. Le Cifam prend en charge 50 % des dépenses engagées par l’entreprise pour réserver des places en crèche au bénéfice des enfants de ses salariés. De plus, ces dépenses sont également déductibles du résultat fiscal de l’entreprise : cela permet de générer une économie supplémentaire pour l’entreprise à hauteur du taux de l’impôt sur les sociétés, soit 25 % en 2024. Au total, grâce au Cifam et à la déduction fiscale qui lui est associée, les entreprises qui réservent des berceaux dans des crèches voient les dépenses qui en résultent prises en charge à hauteur de 75 % par l’État.
C’est ce dispositif qui a permis aux crèches du secteur privé lucratif de construire un modèle économique pérenne et rentable. Pour financer leurs établissements, les crèches commerciales ont mis en place un large système de démarchage des entreprises, auxquelles elles vendent des berceaux à des prix allant parfois jusqu’au double du coût réel annuel, puisque les marges ainsi réalisées sont prises en charge à hauteur de 75 % par l’État.
Grâce aux aides à l’investissement et au Cifam, quatre grandes entreprises de crèches ont ainsi pu émerger : Babilou, People and Baby, Les Petits Chaperons Rouges et La Maison Bleue. La croissance qu’elles ont connue en France leur a ensuite permis de se développer à l’international, et d’attirer, au sein de leur capital, des fonds d’investissement, jusqu’à la Banque publique d’investissement (BPI France).
Le rapporteur pour la branche famille est donc favorable à la suppression du Cifam, celui-ci ayant non seulement un effet inflationniste sur le prix des places de crèches, tout en générant des inégalités dans l’attribution de ces places aux familles, et enfin parce qu’il constitue un surfinancement public inefficace. Le rapporteur estime donc urgent d’entamer la réorientation des moyens consacrés au secteur privé lucratif vers l’ouverture de places dans le secteur public et ce, en commençant par la suppression de ce crédit d’impôt.
Depuis plus de vingt ans, les pouvoirs publics cherchent, par tous moyens, à créer des places de crèches. Néanmoins, très vite, le problème se pose de l’insuffisance de professionnelles de la petite enfance – car ce sont en grande majorité des femmes – pourtant absolument essentielles à un accueil de qualité pour les enfants. Face aux difficultés de recrutement, la solution a été la dérégulation, avec la diminution des ratios d’encadrement et des exigences de qualification.
Les micro-crèches, que le secteur privé lucratif investit fortement à compter de 2010, sont tout particulièrement concernées par cet assouplissement des normes. Moins de professionnelles, des personnels moins qualifiés, ce sont des coûts de fonctionnement moins élevés
Toutefois, la pénurie alimente la pénurie. C’est un cercle vicieux que la dérégulation accentue toujours : face aux difficultés de recrutement, on réduit les exigences de qualification et on assouplit les ratios d’encadrement. De manière automatique, les conditions de travail se dégradent pour les professionnelles, qui doivent gérer toujours autant d’enfants. Elles sont alors de plus en plus nombreuses à jeter l’éponge, dans un contexte où la valeur sociale de leur travail ne se traduit aucunement dans leur rémunération, et où la pénibilité de leur métier ne fait l’objet d’aucune reconnaissance. Les difficultés de recrutement s’accentuent, on affaiblit encore un peu plus les normes qui encadrent la prise en charge d’un public pourtant particulièrement vulnérable. Les professionnelles doivent toujours faire plus avec moins, et préfèrent quitter leur emploi avant de devenir maltraitantes. Et la pénurie alimente la pénurie... jusqu’au drame.
Comment a-t-on pu en arriver là ? Les assouplissements normatifs ne témoignent-ils pas également d’une politique d’accueil du jeune enfant centrée uniquement sur la création de nouvelles places de crèches, sans chercher à maintenir, voire à améliorer, la qualité d’accueil dans les structures déjà existantes ?
La qualité d’accueil en crèche a un coût : celui de la rémunération des professionnelles de la petite enfance qui y travaillent. Pour développer la qualité d’accueil, l’équation est relativement simple : renforcer les ratios d’encadrement, pour donner le temps aux professionnelles de prendre soin des enfants ; augmenter les rémunérations pour leur permettre aux professionnelles de vivre de leur travail ; réformer leurs formations initiales et continues pour leur garantir un niveau de qualification adapté à la prise en charge de jeunes enfants.
Le prix de la qualité d’accueil, les pouvoirs publics n’ont pas souhaité le payer. La branche famille de la sécurité sociale, d’abord : la prestation de service unique, réformée en 2014, fait l’objet d’une tarification horaire qui ne permet jamais de couvrir les coûts de fonctionnement d’une crèche. De plus, la PSU encourage la dégradation de la qualité d’accueil : si un établissement fait état d’un taux de facturation (soit le nombre d’heures qu’il facture aux parents) trop élevé au regard de son taux d’occupation (soit le nombre d’heures de présence réelle des enfants dans la crèche), alors il voit ses financements diminuer. Dès lors, les gestionnaires de crèches sont amenés à optimiser en permanence l’occupation de la structure, à travers une pratique de surbooking parfaitement légale. Plus d’enfants dans les crèches, une pénurie de professionnelles : difficile de proposer un accueil de qualité.
Face au sous-financement structurel apporté par la branche famille, plusieurs options s’offrent au gestionnaire de crèche : compenser en dégageant des marges grâce au mécanisme de la réservation de berceaux ; frauder en déclarant de faux taux de facturation et d’occupation ([22]) ; ou se tourner vers la commune, son tiers financeur naturel. Pour cette dernière option, ce n’est toutefois pas si simple. Pour une commune, une crèche coûte très cher. Si une grande partie d’entre elles ont tout fait pour soutenir les crèches publiques et associatives de leur territoire, tout en tentant de garantir un accueil de qualité aux enfants, certaines ont fait le choix du low cost. Par l’intermédiaire des délégations de service public et de la mise en concurrence des entreprises de crèches entre elles et avec les crèches associatives, elles ont encouragé une course au prix bas dont les enfants ne sont pas sortis gagnants. En effet, pour tirer les prix vers le bas dans une crèche, on ne propose que le taux d’encadrement minimal pour les enfants, on rationne la nourriture et les couches
Dans le cadre des auditions menées en amont du dépôt du PLFSS 2025, le rapporteur pour la branche famille a interrogé les différents acteurs qu’il a rencontrés sur les solutions à apporter à ces problématiques aujourd’hui parfaitement documentées.
Tous sont d’accord sur une chose : la réforme du financement. La tarification à l’activité des crèches par le biais de la PSU doit cesser de toute urgence. Les structures doivent pouvoir bénéficier des moyens et du temps nécessaires à la prise en charge de jeunes enfants dans les meilleures conditions possibles.
Nombreux sont ceux qui estiment qu’il faut également mettre fin à la marchandisation du secteur de la petite enfance, en supprimant le Cifam et en interdisant le financement public des acteurs privés lucratifs
Le rapporteur thématique de la branche famille s’emploiera à défendre ces positions dans le cadre de l’examen du texte.
« Circulez, il n’y a rien à voir ! », y compris lorsque l’on parle du temps que les parents peuvent s’accorder à la naissance de leurs enfants. Pourtant, il y a un an, le Gouvernement semblait estimer qu’une réforme était nécessaire
La nécessité de réformer les congés parentaux fait l’objet d’un consensus parmi les associations familiales. En effet, les différents congés parentaux dont peuvent bénéficier la mère et le second parent à la suite de la naissance d’un enfant forment aujourd’hui un ensemble peu satisfaisant.
● En ce qui concerne les congés postnataux, le congé maternité et le congé paternité ou de second parent, leur durée est considérée comme insuffisante. Le congé maternité, d’une durée de dix semaines après l’accouchement, conduit la mère à retourner travail alors que son enfant a tout juste deux mois et demi, ou un peu plus tard en cas de grossesse multiple ou de troisième enfant. De nombreuses associations demandent son prolongement jusqu’à douze semaines, voire au-delà si la mère le désire.
Le congé paternité, du fait de sa durée réduite, contribue au creusement des inégalités entre les femmes et les hommes suite à la naissance d’un enfant. Si l’allongement du congé paternité en 2021 a constitué une avancée notable, il s’agit en réalité d’une réforme au milieu du gué, qui ne vise pas à modifier structurellement la répartition de la charge des enfants entre les mères et les pères. Il n’est en effet obligatoire que pour une durée de sept jours, et ne peut dépasser vingt‑huit jours, soit un mois et demi de moins que le congé maternité. Au vingt‑neuvième jour, la mère se retrouve seule avec son nourrisson. Or, « rien ne justifie l’inégalité des congés parentaux en dehors d’une conception traditionnelle inégalitaire des rôles parentaux » ([23]).
C’est cette inégalité dans la durée des congés postnataux qui accentue ensuite toutes les inégalités entre les femmes et les hommes dans la sphère domestique et sur le marché du travail après la naissance d’un enfant. Pendant cette période où les femmes sont seules avec leur enfant, elles acquièrent une meilleure connaissance de ses besoins et des réponses à y apporter. Elles deviennent donc « meilleures » dans la réalisation des tâches liées à l’enfant (change, repas, coucher, etc.). Dès lors, il devient « rationnel » qu’elles aient la charge principale, si ce n’est exclusive, de ces tâches, y compris lorsque le second parent est présent, puisqu’elles sont perçues comme plus efficaces pour les réaliser.
