N° 487

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 octobre 2024

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2025
(n° 325)

PAR M. Yannick NEUDER

Rapporteur général, rapporteur pour les recettes, l’équilibre général et la branche maladie, Député

M. Guillaume FLORQUIN
Rapporteur pour la branche autonomie, Député

M. Louis BOYARD
Rapporteur pour la branche famille, Député

Mme. Sandrine ROUSSEAU
Rapporteure pour la branche vieillesse, Députée

M. Jean-Carles GRELIER
Rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, Député

——

TOME III

COMPTES RENDUS

 

 Voir les numéros : 325, 480.

 

 

 

 


SOMMAIRE

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TOME I : AVANT-PROPOS ET SYNTHÈSE

TOME II : COMMENTAIRES DES ARTICLES

TOME III : COMPTES RENDUS

Pages

Compte rendu de l’audition des ministres et de la discussion générale du projet de loi

Réunion du mercredi 16 octobre 2024 à 17 heures

Comptes rendus de l’examen des articles  du projet de loi

1. Réunion du lundi 21 octobre 2024 à 17 heures (article liminaire à après l’article 3)

Article liminaire Prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour 2024 et 2025

Article 1er Rectification des prévisions de recettes, des tableaux d’équilibre et des objectifs de dépenses pour 2024

Article 2 Rectification de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que de ses sous-objectifs

Article 3 Alignement de l’effort contributif des nonsalariés agricoles sur celui des travailleurs indépendants dans le cadre de la réforme du mode de calcul de la pension de retraite de base

Après l’article 3

2. Réunion du lundi 21 octobre 2024 à 21 heures 15 (article 4 à après l’article 5)

Article 4 Pérennisation du dispositif d’exonération de cotisations patronales lié à l’emploi des travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi et relèvement du plafond d’exonération totale de 1,20 Smic à 1,25 Smic

Article 5 Cumul de l’exonération applicable aux jeunes agriculteurs et des taux réduits de droit commun des cotisations maladie et famille

Après l’article 5

3. Réunion du mardi 22 octobre 2024 à 19 heures 20 (après l’article 5)

Après l’article 5 (suite)

4. Réunion du mardi 22 octobre 2024 à 21 heures 30 (article 6 à après l’article 6)

Article 6 Réforme des allégements généraux de cotisations patronales

Après l’article 6

5. Réunion du mercredi 23 octobre 2024 à 15 heures (après l’article 6 [suite] à article 9)

Après l’article 6 (suite)

Article 7 Rationalisation des exonérations de cotisations sociales pour les contrats d’apprentissage, les entreprises d’armement maritime, les jeunes entreprises innovantes et les jeunes entreprises de croissance

Article 8 Transferts financiers au sein des administrations de sécurité sociale

Après l’article 8

Article 9 Clarifier les modalités d’appel et de calcul des clauses de sauvegarde M et Z

6. Réunion du mercredi 23 octobre 2024 à 21 heures 30 (après l’article 9)

Après l’article 9

7. Réunion du jeudi 24 octobre 2024 à 9 heures 30 (après l’article 9 [suite] à article 14)

Après l’article 9 (suite)

Article 10 Compensation par l’État des pertes de recettes pour la sécurité sociale

Article 11 Approbation , pour l’année 2025, des tableaux d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse

Après l’article 11

Article 12 Objectif d’amortissement de la dette sociale et prévisions sur les recettes du Fonds de réserve pour les retraites et du Fonds de solidarité vieillesse pour 2025

Après l’article 12

Article 13 Liste et plafonds de trésorerie des régimes et organismes habilités à recourir à des ressources non permanentes et allongement de la durée des ressources non permanentes auxquelles l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale peut recourir

Article 14 Approbation de l’annexe pluriannuelle dite « annexe A »

8. Réunion du jeudi 24 octobre 2024 à 15 heures (article 15 à après l’article 18)

Article 15 Régulation des dépenses dans le champ conventionnel

Après l’article 15

Article 16 Extension du champ de l’accompagnement à la pertinence des prescriptions

Après l’article 16

Article 17 Améliorer l’efficience des dépenses de transports de patients

Après l’article 17

Article 18 Plafonnement des rémunérations des personnels non médicaux exerçant en intérim

Après l’article 18

9. Réunion du jeudi 24 octobre 2024 à 21 heures (après l’article 18 [suite] à après l’article 21)

Après l’article 18 (suite)

Article 19 Lutter contre les pénuries de produits de santé

Article 20 Pertinence des dispositifs médicaux numériques pris en charge par l’assurance maladie

Après l’article 20

Article 21 Modification des paramètres de l’expérimentation relative au modèle de financement des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

Après l’article 21

10. Réunion du vendredi 25 octobre 2024 à 9 heures 30 (article 22 à article 32)

Article 22 Aligner le mode de calcul de la pension de retraite de base des non-salariés agricoles sur le régime général

Article 23 Décalage de la revalorisation des prestations d’assurance vieillesse au 1er juillet

Après l’article 23

Article 24 Améliorer l’indemnisation en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle et mieux prendre en compte le préjudice personnel

Après l’article 24

Article 25 Dotations des branches maladie et autonomie au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé, de la branche autonomie aux agences régionales de santé, de la branche maladie à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et de la branche accidents du travail et maladies professionnelles au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante et au fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, transfert de compensation de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles et dépenses engendrées par les dispositifs de prise en compte de la pénibilité

Après l’article 25

Article 26 Objectif de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès

Après l’article 26

Article 27 Fixation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que de ses sous‑objectifs pour 2025

Article 28 Objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles

Article 29 Objectif de dépenses de la branche vieillesse pour 2025

Après l’article 29

Article 30 Objectif de dépenses de la branche famille

Après l’article 30

Article 31 Objectifs de dépenses de la branche autonomie

Article 32 Prévision des charges des organismes concourant au financement des régimes obligatoires (Fonds de solidarité vieillesse)

Après l’article 32

 


   Compte rendu de l’audition des ministres et de la discussion générale du projet de loi

Réunion du mercredi 16 octobre 2024 à 17 heures

 

La commission auditionne Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins, M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi, et M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 325).

 

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.15550163_670fd289efe39.commission-des-affaires-sociales--audition-de-plusieurs-ministres-sur-le-projet-de-loi-de-financeme-16-octobre-2024

 

M. le président Frédéric Valletoux. Nous commençons cet après-midi nos travaux relatifs au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 avec l’audition de quatre ministres : Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins ; M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes ; Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi ; M. Laurent Saint‑Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics.

La semaine dernière, le bureau de la commission a reconduit les modalités d’organisation de cette audition adoptées l’an dernier. Après les ministres interviendront donc successivement le rapporteur général, pour trois minutes ; les quatre rapporteurs thématiques, pour deux minutes chacun ; le rapporteur pour avis de la commission des finances, pour deux minutes ; les orateurs des groupes politiques, pour quatre minutes chacun ; les autres députés, pour deux minutes chacun.

M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics. Pour ma part, j’évoquerai essentiellement le cadre des finances publiques qui sous-tend ce projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Je préciserai le calendrier, puis la méthode, avant de me concentrer sur les enjeux de finances publiques.

D’abord, du fait des circonstances que vous connaissez, le calendrier de préparation du texte a été particulièrement contraint. J’ai pleinement conscience que ce n’est pas sans conséquence, notamment sur le contenu du texte que le Premier ministre a qualifié de « perfectible ». Il est donc important que nous travaillions ensemble pour l’améliorer. Je crois sincèrement aux vertus de l’écoute, du dialogue et de la concertation, qui sont d’ailleurs au fondement de notre modèle de protection sociale.

Nous devons dialoguer avec vous, mais aussi avec les partenaires sociaux et les organisations professionnelles patronales et syndicales. Lundi, devant la Commission des comptes de la sécurité sociale, j’ai dit que nous devions et que nous saurions être à l’écoute de toutes les propositions qui iraient dans le sens d’un rééquilibrage des comptes.

C’est autant à la lumière de la situation globale des finances publiques que de la situation spécifique des comptes sociaux que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale prend son sens. Vous le savez, notre déficit public est trop important. Il pourrait être supérieur à 6 % du PIB à la fin de l’année. Nous avons donc l’ambition de le ramener à 5 % à l’horizon 2025, ce qui représente un effort de réduction d’environ 60 milliards d’euros, en fonction de l’évolution tendancielle.

S’agissant des comptes sociaux, le rapport présenté par le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale illustre la gravité de la situation : en 2024, le déficit de la sécurité sociale augmentera de près de 8 milliards d’euros et pourrait s’élever à 28 milliards en 2025, en l’absence de mesures nouvelles. Autrement dit, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 marque une étape importante vers le retour progressif à l’équilibre de nos comptes sociaux – donc de nos comptes publics –, tout en ouvrant de nouveaux droits.

L’esprit de responsabilité qui doit nous animer impose de renouer avec une trajectoire de finances sociales soutenable. Il y va de la pérennité du modèle de protection sociale, fondé sur la solidarité intergénérationnelle. La soutenabilité est la première condition de la solidarité.

Vous connaissez les raisons de ce déséquilibre : nous avons fait le choix nécessaire et juste de dépenser pour protéger nos concitoyens face aux crises sanitaires et économiques de ces dernières années. C’est la principale raison du déficit social. Les crises sont désormais derrière nous. La croissance devrait atteindre 1,1 % en 2025. Le taux de chômage, qui est passé sous la barre des 8 %, est au plus bas depuis quarante ans. L’inflation, désormais inférieure à 2 % et qui serait de 1,8 % en 2025, est contenue.

Par conséquent, nous proposons un effort de freinage proportionné de la dépense sociale, se traduisant par une progression maîtrisée de la dépense des régimes obligatoires de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) de plus de 8 %, soit 18 milliards d’euros, contre 5,3 % en 2024. Le PLFSS prévoit des mesures visant à redresser le solde dès 2024. En 2025, l’équilibre de quatre branches permettra de ramener le déficit de la sécurité sociale à 16 milliards d’euros, tout en finançant des mesures nouvelles.

Le report de l’indexation des pensions de retraite – étant entendu que les minima sociaux seront revalorisés à la date prévue – permettra de dégager plus de 3 milliards d’euros pour la sécurité sociale, auxquels s’ajouteront plus de 2 milliards d’euros au titre du relèvement de quatre points du taux de cotisation des employeurs publics de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

La maîtrise des dépenses de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) contiendra sa progression à son niveau spontané de 2,8 %. Cette ambition ne sera satisfaite qu’à condition de financer les mesures nouvelles que le Gouvernement s’est engagé à prendre, à due concurrence, par un effort de maîtrise de la dépense représentant 4,9 milliards d’euros d’économies. Il reposera sur l’ensemble des acteurs du système de santé tout en préservant les assurés, dont le reste à charge a baissé de plus de deux points en dix ans. Il passera également par le relèvement du ticket modérateur à hauteur de 1,1 milliard d’euros, ce qui mettra davantage à contribution les organismes complémentaires, dont la part de prise en charge de la consommation de soins et de biens médicaux baisse tendanciellement. La baisse du plafond de prise en charge des indemnités journalières sera sans effet sur les salariés rémunérés en deçà de 1,4 Smic, ce qui dégagera 600 millions d’euros d’économies dès 2025. Enfin, le relèvement des franchises et des participations forfaitaires acté en 2024 montera en charge, avec une hausse de 300 millions d’euros.

La maîtrise de l’Ondam reposera également sur des mesures d’efficience. Le plan de maîtrise du prix des produits de santé et le plan de sobriété des usages, qui contribueront à hauteur de 1,2 milliard et de 400 millions aux économies, permettront de contenir la progression des dépenses de produits de santé, malgré une augmentation de 2,3 %. L’optimisation des achats, notamment à l’hôpital et dans les établissements médico-sociaux, dégagera 700 millions de moindres dépenses. Les mesures de limitation des dépenses de radiologie et d’imagerie médicale équivaudront à une économie de 300 millions d’euros. Enfin, 300 millions d’euros d’économies sont attendues dans le champ de la régulation des soins de ville et des dépenses liées au covid‑19. Au-delà de ces économies de près de 5 milliards d’euros, les efforts de maîtrise médicalisée et de lutte contre la fraude doivent monter en charge.

Par ailleurs nous proposerons des réformes d’efficience, comme la refonte des allégements généraux, pour lutter plus efficacement contre les trappes à bas salaires en dépensant moins.

Enfin, la révision des niches sociofiscales, dans le cadre des réformes relatives aux dispositifs sectoriels, est prévue à l’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s’agit de mesures visant à prendre en compte de manière plus fine les usages s’agissant des avantages en nature, notamment les véhicules de fonction, ou encore de mesures de lutte contre l’optimisation sociofiscale.

Ce projet de loi de financement est un coup de frein réel tout autant que raisonnable. Il nous laisse suffisamment de marge de manœuvre pour à la fois préserver notre système de protection sociale et continuer à agir. En effet, nous continuons à agir pour les professionnels de santé libéraux, dont les revalorisations seront présentées par la ministre de la santé et de l’accès aux soins ; pour l’hôpital, dont le budget progressera de plus de 3 milliards ; pour les établissements sociaux et médico-sociaux, dont le budget augmentera également, permettant d’honorer les engagements pris dans les domaines du handicap et du grand âge.

L’effort de maîtrise de la dépense sera juste et réparti entre les branches, en cohérence avec les besoins identifiés et les priorités du Gouvernement.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins. Posons-nous des questions simples : où en sommes-nous ? Où allons-nous ? Je ne tiendrai pas un discours triomphaliste : la situation des finances publiques exige de la responsabilité, une responsabilité dont dépendent la soutenabilité et la pérennité de notre modèle de protection sociale. Je veux toutefois vous convaincre que ce budget est positif car il sera facteur de progrès dans le domaine de la santé.

Le déficit de la branche maladie pour 2025 est estimé à 13,4 milliards d’euros. Cette dynamique importante démontre que les besoins croissent ; il est nécessaire que nous les financions. En outre, notre modèle social, héritage du Conseil national de la Résistance, doit être préservé. Aussi ce projet de loi de financement de la sécurité sociale marque-t-il une étape importante dans l’ouverture de nouveaux droits au service de nos concitoyens, tout en œuvrant à la recherche d’une amélioration de la trajectoire de nos comptes sociaux en vue d’un retour progressif à l’équilibre – objectif responsable.

Comme l’a rappelé le Premier ministre, la santé des Français demeure plus que jamais une priorité. Ce budget le prouve : il s’inscrit dans la continuité de ses engagements pour répondre aux préoccupations de nos concitoyens en matière de santé et d’accès aux soins.

C’est d’abord un budget de progrès, comme en témoigne la trajectoire d’augmentation des dépenses d’assurance maladie. C’est également un budget d’action pour la santé de tous les Français, avec la poursuite des investissements nécessaires pour garantir l’accès aux soins et protéger l’hôpital.

Pour répondre à ces impératifs, l’Ondam augmentera de 2,8 % en 2025 pour atteindre 264 milliards d’euros, soit une hausse de 9 milliards d’euros par rapport à 2024 et de 60 milliards d’euros par rapport à 2019. Tous les ans, l’Ondam progresse du fait de la poursuite des financements d’investissements et de mesures nouvelles, notamment le Ségur de la santé.

Cette trajectoire assure le financement de nos priorités : améliorer l’organisation du système de santé, assurer son financement, renforcer les politiques en matière de santé mentale et de psychiatrie, travailler à l’attractivité des métiers et accompagner les innovations.

Le PLFSS permet de poursuivre la dynamique de renforcement de l’accès aux soins dans tous les territoires. Nous continuerons d’accompagner les maisons de santé pluridisciplinaires, nous poursuivrons la stratégie « d’aller vers », nous respecterons l’engagement contractuel à l’égard des médecins généralistes dont le prix de la consultation passera à 30 euros à l’échéance prévue.

Par ailleurs, nous menons une action résolue en faveur des soins palliatifs grâce à la stratégie décennale qui, dotée de 1 milliard d’euros, renforcera massivement ces soins dans tous les territoires. Dès la première année d’application, en 2025, 100 millions d’euros seront investis.

La prise en charge de la santé mentale, érigée en grande cause nationale pour l’année 2025 par le Premier ministre, progressera, avec près de 100 millions d’euros mobilisés. Ainsi, le dispositif Mon soutien psy sera renforcé : douze séances, au lieu de huit aujourd’hui, seront remboursées et le prix des consultations sera revalorisé. Les jeunes pourront accéder au dispositif de prévention du suicide VigilanS. Les services d’accès aux soins (SAS) intégreront progressivement une filière d’accès aux soins en psychiatrie afin d’apporter des solutions à nos concitoyens dans les territoires.

Nous amplifierons les politiques en faveur de la prévention, afin d’atteindre nos grands objectifs en matière de santé et d’accès à la santé. À cet égard, Mon bilan prévention, politique importante de dépistage aux âges clefs de la vie, sera généralisé afin de jouer un rôle moteur. La campagne de vaccination contre le papillomavirus sera reconduite au collège. Ces actions seront menées avec les agences régionales de santé (ARS), grâce à une augmentation de 10 % du budget des fonds d’intervention régionaux (FIR).

Pour faciliter la gestion des ressources humaines dans les établissements publics sanitaires et médico-sociaux, et pour éviter d’aggraver leurs difficultés budgétaires, le montant des rémunérations versées aux intérimaires sera plafonné.

Enfin, dans un contexte d’aggravation des ruptures de stocks dans l’ensemble des pays européens, le projet de loi de financement garantit l’accès aux médicaments et aux produits de santé à tous les Français. Il s’inscrit dans la continuité de la feuille de route ambitieuse, présentée au mois de février 2024 par le précédent Gouvernement, pour la disponibilité des médicaments et une stratégie de relocalisation industrielle de certaines molécules.

L’amélioration de la pertinence des dépenses atteste que ce PLFSS est un budget de responsabilité. Il s’agit de dépenser bien et mieux en responsabilisant l’ensemble des acteurs, qui devront participer à la maîtrise de la progression des dépenses. À cet égard, des accords tarifaires doivent être conclus avec eux, à l’instar de celui signé entre l’assurance maladie et les représentants des professionnels de santé dans l’imagerie et la biologie. Nous devons également améliorer l’efficience des transports des patients, élargir les dispositifs d’accompagnement des prescripteurs créés dans la précédente loi de financement de la sécurité sociale pour la pertinence des prescriptions, ou encore simplifier les modes de calcul de la clause de sauvegarde s’appliquant aux médicaments. Ces questions feront l’objet d’un travail de coconstruction entre la Caisse nationale de l’assurance maladie et les acteurs de la santé.

Nous attendons en 2025, de manière responsable, un effort de 89 milliards d’euros d’économies auquel chacun doit prendre sa part. Il convient de poursuivre le dialogue avec vous et avec tous les acteurs pour en définir les modalités concrètes de mise en œuvre afin d’atteindre la cible d’économies fixée ; aucune disposition présentée n’est figée. Nous avons envisagé des mesures de transfert vers les complémentaires santé à hauteur de 1 milliard d’euros, la baisse du plafond de prise en charge des indemnités journalières financées par l’assurance maladie, un plan de maîtrise du prix des produits de santé pour 1,2 milliard d’euros, ou encore des mesures d’efficience s’appliquant à l’hôpital.

Du reste, les économies ne se feront jamais au détriment de l’hôpital, qui a tant besoin de soutien. Le sous-Ondam hospitalier s’élève à 3,01 %. Nous financerons toutes les mesures du Ségur engagées, notamment les mesures salariales. Par ailleurs, nous poursuivrons le travail accompli avec la réforme de 2022 relative à l’activité de soins critiques qui visait à mieux la répartir sur le territoire et à renforcer les exigences en matière de qualité et de sécurité des soins. Je continuerai à être aux côtés des hôpitaux, dont l’activité reprend progressivement – c’est un signe positif –, afin qu’ils embauchent rapidement du personnel.

Pour conclure, il est impératif d’assurer la soutenabilité de notre système de santé, percuté par les contingences démographiques et les maladies complexes qu’il faut financer, en travaillant à une plus grande maîtrise des dépenses. Nous devons réfléchir à une transformation des modes de financement ainsi qu’au renforcement de la prévention. Nous ferions alors œuvre utile pour notre pays et nos concitoyens qui doivent garder confiance dans ce système.

M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes. Dans le contexte budgétaire actuel, si nous n’arrivions pas à conforter dans la durée notre modèle de solidarité, les plus vulnérables seraient les premiers à souffrir. Le ministère prend toute sa part à l’effort collectif pour le préserver. Comme mes collègues, j’ai travaillé pour vous présenter un projet tourné vers l’avenir.

S’agissant de la méthode, nous devons renforcer l’efficience des moyens publics alloués à la branche famille et à la nouvelle branche autonomie, que nous sommes plusieurs à avoir contribué à créer. Nous nous efforcerons en particulier d’améliorer les pratiques d’achat des établissements pour personnes âgées ou en situation de handicap. Des ressources seront mises en commun au sein des nouveaux groupements territoriaux sociaux et médico-sociaux, dont nous devons intensifier le déploiement.

Les établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ont toute leur place dans l’offre d’aujourd’hui et de demain, à condition de mettre en commun leurs ressources et de diversifier leurs activités pour répondre aux besoins en évolution de leur territoire. Par ailleurs, nous devons lutter contre les pratiques de surmédicalisation qui n’améliorent ni la santé ni la qualité de vie. Enfin, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de limiter les dépenses d’intérim qui grèvent les budgets des établissements médico-sociaux et des établissements de santé.

S’agissant des établissements d’accueil du jeune enfant, je n’ignore rien des révélations récentes, qui s’apparentent à un détournement des moyens publics au regard de leurs objectifs. Dans les mois à venir, nous appliquerons l’article 18 de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi qui permet un contrôle financier au siège des groupes. D’ici à la fin de l’année, nous prendrons, avec la ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance Agnès Canayer, un décret d’application contre les pratiques commerciales douteuses, telles les frais annexes facturés aux familles, en précisant clairement le périmètre des dépenses publiques éligibles au complément de libre choix du mode de garde. En lien avec vous et avec les fédérations, j’aurai à cœur d’aller plus loin, non pas pour faire des économies sur le dos de ces publics, mais pour faire toujours mieux avec les moyens des citoyens. Derrière l’efficience de la dépense publique se posent en effet les questions de la qualité d’accompagnement et de la lutte contre toute forme de maltraitance, sur lesquelles je serai intraitable.

L’augmentation du budget d’investissement dans l’avenir permettra d’accompagner toutes les familles, de la petite enfance au grand âge, et de garantir la pleine participation des personnes en situation de handicap à notre société. Notre avenir sera marqué par une transition démographique inédite, qu’il nous incombe d’accompagner dès maintenant. Nous aurons besoin de tous les talents et de toutes les énergies pour soutenir notre économie, notre vie associative et l’implication citoyenne sur lesquelles repose notre système de solidarité.

D’abord, s’agissant de la politique familiale – une des priorités du Gouvernement –, les moyens du service public de la petite enfance sont confortés et sécurisés avec une hausse de près de 10 % des prestations familiales extralégales – le fonds national d’action sociale. Ces dépenses supplémentaires visent à soutenir les familles en mettant fin aux tensions sur l’offre d’accueil et à offrir une diversité de solutions adaptées au quotidien et aux besoins de tous. Concrètement, nous renouvelons l’objectif de création de 35 000 places en établissements d’accueil du jeune enfant en finançant les investissements nécessaires à l’horizon 2027. Nous poursuivrons la revalorisation des professionnels, essentiels pour répondre à notre ambition pour la petite enfance, en versant dès cette année le bonus attractivité qui entraînera des augmentations de salaire net à hauteur de 150 euros en moyenne en début de carrière. Nous veillerons à harmoniser les différentes conventions pour faciliter la mobilité professionnelle.

À partir du 1er janvier 2025, le service public de la petite enfance bénéficiera d’un nouvel élan grâce au transfert aux communes des compétences obligatoires d’organisation de l’accueil du jeune enfant. Elles recenseront ainsi l’offre et l’ensemble des besoins sur leur territoire avant de planifier le développement de nouveaux modes d’accueil. Cette vision d’ensemble les confortera dans leur rôle d’information des familles. Enfin – et c’est le plus important –, elles disposeront de nouveaux outils pour assurer la qualité de l’accueil du jeune enfant et sa sécurité au quotidien. Malgré la situation budgétaire, elles recevront un soutien financier de l’État de 86 millions d’euros pour atteindre ces objectifs.

Le Gouvernement et un grand nombre d’entre vous portent une attention particulière aux familles monoparentales, dont la charge, premier frein périphérique à l’accès à l’emploi, incombe le plus souvent aux femmes. À partir de 2025 sera mise en œuvre une réforme du complément du libre choix du mode de garde, financée par la branche famille à hauteur de 600 millions d’euros en année pleine. Pour les familles monoparentales, ce dispositif s’appliquera jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge de 12 ans, contre 6 ans actuellement. L’accès facilité à un mode de garde permettra aux parents de concilier leurs différents temps de vie, de s’accorder des temps de répit bénéfiques à toute la famille, d’encourager leur accès à l’emploi et leur maintien dans celui-ci. Enfin, pour lutter contre la pauvreté des enfants, les prestations familiales seront revalorisées en fonction de l’inflation au 1er avril. Au total, les dépenses de la branche famille augmenteront de près de 2 milliards d’euros.

Je sais que vous proposerez des mesures relatives au congé de naissance, afin de favoriser le bon développement de l’enfant lors de ses 1 000 premiers jours et de garantir l’égalité entre les femmes et les hommes. Avec Agnès Canayer et Salima Saa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, nous continuerons à travailler sur ce dispositif qui trouvera toute sa pertinence dès lors qu’il constituera un choix supplémentaire pour les familles concernées sans rien retirer aux autres.

L’ambition en matière de fraternité évoquée par le Premier ministre s’appliquera également aux personnes en situation de handicap. Avec Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées, nous souhaitons conforter la dynamique impulsée par les Jeux paralympiques en faveur d’une société plus inclusive. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit donc une accélération du déploiement des 50 000 nouvelles solutions d’accompagnement, qui bénéficient d’une enveloppe de 1,5 milliard d’euros au total à l’horizon 2030. Alors que 200 millions d’euros devaient y être consacrés chaque année, nous portons l’enveloppe annuelle à 270 millions d’euros pour 2025.

Les concertations menées sur le terrain par les ARS, les conseils départementaux et les associations avancent vite. Toutes les personnes impliquées jouent le jeu. D’ici à 2025 seront déployées 15 000 solutions plus individualisées, plus adaptées aux besoins si spécifiques des personnes et au plus près de leur lieu de vie.

Nous porterons une attention particulière à l’école pour tous car un camarade de classe en situation de handicap pourrait être un ami, un futur collaborateur professionnel, un futur employeur ou un futur époux. La société inclusive que nous appelons de nos vœux doit démarrer dès le début de la vie avec la lutte contre les préjugés. L’école inclusive a besoin de moyens d’accompagnement médico-sociaux que mon ministère doit être en mesure de fournir. À cet égard, nous avons lancé le déploiement d’un soutien médico-social renforcé dans quatre départements à la rentrée 2024. Nous avons les moyens pour aller plus loin en 2025 avant une généralisation du dispositif.

Le fonds d’appui à la transformation des établissements et services pour personnes handicapées, doté d’une enveloppe de 250 millions d’euros annoncée lors du comité interministériel du handicap et confirmée dans le projet de loi de financement, financera le déploiement d’instituts médico-éducatifs. Nous mettons ainsi tout en œuvre pour que les personnes concernées mènent la vie qu’elles souhaitent en bénéficiant d’un accompagnement en fonction de leurs besoins en vue d’être pleinement autonomes. Il y va de l’égalité des droits promise par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont nous fêterons cette année les vingt ans. Je serai également à votre écoute sur ces questions.

J’en viens à un sujet qui mérite notre attention : le vieillissement. Malgré les progrès accomplis, les défis à relever restent majeurs. Les personnes de plus de 85 ans sont susceptibles d’avoir besoin d’un soutien à l’autonomie. Or, leur nombre augmente à l’horizon 2030. Il faut nous y préparer dès maintenant en nous assurant que l’offre globale – Ehpad, services à domiciles, solutions intermédiaires innovantes, comme les colocations intergénérationnelles et les résidences autonomie – permet à nos concitoyens de vivre bien et satisfont leurs besoins, quel que soit leur âge.

Dans l’intérêt des résidents et des professionnels, il faut mettre fin aux difficultés financières des Ehpad ; 90 % des établissements de demain existent déjà, et nous avons besoin d’eux. Plusieurs rapports parlementaires l’ont montré : ces difficultés sont structurelles. J’ai l’intention d’apporter, avec vous, des solutions pérennes. Les taux d’occupation n’ont jamais retrouvé le niveau d’avant la crise sanitaire, preuve qu’il est nécessaire de transformer les Ehpad et les services qu’ils proposent pour correspondre aux besoins et aux envies de nos concitoyens âgés. Il faut en faire des lieux où l’on vit bien, et non seulement où l’on vieillit bien, et ne pas limiter la diversification des activités. Les exemples abondent : étudiants logés, crèches conjointes, services publics adossés, lieu d’accueil et de convivialité de tout le quartier. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit des investissements immobiliers supplémentaires, avec la consigne de consommer rapidement les crédits en 2025. Le travail sur le modèle se poursuivra.

La majorité des financements alloués aux Ehpad proviennent non de la sécurité sociale mais des usagers, qui paient un tarif hébergement ; le département prend en charge une part des frais relatifs à l’autonomie. Depuis 2019, les dotations des ARS ont augmenté de 50 %, mais les tarifs hébergement et les financements de l’autonomie ont suivi des évolutions variables selon les territoires. Malgré l’inflation, l’intensification des besoins et la nécessité de revaloriser les professionnels engagés, leur hausse a généralement été bien plus faible. La loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie prévoit une mesure relative aux tarifs hébergement ; en complément, le projet de loi de financement de la sécurité sociale tend à financer de manière volontariste l’expérimentation du rattachement de l’entretien de l’autonomie en Ehpad à la branche de la sécurité sociale du même nom. Voulue par le secteur, elle se déroulera dans vingt-trois départements candidats afin de simplifier le travail des gestionnaires, qui pourront ainsi passer plus de temps auprès des résidents. Il s’agit d’égaliser vers le haut le niveau de financement et l’entretien de l’autonomie pour un surcoût total d’environ 200 millions d’euros pour la sécurité sociale. Les moyens de tous les Ehpad augmenteront par ailleurs en 2025, avec le recrutement d’environ 6 500 professionnels supplémentaires pour atteindre plus vite les 50 000 équivalents temps plein (ETP) annoncés pour 2030. Ces évolutions et le financement de nouvelles places aboutiront à augmenter d’environ 6 % le sous-objectif de l’Ondam relatif aux personnes âgées.

Accompagner le vieillissement, c’est également soutenir les aides à domicile grâce à qui les Français qui veulent vieillir chez eux réalisent leur souhait, que ce soit à leur domicile ou dans une résidence autonomie. Conformément à la loi « bien-vieillir » précitée, le projet de loi de financement prévoit une nouvelle aide financière, pour un montant de 100 millions d’euros, que les départements dirigeront vers les aides à domicile afin de prendre en charge une partie de leurs dépenses en mobilité. Ces professionnelles, souvent des femmes, sont en effet obligées de consacrer une partie de leur salaire au financement de leurs déplacements professionnels, ce qui est inacceptable.

Depuis plusieurs années, je m’occupe des 11 millions d’aidants de personnes en situation de handicap et de personnes âgées en perte d’autonomie. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit d’augmenter les moyens consacrés au déploiement de nouvelles places de répit. Je souhaite donner un nouveau souffle à la stratégie Agir pour les aidants, que les récents soubresauts démocratiques ont empêchée de se développer autant qu’elle le méritait. Un comité de suivi se tiendra avant la fin de l’année.

En raison des ajouts au champ de la branche autonomie, les dépenses augmenteront de 2,4 milliards d’euros en 2025, la plaçant en déficit pour les prochaines années. J’assume ces investissements nécessaires, mais il est désormais acté que l’affectation à la branche de 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG), prévue pour 2024 par la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie, ne suffira pas à garantir à long terme le rythme de déploiement de l’offre. Le Gouvernement ne considère pas comme un tabou le principe d’une hausse des recettes à même de poursuivre l’adaptation de la société au grand âge. Cependant, il ne faut pas que les propositions risquent de détériorer l’équilibre financier dont nous dépendons collectivement. Vis-à-vis des contribuables, nous avons un impératif d’efficience ; cela implique de donner à la solidarité une juste part, mais aussi de compter sur la responsabilité individuelle.

Enfin, nous avons élaboré ce texte dans un délai réduit. Il s’agit d’une proposition perfectible, dans la limite de ce qu’autorise la situation des finances publiques.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi. Je vais vous présenter les éléments relatifs au travail et à l’emploi dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, ainsi que dans le projet de loi de finances (PLF), afin de vous donner une vision globale de la feuille de route de mon ministère.

Nous avons la responsabilité collective de protéger notre modèle social, de le rendre plus efficace et d’en garantir la durabilité. La principale source de financement de la sécurité sociale reste les contributions des employeurs et des salariés. Le travail finance la protection sociale. Mais il n’y suffit pas. Personne ne peut se satisfaire que notre modèle social soit soutenu par le déficit et l’emprunt : nous devons travailler plus et mieux, plus longtemps, en meilleure santé, pour les investissements d’avenir et la protection sociale. Mon rôle est de faire en sorte que l’économie crée des emplois et préserve ceux existants. Ces emplois doivent permettre d’exercer un travail de qualité, reconnu, mieux payé, dans de meilleures conditions. Ils doivent participer à faire monter en gamme notre économie tout en relevant les défis de réindustrialisation et de transition climatique.

La priorité est l’emploi des jeunes, des seniors et de tous ceux qui en ont été durablement éloignés. Le premier axe des politiques publiques consiste à soutenir les opérateurs et les outils efficaces des politiques de l’emploi. Dans le PLF, les moyens alloués à France Travail, à l’insertion par l’activité économique, sont globalement stables. L’apprentissage bénéficie également de crédits élevés par rapport à son histoire – son budget est au moins équivalent à celui des pays européens les mieux-disants dans ce domaine, l’Allemagne et la Suisse. Certaines initiatives ne relèvent pas de la discussion budgétaire comme la relance de la négociation sur l’assurance chômage et sur l’emploi des seniors ; j’ai écrit aux partenaires sociaux une lettre suggérant des économies supplémentaires par rapport à l’accord de novembre 2023. Le dialogue social sera au cœur de ma méthode comme de celle du Premier ministre.

Le deuxième axe concerne le pouvoir d’achat des travailleurs. Il faut que le travail paie et que le Smic ne soit pas un salaire à vie. Cela semble une évidence, pourtant un tiers des personnes payées au Smic le sont durablement. Pendant des décennies, les gouvernements de gauche et de droite ont accumulé les allégements de cotisations patronales sur les salaires compris entre 1 et 3,5 Smic, justifiés par le chômage de masse. Mais ils se conjuguent désormais avec une forte inflation, qui a fait monter rapidement le salaire minimum, ouvrant une trappe à bas salaires et provoquant une flambée du coût des allégements généraux. Pour le dire simplement, le bas des grilles salariales est tassé juste au-dessus du niveau du Smic. Augmenter un salarié au-delà est très coûteux pour l’employeur : de nombreux salariés se retrouvent coincés au Smic ou juste au-dessus pendant des années. Nous voulons remettre en route la progression salariale.

Nous révisons donc les allégements de cotisations sociales patronales sur les bas salaires, suivant le travail des économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer, qui constitue le plus récent de nombreux diagnostics en la matière. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit une baisse très progressive des allégements entre 1 et 1,2 Smic – 2 points sur 40 en 2025 et 2 points supplémentaires en 2026 – et une hausse des exonérations entre 1,3 et 1,9 Smic. À la différence du scénario proposé par MM. Bozio et Wasmer, nous ne proposons pas cette réforme à coût constant. Le texte prévoit 4 milliards d’euros d’économies par an, alloués pour moitié à la branche maladie et pour moitié à la branche vieillesse. L’effort pour les entreprises est à mettre en regard du coût des exonérations, 80 milliards d’euros cette année contre 60 milliards d’euros en 2021. J’entends les craintes des entreprises concernant le coût du travail : nous maintenons les exonérations jusqu’à 3 Smic, au lieu de 3,5 aujourd’hui et de 2,5 dans les recommandations de la mission Bozio-Wasmer, notamment pour préserver l’emploi industriel. Par ailleurs, la réforme sera menée en deux ans afin que les entreprises puissent s’adapter et de veiller aux éventuels effets de bord.

Le pouvoir d’achat des travailleurs ne dépend pas seulement des textes budgétaires. Il faudra se pencher sur les minima conventionnels, le tassement des grilles salariales et les classifications professionnelles. Je convoquerai prochainement les branches qui tardent à négocier de manière structurelle et je recevrai les représentants d’une dizaine de branches qui ne jouent pas le jeu. Quant au temps partiel, qui concerne à 80 % des femmes, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), sera bientôt présenté au Haut Conseil des rémunérations, de l’emploi et de la productivité. J’aimerais que les partenaires sociaux se saisissent du problème et que les parlementaires en débattent.

Le troisième axe consiste à participer à la responsabilité budgétaire et à l’effort collectif nécessaires pour assurer la pérennité de notre modèle social. D’abord, le Gouvernement propose de revaloriser les pensions de retraite le 1er juillet et non le 1er janvier. Cela fera l’objet d’un intense débat parlementaire. J’écouterai toutes les propositions mais j’appelle chacun à regarder les faits et les chiffres, à prendre en compte les économies que nous souhaitons réaliser. Nous partageons l’objectif de garantir la pérennité du régime par répartition, or la dégradation de la situation économique implique des mesures effectives à court terme, en conservant un esprit de solidarité et de justice entre les générations, mais aussi à l’intérieur d’une même classe d’âge. Le Gouvernement propose donc de reporter de six mois la revalorisation, au moment où le rythme de l’inflation descend sous la barre de 2 % : nous demandons aux retraités une contribution à la maîtrise des comptes publics, sans engager l’avenir. Cela ne remet pas en cause l’indexation des retraites sur l’inflation. Les retraités les plus modestes, qui perçoivent l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) ou l’allocation veuvage, ne sont pas concernés – ces prestations seront revalorisées au 1er janvier. Enfin, pour la soutenabilité du système de retraite, il faut regarder en face la situation de certains régimes déficitaires : la CNRACL en particulier souffre d’une démographie défavorable, moins de cotisants et plus de pensionnés. Nous proposons d’augmenter progressivement les cotisations employeur ; nous avons choisi de ne pas procéder dès 2025 au choc que préconisaient les inspections générales.

D’autres mesures concernent les retraites agricoles. En effet, 2025 offrira l’occasion d’appliquer plusieurs réformes améliorant la retraite complémentaire des travailleurs indépendants en modifiant l’assiette des contributions sociales. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit plusieurs mesures significatives pour le secteur agricole, comme la pérennisation de la hausse des cotisations patronales sur le travail saisonnier et l’augmentation des exonérations de cotisation au moment de l’installation, que la profession demandait. En outre, nous ferons converger le mode de calcul des retraites agricoles vers celui du régime général : il sera basé sur les vingt-cinq meilleures années et le montant minimum des pensions, de 1 073 euros brut par mois, sera aligné dès 2025 sur celui du régime général, soit 1 367 euros. Cette mesure de justice sociale vient lisser les fortes variations que connaissent les revenus agricoles. Le nouveau calcul sera applicable dès le 1er janvier 2026 et pleinement opérationnel en 2028, en raison de discussions avec la Mutualité sociale agricole (MSA). On estime que 35 à 45 % des assurés agriculteurs seraient gagnants et que 50 à 60 % d’entre eux ne verraient pas de changement significatif.

La partie du projet de loi de financement consacrée à la branche maladie doit nous interroger sur la croissance des indemnités journalières. Leur montant est passé de 8 milliards d’euros en 2017 à 17 milliards d’euros en 2024. Une mesure d’économie applicable par voie réglementaire a servi de fondement à l’élaboration du texte. Je suis consciente qu’il s’agit d’une mesure paramétrique : elle transfère le poids à l’employeur et fait courir le risque de polariser davantage le monde du travail, avec d’un côté les salariés couverts par les conventions collectives et de l’autre ceux qui ne le sont pas. Il faut que les partenaires sociaux, les fédérations professionnelles et les parlementaires se penchent sur le système des indemnités journalières et sur les tendances de fond, afin de trouver le juste équilibre entre la responsabilité individuelle, celle de l’entreprise et la solidarité nationale. Il faudra prendre en considération l’absentéisme, la santé au travail, l’organisation et les conditions de travail.

S’agissant de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), l’article 24 du PLFSS prévoit des mesures importantes pour une bonne retranscription de l’accord interprofessionnel du 15 mai 2023, adopté à l’unanimité et précisé en juin 2024. Il garantit la juste indemnisation des accidents du travail, couvrant l’ensemble du préjudice, à la fois professionnel et personnel.

Vous l’aurez compris, ces choix pour 2025 s’inscrivent dans des chantiers pluriannuels plus larges, que nous évoquerons au cours du débat.

M. Yannick Neuder, rapporteur général, rapporteur pour l’équilibre général, les recettes et la branche maladie. Nous entamerons la semaine prochaine l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale dans un contexte politique particulier. Le texte que nous soumet le Gouvernement prend acte d’une situation moins favorable que prévu. Mais il comprend peu de mesures pour y remédier, d’autant que leur portée est limitée.

On constate d’abord une dérive des comptes du régime obligatoire de base de la sécurité sociale et du FSV, dont le déficit atteindrait 18 milliards d’euros en 2024, 16 milliards d’euros en 2025, et 19,9 milliards d’euros en 2028. Le temps me manque pour évoquer la dette, tout aussi alarmante : 3 200 milliards d’euros. Les crises sanitaire et inflationniste sont derrière nous. Elles ne peuvent plus servir d’excuse. Les impasses de financement sont structurelles ; il faudra des solutions également structurelles. Que nous proposez-vous ?

Plutôt que des réformes, vous suggérez des coups de rabot et des ajustements. Tantôt importants et tantôt modestes, ils demeurent paramétriques. Les recettes doivent sans doute constituer un levier de redressement des finances sociales, mais sans céder à la facilité d’une hausse immédiate des cotisations qui fragilisera leur assiette. Le phénomène des trappes à bas salaire existe, mais les combattre risque de fragiliser la capacité des entreprises à embaucher et à produire.

Quatre articles du projet de loi de financement tendent à soutenir les pensions des agriculteurs et la compétitivité des exploitations. Je me réjouis que les combats que nous sommes nombreux ici à avoir menés soient suivis d’effets. Nous veillerons à ce que ces avancées respectent le calendrier initial et se traduisent par des effets concrets pour ceux qui nous nourrissent au prix d’une vie de labeur.

Pour la branche maladie, de bonnes idées sont sur la table afin de prendre en considération les conventions récentes, de rendre les transports de patients plus efficaces et d’éviter les pénuries des produits de santé. Toutefois, la hausse de 2,8 % de l’Ondam est purement faciale. Si l’on retranche 1,1 milliard d’euros de cotisations de la CNRACL imputé aux établissements, l’Ondam hospitalier augmente de 2 %, et non de 3,1 %. Cette décision devra faire l’objet de plus de dialogue ; nous ne pouvons nous en satisfaire en l’état. Pour ma part, je déplore cette mesure injuste qui n’est pas à la hauteur des défis en matière de santé publique pour combler un déficit de 2 milliards d’euros, mal anticipé et que les hôpitaux ne peuvent assumer. Toutes les fédérations hospitalières et tous les représentants des personnels de santé et des usagers expriment leur incompréhension.

Personne n’ignore que les membres du Gouvernement ici présents réfléchissent aux moyens de faire des économies sur les indemnités journalières et sur le ticket modérateur. Je suggère de combiner une autodéclaration pour les arrêts courts et un jour de carence d’ordre public : cela responsabiliserait les assurés, libérerait du temps médical et allégerait les dépenses de la sécurité sociale sans alourdir celles des employeurs ni des complémentaires. La seconde mesure ne ferait pas gagner d’argent et elle est défavorable au pouvoir d’achat de nos compatriotes : soit ils assumeront un reste à charge, soit le tarif des assurances s’alourdira. Les retraités qui perçoivent une petite pension subiront une double peine : la revalorisation de leur pension sera reportée et le reste à charge de leurs soins plus élevé. Je compte sur notre assemblée pour trouver sereinement le bon équilibre entre l’ardente nécessité de rétablir la trajectoire des comptes et celle de préserver l’excellence de notre modèle social.

M. Guillaume Florquin, rapporteur pour la branche autonomie. Seul l’article 21 concerne la branche autonomie, et c’est un article de continuation, relatif à l’expérimentation lancée l’an dernier pour simplifier le financement des Ehpad en remplaçant par un forfait global le forfait soin, versé par l’ARS, et le forfait dépendance, versé par le département. En théorie, cette fusion devrait rendre la gestion des ressources plus flexible et mieux adaptée, pour répondre plus efficacement aux besoins de nos aînés. Cependant, des incertitudes demeurent quant à l’augmentation du budget des Ehpad. Auront-ils réellement plus de moyens pour améliorer les conditions de vie des résidents et recruter du personnel qualifié ? Rien ne permet de l’affirmer. Il est essentiel d’analyser les effets concrets de l’expérimentation avant de généraliser la mesure. On peut également s’interroger sur le choix de la limiter à vingt-trois départements alors que quatre autres avaient manifesté leur intérêt. Quel aurait été le surcoût d’étendre l’expérimentation à toutes les collectivités candidates ?

Il est déplorable qu’aucun autre article ne soit consacré aux problèmes essentiels que rencontre la branche autonomie. La population vieillit. En 2050, un Français sur trois aura plus de 60 ans. Les besoins en matière de prise en charge de la perte d’autonomie sont pressants. Comment répondre à la crise du secteur, qui touche aussi bien les Ehpad que les services d’aide et d’accompagnement à domicile, qui risquent de mettre la clef sous la porte prochainement ? De nombreuses pistes existent. Par ailleurs, la barrière d’âge qui sépare les dispositifs nuit à leur efficacité : avant 60 ans, une personne en situation de handicap perçoit la prestation de compensation du handicap, puis elle bénéficie de l’allocation personnalisée d’autonomie, qui couvre différemment les besoins.

Une réforme plus complète de la branche autonomie est indispensable.

M. Louis Boyard, rapporteur pour la branche famille. Il faut parler du scandale des crèches privées. En 2004, vous avez ouvert les crèches au marché privé et vous avez cédé aux groupes d’intérêt en favorisant le secteur privé. Depuis dix ans, 90 % des nouvelles places sont dans des crèches lucratives. Qui les gère ? Cela va du fonds de pension américain au fonds de pension britannique. C’est une évidence : il est malsain de construire un marché géré par des fonds de pension étrangers qui cherchent de la rentabilité sur des bébés français. Or ce système, que vous favorisez, est quasi exclusivement financé par l’argent des Français : on parle de milliards d’euros d’argent public, d’exonérations d’impôts qui peuvent atteindre 75 % pour les grandes entreprises. Un chef d’entreprise en a même rigolé lors d’une audition, disant que c’était presque un don !

Le pire, c’est le système de financement que vous avez créé – la prestation de service unique. Pour que les fonds de pension reçoivent leur argent public, ils doivent appliquer au bébé une tarification à l’activité (T2A), celle-là même qui a tué l’hôpital public. En gros, la rentabilité d’un bébé dépend de la quantité d’heures qu’il passe à la crèche et des bonus liés à son profil. Vous prenez un fonds de pension américain, un système de financement public qui ouvre la voie à l’optimisation, vous mettez des bébés au milieu : vous obtenez le résultat qu’on a vu – salariés en sous nombre et sous-payés, détournement de fonds publics, fraudes, maltraitances, réduction des coûts sur la nourriture, le chauffage et les couches.

Depuis vingt ans, les salariés, les parents, les mairies disent d’arrêter ce système, mais vous cédez aux groupes d’intérêt. Voici ce que nous reprochons à Aurore Bergé : elle a étouffé le scandale sous leur pression. Voici ce que nous reprochons à Yaël Braun-Pivet : elle a couvert Aurore Bergé pour la dispenser de se justifier devant la justice. Voici ce que nous vous reprochons, macronistes : ne rien changer parce que les groupes d’intérêt vous disent de ne rien changer. Malgré les fraudes, les maltraitances et les détournements, vous laissez faire. Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, allez-vous en terminer avec la marchandisation des bébés, ou êtes-vous aussi des Aurore Bergé ?

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure pour la branche vieillesse. Mon temps est limité, nous avons reçu le texte tardivement et nous l’examinons sous la menace du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution. Mes questions visent à vous faire intégrer des modifications dans le texte sur lequel le Premier ministre engagera la responsabilité du Gouvernement.

L’article 23 prévoit de reporter la revalorisation des pensions. La mesure est injuste puisqu’elle touche indifféremment les retraités, quel que soit le niveau de leur pension. Non seulement ils devront attendre six mois supplémentaires, mais le ralentissement de l’inflation risque de limiter l’augmentation. Vous organisez une baisse pérenne de leur pouvoir d’achat. Certes, l’Aspa sera rehaussée au 1er janvier, mais avez-vous envisagé une revalorisation différenciée en fonction du montant des pensions ? Peut-on intégrer une clause de sauvegarde pour assurer que l’augmentation sera équivalente à celle qui serait intervenue le 1er janvier ?

Lors des auditions, les représentants de la MSA ont signalé une injustice pour les non-salariés agricoles : le capital-décès ne peut pas être versé si le défunt ne justifiait pas d’une durée minimale d’affiliation, or les conditions ne sont pas identiques dans les autres régimes. Comptez-vous aligner le régime agricole sur les autres ?

Les cotisations patronales des fonctions publiques territoriale et hospitalière vont augmenter. La compensation pour les collectivités territoriales sera-t-elle à l’euro près, comme c’est en partie le cas pour l’hôpital ?

M. Jean-Carles Grelier, rapporteur pour la branche accidents du travail et les maladies professionnelles. S’agissant de la branche AT-MP, le PLFSS 2025 rompt avec la décennie précédente. Sa trajectoire budgétaire sera durablement affectée. Depuis plusieurs années, elle était excédentaire mais, entre 2026 et 2028, elle sera déficitaire. Il sera urgent de rétablir les comptes de cette branche, petite mais nécessaire. Il faudra considérer tous les moyens de réduire les coûts de la maladie professionnelle et ceux de l’accident du travail.

Nous avons auditionné plusieurs organismes et agences, presque tous rattachés à l’État. Chacun accomplit un travail de qualité, mais isolément. Une vraie politique de prévention fait cruellement défaut. Par ailleurs, ces agences souffrent d’un manque de coordination : elles travaillent en silo, sans cap, sans évaluation. Si nous voulons prévenir la trajectoire budgétaire annoncée, il faut dès maintenant, outre les efforts budgétaires, un travail de fond avec les services de la ministre du travail et de l’emploi et ceux de la ministre de la santé et de l’accès aux soins. Les médecins et les infirmiers du travail ont un rôle majeur à jouer : le premier est souvent le seul médecin que rencontrent les salariés qui ne bénéficient déjà plus d’un médecin traitant. Nous sommes confrontés à une urgence de santé publique, qui concerne le monde du travail.

M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis de la commission des finances. Prévoyez-vous une nouvelle reprise de dette par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) ? Si c’est le cas, pouvez-vous préciser son montant et le délai d’amortissement ?

L’article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de baisser les exonérations. Quelles seront les conséquences sur l’emploi ? La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises vient de diminuer fortement. N’aurait-il pas été plus pertinent de demander un effort aux entreprises en la rehaussant ?

Prévoyez-vous de compenser les hausses de cotisations de la CNRACL pour les collectivités locales, et à quelle hauteur ? Quelle baisse des effectifs escomptez-vous ? En effet, augmenter les cotisations risque d’imposer à ces collectivités des choix difficiles en matière de recrutement.

Les mesures relatives aux arrêts maladie devraient économiser 625 millions d’euros en 2025, c’est bien peu au regard des montants concernés. Envisagez-vous d’augmenter le délai de carence, et de combien ? Pourrait-on instaurer un délai de carence progressif lorsque le nombre d’arrêts maladie explose pour une même personne ? Quelles nouvelles mesures comptez-vous prendre contre la fraude et les abus ?

Les comptes 2023 de la branche famille n’ont pas été certifiés. Quelles mesures d’amélioration de gestion projetez-vous ? Comment éviter que se reproduise la perte de 5,5 milliards d’euros de versements indus et de rappels qu’on n’espère plus récupérer ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. L’assurance maladie, monsieur le rapporteur général, couvre 80 % des dépenses contre 76 % il y a dix ans. L’augmentation des besoins de soins est considérable ; nous devons envisager d’orienter différemment les politiques de prise en charge. Selon moi, il faut préserver une forte solidarité en matière de santé. Mais les équilibres deviennent fragiles.

L’Ondam est de 3,1 % pour les hôpitaux, sachant que ceux-ci devront faire face à une augmentation de leurs cotisations à la CNRACL afin de réduire le déficit de cette caisse de retraite complémentaire des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Cette cotisation est une forme de soutien social de l’hôpital à tous ses agents, et nous devons aider cet employeur à faire face. Si vous avez d’autres solutions à proposer, je suis à votre écoute.

J’entends votre proposition concernant le jour de carence, sur lequel je ne ferai pas de commentaires. En revanche, j’accorde une grande attention aux petites retraites. Il faudra veiller à ce que ces retraités fragiles ne soient pas affectés par une hausse de dépenses contraintes telles que leur mutuelle d’assurance, notamment en leur facilitant l’accès de la complémentaire santé solidaire (C2S). Nous allons aussi veiller à ce que l’éventuel transfert de 1 milliard d’euros de l’assurance maladie vers les organismes complémentaires d’assurance maladie n’entraîne pas une hausse des tarifs ou des tickets modérateurs. Si hausse il devait y avoir, elle devra être supportable et en rapport avec l’effort demandé – un rapport sénatorial montre que les hausses de cotisations y sont parfois bien supérieures. Il ne s’agit pas de clouer quiconque au pilori, mais je souhaiterais que tout le monde prenne sa part de responsabilité car l’heure est au sérieux plus qu’à la fantaisie.

M. Paul Christophe, ministre. Monsieur le rapporteur Florquin, j’ai relevé une petite ambiguïté dans votre propos : vous exprimez un doute sur les bienfaits de l’expérimentation visant à simplifier le financement des Ehpad tout en nous invitant à élargir le champ des bénéficiaires potentiels. L’expérimentation a été étendue de dix à vingt départements, et il est proposé d’y inclure trois nouveaux candidats. C’est pourquoi la date limite de dépôt d’une délibération pour participer à l’expérimentation est repoussée du 30 avril au 31 octobre 2024. Le forfait global unique, réunissant le soin et la dépendance, permettra des gains et une convergence de la distribution actuelle des tarifs vers le haut – au minium au troisième quartile du point GIR –, ce qui revient à accorder 200 millions d’euros aux Ehpad concernés.

Cela ne résoudra pas tous les problèmes de ces établissements, dont la complexité a été éclairée par les travaux de l’Assemblée nationale et du Sénat : sous-occupation, difficultés de recrutement et autres. Nous allons aussi essayer d’accompagner leur restructuration, en sortant de l’approche verticale en tuyaux du « bien vieillir » pour passer au « bien vivre ». Au lieu de se focaliser sur le seul vieillissement, il faut s’intéresser aux besoins identifiés sur les territoires. La démarche vaut pour les crèches, l’habitat à destination des personnes handicapées vieillissantes, les maisons France Services. Il faut miser sur les expérimentations lancées dans les départements pour assurer la soutenabilité financière – notion que je préfère à celle de rentabilité – des Ehpad, et disposer d’une offre plus adaptée aux territoires.

Cette approche permettrait aussi de rendre les métiers plus attractifs. Ce n’est pas très vendeur de proposer à un jeune professionnel de faire du soin à domicile durant toute sa vie. En revanche, il pourrait être plus intéressé par la perspective de passer du soin à domicile, au travail en Ehpad, en établissement pour personnes en situation de handicap, voire en crèche. Ma volonté est de conforter le système tout en diversifiant l’offre.

Monsieur le rapporteur Boyard, je me contente d’être Paul Christophe. Vous regardez la question des crèches au travers d’un prisme et, comme vous avez fait votre choix entre public et privé, il est inutile que je vous réponde sur ce point. Pour ma part, je constate notre défaillance en matière de contrôle. Je compte beaucoup sur le service public de la petite enfance, qui va nous rapprocher des collectivités territoriales pour apprécier les besoins, juger de la qualité des établissements et faire évoluer le système. Comme dans le cas du scandale Orpea, le contrôle des crèches visées ne reposait pas sur des grilles d’évaluation sincères, sinon le volume de dépenses aurait alerté. Si le coût de fonctionnement est de 10 000 euros par berceau dans un établissement public, il est pour le moins suspect qu’un autre établissement affiche un coût de 3 000 euros. Vous nous reprochez une absence de mesures en ce qui concerne les modes de garde. Elles existent, en chiffres plus qu’en lettres : 200 millions d’euros supplémentaires vont être consacrés à la réforme du libre choix du mode de garde, transposition de ce qui avait été annoncé précédemment.

S’agissant de la non-certification des comptes de la branche famille, liée en particulier au versement d’indus pour un montant élevé, notre credo est de progresser cette année. En tant qu’ancien du Trésor public, j’ai une certaine lecture de la rigueur comptable. Une mesure du projet de loi de financement devrait vous satisfaire : le pré-remplissage des formulaires, après le succès de l’expérimentation effectuée dans quatre départements. Non seulement cette mesure améliore l’accès aux droits pour nombre de personnes, mais elle permet d’effacer un grand nombre d’indus – 1 milliard d’euros en année pleine, ce qui n’est pas négligeable. Dans bon nombre de cas, les gens n’ont pas d’intentions malhonnêtes mais ils se trompent dans le remplissage de formulaires complexes. En revanche, les indus sont difficiles à mettre en évidence dans les cas de travail dissimulé.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Madame Rousseau, nous sommes conscients que ce décalage de six mois de la revalorisation des pensions, quel que soit leur niveau, pose problème. Nous étudions la possibilité d’une revalorisation différenciée, sachant que la mesure doit prendre effet dès janvier.

S’agissant du capital décès pour les agriculteurs, la mesure prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale consiste à traduire l’engagement pris dans la loi visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d’assurance les plus avantageuses, dite « loi Dive », adoptée en février 2023. Elle ne concerne que le champ de la retraite, conformément au vote du Parlement et à la demande des organisations de non-salariés agricoles. Depuis la loi de financement de la sécurité sociale de 2022, les ayants droit des non-salariés agricoles peuvent bénéficier d’un capital décès en cas d’accident de la vie courante, de maladie ou de suicide. Comme vous le soulignez, les accidents du travail sont exclus de cette couverture, ce que nous allons essayer de corriger malgré le cadre budgétaire.

En ce qui concerne la branche vieillesse, des questions m’ont été posées sur la CNRACL, une caisse qui devrait accuser un déficit de 10 milliards d’euros à l’horizon 2030 alors que le déficit total de la branche vieillesse s’élève à 14 milliards d’euros, ce qui donne une idée de la nécessité de la remettre à flot. Sa situation financière critique résulte d’un ratio démographique dégradé, mis en évidence dans un rapport inter-inspections – Igas, Inspection générale des finances (IGF) et Inspection générale de l’administration – qui préconisait une augmentation immédiate des cotisations patronales de 10 points dès 2025 et de 8 points supplémentaires à l’horizon de 2030. Le Gouvernement a choisi d’augmenter les cotisations patronales de 4 points par an en 2025, 2026 et 2027. C’est un effort important, mais plus raisonnable que celui préconisé par les inspections.

Monsieur le rapporteur Grelier, vous avez raison de critiquer le travail en silo pour la branche AT-MP. Une campagne de sensibilisation a été lancée en début de semaine sur les accidents graves et mortels ainsi que les maladies professionnelles. Dans notre pays, au moins deux personnes meurent chaque jour au travail. Ce n’est pas une fatalité. Cela soulève des questions d’organisation et de sensibilisation, en particulier des publics les plus exposés que sont les jeunes, les intérimaires, les apprentis, les travailleurs détachés. Je serai heureuse de travailler avec cette commission, sachant que certains d’entre vous s’intéressent à ces questions.

La mesure concernant les indemnités journalières est très court-termiste et paramétrique, j’en suis consciente. Il fallait donner un coup de frein, mais le fait de renvoyer vers l’employeur contribue à polariser encore davantage le monde du travail : les salariés des grandes entreprises sont protégés tandis que les autres, notamment ceux qui sont employés pour des contrats courts, ne le sont pas.

Nous devons mettre tous les sujets sur la table. Après un échange avec la direction de la sécurité sociale, j’ai constaté que les délais de carences pouvaient donner lieu à des conclusions contre-intuitives. Il faut aborder des questions telles que la santé, les conditions de travail et l’organisation du travail, qui ne sont pas sans effet sur les arrêts de travail. Nous devons en discuter aussi avec les organisations professionnelles.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Ce PLFSS joue sur les paramètres sans chercher à engager des réformes, même s’il faut envisager dès à présent celles qui seront nécessaires par la suite pour rééquilibrer durablement les comptes sociaux, notamment en ce qui concerne les AT-MP. L’urgence étant de freiner la dépense sociale, nous le faisons quasi exclusivement en modifiant les paramètres. Le raisonnement vaut pour le PLF.

Pour des raisons d’évolutions démographiques, la petite caisse qu’est la CNRACL affichera un déficit qui représentera bientôt les deux tiers ou les trois quarts de celui de la branche. Va-t-il y avoir des compensations ? Étant chargé des comptes publics, j’aurais tendance à vous répondre que tout cela représente du déficit public. Quel levier actionner ? On pourrait faire varier la durée de cotisation, comme le suggère M. Jean-Didier Berger, mais cela renverrait à d’autres réformes. Nous avons opté pour une hausse du taux de 4 points pour les collectivités territoriales, ce qui pèsera sur l’Ondam hospitalier.

S’agissant de la Cades, nous pouvons poursuivre le processus d’amortissements prévu par la loi organique du 7 août 2020, soit 16 milliards d’euros par an jusqu’en 2032, sachant que nous avons une année de marge puisque le texte a fixé la date de 2033. Il n’y a donc pas besoin d’envisager une prolongation de la durée de vie de la Cades. Rappelons que la loi organique prévoyait des reprises de dette, mais aussi des besoins de financement futurs. Pour faire écho aux débats d’hier dans l’hémicycle, l’amortissement de la dette sociale n’est pas une privation de recettes mais une nécessité : si nous procédions comme pour la dette de l’État, les intérêts cumulés ne feraient qu’aggraver la situation. Il est faux de prétendre que la sécurité sociale est excédentaire en considérant que les recettes de la CSG et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ne devraient pas servir à amortir et rembourser la dette sociale.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Vous nous présentez ce projet de loi de financement de la sécurité sociale alors que l’accès aux soins devient de plus en plus difficile, que les délais s’allongent pour obtenir un rendez-vous, que les dépassements d’honoraires explosent, que plus de la moitié des Français indiquent avoir déjà dû reporter des soins pour des motifs financiers. Ce projet ne fait qu’aggraver les risques de renoncement aux soins alors qu’il est vital de sauver notre système de santé. La hausse du ticket modérateur et des franchises, ainsi que celle, inévitable, des cotisations de complémentaires de santé, vont affecter ceux qui n’ont pas de contrat collectif, c’est-à-dire de 5 millions de personnes.

Vos choix nous inquiètent. L’absence de mesures de prévention est un choix politique incompréhensible à un moment où les maladies chroniques pèsent de plus en plus sur les dépenses de santé. Le texte traduit aussi une absence totale de prise en charge de la douleur, qui n’est toujours pas reconnue comme spécialité, alors que 12 millions de patients souffrent de douleurs chroniques et qu’un plan pour l’algologie serait nécessaire. Actuellement, ces patients doivent attendre plusieurs mois pour une première consultation, et quelque 30 % des structures publiques pourraient disparaître au cours des prochaines années par manque de moyens financiers et humains.

Les Français veulent que l’on assure leurs droits fondamentaux, particulièrement lorsqu’ils se trouvent en situation de vulnérabilité. C’est pourquoi je voudrais insister sur les soins palliatifs. Au printemps dernier, la ministre du travail, de la santé et des solidarités annonçait que ces soins allaient faire l’objet d’une forte impulsion pendant trois ans. Cet effort ne semble pas se concrétiser : le budget – 84 millions d’euros en 2024 – ne va augmenter que de 16 millions d’euros. Nous attendons toujours le dispositif qui permettrait d’accompagner les malades sur tout le territoire. Vingt-cinq ans après sa promulgation, la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs n’est toujours pas effective. Nous demandons le déploiement de tels soins dans chaque lieu de vie, par une implication des praticiens libéraux qui permettrait de développer la prise en charge à domicile et de systématiser le suivi en Ehpad. Nous souhaitons la création d’une mention en soins palliatifs dans le master d’infirmier en pratique avancée (IPA) et la mise en place d’un programme ambitieux de formation initiale et continue pour les médecins généralistes.

Le Premier ministre a annoncé que les efforts en faveur des soins palliatifs seront renforcés en 2025 et qu’un texte légalisant l’aide à mourir serait à nouveau soumis au Parlement. Avant d’envisager un tel texte, il faut un renforcement important des moyens consacrés à ces soins. Quid du milliard d’euros supplémentaire sur dix ans, annoncé par la ministre précédente ? En raison du vieillissement de la population, les besoins vont considérablement augmenter au cours des années à venir. Ces soins symbolisent une société solidaire et fraternelle qui a le souci des plus fragiles. Nous attendons qu’ils deviennent enfin une réalité pour tous et partout. N’oublions pas qu’un quart des médecins en soins palliatifs vont quitter leur poste dans les cinq ans. Quelle sera votre politique en faveur des soins palliatifs ? Allez-vous prendre les engagements financiers nécessaires ?

Mme Stéphanie Rist (EPR). Vous pouvez compter sur le groupe Ensemble pour la République pour soutenir ce PLFSS. Nous le soutiendrons car nous sommes convaincus qu’il faut adopter des mesures qui conduiront à mieux maîtriser nos dépenses sociales tout en continuant à investir dans notre système de santé.

Pour cela, nous avons la conviction qu’il faut continuer à améliorer la pertinence des prescriptions, à freiner les dépenses d’indemnités journalières et de transports sanitaires. Nous pensons qu’il faut aussi réviser le modèle concernant les affections de longue durée (ALD), poursuivre le travail engagé pour lutter contre la fraude sociale, ou encore lancer une simplification administrative. Nous nous réjouissons de voir que certaines mesures du texte vont clairement en ce sens.

Cependant, c’est avec vigilance que nous soutiendrons ce texte, certaines mesures risquant de faire baisser le taux d’emploi. Je pense en particulier à l’article 6 qui réforme les allégements généraux de cotisations patronales. Nous soutiendrons l’évolution de la répartition de ces exonérations car nous pensons comme vous, madame la ministre, que le Smic ne doit pas être un salaire à vie. Cela étant, nous souhaitons une réforme juste. À cet égard, nous nous inquiétons des mesures appliquées à court terme provoquant une hausse du coût du travail. Ces économies ne doivent pas avoir pour victime collatérale notre tissu de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME) et les personnes qui ont un emploi, ce qui conduirait d’ailleurs à diminuer les recettes de la sécurité sociale. Madame la ministre du travail et de l’emploi, pourriez-vous préciser dans quelle mesure cette baisse des exonérations se répercutera sur l’emploi et nos entreprises, notamment les plus petites ?

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Nous sommes à un tournant crucial pour notre système de sécurité sociale. Ce projet de loi de financement pour 2025 se présente sous les auspices d’une austérité brutale, politique qui risque d’accentuer la précarité des plus vulnérables au lieu de les protéger. Commençons par les chiffres. En 2024, le déficit des régimes de base de la sécurité sociale atteindra quelque 16,6 milliards d’euros, ce qui traduit une dégradation massive par rapport à 2023. Ce déficit est aggravé par le creusement des comptes de la branche vieillesse, dont le déficit est passé de 1,3 milliard d’euros à 5,5 milliards d’euros, conséquence d’une indexation nécessaire mais mal anticipée des retraites sur l’inflation.

Ce déficit est aussi le résultat direct des exonérations de cotisations sociales massives accordées aux entreprises. Elles coûtent 67 milliards d’euros par an à la sécurité sociale, ce qui contribue de manière substantielle à la dégradation de nos finances. C’est ainsi que 41,3 milliards d’euros sont perdus à cause des réductions de cotisations patronales sur les bas salaires, et 9,7 milliards d’euros supplémentaires en raison des exonérations sur les cotisations familiales. Ces cadeaux fiscaux, sans effet prouvé sur l’emploi, étranglent le financement de notre protection sociale. Le Gouvernement pourrait décider de revoir ces exonérations injustifiées. En les supprimant sur les salaires supérieurs à 1,6 Smic, nous économiserions jusqu’à 11,4 milliards d’euros par an. Répétons-le : ces exonérations, qui ne contribuent en rien à l’emploi, grèvent lourdement les recettes de la sécurité sociale.

En parallèle, la Cades continue à rembourser la dette liée au covid‑19, transférée à la sécurité sociale, ce qui coûte 10 milliards d’euros par an. Cette dette aurait pu être assumée par l’État à un coût moindre d’environ 1 milliard d’euros par an. Depuis sa création, la Cades a déjà payé 71 milliards d’euros d’intérêts, soit cinq années de déficit de la sécurité sociale.

Comment le Gouvernement compte-t-il faire des économies pour combler ce déficit ? Sur le dos des malades, travailleurs, retraités et chômeurs : 1 milliard d’euros de ticket modérateur en plus pour les consultations médicales ; 4 milliards d’euros d’économies par le gel de l’indexation des retraites pour six mois – une mesure qui aggravera encore la situation des 2 millions de personnes âgées qui vivent sous le seuil de pauvreté. Pendant ce temps, nos hôpitaux souffrent : le déficit des établissements de santé devrait quadrupler en 2024, atteignant 2 milliards d’euros ; les suppressions de lit continuent à un rythme effréné ; l’Ondam 2025, fixé à 2,8 %, est bien en deçà des besoins réels d’un secteur à bout de souffle.

Contrairement à ce que vous avez dit, madame la ministre de la santé et de l’accès aux soins, ce n’est pas un budget de responsabilité, mais un budget d’austérité, bien en deçà des besoins. Il est urgent de changer de cap, d’arrêter de sacrifier notre système de santé et de sécurité sociale sur l’autel de la dette et des marchés financiers. Ce n’est pas à nos malades, à nos retraités et à nos soignants de payer la facture. Il est temps de redonner à la sécurité sociale les moyens de remplir sa mission : protéger, soigner et garantir la solidarité nationale.

M. Jérôme Guedj (SOC). Mesdames et messieurs les ministres, j’ai douze questions à vous poser.

La première porte sur la méthode. Vous engagez-vous à ne pas recourir à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution pour adopter ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, contrairement à ce qui s’est passé en 2022 et en 2023 ? Pour éviter d’y recourir, acceptez-vous un travail de coconstruction en participant la semaine prochaine aux débats de la commission des affaires sociales et à l’examen des amendements ? Ce fut le cas pour la réforme des retraites. Votre participation serait utile, vu le peu de temps que nous avons eu pour travailler sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

J’en viens au fond. Comment pouvez-vous dire que l’Ondam de 2,8 % est satisfaisant ? Après avoir défalqué le taux d’inflation de 1,8 % et la compensation de l’augmentation de cotisations à la CNRACL, l’Ondam est en réalité de 0 %. Il faut arrêter la mystification !

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne cherche pas à réformer, dites-vous. Mais des réformes avaient été lancées précédemment. J’ai été frappé, madame Darrieussecq, de ne pas trouver un mot sur la réforme de la T2A, que ce soit dans vos propos ou dans le dossier de presse. Pouvez-vous nous donner le détail et les scénarios des mesures de freinage ? Vous citez le montant de 1,1 milliard d’euros pour l’augmentation du ticket modérateur. Dites clairement les choses. Pouvez-vous confirmer que vous avez d’ores et déjà préparé des textes réglementaires pour rehausser le ticket modérateur de 30 % à 40 % ? Dans ce cas, le reste à charge – éventuellement payé les mutuelles – passerait de 8 à 12 euros. Avez‑vous élaboré les premiers documents en ce sens, en concertation avec les acteurs concernés ?

La santé mentale a été déclarée grande cause nationale. Pouvez-vous nous indiquer quel montant supplémentaire lui sera consacré dans l’Ondam, sans compter les dispositifs existant tels que Mon soutien psy ou VigilanS ? Combien de millions d’euros supplémentaires allez-vous accorder à la grande cause nationale en 2025 ?

Vous prévoyez 100 millions d’euros pour les soins palliatifs. Il y a quelques mois, lors de l’examen du projet de loi sur la fin de vie, les parlementaires ont adopté à l’unanimité un amendement prévoyant de consacrer 212 millions d’euros à la programmation des soins palliatifs en 2025. Pourquoi ne pas avoir repris cette mesure consensuelle ?

S’agissant du vieillissement, je repose l’excellente question d’Annie Vidal à laquelle vous n’avez pas pu répondre hier, monsieur Christophe. Envisagez-vous de commencer vos fonctions de ministre hors la loi ? En application de l’article 10 de la loi du 8 avril 2024, le Gouvernement doit présenter une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge avant le 31 décembre 2024. Pouvez-vous nous dire, en transparence, que vous n’appliquerez pas cette loi ? Dans votre intervention, vous avez dit qu’il fallait accompagner dès maintenant la transition démographique. Vu le peu temps qu’il me reste, je ne peux détailler la faiblesse de vos propositions.

S’agissant des exonérations de cotisations sociales, madame Panosyan-Bouvet, vous n’avez pas fourni d’argument solide pour étayer votre décision de ne pas suivre la préconisation du rapport Bozio-Wasmer de les supprimer à partir de 2,45 Smic. Même si la question dépasse le projet de loi de financement de la sécurité sociale, j’aimerais savoir ce qu’il en est de la réforme de l’assurance chômage et des 400 millions d’euros d’économies demandées ? Je voudrais aussi dénoncer l’idée d’assujettir les apprentis à la CSG. C’est une mesure injuste. Il existe d’autres niches sociales.

Si vous ne pouvez pas me fournir de réponses à ces questions, j’irai les chercher à la direction de la sécurité sociale en ma qualité de coprésident de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale.

M. Thibault Bazin (DR). À l’occasion de l’examen du premier PLFSS de la législature, nous attendions du changement. Mais le Gouvernement a eu peu de temps pour s’approprier le projet préparé par les administrations. On n’y retrouve pas totalement la déclaration de politique générale du Premier ministre. Il va falloir y remédier. Vous partez d’une situation budgétaire qu’il faut regarder avec lucidité, comme le Premier ministre tient à le faire. Les comptes ne sont pas bons. La France connaît un dérapage budgétaire qui fragilise notre système de protection sociale. La dette abyssale, dont nous héritons, peut mettre en péril notre souveraineté. Il est urgent de redresser nos comptes publics et nous vous soutiendrons sur ce chemin.

La branche maladie est responsable d’une grande partie du déficit. Pourtant, il est nécessaire de soutenir nos établissements de santé, de revaloriser enfin l’activité des professionnels du secteur. Après la hausse attendue des tarifs des médecins généralistes, d’autres professionnels tels que les infirmiers ou les kinésithérapeutes patientent à leur tour pour des revalorisations. Pour les financer tout en équilibrant le système, il faut débureaucratiser, faire des économies de frais d’agences de conseil, simplifier les procédures administratives pour gagner du temps de soignant. Il ne suffit pas de le dire. Il faut le faire.

Les établissements de santé et les établissements médico-sociaux connaissent des déficits structurels récurrents, comblés chaque année par des volumes croissants de crédits non renouvelables, ce qui conduit à une déresponsabilisation des acteurs. Il est urgent de réformer le modèle de financement. Cette fragilité persistante nuit à la conduite de transformations structurantes, à des investissements attendus. À quand une approche pluriannuelle du financement des établissements ?

Madame la ministre de la santé, vous revendiquez une exigence de sécurité des soins, que nous partageons. La réforme des unités de soins continus amène à différencier des unités de soins polyvalents et des unités de soins renforcés. Mais encore faut-il préciser le modèle retenu. Quand allez-vous publier les décrets ?

De nombreuses expérimentations dites « article 51 » arrivent à leur terme. Certaines ont prouvé leur efficience : des parcours innovants permettent de réduire la mortalité ou les sur-prescriptions, à l’instar du parcours Medisis qui sécurise la prise en charge médicamenteuse. Qu’est-il prévu dans ce projet de loi de financement pour que l’investissement consacré à ces expérimentations ne reste pas sans suite ? Ce serait un immense gâchis d’argent public.

Vous dites vouloir dépenser bien et mieux. Quelles mesures concrètes de rationalisation envisagez-vous ? Face à la hausse considérable des arrêts maladie, avez-vous réfléchi à une généralisation des trois jours de carence pour assurer plus de justice et contribuer à l’équilibre ?

La pérennité de notre système de protection sociale passe non seulement par le travail, mais aussi par le renouvellement des générations. Il faut mieux valoriser le travail, créer plus d’écart entre les revenus du travail et ceux de l’assistanat et s’attaquer aux effets de seuil qui incitent certains à refuser un temps plein ou des heures supplémentaires. Certaines situations révoltent bon nombre de citoyens qui travaillent. Notre système a besoin de réformes structurelles pour inciter au travail et le valoriser. Il y a tant à faire pour améliorer le taux d’emploi et nos comptes sociaux.

Comme l’économiste Nicolas Bouzou l’a souligné, des trappes à inactivité existent. Les allégements de charges ont fonctionné pour le travail de personnes peu qualifiées. Si on supprime ces allégements, ne risque-t-on pas d’augmenter le taux de chômage de ces personnes ? Alors qu’on demande des efforts aux Français qui ont travaillé toute leur vie, par le report de la revalorisation des retraites, ne faut-il pas en demander autant aux autres ? C’est une question, là encore, de justice.

Nos concitoyens peuvent consentir à des efforts à condition que les fonds publics soient mieux gérés et que chacun contribue. C’est, une fois encore, de la justice sociale. La Cour des comptes a identifié des indus. De nombreux rapports ont mis en évidence des fraudes inacceptables. Des pensions sont versées à l’étranger à des bénéficiaires décédés. Allez-vous vous atteler sérieusement à cette question ? Allez-vous agir contre les sites qui proposent des arrêts maladie frauduleux ? Monsieur le ministre chargé des comptes publics, vous avez évoqué l’amplification de la lutte contre la fraude. Quels sont vos objectifs ? La Cour des comptes a relevé des fraudes du côté des autoentrepreneurs. Ne faut-il pas réformer ce secteur, notamment par un abaissement de seuil ?

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Après plusieurs semaines d’incertitudes, le Gouvernement nous soumet enfin un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour lequel nous n’aurons que quelques jours de réflexion. Nous avions peu d’espoir quant à votre capacité à entendre la demande, majoritairement formulée par les Français lors des élections législatives, de plus de justice sociale. Nous découvrons, de fait, un projet de loi de financement tout aussi insuffisant que celui de l’année dernière.

Au-delà des calculs comptables auxquels vous vous livrez, la mission première de cette assemblée est de décider des moyens alloués à notre système de santé pour lui permettre de répondre aux besoins et d’assurer le maintien de la population en bonne santé. L’augmentation en trompe-l’œil de l’Ondam global de 2,8 % est à l’image de vos rafistolages budgétaires : dès lors qu’on neutralise l’augmentation des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la hausse n’est plus que de 2 %, avant même de décompter l’inflation. Par ailleurs, l’hypothèse de croissance du PIB de 1,1 % a de nouveau été jugée trop optimiste par le Haut Conseil des finances publiques, qui a prévenu de l’impact sur l’économie des restrictions budgétaires en cours.

Si le Gouvernement table sur une limitation du recours aux intérimaires, ses économies ne permettront pas d’honorer la promesse du Ségur pour tous, ni d’améliorer les conditions de travail des soignants. Par conséquent, rien de nouveau sous le soleil : ce que vous prévoyez sera insuffisant pour l’hôpital, les soignants seront toujours plus à bout et le système de soins restera à la dérive.

La marque de ce PLFSS, ce sont des mesures paternalistes et culpabilisantes pour les plus vulnérables. De quelle justice parlez-vous quand, pour des économies de bouts de chandelle, vous appauvrissez les travailleurs en arrêt maladie, quand vous vous attaquez au ticket modérateur alors que 20 % de la population a renoncé à des soins pour des raisons financières, ou quand vous faites à nouveau des retraités les boucs émissaires de votre cure d’austérité par un scandaleux gel des pensions de six mois ? Vous proposez quelques compensations pour les agriculteurs ; elles sont maigres en comparaison de leur détresse. La ligne directrice de ce projet de loi de financement est l’absence de mesures d’ampleur. Loin de traiter les inégalités à la racine, vous allez engendrer des dépenses supplémentaires par manque de vision de long terme.

S’agissant de la forme, nous ne pouvons que déplorer le fait que ce texte ne laisse aucune entrée pour parler de sujets majeurs et verrouille, de fait, toute initiative parlementaire. Vous annoncez des mesures pour la santé mentale. Mais comment en débattre puisqu’elles sont tout bonnement absentes du texte ? Et que dire du grand âge, qui ne figure pas dans ce projet de loi de financement alors que trois millions de personnes âgées seront dépendantes d’ici à 2030 ? Enfin, comment le Gouvernement compte-t-il financer sa promesse de rembourser intégralement les fauteuils roulants si ce texte ne prévoit aucune ligne budgétaire en ce sens ?

Des sources d’économies, nous en avons. Le coût de la malbouffe est de 50 milliards d’euros par an et celui de la pollution de l’air de 100 milliards d’euros. Il faudra changer de braquet. Le Premier ministre a reconnu que son budget était perfectible. Le groupe Écologiste et Social le prend au mot : il sera au rendez-vous pour introduire de l’humain et des propositions dans ce texte.

M. Philippe Vigier (Dem). Il est vrai que ce budget a été préparé dans des conditions improbables, avec les déficits que l’on connaît. Les Démocrates vous soutiendront : dans le cadre non pas d’un « oui mais », mais d’un « oui avec », c’est-à-dire en faisant un certain nombre de propositions. Il faut absolument régler la question des déficits de manière efficace au lieu de se cantonner au mythe de l’éternelle augmentation des dépenses. Je rappelle au passage à Jérôme Guedj que j’étais là lorsque la T2A a été inventée, sous le ministère de Marisol Touraine. On s’aperçoit huit ans plus tard que c’est une arme de destruction massive pour le financement des hôpitaux.