Cela conduit souvent à l’épuisement des jeunes mères qui, dans une période où elles doivent encore se remettre de l’accouchement d’un point de vue physiologique, se retrouvent surmenées par l’intendance de la maison et les soins à apporter au tout-petit. L’allongement du congé paternité serait dès lors bénéfique à tout point de vue : le bien-être de l’enfant et la qualité du lien tissé avec ses parents ; la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes : mais aussi la prévalence des dépressions du post-partum, qui touchent 15 à 20 % des jeunes mères après une naissance. Un alignement de la durée du congé postnatal pour le second parent sur celle du congé maternité, avec le même caractère obligatoire et protecteur vis‑à‑vis de l’employeur apparaît donc indispensable pour favoriser la réduction des inégalités et améliorer l’accompagnement des jeunes mères.
● Le congé parental d’éducation mérite quant à lui une refonte plus globale encore. D’une durée d’un an renouvelable jusqu’aux trois ans de l’enfant, il souffre essentiellement d’une très faible indemnisation – 448 euros par mois à temps plein – dont la durée de versement n’est pas corrélée à celle du congé lui-même. Pour le premier enfant, la prestation partagée d’accueil du jeune enfant (PreParE) est versée pour une durée de six mois par parent ; à partir du deuxième enfant, l’indemnisation peut couvrir jusqu’à vingt‑quatre mois par parent.
La réforme intervenue en 2014, qui réduisait la durée d’indemnisation à vingt‑quatre mois par parent, afin d’encourager les pères à recourir au congé parental pour couvrir la troisième année de l’enfant, n’a pas eu l’effet escompté : non seulement la part des pères parmi les bénéficiaires d’un congé parental a reculé, mais de nombreuses mères ont également renoncé à y recourir.
La réforme du congé parental, et tout particulièrement de son indemnisation, est une demande forte des familles. Le principal enjeu porte sur le libre choix donné aux parents – et particulièrement aux mères – de rester auprès de l’enfant lors de ses premières années de vie, ou de retourner travailler une fois les congés postnataux terminés. Dans ce contexte, les congés parentaux doivent nécessairement s’articuler avec l’existence de modes d’accueil adaptés aux besoins des parents, et de qualité, pour répondre aux besoins des enfants.
En novembre 2023, Aurore Bergé, alors ministre des solidarités et des familles, annonce la création, en 2025, d’un nouveau congé familial, plus court mais mieux indemnisé que le congé parental d’éducation.
Des concertations se sont ensuite engagées entre l’exécutif et les organisations syndicales et patronales, avec pour objectif d’introduire la réforme dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Dans un entretien au magazine Elle, le Président de la République a tracé les contours du nouveau dispositif : d’une durée de trois mois pour chaque parent au cours de la première année de l’enfant, et indemnisé à hauteur de 50 % du salaire, avec un plafond situé autour de 1 800 euros.
Un flou persistait néanmoins sur l’avenir du congé parental d’éducation et de la PreParE : le nouveau congé de naissance avait-il vocation à les remplacer, ou simplement à s’y ajouter ? Dans ce dernier cas, serait-il possible de recourir au congé de naissance puis au congé parental d’éducation de manière successive, ou les parents devront-ils faire un choix entre les deux options ?
Nul doute que ces questions auraient trouvé une réponse si les travaux s’étaient poursuivis. Mais depuis la dissolution de l’Assemblée nationale le 7 juin 2024, ceux-ci ont été interrompus, et le PLFSS déposé par le Gouvernement le 10 octobre 2024 ne contient aucune mesure en ce sens.
Cette situation est regrettable. La proposition du Gouvernement était critiquable sur divers aspects : le congé proposé était jugé trop court, trop rigide, insuffisamment ambitieux, avec le risque de revenir sur des droits aujourd’hui acquis. L’articulation de cette réforme avec la montée en puissance du service public de la petite enfance restait également à définir. Toutefois, elle présentait le mérite d’ouvrir le débat sur les modalités d’accueil des jeunes enfants, sur le rôle des pouvoirs publics dans la protection des très jeunes enfants et de leurs parents vis‑à‑vis du monde du travail, sur la question du libre choix des mères à s’occuper des enfants ou à retourner travailler, sur la présence et l’implication des pères auprès de leurs enfants et de leur compagne.
Une réforme des congés parentaux est nécessaire. Elle aura un coût, qu’il reviendra à la branche famille de financer. À cet égard, le rapporteur thématique pour la branche famille est favorable à la création, en lieu et place de l’actuel congé paternité, d’un congé d’accueil de l’enfant obligatoire dont les caractéristiques seraient identiques à celles du congé maternité : même durée, mêmes modalités d’indemnisation, et mêmes obligations imposées à l’employeur.
« Circulez, il n’y a rien à voir ! » lorsque l’on parle du niveau de vie des familles, de la capacité des parents à loger, nourrir, et vêtir leurs enfants. Pourtant, le choc inflationniste des trois dernières années a considérablement impacté le niveau de vie et le pouvoir d’achat des familles.
● Dans un rapport de décembre 2023, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) analyse l’évolution du pouvoir d’achat des familles face à l’accélération de l’inflation entre 2021 et 2023 ([24]). En premier lieu, le HCFEA constat que le niveau d’inflation subi tend à augmenter avec le nombre d’enfants, en particulier sur le poste de dépenses que constitue l’alimentation.
Les ménages avec enfants déclarent ainsi plus souvent que les ménages sans enfant avoir modifié leurs habitudes de consommation pour faire face à l’augmentation des prix de l’énergie et des denrées alimentaires depuis 2021. Cela concerne, de manière plus marquée, les ménages les moins aisés.
Part des mÉnages en situation de privation matÉrielle et sociale selon la configuration familiale entre 2020 et 2022
Composition du ménage |
2020 |
2021 |
2022 |
Personne seule |
16,2 % |
15,6 % |
15,8 % |
Famille monoparentale |
29,8 % |
26,2 % |
31,1 % |
Couple sans enfant |
6,3 % |
6,3 % |
6,8 % |
Couple avec un enfant |
9,8 % |
7,3 % |
10,7 % |
Couple avec deux enfants |
9,8 % |
6,9 % |
8,7 % |
Couple avec trois enfants ou plus |
20,6 % |
13,5 % |
21,5 % |
Ensemble |
13,4 % |
11,3 % |
14 % |
Source : HCFEA d’après données Insee.
Part des mÉnages en situation d’insuffisance alimentaire en novembre 2022 selon la configuration familiale
|
Personne seule |
Couple sans |
Ménage avec enfant(s) |
Ensemble |
Vous pouvez manger tous les aliments que vous voulez |
37 % |
45 % |
30 % |
39 % |
Vous avez assez à manger, mais pas toujours les aliments que vous souhaiteriez |
47 % |
42 % |
49 % |
45 % |
Il vous arrive parfois ou souvent de ne pas avoir assez à manger |
16 % |
11 % |
22 % |
16 % |
Source : HCFEA d’après enquête Crédoc.
Or, face à cette situation, le HCFEA démontre que la règle d’indexation annuelle des prestations familiales sur l’inflation ne permet pas le maintien du pouvoir d’achat des familles. Au contraire, depuis 2016, on observe un décrochage qui a été accentué par le choc inflationniste des trois dernières années. Le HCFEA préconise d’aligner le régime de revalorisation des prestations familiales sur celui du salaire minimum interprofessionnel de croissance, avec le maintien d’une revalorisation annuelle sur la base de l’inflation moyenne constatée au cours des douze mois précédant, accompagnée d’un mécanisme de revalorisation automatique dès lors que l’inflation est supérieure à 2 % depuis la dernière revalorisation.
● De plus, lors des auditions menées en amont du dépôt du PLFSS 2025, différents acteurs ont appelé l’attention du rapporteur thématique de la branche famille sur le fait que les allocations familiales ne sont versées qu’à partir de la naissance du deuxième enfant. Cela signifie donc que l’éducation d’un seul enfant ne mérite pas l’intervention de la solidarité nationale pour financer les charges de familles. Or, même si le taux de pauvreté des familles progresse effectivement avec l’augmentation du nombre d’enfants dans la fratrie, il est aujourd’hui irrationnel, alors même que les Français font moins d’enfants, de ne pas les soutenir dès la première naissance.
En l’espace de quelques semaines d’auditions, le rapporteur thématique a pu constater que la politique familiale française doit faire l’objet d’une refonte globale. Non seulement elle ne répond pas aux attentes des parents, notamment en ce qui concerne la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, mais elle ne garantit pas plus le bien-être des enfants.
Les modes d’accueil qui leur sont proposés sont en nombre insuffisant. La marchandisation du secteur et le sous-financement structurel des crèches ont conduit à une forte dégradation de la qualité d’accueil et à une pénurie de professionnelles qu’il est aujourd’hui difficile de résorber. Les pouvoirs publics ont laissé faire, fermé les yeux sur des pratiques très discutables de la part des acteurs privés lucratifs, voire couvert des fraudes ou des défaillances majeures pour éviter d’avoir à acter la fermeture de précieuses places d’accueil.
Les congés parentaux continuent d’entretenir les inégalités structurelles entre les femmes et les hommes. De plus, s’ils ont le mérite d’être opposables à l’employeur en droit du travail, leur durée et le niveau de leur indemnisation sont insuffisants pour être réellement incitatifs vis-à-vis des pères, et protecteurs pour les mères. Il est regrettable que l’effort engagé par le Gouvernement pour réformer ces congés ait été abandonné dans le plus grand silence
Enfin, la politique familiale ne permet pas de maintenir le niveau de vie des ménages après la naissance des enfants. Le pouvoir d’achat des familles a considérablement diminué au cours des dernières années sous l’effet de l’inflation, sans que les allocations familiales ne viennent compenser ce décrochage. Les conséquences concrètes de cette sous-indexation silencieuse des allocations familiales, ce sont des parents qui refusent de manger à leur faim pour garantir à leurs enfants des repas complets et des familles qui ne sont pas en capacité de chauffer correctement leur logement en raison des prix de l’énergie.
Au regard de ces constats, le rapporteur thématique ne peut que déplorer l’absence de mesures en faveur de la branche famille dans le PLFSS 2025. Il proposera, par voie d’amendements, les réformes structurelles indispensables à une refonte de la politique familiale française.
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Avant-Propos de Mme Sandrine rousseau,
rapporteure pour la branche vieillesse
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 est présenté à la représentation nationale un peu plus d’an après l’entrée en vigueur de la réforme des retraites, adoptée suite à l’utilisation de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution ([25]). Cette réforme, largement contestée dans l’opinion publique et dénoncée par les partenaires sociaux, conduit au report progressif de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans et à l’accélération de l’augmentation de la durée de cotisation jusqu’à 43 annuités. Les prévisions contenues dans le présent projet de loi intègrent naturellement les effets financiers attendus de cette réforme.
Or, l’on constate que ce qui avait été présenté par le Gouvernement comme la seule voie vers un retour à l’équilibre du système de retraite ne permet pas, aujourd’hui, d’atteindre cet objectif sans jouer sur le levier des recettes ni celui des pensions. En effet, en tendanciel, le déficit de la branche vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) s’élèverait à 10,3 milliards d’euros en 2025 ([26]). Pour réduire le déficit, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 prévoit donc pour la branche vieillesse de nouvelles sources de financement à travers une hausse des cotisations (article 6) et un freinage des dépenses via le gel de la revalorisation des pensions (article 23).
Ce texte propose en outre la mise en œuvre de la loi dite « Dive », adoptée l’année dernière à l’unanimité à l’Assemblée nationale et au Sénat ([27]), en réformant le mode de calcul de la pension de retraite des agriculteurs afin que celui‑ci se fonde sur les vingt‑cinq meilleures années d’assurance (article 22).
● S’agissant des recettes supplémentaires, celles‑ci porteraient essentiellement sur la hausse des cotisations sociales des employeurs qui résulterait de la réforme du dispositif des allégements généraux de cotisations sur les bas salaires ([28]). Dans le texte déposé devant l’Assemblée nationale, l’article 6 prévoit de réduire de 2 points, dès 2025, le taux d’exonération au niveau du Smic de la réduction dégressive de cotisations sociales sur les bas salaires (dit « allégement Fillon »). Selon les données annexées au présent projet de loi de financement, cette réduction s’imputerait exclusivement sur les cotisations d’assurance vieillesse ([29]). Une réduction supplémentaire de 2 points du taux d’exonération interviendrait en 2026 de sorte que le taux de cotisation d’assurance vieillesse portant sur les salaires au niveau du Smic augmenterait de 4 points au total. Dans sa version initiale, le dispositif doit ainsi permettre d’augmenter les recettes de la branche vieillesse de 2,7 milliards d’euros dès 2025. En contrepartie de cette hausse des cotisations au niveau du Smic, le mode de calcul des allégements généraux de cotisations serait révisé pour réduire les freins qu’il met aux hausses de salaires. Ainsi que l’avait annoncée M. Gabriel Attal, alors Premier ministre, cette réforme s’inscrit dans la volonté de « désmicardiser » la France qui se distingue en effet par une forte concentration des salaires autour du Smic.
Cette échelle faiblement progressive des salaires est en partie liée aux effets créés par les multiples exonérations dont bénéficient les employeurs au titre de leurs salariés payés au niveau du salaire minimum ou à un niveau proche. En poursuivant un objectif de soutien à l’emploi, ces dispositifs d’exonérations ont créé des phénomènes s’apparentant à des trappes à bas salaires. Inspirée du rapport rendu par les économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer, la réforme des allégements généraux de cotisation est conçu de façon à ce que le niveau des exonérations soit diminué entre 1 et 1,3 Smic mais augmenté entre 1,3 et 1,8 Smic par rapport au droit actuel. Le dispositif est donc astucieux en cela qu’il envoie une incitation aux employeurs à augmenter les salaires. L’un des points positifs de cette réforme est que, les allégements portant sur les cotisations patronales, elle ne modifie pas la part salariale des cotisations au niveau du salaire minimum, ce qui permet de ne pas grever le salaire net.
Cependant l’absence complète d’évaluation sur l’emploi, notamment dans les secteurs intensifs en main d’œuvre peu qualifiée, fait de cette proposition un pari sur le comportement des employeurs ([30]). Il existe un risque réel que les entreprises du secteur du nettoyage, de la maintenance, de l’économie sociale et solidaire, de l’hôtellerie‑restauration, de l’agro‑alimentaire ou des services à la personne soient plus durement affectées par cette mesure. Or un faisceau d’indices laisse penser que l’élasticité prix du travail dans ces secteurs est élevée et donc que toute augmentation du coût du travail a un effet important sur la destruction d’emploi.
Ainsi la proposition du Gouvernement, pour intéressante qu’elle soit sur la participation des employeurs à l’effort de financement de la sécurité sociale d’une part, et dans la volonté de pousser les salaires à la hausse d’autre part, n’est assortie d’aucun dispositif d’accompagnement pour les entreprises que cela mettrait en tension ni de garde-fou pour éviter que le recours au temps partiel soit la variable d’ajustement, ce qui serait précisément l’inverse de l’objectif poursuivi. Elle n’est pas davantage accompagnée de dispositifs de lutte contre la fraude sociale, laquelle est estimée, faut-il le rappeler, à près de 13 milliards d’euros, dont 56 % serait le fait des cotisations éludées par les entreprises ou les travailleurs indépendants ([31]). Une politique de hausse des cotisations sans renforcement des modalités de contrôle risque donc de voir une partie de son efficacité réduite.
● Au titre des recettes supplémentaires prises en compte dans la trajectoire financière de la branche vieillesse, est également intégrée la hausse des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Le régime des agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière présente une situation financière très préoccupante. Son déficit pour l’année 2023 s’est élevé à 2,5 milliards d’euros. Il serait de 3,4 milliards d’euros en 2024 et, sauf adoption de mesures d’équilibrage, de 4,8 milliards d’euros en 2025 ([32]). Selon le rapport de la mission menée par les inspections générales des finances, des affaires sociales et de l’administration, le déficit pourrait même atteindre 10 milliards d’euros en 2030. Les raisons en sont structurelles et tiennent avant tout à la très forte dégradation du ratio démographique de ce régime : de 4,53 cotisants pour un retraité dans les années 1980, ce ratio a progressivement diminué pour s’établir dorénavant à 1,46 cotisant pour un retraité. L’effet de substitution, lié au remplacement de fonctionnaires par des agents contractuels ([33]), expliquerait un huitième de la détérioration du ratio démographique du régime ([34]).
Le rapport précité estime à 10 points de pourcentage l’effort de cotisations supplémentaires qui permettrait d’équilibrer le régime dès 2025. Dans le prolongement de ce rapport, le Gouvernement a annoncé vouloir augmenter de 4 points par an le taux de cotisations employeurs entre 2025 et 2027. Cela représenterait une hausse des cotisations de l’ordre de 2,4 milliards d’euros dès l’année prochaine dont 1,3 milliard d’euros seraient dus par les collectivités territoriales et 1,1 milliard d’euros par les établissements de santé.
Pour ce qui concerne la fonction publique hospitalière, cette hausse est intégrée au sein du sous‑objectif de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) relatif aux établissements de santé. D’une croissance affichée de 3,1 % (soit 3,3 milliards d’euros), l’Ondam hospitalier n’augmenterait donc en réalité que de 2,1 % (soit 2,2 milliards d’euros) si l’on neutralise cet effet. Or, le taux d’inflation anticipé pour l’année 2025 devrait s’élever à 1,8 %. Cela signifie que l’Ondam hospitalier n’augmenterait que de 0,3 % en termes réels. C’est un niveau bien trop insuffisant au regard des nombreux défis que doivent affronter nos hôpitaux et alors que leur déficit devrait atteindre 1,9 milliard d’euros en 2023 selon la Fédération hospitalière de France. Comment régler la question de la hausse du recours à l’intérim médical, de la pénurie de professionnels qui frappe de nombreux secteurs, de la fermeture des lits ou de la baisse relative d’activité non compensée par des moyens supplémentaires ? Les hôpitaux sont déjà à bout de souffle et cette hausse de cotisations – légitime au demeurant pour préserver le régime de retraites des fonctionnaires hospitaliers – risquerait de les achever.