Sur le plan de la santé, madame la ministre, j’entends que vous présentez ce texte en urgence. Mais il faut définir des lignes de force pour les semaines, les mois et les années qui viennent. En premier lieu, vous savez bien que l’accès aux soins pour tous, sur tout le territoire, sera toujours plus difficile. Je vous invite à aller plus loin en matière de délégation de tâches. La création des infirmiers en pratique avancée était un progrès considérable. Mais il n’est pas utilisé d’une façon optimale.

Je tiens également à insister sur les transferts entre l’assurance maladie et les mutuelles. Le taux de prise en charge par l’assurance maladie est passé de 76 à 80 %. Mais vous avez omis les 300 000 ALD supplémentaires, qui tendent à le faire baisser. Or, l’augmentation de la prise en charge des mutuelles pénalise directement les assurés puisqu’elle implique un surcoût pour eux. C’est pourquoi nous plaidons pour une spécialisation des remboursements qui définirait, de façon efficace et transparente, ce qui relève de l’assurance maladie et des mutuelles.

J’en viens aux médicaments, dont nous déplorons tous que 85 % soient fabriqués hors de France. Pouvez-vous confirmer que la clause de sauvegarde, qui est violente et que Paul Christophe connaît bien puisque c’est un sujet sur lequel nous avons travaillé ensemble, sera bien plafonnée à 1,6 milliard d’euros en 2025 ? Confirmez-nous aussi que les réductions demandées aux laboratoires seront de 950 millions d’euros ! Le mieux, car cette mesure aura un effet très négatif, serait de faire en sorte de moins consommer.

Madame la ministre du travail, les articles 15 et 16 signifient la fin du paritarisme : si on ne s’entend pas, les clefs seront données au directeur de l’assurance maladie, ce qui veut dire pour demain des coups de rabot sur la biologie, la médecine et les pharmacies. Malgré des développements en matière de financiarisation et de réorganisation des filières, l’offre de soins partira dès lors en morceaux. Je vous invite, sans faire de procès, à avancer de manière collective sur cette question que les services de Bercy et du ministère de la santé connaissent bien, comme Frédéric Valletoux. Sinon, nous y laisserons beaucoup de plumes.

S’agissant des retraites, je ne suis pas le seul à penser impossible d’en rester à la modélisation que vous proposez. Quand on a 5 000 euros de retraite, on peut faire l’impasse sur une augmentation pendant une année. Quand on touche 1 600 euros, on ne le peut pas. Nous ferons une proposition concrète, dont je sais déjà qu’elle peut être transpartisane. Elle ne permettra peut-être pas les mêmes économies, mais le résultat sera tout de même substantiel.

Nous proposerons une deuxième économie importante dont nous avons débattu l’année dernière, notamment avec Marc Ferracci, désormais membre du Gouvernement, au sujet des exonérations sociales à partir de 2,5 fois le Smic. Elles ne sont pas productrices d’emploi. Mais elles représentent beaucoup d’argent à un moment où France Travail devrait avoir moins de dotations. Il faut revoir la copie : lorsqu’on est à 7 % de chômage, on s’occupe de personnes plus éloignées de l’emploi, ce qui nécessite un traitement plus individuel avec plus d’accompagnement.

M. François Gernigon (HOR). Nous devons dire clairement aux Français l’état des comptes publics, y compris sociaux, dans un esprit de responsabilité. Ce texte est une première étape dans la réponse à l’urgence financière à laquelle notre pays fait face. Les Français méritent la vérité, non des discours rassurants qui masqueraient une réalité budgétaire alarmante. L’intégrité des finances publiques conditionne la stabilité de l’ensemble de notre économie : un déficit incontrôlé est une menace directe pour les services publics et les prestations sociales.

Mon groupe estime qu’il faut soutenir ce PLFSS ainsi que le PLF. Ils comportent des mesures qui, bien que difficiles, sont nécessaires pour enrayer la dérive budgétaire. Assumer ses responsabilités, c’est oser adopter des mesures indispensables pour nos finances publiques. Ne rien faire serait de la lâcheté et un désastre, surtout pour les plus modestes qui paieront l’inaction au prix fort. Si l’État continue de dépenser sans compter, les plus fragiles verront, avant les autres, leurs conditions de vie se dégrader. Chaque décision budgétaire a un impact sur le quotidien des Français.

Le groupe Horizons & Indépendants entend prendre ses responsabilités en soutenant l’effort national nécessaire pour redresser le pays. C’est pourquoi il sera pleinement mobilisé lors de l’examen de ce texte et du PLF, pour lesquels il fera des propositions sérieuses et concrètes. Nous serons attentifs à ce que chaque mesure soit non seulement efficace d’un point de vue économique, mais également juste sur le plan social, et à ce que l’effort ne pèse pas de manière disproportionnée sur les plus vulnérables. Nous souhaitons, par ailleurs, un dialogue avec les différents groupes politiques. Il est essentiel que toutes les voix soient entendues afin que nous puissions nous doter d’un cadre budgétaire solide et socialement acceptable. Mon groupe veillera à ce que ce projet de loi de financement soit le reflet d’une ambition collective permettant de restaurer la confiance des Français dans la gestion des finances publiques et de garantir à notre pays un avenir stable et prospère.

Le PLFSS 2025 apporte une réponse aux défis budgétaires auxquels la France est confrontée. Il repose sur un ensemble de réformes, notamment celle des exonérations patronales, et sur des mesures exceptionnelles, telles que la revalorisation des pensions de retraite au 1er juillet plutôt qu’au 1er janvier. Nous en discuterons. Ces mesures sont indispensables pour freiner le déficit mais elles ne peuvent assurer, en l’état, un retour durable à l’équilibre de notre système de protection sociale. Ce texte apporte des réponses pragmatiques et immédiates que je salue, mais il ne s’attaque pas aux causes structurelles de nos déséquilibres.

Nous souhaitons savoir quelles réformes structurelles le Gouvernement envisage pour aller au-delà de ces mesures ponctuelles. Je pense, par exemple, à la prévention, qui est un point noir de notre modèle social alors qu’elle devrait permettre de concilier, à terme, nos impératifs budgétaires et une amélioration durable de la santé des citoyens. Par ailleurs, la Cour des comptes a relevé que de nombreux lits d’hôpitaux étaient occupés par des personnes âgées qui pourraient être mieux prises en charge ailleurs. Cette situation contribue à la saturation des établissements. Quelle est l’estimation du coût de ces hospitalisations évitables pour les comptes sociaux ? Pensez-vous que le développement de solutions alternatives, comme les soins intermédiaires ou à domicile, pourrait permettre des économies tout en renforçant notre système de soins ?

M. Laurent Panifous (LIOT). Même si ce budget tente de limiter les dégâts, il ne traduit pas une politique ambitieuse de consolidation de notre modèle de protection sociale. Il pose un vrai problème : les économies seront faites sur la santé et les retraites, ce qui pénalisera les plus modestes et les plus fragiles.

Ce court projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte en particulier des dispositions défavorables à l’accès aux soins, qui devrait pourtant être une priorité. La hausse du ticket modérateur sera inévitablement répercutée sur les tarifs des complémentaires, qui augmentent déjà en raison des déremboursements progressifs. Le coût d’une bonne mutuelle, permettant de se soigner correctement, devient inaccessible pour les Français les plus modestes et les plus fragiles. Cette évolution est un marqueur éclairant de l’évolution de notre société : la place du soin y est centrale, mais son financement glisse de la solidarité vers l’individu, ce que je tiens à dénoncer. La baisse du plafond de rémunération des indemnités journalières suit la même logique : on renvoie aux organismes de prévoyance complémentaire, pour ceux qui en bénéficient, et les cotisations augmenteront.

Ces dispositions doivent être mises en perspective avec la situation des établissements de santé. Le déficit de l’hôpital public devrait dépasser 2 milliards d’euros en 2024, soit quatre fois plus qu’en 2019. L’augmentation affichée de 3,1 % des dépenses ne suffira pas, d’autant qu’elle intègre une augmentation de 4 points de cotisations de retraite. Nous savons déjà que nos hôpitaux subiront encore des déficits importants.

J’en viens aux grands absents du texte. Rien ne semble prévu pour la prévention, sujet dont tout le monde s’accorde à dire depuis longtemps qu’il est essentiel mais sur lequel nous n’avançons pas. Il en est de même pour la santé mentale, pourtant érigée par le Premier ministre en grande cause nationale, et pour la petite enfance, alors que des situations scandaleuses sont dénoncées de façon répétée. Au-delà de la question du statut des établissements et de l’existence ou non d’une délégation de service public, nous ne pouvons pas rester inactifs face aux dysfonctionnements flagrants du modèle des crèches. Il faut étudier la question de leur financement et assigner des objectifs contrôlables. Nous devons prévenir les dérives afin que toutes les crèches soient des lieux de vie et de travail accueillants et bienveillants.

Le soutien à l’autonomie de nos aînés semble préservé des réductions budgétaires. Mais je regrette le manque d’ambition des gouvernements successifs. On ne peut que déplorer l’absence d’un financement dédié et suffisant pour cette branche, plus de quatre ans après sa création. La fraction de CSG allouée ne suffit pas : comment pourrait-on s’en satisfaire alors que les deux tiers des Ehpad ont un déficit structurel qui conduit à un risque important de dégradation de l’accompagnement des plus fragiles de nos aînés et des conditions de travail du personnel ? J’ai été intéressé par votre ouverture, monsieur le ministre des solidarités, au sujet de la recherche de nouveaux financements et de la diversification de l’offre des Ehpad. S’agissant de la loi de programmation dont le principe avait été adopté par le Parlement, nous verrons, mais je crains qu’elle ne soit abandonnée. En revanche, vous avez confirmé l’engagement de créer 6 500 postes de soignants dans les Ehpad en 2025 et je note l’objectif de 50 000 postes à l’horizon 2030.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale entérine une réforme majeure des allégements généraux de cotisations patronales sur laquelle je m’interroge. L’idée que votre remise à plat au niveau du Smic conduira les employeurs à augmenter les salaires me laisse sceptique. N’aurait-il pas été plus simple, plus lisible et plus efficace d’instaurer un unique taux de réduction, progressif, jusqu’à 2,5 Smic ?

La situation budgétaire globale des comptes publics exige que nous fassions tous preuve de responsabilité. Des efforts difficiles doivent être consentis. Mais la santé, le médico-social, la petite enfance, nos aînés et plus généralement l’accompagnement des plus fragiles d’entre nous devraient être préservés, voire renforcés, même au cœur d’une crise budgétaire. Dans une grande démocratie telle que la nôtre, la santé, que l’on soit riche ou pauvre, est un bien commun que nous devrions sacraliser.

M. Yannick Monnet (GDR). Je me sens un peu démuni devant ce PLFSS car nous partons de positions absolument irréconciliables. Je ne minimise pas l’importance du déficit public. Vos prédécesseurs en portent la responsabilité. Mais il vous appartient d’apporter des réponses permettant de rompre avec les méthodes de l’ancien gouvernement. Son prétendu sérieux budgétaire, qui a essentiellement consisté à organiser le désarmement fiscal de la nation au profit des plus riches, n’a pas fonctionné. Aucun ruissellement n’a eu lieu. Les travailleurs se sont appauvris et le déficit s’est creusé.

Du côté de la sécurité sociale, ce n’est pas un dérapage des dépenses qui est à l’origine du déficit, mais un assèchement des ressources. La perte de recettes liée aux niches sociales, c’est-à-dire le contournement des salaires, est estimée à 19,3 milliards d’euros en 2023, soit 9,4 milliards d’euros de plus en cinq ans, sans compensation par l’État. Les allégements généraux de cotisations sociales s’élèvent désormais à 80 milliards d’euros. Ce PLFSS prévoit de reprendre 5 de ces milliards en commençant à réduire les exonérations : c’est un début, mais admettez qu’on reste loin du compte.

Dès lors que vous considérez, comme vos prédécesseurs, la sécurité sociale comme une variable d’ajustement du déficit public et que vous n’allez pas chercher des ressources, les droits de nos concitoyens ne peuvent que péricliter. Or, ce ne sont pas les travailleurs, les familles, les retraités et les soignants qui ont vécu des largesses des gouvernements de ces sept dernières années. Ils ont même passablement souffert. Avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous leur dites qu’ils doivent participer à l’effort de réduction du déficit, puisque chacun doit prendre sa part selon Mme la ministre de la santé, en renonçant encore un peu plus à se soigner parce que le ticket modérateur va augmenter, alors que six Français sur dix renoncent déjà à des soins dont ils ont besoin, en payant encore un peu plus cher leur mutuelle après une augmentation de 8 à 10 % cette année, et en renonçant à tomber malades car le plafond de remboursement des arrêts de travail pour raisons de santé va diminuer. Vous dites également aux retraités qu’ils attendront six mois pour bénéficier de la revalorisation de leurs pensions, contrairement à ce que le Président de la République avait annoncé en juin, et au personnel soignant et non-soignant des hôpitaux et des Ehpad qu’il continuera à avoir trop peu de moyens pour faire son travail.

Le déficit des hôpitaux publics devrait, en effet, dépasser 2 milliards d’euros en 2024 et 85 % des Ehpad sont en déficit. Le personnel est exsangue : la Fédération hospitalière de France estime qu’il manque dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale 3 milliards d’euros pour les établissements de santé et 200 millions d’euros pour les Ehpad, tout simplement afin de ne pas sombrer. Comme vos prédécesseurs, vous fixez des objectifs sans commune mesure avec les besoins, dont vous parlez peu. Vous demeurez obstinément sourds et aveugles à la réalité, qui est l’effondrement de notre système de santé. Il n’est pas provoqué par le système lui-même, mais par une politique de moindre dépense et de moindre investissement dans la protection sociale.

En fin de compte, ce texte est tout à fait cohérent dès lors qu’on admet que vous marchez dans les pas de vos prédécesseurs. Pour changer vraiment, essayez au moins une fois de partir des besoins des populations pour construire le projet de loi de financement de la sécurité sociale : vous verrez que vous ne reculerez pas devant la mobilisation de nouvelles ressources.

M. Olivier Fayssat (UDR). Le projet de révision des cotisations sociales patronales, présenté comme une solution pour favoriser une hausse des bas salaires, soulève deux problèmes majeurs.

Tout d’abord, vous prévoyez de renforcer les allégements de cotisations au niveau du Smic. Cela peut sembler bénéfique pour les bas salaires. Mais les allégements diminuent dès qu’on dépasse 1,6 Smic et disparaissent totalement au-delà de 3 Smic. Concrètement, si la réforme allège les charges pour les bas salaires, elle les augmente pour les classes moyennes et ceux qui ont des salaires plus élevés. Ces salariés et employeurs, correspondant souvent à des PME, verront leurs coûts augmenter. Cette mesure pénalise ceux qui, tout en étant au-dessus du Smic, ne bénéficient pas de revenus élevés mais contribuent fortement à la dynamique économique.

Le second problème est plus structurel. Vous voulez prendre les excédents de la branche famille, qui gère notamment les cotisations d’allocations familiales, pour les rediriger vers la branche vieillesse, c’est-à-dire les retraites. Or, la branche famille est à peine à l’équilibre et ses excédents sont nécessaires à la politique familiale de notre pays, déjà sous-financée. En redirigeant des fonds vers la branche vieillesse, on masque les véritables déficits des régimes de retraite, en particulier ceux des régimes spéciaux et des retraites publiques. Cela revient à faire porter le poids des déséquilibres sur la classe moyenne et le secteur privé, qui devront compenser les lacunes d’un système non réformé en profondeur.

Quand vous annoncez une économie sur les réductions de cotisations d’assurance maladie et d’allocations familiales, respectivement pour les salaires supérieurs à 2,2 et 3,2 Smic, faut-il comprendre que les recettes perçues, notamment par la branche famille, augmenteront en 2025 ? Quand vous dites, par ailleurs, que la réforme des allégements de cotisations permettra de dégager 4 milliards d’euros affectés aux branches vieillesse et maladie, faut-il comprendre que les augmentations de recettes, notamment du côté de la branche famille, serviront à financer les branches vieillesse et maladie ? Existe-t-il, pour être plus précis, un lien direct et établi entre ces deux annonces ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Madame Dogor-Such, vous avez parlé d’une absence de prévention dans le PLFSS. Ce n’est pas vrai : les consultations de prévention, la vaccination contre les papillomavirus dans les collèges et les campagnes concernant les vaccins hivernaux sont des politiques de prévention. Je suis d’accord, en revanche, sur l’insuffisante visibilité de ces politiques. La lecture d’un projet de loi de financement est un exercice aride. Il est nécessaire de mieux présenter et mieux structurer le plan de prévention. Je n’ai pas pu le faire en quinze jours – excusez-moi ! –, mais cela fait partie des objectifs que je me fixe pour la suite.

En ce qui concerne la douleur, des mesures sont prévues. Ce sont 80 millions d’euros qui sont alloués au financement des centres de la douleur chronique. Oui, une question se pose au sujet des études supérieures et de la spécialisation. J’y travaillerai avec le ministre de l’enseignement supérieur.

Vous avez parlé d’insuffisance, comme Jérôme Guedj, à propos des soins palliatifs. Une stratégie décennale, dotée de 1 milliard d’euros, soit 100 millions d’euros par an, a été lancée. Elle prévoit notamment des unités de soins palliatifs pédiatriques dans chaque région d’ici à 2034, un accès à des unités de soins palliatifs dans chaque département et des équipes mobiles, capables d’intervenir rapidement en hospitalisation, à domicile et dans les Ehpad. Il faut mesurer les difficultés : si nous inscrivions 1 milliard d’euros de crédits la première année, jamais ils ne pourraient être mobilisés. Faisons preuve de réalisme : il faut lancer et mener des appels à projets, en recrutant les bons professionnels, ce qui prend du temps. Sachez néanmoins que les soins palliatifs sont pour nous une question centrale.

Monsieur Guedj, je vous ai déjà en partie répondu. Vous pouvez faire tous les calculs que vous voulez : l’Ondam n’est pas nul, même en tenant compte de la prévision d’inflation. Il intègre toutes les mesures de revalorisation salariale déjà adoptées pour un montant de 14 milliards d’euros, qui continuent à produire leurs effets même si on n’en parle plus. Par ailleurs, des mesures salariales complémentaires sont prévues en 2025, à hauteur de 500 ou 600 millions d’euros, pour achever le Ségur salarial. Nous poursuivons la revalorisation des métiers de soignants, qui est totalement méritée et qui a redonné de l’attractivité – c’est pourquoi on peut recommencer à recruter dans les établissements. Quant au Ségur de l’investissement, 19 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien, continuent à être déployés de façon pluriannuelle en fonction de l’avancement des projets.

Nous avons prévu un effort de 1,6 milliard d’euros pour les soins de ville. Nous faisons confiance aux professionnels de santé, hospitaliers et libéraux, médecins comme infirmiers, pour travailler ensemble au développement de solutions d’accès aux soins dans tous les territoires. Des SAS se déploient partout de façon pertinente. Nous devons conforter ce dispositif pour les soins non programmés afin de désengorger les urgences et les hôpitaux : c’est une transformation importante, qui se déroule progressivement et à bas bruit, mais que nous accompagnons parce qu’elle constitue un progrès. Les praticiens libéraux doivent travailler main dans la main avec les hôpitaux et les établissements sanitaires ou médico-sociaux.

S’agissant de la T2A, un travail est en cours, au niveau des services, pour faire évoluer le financement des hôpitaux. Je souhaite qu’on avance, car la T2A, seule, n’est pas satisfaisante. Le forfait qui existait auparavant ne l’était pas davantage. Il faut trouver une solution médiane. Nous partagerons les résultats avec vous lorsque ce travail sera abouti. Ses premières concrétisations sont attendues dès 2025.

Je suis d’accord avec l’idée, défendue par M. Bazin, de débureaucratiser. Mais ne fantasmons pas ! Les établissements de soins comptent 60 % de soignants ; parmi les 40 % de non-soignants, la moitié – les brancardiers et le personnel technique indispensable au fonctionnement des hôpitaux – accompagne les soins. L’autre partie est notamment constituée des secrétaires médicaux dont nous avons également besoin pour la bonne marche des services. L’administration générale, c’est tout le reste. En matière de transformation, les établissements seront accompagnés par les ARS et l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, mais la performance ne doit pas signifier une moindre qualité.

Nombre d’entre vous ont évoqué des décrets attendus, portant notamment sur les praticiens à diplôme hors Union européenne et les pratiques avancées – soyez rassuré, monsieur Vigier. Je regrette qu’ils aient été retardés par la transition entre les gouvernements et je les signerai rapidement. Quant aux jours de carence, qui ont un impact négatif surtout dans la fonction publique, j’ignore quel est le meilleur équilibre à trouver.

Monsieur Peytavie, vous réclamez de l’humain. Il y en a partout dans ces lignes arides : elles ont pour but de fournir à la population un accès à la santé et les meilleurs soins.

La clause de sauvegarde restera égale à 1,6 milliard d’euros, ce qui donnera plus de visibilité aux laboratoires pharmaceutiques. Une baisse des prix est attendue à hauteur de 1,2 milliard d’euros.

Monsieur Panifous, les plus fragiles ont bien accès à la C2S. Non seulement cet important dispositif sera préservé, mais nous étudierons les modalités de son extension à certains publics particulièrement fragilisés.

La réforme structurelle évoquée par M. Gernigon doit être élaborée et mise en œuvre.

Monsieur Monnet, vous suggérez de tout garder en l’état et d’augmenter les recettes. Je ne suis pas d’accord parce que nous ne sommes pas suffisamment efficaces en matière de santé. Certaines politiques de prévention sont uniquement basées sur le soin. Mais il me semble plus utile d’éviter de tomber malade ce qui, en outre, coûte moins cher à la société. Quoi qu’il en soit, je ne vous en veux pas pour votre propos, que j’ai trouvé un peu caricatural.

M. Paul Christophe, ministre. Monsieur Guedj, pour un peu, j’aurais eu l’impression que votre propos était un peu comminatoire à mon endroit ! Je dois l’avouer, en trois semaines, je n’ai pas eu le temps de régler les problèmes soulevés par le grand âge : réformer la gouvernance, transformer l’offre et trouver un financement réaliste. Je les ai néanmoins pris en considération dans le budget de la branche autonomie. Le sous-objectif de l’Ondam Établissements médico-sociaux pour personnes âgées augmente de 6 % – bien plus que l’an dernier. Les trajectoires de recrutement, pluriannuelles, visent 50 000 ETP à l’horizon 2030, dont 6 500 en 2025 contre 6 000 cette année. L’expérimentation de la fusion des sections soins et dépendance dans les Ehpad a été validée. Elle sera menée dans vingt-trois départements, donnant une nouvelle perspective financière aux établissements concernés et rétablissant une certaine équité en matière de tarifs proposés et de reste à charge. Pour autant, il reste du travail et les enjeux relatifs au financement ne sont pas épuisés. Nous pourrons approfondir ces sujets à l’occasion de notre rendez-vous demain.

Avec Charlotte Parmentier-Lecocq et vous-même, Monsieur Peytavie, nous avons évoqué il y a peu le remboursement des fauteuils roulants. Une nouvelle mesure dans le PLFSS ne sera pas nécessaire : grâce à l’amendement que vous aviez déposé l’an dernier et que nous avons soutenu, ce problème sera réglé par un arrêté dont les modalités restent à définir pour satisfaire pleinement les bénéficiaires. La ministre déléguée chargée du handicap a prévu de réunir rapidement les acteurs concernés, en collaboration avec vous. Nous sommes près du but. Mais il importe de fixer des plafonds tarifaires afin que les moyens de la sécurité sociale bénéficient aux usagers plutôt qu’aux constructeurs et aux distributeurs. En tout état de cause, nous prendrons cet arrêté après sa coconstruction avec les acteurs concernés et avec vous, monsieur Peytavie.

Il a été dit qu’il manque 200 millions d’euros au financement des Ehpad, mais la section soins est légèrement excédentaire. On peut donc s’interroger sur les sections ne relevant pas du budget de la sécurité sociale – l’alimentation, par exemple.

Le système de financement des crèches a évolué et nous attendons beaucoup de la création du service public de la petite enfance, qui comportera un référentiel qualité. Un décret relatif aux sanctions sera pris à la fin de l’année, permettant de sécuriser les pratiques.

Quant à la branche famille, monsieur Fayssat, elle aurait été déficitaire de 111 millions d’euros en 2025 si le Gouvernement n’avait pas apporté de nouvelles ressources. Cela montre l’attachement qui lui est porté. Elle devra financer dans les prochains mois le congé naissance, au sujet duquel nous entendons continuer à travailler avec les parlementaires.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Plusieurs d’entre vous m’ont interrogée au sujet des allégements généraux d’exonérations et de leur impact sur la baisse du coût du travail peu qualifié. Des études ont montré qu’en période de chômage de masse, lorsque ces mesures ont été prises, la baisse du coût du travail peu qualifié a permis la création d’emplois.

S’agissant des plus bas salaires, entre 1 et 1,2 Smic, il y a 40 points d’écart en matière d’exonération. Nous avons décidé de baisser les exonérations de façon progressive, à raison de 2 points cette année et autant l’année prochaine. Je serai vigilante quant à l’impact de cette réforme sur l’emploi, en particulier pour les plus bas salaires, que les employeurs seront ainsi incités à augmenter. Afin de contrecarrer le mécanisme des trappes à pauvreté, les exonérations augmenteront pour les salaires compris entre 1,3 et 1,9 Smic. L’allégement sera le plus marqué au niveau du salaire médian – correspondant à 1,6 Smic : il représentera 3 900 euros en 2026, après la réforme, contre 2 650 euros cette année.

Nous en parlions il y a peu avec Laurent Saint-Martin : c’est précisément parce que les salaires étaient bloqués à des niveaux très bas que la prime d’activité a été imaginée. L’empilage d’exonérations et de compléments de revenus visant les petits salaires pose un problème budgétaire et crée les trappes à pauvreté. Nous avons décidé d’appliquer les exonérations jusqu’à 3 Smic plutôt que 2,45 Smic, comme le préconisait le rapport Bozio-Wasmer, parce que nous nous préoccupons de la compétitivité de certains emplois, notamment industriels, par rapport à nos voisins allemands, britanniques et néerlandais.

Au printemps dernier, il a été décidé d’abaisser le seuil d’exonération des cotisations salariales des apprentis pour le passer de 79 % à 50 % du Smic, et d’assujettir à la CSG et à la CRDS la part de salaire supérieure à 50 % du Smic. À niveau de rémunération brute inchangée, ces deux mesures auraient pour effet une diminution du salaire net des apprentis. Afin d’atténuer la baisse de pouvoir d’achat qui en résulterait, une hausse de leur grille de rémunération minimale est envisagée. Étant donné les conséquences de ces deux mesures sur leur pouvoir d’achat et sur le coût du travail pour leur employeur, le ministère du travail et de l’emploi réfléchit à des mesures alternatives. J’espère que nous pourrons avancer dans le cadre des débats parlementaires, en préservant la neutralité budgétaire. Quoi qu’il en soit, je remercie M. Guedj de m’avoir interrogée à ce sujet.

S’agissant de l’assurance chômage, nous avons proposé aux partenaires sociaux de revenir sur l’accord de novembre 2023, signé par l’ensemble des organisations patronales et trois organisations syndicales, en consentant un effort supplémentaire de 400 millions d’euros associé à un plan senior ambitieux et à la possibilité de retraites progressives. Celles-ci sont courantes en Europe du nord où les taux d’activité des seniors sont beaucoup plus importants que les nôtres.

L’assurance chômage des 77 000 travailleurs transfrontaliers présente un déficit annuel de 800 millions d’euros. Une première action, consistant à leur fournir un meilleur accompagnement, a déjà été lancée par les dix-neuf agences de France Travail dans les trois régions concernées. La deuxième action vise à faire évoluer l’offre raisonnable d’emploi, qui permet à un travailleur transfrontalier de refuser une offre française au motif qu’elle n’est pas raisonnable comparativement à la rémunération proposée de l’autre côté de la frontière. La troisième action, consistant à réviser le règlement européen en concertation avec nos partenaires, prendra plus de temps.

M. Bazin m’a interrogée au sujet des indemnités journalières et des jours de carence. Il ne faut exclure aucun sujet, qu’il s’agisse de la santé, de l’organisation du travail ou des conditions de travail.

Nous souhaitons progresser en matière de lutte contre la fraude, au sujet de laquelle Dominique Libault a rédigé un rapport. Les services du ministère font fermer les sites internet fournissant des arrêts maladie frauduleux.

Une question portait sur les mécanismes de désincitation au travail résultant des trappes à bas salaires, de la prime d’activité et des aides au logement. La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques publiera demain une étude qui établit un lien entre le coût pour l’employeur et le revenu disponible pour les salariés en fonction du montant de la prime d’activité, de la situation familiale et du logement. Les chiffres évoqués lors de la conférence sur les bas salaires, il y a un an, montraient qu’augmenter de 100 euros net un salarié au Smic coûtait 480 euros à l’employeur ; ils ne prenaient en compte que la prime d’activité. La distorsion est encore plus grande lorsque d’autres facteurs sont comptabilisés.

Monsieur Philippe Vigier, vous m’avez interpellée sur les budgets de France Travail et du ministère. Vous avez raison : ce n’est pas parce que le chômage diminue qu’il faut baisser les crédits alloués à ce secteur. Cependant, il est important de mettre tous les éléments en perspective, particulièrement dans les débats budgétaires à venir, qu’il s’agisse de se référer à des périodes précises ou de procéder à des comparaisons avec des pays obtenant de bons résultats. Le budget du ministère était de 12 milliards d’euros en 2017 ; il sera de 20 milliards d’euros en 2025, malgré la baisse de 2,6 milliards d’euros prévue dans le PLF. France Travail verra la subvention de l’État pérennisée, conformément aux engagements pris auprès de l’Unedic, mais devra absorber une réduction de 1 % des ETP. Enfin, nous maintenons les contrats d’engagement jeune ainsi que tous les dispositifs d’insertion par l’activité économique comme les écoles de production, l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi et les écoles de la deuxième chance.

Enfin, s’agissant des retraites, certains oublient – peut-être volontairement – que la réforme tant décriée de 2023 prévoyait des revalorisations pour les petites pensions. Depuis un an, la pension de 1,4 million de nos concitoyens a augmenté, de 52 euros brut mensuels en moyenne. Toutefois, j’entends vos préoccupations et nous verrons, à la faveur du débat, s’il est possible de procéder à des modulations complémentaires.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Monsieur Guedj, la mesure relative à la CNRACL pour le secteur hospitalier représente 1 milliard d’euros. Elle ne diminue pas l’Ondam d’un point, mais de 0,4 point.

La lutte contre la fraude est un enjeu considérable pour la branche famille, dont la Cour des comptes n’a pu certifier les comptes, ce qui constitue un problème grave. Des mesures ont été prises dès le deuxième semestre 2023. L’instauration de la solidarité à la source doit être un levier de fiabilisation des données. Pour l’exercice 2023, 5,5 milliards d’euros sont en jeu. La lutte contre la fraude doit être une priorité, faute de quoi la diminution des dépenses sociales serait inacceptable pour nos concitoyens, d’autant que nous disposons des outils le permettant.

S’agissant de la branche maladie, nous devons lutter contre les sites internet permettant d’obtenir des arrêts maladie frauduleux. Des mesures en ce sens figuraient déjà dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Mais nous devons également renforcer les contrôles ; pour ce faire, des ETP ont été créés.

Avons-nous des positions irréconciliables, monsieur Monnet ? Je ne le crois pas. Le problème ne réside pas dans la baisse des recettes du régime de sécurité sociale. En 2019, elles s’élevaient à 508 milliards d’euros, FSV inclus. En 2025, nous prévoyons qu’elles atteignent 645,4 milliards d’euros. Or, vous laissez entendre qu’elles n’ont pas augmenté et que la politique économique et sociale n’a pas été propice au travail et donc, au financement de la sécurité sociale. C’est objectivement faux. La hausse des recettes est liée pour partie à la diminution du chômage. Par ailleurs, nous parlons de 80 milliards d’euros d’allégements généraux, dont 20 milliards d’euros au cours des quatre dernières années. Vous conviendrez qu’un freinage de 4 milliards d’euros est acceptable, notamment lorsque l’équation budgétaire doit être résolue.

En revanche, je vous l’accorde, les dépenses ont explosé alors qu’elles n’étaient pas toujours financées. Le Ségur de la santé n’était pas initialement financé. Pour ceux qui s’en souviennent, il a bénéficié de conditions très différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui. Paul Christophe l’a bien expliqué s’agissant de la branche autonomie : nous devons débattre des recettes et du financement, et prévoir un ralentissement des dépenses conforme aux recettes réelles. Entre 2023 et 2025, nous avons enregistré 50 milliards d’euros de recettes complémentaires, ce qui démontre qu’il est faux de prétendre que nous avons fait des cadeaux fiscaux pour empêcher le financement de la sécurité sociale.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des députés, que j’invite à être concis.

Mme Annie Vidal (EPR). Certes, la sécurité sociale se trouve dans une situation préoccupante. Mais, en 2020, avant le covid‑19, elle suivait une trajectoire de retour à l’équilibre, avec une extinction de la dette sociale. Elle a pleinement joué son rôle pendant la crise : parmi les Européens, les Français ont été les mieux accompagnés, même si certains d’entre vous le considéraient insuffisant. Cet accompagnement a eu les conséquences que nous connaissons.

Ma première question est récurrente depuis 2018 : qu’en est-il des négociations entre la Cnam et les transporteurs sur la prise en charge des transports bariatriques programmés ?

En 2024, la sous-utilisation du sous-objectif de l’Ondam Établissements médico-sociaux pour personnes âgées s’est élevée à 200 millions d’euros, qui s’ajoutent aux 134 millions d’euros de la réserve prudentielle. Alors que le secteur connaît de grandes difficultés, pourquoi ces montants ne peuvent-ils pas être utilisés comme un fonds d’urgence ?

Enfin, ce sous-objectif de l’Ondam progresse de près de 6 % en 2025. Pouvez-vous garantir que l’ensemble des mesures gagées dans la loi portant mesures pour bâtir la société du bien‑vieillir et de l’autonomie seront financées par cet accroissement ? Je pense au service public départemental de l’autonomie (SPDA), à la cellule de lutte contre les maltraitances, aux équipes locales d’accompagnement sur les aides techniques, au programme Integrated Care for Older People (Icope, ou soins intégrés pour personnes âgées), à la carte professionnelle, à l’accueil de nuit en Ehpad ou au soutien à l’Ehpad inclusif.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Tout d’abord, je vous remercie d’avoir évoqué les bilans de prévention aux âges clefs de la vie. Malheureusement, aucune nouvelle mesure en faveur de la prévention ne figure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. En six ans, les dépenses ont augmenté de 60 milliards d’euros tandis que la santé des Français s’est dégradée, en raison notamment d’une hausse des maladies évitables – diabète, pathologies cardiovasculaires, cancers. En outre, les affections de longue durée ont augmenté de 4 % au cours de la dernière année. Surtout, aucun scénario crédible de retour à l’équilibre ne se dessine à court terme.

Il existe pourtant des solutions. La prévention, loin d’être une perspective à long terme, peut apporter des résultats tangibles et rapides, tant pour la santé de nos concitoyens que pour nos comptes sociaux. Le coût des actions de prévention sera nettement inférieur à celui des soins relatifs aux pathologies liées aux mauvais comportements. Le coût du tabac est estimé à 150 milliards d’euros par an, celui de l’alcool à 102 milliards d’euros et celui de l’obésité à 20 milliards d’euros par an. L’Écosse, qui a vu la mortalité liée à l’alcool diminuer en seulement trois ans grâce à l’instauration d’un prix minimum, est un exemple intéressant.

Investissons dans la santé de nos concitoyens et pas uniquement dans le soin : telle est la vision prônée par le Premier ministre ! Vous la partagez, madame la ministre de la santé. La prévention doit guider l’ensemble de nos actions de santé publique. Il existe des pistes pour à la fois équilibrer les finances et améliorer la santé de nos concitoyens. Depuis trois ans, je plaide pour une réforme de la fiscalité comportementale – qu’il s’agisse de la consommation d’alcool ou de sucre. Ça fonctionne ! Nous pouvons aussi responsabiliser davantage les acteurs du secteur de la santé. Lors de l’examen du projet de loi de financement, soutiendrez-vous les amendements favorables à la prévention, qui font consensus dans de nombreux groupes ?

M. Didier Le Gac (EPR). Madame Panosyan-Bouvet, quand présenterez-vous la modulation des critères relatifs aux aides à l’apprentissage ? Ces derniers, qui concernent le niveau d’étude ou la taille de l’entreprise, sont très attendus dans les entreprises puisqu’ils pourraient être effectifs dès le 1er janvier prochain.

Monsieur Christophe, vous avez évoqué les difficultés structurelles des Ehpad ainsi que l’Ehpad de demain. Mais qu’en est-il de la situation actuelle ? Que dire aux directeurs des Ehpad publics ? En 2023, un fonds d’urgence de 100 millions d’euros avait été débloqué. Un fond similaire est-il envisagé cette année ? Sinon, que proposez-vous ?

Monsieur Saint-Martin, la majorité des décisions que nous prenons dans les secteurs de l’enfance, du handicap, du vieillissement, de l’exclusion et de la pauvreté sont appliquées par les départements. Le Gouvernement choisit de faire reposer le redressement des comptes publics sur les 450 plus grandes collectivités territoriales, parmi lesquelles les départements. Or, ces derniers se trouvent en difficulté, notamment en raison de finances exsangues. Je ne comprends pas qu’un tel effort leur soit demandé alors que ce sont les collectivités mettant le plus en œuvre la solidarité.

M. Elie Califer (SOC). Vous souhaitez économiser 2,9 milliards d’euros en décalant de six mois l’indexation des pensions sur l’inflation. Il est inique de rechercher des économies sur les petits retraités déjà précarisés, en particulier dans les départements et région d’outre-mer (Drom). Assumez-vous de ne pas revaloriser ces pensions durant les prochains mois, au détriment de ces millions de petites gens qui deviennent des boucs émissaires ? La rédaction de l’article 23 laisse penser que ce décalage est pérenne et sera reconduit chaque année. Pouvez‑vous nous rassurer à ce sujet ?

Par ailleurs, je suis préoccupé par l’article 6 et ses conséquences. Il prévoit une réforme de l’allégement des cotisations sociales patronales qui affecterait directement des dispositifs spécifiques aux Drom prévus dans la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, dite « Lodeom », dispositifs pourtant cruciaux. Le tissu économique ultramarin est complexe et la Lodeom compense les handicaps structurels auxquels nos entreprises sont confrontées tels que les cours élevés, les difficultés à bénéficier d’économies d’échelle, la dépendance aux importations et l’éloignement. Ne pensez-vous pas préférable d’attendre les conclusions de l’évaluation actuellement menée par l’IGF et l’Igas ?

M. Christophe Bentz (RN). Le projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est pas seulement le fruit d’un arbitrage budgétaire du Gouvernement, il fournit aussi l’occasion d’indiquer une direction politique et, peut-être, une méthode de travail.

Madame Darrieussecq, vous êtes ministre de la santé et de l’accès aux soins. Il est heureux que cette notion ait été ajoutée, même si elle demeure symbolique. Le message envoyé est positif puisque l’accès aux soins évoque la dimension territoriale et géographique des politiques publiques de santé.

Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a déclaré qu’en matière de santé, des solutions seraient trouvées avec les acteurs de terrain. Or, les ARS ne fonctionnent pas ainsi. Par exemple, au centre et au sud de la Haute-Marne, l’ARS a décidé de réorganiser l’offre de soins contre l’avis des professionnels de santé, des élus locaux, des acteurs de terrain et des usagers. Madame la ministre, comment rectifier le tir avec les ARS ?

Mme Joëlle Mélin (RN). Le système conventionnel a été instauré il y a plus de soixante-cinq ans pour garantir la solvabilité des patients. Les caisses assurent le remboursement des actes médicaux en contrepartie de l’acceptation par les professionnels de ville d’un blocage de leurs honoraires. Avec les années, le système s’est distordu : baisse des remboursements et des tarifs, lesquels sont le plus souvent en deçà de l’augmentation des frais généraux et des investissements nécessaires. Cela a peu à peu stérilisé les outils de travail, dans les laboratoires de ville, les officines pharmaceutiques et les lieux d’hospitalisation privés. Parallèlement, on assiste à une financiarisation à marche forcée.

L’article 15 fait ressurgir la tarification d’office, quels que soient les efforts des professionnels pour maîtriser les dépenses. Les professionnels de santé libéraux sont quasiment à l’os. Aujourd’hui, il s’agit des radiologues, qui sont une proie toute désignée pour les grands groupes financiers. Alors que la tarification d’office est une rupture a priori temporaire et partielle du système conventionnel, ne va-t-elle pas se généraliser durablement à tout le corps médical ? Souhaitez-vous vraiment la fin du système conventionnel, un système paritaire qui a assuré jusqu’à présent le remboursement facile des patients ?

Mme Anchya Bamana (RN). Le système de santé de Mayotte s’effondre sous la pression migratoire. Le personnel soignant y manque cruellement : absence de médecins régulateurs dans les structures mobiles d’urgence et de réanimation, fermeture des services de maternités intercommunales faute de sages-femmes. L’éducation nationale ne dispose que de deux médecins scolaires pour près de 113 000 élèves. Le système libéral compte 33 médecins pour 400 000 habitants. Il n’y a qu’un seul médecin du travail pour le secteur privé.

Pourtant, il n’existe aucune politique axée sur la prévention primaire, ce qui est d’autant plus critique dans un territoire où sévissent diabète, hypertension artérielle, cancers et obésité, pas plus que de politique d’attractivité des professionnels de santé à long terme. Des décisions incompréhensibles sont prises, telles que la suspension de l’indemnité particulière d’exercice au bénéfice des praticiens hospitaliers. Le centre hospitalier de Mayotte, seul établissement, accuse un déficit de près de 22 millions d’euros.

Dans le PLFSS, nous ne trouvons aucune mesure spécifique pour ce département. Toutes les auditions que j’ai menées, en tant que rapporteure pour avis de la mission Santé du PLF 2025, en témoignent. Lors de la rencontre que j’ai sollicitée auprès de vous, madame la ministre de la santé, je prendrai le temps de vous exposer plus en détail les problèmes auxquels les Mahorais font face, espérant votre écoute mais surtout votre action. Quelles premières mesures envisagez-vous pour sauver le système de santé de cette île ?

M. Théo Bernhardt (RN). La phagothérapie est une piste intéressante face à l’augmentation alarmante d’infections dues à des bactéries antibiorésistantes. Avez-vous des projets pour accélérer la recherche sur ce sujet ?

La recherche clinique fait face à plusieurs défis : longueur des procédures administratives, difficultés de recrutement de patients, manque de financement interdisant les essais cliniques à grande échelle. Avez-vous des solutions qui ne remettraient pas en cause, bien sûr, l’intégrité, la sécurité et l’éthique de nos études ?

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Le déficit actuel est de la responsabilité des gouvernements successifs depuis sept ans. Les économies ne doivent pas se faire en sacrifiant les investissements d’avenir : augmentation du coût du travail sur les bas salaires ou renonciation à une partie des exonérations de cotisations pour les apprentis. Vous prenez le risque de priver les entreprises de jeunes forces productives et les jeunes d’un accompagnement vers le monde du travail. L’apprentissage, déjà attractif, peut être plus efficace encore. C’est pourquoi nous souhaitons une priorité aux jeunes suivant des études jusqu’à un bac + 3 – plus d’apprentis soudeurs que de consultants pour McKinsey. Ne craignez-vous pas de mettre un frein supplémentaire à la productivité et au retour à l’activité ?

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Voici venu l’impôt Barnier sur les apprentis : un apprenti payé 700 euros devra s’acquitter de la CSG et de la CRDS, soit 50 euros en moyenne. Pourquoi leur faire les poches ? Parce que, depuis cinq ans, des aides excessives sont distribuées au grand patronat pour un montant de 25 milliards d’euros par an – deux fois le déficit de la sécurité sociale – sans qu’il y ait pour autant un contrôle des conditions d’apprentissage. Plus d’un quart des contrats sont rompus – ce taux atteint 40 % dans l’hôtellerie-restauration – et 15 000 apprentis sont victimes chaque année d’un accident du travail. La moitié des employeurs n’assurent pas leur devoir de tutorat.

Il faut améliorer l’encadrement de l’apprentissage. Les apprentis devraient être revalorisés et une vraie formation assurée, au lieu de les substituer à leurs collègues. La Suisse, par exemple, leur accorde des semaines de congés payés supplémentaires pour assurer leur formation.

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Alors que les jeux Paralympiques étaient l’occasion inédite d’effleurer l’idéal d’une société inclusive, la première composition du gouvernement ne comptait pas de ministère dédié au handicap. Le PLF prévoit de raboter de 100 millions d’euros le budget de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph). En supprimant 20 % de son enveloppe, le Gouvernement menace des milliers d’accompagnements, de formations, de financements indispensables à l’emploi de 7 millions de personnes en situation de handicap, déjà confrontées à des contrats précaires, à des postes inadaptés et à des discriminations à l’embauche. Ces aides sont primordiales pour créer des activités et inciter les entreprises à respecter la loi de 1987 instaurant un quota d’embauche de 6 %, quand il n’est que de 4 %. L’Agefiph est un système vertueux et autofinancé. Qui plus est, les cotisations sociales qui proviennent des emplois pourvus grâce à l’Agefiph sont une source de financement pour la sécurité sociale. En créant l’Agefiph, l’objectif était le plein emploi pour les personnes en situation de handicap, au nom de leur autonomie. Le maintien de ce budget est primordial.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Tous les jours, je reçois des témoignages alarmants : là où la médecine de ville disparaît, il ne reste plus que les centres hospitaliers pour les patients. Cet été, près de 80 % des services d’urgence – 174 exactement – n’ont pas pu fonctionner en continu. Les pompiers et les ambulanciers ont dû parcourir jusqu’à 400 kilomètres pour trouver un service ouvert. L’État doit agir ! Les communes n’ont d’autre choix que de prendre des arrêtés mettant en demeure l’État de respecter ses obligations d’accès aux soins. Or, l’Ondam pour 2025 est le plus austéritaire depuis la fin de la crise sanitaire. La Fédération hospitalière de France estime que le sous-objectif Établissements de santé doit bénéficier d’une évolution de 3,1 % et non du 0,2 % prévu. Quelle partie sera affectée à la rémunération et au recrutement de nouveaux personnels ? Vous envisagez l’augmentation du ticket modérateur alors que 40 % de la population renonce aux soins pour une raison financière, et vous accentuez la médecine à deux vitesses. Comment renforcer le service public de la santé plutôt que les cliniques qui coûtent plus cher à la sécurité sociale et donc à tous ? Pouvez-vous vous engager à ce que les situations de cet été ne se reproduisent pas ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Madame Vidal, un travail est en cours sur la question que vous soulevez, dont les conclusions sont attendues en 2025.

Monsieur Isaac-Sibille, même si elles sont peu visibles, il y a bien de nouvelles mesures de prévention. Les ARS disposent de 10 % de plus dans le FIR pour financer des actions spécifiques locales. Nous discuterons des taxes comportementales, notamment sur le sucre transformé, un poison à l’origine de nombreux cas de diabète secondaire.

Monsieur Bentz et madame Amiot, l’accès aux soins doit s’organiser territorialement en reposant notamment sur les communautés professionnelles territoriales de santé. Les services d’accès aux soins sont, à cette fin, d’une grande aide. Il faut se défaire de l’idée que l’accès aux soins se résume à l’hôpital. Les personnes ont avant tout besoin d’avoir comme interlocuteur un médecin ou un infirmier. L’hôpital devrait être réservé aux urgences et aux maladies graves. C’est vers cette épure que doit tendre notre organisation, même si c’est loin d’être simple dans la mesure où certains territoires manquent de médecins. Aussi devons-nous former plus d’infirmiers en pratique avancée et des médecins. Jusqu’en 2030, il faudra faire le dos rond et compter sur des organisations territoriales qui, malgré leur fragilité apparente, sont en réalité très utiles, comme me l’ont prouvé des exemples dans la Creuse ou dans des villes moyennes. Il faut aider et financer ces initiatives. Les ARS doivent être à l’écoute du terrain, le plus à même de construire un système adéquat.

Madame Mélin, nous n’allons évidemment pas mettre fin au système conventionnel auquel je suis très attachée. Les tarifs opposables protègent l’accès aux soins. Mais nous devons rester vigilants. Les profits des cabinets de radiologie et de biologie n’ont pas à alimenter des fonds d’investissement. Veillons aussi au bon niveau de prescription des examens !

Madame Bamana, je suis avec beaucoup d’attention la situation à Mayotte. Face à la pénurie de soignants, un mouvement de solidarité nationale a permis de faire venir pendant quelques mois des médecins d’Europe ou de La Réunion. Tout cela demeure néanmoins fragile. Nous en parlerons ensemble. Même si je serai très attentive à la sécurité sanitaire et à la couverture de santé à Mayotte, je ne ferai pas de miracle. Il y a besoin d’une réponse cousue main. Il faut y rendre les métiers médicaux attractifs.

Monsieur Bernhardt, la recherche doit en effet représenter un pan important des investissements en santé, en collaboration avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Quant à la phagothérapie, je me renseignerai.

M. Paul Christophe, ministre. Madame Vidal, je n’ai pas pu vous répondre lors de la séance des questions au Gouvernement puisque j’étais au Sénat pour la proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves. Concernant la sous-exécution de l’objectif global de dépenses (OGD) Personnes âgées de 2024, j’attends une circulaire budgétaire. Elle permettra de donner des moyens aux services de soins infirmiers à domicile et de préparer la fusion des sections. Par ailleurs, les aides à la mobilité ne sont pas reprises dans l’OGD, dans la mesure où elles relèvent des départements. De la même façon, étant donné qu’il s’agit d’un concours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, le SPDA n’est pas repris dans l’OGD. Les travaux du ministère sur la carte professionnelle sont proches de leur aboutissement.

Monsieur Le Gac, 66 % des Ehpad sont déficitaires. Nous pouvons nous poser des questions sur leur modèle économique, qui dépassent celle du concours de l’État, qui a augmenté de 50 % depuis 2019.

Madame Belouassa-Cherifi, l’Agefiph est financée par une taxe payée par les entreprises ne respectant pas le taux de 6 % de salariés en situation de handicap. En réalité, les 50 millions d’euros pris sur le budget de l’Agefiph seront reversés aux entreprises adaptées par le biais du PLF. Ce n’est pas tant ce mouvement de tuyauterie qui fait débat qu’une ambiguïté laissant croire que plus de 50 millions d’euros seront concernés. Le Gouvernement déposera un amendement pour fixer ce montant.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Messieurs Le Gac, Clouet et Dussausaye, l’effort fourni pour l’apprentissage s’élève à 15 milliards d’euros – 4 milliards d’euros d’aides aux employeurs, 10 milliards d’euros pour financer la formation et les centres de formation d’apprentis et 1 milliard d’euros concernant les exonérations. Assurément, nous devrons réfléchir ensemble afin d’améliorer la qualité de la formation.

Concernant les aides à destination des employeurs, nous sommes en train de consulter les organisations patronales et syndicales interprofessionnelles ainsi que des formations de professionnels – la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, par exemple. Il nous faudra prendre des décisions rapidement pour que les entreprises soient en mesure d’anticiper.

S’agissant du profil des apprentis, il faut avoir en tête qu’un tiers de ceux qui ont pu mener des études jusqu’au master l’ont fait grâce à l’apprentissage. Cela permet aussi aux TPE et PME d’accéder à ce type de compétences, favorables à leur montée en gamme. Les apprentis de niveau 7 montrent également que l’apprentissage n’est pas une voie de garage mais qu’il peut être prestigieux, quel que soit le niveau de qualification. Chacune des options présente des avantages et des inconvénients.

Messieurs Guedj et Clouet, nous examinons la question de la fin des exonérations avec une grande vigilance. Pour éviter que les apprentis rémunérés selon un barème minimum subissent une perte de salaire net, nous allons relever ce barème malgré les inconvénients pour l’employeur. Nous voulons limiter le plus possible l’effet de la réforme pour rendre l’apprentissage attractif aussi bien pour le jeune que pour l’entreprise.

Monsieur Califer, le sujet des exonérations outre-mer est renvoyé à une ordonnance afin de laisser le temps de la concertation, en particulier avec les parlementaires concernés.

M. le président Frédéric Valletoux. Je vous remercie d’avoir pris part à cette audition. La commission examinera le PLFSS dès le début de la semaine prochaine.

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   Comptes rendus de l’examen des articles
du projet de loi

 

 

1.   Réunion du lundi 21 octobre 2024 à 17 heures (article liminaire à après l’article 3)

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.15574649_67166d1058372.commission-des-affaires-sociales--examen-du-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite-sociale-pou-21-octobre-2024

La commission examine le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 325) (M. Yannick Neuder, rapporteur général ; M. Guillaume Florquin, M. Louis Boyard, Mme Sandrine Rousseau et M. Jean-Carles Grelier, rapporteurs)

M. le président Frédéric Valletoux. Nous commençons l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, sur lequel ont été déposés 1 577 amendements. Parmi eux, soixante-treize ont été retirés, douze étaient inopérants et huit ont été déposés en double.

Suite aux avis rendus par le président de la commission des finances sur les deux premières parties du texte, cinquante et un amendements sont irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, quarante et un au titre de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, principalement des cavaliers, et trois au titre de la loi organique relative aux lois de finances. Le président de la commission des finances n’ayant pas terminé l’examen de tous les amendements, le nombre définitif d’amendements en discussion n’est pas encore connu.

Pour le PLFSS 2023, notre commission avait examiné 712 amendements mais ce chiffre était monté à 1 254 pour le PLFSS 2024. Cette année, nous devrions nous situer entre les deux.

Les temps de parole seront, comme de coutume, de deux minutes. Par ailleurs, nous adapterons le déroulement de nos séances en fonction des votes importants prévus cette semaine dans l’hémicycle – je pense notamment à la motion de rejet sur le projet de loi de finances (PLF) et à l’élection d’un vice-président ou d’une vice-présidente de l’Assemblée nationale. Enfin, je rappelle que nous siégerons jusqu’à 20 heures avant de reprendre à 21 heures.

 

Amendements de suppression AS1 de M. Jérôme Guedj, AS510 de M. Yannick Monnet, AS782 de Mme Zahia Hamdane, AS1067 de Mme Joëlle Mélin et AS1149 de Mme Sandrine Rousseau

M. Jérôme Guedj (SOC). Le PLFSS est autant voire plus important que le budget de l’État, qui a beaucoup accaparé l’attention ces derniers jours. Je ne doute pas que nos travaux témoigneront de notre attachement à la sécurité sociale.

Ce premier amendement traduit nos interrogations sur le bien-fondé de ce type d’article dans le PLFSS. Il est une manière d’ouvrir le débat sur la logique sinon d’austérité, mais en tout cas de serrage de vis sur l’ensemble des dépenses sociales, illustrées par leur baisse par rapport à la richesse nationale. Cette tendance n’est pas pour nous un signe de progrès, au contraire : nous ne pouvons rester fidèles au principe de la sécurité sociale de répondre aux besoins qu’en socialisant les dépenses. Or nous constatons une baisse drastique de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), une augmentation du reste à charge après consultation et une désindexation des pensions de retraite.

En outre, le déficit prévu pour 2024 mélange les choux et les carottes puisqu’il comptabilise l’amortissement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) – 16 milliards d’euros –, générant mécaniquement un solde positif.

M. Yannick Monnet (GDR). L’état des recettes, des dépenses et du solde des administrations de sécurité sociale pour 2024 et ses prévisions pour 2025 affichent une image restreinte de la protection sociale puisque ses dépenses et ses recettes sont ramenées à des points de PIB. Les besoins sanitaires et sociaux ainsi que les moyens pour y répondre nous semblent mériter une appréciation plus qualitative et surtout plus précise car cette présentation sur trois lignes masque une autre réalité budgétaire.

Si l’on se contente de regarder l’évolution des recettes et des dépenses en part du PIB, on observe que, entre 2024 et 2025, les recettes sont presque constantes avec 26,6 % du PIB en 2024 et de 26,7 % en 2025 et que les dépenses sont en baisse avec 26,6 % du PIB en 2024 et 26,4 % en 2025. La comparaison entre les deux années est d’autant plus facile que l’évolution de PIB est envisagée de manière constante, à 1,1 % en 2024 et en 2025.

Cet article liminaire montre ainsi des recettes à l’arrêt pour les administrations de sécurité sociale et des dépenses toujours davantage contraintes. Le solde positif de 0,2 % du PIB en 2025 ne laisse pas apparaître ce qu’il en coûte aux assurés sociaux : il cache le « coup de frein », selon l’euphémisme du Gouvernement, de 10,1 milliards d’euros sur les dépenses sociales ou encore le déficit sans précédent des hôpitaux, qui s’élève à 1,746 milliard en 2023 et qui devrait s’établir à 2 milliards en 2024, selon la Fédération hospitalière de France (FHF).

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). L’article liminaire montre que ce PLFSS sera un texte d’austérité.

La Cades continue de priver la protection sociale de ressources importantes : 16 milliards d’euros lui ont été affectés en 2024 et la même somme le sera en 2025, soit plus que le volume d’économie que le Gouvernement compte imposer au système de protection sociale en 2025. Il fait le choix de couper dans les dépenses tout en disant, de façon erronée, que notre protection sociale est structurellement en crise.

Ce PLFSS est une traduction concrète de la ligne politique du gouvernement Barnier : faire payer aux classes moyennes et populaires les cadeaux fiscaux et les exonérations de cotisations octroyées aux grandes entreprises

Mme Joëlle Mélin (RN). Les prévisions de cet article sont trop optimistes, voire totalement irréalistes. Elles ne servent qu’à rassurer les investisseurs détenteurs de notre dette. L’agence Fitch a d’ailleurs dégradé la perspective de la France. Ces prévisions se sont révélées totalement erronées pour l’année 2024, comme cela avait déjà été le cas en 2023. Le flou qui procède à l’établissement de ces chiffres est total.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Ce PLFSS est un texte d’austérité. Il ne répond en rien aux besoins urgents d’investissement dans notre système de soins et d’accompagnement social. Avec une réduction de 15 milliards d’euros, comment envisager le financement de la revalorisation des salaires, l’attractivité des professions ou encore stopper les fermetures en cascade des lits ? Plutôt que de répondre à l’urgence sociale dans laquelle le sous‑investissement dans l’hôpital public nous plonge, le Gouvernement a choisi d’aggraver la situation en faisant peser sa quête d’économie sur les plus vulnérables par l’augmentation du reste à charge pour les patients et par le plafonnement des indemnités versées en cas d’arrêt maladie Ce sont une fois de plus les populations les plus précaires qui devront compenser les avantages fiscaux accordés aux plus riches.

Il n’est fait aucune mention dans ce PLFSS de la santé mentale, de la santé psychique ou de la santé psychiatrique. C’est incroyable ! La santé mentale n’a-t-elle pas été déclarée grande cause du quinquennat par le Premier ministre ? Je rappelle que les maladies mentales et les troubles psychiques touchent près de 13 millions de Français et que le suicide constitue la première cause de mortalité chez les jeunes entre 15 et 35 ans. À l’occasion d’une mission d’information sur la prise en charge des urgences psychiatriques, j’ai pu constater, avec ma collègue Nicole Dubré-Chirat, l’effondrement de ce secteur. L’absence d’article sur la santé psychique nous empêche malheureusement de déposer des amendements

Notre système de soins nécessite des investissements pour répondre à la hausse croissante de la demande, mais le budget présenté ne répond pas à cette nécessité. Nous proposons donc la suppression de cet article.

M. Yannick Neuder, rapporteur général. Il y a du vrai et du faux dans ce que vous avez dit mais, quoi qu’il en soit, la loi organique impose la présence d’un tel article dans un PLFSS. Le supprimer rendrait le texte inconstitutionnel. Ce ne serait pas responsable.

Monsieur Guedj, on ne peut parler d’austérité que quand les dépenses baissent fortement. Or le texte prévoit des dépenses en augmentation. Peut-être cette augmentation n’est-elle pas suffisante et les recettes ne sont-elles pas en adéquation, mais on ne peut pas parler d’austérité.

Monsieur Monnet, les prévisions de recettes et de dépenses reposent naturellement sur les hypothèses du Gouvernement. En revanche, celui-ci n’a aucune marge de manœuvre sur les soldes des administrations de sécurité sociale puisque leurs prévisions sont faites sans l’intervention de Bercy.

Madame Hamdane, ne pas rembourser la dette sociale nous rendrait plus dépendants des marchés financiers asiatiques et anglo-saxons. Son remboursement est une mesure de souveraineté et de stabilité.

Madame Mélin, l’appréciation du Haut Conseil des finances publiques diffère de la vôtre. Je rappelle ses propos : le scénario macroéconomique pour 2025 est dans l’ensemble fragile, avec une prévision un peu élevée pour la croissance, optimiste au regard des indications données par les enquêtes de conjoncture disponibles. La prévision de croissance pour 2025, soit 1,1 %, apparaît en premier lieu un peu élevée compte tenu de l’orientation restrictive du scénario de finances publiques associé. Cette appréciation diffère donc de la vôtre.

Madame Rousseau, le cadre budgétaire est effectivement contraint, mais nous ne sommes pas dans l’austérité puisque les dépenses augmentent. La santé mentale est un sujet qui nous tient tous à cœur et vous pourrez déposer des amendements la concernant dans la partie du texte consacrée à la branche maladie.

Pour toutes ces raisons, avis défavorable à ces amendements de suppression.

M. Thibault Bazin (DR). Nous nous opposons à la suppression de cet article, qui nous permet de savoir où nous allons – il avait d’ailleurs été réclamé de façon consensuelle lors de la modification de la loi organique de 2022. La vision n’est pas restreinte, au contraire, puisque sont inclus l’ensemble des administrations de sécurité sociale, y compris les retraites complémentaires et les régimes d’assurance chômage.

Le solde excédentaire est essentiel pour prouver notre capacité de remboursement et s’engager sur une trajectoire de redressement des comptes publics. J’ai d’ailleurs noté, monsieur le rapporteur général, que vous jugiez les hypothèses plus cohérentes avec les prévisions des organismes extérieurs. Ce budget sera donc sans doute plus sincère que les précédents.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Monsieur Bazin, si cet article est si sérieux, pourquoi avoir déposé tant d’amendements ?

Monsieur le rapporteur général, l’engagement à l’égard des créanciers privés internationaux est précisément un problème puisque ces engagements nous coûtent 16 milliards d’euros sur une année ordinaire et nous ont coûté 75 milliards depuis 1996 en intérêts et commissions bancaires : les bons gestionnaires, aidés par les marchés financiers, ont réussi à paumer huit années de déficit de la sécurité sociale.

La Cades ne devrait pas être financée par la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), qui est un des impôts les plus injustes : chaque salarié se voit prélever 0,5 % de sa rémunération alors que ses soins de santé ont été déremboursés et que des lits ont été supprimés. C’est la triple peine !

Oui, les créanciers internationaux sont un problème. Ainsi, notre groupe plaide depuis longtemps pour rétablir un circuit du Trésor afin d’imposer des obligations de détention de bons du Trésor aux grands organismes du crédit. Cela nous permettrait de fixer d’autorité le prix de la dette et donc de ne pas être tenus par les créanciers.

M. Yannick Monnet (GDR). Monsieur Bazin, la sécurité sociale ne sert pas à rembourser la dette. Vous vous réjouissez de l’excédent, mais quel est son prix ? La fermeture d’hôpitaux ou l’arrêt de politiques de prévention nous rendrait encore plus vertueux d’un point de vue financier, mais il faut partir des besoins. C’est un des fondements de la sécurité sociale. J’ajoute que les recettes sont bien inférieures à ce qu’il faudrait pour financer les besoins de la population.

M. Michel Lauzzana (EPR). Il m’est pénible d’entendre parler d’austérité dans un pays où les dépenses sociales ne font qu’augmenter – 9 milliards d’euros de plus pour l’Ondam ce n’est pas rien. C’est très désobligeant pour ceux qui ont eu à subir une véritable austérité.

Si vous voulez éviter de payer des intérêts, il faut veiller à ne pas trop dépenser. Les besoins sociaux sont infinis, mais nous devons être responsables et assurer l’équilibre des dépenses et des recettes.

M. François Gernigon (HOR). Je rappelle que la CRDS a été mise en place pour éponger la dette sociale, pas pour financer les déficits de l’année.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article liminaire est supprimé et les amendements AS275, AS283, AS282, AS281, AS280, AS279, AS278, AS277 et AS276 de M. Thibault Bazin ainsi que les amendements AS1228 et AS1249 de M. Romain Baubry tombent.

 

PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2024

Amendements de suppression AS2 de M. Jérôme Guedj, AS511 de M. Yannick Monnet, AS512 de Mme Karine Lebon et AS784 de M. Hadrien Clouet

M. Jérôme Guedj (SOC). Monsieur le rapporteur général, vous avez raison : quand les dépenses augmentent en volume, on ne peut pas parler d’austérité, mais si ces dépenses ne répondent pas aux besoins auxquels elles sont censées répondre, je pense alors qu’on peut parler d’austérité.

Notre proposition de suppression est une forme de sanction, car cet article consacre une dégradation considérable des comptes de la sécurité sociale. Elle avait été anticipée à 10,5 milliards d’euros, mais elle serait en réalité de 18 milliards. Le Gouvernement justifie ce dérapage par la dégradation des perspectives macroéconomiques. C’est un peu facile !

Plutôt qu’une dynamique des recettes, nous observons une dynamique des exonérations de cotisations sociales. Ce PLFSS sera l’occasion de discuter de l’efficacité de ce « pognon de dingue » que représentent les 75 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales, qui ont quasiment doublé depuis 2017.

Cet article illustre une forme de fuite en avant – j’allais parler de démantèlement, mais j’essaye de peser mes mots. Vous avez laissé filer le déficit de la sécurité sociale. Je le rappelle, en 2017, la sécurité sociale était presque à l’équilibre, avec 4,9 milliards d’euros de déficit contre quelque 18 milliards aujourd’hui et tous les problèmes que nous connaissons – désertification médicale et paraméciale, crise de l’hôpital, difficultés des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad)...

M. Frédéric Maillot (GDR). Les chiffres de cet article nous semblent confirmer l’insincérité et l’indigence de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024, qui prévoyait un déficit de 10,4 milliards d’euros. Avant l’été, le Gouvernement a revu ce chiffre à 16,6 milliards et il est aujourd’hui fixé à 18 milliards. L’équilibre présenté nous semble donc pour le moins précaire.

Cet écart entre les prévisions et le résultat ne provient pas d’un dérapage des dépenses mais de recettes moindres. Voter cet article reviendrait à approuver les choix de dépenses de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, adoptée par 49.3, et donc l’insincérité du Gouvernement, qui surévalue les recettes budgétaires pour nous faire croire que le renoncement exigé année après année des professionnels de santé et des patients est inéluctable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Pour la première fois depuis 2021, les recettes d’un PLFSS progressent moins vite que les dépenses, ce qui signifie que votre mauvaise gestion crée des déficits. Vous préférez parler de perspectives macroéconomiques. Celles-ci ne tombent pas du ciel : elles sont le résultat de politiques publiques de gel des salaires, de maltraitance sociale d’une partie de la population et de versements records de dividendes.

De façon très châtiée, vous expliquez que la croissance de la masse salariale a progressé de 3,2 % au lieu de 3,9 %. Mais pourquoi en est-il ainsi ? Parce que, plutôt que d’augmenter les salaires, qui génèrent des cotisations finançant la sécurité sociale, vous préférez distribuer des primes. Ce fric monumental, ce sont autant de milliards soustraits au financement de la sécurité sociale.

M. le rapporteur général. Cet article est une obligation de la loi organique. Le supprimer n’effacera pas la photographie mais rendra ce budget inconstitutionnel. J’en appelle à la responsabilité de chacun.

Monsieur Guedj, cet article ne dégrade pas le déficit de la sécurité sociale : il ne fait que constater l’état des dernières prévisions, qui sont en effet alarmantes.

Monsieur Maillot, vous avez raison : on ne peut pas parler d’équilibre général avec un déficit de 18 milliards. Mais ce n’est pas en supprimant l’article que la situation changera.

Monsieur Clouet, les recettes augmentent certes moins vite que les dépenses – 4,2 % et 5,3 % respectivement –, mais je rappelle que ces dernières sont largement tirées par la revalorisation des pensions de retraite, qui représente un coût supplémentaire de 13 milliards d’euros en 2024. Cet écart s’explique par des recettes fiscales moins élevées – de 4,5 milliards – qu’anticipées, mais supprimer l’article n’effacera pas l’ardoise.

M. Thibault Bazin (DR). Nous attendions les chiffres rectifiant les prévisions et certains d’entre nous demandaient même un PLFSS rectificatif (PLFRSS). Cette rectification est indispensable pour y voir plus clair. Je m’oppose donc à la suppression de l’article, d’autant qu’elle nous empêcherait de débattre de ces chiffres.

Monsieur Monnet, je suis d’accord avec vous : la protection sociale n’est pas là pour rembourser la dette, mais l’absence d’équilibre menace la solidarité intergénérationnelle, qui est un des fondements de la sécurité sociale, avec l’universalité de la politique familiale. La crise de la natalité oblige le Gouvernement à porter son attention sur les besoins des familles avec des enfants à charge, d’autant que le pouvoir d’achat est en baisse. C’est le sens de plusieurs de nos amendements.

M. Hendrik Davi (EcoS). Que l’on souhaite ou non supprimer cet article, son examen est l’occasion de débattre des choix politiques du Gouvernement et d’en faire le bilan. Ce tableau rectifié des dépenses relatives à 2024 est instructif, car il indique que l’accroissement du déficit des comptes de la sécurité sociale devrait atteindre 18 milliards d’euros, en raison de recettes moins importantes que prévu. Hadrien Clouet l’a dit, cette situation est évidemment l’échec de votre politique. Alors que le Gouvernement communique toujours sur la nécessité de réduire les dépenses, cette année, nous nous attarderons surtout sur la dynamique des recettes sur laquelle nous allons agir car les politiques macroéconomiques ne tombent pas du ciel.

Plus précisément, il sera question de revenir sur les exonérations de cotisations sociales. Je me félicite que l’article 6 du PLFSS ouvre cette perspective, qui pourrait nous permettre de dégager entre 12 et 13 milliards d’euros. De la même manière, la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus du capital pourrait rapporter 3 milliards. Il en serait ainsi également de la hausse de certaines taxes sur les produits sucrés, le tabac et l’alcool qui conjuguerait politique de prévention et augmentation des recettes. Toutes ces pistes nous permettraient de réaliser ces 18 milliards d’euros d’économies dont nous avons besoin pour rétablir l’équilibre des comptes.

Certes, il n’est pas interdit de réfléchir à l’évolution des dépenses mais, en l’espèce, le tableau d’équilibre ne tient pas compte de notre système hybride, au sein duquel on demande beaucoup d’efforts au secteur public, mais sans se pencher véritablement sur le secteur privé, qui est parfois à but lucratif. Il conviendrait en effet de questionner l’évolution des dépenses et des profits de l’industrie pharmaceutique, des cliniques privées – particulièrement celles dispensant des soins de psychiatrie, car il y a là un scandale – et des différents secteurs de la médecine libérale de ville.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). À la lecture de ce PLFSS 2025, on se demande où l’on va. Et, surtout, comment en sommes-nous arrivés là ? Ceux qui ont applaudi à tout rompre les 49.3 sur les PLFSS successifs sont bien silencieux. Collègues macronistes, l’état financier dans lequel se trouve le pays relève tout de même de votre responsabilité. Vous qui prôniez la politique de l’offre et souteniez qu’en supprimant le maximum de taxes et de cotisations, on stimulerait la croissance et on ferait le plein de recettes, regardez donc où nous en sommes ! Cela n’a pas fonctionné. Et les propositions faites pour l’année prochaine ne me donnent pas l’impression d’un changement de direction. Le gouvernement Barnier ressemble à un poulet sans tête qui continue d’avancer sans savoir où il va, alors qu’on sait que c’est dans le mur !

Tous les collègues l’ont dit avant moi, les recettes constituent le cœur du problème, Quelles dépenses pourraient être encore supprimées pour faire des économies ? Je ne fais pas un déplacement dans le pays sans que les gens me disent qu’ils tirent la langue. On ne peut plus toucher aux dépenses. Et on peut d’autant moins se le permettre que cela ralentirait l’activité économique, porterait atteinte à la croissance, et diminuerait les recettes. Voilà la situation dans laquelle nous sommes.

Dans ces conditions, bien sûr que nous allons supprimer cet article. Ni les macronistes, ni Les Républicains ne sont en mesure de proposer une politique alternative qui ne nous emmènerait pas dans le mur. Nous chercherons donc à tout supprimer jusqu’à avoir un gouvernement dirigé par le Nouveau Front populaire pour enclencher une autre dynamique. (Exclamations.)

Mme Joëlle Mélin (RN). Je sais bien que la loi organique prévoit la présentation, à l’article 1er du PLFSS, d’un tableau d’équilibre, mais le terme est tout à fait usurpé. La loi de financement de la sécurité sociale promulguée en décembre 2023 prévoyait un solde négatif de 8,7 milliards d’euros. Après rectification – quoique sans projet PLFRSS –, ce solde atteint désormais 18 milliards. Un écart pareil est inacceptable ! Comment peut-on admettre un nouvel équilibre avec de telles imprévisions, s’agissant aussi bien des dépenses que des recettes ?

Je rappelle aussi qu’en 2010, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale avait été autorisée à emprunter 13 milliards d’euros. L’année prochaine – nous allons y venir –, nous en serons à 65 milliards. En Europe, seule la France permet à son agence de contracter des emprunts. Et quand le plafond est atteint, on crée du déficit, qu’on envoie ensuite à la Cades. Il faut vraiment revoir les choses.

Je reconnais qu’il était compliqué, en deux ou trois semaines, de proposer quelque chose de nouveau qui soit à même de mettre hors de danger nos comptes sociaux, mais nous sommes très loin du compte. Nous prendrons donc les décisions qui s’imposent au regard de l’insincérité, ou du moins de l’approximation des chiffres.

Mme Annie Vidal (EPR). Je suis désolée si je radote depuis sept ans – le débat est récurrent –, mais supprimer un article qui ne fait que présenter les dépenses et les recettes réelles au cours d’un exercice budgétaire n’a pas de sens. Cela porte même atteinte à la transparence que nous souhaitons tous, sans rien changer à la situation.

Nous discuterons bientôt des perspectives pour l’an prochain. Avant cela, je rappellerai tout de même qu’en 2020, lors des confinements, nous avons permis aux entreprises de rester à flot et aux salariés d’être rémunérés à hauteur de 80 % de leur salaire. Certains d’entre vous nous avaient alors reproché de ne pas maintenir les rémunérations à 100 %... Oui, tout cela a un coût et emporte les conséquences que nous constatons aujourd’hui. Pendant la crise sanitaire, la sécurité sociale a joué son rôle d’amortisseur social et économique. On peut supprimer tous les articles, cela n’y changera rien et ne fera pas avancer les choses.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et les amendements AS285 et AS284 de M. Thibault Bazin et AS513 de M. Yannick Monnet tombent.

Amendements de suppression AS4 de M. Jérôme Guedj, AS514 de Mme Karine Lebon, AS524 de M. Yannick Monnet, AS823 de M. Hadrien Clouet et AS1048 de M. Sébastien Peytavie

M. Jérôme Guedj (SOC). La suppression de l’article 1er aura au moins une vertu : nous éviter d’examiner l’amendement d’appel AS285 de M. Bazin, qui visait à modifier le panier de soins de l’aide médicale de l’État (AME). Je le dis avec toute l’amitié que je peux avoir pour lui, j’étais déçu que l’un des premiers amendements d’un éminent spécialiste des PLFSS porte sur ce sujet, qui est vraiment éloigné du cœur des préoccupations.

L’article 2, que nous proposons également de supprimer, traite de l’insuffisance de l’Ondam. C’est l’enjeu majeur du PLFSS 2025, mais évoquons d’abord les chiffres relatifs à 2024, car toutes les dépenses ne pourront pas être absorbées. À cet égard, la FHF, que vous connaissez bien, monsieur le président, et qui n’est pas un repaire de gauchistes, s’inquiète « du niveau de l’Ondam au vu de la situation des établissements ». Selon elle, « le risque est d’aggraver la situation de sous-recours sur certaines activités prioritaires, d’obliger les établissements à repousser des investissements et de limiter leur capacité de recrutement ». Ces amendements de suppression sont donc des amendements d’humeur. Ils visent à indiquer que ni la LFSS 2024, adoptée par 49.3, ni les corrections intervenues ensuite n’ont pris la mesure de l’impact inflationniste et du sous-calibrage initial.

Enfin, je rappellerai souvent, car il faut que nous le martelions, que pour la première fois, un ministre, en l’occurrence Laurent Saint-Martin, a reconnu devant notre commission que le Ségur de la santé n’était pas financé. À elle seule, cette déclaration mériterait la création d’une commission d’enquête ; nous en reparlerons.

M. Frédéric Maillot (GDR). L’amendement AS514 est défendu.

M. Yannick Monnet (GDR). L’article 2 prévoit une rectification de l’Ondam et de ses sous-objectifs pour 2024. Non seulement nous avions alerté, lors de l’examen du PLFSS 2024, sur leur insuffisance, mais nous allons devoir le faire de nouveau s’agissant de l’année 2025. C’est infernal : chaque année, vous sous-évaluez l’Ondam, puis vous le corrigez, mais en restant en-deçà des besoins. Et comme, en parallèle, les ressources de la sécurité sociale sont asséchées, le Gouvernement fait mine de s’étonner du creusement du déficit.

Je souhaiterais que le Gouvernement prenne la mesure de la situation dramatique dans laquelle est désormais plongé notre système de soins. Le déficit des hôpitaux s’est établi à 1,7 milliard d’euros en 2023 et devrait atteindre les 2 milliards cette année. Au total, 85 % des Ehpad publics sont déficitaires, pour un montant global de 1,3 milliard. En conséquence, les personnels soignants et non soignants sont exsangues et nous constatons une détérioration de la prise en charge sociale et médicale. Quatre malades chroniques ou concernés par un handicap physique sur dix considèrent que leur prise en charge s’est détériorée depuis le covid. Quant aux renoncements aux soins, ils vont croissant : plus de six Français sur dix ont déjà renoncé à se faire soigner.

L’exposé des motifs de l’article 2 explique que la rectification de l’Ondam à hauteur de 1,2 milliard d’euros résulte principalement « d’une dynamique particulièrement importante sur les dépenses de soins de ville, notamment sur les indemnités journalières et les honoraires de médecins spécialistes ». À cet égard, si le Gouvernement s’en est pris une fois de plus aux arrêts maladie, je n’ai rien entendu de sa part au sujet des dépassements d’honoraires de certains spécialistes. Pourtant, d’après l’UFC-Que Choisir, qui se fonde sur des données de la Caisse nationale de l’assurance maladie, le montant d’une consultation de spécialiste peut être multiplié par 2,5 d’un département à l’autre.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR demande la suppression de cet article.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS823.

L’année dernière, déjà, le budget de la sécurité sociale, adopté par 49.3, était insuffisant. La FHF le disait ; les soignants l’ont subi. Ils n’ont pas pu soigner correctement et les patients ont passé des heures, voire des jours sur des brancards.

Il s’agit maintenant de rectifier ce budget insuffisant, mais avec une somme qui l’est elle-même, étant donné qu’elle ne couvre pas l’inflation, ni même les déficits structurels. L’hôpital, par exemple, voit son financement diminuer de 100 millions d’euros, ce qui n’est pas entendable quand on sait que son déficit avoisine les 2 milliards.

Dans le temps, les choses fonctionnaient plutôt bien, car le Gouvernement finançait la sécurité sociale et les soignants pouvaient faire leur boulot. Maintenant il ne reste qu’eux, mais ils ne pourront pas tenir éternellement si vous ne leur donnez pas des moyens suffisants. Si elles devaient choisir maintenant leur carrière, 60 % des infirmières affirment qu’elles se reporteraient sur un autre métier. La plupart sont insatisfaites de leurs conditions de travail et de leur salaire.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Nous nous interrogeons sur la sincérité même des chiffres qui nous sont présentés. De PLFSS en PLFSS, en raison de sa sur-exécution, l’Ondam et ses sous-objectifs ne cessent d’être rectifiés, car leur financement est loin d’être à la hauteur des besoins de notre système de santé. Selon la FHF, la seule non-compensation de l’inflation représente 1,3 milliard d’euros, soit 20 000 équivalents temps plein d’infirmier. Cette somme grève sévèrement les capacités de fonctionnement et d’investissement des établissements. J’ajoute que le secteur médico-social n’est pas en reste, 85 % des Ehpad ayant enregistré un résultat déficitaire en 2023. Ainsi, alors que l’Ondam pour 2024 est fixé à 256 milliards d’euros, la FHF prévient qu’il manque 4 milliards pour ne serait-ce que sortir la tête de l’eau.

Par ailleurs, nous ne pourrons revenir à une sécurité sociale qui protège sans penser l’interdépendance entre la santé humaine et celle des écosystèmes. L’augmentation du nombre de maladies chroniques est directement liée aux facteurs environnementaux, ainsi qu’à nos modes de vie. Les symptômes sont connus : problèmes respiratoires dus à la pollution de l’air, maladies liées aux perturbateurs endocriniens, exposition aux pesticides. En bons comptables, pourquoi n’avez-vous toujours pas investi dans une politique de prévention en santé environnementale pour réduire le coût social et sanitaire de la pollution et des inégalités ?

Nous appelons à sortir du culte de l’austérité et à gouverner en fonction des besoins. Le financement de notre protection sociale ne devrait pas avoir comme boussole les coupes budgétaires, mais le fait que nous n’avons qu’une seule santé. Voilà pourquoi le groupe Écologiste demande la suppression de cet article.

M. le rapporteur général. Une nouvelle fois, je regrette ces amendements de suppression et m’étonne de votre détermination à ne pas respecter la loi organique. Des législateurs rendent le texte inconstitutionnel ! Je suis navré de me répéter, mais cela interroge la logique qui nous anime. On peut approuver ou non les politiques passées, mais il me semble préférable de disposer de ces comptes administratifs, qu’il s’agisse du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale ou de l’Ondam rectifié, pour envisager les futurs objectifs et élaborer nos propositions. Ces comptes permettent aussi de définir des trajectoires s’agissant des établissements ou encore des professionnels de ville.