Les collectivités territoriales quant à elles font face à un mur de financement entre les baisses de recettes fiscales pilotables (la suppression de la taxe d’habitation et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises s’est accompagnée d’une hausse de la TVA affectée, laquelle atteint plus de 50 milliards d’euros en 2023 ([35])), la pyramide des âges et le glissement vieillesse technicité ([36]), auxquels s’ajoutera la hausse des cotisations. C’est un véritable coup de frein qui risque d’être donné au dynamisme de ces collectivités, elles qui sont aujourd’hui le premier investisseur public français (58 % du total de l’investissement public en 2022 ([37])), l’un des principaux employeurs (31 % de l’emploi public, soit 1,97 million de personnes ([38])) et qui assurent des missions territoriales cruciales à un moment de transformation attendue.
● L’annonce du décalage de la revalorisation des pensions de retraite du 1er janvier au 1er juillet (article 23) s’appuie sur deux leviers pour faire économiser 4 milliards d’euros, dont 2,9 milliards d’euros pour la sécurité sociale stricto sensu et 1 milliard d’euros pour le régime de la fonction publique de l’État :
– un effet de date qui retarderait de six mois la revalorisation annuelle des pensions ;
– et un effet de base de calcul du montant de l’inflation qui permet, toutes choses égales par ailleurs, de diminuer le montant de la revalorisation qui interviendrait en 2025.
Là encore, aucune évaluation de l’impact sur les petites retraites n’a été transmise au Parlement. Le minimum vieillesse échappe certes à cette mesure, ce qui est indispensable puisqu’il est ainsi préservé, mais les retraites situées juste au‑dessus de ce minimum subiront de plein fouet cette décision.
Ce décalage de six mois est donc susceptible de peser lourdement sur les retraités qui ont les plus petites pensions et qui souvent subissent d’autres contraintes financières comme le fait d’être plus souvent locataires de leur logement par exemple. Ainsi subiront‑ils la hausse des loyers avant de bénéficier de la hausse de leur pension. Ces retraités vivant à l’euro près, ils risquent d’être mis en grande difficulté. Or, le Gouvernement n’a prévu aucune espèce de mesure différenciée en fonction du montant des pensions.
● Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 comporte enfin une réforme du mode de calcul des pensions de retraites des agriculteurs (article 22). Cette réforme vise à mettre en œuvre la loi dite « Dive » du 13 février 2023, laquelle a fixé à la Nation l’objectif de calculer les pensions de retraites des non‑salariés des professions agricoles liquidées à partir du 1er janvier 2026 sur la base des vingt‑cinq meilleures années d’assurance et l’aligner sur les règles applicables aux travailleurs indépendants ([39]). Cette réforme attendue présente toutefois quelques points d’incertitudes que le texte présenté ne permet pas d’éclaircir. Premièrement, la réforme s’appliquerait aux pensions liquidées à partir du 1er janvier 2026 mais elle ne sera opérationnelle que dans le courant de l’année 2028. Concrètement, les agriculteurs ayant liquidé leur retraite en 2026 ou en 2027 verront leur pension calculée une première fois, lors de la liquidation, sur la base des règles existantes puis une seconde fois, en 2028, sur la base des nouvelles règles.
L’article prévoit une « clause de sauvegarde » qui permet d’assurer que ce nouveau calcul n’entraînera aucune révision à la baisse du montant de la pension calculée initialement, ce qui est protecteur des agriculteurs concernés. Toutefois, l’incertitude liée à l’application rétroactive de la réforme, le manque d’informations à disposition des assurés ainsi que l’absence de soutien à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) dans la mise en œuvre de cette réforme, risquent de renforcer le désarroi de nos agriculteurs déjà accablés par un rythme de vie et de travail éreintant. L’indigence des simulations fournies et l’incapacité à donner une date précise de versement ou de montant ne pourront que les inquiéter davantage.
● S’agissant de la situation des agriculteurs, la rapporteure souhaite profiter de la tribune qui lui est donnée dans le présent rapport pour évoquer le sujet du capital‑décès des exploitants agricoles. Depuis la loi de financement de la sécurité sociale de 2022 ([40]), les ayants droit des non-salariés agricoles peuvent bénéficier d’un capital décès en cas d’accident de la vie courante, de maladie ou de suicide. Contrairement aux règles applicables au régime général, les accidents du travail sont cependant exclus de cette couverture. Lors de son audition devant la commission ([41]), la ministre du travail et de l’emploi s’est engagée à essayer de corriger cette différence de traitement. Les règles applicables aux amendements parlementaires en matière de recevabilité financière empêchent la rapporteure de proposer elle‑même cet alignement. Elle sera toutefois particulièrement attentive à ce qu’un chemin puisse être trouvé pour régler cette situation.
● Enfin, l’égalité entre les femmes et les hommes reste un sujet de préoccupation majeur cette année. S’agissant des droits à la retraite, le constat est connu : les pensions de droits propres des femmes sont inférieures de 40 % à celle des hommes ([42]). Les écarts de pension s’expliquent par le caractère fortement contributif du système de retraite, lequel reflète des inégalités persistantes dans le monde du travail, qu’il s’agisse des parcours de carrière, du temps partiel subi ou du montant moyen des salaires.
En 2022, l’écart de salaire moyen entre les femmes et les hommes était de 23,5 % et de 14,9 % à temps de travail égal. Il croît avec l’âge et avec le nombre d’enfants : en équivalent temps plein, le salaire des femmes sans enfants est inférieur de 6,1 % à celui des hommes sans enfants tandis que l’écart est de 29,5 % pour les mères de trois enfants et plus (2021) ([43]).
Dans un chapitre du rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2022, la Cour des comptes a analysé l’effet différencié provoqué par l’arrivée des enfants dans le foyer sur la situation des femmes et des hommes ([44]).
L’arrivée des enfants dans le foyer a un effet important sur les carrières et les salaires, avec un effet plus marqué pour les femmes que pour les hommes :
– le taux d’emploi des mères décroît avec le nombre d’enfants : en 2020, 39,4 % des mères de trois enfants ou plus sont en emploi contre 70,2 % des mères n’ayant qu’un seul enfant) ;
– le recours au temps partiel varie selon le nombre d’enfants : la part des femmes travaillant à temps partiel de 44 % pour les mères de trois enfants ou plus contre 23 % pour les femmes sans enfant ;
– s’agissant du salaire, les mères subissent une perte de salaire horaire de l’ordre de 5 % par enfant, pendant au moins les cinq années suivant leur naissance ([45]).
● Certains mécanismes du système de retraite permettent de compenser partiellement et imparfaitement ces effets : l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), qui assure une affiliation au régime général d’assurance vieillesse des parents qui s’interrompent de travailler pour élever leurs enfants, les majorations de durée d’assurance attribuées au titre de la naissance, de l’adoption ou de l’éducation, et la majoration de pension de 10 % pour les parents de trois enfants ou plus. Ces dispositifs représentent un coût de 25 milliards d’euros et réduisent d’un tiers les écarts de pension de droit direct ([46]).
À cela s’ajoutent les pensions de réversion versées aux veuves et veufs, qui bénéficient essentiellement aux femmes (92 % des pensions de réversion sont versées à des femmes).
Toutefois, en prenant en compte tous ces facteurs compensatoires, la retraite des femmes reste inférieure, en moyenne, de 28 %. Plus édifiant encore, l’écart est d’autant plus grand que les retraités sont pauvres : l’écart de pension entre les femmes et les hommes est de 22 % pour le quart des retraités les plus aisés mais de 33 % pour le quart des retraités les plus modestes ([47]).
● La réforme des retraites d’avril 2023 n’a pas du tout abordé ces sujets de façon structurelle, le Gouvernement préférant renvoyer la balle au Conseil d’orientation des retraites (COR) missionné pour évaluer les dispositifs de droits familiaux à la retraite.
Plus d’un an après cette réforme, nous attendons toujours la publication de ces travaux. Interrogé en audition, le président du COR a indiqué que ceux‑ci devraient être publiés dans le courant de l’année 2025. Votre rapporteure formule le vœu que cette promesse soit tenue pour que, dès le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, ce sujet soit finalement mis sur la table et traité avec l’urgence qui s’attache à sa résolution.
En outre, et ce qui est particulièrement préoccupant, c’est que les auditions ont montré que les trajectoires financières qui sous-tendent le pilotage du système de retraites, qu’il s’agisse de celles retenues par le Gouvernement dans ses textes financiers ou de celles présentées par le COR dans son rapport annuel, n’intègrent pas l’urgence climatique. Or, le réchauffement climatique aura d’incontestables effets sur la démographie, la croissance et la productivité mondiales. Il en résulte que les projections du rapport du COR à moyen et long termes ne sont pas crédibles. C’est pourtant sur leur base que sont définies les réformes des retraites menées par les différents Gouvernements. Il apparaît donc absolument nécessaire, voire prioritaire, qu’une stratégie d’intégration des effets du réchauffement climatique sur le système de retraites puisse être élaborée.
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AVANT-PROPOS DE M. Jean-Carles Grelier,
RAPPORTEUR POUR LA BRANCHE ACCIDENTS DU TRAVAIL
ET MALADIES PROFESSIONNELLES
Plus petite des cinq branches des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) – quoiqu’ayant pris la suite d’un système institué en 1898, dont les fondamentaux sont toujours appliqués –, celle consacrée aux accidents du travail et aux maladies professionnelles (AT-MP) n’est concernée que par trois mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 :
– l’article 24 tire les conséquences d’un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation et de la signature d’un accord national interprofessionnel (ANI), tous deux survenus au premier semestre de 2023, quant à la définition des chefs de préjudice couverts par la rente ou l’indemnité en capital servie aux victimes dont l’incapacité est permanente ;
– l’article 25 fixe à un total de 2,7 milliards d’euros les dotations de la branche AT-MP à deux fonds de réparation afférents à l’amiante, à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des incidents ou pathologies ayant leur origine dans la carrière des assurés et à la branche vieillesse ainsi qu’au compte professionnel de prévention (C2P) pour deux mesures liées à la pénibilité ;
– l’article 28 établit à 17 milliards d’euros l’objectif de dépenses de la branche pour 2025, soit une hausse de 6,3 % comparativement aux charges de 16 milliards d’euros projetées pour la fin de l’exercice 2024.
Ces dispositions sont commentées infra ; le regroupement dans l’article 25 de dotations relevant des branches AT-MP, maladie et autonomie l’attrait toutefois dans la compétence du rapporteur général.
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Le 12 décembre 2023, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat avait confié à Mmes Marie-Pierre Richer et Annie Le Houerou un rapport sur les enjeux de la branche AT-MP. Les sénatrices ont présenté leurs travaux devant la commission des affaires sociales de la Haute assemblée le 9 octobre 2024 et le rapporteur thématique a pris connaissance avec le plus grand intérêt des conclusions de ses homologues ([48]).
Une partie des développements chiffrés de ce rapport est rendue caduque par le dépôt du PLFSS 2025 ; il en va singulièrement ainsi de la présentation d’une « déconnexion croissante entre les ressources de la branche [...] et les prestations qu’elle verse », dont il résulterait un « excédent structurel » : s’il est vrai que son résultat a été positif au terme de douze des treize exercices qui se sont succédé depuis 2013, cela ne devrait plus être le cas, un déficit faisant son retour dès 2026, de sorte que la voie d’un excédent cumulé de 11,7 milliards d’euros en 2017, présentant un « risque de dévoiement » et de « convoitises », s’est éloignée.
En revanche, le rapporteur thématique partage nombre des constats et des préconisations formulées par Mmes Richer et Le Houerou, qu’il s’agisse :
– du fait que « la stagnation de la sinistralité des AT-MP ne peut tenir lieu de satisfecit », la pente de la réduction étant très plate pour les accidents, dont le ratio pour 1 000 salariés est passé de 39,1 en 2005 à 30,1 et même légèrement montante pour les maladies, avec une hausse de 2,3 à 2,4 sur la période, d’autant plus que les évolutions diffèrent selon les champs d’activité, « les filières les plus accidentogènes (bâtiment et travaux publics, métallurgie et chimie) [ayant] connu de nets progrès grâce à une action renforcée en faveur de la prévention et de la santé au travail ; le secteur établissement de santé et médicosociaux (ESMS), des hypermarchés ou même du stockage [ayant] a contrario assisté à une détérioration rapide de leur situation » ;
– de celui que le compromis issu de la loi du 9 avril 1898, aux termes de laquelle et par dérogation aux grands principes du droit civil le demandeur n’a pas à apporter la preuve de la commission d’une faute par son employeur, qui se voit en contrepartie préservé de la charge d’une compensation intégrale du préjudice, demeure « plébiscité par l’ensemble des parties auditionnées » par les sénatrices, car il « permet aux victimes de bénéficier d’une réparation particulièrement rapide, prévisible et facile d’accès », sans que cela interdise de réfléchir à divers aménagements, tant certains régimes instaurés ultérieurement par le législateur pour les accidents routiers ou médicaux combinent l’absence ou la réduction, pour la personne lésée, de la charge de la preuve avec une indemnisation totale, le cas échéant solvabilisée par l’État ou la sécurité sociale ;
– de la nécessité de préserver ce formidable acquis, car la renonciation par la plus haute cour de l’ordre judiciaire à la dualité de la rente ne peut que faire craindre une judiciarisation des relations entre les salariés et les employeurs, de sorte que les rapporteures de la Mecss appellent à ce que la procédure amiable de la branche AT-MP accorde une « considération accrue au déficit fonctionnel », avec la possibilité pour les assurés, sous conditions, de « capitaliser une partie de leur rente » – tous ajustements qu’opère à juste titre l’article 24 du PLFSS.
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Les entretiens qu’a conduits le rapporteur thématique ont souligné le défaut de pilotage de la politique de prévention. Il appelle le Gouvernement à y remédier avec le plan de santé au travail (PST) qui débutera en 2026.
Interviennent ainsi, de manière individuellement pertinente mais au prix d’une dispersion des moyens financiers et de l’énergie humaine :
– le réseau des caisses d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat), des caisses primaires d’assurance maladie (Cpam), des caisses départementales ou interdépartementales de mutualité sociale agricole (MSA) et, outre-mer, des caisses générales de sécurité sociale (CGSS), cette mission leur étant confiée par les 2° et 3° de l’article L. 221-1 du code de la sécurité sociale ;
– l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), dans le cadre d’une convention avec la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) et l’État ;
– le ministère chargé du travail et singulièrement l’inspection du travail ;
– des opérateurs de l’État comme l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), l’Agence nationale de santé publique (Santé publique France), l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) ou l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ([49]) ;
– des structures agréées comme l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (Agefiph) ou l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) ;
– la médecine de ville générale, mais surtout la médecine du travail.
À ce manque de coordination des structures chargées de la prévention des AT-MP s’ajoute malheureusement une faible attractivité pour les médecins et les infirmiers du travail.
Or, comme le rapporteur a pu l’indiquer lors de l’audition des ministres tenant lieu de discussion générale sur le projet de loi de financement, « le premier est souvent le seul médecin que rencontrent les salariés qui ne bénéficient déjà plus d’un médecin traitant » ([50]).
La réforme de l’organisation et du budget de ce secteur devra mobiliser toute l’attention du Parlement, de l’exécutif, des partenaires sociaux et des professionnels de santé dans les prochains mois : il y a urgence.
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Cet article établit les prévisions de recettes, de dépenses et de solde des administrations de sécurité sociale (Asso) pour l’exercice en cours et l’année à venir. Il constitue l’une des novations introduites par la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
À la différence, en particulier, des tableaux d’équilibre pour les exercices 2024 et 2025, son périmètre ne se limite pas aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) et Fonds de solidarité vieillesse (FSV), mais inclut l’ensemble des administrations de sécurité sociale (Asso).
Est projeté un solde à l’équilibre puis excédentaire pour, respectivement, 0,0 point du produit intérieur brut (PIB) en 2024 et 0,6 point du PIB en 2025.
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Conformément aux prescriptions de l’article L.O. 111-3-3 du code de la sécurité sociale, le présent article vise à rectifier les prévisions de recettes, les objectifs de dépense et les tableaux d’équilibre des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour l’exercice 2024.
Il rectifie également les prévisions de recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites (FRR), mises en réserve par le FSV ainsi que l’objectif d’amortissement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).
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Cet article rectifie l’objectif national d’assurance maladie (Ondam) pour 256,1 milliards d’euros en 2024, ainsi que les six sous-objectifs qui le composent.
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Dans le cadre de la réforme portée par l’article 22 et visant à calculer la pension de retraite des non‑salariés agricoles sur la base des vingt‑cinq meilleures années de revenu, l’article 3 réforme l’architecture des cotisations sociales d’assurance vieillesse dont ils sont redevables et augmente leur effort contributif au niveau de celui applicable aux travailleurs indépendants non agricoles.
S’agissant de la simplification des règles applicables aux cotisations des non‑salariés agricoles, l’article fusionne les cotisations dues au titre de l’assurance vieillesse individuelle (AVI) et celles dues au titre de l’assurance vieillesse agricole (AVA). Il porte l’assiette forfaitaire annuelle des conjoints collaborateurs et des aides familiaux à 600 fois le Smic horaire, ce qui permet de l’aligner avec l’assiette minimale des chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole.
Si les règles resteraient distinctes entre les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole et les conjoints collaborateurs et aides familiaux, il n’existerait plus de différence entre les non‑salariés agricoles exerçant à titre exclusif ou principal et ceux exerçant à titre secondaire. Par ailleurs, les taux de cotisations convergeraient progressivement à horizon 2029 de sorte qu’ils soient les mêmes pour tous les non‑salariés agricoles, quel que soit leur statut.