Monsieur Guedj, la hausse du budget qui est prévue n’est peut-être pas suffisante à vos yeux, ni aux miens d’ailleurs, mais il s’agit bien d’une augmentation, en l’occurrence de 8,2 milliards d’euros. Vous ne pouvez donc pas parler d’austérité. J’ajoute que supprimer cet article n’améliorera en rien la situation des hôpitaux ou des soins de ville.

Monsieur Monnet, nous n’avons pas la même lecture des chiffres. Les régimes obligatoires de base de sécurité sociale et le Fonds de solidarité vieillesse sont bien à l’équilibre.

Monsieur Maudet, je partage votre inquiétude concernant le déficit des établissements hospitaliers, sociaux et médico-sociaux. Vous dites que 60 % des infirmières regrettent d’avoir choisi ce métier mais, j’y insiste, ce n’est pas en supprimant l’article prévoyant la rectification de l’Ondam que vous changerez leur situation en 2025. Vous aurez l’occasion de faire des propositions – légitimes – pour améliorer leurs conditions de travail, ou encore l’attractivité des métiers de la médecine de ville et hospitalière.

Monsieur Peytavie, les budgets pour 2023 et 2024 sont peut-être insincères politiquement et budgétairement, mais ce n’est pas en supprimant cet article que vous y remédierez : vous supprimerez simplement la photographie de leur insincérité. Est-ce réellement ce que vous souhaitez ? Par ailleurs, je partage complètement vos propos sur la santé environnementale. Je viens d’une métropole, Grenoble, où un décès prématuré sur trois est dû à la pollution. Toutes les mesures visant à améliorer la santé environnementale et à lutter contre la pollution seront donc à considérer, mais ne faisons pas croire aux personnes qui nous regardent que c’est en rejetant la rectification de l’Ondam que nous progresserons en la matière. Je répète que cette question a toute sa place dans l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, mais n’en faisons pas un motif pour refuser la rectification de l’Ondam pour 2024.

Mon avis est donc défavorable sur ces amendements.

M. Thibault Bazin (DR). Gardons à l’esprit que le dépassement de 2,7 milliards d’euros de l’Ondam et de ses sous-objectifs est lié pour moitié à des mesures de revalorisation des gardes de nuit et de week-end. Ce sont de très bonnes dépenses, appréciées dans nos territoires, qu’il est normal d’intégrer.

Un véritable enjeu, j’en conviens, est la révision des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens avec les établissements. C’est important pour les Ehpad et plus encore pour les établissements accueillant des personnes en situation de handicap. Nous avons pris du retard et ne fonctionnons qu’avec des crédits non renouvelables, ce qui déresponsabilise profondément les acteurs.

L’Ondam n’est qu’un objectif. De 2010 à 2019, comme l’a montré le rapporteur général, il a été respecté. Depuis cinq ans, en revanche, la cible a toujours été dépassée. Pourquoi ? Certains regrettent l’absence de politiques de prévention. Le recours massif au Paxlovid, qui évite aux personnes vulnérables d’être emportés par la covid-19, contredit cette idée.

En revanche, je m’inquiète de la stabilisation de l’investissement en faveur de la modernisation de notre système de santé : je fais ici référence aux volets numérique et immobilier du Ségur de la santé. Alors que nous montions en puissance dans ce domaine ces dernières années, en 2024, les budgets seront au même niveau qu’en 2023, à 200 millions d’euros près. Cet effort budgétaire est consensuel et je ne voudrais pas que les difficultés de notre système de santé nous empêchent de le moderniser, car nous avons justement besoin de réformes de structure.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Qu’il n’y ait pas de malentendu, personne ne refuse de rectifier l’Ondam. Nous exigeons simplement que cette rectification soit véritable, c’est‑à‑dire qu’elle soit positive et qu’elle tienne compte de l’inflation. En effet, ce n’est pas d’un PLFSS qu’il s’agit ici, mais d’un épisode de Fantômas ! À chaque article, vous dépouillez la sécu par effraction ! Alors que l’Ondam rectifié progresse de 0,47 %, l’inflation, sur la même période, s’établit à 2,5 %. Vous avez donc réduit l’objectif en valeur réelle. Cela signifie que les médicaments sont rationnés, que les blouses manquent dans les services de santé, que des lits sont fermés, et même que des soignantes et des soignants paient les ampoules sur leur lieu de travail avec leur argent.

Nous constatons tous – je suppose – le résultat de cette politique dans nos circonscriptions. Chez moi, ces six derniers mois, il y a eu une bataille à l’hôpital, car les secrétaires médicales y étaient payées en dessous du Smic, et encore récemment, il y a eu huit jours de grève pour que l’hôpital pour enfants soit doté d’un service de soins critiques. Ce sont autant de conséquences très concrètes du refus d’augmenter l’Ondam de manière suffisante.

Vous vous étonnez, monsieur le rapporteur général, que nous ne respections pas la loi organique. Pour ma part, je m’étonne qu’on nous présente des projets de loi qui mettent le système de santé publique à vif.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Nous pourrions interroger la validité d’un texte qui ne respecte pas le préambule de la Constitution, lequel prévoit que la nation garantit à tous la protection de la santé. Quand les budgets sont sous-financés, quand les soignants ne sont plus à même de faire correctement leur travail, quand des patients attendent des heures voire des jours sur des brancards au point de parfois y mourir faute de personnel, la constitutionnalité du PLFSS pose question. Le texte met en danger tous nos compatriotes, qui sont de plus en plus réticents à s’approcher des hôpitaux et des urgences, car ils savent que les soignants sont en difficulté et que les services sont surchargés. Le Gouvernement, qui risque de faire adopter le budget de la sécurité sociale par 49.3, est-il dans son droit constitutionnel en proposant des budgets toujours en deçà des besoins ?

M. le président Frédéric Valletoux. Avec 21 millions de passages aux urgences par an, les Français ne sont pas rebutés à l’idée de fréquenter l’hôpital. Sachons raison garder et prenons garde aux mots que nous utilisons : il s’agit du service public le plus fréquenté.

M. Michel Lauzzana (EPR). Avec le Nouveau Front populaire, on voit bien que les mots n’ont plus aucun sens. Une fois de plus, on nous dépeint la France comme un pays sous‑développé.

Je rappelle que l’Ondam n’est qu’un objectif et qu’il est donc normal de ne pas le tenir. Nous n’examinons pas le PLF, mais le PLFSS. Une fois les chiffres connus, il faut bien régulariser soit les dépenses, soit les bénéfices.

La semaine dernière, nous avons eu la foire à la saucisse des taxes ; je crains que nous n’ayons droit maintenant à la foire à la saucisse des dépenses.

M. Hendrik Davi (EcoS). Vous dites que cet article n’est pas le bon pour parler des problèmes de notre système hospitalier, mais à quel moment pouvons-nous le faire, dans la mesure où l’article 40 de la Constitution nous empêche de faire des propositions sur l’organisation des dépenses ?

Pardonnez-moi d’y revenir, mais à la lecture des chiffres, nous ne savons pas comment se répartissent les dépenses de santé entre les secteurs public et privé, ni quelle est leur dynamique.

Quoi qu’il en soit, ces amendements de suppression visent à vous alerter sur la situation de l’hôpital public, qui est au bord de l’effondrement. Vous nous opposez que les Français continuent de s’y rendre, mais heureusement ! Quand on a une crise cardiaque, quand on n’a pas la possibilité d’être pris en charge différemment, on va aux urgences ! Ne faites pas comme si de nombreux services d’urgences n’avaient pas fermé au cours de l’été, comme si des personnes âgées n’avaient eu à patienter plus de soixante-dix heures sur un brancard. C’est du réel, du concret ; c’est ce que nous racontent nos administrés.

Cette situation ne vient pas de nulle part : elle est le résultat des politiques d’austérité qui, année après année, diminuent les dépenses hospitalières. Les chiffres sont éloquents : depuis 2000, 111 800 lits ont été fermés. Certes, il y a eu un virage ambulatoire, mais il a bon dos et n’explique pas tout. Quand, en vingt-quatre ans, autant de lits sont supprimés, il y a forcément des patients qui se retrouvent à attendre sur des brancards.

Ces amendements de suppression nous permettent de débattre des raisons de l’effondrement du système hospitalier. Les soignants sont mal payés, les conditions de travail sont dégradées et souffrent d’un management toxique, l’austérité privilégie la logique comptable sur l’accès aux soins : voilà ce que nous voulons dénoncer. C’est le débat démocratique et si ce à quoi nous aboutissons n’est pas constitutionnel, nous verrons bien.

M. Jean-François Rousset (EPR). Je crois que nous entamons nos débats d’une bien mauvaise manière en opposant public et privé. Il y a de bons établissements relevant des deux secteurs et suivant votre lieu de résidence, vous serez bien soigné par des médecins compétents, qui ont la même formation et qui ne comptent pas leurs heures.

L’Ondam sera toujours inférieur à ce qu’il faudrait et les gens ne seront jamais contents. Plutôt que de m’exprimer sur ce point, je souhaite anticiper nos débats et évoquer la question des dépassements d’honoraires, qu’abordait justement M. Monnet. Une mission a été lancée sur ce sujet lors de l’examen de la proposition de loi visant la prise en charge du cancer du sein et j’aurai le plaisir, dans quelques jours, de présenter nos réflexions ainsi qu’un amendement au PLFSS. Nous avons tous conscience que les dépassements d’honoraires constituent un facteur d’inégalité dans l’accès aux soins, qu’ils sont inflationnistes, qu’ils entraînent l’augmentation du coût des complémentaires, qu’ils diminuent le pouvoir d’achat et nos capacités de dépenses – l’argent serait mieux utilisé dans la prévention –, et qu’ils ont une incidence sur les installations de médecins, les spécialistes qui les pratiquent s’établissant dans les zones où les patients ont les moyens de payer.

Alors que la période est très tendue, la réduction et l’encadrement des dépassements d’honoraires pourraient donc constituer une piste consensuelle à même de nous donner un peu de baume au cœur.

Mme Joëlle Mélin (RN). L’Ondam a 20 ans et il s’agit manifestement d’un indicateur inefficient. C’est en revanche un outil magique, qui permet de serrer plus ou moins fortement le licol autour des acteurs de la santé.

Nous sommes dans une situation non plus d’endettement, mais de surendettement. Dès lors, les solutions envisagées pour réduire la dette ne sont plus du tout d’actualité : il faut l’avoir à l’esprit. Les acteurs de la santé sont-ils à l’origine de toutes les augmentations ? Certes, ils ont des économies à faire et doivent se remettre en question. Certes, la grande évolution de notre système de soins demande d’être précautionneux et de réfléchir très sérieusement aux moyens de retrouver l’équilibre. Mais les efforts ne peuvent pas reposer que sur eux. L’Ondam ne sert qu’à faire parler – la preuve ! – et n’est qu’un rideau de fumée qui méritera d’être revu, voire d’être remplacé.

M. Frédéric Maillot (GDR). Au sein de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, où je siège habituellement – je remplace aujourd’hui Mme Lebon dans votre commission –, je constate souvent que la Macronie, ainsi que d’autres groupes, ne connaît vraiment pas la réalité des Français et à plus forte raison des outre-mer. À La Réunion, nous avons une station de radio qui est un peu le bureau des pleurs et tous les jours des gens y interviennent pour dire qu’ils n’ont pas été bien reçus à l’hôpital et que l’attente a été très longue. Dans mon territoire, mais aussi en Guadeloupe ou en Martinique, l’état des hôpitaux est très dégradé et on ne s’y rend qu’avec dépit. Veuillez donc ne parler que de ce que vous connaissez.

M. le rapporteur général. Je souscris à une grande partie de vos propos, notamment pour ce qui concerne les mauvaises conditions de travail à l’hôpital et d’accès aux soins en ville. Il est un peu exagéré de dire que nous ne connaissons pas ces problèmes, car nous sommes ici un certain nombre de professionnels de santé.

Quant à l’objectif rectifié, qu’on soit d’accord ou non, il faut l’acter dans le texte. Vous aurez ensuite l’occasion de voter pour ou contre – et je ne vous ai d’ailleurs pas dit si je voterais moi-même l’article dans le cas où vous le maintiendriez. Les questions restent donc ouvertes et le fait de retirer la photographie n’y changera rien.

Monsieur Rousset, je considère comme vous qu’il ne faut pas opposer public et privé. Pour ce qui est toutefois des dépassements d’honoraires, il faut veiller à éviter l’irrecevabilité des amendements. En effet, sur 1 600 amendements, 800 environ sont irrecevables et je ne suis pas sûr que le PLFSS soit le cadre approprié pour régler le problème des dépassements d’honoraires, car ces derniers sont pris en charge, non par la sécurité sociale, mais par le système d’assurance complémentaire, qui ne relève pas stricto sensu du PLFSS. Je ne veux donc pas, même si nous en avons toujours le projet – et je pense que nous en sommes tous d’accord –, faire de fausse annonce en affirmant que nous règlerons le problème dans ce cadre.

Madame Mélin, nous avons déjà débattu de la question de savoir s’il fallait maintenir cet indicateur qu’est l’Ondam. Ces discussions s’inscriraient plutôt dans le cadre d’une loi pluriannuelle de santé, laquelle permettrait peut-être de définir d’autres critères. L’Ondam s’applique depuis une trentaine d’années et le contexte de surendettement que nous connaissons n’est peut-être pas le meilleur moment pour traiter cette question.

Parallèlement au débat budgétaire sur le PLFSS, nous pourrions commencer à ébaucher une loi pluriannuelle de santé. Il me semble que nous en serions tous d’accord et ce travail en commun pourrait permettre d’inclure d’autres indicateurs. Je suis, je le répète, tout à fait d’accord pour abandonner à terme l’Ondam, à condition que nous disposions d’une loi pluriannuelle de santé et ayons défini collectivement les indicateurs de santé nécessaires à son application.

Enfin, monsieur Maillot, je suis un peu surpris de vos propos. J’ai bien noté votre attachement aux questions de santé en outre-mer, régions que, de fait, nous ne connaissons certainement pas aussi bien que vous, mais si vous aviez assisté aux nombreuses auditions auxquelles nous avons procédé depuis la fin août vous auriez constaté qu’un point y était systématiquement consacré à l’outre-mer. M. Elie Califer, qui a été très présent à ces auditions – et qui a d’ailleurs été le seul député d’outre-mer à l’être autant – vous le dira mieux que moi. Ce PLFSS comportera, du reste, des amendements destinés à prendre en compte les spécificités de l’outre-mer, en particulier à propos de Mayotte, dont la situation a retenu une grande attention.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 2 est supprimé et les amendements AS826 de Mme Elise Leboucher, AS234 de M. Jérôme Guedj, AS457 de M. Laurent Panifous, AS235 de M. Jérôme Guedj, AS1049 de M. Hendrik Davi, AS475 de Mme Sandrine Runel, AS827 de M. Damien Maudet, AS221 de Mme Danielle Brulebois, AS390 de Mme Émilie Bonnivard, AS1274 de M. Sébastien Peytavie, AS515 de M. Yannick Monnet, AS 516 de Mme Karine Lebon, AS219 de Mme Danielle Brulebois, AS311 de M. Sébastien SaintPasteur, AS389 de Mme Émilie Bonnivard, AS1270 de M. Sébastien Peytavie et AS1359 de M. François Gernigon tombent.

Les articles 1er et 2 ayant été successivement supprimés, la première partie du projet de loi est ainsi rejetée.

DEUXIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2025

TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE

La commission adopte l’article 3 non modifié.

Amendements identiques AS161 de M. Boris Vallaud, AS577 de M. Yannick Monnet, AS977 de Mme Sandrine Rousseau et AS990 de Mme Élise Leboucher, amendements AS592 de Mme Océane Godard et AS815 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). La réforme des retraites ayant été adoptée par un PLFRSS et plusieurs amendements identiques permettant dès maintenant d’aborder ce débat, il nous a semblé pertinent d’utiliser ce vecteur juridique pour engager l’abrogation de la réforme des retraites, que nous défendons depuis maintenant plusieurs mois.

L’amendement AS161, dont nous nous réjouissons qu’il ait pu passer le filtre de la recevabilité, permet bien, en effet, cette abrogation. Il tend, en effet, à instaurer une surcotisation au régime d’assurance vieillesse qui couvrira les besoins de financement de la branche vieillesse et, surtout, à poser le principe d’une conférence de financement de la branche vieillesse destinée à mobiliser, en agissant sur les compléments de salaire, les exonérations de cotisations sociales et les exemptions d’assiette, les 3,5 à 5 milliards d’euros nécessaires en 2025 et 2026, qui correspondent rendement de cet impôt sur la vie que constitue le recul de deux ans de l’âge légal de départ.

L’adoption de cet amendement sera un signal qui répondra à l’aspiration, majoritaire dans notre pays et portée sur de nombreux bancs de notre assemblée et de cette commission, à l’abrogation de la réforme des retraites.

M. Frédéric Maillot (GDR). Le report à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite introduit par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale du 24 avril 2023 est l’expression d’une violence inouïe, tant par la régression sociale durable qu’il impose aux Français que dans la manière dont le Gouvernement l’a mis en œuvre.

Pour l’imposer contre le peuple, contre une intersyndicale unie, contre les travailleuses et travailleurs et contre la majorité des parlementaires, le Gouvernement a usé et abusé des moyens de procédure prévus par les textes, mobilisant l’article 44, alinéas 2 et 3, l’article 47‑1, alinéas 2 et 3, et l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, ainsi que l’article 38, l’article 42, alinéas 10 et 16, l’article 44 bis, alinéas 3, 9 et 10, et l’article 46 du Règlement du Sénat. Alors que 64 % des Français s’opposaient fermement à cette réforme en avril 2023, ils ne sont aujourd’hui que 11 % à en approuver la mise en œuvre.

Face à cette réforme injuste, injustifiée, inefficace et impopulaire, récusée par une grande majorité de nos concitoyens, les auteurs de l’amendement AS577 proposent la convocation d’une conférence de financement dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi. Il s’agit là d’une demande des organisations syndicales et patronales, qui sont les plus à même de définir les moyens de préserver notre système de répartition sans recul de l’âge ni augmentation de la durée des cotisations, proprement insoutenables pour nos concitoyens. Dans la perspective de l’abrogation de cette réforme, l’amendement prévoit également une ressource nouvelle, basée sur l’augmentation de la cotisation vieillesse déplafonnée sur la part des salaires supérieurs à deux fois le plafond de la sécurité sociale.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). La réforme des retraites, particulièrement impopulaire et à laquelle près de neuf Français sur dix étaient opposés, a mis dans la rue une intersyndicale qui n’avait jamais été aussi soudée ni ne l’avait été aussi longtemps dans l’histoire sociale de notre pays, ainsi que des cortèges dont les chiffres égalaient ceux des manifestations de mai 68. Il s’agissait là d’une résistance populaire massive et majeure.

Dans un esprit de responsabilité, l’amendement AS977 vise également à convoquer une conférence de financement réunissant les partenaires sociaux pour trouver ensemble des solutions. Une réunion a d’ailleurs déjà eu lieu ce matin pour leur permettre de travailler à des pistes de financement des retraites évitant de repousser l’âge de départ.

Après nous avoir rabâché durant l’examen du texte, avec force trémolos dans la voix et beaucoup de conviction, qu’une augmentation des cotisations patronales n’était pas possible, que c’était un crime de lèse-majesté, vous les augmentez au niveau du Smic. Ce qui a manqué, durant tous les débats sur la réforme des retraites, était la considération qu’il aurait fallu témoigner aux partenaires sociaux, qui auraient dû être convoqués pour un échange avec la Première ministre de l’époque, Elisabeth Borne. Il n’y a jamais eu conférence de financement et il est temps qu’il y en ait une.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS990.

On ne peut pas recourir en permanence à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution ! Vous avez beau essayer d’ignorer le résultat des élections législatives, il est clair que, d’une manière assez unanime, le peuple français ne veut pas de la réforme des retraites. Déjà pendant le mouvement social, 70 % des Français, dont 93 % des actifs, étaient contre cette réforme. Il faut maintenant que vous vous en fassiez une raison : vous avez perdu les élections et les gens ne veulent pas de votre réforme. Je rappelle à cet égard que les ouvriers ont cinq ans d’espérance de vie en moins que les cadres et qu’à 62 ans, 40 % des personnes qui ne sont pas en retraite sont au chômage.

Vous aviez promis une revalorisation, mais 185 000 retraités seulement ont reçu 30 euros bruts par mois. Parce que les gens ne veulent pas de votre réforme des retraites, vous allez perdre le vote, comme vous les perdez tous depuis le début de l’examen de ce PLFSS, car vous n’êtes majoritaires ni à l’Assemblée nationale ni dans le pays. (Protestations.)

Ne nous racontons pas d’histoires : c’est une évidence que M. Barnier va recourir au 49.3, parce que nous sommes en train de vous battre à tous les votes. J’espère que vous lui ferez passer le message : quand le peuple français et l’Assemblée nationale sont contre la réforme des retraites, il ne peut pas en retirer l’abrogation à coups de 49.3.

Vous avez le droit d’avoir votre opinion, mais il en est une qui est au-dessus de toutes les autres : l’opinion du peuple français, qui demande aujourd’hui d’abroger la réforme des retraites. Avec ou sans 49.3, il va falloir le faire.

Mme Océane Godard (SOC). Mon amendement vise à créer une surcotisation sociale dont le produit serait affecté à la branche vieillesse. Cette surcotisation, qui est une alternative au recul de l’âge légal, s’appliquerait aux revenus supérieurs à quatre fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit environ 8 700 euros nets par mois. Nous estimons en effet que ce niveau de revenu peut absorber sans difficulté une telle cotisation sans que cela entame le pouvoir d’achat des ménages concernés. Notre souci est de répartir l’effort en fonction des capacités de chacun, et non d’appliquer des mesures uniformes à des réalités différentes.

Cette proposition alternative de financement de notre système de retraites permettra ainsi de compenser l’abrogation des mesures de report de l’âge légal et d’accélération du calendrier de la hausse de la durée de cotisation que vous avez instaurées par la réforme de 2023.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous sommes au cœur de la plus grosse bataille de ce quinquennat : la bataille des retraites, qui a conduit à la défaite électorale générale de la Macronie et de ses supplétifs aux élections de juillet dernier. (Protestations.) Ce n’est pas parce que M. Barnier dispose de 28 000 euros de retraite en droits ouverts que c’est le cas de tout le monde. (Exclamations.)

Cette réforme est inacceptable et injuste car, en France, l’espérance de vie sans incapacité à la naissance et de 65 ans pour les femmes de 64 ans pour les hommes, ce qui signifie que de nombreuse personne n’arrivent pas jusqu’à la retraite ou, si elles bénéficient de la retraite – ce que nous souhaitons –, elles ne peuvent pas en profiter, car elles n’ont que quelques semaines ou quelques mois devant elles. Il en va de même dans le monde du travail, dans les derniers moments avant que les salariés puissent liquider leur pension. Chez les plus de 45 ans, en effet, les deux tiers des accidents du travail sont mortels et, inversement, deux tiers des victimes d’accidents du travail ont 50 ans ou plus. Voilà la réalité du monde du travail pour les seniors qui y sont maintenus de force – je précise en effet que chacun a le droit de rester plus longtemps s’il le veut, car le droit à la retraite, c’est le droit de partir quand on le souhaite et qu’on n’en peut plus.

Vous nous expliquez que le problème serait purement financier et budgétaire ? Dont acte : l’amendement AS815 propose de mobiliser 4 milliards d’euros de la manière la plus juste possible, en faisant cotiser à hauteur de 1,5 point les revenus qui se situent au-dessus du plafond de la sécurité sociale, c’est-à-dire à 3 900 euros, pour assurer le financement de la retraite de tous. Ça, c’est de la justice sociale. C’est simple et compréhensible : 4 milliards sont à la clef et nous attendons que vous le votiez.

M. le rapporteur général. Avec ces amendements, vous contournez les règles de recevabilité pour aborder de manière détournée l’abrogation de la réforme des retraites. Vous proposez d’instaurer une surcotisation d’assurance vieillesse qui s’appliquerait aux seuls revenus supérieurs à un montant égal à deux fois le plafond de la sécurité sociale, soit 7 400 euros par mois – ou, pour l’amendement AS92, aux seuls revenus supérieurs à quatre fois ce plafond, soit 14 800 euros par mois. Selon les données de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, l’abrogation du report progressif de l’âge de départ aggraverait le déficit de près de 3,4 milliards d’euros dès 2025 et de 16 milliards en 2032, comme Mme Rousseau, rapporteure thématique, le sait bien.

Je vous retourne donc la question : en cas d’abrogation de la réforme des retraites, avez-vous estimé le montant des recettes issues de votre surcotisation et pouvez-vous garantir que celle-ci, qui correspond à une augmentation du taux de cotisations d’assurance vieillesse de 5,8 % au total sur les revenus concernés, correspond aux besoins de financement de notre système de retraites ?

Par ailleurs, vous n’intégrez pas seulement dans l’assiette de votre mesure les salariés du régime général, mais aussi les artisans, les commerçants et les agriculteurs, dont le taux de cotisation va déjà augmenter avec la réforme de leur assiette sociale votée en LFSS 2024 et, particulièrement pour les agriculteurs, avec la réforme de la prise en compte des vingt-cinq meilleures années pour le calcul de leurs droits à la retraite.

Pour toutes ces raisons, à quoi s’ajoute le fait que ce dispositif n’a fait l’objet d’aucune estimation alors qu’il majore un manque de recettes, avis défavorable à ces amendements.

M. Thomas Ménagé (RN). Nous ne pensions pas arriver aussi vite à la question des retraites et cet amendement sera donc le seul moment où je remercierai nos collègues du Nouveau Front populaire. Plus sérieusement, il n’est pas possible d’aller aujourd’hui vers une augmentation des cotisations alors que nous sommes déjà dans un enfer fiscal, à 28 % de cotisations, soit 10 points au-dessus de la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques. Dans le cadre du rapport lié à la proposition de loi visant à abroger la réforme des retraites dont nous débattrons mercredi, je présenterai des éléments de comparaison à cet égard : le taux de cotisation est inférieur de 10 points en Allemagne, où il est de 18 % – il est encore de 16 % en Belgique et de 13 % au Danemark. En outre, les cotisations vieillesse sont aujourd’hui le premier poste de dépenses pour un travailleur, devant le logement, avec 928 euros contre 920 pour le salaire moyen. On ne peut pas procéder à une telle augmentation sur un coin de table.

On ne peut pas dire non plus, comme l’a fait M. Guedj défendant l’amendement de M. Vallaud, que cet amendement vise à abroger la réforme des retraites – un peu de sérieux, s’il vous plaît ! Ce peut être un premier jalon, mais le moment où nous pourrons abroger la réforme des retraites sera ce mercredi, où nous examinerons en commission le texte que défendra le Rassemblement National le 31 octobre : la balle est dans votre camp. Vous pourrez alors vous positionner et nous pourrons voir si vous êtes en conformité avec ce que vous disiez durant les élections, dans vos professions de foi et en faisant les marchés, lorsque vous vous affirmiez favorables à l’abrogation. De fait, aujourd’hui, votre positionnement n’est pas très clair – je vous rappelle que vous avez participé à la mise en place de cette réforme en appelant par deux fois à voter pour Emmanuel Macron et en faisant tout, par votre comportement en séance, pour empêcher le débat, votre obstruction nous empêchant de débattre de l’article 7.

Vous aurez donc mercredi, dans le cadre de notre niche parlementaire, l’occasion de vous rattraper dans et d’être en conformité avec vos engagements envers vos électeurs.

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous sommes vraiment au cœur du sujet. M. le rapporteur général nous demande si nous sommes prêts à assumer des financements alternatifs ; or c’est précisément l’objet de cet amendement, qui vise à réunir une conférence de financement. Notre proposition a un rendement d’environ 3,5 milliards d’euros, qui couvre le déficit attendu pour 2025. En 2026, le rendement de la réforme des retraites était de 4,8 milliards : avant de parler du rendement de 16 milliards en 2032, regardons cette montée en puissance. Nous pouvons dégager dès à présent les 3, puis 5, puis 7, puis 11 et, à terme, 12 et 13 milliards d’euros nécessaires si nous nous empruntons cette voie.

Monsieur Ménagé, si nous cherchons réellement l’efficacité dans l’abrogation de la réforme des retraites, c’est dès à présent que nous devons agir, dans le cadre de ce PLFSS, car celui-ci est tenu par les délais constitutionnels. Nous pouvons ainsi dégager dès maintenant ces ressources et créer la conférence de financement que vous proposez. À l’inverse, en admettant même que votre proposition de loi soit adoptée, elle partira dans les limbes du Sénat et ne reviendra jamais dans une navette parlementaire : c’est de la poudre aux yeux. Si vous voulez vraiment être efficaces pour marquer votre volonté d’abroger la réforme des retraites, faites comme nous – le rapporteur général a relevé à juste titre la ruse par laquelle nous avons contourné l’irrecevabilité. Nous le faisons cependant en affichant une volonté politique : l’instauration de cotisations vieillesse touchant les revenus qui atteignent deux fois ou quatre fois le plafond de la sécurité sociale, et n’affectant donc pas l’écrasante majorité des salariés, ainsi que, pour compléter, la création d’une conférence de financement.

Ensuite, les propositions sont nombreuses : nous pouvons taxer les retraites chapeaux, les parachutes dorés et les exemptions d’assiette. Nous pouvons aussi instaurer une taxe sur les superprofits afin d’abonder le Fonds de réserve pour les retraites. Il existe aujourd’hui une palette de financements qui montre que d’autres ressources sont possibles. Comme nous l’avons dit dans le débat sur les amendements au PLFRSS portant articles additionnels après l’article 2, un autre financement des retraites est possible sans passer par cet impôt sur la vie. Si vous voulez sincèrement abroger la réforme des retraites, il faut voter cet amendement.

M. Benjamin Lucas-Lundy (EcoS). Ces amendements nous permettent de réparer une faute historique de la minorité présidentielle, qui a provoqué de grandes fractures, et d’apaiser la société de notre pays. De fait, nous avons besoin d’apaisement démocratique et social, plutôt que d’entêtement.

Apaisement social d’abord, parce que cette loi a été pour les Français une grande injustice, notamment pour ceux qui souffrent le plus. C’est en effet un impôt sur la vie car, quand on souffre au travail, plus on travaille longtemps, plus on souffre longtemps et plus on risque de mourir plus jeune. Sans revenir sur les débats qui nous ont longtemps animés, je rappelle que la réforme des retraites est d’une grande brutalité sur les plans social et sanitaire.

Il faut aussi un apaisement démocratique, car vous n’avez reçu aucun consentement pour imposer cette réforme – ni celui des organisations syndicales qui, comme vient de le rappeler Sandrine Rousseau, ont été unanimes, dans un mouvement social, puissant, exemplaire et inédit dans ce pays, pour rejeter en bloc cette réforme, ni celui de l’opinion publique, que vous auriez pu prendre à témoin contre les organisations syndicales et les parlementaires que nous étions. Comme l’ont montré toutes les enquêtes d’opinion au fil des mois de débat, plus vous expliquiez cette réforme et plus les Français la comprenaient, plus ils la rejetaient – neuf actifs sur dix et sept Français sur dix l’ont refusée. Vous n’avez pas eu non plus le consentement du Parlement, puisque nous n’avons pas été appelés à voter cette réforme – vous saviez en effet que, si vous alliez au vote, elle serait rejetée par l’Assemblée nationale.

Cette loi n’a pas été votée mais elle est passée en force et a été imposée. Sur une question aussi importante pour la construction de notre société, qui délite notre contrat social et notre pacte républicain, nous ne pouvons pas nous satisfaire de nous passer de la démocratie. Nous proposons donc de tourner la page et d’apaiser le pays avec une méthode de financement qui permette de réintroduire de la démocratie et de la justice sociale. Cette assemblée en sortirait grandie.

M. Thibault Bazin (DR). Ce débat est très sensible et peut faire naître de nombreuses attentes. Mieux vaut donc revenir au fond. Il faut assurer l’équilibre de notre système de retraites, faute de quoi nos pensions diminueront demain – c’est un principe de réalité. Or ces amendements ne réformeront pas véritablement les retraites – ils font même semblant de remettre en cause la réforme. Il y a là, en effet, une forme d’illusion, car ce qui est proposé ne modifie en réalité ni l’âge de départ ni la durée du travail. On aperçoit l’esquisse d’une solution dans l’augmentation des cotisations, mais j’y suis profondément opposé, car l’augmentation des cotisations diminuera le revenu net de ceux qui travaillent, ce qui n’est pas acceptable – comme il n’est pas acceptable de réduire les pensions des retraités.

Pour assurer la pérennité de notre système de retraites, il existe deux axes. Le premier est le travail : il y a là un véritable défi en matière de travail des jeunes et des seniors. Nous devons, dans ce domaine, remettre à l’ordre du jour certaines mesures que nous avions proposées et que le Conseil constitutionnel a censurées. L’autre axe est celui du renouvellement des générations. En effet, la crise de la natalité est la véritable menace sur l’avenir de notre système par répartition : imaginez les conséquences d’une baisse de natalité de 100 000 enfants sur dix ans ! Nous devons donc agir à court terme par le travail et à moyen terme par une politique démographique ambitieuse.

En outre, nous ne disposons pas d’une étude d’impact pour ces amendements et il ne serait pas sérieux de les voter en l’état, car ils seraient sans lendemain. Nous devons mener une étude et une concertation, notamment sur les retraites progressives. Il faut ouvrir plusieurs chantiers, par exemple sur la pénibilité, mais il ne faut pas augmenter les cotisations et diminuer le pouvoir d’achat de nos concitoyens qui souffrent déjà de la situation.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Vous invoquez le pouvoir d’achat, mais nous évoquons quant à nous des cotisations touchant des personnes percevant des revenus supérieurs au plafond de la sécurité sociale, soit plus de 4 000 euros par mois : il ne s’agit pas de super-riches, mais de personnes pour lesquelles il est possible de négocier une augmentation d’un point de cotisation pour assurer directement l’équilibre des comptes de l’assurance vieillesse l’année prochaine. Du reste, cet argent ne disparaît pas, car il va aux retraités, lesquels ne vont pas cacher les billets dans leur oreiller, mais consommer : la mesure ne changera rien au pouvoir d’achat dans le pays. Notre amendement est donc plus juste et il génère, je le rappelle, 4 milliards d’euros. Soit donc vous vous passez volontairement de ces 4 milliards dans les caisses de l’assurance vieillesse, soit vous les prenez.

Au-delà de la confusion, toujours une peu étonnante, que font nos collègues du Rassemblement National entre impôt et cotisation, ils ont évoqué différents modèles, dont celui de l’Allemagne. Je rappelle que, dans ce pays, le système de retraites se traduit par 20 % de pauvreté. Les retraités allemands sont en effet parmi les plus pauvres d’Europe. Est-ce là le modèle de pensions de retraite que vous nous vendez ? En Allemagne, plus d’un quart des plus de 80 ans vivent sous le seuil de pauvreté, si bien que, dans n’importe quelle grande ville allemande, on voit des personnes âgées récupérer les bouteilles en verre dans les poubelles pour les rendre à la consigne, six ou sept bouteilles leur permettant d’acheter une boîte de conserve pour se nourrir. Voilà le quotidien des milieux les plus paupérisés que sont, en Allemagne, les seniors. Si c’est ce qui vous inspire, nous ne vivons pas sur la même planète.

M. Fabien Di Filippo (DR). Quel message envoyez-vous aux travailleurs en essayant toujours d’alourdir un peu la barque ? Surtout, comme le dit Thibault Bazin, vous voulez créer une surcotisation alors que la pente démographique accélère dans la descente. Comment ferez-vous demain, avec 1,6 ou 1,4 enfant par femme ? Vous instaurerez encore des surcotisations sur les surcotisations ? En l’état actuel, le système par répartition, créé à une époque où l’on comptait quatre enfants par foyer, n’est pas tenable, quelles que soient la fiscalisation ou la taxation par lesquelles vous voulez le soutenir.

La seule issue réside dans une politique familiale beaucoup plus vigoureuse, qui est à l’inverse de votre philosophie et de ce qui est porté depuis dix ans, ou dans la création d’un système individuel de capitalisation. Voilà la vérité. Tout ce que vous ferez reviendra à détruire de l’activité et de l’emploi, à appauvrir encore le système et à fragiliser le modèle social.

M. Christophe Bentz (RN). Chers collègues de l’extrême gauche, non seulement nous ne voterons pas vos amendements, mais nous voterons même contre. Tout d’abord, en effet, vous mentez, car ces amendements ne sont pas une manière d’abroger la réforme des retraites. Comme l’a dit mon collègue, la vraie occasion vous en sera donnée mercredi matin en commission.

Par ailleurs, vous vous y prenez à la va-vite, par un amendement au PLFSS. Tout cela manque de sérieux : nous n’avons même pas d’étude d’impact.

Enfin, je souligne à mon tour que vous allez encore augmenter les cotisations, dans un pays déjà le plus taxé au monde.

M. Hendrik Davi (EcoS). La réforme des retraites a été refusée par 90 % des actifs et tous les syndicats de salariés. Vous avez d’ailleurs perdu des élections pour cette raison.

Le véritable débat, notamment avec les collègues du Rassemblement National, est de savoir comment on finance l’abrogation de la réforme des retraites. Ce qui a été dit à ce sujet est faux. Si on augmente le niveau des cotisations, en particulier pour des salaires assez élevés, on ne réduira pas le pouvoir d’achat. Il existe normalement des conventions collectives qui font que les salaires resteront au même niveau. C’est un rééquilibrage entre la part du travail et celle du capital qui se produira. Je rappelle, à cet égard, que 10 % de la richesse sont passés du travail au capital, ce qui s’est très mécaniquement traduit par une hausse des dividendes. Près de 80 milliards d’euros sont ainsi versés aux actionnaires dans les grandes entreprises françaises. Nous proposons, en augmentant le taux de cotisation, de revenir sur cet « exil fiscal » qui voit de l’argent partir dans la finance. Nous récupérerons 4 milliards qui permettront d’abroger la réforme des retraites.

M. Philippe Vigier (Dem). Il est souvent question du couperet de la commission des affaires sociales, mais vous voyez que nous pouvons débattre.

J’ai été surpris lors de l’audition des ministres, la semaine dernière, que pas un groupe d’opposition ne pose des questions sur les retraites : je me suis demandé s’il s’agissait d’un changement de posture de leur part.

Vous voulez supprimer la dernière réforme des retraites. Il me semblait pourtant avoir lu dans le programme du NFP que vous vouliez revenir à la retraite à 60 ans. Êtes-vous en train de nous dire que vous avez définitivement renoncé à cette idée, parce que vous arrivez à vous satisfaire de la réforme de Mme Touraine ? Ceux qui nous expliquent qu’il faut revenir à la retraite à 60 ans ont voté pour cette réform,e qui prévoyait un passage progressif à 62 ans.

Le déficit, Jérôme Guedj le sait parfaitement, n’est pas de 4 milliards d’euros. Combien l’État donne-t-il chaque année pour équilibrer notre système de retraites ? Il faudrait ajouter environ 35 milliards au chiffre actuel.

Le groupe Les Démocrates avait déposé un amendement qui demandait une clause de revoyure en 2026 car, oui, nous devons discuter de certains sujets. Il faut reprendre le dialogue avec l’ensemble des partenaires sociaux sur la question de la pénibilité, qui n’est pas réglée, et sur celle des femmes. Mais ne relançons pas le débat ce soir, il faut avancer.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS496 de M. Fabien Di Filippo

M. Fabien Di Filippo (DR). Cet amendement vise à faciliter le cumul emploi-retraite, qui concerne actuellement 3,6 % des retraités ayant 55 ans ou plus. Comme l’a dit Thibault Bazin, un des enjeux pour notre système de retraites et notre économie en général est d’arriver à avoir un niveau de travail plus important, notamment chez les seniors. Beaucoup de secteurs souffrent d’une pénurie de main-d’œuvre alors que des gens à la retraite aimeraient bien pouvoir reprendre, sans perdre leur pension, une activité à temps partiel ou complet. Ce que nous vous proposons fait partie des mesures qui permettraient d’encourager le travail sous toutes ses formes et à tous les âges dans notre société, ce qui serait salvateur pour notre économie et notre modèle social.

M. le rapporteur général. Vous souhaitez, par cet amendement, relever le plafond de revenus pour le cumul emploi-retraite non créateur de droits et exonérer de cotisations chômage l’employeur d’un retraité qui reprend une activité. Depuis la réforme des retraites d’avril 2023, le dispositif de cumul emploi-retraite plafonné a été complété par une possibilité de cumul emploi-retraite intégral qui est beaucoup avantageux, car créateur de droits pour les personnes concernées. Cette mesure permet à un retraité de reprendre un emploi en cumulant intégralement les revenus qu’il en tire avec sa pension et, de plus, en augmentant ses droits à la retraite. J’ai peur que votre proposition soit moins favorable et aille à l’encontre de l’objectif que vous visez.

Par conséquent, demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). La volonté de maintenir des personnes en emploi le plus longtemps possible, dans le cadre de la réforme des retraites que vous avez faite, ou de pourvoir des emplois vacants avec des retraités ne peut pas être compatible avec une politique d’accès des jeunes à l’emploi. Il arrive que des personnes conservent ou reprennent un emploi pour lequel une substitution n’est pas possible, mais ce n’est pas vrai dans beaucoup de cas. Ce type de dispositif prive d’autres personnes d’un accès à l’emploi ou allonge le délai consécutif à la formation initiale.

M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement de Fabien Di Filippo est vraiment très intéressant. Nous avons un problème de taux d’emploi des seniors et la question du cumul emploi-retraite n’a pas été parfaitement appréhendée lors de la réforme de l’an dernier. Le dispositif qui a été adopté crée de nouveaux droits, ce qui est très bien – une seconde liquidation de retraite est possible –, mais certains retraités qui n’ont pas eu une carrière complète n’ont pas droit au déplafonnement. J’ai rencontré des aides-soignantes qui, après avoir travaillé dans des maisons de retraite, se trouvaient dans cette situation. Cela pénalise des personnes qui ont dû, par exemple, arrêter de travailler pour accompagner un parent en fin de vie et qui ont de petites pensions. Autre difficulté, ces personnes ont souvent un âge auquel elles ne peuvent plus prétendre au chômage. Les exonérer de cotisations chômage aurait donc un sens. On ne les exonérerait pas, en revanche, de cotisations retraite, puisque la reprise d’une activité leur donnerait de nouveaux droits. Nous soutiendrons cet amendement qui vise à faciliter le cumul emploi-retraite, mais il faudra aller encore plus loin.

M. Hendrik Davi (EcoS). Très cher collègue, nous ne devons pas vivre exactement dans le même pays. J’ai rencontré des jeunes qui ne trouvent pas d’emploi et des personnes de plus de 55 ans qui ont été licenciées et n’arrivent pas à retravailler alors qu’elles le voudraient, mais très sincèrement, si vous avez trouvé des aides‑soignantes ou des professeurs des écoles qui souhaitent retravailler à 70 ans, je veux bien que vous nous donniez des noms. Les gens sont cassés, ils veulent la plupart du temps prendre leur retraite, à 60 ans – c’est pourquoi nous y reviendrons.

Mme Josiane Corneloup (DR). Il n’y aura pas d’obligation : chacun sera libre de reprendre ou non un travail. Il faut laisser aux gens la possibilité de le faire et supprimer des cotisations chômage dont ils ne pourront jamais bénéficier, mais qui sont une charge et un frein. Par ailleurs, levons les plafonds s’il en existe pour ceux qui n’ont pas fait une carrière complète.

M. Fabien Di Filippo (DR). Il faut cesser de toujours voir le travail comme une souffrance. C’est précisément pour les personnes dont nous parle l’extrême gauche, celles qui n’ont pas de carrière complète, que nous devons agir : ce sont celles qui ont les plus petites retraites et qui ont le plus souvent besoin de reprendre une activité pour avoir un niveau de revenus décent.

M. le rapporteur général. Deux cas de figure sont possibles, selon qu’on est à taux plein ou non, et il faudrait bien mesurer l’impact du déplafonnement selon les situations. Je vous propose donc de retirer l’amendement pour le retravailler en vue de la séance.

M. Fabien Di Filippo (DR). Je reconnais que mon amendement est imparfaitement rédigé et je choisis la voie d’un compromis avec le rapporteur général.

L’amendement est retiré.

Amendement AS648 de M. Michel Lauzzana

M. Michel Lauzzana (EPR). Il s’agit de lutter contre le manque de médecins : compte tenu de la démographie médicale, beaucoup vont encore partir à la retraite. Nombreux sont ceux qui voudraient continuer à travailler de manière réduite et à un taux intéressant. Lorsqu’ils font des remplacements, ils cotisent à hauteur de 13,5 % jusqu’à 19 000 euros de bénéfices, puis à hauteur de 21,20 %. Selon les remontées de terrain, certains médecins se limitent donc à 19 000 euros. Je vous propose de vous porter le seuil à 38 000 euros.

M. le rapporteur général. Nous sommes plusieurs à avoir réfléchi à une amélioration du cumul emploi-retraite pour les médecins, afin de lutter contre les déserts médicaux. J’ai ainsi déposé un amendement qui va un peu plus loin que le vôtre. Vous proposez un taux unique de prélèvement pour les médecins retraités qui reprennent une activité de remplacement. Ce taux dérogatoire s’appliquerait notamment à la CSG-CRDS, aux cotisations maladie et aux cotisations vieillesse. Je vous proposerai plutôt des exonérations afin d’inciter vraiment au cumul emploi-retraite.

Par conséquent, demande de retrait.

M. Michel Lauzzana (EPR). Si j’ai déposé cet amendement, c’est pour que la solution soit simple : le plafond changera, mais le mécanisme restera le même.

Je fais des remplacements dans un groupe médical : il n’y a plus de jeunes remplaçants, nous n’avons plus que des retraités. Trois d’entre eux m’ont dit qu’ils s’arrêtaient à 19 000 euros, parce qu’ensuite l’augmentation du taux de cotisations faisait qu’ils devraient travailler beaucoup plus.

M. le rapporteur général. Je partage votre souhait d’une solution simple. Mon amendement permettra, en cas de cumul emploi-retraite, une exonération de toutes les cotisations vieillesse et un déplafonnement. On manque vraiment de médecins à certains endroits. Je connais un cabinet médical dont les deux médecins sont partis à la retraite ; ils n’ont accepté de continuer une activité qu’à condition d’être réemployés par l’hôpital dans le cadre d’un cumul emploi-retraite.

M. Thibault Bazin (DR). Nous souhaitons depuis longtemps une évolution. Nous avons obtenu dans la LFSS 2023 une mesure qui n’était, malheureusement, que transitoire. Ce type de dispositif fait pourtant partie des mesures efficaces contre la désertification médicale, étant entendu que la question va au-delà des médecins : d’autres professionnels de santé mériteraient d’être soutenus de la même manière. J’aimerais que nous profitions du travail qui sera réalisé en vue de la séance et de la navette pour les inclure.

Ce qui a changé, c’est qu’une seconde liquidation de retraite est désormais possible dans le cadre du cumul emploi-retraite. Il faut être clair : si des personnes veulent cotiser à nouveau, elles bénéficieront d’une seconde liquidation ; si elles ne veulent pas payer de cotisations, il n’y aura pas de seconde liquidation. Des médecins, mais pas seulement eux, peuvent souhaiter ne pas cotiser. Comme nous avons besoin d’heures de travail, effectuées par des soignants de proximité, nous soutiendrons à la fois l’amendement de notre collègue Lauzzana et celui du rapporteur général, que nous souhaitons encore élargir.

M. Hendrik Davi (EcoS). La proposition qui nous est faite me laisse rêveur. Nous avons un problème de démographie médicale et de déserts médicaux, mais la solution serait de faire travailler des médecins au-delà de 60, 65 ou 70 ans – et pourquoi pas 70 ou 80 ans ? La solution serait d’avoir des jeunes. La réforme Pass/L.AS pose un problème : on ne forme pas assez de médecins et les études de santé sont mal encadrées. Vous avez prétendument levé le numerus clausus, mais le nombre de professionnels qui sont chargés de former – praticiens hospitaliers, maîtres de conférences et professeurs – est passé de 7 811 en 1996 à 6 680. Augmentons le nombre de professeurs et de maîtres de conférences dans nos hôpitaux, ainsi que le nombre d’étudiants formés, et nous aurons des médecins. Payons correctement les externes : leurs revenus ne correspondent même pas à ceux d’un stage de master 2 – j’ai déposé un amendement à ce sujet. Par ailleurs, il faut mieux organiser les études au niveau de l’internat. Vous aurez alors des jeunes et vous serez mieux soignés par eux que par des médecins retraités de 75 ans – je suis désolé de le dire, mais c’est la réalité. (Protestations.)

M. le président Frédéric Valletoux. Je vous rappelle qu’un excellent texte, qui doit s’appeler la « loi Valletoux », a relevé à 75 ans l’âge auquel certains médecins peuvent exercer – et à 72 ans pour les infirmières.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Les Françaises et les Français ont voté sur ce sujet au mois de juillet. Le programme de ceux qui ont gagné les élections était assez clair : il parlait d’une régulation de l’installation des médecins, à l’image de ce que nous faisons pour les sages-femmes et les pharmaciennes et pharmaciens. Il ne s’agirait pas d’une régulation bureaucratique ou coercitive : on serait libre de s’installer partout où existe une sous‑dotation en professionnels de santé. Ce type de solution a déjà été adopté dans notre pays.

La question s’est jouée à rien dans l’hémicycle : c’est le RN qui vous a permis d’éviter la régulation de l’installation et donc de favoriser la propagation des déserts médicaux. Maintenant que cette solution a été écartée, vous faites la course au panier percé : on pourrait exonérer les revenus jusqu’à 38 000 euros. Et pourquoi pas 50 000 ou 1 million ?

La baisse des cotisations ne peut pas être la solution. D’abord, si vous voulez mieux payer les gens, il ne faut pas baisser leurs cotisations, mais augmenter leur rémunération. Ensuite, vous parlez de demandes formulées par trois personnes que vous connaissez. Je connais du monde, moi aussi, mais je trie un peu avant de faire des propositions. Enfin, combien coûtera cette baisse de cotisations ? Vous parlez sans cesse d’étude d’impact : travaillez un peu sur la question quand il s’agit de vos idées. Combien de lits d’hôpitaux, de postes de soignants ou de médicaments déremboursés cela représentera-t-il ? Dans le doute, notre réponse sera non.

Mme Josiane Corneloup (DR). Nous ne devons nous priver d’aucune possibilité de bénéficier davantage de temps médical. Je comprends la question de la formation des jeunes et celle de l’augmentation du numerus clausus, mais je ne vois pas en quoi il serait nuisible de faire appel à des médecins retraités qui voudraient travailler. Il est choquant d’entendre qu’il vaudrait beaucoup mieux être soigné par des médecins jeunes.

M. Michel Lauzzana (EPR). Nous avons effectivement besoin de toutes les mesures possibles pour faire face à la désertification médicale. Pourquoi pas une obligation d’installation dans dix, quinze ou trente ans, quand nous aurons suffisamment de médecins, mais aujourd’hui cela reviendrait à essayer de répartir la pénurie. C’est donc une fausse solution.

Nous sommes en train d’augmenter le nombre d’étudiants en médecine, mais un problème de compétences se pose : on ne peut pas demander à tout le monde de faire des formations. Tout ne se règle pas d’un claquement de doigts.

Face au mur de la désertification médicale, nous avons besoin d’une multiplicité de mesures. Aucune ne permettra, à elle seule, de résoudre tous les problèmes.

Mme Joëlle Mélin (RN). Comme dans l’enseignement et beaucoup d’autres secteurs, on va chercher des anciens qui ont pris leur retraite. Pourquoi les jeunes refusent-ils de démarrer plus tôt leurs études ? Le Pass/L.AS pose de véritables problèmes. Pourquoi, alors que le numerus clausus aurait été supprimé, existe-t-il encore un numerus apertus ? Pourquoi 20 ou 25 %, si ce n’est plus, des étudiants ne finissent-ils pas leurs études ? Je ne parle pas seulement des futurs médecins, mais aussi des paramédicaux. Pourquoi, une fois sur le terrain, 20 à 25 % des médecins et des paramédicaux ne restent-ils pas en activité plus de cinq ans ? La situation à laquelle nous arrivons ainsi est tout à fait insupportable. Nous souffrons d’une pénurie de moyens, y compris humains, pour faire tourner le système de santé tout en restant dans l’excellence – la médecine low cost n’est pas une solution. Il est quand même un peu dommage, monsieur le président, que 1 100 places d’internat n’aient pas été pourvues cette année.

M. le président Frédéric Valletoux. Vous comprendrez que je ne peux pas vous répondre dans la situation où je me trouve, mais nous en reparlerons à la fin de cette réunion.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Nous sommes évidemment contre cet amendement qui nous coûterait extrêmement cher alors que d’autres solutions existent.

Si un collègue a déclaré qu’il valait mieux se faire soigner par des jeunes, je pense que c’était surtout parce que des médecins plus âgés méritent de partir enfin à la retraite et d’être remplacés par des plus jeunes. Quand on a travaillé toute sa vie, on a le droit de prendre sa retraite. Ne caricaturez pas ce qui a été dit.

Vous nous expliquez, monsieur Lauzzana, qu’une seule mesure ne suffira pas : c’est vrai. Nous pourrions réguler l’installation, mais vous avez voté contre. Nous pourrions augmenter le nombre de médecins formés en supprimant vraiment le numerus clausus, mais vous votez contre des mesures qui le permettraient. On forme aujourd’hui autant de médecins que dans les années 1970 alors que la France avait 15 millions d’habitants de moins. Quand le concours de médecine a été reformé, avec l’introduction des examens cliniques objectifs et structurés, nous avions dit que cela conduirait à une loterie et que nous perdrions beaucoup d’internes, mais vous n’avez rien voulu savoir. Nous avons donc perdu 1 600 internes. S’agissant des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), on pourrait faire sauter un numerus clausus qui empêche des médecins exerçant depuis des années en France de devenir de véritables médecins, respectés, mais vous le refusez.

La seule mesure qui vous intéresse, c’est de faire des cadeaux fiscaux aux médecins les plus âgés. On pourrait réguler l’installation, régulariser les médecins qui se donnent pour l’hôpital et réintroduire un vrai concours, qui ne dégoûte pas les médecins, mais vous dites non à chaque fois.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). S’agissant des aides aux médecins, nous avons déjà beaucoup donné, pour l’installation, pour l’accompagnement des maîtres de stages, à l’occasion du covid et pour les retraites. Ce que nous avons fait n’a jamais valu et ne vaudra sans doute jamais pour d’autres professionnels de santé. La question du manque de médecins est cruciale, c’est vrai, mais ceux qui souhaitent travailler peuvent le faire en bénéficiant des mêmes mesures que d’autres professions. Ne surajoutons pas des dispositifs.

M. le président Frédéric Valletoux. Je propose de revenir plus directement à l’amendement, en incitant les futurs orateurs à faire savoir clairement s’ils le soutiennent ou s’y opposent.

M. Yannick Monnet (GDR). Je serai très clair : je ne suis ni pour ni contre, bien au contraire. (Sourires.)

La mesure proposée ne me choque pas. Je n’oppose pas les dispositions que vous n’avez pas prises pendant sept ans, mais qui s’imposent pour former davantage de médecins, et la nécessité de dégager du temps médical.

J’ai en tête des exemples de médecins à la retraite qui assurent la coordination de centres municipaux – publics – de santé. Vu la situation, nous n’avons tout simplement pas le choix : si nous ne faisons pas appel aux « vieux médecins » – excusez-moi de parler ainsi, c’est pour aller vite –, il est certain que nous n’arriverons pas à soigner tout le monde.

La question qui se pose n’est pas tant celle des cotisations que celle du temps dédié à l’administratif – jusqu’à un tiers du total ! Les « vieux médecins » reviennent à la seule condition que leur charge administrative soit allégée. Cette évolution permettrait, plus généralement, de dégager de façon beaucoup plus efficace du temps médical.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Les médecins retraités qui reviennent cumulent leur retraite et les revenus liés à la reprise d’une activité. Ils ont donc des niveaux de salaire extrêmement élevés. L’amendement vise à supprimer des cotisations sur les rémunérations perçues quand ces médecins reviennent aider, mais je ne vois pas au nom de quoi nous le ferions. Ce n’est pas cela qui créera un appel d’air : ils cumulent déjà retraite et emploi.

Je vous alerte sur le fait que de telles mesures, face à la difficulté dans laquelle se trouvent les services médicaux, peuvent certes avoir un intérêt dans certains cas, mais qu’elles ne sont pas sans danger. Ces médecins viennent ponctuellement, choisissent leurs horaires et n’assurent pas la continuité des soins, ce qui est d’ailleurs normal, parce que ce sont des retraités.

Je rejoins Hendrik Davi, qui ne voulait pas dire que les médecins âgés n’étaient pas compétents, mais qu’ils méritaient de prendre leur retraite et qu’il fallait investir davantage dans la jeunesse au lieu d’adopter des mesures insatisfaisantes, notamment pour la continuité des soins.

Mme Annie Vidal (EPR). Je suis très clairement pour l’amendement. Regardons la situation en face : nous avons des difficultés d’accès aux soins dans l’ensemble du territoire. Il faut adopter toutes les mesures qui vont dans le sens d’une facilitation.

Nous avons 11 000 étudiants en médecine en 2024 et leur nombre passera à 12 000 en 2025. Il y a cette année 1 675 médecins de plus, alors que les effectifs étaient en baisse depuis 2010. Les mesures qui ont été prises – nous n’avons pas rien fait depuis sept ans, contrairement à ce qu’on entend sans arrêt – commencent à produire une dynamique.

Je n’apprendrai rien à personne en disant qu’il faut dix ans pour former un médecin, quelles que soient les mesures prises. Ainsi, bien que nous ayons adopté des dispositions nouvelles en 2020 et 2021, nous ne pourrons pas bénéficier immédiatement de leurs effets.

Au-delà du soutien aux médecins retraités, nous avons pris des mesures pour des personnels paramédicaux qui ont aussi des compétences et peuvent améliorer l’accès aux soins.

Enfin, les propos âgistes me choquent au plus haut point : on peut avoir 65 ou 80 ans et être encore très compétent.

M. Philippe Juvin (DR). Lors de l’examen du PLFSS 2023, M. Thibault Bazin et moi-même avions été les premiers à déposer un amendement similaire, afin d’exempter de cotisations vieillesse les médecins libéraux souhaitant continuer à travailler pendant leur retraite – seuls ceux-ci sont concernés par cet amendement, et non les médecins salariés, madame Rousseau.

En effet, ces cotisations, que nous les obligeons à verser, ne leur ouvrent pas de droits. Les en exempter ne revient donc pas à leur offrir un cadeau. Notre amendement, après avoir été adopté en commission, a été repris dans la version du PLFSS sur laquelle le Gouvernement a engagé sa responsabilité. Toutefois, il a plafonné l’exonération à 80 000 euros de revenus, alors que le revenu médian des médecins retraités est de 90 000 euros, si bien que de nombre d’entre eux ont été exclus du champ de l’exemption. En outre, le Gouvernement a limité la durée de l’exemption à un an, et le décret d’application n’a été pris qu’au bout de six mois.

Nous ne prétendons pas obliger les médecins libéraux à travailler. De plus, la présente exemption ne coûterait rien à la collectivité, puisqu’il n’est pas question que les médecins concernés versent des cotisations vieillesse, car elles ne leur ouvrent pas de droits. Enfin, je rappelle qu’actuellement, un quart des psychiatres libéraux exercent dans le cadre du cumul emploi-retraite. Si nous ne favorisons pas le travail des médecins retraités libéraux, nous tuerons le système de santé.

M. Laurent Panifous (LIOT). Félicitons-nous que des médecins retraités acceptent de travailler et nous permettent d’être correctement soignés en cette période difficile.

Quant à ceux qui ne souhaitent pas travailler durant leur retraite, je doute que ce soit à cause des cotisations. Ils acceptent de verser celles-ci, dès lors que leur montant est raisonnable – c’est-à-dire n’atteint pas celui des cotisations des actifs.

À mon sens, pour inciter davantage de médecins retraités à reprendre un exercice, il est en revanche crucial de simplifier leurs démarches. Ils doivent consacrer leurs heures d’activité aux soins et non à l’administration. Une telle réforme ne devrait pas être si compliquée à mener.

M. le rapporteur général. Monsieur Clouet, madame Rousseau, j’entends que l’exonération proposée aurait un coût, mais ce n’est pas la question.

Les déserts médicaux représentent quasiment 87 % du territoire national. Dans certains d’entre eux, aucun soin ne serait possible sans des médecins cumulant emploi et retraite. Certains nous reprocheront de faire deux poids deux mesures, mais nos décisions, comme celles d’un médecin, reposent sur une évaluation des bénéfices et des risques et, en l’occurrence, le bénéfice de la mesure est supérieur à ses risques pour nos comptes.

Oui, madame Dubré-Chirat, madame Vidal, la majorité présidentielle a beaucoup fait pour améliorer l’offre médicale, mais peut-être n’a-t-elle pas fait l’essentiel. Il fallait clairement abroger le numerus clausus bien plus tôt, sous le mandat de M. Sarkozy ou de M. Hollande. Quant à savoir si son remplacement par le numerus apertus sous le mandat de M. Macron est une abrogation, nous ne serons pas d’accord.

Pour en juger, attendons la publication du rapport d’évaluation des études médicales que prépare le Sénat et la reprise des travaux d’évaluation de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé commencés sous la précédente législature. Pour accroître le temps médical, il faut en tout cas reprendre en main notre outil de formation. Actuellement, les cursus regroupent, outre les étudiants français suivant un cursus traditionnel, ceux qui reviennent en France dans le cadre du programme Erasmus et les Padhue. Ces publics pourraient être mieux ciblés.

Il nous faut enfin accroître l’attractivité du cumul emploi-retraite pour les médecins. M. Monnet l’a indiqué, ceux-ci fuient la paperasserie. Ils souhaitent en outre des exonérations.

Je suis toutefois défavorable au présent amendement, car l’exonération qu’il prévoit concerne toutes les cotisations, alors que par souci d’équité, elle ne devrait porter que sur les cotisations vieillesse ; en outre, elle est plafonnée, ce que les médecins ne souhaitent pas. Enfin, dans sa rédaction actuelle, l’amendement a le double défaut de ne pas concerner les médecins libéraux et de ne s’appliquer qu’aux remplaçants. Nous devons aller plus loin.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS87 de Mme Océane Godard

Mme Océane Godard (SOC). Nous proposons d’assujettir les revenus financiers des sociétés financières et non financières à une contribution d’assurance vieillesse au même taux que les cotisations patronales et salariales du secteur privé.

Le gouvernement Borne avait argué que le déficit du système de retraites était anticipé à 13,5 milliards d’euros en 2030 pour imposer par 49.3 le report de deux ans de l’âge de la retraite, malgré le rejet de la quasi-totalité des Françaises et des Français.

Or la piste de financement présentée ici rapporterait près de deux fois plus que cette réforme. Des solutions alternatives permettant une meilleure redistribution sont possibles.

M. le rapporteur général. Les revenus financiers sont déjà imposés à 30 % au titre du prélèvement forfaitaire unique (PFU) – plus précisément à 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu et à 17,2 % au titre des prélèvements sociaux. En outre, un amendement du groupe Dem au PLF 2025 a été adopté, afin de porter le taux du PFU à 33 %, dont 15,8 % au titre de l’impôt sur le revenu. Je ne vois pas l’intérêt de créer un prélèvement supplémentaire sur cette base fiscale.

Avis défavorable.

M. Thomas Ménagé (RN). Nous ne pourrons pas poursuivre les débats s’ils continuent de donner lieu à la diffusion, sur les réseaux sociaux, de mensonges grossiers, de fake news, de la part de M. Boyard et d’autres députés de gauche et d’extrême gauche.

Ceux-ci prétendent que l’examen du PLFSS offrait à la représentation nationale une occasion unique d’abroger la réforme des retraites, mais que nous, députés du Rassemblement National, l’en avons empêché. En réalité, nous avons simplement empêché la folie de la taxe permanente, l’enfer fiscal de la gauche, que le présent amendement illustre d’ailleurs. J’invite nos concitoyens à vérifier : les amendements déposés par la gauche après l’article 3 n’avaient pas véritablement pour objet l’abrogation de la réforme des retraites.

Nous rejoignons toutefois la gauche sur la nécessité d’organiser une conférence sociale de financement regroupant l’ensemble des partenaires sociaux, pour trouver de nouvelles sources de financement. Malgré les excédents récents du système de retraites, son déficit risque d’être durable, selon les estimations du Conseil d’orientation des retraites, et de nouvelles sources de financement doivent être trouvées.

Toutefois, contrairement à la gauche, nous ne prétendons pas décider à la place des partenaires sociaux. Il faut respecter le dialogue social !

Notre système de retraites ne repose déjà plus intégralement sur la répartition. Il est financé pour une part non négligeable par des taxes affectées et des impôts. Le Rassemblement National entend utiliser différents leviers pour le sauver, dont la natalité, – qui n’est pas un gros mot, même si le fait de faire des enfants vous choque, chers collègues de gauche – et le taux d’emploi.

Plutôt que de taxer davantage et de tuer notre économie, réfléchissons à l’âge d’entrée sur le marché du travail, ramenons vers l’emploi les populations qui en sont les plus éloignées et accroissons la productivité en finançant les services de recherche et développement.

M. Jérôme Guedj (SOC). Monsieur Ménagé, ma grand-mère utilisait l’adage « qui se sent morveux se mouche » – autrement dit, ceux qui dénoncent de la manière la plus tonitruante sont souvent ceux qui se savent fautifs. De fait, vous avez raté le coche : la dernière réforme des retraites a été adoptée dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ; par parallélisme, ce PLFSS était l’occasion de l’abroger.

Pour notre part, nous proposons des ressources permettant d’équilibrer la branche vieillesse, ce qui nous donne la légitimité pour revenir sur cet impôt sur la vie.

Quant à vous, en guise de solution, vous évoquez simplement la natalité, ce qui est cocasse : quand bien même 150 000 enfants naîtraient demain – je le souhaite, moi aussi, car la croissance démographique est souhaitable –, cela ne résorberait pas le déficit, prévu à 3,5 milliards d’euros en 2025 et à 6 milliards en 2026.

Pour notre part, nous sommes conséquents et proposons ici, à travers une trentaine d’amendements, des pistes pour dégager 12 à 13 milliards d’euros de recettes, afin de financer la sécurité sociale, notamment la branche vieillesse. Vous nous reprochez de trop taxer, comme Gabrial Attal le faisait lors de l’examen du précédent PLFSS. Oui, nous revendiquons un financement plus juste de la sécurité sociale. Pour votre part, tant que vous refuserez l’obstacle, votre proposition d’abrogation de la réforme des retraites ne sera pas crédible.

M. Benjamin Lucas-Lundy (EcoS). Monsieur Ménagé, l’injonction à la natalité du Rassemblement National est insupportable. Laissez tranquilles les femmes, qui peuvent choisir par elles-mêmes.

Vous nous demandez de respecter les partenaires sociaux et les organisations syndicales. Je vous rappelle que Mme Le Pen a reproché aux syndicats de défendre non pas les travailleurs, mais « une idéologie d’extrême gauche » à travers les grèves – voilà qui plaira à ceux de nos concitoyens qui se sont mobilisés contre la réforme des retraites. Elle a accusé les syndicats, particulièrement la CGT de « prendre en otage » la France avec des grèves répétées, dans une métaphore terrible pour ceux qui connaissent la réalité d’une prise d’otage, et de « se moquer des conséquences économiques et des difficultés pour les travailleurs, les PME et les commerçants ». Elle considère en outre que la CGT et d’autres syndicats « refusent systématiquement toute réforme et bloquent le pays dès qu’il est question de changer un modèle qui ne fonctionne plus ». Le Rassemblement National voue donc aux partenaires sociaux et au dialogue social un amour à géométrie variable.

Vous êtes des imposteurs sur les questions sociales. Dans un réflexe cynique et tacticien, vous tentez d’embrasser les combats des autres, quand vous considérez qu’ils sont majoritaires dans l’opinion. Mais vous peinez à évoquer le financement de vos réformes, vous contentant de reprendre les vieux discours néolibéraux sur le matraquage fiscal et d’enjoindre les femmes à procréer. Foutez la paix aux organisations syndicales, aux femmes et aux questions sociales, puisque manifestement vous n’y connaissez rien !

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Nous voulons relancer la natalité, car la naissance de nombreux petits Français ferait le plus grand bien au pays – eh oui, pour nous, c’est d’abord une question nationale, même si cela vous dérange.

Nous n’avons aucune leçon à recevoir de vous en matière de dialogue social et de respect de la diversité d’opinions. Oui, vous avez plus de points communs avec la CGT, notamment, que le Rassemblement National. Comme elle, vous avez appelé à deux reprises à voter pour M. Macron à l’élection présidentielle. Vous avez ainsi instauré la politique que nous subissons depuis sept ans et la réforme des retraites profondément injuste que rejette la majorité des Français. Avec le soutien de la Macronie, vous avez fait élire Mme Borne, qui a fait passer cette réforme et M. Darmanin, que vous insultez pourtant sur tous les plateaux télé. Soyez plus courageux pendant les campagnes électorales. Pour notre part, nous pouvons encore nous regarder dans un miroir.

M. Christophe Bentz (RN). À gauche, vous proposez de gager l’abrogation de la réforme des retraites sur une augmentation des cotisations. Pour notre part, nous privilégions une taxe sur les surprofits et les produits financiers, ce qui devrait vous plaire. Nous y reviendrons ce mercredi en commission et jeudi 31 octobre en séance publique. De fait, nous proposerons lors de notre journée de niche le seul débat de fond sur l’abrogation de cette réforme injuste.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS1576 de M. Yannick Neuder, AS1493 de M. Jean-François Rousset, AS188 de M. Philippe Juvin, AS1494 de M. Jean-François Rousset et AS187 de M. Philippe Juvin (discussion commune)

M. le rapporteur général. Nous proposons que les médecins retraités qui reprennent une activité soient exonérés de cotisations sociales de manière pérenne et non plafonnée. Une version transitoire de cette exonération avait été adoptée dans la PLFSS 2023. Elle a fait ses preuves, mais le dispositif a pris fin le 1er janvier 2024.

Le cumul emploi-retraite créateur de droits instauré lors de la dernière réforme des retraites et une avancée indéniable pour la plupart de nos concitoyens. Il apparaît toutefois peu adapté aux médecins retraités, car pour eux, l’enjeu n’est pas de constituer des droits supplémentaires à la retraite, mais d’exercer leur activité sans avoir à verser de cotisations vieillesse sur les revenus qu’ils en tirent.

L’exonération proposée vise les médecins qui sont éligibles au cumul emploi-retraite intégral, car ils ont liquidé une retraite à taux plein. Le code de la sécurité sociale précisera que l’activité dont les revenus seront exonérés ne leur permettra pas de créer de nouveaux droits à la retraite.

Face à la crise de la démographie médicale, nous activerons ainsi tous les leviers pour accroître la présence des médecins dans les territoires.

M. Jean-François Rousset (EPR). Les médecins retraités qui continuent à exercer doivent être exonérés de cotisation vieillesse de façon pérenne et sans plafond de revenus.

De nombreux médecins risquent de cesser leur activité au cours des trois prochaines années, à cause de la charge de travail, du manque de reconnaissance et de la paperasserie. Or nous avons besoin qu’ils exercent de nouveaux métiers – qu’ils créent et gèrent des communautés professionnelles territoriales de santé et qu’ils exercent le rôle de régulateurs, notamment au sein des services d’accès aux soins. Nous devons donc faciliter leurs conditions d’exercice.

M. Philippe Juvin (DR). Mes deux amendements prévoient une exonération pérenne ; seul l’amendement AS187 supprime les limites de revenus.

Actuellement, 10 % des médecins libéraux exercent leur activité dans le cadre du cumul emploi-retraite. C’est même 25 % dans certaines spécialités, comme la psychiatrie. Si ces professionnels ne travaillaient pas, le système de santé ne fonctionnerait pas.

Or actuellement, ils sont les seuls, parmi nos concitoyens, à verser des cotisations de retraite qui n’ouvrent pas de droits. C’est absurde. Plutôt que de leur permettre d’ouvrir des droits nouveaux, nous proposons qu’ils cessent de verser ces cotisations.

Nous n’obligeons personne à travailler. Quant au coût de l’exonération, il faut le rapporter à celui qu’aurait la cessation d’activité de ces médecins. Qui soignerait alors les Français ?

M. le rapporteur général. Monsieur Juvin, contrairement aux vôtres, mon amendement vise à intégrer l’exonération des cotisations vieillesse dans le code de la sécurité sociale. Cette codification garantira sa pérennité.

Monsieur Rousset, vous proposez que les médecins bénéficient à la fois d’une exonération de cotisations vieillesse et de la création de nouveaux droits à la retraite dans le cadre du cumul emploi-retraite. Ce n’est pas ce qu’ils demandent. Par ailleurs, votre amendement est entaché d’une erreur de référence.

Avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR). J’aurais pu voter en faveur de ces exonérations, si vous aviez voté en faveur de l’amendement AS87 de Mme Godard. Pour que chacun ait accès aux soins, nous avons besoin à la fois des médecins retraités et de recettes nouvelles pour la sécurité sociale. Il n’est pas question de choisir entre les deux, si nous voulons mieux soigner nos concitoyens. Affirmer le contraire, comme le fait l’extrême droite, relève de la pensée magique. Je m’abstiendrai donc.

M. Thibault Bazin (DR). Monsieur le rapporteur général, nous soutiendrons votre amendement, qui semble le plus complet. Les autres amendements pourront être remaniés. Je fais confiance à votre élégance pour que nous défendions un message commun dans l’hémicycle.

En permettant aux médecins de prodiguer des soins, nous évitons des hospitalisations et de surcharger les urgences. Nous favorisons également la prévention et les diagnostics précoces. Outre les avantages pour la santé des patients, cela permettra des économies.

Alors que nous manquons de médecins en première ligne, certains médecins retraités sont prêts à travailler sans compter leurs heures. Cette exonération sera efficace à très court terme.

M. Hendrik Davi (EcoS). Je comprends que vous fassiez appel aux médecins retraités dans certaines zones rurales, mais cette exonération ne constitue pas une solution durable.

Vous faites comme si les retraites étaient financées par des fonds de pension, comme si chacun finançait sa propre retraite, alors que les cotisations ouvrent des droits collectivement. Il n’est pas anormal que des médecins rémunérés pour leur activité continuent à cotiser pour l’ensemble des retraités et permettent à ceux qui exercent des métiers pénibles de partir plus tôt à la retraite.

En outre, puisque les médecins cumulant emploi et retraite représentent 10 % des médecins en exercice, le manque à gagner lié à l’exonération ne serait pas anodin. Je m’y oppose donc.

Si vous souhaitez davantage de personnel médical, pour éviter de surcharger les urgences, suivez la logique jusqu’au bout, en augmentant les dépenses de santé et en refusant les attaques contre l’AME. Eh oui, en restreignant le panier de l’AME, vous retardez les soins ! (Protestations.)

M. le rapporteur général. Monsieur Davi, les déserts médicaux ne sont pas cantonnés au monde rural. Les villes et les métropoles aussi bénéficient des médecins cumulant emploi et retraite. L’exonération concernera donc l’ensemble du territoire.

L’AME est un sujet politique avant d’être un sujet médical. Face à un patient, aucun personnel médical ou paramédical n’a pour premier réflexe de demander des papiers d’identité. Personne n’a envisagé de retirer du panier de soins de l’AME la vaccination, ou le traitement des infections contagieuses – et même des infections dentaires, car nous savons que certaines caries peuvent causer de graves pathologies cardiaques, notamment des endocardites infectieuses.

Même si le sujet vous semble porteur pour les vidéos que vous tirerez de nos échanges, revenons au débat : comment rendre attractif l’exercice de la médecine pour des médecins qui pourraient profiter de leur retraite chez eux, comment empêcher que le retour au travail ne leur coûte ?

Les médecins ne veulent pas ouvrir de droits supplémentaires. Ils veulent simplement bénéficier d’une juste rémunération, sans cotisations supplémentaires. Messieurs Rousset et Juvin, je vous invite à retirer vos amendements. Nous pourrons cosigner un amendement pour la séance publique.

M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur le rapporteur général, nous soutiendrons votre amendement.

Les médecins ne bénéficient d’une retraite à taux plein qu’à 67 ans. Rendez-vous compte ! Dans ma circonscription, un territoire rural, cinq médecins qui ont dépassé cet âge continuent ainsi de prodiguer des soins. Nous pouvons les remercier chaque jour d’accepter.

Les amendements AS188 et AS187 sont retirés.

La commission adopte l’amendement AS1576.

En conséquence, les amendements AS1493 et AS1494 tombent.

Amendement AS1029 de M. Gaëtan Dussausaye

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Jusqu’ici nous avons peu évoqué l’objectif de garantir un égal accès à la santé à tous les Français et sur tout le territoire. Une étude de 2024 indiquait que 25 millions de nos compatriotes vivent dans un territoire où l’offre de soins est insuffisante ; pour presque 2 millions d’entre eux, c’est même le cas pour l’offre de soins en médecine générale. Dans les territoires les plus ruraux, ils sont parfois séparés de la pharmacie de la plus proche par vingt ou vingt-cinq minutes de voiture.

Parmi les médecins, 120 000 sont en activité et 80 000 à la retraite, dont 63 000 ont moins de 75 ans. Avant même la création, avec le soutien du Rassemblement National, de l’exonération de cotisations de retraite dans la LFSS 2023, 8 000 médecins cumulaient déjà emploi et retraite, parce qu’ils sont passionnés par leur métier et préoccupés par la dégradation de l’accès à la santé.

Nous demandons un rapport sur l’impact financier qu’a eu cette exonération – messieurs Davi et Clouet, cela permettra de répondre à vos préoccupations – et sur ses modalités. Nous devons nous assurer que l’exonération envisagée n’alourdira pas davantage la charge administrative de ceux qui nous soignent.

M. le rapporteur général. Votre demande est satisfaite par l’adoption de mon amendement. Il permettra aux médecins retraités qui le souhaitent de pratiquer à nouveau leur métier, car c’était l’obligation de verser des cotisations vieillesse qui posait problème, plutôt que le fait que celles-ci ne leur ouvrent pas de droits.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

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2.   Réunion du lundi 21 octobre 2024 à 21 heures 15 (article 4 à après l’article 5)

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.15576268_6716a504a8901.commission-des-affaires-sociales--examen-du-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite-sociale-pou-21-octobre-2024

La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 325) (M. Yannick Neuder, rapporteur général ; M. Guillaume Florquin, M. Louis Boyard, Mme Sandrine Rousseau et M. JeanCarles Grelier, rapporteurs).

M. le président Frédéric Valletoux. Nous poursuivons l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. Nous avons déjà examiné 61 amendements et, après communication par le président de la commission des finances de ses derniers avis, je peux vous indiquer qu’il nous en reste à peu près 750 en débat.

Amendement de suppression AS866 de Mme Zahia Hamdane

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Pourquoi voulons-nous supprimer cet article, qui prévoit la pérennisation du dispositif d’exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (TODE) ? Ce dispositif, mis en place pour répondre à la mobilisation des agriculteurs en 2024, n’est pas la solution à la crise profonde que traversent nos agricultures.

Chaque année, la France perd 8 000 agriculteurs ; la moitié de ceux qui restent sera partie à la retraite dans moins de dix ans. Les candidats à la reprise des exploitations existent, mais ils se heurtent à des obstacles insurmontables : rémunérations trop faibles ; difficultés d’accès à la terre ; surcharge administrative étouffante.

Le Gouvernement choisit de prolonger et de renforcer ces exonérations, mais cela pèse lourdement sur le financement de la sécurité sociale et fragilise encore plus un système déjà sous pression. Cette fuite en avant n’offre aucune réponse structurelle à la crise agricole. La solution ne réside pas dans l’exonération qui affaiblit, à terme, la solidarité nationale, mais dans une refonte complète du monde agricole : prix plancher qui assurent un revenu décent aux paysans ; limitation des marges de la grande distribution ; relocalisation des productions et développement des circuits courts ; sortie des traités de libre-échange qui mettent en péril notre agriculture ; sortie progressive des pesticides.

L’État doit cesser de créer des niches fiscales qui appauvrissent les caisses de la sécurité sociale. Il doit accompagner les agriculteurs en soutenant la conversion du secteur par des aides directes et un plan massif de désendettement des exploitations. C’est avec un véritable soutien financier et une réforme en profondeur que nous pourrons sauver notre agriculture, et non en affaiblissant encore davantage notre système de sécurité sociale.

M. Yannick Neuder, rapporteur général. Je suis en complet désaccord avec votre idée de supprimer le dispositif TODE. Il permet de soutenir la compétitivité des exploitations agricoles. Est-ce que cela vous dérange ? Il permet aussi de lutter contre le travail illégal. Y êtes-vous opposés ? Il permet surtout de constituer des droits pour les saisonniers agricoles : quelque 900 000 contrats seraient perdus ou rendus informels si nous le supprimions, soit 150 millions d’heures sans recettes ni protection sociale pour les travailleurs concernés. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Si nous accédions à la demande de nos collègues insoumis, cela aurait des répercussions sur l’emploi local : les employeurs seraient incités à faire venir des travailleurs détachés pour pouvoir affronter la concurrence déloyale de certains voisins européens. Les agriculteurs, en particulier les arboriculteurs, comme les producteurs de mirabelles de Lorraine, ne pourraient pas être compétitifs sans les travailleurs saisonniers, qui sont souvent des jeunes de leur région. Il serait quand même problématique que les agriculteurs soient incités à les remplacer par de la main-d’œuvre étrangère.

Ce dispositif n’a pas été mis en place en 2024 : il en existe de similaires depuis 1972. Il bénéficie notamment à des étudiants, pour lesquels ces travaux saisonniers sont un moyen de se constituer un pécule pendant les vacances, une première expérience de travail, et aussi une occasion de belles aventures humaines. Il faut donc maintenir et pérenniser ce dispositif TODE, comme promis à nos agriculteurs qui le méritent bien.