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Cet article pérennise l’exonération de cotisations patronales pour l’embauche, sous conditions, de travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi (TO DE), c’est-à-dire de saisonniers agricoles, qui devait cesser à la fin de l’année 2025.
Il relève dès le 1er mai 2024 son plafond de 1,20 à 1,25 fois le salaire minimum.
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Cet article permet aux jeunes chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole de cumuler le bénéfice de l’exonération partielle dégressive de cotisations sociales dont ils bénéficient avec la réduction des taux des cotisations d’allocations familiales et d’assurance maladie et maternité instaurée au profit des travailleurs indépendants.
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Cet article réforme les allégements généraux de cotisations patronales progressivement institués au cours des trente dernières années. Il prévoit la suppression progressive des réductions proportionnelles des taux des cotisations employeurs maladie (« bandeau maladie », jusqu’à 2,5 Smic) et famille (« bandeau famille », jusqu’à 3,5 Smic), laquelle serait étalée jusqu’au 1er janvier 2026. Le point de sortie de la réduction générale de cotisations patronales serait relevé de 1,6 fois le Smic à 3 fois le Smic.
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L’article 7 réforme un ensemble d’exonérations ciblées sur certaines catégories de travailleurs ou d’entreprises.
Il met tout d’abord fin à l’exemption de l’assiette de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) dont fait l’objet la rémunération des apprentis. Il prévoit ainsi l’assujettissement à ces contributions de la part de cette rémunération excédant 50 % du Smic. Elle serait accompagnée d’une disposition réglementaire visant à abaisser de 79 % du Smic à la moitié de ce dernier le seuil d’assujettissement de la rémunération des apprentis aux cotisations salariales.
Par ailleurs, cet article limite aux navires de transport de passagers le bénéfice de l’exonération de cotisations employeur d’allocations familiales et d’assurance chômage applicable aux entreprises d’armement maritime soumises à la concurrence internationale.
Enfin, il supprime l’exonération de cotisations employeurs dont bénéficient les jeunes entreprises innovantes (JEI) et les jeunes entreprises de croissance (JEC).
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L’article 8 procède, comme chaque année, à la modification de la clef de répartition des ressources fiscales affectées aux différentes branches de la sécurité sociale. Il doit se lire en miroir de l’article 38 du projet de loi de finances pour 2025 qui modifie la part de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) affectée à la sécurité sociale pour tenir compte de certaines mesures prises dans les textes financiers.
Il opère des transferts de taxe sur les salaires entre les branches de la sécurité sociale pour :
– réaffecter au profit de la branche maladie une partie des gains nets spontanés générés par la réforme des allégements généraux de cotisation prévue à l’article 6 sur la branche famille (266 millions d’euros) ;
– répartir entre les branches maladie et vieillesse le coût lié à la rétrocession à l’État à hauteur d’1 milliard d’euros d’une partie des gains générés par la réforme des allégements généraux au titre des pertes d’impôts sur les sociétés (534 millions d’euros pour la branche maladie) ;
– affecter à la branche famille une partie de la compensation versée par l’État au titre de l’autorisation du cumul de l’exonération partielle de cotisations dont bénéficient les jeunes agriculteurs avec les mesures de réduction des cotisations familiales et d’assurance maladie prévues pour les travailleurs indépendants (11,1 millions d’euros pour la branche famille) ;
– réinvestir dans la branche vieillesse les gains générés par la réforme des retraites sur le régime de la fonction publique de l’État (69 millions d’euros).
L’article 8 comporte en outre plusieurs mesures qui ne constituent pas des transferts au sens strict, mais qui modifient l’affectation de ressources au sein des administrations de sécurité sociale :
– la modification des règles de calcul de la retenue opéré par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) au titre du risque de non‑recouvrement des cotisations d’assurance chômage qu’elle prélève pour le compte de l’Unedic ;
– l’affectation des réserves du Fonds de solidarité vieillesse, de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF et de la Caisse de retraite du personnel de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) à la Caisse nationale d’assurance vieillesse.
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L’article 9 comporte plusieurs mesures visant à préciser la mise en œuvre de la réforme de la clause de sauvegarde du médicament adoptée en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024, qui sera mise en œuvre pour la première fois en 2026 au titre de l’exercice 2025.
S’agissant de la clause de sauvegarde du médicament, l’article précise les règles applicables en matière de répartition des dépenses remboursées entre les entreprises redevables s’agissant des médicaments dont l’exploitant a changé en cours d’année, ainsi que la situation des entreprises dont la contribution serait négative. L’article précise également deux déductions d’assiette de la clause de sauvegarde du médicament : l’écart médicament indemnisable et l’écart rétrocession indemnisable. L’article prévoit en outre certaines dispositions transitoires relatives à l’entrée en vigueur de la réforme de l’assiette de la clause de sauvegarde du médicament, visant à corriger un effet inflationniste induit par le changement de méthode de calcul.
S’agissant de la clause de sauvegarde des dispositifs médicaux, l’article propose de préciser que l’assiette de la clause de sauvegarde des dispositifs médicaux s’entend hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
Par ailleurs, et comme chaque année, l’article 9 fixe le montant M de la clause de sauvegarde du médicament à 23,3 milliards d’euros pour 2025. Il fixe le montant Z de la clause de sauvegarde des dispositifs médicaux pour 2025 à 2,27 milliards d’euros.
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Cet article constitue une disposition obligatoire des lois de financement de la sécurité sociale, proposant au Parlement d’approuver le montant des compensations par l’État des exonérations, réductions et abattements d’assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale. Cette compensation s’élève pour 2025 à 6,45 milliards d’euros, contre 7,1 milliards d’euros l’année précédente.
Ce montant tient compte des économies anticipées liées à la suppression ou au recentrage prévu à l’article 7 de plusieurs exonérations ciblées dont le coût donne lieu à une compensation à la sécurité sociale au moyen de crédits budgétaires.
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L’article 11 répond à une obligation organique. Il porte approbation du tableau d’équilibre par branche de l’ensemble des régimes de base de sécurité sociale pour 2025.
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L’article 12 répond à une obligation organique. Il fixe à 16,28 milliards d’euros pour 2025 l’objectif d’amortissement de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale. Comme chaque année depuis 2011, il prévoit un montant nul de recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites et de mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse.
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L’article 13 poursuit deux finalités distinctes :
– d’une part, conformément au e du 2° de l’article L.O. 111-3-4 du code de la sécurité sociale, il arrête la liste des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement autorisés à recourir à des ressources non permanentes, ainsi que les limites dans lesquelles leurs besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources. Comme en 2024, les organismes concernés par cette habilitation sont l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRP SNCF), la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) et la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) ;
– d’autre part, il prévoit de relever de douze à vingt-quatre mois la durée maximale des emprunts souscrits par l’Acoss, tout en limitant à douze mois la durée moyenne annuelle pondérée de ces emprunts.
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L’article 14 porte approbation du « rapport figurant en annexe A », qui présente les trajectoires, sur les quatre prochaines années, des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses des régimes obligatoires de base, par branche, ainsi que, mécaniquement, leurs soldes.
Ce rapport intègre, comme l’impose le cadre organique issu de la loi organique du 14 mars 2022, un « compteur des écarts » en dépenses permettant de vérifier la tenue des engagements pris dans la loi de programmation pour les finances publiques. Il présente enfin la trajectoire pluriannuelle prévisionnelle, également pour quatre ans, de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam).
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L’article 15 pose un cadre légal contraignant pour les négociations conventionnelles avec les biologistes médicaux et les radiologues, en vue de conclure des protocoles de maîtrise des dépenses.
Il y a un enjeu particulier à maîtriser l’évolution de ces dépenses qui pèsent dans les remboursements d’assurance maladie en ville et sont spontanément orientées à la hausse, principalement en raison d’un effet volume.
Si les dépenses de biologie médicale ont été dans l’ensemble bien contenues depuis 2014 grâce à l’application d’accords prix-volume conclus avec la profession, la crise sanitaire a marqué une rupture. Quant aux dépenses d’imagerie médicale, leur croissance s’accélère sans qu’aucun protocole n’ait pu être négocié depuis 2020.
L’article 15 fixe un cadre temporel contraignant pour les négociations conventionnelles. Il permettra au Gouvernement et à l’assurance maladie de pratiquer des baisses de tarifs unilatérales si cette négociation n’a pas abouti en temps voulu ou si les objectifs qu’elle a fixés ne sont pas atteints. S’agissant de l’imagerie médicale, ces baisses tarifaires pourront avoir lieu dès 2025, à hauteur de 300 millions d’euros, faute d’accord suffisamment ambitieux conclu avant le 31 mars prochain.
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L’article 16 prévoit l’extension aux transports sanitaires et à certains examens de biologie et d’imagerie médicales d’un dispositif d’accompagnement à la pertinence des prescriptions issu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Ce mécanisme repose sur un logiciel d’aide à la prescription permettant de vérifier la conformité de celle-ci aux indications thérapeutiques remboursables, condition incontournable pour que le patient puisse obtenir un remboursement par l’assurance maladie.
Ce dispositif serait étendu à court terme à des examens de biologie médicale présentant un mésusage et un impact financier importants ainsi qu’aux transports sanitaires afin que soit systématiquement prescrit le transport le moins onéreux au regard de l’état du patient.
Les économies provoquées par cette mesure sont estimées à 66 millions d’euros en 2025.
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L’article 17 vise à renforcer la maîtrise sur les dépenses de transport sanitaire de l’assurance maladie, dans un contexte où celles-ci ne cessent de croître depuis dix ans, avec une accélération depuis la fin de la crise sanitaire. Ces dépenses croissent en raison d’un effet volume (de plus en plus de patients en affection de longue durée transportés) et d’un effet prix. Cet effet prix résulte d’évolutions conventionnelles et de l’augmentation des charges d’exploitation des transporteurs, mais aussi d’un transfert du transport sanitaire vers les taxis, en moyenne plus coûteux.
Dans un contexte où les taxis effectuent désormais 48 % des transports, il apparaît nécessaire de mieux réguler leurs tarifs et leur répartition territoriale. C’est l’objet de l’article 17, qui réforme le cadre légal du conventionnement des taxis, dans le but d’impulser une rénovation du modèle tarifaire et des règles de conventionnement, laquelle devrait permettre, à l’horizon 2027, une économie de l’ordre de 132 millions d’euros par an.
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On assiste à une flambée du recours à l’intérim non-médical dans les établissements publics sanitaires, sociaux et médico-sociaux, les dépenses afférentes ayant plus que triplé en cinq ans pour atteindre 462 millions d’euros dans les hôpitaux.
Dans ce contexte, l’article 18 complète le dispositif de régulation de l’intérim créé il y a quelques années, d’abord pour les médecins puis pour tous les professionnels médicaux et non médicaux en début de carrière. Il s’agit ici de rendre l’emploi en intérim moins attractif pour les personnels non médicaux tout en limitant les surcoûts induits pour les établissements.
À cette fin, l’article 18 prévoit la possibilité d’instaurer, sur le modèle de ce qui a été prévu pour les médecins, un plafonnement des rémunérations d’intérim pour les professions « en tension », pour lesquelles il existe une disproportion importante entre la rémunération des personnels permanents et intérimaires. Une liste des professions concernées sera arrêtée par décret et les plafonds définis par arrêté, avec des variations géographiques possibles. Le respect de ces plafonds sera soumis au même régime que celui de l’intérim médical.
En se fondant sur l’hypothèse de 15 % des contrats d’intérim signés actuellement à l’hôpital qui se trouveraient en dépassement des plafonds décidés, le Gouvernement table sur une économie en année pleine de 22,5 millions d’euros.
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Le présent article comporte diverses mesures visant, d’une part, à mieux anticiper et prévenir la survenue de pénuries de produits de santé et, d’autre part, à améliorer l’efficience de la dépense publique induite par la gestion des pénuries.
Ainsi, au titre des mesures visant à prévenir le risque de pénurie, l’article propose :
– la possibilité pour les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale d’imposer la délivrance à l’unité ou la prescription sur ordonnance conditionnelle pour préserver la disponibilité de médicaments soumis à une forte saisonnalité ;
– la possibilité pour le pharmacien, en cas de risque de rupture d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur ou d’un vaccin, de remplacer le médicament prescrit par un autre médicament ;
– la possibilité pour les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, en cas de risque de rupture d’un dispositif médical, d’autoriser son remplacement par un dispositif médical alternatif ;
– le renforcement du régime de sanctions pouvant être prononcées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé en cas de manquement des exploitants à leurs obligations.
Au titre des mesures visant à renforcer l’efficience de la dépense publique liée à la gestion de la pénurie, l’article propose :
– la prise en compte, dans la détermination du prix d’un médicament, du prix fixé dans le cadre d’un achat national ou d’un achat conjoint européen ;
– la possibilité pour les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, de suspendre la procédure d’inscription ou de tarification d’une spécialité pharmaceutique comparable à une spécialité importée par l’Agence nationale de santé publique pour pallier son indisponibilité sur le marché national.
La mesure permettrait une économie estimée à 16,4 millions d’euros en 2025.
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Le présent article autorise le traitement de données de santé collectées par un dispositif médical à composante numérique, par les distributeurs au détail et avec l’accord du patient, afin d’évaluer la pertinence de la prescription au regard notamment des données d’utilisation du dispositif. Lorsque ces données révèlent que la prescription n’est pas pertinente, notamment en cas de faible utilisation, le prescripteur peut décider de ne pas la renouveler, ce qui entraîne l’arrêt de la prise en charge par l’assurance maladie. Les modifications apportées s’appliquent également aux dispositifs médicaux prescrits dans le cadre d’une activité de télésurveillance.
La mesure proposée permet une économie estimée à 20 millions d’euros en 2025.
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Le présent article augmente le nombre de départements susceptibles de participer à l’expérimentation prévue à l’article 79 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 relative à la fusion des sections « soins » et « dépendance » dans le budget des établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Il modifie également la date à laquelle les départements volontaires doivent avoir transmis la délibération faisant état de leur candidature au représentant de l’État dans le département. Enfin, il rectifie les modalités de financement de l’expérimentation et précise transferts financiers qui doivent intervenir entre le budget de l’État, le budget de la branche autonomie et les départements.
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L’article 22 procède à l’alignement du mode de calcul de la pension de retraite de base des non salariés agricoles (NSA) sur le régime général avec le passage d’un régime par points à un régime par annuités.
Ce dispositif permettra, à terme, de calculer les retraites des NSA sur la base des vingt-cinq meilleures années de revenus tous régimes confondus. La Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole ne disposant des informations sur les revenus de ses assurés que pour les années postérieures à 2016, une double liquidation serait effectuée : sur la base des points acquis pour les périodes antérieures au 1er janvier 2016 et sur la base des revenus à compter de cette date. Les agriculteurs ayant commencé leur carrière en 2016 auront une pension de retraite de base entièrement calculée en fonction de leurs revenus.
Compte tenu de la complexité de l’opération, la réforme ne pourrait être opérationnelle qu’à compter du 1er janvier 2028. Afin qu’elle entre en vigueur dès le 1er janvier 2026, date limite fixée par la loi dite « Dive » du 13 février 2023, l’article 22 prévoit une liquidation temporaire assortie d’un mécanisme de révision. Les pensions liquidées entre le 1er janvier 2026 et le 31 décembre 2027 seront calculées selon les règles actuelles. Une révision sera effectuée courant 2028 pour recalculer les montants selon les nouvelles règles : si le nouveau calcul est plus favorable à l’assuré, la pension sera révisée à la hausse avec application rétroactive au 1er janvier 2026 ; s’il est défavorable, la pension serait maintenue à son niveau calculé initialement.
L’article 22 prévoit également d’autres mesures en faveur des non‑salariés agricoles :
– l’ouverture des minima de pension agricole aux non‑salariés agricoles exerçant à titre secondaire ou accessoire ;
– le relèvement du seuil d’écrêtement de la pension majorée de référence au niveau de celui du minimum contributif, fixé à 1 367 euros pour 2024 ;
– l’exclusion des pensions de droits propres et dérivés issues du cumul emploi‑retraite créateur de droit de la base des ressources prises en compte pour déterminer l’éligibilité aux minima de pensions agricoles.
L’article 22 comporte enfin d’autres mesures simplifiant la mise en œuvre de certains dispositifs par les caisses de retraite.
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L’article 23 décale la date de revalorisation annuelle des prestations d’assurance vieillesse du 1er janvier au 1er juillet.
Cette disposition s’applique aux prestations de vieillesse contributives (pensions, minimum contributif et pension majorée de référence pour les assurés du régime agricole) mais elle ne concerne pas les prestations non contributives que sont l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) et l’allocation de solidarité vieillesse (ASV)
Les économies générées par cette mesure pour la branche vieillesse et l’État sont respectivement estimées à 2,9 milliards d’euros et 1 milliard d’euros en 2025.
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Cet article, qui s’appliquera à compter de 2026, tire les conséquences d’un revirement intervenu en 2023 dans la jurisprudence de la Cour de cassation quant à la définition du ou des préjudices que compense la rente – ou par exception l’indemnité en capital – pour incapacité permanente en cas d’accident ou de maladie trouvant son origine dans l’exercice professionnel d’une part et aux fractions de cette indemnisation respectivement à la charge de la sécurité sociale et de l’employeur d’autre part.
Il réaffirme la double couverture de la perte économique et de l’atteinte physique personnelle, tout en fixant des paramètres de réparation plus favorables aux assurés.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 comportait déjà un article 39 poursuivant le but d’adapter la loi au changement d’interprétation du juge judiciaire. Il avait été supprimé dès son examen en première lecture par l’Assemblée nationale.