M. Hendrik Davi (EcoS). Je n’ai rien contre le fait que nos jeunes aillent travailler dans une exploitation, ce qui est une formidable expérience. Mais pourquoi voulez-vous réduire leur salaire ? Car diminuer les cotisations sociales, c’est diminuer leur salaire différé : vous avez du mal à l’admettre, mais elles permettent de financer les soins, les retraites et autres. En outre, ces exonérations profitent à tous les agriculteurs, alors que les situations sont très variables d’une exploitation à l’autre : 18 % des ménages agricoles vivent en dessous du seuil de pauvreté, mais les 10 % les plus riches disposent de 70 000 euros de revenus annuels. Vous aidez d’ailleurs plutôt ces derniers, qui exploitent beaucoup les travailleurs saisonniers.

Pour que les travailleurs soient bien payés, avec des salaires soumis à cotisations sociales, sans que les employeurs ne recourent au travail informel, il suffit de faire des contrôles. Dans le Vaucluse, des travailleurs détachés marocains vivent dans des situations dramatiques, dans des baraques. C’est en faisant des contrôles que l’on peut éviter cela, pas en pratiquant des exonérations de cotisations sociales.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Ce type de dispositif est révélateur d’une doctrine très rigide. Monsieur le rapporteur général, je peux moi aussi jouer à votre jeu des questions. Face à la crise agricole, vous refusez de bloquer les marges de la grande distribution. Voulez‑vous gaver la grande distribution ? Vous refusez de créer des prix plancher. Voulez‑vous paupériser les paysans ? Vous refusez de sortir des traités de libre-échange. Voulez‑vous enrichir les intermédiaires sur les grands marchés ? Vous refusez de reprendre et d’apurer la dette paysanne. Voulez-vous étrangler les agriculteurs ? Vous refusez que le monde paysan ait des retraites dignes, alors que le Parlement avait voté une disposition pour le 1er janvier.

M. Thibault Bazin (DR). Ces mesures viennent de nous !

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Pour une fois que vous aviez réussi à avoir une idée, vous n’avez même pas réussi à la pousser jusqu’à son accomplissement ! Ce n’est pas glorieux. (Exclamations.)

En rythme de croisière, ce dispositif d’exonération de cotisations sociales va coûter 620 millions d’euros par an. Ils seront mis à la charge des assurés sociaux, puisque les manques d’argent de la sécurité sociale se paient par des coupes dans les services.

Vous pourriez soutenir les agriculteurs sans faire payer les assurés en prenant des mesures pour plafonner les prix ou réguler la grande distribution, par exemple. Exonérer ceux qui paient le moins bien – 1,25 Smic – revient à conforter l’idée que l’on sortirait de la crise agricole par le dumping. C’est aussi la philosophie d’autres décisions, comme la récente dérogation autorisant les salariés à travailler jusqu’à 60 heures par semaine dans certains secteurs. J’aime bien les exploitations ; vous aimez bien l’exploitation. Vos belles aventures humaines, elles seraient encore plus belles avec des salaires corrects.

M. Philippe Vigier (Dem). Nous allons bien sûr voter contre cet amendement. Comme l’a dit Thibault Bazin, de telles mesures existent depuis plus de cinquante ans. Dans ma région, ce sont les semenciers qui ont beaucoup recours aux travailleurs occasionnels, étudiants ou salariés de nationalité étrangère – public auquel vous êtes habituellement sensibles. Si vous supprimez les exonérations, je ne pense pas que l’immigration sera réussie et que l’intégration sera au rendez-vous. Dans votre exposé des motifs, vous évoquez la faible rémunération des agriculteurs et leur difficulté d’accès à la terre. Or la faible rémunération vient d’un déficit de compétitivité. Rappelons qu’il y a quatre ans, l’Allemagne n’avait toujours pas de Smic agricole et que le salaire horaire moyen était de 6,50 euros. Cela incite à réfléchir.

M. Michel Lauzzana (EPR). Dans le Lot-et-Garonne, où l’on cultive soixante-treize produits différents, la prolongation du dispositif TODE est vraiment attendue. Certains propos m’ont choqué. Je tiens à dire que la plupart des agriculteurs ne maltraitent pas leurs employés et qu’au contraire, ils sont obligés de les fidéliser pour les faire revenir d’une année sur l’autre, depuis le Maroc par exemple. Ils les logent bien et leur donnent des avantages très intéressants. Le revenu des agriculteurs est fortement dépendant du dispositif TODE et sa suppression entraînerait de nombreuses faillites dans les petites exploitations familiales.

Mme Stéphanie Rist (EPR). À M. Clouet, qui nous parle de doctrine, je dirai que cet amendement relève de l’idéologie anti-exonération. Depuis plus de cinquante ans, ces exonérations ont été évaluées et ont fait la preuve de leur efficacité dans des circonscriptions comme a mienne où il y a des arboriculteurs et des maraîchers – chez moi, c’est plutôt la cerise de l’Orléanais. Les petits producteurs locaux de ma circonscription, qui alimentent notamment les cantines scolaires, feraient face à de grosses difficultés si l’on supprimait ce dispositif.

M. Yannick Monnet (GDR). Notre groupe a toujours soutenu la prolongation du dispositif TODE, mais je pense qu’il ne faut pas tomber dans la caricature. Tout d’abord, le problème n’est pas tant le manque de compétitivité des exploitations que la faiblesse de la rémunération des agriculteurs. S’ils étaient correctement rémunérés, ils n’auraient pas besoin d’aides à l’embauche – et ils ne rencontreraient pas non plus des difficultés en matière de transmission et d’investissements. Ensuite, les exonérations ne régleront pas le problème de la pénurie de main-d’œuvre dans le monde agricole, qui est réel, pas plus que celui des conditions de travail des saisonniers – sujet sur lequel André Chassaigne a déposé une proposition de loi.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS868 de M. Hadrien Clouet

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). L’amendement vise à conditionner les aides apportées au secteur agricole par des critères sociaux, en vue de supprimer progressivement le dispositif TODE. Non seulement cette exonération grève le financement de la sécurité sociale, mais elle entretient les trappes à bas salaires alors que, dans le même temps, le Gouvernement multiplie les dérogations au droit du travail sans apporter de réponse réelle à la crise agricole sans précédent à laquelle nous sommes confrontés. Nous ne cesserons de vous répéter que les exonérations ne sont pas la réponse à cette crise, et qu’il faut trouver d’autres solutions : rémunération digne des paysans, mise en place de prix plancher, limitation des marges de la grande distribution, relocalisation de la production, et sortie des traités de libre-échange, alors que la France semble impuissante à bloquer l’avancée des négociations sur le Mercosur au niveau européen.

M. le rapporteur général. Madame Leboucher, vous avez défendu l’amendement AS870, qui viendra tout à l’heure. Je vais vous répondre sur le AS868, semblable, mais qui prévoit une sortie du dispositif en sifflet. Pour ne pas énerver M. Clouet, je ne vais pas vous demander une nouvelle fois si les mérites de ce dispositif vous dérangent, mais je répète que ces exonérations améliorent la compétitivité de nos agriculteurs. Nous en connaissons tous des exemples, dans l’arboriculture ou la production de noix ou de pommes. Ce dispositif permet au salarié de sortir du travail illégal, dont chacun connaît l’importance dans ces métiers, et de se constituer des droits. Il ne représente en rien une perte de droits, monsieur Davi, bien au contraire : sans lui, certains salariés ne seraient pas embauchés ou le seraient au noir. En outre, il n’y a pas de perte pour la sécurité sociale puisque la mesure est totalement compensée par l’État, pour un montant évalué à 612 millions d’euros pour 2025.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS745 de M. Didier Le Gac et AS1219 de M. Thibault Bazin

M. Didier Le Gac (EPR). Il faut bien sûr pérenniser le dispositif TODE, et ces amendements visent à faire en sorte que ses effets ne soient pas amoindris par la réforme de la réduction générale des cotisations et contributions prévue à l’article 6. Le débat idéologique sur la suppression de cotisations peut s’entendre dans le cas d’entrepreneurs qui obéissent aux mêmes règles, tels que des artisans implantés à 10 ou 15 kilomètres de leurs concurrents. Nos agriculteurs, eux, affrontent une concurrence allemande, portugaise, espagnole, voire marocaine, qui bénéficie d’un coût du travail beaucoup moins élevé. Sans ces exonérations, monsieur Davi, il n’y aura pas d’agriculteurs ni de salariés agricoles, donc pas de soins ni de retraites.

M. Thibault Bazin (DR). Les agriculteurs qui se sont mobilisés en début d’année, notamment ceux qui ont recours au travail saisonnier comme les arboriculteurs, attendent la pérennisation du dispositif TODE. Il faut cependant analyser l’article 4 en lien avec l’article 6 sur la réforme des allégements généraux de cotisations patronales, qui réduit le taux maximal d’exonération au niveau du Smic. L’effet conjugué de ces deux articles va aboutir à une hausse du coût du travail de 39,5 millions d’euros pour les employeurs de saisonniers en CDD dès l’an prochain, et de 80 millions par an à partir de 2026. Il faut absolument corriger le tir, monsieur le rapporteur général.

Les conditions de travail des saisonniers, elles ont énormément progressé. Pour avoir visité des exploitations cet été, je peux vous dire que les conditions de logement et de restauration ne sont plus celles d’il y a quarante ou cinquante ans. Comme Yannick Monnet, je pense qu’il faudrait que ces activités soient mieux valorisées, plus rémunératrices. Cependant, il ne faut pas opposer cet objectif à celui de la compétitivité alors que les exploitations évoluent dans des marchés ouverts. Ces exonérations sont des trappes à bas salaires, dites-vous, mais nous avons aussi innové en permettant à certains demandeurs d’emploi de cumuler les revenus de leur travail saisonnier avec le revenu de solidarité active (RSA), ce dont ils nous remercient. Les conseils départementaux, y compris ceux de votre sensibilité, utilisent d’ailleurs ces mesures, qui vont dans le sens d’une insertion.

Enfin, contrairement à ce qu’affirme M. Clouet, le dispositif TODE ne porte pas préjudice aux autres assurés sociaux car il est compensé par le programme 381 Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) du projet de loi de finances.

M. le rapporteur général. Il s’agit d’assurer la cohérence entre les articles 4 et 6. L’exonération du dispositif TODE n’est pas cumulable avec les allégements généraux, sinon les mêmes assiettes seraient réduites deux fois. Les entreprises éligibles au dispositif TODE basculent dans le régime des allégements généraux quand elles dépassent le seuil de 119 jours de contrat saisonnier par salarié ou pour les rémunérations supérieures à 1,6 Smic. Sans une modification comme celle proposée par vos amendements, le niveau maximal d’exonération pourrait donc diminuer.

Afin de maintenir les avantages compétitifs et comparatifs du dispositif TODE par rapport au régime des allégements généraux, je donne un avis favorable à ces amendements.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je pense qu’il faut soutenir le Gouvernement, une fois n’est pas coutume, quand il veut réformer les allégements de cotisations sociales comme c’est le cas avec à l’article 6. Nous n’allons évidemment pas renforcer des exonérations qui, contrairement à ce que prétend M. Bazin, ne se traduisent pas forcément par une amélioration des conditions de travail des saisonniers. M. Bazin nous raconte qu’il a pu constater cet été les bonnes conditions d’hébergement de certains d’entre eux, mais des témoignages décrivent des situations déplorables. Rappelons aussi qu’un décret du 9 juillet dernier a suspendu le repos hebdomadaire des salariés agricoles pendant les vendanges, ce qui constitue une remise en cause fondamentale du droit du travail.

M. Hendrik Davi (EcoS). Pour ma part, j’ai été sollicité par des saisonniers marocains qui ont attaqué leur employeur au conseil de prud’hommes parce qu’ils n’ont pas été payés. Les journalistes de France Bleu Vaucluse, qui se sont rendus dans la maison où sont logés ces ouvriers, à l’entrée de la commune, racontent : « Il s’agit d’une villa toujours en chantier, sans eau, ni gaz, ni électricité. Autrement dit, les dix-huit hommes qui y vivent sont privés de lumière, de chauffage, de douche, de toilettes et même de plaques électriques pour se préparer à manger. "Je souffre beaucoup. Nous avons froid, nous ne dormons plus", raconte Driss, 27 ans. »

Des témoignages de ce type, il y en a plein d’autres. Il faut des contrôles pour faire respecter le droit du travail, y compris dans l’agriculture. Vous considérez qu’à force de rogner sur le droit du travail, nous serons plus compétitifs. Or ce raisonnement, que vous avez déjà eu pour d’autres secteurs à l’égard de pays comme la Chine, a montré sa fausseté. Il y aura toujours des endroits, en Espagne ou ailleurs, où l’on abaissera toujours plus le droit du travail et où les denrées seront produites moins cher. Il faut réguler, produire localement et refonder notre agriculture. Cela ne passe pas par la baisse des droits sociaux.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Sur le sujet, il est bon d’écouter les organisations syndicales représentatives – CFTC, CGT, CFE-CGC et FO – qui critiquent le système TODE pour son rôle de trappe à bas salaires et son absence de conditionnalité qui le prive d’effets vertueux. La comparaison faite par Philippe Vigier avec l’Allemagne était un peu tirée par les cheveux, pour deux raisons : le Smic est appliqué depuis six ans dans l’agriculture allemande ; il est fixé à 12,82 euros bruts de l’heure, soit 1,1 Smic français. À secteur égal, les ouvriers agricoles gagnent donc 300 euros de plus par mois en Allemagne qu’en France. Puisque vous nous expliquez que le système allemand fonctionne très bien, vous avez la preuve que l’on peut augmenter les salaires mensuels de 300 euros sans problème.

M. Thibault Bazin (DR). Vous écrivez, dans l’exposé des motifs de l’amendement AS868, que le dispositif TODE est « inefficace ». C’est en totale contradiction avec ce que l’on peut observer sur le terrain, où l’on constate une bascule entre travailleurs détachés et travailleurs locaux. Pire, vous écrivez que le dispositif est « malhonnête ». Qui visez-vous ? Les producteurs français de fruits ? Si des mesures spécifiques ont été prises cet été en matière de durée de travail, c’était pour faire face à une pluviométrie exceptionnelle. Auriez‑vous préféré le gâchis, qu’on ne fasse pas la récolte, qu’on abandonne la production locale ? Même les travailleurs saisonniers étaient demandeurs que le travail puisse s’adapter aux conditions climatiques ! Après avoir été à l’arrêt pendant des semaines, il a fallu y aller à fond pendant quelques jours. Sans cela, on aurait perdu les récoltes. Aurait-il mieux valu importer les mêmes produits d’ailleurs ? Ce n’est pas ce que dit le bon sens paysan, mais j’ai l’impression que vous en manquez.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS870 de Mme Élise Leboucher

M. Paul Vannier (LFI-NFP). L’amendement vise à conditionner les exonérations de cotisations sociales par des critères sociaux tels que l’existence d’un logement digne et la protection des salariés lors des canicules. Certains travailleurs agricoles sont en effet plongés dans des situations inadmissibles. On peut penser au vigneron Grégoire de Fournas, qui était encore député il y a quelques semaines et qui abritait – le mot n’est pas adapté – trois ouvriers agricoles sous deux tentes plantées au milieu de ses vignes, sans aucun aménagement. Rappelons aussi que l’été dernier, six vendangeurs sont morts à cause de la canicule, après d’ailleurs que le Gouvernement démissionnaire eut supprimé par décret le repos hebdomadaire des ouvriers agricoles du secteur viticole.

Cet amendement vise à sortir d’une situation où la sécurité sociale est doublement perdante : elle perd des recettes, à travers des exonérations qui atteignent 575 millions d’euros pour l’année 2024 ; elle est contrainte à des dépenses liées aux accidents du travail et aux maladies professionnelles qui peuvent se développer dans les circonstances qui sont trop souvent celles dans lesquelles vivent les ouvriers agricoles. En actionnant le levier du conditionnement des exonérations, nous pourrions contribuer à l’intérêt général.

M. le rapporteur général. Ne généralisez pas vos propos : les agriculteurs n’ont pas systématiquement de mauvaises intentions à l’égard des saisonniers qu’ils embauchent. Les mauvaises conditions de travail existent et il faut effectuer des contrôles pour les combattre, mais évitons les raccourcis et les amalgames.

Par ailleurs, alors que les agriculteurs se plaignent de l’excès de paperasserie qui les entrave dans l’exercice de leur merveilleux métier, vous proposez d’en ajouter encore. Les entreprises agricoles ne sont pas toutes, loin de là, dimensionnées pour répondre à la surcharge bureaucratique que vous envisagez. Vous en ajoutez aussi une bonne louche à la Mutualité sociale agricole (MSA), dont les agents devraient vérifier 900 000 bons de transports et les preuves que les lits des saisonniers sont aux normes. Il faut faire preuve de pondération en matière de contrôles, si nous voulons qu’ils soient réalisables.

Avis défavorable.

M. Paul Vannier (LFI-NFP). Si, comme vous le dites, les travailleurs agricoles sont accueillis dans des conditions idéales, vous n’avez rien à craindre de notre amendement ! Je ne fais aucun amalgame, mais ne soyons pas naïfs : certaines situations méritent d’être corrigées, et elles pourraient l’être grâce à la mesure que je propose.

Vous parlez de surcharge bureaucratique ; je parle, moi, de logements dignes et de la santé des ouvriers agricoles, lesquels sont indispensables à nombre d’exploitations dont j’ai, comme vous, le souci du bon fonctionnement.

Mme Joëlle Mélin (RN). Il peut arriver, en effet, que les travailleurs saisonniers soient mal traités, mal reçus et qu’ils travaillent dans des conditions difficiles. Je sais, pour les avoir expertisées en tant que médecin dans les Bouches-du-Rhône, que ces souffrances existent. Mais il est inadmissible que vous utilisiez une question aussi grave pour vous attaquer de manière diffamatoire, en son absence, à notre ami de Fournas. Il a déjà porté plainte à ce sujet, et il se chargera sans doute de donner des suites à vos propos. La politique, ce n’est pas cela ! Traitons les sujets graves sans mettre de l’huile sur le feu, en tenant des propos qui relèvent de la diffamation.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). M. de Fournas m’a déjà menacé d’une plainte lorsque j’ai rappelé, dans l’hémicycle, puis en dehors, à sa demande, qu’il avait exploité des travailleuses et des travailleurs détachés en les faisant vivre sous des tentes. Il n’a toujours pas déposé cette plainte, et pour cause : ces faits sont rigoureusement exacts. Au moins avait‑il fait montre d’un souci d’égalité en traitant de manière tout aussi ignoble des Français et des étrangers.

M. le président Frédéric Valletoux. Restons-en aux amendements s’il vous plaît.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS873 de Mme Zahia Hamdane

M. Louis Boyard (LFI-NFP). On ne saura pas si M. de Fournas a eu recours à une société de prestations de service internationales...

M. le président Frédéric Valletoux. Monsieur Boyard, il peut arriver que nous nous opposions de manière virulente, mais nos débats sont restés, jusqu’à présent, constructifs et sereins. Il serait bon qu’il en soit ainsi tout au long de cette discussion et que l’on n’ait pas le sentiment que ce sont toujours les mêmes qui jettent de l’huile sur le feu.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Le fonctionnement des sociétés de prestations de service internationales connaît bien des dérives. Je pense à cet hébergement collectif insalubre qui a été fermé dans la Marne, aux travailleurs qui sont morts dans les vignes ou à ceux qui ont été mis à pied pour s’être insurgés contre leurs conditions de travail. C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, à tout le moins d’exclure ces sociétés du bénéfice du dispositif TODE.

M. le rapporteur général. La prestation de service internationale (PSI) est un contrat par lequel une entreprise établie à l’étranger est engagée afin d’effectuer une prestation pour une entreprise établie en France au moyen de travailleurs qu’elle détache temporairement. Les cas de maltraitances subies par des saisonniers sans contrat que vous avez évoqués ne concernent donc pas, par définition, la PSI. De même, il ne peut pas y avoir d’exonérations au titre des TODE sans contrat : cela exclut évidemment les personnes qui travaillent au noir.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement laisse entendre que tout travailleur saisonnier serait victime de maltraitances. Cette suspicion me gêne. Fort heureusement, ce n’est pas le cas : certains de ces travailleurs saisonniers parlent même d’une véritable aventure humaine ! Certes, des abus, des drames sont possibles, et il faut des contrôles. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas soutenir nos arboriculteurs et tous ceux qui fournissent, et parfois exportent, des productions remarquables.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je n’ai jamais dit que toutes les entreprises étaient concernées. En revanche, je me permets de vous faire remarquer – puisque j’évoquais des sociétés qui emploient souvent de la main-d’œuvre étrangère – que les généralisations, c’est le Gouvernement que vous soutenez qui les fait dès qu’il est question d’immigration.

À aucun moment je n’ai parlé de travail au noir, et les sociétés de prestations de service internationales n’ont rien d’entreprises familiales. De nombreux témoignages attestent que ces sociétés profitent d’une main-d’œuvre étrangère qui, souvent, ne connaît pas ses droits et se trouve dans une situation de précarité telle qu’elle est contrainte d’accepter les conditions qu’on lui impose. Exclure ces sociétés du bénéfice des exonérations liées aux TODE permettrait de mettre un coup de frein à ce système.

Encore une fois, certains travailleurs ont été mis à pied après avoir demandé le respect de leurs droits, d’autres sont morts dans les vignes, et la préfecture de la Marne a fermé un site d’hébergement. Vous ne pouvez pas nous dire circulez, y’a rien à voir, en cachant la société de prestation de service internationale derrière la petite entreprise familiale !

M. Arthur Delaporte (SOC). Il y a un an, six travailleurs sont morts, en l’espace de quatre jours, dans les vignes de la Champagne. Ce n’est pas un simple fait divers : ce drame est structurellement lié aux conditions du travail saisonnier. On ne peut pas balayer cela d’un revers de la main !

Si nous défendons cet amendement, c’est parce que, selon la Confédération paysanne notamment, ce sont plutôt des travailleurs étrangers employés par les prestataires de services internationaux qui sont les moins bien protégés. Nous lançons l’alerte afin qu’il soit mis fin à ce type d’exploitation qui conduit, oui, à des décès, de façon structurelle et non pas épisodique.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS360 de Mme Lise Magnier et AS777 de M. Vincent Descoeur et amendements identiques AS1577 de M. Yannick Neuder et AS1453 de Mme Hanane Mansouri (discussion commune)

M. François Gernigon (HOR). Nous proposons par l’amendement AS360 d’inclure dans le champ du dispositif TODE les entreprises de travaux agricoles employeurs de main‑d’œuvre auxquelles les exploitants agricoles délèguent des travaux qui entrent dans le cycle de la production animale ou végétale, les travaux d’amélioration foncière agricole, ainsi que les travaux accessoires nécessaires à l’exécution des travaux précédents.

Les entreprises de travaux agricoles réalisant les travaux pour le compte des exploitations bénéficiant du dispositif en profiteraient donc à nouveau elles-mêmes. Cela mettra fin à une rupture d’égalité et contribuera à la compétitivité économique de l’agriculture. Le coût annuel de cette mesure a été évalué à 17,7 millions d’euros.

M. Thibault Bazin (DR). Il s’agit en effet par l’amendement AS777 d’étendre le bénéfice des exonérations de cotisations sociales auxquelles ont droit les agriculteurs employeurs de main-d’œuvre saisonnière aux entreprises de travaux agricoles employeurs de cette même main-d’œuvre. Dès lors qu’ils effectuent les mêmes travaux dans les mêmes conditions, il est logique de les traiter de manière égale. Ce serait aussi une réponse aux problèmes de recrutement et d’attractivité.

M. le rapporteur général. Je propose pour ma part d’étendre le bénéfice de l’exonération aux seules entreprises de travaux forestiers.

Mme Hanane Mansouri (UDR). L’embauche d’un salarié occasionnel permet à l’employeur de bénéficier d’une exonération des cotisations et contributions sociales. Actuellement, cette mesure est limitée aux agriculteurs employeurs de main-d’œuvre. Nous proposons de l’étendre aux entreprises de travaux agricoles qui effectuent, pour le compte des exploitants agricoles, des tâches entrant dans le cycle de production animale ou végétale ainsi que des travaux d’amélioration foncière et des travaux accessoires nécessaires à leur réalisation.

L’extension de cette exonération vise à rétablir l’égalité entre les exploitants agricoles et les entreprises de travaux agricoles, afin de favoriser la compétitivité du secteur agricole. Il s’agit de soutenir l’agriculture locale et l’emploi des jeunes, notamment des étudiants.

M. le rapporteur général. Avis défavorable sur les amendements AS360 et AS777, pour en rester à une extension aux seules entreprises forestières.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur général, parmi les difficultés des sociétés d’exploitation forestière que vous mentionnez, à juste titre, dans votre exposé sommaire – nature unipersonnelle des sociétés, coûts d’investissement trop importants, position de faiblesse vis-à-vis des donneurs d’ordre – aucune ne semble avoir pour solution la mesure que vous proposez. D’autres sujets ne sont pas évoqués, comme le fait que les scieries françaises sont assez largement inadaptées. Sur le site de la Fédération nationale du bois, souvent citée à propos de ces questions, le mot « salaires » ne figure pas dans le moindre communiqué de presse ou rapport ! Le problème auquel vous entendez remédier n’a pas l’air très prégnant dans ce secteur.

M. Thibault Bazin (DR). En Lorraine, en tout cas, se développe le recours, pour effectuer des travaux forestiers, à des entreprises étrangères dont la main-d’œuvre est employée dans des conditions peu satisfaisantes. Or il est important d’aider les entreprises de ce secteur, non seulement pour préserver leur compétitivité, mais aussi parce qu’elles interviennent pour traiter les zones qui, en raison du réchauffement climatique, sont victimes de la sécheresse ou du scolyte et réclament une attention particulière. Assurer l’équité en matière de droit social serait bénéfique pour les deux aspects.

La commission rejette les amendements AS360 et AS777.

Puis elle adopte les amendements AS1577 et AS1453.

Amendements identiques AS114 de M. Dominique Potier, AS149 de M. Didier Le Gac et AS571 de M. Emmanuel Mandon

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous proposons par l’amendement AS114 d’étendre aux coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma) le bénéfice de l’exonération liée au dispositif TODE. Il convient en effet de soutenir ces coopératives qui permettent à des agriculteurs de se procurer du matériel et de créer des emplois en temps partagé qu’ils n’auraient pas eu les moyens de financer seuls.

M. Didier Le Gac (EPR). Le dispositif doit effectivement être étendu aux Cuma, qui permettent aux agriculteurs de mutualiser l’achat de matériels ou de mettre en commun certains salariés.

M. Emmanuel Mandon (Dem). Les Cuma jouent en effet un rôle important dans notre agriculture. Élu d’un département de montagne, je soutiens les exploitations familiales, qui ont besoin d’une telle mutualisation. En étendant le bénéfice du TODE à ces coopératives, nous soutiendrions l’emploi partagé dans le secteur agricole.

M. le rapporteur général. Il convient de dissiper une légère incompréhension. Les Cuma ne sont pas elles-mêmes les employeurs de ces salariés. Ce sont leurs adhérents qui le sont et ils bénéficient évidemment du TODE lorsqu’ils recourent à des saisonniers.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Même si elle est tardive, je me réjouis, monsieur Delaporte, de la conversion des socialistes au TODE ! De fait, nous ne pouvons que soutenir les Cuma, qui sont un outil d’autant plus précieux que la technique ne cesse de se développer, en particulier dans l’arboriculture.

M. François Gernigon (HOR). Monsieur le rapporteur général, il arrive que les Cuma emploient un chauffeur de moissonneuse-batteuse, par exemple, pour qu’il travaille dans différentes exploitations. Je suis, pour ma part, tout à fait favorable à l’extension du TODE aux Cuma et je regrette que les entreprises de travaux agricoles, qui exercent la même fonction, ne bénéficient pas de ce dispositif.

M. Arthur Delaporte (SOC). Notre amendement a été élaboré avec la Fédération nationale des Cuma ; il répond donc bien à un besoin. De fait, chaque année, les Cuma emploient directement 250 à 300 travailleurs saisonniers.

Monsieur Bazin, je précise que nos interventions précédentes avaient pour objectif de défendre le principe d’égalité et les droits des travailleurs. C’est encore le cas, en l’espèce : il n’est pas normal qu’un travailleur saisonnier ne puisse pas être embauché aux mêmes conditions par une Cuma et par un exploitant individuel.

M. Didier Le Gac (EPR). Si une garde partie des Cuma ne mettent que du matériel à la disposition de leurs adhérents, il arrive qu’elles recrutent du personnel, notamment pour éviter à un salarié de cumuler plusieurs contrats à temps partiel sur différentes exploitations. Sous toutes réserves, la mesure proposée ne concernerait, selon la Fédération des Cuma, que 250 à 300 travailleurs saisonniers chaque année, soit environ 1 000 contrats, un travailleur saisonnier pouvant signer plusieurs contrats courts. Son coût annuel pour l’État serait tout à fait raisonnable puisqu’il ne dépasserait pas 520 000 euros.

M. Nicolas Turquois (Dem). Il s’agit d’amendements de bon sens. Parmi les défis que l’agriculture doit relever figure celui des coûts de la mécanisation. Il convient donc de développer les modèles qui favorisent le partage de matériels, en particulier les Cuma. Par ailleurs, il arrive que ces coopératives emploient non seulement des salariés à l’année pour la conduite de matériels spécifiques, mais aussi des saisonniers, en particulier dans les régions arboricoles. Il est logique de les mettre sur un pied d’égalité avec les exploitants individuels.

M. Michel Lauzzana (EPR). Je suis très partagé, car d’autres systèmes se développent pour mettre du personnel à disposition des exploitants, notamment les groupements d’employeurs. Le TODE doit, me semble-t-il, être réservé aux agriculteurs individuels. Par ailleurs, les Cuma, dont l’activité se concentre sur des problèmes mécaniques, emploient peu de salariés saisonniers. Il serait donc peut-être excessif d’ajouter le TODE aux avantages dont elles bénéficient déjà par ailleurs – et qui sont justifiés, au demeurant.

M. le rapporteur général. Je partage la position de M. Lauzzana. En effet, les Cuma bénéficient déjà de divers dispositifs tels que l’exonération sous certaines conditions de l’impôt sur les sociétés, une aide spéciale du ministère de l’agriculture pour les investissements – à hauteur d’environ 1,5 million d’euros – et l’exonération de droits de timbre et d’enregistrement.

J’entends les arguments de MM. Le Gac et Turquois en faveur de l’égalité entre agriculteurs indépendants et Cuma, mais rappelons quelques chiffres : ces dernières seraient au nombre d’environ 11 000, et le dispositif proposé concernerait 250 à 300 salariés. À ce propos, je n’ai pas voulu dire tout à l’heure que les Cuma n’avaient pas de salariés, mais que ceux-ci ne sont pas éligibles au TODE, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas des travailleurs occasionnels. Ainsi, 86 % des salariés de ces coopératives occupent des emplois permanents, qui sont généralement rémunérés à hauteur de 1,2 à 1,25 Smic. Bref, la cible de la mesure proposée est donc très petite.

Enfin, le TODE vise à favoriser la production alors que les Cuma ont pour objet principal le partage d’investissements.

Toutefois, compte tenu de nos discussions, je vais donner en définitive un avis favorable à ces amendements qui permettront de mettre les agriculteurs et les Cuma sur un pied d’égalité et d’envoyer un signal positif au secteur agricole qui traverse une période difficile.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS869 de M. Damien Maudet

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). La pérennisation du dispositif TODE, qui a été annoncée à la suite de la mobilisation massive des agriculteurs au début de l’année 2024, ne permettra pas à ces derniers de vivre dignement de leur travail. Or la situation est dramatique : chaque jour, un agriculteur se suicide, faute de percevoir le sens de son activité ou de pouvoir en tirer un revenu décent. La loi Egalim du 30 octobre 2018 est un échec, et le Gouvernement aggrave encore la situation en signant des accords de libre-échange.

La solution qu’il propose consiste à porter le plafond d’exonération des cotisations patronales applicables pour l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi de 1,20 Smic à 1,25 Smic, et à pérenniser ce dispositif. Nous sommes opposés à ces deux mesures mais, par cet amendement de repli, nous proposons de renoncer à tout le moins à la pérennisation du TODE, qui pèse durablement sur les finances de la sécurité sociale.

M. le rapporteur général. Le dispositif a été borné, « déborné » puis « reborné » ; en somme, vous proposez de le « redéborner » ! Or les agriculteurs ont besoin de lisibilité. Du reste, les amendements précédents ont été votés quasiment à l’unanimité. Ne revenons pas sur le TODE, qui a pour avantage de favoriser la compétitivité des agriculteurs et de limiter le travail au noir, donc d’améliorer les cotisations des salariés occasionnels.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS518 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR). L’annexe 9 du PLFSS indique que « les dispositifs d’exonération ne conduisent pas à obérer les droits sociaux des personnes bénéficiaires ». On ne saurait mieux dire. C’est pourquoi, sur la base de la proposition de loi déposée par André Chassaigne et Marcellin Nadeau visant à garantir aux travailleurs saisonniers agricoles des conditions de travail et d’accueil dignes, nous demandons un rapport sur les évolutions du travail saisonnier agricole. Il est urgent de connaître avec précision les dynamiques à l’œuvre et les spécificités du salariat saisonnier agricole. Ce rapport devra présenter une analyse statistique détaillée de l’ensemble des formes de travail saisonnier agricole, secteur par secteur, en portant une attention particulière au développement de la sous-traitance. Il devra analyser l’ensemble des contournements du droit du travail relevés ou sanctionnés ces dernières années, et fournir une évaluation de l’ampleur de ces pratiques. Il devra enfin formuler des recommandations en faveur d’une amélioration concrète des droits et statuts de ces salariés, surtout en matière de santé au travail et de développement d’une culture de la prévention.

M. le rapporteur général. Vous avez oublié de le dire, mais vous avez prévu qu’un volet de ce rapport soit spécifiquement consacré aux effets du TODE dans les territoires ultramarins.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Amendement AS313 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Les jeunes agriculteurs doivent choisir entre le bénéfice du dispositif d’exonération de cotisations à l’assurance maladie des exploitants, qui leur est réservé, ou du taux dégressif lié aux revenus de l’activité. L’installation étant une période de défis économiques difficiles, l’article 5 les autorise à cumuler ces deux dispositifs.

Le dispositif destiné aux jeunes agriculteurs est toutefois réservé aux personnes de moins de 40 ans, ce qui constitue un critère dépassé : un tiers des agriculteurs nouvellement installés sont plus âgés. La Cour des comptes relève que les agriculteurs de plus de 40 ans ne peuvent prétendre qu’à 9 % des aides publiques à l’installation. Le présent amendement vise donc à supprimer la limite d’âge du dispositif, comme le demande la Confédération paysanne.

Nous soulignons toutefois qu’à long terme, les exonérations sociales ne permettent pas d’assurer la bonne protection sociale des agriculteurs : de telles mesures ne sont qu’un pansement posé sur les plaies dues à la crise de la rémunération d’un système agroalimentaire à bout de souffle.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

Le bornage à 40 ans vise à accélérer la transmission des exploitations agricoles, afin de favoriser le renouvellement des générations. Le périmètre a déjà été élargi au début des années 2000 : la mesure, qui était réservée aux jeunes agriculteurs âgés de 21 à 35 ans, s’applique désormais de 18 à 40 ans. J’ajoute que des dérogations existent, notamment en fonction du nombre d’enfants du demandeur, et que le pouvoir réglementaire peut en ajouter. Les autorités de gestion des fonds européens de la politique régionale disposent également de motifs de dérogation.

Par ailleurs, tout nouvel exploitant agricole peut bénéficier de l’aide à la création ou à la reprise d’une entreprise. Enfin, l’adoption de votre amendement entraînerait une perte de recettes supplémentaires pour le régime des non-salariés agricoles.

M. Yannick Monnet (GDR). La transmission des exploitations pose de vraies difficultés et, parfois, s’effectue tardivement. Cette mesure favoriserait le renouvellement. Il n’y a pas d’âge à privilégier. Il arrive que des reconversions professionnelles conduisent à conquérir des exploitations sans miser sur un agrandissement de celles qui existent.

M. Nicolas Turquois (Dem). La transmission se fait de parent à enfant, mais il arrive aussi que des personnes autour de 40 ans, qui ont déjà vécu une carrière professionnelle, ressentent le besoin de revenir à la terre. Le rapport à l’installation a changé. Peut-être ne faut‑il pas supprimer le plafond mais le rehausser, à 45 ans par exemple. En tout cas, la mesure favoriserait le renouvellement des générations et satisferait un besoin : la chambre d’agriculture me signale souvent des dossiers en difficulté en raison de la limite d’âge.

M. Philippe Vigier (Dem). Il faudra renouveler un tiers des agriculteurs dans les dix prochaines années. Nous devons nous donner tous les moyens pour y arriver. Il faut abolir cette limite d’âge théorique alors que, de façon générale, c’est un parcours du combattant qui attend les demandeurs de la dotation jeunes agriculteurs.

M. le rapporteur général. J’entends vos arguments. Cependant, monsieur Peytavie, vous ne proposez pas de nouvelle limite d’âge. Or on n’est pas jeune agriculteur toute sa vie. Je vous propose de retirer votre amendement et d’en déposer une nouvelle version, à laquelle nous pourrons travailler ensemble, pour l’examen en séance.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Il s’agit d’une aide à l’installation, qui est octroyée pendant cinq ans : peu importe l’âge du bénéficiaire. L’essentiel est de favoriser le renouvellement.

M. le rapporteur général. Je vous propose de sous-amender l’amendement. En effet, le dispositif ne concernerait plus les jeunes agriculteurs, mais les agriculteurs nouveaux dans la profession.

La réunion est suspendue de vingt-deux heures trente-cinq à vingt-deux heures quarante-cinq.

Sous-amendement AS1584 de M. Yannick Neuder

M. le rapporteur général. Je vous soumets un sous-amendement à l’amendement AS313 visant à préciser que les bénéficiaires du dispositif doivent être « nouvellement installés dans la profession ».

M. Sébastien Peytavie (EcoS). En moyenne, les agriculteurs s’installent à 36 ans. Le syndicat Jeunes Agriculteurs a d’ailleurs repoussé l’âge d’éligibilité de ses administrateurs de 35 à 38 ans. Bref, un décalage s’est opéré. Je pense que la nouvelle rédaction est juste, merci.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement AS313 sous-amendé.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Amendement AS248 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Le présent amendement vise à favoriser l’accès à la propriété des salariés. En 2023, on estime que 100 000 salariés primo-accédants ont échoué à obtenir un crédit. Pour les aider, plusieurs entreprises prennent en charge tout ou partie des intérêts du crédit immobilier, pour un coût annuel moyen de 1 727 euros. Le prêt subventionné par l’employeur est considéré comme un avantage en nature qui renforce l’apport personnel, améliorant la capacité d’emprunt tout en respectant les normes définies par le Haut Conseil de stabilité financière. Ce dispositif en complète d’autres : la participation des employeurs à l’effort de construction, le prêt à taux zéro (PTZ), le plan d’épargne entreprise et le plan d’épargne retraite d’entreprise collectif (Pereco). Même lorsque ces plans ont des visées différentes, comme le Pereco, les salariés les mobilisent pour acheter leur résidence principale en recourant au déblocage anticipé.

Il s’agit donc de faire bénéficier les entreprises du gel des cotisations sociales, hors contribution sociale généralisée, contribution pour le remboursement de la dette sociale et forfait social à 20 %, sur les sommes versées pour la prise en charge des intérêts du crédit immobilier d’un salarié primo-accédant. La mesure est limitée et elle aiderait les salariés concernés.

M. le rapporteur général. L’idée est intéressante mais le levier n’est pas le bon. Dans le cadre de l’impôt sur les sociétés, l’État offre déjà une aide fiscale à l’effort des entreprises, qu’il soit direct ou qu’elles passent par Action Logement. De plus, votre amendement prévoit précisément quels prélèvements seraient exclus mais il est flou quant à ceux qui seraient exonérés. J’ajoute que les décisions de la Banque centrale européenne amorcent une nouvelle baisse des taux de crédit et que les particuliers qui peinent à trouver une banque peuvent saisir le Médiateur du crédit. Enfin, les commissaires des finances travaillent à améliorer le PTZ pour l’immobilier neuf.

En attendant, demande de retrait ou avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). La quotité finançable par un PTZ est plafonnée ; pour le reste, il faut souscrire un prêt avec intérêts. Nous voulons inciter l’employeur à prendre en charge non pas le capital, mais les intérêts. Malgré la diminution des taux directeurs, ceux des crédits sont toujours supérieurs à 3 % contre moins de 1 % il y a trois ans. Une prise en charge de 1 700 euros pourrait solvabiliser certains primo-accédants. Le coût pour les finances publiques serait très limité, bien inférieur à celui du déblocage anticipé des plans d’épargne retraite. Certains opérateurs proposent déjà cette prise en charge. Ce dispositif aurait un fort effet d’entraînement, d’autant plus bénéfique que la question du logement constitue aussi un frein à l’emploi : 20 % des dirigeants des TPE et PME déclarent qu’ils ont du mal à recruter parce que les candidats ne peuvent se loger.

Je comprends que l’amendement doive encore être amélioré. Je le retire donc, monsieur le rapporteur général, en espérant que nous puissions le retravailler ensemble d’ici à l’examen en séance.

L’amendement est retiré.

Amendements AS347 de Mme Valérie Bazin-Malgras et AS130 de M. Pierrick Courbon (discussion commune)

Mme Josiane Corneloup (DR). Les associations, fondations et fonds de dotation sont essentiels pour le lien social mais leur financement repose en partie sur la générosité des particuliers et des entreprises. Or leur modèle économique s’est fragilisé, notamment à cause de la baisse des dons et des subventions, de l’inflation et des difficultés à recruter des bénévoles. Ces structures non lucratives se trouvent donc en difficulté, ce qui les oblige à offrir des salaires moindres : leurs métiers perdent leur attractivité alors qu’ils servent l’intérêt général et répondent à une demande croissante de travailler au sein de structures engagées.

L’amendement AS347 vise à les soutenir en les exonérant de la taxe sur les salaires.

Mme Fanny Dombre Coste (SOC). L’amendement AS130 est défendu.

M. le rapporteur général. Certes, il faut redonner une marge de manœuvre aux structures non lucratives du secteur social et médico-social. Il faudrait proposer un taux unique de 4,25 % pour les hôpitaux publics et les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS).

Je vous propose de retirer ces amendements, et ceux de la discussion commune qui suit, afin de travailler à une rédaction commune pour l’examen en séance publique. Sinon, avis défavorable.

Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement AS348, qui va suivre, vise précisément à supprimer les deux taux majorés pour ne conserver qu’un taux unique de 4,25 %.

M. le rapporteur général. Le champ de l’amendement est trop large : l’allégement bénéficierait aussi aux fondations d’entreprise, qui sont parfois bien dotées. Il faut préciser la rédaction.

M. Stéphane Viry (LIOT). Les fondations d’entreprise peuvent effectivement être dotées de moyens significatifs, voire de patrimoine. Le tissu associatif, lui, se porte moins bien qu’avant, alors qu’il est pourvoyeur d’emplois. Les associations assurent souvent le dernier kilomètre du maillage territorial, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Le coût du travail leur pose une difficulté pour embaucher. On ne peut pas continuer comme ça. Par nature, les associations sont supposées être de bonne foi et d’intérêt général. Ce PLFSS gagnerait à alléger le coût du travail, dans un esprit de solidarité nationale. Peut-être faut-il revoir la rédaction pour sécuriser le dispositif mais dans ce cas, monsieur le rapporteur général, je vous demande d’y mettre toute votre ardeur.

M. le rapporteur général. Je m’engage à retravailler la rédaction pour l’examen en séance publique et j’invite les auteurs de tous les amendements concernés à se manifester avant de les redéposer, pour que nous trouvions une solution commune.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS348 de Mme Valérie Bazin-Malgras, AS1001 de M. Jean-Claude Raux et AS749 de M. Pierrick Courbon (discussion commune)

Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement AS348 est défendu.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). L’amendement AS1001 est défendu.

Mme Fanny Dombre Coste (SOC). L’amendement AS130 est défendu.

M. le rapporteur général. Ces amendements doivent être remaniés dans le même mouvement que les précédents, pour redonner des marges aux structures non lucratives qui sont pourvoyeuses d’emplois dans le secteur sanitaire.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS832 de Mme Zahia Hamdane

M. Damien Maudet (LFI-NFP). La taxe sur les salaires (TS) pèse injustement sur les hôpitaux : elle leur coûte 4 milliards d’euros chaque année, somme à mettre en regard de leur niveau de déficit. Le présent amendement vise donc à supprimer cette taxe. Cela permettrait aux établissements d’augmenter les salaires et d’attirer des soignants. Nous appelons à trouver d’autres moyens de financement.

M. le rapporteur général. Il n’y a pas de double paiement : les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) gérés par un établissement public sont exonérés de la TVA et paient donc la TS ; par exception, ceux qui sont rattachés aux collectivités territoriales ou gérés par un centre communal d’action sociale paient la TVA mais sont exonérés de la TS.

À cause du manque de clarté du cadre précédemment en vigueur, certains Ehpad ont payé ou éludé le mauvais impôt. Ils peuvent demander aux services fiscaux l’étalement du paiement ou une remise gracieuse. Pour ce faire, une commission de suivi réunit dans chaque département depuis septembre 2023 la direction départementale des finances publiques, l’agence régionale de santé, le conseil départemental et l’Urssaf. Mieux vaut laisser ce travail se dérouler à l’échelle des départements que remettre une pièce dans la machine : si cela n’aboutit pas, nous pourrons y revenir. Comme je le disais il y a un instant, l’adoption d’un taux unique pour les hôpitaux publics et les ESMS constituerait un bon compromis et nous aborderons cette question à propos des amendements que nous devons retravailler pour la séance.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Laurent Panifous (LIOT). Les Ehpad publics autonomes et les hôpitaux, n’étant pas assujettis à la TVA, sont assujettis à la TS. Une décision politique avait exonéré ces établissements de la TS parce que les salaires représentent un coût pour les associations et pour les secteurs public et privé non lucratif, mais le Conseil d’État en a décidé autrement en 2023.

Le coût des salaires pour les établissements publics autonomes et les hôpitaux est plus élevé qu’ailleurs. Or nous avons créé la convergence tarifaire, de sorte que les établissements publics reçoivent la même dotation de soins que les établissements privés, comme ces derniers le demandaient. La situation est injuste : les salaires représentent entre 70 et 80 % des charges des établissements et ils coûtent plus cher dans le public que dans le privé, du fait de la TS : la concurrence est déloyale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1002 de M. Jean-Claude Raux

M. Sébastien Peytavie (EcoS). L’amendement est défendu.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Le dispositif de l’amendement va à l’encontre de l’intention de son auteur.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS442 de M. Paul-André Colombani

M. Laurent Panifous (LIOT). La crise climatique et les crises sanitaires frappent le monde agricole. Les éleveurs sont notamment confrontés à la fièvre catarrhale ovine, qui connaît un nouveau stéréotype. Dans de nombreux départements, elle provoque une forte mortalité du bétail ; la production diminue et les éleveurs doivent faire face à des restrictions sanitaires, à des frais vétérinaires liés aux traitements et à la vaccination, aux mesures de confinement, à la restriction des exportations et à la baisse de la fertilité. Les aides de la MSA sont insuffisantes pour compenser le choc. Nous proposons donc une exonération ponctuelle des cotisations sociales pour les éleveurs concernés, sur les revenus de la seule année 2024.

M. le rapporteur général. La fièvre catarrhale ovine a frappé de nombreux départements. Depuis le 9 août, l’État a pris en charge d’une part la visite des établissements suspects – comprenant le recensement des animaux concernés et la prescription des mesures sanitaires – à hauteur de six fois le montant de l’acte médical vétérinaire ; ensuite les prélèvements de sang destinés au diagnostic – même si je sais les difficultés que certains éleveurs ont rencontrées pour obtenir les résultats ; et enfin la fourniture gratuite de 11,7 millions de doses de vaccin. Si vous estimez que c’est insuffisant, les mesures complémentaires relèveraient moins du PLFSS que des crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales du projet de loi de finances de fin de gestion.

Avis défavorable.

M. Stéphane Viry (LIOT). La filière de l’élevage ovin est en grande difficulté. La ministre Genevard a d’ailleurs écrit à tous les parlementaires pour leur signifier que l’État entend continuer à apporter des réponses aux agriculteurs, au-delà des décisions déjà opportunément prises.

Vous nous invitez à surseoir et à renoncer à exercer notre compétence en attendant l’examen d’un projet de loi de finances de fin de gestion. Seulement, le texte qui nous est soumis est le PLFSS. Nous proposons une mesure bien bordée, temporaire et conditionnée, puisque l’éleveur devra faire vacciner l’intégralité de son cheptel pour en bénéficier. Je comprends votre réponse, mais je ne peux y souscrire : nous devons prendre nos responsabilités immédiatement. La filière ne peut pas attendre.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je partage pleinement le constat qui est fait quant à la difficulté des filières touchées par la fièvre catarrhale ovine, mis il ne me semble pas qu’une baisse de cotisations sociales soit la meilleure façon de pallier une perte de revenus liée à une maladie animale. L’agriculteur que je suis connaît bien les conséquences de tous les dispositifs d’exonération adoptés au fil du temps : dans le domaine des retraites, notamment, ils se traduisent, vingt ou trente ans après, par de faibles pensions versées aux exploitants, ces derniers ayant trop peu cotisé pour acquérir des droits.

Le soutien à la filière doit passer par l’action du ministère de l’agriculture et par des aides budgétaires, et non par la protection sociale, qui ne présente pas de rapport direct avec les problèmes sanitaires rencontrés dans les élevages. Vous proposez d’apporter un mauvais remède à un problème réel.

Mme Josiane Corneloup (DR). La fièvre catarrhale ovine est une catastrophe qui touche progressivement l’ensemble du territoire national. Elle a de graves conséquences pour les agriculteurs, déjà fortement affectés par des incidents climatiques ou encore, dans ma circonscription de Saône-et-Loire, par les dégâts causés par le loup.

Dans ce contexte, même si j’entends les arguments du rapporteur général, j’estime qu’un signe fort adressé aux éleveurs serait le bienvenu, qu’il prenne la forme d’une exonération de cotisations sociales – celle qui est proposée me semble intéressante dans la mesure où elle est temporaire et limitée – ou d’aides ponctuelles.

M. le rapporteur général. Croyez bien, monsieur Viry, que nous sommes tous conscients de la détresse des éleveurs, qui ont subi de nombreuses pertes – non seulement celles de leurs bêtes, mais aussi les pertes économiques liées aux problèmes de fertilité dont souffriront les animaux après la maladie, et qui affecteront la production d’animaux pour la période de Pâques.

Les conséquences des maladies animales sont traditionnellement prises en charge par le budget du ministère de l’agriculture. Le signe que Mme Corneloup appelle de ses vœux devrait donc plutôt prendre la forme d’une mesure annoncée par la ministre compétente dans un projet de loi de finances de fin de gestion. Je partage d’ailleurs l’avis de M. Turquois : un allégement de cotisations risquerait, à terme, de dégrader l’équilibre général du régime. Mieux vaut une mesure économique pour compenser une perte économique.

Je maintiens donc mon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS615 de Mme Karine Lebon

M. Yannick Monnet (GDR). Le code rural et de la pêche maritime prévoit des exonérations de cotisations pour les exploitations de moins de 40 hectares dans les territoires d’outre-mer. Si l’exploitation grandit, l’exonération est maintenue seulement pour cinq ans, et seulement si l’agrandissement respecte diverses conditions quant à la nature de l’exploitation. L’amendement vise à supprimer ces conditions.

En effet, le droit en vigueur empêche tout simplement les exploitants ultramarins de s’étendre, alors même que l’agrandissement des fermes joue un rôle important dans l’amélioration du revenu agricole dans ces territoires qui sont principalement composés de petites exploitations. Nous voulons permettre aux agriculteurs de s’agrandir dans de bonnes conditions.

M. le rapporteur général. Je suis très sensible au juste traitement des entreprises ultramarines, qui sont soumises à d’importantes difficultés structurelles et conjoncturelles. Vous avez raison de souligner les problèmes auxquels se heurtent les agriculteurs souhaitant augmenter leurs volumes de production.

Il me paraîtrait toutefois plus pertinent d’agir par le biais de mesures de nature réglementaire. Il faut préserver l’exigence de diversification, indispensable pour tirer les revenus des agriculteurs vers le haut. Cette démarche est d’ailleurs largement subventionnée par l’État. Il faut aussi conserver le délai de cinq ans, qui suffit généralement à l’entrepreneur pour trouver un modèle économique solide.

En revanche, je reconnais que certains coefficients de pondération sont trop exigeants. À La Réunion, par exemple, ils ont été fixés à 4 pour la banane, à 8 pour le maraîchage de plein champ, à 10 pour la vanille sur tuteur, les ananas ou les fraises, ou encore à 20 pour le safran ou le gingembre. C’est sur ces multiplicateurs qu’il faut travailler, avec la MSA, la caisse générale de sécurité sociale et les ministères de l’agriculture et des outre-mer, en vue de limiter la consommation d’espace. Ce travail relève strictement du domaine réglementaire.

J’émets donc un avis défavorable, même si je souhaite qu’un travail soit enclenché sur cette question.

Mme Béatrice Bellay (SOC). Puisque vous connaissez bien les territoires d’outremer, je vous invite, lorsque vous parlez de l’un d’entre eux, à ne pas généraliser vos propos à tous les autres – je préfère d’ailleurs, à titre personnel, parler de pays et d’océans, qui ne sauraient être considérés comme un bloc monolithique.

L’exigence de diversification est évidemment liée à la taille du territoire. Le fait de l’imposer à des agriculteurs qui ont déjà des difficultés à s’implanter et de lui subordonner des mesures d’aides alors même que le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité ne s’inscrit pas encore dans cette démarche pose problème. Je souhaite donc participer au travail que vous avez évoqué, afin que les règles s’adaptent à chacun des territoires concernés.

M. Yannick Monnet (GDR). Au-delà de ce travail, j’insiste sur le fait que le modèle économique n’est pas le même selon que l’exploitation s’étend sur 40 hectares ou sur 200. Notre amendement ne vise pas à étendre les exonérations existantes, mais à les maintenir pour les 40 premiers hectares, y compris si l’agriculteur s’agrandit en restant dans la même culture, ce que ne permet pas le droit existant. Il est normal d’encourager la diversification, mais il est parfois plus facile de s’étendre que de se diversifier. Alléger les conditions d’exonération donnerait un peu de souplesse aux exploitants.

M. Elie Califer (SOC). Merci de laisser une porte ouverte, monsieur le rapporteur général, mais la difficulté qu’éprouvent les exploitants ultramarins à sortir de la monoculture est réelle. Chez nous plus qu’ailleurs semble s’exercer une volonté de faire respecter les règlements au-delà de l’intelligible. Le problème soulevé par Karine Lebon n’est pas simplement réglementaire, mais véritablement structurel. Il s’agit de faire en sorte que les exploitants puissent sortir de la monoculture. C’est la raison pour laquelle nous soutenons cet amendement, tout en acceptant volontiers votre offre de collaboration.

M. Philippe Vigier (Dem). Les députés ultramarins qui se sont exprimés ont totalement raison. Prenons l’exemple de la Guyane, où l’État, jusqu’à présent propriétaire de l’ensemble du foncier agricole, en a cédé une partie, dont 250 000 hectares aux collectivités : deux ans et demi ont été nécessaires simplement pour rendre la société d’aménagement foncier et d’établissement rural opérationnelle, si bien que le processus ne fait que commencer.

Alors que le problème de la souveraineté alimentaire et de la vie chère se pose, il ne s’agit pas de créer un nouveau système, mais de maintenir l’exonération déjà existante pour les 40 premiers hectares tout en garantissant une certaine solidité aux exploitations qui parviendraient à s’agrandir. J’appelle donc le rapporteur général à examiner cet amendement avec indulgence. Au-delà des bonnes intentions, nous devons être crédibles dans le soutien que nous apportons aux territoires ultramarins.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je ne me permettrai pas de parler au nom des territoires ultramarins, dont je ne connais pas toutes les spécificités, mais la situation que vous décrivez me fait penser à celle qui prévalait auparavant sur le territoire hexagonal : les agriculteurs étaient soumis à une cotisation forfaitaire en deçà d’une certaine superficie et à un calcul au réel au-delà. Ces seuils ont été transformés pour s’appliquer désormais au chiffre d’affaires réalisé plutôt qu’à la surface pondérée en fonction de la culture, ce qui apporte davantage de souplesse et reflète mieux la réalité des exploitations. Peut-être serait-il possible d’appliquer une solution de ce type aux territoires ultramarins.

Mme Béatrice Bellay (SOC). Nous soutenons cet amendement également en raison des difficultés importantes auxquelles se heurtent les jeunes agriculteurs pour s’installer. Parce qu’ils commencent par exercer sur de petites parcelles et doivent s’acquitter de frais initiaux élevés – les intrants, le matériel –, ils ont besoin de visibilité et ne doivent pas être restreints dans leur développement par les coûts que l’agrandissement pourrait entraîner, notamment dans les exploitations familiales qui ne s’étendent que progressivement.

M. le rapporteur général. Si j’ai donné des exemples s’appliquant plus particulièrement à La Réunion, ce n’est pas parce que je perçois l’outre-mer comme un bloc monolithique, mais parce que l’amendement a été déposé par Mme Lebon. J’ai bien conscience des spécificités que présente chaque territoire.

J’entends bien les difficultés qui entravent les démarches de diversification en outre‑mer. Il est cependant bien inscrit, dans le texte même de l’amendement, que les conditions d’exonération devront être « déterminées par décret ». Je maintiens donc ma proposition : la meilleure façon d’avancer sur cette question étant de prendre des mesures de nature réglementaire, il me semble préférable d’ajouter ce thème au programme du groupe de travail sur l’outre-mer, que j’invite d’ailleurs M. Vigier à rejoindre.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS572 de M. Didier Le Gac et AS1225 de M. Thibault Bazin, sous-amendement AS1585 de M. Yannick Neuder

M. Didier Le Gac (EPR). Il s’agit ici de revenir sur un dispositif adopté en LFSS 2024 afin de simplifier le calcul des cotisations sociales des travailleurs indépendants, en créant une assiette unique, et d’améliorer les droits à la retraite des exploitants agricoles.

Dès son adoption, ce dispositif, dont l’entrée en vigueur est prévue en 2026, a suscité de fortes interrogations et inquiétudes chez les exploitants agricoles, qui les ont exprimées lors de leur mobilisation du printemps dernier. Le texte prévoit en effet un élargissement de l’assiette sociale et ne reconduit pas certains mécanismes fiscaux, comme l’étalement fiscal des subventions d’équipement et des plus-values à court terme, le régime d’exonération des plus-values en cas de transmission de l’exploitation individuelle, ou encore l’étalement de certains produits d’assurance.

Afin de ne pas pénaliser les exploitants et conformément aux engagements du Gouvernement, je propose de corriger ces éléments en rétablissant l’assiette originelle.

M. Thibault Bazin (DR). La modification de l’assiette, très attendue par les agriculteurs et les indépendants, a été introduite par un amendement gouvernemental qui n’était assorti d’aucune étude d’impact. Le ministère devait nous transmettre des simulations permettant d’identifier les gagnants et les perdants de cette réforme et de connaître son articulation avec d’autres dispositifs. Nous avons peiné à les obtenir, mais il est vrai que la question est complexe. Les premières études montrent néanmoins que si certaines spécificités sont maintenues, d’autres ont été supprimées. Il y a donc urgence à corriger le tir, dès le présent PLFSS, avant l’entrée en vigueur des modifications au 1er janvier 2026 – puisque les cotisations sont calculées sur la base de l’assiette de revenus de l’année précédente et même, pour certaines, sur une base triennale.

C’est l’objet de cet amendement, qui devra peut-être encore évoluer au cours de la navette parlementaire, notamment pour prendre en compte les évolutions prévues concernant le calcul des retraites des exploitants agricoles ou la réforme des allègements généraux de cotisations patronales.

M. le rapporteur général. Vous voulez éviter l’élargissement de l’assiette des exploitants agricoles et insistez sur la nécessité d’agir dès maintenant pour éviter son entrée en vigueur au 1er janvier 2026. Il s’agirait d’exclure de l’assiette les plus-values de cession, qui ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu ; les plus-values à court terme, pour lesquelles le paiement de l’impôt sur le revenu est étalé sur trois ans ; les profits résultant d’une indemnité d’assurance vie, dont le paiement est étalé sur cinq ans ; et les subventions publiques octroyées pour la création ou l’acquisition de biens d’équipement, qui peuvent être rapportées aux bénéfices au rythme de leur amortissement.

La rédaction de vos amendements n’étant pas parfaite, je ne pourrai y donner un avis favorable que sous réserve de l’adoption du sous-amendement AS1585. Il vise à supprimer la mention de l’article 238 quindecies du code général des impôts ainsi que les alinéas 6 et 7 des amendements, qui renvoient à des dispositions sans lien avec votre objectif ou à des demandes déjà satisfaites. S’agissant des subventions d’équipement, il paraît en outre plus sûr d’inclure explicitement les non-salariés agricoles en renvoyant à l’article L. 136‑3 du code de la sécurité sociale plutôt qu’à l’article 42 septies du code général des impôts.

La commission rejette successivement le sous-amendement et les amendements.

Amendements identiques AS536 de M. Yannick Monnet et AS789 de M. Hadrien Clouet

M. Yannick Monnet (GDR). Après avoir travaillé dans un esprit transpartisan, il est parfois bon d’en revenir à des clivages politiques traditionnels ! Par cet amendement, nous proposons de régler d’un seul vote le problème de l’hôpital public, en récupérant les 2,47 milliards d’euros perdus du fait de la désocialisation des heures supplémentaires. Au‑delà du manque à gagner important qu’elles entraînent pour les comptes de la sécurité sociale, ces heures supplémentaires désocialisées posent la question du partage du temps de travail et de l’emploi en général. En votant cet amendement, vous pourrez ainsi régler deux sujets en un.

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Par l’amendement AS789, nous souhaitons en effet mettre fin à l’exonération de cotisations vieillesse sur les heures supplémentaires, qui coûte chaque année près de 2 milliards d’euros. Alors qu’on nous répète que notre système de protection sociale est en danger, ces exonérations coûtent un pognon de dingue ! La vérité, c’est que les gouvernements Macron successifs ont creusé le déficit qu’ils dénoncent désormais, sans compenser les pertes infligées à la sécurité sociale. Comment justifier qu’on saigne ainsi notre modèle social tout en faisant payer la note aux travailleurs ?

Au lieu d’adopter une politique qui favorise l’emploi et valorise réellement le travail en augmentant les salaires, on se contente d’une solution de court terme. Soyons clairs : ce gouvernement préfère contourner la question de l’augmentation générale des salaires en encourageant le recours aux heures supplémentaires exonérées de cotisations plutôt que d’encourager l’embauche ou de revaloriser le travail. Avec vous, ce n’est pas travailler plus pour gagner plus, mais travailler plus longtemps pour toucher moins de retraite ! Il en résulte une précarisation accrue et une attaque en règle contre les salaires socialisés, qui sont pourtant l’un des socles de la solidarité nationale. Pour les salariés qui bénéficient de ces avantages fiscaux, c’est la double peine : d’une part, ils cotisent moins pour leur retraite ; d’autre part, on leur impose de travailler deux ans de plus.

La réforme des retraites est profondément injuste et injustifiée. Elle est contestée par plus de 90 % des travailleurs et touche surtout les femmes et les plus précaires. Vous l’aviez motivée en invoquant le déficit des caisses de retraite : arrêtez donc de les vider.

M. le rapporteur général. Je ne partage absolument pas votre vision du travail, qui serait soit un gros gâteau à découper, soit une maladie dont il faudrait réduire la durée pour guérir vite. J’estime au contraire qu’il faut encourager les salariés à effectuer des heures supplémentaires pour gagner plus, et surtout accompagner les entreprises pour que ces heures leur coûtent moins cher. C’est par cette création de valeur, et en permettant aux salariés de travailler dans de meilleures conditions, que nous pourrons améliorer notre système social.

Je précise que l’exonération que vous souhaitez supprimer ne concerne que les cotisations vieillesse. Elle a un effet positif sur l’économie, car plus il y a de volume de travail, plus il y a de valeur ajoutée et plus il y a d’embauches. À l’inverse, moins d’heures travaillées, c’est une baisse de la production, une hausse des licenciements et une stagnation des salaires.

Avis défavorable.

M. Hendrik Davi (EcoS). Je soutiens ces amendements ; nous devrions même revenir sur l’ensemble des exonérations, au-delà des cotisations vieillesse.

Contrairement à vous, je ne pense pas que les heures supplémentaires soient une bonne chose, car non seulement elles empêchent de recruter, mais encore elles sont délétères pour les salariés – il n’y a qu’à voir l’épidémie de burn-out qui sévit depuis plusieurs années, sans parler du coût qu’elle a pour la sécurité sociale.

Vous entretenez l’illusion qu’un salarié qui effectue des heures supplémentaires exonérées touche des primes plus élevées. Cela peut effectivement lui paraître plus intéressant sur le moment, mais à terme, cela lui coûtera : ce qu’il ne cotise pas à la sécurité sociale, il devra le payer à une complémentaire santé – rappelons que le Gouvernement a décidé de relever le ticket modérateur, pour un coût de 1 milliard d’euros. Dans ce transfert de charges du public vers le privé, le salarié est perdant.

M. Yannick Monnet (GDR). Je suis attaché à la valeur travail, et peut-être même plus que la droite, puisque je suis partisan du travail rémunéré ; or les cotisations sont du salaire différé. Je ne suis pas opposé aux heures supplémentaires occasionnelles, liées à un pic d’activité, même si je préfère évidemment les embauches. Toutefois, les exonérations amputent une partie du salaire, ce qui est totalement injuste. Nous souhaitons que les gens soient payés, y compris quand ils réalisent des heures supplémentaires.

M. Jérôme Guedj (SOC). La désocialisation des heures supplémentaires depuis 2019 est un vrai scandale, car il s’agit de la seule exonération qui ne soit pas compensée par le budget de l’État. L’obligation pour l’État de compenser intégralement les exonérations de cotisations sociales est pourtant prévue par la loi du 25 juillet 1994 voulue par Simone Veil – remercions-la – et confirmée par la loi organique de 2005.

L’État décide d’exonérer certaines cotisations pour des motifs illusoires – ce serait bon pour l’emploi ou le pouvoir d’achat –, mais il s’exonère lui-même de les compenser. Cela représentera un manque à gagner de 2,673 milliards d’euros pour la sécurité sociale en 2025. Si nous avons un combat à mener, c’est bien celui-là. L’État organise l’appauvrissement de la sécurité sociale, d’où un déficit cumulé de 15 milliards transféré à la Caisse d’amortissement de la dette sociale.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Nous ne partageons pas votre philosophie du travail, chers collègues – cela n’a rien d’étonnant, quand votre famille politique prône le droit à la paresse. L’idée n’est pas nouvelle : dès la fin du XIXe siècle, un ancien anarchiste marxiste, Paul Lafargue, écrivait dans son pamphlet Le Droit à la paresse : « le travail est la cause de toute dégénérescence intellectuelle, de toute déformation organique ». Nous sommes loin de la fierté ouvrière dont le Parti communiste français s’est fait le porte-parole pendant des décennies ; loin des affiches placardées par une certaine gauche communiste, ce « parti de la classe ouvrière, du peuple et de la nation », qui intimaient : « Fabriquons français, retroussons nos manches ! »

Vous voulez rendre 2 milliards d’euros au budget, mais ces 2 milliards, vous les piocherez dans la poche des Français, de ceux qui travaillent, qui produisent et qui créent de la richesse. Nous voterons donc contre ces amendements.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Paul Lafargue n’était pas un anarchiste, monsieur Dussausaye, puisqu’il fut marxiste, membre de la première Internationale, adhérent du Parti ouvrier français et de la SFIO. C’est une question de culture générale – on ne peut pas tout avoir, vous ne l’avez pas.

J’en viens aux amendements. Les heures supplémentaires sont accomplies à la demande de l’employeur au-delà de la durée légale de travail. Vous souhaitez qu’elles soient moins payées, puisque vous les amputez de cotisations qui constituent une partie du salaire et qui, versées à des caisses, permettent de mutualiser les risques et d’exercer du pouvoir collectivement.

L’exonération des cotisations vieillesse a un coût excessif, de près de 2 milliards d’euros par an. Une partie de la droite dira ensuite qu’il manque de l’argent dans les caisses et qu’il faut repousser l’âge de départ à la retraite ! Somme toute, on mettra de l’argent dans la poche gauche du salarié, mais on lui retirera des mois de retraite de la poche droite.

En voulant allonger la durée de travail hebdomadaire, vous allongez en réalité le temps de travail au cours de la vie, puisque vous videz les caisses de l’assurance vieillesse. Vous dissuadez aussi les entreprises d’embaucher pour absorber leur surcroît d’activité. En résumé, vous souhaitez travailler plus ; nous, nous souhaitons travailler tous.

M. Thibault Bazin (DR). L’exonération des heures supplémentaires n’est pas le renoncement à un salaire différé. Elle ne diminue en rien les droits à la retraite.

M. Hendrik Davi (EcoS). Si, puisque ce sont des heures où l’on travaille sans cotiser pour sa retraite !

M. Thibault Bazin (DR). Les heures supplémentaires ouvrent bien des droits à la retraite ! Il est important de le rappeler.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). L’attaque du droit à la paresse est cocasse, venant d’un parti qui revendique la valeur travail mais qui ne sait pas justifier un vrai travail par un vrai agenda... Les emplois fictifs, c’est tout de même du faux travail !

L’exonération est une manière d’encourager les salariés et les employeurs à recourir aux heures supplémentaires, mais elle empêche aussi les entreprises d’embaucher pour faire face aux surcroîts d’activité. C’est une manière de flexibiliser le temps de travail des salariés. La proposition d’Hadrien Clouet est donc pleinement justifiée.

Je rappelle aussi que la diminution du temps de travail est un des leviers de la lutte contre les émissions de CO2 et le réchauffement climatique. Alors que la France est noyée sous les inondations, vous ne pourrez pas repousser éternellement ce débat. Le travail fait partie des choses que nous devons ralentir dans notre société.

M. le rapporteur général. Nous ne partageons pas votre volonté de ralentir le travail, madame Rousseau. Je pense au contraire qu’on ne sortira la France de son déficit économique que par le travail.

Notre ancienne rapporteure générale, Mme Rist, avait calculé que, pour un salarié au Smic, effectuer quatre heures supplémentaires par semaine – et donc passer à trente‑neuf heures – implique un gain net de plus de 300 euros par an. C’est donc favorable au pouvoir d’achat.

Par ailleurs, vous avez raison, monsieur Guedj, la non-compensation des exonérations par l’État est un vrai problème.

Enfin, vous vous revendiquez du parti du travail, monsieur Dussausaye, mais votre parti a voté contre l’obligation d’effectuer quinze heures d’activité hebdomadaires en contrepartie du RSA. Ce n’est pas la meilleure défense de la valeur travail !

La commission rejette les amendements.

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3.   Réunion du mardi 22 octobre 2024 à 19 heures 20 (après l’article 5)

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.15580265_6717b49aecf3a.commission-des-affaires-sociales--suite-de-l-examen-du-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite--22-octobre-2024

La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 325) (M. Yannick Neuder, rapporteur général ; M. Guillaume Florquin, M. Louis Boyard, Mme Sandrine Rousseau et M. Jean-Carles Grelier, rapporteurs)

Amendements AS103 et AS104 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). L’exonération de cotisations patronales sur les heures supplémentaires prend la forme d’une déduction forfaitaire de 1,50 euro par heure supplémentaire pour les entreprises de moins de 20 salariés et de 50 centimes pour celles de moins de 250 salariés. Elle amoindrit les recettes de la sécurité sociale d’environ 845 millions d’euros en 2023, contre 595 millions en 2019. Elle a été jugée peu efficiente par le rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales en juin 2011 et le dispositif n’a pas fait l’objet d’une nouvelle évaluation dans sa configuration issue de la loi de 2012, ni à propos de la loi du 16 août 2022. Cette niche sociale, qui a été rétablie en 2022, n’est donc pas du tout évaluée.

C’est pour ne pas toucher au pouvoir d’achat des salariés des classes moyennes et populaires qui font des heures supplémentaires que nous vous proposons de revenir sur l’exonération des seules cotisations patronales, ce qui accroîtra les recettes de la sécurité sociale de quelque 900 millions d’euros l’année prochaine.

Notre myopie est telle que nous conservons une exonération de cotisations patronales dont nul ne peut dire si elle est incitative ou non pour les entreprises. Quel serait l’effet dissuasif de la suppression que nous proposons ? Et il existe 141 exonérations de cotisations sociales, toutes insuffisamment évaluées.

Le second amendement est de repli. Il tend à limiter la « resocialisation » aux salariés dont la rémunération dépasse quatre fois le Smic – soit les déciles supérieurs de revenu. À ce niveau, la suppression des exonérations, qui s’étendrait cette fois aux cotisations salariales, serait de peu d’effet sur le pouvoir d’achat de salariés qui appartiennent à la catégorie des cadres.

M. Yannick Neuder, rapporteur général. La déduction que vous visez marque notre soutien aux TPE et PME : ce sont plutôt leurs salariés qui effectuent des heures supplémentaires ; en effet, celles-ci décroissent avec la taille de l’entreprise. En outre, ce sont les ouvriers et les employés qui en font, plutôt que les cadres.

Quatre heures par semaine pour revenir à 39 heures de travail hebdomadaire représentent 300 euros : c’est du pouvoir d’achat en plus.

Avis défavorable aux deux amendements.

M. Thibault Bazin (DR). Je suis d’accord avec Jérôme Guedj pour dire que les dispositifs en vigueur doivent être évalués et qu’il est dommage que celui dont nous parlons ne l’ait pas été. N’oublions toutefois pas le contexte d’août 2022 : il s’agissait d’apporter une réponse rapide à une forte demande de pouvoir d’achat.

Vous dites que la suppression de l’exonération ne changera rien mais, pour inciter l’employeur à offrir des heures supplémentaires, il faut que le surcoût en soit modéré. Certains modulent le volume de ces heures en fonction de leur coût. Notre pays a besoin de créer de la valeur, pour les entreprises comme pour les salariés. Ne les opposons pas ; il faut une alliance entre eux.

Ceux qui touchent quatre fois le Smic ne sont pas la majorité des cadres, mais plutôt les cadres dirigeants, pour lesquels la notion d’heures supplémentaires n’est plus pertinente.

Vous parlez dans l’exposé sommaire de partage du travail, mais chacun sait que ce n’est pas en limitant le temps de travail que l’on crée des emplois, surtout dans nos TPE et PME.

M. Philippe Vigier (Dem). Nous nous opposerons nous aussi aux amendements.

Selon l’exposé sommaire, l’exonération est « vendue comme une mesure de pouvoir d’achat » ; mais c’en est bien une, qui repose d’ailleurs sur le volontariat.

Il poursuit : « ce dispositif contrevient au partage du travail ». Revoilà les grands discours de l’époque des 35 heures – « vous allez voir ce que vous allez voir, on va créer 1,5 million ou 2 millions d’emplois ». Mais la gauche, quand elle était au pouvoir, n’est pas revenue sur la défiscalisation des heures supplémentaires, car celle-ci offre de la souplesse.

Enfin, grâce à l’aide différenciée selon le nombre de salariés, la mesure s’adapte aux entreprises. En effet, le sujet est plus sensible dans les petites entreprises, ce qui nécessite un accompagnement plus poussé.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Depuis le début de nos débats, personne parmi les soutiens du Gouvernement n’a été capable de nous dire où nous allons – une question pourtant cruciale dans la situation difficile où nous sommes. Un certain nombre d’exonérations ont déjà été votées. Ici, nous proposons une recette supplémentaire, faisant preuve de bonne volonté envers un gouvernement que nous estimons pourtant illégitime ; mais vous nous répondez que ce n’est pas possible.

M. le rapporteur général parle des ouvriers et employés, mais je n’en ai jamais croisé qui gagne plus de quatre Smic. Cet argument n’est donc pas recevable s’agissant de l’amendement de repli. En réalité, ce sont les cadres que vous défendez.

Ce que l’on a constaté ces dernières années n’était pas une explosion de la dépense, mais l’effet des indexations sur l’inflation. En revanche, on a bien observé une baisse des recettes. Le pari était qu’elle allait stimuler la croissance, laquelle accroîtrait les recettes en retour. La situation économique du pays montre que ce n’est pas ce qui s’est passé.

Votez au moins l’amendement de repli AS104.

M. Yannick Monnet (GDR). Notre collègue Bazin a parlé d’« offrir » des heures supplémentaires. Mais les employeurs ne font pas la charité aux salariés qui effectuent ces heures ! Quand elles sont nécessaires, c’est que le salarié produit de la richesse pour l’entreprise et cela mérite rétribution – une rétribution complète, donc intégrant les cotisations.

M. Stéphane Viry (LIOT). Je considère ces amendements comme des amendements d’appel, des amendements militants, liés aux convictions de Jérôme Guedj au sujet du travail. Mais l’exonération visée est une mesure de pouvoir d’achat qui valorise le travail, non un cadeau aux entreprises. Modifier ainsi le coût du travail serait revenir à contretemps sur la logique précédemment adoptée. Un débat profond sur le financement global de la sécurité sociale ne serait pas inopportun – nous allons reparler de sujets importants à l’article 6 –, mais ne procédons pas ainsi par petits morceaux. Vu la situation du pays, la priorité est de maintenir le pouvoir d’achat. Je ne voterai donc pas les amendements.

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous allons en effet réfléchir à l’ensemble du système à l’article 6. Mais ces amendements relèvent du bon sens, notamment celui de repli, que nous devrions tous voter.

Le pouvoir d’achat des salariés qui gagnent plus de 5 600 euros net n’est pas la question centrale pour notre pays ! Quand ils dépensent cet argent, c’est bien souvent dans des biens importés et non dans des biens de consommation durable, à la différence des classes populaires qui ont besoin de se nourrir – ce qui bénéficie à l’agriculture française – et de se loger. Apporter du pouvoir d’achat à ces cadres ne rend donc pas service à l’écologie, mais ne contribue pas non plus à leur qualité de vie au travail – un cadre sur deux souffre de burn‑out. D’ailleurs, s’ils acceptent de faire des heures supplémentaires, cela peut être sous la pression de leur patron.

En rendant cet argent à la sécurité sociale, on évitera aussi d’augmenter les tarifs des complémentaires santé, donc de grever les salaires des plus démunis qui, eux, en ont besoin.

Mme Joëlle Mélin (RN). Comme l’a dit Stéphane Viry, il nous faudra nous poser la question du financement de la sécurité sociale. Mais comment arrivons-nous à 90 milliards d’euros d’exonérations pour les finances de l’État comme pour celles de la sécurité sociale ? Il est absurde d’arriver à un tel montant alors qu’il s’agit en réalité d’un surcoût – qui n’équivaut certes pas à la totalité de la somme, car il y a de bonnes exonérations, qui stimulent à bon escient une activité ou une entreprise. Nous ne cessons de créer des niches, d’en supprimer, de les répartir différemment : cela devient inepte. Nous en parlons sans fin – cela va de nouveau être le cas à l’article 6. Cela a pour seul résultat de priver les entrepreneurs de visibilité s’agissant des embauches.

Il faudrait que nous regardions cela de plus près dans une période plus calme, comme cela a pu être fait en partie dans le cadre de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, pour éviter un tel surcoût du travail. Nous allons devoir trancher.

M. Jérôme Guedj (SOC). Il ne s’agit pas d’amendements d’appel, cher Stéphane Viry. Ce que nous proposons laisse intact le pouvoir d’achat des salariés qui effectuent des heures supplémentaires, puisque nous n’entendons pas revenir sur l’exonération des cotisations sociales salariales.

Vous avez évoqué hier différentes dispositions qui nécessitent des financements. Je vous propose près de 900 millions d’euros de recettes ; nous saurions comment les utiliser pour le cumul emploi-retraite des médecins ou le financement des Ehpad, par exemple. Si nous voulons repousser les frontières de la solidarité et financer les besoins que nous identifions, il nous faut questionner chaque niche sociale – et celle-là ne l’a pas été depuis des années.

Rien ne dit que sa suppression aurait un effet dissuasif et nul ici n’a argumenté en ce sens, sauf – un peu – Thibault Bazin. Mais que va faire l’employeur ? Il a besoin de cette main-d’œuvre. Soit il partage le travail et crée des emplois à temps plein, soit il va accepter que les heures supplémentaires soient soumises à cotisation.

Chaque trimestre, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques publie le nombre moyen d’heures supplémentaires effectuées selon la taille de l’entreprise. Au premier trimestre 2024, en moyenne, les salariés ont effectué dix-sept heures supplémentaires, soit environ cinq heures et demie par mois et une heure et demie par semaine. Cette mesure n’amputerait pas les marges de l’entreprise et permettrait de dégager 900 millions d’euros pour la sécurité sociale.

M. le rapporteur général. Monsieur Boyard, nous sommes d’accord : les personnes qui gagnent quatre fois le Smic ne souhaitent pas effectuer d’heures supplémentaires et la défiscalisation des charges patronales ne les y incitera pas davantage. Ne nous trompons pas de cible et n’opposons pas les salariés entre eux. Définissons le chemin permettant à tout le monde de gagner plus.

Mme Mélin a raison : nous devrons évaluer à froid le coût du travail, en dehors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Monsieur Guedj, j’ai bien compris que vos amendements ne visaient pas à exonérer les heures supplémentaires de cotisations patronales. Or, si on ne les allège pas, l’entreprise produira moins et créera moins de valeur ajoutée. C’est le travail et la création de valeur ajoutée qui nous permettront de réduire la dette et d’améliorer l’état de notre société. En allégeant les cotisations patronales sur les heures supplémentaires – objet de l’article 6 –, nous inciterions les salariés à travailler plus et, ce faisant, à améliorer leur pouvoir d’achat ; nous créerions ainsi un cercle vertueux.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1578 de M. Yannick Neuder

M. le rapporteur général. Cet amendement vise à geler le champ d’application de l’exonération de cotisations issue de la loi pour le développement économique des outre‑mer (« Lodeom »), afin d’éviter une hausse des cotisations vieillesse dans les outre-mer au 1er janvier 2025. L’article 6, qui réforme les allégements généraux de cotisations patronales, prévoit d’augmenter de deux points, au 1er janvier 2025, les cotisations vieillesse pour les entreprises qui bénéficiaient de la réduction Fillon, la réduction générale des cotisations patronales.

Le périmètre de l’exonération Lodeom, qui s’applique à la Guadeloupe, à la Martinique, à la Guyane et à La Réunion, est calqué sur celui de la réduction générale des cotisations. Si nous n’adoptons pas cet amendement, la hausse des cotisations patronales au niveau du Smic, prévue à l’article 6, s’appliquerait également aux bénéficiaires du dispositif Lodeom, réduisant les avantages dont bénéficient ces territoires qui, compte tenu de leur spécificité, doivent faire l’objet d’une attention particulière.

M. Thibault Bazin (DR). La Lodeom, qui prévoit des dispositifs en matière de cotisations patronales spécifiques aux outre-mer, est essentielle. À cet égard, l’article 6 est inquiétant en ce qu’il pourrait porter préjudice aux outre-mer ; nous voterons donc votre amendement.

Par ailleurs, l’habilitation à légiférer par ordonnance s’agissant des outre-mer, que prévoit le Gouvernement à l’article 6, me préoccupe dans la mesure où le Parlement ne sera peut-être pas consulté. Il ne pourra donc pas évaluer l’impact des dispositifs envisagés, alors même qu’une mission menée par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’Inspection générale des finances (IGF) est en cours. Dans l’attente des résultats de cette mission, ne conviendrait-il pas de supprimer cette habilitation ?

M. Elie Califer (SOC). Je remercie le rapporteur général ainsi que les collègues qui s’apprêtent à voter cet amendement.

La Lodeom fut négociée avec le Gouvernement pour refroidir la cocotte-minute sociale qui a explosé en 2009 – situation proche de celle de la Martinique actuellement. Il s’agissait d’une main tendue aux pauvres de là-bas, qui sont bel et bien des Français et des Françaises qui se battent, comme bien d’autres sur le territoire hexagonal, pour l’égalité, pour l’équité, pour l’application de la promesse républicaine.

Cet amendement tend à corriger certaines vulnérabilités décrites brillamment dans le bleu budgétaire de la mission Outremer, comme l’a rappelé M. Bazin, Français de l’Hexagone qui soutient les territoires ultramarins. Il a bien compris que ces territoires permettaient à la France d’être la deuxième zone économique exclusive au monde, sans parler du rôle de la Guyane.

Le gel de l’exonération Lodeom, dispositif qui empêche la cocotte-minute d’exploser, est souhaitable. Par ailleurs il conviendrait d’attendre les résultats de la mission que mènent l’Igas et l’IGF avant de débattre d’une habilitation à légiférer par ordonnance.

Mme Béatrice Bellay (SOC). Nous voterons cet amendement qui vise à consolider une mesure ayant des effets positifs sur l’emploi en outre-mer ; nous ne souhaitons pas déstabiliser les entreprises martiniquaises. Nous sommes également intéressés par les résultats de la mission menée par l’Igas et l’IGF qui, dans ce cadre, ont auditionné tous les parlementaires de la Martinique et de la Guadeloupe. La crise que nous traversons en Martinique, notamment en raison du taux de chômage encore trop élevé, nous conduit à nous interroger sur les effets cumulés de plusieurs dispositifs qui ont vocation à soutenir l’emploi.

Nous sommes opposés à l’habilitation à légiférer par ordonnance car les territoires, qui sont déjà très fragilisés et qui expriment leur profonde exaspération, ne doivent pas être gérés par-dessus la jambe.

M. Philippe Vigier (Dem). L’insularité de tous les territoires ultramarins – à l’exception de la Guyane – est un obstacle considérable. Leur dépendance aux matériaux importés de l’Hexagone est par ailleurs un gros handicap. Nous avons créé des dispositifs puissants qui commencent à produire des effets. Le taux de chômage et le nombre de personnes touchant le revenu de solidarité active appellent un traitement différencié de ces territoires, sans lequel il y aurait une incompréhension totale. Nous fournissons un juste effort.

M. le rapporteur général. Nous sommes tous d’accord sur le fait que les territoires ultramarins doivent faire l’objet d’un traitement différent selon leur situation économique.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS616 de Mme Karine Lebon

M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement vise à étendre l’exonération Lodeom aux chambres consulaires, dont la masse salariale met en péril l’équilibre financier.

M. le rapporteur général. Avis favorable. Il y a un trou dans la raquette sur ce sujet.

La commission adopte l’amendement.

Amendements AS837 de Mme Marie-Charlotte Garin et AS822 de Mme Zahia Hamdane (discussion commune)

M. Benjamin Lucas-Lundy (EcoS). L’amendement AS837 vise à renouer avec ce qu’est notre histoire sociale et républicaine, c’est-à-dire la réduction et le partage du temps de travail. Nous croyons en la maxime « travailler moins, travailler mieux, travailler tous ». Nous proposons, à titre expérimental, d’exonérer de cotisations sociales les entreprises qui embauchent des salariés à 32 heures hebdomadaires, tout en les rémunérant sur la base de 35 heures.

Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, qui a dressé un bilan de l’application des 35 heures, réforme menée par Lionel Jospin, la réduction du temps de travail est la mesure qui crée le plus facilement de l’emploi de façon massive. Elle conduit à partager le travail et à assurer une juste répartition des gains de productivité pour l’ensemble des salariés et, partant, à apaiser la société.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Lors de l’examen du rapport d’information de Stéphane Viry sur la semaine en quatre jours, j’avais posé une question : disposons-nous d’études relatives aux entreprises qui font travailler leurs salariés 32 heures en les payant sur la base de 35 heures ? Lors des auditions, il avait été dit que des entreprises l’expérimentaient. Le rapporteur ne nous avait pas répondu sur les effets qu’aurait une telle mesure, notamment sur l’emploi, les gains de productivité, le bonheur, l’organisation de la société.

J’appelle l’attention de la commission sur le fait que nous ne pouvons pas travailler correctement si nous ne disposons pas d’éléments. Si nous proposons une expérimentation, c’est précisément pour apporter certains éléments. On peut être pour ou contre les 32 heures, mais sur la base d’un avis éclairé.

Du reste, aux dires mêmes de M. Viry dans son rapport, il serait très intéressant de mener une telle expérimentation, ne serait-ce que pour nourrir la réflexion de notre commission. Monsieur le président, dans la mesure où vous avez suivi les travaux de cette mission d’information avec une grande attention, je souhaiterais avoir votre avis.

M. le président Frédéric Valletoux. Je suis attentif à la présentation de tous les rapports. Je n’ai pas suivi les travaux mais j’ai assisté à la restitution du rapport. Je me souviens, en effet, des propos du rapporteur.

M. le rapporteur général. J’étais presque heureux de constater que vous proposiez des exonérations de charges.

Je ne prendrai qu’un exemple pour vous répondre : l’hôpital public connaît des difficultés de fonctionnement, notamment en raison de l’application des 35 heures qui ont déstabilisé son organisation – de nombreux fonctionnaires de santé présents dans cette commission ont vécu cette situation. Dans l’hôpital où je travaillais, qui employait 6 000 personnes, les 35 heures auraient dû créer 600 postes. Or cela n’a jamais été le cas. L’hôpital a donc pris des décisions difficiles – recours à l’intérim, fermeture de services pour manque de personnel. Je n’ose même pas imaginer l’effet qu’auraient les 32 heures.

Je considère que nous devons travailler plus et mieux, afin de garantir la bonne santé au travail. Toutefois, dans certains secteurs, la semaine de quatre jours pourrait avoir des effets positifs : elle permettrait de réduire le temps de transport et de faire des économies en matière de frais de cantine et de garde d’enfant. Cela étant, travailler quatre jours au lieu de cinq ne signifie pas travailler moins : si la semaine est plus courte, les journées de travail sont plus longues. Et ne déformez pas les propos de M. Viry, qui n’a jamais dit qu’il souhaitait instaurer les 32 heures.

Enfin, sur le plan légistique, vous renvoyez beaucoup au décret pour préciser les modalités de mise en œuvre, de contrôle et de suivi du dispositif.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). « Travailler mieux, travailler tous », d’accord. Travailler moins, en revanche, est un choix non dénué de conséquences : si on veut que les salariés travaillent moins tout en continuant à toucher le même salaire, il faudra bien que quelqu’un paye, ce qui affectera nécessairement les finances publiques, donc les impôts et le pouvoir d’achat.

En vous focalisant sur le temps de travail hebdomadaire, vous semblez oublier une réalité : la plupart des entreprises ont annualisé le temps de travail. Ceux qui ont le plus souffert du passage aux 35 heures sont d’ailleurs les salariés modestes, qui ont été privés d’heures supplémentaires par cette annualisation.

Au vu de la situation, il me semble que nous avons plutôt besoin de créer davantage de valeur pour faire vivre nos services publics, qui seront les premiers touchés par une réduction du temps de travail. Vous y sachant très attachés, je vous invite à retirer ces amendements.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Notre collègue vient de nous donner l’occasion de dégonfler le poncif selon lequel toute baisse du temps de travail devrait se payer d’une façon ou d’une autre. Depuis le début du XXe siècle, le temps de travail a été divisé par deux. Qui a payé ? Avez-vous le sentiment qu’on gagne deux fois moins d’argent aujourd’hui qu’en 1900 ? Je ne le crois pas. C’est peut-être bien que les choses ne se passent pas ainsi dans les faits.

La diminution du temps de travail est un processus séculaire, historique, qu’ont connu presque toutes les sociétés. Nous restons d’ailleurs très mesurés puisque nous proposons une simple expérimentation. C’est d’ailleurs cette forme qu’a toujours prise la réduction du temps de travail en France, à l’exception des premières semaines de congés payés obtenues au terme de la grande grève ouvrière de 1936. La régie Renault, qui avait été nationalisée pour collaboration avec l’occupant, offre ainsi en 1955 une troisième semaine de congés payés, étendue par la loi six mois plus tard ; elle fait de même en 1962 pour la quatrième semaine, généralisée en 1968 à l’issue d’une nouvelle grande grève générale.

En Suède, les secteurs médical et médico-social sont largement passés aux 32 heures, grâce à une nouvelle organisation du travail. Le rapporteur général déplorait l’application des 35 heures à l’hôpital. Je crois en réalité qu’elles n’y ont jamais vraiment eu cours : les secteurs sous tension n’ont guère connu l’effet des 35 heures, les remplacements prévus n’ayant pas eu lieu et de nombreuses personnes n’ayant pas pu poser leurs jours de RTT, qui se sont accumulés sur les comptes épargne-temps (CET).

Il n’y a aucune raison pour que les Français soient les seuls au monde à ne pas parvenir à réduire leur temps de travail hebdomadaire : c’est une question politique d’organisation du travail, comme le montrent les exemples de l’Islande, de l’Espagne et de plusieurs centaines d’entreprises.

M. Yannick Monnet (GDR). Je ne peux pas laisser dire au rapporteur général que ce sont les 35 heures qui ont tué l’hôpital public : c’est bien la tarification à l’activité qui a asséché ses finances. Je vous rappelle en outre, chers collègues de droite, que les 35 heures ont été adoptées au siècle dernier. Vous ne les avez jamais remises en cause, alors même que vous avez été au pouvoir de nombreuses fois depuis lors. N’en faites donc pas la source de tous les maux.

Ces amendements présentent l’intérêt de soulever la question de l’attractivité de certains métiers. Si on compte huit fois plus de demandeurs d’emploi que d’emplois disponibles, certains secteurs d’activité importants pour notre économie souffrent d’un manque chronique de main-d’œuvre, qui devient très problématique. Une expérimentation de la semaine de quatre jours permettrait certainement de revisiter la question de l’attractivité de certains emplois, y compris dans le domaine de la santé.

M. Hendrik Davi (EcoS). La baisse du temps de travail va dans le sens de l’histoire. Rappelons quelques dates : en 1841, le travail des enfants est limité à 8 heures par jour pour les enfants de moins de 12 ans et à 12 heures par jour en dessous de 16 ans ; en 1848, la durée maximale est fixée à 12 heures par jour, soit 84 heures hebdomadaires ; en 1900, la journée de travail est ramenée à 10 heures dans l’industrie, soit 70 heures par semaine ; en 1936, on passe aux 40 heures assorties de deux semaines de congés payés ; en 1982, la durée est réduite à 39 heures, avant d’atteindre 35 heures en 2000.

Chaque fois, le patronat a expliqué que ces réformes feraient la ruine de la France. Depuis 1841, on nous sert la même rengaine : ce n’est pas possible, vous allez ruiner le pays, il faut absolument travailler plus. L’histoire a montré le contraire. C’est pour cette raison qu’il faut lancer ces expérimentations.

Quant à l’hôpital, le problème vient de ce que les gouvernements au pouvoir à l’époque n’ont pas prévu les recrutements nécessaires pour permettre l’application effective des 35 heures. Du fait du manque de personnel qui en a résulté, les soignants ont dû faire en 35 heures ce qu’ils faisaient auparavant en 39, d’où l’explosion des CET et tous les problèmes que nous connaissons. Prétendre que les 35 heures sont à l’origine de cette situation est un mensonge.

M. François Gernigon (HOR). En tant que corapporteur de la mission d’information sur la semaine des quatre jours, je peux affirmer, même sans avoir participé aux auditions, que nous sommes précisément en phase d’expérimentation : la loi n’interdit pas de proposer la semaine de 32 heures aux salariés, ce que font d’ailleurs 5 % des entreprises et certaines administrations. Laissons faire les choses et voyons comment elles évoluent avant de dresser un bilan.

M. Jérôme Guedj (SOC). En juin 1996, sous la présidence de Jacques Chirac, le gouvernement d’Alain Juppé, auquel appartenait Michel Barnier, a fait voter la « loi Robien » sur l’aménagement du temps de travail, permettant aux entreprises qui passaient à la semaine de 32 heures en quatre jours d’être exonérées de cotisations chômage, à condition de créer au moins 10 % d’emplois en contrat à durée déterminée. Je n’ai pas le sentiment que Jacques Chirac, Michel Barnier et Alain Juppé puissent être classés dans la catégorie des doux rêveurs déconnectés de la réalité. La même remarque vaut pour Antoine Riboud, iconique PDG de Danone qui, dès 1993, mettait sur la table la semaine de quatre jours, s’inscrivant dans la continuité du mouvement séculaire de réduction du temps de travail permis par les gains de productivité, lesquels sont à mettre au crédit de notre modèle de formation et de protection sociale, c’est-à-dire du progrès humain qui permet de produire plus en moins de temps.

Pourquoi s’opposer de façon dogmatique à des amendements visant à créer une simple expérimentation ? Je remercie leurs autrices de nous permettre d’élargir le débat, d’envisager cette perspective et de réfléchir au financement de la protection sociale qui y serait adossée. Quand Mamie Nova et Fleury Michon ont expérimenté la réduction du temps de travail dans les années 1990, elles ne se sont pas effondrées – au contraire, elles étaient prêtes quand les 35 heures sont arrivées à partir de 2000.

M. Philippe Vigier (Dem). Je suis favorable à une forme de temps choisi : chacun doit pouvoir être maître de ses choix, qu’il s’agisse de partir plus tôt en retraite ou de continuer à travailler plus longtemps. La liberté, ça compte.

Ces amendements me surprennent toutefois, parce que vous proposez que des salariés travaillent 32 heures en étant payés 35, ce qui, vous me l’accorderez, induirait une charge pour la collectivité. Vous dénoncez pourtant fréquemment le coût des exonérations de cotisations sociales – qu’aucun gouvernement de gauche n’a néanmoins jamais remises en cause, pas plus que les différentes réformes des retraites adoptées depuis trente ans. M. Boyard a par ailleurs défendu un dispositif applicable aux seuls contrats à durée déterminée, donc aux contrats précaires, qu’il pourfend habituellement. Enfin, vous vous concentrez sur les entreprises, ignorant totalement la sphère publique alors même que vous êtes de grands défenseurs des services publics.

Pour en revenir d’un mot aux 35 heures, je précise qu’à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), il a fallu quatre ans pour appliquer effectivement la « loi Aubry ».

M. Benjamin Lucas-Lundy (EcoS). J’aime beaucoup les vieux films et les vieilles chansons. C’est pourquoi je remercie notre collègue Bazin pour son intervention, qui nous ramène dans le passé.

Il s’est toujours trouvé, dans ces murs, des M. Bazin pour expliquer que les 40 heures n’étaient pas possibles, qu’elles déstabiliseraient la société, qu’une telle mesure était irréaliste et irresponsable ; pour avertir que les 39 heures et la cinquième semaine de congés payés mettraient à terre l’économie ; pour nous taxer d’irréalisme dans les années 1990. Vous êtes, finalement, fidèle à cette tradition assez ringarde – n’y voyez là aucune critique – qui consiste à s’opposer systématiquement au partage des gains de productivité considérables réalisés ces dernières décennies. Quant à nous, nous cherchons à redonner du sens à notre travail de parlementaires en défendant des mesures susceptibles de permettre à nos compatriotes de vivre mieux et de travailler dans de meilleures conditions, ce qui passe par une réduction du temps de travail, comme toute notre histoire sociale le montre.

Il y a là une réelle différence idéologique entre nous, au sens noble du terme : nous croyons que les gains de la science, de la médecine et de la productivité doivent être partagés, que les salariés doivent en tirer les fruits en travaillant mieux et moins longtemps. Nous croyons, en somme, à une société du temps libéré plutôt que du temps de travail.

Mme Océane Godard (SOC). Ces débats permettent de voir comment chacun se projette et la place qu’il accorde au travail dans sa vie. Le travail n’est plus le seul organisateur des modes de vie. J’en veux pour preuve les travaux de Jean Viard, qui montrent que si on travaillait en moyenne 120 000 heures sur 600 000 heures de vie en 1936, ce temps a été réduit à 67 000 heures de travail pour 700 000 heures de vie. Les trajectoires de vie ont évolué et ne dépendent plus du seul travail : on existe aussi à travers le bénévolat, l’engagement associatif ou politique, les loisirs.

Parce qu’il n’est plus question de perdre sa vie à la gagner, nous sommes favorables à cette expérimentation, qui doit aussi apporter davantage de flexibilité, garantir une plus grande attractivité et une meilleure qualité des emplois, et redonner du sens au travail.

M. le rapporteur général. Vous expliquez que les 35 heures ont été possibles grâce aux gains de productivité réalisés dans les entreprises. Mais quels gains de productivité voulez-vous réaliser à l’hôpital ? C’est lui appliquer une logique que vous dénoncez vous-mêmes fréquemment. L’hôpital aurait dû faire partie des exceptions et ne pas être soumis aux 35 heures : si le personnel a manqué, ce n’est pas parce que la puissance publique s’est refusée à recruter des soignants, mais bien parce qu’ils n’étaient pas disponibles en nombre suffisant. Ainsi, dans mon hôpital, seuls 60 recrutements ont été possibles sur les 600 prévus et l’adaptation aux 35 heures a demandé encore plus de temps qu’à l’AP-HP.

La commission rejette successivement les amendements.

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4.   Réunion du mardi 22 octobre 2024 à 21 heures 30 (article 6 à après l’article 6)

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.15590133_6717fbd78aca0.commission-des-affaires-sociales--suite-de-l-examen-du-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite--22-octobre-2024

La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 325) (M. Yannick Neuder, rapporteur général ; M. Guillaume Florquin, M. Louis Boyard, Mme Sandrine Rousseau et M. Jean-Carles Grelier, rapporteurs)

Amendements de suppression AS213 de Mme Sylvie Bonnet, AS245 de M. Thibault Bazin, AS375 de Mme Katiana Levavasseur, AS1411 de M. Charles Rodwell, AS1516 de M. David Amiel et AS1519 de M. Thomas Cazenave

Mme Sylvie Bonnet (DR). Réformer les dispositions relatives aux allégements de charges patronales, en particulier pour les bas salaires, ne va pas améliorer le pouvoir d’achat des salariés, bien au contraire : ces exonérations concernent souvent des emplois fragiles, qui ne doivent leur pérennité qu’au faible coût du travail. Faute de pouvoir, le cas échéant, répercuter cette nouvelle hausse du coût du travail auprès des acheteurs publics et privés, les entreprises de services gèleront les rémunérations. Cet article ne fera que renforcer la smicardisation, casser la dynamique de création d’emplois, et donc accroître le chômage, surtout pour les publics les plus fragiles. Nous proposons donc de le supprimer.

M. Thibault Bazin (DR). En France, le coût du travail est élevé, et ce depuis de longues années. Par le passé, cela a nui à la compétitivité des entreprises, participé à la désindustrialisation du pays et engendré un chômage de masse. Pour favoriser l’emploi des personnes peu qualifiées, depuis des décennies, les gouvernements successifs – y compris ceux de gauche – ont donc instauré des dispositifs d’allégement des charges patronales afin de faire baisser le coût du travail. Pas exempts d’effets de seuil, ces dispositifs sont perfectibles, mais ils font partie intégrante de notre modèle économique et social.

La hausse des cotisations prévue à cet article augmentera le coût du travail de 5 milliards d’euros. Quelles en seront les conséquences sur l’emploi et les entreprises, en particulier dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, mais aussi sur les salariés peu ou pas diplômés, dont l’emploi est intimement lié au coût du travail ? Plutôt que de décider d’une baisse des allégements, au risque de geler la révision des minima de branche, fruit du dialogue social, ne faudrait-il pas s’attaquer aux trappes à inactivité et aux effets de seuil, qui peuvent inciter les personnes à temps partiel à refuser de travailler à temps complet par peur de perdre des allocations ?

La situation appelle des réformes structurelles et une meilleure articulation des allègements avec les autres dispositifs, comme la prime d’activité et les bonifications d’allocations.

Cet article ne le propose pas, et il m’inquiète : en l’état, je propose d’y renoncer et d’en revoir les modalités.

Mme Katiana Levavasseur (RN). Le Gouvernement s’apprête à commettre une erreur majeure : en réformant les dispositifs d’allégement des charges patronales, il menace directement les entreprises et l’emploi et, par conséquent, les salariés eux-mêmes. Les entreprises de services, qui créent des emplois dans tout le territoire, seraient en première ligne, car elles proposent principalement des emplois peu qualifiés, dont le maintien dépend essentiellement du coût du travail. Nombre d’entre elles sont déjà étouffées par l’inflation : alors que les salaires et charges représentent jusqu’à 60 % de leur chiffre d’affaires, comment pourraient-elles survivre à une augmentation du coût du travail ?

L’adoption de cet article entraînerait des destructions d’emploi en cascade, fragilisant encore davantage notre économie et emportant des conséquences désastreuses pour les salariés, en particulier les plus vulnérables. Nous ne pouvons accepter ce coup de massue sur l’emploi et demandons donc la suppression de cet article.

M. Charles Rodwell (EPR). Effectivement, une telle hausse des cotisations ne serait pas sans conséquences majeures sur l’emploi et l’activité économique des très petites entreprises (TPE), petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI). Or, la baisse des cotisations salariales et patronales que nous appliquons depuis sept ans a permis de créer 2 700 000 emplois. Nous proposons donc de supprimer cet article.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Nous souscrivions aux propositions du rapport Bozio-Wasmer, mais la manière dont elles ont été traduites dans le texte pose plusieurs problèmes.

Pour les artisans et patrons de PME, le coût du travail est le premier critère d’embauche : l’augmenter en faisant disparaître des allégements de charges, c’est donc risquer d’augmenter le chômage – c’est du bon sens.

En outre, augmenter l’écart entre le salaire brut et le salaire net aurait un impact sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Aujourd’hui, le montant moyen des prélèvements obligatoires en France est supérieur de 10 points à celui de l’Organisation de coopération et de développement économiques : cela représente pas moins de 300 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires ! Certes, ceux-ci abondent notre modèle redistributif, et c’est une bonne chose, mais veillons à ne pas en rajouter indéfiniment.

Enfin, contrairement à la surtaxe exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés, qui n’est prévue que pour deux ans, cette baisse des exonérations serait pérenne : c’est un très mauvais signal envoyé aux entreprises.

Mme Annie Vidal (EPR). Dans l’optique de favoriser l’emploi et de lutter contre le chômage de masse, nous avons défendu, depuis 2017, un certain nombre de réformes, comme la baisse des charges sociales : elles ont permis de stimuler l’embauche, de renforcer la compétitivité des entreprises, et d’abaisser le taux de chômage à 7,3 %, son plus bas niveau depuis 1982.

Renoncer à ces exonérations de charges risque d’inverser la dynamique de reprise de l’emploi de ces dernières années et d’aggraver les difficultés d’accès à l’emploi, en particulier pour les plus vulnérables. À terme, l’augmentation des charges pourrait même conduire à une hausse du chômage, affectant à la fois la compétitivité des entreprises et la dépense publique. Il faut donc supprimer cet article.

M. Yannick Neuder, rapporteur général. En hausse de 20 milliards d’euros depuis 2020, les allégements généraux de cotisations représentent aujourd’hui 80 milliards d’euros par an. Or, si nous ne faisons rien, le déficit de la sécurité sociale dépassera 28 milliards l’an prochain. Et une éventuelle abrogation de la réforme des retraites n’arrangerait rien, puisqu’elle entraînerait une perte supplémentaire de 3,5 milliards en 2025, qui atteindrait 16 milliards d’ici à 2032. En termes d’équilibre des comptes publics, le compte n’y est donc pas.

Mais, comme vous avez été nombreux à le souligner, une hausse des cotisations patronales aurait des conséquences importantes sur le coût du travail, la compétitivité des entreprises à l’échelle européenne et leur capacité à créer des emplois, en particulier dans les filières fragiles, comme les services à la personne.

Il faut donc trouver un compromis entre le rétablissement des comptes publics et un juste allégement des charges, pour permettre aux entreprises de continuer à créer des emplois faiblement qualifiés, tout en encourageant l’augmentation des salaires proches du Smic sans avoir recours à des heures supplémentaires. J’ai échangé avec le ministère du travail et Matignon et, pour l’heure, rien n’est tranché : réfléchissons collectivement à une réécriture de cet article en vue de la séance.

Avis favorable à ces amendements de suppression.

M. Jérôme Guedj (SOC). Ah, le bel éclatement du socle commun que voilà ! Aidé par les députés d’Ensemble pour la République, de la Droite Républicaine et du Rassemblement national, le rapporteur général, élu avec le soutien du socle commun, vient de torpiller une proposition gouvernementale que la gauche s’apprête à soutenir, du moins dans l’intention et une partie de ses modalités.

C’est pourtant le fruit du travail engagé par Elisabeth Borne, suite au rapport que j’ai commis avec Marc Ferracci dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) – le premier à remettre en question l’ampleur des exonérations de cotisations sociales. Elle avait confié aux économistes Antoine Bozio et Etienne Wasmer une mission visant notamment à identifier les marges de manœuvre pour sortir de la sacro-sainte doxa qui, depuis 1993, a conduit la droite comme la gauche à empiler ces mesures sans en évaluer l’efficacité sur l’emploi et la compétitivité – je pense notamment au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), instauré en 2014. Tous les rapports ne se valent pas, mais si vous ne l’avez pas encore fait, je vous invite vivement à lire celui-là.

Et au moment où l’on remet enfin en question cette politique, on nous oppose l’argument paresseux du coût du travail !

M. Hendrik Davi (EcoS). La situation est surprenante : contre toute attente, c’est le Nouveau Front populaire qui soutiendra la proposition du Gouvernement face aux députés des groupes RN, EPR, et DR !

Au-delà de la question du volume des exonérations, sur laquelle je reviendrai, le modèle doit nous interroger. Les exonérations de cotisations, qui se sont multipliées au fil des années pour atteindre 80 milliards cette année, n’ont pas d’effet positif avéré sur l’emploi et la compétitivité : dans les années 1990, au début des politiques d’exonération, le pays connaissait un excédent commercial, mais aujourd’hui, le déficit commercial est abyssal. Concentrées sur les salaires proches du Smic, elles ont poussé l’ensemble du salariat français vers ce niveau de rémunération, au détriment de l’augmentation salariale, moins intéressante financièrement pour les chefs d’entreprise. C’est un vrai problème, car cela représente un manque à gagner pour salariés, mais aussi pour la sécurité sociale.

De nombreux amendements tendent à proposer d’autres modèles : plutôt que de supprimer cet article, débattons-en et voyons comment le réécrire.

M. Nicolas Turquois (Dem). En tant qu’employeur, mon premier objectif est de trouver un employé compétent. Le coût du travail est un critère important, mais il n’arrive qu’en seconde position.

Le système actuel est une trappe à bas salaires ; il doit être réformé, notamment pour être plus progressif. L’augmentation régulière du Smic du fait de l’inflation a alimenté l’emballement de notre modèle : plus le chômage diminue, plus le montant des exonérations est faramineux ! Les pays qui créent de l’emploi récupèrent normalement plus de cotisations.

Si nous supprimons l’article, nous nous privons d’une réflexion sur la réforme du système, pourtant fondamentale pour le bien de notre économie et le financement de la sécurité sociale. Je suis donc partagé.

M. Thibault Bazin (DR). Le système d’allégement de charges présente d’indéniables effets de seuil. Mais faut-il l’améliorer à coût constant pour les finances publiques, ou accepter une augmentation du coût du travail ? Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) retient cette deuxième option, mais elle est incompatible avec notre ADN politique.

Monsieur Guedj, vous semblez surpris qu’on dépose des amendements pour corriger le PLFSS, mais nous ne prenons personne en traître : le Premier ministre lui-même a reconnu que le texte avait été préparé dans un temps très contraint et qu’il attendait des parlementaires – y compris ceux du socle commun – qu’ils l’améliorent ! Pour notre part, nous souhaitons à tout prix préserver les emplois dans notre pays.

Par ailleurs, nous sommes plusieurs à défendre un meilleur partage de la valeur. Or le système actuel s’articule mal avec les mesures que nous avions prises en faveur du pouvoir d’achat, comme la prime de partage de la valeur, qui n’est pas prise en compte. Soyons prudents et n’oublions pas que les ingrédients qui ont abouti à la crise des gilets jaunes sont toujours réunis : en multipliant les atteintes à ces dispositifs, on prend une lourde responsabilité.

Le dispositif est perfectible, prenons le temps de l’améliorer – tel est le sens des amendements de suppression.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Ah si, monsieur Bazin : quand on fait 5 % et qu’on finit à Matignon, on prend tout le monde en traître !

M. Thibault Bazin (DR). On a fait 10 % aux législatives !

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Toutes mes félicitations, mais l’aboutissement reste douteux ! Toujours est-il que nous voilà dans le même camp que Bercy : la situation est inédite.

Nous nous accordons tous sur le fait que les exonérations nous coûtent très cher. Pour y remédier, le plus pertinent me semble de s’interroger sur leur coût par emploi. Les économistes Clément Carbonnier, Bruno Palier et Michaël Zemmour ont montré que les exonérations générales de cotisations patronales s’élèvent à plusieurs dizaines de milliers d’euros par an et par emploi qu’elles auraient prétendument permis de créer ou de maintenir ; elles atteindraient 200 000 euros pour les emplois au-delà de 1,35 Smic dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre. On ne peut pas dire que le système soit très performant !

Oui, il est possible, avec ces fonds, de créer plus d’emplois, de meilleure qualité, sans rogner sur la protection sociale, ce qui n’a jamais constitué un gain de pouvoir d’achat pour les ménages. La désocialisation des dépenses quotidiennes en matière de santé ou de vieillesse ne fait que pousser les gens vers le marché privé, ce qui leur coûte toujours plus cher.

Les exonérations coûtent cher, mais la désocialisation des dépenses plus encore : ces amendements de la droite ne feront que nous faire perdre encore plus d’argent, alors c’est non !

M. Olivier Fayssat (UDR). Je note que M. Guedj a fortuitement oublié l’UDR de la liste des formations qui soutiennent la suppression de l’article, mais je ne le prends pas personnellement...

La hausse des charges prévues dans cet article est à la fois un obstacle à la revalorisation des bas salaires et un frein pour la croissance. Nous soutenons donc sa suppression.

M. Philippe Vigier (Dem). Appartenir au socle commun n’empêche pas d’avoir parfois des opinions différentes, monsieur Guedj ! Vous connaissez ça, au NFP.

Nous respectons la position de nos collègues du socle commun, mais nous proposons un chemin différent, qui rejoint un peu celui du rapporteur général.

Le consensus économique nous dit que pour les salaires compris entre 2,5 et 3,5 Smic, les exonérations de charges ont un effet très faible. Nous préconisons donc plutôt de maintenir les exonérations pour les emplois jusqu’à 2,1 Smic, soit 3 700 euros bruts, où leur effet est maximal, et de les diminuer drastiquement au-delà. Cela permettrait de préserver les emplois dans les services à la personne – rarement payés plus de 3 700 euros bruts, vous me l’accorderez – tout en réalisant une économie de 8 milliards d’euros que l’on pourra réinjecter pour améliorer la compétitivité. D’un point de vue économique, cela nous paraît plus judicieux que de supprimer le dispositif.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Le groupe Ensemble pour la République soutient résolument la trajectoire de réduction du déficit public voulue par le Premier ministre, mais l’emploi ne saurait être une variable d’ajustement. Nous avons certes besoin de réaliser des économies, mais nous avons également besoin de créer de la valeur. Or les 5 milliards d’économies prévues à cet article ne reposent que sur les entreprises.

Dans la ligne du rapport Bozio-Wasmer, nous souhaitons inciter à davantage de progression salariale mais à coût constant, à travers une meilleure répartition des charges – nous avons d’ailleurs déposé un amendement en ce sens. Nous sommes donc favorables à la suppression de l’article.

M. Yannick Monnet (GDR). On peut avoir des approches différentes ; ce qui me surprend, c’est de refuser d’en débattre.

Hier, le rapporteur général a argué qu’adopter nos amendements de l’article liminaire et des articles 1er et 2 nous priverait du débat : j’ai entendu son argument, et nous ne redéposerons donc pas ces amendements en séance.

Dans la même logique, je vous invite à ne pas supprimer l’article 6 : nous consentons actuellement 80 milliards d’exonérations sans aucune contrepartie – voyez l’exemple de Sanofi, qui a récupéré 2 milliards ! C’est un problème. Il faut que nous puissions débattre de ces choix économiques.

J’ai bien compris que vous étiez contre l’impôt, qui est pourtant le seul moyen de répartir la richesse, ce dont nous avons cruellement besoin aujourd’hui. Mais on parle là d’exonérations, c’est un peu différent ! Si vous refusez tant de débattre, c’est peut-être que vous voulez cacher des éléments aux parlementaires et à nos concitoyens.

M. le rapporteur général. Hier, j’ai surtout indiqué que la suppression de l’article liminaire et des articles 1er et 2 rendaient le dispositif inconstitutionnel.

Par ailleurs, nous allions, certes, nous priver d’un débat, mais il portait sur des dépenses et des recettes déjà réalisées, puisque l’article 1er concerne les tableaux d’équilibre et l’article 2 l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) rectificatif pour l’année 2024. Il n’en est pas de même avec cet article. Le rapport Bozio-Wasmer, cité par M. Guedj, comporte ainsi deux hypothèses, et celle du coût constant n’a pas été retenue dans le présent PLFSS.

Enfin, le budget de l’État a besoin des 4 milliards d’euros en jeu. La question que nous devons nous poser est de savoir si nous sommes capables de réduire d’autant les dépenses, mais sans toucher à la compétitivité des entreprises. Essayons de voir d’ici à la séance, tous groupes politiques confondus, s’il est possible de faire des propositions en ce sens. C’est dans cette perspective que j’ai émis un avis favorable.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 6 est supprimé et les amendements AS769 de M. Jiovanny William, AS1188 de M. Thibault Bazin, AS1391 de M. David Amiel, AS689, AS1572 et AS1190 de M. Thibault Bazin, AS447 de M. Laurent Panifous, AS530 de M. Yannick Monnet, AS839 de Mme MarieCharlotte Garin, AS519 de M. Yannick Monnet, AS917 de M. Damien Maudet, AS664 de M. Thibault Bazin, AS725 de Mme Sylvie Bonnet, AS916 de Mme Danielle Brulebois, AS1024 de M. Vincent Rolland, AS1250 de M. Nicolas Ray, AS246 de M. Thibault Bazin, AS862 de Mme Danielle Brulebois, AS888 de M. Bertrand Sorre, AS8 de M. Jérôme Guedj, AS794 de Mme Élise Leboucher, AS791 de M. Damien Maudet, AS792 de Mme Zahia Hamdane, AS793 de M. Hadrien Clouet, AS795 de M. Damien Maudet, AS801 de M. Hadrien Clouet, AS667 de M. Thibault Bazin, AS928 de Mme Danielle Brulebois, AS1034 de M. Vincent Rolland, AS1515 de M. Nicolas Ray, AS726 de Mme Sylvie Bonnet, AS1571 de M. Thibault Bazin, AS1260 et AS744 de M. Philippe Vigier, AS529 de M. Yannick Monnet, AS982 de M. Hendrik Davi, AS889 de M. Damien Maudet, AS81 de M. Jérôme Guedj, AS531 de M. Yannick Monnet, AS101 de M. Jérôme Guedj, AS551 de Mme Karine Lebon, AS1316 de Mme Annie Vidal, AS838 de Mme MarieCharlotte Garin, AS547 de Mme Karine Lebon, AS66 de M. Jérôme Guedj, AS532 de Mme Karine Lebon, AS7 de M. Jérôme Guedj, AS308 de M. Sacha Houlié, AS528 de M. Yannick Monnet, AS1116 de M. Laurent Panifous, AS1041 de M. Louis Boyard, AS1195 de M. Hadrien Clouet, AS244 de M. Thibault Bazin, AS856 de Mme Danielle Brulebois, AS880 de M. Bertrand Sorre, AS520 de Mme Karine Lebon, AS95 de M. Jérôme Guedj, AS891 de Mme Élise Leboucher, AS27 de M. Jérôme Guedj, AS309 de M. Sacha Houlié, AS1282 de M. Laurent Panifous, AS918 de Mme Élise Leboucher, AS1570 de M. Thibault Bazin, AS9 de M. Jérôme Guedj, AS915 de M. Hadrien Clouet, AS1203 de M. Thibault Bazin, AS1390 de M. Mathieu Lefèvre, AS297 de M. Max Mathiasin, AS343 de M. Philippe Naillet, AS657 de M. Thibault Bazin, AS1433 de M. Frantz Gumbs et AS1088 de M. Frédéric Maillot tombent.

Amendement AS102 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Alors que nous sommes censés travailler dans une logique de coconstruction, les amendements de suppression qui viennent d’être adoptés nous empêchent de nous renifler mutuellement pour voir quel pourrait être le bon compromis. Ce n’est pas une bonne manière d’avancer.

Mon amendement vise à pointer ce qui peut sembler une aberration : pour calculer le montant des allégements généraux, on se réfère au niveau du Smic dans toutes les branches, mais les minima conventionnels sont inférieurs dans certaines d’entre elles, et cet écart n’incite pas à corriger la situation. Nous proposons donc de décliner des déclarations récentes, l’une formulée par Astrid Panosyan-Bouvet avant qu’elle ne devienne ministre du travail et l’autre par Olivier Dussopt à l’époque où il était ministre du travail, pour exercer une sorte de pression sur les branches concernées : les allégements n’y seront plus calculés en fonction du Smic, mais selon le niveau de leurs minima conventionnels, ce qui paraît logique.

M. le rapporteur général. Nous revenons au débat sur la conditionnalité des allégements généraux. Ce que vous proposez mérite probablement d’être étudié, mais on risque d’aboutir à une pénalisation des entreprises vertueuses qui subiraient les conséquences d’un défaut de négociation conventionnelle dont elles ne seraient pas responsables.

Avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR). Je reviens sur la suppression de l’article 6. Vous nous avez dit grosso modo qu’il faudrait trouver, sous prétexte de compétitivité, 5 milliards d’euros d’économies sur les dépenses de santé. Vous faites porter cette charge sur les assurés sociaux, ce qui n’est pas un acte politique anodin.

M. Laurent Panifous (LIOT). Je soutiens l’amendement de Jérôme Guedj : il n’est pas acceptable que les minima conventionnels soient inférieurs au Smic. Cela conduit à un réel manque à gagner pour les salariés : nombre de primes, notamment celles à l’ancienneté, sont fondées non sur le salaire réel, mais sur le minimum conventionnel. Sans que ce soit la volonté des employeurs, que je soutiens de façon générale, cela constitue une perte de chance pour les salariés. Si on ne met pas la pression sur les branches, il n’y aura jamais de rattrapage rapide.

À titre de parenthèse, j’ai détesté la fronde sous Hollande, mais j’apprécie celle sous le gouvernement Barnier !

Mme Stéphanie Rist (EPR). Nous voterons cet amendement d’appel concernant les branches qui n’ont pas encore réussi à porter les salaires au niveau du Smic.

M. Thibault Bazin (DR). La question a été expertisée au sein de notre commission, dans le cadre d’un rapport : nous étions tous scandalisés que les grilles salariales n’aient pas évolué, et mon groupe se joindra donc au combat commun.

Si nous voulons vraiment que le travail soit fait, il ne doit pas être percuté par les effets de l’article 6 : le renchérissement des coûts à 1 Smic rendrait plus compliqué le dialogue social dans les secteurs en question. Nous souhaitons une approche globale. Il faut bien sûr mettre la pression et la nouvelle ministre devra assurer un suivi, mais la suppression de l’article 6 crée des conditions favorables à une évolution.

M. le rapporteur général. C’est tout de même un raccourci de dire que l’adoption des amendements précédents nécessitera de trouver 5 milliards d’euros de plus. Je redis qu’un effort de 60 milliards est globalement prévu, dont 40 milliards pour les dépenses et 20 milliards en matière de recettes.

Si j’ai initialement émis un avis défavorable au présent amendement, c’était surtout sur la base du rapport que vous avez vous-même remis, monsieur Guedj, avec Marc Ferracci. Vous y expliquiez qu’une telle mesure risquait d’être préjudiciable à la qualité des négociations de branche dans la mesure où elle inciterait les partenaires sociaux à privilégier la conclusion rapide d’un accord, même peu satisfaisant à certains égards, plutôt que la qualité de la négociation. Si tout le monde est favorable à la mesure, malgré le rapport de M. Guedj, je veux bien émettre un avis favorable, dans la perspective d’un travail plus global.

La commission adopte l’amendement.

Amendements AS786 de M. Damien Maudet, AS94 de Mme Océane Godard, AS1517 de M. Hendrik Davi, amendements identiques AS97 de M. Jérôme Guedj, AS517 de M. Yannick Monnet et AS682 de Mme Justine Gruet, amendement AS785 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’amendement AS786 vise à rétablir une règle essentielle qui avait été instaurée par Mme Veil dans le cadre de la loi de 1994 relative à la sécurité sociale, à savoir la compensation systématique et intégrale de chaque exonération de cotisations sociales. Lorsque vous réduisez des cotisations et donc le financement de la sécurité sociale, en l’absence de compensation, cela signifie de l’aide en moins pour nos concitoyens et nos concitoyennes sur le plan médical, social ou familial, tout cela pour faire, la plupart du temps, des cadeaux à des entreprises qui n’en ont pas forcément besoin. Par principe, si l’État décide des exonérations, il doit les compenser systématiquement à l’euro près.

Mme Océane Godard (SOC). Mon groupe propose que la création de tout nouveau dispositif d’exonération de cotisations sociales s’accompagne de la suppression de mesures existantes pour un montant équivalent. Par ailleurs, je rappelle que certaines exonérations de cotisations sociales n’ont pas prouvé leur efficacité en matière d’activité économique : il convient de ne pas les multiplier sans mesurer leur impact. Plus généralement, notre amendement permettra de dégager des ressources pour financer notre système de retraites et compenser l’abrogation des mesures de report de l’âge légal et d’accélération du calendrier de la hausse de la durée de cotisations.

M. Hendrik Davi (EcoS). Je persiste à dire que la suppression de l’article 6 prive de 5 milliards d’euros les patients, les hôpitaux et l’ensemble de notre système de santé. Vous expliquerez aux infirmières, aux aides-soignants et aux médecins qu’il faudra 5 milliards d’euros de dépenses en moins – bon courage !

Notre amendement tend à instaurer un principe de compensation systématique et intégral de toute nouvelle exonération de cotisations sociales : il faudra supprimer, dans les mêmes proportions, un dispositif d’exonération existant, afin d’enrayer la mécanique actuelle. On entend une petite musique selon laquelle les exonérations seraient bonnes pour l’employeur, l’employé et l’économie, mais ce que l’employeur ne paie plus est en réalité à la charge du salarié, par le biais de sa complémentaire. On le constate : comme 1 milliard d’euros ne seront plus pris en charge par la sécurité sociale, nous a dit la ministre, les complémentaires, qui vont prendre le relais, ont déjà annoncé une hausse de 7 % de leurs tarifs. Et si une dépense n’est pas payée par les assurés dans le cadre des complémentaires, elle le sera par de la contribution sociale généralisée (CSG). Vous mentez aux salariés : les patrons profitent des exonérations et, à la fin, ce sont les salariés qui paient plus cher.

Notre amendement de repli vise à limiter l’aggravation de la situation grâce à un mécanisme de régulation relativement modeste.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je vous propose également de sanctuariser le principe de la compensation de toute exonération de cotisations. Ceux qui sont arc-boutés sur la trajectoire des finances publiques ne nous donnent pas un début de commencement de solution pour répercuter la perte de 5 milliards d’euros de recettes dans le budget de la sécurité sociale qui résulte de la suppression de l’article 6. Or il faudrait être un peu cohérent. Les Mozart de la finance vont-ils simplement laisser filer le déficit de 5 milliards ? Quand nous proposons, de notre côté, de créer une recette nouvelle, nous vous disons ce qu’elle doit financer – les établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou le maintien du ticket modérateur à son niveau actuel.

M. Yannick Monnet (GDR). Nos collègues refusent de discuter des exonérations car ils considèrent que ce serait attentatoire à la compétitivité. On connaît la politique menée depuis quelques années : la compétitivité devrait permettre aux entreprises de créer de l’emploi, sans quoi elle ne servirait pas à grand-chose. Mais savez-vous quelle a été l’évolution des créations nettes d’emploi depuis trois ans ? En 2021, 700 000 emplois ont été créés, puis 350 000 en 2022 et 250 000 en 2023. La création d’emploi s’est effondrée : votre politique de compétitivité est totalement inefficace, et en plus vous amputez la sécurité sociale de 5 milliards.

Mme Justine Gruet (DR). L’amendement AS682 est d’inspiration différente, puisqu’il repose sur la culture de l’évaluation et de la simplification. Nous devons diminuer les dépenses publiques, notamment sociales, grâce à une plus grande rationalité en matière de fonctionnement – l’argent public doit permettre de rendre le service pour lequel il est fléché –, et grâce à des efforts réalisés par tous – je pense notamment à une révision des contours de l’AME (aide médicale de l’État) en cas d’augmentation du ticket modérateur. Il faut trouver un subtil équilibre entre diminution des dépenses et augmentation des recettes pour envoyer le bon signal, à l’image de ce que fait la règle d’or des collectivités locales.

Si nous diminuons les dépenses en augmentant les recettes, nous arriverons plus facilement à un équilibre. C’est compliqué dans le cadre d’un budget subi, car construit dans un temps contraint, mais nous devons donner ce type de visibilité aussi bien pour notre système de financement de la sécurité sociale que pour le budget de l’État.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Vous êtes les Picsou de la sécurité sociale – vous avez réussi à piquer 5 milliards d’euros sans fixer le moindre objectif de politique publique. Vous souhaitez en réalité laisser cet argent dans les poches où il se trouve plutôt que de le placer sous un contrôle collectif, au profit de la mutualisation des risques. Nous voulons vous empêcher de recommencer en posant un principe de non-prolifération.

Un tel principe existe en matière de défense, mais nous en avons aussi besoin pour la sécurité sociale : vous inventez tous les ans de nouvelles exonérations, pour un coût de 90 milliards à l’heure actuelle. Vous vous demandez toujours comment saigner les gens de 1 ou 2 milliards supplémentaires, en déremboursant des médicaments, en diminuant les indemnités journalières ou en gelant les pensions de vieillesse. La prolifération des exonérations nous a conduits à une situation dans laquelle seulement 49 % des recettes de la sécurité sociale sont issues des cotisations, ce qui n’est pas une bonne chose parce que cela conduit à mobiliser des impôts injustes, comme la TVA et d’autres contributions qui ne sont pas réparties de façon équitable en fonction des capacités contributives.

Notre amendement AS785 vous demande, lorsque vous ferez un cadeau, c’est-à-dire une exonération de cotisations sociales pour un acteur économique, de revenir sur un autre cadeau. Ce ne sera plus Noël tous les jours : vous ne pourrez plus retirer 5 milliards d’euros à la sécurité sociale sur un coup de tête.

M. le rapporteur général. Votre raccourci est trop rapide : il s’agit de se laisser du temps pour voir ce que nous faisons des allégements généraux sans pénaliser les entreprises et sans casser l’emploi, mais en trouvant 5 milliards d’euros d’économies globales ! Quand vous souhaitez abroger la réforme des retraites, pour un coût de 16 milliards à l’horizon 2030, nous ne disons pas que vous cherchez économiser 3,5 milliards sur l’Ondam de l’hôpital en 2025. Ne jouons pas avec ce genre d’arguments qui polluent le débat.

Les exonérations concernant les heures supplémentaires sont non compensées à hauteur de 2 milliards depuis 2019 – M. Guedj l’a rappelé hier, me semble-t-il. En dehors de cette question, la non-compensation s’élève à 0,3 milliard.

Votre principe de compensation repose sur la suppression d’anciennes exonérations, mais on peut procéder autrement, par exemple par des recettes fiscales. Je ne dis pas qu’il n’est pas nécessaire de compenser, mais que votre amendement nous priverait d’autres solutions pour le faire. Par ailleurs, rien n’empêchera par la suite le législateur de revenir sur ce que vous prévoyez.

Avis défavorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). S’agissant de l’article 6, il n’était pas question de renoncer à 5 milliards d’euros. Le rapporteur général a dit, compte tenu du débat, que nous pourrions peut-être construire quelque chose ensemble, et je compte sur cette promesse. Le système actuel suscite des trappes à bas salaires et des exonérations de cotisations exponentielles.

J’entends l’argument selon lequel il faudrait tout compenser, mais le premier combat à mener pour avoir plus de recettes et moins de dépenses concerne le chômage : plus il est faible, moins les dépenses sont élevées et plus les cotisations sont importantes. Il faut associer le combat contre le chômage à un système de réduction de charges qui n’ait pas les mêmes effets. On maintient les salariés dans des zones proches du Smic alors qu’il faudrait au contraire favoriser les évolutions salariales. Monsieur le rapporteur général, nous devons travailler d’ici à la séance sur la façon de trouver un équilibre entre l’objectif de compétitivité et les conséquences des exonérations de charges.

M. Thibault Bazin (DR). Nous avons tous intérêt à tenir un discours cohérent et responsable, de manière à éviter une lecture biaisée. Que M. Guedj, qui estime que nous ne proposons aucune piste, regarde tous nos amendements ; certains ne lui plairont peut-être pas, mais nous y formulons indéniablement des propositions qui permettent de récupérer des fonds.

Nous le disons franchement : nous préférons baisser des dépenses inefficaces et injustes qu’augmenter les taxes et impôts. Il y a 5,5 milliards d’euros d’indus pour la branche famille – ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Cour des comptes –, 75 millions de cartes Vitale en circulation alors que nous ne sommes pas 75 millions d’ayants droit, 2,2 milliards à récupérer dans le secteur de l’autoentrepreneuriat du fait de fraudes. Quant à la branche vieillesse, dont les recettes représentent 272,5 milliards contre 232,8 milliards pour la branche maladie – mais vous ne parlez que des hôpitaux –, des pensions sont versées à l’étranger pour des personnes décédées depuis bien longtemps. La réforme de l’indemnisation du chômage, c’est 6 milliards ; le système unifié de prestations sociales que nous souhaitons, 2 milliards. Il faut aussi lutter contre le scandale des arrêts maladie frauduleux qu’on obtient en un clic sur internet. C’est une question de justice.

Bref, des idées, nous n’en manquons pas. C’est dans ces domaines que nous devons investir notre énergie, plutôt qu’à taxer encore et encore – apparemment la seule recette aux yeux de certains.

M. Philippe Vigier (Dem). Moins il y a de chômage, plus il y a de cotisations sociales qui rentrent et plus on s’approche de l’équilibre. Sur ce point, nous sommes tous d’accord, comme sur la nécessité de créer de la compétitivité.

Il est dommage que l’article 6 ait été supprimé, car nous formulions dans les amendements des propositions très précises et soigneusement calculées. Mon but est d’améliorer la productivité et les leviers offerts aux entreprises par l’intermédiaire des exonérations de charges, tout en faisant des économies afin de redéployer les montants ainsi récupérés.

Vous applaudissez le fait que l’on se prive de 5 milliards d’euros. La suppression de la réforme de l’assurance chômage entre les deux tours des législatives n’était pas la meilleure des initiatives – rappelons qu’en Allemagne, il faut douze mois de travail pour prétendre à l’indemnisation. J’espère que vous aurez la même exigence quand nous examinerons les crédits de France Travail. Quand le taux de chômage tombe à 7,2 %, c’est que les chômeurs sont très éloignés de l’emploi et qu’il leur faut un accompagnement individuel ; mais vous verrez qu’on mettra moins et qu’il en résultera une augmentation du nombre de chômeurs.

Je vous donne rendez-vous pour que nous débattions de tout cela de manière approfondie. Mais si les choses se passent de la même façon dans l’hémicycle, le débat sera tronqué. Je vous mets en garde. Chacun prendra ses responsabilités.

M. Yannick Monnet (GDR). Thibault Bazin a bien énoncé les termes du débat : il y a un vrai désaccord entre ceux qui pensent que l’on peut encore restreindre les dépenses de santé et ceux qui comme nous, estiment que l’on est à l’os dans ce domaine. Vous préférez renoncer à 5 milliards d’euros d’exonérations – sur 80 ! – plutôt que vous préoccuper des vrais besoins de la population. Ce qui nous oppose, c’est la théorie du ruissellement défendue par le Président de la République depuis le début de son premier mandat : pour nous, elle ne fonctionne pas, surtout en matière de santé. On n’a cessé de réduire les dépenses de santé et les gens n’ont jamais eu autant de mal à se soigner. Ce que nous voulons, c’est sanctuariser des moyens dans ce domaine.

Quant aux recettes, monsieur le rapporteur général, nous n’avons cessé d’en proposer de nouvelles depuis le début de la discussion. Un amendement en particulier aurait permis de financer la suppression de la réforme des retraites. Ne nous faites donc pas ce procès. Dans ce débat, la gauche se montre responsable s’agissant des finances publiques.

M. Stéphane Viry (LIOT). Nous sommes ici au cœur d’un modèle qui, depuis plusieurs années, conduit à réduire le champ de la protection sociale des Français au nom de la compétitivité de nos entreprises et de notre économie. Le PLFSS doit-il être un outil d’ajustement de notre compétitivité ou un moyen de protéger les Français en donnant les moyens de répondre à leurs besoins ?

De ce point de vue, les amendements en discussion sont éminemment politiques. Ils nous placent face au choix que nous éludons les uns et les autres depuis des années. J’en remercie leurs auteurs – qui viennent de tous les bords politiques, ce qui confirme que nous sommes au bout d’un système.

La loi Veil de 1994 a tenté de sanctuariser la protection sociale des Français. On ne dépense pas l’argent que l’on n’a pas, on ne tape pas dans les réserves, on n’ampute pas des recettes : l’argent de la protection sociale doit servir à répondre aux besoins sanitaires et médico-sociaux des Français.

Nous n’aurons pas de bonne solution ce soir. M. le rapporteur général nous invite à revoir la copie ; les auteurs des amendements veulent faire sauter le machin. Je suis très embarrassé pour voter. En tout cas, je le répète, le système de financement est en bout de course et il est grand temps de faire autrement si nous voulons répondre aux besoins de sécurité sanitaire et médicale des Français. Je suis enclin à accorder le bénéfice du doute aux amendements, pour faire bouger les lignes, même si je comprends la position du rapporteur général.

Mme Stéphanie Rist (EPR). En effet, nous sommes au bout d’un système ; en témoigne la dette sociale à gérer dans les années qui viennent. Toutefois, dans ce modèle fondé sur l’emploi, les exonérations ne sont pas des cadeaux pour les entreprises, mais permettent d’améliorer le taux d’emploi, qui assure notre protection par l’intermédiaire des cotisations.

Monsieur Monnet, vous ne pouvez pas dire que nous avons réduit les dépenses de santé alors qu’elles ont augmenté de 56 milliards d’euros – sur un budget de 256 milliards. Nous n’avons pas le même point de vue : vous voulez arrêter l’activité des entreprises, nous souhaitons les aider à créer de l’emploi pour créer de la richesse et renforcer ainsi la protection.

M. Hendrik Davi (EcoS). Les cotisations sont un salaire différé, payé par les salariés et par les patrons, mis en commun dans des caisses pour gérer les risques. C’est ainsi que le système a été pensé après la guerre. Il ne s’agit donc pas vraiment de notre argent ni de celui de l’État. Ainsi, ne pas compenser, c’est rompre un contrat moral avec les salariés et les patrons qui ont cotisé. Voilà pourquoi il est essentiel d’inscrire le principe de la compensation dans la loi.

Monsieur le rapporteur général, je n’ai pas compris votre argument technique à ce sujet.

Nous voulons discuter des recettes, raison pour laquelle nous souhaitions examiner l’article 6. J’avais déposé un amendement qui tendait à lisser les exonérations de cotisations sociales pour éviter les paliers. On sait – même nos collègues du groupe Les Démocrates le reconnaissent – qu’elles n’ont pas d’effets positifs concernant les très hauts salaires : quand on recrute un ingénieur très qualifié, c’est qu’on a besoin de cette qualification et on ne se préoccupe pas de l’exonération. Cet amendement aurait permis de récupérer 13 milliards d’euros.

Je veux bien discuter aussi des dépenses. Il est vrai qu’on est à l’os dans certains domaines ; mais d’autres, non justifiées, peuvent être revues. Les prix de certains médicaments sont inadmissibles, totalement décorrélés de la recherche et développement. Les psychiatres nous alertent au sujet d’un nouveau marché : les cliniques psychiatriques privées. Dans notre modèle mixte, certains acteurs privés font beaucoup de profit.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). « Voulez-vous que le visage de la France passe de celui de Simone Veil à celui de Marine Le Pen ? », demandait Gabriel Attal. C’est un peu le résultat du vote dans lequel vous venez de joindre vos voix à celles du Rassemblement national.

Votre politique de l’offre a un bilan : elle a échoué. Réduire les dépenses à tout-va, augmenter le montant du ticket modérateur, faire des économies sur les retraités et sur le secteur de la petite enfance sont des erreurs. Dans ces domaines, les investissements stimulent l’économie, ce qui crée des emplois et fait rentrer des cotisations. Vous êtes incapables de le comprendre.

Il y a moins d’un an, on parlait de déconsommation ! Les revenus de la majorité des Français, vu l’inflation, ne leur permettent pas de faire les achats qui stimuleraient l’économie. À poursuivre les économies sur le peuple, c’est toute l’économie que vous êtes en train de faire chuter. Vos cadeaux, les grandes entreprises ne les investissent pas dans l’économie réelle.

Des élections législatives ont eu lieu – je sais que vous n’aimez pas les élections, mais nous sommes encore en démocratie – et ce qui en est ressorti était la nécessité d’une politique de la consommation populaire pour relancer l’économie. Les gens ont voté pour mettre fin à votre politique du ruissellement, qui ne fonctionne pas.

M. Michel Lauzzana (EPR). Le principe de compensation défendu dans les amendements supposerait une étanchéité entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale qui n’existe plus depuis longtemps. Si l’État n’équilibrait pas les comptes du régime de retraite – responsable de 44 % du déficit –, ce serait une catastrophe. Pourquoi ce fonctionnement serait-il à sens unique ?

Nous voulons stimuler l’emploi et les petites entreprises – M. Boyard fait erreur en parlant des grandes entreprises : 90 % des entreprises françaises sont des PME. Et c’est ce que nous avons fait depuis 2017, pour davantage de cotisations sociales.

Mme Joëlle Mélin (RN). Le rapport d’information de MM. Guedj et Ferracci sur le contrôle de l’efficacité des exonérations de cotisations sociales le disait parfaitement, même si notre interprétation diffère : les allégements sur les salaires les plus faibles créent de véritables trappes à bas salaires dont ni l’employeur, qui veut profiter du maximum d’exonérations, ni le salarié, qui ne veut pas perdre des avantages connexes comme la prime d’activité, n’ont intérêt à sortir. Le problème est qu’en exonérant au maximum, on ne crée pas pour autant d’emplois. Et encore faut-il que les emplois créés, notamment dans les domaines en tension, soient occupés.

Malgré le nombre de demandeurs d’emploi, beaucoup d’employeurs doivent ainsi réduire leur activité ou y mettre fin. D’où – je vais faire hurler à gauche – l’appel à l’immigration. Il faut être très prudent : beaucoup de Français attendent de pouvoir travailler dans de bonnes conditions, en touchant un salaire digne en reconnaissance de leur peine, de leur savoir et de leur expérience ; mais la mauvaise utilisation des exonérations crée des situations bloquées.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). En effet, monsieur Lauzzana, il existe une porosité entre les recettes comme entre les dépenses de l’État et de la sécurité sociale. Mais la charge pèse davantage d’un côté que de l’autre, notamment depuis qu’en 2020 la dette covid a été transférée à la sécurité sociale alors qu’elle relevait de l’État, qui l’avait intégralement décidée et gérée. Ces 136 milliards ont considérablement aggravé le déséquilibre. La sécu supporte des dépenses à la place de l’État.

M. le rapporteur général. Monsieur Monnet, notre désaccord est fondamental. Vous proposez des recettes supplémentaires, mais il s’agit de taxes supplémentaires. Pour ma part, je suggère moins de dépenses.

Monsieur Davi, nous déplorons tous, comme vous, l’absence de compensation. Il existe d’autres modes de compensation que les crédits budgétaires – des recettes fiscales, par exemple. Par ailleurs, vous proposez une compensation mécanique, par un seul levier : la suppression d’une exonération, alors que celle-ci peut avoir des effets positifs qu’il faut évaluer. Je ne conteste donc pas le principe de l’amendement, mais il pourrait être mieux rédigé. Voilà pourquoi je vous propose de le retravailler en vue de la séance publique.

La commission adopte l’amendement AC786.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendement AS111 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement s’appuie non sur de la littérature gauchiste, mais sur le rapport de la Cour des comptes de mai 2024 relatif aux niches sociales des compléments de salaire. Ce type de rémunérations, qui bénéficient d’un traitement social dérogatoire, ont été récemment renforcées et on a tendance depuis 2018 à les substituer au salaire de base dans le but de se soustraire aux cotisations sociales, ce qui a réduit les recettes de la sécurité sociale et donc aggravé ses déficits. S’agissant des attributions gratuites d’actions et des stock-options, le montant auquel l’exonération s’applique est d’environ 4,7 milliards d’euros, ce qui prive la sécurité sociale d’environ 800 millions de recettes.

Vous ne pouvez pas m’objecter l’atteinte au pouvoir d’achat : je parle de personnes qui vont acheter un seul yacht au lieu de deux ! Je n’ai rien contre les riches, mais c’est de ce niveau de rémunération qu’il s’agit. Comment pouvez-vous ricaner quand je propose de dégager 800 millions d’euros de recettes ? Il suffit pour cela d’aligner les plafonds d’exemption des compléments de salaire de partage de la valeur sur ceux applicables à la prime de partage de la valeur, soit 6 000 euros par an et par bénéficiaire.

M. le rapporteur général. Nous sommes en pleine réflexion sur l’article 6 et nous ne savons pas quel en sera le résultat. Dans ces conditions, est-il opportun d’introduire des leviers dont nous ne mesurons pas la portée ? Ne dissuadons pas les entreprises de recourir à ces instruments de partage de la valeur, qui incluent la participation et l’intéressement. Je ne dis pas que l’idée n’est pas bonne, mais qu’il faudra tenir compte de ce à quoi aboutit la réécriture de l’article 6.

Je vous suggère donc le retrait, à défaut de quoi mon avis sera défavorable.

M. Hendrik Davi (EcoS). Moi, j’ai un petit problème avec les riches et je l’assume. J’ai même publié récemment dans Le Monde – un journal d’extrême gauche ! – une tribune montrant que l’austérité pour les riches, c’est bon pour la planète et pour le climat. L’empreinte écologique est parfaitement corrélée au niveau de revenu et décroche pour les plus hauts revenus – forcément, se balader en jet privé a un impact écologique problématique.

Les dividendes versés par les entreprises françaises atteignent des montants records : 70 milliards d’euros en 2022, 73 milliards en 2023 ; ils sont les plus élevés d’Europe au deuxième trimestre 2024. Comment ne pas remettre en question cette accumulation du capital et tenter de faire en sorte qu’elle contribue à notre système de santé et à l’ensemble de la gestion des risques ? Cet amendement va dans le bon sens.

Vous parlez beaucoup du coût du travail, mais quand on baisse les salaires, en réduisant soit le montant du salaire versé soit celui des cotisations – qui sont du salaire différé –, on est peut-être compétitifs, mais, surtout, on dégage beaucoup plus de plus-values. Chez Stellantis, les marges étaient de 5 % dans les années 2000 ; maintenant, dans toutes les grandes entreprises, on demande 20 % pour satisfaire les actionnaires. C’est une manne qui manque à notre sécurité sociale et à notre système de santé ; il est normal d’aller la récupérer.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous voterons l’amendement avec enthousiasme. Monsieur le rapporteur général, vous dites ne pas savoir ce que va devenir l’article 6 : voici un point de chute et un parachute ! Vous gagnerez ainsi du temps, puisque M. Barnier est très long à communiquer articles et documents, et de l’argent pour la sécurité sociale. C’est l’occasion de revenir sur la forfaiture que fut le vote sur l’article 6.

Il ne s’agit que de plafonner différentes formes de compléments de salaire, non de réduire le revenu de quiconque – ce que l’on pourrait par ailleurs assumer de faire à partir d’un certain niveau, pour une désinflation compétitive des riches. La proposition est très mesurée : au-delà d’un certain montant, on paye des cotisations. C’est quand même dingue de se demander si des gens qui touchent 6 000 euros de complément de salaire doivent contribuer un peu à la sécurité sociale !

M. Jérôme Guedj (SOC). Monsieur le rapporteur général, une question méthodologique : où et quand réécrirons-nous l’article 6 pour éviter qu’il ne soit également supprimé en séance sans discussion ? Je pensais naïvement que les quelque soixante-dix amendements qui y avaient été déposés allaient nous permettre, en nous reniflant les uns les autres, de trouver des points de convergence.

L’article 6 concerne les allégements généraux ; nous vous proposons ici des amendements relatifs à l’une des 141 exonérations ciblées – relisez les 447 pages de l’annexe 2 du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, plus particulièrement la fiche n° 65. Les distributions d’actions gratuites ou les stock-options servent à contourner les versements de cotisations sociales, d’autant que les taxes compensatoires initialement prévues se sont émoussées. Pour une entreprise, il est donc plus intéressant de rémunérer ses collaborateurs sous cette forme que sous celle d’un salaire, soumis à cotisations. Le problème, c’est que cela représente un énorme manque à gagner pour la sécurité sociale.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). C’est bien en commission, en public, que l’on réécrit les articles et que l’on se renifle, suivant l’expression de Jérôme Guedj ! Sinon, où et quand allons-nous le faire ? Dans le huis clos d’un bureau ? Alors même que vous sembliez plutôt d’accord avec l’amendement AS111, monsieur le rapporteur général, vous nous renvoyez à une commission des ténèbres. L’article 6 n’est pas n’importe quel article. Nous vivons déjà une période assez baroque d’un point de vue démocratique. Non seulement nous sommes sous la menace permanente d’un 49.3, non seulement ceux qui arrivent en tête aux élections n’obtiennent pas Matignon, mais ce n’est même plus en commission que l’on réécrit les annonces majeures du Premier ministre !

M. Thibault Bazin (DR). Il faut reconnaître à M. Guedj cohérence et constance dans la défense de son projet de ressources supplémentaires. Évitons tout de même de ne citer qu’une partie des propos du Premier ministre. Sa ligne est claire : un tiers de hausse de la fiscalité, deux tiers de baisse des dépenses publiques. Mais il a aussi dit que le Gouvernement avait eu peu de temps pour préparer le projet de loi de finances et le PLFSS, qu’ils étaient perfectibles et qu’il confiait au Parlement le soin de les amender. Nous essayons d’y arriver. S’il est nécessaire de corriger le système d’allégement des charges, faut-il le faire à coût constant ? Certains souhaitent récupérer ces 5 milliards d’euros ; ce n’est pas mon cas. Je vous ai fait une liste exhaustive des dépenses indues, relatives à la fraude notamment, en me fondant sur les chiffres de plusieurs rapports, dont ceux de la Cour des comptes. Ces injustices choquent bon nombre de nos concitoyens et nous sommes aussi là pour répondre à l’attente des Français.

Mme Annie Vidal (EPR). Vous remettez en cause, chers collègues, la suppression de l’article 6. Mais voter des amendements est aussi le rôle de la commission ! Chacun fera des propositions en responsabilité d’ici à l’examen en séance pour trouver des recettes supplémentaires ou diminuer les dépenses.

M. Christophe Bentz (RN). Nous avions plutôt l’intention de nous abstenir sur cet amendement, d’autant que le champ lexical de nos collègues de l’extrême gauche pique un peu les oreilles : il s’agirait de taxer les riches pour taxer les riches. Mais, au nom de la justice sociale, nous sommes favorables à l’abaissement des plafonds d’exemption pour les compléments de salaire compléments de salaire de partage de la valeur en entreprise : nous voterons donc cet amendement de bon sens. Nous vous avions alertés sur le fait que la prime de partage de la valeur ne serait jamais du salaire en tant que tel. L’extrême gauche répète que nous avons voté contre le Smic à 1 500 euros. Vous, lors de notre première niche, vous avez voté contre notre augmentation de 10 % exonérée de charges patronales pour tous les chefs d’entreprise qui acceptaient d’augmenter leurs salariés, ce qui revenait à un Smic à 1 500 euros.

M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur Bazin, il y avait une petite imperfection dans la perfection de votre démonstration : les 5 milliards d’euros ! Vous revenez, avec la régularité d’un métronome, sur la fraude sociale et la fraude fiscale. En l’absence de toute étude d’impact à ce sujet, j’imagine que c’est donc vous qui allez ouvrir le chemin.

M. Yannick Monnet (GDR). Monsieur Bentz, ce n’était pas une augmentation de salaire que vous proposiez, mais un transfert : vous transformiez du brut en net. Plutôt que de faire cotiser l’employeur, vous donniez aux salariés. Cela réduisait et leurs cotisations et les bénéfices de la sécurité sociale. C’était un leurre.

On nous reproche de revenir sur l’article 6. C’est parce que nous sommes convaincus qu’il faut de nouvelles recettes pour faire face aux besoins actuels et à venir en matière de santé. Comment trouverons-nous sans cela des moyens pour l’hôpital ou pour les Ehpad dont 80 % sont déficitaires ? Si vous pensez que l’on peut y parvenir seulement en compressant les dépenses, je vous donne rendez-vous l’année prochaine et nous verrons quelle sera alors la situation sociale. Toutes les études montrent que nous n’y parviendrons pas sans une augmentation des recettes !

M. Damien Maudet (LFI-NFP). À chaque fois que nous avons proposé des cotisations exceptionnelles sur les dividendes pour prendre aux plus riches et donner aux plus précaires et renflouer les caisses de la sécurité sociale, le Rassemblement National a refusé. Votre unique solution, ce n’est pas d’aller taper dans les poches de ceux qui atteignent des records absolus de dividendes, mais dans les ressources de la sécurité sociale. Il n’y a aucune envie chez vous de redistribuer les richesses.

M. Emmanuel Taché de La Pagerie (RN). Je savoure la malhonnêteté de la gauche et de l’extrême gauche. Bien que des textes visant à taxer les ultrariches vous aient été proposés sous la précédente législature, vous n’avez rien fait. Mais ce soir nous parlons d’un amendement de M. Guedj, votre allié, auquel nous nous associons. Faites preuve d’un minimum d’honnêteté intellectuelle ! Il s’agit de l’intérêt de l’entreprise et des salariés. Vous racontez ce soir l’inverse de ce que vous avez dit sous la précédente législature.

M. le rapporteur général. M. Bentz a bien précisé qu’il s’agissait de partage de la valeur. Votre exemple, monsieur Guedj, était peut-être un peu caricatural. Il me semble que nous sommes tous favorables à la taxation de l’ultrarichesse. Personne ne va pas s’émouvoir que quelqu’un ne puisse s’acheter que deux yachts au lieu de trois. Néanmoins, dans près de 35 % des cas, les montants versés au titre de la participation des bénéfices le sont à des salariés d’entreprises de moins de 250 salariés. Il est tout à fait légitime de se demander s’il faut payer des cotisations sur une prime annuelle de plus de 6 000 euros. Mais ces primes sont une façon de revaloriser du mérite, du travail. Il faut être prudent. L’amendement AS111, en tapant sur des PME, risque d’avoir l’effet inverse à celui souhaité. On risque de désinciter des gens qui ont beaucoup travaillé et qui ont une prime sur leur résultat.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Quant à savoir où nous allons réécrire l’article 6, ce sera où vous le voudrez... Nous sommes dans une configuration inédite, sans groupe majoritaire pour mener cette réécriture. Tous les groupes parlementaires sont en lien avec les ministres, leurs cabinets et Matignon pour travailler dessus.

Monsieur Boyard, c’est surtout mon rapport qui vient des ténèbres, rédigé pour l’essentiel la nuit pour qu’il puisse vous être transmis dimanche à vingt-trois heures vingt‑trois !

Mme Béatrice Bellay (SOC). Malgré l’heure, nous sommes tous assez lucides sur l’état de notre pays et sur la difficulté que nous avons à répartir les richesses. Nous devons tenir un dialogue de vérité. On parle de gens qui n’auront pas assez d’une vie pour dépenser tout ce qu’ils possèdent alors que notre système social est en difficulté. Vous nous avez demandé de trouver des niches ; nous les trouvons ; et nous avons droit à une leçon sur ces pauvres riches qui travaillent beaucoup. Soyons raisonnables. Vous ne pourrez pas nous faire croire longtemps que le ruissellement fonctionne.

M. Jérôme Guedj (SOC). Les très riches sont, pour partie, concernés par mon amendement, parce que le début renvoie spécifiquement aux distributions gratuites d’actions, mais la suite renvoie, comme le faisait remarquer M. le rapporteur général, à d’autres modes de compléments de salaire que sont la participation, la réserve spéciale de participation et le plan d’épargne en entreprise. Si l’on sait que ce sont les 11 % des salaires les plus élevés qui accaparent environ 27 % de la participation et de l’intéressement et que le partage de la valeur est inégal, ces dispositifs intéressent aussi les classes moyennes. Il reste nécessaire d’élargir l’assiette des cotisations et de dégager des ressources sans affecter considérablement le pouvoir d’achat.

Mon amendement pourrait permettre d’ouvrir une discussion sur les compléments de salaire et de trouver le consensus que n’a pas rencontré l’article 6. D’après le rapport de la Cour des comptes de mai dernier, 25 milliards d’euros de compléments de salaire sont exemptés de toute cotisation sociale. N’oublions pas non plus que 12 milliards d’euros du Ségur de la santé ne sont pas financés, alors qu’ils auraient pu l’être grâce à une telle mesure.

M. le rapporteur général. Je vous remercie d’avoir reconnu que l’amendement comprenait plusieurs mesures. Les discussions montrent que la première partie, qui s’adresse aux ultrariches, ne pose pas de problème. En revanche, les dispositifs de partage de la valeur concernent 46 % des salariés. Il faudrait réécrire votre amendement pour ne viser que la catégorie qui nous semble pertinente à tous, sans quoi votre mesure n’incite pas au travail et n’est pas favorable au pouvoir d’achat.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je m’engage à déposer trois amendements différents en séance. Toutefois, pour marquer la volonté de la commission, je vous propose de voter celui‑ci, d’autant que son adoption n’aura aucune incidence sur le texte.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS41 de M. Élie Califer et AS1117 de M. Hadrien Clouet

M. Élie Califer (SOC). En attendant la réécriture de l’article 6, l’amendement AS41 vise à faire davantage contribuer les entreprises de plus de cinquante salariés dont la proportion d’arrêts maladie pour burn-out est supérieure à un certain seuil.

Selon une étude d’OpinionWay réalisée en mai 2021, le nombre de burn-out a explosé avec la crise du coronavirus et continue de le faire. Le stress et l’épuisement au travail concernent plus de la moitié des moins de 30 ans.

C’est pourquoi nous proposons d’améliorer la prise en charge des troubles de santé mentale au travail en reconnaissant le burn-out comme maladie professionnelle ; en réarmant la médecine du travail et en recréant des postes de psychologues du travail ; en améliorant la prévention et la prise en charge des risques psycho-sociaux ; en développant les études sur la relation entre les organisations du travail et les effets sur la santé mentale. De cette façon, les salariés pourront arriver à 64 ans en pleine forme !

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). La santé mentale des salariés français est très dégradée : 30 % sont affectés par un burn-out ; 42 % se disent en situation de détresse psychologique ; pour 80 % d’entre eux, cette détresse est liée à l’environnement de travail. Pourtant, seules 39 % des entreprises libèrent du temps pour des actions de sensibilisation à la prévention des risques psycho-sociaux et moins de 40 % disposent d’acteurs ayant un rôle spécifiquement dédié à la santé mentale.

Je vous épargne le paragraphe sur votre contribution à la disparition des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et au détricotage de la médecine et l’inspection du travail. Je vous épargne aussi mon laïus sur la situation de la psychiatrie, que vous n’arrangez pas dans ce PLFSS. L’organisation du travail fait souffrir et les entreprises qui n’engagent aucune action pour y remédier sont responsables de cette situation, qui pèse sur les comptes de la sécurité sociale. En 2021, 22 % des travailleurs de moins de 30 ans consommaient des somnifères ou des antidépresseurs, soit 13 % de plus qu’en 2014. Le nombre de syndromes d’épuisement professionnel a doublé entre 2020 et 2022.

La facture est d’autant plus lourde que les accidents du travail et les maladies professionnelles sont sous-déclarés, ce qui permet aux employeurs maltraitants d’échapper à leurs obligations et de transférer les coûts de la prise en charge vers la branche maladie. C’est pourquoi nous proposons par l’amendement AS1117 de créer un malus afin que les entreprises concernées contribuent au financement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT MP).

M. le rapporteur général. Vos amendements sont très intéressants. Il me semble néanmoins qu’ils sont en partie satisfaits, puisque la réforme de la tarification des accidents du travail a donné une plus large place à l’individualisation des cotisations. Ainsi, les établissements dont l’effectif est compris entre 20 et 149 salariés voient s’accroître leurs cotisations en fonction de leur sinistralité réelle.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. J’écouterai toutefois les débats avec attention, pour être sûr d’avoir bien compris votre proposition.

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous allons voter cet amendement. Parallèlement au principe du pollueur-payeur, on pourrait en effet imaginer celui du mal employeur-payeur. En discutant avec les médecins comme avec les salariés, en lisant les sociologues aussi, on constate une épidémie de mal-être au travail, due à plusieurs facteurs : management toxique, intensification du travail, rotation dans les équipes... Vous cherchez à éliminer certaines dépenses de la sécurité sociale : réfléchissez donc au manque à gagner causé par les arrêts de travail, à l’origine de situations souvent très compliquées pour les équipes sur place qui doivent travailler en sous-effectif – tant qu’elles le peuvent. C’est vrai dans les services publics, mais aussi dans les entreprises privées. Responsabiliser les entreprises et leur faire changer leurs méthodes de management serait positif.

M. le rapporteur général. D’après la Caisse nationale de l’assurance maladie, des contrôles ciblés sont réalisés dans des entreprises où l’absentéisme est élevé. Vous n’avez pas démontré que le dispositif proposé améliorerait la situation. Cela étant, comme vous, je m’élève contre le mauvais management qui entraîne davantage d’absentéisme. Un plan de prévention des accidents du travail graves et mortels a été établi et la convention d’objectifs et de gestion se voit doter de 150 millions d’euros supplémentaires.

Je maintiens mon avis et vous invite à retirer vos amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable. Néanmoins, si, en vue de l’examen en séance, vous revoyez le dispositif, qui vise à prévenir le mal-être au travail, je suis prêt à changer d’avis.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS39 de M. Elie Califer, AS537 de Mme Karine Lebon et AS841 de Mme Marie-Charlotte Garin

M. Elie Califer (SOC). Ces amendements, qui reprennent une proposition du rapport de la commission d’enquête relative aux maladies et pathologies professionnelles dans l’industrie, tendent à instaurer un malus pour les entreprises en cas d’accident du travail ; ils ne sont pas satisfaits.

M. Yannick Monnet (GDR). Monsieur le rapporteur général, vous n’êtes pas certain que le dispositif proposé améliorerait les choses ; nous non plus. Nous proposons d’instaurer un malus car c’est le seul moyen de sensibiliser l’employeur quand les conditions de travail se sont considérablement dégradées.

Par ailleurs, la commission chargée de l’évaluation de la sous-déclaration des AT‑MP, qui s’est tenue au premier semestre 2024, a évalué le montant de la sous-déclaration entre 2 et 3,7 milliards d’euros. En 2021, elle était estimée entre 1,2 et 2 milliards d’euros. C’est un vrai sujet. À défaut de trouver un dispositif plus efficace, nous pouvons instaurer un malus, objet de l’amendement AS537.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Tous les soignants connaissent cet enjeu : ils constatent les cas d’épuisement professionnel et de burn-out. Après le covid, ils en ont davantage pris la mesure, vu le nombre de personnes dont les conditions de travail ont changé. Certaines méthodes de management et certaines organisations de travail posent problème.

L’amendement AS841 vise à mieux évaluer et prévenir les risques de burn-out, en créant un malus – une augmentation du taux de cotisations AT-MP – pour les employeurs qui n’auraient pas pris les mesures nécessaires pour éliminer les risques. Plutôt que d’attaquer les prescripteurs d’arrêts maladie, comme nous l’avons fait lors de l’examen des précédents PLFSS, nous devons travailler sur les causes de ces maladies ; il s’agit là d’un levier.