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Cet article fixe, pour 2025, le montant respectif :
– de la participation des branches maladie des régimes obligatoires de base (Robss) et autonomie du régime général au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé (FMIS), respectivement à 633 millions d’euros et 86 millions d’euros ;
– de la contribution de la branche autonomie du régime général aux financements de certaines actions des agences régionales de santé (ARS), à 190 millions d’euros ;
– de la dotation de la branche maladie des Robss à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à 181,2 millions d’euros ;
– des dotations de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) aux fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva) et de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA), respectivement à 465 millions d’euros et 453 millions d’euros ;
– du transfert de la branche AT-MP à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles, à 1,6 milliard d’euros ;
– des dépenses engendrées par deux dispositifs liés à la pénibilité, respectivement à 220,7 millions d’euros et 9,7 millions.
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Cet article fixe l’objectif de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès à 260,8 milliards d’euros en 2025 pour l’ensemble des régimes obligatoires de base.
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Article 27
Fixation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que de ses sous‑objectifs pour 2025
Cet article fixe à 263,9 milliards d’euros l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2025 ; il fixe le montant des six sous-objectifs qui le composent.
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Article 28
Objectif de dépenses de la branche accidents du travail
et maladies professionnelles
Cet article fixe l’objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT MP) pour l’année 2025, tels qu’ils résultent des mesures contenues dans la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, à 17 milliards d’euros pour les régimes obligatoires de base (+ 6,3 % par rapport à 2024).
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Cet article fixe l’objectif de dépenses de la branche vieillesse pour l’année 2025.
Les dépenses de l’ensemble des régimes obligatoires de base en matière de retraites devraient s’élever à 300,2 milliards d’euros en 2024.
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Le présent article fixe les objectifs de dépenses de la branche famille de la sécurité sociale à 59,7 milliards d’euros.
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Le présent article fixe les objectifs de dépenses de la branche autonomie de la sécurité sociale à 42,4 milliards d’euros pour l’année 2025.
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L’article 32 fixe les charges prévisionnelles des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de sécurité sociale – c’est-à-dire du seul Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Les dépenses du FSV devraient s’élever à 21,3 milliards d’euros en 2025, en augmentation de 0,9 milliard d’euros au regard du montant fixé pour 2023.
([1]) Loi constitutionnelle n° 96‑138 du 22 février 1996 instituant les lois de financement de la sécurité sociale.
([2]) Article L.O. 111‑6 du code de la sécurité sociale.
([3]) Décret du 21 septembre 2024 relatif à la composition du Gouvernement.
([4]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, octobre 2024.
([5]) FSV inclus.
([6]) Quoique présentant une hausse de 8,2 milliards d’euros par rapport au constat pour 2023 (+ 3,3 %) et de 1,2 milliard d’euros (+ 0,47 %) en comparaison avec la cible initiale, l’Ondam corrigé ne devrait pas, de l’avis de la plupart des députés s’étant exprimés à ce propos, suffire à couvrir le choc qu’ont connu les établissements de santé et les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) à raison de l’inflation et, par suite, des revalorisations au demeurant indispensables des personnels et du coût des achats.
([7]) Dans l’objectif d’assurer une plus grande maîtrise de la dynamique de ces bandeaux maladie et famille, l’article 20 de la loi n° 2023‑1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 a « gelé » leur point de sortie à respectivement 2,5 Smic et 3,5 Smic applicables au 31 décembre 2023.
([8]) Antoine Bozio et Étienne Wasmer, Les politiques d’exonérations de cotisations sociales : une inflexion nécessaire, octobre 2024.
([9]) Loi n° 2023‑87 du 13 février 2023 visant à calculer la retraite de base des non‑salariés agricoles en fonction des vingt‑cinq années d’assurance les plus avantageuses.
([10]) Amendement AS1576 de M. Yannick Neuder, rapporteur général.
([11]) Amendements AS543 de M. Cyrille Isaac‑Sibille et AS1582 de M. Frédéric Valletoux.
([12]) Amendements AS1586 de M. Yannick Neuder, rapporteur général, et AS125 de M. Jérôme Guedj.
([13]) Amendements AS728 de Mme Justine Gruet et AS1574 de M. Frédéric Valletoux.
([14]) Amendement AS1599 de M. Yannick Neuder, rapporteur général.
([15]) Article 49 de la loi n° 2023‑1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.
([16]) Amendement AS1603 de M. Yannick Neuder, rapporteur général.
([17]) Amendement AS1604 de M. Yannick Neuder, rapporteur général. Selon ces règles, doivent être prescrits sur la partie haute de l’ordonnancier les seuls actes et prestations en lien direct avec l’ALD, pris en charge à 100 % par la sécurité sociale. Les autres actes, produits et prestations doivent être prescrits sur la partie basse, et remboursés aux taux applicables à l’ensemble des assurés sociaux.
([18]) Igas, « Qualité de l’accueil et prévention de la maltraitance dans les crèches », mars 2023.
([19]) Bérangère Lepetit et Elsa Marnette, Babyzness, Ed. Robert Laffont, septembre 2023 ; Daphné Gastaldi et Matthieu Périsse, Le Prix du berceau : ce que la privatisation des crèches fait aux enfants, Ed. Le Seuil, septembre 2023.
([20]) Rapport de la commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mai 2024.
([21]) Victor Castanet, Les Ogres, Ed. Flammarion, septembre 2024.
([22]) Voir V. Castanet, Les Ogres, op. cit.
([23]) Bianca Brienza et Elsa Fourcaut, « Pour que les congés parentaux deviennent enfin égalitaires », Libération, 10 juillet 2023.
([24]) HCFEA, « Le pouvoir d’achat des familles face au choc d’inflation », 19 décembre 2023.
([25]) Loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
([26]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, octobre 2024, p. 12.
([27]) Loi n° 2023‑87 du 13 février 2023 visant à calculer la retraite de base des non‑salariés agricoles en fonction des vingt‑cinq années d’assurance les plus avantageuses.
([28]) Ce dispositif est présenté au commentaire de l’article 6.
([29]) Fiche d’évaluation préalable de l’article 6, annexe IX du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
([30]) Le rapport d’Antoine Bozio et d’Étienne Wasmer présente certes des simulations des effets sur l’emploi d’une réforme des allégements généraux mais celles‑ci ne sont pas transposables à la réforme proposée dans ce texte puisque le scénario envisagé diffère de ceux analysés dans le rapport et conçus à coût constant.
([31]) Haut Conseil du financement de la protection sociale, Lutte contre la fraude sociale : état des lieux et enjeux, juillet 2024, p. 79. Ce montant de 13 milliards d’euros est un minorant selon le Haut Conseil car il n’intègre pas les manques à gagner liés aux contrôles comptables d’assiettes ni l’ensemble du périmètre des prestations d’assurance maladie ni l’impact de la fraude sur les recettes fiscales affectées à la sécurité sociale. Il sous‑estime par ailleurs, toujours selon le HCFiPS, l’activité partiellement dissimulée dans le champ des cotisations.
([32]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, octobre 2024, p. 189.
([33]) Les agents contractuels de la fonction publique sont affiliés au régime général pour la retraite de base et à l’Ircantec pour la retraite complémentaire.
([34]) Inspection générale des finances, Inspection générale des affaires sociales, Inspection générale de l’administration, Situation financière de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, octobre 2024, p. 3.
([35]) Direction générale des collectivités locales, « Les finances des collectivités locales en 2023 », Bulletin d’information statistique, n° 185, août 2024, p. 6.
([36]) Le glissement vieillesse‑technicité correspond à l’augmentation de la rémunération individuelle d’un fonctionnaire découlant d’un avancement quasi automatique sur sa grille indiciaire (composante « vieillesse ») et d’un changement de grade ou de corps par le biais d’un concours ou d’une promotion au choix dans un corps ou grade (composante « technicité »).
([37]) Inspection générale des finances, L’investissement des collectivités territoriales, octobre 2023, p. 3.
([38]) Direction générale des collectivités locales, « En 2022, le nombre d’agents de la fonction publique territoriale diminue de -0,2 % », Bulletin d’information statistique, n° 183, avril 2024, p. 1.
([39]) Loi n° 2023-87 du 13 février 2023 visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d’assurance les plus avantageuses.
([40]) Article 98 de la loi n° 2021‑1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.
([41]) Audition de Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins, M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes, Mme Astrid Panosyan‑Bouvet, ministre du travail et de l’emploi, et M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, le mercredi 16 octobre 2024.
([42]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024, p. 132.
([43]) Insee, « Écart de salaire entre femmes et hommes en 2022 », Insee Focus n° 320, mars 2024.
([44]) Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale 2022, chapitre VII.
([45]) Insee, « Les trajectoires professionnelles des femmes les moins bien rémunérées sont les plus affectées par l’arrivée d’un enfant », Insee analyses N° 48, octobre 2019.
([46]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024, p. 136.
([47]) Loc. cit.
([48]) Rapport n° 18 de Mmes Marie-Pierre Richer et Annie Le Houerou, enregistré à la présidence du Sénat le 9 octobre 2024.
([49]) L’IRSN et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) seront réunis le 1er janvier 2025 dans une nouvelle Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), sur le fondement de diverses dispositions de la loi n° 2024-450 du 21 mai 2024 relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.
([50]) Compte rendu n° 5 de la commission des affaires sociales, mercredi 16 octobre 2024 (cf. tome III du présent rapport).