M. Yannick Neuder (DR). Monsieur Califer, dans l’exposé sommaire de votre amendement, vous reprenez une préconisation faite en 2018 par Didier Migaud, alors premier président de la Cour des comptes, lors de son audition par la commission des affaires sociales. Dans celui de Mme Garin sont cités les chiffres alarmants publiés en 2015 par l’Institut de veille sanitaire, qui évaluait à 500 000 le nombre de salariés en souffrance psychologique liée au travail. Ensuite, est mentionné le rapport d’information de Gérard Sebaoun et Yves Censi relatif au syndrome d’épuisement professionnel, publié en 2017.

Je ne conteste pas ces éléments mais les mécanismes de majoration des cotisations AT-MP en fonction de la sinistralité ont depuis été renforcés, avec l’entrée en vigueur le 1er janvier 2024 d’un dispositif qui majore, dans la limite de 10 %, le taux de cotisation des entreprises de dix à dix-neuf salariés ayant des accidents du travail récurrents. À l’inverse, les entreprises de même taille ayant une démarche positive en matière de prévention seront récompensées par une réduction forfaitaire des cotisations de 10 %.

Avant de légiférer, évaluons ce nouveau dispositif. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Nous avons encore d’énormes progrès à accomplir, notamment en matière d’accidents graves et mortels. Notre taux d’accidents du travail est l’un des plus élevés d’Europe même s’il varie en fonction des secteurs – il est plus important dans celui du travail temporaire, ce qui pose la question de la protection de la jeune génération, qui souhaite davantage recourir à l’intérim. Il existe, certes, des campagnes de prévention.

Au niveau global, la sinistralité a diminué. Nous ne devons pas confondre les arrêts maladie avec les accidents du travail : tous les arrêts maladie ne sont pas liés au travail et les accidents du travail n’expliquent pas le doublement des arrêts maladie.

Il est faux de dire que personne ne s’intéresse à cette question. Je visite des entreprises depuis une quinzaine d’années et je vois qu’on s’y efforce de plus en plus d’éviter les accidents du travail. Les employeurs publics ont évolué également : ils appliquent le document unique d’évaluation des risques professionnels. Nous devons continuer à faire des progrès mais je ne suis pas convaincu par le dispositif du malus.

Dans certains secteurs, on a découvert au fil du temps des maladies professionnelles que les employeurs ignoraient il y a quarante ans – je pense au terrible drame des maladies liées à l’amiante. Nous devons également prendre en compte les évolutions de la science en la matière.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Il va falloir mieux prendre en compte la santé mentale, notamment au travail, compte tenu du nombre de burn-out et de maladies équivalentes. Or ce nombre est supérieur chez nous à ce qu’il est dans d’autres pays.

Mais le coût du travail aussi est supérieur chez nous. À mon sens, ni l’instauration d’un malus ni l’augmentation des cotisations ne régleront le problème. La réforme des retraites prévoit des mesures relatives à la pénibilité et à la prise en charge de la santé mentale qu’il est nécessaire d’appliquer.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). S’agissant de l’amiante, je souhaite appeler l’attention de notre commission sur les bâtiments publics. L’an dernier, une enquête a révélé que de nombreux bâtiments publics – notamment des écoles –, construits il y a quarante ou cinquante ans, s’effondraient. Dans ma circonscription – mais également ailleurs –, certaines collectivités n’ont pas les moyens d’assurer la reconstruction totale du bâtiment ou d’effectuer des travaux. En gros, elles mettent la poussière sous le tapis.

Au sein du groupe d’études sur l’amiante, nous avons travaillé avec Thibault Bazin sur la question de la présence d’amiante dans les bâtiments publics dont notre commission doit se saisir. Combien d’administrations de l’État se verraient imposer un malus ?

M. Hendrik Davi (EcoS). Il ne s’agit pas d’une mesure magique qui réglera le problème. Pour y parvenir, il faudrait renforcer les droits des salariés. Les CHSCT jouaient leur rôle en matière de prévention. Si les syndicats et les salariés ne s’organisent pas en vue d’évaluer les conditions de travail, il y aura des arrêts de travail.

Néanmoins, je suis favorable à cet amendement. Les entreprises qui ne se montrent pas responsables augmentent les dépenses de sécurité sociale du fait des arrêts de travail et des maladies professionnelles. Le malus permettrait de dégager des recettes qui pallieraient ces dépenses supplémentaires. C’est le principe du mauvais employeur-payeur.

Mme Joëlle Mélin (RN). Une maladie est une maladie professionnelle si une relation directe et certaine avec l’activité professionnelle est établie, ce qui est difficile dans le cas des maladies psychiques ou psychocomportementales, telles le burn-out – même si le critère de l’exclusivité a disparu.

Les employeurs sont peut-être mal intentionnés ou de mauvais gérants, il n’en demeure pas moins que vous oubliez un facteur majeur : l’usage des écrans. Grâce aux IRM fonctionnelles, il est prouvé que l’usage des écrans ou du téléphone pose d’énormes problèmes. Du reste, ils sont également utilisés dans la vie quotidienne, ce qui conduit à un épuisement intellectuel. Quand on reçoit un texto, cinquante-six secondes sont nécessaires pour revenir à ce qu’on faisait précédemment ; si l’on envoie des messages toutes les minutes, on est en permanence déboussolé. Il pourrait incomber aux employeurs de limiter l’usage des écrans, comme pour les enfants.

Le malus est une mesure radicale.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS807 de M. Damien Maudet et AS105 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Comme vous avez supprimé l’article 6, nous devons trouver 5 milliards d’euros de recettes. Nous proposons de soumettre à cotisation les revenus tirés de l’intéressement, de la participation et des plus-values de levée-vente d’actions afin qu’ils ne soient pas plus intéressants que les salaires. D’après l’Institut national de la statistique et des études économiques, la perte de recettes pour la sécurité sociale est estimée à 2,1 milliards d’euros pour l’année 2024.

Vous assénez qu’il faut soutenir l’emploi mais nous avons besoin de cotisations, donc de salaires.

Je n’ai de cesse de poser la question mais je n’obtiens pas de réponse : où allons‑nous avec ce PLFSS ? Comment parviendrons-nous à établir une programmation pluriannuelle de la sécurité sociale ? Qui du capital ou du travail doit payer ? Ce n’est pas aux travailleuses et aux travailleurs, nombreux à être en situation précaire et qui gagnent à peine de quoi se loger et se nourrir, de payer. Si vous taxiez le capital, vous dégageriez 11,8 milliards de recettes. C’est une proposition raisonnable et constructive.

M. Élie Califer (SOC). L’amendement AS105 est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS106 de M. Jérôme Guedj, amendements identiques AS539 de Mme Karine Lebon et AS804 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)

M. Élie Califer (SOC). L’amendement AS106 est défendu.

M. Yannick Monnet (GDR). Depuis 2017, différentes mesures législatives ont assoupli le dispositif relatif aux revenus d’intéressement. Selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), l’intéressement s’est depuis lors élargi à d’autres bénéficiaires et le montant perçu a augmenté. Comme l’ensemble des dispositifs de contournement du salaire, il soulève quelques problèmes, identifiés notamment dans le rapport d’information de Mme Sas et M. Margueritte. Ils ont ainsi constaté des effets d’aubaine, qui se traduisent par une substitution des primes aux augmentations de salaires. Ce rapport souligne également que, d’après certaines études, la répartition des primes de participation et d’intéressement comme l’accès à l’épargne salariale est plus inégalitaire que celle des salaires. Les montants versés sont également inégalitaires.

Enfin, la Dares avait évalué à 844 millions d’euros net les pertes de recettes induites par le régime social de l’intéressement pour 2022, montant non négligeable et en constante augmentation. C’est encore une bonne raison d’y mettre fin.

Il est essentiel que le salaire prévale sur la prime. C’est pourquoi nous proposons par l’amendement AS539 de soumettre les revenus d’intéressement à l’assiette des cotisations de sécurité sociale.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). La grande partie des sommes reçues au titre de l’intéressement est exonérée de cotisations ; on ne contribue pas à la couverture des risques maladie, vieillesse et chômage.

L’intéressement est avant tout versé par les grandes entreprises : plus une entreprise est grande, plus la probabilité qu’il y ait un plan d’intéressement est élevée – c’est le cas dans les entreprises de plus de 1 000 salariés. Les cadres et les salariés aux revenus élevés sont davantage concernés par l’intéressement que les ouvriers, les techniciens ou les employés. Bref, plus l’entreprise est importante, la position hiérarchique du salarié et ses revenus élevés, plus la probabilité qu’il bénéficie d’un accord d’intéressement est forte.

Par ailleurs, ce sont avant tout les entreprises des secteurs de la finance et de l’assurance, où les profits sont les plus élevés, qui proposent la plus vaste couverture en matière d’intéressement. À l’inverse, les entreprises de l’hôtellerie, de la restauration, de l’action sociale, qui ont les taux de marges les plus faibles, sont les moins couvertes par des accords d’intéressement.

J’en conclus que cette exonération de cotisations sociales profite à certaines entreprises, celles qui se portent bien, au détriment d’autres qui vont moins bien. Or c’est à ces dernières que revient la charge de contribuer à la sécurité sociale, tandis que les autres ont trouvé le moyen de ne pas y participer. Ces cadeaux des petits patrons faits aux grands sont injustes et injustifiés. Tel est l’objet de l’amendement AS804.

M. le rapporteur général. Par effet de substitution, la participation et l’intéressement représentent 15 % à 40 % des augmentations de rémunération, ce qui est significatif sans être pour autant écrasant. Par ailleurs, 46 % des salariés du privé en bénéficient. Votre mesure altérerait leur pouvoir d’achat.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). La présentation qui a été faite de l’intéressement, auquel nous sommes très attachés, est tronquée. Si ce dispositif est exonéré de certaines cotisations sociales, il est quand même assujetti à la CSG et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Par ailleurs, le salarié est imposé sur son revenu. L’intéressement n’est pas non plus versé chaque année.

Mais il concerne tous les salariés de l’entreprise, notamment ceux qui ont de faibles revenus. C’est un dispositif gagnant-gagnant. Si l’on est attaché au partage de la valeur et au pouvoir d’achat, on ne peut que le soutenir. Si nous devions adopter ces amendements, cela aurait des conséquences sur le pouvoir d’achat et cela rendrait le travail moins attractif.

M. René Lioret (RN). J’ai travaillé quarante-quatre ans dans des entreprises qui ont toujours versé de la participation et de l’intéressement. La participation est proportionnelle au salaire et si lors de son versement elle est exonérée de CSG et de CRDS, tel n’est pas le cas lors de sa liquidation – environ 18 % de son montant est versé au titre de la CSG et de la CRDS.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS540 de Mme Karine Lebon

M. Yannick Monnet (GDR). Si l’on soumettait l’intéressement à cotisation, il serait moins intéressant : c’est sûr. C’est le principe même de la cotisation : elle alimente les caisses de la sécurité sociale.

Cet amendement vise à soumettre à l’assiette des cotisations les rachats d’actions. Aujourd’hui, 600 000 salariés ont bénéficié d’une opération d’actionnariat, soit 4,3 % de l’ensemble des salariés. Parmi eux, 460 000 salariés ont bénéficié d’une attribution gratuite d’actions, de stock-options ou de bons de souscription. Ces dispositifs sont exonérés de différentes cotisations. Selon la Dares, les stock-options et les attributions gratuites représentent 507 millions d’euros nets de perte de recettes pour la sécurité sociale en 2022, chiffre en constante augmentation depuis 2018.

Nous souhaitons que cet argent vienne renflouer les caisses de la sécurité sociale.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS52 de M. Arnaud Simion.

M. Élie Califer (SOC). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

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5.   Réunion du mercredi 23 octobre 2024 à 15 heures (après l’article 6 [suite] à article 9)

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.15605093_6718f1626a89a.commission-des-affaires-sociales--suite-de-l-examen-du-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite--23-octobre-2024

La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 325) (M. Yannick Neuder, rapporteur général ; M. Guillaume Florquin, M. Louis Boyard, Mme Sandrine Rousseau et M. Jean-Carles Grelier, rapporteurs).

Amendements identiques AS40 de M. Elie Califer et AS1120 de M. Damien Maudet

M. Elie Califer (SOC). Mon amendement vise à moduler le taux de cotisation à la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) en fonction de la survenance de pratiques pathogènes dans les entreprises. On sait en effet que le travail nocturne, découpé ou irrégulier a des conséquences de mieux en mieux documentées sur les individus, notamment sous forme de maladies cardiovasculaires. Les entreprises ont tendance à outrepasser le rythme naturel de repos, ce qui a des incidences sur les travailleurs. Or notre obsession est que ceux-ci parviennent en bonne santé à l’âge de 60 ans.

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). L’amendement identique AS1120 tend à prendre en compte le taux de survenance de pratiques pathogènes dans le calcul des cotisations au titre des accidents du travail et maladies professionnelles. La part des salariés qui subissent des contraintes physiques dans le cadre de leur travail a augmenté de près de 4 points entre 2005 et 2016 chez les ouvriers qualifiés, passant de 57,2 % à 60,8 %. Selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), l’exposition à des risques professionnels va de pair avec un sentiment accru d’insoutenabilité du travail, 37 % des salariés ne se sentant pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite.

La survenance de pratiques pathogènes dans le milieu professionnel doit être combattue par tous les moyens. Les entreprises qui exposent le plus les travailleurs aux risques professionnels doivent en assumer les conséquences. L’instauration d’une surcotisation au titre des accidents du travail et maladies professionnelles est l’un des multiples leviers que le législateur doit actionner afin de réduire l’exposition des travailleurs aux risques.

M. Yannick Neuder, rapporteur général. Ces amendements sont relativement satisfaits par la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, qui cherche à diminuer fortement ces pratiques par l’action de deux leviers : une démarche de prévention primaire dans les entreprises, conformément aux conventions conclues par les organisations syndicales et patronales dans l’accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020 ; l’identification et la prévention des risques par la formalisation d’un document unique d’évaluation des risques et de prévention, dont chaque entreprise doit se doter.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS796 de M. Belkhir Belhaddad

M. Belkhir Belhaddad (EPR). La formidable réussite des jeux Olympiques a conforté la promotion de l’activité physique comme grande cause nationale de l’année. L’activité physique est une bonne chose pour la santé et le bien-être de nos concitoyens, mais aussi pour les finances publiques. En effet, le coût de la sédentarité est de l’ordre de 17 milliards chaque année – « la chaise tue », disait même le docteur François Carré. La prévention constitue donc un investissement important, et l’amendement vise à encourager les entreprises à investir dans le développement de la pratique physique et sportive, au moyen d’un dispositif expérimental de bonus sur leurs cotisations AT-MP.

M. le rapporteur général. Il me semble que votre intention – que je partage – est déjà satisfaite, au moins partiellement, puisque le coût des activités physiques et sportives proposées à l’ensemble des salariés est déjà exclu de l’assiette des contributions et cotisations sociales. Cela n’empêche pas les entreprises d’appliquer d’autres mesures de prévention, mais ce n’est pas l’objet de votre amendement.

Retrait ou avis défavorable.

M. Belkhir Belhaddad (EPR). Les activités physiques et sportives dans les entreprises sont un angle mort de nos politiques publiques, qu’il importe d’autant plus d’évoquer dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) que le budget du sport est réduit de près de 200 millions d’euros.

M. Thibault Bazin (DR). Cette baisse de 200 millions d’euros tient en très grande partie au fait que nous n’organiserons pas de sitôt des jeux Olympiques. D’autres dispositions sont prévues, notamment pour l’investissement dans les équipements. Nous avons déjà une politique volontariste et il faut certes aller plus loin, mais commençons par appliquer les dispositifs existants.

M. le rapporteur général. Je souscris à la nécessité d’inciter les salariés et les entreprises avec de telles politiques, mais tenons-nous en à notre travail de législateur : votre proposition nous donne une occasion d’évoquer le sujet dans notre commission, mais elle est déjà satisfaite.

L’amendement est retiré.

Amendement AS1121 de Mme Élise Leboucher

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS286 de M. Jean-Pierre Taite

Mme Sylvie Bonnet (DR). Le pouvoir d’achat est l’une des préoccupations majeures des Français. La loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a instauré pour les salariés la prime de partage de la valeur, un complément de salaire à la discrétion des employeurs. Les travailleurs indépendants, quant à eux, ne bénéficieront que d’une baisse de leurs cotisations sociales, sans intéressement, ni participation, ni treizième mois. Leur permettre de se verser une fois par an, selon des modalités fixées par décret, une prime non fiscalisée mais plafonnée à 5 000 euros, calquée sur le modèle de celle qui est versée dans le cadre de l’intéressement, serait un excellent coup de pouce au pouvoir d’achat et un signal fort envoyé à cette catégorie socioprofessionnelle qui représente 12 % de la population.

M. le rapporteur général. Je partage votre souci de réduire l’écart entre revenus bruts et nets, dans un esprit de justice sociale, mais votre proposition, outre que son coût n’est pas estimé, concernerait un public très large et un vaste ensemble de prélèvements fiscaux et sociaux, de telle sorte qu’on n’en mesure pas l’impact financier.

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS788 de Mme Zahia Hamdane

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Il est impératif d’abroger les dispositions issues de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 qui ont transformé le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en réductions de cotisations sociales. Entre 2013 et 2017, le CICE a coûté à la collectivité près de 90 milliards d’euros, soit plus de 18 milliards par an, ce qui représente, chaque année, quatre fois les recettes de l’impôt sur la fortune ou quatorze fois le budget du centre hospitalier universitaire de Toulouse. Pourtant, 100 000 emplois seulement ont été créés, pour un coût unitaire de plus de 160 000 euros. Pour la seule année 2022, le coût de la pérennisation du CICE a atteint 26,4 milliards, soit six fois plus que les économies prévues par le gouvernement Barnier avec le gel de l’indexation des retraites. Cette gabegie budgétaire ne peut plus durer : il est temps de rediriger ces sommes vers des politiques réellement bénéfiques pour la population, plutôt que de continuer à subventionner des entreprises sans aucun résultat tangible. Ce retour à une gestion plus juste et plus efficace de nos finances publiques est indispensable.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

Je crains que la mesure que vous proposez n’aille au-delà de ce que vous aviez suggéré dans les amendements à l’article 6, ce qui serait un coup dur pour les entreprises et reviendrait à supprimer d’un coup le « bandeau maladie ».

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS809 de Mme Zahia Hamdane

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Les primes de partage de la valeur, censées être un complément exceptionnel, se substituent de plus en plus aux augmentations salariales classiques, privant ainsi la sécurité sociale de financements essentiels et menaçant l’équité du système. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, entre 15 % et 40 % des rémunérations versées sous forme de prime de pouvoir d’achat ou de prime de partage de la valeur ont remplacé les augmentations de salaire. Cela crée un déséquilibre croissant entre les entreprises et entre les salariés, tout en érodant la base contributive de notre système de cotisations sociales.

Il est urgent de revenir sur les élargissements récents des réductions de cotisations sociales à ces compléments de salaire, et de rétablir une juste contribution des entreprises et des salariés au financement de la sécurité sociale. Il est bien temps de garantir une solidarité équitable sans laisser les exonérations affaiblir notre modèle social et sa pérennité.

M. le rapporteur général. Nous avons eu, comme l’ensemble des groupes politiques, des contacts avec le cabinet de la ministre et avec Matignon en vue de la réécriture de l’article 6, qui pourrait prévoir d’intégrer les sommes versées au titre de cette prime dans l’assiette de calcul des allègements généraux de cotisations. On pourrait ainsi, sans la supprimer, soumettre la prime de partage de valeur aux cotisations, ce qui serait une position de compromis.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR). Sous prétexte que l’article 6 a été supprimé, on ne pourrait plus discuter de cette question avant la réécriture de celui-ci, qui ferait l’objet de discussions avec le ministère. C’est un peu facile ! Le débat sur les recettes doit avoir lieu en commission – ou alors il fallait maintenir l’article 6 pour permettre ce débat. Vous ne pouvez pas nous faire cette réponse à chaque fois. Cela pose un problème pour le travail de notre commission.

M. le rapporteur général. On me dit qu’à la suite de la suppression de l’article 6, chaque groupe politique a des contacts avec le ministère pour présenter ses éléments en vue d’une coconstruction. Le point soulevé par notre collègue pourrait donner lieu à une réécriture satisfaisante pour tout le monde, puisque la prime de partage valeur ne serait pas supprimée – et certains membres de notre commission sont très attachés à cette prime qui permet de reconnaître la valeur travail, la mobilisation et l’action –, tout en la soumettant à cotisations afin de ne pas dégrader nos comptes sociaux. Cela semble être un point d’équilibre pour essayer de construire ensemble dans le délai qui nous est imparti.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Si chaque partie discute de son côté avec le ministère, ce ne sera pas « ensemble », comme l’aurait permis un débat sur l’article 6, sur lequel de nombreux amendements étaient déposés. C’est dommage, car l’enjeu est important.

M. Nicolas Turquois (Dem). La question est très technique et nous ne serions pas parvenus à trouver un point médian hier soir, chacun tenant à cranter sa proposition. Il apparaissait en tout cas, notamment dans l’argumentation du rapporteur, que le dispositif pouvait générer des effets de bord peu souhaitables, concernant notamment les trappes à bas salaires. Chacun doit faire remonter ses propositions, car certaines se ressemblent. Le format proposé me convient.

Mme Béatrice Bellay (SOC). Ce qui se ressemble et ce qui remonte, cela s’appelle des amendements ! Il est problématique qu’au moment où nous cherchons des recettes, les choses se discutent ailleurs qu’à l’Assemblée et devant nos concitoyens. Si une surprise, à laquelle nous nous attendons mais qui nous déplairait, intervenait, nous ne saurions pas quel aurait été le cap retenu, et ce que nous voyons jusqu’ici n’est pas pour nous rassurer, alors que la réécriture de l’article 6 devrait permettre une juste répartition de la richesse.

Et qu’on nous épargne la leçon sur la valeur travail ; nous la connaissons tous ! La France n’a jamais produit autant de richesses, mais elles sont mal réparties et la situation budgétaire mérite que l’on s’y arrête.

M. Jérôme Guedj (SOC). M. le rapporteur général a manifestement des informations dont nous ne disposons pas. Pour ma part, je n’ai eu aucun contact ni n’ai été approché par qui que ce soit en vue d’une réécriture de l’article 6. Hier, à l’issue de notre réunion, j’ai demandé comment nous y prendre pour ne pas arriver en séance publique avec la même configuration. De fait, nous serions Gros-Jean comme devant si la même coalition baroque associant Renaissance, Rassemblement National et Droite Républicaine shootait l’article 6 dès le début de l’examen du texte dans l’hémicycle. Il y a là un énorme problème de méthode : cette commission est le lieu où nous aurions dû nous « renifler » – pour reprendre cette expression qui a déplu hier –, prendre le pouls des uns et des autres entre la discussion en commission et la séance, comme cela se fait toujours. Mais l’éviction rapide de l’article 6 ne nous laisse plus cet espace de discussion.

Monsieur le rapporteur général, le ministre vous a-t-il dit qu’il allait contacter les groupes pour avoir une discussion avec chacun d’entre eux ? Je n’ai, pour ce qui me concerne, aucune nouvelle.

M. le rapporteur général. Madame Bellay, les recettes supplémentaires dont vous parlez, ce sont des taxes. Or la France est déjà championne d’Europe de la taxation. Sans entrer dans les détails, on pourrait aussi diminuer les dépenses.

La prime de partage de valeur – je ne veux, en le soulignant, donner de leçon à personne – est plutôt appréciée dans les entreprises et près de 50 % des salariés en bénéficient. Ce dispositif est donc plutôt intéressant et contribue au pouvoir d’achat de nos concitoyens. Avant de réduire ces mesures, mesurons-en donc l’impact. Qui plus est, depuis le 1er janvier de cette année, la prime de partage de valeur n’est exonérée que des cotisations sociales, alors qu’elle était précédemment exclue de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Elle est, par ailleurs, soumise à l’impôt. On ne peut donc pas dire qu’elle n’est pas taxée. S’il faut aller plus loin, débattons‑en.

Monsieur Guedj, je ne suis pas membre du cabinet de Mme Panosyan-Bouvet, auquel j’ai fait remonter les questions. Le collaborateur parlementaire de la ministre, que j’ai rencontré à l’occasion des questions au Gouvernement, m’a dit que le cabinet allait contacter ou avait contacté les différents groupes de notre commission : s’il nous écoute, je l’invite à nouveau à le faire pour que ce travail se fasse. Le cabinet de la ministre s’est engagé à ce que ce soit le cas et j’ose imaginer qu’il tiendra ses engagements.

M. le président Frédéric Valletoux. Pour conforter les démarches du rapporteur général, je passerai moi-même un message au cabinet de la ministre.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS614 de Mme Karine Lebon

M. Yannick Monnet (GDR). La droite dit que la France est le pays le plus taxé au monde, mais ce n’est pas honnête intellectuellement, car les pays ne sont pas tous les mêmes. Par exemple, la France est le seul pays de l’Union européenne à posséder l’arme nucléaire, qui coûte 25 millions d’euros par jour – j’ai découvert ce chiffre hier. Nous avons une sécurité sociale que les autres pays n’ont pas. Dire avec dogmatisme que la France est le pays le plus taxé, c’est travestir la réalité. Si nous payons des impôts, c’est parce que nous avons fait le choix de la solidarité et d’une meilleure répartition des richesses pour financer certaines structures. Dire que nous sommes des pros de la taxe est une réponse très politicienne. Vous ne nous avez pas habitués à cela, monsieur le rapporteur !

M. le rapporteur général. Pour en revenir à l’amendement, il faut en effet tenir compte des spécificités de l’ultramarin, notamment pour ce qui concerne les non-salariés agricoles. C’est l’objet de certains amendements, qui ont été réécrits pour parvenir à une meilleure rédaction légistique. Je tiens à dire aux élus, notamment à Mme Bellay, que nous avons bien entendu les spécificités liées au coût du travail et les mesures nécessaires en termes de santé, en particulier dans le domaine agricole.

Je demande donc plutôt le retrait de cet amendement, à défaut de quoi l’avis sera défavorable. L’essentiel est surtout que cette question soit réglée en séance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS142 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous n’avons pas eu assez de temps pour parler du rapport Bozio-Wasmer, qui est une mine de pistes de travail. Sa recommandation 2, invitant à en finir avec la complexité des mécanismes d’assiette des cotisations sociales, cite le chiffre vertigineux de 3 042 cas d’assiettes différentes pour la rémunération de base, en raison de l’empilement des dispositifs. Nous proposons d’expertiser cette recommandation dans le cadre d’un rapport – que nous pourrions même demander à ces auteurs d’élaborer spécifiquement.

Pour la lisibilité de notre système de protection sociale, l’assiette des cotisations sociales pourrait être désormais unique et identique à celle, bien identifiée, des revenus d’activité de la CSG. Les éventuels mécanismes d’exonération s’appliqueraient au moyen de taux différenciés de CSG.

M. le rapporteur général. M. Bozio et M. Wasmer avouent eux-mêmes avoir découvert un système d’une complexité qu’ils ne mesuraient pas avant de s’y plonger. À ce titre, votre demande de rapport paraît justifiée pour essayer d’en améliorer la compréhension et la lisibilité. Toutefois, votre amendement, centré sur l’article 18 de la LFSS 2024, limite le champ aux travailleurs indépendants. Je suis très désireux qu’un tel rapport puisse éclairer la complexité soulevée par le rapport Bozio-Wasmer, mais mieux vaudrait élargir le champ.

M. Jérôme Guedj (SOC). Pour que l’amendement soit recevable, il a fallu ruser en le rattachant à une disposition d’un PLFSS. Le second alinéa précise cependant que l’analyse sera menée « plus largement ».

M. le président Frédéric Valletoux. Il serait intéressant que, sans pour autant ajouter cette question au PLFSS, notre commission se saisisse de ce projet de rapport plutôt que de le confier au Gouvernement. Je suis tout à fait favorable à ce que nous l’évoquions dès la prochaine réunion du bureau de la commission. Compte tenu de cet engagement, monsieur Guedj, peut-être pourriez-vous retirer votre amendement.

M. Laurent Panifous (LIOT). Je soutiens le souhait de M. Guedj de simplifier les assiettes de cotisation, sans être simpliste. Au moment où nous devons prendre des décisions pour faire évoluer le financement de notre modèle social, la clarté est nécessaire.

M. Nicolas Turquois (Dem). Face à tant d’assiettes – fiscales, sociales, CSG –, l’indépendant finit par ne plus être dans son assiette !

L’idée de rapprocher les assiettes est intéressante, mais l’alignement de l’assiette des cotisations sociales sur celle de la CSG entraînerait une baisse de rendement.

Mme Joëlle Mélin (RN). Ce travail sur les assiettes me semble indispensable. J’en profite pour souligner que la méthode de travail de notre commission depuis le début de l’examen du texte nous permet d’aller vraiment au fond et de ne pas faire les choses dans la précipitation, comme ce que nous avons pu connaître les années précédentes.

Mme Annie Vidal (EPR). Je ne suis pas favorable à l’amendement, mais l’idée de travailler sur l’assiette de la CSG est intéressante. Ce travail, que ce soit sous la forme d’une évaluation de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) ou d’une mission de notre commission, devra être transpartisan.

M. Jean-Carles Grelier (Dem). Face à l’urgence de faire des économies et de trouver des recettes supplémentaires, il faut engager dès maintenant des réformes structurelles afin d’éviter que la situation budgétaire actuelle ne se reproduise.

M. le rapporteur général. Nous sommes d’accord sur le fond, et la question de la recevabilité de l’amendement ne fait pas obstacle à l’élargissement de l’assiette au-delà des indépendants.

Je soutiens la proposition de M. le président, mais il nous faudra bien choisir le calendrier car la réforme de l’assiette des cotisations sociales et de la CSG prendra effet à partir du 1er janvier 2025 pour les travailleurs indépendants et à partir du 1er janvier 2026 pour les non-salariés agricoles.

Avis favorable.

M. le président Frédéric Valletoux. Je vous propose de mettre ceinture et bretelles : votons l’amendement avant de mener, dans le cadre de notre commission ou de la Mecss, ce travail de réflexion.

La commission adopte l’amendement.

Amendements de suppression AS1435 de M. Bartolomé Lenoir et AS1475 de M. Gaëtan Dussausaye

M. Bartolomé Lenoir (UDR). L’apprentissage fonctionne bien et il est dangereux de s’y attaquer. Nous proposons donc la suppression de cet article.

L’apprentissage permet de maintenir les savoir-faire et de trouver des repreneurs. Dans des départements ruraux comme celui de la Creuse, qui sont en train de se désertifier, de très nombreuses petites entreprises ne trouvent pas de repreneurs et ont besoin d’apprentis.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). L’apprentissage n’est pas un emploi comme les autres : son but n’est pas la création de richesses mais d’assurer une formation à notre jeunesse pour entrer dans la vie active et s’y installer durablement. Or nous faisons face à un important déficit d’apprentis, résultat de trente années de politiques de désindustrialisation. Les impératifs budgétaires ne doivent pas conduire à s’acharner sur cette voie. Ce n’est pas aux apprentis et aux jeunes de payer.

M. le rapporteur général. Certains d’entre vous ont regretté que nous n’ayons pu débattre de l’article 6 du fait de sa suppression. Je suis donc défavorable à la suppression de l’article 7 qui, outre l’apprentissage, concerne les exonérations pour les entreprises de transport maritime de passagers et pour les jeunes entreprises innovantes (JEI).

M. Jérôme Guedj (SOC). Pourquoi ne pas avoir suivi la même logique hier ? Je regrette votre avis favorable aux amendements de suppression de l’article 6.

Lors de son audition, Astrid Panosyan-Bouvet nous a dit chercher des mesures compensatoires pour éviter la pénalisation en termes de pouvoir d’achat et ma collègue Estelle Mercier défendra un amendement important. Nous sommes donc défavorables à la suppression de l’article 7.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS96 de Mme Estelle Mercier, AS287 de M. Jean-Pierre Taite, AS609 de M. Stéphane Viry et AS924 de Mme Zahia Hamdane

Mme Estelle Mercier (SOC). L’amendement vise à supprimer l’assujettissement de la rémunération des apprentis à la CSG et à la CRDS. Il n’y a certes pas de petites économies face au déficit abyssal des finances publiques, mais celles qui sont proposées dans cet article sont particulièrement mesquines et injustes.

Les apprentis gagnent entre 400 et 1 200 euros et cet assujettissement leur coûterait entre 50 et 100 euros alors qu’on continue à subventionner les employeurs à hauteur de 18 milliards.

Mme Sylvie Bonnet (DR). L’amendement AS287 est défendu.

M. Laurent Panifous (LIOT). J’ai cru comprendre que les ressources supplémentaires devaient être trouvées auprès des plus riches. Pourquoi vouloir en chercher également auprès de jeunes dont la rémunération est très faible et qui font l’effort de travailler et d’apprendre ? Ce serait injuste.

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Cette mesure reviendrait à taxer les apprentis, dont le salaire est déjà bien inférieur au Smic, et entraînerait une perte de 24 euros par mois pour un salaire moyen de 1 042 euros net. Le Gouvernement prétend économiser ainsi 300 millions. D’autres options plus équitables pourraient pourtant être envisagées : la suppression de l’aide unique versée aux grandes entreprises pour les contrats d’apprentissage rapporterait 554 millions ou la réforme du financement des contrats d’alternance, qui permettrait de récupérer jusqu’à 620 millions.

La vérité, c’est que le développement massif de l’apprentissage sert avant tout à gonfler artificiellement les chiffres de l’emploi, sans pour autant résoudre le problème de l’insertion des jeunes les plus éloignés du marché du travail.

M. le rapporteur général. Monsieur Guedj, j’assume mon avis sur les amendements de suppression de l’article 6, motivé par ma volonté de ne pas perdre de temps sur quelque chose qui est en train de bouger.

Je suis, moi aussi, interrogatif sur l’assujettissement des apprentis à la CSG et à la CRDS, mais je rappelle que la cible de l’article 7, ce sont les apprentis de l’enseignement supérieur dont la rémunération s’approche du Smic. Pour un apprenti gagnant environ 1 000 euros par mois, la CSG représente 11 euros – une somme qui peut sembler importante pour certains mais pas pour d’autres.

D’un côté, le PLFSS propose de taxer la rémunération des apprentis, de l’autre côté, le projet de loi de finances (PLF) prévoit de réduire l’aide aux entreprises de 6 000 à 4 500 euros. Je pense que cette dernière mesure présente un plus grand risque de faire baisser le nombre d’apprentis, outre que la cotisation sociale présente l’avantage d’ouvrir des droits et de mettre les jeunes dans la réalité du système de protection sociale.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). L’apprentissage est un dispositif très important car il permet aux étudiants de milieu populaire d’accéder aux études supérieures, mais il est mal utilisé car la représentation des catégories socioprofessionnelles dans l’apprentissage dans le supérieur est déséquilibrée. Il devrait être orienté davantage ver les étudiants en difficulté. Cela dit, ce n’est pas dans l’apprentissage qu’il faut chercher des recettes supplémentaires.

Monsieur le rapporteur général, une différence de 11 euros sur un salaire de 1 000 euros, c’est énorme pour des étudiants issus de milieux défavorisés, et cela les maintient sous le seuil de pauvreté.

M. Jérôme Guedj (SOC). L’étude d’impact, dont je salue la qualité, montre que la mesure ferait perdre 49 euros par mois à un apprenti rémunéré à 79 % du Smic, ce qui est un cas courant. Cette perte de pouvoir d’achat est significative alors que le rendement financier de la mesure serait de 360 millions. Une telle somme pourrait facilement être trouvée – des amendements au PLF l’ont démontré –, par exemple en taxant les distributions gratuites d’action. Astrid Panosyan-Bouvet nous a d’ailleurs fait part de la possibilité de compenser par une augmentation à la charge des employeurs.

Mme Stéphanie Rist (EPR). La politique de l’apprentissage menée ces dernières années a porté ses fruits en faisant passer le nombre d’apprentis de 300 000 à 850 000. Or cette mesure, imposée à des apprentis en difficulté sociale ou habitant des territoires ruraux connaissant des problèmes de logement et de transport, ne semble pas appropriée. Nous soutenons donc ces amendements.

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). La politique de l’apprentissage a coûté 24,9 milliards en 2023, dépensés principalement pour arroser les grandes entreprises, sans effet réel sur le chômage des jeunes.

Il est injuste de faire cotiser les apprentis, alors que leur salaire est déjà très bas et qu’il existe d’autres solutions de recettes.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je rappelle que, sans cotisations sociales, les périodes d’apprentissage n’ouvrent aucun droit à la retraite. J’ajoute que, pour une entreprise, l’accueil de jeunes en apprentissage est un moyen utile et moins coûteux de recruter. Imposer une part de cotisation au-delà de 50 % du Smic ne me choque pas, d’autant qu’une telle mesure ne concernerait pas les jeunes détenteurs d’un brevet d’études professionnelles ou d’un certificat d’aptitude professionnelle.

M. Philippe Vigier (Dem). La politique de l’apprentissage est certes coûteuse, mais elle fonctionne : je me souviens de l’époque où la France comptait 280 000 apprentis quand l’Allemagne en comptait 1 million.

Nous avons déposé deux amendements au PLF pour corriger un effet d’aubaine dont bénéficient les très grandes entreprises recevant l’aide de 6 000 euros alors qu’elles peuvent payer convenablement des salariés sans passer par l’apprentissage.

Nous voterons ces amendements, car taper 360 millions d’euros dans la poche des apprentis aurait un effet dévastateur.

Mme Joëlle Mélin (RN). L’apprentissage fait l’objet d’un retour mitigé de la part des entreprises qui parfois se plaignent de voir leurs apprentis s’en aller sitôt formés, mais face aux difficultés d’insertion des jeunes, il reste fondamental, surtout pour ceux qui n’ont ni diplôme ni travail. Nous voterons donc ces amendements.

M. le rapporteur général. M. Turquois l’a rappelé, les cotisations ouvrent des droits. Une mission « flash » s’était d’ailleurs penchée sur le problème des contrats de travaux d’utilité collective (TUC), qui ne prévoyaient pas de cotisations et qu’il fallait donc régulariser. J’entends cependant qu’aller prendre 300 millions d’euros dans la poche des jeunes n’est pas le meilleur message à envoyer.

Je précise que les 11 euros de CSG que j’évoquais concernent une rémunération de 1 000 euros alors que les 49 euros cités par M. Guedj s’appliquent à une rémunération de 1 400 euros.

Afin d’envoyer un message au ministère et de susciter un débat en séance, j’émets un avis favorable à ces amendements.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements AS930 de M. Damien Maudet et AS1449 de M. Bartolomé Lenoir tombent.

Amendement AS927 de M. Hadrien Clouet

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS611, AS612 et AS645 de M. Didier Le Gac

M. Didier Le Gac (EPR). La loi de 2016 pour l’économie bleue a introduit des exonérations de cotisations patronales pour sauver notre marine marchande. Elles constituent une composante essentielle de sa compétitivité face à une concurrence qui est mondiale.

La suppression de ces exonérations proposée par l’article 7 concernerait toutes les entreprises immatriculées au registre international français, qui emploient plus de 4 000 marins affiliés à l’Établissement national des invalides de la marine. Les compagnies maritimes seraient alors tentées d’employer davantage de marins étrangers, réduisant d’autant les opportunités d’emploi des jeunes actuellement en formation dans les écoles françaises.

Nous allons assister à la lente dégradation de notre marine marchande, dont nous avons pourtant besoin sachant que 90 % des marchandises dans le monde circulent par la mer. C’est vraiment une question de souveraineté.

Une telle mesure aurait un fort impact sur deux types de navires : les navires câbliers, dont la France détient un quart de la flotte mondiale, et les navires de maintenance des éoliennes en mer. Ces deux secteurs sont très concurrentiels et le premier est important pour notre souveraineté.

Pour toutes ces raisons, je vous conjure de maintenir les exonérations de cotisations patronales.

M. le rapporteur général. Je ne suis pas aussi connaisseur de ce secteur que vous, mais je me demande si la compétitivité des armateurs concernés repose essentiellement sur le coût du travail, vu que les rémunérations des membres d’équipage atteignent entre trois et quatre fois le Smic. Par ailleurs, je rappelle que ces entreprises bénéficient d’autres exonérations. Enfin, l’article 7 propose de restreindre les exonérations aux navires de transport de passagers, qui emploient des gens de mer moins qualifiés.

Mon avis pourrait évoluer, car ce sujet mérite plus qu’une discussion de trois minutes dans le cadre du PLFSS, mais, pour l’heure, je demande le retrait de vos amendements. À défaut, avis défavorable.

M. Didier Le Gac (EPR). Ce qui compte, ce sont les écarts salariaux entre les officiers français et les officiers étrangers embarqués à bord de nos navires.

La commission adopte successivement les amendements.

Amendements identiques AS621 de Mme Louise Morel et AS1504 de M. Paul Midy

Mme Louise Morel (Dem). En 2023, on dénombrait 4 500 JEI œuvrant dans des secteurs clés comme l’intelligence artificielle, la décarbonation de l’industrie, le quantique ou la santé. Ce statut, créé en 2004, présentait initialement deux avantages : l’exonération d’impôts sur les bénéfices, qui a été supprimée dans la loi de finances de 2024, et l’exonération des cotisations sociales patronales sur les salaires des employés affectés à la recherche et au développement, que le PLFSS 2025 prévoit de supprimer. Afin de ne pas vider ainsi le statut de JEI de sa substance, mon amendement vise à supprimer l’alinéa 12 de l’article 7.

M. Paul Midy (EPR). Les start-up ainsi que les TPE et PME innovantes sont le principal moteur de la création d’emplois et jouent un rôle crucial dans la transition écologique, la souveraineté technologique et la réindustrialisation – elles sont à l’origine de la moitié des créations d’usine.

L’alinéa 12 de l’article 7 prévoit la suppression de l’exonération des cotisations sociales patronales pour les JEI, ce qui aurait des conséquences délétères : dans les prochains mois, des centaines d’entre elles se retrouveraient sur le carreau et des milliers d’emplois seraient détruits. Ces entreprises produisent peu de chiffre d’affaires, ne sont pas rentables et ne disposent pas d’une grande trésorerie. Provoquer une hausse de 30 % du coût du travail sans qu’elles aient pu l’anticiper les mettrait à terre à coup sûr. Nous devons entendre l’inquiétude des acteurs de cet écosystème, qui s’est exprimée dans de nombreuses pétitions. En commission des finances ont été adoptés plusieurs amendements qui compensent le coût du maintien de ce dispositif.

M. le rapporteur général. Monsieur Midy, je vous remercie de m’avoir très tôt sensibilisé à la situation des JEI. Vice-président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes délégué à l’enseignement supérieur, l’innovation et la recherche pendant sept ans, je n’ai eu de cesse de me battre pour dégager des volumes de financement importants pour la recherche et le développement. J’ai constaté à quel point il est difficile de maintenir dans les territoires la valeur créée par les jeunes entreprises innovantes, dont on espère qu’elles deviendront des licornes prospères. L’Isère accueille plusieurs entreprises ayant bénéficié de ce statut, comme Soitec. Quoi qu’il en soit, dans le cas présent, le remède figurant à l’alinéa 12, qui rapporterait certes 300 millions d’euros, serait pire que le mal. Il faut parfois investir pour récolter les fruits de son investissement plus tard ; vous m’en avez convaincu.

Avis favorable.

Mme Joëlle Mélin (RN). Modifier le statut des JEI serait évidemment une erreur. Depuis les années 2000, différents dispositifs ont été créés à leur intention, puis annulés, réduisant leur visibilité en matière d’investissement. En outre, la période consacrée à la recherche et au développement n’étant pas la plus créatrice d’emplois, essayer de récupérer quelques miettes en supprimant cette exonération n’est pas pertinent, d’autant que d’autres sources d’économies existent. Nous sommes favorables à ces amendements.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’amendement AS932 de Mme Élise Leboucher tombe.

La commission adopte l’article 7 modifié.

Après l’article 7

Amendement AS444 de M. Laurent Panifous

M. Laurent Panifous (LIOT). Le présent amendement, déjà déposé l’année dernière, vise à instaurer, pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) non habilités à l’aide sociale pratiquant des tarifs d’hébergement libres, une redevance dont le produit serait reversé à la branche autonomie.

Un arrêté annuel précise le taux d’évolution du tarif d’hébergement de ces Ehpad pour les contrats en cours à la date de son entrée en vigueur ; les contrats passés postérieurement bénéficient de tarifs libres. En 2023, ce taux était de 5,14 %. Les tarifs d’hébergement des Ehpad habilités à l’aide sociale sont quant à eux encadrés par les conseils départementaux. En 2023, la variation était comprise entre 0 % et 3 % – elle a plus souvent été proche de 0 % que de 3 %. Il est donc plus difficile de gérer des structures habilitées, dont les tarifs sont encadrés, que des structures dont les tarifs sont libres.

Il ne s’agit pas de remettre en question le recours des gestionnaires privés aux tarifs libres, mais de créer une redevance solidaire, qui transiterait par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), au profit des établissements habilités, pénalisés depuis plusieurs années par l’inflation.

M. le rapporteur général. Une telle redevance entraînerait pour les Ehpad concernés une charge importante, qui serait immanquablement répercutée sur leurs tarifs. J’entends le principe de solidarité qui sous-tend cet amendement, mais je crains que son adoption ne soit néfaste pour les résidents dont le pouvoir d’achat est limité.

Demande de retrait, sinon avis défavorable.

Mme Annie Vidal (EPR). Je comprends, moi aussi, le principe qui sous-tend cet amendement et je pourrais presque y souscrire. Cependant, je crains que son adoption ne crée une distorsion inutile entre établissements. En revanche, je souhaiterais que tous les Ehpad, quel que soit leur statut, fournissent un effort en matière de solidarité et réservent un nombre défini de places aux résidents relevant de l’aide sociale.

M. Philippe Vigier (Dem). Cela ne me gênerait pas que ces établissements, qui ont choisi d’appliquer des tarifs d’hébergement libres, paient cette redevance. Je constate une grande disparité – jusqu’à 100 % – entre les tarifs pratiqués dans ma circonscription et ceux pratiqués juste à côté, en Île-de-France.

Quant à la proposition de Mme Vidal, elle ne ferait qu’aggraver la situation des 30 % d’Ehpad ayant des difficultés à boucler leur budget, alors même que le nombre de places nécessaires ne fera qu’augmenter en raison du vieillissement de la population.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je suis favorable à cette redevance, qui permettrait d’inciter davantage les Ehpad aux tarifs d’hébergement libres à faire une demande d’habilitation. Il s’agit d’intervenir sur les modèles de fonctionnement, à la suite du scandale Orpea, qui n’était que la partie émergée d’un système général de lucrativité. Ces établissements répercuteraient peut-être sur leurs tarifs cette redevance, mais au moins cela serait-il justifié, contrairement aux autres coûts qu’ils répercutent déjà.

M. Yannick Monnet (GDR). Le problème des Ehpad doit être réglé différemment. Dans certains établissements habilités à l’aide sociale, le coût journalier de la prise en charge s’élève à 150 euros, alors qu’ils ne perçoivent que 147 euros ; dans d’autres, ils perçoivent 151 euros pour un coût de 160. Ce sont les finances de l’ensemble des Ehpad, notamment publics, qui s’effondrent. L’ampleur de la réforme nécessaire est bien plus vaste que la simple amélioration de la répartition des places relevant de l’aide sociale. Les Ehpad sont en train de mourir ; une proposition de loi sur le grand âge, digne de ce nom, est indispensable.

M. Pierre Marle (HOR). La redevance visée par cet amendement n’est peut-être pas la solution idéale. Avec 60 % d’établissements en difficulté financière, la situation des Ehpad publics pose un véritable défi et le problème me semble beaucoup plus global. Dans ma circonscription, un établissement accueillant quatre-vingt-cinq résidents présente un déficit de 1 million d’euros ; il est en discussion avec l’agence régionale de santé pour essayer de le résorber. Vendredi prochain, je me rends dans un autre établissement qui est en grande difficulté.

Mme Joëlle Mélin (RN). Ce qui est véritablement en jeu, c’est la financiarisation des Ehpad, que l’on ne parvient pas à empêcher. Il faut impérativement renforcer les Ehpad, petits et moyens, publics ou privés, si l’on ne veut pas qu’ils intègrent de grands groupes financiarisés, impliqués dans des scandales.

Je comprends l’objet de cet amendement, mais nous ne pouvons pas nous permettre de fragiliser les Ehpad ; nous y sommes donc défavorables. Il faut leur laisser la moindre bouffée d’oxygène, le moindre levier de réinvestissement, afin qu’ils ne deviennent pas les proies des fonds de pension.

M. Laurent Panifous (LIOT). Loin de moi l’idée de pénaliser les établissements, même les Ehpad privés à but lucratif appliquant les tarifs libres.

Le choix d’une habilitation partielle ou totale à l’aide sociale appartient au gestionnaire de l’établissement. Les tarifs sont totalement encadrés par le conseil départemental, dont le budget est contraint, et les évolutions tarifaires sont presque toujours inférieures à l’inflation. Les gestionnaires qui optent pour l’habilitation fournissent un effort considérable et méritent d’être soutenus.

La redevance que nous proposons repose sur le principe solidaire des vases communicants : les établissements capables d’affronter les difficultés résultant de l’inflation en faisant évoluer leurs tarifs contribueraient au financement des autres établissements, sachant que le montant serait fixé par décret. Une autre solution consisterait à obliger tous les établissements à proposer des places éligibles à l’aide sociale, mais mon but n’est pas d’obliger le secteur privé à obtenir une habilitation.

Mme Annie Vidal (EPR). Les problèmes des Ehpad sont nombreux et nous ne les résoudrons pas aujourd’hui. C’est tout le système de l’aide sociale à l’hébergement que nous devons revoir ; il ne fonctionne pas et mérite une réforme structurelle profonde.

M. le rapporteur général. J’entends Mme Mélin et M. Monnet, qui estiment que le système est suffisamment complexe. De plus, toute redevance se répercuterait mécaniquement sur les tarifs pratiqués. Enfin, il convient de ne pas encourager la financiarisation des Ehpad.

Le diable se nichant dans les détails, que devrait faire un Ehpad disposant d’une place habilitée à l’aide sociale inoccupée s’il recevait la demande d’un résident non éligible ? Devrait-il laisser cette place vacante, en attendant qu’un résident éligible se présente ?

En tout état de cause, un simple amendement ne saurait résoudre le problème du financement des Ehpad.

Demande de retrait, sinon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS413 de Mme Christine Arrighi

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Sur les 2 100 000 voitures de société circulant en France, près de 1 200 000 sont des voitures de fonction qui bénéficient d’un traitement fiscal spécifique. Les dépenses engagées par l’employeur pour les trajets personnels du salarié effectués avec une voiture de fonction sont un avantage en nature inscrit sur la fiche de paie, soumis à l’impôt sur le revenu et aux cotisations sociales. La mise à disposition de voitures de fonction, à la place d’une rémunération classique, permet aux employeurs de réduire leur niveau de taxation. Les salariés bénéficiaires profitent également d’un avantage fiscal pour des voitures qui remplacent leur véhicule personnel.

Alors que 92 % des voitures de fonction sont thermiques ou hybrides, ce régime de taxation constitue de fait une subvention indirecte aux carburants fossiles. En 2023, le manque à gagner pour la sécurité sociale se chiffrait à 4 milliards d’euros. Cet amendement tend à ouvrir la voie à une révision du mode d’évaluation des avantages en nature sur les voitures de fonction, afin d’éteindre la niche brune et de réserver ce régime de taxation aux véhicules les moins émetteurs de dioxyde de carbone.

M. le rapporteur général. L’utilisation privée d’un véhicule mis à disposition à des fins professionnelles constitue un avantage en nature déjà soumis à cotisation et à contribution sociales. Cet amendement étant donc partiellement satisfait, demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS49 de M. Arnaud Simion

M. Arnaud Simion (SOC). Cet amendement vise à plafonner l’abattement de 1,75 % sur l’assiette de la CSG-CRDS au titre des frais professionnels à une seule fois le plafond annuel de la sécurité sociale plutôt que quatre. Cet abattement profitant mécaniquement aux revenus aisés, en abaisser le plafond le rendra plus juste. Cette piste de financement de la branche autonomie, suggérée dans le rapport Vachey, rapporterait 150 millions par an.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS569 de M. Jean-Paul Mattei

M. Philippe Vigier (Dem). La plus-value immobilière est soumise à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux lors de la cession d’un bien immobilier ou d’un droit relatif à un immeuble. Le montant de l’impôt dû est égal à 19 % de la plus-value au titre de l’impôt sur le revenu et à 17,2 % au titre des prélèvements sociaux, soit 36,2 %. Une exonération s’applique après vingt-deux ans au titre de l’impôt sur le revenu et trente ans au titre des prélèvements sociaux. Par conséquent, certains propriétaires attendent de longues années avant de vendre leurs biens.

Cet amendement, dont le corollaire a été déposé sur le PLF 2025, vise à remplacer ces exonérations par un abattement équivalent à l’actualisation de la valeur d’acquisition du bien en fonction de l’inflation. Dans le même temps, il a pour objet l’application du prélèvement forfaitaire unique (PFU). Il en résulterait une plus grande équité de traitement et l’accélération de la mise en circulation des biens, au moment où la crise du logement est si forte.

M. le rapporteur général. Je n’y suis pas défavorable, mais il me semble préférable d’attendre de connaître le sort réservé à l’amendement déposé sur le PLF. Dans cette attente, je vous demande de retirer celui-ci et vous invite à le déposer en vue de l’examen du texte en séance publique.

M. Philippe Vigier (Dem). Je le retire, mais nous aurions pu montrer la voie à la commission des finances.

L’amendement est retiré.

Amendements AS112 et AS113 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). Afin de rendre le financement de la protection sociale plus efficace et plus juste, je vous propose deux amendements quelque peu révolutionnaires, visant à instaurer une CSG progressive sur les revenus d’activité. En effet, contrairement à l’impôt sur le revenu, qui est progressif, le taux de CSG est proportionnel.

Ces amendements d’appel prévoient un rendement constant, le premier d’entre eux dégageant même 100 millions d’euros de recettes supplémentaires d’après notre étude d’impact. Ils présentent en outre l’avantage de corriger le défaut principiel du financement de la protection sociale. Nous devons introduire une notion de progressivité si nous voulons respecter l’article 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme, qui énonce que la contribution de chacun aux charges communes se fait en raison de ses facultés, ainsi que la vision d’Ambroise Croizat, pour qui chacun doit contribuer selon ses moyens et bénéficier selon ses besoins.

Bien sûr, il y aura quelques gagnants et des perdants – très peu –, mais les seuils retenus dans ces amendements d’appel peuvent être débattus. Pendant la campagne des élections législatives, le parti présidentiel avait mis en ligne un simulateur pour déconsidérer cette mesure ; comme cet outil considérait que les taux étaient différenciés et non progressifs, ses résultats étaient aberrants et il a été retiré.

M. le rapporteur général. L’appréciation de la capacité contributive des redevables par le Conseil constitutionnel pourrait être un obstacle essentiel à l’application ces mesures. En outre, l’échéance que vous prévoyez est particulièrement courte.

Demande de retrait, sinon avis défavorable.

Pour autant, dans la période actuelle, c’est une petite piste s’agissant d’une contribution dont le produit s’élève à 153 milliards d’euros. En tout état de cause, une réflexion et une évaluation plus approfondies sont nécessaires. Je vous remercie, monsieur Guedj, pour cette proposition, que le président Valletoux souhaitera peut-être intégrer à nos travaux.

M. le président Frédéric Valletoux. Je souscris aux propositions du rapporteur général et je proposerai au bureau de la commission de s’en saisir.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je suis totalement défavorable à ces amendements. La CSG n’a pas vocation à être progressive : lors de sa création, Michel Rocard avait précisément souhaité un taux universel, quel que soit le niveau des revenus. Certaines exemptions me semblent d’ailleurs discutables.

M. Jérôme Guedj (SOC). Pourquoi appliquer un taux progressif pour l’impôt sur le revenu, mais pas pour le financement de la protection sociale, dont les mesures ne sont pas toutes assurantielles ? Un taux proportionnel est logique dans le cadre d’un fonctionnement assurantiel, mais dès l’instant où des prestations non contributives sont financées, la progressivité a du sens, dans une logique de solidarité.

Je suis heureux d’entendre que le rapporteur général et le président sont prêts à lancer une réflexion sur le financement de la protection sociale. C’est le chantier prioritaire des prochaines années, qui s’étend au-delà de la progressivité de la CSG et porte sur l’assiette à partir de laquelle nous finançons la protection sociale, alors que de plus en plus de machines remplacent des travailleurs, diminuant d’autant la masse salariale.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS904 de M. Benjamin Lucas-Lundy et AS1538 de M. Hendrik Davi, amendements AS445 de M. Laurent Panifous et AS99 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

M. Benjamin Lucas-Lundy (EcoS). Mon amendement vise à augmenter le taux de CSG sur les revenus du capital, permettant ainsi un rendement supplémentaire de 3 milliards d’euros pour les caisses de la sécurité sociale. Cette mesure de justice et d’équité permettrait de mieux financer la protection sociale sans peser davantage sur les revenus du travail. En effet, les revenus du capital sont moins soumis à contribution que ceux du travail, alors qu’ils augmentent bien plus vite.

M. Hendrik Davi (EcoS). Il faut trouver de nouvelles recettes, parce que nous avons besoin de dépenser plus pour les hôpitaux, les soignants, les familles et les retraites, en raison du vieillissement de la population. Cet amendement vise à augmenter le taux de la CSG sur les revenus du capital, qui n’a été augmenté que de 1 point en 2018, contre 1,7 point pour les revenus d’activité. Pourtant, les revenus du capital ont progressé relativement rapidement depuis, grâce à la politique très généreuse d’Emmanuel Macron. Les entreprises du CAC40 ont versé plus de 70 milliards d’euros de dividendes en 2022 et 2023, et dégagé près de 146 milliards de bénéfices en 2024 : cela laisse de la marge pour financer la sécurité sociale. L’adoption de cet amendement permettrait de récupérer 3 milliards supplémentaires.

Je préfère dépenser pour que les travailleurs puissent partir plus tôt à la retraite, que les familles monoparentales soient aidées ou que les salariés n’aient pas à payer l’augmentation de leur complémentaire santé, même si en contrepartie les plus riches doivent renoncer à leur yacht ou à leur cinquième villa sur la Côte d’Azur. J’assume ce choix politique.

M. Paul-André Colombani (LIOT). L’amendement AS445 vise à augmenter de 2 points le taux de CSG sur les revenus du capital, afin de dégager des ressources supplémentaires pour financer la branche autonomie de la sécurité sociale. Cette mesure dégagerait 2,6 milliards d’euros, alors que le rapport Libault évalue les besoins à 9,2 milliards.

Après la crise du covid et son impact sur les Ehpad, après l’abandon de la loi « grand âge » et l’absence de loi de programmation pluriannuelle, il est urgent de trouver de nouveaux moyens de financement. Mis à part l’affectation de 0,15 point supplémentaire de CSG en 2024, rien n’est prévu pour financer cette branche.

M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement a également pour objet une hausse exceptionnelle de la taxation des revenus du capital – essentiellement les produits de placements et le patrimoine –, afin de dégager les ressources qui nous font défaut. Le rendement de cette augmentation de 1,4 point de la CSG est estimé à 1,5 milliard d’euros.

Compte tenu de la suppression de l’article 6, qui permettait de disposer de 5 milliards d’euros de ressources supplémentaires, et de la probable modulation du gel injuste des pensions de retraite, il est nécessaire de trouver entre 5 et 7 milliards de recettes. Cet amendement avait pour but de consolider le budget de la sécurité sociale, mais il peut également servir à compenser les conséquences de vos décisions. En tout état de cause, il vous faudra trouver des recettes supplémentaires, sinon vous serez contraints de ponctionner l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), notamment sa branche hospitalière, ce qui n’est pas envisageable, vous en conviendrez.

M. le rapporteur général. Monsieur Guedj, acceptez que l’on puisse parfois chercher à réduire les dépenses plutôt qu’à augmenter systématiquement les recettes – pas nécessairement au sein du PLFSS, dont l’examen est un exercice très normé, mais dans le cadre d’un équilibre global. Puissions-nous, en France, avoir des discussions qui ne soient pas systématiquement orientées vers la hausse des taxes, au profit de la diminution des dépenses publiques ! Dans les 1 600 milliards d’euros qu’elles représentent, il y a certainement des secteurs qui s’y prêtent mieux qu’un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Monsieur Davi, les prélèvements obligatoires sur le capital représentent, en France, 10,5 % du PIB, contre une moyenne de 8,8 % dans la zone euro et de 8,5 % dans l’Union européenne, où la France occupe – c’est assez rare pour être signalé – le troisième rang, assez loin de l’Allemagne, où ce taux est de 7,7 %. Votre amendement est donc satisfait.

Monsieur Colombani, je ne me satisfais pas plus que vous de la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale si elle n’est pas financée. Je vous mets toutefois en garde contre les effets de la solution que vous proposez. L’assiette des produits de placement inclut les plans d’épargne logement, l’assurance vie, les plans d’épargne populaire et les intérêts des livrets d’épargne. Taxer les économies épargnées par les Français qui travaillent et se montrent économes ainsi que bon gestionnaires de leurs revenus serait un très mauvais signal.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR). Nous soutenons les amendements. Nous sommes très perturbés par les injonctions paradoxales du Gouvernement et de la majorité. On nous dit d’un côté qu’il n’y a plus d’argent et qu’il est impossible d’augmenter les recettes et, de l’autre, on maintient, voire on accentue les exonérations. Votre stratégie est incompréhensible.

Avez-vous dressé le bilan de ce que coûtent les amendements que vous défendez et du refus de mobiliser des ressources pourtant significatives ? C’est incompréhensible ! Je ne suis pas surpris de la situation financière dans laquelle nous sommes. À vous entendre, je sais où est l’irresponsabilité.

M. Hendrik Davi (EcoS). Sur la taxation du capital comme sur le reste, les comparaisons entre les pays sont toujours relativement hasardeuses. Quoi qu’il en soit, nous sommes les députés de la nation française. Comme tels, nous exerçons sa souveraineté. Nous devons collectivement réfléchir au modèle de société que nous voulons.

Que d’autres pays fassent des choix distincts des nôtres n’implique pas que nous devions nous aligner sur les leurs. En matière de logement étudiant, l’allocation autonomie que nous proposons est inspirée par ce que fait le Danemark. Rien n’interdit de s’inspirer de ce qui se passe ailleurs.

Dans le cas d’espèce, nous avons des besoins en France, s’agissant notamment du financement de l’hôpital, de la branche vieillesse et de la branche famille. Il faut absolument trouver des recettes. Celles que nous proposons n’empêcheront pas de vivre ceux qui seront mis à contribution, la plupart d’entre eux vivant très bien.

Un problème dont nous devrons discuter demeure : la plupart des gens qui ont des villas sur la Côte d’Azur sont des oligarques russes, qui ne cotisent pas à la sécurité sociale. J’estime d’ailleurs que le président Macron n’est pas assez allé chercher l’argent des oligarques russes.

M. Michel Lauzzana (EPR). Il arrive un moment où trop de fiscalité tue la fiscalité. En 2018, nous avons réduit l’imposition ; l’année suivante, les recettes fiscales ont augmenté. Si l’on taxe trop, le rendement de l’impôt diminue, en France comme ailleurs. Je ne suis pas opposé à l’idée de taxer les plus riches, mais il faut maintenir un équilibre, faute de quoi on tue l’économie, que nous avions relancée et dont dépendent les recettes fiscales.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Le constat ne fait pas débat : le solde de la branche autonomie deviendra négatif en 2025 et se dégradera jusqu’en 2028. Il faut donc trouver des solutions. N’étant pas le premier signataire de l’amendement AS445, j’ai des réticences à le retirer, sauf si M. le rapporteur général m’indique un chemin pour atteindre le cœur de cible d’ici à l’examen du texte en séance publique.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Il s’agit d’augmenter un taux de 2 points, rien de plus. Nous sommes le troisième pays en nombre de millionnaires, et celui où leur effectif a le plus progressé en sept ans de mandat d’Emmanuel Macron.

M. Lauzzana a décrit ce que les économistes appellent la courbe de Laffer, selon laquelle augmenter le taux d’imposition réduit les recettes. Sa véracité n’a jamais été établie par les travaux empiriques des économistes. En revanche, lorsque vous diminuez les remboursements de visites médicales et augmentez le nombre d’indemnités journalières non remboursées ainsi que les cotisations sur les bas salaires, vous le faites de façon pérenne, sans vous inquiéter des conséquences sociales qui peuvent en résulter sur des gens qui ne partiront certes pas en Suisse, mais qui peuvent bien manger un repas de moins.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Mes chers collègues macronistes, je respecte ce que vous dites, en répétant qu’il ne faut pas plus de fiscalité. Le problème, c’est que cela fait sept ans que vous le dites, et même plus longtemps puisque Macron était ministre de l’économie avant d’être Président de la République. La situation dans laquelle nous sommes, vous ne pouvez pas dire qu’elle arrive comme par magie, que vous n’avez aucune responsabilité dans l’existence d’immenses trous dans les caisses.

Ce que nous essayons de vous dire, c’est que vous prenez le problème par le mauvais bout. Alors même que nous avons des trous dans les caisses, vous nous expliquez qu’il faut moins de recettes, en disant que cela stimulera l’économie. Mais la réalité, les faits, le présent démontrent que cela est faux.

Ce que nous vous expliquons, du côté du Nouveau Front Populaire, c’est que la hausse du ticket modérateur et l’amoindrissement du remboursement des indemnités journalières frappent des dispositifs que vous appelez grossièrement des dépenses. Ce faisant, vous diminuez le pouvoir d’achat des Français, qui consomment donc moins. Cela induit un ralentissement économique en raison duquel nous avons moins dans les caisses.

Le problème, c’est que le présent vous donne tort. Nous vous demandons de réviser votre logique. Ce que vous dites, vous le dites depuis sept ans. Il est temps de passer à une autre logique, au moins pour essayer.

M. Philippe Vigier (Dem). Il est tellement facile de dire « Nous allons alourdir brutalement la fiscalité » ! J’ai en mémoire l’année 2016, lorsque nous avons décidé d’augmenter l’impôt sur les sociétés de 33,3 % à 36,6 % sans que M. Fabius ne s’y oppose. Le rendement de l’impôt a baissé. Manifestement, les entreprises, comme les particuliers, adaptent leur comportement.

Certes, il y a des trappes dans lesquelles certains se vautrent pour échapper à la fiscalité de droit commun. Il n’en reste pas moins que, si nous envoyons un signal d’alourdissement considérable de la CSG, notamment de celle pesant sur le capital, l’effet sera contre-productif. Je donne rendez-vous à quiconque en doute.

M. Jérôme Guedj (SOC). Monsieur le rapporteur général, vous dites qu’il faut privilégier les baisses de dépenses, à tout le moins faire des économies sur leur augmentation. C’est ce que fait le présent PLFSS, qui ralentit la hausse des dépenses sociales à hauteur de 15 milliards d’euros, dont 4 milliards grâce à la désindexation des pensions et environ 5 milliards grâce à la fixation de l’Ondam à 2,8 %.

Le problème, c’est que vous touchez à l’os, d’autant que Laurent Saint-Martin nous a annoncé une bombinette que personne n’a encore évoquée : le Ségur de la santé, dont le montant correspond à peu près à la totalité du déficit de la branche maladie, n’est pas financé. La seule question qui vaille est celle-ci : quelles sont les recettes ?

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Que nous voulons toujours alourdir la fiscalité et passons notre temps à parler uniquement de recettes est difficile à entendre. Vous semblez ne pas avoir conscience que vous avez réussi à aligner sur nos positions Pierre Moscovici, qui dit que nous n’avons plus les moyens de baisser les impôts sans compenser comme cela a été fait depuis 2017, et François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, qui dit qu’il faut faire un effort exceptionnel sur les grandes entreprises et les plus hauts patrimoines.

Vous avez même aligné sur nos positions Emmanuel Macron qui, en avril 2024, expliquait au Figaro que nous avons un problème de moindres recettes. Celui-là même qui a multiplié par deux les exonérations de cotisations sociales dit désormais qu’il y a un problème de recettes !

Vous semblez ne pas avoir conscience qu’il finira par rester deux, trois, quatre, cinq ou six personnes dans cette commission, voire dans le pays, ne comprenant pas que l’on ne peut pas financer notre protection sociale si ses recettes n’augmentent pas. Que les Français paient au prix de leur santé le besoin de financement de la sécurité sociale n’est pas entendable.

M. le rapporteur général. Monsieur Davi, nous sommes tous d’accord sur la nécessité de parvenir à taxer les oligarques russes. Le problème que pose votre amendement, c’est qu’en se contentant d’augmenter la CSG sur les revenus du capital, il cible tous les Français. La plupart de nos compatriotes sont des gens qui travaillent dur chaque jour, parfois pour un revenu à peine supérieur aux minima sociaux, et qui ont parfois du mal à placer un peu d’argent dans un PEL ou dans un livret. Vous proposez de taxer ces revenus du travail, gagnés par des gens qui ont des journées compliquées.

Taxer les ultra-riches et les oligarques russes, oui ; taxer les Français qui travaillent et qui en bavent chaque jour pour ouvrir un PEL ou un livret A, non. Par ailleurs, il n’est pas absurde de réduire les dépenses pour éviter de taxer toujours les mêmes, ceux qui travaillent et ont le sentiment de n’avoir droit à rien. Votre amendement taxe peut être les ultra-riches, mais il taxe surtout ceux qui travaillent dur chaque jour.

Monsieur Colombani, j’ai conscience qu’il vous est difficile de retirer l’amendement. J’aimerais pouvoir vous annoncer, ce qui ferait très plaisir à Mme Annie Vidal et à M. Guedj, l’examen d’une loi « grand âge » ; malheureusement, rien de tel n’est prévu d’ici l’examen du présent texte en séance publique la semaine prochaine.

La commission rejette successivement les amendements.

Les travaux sont suspendus de dix-sept heures quinze à dix-sept heures trente.

Amendement AS122 de M. Jérôme Guedj

M. Joël Aviragnet (SOC). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS545 de M. Yannick Monnet, AS91 de Mme Océane Godard et AS1022 Mme Zahia Hamdane (discussion commune)

M. Yannick Monnet (GDR). Mon amendement permettra d’aider le Président de la République à respecter ses engagements. En 2014, Emmanuel Macron indiquait vouloir « trouver une vraie solution pour supprimer les retraites chapeaux », critiquant « des montants incompréhensibles et aujourd’hui indéfendables ». Notre amendement, certes un peu moins révolutionnaire que les propos du Président de la République, vise à abaisser le seuil de taxation à 21 % des retraites chapeaux de 24 000 à 10 000 euros par mois.

Mme Océane Godard (SOC). Nous proposons d’abaisser le seuil de taxation à 21 % des retraites chapeaux de 24 000 à 12 000 euros par mois. Notre amendement est cohérent avec ceux du groupe Socialistes et apparentés visant à permettre un juste rééquilibrage en faveur du financement de notre système de retraites.

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Instaurer dès 10 000 euros par mois une taxe de 21 % sur les retraites chapeaux est une mesure essentielle pour renforcer l’équité fiscale et accroître les ressources permettant de financer le système de sécurité sociale. Les retraites chapeaux sont soumises à une taxation très faible en dépit de leur impact disproportionné sur les inégalités économiques.

La taxation que nous proposons vise à rendre le système fiscal plus progressif. Elle permettra également d’alléger la charge fiscale pesant sur d’autres formes de revenus tout en mobilisant des ressources supplémentaires pour le financement des prestations sociales. Il est temps d’agir pour garantir une juste contribution de ceux qui bénéficient de retraites élevées afin de soutenir notre modèle social et de garantir la solidarité entre tous.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

Si je souscris au principe d’une taxation des retraites chapeaux, je tiens à ce que nous adoptions des dispositions conformes à la Constitution. En 2015, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition prévoyant de taxer à 45 % les retraites chapeaux excédant huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale défini à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. Une disposition prévoyant une taxation à 21 % des revenus supérieurs à 24 000 euros par mois a été censurée en 2012.

La commission adopte l’amendement AS545.

En conséquence, les amendements AS91 et AS1022 tombent.

Amendements identiques AS90 Mme Océane Godard, AS534 Mme Karine Lebon et AS606 de Mme Sandrine Rousseau

Mme Océane Godard (SOC). Nous proposons d’augmenter la taxation des retraites chapeaux les plus substantielles, supérieures à 24 000 euros, de 21 % à 30 %. Une telle augmentation est certes significative, mais elle reste largement supportable pour les bénéficiaires de retraites chapeaux, dont les montants parfois astronomiques ont largement choqué l’opinion publique et parfois même une bonne part des responsables politiques, jusques et y compris à droite.

Lorsque le PDG d’Airbus est parti à la retraite avec une rente de 1,3 million d’euros par an, Bruno Le Maire, qui était alors ministre de l’économie et des finances, a promis de les plafonner. Son prédécesseur à Bercy, M. Macron, s’était dit choqué par leurs montants. Il convient de faire contribuer ces retraites exorbitantes à l’effort collectif, dans un contexte où nous en avons bien besoin.

M. Yannick Monnet (GDR). Après le bel effort de solidarité que constitue l’adoption de l’amendement AS545, je vous invite à aller un peu plus loin avec l’amendement AS534, en augmentant de 21 % à 30 % le taux de taxation des retraites chapeaux supérieures à 24 000 euros.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Ces retraites tout à fait indues, énormes, incroyables, réservées à une toute petite élite des très grandes entreprises, méritent absolument la taxation.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte les amendements.

Amendements identiques AS98 de M. Jérôme Guedj et AS535 M. Yannick Monnet

M. Joël Aviragnet (SOC). Par notre amendement AS98, il s’agit de revenir sur l’allégement de la fiscalité sur les actions gratuites adopté par la majorité lors de l’examen du PLFSS 2019. Cette disposition n’est pas justifiée socialement, dans la mesure où elle permet l’attribution gratuite d’actions essentiellement à des salariés bien rémunérés et à des dirigeants de grands groupes, qui doivent, par solidarité, contribuer plus que les autres au financement de notre sécu. Il s’agit d’une mesure de redressement budgétaire qui s’inscrit plus largement dans nos amendements visant à financer le système des retraites, afin de compenser l’abrogation des mesures de report de l’âge légal de départ en retraite et d’accélération prévues par la réforme des retraites adoptée en avril 2023 par le truchement du 49.3.

M. Yannick Monnet (GDR). Nous avons eu précédemment, l’occasion de livrer nos critiques de la logique de l’actionnariat salarié. La Dares estime la perte qu’elle induit pour la sécurité sociale en 2022 à 507 millions d’euros net, en raison des exonérations sur les stock‑options et des attributions gratuites d’actions. À défaut de les abroger, notre amendement propose de porter la contribution patronale sur les actions gratuites de 20 % à 30 %.

M. le rapporteur général. La Caisse nationale des allocations familiales bénéficie d’ores et déjà de plusieurs contributions, notamment d’une contribution due par les employeurs sur les attributions de stock-options, dont le taux peut atteindre 30 %. Le taux applicable aux cessions d’actions gratuites est de 20 % ou de 10 % dans certaines conditions. Comme l’indique le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, cette dernière ressource est dynamique. Son produit a augmenté de 14,3 % en 2023 après avoir augmenté de 2,5 % en 2022, et devrait progresser de 4,9 % en 2024 pour atteindre 1,1 milliard d’euros.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Des solutions au problème de financement de la sécurité sociale qui toucheraient uniquement les grandes fortunes, pourquoi ne pas les regarder ? Or la cession d’actions gratuites, qui peut s’inscrire dans le cadre d’un abondement du plan d’épargne entreprise (PEE) ou compenser une décote, ne concerne pas exclusivement les grandes fortunes.

Nous avons dans nos territoires des PME qui procèdent à des cessions d’actions gratuites. J’ai rencontré des travailleurs aux revenus modestes qui en sont très heureux. En acquérant des actions de leur entreprise, ils bénéficient d’une forme de partage de la valeur et sont davantage intéressés à sa réussite. Il est faux de dire que les amendements dont nous débattons ciblent uniquement les grandes fortunes. Ils touchent aussi des travailleurs de la classe moyenne.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je veux bien débattre de l’effet de la mesure que nous proposons avec M. Bazin, en excipant notamment du rapport de la Cour des comptes intitulé « Les niches sociales des compléments de salaire : un nécessaire rapprochement du droit commun », publié en mai dernier, recommandant son adoption et évaluant son rendement à 400 millions d’euros – ce chiffre est à mettre en perspective avec ceux évoqués lors de l’examen d’autres amendements. Cela permettra de prolonger le débat sur les distributions gratuites d’actions que nous avons eu hier.

Tendanciellement, le taux de la taxation compensatoire de la distribution d’actions gratuites a baissé. Si cette niche sociale est dynamique, c’est parce que la masse concernée est dynamique, cela parce que la fiscalité des cotisations sociales est plus favorable que la fiscalité de droit commun. Pourquoi acceptez-vous la multiplication de droits dérogatoires en lieu et place de l’application du droit commun ?

S’agissant de l’objection de M. Bazin, je démontrerai en séance publique que notre mesure concerne significativement les grandes fortunes. Je ne connais pas beaucoup de salariés de PME rémunérés par des distributions gratuites d’actions, tout simplement parce qu’il n’y a pas d’actions.

M. René Lioret (RN). Il y a des PME qui distribuent des actions à leurs salariés. Il s’agit de sociétés qui ne sont pas cotées en bourse mais ont néanmoins un système d’actions. Leur valeur est évaluée à dire d’expert, sur la base de la bonne santé de la société et non au hasard des fluctuations boursières. Il serait bon de distinguer l’actionnariat de l’entreprise cotée en Bourse dont les actions sont distribuées aux cadres dirigeants de l’actionnariat salarié des PME dont presque 100 % des salariés bénéficient, et qui est pour ces entreprises une façon de fidéliser leurs collaborateurs.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS85 de Mme Océane Godard

Mme Océane Godard (SOC). L’amendement vise à revenir sur deux mesures, en rétablissant le taux de forfait social normal à 20 % pour les versements réalisés sur des plans d’épargne retraite (PER), et en réintroduisant la contribution sociale à la charge des employeurs de moins de 250 salariés au titre de l’intéressement et de la participation. Ces mesures, que nous estimons nécessaires au financement de notre système de retraites, permettent une répartition plus équilibrée des contributions de chacun.

Il n’est pas normal de faire peser l’équilibre de notre système uniquement sur le report de l’âge légal de départ en retraite et sur l’augmentation de la durée de cotisation. Il est tout à fait envisageable de proposer un financement de notre système de retraite reposant sur une répartition plus équilibrée de l’effort.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Qui bénéficie des PER ? Je peux citer de nombreux exemples de travailleurs aux revenus modestes qui ont bénéficié de versements substantiels grâce à des abondements de leurs entreprises. De surcroît, certains versements sont plafonnés. Quant à l’intéressement et à la participation, ils offrent un treizième mois, voire un quatorzième, qui est très apprécié, tout en étant aussi soumis à des plafonnements. Une fois encore, la cible n’est pas limitée aux grandes fortunes. Cet amendement pénalisera le pouvoir d’achat de gens qui sont des travailleurs.

M. Jérôme Guedj (SOC). J’aimerais tordre le cou à l’argument de Thibault Bazin, qui nous demande systématiquement qui est concerné par les taux dérogatoires au droit commun, grâce à un raisonnement par l’absurde : avec un tel raisonnement, il faudrait baisser le taux des prélèvements de droit commun sur les salaires, au motif que tous les salariés en perçoivent un. Ce que nous proposons, c’est d’aligner sur le droit commun la taxation des revenus que la Cour des comptes appelle « compléments de salaire », dont la forme est analogue à celle d’un salaire, à tel point que leur taxation fait l’objet de mécanismes de contournement dans le cadre d’une forme d’optimisation fiscale, laquelle explique l’augmentation de l’assiette.

Plutôt qu’augmenter les salaires, la préférence est allée au versement de compléments de salaire – la prime Macron en est un exemple emblématique. Nous considérons que le salaire doit s’inscrire dans le droit commun. Si tel n’est pas le cas, il doit être soumis à un taux de cotisation et de contribution comparable à celui applicable au salaire. Nous appliquons le principe d’égalité.

M. Philippe Vigier (Dem). L’amendement aurait pour effet de briser un système incitatif que nous avons eu beaucoup de difficultés à faire monter en puissance. Il faut se souvenir d’où nous sommes partis. Nous avons acquis un rythme de croisière très intéressant. Ne cassez pas cela ! Les salariés en seront pénalisés.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Puisque vous parlez des petits salaires, il se trouve que j’ai été bénéficiaire, il y a deux ans, d’un dispositif d’intéressement et de participation, qui rapportait 45 euros par an. Je vous assure que ce n’est pas un surcroît de pouvoir d’achat, d’autant que la somme est bloquée sur un PEE et que vous ne pouvez pas y toucher pendant cinq ans, à moins d’acheter une maison, ce que vous ne faites pas tous les matins, ou de faire un troisième enfant, ce qui suppose d’en avoir déjà deux.

Si l’on m’avait demandé mon avis et si l’on demandait à chaque salarié s’il préfère un intéressement ou une participation, que son montant soit de 45 ou 2 000 euros, versé une fois par an et bloqué pendant cinq ans, ou un salaire du même montant réparti sur l’année, je vous garantis qu’il choisira toujours un surcroît de salaire.

M. Yannick Monnet (GDR). Vous dites que les salariés seront pénalisés, mais vous ne semblez pas considérer comme un problème que six salariés sur dix renoncent à des soins faute de moyens pour le budget de la sécurité sociale. J’entends certains collègues dire que c’est une question de médecins mais si l’on renonce aux soins faute de pouvoir payer les dépassements d’honoraires, c’est parce que la sécurité sociale manque de moyens.

Ce qui pénalise les salariés, ce ne sont pas nos mesures, mais bien l’insuffisance des financements de la sécu à l’aune de leurs besoins de santé. Voilà la question ! N’isolez pas les débats les uns des autres ! Nous voulons une sécurité sociale qui a les moyens de couvrir tous les salariés ; c’est là l’enjeu du présent PLFSS. Dans les arguments que vous opposez à nos mesures, le compte n’y est pas.

M. François Gernigon (HOR). Il ne faut pas confondre intéressement, participation et salaire. L’intéressement et la participation dépendent du résultat de l’entreprise et ont une fonction incitative. Ils s’inscrivent dans le cadre du partage de la valeur. Il faut conserver ces mesures incitatives. Il y a plusieurs années, elles ne faisaient pas même l’objet d’une fiscalisation. L’introduction du forfait social à un taux de 20 % a eu pour effet de réduire le nombre de contrats d’intéressement. Si l’on veut préserver le partage de la valeur, il ne faut pas toucher à l’intéressement et à la participation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS110 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Je reviens encore une fois sur les fameux compléments de salaire. Selon la Cour de comptes, ils représentent 87 milliards d’euros et sont soumis à des cotisations sociales dont les taux sont inférieurs au droit commun, en particulier en ce qui concerne les cotisations patronales.

Ainsi, alors que le taux normal du forfait social est de 20 %, il est de seulement 16 % pour les versements sur un plan d’épargne retraite d’entreprise collectif, de 10 % pour l’abondement de PEE et de 8 % pour la contribution des employeurs privés et publics au financement de la prévoyance complémentaire.

Si l’on harmonise ces taux à 20 %, cela représente un rendement de 1 milliard d’euros pour la sécurité sociale.

M. Vigier a estimé que les taux différenciés avaient pour objectif d’encourager à pratiquer ce type de compléments de salaire. Si les taux ne sont plus incitatifs, les compléments de rémunération prendront la forme d’une augmentation de salaire.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

Majorer le taux du forfait social pénaliserait le partage de la valeur au sein des entreprises. Or ces compléments de salaire contribuent de manière non négligeable à l’amélioration du pouvoir d’achat des salariés.

M. Thibault Bazin (DR). Quand une entreprise a de meilleurs résultats et qu’elle souhaite en faire profiter ses salariés, augmenter les salaires peut parfois la placer dans une situation risquée à long terme, susceptible de menacer les emplois. C’est une réalité économique. On ne peut pas considérer qu’un intéressement peut indifféremment être transformé en salaire. C’est la limite de votre raisonnement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS51 de M. Arnaud Simion, AS580 de Mme Karine Lebon et AS1155 de Mme Élise Leboucher

M. Arnaud Simion (SOC). Nous nous échinons à vous aider à trouver de nouvelles recettes, notamment pour la branche autonomie.

Ainsi, ces amendements visent à relever le financement de la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA) de 0,3 % à 0,6 %, afin d’apporter 3 milliards d’euros de plus par an à cette branche.

La création de la branche autonomie ne s’est pas accompagnée de financements suffisants pour faire face aux besoins identifiés dans le rapport Libault de mars 2019 – soit 6 milliards d’euros supplémentaires par an à partir de 2024 et 9 milliards à partir de 2030.

M. Yannick Monnet (GDR). On comptait 4,1 millions de personnes âgées de 75 à 84 ans en 2020 ; elles seront 6 millions en 2030. La France comptera alors entre 160 000 et 320 000 seniors dépendants de plus en 2030 par rapport à 2023. Un rapport du Conseil économique, social et environnemental publié en 2023 indiquait qu’à politique publique inchangée, l’augmentation du nombre de bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie conduirait à une hausse de 30 % de dépenses liées à cette prestation entre 2020 et 2040.

La LFSS 2024 a limité à 2,1 milliards d’euros les dépenses de la branche autonomie et ce PLFSS ne comprend aucune mesure nouvelle pour prendre en charge de la perte d’autonomie. Avec l’amendement AS580, il est donc urgent de prévoir de nouvelles recettes pour cette branche.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS1155.

Depuis 2018, on annonce vouloir financer la branche autonomie de façon pérenne, mais rien de concret n’a été fait.

La prise en charge de la perte d’autonomie n’est évidemment pas à la hauteur des besoins, comme en témoignent les difficultés que rencontrent les Ehpad. Ils sont 85 % à être en déficit, ce qui pèse sur leur capacité de recrutement et a des conséquences pour leurs salariés. Ceux que j’ai récemment reçus dans ma permanence m’ont indiqué qu’une semaine seulement après les vacances d’été ces dernières étaient oubliées, tant les conditions de travail sont difficiles.

M. le rapporteur général. Depuis le début de 2024, 0,15 point de CSG supplémentaire est affecté au financement de la branche autonomie. Ce n’est certes pas suffisant et M. Monnet a raison de souligner qu’il est urgent de financer cette dernière.

Mais il faut aussi être prudent. Nous avons supprimé l’article 6 et ne savons donc pas quel sera le niveau des allégements généraux sur les prélèvements sociaux patronaux. Il faut donc vérifier au préalable si les entreprises seront capables de supporter une réduction de leurs allégements de charges et le relèvement de la CSA proposé par les amendements.

C’est grâce au travail que l’on arrivera à améliorer les comptes sociaux, et certainement pas par la décroissance et les suppressions d’emplois.

Demande de retrait.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’autonomie fait partie des libertés individuelles fondamentales.

Or cela fait maintenant vingt ans que les salariés consacrent une journée de travail par an au financement de l’autonomie – un jour sur les 218 qui sont travaillés dans l’année, soit 0,5 % de la valeur ajoutée des salariés alors que les employeurs s’acquittent seulement de 0,3 %. C’est très injuste et ces amendements ont simplement pour objet d’égaliser les contributions du capital et du travail.

M. Hendrik Davi (EcoS). On ne peut pas à la fois se féliciter de la suppression de l’article 6 et en tirer prétexte pour limiter les possibilités de discussion du texte, au motif que l’on ignore désormais le niveau des allégements de cotisations patronales.

Il est important d’augmenter le taux de la CSA pour financer la branche autonomie. Passer de 0,3 % à 0,6 % ne mettra pas les entreprises en difficulté.

M. Jérôme Guedj (SOC). Ces amendements posent la question du financement de la branche autonomie. Je suis au regret de dire que la part de CSG qui lui a été affectée en 2024 a été pour l’essentiel absorbée par les mesures de revalorisation salariale prises notamment dans le cadre du Ségur de la santé, au détriment d’autres objectifs comme l’amélioration du ratio d’encadrement dans les Ehpad.

Notre commission aurait dû être saisie du projet de loi de programmation sur le grand âge et l’autonomie avant le 31 décembre de cette année. Annie Vidal a d’ailleurs courageusement interpellé le Premier ministre à ce sujet lors des questions au Gouvernement. Tant que nous n’aurons pas abordé de manière globale la question des besoins liés à la perte d’autonomie et celle de leur financement, on continuera à avoir de très grandes difficultés dans les Ehpad et les services à domicile.

M. le rapporteur général. Je ne m’oppose pas au débat. J’ai seulement précisé qu’il serait préférable de discuter de votre proposition d’augmentation de la CSA lorsque l’on connaîtrait le volume et l’assiette des allégements généraux de cotisations patronales, afin de pouvoir mesurer le caractère soutenable des amendements pour les entreprises.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS53 de M. Arnaud Simion

M. Arnaud Simion (SOC). Cet amendement vise à assujettir à la CSA des revenus qui en sont actuellement exonérés, ainsi que les revenus des travailleurs indépendants. Ces propositions figurent dans le rapport Vachey que j’ai mentionné précédemment.

Cela permettra d’assujettir les sommes versées au salarié au titre de l’intéressement, de la participation, de la participation de l’employeur aux plans d’épargne et du financement des prestations de protection sociale complémentaire.

Cela représenterait 600 millions d’euros de recettes supplémentaires, dont 240 millions au titre des salariés et 360 millions au titre des travailleurs indépendants.

M. le rapporteur général. Votre proposition conduirait à relever le taux des contributions dues par les travailleurs indépendants, alors même que l’assiette des prélèvements sociaux fait actuellement l’objet d’une importante réforme dont il importera d’évaluer tous les effets.

Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS50 de M. Arnaud Simion

M. Arnaud Simion (SOC). L’amendement propose de créer une contribution de solidarité des actionnaires assise sur les dividendes distribués. Son produit serait affecté à la branche autonomie.

Il importe de mettre à contribution le capital dans une perspective d’élargissement du financement de la protection sociale.

Cette mesure rapporterait 2 milliards d’euros à la branche autonomie.

M. le rapporteur général. Les dividendes sont soumis au PFU, avec un taux de 17,2 % pour la protection sociale. Ces revenus contribuent donc déjà au financement de la sécurité sociale.

Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS86 de Mme Océane Godard

Mme Océane Godard (SOC). Imaginez que vous ayez touché 2 millions d’euros par jour entre le jour de votre naissance et votre cinquantième anniversaire : eh bien vous auriez alors à peine le quart de la fortune de Bernard Arnault. Je ne prends pas cet exemple pour fustiger les ultra‑riches, mais pour poser la question de la redistribution.

Cet amendement propose de créer une contribution de solidarité de 2 % sur la fortune des milliardaires français. Cela permettrait de récupérer 12 milliards d’euros et de combler le déficit du régime des retraites.

M. le rapporteur général. On peut comprendre votre souhait de créer une telle contribution et je partage la philosophie selon laquelle les ultra‑riches peuvent contribuer davantage. Mais est-ce réalisable ?

Tout d’abord, une telle mesure pourrait conduire au départ d’un certain nombre de capitaux et d’entreprises vers des pays où la fiscalité est moindre.

Ensuite, l’assiette de cette contribution est beaucoup trop étroite pour garantir la nécessaire pérennité des ressources de la sécurité sociale.

Demande de retrait.

M. François Gernigon (HOR). Je suis d’accord avec le rapporteur général sur le plan philosophique, mais il faut peut-être regarder un peu plus loin.

Quand on parle de la fortune de Bernard Arnault, on doit aussi considérer qu’il emploie 170 000 salariés en France et que ces derniers font partie des 20 % les mieux rémunérés. On ne peut pas dire que cette fortune a été acquise sur leur dos.

Le dividende par action versé par LVMH a certes progressé de 20 % entre 2021 et 2022, passant de 10 à 12 euros. Mais son rendement par rapport au prix de l’action est de 1,5 %, soit deux fois moins que la rémunération du livret A. Je ne vois donc pas où est le problème.

Si l’on pousse les fortunes à s’exiler, cela conduira à supprimer des milliers d’emplois et à moins de production de richesses, de consommation et de recettes de TVA.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS1539 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi (EcoS). Le système de santé est en très grande difficulté. Il manque 18 milliards d’euros dans les caisses et il n’est pas possible de nier la fermeture de services d’urgence, la colère des infirmières, la paupérisation des retraités ou l’étendue des déserts médicaux.

Au RoyaumeUni, on a refusé pendant des années de regarder en face l’effondrement du système de santé en raison d’investissements insuffisants. Les Britanniques s’en mordent désormais les doigts.

Cet amendement propose donc de créer une contribution de solidarité sur la fortune des milliardaires, dont le produit serait affecté en priorité aux cinq branches de la sécurité sociale.

Selon Oxfam, 2 % seulement de la fortune des milliardaires – qui a augmenté de plus de 200 milliards d’euros, soit une hausse de près de 60 % – suffiraient à financer le déficit attendu des retraites. Le patrimoine cumulé des 147 milliardaires français s’élève à près de 1 000 milliards en 2024 : cela fait pas mal de yachts et de villas et ils peuvent nous aider, et aider les infirmières en colère.

L’amendement permettrait de collecter entre 2 et 5 milliards d’euros pour la sécurité sociale.

Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte ensuite les amendements identiques AS89 de Mme Océane Godard et AS600 de Mme Sandrine Rousseau.

Amendements AS100 de Mme Mélanie Thomin et AS476 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement propose de créer une taxe sur les superprofits des grandes entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros.

Nous nous interrogeons sur la financiarisation croissante du secteur de la santé. Le groupe Eurofins – dont le siège est au Luxembourg et dont le chiffre d’affaires s’est élevé à 6,5 milliards d’euros en 2023 – comprend une branche consacrée à la biologie médicale. Cette dernière est le seul prestataire disponible dans certaines zones rurales, dont ma circonscription, pour des patients devenus des clients – ce qui ne constitue pas la garantie d’un service de qualité en raison d’une volonté d’optimisation des coûts et de maximisation des gains.

Les employés d’Eurofins eux-mêmes dénoncent leurs conditions de travail : les négociations salariales sont factices, ils n’obtiennent pas de revalorisations salariales, certains sites sont insalubres et les bénéfices sont captés par les actionnaires.

Nous souhaitons que les ressources issues de ce prélèvement financent l’augmentation des moyens dans les secteurs sanitaire, médico-social et social ainsi que la sécurité sociale et le système de retraite.

M. le rapporteur général. La situation que vous avez décrite est inadmissible. Nous dénonçons tous cette financiarisation des laboratoires, qui donnera lieu à un certain nombre d’amendements. Il faut en effet s’assurer de rétribuer de manière juste les laboratoires installés dans les territoires, afin d’éviter une financiarisation du secteur – fléau qui touche désormais aussi la radiologie.

S’agissant de votre amendement, je répète que taxer davantage présente le risque de voir les sièges sociaux être déplacés dans d’autres pays – ce qui est déjà le cas dans l’exemple que vous citiez. On ne peut pas garantir la pérennité du financement de la sécurité sociale si l’on ne s’assure pas de la stabilité de l’assiette du prélèvement.

Demande de retrait.

M. Philippe Vigier (Dem). Le phénomène de financiarisation n’est pas nouveau et il s’aggrave. Il conduira inexorablement à des fermetures dans les territoires ruraux, donc à une diminution de l’offre. C’est vrai pour les radiologues, mais aussi pour les pharmacies et la biologie médicale.

Alors que ce PLFSS prévoit de faire 360 millions d’euros d’économies dans le secteur de la biologie médicale, votre amendement contribuerait à aggraver les problèmes.

Il faut mener un véritable travail de fond, notamment en s’intéressant aux actions de préférence. Cela doit avoir lieu dans un cadre transpartisan, car l’offre de soins est une question qui dépasse les clivages politiques.

La commission adopte l’amendement AS100.

En conséquence, l’amendement AS476 tombe.

Amendement AS1010 de Mme Zahia Hamdane

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Face à l’injustice flagrante que constitue le gel des pensions, il est impératif d’instaurer une cotisation exceptionnelle sur les superprofits pour garantir le financement des retraites. Le Gouvernement prévoit de réaliser 3,6 milliards d’euros d’économies sur le dos des retraités, alors même que ces derniers sont déjà durement frappés par la précarité. En 2024, d’après l’association Petits Frères des pauvres, 2 millions de personnes âgées vivent sous le seuil de pauvreté.

Cet amendement énonce une alternative claire : plutôt que de ponctionner ceux qui ont déjà du mal à joindre les deux bouts, il est temps de mettre à contribution ceux qui se sont enrichis grâce à la crise. Une taxe sur les superprofits est non seulement une mesure de justice sociale, mais elle permettrait aussi de protéger nos aînés – qui, eux, n’ont certainement pas vu leurs revenus exploser en 2023.

Le choix est simple : faire payer les plus riches ou continuer à appauvrir les retraités. Nous optons pour la solidarité et la justice sociale.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

M. Philippe Vigier (Dem). Cet amendement propose une contribution assise sur le chiffre d’affaires, alors qu’il faudrait viser les bénéfices. C’est un non-sens absolu. Continuez ainsi et vous verrez les conséquences pour les groupes agroalimentaires et les grandes coopératives, car cela favorisera la grande distribution.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS931 de Mme Élise Leboucher

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Il s’agit de créer une taxe sur les superprofits des plus gros laboratoires pharmaceutiques.

Le covid aurait dû marquer un tournant dans les rapports avec l’industrie pharmaceutique. Emmanuel Macron parlait à l’époque de faire du vaccin un « bien public mondial ». Sanofi était prêt à brader son vaccin aux Américains, mais il n’a jamais réussi à en trouver un. On a alors assisté au plus gros gavage de l’histoire, avec quarante nouveaux milliardaires dans ce secteur, des prix qui ont explosé et des aides publiques qui sont encore versées sans condition. Sanofi distribue 4 milliards d’euros de dividendes chaque année et, en plus, va se débarrasser de sa filiale qui fabrique le Doliprane.

Pire encore, la taxe sur les superprofits qui avait été envisagée à l’échelle européenne ne touchait pas l’industrie pharmaceutique.

Nous proposons donc une mesure de justice fiscale et sociale qui permette de rééquilibrer les choses.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Il faut asseoir le financement de la sécurité sociale sur une assiette qui n’est pas volatile.

S’agissant de Sanofi, vous connaissez ma position personnelle. Quand un industriel a bénéficié du crédit d’impôt recherche et autres avantages pour installer de nouvelles usines, l’État doit utiliser tous les moyens à sa disposition – notamment en activant les mesures autorisées par le code monétaire et financier qui permettent de bloquer la vente d’une filiale. C’est une question de souveraineté.

On voudrait nous faire croire que seuls les Français prennent du Doliprane, mais le groupe Seqens installe dans ma circonscription une usine qui assurera à terme 60 % des besoins de paracétamol en Europe. Arrêtons la désinformation !

M. Michel Lauzzana (EPR). Taxer le chiffre d’affaires est une hérésie. Certaines entreprises de l’industrie pharmaceutique ont un chiffre d’affaires élevé mais font très peu de bénéfices.

Cette histoire de Doliprane est un enfumage. Le Gouvernement a fait ce qu’il fallait en finançant une usine de Seqens qui produira le principe actif du paracétamol, ce qui est le plus important. Sanofi se contente d’empaqueter.

Votre amendement va en revanche affecter Upsa, entreprise française qui a agrandi ses chaînes de production, ce qui a permis de ne pas manquer de paracétamol pendant la crise sanitaire. En confondant ces entreprises les unes avec les autres, vous allez tuer celles qui travaillent sur le sol français en y faisant très peu de bénéfices – Upsa perd même de l’argent en commercialisant du paracétamol pédiatrique sur le marché français. Les effets d’une telle mesure seront délétères.

M. Yannick Monnet (GDR). Sanofi a perçu 125 millions d’euros par an au titre du crédit d’impôt recherche depuis dix ans – tout en refusant désormais de mener des recherches. Il faut arrêter de croire que l’on est en train d’asphyxier cette entreprise.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1540 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi (EcoS). Cet amendement propose de mettre en place une contribution exceptionnelle sur les superprofits réalisés par les entreprises pétrolières, afin de renforcer les ressources de la sécurité sociale.

Les bénéfices de ces entreprises continuent de croître de manière spectaculaire. Par exemple, TotalEnergies a enregistré un résultat record de 19,8 milliards d’euros en 2023. On sait que l’industrie pétrolière pratique l’optimisation fiscale pour réduire ses impôts, mais la manne potentielle de la contribution que nous proposons reste non négligeable.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS541 de Mme Karine Lebon, AS602 de Mme Sandrine Rousseau et AS88 de Mme Océane Godard (discussion commune)

M. Yannick Monnet (GDR). Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs œuvrent pour rendre la capitalisation plus attractive.

La loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « Pacte », a largement impulsé cette dynamique en créant des organismes de retraite professionnelle supplémentaire – c’est-à-dire des fonds de pension à la française – et en procédant à des assouplissements réglementaires.

L’étape suivante a consisté à simplifier au maximum les produits d’épargne retraite en les regroupant dans un seul dispositif, le plan épargne retraite individuel ou collectif. Les produits proposés par des banques, des assurances ou des mutuelles sont gérés par celles-ci ou confiés à des gestionnaires d’actifs.

Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, le montant total de ces actifs dépasse désormais les 250 milliards d’euros, contre 205 milliards en 2015. Ces dispositifs font la part belle à la capitalisation individuelle, inégalitaire, au détriment de notre système par répartition, solidaire.

C’est pourquoi nous proposons par l’amendement AS541 une contribution exceptionnelle de 15 % sur les fonds de pension.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). On pourrait très bien s’appuyer sur la retraite par capitalisation pour sauver celle par répartition. Cela permettrait de décourager le recours à l’une tout en finançant l’autre.

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement AS88 est défendu.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Je partage l’avis du rapporteur général. Certains fonds de pension travaillent pour nos caisses de retraite – y compris celles des fonctionnaires – et nos assurances. Ils sont abondés par des cotisations qui appartiennent aux Français : vous les pénalisez par répercussion en taxant ces fonds. Les conséquences pourraient être terribles, y compris en termes de souveraineté.

M. Yannick Monnet (GDR). J’ai bien compris que vous ne vouliez rien changer, monsieur Bazin.

La retraite par répartition peut être déficitaire mais elle ne peut pas faire faillite, parce qu’il y aura toujours des cotisants pour l’alimenter. C’est le contraire pour la retraite par capitalisation : aux États-Unis, en cas de faillite, les gens perdent tout d’un seul coup. Notre priorité n’est pas de faire un mix mais de nous battre pour garder la retraite par répartition. Il faut donc taxer la capitalisation pour continuer à alimenter notre système.

M. Philippe Vigier (Dem). Nous sommes très attachés à la retraite par répartition, comme le démontre la réforme que nous avons votée afin de tenir compte de la baisse du nombre d’actifs. Par ailleurs, les fonctionnaires sont très contents de la Préfon – allez leur dire que vous voulez la supprimer ! Enfin, fonds de pension, ce n’est pas un gros mot : si les fonds de pension étaient un peu plus solides en France, les Américains ne pourraient sans doute pas s’emparer du gâteau du Doliprane.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Les frais de gestion de la sécurité sociale s’élèvent à 1 %, contre 1,5 % à 2 % pour les fonds de gestion collective : à chaque fois qu’on privatise ou qu’on financiarise, on jette de l’argent par les fenêtres.

M. Hendrik Davi (EcoS). Je trouve très bien de dire à nos compatriotes qu’il faut se tenir à l’écart des fonds de pension. Lors de la crise des subprimes, en 2008, ils ont en effet perdu 5,4 trillions de dollars. Les marchés financiers sont très volatils et peuvent s’effondrer du jour au lendemain. Vous irez ensuite expliquer aux retraités que vous aurez poussés à investir dans des fonds de pension qu’ils n’ont plus de retraite ! Personne ne peut dire s’il y aura une crise financière dans les deux ou trois prochaines années. C’est pour cela que vous souhaitez tout de même conserver la retraite par répartition.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1000 de M. Damien Maudet

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Il s’agit d’instaurer une contribution exceptionnelle de 10 % sur les fonds de pension pour financer la branche autonomie. Les aides à domicile font partie des secteurs en tension en raison d’une rémunération trop faible – 683 euros par mois en moyenne selon une étude de 2020. Leur pouvoir d’achat a même baissé de 0,7 % en euros constants, contre 0,2 % pour les autres salariés, entre 2019 et 2022.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS48 de M. Arnaud Simion

M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit de créer une taxe de 1 % sur les revenus des capitaux mobiliers pour financer la branche autonomie. Cette piste aurait dû être évoquée dans la loi de programmation sur le grand âge.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1152 de M. Damien Maudet

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Nous proposons d’instaurer une contribution sur les successions et les donations fléchée vers la CNSA. Son taux, fixé à 0,1 % de l’actif net taxable, s’appliquerait à toute succession ou toute donation supérieure à 120 000 euros.

M. le rapporteur général. Pour être clair, vous souhaitez majorer l’impôt sur la mort. La France est en tête de liste des membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques pour la taxation de l’héritage. Il faut arrêter de vouloir taxer les successions et les donations, qui permettent d’aider les plus jeunes à mettre le pied à l’étrier.

Avis très défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Cette taxe pénaliserait ceux qui, même avec des revenus modestes, pratiquent la solidarité intergénérationnelle en transmettant à leurs enfants. Or la transmission est déjà lourdement taxée dans notre pays : il ne faut pas aller au-delà. C’est une question de justice sociale.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). À chaque fois qu’on parle d’héritage, il y a des gens de droite pour raconter n’importe quoi. Cet amendement ne touchera pas les plus modestes puisqu’il ne vise que les héritages de plus de 120 000 euros. Or, dans 87 % des cas, l’héritage est inférieur à 100 000 euros. Arrêtez de créer une solidarité de classe entre les petits héritiers et les gros, qu’il faut faire contribuer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS603 de Mme Sandrine Rousseau

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Il s’agit également de créer une contribution sur les successions et les donations. L’accumulation de patrimoine depuis la Seconde Guerre mondiale est historique, la différence entre les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches étant d’un facteur 162. Certes, le patrimoine est déjà taxé mais il existe de nombreuses façons d’échapper à l’impôt sur les successions.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

M. Michel Lauzzana (EPR). Les inégalités sont en réalité moindres grâce au caractère très redistributif du système français. Après redistribution, l’écart entre les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches n’est plus que de 1 à 8.

M. Thibault Bazin (DR). Votre amendement indique que vous souhaitez taxer les successions et les donations dès le premier euro : cela va donc au-delà des 10 % les plus riches. Cette contribution concernera tous les Français, même des personnes héritant de sommes modestes.

M. Philippe Vigier (Dem). Il est parfaitement injuste qu’une donation de 10 000 euros de parents à leur enfant soit taxée dès le premier euro. Nous ne vous suivrons pas sur ce point.

Mme Joëlle Mélin (RN). Il est incompréhensible de taxer au premier euro les petites donations, qui servent souvent à aider les jeunes à se lancer dans la vie. À trop vouloir taxer, vous finirez par provoquer une rébellion.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). La redistribution permet de réduire les inégalités de revenus – encore heureux ! Un écart de 1 à 8 peut sembler acceptable si l’on raisonne par décile mais, en réalité, la concentration de la fortune dans ce pays est très importante, les 0,1 % les plus riches touchant 180 fois l’héritage médian.

La contribution proposée porterait sur l’actif net taxable. Or une grande partie des donations et successions ne sont pas imposées et n’entreraient donc pas dans le champ de cette disposition.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). L’écart est de 1 à 8 pour les revenus mais de 1 à 162 sur le stock de patrimoine : c’est là qu’il faut gratter pour réduire les inégalités accumulées au cours des générations. Ne confondons pas tout.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS446 de M. Laurent Panifous

M. Paul-André Colombani (LIOT). Nous pensons tous qu’il faut plus de moyens pour financer l’autonomie. C’est pourquoi nous proposons de créer une nouvelle taxe sur les successions. Nous ne fixons pas à ce stade de barème, de taux ou d’assiette, l’objectif étant d’entamer la réflexion sur les inégalités en matière de transmission.

M. le rapporteur général. Même si je partage votre volonté de trouver des financements pour la cinquième branche, taxer les donations et les successions ne correspond pas aux souhaits de nombre d’entre nous.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1119 de Mme Zahia Hamdane

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Il s’agit d’instaurer une contribution sur les entreprises présentant un taux de licenciement pour inaptitude anormalement élevé. Celui-ci étant lié aux conditions de travail, il est normal de faire contribuer l’entreprise qui en est responsable.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS1253 et AS1254 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). L’index de l’égalité professionnelle n’a aucune valeur contraignante : on constate les inégalités mais il n’y a pas d’incitation à les réduire. Les deux amendements visent à imposer aux entreprises une taxe sur les différences salariales afin de financer des mécanismes de compensation pour les personnes pensionnées.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS592 de M. Pierre Cordier

M. Thibault Bazin (DR). Il est possible de percevoir une retraite française tout en résidant à l’étranger, sous réserve de fournir chaque année un certificat de vie. Ce certificat est établi, selon les pays, par un notaire ou par une autorité locale. Dans certains pays, comme le Congo ou la Chine, le certificat doit obligatoirement être établi par le consulat français. Par souci de cohérence et pour éviter les fraudes, l’amendement vise à étendre cette obligation à tous les pays, les consulats convoquant chaque année les bénéficiaires de pensions de retraite.

Il est également proposé que les pensions des retraités domiciliés fiscalement hors de France soient soumises à la CSG, à la CRDS et à la CSA afin que chacun participe à l’effort national de redressement des finances publiques. C’est une question de justice sociale.

M. le rapporteur général. Il n’est pas certain que cet amendement soit conforme à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de règles d’affiliation pour les contributions affectées à la sécurité sociale. Je devrais vous demander de le retirer pour améliorer sa solidité juridique mais je vais attendre la fin du débat pour donner mon avis définitif.

M. Philippe Vigier (Dem). Je suis favorable à ce que l’on poursuive dans cette voie. Il me paraît important d’envoyer un signal très fort en exigeant un certificat de vie.

Mme Joëlle Mélin (RN). Concernant le certificat de vie, cela tombe sous le sens.

Monsieur Bazin, pouvez-vous nous indiquer si les retraités vivant à l’étranger bénéficient de la sécurité sociale ? Selon un arrêt de la cour d’appel de Versailles, les personnes vivant à l’étranger qui ne bénéficient pas de la sécurité sociale sont exemptées de CSG.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’amendement a pour objet la délivrance du certificat de vie par les consulats français. Comment faites-vous dans les pays dépourvus de consulat ?

M. Thibault Bazin (DR). Lors des auditions menées dans le cadre de la réforme des retraites, certains organismes nous avaient indiqué qu’ils rencontraient des problèmes de faux certificats mais que la loi ne leur donnait pas d’outils pour effectuer des contrôles.

Lorsque les pensions sont versées sur un compte bancaire dans l’Union européenne, l’organisme bancaire s’assure chaque année que la personne est toujours en vie. Le problème se pose hors Union européenne car les comptes ne sont alors pas vérifiés.

S’agissant de l’assujettissement à la sécurité sociale, il faudra regarder dans le détail. Je ne retire pas cet amendement mais je compte sur la navette pour en améliorer la rédaction.

M. le rapporteur général. Madame Mélin, je n’ai pas tout à fait compris votre demande. Les deux cas existent : un retraité ne vivant pas en France peut être rattaché à la sécurité sociale ou ne pas l’être.

En dépit de la fragilité juridique de l’amendement, j’émets un avis favorable, quitte à l’affiner en séance, car c’est un sujet important pour les Français, qui l’assimilent à la lutte contre la fraude.

La commission adopte l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement AS604 de Mme Sandrine Rousseau.

Amendement AS78 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit d’appliquer le forfait social à la prime de partage de la valeur, au taux de 20 %.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendements de suppression AS906 de M. Benjamin Lucas-Lundy et AS1456 de Mme Hanane Mansouri

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Nous proposons par l’amendement AS906 de supprimer l’article 8 car il vient réduire la part du produit de la taxe visée à l’article 231 du code général des impôts pour les branches vieillesse et famille.

Mme Hanane Mansouri (UDR). L’excédent de la branche famille sera prélevé pour équilibrer les branches maladie et retraite. La branche maladie doit s’équilibrer d’elle-même : il n’y a aucune raison que l’impôt des contribuables finance des régimes qui sont structurellement déséquilibrés.

M. le rapporteur général. L’amendement se justifie en partie car l’article 8 tire les conséquences de la réforme des allégements de charges patronales prévue à l’article 6, que nous avons supprimé. Toutefois, l’article 8 vise également à améliorer la trésorerie de la Caisse nationale d’assurance vieillesse en lui affectant les réserves des régimes de la SNCF et de la RATP ainsi que les excédents du Fonds de solidarité vieillesse, et à améliorer le solde de la branche retraite en lui affectant 68 millions d’euros provenant des gains tirés de la réforme des retraites sur le régime de la fonction publique. Supprimer l’article 8 ferait donc perdre des recettes.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 8 non modifié.

Amendement AS712 de M. Sébastien Peytavie.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1261 de M. Thierry Frappé

Mme Joëlle Mélin (RN). Les médicaments génériques, hybrides et biosimilaires, qui permettent d’économiser plus de 2 milliards d’euros par an, ne contribuent pas à la croissance du marché pharmaceutique.

En faisant peser sur ces médicaments un poids déraisonnable, la clause de sauvegarde menace la pérennité d’approvisionnement pour les patients français et, plus généralement, tout le secteur du générique. L’exemption de la clause de sauvegarde constitue une urgence économique, fiscale et industrielle pour les laboratoires qui commercialisent ces médicaments matures. Il convient de l’adopter pour ne pas mettre en cause notre indépendance sanitaire.

M. le rapporteur général. Si je suis favorable à un plafonnement du montant de la contribution due au titre de ces médicaments, je ne souhaite pas pour autant les exclure de la clause de sauvegarde.

Si on taxe trop ou si, au contraire, on ne taxe pas suffisamment les médicaments génériques, dans le cadre de la clause de sauvegarde, la filière serait menacée.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS662 de M. Michel Lauzzana

M. Michel Lauzzana (EPR). L’amendement vise à intégrer un critère territorial dans la clause de sauvegarde, qui ne contribue pas à garantir notre souveraineté en matière de médicaments. L’entreprise Upsa produit 100 % de ses médicaments en France sans pour autant bénéficier d’un barème plus avantageux. Pour garantir notre souveraineté, favorisons la fabrication de médicaments sur notre territoire.

Il est donc proposé de modifier le barème en fonction du lieu de production des médicaments. Je rappelle qu’Upsa finance l’usine Seqens dont parlait le rapporteur général.

M. le rapporteur général. Je souscris à la logique de ce très bon amendement. L’usine Seqens produit les principes actifs des médicaments pour deux clients essentiels, Sanofi et Upsa. Pour rappel, 120 millions d’euros – dont 40 millions d’aides de l’État – sont investis pour relocaliser la fabrication du principe actif du paracétamol en France, afin d’atteindre l’objectif de souveraineté en matière sanitaire.

Néanmoins, votre dispositif risque de pénaliser trop fortement les producteurs de médicaments génériques dont la production est délocalisée. Le mécanisme de la clause de sauvegarde doit inciter les producteurs à relocaliser, sans toutefois menacer à court terme le modèle économique des médicaments génériques. Je suis donc défavorable à votre amendement.

Je déposerai en séance publique un amendement, que nous pourrons travailler ensemble, qui visera à rendre obligatoire la prise en compte par le Comité économique des produits de santé (Ceps) du critère du lieu de production dans la détermination du prix, afin de renforcer notre souveraineté.

M. Michel Lauzzana (EPR). Je souhaite que d’ici à la séance, nous travaillions sur la question de la souveraineté, que nous avons longuement évoquée durant la crise sanitaire. Nous avons des producteurs sur notre territoire.

Cet amendement ne pénaliserait pas les producteurs de génériques, qui sont défavorisés par la clause de sauvegarde par rapport aux laboratoires, notamment américains, qui produisent des médicaments nouveaux ou innovants dont le prix est beaucoup plus élevé. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Les Entreprises du médicament est opposé à ce critère territorial.

M. le rapporteur général. Vous proposez de répartir 20 % du 1,6 milliard d’euros de contribution selon un barème qui tient compte du lieu de production. D’après les simulations dont je dispose, cela revient à répartir 320 millions d’effort entre les entreprises, dont 128 millions seraient payés par les entreprises qui produisent moins de 20 % de leurs médicaments sur le sol européen.

Ainsi, le barème proposé risquerait d’organiser un transfert de charge à hauteur de 128 millions d’euros des entreprises qui produisent des médicaments innovants vers les entreprises qui produisent des médicaments génériques. Nous risquons donc de déstabiliser le secteur du générique, qui ne dispose pas des mêmes marges que les autres secteurs du médicament. J’ai déposé un amendement visant à plafonner le montant de la contribution due par les entreprises produisant des génériques, car le déplafonnement met en péril leur viabilité économique.

Je le redis, nous pourrons regarder ensemble ce qu’il en est d’ici à la séance.

M. Michel Lauzzana (EPR). Dans ce cas, je retire mon amendement. Nous devons aussi reparler du Ceps qui n’applique pas le critère du lieu de production.

L’amendement est retiré.

Amendement AS362 de Mme Sylvie Bonnet

Mme Josiane Corneloup (DR). Compte tenu de la situation financière de la France, le développement des médicaments biosimilaires, moins chers mais tout aussi sérieux et efficaces, est indispensable. Ils pourraient permettre d’économiser 7 milliards d’euros à l’horizon 2030.

Leur essor permettrait également d’assurer une plus grande disponibilité des produits en diversifiant l’offre de médicaments biologiques existante. Ces produits répondent à deux des priorités du législateur : lutter contre la pénurie de médicaments, dont les conséquences sont très néfastes, et trouver des économies pour les finances publiques.

Il est donc nécessaire de diminuer la pression induite par la clause de sauvegarde.

M. le rapporteur général. En effet, la prescription de médicaments biosimilaires, tout comme celle des médicaments génériques, est vertueuse pour les finances de la sécurité sociale. Néanmoins, la clause de sauvegarde, qui est un mécanisme de régulation macroéconomique, n’est pas un levier pertinent pour atteindre cet objectif. Pour encourager la prescription de biosimilaires, je suis plutôt favorable à l’assouplissement du régime de substitution des médicaments biologiques par les biosimilaires. Depuis la LFSS 2022, cette substitution est automatique, mais après autorisation de la Haute Autorité de santé (HAS), qui publie une liste des biosimilaires substituables.

La mise à jour de cette liste, qu’il conviendrait de faire afin de renforcer le taux de pénétration des biosimilaires, ne relève pas du champ des LFSS. Il revient à la HAS d’actualiser et d’élargir la liste, ce qui permettrait d’augmenter le nombre de prescriptions de biosimilaires qui est notre objectif commun. Nous allons réfléchir au meilleur moyen d’agir en ce sens.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Josiane Corneloup (DR). On se demande pourquoi la substitution des médicaments par les biosimilaires est très limitée alors que c’est une importante source d’économie. Il serait judicieux d’actualiser la liste.

M. Thibault Bazin (DR). La clause de sauvegarde est un mécanisme complexe qui a un certain coût. On pourrait simplifier le dispositif dès 2025 en supprimant le décalage d’un an entre le paiement des médicaments et le recouvrement des contributions, ce qui d’après mes calculs économiserait 500 millions d’euros en trésorerie.

M. le rapporteur général. Nous avons essayé de rédiger un amendement qui permettrait d’anticiper le versement des 10 milliards d’euros que l’industrie pharmaceutique provisionne pour financer la clause de sauvegarde. C’est une idée intéressante, qui permettrait de dégager 500 millions d’économies, mais pour laquelle nous n’avons pas encore de traduction juridique – nous n’avons eu que quelques jours pour examiner le PLFSS.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1580 de M. Yannick Neuder

M. le rapporteur général. En réaction à l’affaire de la vente de l’usine fabriquant le Doliprane, cet amendement vise à soumettre systématiquement le transfert de spécialités à des entreprises étrangères à la procédure relative aux investissements étrangers en France du code monétaire et financier, dans le cas où l’intérêt sanitaire commande de conserver la production en France. Il s’agit de s’opposer à des ventes qui menaceraient notre souveraineté sanitaire.

M. Thibault Bazin (DR). Je suis favorable à cet amendement. La cause de la souveraineté sanitaire doit tous nous rassembler. Les outils doivent évoluer.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS588 de M. Yannick Monnet et AS961 de Mme Élise Leboucher

M. Yannick Monnet (GDR). Le mode de calcul du montant M a été modifié : il est désormais déterminé en fonction des montants remboursés par l’assurance maladie et non plus au prorata du chiffre d’affaires de l’entreprise.

L’article 9 prévoit que « le montant de la contribution due par chaque entreprise redevable [...]...] ne peut excéder 12 % du montant total remboursé par l’assurance maladie au titre des médicaments que cette entreprise exploite, importe ou distribue ». Or le plafonnement de la contribution due par les entreprises du médicament ne permettra pas de corriger les défaillances du système actuel. C’est pourquoi nous proposons de le supprimer.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Un rapport de la Cour des comptes de 2017 soulignait que les objectifs des entreprises « se sont déplacés de la mise en avant d’un retour sur leurs dépenses investies en recherche et développement vers des demandes de prix établies en fonction de la capacité à payer des acheteurs publics ». Sans une plus forte régulation, on ne parviendra pas à encadrer les prix. Les entreprises cherchent absolument le profit en ne tenant compte que de notre capacité à payer.

Il faut supprimer le plafonnement qui pourrait avoir pour conséquence d’inciter les entreprises à maintenir des prix élevés, alors même que la recherche publique a contribué à l’élaboration des médicaments. Tel est l’objet de l’amendement AS961.

M. le rapporteur général. Avis défavorable, bien que nous souhaitions tous éviter l’envol des gains de l’industrie du médicament.

Selon le Ceps, aucune industrie ne verse une contribution supérieure à 10 % des montants remboursés par l’assurance maladie : la suppression du plafonnement à 12 % n’entraînerait pas une baisse du prix des médicaments. Par ailleurs, le plafonnement de la clause de sauvegarde permet de garantir la constitutionnalité du dispositif dans la mesure où, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce mécanisme ne doit pas dépasser les capacités contributives des entreprises redevables. Or je doute que vous souhaitiez rendre ce mécanisme inconstitutionnel.

M. Thibault Bazin (DR). Nous devons à la fois maîtriser les dépenses de médicaments et assurer l’attractivité de la France en matière de production de médicaments. Nous devons respecter la trajectoire de maîtrise des dépenses, fruit d’une concertation, qui prend en compte les spécificités des produits innovants, car les industriels ont besoin de visibilité. C’est ainsi que nous resterons attractifs. En la modifiant, nous serions incohérents : nous souhaitons rétablir notre souveraineté sanitaire.

M. Nicolas Turquois (Dem). J’ai l’impression que tous les ans, nous débattons des mêmes questions – médicaments innovants et génériques, délocalisation de la production, pénurie de médicaments. J’aurais pu déposer certains amendements examinés car je les ai également reçus.

Monsieur le président, ne pourrions-nous pas lancer une mission pour réfléchir au mécanisme complexe de la clause de sauvegarde, qui soulève à la fois des enjeux budgétaires pour la sécurité sociale et des enjeux de production ?

Mme Stéphanie Rist (EPR). Je suis d’accord pour qu’on continue à travailler sur les médicaments. Néanmoins, un gros travail avec les acteurs, qui a duré plus d’un an, a été accompli sur la clause de sauvegarde ; elle a été modifiée dans la LFSS 2024.

M. Yannick Monnet (GDR). Ne perdons pas de vue que, depuis 2022, nous ne décidons de rien s’agissant du PLFSS, du fait de l’utilisation du 49.3. Si cette année nous allons jusqu’au vote du texte, je suis convaincu que l’année prochaine, les débats seront totalement différents car on aura réussi à faire bouger des choses.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous pourrions en effet envisager une mission relative à la clause de sauvegarde, dont les modifications successives peuvent avoir des effets négatifs sur les acteurs et la pérennité de l’investissement. Elle s’ajouterait à la longue liste de travaux envisagés dont nous devrons reparler une fois l’examen du PLFSS achevé.

M. Jean-Carles Grelier (Dem). Avant la dissolution, la Mecss avait confié à Mme Mélin et moi-même une mission d’évaluation de la politique française du médicament. Cette mission essentielle, qui permettrait de bien comprendre la filière du médicament en vue de garantir son équilibre, pourrait être recréée.

M. Nicolas Turquois (Dem). La clause s’impose à tous les acteurs, bien qu’ils se comportent de manière différente.

M. le rapporteur général. Monsieur Bazin, la détermination du prix du médicament est un vrai sujet. Nous sommes soumis à des injonctions paradoxales. Le prix des médicaments ainsi que le mode de calcul de la clause de sauvegarde sont définis dans le respect du cadre budgétaire fixé par le PLFSS. Or la contrainte qui pèse toujours sur les mêmes acteurs, la biologie et le médicament, ne rend pas pour autant les prix compétitifs. La clause de sauvegarde, qui conditionne l’équilibre économique du secteur, ne permet pas de développer les filières ou de relocaliser. Le coup de rabot sur le prix des médicaments ne permet pas de garantir la rentabilité du secteur, si l’on prend en compte la production du principe actif, son conditionnement, sa commercialisation et la vente à l’officine.

Monsieur Turquois, nous disposons d’études très nourries sur le sujet, entre le rapport très complet de la commission d’enquête du Sénat de 2023 sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique de Mmes Cohen et de La Provôté, et la mission d’Élisabeth Borne sur la régulation des produits de santé.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS1581 de M. Yannick Neuder et AS361 de Mme Sylvie Bonnet

M. le rapporteur général. Je propose de reconduire le plafonnement de la clause de sauvegarde due au titre des médicaments génériques à 2 % du montant des dépenses remboursées. En l’absence de cette mesure dans le PLFSS, le secteur du générique serait soumis à une contribution plus importante qui le déstabiliserait. En effet, ce secteur ne réalise pas les mêmes gains de productivité que celui des médicaments non génériques. Nous sortons d’une période difficile : au mois de mai, Biogaran, qui représente 30 à 40 % de la production de génériques français, a failli être vendu.

Cette mesure vise à garantir que les génériques continuent à être produits en France. Du reste, si tel n’était plus le cas, on arrêterait de prescrire des génériques, ce qui augmenterait les dépenses d’assurance maladie.

Mme Josiane Corneloup (DR). Je défends l’amendement AS361. L’arrêt de la commercialisation des génériques est un risque majeur puisque le secteur n’est plus du tout rentable. En l’absence d’un plafonnement, sa rentabilité s’établirait à – 2,4 %, ce qui entraînerait des ruptures de stock et une aggravation de la pénurie de médicaments.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je n’ai pas pu soutenir un amendement qui allait plus loin : il visait à exclure les génériques et les biosimilaires du mécanisme de la clause de sauvegarde – je le redéposerai en vue de la séance. Cessons d’être hypocrites : on ne peut soutenir que les génériques et les biosimilaires sont un des vecteurs d’économies pour la branche maladie tout en les pénalisant par la clause de sauvegarde, même plafonnée à 2 %.

Lors de son audition, Marguerite Cazeneuve, la directrice de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), a donné l’exemple de deux biosimilaires, deux nouveaux traitements de la dégénérescence maculaire liée à l’âge, qui permettront à l’assurance d’économiser 760 millions d’euros.

Nous voterons la reconduction du plafonnement à 2 %. Cela étant, si nous voulons envoyer un message de soutien au secteur du biosimilaire, allons plus loin et interrogeons‑nous sur leur sortie du mécanisme de la clause de sauvegarde.

Mme Joëlle Mélin (RN). Je tiens à vous rassurer, monsieur Guedj : nous avons défendu un amendement qui faisait exactement cette proposition.

Il est fatigant que, pour des raisons idéologiques, le médicament soit la variable d’ajustement permanente pour réaliser d’éventuelles économies. Si on préoccupe des effets secondaires que peut provoquer un médicament, tel n’est pas le cas s’agissant des fausses bonnes idées politiques.

La rentabilité des génériques atteint à peine deux points grâce à la clause de sauvegarde. Un problème d’approvisionnement ou une pandémie pourrait mettre fin au système. Dans ce contexte, on peut se demander s’il est intéressant de continuer à produire des génériques.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Il est nécessaire de prescrire des biosimilaires et des génériques ou de donner aux pharmaciens la possibilité de les substituer aux médicaments non génériques prescrits. L’exclusion des génériques et des biosimilaires de la clause de sauvegarde n’entraînera pas d’économies, dans la mesure où les médecins continueront à prescrire des médicaments n’appartenant pas à ces catégories.

M. le rapporteur général. Monsieur Guedj, attention à ne pas confondre les biosimilaires avec les génériques. S’agissant des biosimilaires, il faut surtout encourager la prescription et la substitution automatique : c’est ce qui permettra de réaliser des économies.

Madame Corneloup, vous avez raison, au-delà d’un certain plafond, les entreprises de génériques produisent à perte. Soyons vigilants : ces industriels pourraient être tentés d’arrêter cette activité et nous perdrions toute souveraineté en la matière.

Monsieur Guedj, si nous excluons les génériques de la clause de sauvegarde, il reviendra à d’autres entreprises, notamment celles qui produisent des médicaments innovants, de compenser cette perte de recettes. C’est pourquoi je propose une mesure intermédiaire qui permet de garantir l’équilibre du modèle économique du générique. Si nous allons au-delà du plafonnement de 2 %, la rentabilité des entreprises, qui ne sont déjà pas largement bénéficiaires, deviendra négative ; elles seront contraintes de céder leur activité.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS962 de Mme Zahia Hamdane

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Nous nous opposons fermement à la suppression de la majoration forfaitaire applicable aux entreprises pharmaceutiques qui ne respectent pas leurs obligations déclaratives. Les laboratoires doivent déclarer leur chiffre d’affaires avant le 1er avril de l’année suivante. Le Ceps compare ensuite ces déclarations à ses propres données et informe les entreprises des différences constatées.

Le PLFSS décale la date de communication de quinze jours. Par conséquent, si les entreprises transmettent leurs données en retard, la notification par l’Urssaf est décalée d’autant.

Par ailleurs, l’article prévoit de supprimer la majoration forfaitaire de la contribution due par les laboratoires en cas de retard, comprise entre 2 000 à 100 000 euros en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise. Est-ce une façon pour le Gouvernement de récompenser les laboratoires qui ne respectent pas leurs obligations ? En supprimant cette pénalité, on envoie un signal inquiétant : les laboratoires pharmaceutiques les moins transparents, ceux qui compliquent le travail de l’Urssaf et du Ceps, seraient désormais exonérés de toute sanction financière. Cette mesure s’apparente à un nouveau cadeau fait aux grandes entreprises pharmaceutiques qui bénéficieraient d’une indulgence injustifiée malgré leurs manquements déclaratifs. Cette politique affaiblit les contrôles sur des acteurs aussi puissants que les laboratoires pharmaceutiques, au détriment de la transparence et de la maîtrise des dépenses de médicaments.

M. le rapporteur général. Votre amendement est sans objet car la LFSS 2024 a réformé le mode de calcul de la clause de sauvegarde, qui ne se fonde plus sur le chiffre d’affaires des entreprises mais sur les montants remboursés par l’assurance maladie. Il revient désormais à la Cnam de procéder à ces contrôles. Il ne s’agit pas de faire des cadeaux aux laboratoires.

Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement AS1486 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). L’amendement vise à fixer le montant Z, c’est-à-dire la clause de sauvegarde relative aux dépenses des produits et prestations pris en charge en sus des tarifs d’hospitalisation, pour deux ans consécutifs, en vue de renforcer l’attractivité et de pérenniser le modèle économique des industriels.

M. le rapporteur général. Vous n’avez pas pu défendre votre amendement visant à fixer le montant M pour deux années consécutives, auquel j’aurais donné un avis favorable – je vous invite à le redéposer en vue de la séance.

En revanche, je donne un avis défavorable au présent amendement, même s’il procède de la même logique. En effet, les entreprises du secteur des dispositifs médicaux, qui voient d’importantes transformations sous l’effet des progrès technologiques, n’ont jamais versé de contribution au titre de la clause de sauvegarde. La fixation d’un montant, qui va dans le sens de la pluriannualité, est intéressante mais prématurée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS960 de M. Damien Maudet

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement AS957 de Mme Zahia Hamdane.

Amendement AS185 de M. Philippe Juvin

Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS559 de M. Philippe Vigier

M. Jean-Carles Grelier (Dem). On ne fera jamais pleurer dans les chaumières en parlant de la situation des laboratoires pharmaceutiques. Cela étant, lors de chaque exercice budgétaire depuis quatorze ans, on impose à la filière du médicament entre 1 et 2,5 milliards d’euros d’économies, effort qui est devenu un élément structurant du PLFSS et qui n’a jamais été demandé, dans cette proportion, à aucune autre filière industrielle. Les conséquences sont claires : freinage de l’innovation thérapeutique, difficultés d’approvisionnement, perte de souveraineté.

La clause de sauvegarde, dont le montant n’est jamais prévisible pour les industriels, est devenue très pénalisante. Pour le seul exercice 2025, si le PLFSS était voté en l’état, la filière du médicament devrait contribuer à hauteur de plus de 3 milliards d’euros aux économies, si l’on additionne les 1,6 milliard d’euros de contribution au titre de la clause de sauvegarde, les réductions de prix et les remises. Un jour ou l’autre la santé publique paiera le prix fort de ces mesures.

M. le rapporteur général. Avis défavorable, pour la raison inverse de celle que j’opposais tout à l’heure à M. Maudet, c’est-à-dire que l’absence de plafond rendait sa proposition inconstitutionnelle.

J’entends que les entreprises ont besoin de prévisibilité et de justice fiscale. C’est pour cette raison que j’aurais émis un avis favorable à l’amendement de Mme Colin-Oesterlé visant à fixer le montant M pour deux années consécutives. Mais plafonner la contribution M empêcherait de dégager de potentielles recettes au cas où le secteur serait florissant. Je ne suis pas sûr que vous soyez favorable au bouclier fiscal que votre amendement aurait pour effet d’instaurer.

Mme Josiane Corneloup (DR). Les coups de rabot successifs sur la filière du médicament, qui représentent des milliards d’euros, mettent en difficulté toute la filière, notamment en créant des ruptures. Plus personne n’a de marge : les grossistes-répartiteurs ont créé des filiales ou des sociétés sœurs qui jouent le rôle de dépositaires, en dehors du service médical rendu. Les pharmacies sont en grande difficulté car ces ruptures leur font perdre beaucoup de temps. Une pharmacie ferme chaque jour ; au total, plus de 2 000 pharmacies ont fermé, alors que c’est le seul lieu où l’on peut obtenir un conseil médical à toute heure de la journée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1211de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). L’Union européenne a procédé à des préréservations, notamment pour des vaccins contre la covid-19, à des prix qui n’ont pas été décidés à un niveau national. Afin de sécuriser juridiquement le recouvrement de la clause de sauvegarde, l’amendement vise à exclure les volumes de médicaments indiqués contre la covid-19 acquis en France au titre de ces accords de préréservation européens de l’assiette de calcul de la contribution.

M. le rapporteur général. L’inclusion de ces dépenses dans le calcul de la clause de sauvegarde a été prévu progressivement par plusieurs LFSS. Si celle pour 2023 a explicitement prévu que ces achats entrent dans le calcul de la clause de sauvegarde, celle pour 2024 a exclu spécifiquement les spécialités importées dans le cadre de la lutte contre la covid, en précisant que cette dérogation ne valait que pour l’année 2024. Seuls ces vaccins ont donc été exclus, et je ne suis pas favorable à une remise en cause du principe initial et à la poursuite de l’exonération pour les exercices 2025 et 2026. Il faudrait néanmoins que nous reparlions de cette mesure, dont je ne mesure pas tout l’impact.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Alors que nous voulons maîtriser les dépenses, les États membres, qui n’ont pas la main sur les prix, ont fait les préréservations à un prix unique à l’échelle européenne, ce qui peut avoir des conséquences. Je retire l’amendement, mais je voudrais que cette situation soit expertisée – les rapports qui ont préparé le PLFSS ont fait apparaître, par exemple, que le prix du Paxlovid avait énormément augmenté.

M. le rapporteur général. L’exclusion des vaccins de la clause de sauvegarde était une mesure exceptionnelle en 2024. Il ne me semble pas qu’il y ait intérêt à la maintenir pour les exercices 2025 et 2026, d’où mon avis défavorable. Compte tenu, toutefois, du retrait de l’amendement, nous allons nous efforcer de vous fournir davantage de chiffres. Je vous invite donc à déposer cet amendement pour la séance : nous verrons, en fonction de ces chiffres, s’il y a lieu d’apporter des modifications, même si je pense que ce ne sera pas le cas.

L’amendement est retiré.

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6.   Réunion du mercredi 23 octobre 2024 à 21 heures 30 (après l’article 9)

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.15616933_67194c8c2b971.commission-des-affaires-sociales--suite-de-l-examen-du-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite--23-octobre-2024

La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 325) (M. Yannick Neuder, rapporteur général ; M. Guillaume Florquin, M. Louis Boyard, Mme Sandrine Rousseau et M. Jean-Carles Grelier, rapporteurs)

Amendements AS1303 de Mme Annie Vidal, AS1416 de M. Jean-François Rousset, AS131 et AS133 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

Mme Annie Vidal (EPR). Les bières aromatisées sucrées ou édulcorées produites par les industriels de la bière ont majoritairement pour cible les 18-25 ans, mais peuvent également attirer les personnes mineures. Ces boissons associent un goût agréable qui peut faire oublier qu’il s’agit d’alcool et un packaging conçu pour attirer l’œil des jeunes consommateurs. Ces bières, qui ne sont pas très chères, font des ravages et elles jouent un rôle important dans l’alcoolisation des jeunes, qui en consomment beaucoup.

Mon amendement, de prévention, vise donc à les taxer et à flécher les recettes correspondantes vers la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam).

M. Jean-François Rousset (EPR). De nombreuses études montrent que la santé mentale de nos jeunes se dégrade, 30 % d’entre eux consommant des psychotropes et déclarant qu’ils ne se sentent pas bien dans leur peau. Ces bières nouvelles alcoolisées et aromatisées ont pour particularité de favoriser un passage rapide de l’alcool dans le sang. Dans le cadre de la prévention et du plan de santé mentale annoncé par le Premier ministre, une taxe comportementale permettrait à la fois de développer une pédagogie pour éviter l’achat et la consommation de ces bières, et d’inciter les fabricants à limiter leur production. Cette démarche pourrait aussi alimenter les caisses de la sécurité sociale.

M. Jérôme Guedj (SOC). Les amendements consacrés au tabac, à l’alcool, aux sodas et au sucre posent la question d’une fiscalité comportementale. Notre préoccupation à tous est d’abord la santé publique, car chacune des pathologies associées à la consommation de ces produits a un impact massif sur la santé de nos concitoyens et, conséquemment, sur les finances de la sécurité sociale, dont nous avons la responsabilité.

Cette commission peut faire œuvre utile en sortant de la logique à courte vue, légitime à certains égards, de la défense d’un secteur – de fait, nous avons tous reçu de nombreuses sollicitations en ce sens. L’année dernière, notre collègue Cyrille Isaac-Sibille avait, dans le cadre du Printemps social de l’évaluation, passé en revue l’ensemble des questions liées à la fiscalité comportementale. Notre commission avait alors jugé important d’avancer dans ce domaine et nombre des amendements ici présentés sont la conséquence du rapport présenté par notre collègue au titre de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss). Soyons audacieux aussi pour les recettes de la sécurité sociale, même si ce n’est pas la principale porte d’entrée.

M. le président Frédéric Valletoux. Vous avez souligné à juste titre que la plupart des amendements déposés sont sous-tendus par des motivations de santé publique et que nous devons faire le lien entre la consommation de certains produits et le développement de certaines pathologies.

M. Yannick Neuder, rapporteur général. Le fléau de l’alcool, notamment chez les jeunes, est une importante source de préoccupation, avec une mortalité de l’ordre de 50 000 morts par an. L’article 1613 bis du code général des impôts prévoit déjà une taxation des boissons dites « premix », mélangeant des boissons alcoolisées et non alcoolisées.

En l’état de la discussion, je ne peux émettre d’avis favorable à ces amendements.

M. Thibault Bazin (DR). Ces boissons sont bel et bien déjà taxées et, du reste, la branche maladie de la Mutualité sociale agricole, perçoit plus de 400 millions d’euros à ce titre, à quoi s’ajoutent encore 100 millions par an pour la taxe sur les boissons édulcorées, ce qui n’est pas rien. L’augmentation de cette taxe aura-t-elle l’effet préventif escompté sur le public visé, sans induire un report vers d’autres consommations, peut-être plus dangereuses ou plus néfastes ? Certaines taxes ont favorisé la consommation de boissons non alcoolisées, mais très sucrées. Nous devons donc être attentifs aux effets de bord dans les comportements.

Quant à l’évolution de la taxe, elle n’a pas le même impact sur les très grandes entreprises et sur les TPE artisanales, notamment les brasseries artisanales, qui font d’ailleurs parfois une prévention très efficace de la consommation d’alcool associée à la conduite auprès des personnes participant à des dégustations. Il faut examiner plus finement la question. En l’état, je suis défavorable à ces amendements.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous devons, bien sûr, avoir une discussion sur l’aspect fiscal de la lutte contre des substances dont on estime que la consommation, à diverses doses, est un danger individuel et collectif. Le rapport à l’alcool se joue certes sur les prix, mais aussi – voire surtout – dans les têtes, en fonction de l’image sociale du produit. Voilà peu encore, une présentatrice a pu déclarer à une heure de grande écoute sur une chaîne de télévision du service public que les gens qui ne buvaient pas étaient « chiants ». Si on veut infléchir la consommation d’alcool, il faut mener une action sur les normes, en combattant les idées reçues, en diffusant des connaissances scientifiquement validées sur les effets de l’alcool, afin que les gens sachent ce qu’ils consomment. Il faut aussi une politique de sensibilisation de la population. C’est ce qui permet d’agir, dans les têtes, sur le désir de consommation.

Il en découle une action sur le marché, qui ne peut pas être seulement une action prix. Elle implique de jouer également sur les restrictions d’accès à l’alcool, sur la disponibilité dans différents espaces d’achat, et d’agir aussi en matière de publicité, avec des restrictions et des pénalités. Il faut, en fait, des restrictions globales sur le plan du marketing, face à la contradiction qui fait que de grands secteurs économiques vivent de l’incitation à la consommation d’alcool. Nous ne devons donc pas agir seulement du côté du consommateur, mais aussi de ceux qui produisent le message.

M. Pierre Marle (HOR). Je me contenterai d’un témoignage : dans ma circonscription est implantée une usine Coca-Cola qui produira prochainement du whisky‑coca en boîte, qui atteindra tous types de consommateurs. Cela pose question.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Les méthodes employées pour camoufler l’alcool et pour attirer les consommateurs avec un packaging trompeur, comme c’est le cas par exemple avec les premix, pose problème. La taxation proposée permet de décourager les industriels, tout en préservant les brasseries artisanales. C’est une vraie question de santé publique.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Voilà quelques mois à peine, nous avons eu ce même débat à propos des produits dérivés du tabac, sucrés et fruités comme des bonbons afin d’attirer et de rendre dépendants des publics plus jeunes – car on sait que les produits du tabac sont addictifs. Un consensus s’était également dégagé pour dire qu’il fallait au minimum taxer ces produits et, au mieux, les interdire.

M. Yannick Monnet (GDR). Les conduites addictives sont souvent le symptôme d’un malaise bien plus profond. Il serait bon que, dans le cadre des prochains articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), nous puissions nous préoccuper de la santé des jeunes depuis le covid. N’oublions pas les questions liées à la prise en charge psychologique.

M. le président Frédéric Valletoux. On ne peut pas toujours considérer que tout est dans tout. Il est intéressant de s’intéresser au cancer et aux causes du cancer.

M. Yannick Monnet (GDR). C’est exactement la même chose pour l’alcool : il faut s’intéresser aux produits dont nous parlons.

M. Thierry Frappé (RN). À la demande de la Mecss, M. Isaac-Sibille et moi-même avions réalisé voilà un an et demi une étude sur les taxes sur les alcools et les sodas, qui a montré que ces taxes étaient peu efficaces en termes de santé publique, mais qu’elles l’étaient en termes de fiscalité et qu’il fallait utiliser à bon escient les sommes ainsi récupérées.

Par ailleurs, si l’incidence de la taxe soda est très faible, les échelles de taxation de l’alcool sont beaucoup trop complexes pour être efficaces. De fait, alors qu’en Angleterre on distingue trois niveaux de taxe selon le degré d’alcool, on en distingue seize en France. La taxation est donc à revoir.

M. Elie Califer (SOC). La question a manifestement un aspect à la fois médical – car le comportement des jeunes peut souvent les conduire à l’hôpital –, fiscal et comportemental. Il faut envisager la prévention et l’information, voire l’interdiction pure et simple de certaines boissons qui, sur de nombreux territoires, tuent ou laissent infirmes de nombreux jeunes qui conduisent après en avoir consommé. Nous devons nous en préoccuper, car n’importe quel enfant de CM2 peut acheter ces boissons.

M. le rapporteur général. Il était important de nous dire que nous voulons faire porter l’effort sur des produits délétères en termes de santé publique : l’alcool et le tabac, auxquels on pourrait ajouter la consommation de sucre. Des travaux parlementaires ont déjà été réalisés par le Sénat et l’Assemblée nationale. L’alcool, auquel sont liés 41 000 décès précoces, a un coût net de 3,3 milliards d’euros pour les finances publiques et un coût social de l’ordre de 102 milliards, chiffres à comparer avec les 73 189 décès prématurés liés au tabac, lequel a un coût net de 1,7 milliard pour les finances publiques, mais un coût social de 156 milliards.

On ne peut pas mener toutes les batailles en même temps et je favoriserai plutôt les amendements portant sur le tabac et la consommation de sucre.

Parmi divers travaux évoquant cette question, le rapport Bozio-Wasmer présente les pentes qu’il faudrait suivre en termes de fiscalisation pour atteindre un niveau de prix dissuasif en termes de consommation d’alcool. 10 % des 18-75 ans consomment environ 58 % de l’alcool et des solutions alternatives pourraient être appliquées, avec un prix minimum de vente par unité d’alcool pur. Cette solution, préconisée par des rapports de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2010, ainsi que par la Cour des comptes, permettrait de fixer un prix minimum de 0,50 euro pour 10 grammes d’alcool pur. Elle a été appliquée par certains pays, comme l’Écosse, l’Australie, le pays de Galles et l’Irlande. Cependant, ce dispositif majorerait considérablement le coût de l’alcool. Au demeurant, cette mesure de droit commercial ne relève pas directement, comme telle, du champ du PLFSS.

Il me semble donc préférable de nous concentrer sur le tabac et le sucre, car aucune augmentation potentielle des taxes sur l’alcool ne permettrait d’obtenir la même efficacité en termes de santé publique.

Avis défavorable sur ces amendements.

M. Nicolas Turquois (Dem). L’alcool est un problème majeur de santé publique, qui entraîne de nombreuses autres conséquences négatives. Il pose certes un problème particulier, car nous tenons à nos viticulteurs, confrontés à des années difficiles du fait de la baisse de consommation de vin, mais je suis favorable à l’esprit de ces amendements qui, même si l’effet prix n’est pas dissuasif à ce stade, représentent une première étape intéressante.

La commission adopte l’amendement AS1303.

En conséquence, les amendements AS1416 et AS131 tombent.

La commission adopte l’amendement AS133.

Amendements AS1196 de M. Nicolas Ray, AS124 de M. Jérôme Guedj, amendements identiques AS543 de M. Cyrille Isaac-Sibille et AS1582 de M. Frédéric Valletoux et amendement AS1234 de Mme Sabrina Sebaihi (discussion commune)

M. Nicolas Ray (DR). Mon amendement vise à instaurer une taxe sur les sucres ajoutés dans les produits alimentaires transformés. On sait en effet que le surpoids et l’obésité augmentent fortement dans notre pays, générant des risques de maladies cardiovasculaires, de diabète et de cancer, avec un coût pour l’assurance maladie estimé à près de 9 milliards d’euros. La surconsommation d’aliments industriels surtransformés contribue à ces maladies.

La taxe proposée, qui est en quelque sorte le pendant de la taxe sur les boissons sucrées instaurée voilà quelques années, porterait ici sur les plats transformés industriels. Cette mesure avait été proposée par M. Isaac-Sibille dans une proposition de loi et, surtout, avait été votée dans le cadre du PLFSS 2024 au Sénat, à l’initiative des groupes Les Républicains et Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, mais n’a pas été retenue dans le texte adopté à la suite du recours à l’article 49, alinéa 3 de la Constitution. Ce nouveau PLFSS nous donne l’occasion de proposer cette nouvelle recette qui favoriserait la santé et créerait une nouvelle ressource pour le financement de notre modèle social.

M. Jérôme Guedj (SOC). Les sucres ajoutés dans les produits alimentaires transformés sont un scandale majeur de santé publique. Nous devons prendre à bras‑le‑corps la dépendance organisée aux sucres ajoutés, qui tient tant à des raisons économiques qu’au marketing. Un travail parlementaire a été réalisé sur ce point, en particulier par la députée Michèle Crouzet en 2018 et par notre collègue Cyrille Isaac-Sibille, ainsi que par tous ceux qui, luttant contre le diabète ou les maladies nutritionnelles, estiment qu’il faut en finir avec ce fléau.

Il faudra peut-être tenir compte de problèmes spécifiques – j’ai ainsi été alerté par les boulangers et les pâtissiers, qui pourraient être concernés par l’application de la mesure proposée par cet amendement, alors que ce n’est pas son intention – mais nous pourrions néanmoins envoyer un signal fort au Gouvernement en votant ces amendements.

M. Jean-Carles Grelier (Dem). L’amendement AS543, qui vise à créer une taxe sur les sucres ajoutés dans les produits alimentaires transformés destinés à la consommation humaine, est le fruit des travaux parlementaires et des colloques organisés par notre collègue Isaac-Sibille depuis des années. Cette contribution supplémentaire, qui relève de la fiscalité comportementale, est aujourd’hui absolument indispensable.

M. le président Frédéric Valletoux. Mon amendement reprend exactement celui de M. Isaac-Sibille, tant pour saluer son travail et sa mobilisation sur ce sujet que pour insister sur la volonté dont nous devons témoigner de lutter contre les méfaits, en termes de santé publique, d’une consommation excessive de sucre, et de faire de ce sujet un combat de notre commission.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). L’amendement AS1234 vise à instaurer une taxe sur les sucres ajoutés dans les produits alimentaires. L’obésité touche 17 % de la population hexagonale et jusqu’à 31 % de la population antillaise. La prévalence du diabète est également supérieure dans les territoires d’outre-mer à ce qu’elle est dans l’Hexagone. Il n’y a plus aucun doute quant au lien entre la consommation de sucre et les pathologies graves, notamment chroniques. Les industriels planquent du sucre ajouté dans tout et n’importe quoi – aussi bien dans les friandises que dans les sandwiches préparés, les salades et même les carottes râpées –, bien souvent au nom de la rentabilité financière et au mépris total de la santé des consommateurs. La revue 60 millions de consommateurs dénonce ainsi les marges tirées par les industriels de l’hypertransformation des produits et qui les poussent à une transformation toujours plus complexe de chaque aliment primaire.

L’amendement vise à taxer les industriels en proportion de la quantité de sucres ajoutés présente dans leurs recettes. À l’image du modèle anglais, il a pour objectif de les inciter fortement à modifier leurs recettes et, ainsi, à réduire le taux de sucre présent dans leurs produits.

M. le rapporteur général. La plupart de vos amendements sont assez proches dans leur rédaction, mais il faut en choisir un : ce sera celui qui se rapproche le plus des trois préconisations suivantes du rapport de la Mecss du Sénat de mai 2024 – j’ajoute que cette question a également donné lieu, la semaine dernière, à une publication de l’Institut Montaigne.

La proposition n° 13 est de fixer des normes nutritionnelles obligatoires par voie réglementaire, afin de pouvoir imposer des plafonds pour les teneurs en sucre, sel et matières grasses dans certaines catégories d’aliments. La proposition n° 15 est d’interdire la publicité pour les aliments de faible qualité nutritionnelle ciblant les enfants et adolescents. Quant à la proposition n° 16, elle est de promouvoir un nutri-score obligatoire à l’échelle européenne. Rappelons que la moitié des publicités alimentaires vues par les enfants concernent des produits classés D ou E selon le nutri-score.

Je privilégierai donc les amendements identiques de M. Cyrille Isaac-Sibille et de M. Frédéric Valletoux. Avis défavorable sur les trois autres, s’ils ne sont pas retirés.

M. Nicolas Ray (DR). Il faut toutefois vérifier que les produits visés ne fassent pas l’objet d’une double taxation, comme le précise le IV de mon amendement.

M. le rapporteur général. C’est bien le cas avec le IV des amendements identiques. En outre, ceux-ci ne distinguent que trois catégories de produits, au lieu de quinze, ce qui permet de les différencier plus nettement.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous reconnaissons tous que le sucre est un produit dangereux, qui provoque diabète et maladies cardiovasculaire, qu’il s’agit d’un produit addictif justifiant, comme tel, des politiques publiques, et que c’est également un produit de classe, dont la consommation est inversement proportionnelle aux revenus et aux diplômes.

Cela posé, que faire ? Faut-il, comme c’est malheureusement souvent le cas, passer par des mécanismes de marché ? Nous ne sommes pas forcément hostiles à la taxation envisagée mais ne pourrions-nous pas, monsieur le rapporteur, d’ici à l’examen du texte en séance publique, considérer que, si un produit est dangereux, il ne faut peut-être pas l’autoriser ? Face à une taxation, l’industriel peut réduire ses marges en compensant cette perte par un effet de volume et le consommateur peut être prêt à payer plus cher un produit dangereux. Si nous considérons, en revanche, qu’il s’agit d’un problème de santé publique, pourquoi nous limiter à une mécanique de marché et autoriser les gens qui payent plus à s’empoisonner ? Nous pourrions discuter pour avancer collectivement vers l’idée qu’un produit dangereux n’a pas à se trouver sur les rayonnages.

M. Fabien Di Filippo (DR). Le témoignage précédent est tout à fait éclairant. C’est un cercle sans fin dans lequel on déresponsabilise complètement l’individu. Les causes de l’obésité sont à rechercher du côté de la sédentarité et du fait que les gens cuisinent de moins en moins et s’orientent vers des plats transformés. Il y a là une question d’éducation liée à nos modes de vie modernes. Nous en venons à dire qu’il faut interdire – mais quoi donc ? Les petits pains au chocolat et les Kinder Bueno ? Nous n’en sommes pas encore là.

Toutefois, la taxation ne réglera pas le problème, car elle sera entièrement et immédiatement répercutée sur le prix, avec pour seule conséquence de diminuer le pouvoir d’achat de nos concitoyens sans régler le problème de l’obésité dans la société d’aujourd’hui. Posez-vous donc vraiment la question de la sédentarité, de nos modes de vie et de nos manières de nous alimenter.

Mme Joëlle Mélin (RN). Le nutri-score n’est peut-être pas un indicateur intéressant. Un autre indicateur a été élaboré par l’Institut technique de l’agriculture biologique, émanation de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) : le planet-score, qui prend en compte non seulement la composition globale d’un produit, mais aussi chacun des produits qui le composent, ce qui permettrait de mieux faire apparaître la présence de sucre. Ce score fait également apparaître les aspects environnementaux – en particulier, s’il y a de la matière animale, l’alimentation de l’animal, le risque de pesticides et l’impact environnemental. Je ne sais pas pourquoi ce score, qui suscitait beaucoup d’intérêt voilà trois ans de la part du ministère, n’a pas vu le jour, mais il me semblerait important d’en reparler pour ne pas imposer le nutri-score, qui ne suffit pas. On sait que le sucre est sucré et que le beurre est gras !

M. Elie Califer (SOC). Les produits à destination des outre-mer subissent un surajout de sucre à des fins de conservation, avec des conséquences en matière de santé publique. Le diabète signifie souvent l’amputation. La « loi Lurel » vise bien à contrôler les niveaux de sucre dans les produits vendus outre-mer, mais elle n’est pas appliquée, faute de contrôles. Il ne s’agit donc pas seulement de taxation et de santé publique.

M. Philippe Vigier (Dem). Ces combats, que nous menons de façon transpartisane, prennent du temps – regardez l’exemple de la taxe soda.

L’augmentation des taxes sur ces produits peut conduire à une augmentation de leur prix, mais également à l’apparition de circuits d’approvisionnement alternatifs, on le voit avec l’exemple des cigarettes. Pour autant, nous ne pouvons pas transiger sur la question de la surcharge pondérale. Il y a des moments où il faut savoir dire non et l’amendement de M. Isaac-Sibille va dans le bon sens.

M. Hendrik Davi (EcoS). En 1997, la prévalence de l’obésité atteignait 8 % de la population ; elle est de 17 % aujourd’hui. Plus grave encore, chez les moins de 25 ans, ces chiffres sont respectivement de 2 % et 9 %. Les enfants, à la différence des adultes, ne sont pas en condition de faire des choix avertis d’autant que les industriels utilisent un packaging très agressif. Avant de parler de déresponsabilisation des citoyens, parlons de celle des industriels.

Les politiques publiques ne doivent pas passer uniquement par une augmentation des prix et par la taxation, la prévention est également importante, mais nous voterons ces amendements.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Beaucoup de Françaises et de Français ont un budget réduit et le premier poste qu’ils cherchent à réduire est celui de l’alimentation. Ils achètent donc ce qu’il y a de moins cher. J’ai pu constater qu’un paquet de six cheeseburgers surgelés coûte 4,25 euros alors que les faire à la maison coûte huit fois plus cher ! Ce sont les produits les plus transformés, les plus sucrés et les plus gras qui coûtent le moins cher.

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement de M. Isaac-Sibille ne taxe qu’à partir de 5 kilogrammes de sucres ajoutés, alors que le mien taxe dès le premier kilogramme. Surtout, il parle en hectolitres pour des produits solides comme les biscuits ou les confiseries.

M. Christophe Bentz (RN). Nous voterons pour ces amendements, mais il nous semble souhaitable d’adosser à ces taxes une politique de prévention et d’éducation.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Je suis d’accord avec M. Guedj, l’amendement de M. Isaac-Sibille contient une erreur d’unité de mesure.

La taxation est une solution qui fonctionne, on le voit avec l’exemple de la GrandeBretagne.

Mme Josiane Corneloup (DR). Le planet-score est un outil intéressant, car il permet aux consommateurs de mieux choisir en fonction de l’impact des produits en termes d’émissions de carbone et d’utilisation de ressources naturelles. Je rappelle que l’alimentation représente 22 % de l’empreinte carbone de la consommation totale en France.

M. le rapporteur général. N’oublions pas que notre démarche est budgétaire : nous devons voter des taxes, à la fois pour trouver des recettes et pour modifier les habitudes de consommation afin d’assurer une meilleure qualité de vie. Ce que nous votons trouvera place dans le code de la sécurité sociale et pas dans le code du commerce, ce qui exclut des mesures telles que celles que nous avons évoquées sur l’alcool.

Madame Amiot, je suis d’accord, bien manger coûte cher. Cela pose donc un problème de pouvoir d’achat, mais pas seulement. Il y a aussi un problème d’éducation et d’information. Le nutri-score ou certaines applications peuvent contribuer à modifier les comportements grâce à une meilleure information des consommateurs.

Concernant les amendements, je pense qu’un système reposant sur trois strates est le plus efficace ; l’exemple anglais en témoigne. Par ailleurs, l’amendement de M. Isaac-Sibille contient effectivement une erreur : la quantité de sucres ajoutés déclenchant la taxation doit être exprimée en kilogramme par quintal et non par hectolitre. Je propose donc de le sousamender en ce sens.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). L’amendement de Mme Sebaihi répond à toutes ces exigences.

M. le rapporteur général. Parmi les amendements prévoyant trois strates, l’affectation de la taxe diffère : celui de Mme Sebaihi l’affecte au Fonds de solidarité vieillesse alors que ceux de M. Isaac-Sibille et de M. Valletoux l’affectent à la Cnam, ce qui me semble plus logique.

Je vous propose donc de sous-amender, par un sous-amendement AS1616, les amendements identiques AS543 et AS1582 afin de corriger l’erreur d’unité de mesure.

Les amendements AS1196 et AS124 sont retirés.

La commission adopte successivement le sous-amendement et les amendements identiques sous-amendés.

En conséquence, l’amendement AS1234 tombe.

Amendements identiques AS1586 de M. Yannick Neuder et AS125 de M. Jérôme Guedj, amendements AS1233 de Mme Sabrina Sebaihi, AS1086 de M. Frédéric Maillot et AS544 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune)

M. le rapporteur général. Mon amendement suit la même logique que ceux qui viennent d’être adoptés, mais pour les boissons non alcoolisées.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Depuis la dernière législature, nous travaillons avec plusieurs députés de différents groupes politiques sur la prise en charge et la prévention de l’obésité dans notre pays et ma collègue Sabrina Sebaihi tient d’ailleurs à saluer la participation de M. Isaac-Sibille.

La logique du principe pollueur-payeur doit être appliquée aux industriels qui ajoutent du sucre aux boissons qu’ils produisent. L’amendement AS1233 propose donc une taxe, inspirée des recommandations de l’OMS et de l’exemple du Royaume-Uni et du Mexique.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). L’amendement AS1086 vise, par une demande de rapport chiffrant et analysant les évolutions de consommation de sodas et de leur modification en teneur en sucre, à attirer l’attention sur une pratique des industriels qui, pour le même produit vendu dans l’Hexagone, ajoutent davantage de sucre lorsque celui-ci est vendu en outre-mer. Cette pratique a des effets dévastateurs et le taux de diabète atteint des records en outre-mer, notamment à La Réunion.

La « loi Lurel », votée pour contrôler ces pratiques, n’est pas appliquée faute de moyens. Qu’on en arrive à devoir trouver d’autres mécanismes juridiques parce que les industriels ne respectent pas la loi m’apparaît fort dommage, d’autant que les Ultramarins en paient le prix fort.

M. Philippe Vigier (Dem). L’amendement AS544 s’inscrit dans la continuité des travaux transpartisans réalisés notamment avec M. Thierry Frappé dans le cadre du Printemps social de l’évaluation.

M. le rapporteur général. Les amendements identiques AS1586 et AS125 proposent, par rapport à l’amendement AS1233, un tableau simplifié et une modification des tranches.

Par souci d’efficacité pour limiter la consommation de certaines boissons, il me semble préférable d’adopter un amendement proposant une taxe plutôt qu’un amendement, comme l’amendement AS1086, qui demande un rapport.

Avis favorable aux amendements identiques et demande de retrait pour les autres amendements ou, à défaut, avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur général, vous opposez, d’un côté, la liberté de l’industrie et la liberté de choix des consommateurs et consommatrices et, de l’autre, la régulation.

Nous sommes d’accord sur l’objectif – réduire la teneur en sucre, sel ou acides gras de certains aliments et boissons –, mais nous ne le sommes pas sur les moyens d’y parvenir. Je note que la liberté de l’industrie n’est pas totale : certaines substances – colorants allergènes, substances cancérogènes – sont déjà interdites. Pourquoi ne pas interdire le sucre à partir d’un certain taux ? Si vous voulez par principe recourir aux mécanismes du marché, cette interdiction pourrait se concrétiser par une taxe à 100 %.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, les amendements AS1233, AS1086 et AS544 tombent.

Amendements identiques AS1587 de M. Yannick Neuder et AS134 de M. Mickaël Bouloux et amendement AS440 de M. Nicolas Thierry (discussion commune)

M. le rapporteur général. Mon amendement vise à rehausser les taux, tarifs et minima de perception, y compris en Corse, des cigares et cigarillos, cigarettes, tabacs à rouler, tabacs à chauffer, autres tabacs à fumer ou à inhaler, tabacs à priser et tabacs à mâcher. Plusieurs rapports et études montrent l’efficacité de l’outil fiscal pour dissuader la population, et particulièrement les plus jeunes, de consommer du tabac.

Il prévoit une trajectoire plus forte en 2025, 2026 et 2027 que celle actuellement prévue par le code des impositions sur les biens et les services pour arriver à un prix de 16 euros pour un paquet de cigarettes au lieu de 13.

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement AS134 a été travaillé en concertation avec l’Alliance contre le tabac. Il reprend les recommandations de l’OMS.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). L’amendement AS440 est défendu.

M. le rapporteur général. Avis favorable aux amendements identiques. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable à l’amendement AS440.

M. Philippe Vigier (Dem). L’augmentation continuelle du prix du tabac ces dernières années s’est accompagnée d’une augmentation des volumes du tabac de contrebande partout sur le territoire et plus simplement dans les zones frontalières. Cette augmentation ne diminuera pas la consommation et elle est un mauvais coup porté aux buralistes. Je vous invite donc, monsieur le rapporteur général, à la plus grande prudence, faute de quoi je m’opposerai à vous.

Tant que la traçabilité des paquets ne sera pas assurée, il est nécessaire de mettre les pays de l’Union dans une situation de concurrence loyale.

M. Thomas Ménagé (RN). Il faut combattre la consommation de tabac – je sais, à titre personnel, combien c’est de la merde –, mais l’enfer est pavé de bonnes intentions. Ces amendements n’atteindront pas leur objectif, car on observe une stabilisation de la prévalence tabagique depuis cinq ans alors que, dans le même temps, le prix du paquet de tabac a augmenté de 3 euros. La contrefaçon se développe partout. Nos buralistes souffrent en outre de concurrence déloyale puisque, depuis mars 2024, le volume autorisé d’importation de tabac depuis d’autres pays de l’Union européenne a été multiplié par quatre. Nous voterons contre ces amendements.

M. Michel Lauzzana (EPR). L’efficacité de l’augmentation des prix sur la consommation de tabac a été prouvée. Le phénomène dont parle M. Philippe Vigier est réel, mais reste marginal. Quant aux chiffres qui ont été évoqués, ce sont ceux de l’industrie du tabac.

Certes, les circuits parallèles existent : dans ma circonscription, certains vont acheter leur tabac en Espagne. Toutefois, une augmentation massive des prix contribue bien à diminuer la consommation de tabac. Celle-ci remontant ensuite progressivement, nous demandons que l’augmentation des prix soit désormais proportionnelle à l’inflation, afin de maintenir son efficacité.

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous avons chaque année le même débat, avec les mêmes arguments : les frontaliers et la contrebande rendraient inefficace cette politique de santé publique. En réalité, leur impact est marginal par rapport à l’effet prix, qui prédomine dans les comportements collectifs de consommation, comme le démontrent la plupart des études. Nous devons faire confiance à la science plutôt qu’à l’industrie du tabac.

M. Thibault Bazin (DR). En Lorraine, lorsque les frontières ont été fermées pendant l’épidémie de covid, l’activité des buralistes a soudainement augmenté de 40 %, pour diminuer d’autant après le déconfinement. Par ailleurs, on observe, notamment de la part des jeunes, un transfert vers d’autres produits parfois plus dangereux. L’innovation des produits assimilés au tabac, bien qu’ils s’en distinguent par leur apparence, pose de véritables défis. Nous devons aussi innover et nous adapter, comme nous l’avons fait par le passé.

Le développement de la contrebande et les achats transfrontaliers concourent à l’élasticité prix. Aussi longtemps qu’il n’existera pas de fiscalité sur ces produits à l’échelle européenne, les difficultés persisteront dans les zones transfrontalières. Par ailleurs, le caractère marginal des achats transfrontaliers doit être mis en regard avec le nombre de régions transfrontalières en France : elles sont plus nombreuses que celles qui ne le sont pas ! Je voterai contre ces amendements.

M. Arnaud Simion (SOC). L’efficacité de l’augmentation des prix sur la consommation de tabac a été prouvée à plusieurs reprises : dans le cadre du plan cancer 2003‑2007, puis entre 2017 et 2020, lorsque la fixation du prix du paquet à 10 euros a permis d’abaisser la prévalence chez les jeunes de 29,4 % en 2016 à 24 % en 2019 ; chez les lycéens, celle-ci est même passée de 17,5 % en 2018 à 6,2 % en 2022. Néanmoins, nous devons nous intéresser sérieusement à la consommation d’autres produits, comme le protoxyde d’azote, qui est une véritable calamité chez les jeunes.

M. le président Frédéric Valletoux. Je vous proposerai sans doute de continuer à travailler sur la question de la consommation de tabac. Je suis partisan de l’application du protocole de l’OMS, qui fait consensus autant chez les buralistes que parmi les professionnels de santé et l’ensemble des acteurs luttant contre la consommation de tabac. Signé par la France en 2012, il vise à imposer aux producteurs de limiter le volume de leurs livraisons à la consommation de chaque pays. Au Luxembourg, en Andorre, en Allemagne ou en Belgique, les volumes livrés correspondent à cinq ou six fois la consommation domestique. La régulation des livraisons permettrait de revivifier le réseau des buralistes, tout en assurant une traçabilité contribuant à lutter contre le trafic illégal et la consommation transfrontalière.

Les signaux que nous enverrons ce soir sont d’autant plus importants que la directive européenne sur les produits du tabac sera débattue dans quelques semaines au Parlement européen. Elle avait fait l’objet d’un lobbying particulièrement intense il y a quelques années, qui témoigne des nombreux intérêts qui y sont attachés.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS441 de M. Nicolas Thierry, AS1394 de M. Jean-François Rousset et amendements identiques AS241 de M. Jérôme Guedj et AS1235 de Mme Sabrina Sebaihi (discussion commune)

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Alors que l’obésité est de plus en plus répandue chez les enfants, le lien avec la commercialisation de produits alimentaires et de boissons trop riches en sucre, sel ou matières grasses a déjà été établi par l’OMS. Après de nombreuses années à se contenter d’attendre la bonne volonté des industriels, force est de constater l’échec des mesures non contraignantes.

En matière de marketing, les annonceurs ont accru leur pression sur les produits alimentaires riches en sucre, sel ou matières grasses, ainsi que sur les sodas. Ce faisant, ils participent aux changements de comportement alimentaire des plus jeunes et au développement de l’épidémie de surpoids et d’obésité, qui affectera profondément l’avenir du système de protection sociale.

En l’absence de cadre réellement contraignant, l’amendement AS441, issu de propositions de la Ligue nationale contre le cancer, vise à soumettre la publicité pour ces produits au versement d’une contribution qui sera affectée à la branche maladie de la sécurité sociale.

M. Jean-François Rousset (EPR). La publicité, quel que soit son support, pousse les jeunes à adopter des comportements addictifs : ils consomment de plus en plus d’aliments surdosés en sucre, ce qui a pour conséquence d’augmenter le nombre de cas de diabète, de maladies cardiovasculaires et d’obésité. Cet amendement a pour objet de taxer les fabricants de produits alimentaires néfastes pour la santé qui utilisent la publicité pour favoriser leurs ventes. Le produit de cette taxe serait affecté à la branche maladie de la sécurité sociale.

Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement AS241 vise à rendre obligatoire la mention du nutri-score sur tous les supports publicitaires pour les denrées alimentaires, sauf si les industriels versent une contribution qui pourrait être affectée à la sécurité sociale.

Le nutri-score est un étiquetage nutritionnel graphique, recommandé par le ministère de la santé, qui a été conçu, entre autres, par Santé publique France. Utilisé dans d’autres pays européens, il permet de mieux informer et de sensibiliser les consommateurs dans leurs choix, d’inciter les industriels à améliorer la qualité nutritionnelle de leurs produits et de promouvoir une alimentation saine.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). L’amendement identique AS1235 vise à rendre obligatoire l’apposition du nutri-score sur l’ensemble des supports publicitaires pour des denrées alimentaires. Cet indicateur, qui est un élément essentiel d’aide à la prise de décision pour les consommateurs, est encore trop peu utilisé : 95 % des produits ainsi étiquetés proviennent de TPE et de PME.

Plusieurs grands industriels, comme Coca-Cola ou Ferrero, en refusent toujours l’application, dissimulant sciemment la qualité nutritionnelle de leurs produits, souvent trop riches en sucre, en matières grasses ou en sel, et trompant ainsi leurs consommateurs quant à l’impact de leurs produits sur la santé. Cela illustre leur manque de responsabilité face à l’urgence de santé publique que constituent l’obésité et les maladies en découlant. Cette opacité affecte directement la santé de millions de consommateurs au quotidien.

M. le rapporteur général. Avis défavorable puisque nous venons d’adopter les amendements AS543 et AS1582 instaurant une taxe sur les sucres ajoutés dans les produits alimentaires transformés destinés à la consommation humaine.

On pourrait taxer les produits alimentaires à différentes étapes – la commercialisation, la publicité –, mais l’idée n’est pas de tuer l’industrie agroalimentaire. Il s’agit d’avoir un effet dissuasif pour le consommateur et de l’inciter à privilégier les aliments qualitatifs.

M. Arthur Delaporte (SOC). Mes chers collègues, je vous invite à voter comme Frédéric Valletoux ou comme Olivier Véran, qui avait déposé en 2019 des amendements visant à généraliser le nutri-score.

Le Sénat a malheureusement supprimé, en commission, une disposition de la proposition de loi dont je suis coauteur, visant à imposer aux influenceurs l’utilisation du nutri-score – disposition pourtant votée par l’Assemblée nationale. Non seulement le nutri‑score a un rôle informatif, mais il a aussi des effets sur les comportements de consommation. Or la promotion des produits sucrés à destination des plus jeunes se fait beaucoup par le biais des influenceurs. Adopter l’amendement AS241 permettrait de confirmer la volonté exprimée à plusieurs reprises par l’Assemblée.

M. Thibault Bazin (DR). L’objectif ici consiste à réduire le nombre de personnes obèses. La taxe est-il le moyen le plus efficace d’influer sur la publicité ? Je ne le crois pas. Une approche beaucoup plus globale, reposant notamment sur l’éducation à l’alimentation, est nécessaire.

Les personnes que nous ciblons ne sont pas nécessairement celles qui sont touchées par les mesures que nous prenons. Certaines sont influencées par leur entourage familial plutôt que par les messages publicitaires ou les contenus diffusés par les influenceurs. La précarité et les comportements addictifs tendent à se renforcer ; taxer ne peut être l’alpha et l’oméga des politiques publiques. Je crains que nous ne perdions de vue les véritables objectifs du PLFSS.

M. Jean-François Rousset (EPR). Le nutri-score est certes un outil incontournable, mais dans mon département de l’Aveyron, qui est très fier de ses appellations d’origine protégée et contrôlée, il est considéré comme néfaste pour certains produits, qui sont trop salés ; les agriculteurs y sont farouchement opposés. En réalité, le nutri-score devrait être proportionnel à la quantité mangée : ainsi, la portion moyenne de roquefort ne pèse que 18 grammes.

M. Hendrik Davi (EcoS). Une politique de santé publique est un tout : nous avons parlé du signal prix, qui a fait l’objet d’un consensus, mais il faut prendre en considération les autres moyens permettant de la mener à bien. Tout d’abord, l’information des consommateurs : en la matière, si le nutri-score n’est pas la panacée, il devrait néanmoins être obligatoire. En tant que consommateur, je ne comprends pas qu’il ne le soit pas et je n’achète pas les produits qui en sont dépourvus. L’autre moyen consiste à limiter la publicité pour les produits dangereux. Il ne s’agit pas de voter une loi Evin sur les produits sucrés, mais d’en taxer la publicité.

M. Jérôme Guedj (SOC). Il est passionnant de pouvoir tenir un débat sur le nutri‑score dans cette commission, en présence d’un ancien ministre de la santé. Monsieur Valletoux, qu’est-il arrivé à l’arrêté portant sur le nouvel algorithme du nutri-score, qui était prêt dès le 1er janvier ? Je sais que vous êtes un défenseur du nutri-score, mais celui-ci a aussi des adversaires, notamment au Gouvernement, qui s’appuient sur de mauvais arguments – personne ne veut nuire aux AOP ! La vraie question est la suivante : pourquoi Danone a‑t‑il retiré le nutri-score de certains de ses produits classés D ou E ?

Alors que la France a été pionnière en ce domaine, grâce à Serge Hercberg, qui a présidé le programme national nutrition santé, elle connaît désormais un recul de l’usage de cet outil. Compte tenu du blocage actuel des réflexions au niveau européen, il serait judicieux d’envoyer des signes montrant notre attachement au nutri-score et notre volonté d’en renforcer l’usage. C’est ce que permet mon amendement, qui vise à taxer les producteurs qui ne l’affichent pas pour les inciter à le faire.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Taxer la publicité, c’est insuffisant : nous devons avoir une vision d’ensemble. Sur des paquets de biscuits diététiques, le nutri-score est déjà médiocre alors qu’ils ne contiennent pas de sucres ajoutés : imaginez la quantité de sucre des produits qui ne l’affichent pas ! Compte tenu de l’épidémie d’obésité, dont nous constatons les conséquences dans d’autres pays, il est à la fois simple et essentiel d’adopter les amendements renforçant l’impact du nutri-score.

Mme Joëlle Mélin (RN). Le nutri-score présente des défauts. Tout d’abord, il influence le comportement des consommateurs : il peut amener à acheter ou à ne pas acheter certains produits, comme M. Davi l’a très bien expliqué ; il agit également sur la culpabilité.

Ensuite, il ne prend pas en considération des éléments importants, contrairement au planet-score évoqué par Mme Corneloup, qui comporte des indicateurs environnementaux – en particulier la toxicité des produits d’origine animale. Les consommateurs doivent être beaucoup mieux informés sur les produits qu’ils mangent. Dans un contexte général d’appréhension vis-à-vis de la nourriture, le nutri-score en particulier est trop simpliste et restreint la liberté des gens.

M. le président Frédéric Valletoux. À titre personnel, je souscris aux propos de M. Guedj quant au signal fort que représenterait l’adoption de ces amendements, d’autant que la France a été pionnière dans la promotion du nutri-score.

La séance est suspendue de vingt-trois heures quinze à vingt-trois heures vingt.

M. le rapporteur général. En complément des amendements adoptés un peu plus tôt, nous pourrions adopter un second volet de taxes additionnelles. L’amendement AS441 propose 10 % de taxation, mais s’appuie sur les données de Santé publique France, qui manquent de fiabilité. L’amendement AS1394 vise à instaurer une taxe de 5 %, mais ne s’appuie ni sur les chiffres de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), ni sur ceux de Santé publique France. Quant aux amendements identiques AS241 et AS1235, ils reposent sur des données publiées par l’Anses, qui est la référence en ce domaine. Je suis donc favorable à ces derniers, dont la taxation me semble en outre plus raisonnable, et défavorable aux autres.

Successivement, la commission rejette les amendements AS441 et AS1394 et adopte les amendements identiques.

Amendement AS126 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement, élaboré avec l’association Addictions France, vise à taxer les publicités pour les boissons alcoolisées, compte tenu de la mortalité liée à la consommation d’alcool. Cette taxe abondera le fonds de lutte contre les addictions et permettra de faire de la prévention une priorité de la politique de santé publique.

M. le rapporteur général. Je me suis déjà exprimé à ce sujet lors de notre discussion sur le tabac, l’alcool et les produits sucrés. Avis défavorable.

Mme Annie Vidal (EPR). J’ai déposé un amendement identique à celui de M. Guedj. J’aimerais comprendre pourquoi il a été considéré comme irrecevable.

M. le président Frédéric Valletoux. Sa rédaction ne prévoyait pas l’affectation de l’imposition créée.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS175 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Les répartiteurs pharmaceutiques remplissent des missions de service public : ils ont l’obligation de détenir et de livrer la quasi-totalité des spécialités de médicaments commercialisés ; ils ne sont pas libres de fixer les prix et leurs marges sont réglementées.

La combinaison de ces obligations avec les règles fiscales en vigueur a pour conséquence l’application d’une fiscalité trop lourde et, parfois, la distribution à perte de certains médicaments. Les répartiteurs pourraient renoncer à distribuer ces derniers, entraînant l’allongement des délais d’approvisionnement pour les pharmacies et les officines.

Cet amendement vise à corriger la taxation à laquelle ils sont soumis s’agissant de la distribution des spécialités pharmaceutiques au coût élevé : les médicaments dont le prix dépasse 2 500 euros seraient exonérés du paiement de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S).

M. le rapporteur général. Je comprends votre intention, puisque la C3S, comme la plupart des impôts de production, est néfaste à la compétitivité de ce secteur. Je suis favorable à la diminution de la contribution sur les ventes en gros (CVEG), parce que l’inspection générale des finances relève qu’une taxation du chiffre d’affaires est source de distorsion du fait de la grande variabilité des ventes réalisées selon les différents secteurs et l’organisation productive des filières. Par ailleurs, le chiffre d’affaires ne constitue pas un reflet fidèle de la capacité contributive d’une entreprise puisqu’il est indépendant des bénéfices. Enfin, la C3S n’a pas d’équivalent chez nos voisins européens.

Toutefois, parce qu’il pose un problème juridique, je vous demande de retirer cet amendement. Vous souhaitez, pour les répartiteurs, que l’assiette de la C3S ne comprenne que « la partie du prix de vente hors taxes des spécialités pharmaceutiques aux officines, inférieure à un montant de 2 500 euros augmenté de la marge maximum que ces entreprises sont autorisées à percevoir sur cette somme ». Ce n’est pas clair : le montant de 2 500 euros s’apprécie-t-il pour chaque médicament, chaque officine ou chaque transaction ? Ce point doit être précisé avant de déposer à nouveau votre amendement pour l’examen en séance publique.

M. Thibault Bazin (DR). Ce que je souhaite, c’est que nos répartiteurs pharmaceutiques continuent à livrer les médicaments partout en France, à toutes les officines, et qu’ils ne soient pas incités à abandonner les produits coûteux en raison d’une combinaison de règles problématique. Je comprends que vous êtes prêt à bouger sur la CVEG mais pas sur la C3S. Cela suffira-t-il à résoudre le problème que je soulève ? Le sort des amendements qui suivent le dira. Je retire cet amendement mal rédigé.

M. le rapporteur général. Je vous suggère de retravailler l’amendement en l’orientant vers une diminution de la CVEG et en précisant si vous visez le médicament, l’officine ou la transaction.

L’amendement est retiré.

Amendements AS905 de M. Benjamin Lucas-Lundy, amendements AS174 et AS173 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

M. Sébastien Peytavie (EcoS). L’amendement AS905 vise à augmenter les taux marginaux de la contribution due par les entreprises de vente en gros de spécialités pharmaceutiques et par les entreprises assurant l’exploitation d’une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques. Cette mesure permet de financer notre système de sécurité sociale en augmentant les taux de la CVEG s’appliquant tout particulièrement aux entreprises qui rétrocèdent des marges importantes aux pharmacies sur certaines spécialités pharmaceutiques.

Le prix des médicaments est bien souvent un frein majeur à l’accès aux soins et un facteur de dépenses pour l’assurance maladie. L’amendement que nous vous proposons doit permettre soit d’augmenter les recettes par le biais de la taxe définie à l’article L. 318-2 du code de la sécurité sociale, soit de diminuer les dépenses en remboursement par des prix raisonnables.

M. Thibault Bazin (DR). L’objet des amendements AS174 et AS173 est contraire à celui de l’amendement présenté par M. Peytavie.

La situation économique des répartiteurs pharmaceutiques est connue. Beaucoup ont des déficits majeurs. Ils remplissent, pour la plupart, des missions de service public, pour lesquelles ils ne fixent pas leurs marges, quel que soit le prix des médicaments. Ce n’est pas dans les hypercentres des métropoles que leur activité est en péril, mais dans les territoires reculés. Alourdir leur fiscalité alors même qu’ils sont en déficit pose problème.

S’il s’agit de viser les rétrocessions de marges, il n’est pas cohérent de viser les deux premières parts de la CVEG, qui ne les concernent pas. Les rétrocessions sont pratiquées entre pharmaciens et répartiteurs pharmaceutiques, sans incidence sur le prix ni sur la disponibilité des médicaments. En outre, elles font l’objet de contrôles et sont taxées.

Je propose de procéder à la baisse de la CVEG que vous avez esquissée, monsieur le rapporteur général. Idéalement, il faudrait la supprimer pour améliorer la lisibilité de l’ensemble, tant elle représente une usine à gaz pour l’administration de la santé. Toutefois, j’ai conscience des difficultés budgétaires que nous connaissons. Au socle commun, nous sommes très soucieux d’agir de façon responsable.

C’est pourquoi je propose de ramener le taux de la CVEG à 1,5 % dans l’amendement AS174, ou mieux à 1 %, dans l’amendement AS173. Cela aiderait les répartiteurs pharmaceutiques à rétablir une forme d’équilibre financier. Dans le contexte de pénuries de médicaments que nous connaissons, les répartiteurs pharmaceutiques sont des acteurs neutres permettant d’assurer la distribution équitable des faibles quantités disponibles de certaines références, notamment aux plus vulnérables dont je sais que vous êtes soucieux.

M. le rapporteur général. J’émets un avis très défavorable à l’amendement AS905, qui consiste à augmenter une taxe pesant sur des structures dont Thibault Bazin a bien montré qu’elles sont souvent en déficit. En tant que rapporteur général, je tiens à adopter une position d’équilibre, ce qui m’amène à émettre un avis favorable à l’amendement AS174, qui complète bien l’amendement AS175 dont j’ai suggéré la réécriture pour en préciser la cible, et un avis défavorable à l’amendement AS173.

L’amendement AS173 étant retiré.

La commission rejette l’amendement AS905 puis adopte l’amendement AS174.

Amendements identiques AS728 de Mme Justine Gruet et AS1574 M. Frédéric Valletoux

Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement AS728 est défendu.

M. le président Frédéric Valletoux. Mon amendement vise à faciliter le développement des médicaments biosimilaires qui, cinq ans après leur commercialisation, ont peu pénétré le marché, contrairement aux génériques. Les amendements visent à autoriser les pharmacies à substituer les médicaments biosimilaires et hybrides aux médicaments biologiques, afin qu’ils perçoivent une remise identique.

M. le rapporteur général. Je suis favorable à toute disposition visant à favoriser la prescription de médicaments biosimilaires.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques AS1300 de Mme Annie Vidal et AS1530 M. Hendrik Davi et amendement AS129 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

Mme Annie Vidal (EPR). Il s’agit d’une taxe comportementale. D’après l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), le produit des taxes sur l’alcool couvre 42 % du coût des soins induits par sa consommation, qu’il s’agisse de cancers ou d’autres pathologies.

Mon amendement vise à appliquer la cotisation sécurité sociale à tous les alcools et non seulement à ceux titrant à plus de 18 %. Cette nouvelle rédaction de cette cotisation spécifique aux boissons alcooliques est équitable. Elle permettra d’abonder la branche maladie de la sécurité sociale tout en favorisant des comportements d’amélioration de la santé, comme cela a été constaté dans les pays européens ayant adopté une telle taxation.

M. Hendrik Davi (EcoS). L’alcool est la deuxième cause de cancer évitable. Il est cancérigène au premier verre, contrairement à ce que l’on peut entendre dire. Il est la première cause d’hospitalisation en France.

Une étude récemment publiée a démontré que le doublement des taxes sur l’alcool ou l’introduction de l’unité d’alcool minimum réduit la consommation de 10 %. Bien entendu, l’effet prix doit être complété par d’autres mesures, telles qu’une politique de réduction des risques et une politique de décommercialisation. La fiscalité française sur les boissons alcooliques est basée sur le type d’alcool plutôt que sur le volume d’alcool. Or l’OMS recommande d’agir sur le prix de tous les alcools.

Mon amendement vise à harmoniser la fiscalité sur l’alcool à rebours de cette spécificité française. Seuls les alcools titrant à plus de 18 % d’alcool sont concernés par la cotisation sécurité sociale, qui sert à alimenter la branche maladie de la sécurité sociale. Nous proposons de l’étendre à tous les alcools. Le whisky n’est pas le seul alcool nocif ; le vin rouge et la bière le sont aussi. Rien ne justifie que seul le whisky contribue.

Cette mesure aura un impact sur le prix des alcools les moins chers vendus en vrac, qui sont les plus consommés par les jeunes et par les consommateurs excessifs. Cette nouvelle rédaction de cette cotisation spécifique aux boissons alcooliques est équitable. Elle permettra d’abonder la branche maladie de la sécurité sociale tout en favorisant des comportements d’amélioration de la santé, comme cela a été constaté dans les pays européens ayant adopté une telle taxation, tel le pays de Galles.

Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement AS129 tombe.

Amendements identiques AS1284 de M. Hadrien Clouet, AS1298 de Mme Annie Vidal et AS1529 de M. Hendrik Davi, amendement AS128 M. Jérôme Guedj

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Mon amendement s’inscrit sinon dans la fiscalité dite comportementale, du moins dans la réflexion générale sur le prix des substances jugées dangereuses du point de vue de la santé publique. En matière d’alcool, les taxes présentent la spécificité de ne pas suivre complètement l’inflation. Leur hausse est plafonnée à 1,75 %, même si l’inflation est de 3 % ou 4 %.

L’amendement vise à supprimer ce plafond afin de laisser les taxes pesant sur l’alcool progresser au rythme de l’inflation, selon une sorte d’échelle mobile non des salaires, mais de la santé publique.

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement AS128 repose sur la même argumentation. Que le relèvement annuel de la taxation des boissons alcooliques soit plafonné à 1,75 % en période de forte inflation est difficile à comprendre, à tout le moins contre-intuitif.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

Je suis globalement favorable à la hausse des taxes comportementales, mais nous ne pouvons pas taxer tout le monde en permanence. La différence entre le tabac et l’alcool sur ce point est fondée sur les chiffres : le tabac provoque 73 000 décès précoces, l’alcool 41 000 ; son coût social est de 156 milliards d’euros, contre 102 milliards pour l’alcool.

L’exemple des autres pays européens montre que, pour obtenir une dissuasion réellement efficace ayant des effets en matière de santé publique, il faut procéder à de fortes majorations des tarifs, qui de surcroît ne sont probablement pas compatibles avec le maintien de l’activité viticole. C’est pourquoi nous avons opté, en matière de fiscalité comportementale, pour l’alourdissement de la taxation du sucre, en y allant franchement sur la taxe soda comme cela n’avait jamais été le cas à l’Assemblée nationale. Quant à l’amendement visant à faire passer le prix du paquet de cigarettes de 12 à 16 euros, il n’a pas été adopté. J’émettrai un avis défavorable à tout amendement visant à alourdir la fiscalité de l’alcool.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je suis le premier à lutter contre la consommation d’alcool, mais je me demande si chacun ici a conscience de ce que nous faisons. La filière viticole est dans une situation impossible. Les conditions météorologiques empêchent toute récolte, ce qui est une source de stress pour les exploitants. Des gens sont dans un état de tension n’ayant rien à voir avec ce que j’appellerai du syndicalisme de bas étage, et qui provoque une véritable souffrance. De surcroît, la consommation de vin s’écroule, ce qui est un vrai sujet de préoccupation.

Je déplore le message que nous envoyons, même si nous y reviendrons en séance publique. En la matière, il faut être très prudent. Par ailleurs, boire un verre de vin – un seul – à table fait partie d’une certaine culture qui présente des intérêts et pas uniquement des inconvénients. Le message que nous avons envoyé est dramatique.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). L’alcool est un enjeu de santé publique qui ne se réduit pas au nombre de décès prématurés qu’il provoque. « Rien remplit plus l’hôpital et l’tribunal », chante Orelsan dans L’Odeur de l’essence. L’alcool est aussi un enjeu dans les violences intrafamiliales et dans les violences de rue. Il doit donc être pris en compte, du point de vue de la santé publique, non seulement à l’aune des décès prématuré qu’il provoque mais aussi en incluant toutes ses conséquences sur la société. L’argumentation de M. le rapporteur général me semble un peu légère et ne me convainc pas de ne pas voter ces excellents amendements.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous nous efforçons, à vingt-trois heures quarante‑huit, d’être concis. Nous pourrions développer pendant de longues heures les arguments en faveur du renforcement de la lutte contre les addictions. M. le rapporteur général a fait état des chiffres qu’il a sous les yeux ; il n’en résulte pas qu’il néglige les réalités que vous avez rappelées à raison. Ne mettez pas sur le dos d’un effort de synthèse la présentation forcément restreinte d’un problème global.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je ne suis pas convaincu non plus par l’argumentation de M. le rapporteur général. Elle ne s’applique pas, me semble-t-il, à ces amendements, qui sont un peu différents des précédents. Il ne s’agit pas de majorer une taxe, mais de ne pas la minorer. Il ne s’agit pas d’être plus dissuasif, il s’agit de ne pas l’être moins. La limitation de l’augmentation du taux de taxation de l’alcool à 1,75 % signifie que, en cas de forte inflation, la taxe diminue. Il ne s’agit pas de durcir la fiscalité de l’alcool mais d’en prévenir l’éventuel assouplissement.

M. Hendrik Davi (EcoS). Pour ma part, je suis même choqué par le raisonnement consistant à comparer des statistiques de décès : 40 000 décès prématurés provoqués par l’alcool, ce sont 40 000 décès de trop ! Vous faites entendre une petite musique selon laquelle on ne peut pas tout faire. Si, on peut tout faire : il faut mener une politique de prévention en matière de santé sur l’alcool, le tabac et les sucres.

Je suis également choqué par votre observation sur l’activité viticole. Je comprends bien le problème : soyons francs, nous avons moins d’amis chez Marlboro et chez Coca-Cola que parmi les viticulteurs ! On évite de taper les sympathiques viticulteurs mais on accepte de taper Marlboro et Coca-Cola. Très sincèrement...

M. Nicolas Turquois (Dem). Ce sont des gens ! Ce sont des personnes ! Je ne supporte pas les propos de ce genre. Il y a des familles qui sont au bord de la crise de nerfs ! Avez-vous déjà vu un agriculteur au bord du suicide ? Sortez de votre bureau ! Sortez de votre ville ! Je suis outré !

M. Hendrik Davi (EcoS). J’ai vécu pendant des années dans le Vaucluse ; je connais très bien les Bouches-du-Rhône ; j’ai travaillé à l’Inrae. Je connais les viticulteurs. Là n’est pas le problème. Il y a aussi des salariés chez Marlboro.

La question est de savoir comment faire une politique de santé publique et comment réduire la consommation de produits dangereux. Il est inévitable que les viticulteurs en subissent les conséquences. Il va de soi qu’il faut les accompagner. La consommation de vin diminue, c’est un fait. Il faut accompagner l’arrachage des vignes, qui est dans certains cas un crève-cœur, et passer à d’autres productions.

La baisse de la consommation de vin est culturelle ; il faut l’accompagner. On ne peut pas justifier l’insuffisance des politiques publiques de prévention par la nécessité de préserver la situation des viticulteurs. Cela ne peut pas fonctionner.

M. Arthur Delaporte (SOC). Ne pas taxer l’alcool parce qu’on accepte de taxer le tabac est un argument irrecevable. Si l’alcool provoque 46 000 décès par an et coûte 102 milliards d’euros par an, comme l’affirme l’OFDT, il doit faire l’objet d’une politique de santé publique. La financer en taxant les consommateurs est classique. Limiter la hausse du taux de taxation à 1,75 % lorsque l’inflation oscille entre 3 % et 4 % est absurde. Il y a là quelque chose de délirant, de contre-intuitif.

Par ailleurs, notre collègue Davi a eu raison de faire allusion à l’influence du lobby de l’alcool à l’Assemblée nationale et dans de nombreuses circonscriptions. J’ai eu l’occasion d’observer, lors de l’examen de la proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, sa capacité à formuler des propositions aux députés et à les faire adopter.

M. Thibault Bazin (DR). Supprimer le plafonnement de l’évolution du prix de l’alcool, dans le contexte d’inflation qui prévaut actuellement, aura pour effet de l’augmenter. Quel en sera l’effet sur la consommation ? Il ne faut pas se raconter d’histoires : la sensibilité à la hausse du prix de l’alcool des consommateurs souffrant d’addiction est nulle. Ce n’est pas une hausse de son prix de quelques centimes d’euros qui les aidera à corriger le tir.

En revanche, le modèle économique des producteurs a été profondément affecté au cours des derniers mois. Nous ne pouvons pas le modifier. Certains ont des problèmes de stocks ; tous s’inscrivent dans un marché ouvert et sont exposés à la concurrence, notamment de produits de moins bonne qualité ou moins taxés.

Voter ces amendements me semble profondément malvenu. Nous n’atteindrons pas l’objectif visé et nous ferons subir des externalités négatives à ceux qui méritent tout notre soutien, d’autant qu’ils agissent en matière de prévention de l’alcoolisme et de promotion des produits de qualité. Or l’alcool produit en France est souvent de meilleure qualité que les produits dangereux pour la santé vendus en masse dans la grande distribution.

M. Nicolas Turquois (Dem). Le travail contre la consommation d’alcool, il faut le mener. Cela n’a rien à voir avec l’existence de lobbies – s’il en existe un, c’est à mes yeux celui du tabac.

Ce que je tiens à rappeler, c’est que l’année 2024 a été catastrophique du point de vue climatique. En raison de pluies continuelles, les gars n’ont même pas pu entrer dans leurs parcelles pour y récolter le raisin. De surcroît, la consommation diminue et les stocks gonflent.

Dans ces conditions, adopter, à vingt-trois heures trente, un amendement alourdissant la fiscalité de l’alcool, hors de tout projet construit, a un effet délétère, pour ne pas dire catastrophique. Il va de soi qu’il faut mener des politiques de santé publique de lutte contre la consommation d’alcool. Adopter à vingt-trois heures un amendement sorti de nulle part, dans le contexte d’une année climatique catastrophique, n’y contribue en rien.

M. le rapporteur général. Au terme d’une longue journée de débats sur la prévention en santé, j’aimerais qu’on ne travestisse pas mes propos.

Monsieur Davi, ayez l’honnêteté de reconnaître que je n’ai jamais refusé de taxer davantage l’alcool au motif que nous taxons plus lourdement le sucre ou le tabac. J’ai dit que le levier fiscal n’est pas le seul moyen de lutter contre les conduites addictives.

Monsieur Boyard, vous avez fait allusion, en citant un chanteur connu, aux problèmes d’accidentologie et d’engorgement des services d’urgence. Je les connais. Soyons clairs, ces problèmes n’ont rien à voir avec les produits de la filière viticole. Ils sont provoqués par d’autres alcools.

J’ai simplement dit qu’obtenir un effet dissuasif en matière de santé publique suppose d’augmenter fortement le prix de l’alcool, ce qui est possible non dans le cadre du code de la sécurité sociale, mais du code de commerce. Dans notre quête de recettes, nous avons examiné celles issues de la consommation de tabac, d’alcool et de sucre. Sous l’angle de la santé publique, nous avons cherché à inscrire dans le présent PLFSS des recettes supplémentaires, dont l’objet n’est pas de taxer des produits par leur aspect commercial.

Les pays européens où les mesures incitatives en matière d’alcool fonctionnent sont ceux qui en ont fortement augmenté le prix, non dans le périmètre de leur sécurité sociale mais dans le cadre de leur code de commerce. J’invite ceux qui souhaitent ouvrir ce débat à l’inscrire dans le bon véhicule législatif.

Par ailleurs, je comprends l’agacement de M. Turquois. On n’a jamais vu quiconque se présenter aux urgences pour un excès de consommation de côtes-du-rhône ou de bordeaux. Chacun sait qu’il s’agit d’autres alcools. Aucune alcoolisation n’est souhaitable, mais il faut veiller à ne pas s’en prendre à un art de vivre dont l’aspect culinaire et viticole n’a rien à voir avec les forts volumes de consommation constatés lors des soirées, dans la vraie vie.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous abordons, depuis lundi à dix-sept heures et spécialement depuis le début de cette réunion, des sujets difficiles et complexes. Nous sommes parvenus à le faire dans des débats qui ne sont ni caricaturaux ni approximatifs. Nous nous efforçons d’avoir, dans la nuance des propos de chacun, un débat constructif.

Nous essayons de construire des voies de passage aussi consensuelles que possible sur des sujets ayant profondément divisé cette commission par le passé. Jamais la commission des affaires sociales n’a pris des décisions aussi avancées que celles que nous avons prises ce soir, notamment au regard du lobbying et sur d’autres sujets délicats et clivants. J’ai l’impression que nous avons fait œuvre utile, en avançant plutôt collectivement. Gardons-nous de surréagir à de rares propos qui peuvent gratter l’oreille !

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’alcool reste de l’alcool, qu’il soit consommé occasionnellement ou en raison d’une addiction. On peut finir aux urgences en ayant bu trop de côtes‑du‑rhône. Il ne faut pas laisser croire que certaines boissons alcoolisées sont moins dangereuses que d’autres !

M. le président Frédéric Valletoux. Vous avez raison, de même que le rapporteur général. Ne nous égarons pas dans des débats qui nous empêcheraient de progresser dans l’examen du texte.

La commission rejette successivement les amendements.

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7.   Réunion du jeudi 24 octobre 2024 à 9 heures 30 (après l’article 9 [suite] à article 14)

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.15619666_6719f5648f348.commission-des-affaires-sociales--suite-de-l-examen-du-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite--24-octobre-2024

La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 325) (M. Yannick Neuder, rapporteur général ; M. Guillaume Florquin, M. Louis Boyard, Mme Sandrine Rousseau et M. Jean-Carles Grelier, rapporteurs).

Amendement AS123 de M. Dominique Potier

M. Arnaud Simion (SOC). L’amendement vise à créer une taxation des publicités en faveur des produits alimentaires manufacturés et des boissons avec ajouts de sucres, de sel ou d’édulcorants de synthèse. Nous dépensons presque 12 milliards d’euros pour les maladies – obésité, diabète – liées à notre très mauvaise alimentation : l’Organisation mondiale de la santé parle même d’épidémie pour l’obésité. Les industries agroalimentaires consacrent quant à elles près de 6 milliards d’euros à la publicité et à la communication, soit plus de 1 000 fois le budget de communication du programme national nutrition santé – 5 millions d’euros en 2014 –, orientant ainsi les publics vers des produits trop gras, trop sucrés ou trop salés. Créer une taxe de 1 %, ferait passer ce budget à 50 millions d’euros.

M. Yannick Neuder, rapporteur général. Nous avons déjà évoqué ce sujet hier. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1418 de M. Jean-François Rousset

M. Jean-François Rousset (EPR). En instaurant une taxe visant les opérateurs concernés, il a pour but de sensibiliser aux conséquences sur la santé mentale d’une pratique excessive liée aux jeux d’argent et de hasard, notamment les risques d’addiction pour les jeunes,. Cet amendement a été travaillé avec l’association Addictions France.

M. le rapporteur général. Ce sujet avait fait l’objet d’un autre amendement – déposé par le groupe Écologiste et Social –, mieux structuré, qui aurait pu recevoir un avis favorable. Le vôtre sera difficile à appliquer : je vous invite à le retirer et à le revoir pour la séance.

M. Thibault Bazin (DR). L’addiction aux jeux en ligne est un fléau, notamment pour les jeunes générations, susceptibles de perdre la notion du temps et de se marginaliser socialement, voire de développer d’autres addictions. Cependant, les courses hippiques sont également visées par cet amendement : pourrait-il être rédigé de façon à ne pas affecter la filière équine – éleveurs, agriculteurs, hippodromes présents dans soixante-huit départements, fonds Éperon en partenariat avec les collectivités locales ? J’ai la chance d’avoir été maire d’une commune comportant un haras et j’ai pu en constater les multiples effets bénéfiques, y compris sur le sport et la formation. Lors des jeux Olympiques, nous avons tous été émerveillés par l’apport de la filière équine. Soyons prudents.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je note que vous faites une différence de traitement selon les amendements, monsieur le rapporteur général. L’amendement AS123 portait sur un sujet aussi essentiel et j’aurais préféré que vous arguiez pour le rejeter de l’adoption hier d’un amendement ayant le même objectif et rendant obligatoire le nutri-score pour les industriels, sous peine de sanction financière : il donne un signal extrêmement important et j’espère qu’il tiendra jusqu’à la fin de la discussion en séance publique, même après le 49.3.

M. le rapporteur général. Dans un souci de rapidité, je ne reviens pas sur les discussions que nous avons eues hier. Au-delà de nos éventuelles divergences, mon rôle est de vous signaler les failles dans les dispositifs des amendements.

M. Philippe Vigier. Ne revenons pas sur les anciens débats. Je suis opposé à cet amendement car cette filière est déjà fragilisée : arrêtons tout !

La commission adopte l’amendement.

Amendements AS79 de M. Jérôme Guedj et AS1051 de Mme Élise Leboucher, amendements identiques AS80 de M. Jérôme Guedj et AS327 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit de promouvoir l’activité physique comme sujet de prévention ou d’accompagnement, notamment des affections de longue durée (ALD). En 2016, nos prédécesseurs ont fait quelque chose de formidable en rendant possible le sport sur ordonnance. Le problème est qu’aucun financement par la sécurité sociale n’a été prévu. Pourtant, il est clairement documenté que la pratique physique, notamment adaptée et pour les ALD ou les maladies chroniques, a un impact médico-économique majeur.

Le sport sur ordonnance et la pratique physique reposent sur la prise en charge volontaire par les collectivités locales et les mutuelles. L’amendement AS79 propose de minorer la taxe de solidarité additionnelle (TSA) aux cotisations d’assurance maladie complémentaire à laquelle ces dernières sont soumises, afin de les inciter à financer des thérapies non médicamenteuses, validées par la Haute Autorité de santé (HAS).

L’amendement AS80 vise pour sa part à moduler la TSA de façon à favoriser la prise en charge les frais en matière d’accompagnement psychologique, de conseils nutritionnels et d’activité physique adaptée. J’en profite pour rendre hommage au combat mené par notre ancien collègue Régis Juanico.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Mon amendement me permet de lancer un débat important sur la question de la santé mentale et le dispositif Mon soutien psy : l’enjeu est de taille, puisque son coût est de 170 millions d’euros. L’état des centres médico-psychologiques (CMP) et des centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) est connu : les psychologues manquent, les délais sont très longs – il faut un an à un an et demi pour avoir un rendez-vous. Les gens n’ont pas accès à ces dispositifs, qui concernent des troubles plus légers, quand ils en ont besoin, et ne bénéficient pas de séances suffisamment longues. L’amendement vise donc à minorer de 5 % la TSA sur les contrats de complémentaires prévoyant des prises en charge spécifiques pour ce type de consultations. L’enveloppe actuelle de 170 millions d’euros pourrait être fléchée vers les CMP, ce qui permettrait de créer 800 équivalents temps plein (ETP).

M. le rapporteur général. Messieurs Guedj et Peytavie, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : je soutiens la promotion de la pratique sportive, en prévention primaire ou secondaire. Je connais les difficultés de mise en application dans les territoires : lorsque j’étais président d’une intercommunalité, j’ai financé une politique sportive visant à accompagner les problématiques de santé.

Je vous rejoins également, monsieur Peytavie, sur le sujet de la santé mentale : il faut favoriser la prise en charge par des psychologues. Le défaut de votre amendement est qu’il favorise le recours à des soins dont l’efficacité thérapeutique est contestée, s’agissant de solutions non médicamenteuses. Je ne fais pas référence aux pratiques que nous venons d’évoquer mais, juridiquement, le champ du dispositif risquerait de concerner des thérapeutiques néfastes pour la santé, non validées scientifiquement.

Mon avis est donc plutôt défavorable.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Je ne voterai pas ces amendements qui entraîneraient une importante perte de recettes, mais je les trouve pertinents à plusieurs égards. Tout d’abord, ils font ressortir la nécessité d’une clarification financière des relations entre les assurances complémentaires et l’assurance maladie.

Par ailleurs, l’amendement relatif aux ALD que j’avais déposé a été jugé irrecevable. Or nous devons réfléchir à deux niveaux d’ALD, dont l’un bénéficierait d’une prise en charge, notamment du sport santé, même si nous savons que le coût sera trop élevé pour concerner tout le monde.

Enfin, se pose la question du nombre de psychologues formés et de l’évolution ce métier. J’ignore si les psychologues cliniciens doivent être conventionnés mais notre commission gagnerait à s’emparer de ce sujet, s’agissant tant de la formation que de l’évolution de la profession. Cela a été dit, l’accès aux psychologues est vraiment compliqué.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Mon objectif est de lancer le débat sur la santé mentale, grande cause nationale mais à laquelle le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ne consacre pas une puisqu’il relèvera de la voie réglementaire. Les 170 millions d’euros seront-ils bien affectés au renforcement des CMP ? Le salaire d’un psychologue n’est absolument pas attractif : j’étais payé 820 euros lorsque je travaillais à mi‑temps à l’hôpital de Sarlat.

Par ailleurs, le sport santé mériterait d’être pris en charge par la sécurité sociale. Comment les personnes en situation de handicap peuvent-elles se rendre sur le lieu de la pratique sportive ? Il nous faut également réfléchir à la mobilité et au transport.

M. Jérôme Guedj (SOC). Notre amendement mentionne les thérapies non médicamenteuses – terminologie validée par la HAS, dont la recommandation fondatrice de 2011 est enrichie régulièrement – et ne peut pas être plus précis. L’objectif n’est pas, par exemple, de financer de la sophrologie.

Par ailleurs, comme l’a évoqué Stéphanie Rist, un débat sur l’articulation entre organismes complémentaires et de base est nécessaire. D’après le dossier de presse, le PLFSS comporte une disposition sur l’augmentation du ticket modérateur – 5 milliards d’euros dits de « rationalisation » –, mais nous n’en débattrons pas, puisque cela relève de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). Les conséquences de cette hausse sur les mutuelles et sur le reste à charge pour les patients et les usagers mériteraient pourtant d’être évoquées.

M. le président Frédéric Valletoux. Le ticket modérateur relevant du domaine réglementaire, il nous échappe.

Mme Joëlle Mélin (RN). Il y a plus de vingt-cinq ans, j’ai monté un partenariat avec l’hôpital d’Aubagne, pour y adjoindre une école du dos et je suis donc convaincue que la possibilité de soins complémentaires doit être offerte. Je vous rappelle toutefois que nous avons voté dans le précédent PLFSS le principe du remboursement de huit séances chez le kinésithérapeute : si elles sont bien faites et durent au moins trois quarts d’heure, elles suffisent à maintenir les personnes en santé, en particulier si les troubles musculo-squelettiques sont traités.

Je note également que les kinésithérapeutes ne se sont pas précipités chez les personnes âgées pour faire de la rééducation à l’équilibre et à la marche. On peut donc supposer que les bénéficiaires se sont rendus sur place : il s’agit de personnes actives, qui ont déjà la possibilité de se soigner. Il faut réfléchir avant de solliciter encore les mutuelles.

M. Thibault Bazin (DR). Je me réjouis que le Premier ministre Michel Barnier ait érigé la santé mentale en grande cause nationale. Le besoin de psychologues ne se fait pas sentir que dans les CMP, mais dans nombre de structures : l’enjeu de la santé mentale des plus jeunes relève des CMPP et des centres d’action médico-sociale précoce. Il ne s’agit pas toujours d’une question de budget mais parfois de ressources humaines. Ce sujet doit être appréhendé de manière globale. Il faut également définir une allocation prioritaire des ressources.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je tiens à vous rassurer sur la question des franchises : nous avons déposé un amendement visant à les retirer du domaine réglementaire, de façon à ce que nous puissions en débattre. Je vous invite à le voter !

M. le rapporteur général. Nos débats ont permis de soulever trois questions. Tout d’abord, comment finance-t-on le sport santé ? Quelle est la ligne de partage entre la sécurité sociale et le système des complémentaires et mutuelles ? Est-il possible de concevoir un modèle dans lequel les mutuelles et les complémentaires seraient globalement en charge de la prévention, primaire, secondaire ou tertiaire ? Si le champ de la prévention relevait de l’assurance maladie complémentaire, le sport santé pourrait en faire partie, ainsi que toute la prise en charge psychologique et psychiatrique, en prévention primaire ou secondaire. Ce sujet nécessite un arbitrage et pourrait constituer un chapitre du PLFSS mais il ne saurait être traité par amendements successifs.

Mon avis est donc défavorable, même si je pense que nous devrions effectivement débattre de ces questions.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS901 de M. Benjamin Lucas-Lundy

M. Sébastien Peytavie (EcoS). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

TITRE II
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Amendements de suppression AS10 de M. Jérôme Guedj et AS670 M. Yannick Monnet

M. Jérôme Guedj (SOC). L’article 10 prévoit les compensations des exonérations, réductions ou abattements d’assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale, telles que mentionnées à l’annexe 4 jointe au PLFSS. Si nous vous proposons de supprimer cet article, ce n’est pas pour nous opposer aux compensations mais pour alerter sur le fait qu’elles n’intègrent pas la totalité des exonérations de cotisations décidées par le législateur. Il me semble qu’il existe dans cette commission un consensus pour regretter que l’État fasse les poches de la sécurité sociale. Nous avons beaucoup évoqué le principe de compensation à l’euro près sanctuarisé par Simone Veil dans la loi du 25 juillet 1994. Je vous le redis, 2,5 milliards d’euros d’exonérations de cotisations ne sont pas compensés, dont 2,2 milliards au seul titre des heures supplémentaires. Cet amendement vise à les récupérer.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). L’amendement AS670 vise à supprimer l’article 10, qui fixe à 6,45 milliards d’euros le montant de la compensation des exonérations ciblées pour 2025, contre 7,1 milliards en 2024. Le montant des exonérations ciblées non compensées par l’État augmente, au mépris de la « loi Veil », qui prévoyait une compensation intégrale : 2,3 milliards d’euros n’ont pas été compensés en 2021, soit une hausse de 19 % par rapport à 2020 ; en 2023, ce chiffre était de 2,7 milliards. Cet article n’est donc pas anodin, à l’heure où le Gouvernement explique vouloir faire 10 milliards d’euros d’économies dans le PLFSS, en raison de déficits publics colossaux.

M. le rapporteur général. Monsieur Guedj, comme je ne voudrais pas que vous m’accusiez de tronquer le débat si je donnais un avis favorable à ces amendements, je m’oppose à leur adoption. Il serait paradoxal de supprimer l’article 10 car il prévoit une compensation, certes circonscrite, d’exonérations de cotisations.

Parmi les exonérations compensées par le budget de l’État figurent des dispositifs auxquels nous avons, me semble-t-il, collectivement souscrit, notamment ceux de la loi pour le développement économique des outre-mer et pour les travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi. Ces deux exonérations sont compensées à la sécurité sociale au moyen de crédits budgétaires. Supprimer l’article reviendrait à rejeter le financement de ces mécanismes. La discussion est intéressante, mais elle est empreinte de positions paradoxales.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Le groupe LFI-NFP votera les amendements de suppression de l’article pour protester contre le contournement général de la « loi Veil ». La commission a proclamé, à une majorité assez confortable, son attachement au principe de la compensation à l’euro près des exonérations de cotisations sociales.

Comment combiner le refus de piller les ressources de la sécurité sociale avec votre politique, qui fait l’inverse ? Des mesures comme l’allégement de contribution sociale généralisée (CSG) pour les ruptures collectives des fonctionnaires, la réduction du taux de cette même contribution de 9,2 % à 6,6 %, le « bandeau famille », les allégements généraux de cotisations, les exonérations sur les heures supplémentaires et sur les suppléments d’intéressement ou l’abattement sur la contribution sociale de solidarité des sociétés, sont totalement ou partiellement non compensées, pour un coût total faramineux à la charge de la sécurité sociale.

La suppression de l’article vise à demander au Gouvernement de cesser enfin de priver volontairement la sécurité sociale de ses ressources.

M. Michel Lauzzana (EPR). Les budgets de la sécurité sociale et de l’État ne sont pas complètement étanches. Cela fait bien longtemps que l’État compense le déficit du régime des retraites et vous ne vous en plaignez pas. Un rapport du haut-commissaire au plan indique que plus de 30 milliards d’euros ne sont pas pris en compte dans le calcul du déficit du système de retraites.

Pourquoi l’exigence de compensation n’irait-elle que dans un sens ? Je souhaite que l’État cesse de compenser le déficit des retraites afin que le système s’équilibre par les cotisations.

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement AS14 à l’article 11 vise à modifier les tableaux présentant les soldes des différents régimes de sécurité sociale afin d’intégrer les compensations d’exonérations de cotisations sociales, dont le montant dépasse 2 milliards d’euros.

Monsieur le rapporteur général, si vous vous engagez à donner un avis favorable à l’amendement AS14, ciblé sur l’absence de compensation des exonérations sur les heures supplémentaires, je veux bien retirer l’amendement AS10.

M. Thibault Bazin (DR). Les membres de la commission des affaires sociales sont très attachés à la « loi Veil » et au transfert au système de protection sociale des ressources prévues. L’article 10 a pour objet d’apporter une compensation à la sécurité sociale, laquelle, si elle n’est pas totale, est très élevée. La suppression de l’article dégraderait fortement les comptes sociaux. Seuls 2,5 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires ne sont pas compensés : ce n’est pas « faramineux », pour reprendre le terme de M. Clouet.

Nous pouvons débattre de la prise en charge de certaines mesures qui ont pesé sur les comptes de la sécurité sociale, notamment celles prises pendant la crise sanitaire du covid qui auraient pu figurer dans le budget de l’État. Ce dernier pourrait également prendre à sa charge une partie du patrimoine immobilier des hôpitaux. Mais c’est par l’encouragement au travail et la conduite de réformes structurelles que nous améliorerons les comptes sociaux.

Mme Joëlle Mélin (RN). La démarche de séparation des branches reste inachevée. Devons-nous finir cette tâche ou non ? Devons-nous continuer de mélanger les budgets de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales, alors que leur essence, leur philosophie, les prélèvements qui les abondent, les personnes qui en bénéficient et les modes de leur contrôle et de leur gestion diffèrent ? Ce sont les transferts et les compensations permanents qui dispensent les responsables de ces comptes d’assurer une gestion parfaite car il y a toujours quelqu’un pour payer. Il y a lieu de conduire une réforme structurelle de la pensée et des usages pour que chacun prenne ses responsabilités et que disparaissent les déficits chroniques.

M. le rapporteur général. Monsieur Guedj, votre amendement à l’article 11 ouvre des crédits pour compenser des exonérations, mais une telle disposition relève du projet de loi de finances (PLF). Je reste défavorable à ces amendements.

L’amendement AS10 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS670.

Puis elle adopte l’article 10 non modifié.

Amendements de suppression AS13 de M. Jérôme Guedj, AS671 de M. Yannick Monnet, AS972 de M. Hadrien Clouet et AS1040 de M. Hendrik Davi

M. Jérôme Guedj (SOC). L’article 11 constate les déséquilibres des comptes des branches et fait état d’un déficit d’environ 17 milliards d’euros en 2025. Je rappelle que la sécurité sociale était presque à l’équilibre en 2017, monsieur Vigier, vous qui êtes toujours si prompt à écorner le bilan de la gauche. Or les 17 milliards de déficit ne résultent pas d’une explosion des dépenses mais d’un problème de recettes, comme le montre le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale. Les seules dépenses non maîtrisées sont celles du Ségur de la santé, puisque nous savons maintenant grâce à Laurent Saint-Martin que le Gouvernement a menti pendant des années en assurant que les mesures du Ségur étaient compensées.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Notre souhait de supprimer l’article 11 par l’amendement AS671 traduit notre désapprobation du tableau d’équilibre par branches. Le PLFSS repose sur une croissance de l’Ondam très contrainte, de 2,8 %, qui sera insuffisante pour couvrir l’évolution tendancielle des dépenses de santé et répondre aux besoins. Il prévoit également 4,9 milliards d’euros d’économies, dont même le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) souligne l’ampleur. Seuls les Français supporteront la charge de ces économies, alors que l’accès aux soins est devenu pour nombre d’entre eux un problème et pour certains un luxe. Le déficit total et celui des branches se creuseront, à moins que le Gouvernement ne décide, d’ici à l’examen du texte en séance publique, de chercher 5 milliards d’économies supplémentaires.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Nous présentons également un amendement AS972 de suppression de l’article de déséquilibre affichant 17 milliards d’euros de déficit. Depuis 2017, les exonérations de cotisations sociales ont doublé. Le Président de la République a déclaré dans un entretien au Figaro en avril qu’il n’y avait pas de problème de dépenses mais de moindres recettes : nous sommes d’accord avec lui et nous vous encourageons à trouver de nouvelles ressources.

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous avons effectivement un problème de recettes et non de dépenses. Nous souhaitons supprimer l’article car, depuis le début de l’examen du PLFSS, nous avons proposé de nouvelles ressources : 12,3 milliards d’euros générés par un calibrage différent des exonérations de cotisations sociales, 3 milliards grâce à l’augmentation de la CSG sur les revenus du capital, 3 milliards grâce au prélèvement des superprofits, 2,2 milliards récupérés sur les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, 2 milliards grâce à l’adoption, dont nous pouvons nous féliciter, de la taxe sur les milliardaires. Le total représente 22,5 milliards de recettes supplémentaires, de quoi couvrir le déficit de 17 milliards et d’engager 5,5 milliards de dépenses supplémentaires pour les infirmières, les hôpitaux et les retraites.

M. le rapporteur général. Vous avez le droit de proposer la suppression de cet article, mais mon devoir est de vous rappeler son caractère juridiquement obligatoire.

L’avis est donc défavorable.

M. Michel Lauzzana (EPR). Un économiste estime que 44 % de l’augmentation de la dette entre 2017 et 2024 provient du régime des retraites. Il y a peut-être un manque de recettes, mais certaines dépenses ne sont pas contenues. Je soutiens la présence de cet article dans le projet de loi.

M. Thibault Bazin (DR). On peut débattre des déséquilibres, mais je ne comprends pas l’intérêt de supprimer des tableaux qui nous informent de la situation des comptes de la sécurité sociale. Vous pouvez voter contre l’adoption de l’article mais en souhaiter la suppression est étrange. Si l’on ne se préoccupe plus de connaître l’état des comptes, on menace l’ensemble du système.

Il est vrai que nous manquons de recettes, monsieur Guedj, mais cette carence est due à la faiblesse du taux d’emploi. D’ailleurs, les plus gros montants de dépenses et de recettes se trouvent dans la branche vieillesse. S’il y avait plus de travail, il y aurait davantage de recettes car les cotisations seraient supérieures. Si nous parvenons à relever le défi du travail, la situation de notre système de protection sociale s’améliorera : il faut créer de la valeur pour financer les services publics.

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous avons ici le débat sur les recettes qui a été empêché à l’article 6. Les exonérations de cotisations sociales, dont le montant a doublé depuis 2017 pour atteindre 80 milliards d’euros auxquels il convient d’ajouter 20 milliards d’exemptions d’assiette, représentent un pognon de dingue. Le rapport d’Antoine Bozio et Étienne Wasmer comme celui que j’ai rédigé avec Marc Ferracci ont montré qu’il était probable que 10 % à 15 % des 80 milliards d’exonérations n’atteignent pas leurs objectifs d’emploi et de compétitivité : nous pouvons donc trouver une dizaine de milliards de recettes sans menacer le tissu économique français.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS1566 de M. Yannick Monnet, AS1513 et AS1510 de M. Hadrien Clouet et AS14 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Si l’objectif du PLFSS est de contenir dans l’immédiat le déficit à 16 milliards d’euros en 2025 quel qu’en soit le coût pour les assurés sociaux, la ministre de la santé et de l’accès aux soins a affirmé la nécessité de réfléchir à l’avenir et à la restructuration du système et de son financement.

Notre amendement AS1566 devance cet appel puisqu’il vise à réaffecter à la branche maladie l’objectif d’amortissement de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) en 2025. Grâce à cette mesure, la sécurité sociale disposerait d’un budget apte à répondre aux besoins sociaux et de santé en affectant à la branche maladie les 16,8 milliards d’euros qui lui font cruellement défaut.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). L’amendement AS1513 est défendu.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). L’amendement AS1510 vise à allouer à la branche maladie la moitié du montant de l’objectif d’amortissement de la dette sociale par la Cades pour 2025, afin de faire face aux dépenses prévues par la branche.

Cet objectif est fixé à 16,28 milliards d’euros pour 2025. Le transfert, décidé par l’État, de la dette du covid à la Cades met en péril l’équilibre des comptes sociaux, donc l’avenir de notre système social. Le coût de cette dette aurait été dix fois moindre si celle-ci avait été prise en charge par l’État. En outre, le covid-19 a considérablement augmenté les dépenses de la branche maladie. L’objectif de l’amendement est de réduire le déficit prévisionnel de cette branche.

M. Jérôme Guedj (SOC). Si vous voulez un signal fort en faveur de la compensation des exonérations de cotisations sociales, adoptez notre amendement. Ce sera utile pour la suite des débats et cela n’affectera pas l’équilibre des comptes.

M. le rapporteur général. La dette de la Cades n’est pas uniquement liée au covid. La Caisse a dans ses comptes un stock de dette élevé, dont une partie est constituée des déficits antérieurs à la crise sanitaire. Il faut aussi tenir compte des passifs que la Cades n’a pas encore repris, lesquels s’élèveront à 37 milliards d’euros à la fin de cette année d’après le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale. Ce montant est supérieur à celui avancé par le rapport de Stéphanie Rist et Hadrien Clouet.

Vous avez déposé un amendement d’appel, monsieur Guedj. La compensation à l’euro près d’un dispositif d’exonération ciblé, en l’occurrence celui sur les heures supplémentaires, doit transiter par des crédits budgétaires : là encore, le bon véhicule législatif est le PLF et non le PLFSS. La Cour des comptes recommande, dans son rapport de mai dernier sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, de compenser les pertes de recettes.

Je ne peux pas vous laisser remettre en cause le principe même de cette exonération, qui constitue une mesure de pouvoir d’achat pour environ 6 millions de personnes, et j’émets un avis défavorable à l’adoption de votre amendement.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette ensuite l’amendement AS973 de M. Damien Maudet.

Puis elle adopte l’article 11 non modifié.

Amendement AS1497 de M. Hadrien Clouet

M. Damien Maudet (LFI-NFP). L’amendement AS1513 est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendements de suppression AS731 de Mme Karine Lebon et AS1037 de Mme Élise Leboucher

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Je défends l’amendement AS731. Le PLFSS fixe l’objectif d’amortissement de la dette sociale par la Cades à 16,28 milliards d’euros. Il y a lieu d’utiliser cet argent pour financer des prestations assurées par les hôpitaux et les établissements sociaux et médico-sociaux plutôt que de la dette. Il est urgent de revenir aux fondements de la sécurité sociale, dont le fonctionnement ne devrait dépendre ni d’une dette cantonnée ni des marchés financiers mais de ressources provenant de la cotisation sociale.

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Notre amendement AS1037 vise à mettre sous les projecteurs le hold-up invisible de la sécurité sociale organisé par les gouvernements successifs ces dernières années et à n’affecter que 1 euro symbolique à la Cades plutôt que les 16,8 milliards annuels décidés par l’exécutif. En trente ans, 71 milliards d’intérêts ont été siphonnés au bénéfice des marchés financiers au lieu de financer des soins et des services publics. Cela représente des dépenses en moins pour sauver l’hôpital public, embaucher du personnel soignant, payer les retraites et soutenir le système de protection sociale, tout cela pour gaver les marchés alors qu’il est tout à fait possible de faire rouler la dette. Il faut choisir : c’est la finance ou l’humain d’abord !

L’amendement a pour objet de renflouer les caisses de la sécurité sociale pour financer les services publics.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

M. Fabien Di Filippo (DR). Si j’ai bien compris, nos collègues refusent que la somme de 16,28 milliards d’euros soit affectée à l’amortissement de la dette de la sécurité sociale et proposent que celui-ci soit financé non par les marchés financiers mais par des cotisations sociales supplémentaires : dans quelles proportions veulent-ils faire payer le travail pour couvrir ces quelque 17 milliards ?

Mme Stéphanie Rist (EPR). Les amendements visent à supprimer l’amortissement de la dette sociale par la Cades. Dans le rapport que nous avons récemment rendu avec Hadrien Clouet, nous avons montré que la reprise de la dette par l’État ne serait ni plus efficace ni moins coûteuse.

Comment rééquilibrer nos comptes sociaux ? La solution que vous proposez, monsieur Guedj, à savoir revenir sur certaines exonérations n’est pas la seule. Il serait préférable de travailler davantage, de transformer le financement du système de santé et d’améliorer la pertinence des dépenses : ces pistes permettraient de rétablir les comptes sans alourdir le coût du travail.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS691 de M. Yannick Monnet, AS148 de M. Jérôme Guedj, AS1357 de M. Hadrien Clouet et AS150 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Vous nous reconnaîtrez une certaine cohérence car notre amendement AS691 s’inscrit dans la même logique que ceux déposés à l’article 11. Nous souhaitons annuler l’objectif d’amortissement pour 2025. L’enveloppe de 16,28 milliards d’euros doit abonder les branches de la sécurité sociale pour répondre aux besoins sociaux et de santé. Face à l’effondrement de notre système de soins, il est scandaleux de détourner ces milliards des caisses de la sécurité sociale pour nourrir les marchés financiers.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je profite de la défense de l’amendement AS148 pour saluer Pierre Dharréville, qui avait l’habitude de le défendre et qui était même parvenu à le faire adopter en séance publique.

Nous vous alertons sur le choix politique qui a été fait d’affecter la totalité de la dette héritée du covid à la Cades. Madame Rist, il y a des recettes nouvelles à trouver et il convient de revenir sur certaines exonérations de cotisations sociales, mais je suis d’accord avec vous pour stimuler la hausse de la masse salariale par l’augmentation du nombre de gens au travail mais également des salaires et pour revoir certaines dépenses de la sécurité sociale, singulièrement dans la branche maladie où il faut s’interroger sur la pertinence des soins et la redondance de certaines prescriptions. Ce travail de mise à plat est gigantesque et nécessaire, je ne me focalise pas uniquement sur les exonérations. Il y a lieu d’activer ces trois leviers.

Avec cet amendement d’appel, nous voulons montrer comment l’amortissement de la dette a privé la sécurité sociale de ressources.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). Notre amendement AS1357 vise à modifier le montant de l’objectif d’amortissement de la dette sociale par la Cades afin de réduire le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale de 93 %. À cette fin, nous proposons de libérer 16,799999999 milliards d’euros en n’affectant que 0,000000001 milliard à la Cades pour démontrer que le déficit de la sécurité sociale est délibérément creusé par le Gouvernement. Surtout, nous plaidons pour qu’une taxation exceptionnelle des grandes fortunes le résorbe.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle rejette l’article 12.

Amendement AS1563 de Mme Hanane Mansouri

Mme Hanane Mansouri (UDR). L’amendement vise à réactiver le Fonds de réserve pour les retraites (FRR). Institué par une loi de 2001, il suit une logique de capitalisation et a été abondé par divers apports jusqu’en 2011. En dépit de l’arrêt anticipé de sa constitution, il a poursuivi sa mission de gestion d’actifs. Chaque année, il contribue à l’équilibre de la branche vieillesse.

La logique de capitalisation dans laquelle s’inscrit le FRR, qui a réalisé une performance de 9,6 % en 2023, a démontré sa pertinence. Compte tenu des défis auxquels est confronté notre système des retraites, il convient de remettre en marche son abondement.

M. le rapporteur général. Vous voulez abonder le FRR par une majoration des accises sur le tabac. Votre proposition est un peu étrange : le lien entre l’assiette de la ressource et la finalité des missions du FRR n’est pas évident. J’en déduis qu’il s’agit d’un amendement d’appel.

En tout état de cause, tout alourdissement de la fiscalité doit être modéré. Les recettes afférentes doivent en priorité réduire les déficits des régimes de retraite plutôt qu’abonder le FRR. Telle est la démarche que j’ai proposée dans les amendements visant à alourdir la fiscalité du tabac adoptés hier.

Avis défavorable.

Mme Joëlle Mélin (RN). Il est impensable de gérer le règlement et la liquidation des retraites avec une gestion à flux tendus. C’est contraire à toute pensée. Par définition, il faut adopter une gestion par anticipation, offrant des possibilités d’appui partiel sur une capitalisation. Au demeurant, la sécurité sociale est bien obligée, à un moment donné, d’adopter une gestion qui lui permet de ne pas regarder les choses en permanence par le petit bout de la lorgnette.

Il est impensable que nous ne disposions pas de l’outil qu’est le FRR, qui a réalisé des performances et qui a été pillé pour payer notre dette. Il faut absolument disposer d’une forme de coussin de garantie, dans le cadre du FRR ou non. Nous devons y réfléchir. Nous ne pouvons pas continuer à adopter une gestion à flux tendus.

M. Thibault Bazin (DR). Je veux bien que nous réfléchissions à plein de choses, mais nous examinons un PLFSS dont nous venons de rejeter l’article 12, qui était pourtant une obligation en raison de l’adoption – consensuelle – de la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Tant que nous y sommes, cessons de publier des indicateurs ! Cela équivaudra à déclarer insoutenable notre dette sociale, donc à envoyer un signal d’irresponsabilité dont les personnes les plus modestes seront les premières à subir les conséquences, car la machine s’emballera et notre système de protection sociale sera déstabilisé. Avant de réfléchir à une nouvelle loi organique prévoyant un cadre pluriannuel, prenons au sérieux celle qui est en vigueur.

M. Philippe Vigier (Dem). Je suis surpris des propos de Mme Mélin. On ne peut pas d’un côté dire qu’il faut sécuriser le FRR et de l’autre déposer une proposition de loi, que nous avons examinée hier, visant à abroger la réforme des retraites. Quant à la gauche qui soutient cet amendement, je lui rappelle que le FRR n’a pas été abondé de 2012 à 2017. Qui était au pouvoir ?

M. le rapporteur général. Madame Mélin, nous sommes d’accord sur le fond, pas sur la forme. Entendre de tels propos au lendemain de l’examen d’une proposition de loi visant à abroger la réforme des retraites déposée par votre groupe est un peu fort de café. Je rappelle que le déficit cumulé de notre système de retraites atteindra 30 milliards d’euros en 2028 et 53 milliards en 2030. Si l’on pense que le FRR pourra porter ces déficits grâce à un alourdissement de la fiscalité pesant sur le tabac, cela fera très cher le paquet de cigarettes. Un peu de sérieux !

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS692 dSe M. Yannick Monnet

Mme Émeline K/Bidi (GDR). L’article 13 est un pas de plus dans la financiarisation de la sécurité sociale. D’après l’annexe 3 du PLFSS 2025, le financement des besoins de trésorerie du régime général est caractérisé, depuis 2010, par la diversification de ses instruments de financement et par le recours accru aux instruments de marché. Depuis 2010, les instruments de marché contribuent à couvrir les besoins de trésorerie à hauteur de 98 %. Or ces emprunts sur les marchés financiers ont un coût, s’élevant à 56,8 millions d’euros en 2022 et à 537,4 millions en 2023, soit une hausse de plus de 800 %. Dans ce contexte, il ne semble guère souhaitable d’amplifier la dynamique du recours aux marchés financiers.

M. le rapporteur général. Avis très défavorable.

L’article 13 est peut-être le plus important du texte. Chacun a son idée sur le sujet ; mon rôle de rapporteur général consiste à bien informer la commission sur les dispositions qui lui sont soumises.

Privée de la possibilité de recourir à l’emprunt, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) a la capacité de se financer pour soixante jours au plus. Passé ce délai, il est sans solution pour financer les retraites, les prestations des caisses d’allocations familiales, le remboursement des soins des assurés sociaux, le financement des hôpitaux – bref, tout ce qui fait la vie quotidienne.

Je ne dis pas que la méthode de financement par l’emprunt est bonne. Nous avons excessivement recours à l’endettement, ce qui pose problème. Nous ne pouvons pas pour autant bloquer le système de santé français sous soixante jours. J’appelle chacun à prendre ses responsabilités. Dénoncer notre niveau d’endettement, qui atteint 3 000 milliards d’euros, ne justifie pas de faire subir un tel choc à presque tous les Français ni de plonger le pays dans le chaos.

M. Thibault Bazin (DR). Le plus grand péril qui guette notre système de protection sociale est l’emballement de nos emprunts. Nous sommes en déficit. Nous devons emprunter pour apporter aux assurés ce à quoi ils s’attendent, notamment nos retraités, tout en surveillant notre trajectoire financière.

Toutefois, le financement à court terme n’est pas tout. Si nous nous privons des outils permettant de se financer, nous emprunterons mal, donc plus cher. Il faut conserver la spécificité de notre articulation des emprunts à court et à long terme. Malheureusement, nous devrons emprunter plus. Si nous ne publions pas des trajectoires sérieuses et crédibles de rétablissement de nos comptes publics, qui de surcroît s’inscrivent dans un cadre d’emprunt très contraint, le coût de nos emprunts augmentera. Les bénéficiaires de notre protection sociale en seront pénalisés à très court terme.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS976 de Mme Zahia Hamdane

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Depuis 2021, l’Acoss a cessé de recourir à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et se tourne exclusivement vers les marchés financiers pour satisfaire ses besoins de financement. Cette orientation a eu des conséquences désastreuses. D’après l’édition 2024 du rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale, le résultat financier de l’Acoss est déficitaire de 75,7 millions d’euros en 2023, soit une dégradation de 347 millions par rapport à 2021. La raison principale en est la hausse des taux d’intérêt, qui a fait grimper la charge des intérêts de la dette à 537,4 millions en 2023.

Le présent amendement vise à rétablir un modèle plus stable et solidaire. Il réoriente le financement de l’Acoss vers la CDC en prévoyant un financement prioritaire auprès de cette institution publique. L’Acoss garantirait des conditions d’emprunt plus prévisibles et moins coûteuses. Il est essentiel de protéger notre sécurité sociale des risques financiers et de lui offrir la stabilité indispensable à son bon fonctionnement.

M. le rapporteur général. Chère collègue, je suis entièrement d’accord avec vous : il faut préserver notre sécurité sociale. Pour ce faire, il est fondamental de bien rembourser notre dette, qui nous soumet aux marchés financiers, aux milliardaires asiatiques ou aux fonds de pension américains. Notre système social, dont on dit souvent qu’il est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas, est dans une situation de forte dépendance. Il faut donc le protéger, et si possible l’extraire de sa dépendance à la finance mondiale.

Or vous ne proposez rien de tel. Ce que vous proposez provoquera un chaos social. En privant l’Acoss de la capacité d’emprunter, cet amendement, s’il est adopté, vous fera porter la responsabilité de l’interruption du versement des retraites, du remboursement des soins, du financement sur les hôpitaux et des prestations familiales. Le financement de l’Acoss par l’emprunt est certes contestable, mais nous n’allons pas le modifier en un jour. Veillons à ne pas plonger le pays dans une sorte de shutdown, ce qui serait une première.

M. Hendrik Davi (EcoS). Ne montons pas sur nos grands chevaux. Nous examinons un amendement en commission. Le texte sera ensuite débattu en séance publique, puis au Sénat. Deux ou trois 49.3 peuvent survenir dans l’intervalle. Nous avons un peu de temps avant le shutdown. Il est inutile de monter en pression.

M. le président Frédéric Valletoux. Il est de bonne méthode de comprendre la logique dans laquelle s’inscrit chaque amendement avant de le mettre aux voix. Par ailleurs, nous sommes de ceux qui pensent que le signal envoyé importe à tout moment, même si l’adoption d’un texte est soumise, heureusement, à plusieurs étapes qui permettent de tempérer certains votes.

M. le rapporteur général. Monsieur Davi, je vous remercie de prendre soin de ma santé mentale, mais je vous rappelle qu’un rapporteur général joue aussi le rôle d’interface entre le Parlement et le Gouvernement. Par ailleurs, de nombreux députés sont nouveaux, et les sujets dont nous traitons présentent un niveau élevé de complexité. En détaillant les enjeux, je suis dans mon rôle.

Au demeurant, sans vouloir dramatiser la situation, le simple fait que vous preniez la parole montre que le sujet vous préoccupe et que vous pensez comme moi, indépendamment de notre désaccord de fond, qu’il faut faire attention. Je ne sais pas qui, de votre camp qui présente un amendement de suppression de l’article ou de moi, agite le plus les peurs. Si cet amendement n’avait pas été déposé, je ne serais pas obligé d’en présenter clairement les conséquences pratico-pratiques, sous deux mois, sur nos assurés sociaux, le fonctionnement de l’hôpital et les retraites.

La commission rejette l’amendement.

La réunion est suspendue de dix heures quarante-cinq à onze heures.

Amendements identiques AS237 de Mme Sophie Pantel et AS617 de M. Laurent Panifous, amendement AS724 de M. Yannick Monnet (discussion commune)

Mme Sandrine Runel (SOC). Le PLF 2025 prévoit une ponction de 5 milliards d’euros sur les recettes des collectivités locales. Et voilà que nous découvrons, dans le PLFSS 2025, que le taux des cotisations qu’elles versent à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) doit augmenter de 4 points ! Je me demande si le Gouvernement a une dent contre les collectivités locales.

L’amendement AS237 des députés Socialistes et apparentés vise à s’opposer à la hausse non concertée et brutale des cotisations dues à la CNRACL par les employeurs territoriaux. Les causes de l’aggravation du déséquilibre de ce régime de retraite sont connues : compensations entre régimes ; mauvais ratio entre cotisants et pensionnés ; hausse du nombre de contractuels. Cette contribution massive équivaut, pour les seuls départements, à une dépense nouvelle de 400 millions d’euros en 2025, alors même qu’il leur est demandé de faire des économies.

M. Paul-André Colombani (LIOT). La hausse brutale des cotisations vieillesse dues par les collectivités locales à la CNRACL les touche de façon frontale, en leur imposant une ponction directe de 400 millions d’euros en 2025. Or la CNRACL contribue à combler les déficits d’autres régimes de retraite. En 2023, elle a versé plus de 800 millions.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). L’amendement AS724 est défendu.

M. le rapporteur général. Nous avons abordé ce sujet lors du débat d’orientation et de programmation des finances publiques que nous avons eu lundi dernier dans l’hémicycle. Je partage l’inquiétude de nos collègues – je l’ai indiqué lors de la discussion générale – sur la hausse du montant des cotisations à la CNRACL, pour deux raisons.

Elle a des conséquences sur les collectivités locales. Il n’est pas raisonnable de soutenir, d’autant que nous sommes pour la plupart aussi des élus locaux, qu’elles sont responsables du déficit de la CNRACL. Nous sommes tous d’accord sur ce point, qui n’a toutefois pas sa place dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Elle a des conséquences sur l’Ondam, notamment sur l’Ondam hospitalier. Les hôpitaux sont des employeurs ; ils doivent eux aussi assurer la pérennité de leur système de retraites.

En 2025, le déficit de la CNRACL s’élèvera à 4,8 milliards d’euros. Il dépasserait 11 milliards en 2030. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut régler le problème – nous ne pouvons pas laisser un régime de retraites présenter un tel déficit – sans nuire aux dépenses de santé.

Or la hausse du taux des cotisations versées à la CNRACL a pour effet de réduire la hausse de l’Ondam hospitalier de 3,1 % à 2,1 %, son coût étant de 1,1 milliard d’euros sur les 3,3 milliards supplémentaires alloués aux établissements de santé – hôpitaux, cliniques, centres de soins contre le cancer. Il ne faut pas compenser un déficit de cotisations en prélevant des ressources allouées aux soins. Nous n’avons pas à choisir entre les soins et le niveau de retraite des agents hospitaliers. Il faut donc répartir la charge.

Les amendements que nous examinons ne s’inscrivent pas dans cette démarche. Je rappelle, conformément à mon rôle de rapporteur général consistant à éclairer la commission, que la décision de faire supporter à l’Ondam hospitalier une part des dépenses fléchées vers la compensation des déficits de la CNRACL relève du pouvoir réglementaire. Par ailleurs, adopter l’un des amendements ne changerait rien à la situation : cela aurait pour seul effet d’effacer de l’annexe visée par l’article 14 le constat dressé par les auteurs des amendements eux-mêmes, sans régler aucunement le problème.

Nous partageons les mêmes inquiétudes sur nos hôpitaux et nos collectivités locales, mais adopter ou non l’un de ces amendements ne changera pas les choses. J’ai pris le temps de donner des explications précises pour la clarté de nos débats ; je ne les réitérerai pas, sauf si je n’ai pas été clair.

Avis défavorable.

Mme Sandrine Runel (SOC). Monsieur le rapporteur général, je suis ravie de la première partie de votre argumentation, selon laquelle vous partagez nos préoccupations et vous êtes conscient de la situation dramatique dans laquelle certaines collectivités locales seront plongées, notamment les départements, dont les dépenses sociales très lourdes doivent être financées. La hausse du taux de cotisation à la CNRACL n’en est pas moins injuste et inappropriée, dans la mesure où elle a jusqu’à présent contribué à financer les régimes déficitaires.

Pourquoi s’acharner sur les collectivités locales ? Les données figurant dans l’annexe sont factuelles et déterminées. Elles ne justifient aucun acharnement sur les collectivités locales. Cette année n’est pas la bonne pour augmenter de 4 points le taux de cotisation à la CNRACL. Nous sommes prêts à réfléchir à des pistes d’augmentation dès l’an prochain. Pour l’heure, nous souhaitons supprimer cette hausse.

M. Nicolas Turquois (Dem). Ce sujet est emblématique des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Si la CNRACL est en difficulté, c’est parce que le rapport entre cotisants et bénéficiaires est très défavorable. Les fonctions publiques territoriale et hospitalière versent des retraites aux anciens fonctionnaires mais ont embauché des contractuels qui cotisent à une autre caisse. Le problème vient de la multiplicité des caisses, ainsi que des évolutions démographiques défavorables, dont le sort de la Mutualité sociale agricole est emblématique : les agriculteurs ont beaucoup cotisé pour les autres, et ils sont à présent nombreux à être en retraite.

La réforme des retraites un temps envisagée visant à appliquer le même système à tous les bénéficiaires et à faire en sorte que tout le monde cotise pour tout le monde était sensée. On s’offusque à juste titre des difficultés dans lesquelles se trouveront les collectivités locales et les hôpitaux, mais il ne faut pas oublier que notre système de retraites aux nombreuses cases n’est plus adapté au monde d’aujourd’hui.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement AS724 tombe.

M. le rapporteur général. Par souci d’honnêteté intellectuelle, j’aimerais préciser ce que nous venons de faire. Nous n’avons pas supprimé le fléchage de 1,1 milliard d’euros de l’Ondam hospitalier vers le financement de la hausse des cotisations à la CNRACL. Nous avons supprimé sa mention dans l’annexe attachée à l’article 14.

Dans la mesure où nous partageons le constat, je suggère, en tant que rapporteur général – cela pourrait être une victoire collective du Parlement à l’heure où sa capacité d’agir est contestée –, que nous formulions collectivement la demande d’épargner le 1,1 milliard que le PLFSS 2025 prévoit de prélever sur la hausse de l’Ondam hospitalier, ce qui suppose de trouver ailleurs une recette équivalente. Nous ne devons pas avoir à choisir entre le soin et la cotisation vieillesse.

M. Jérôme Guedj (SOC). Par ce vote, portant certes sur une annexe, la commission vient d’envoyer un signal fort selon lequel nous n’acceptons pas que l’augmentation des cotisations à la CNRACL soit compensée par le budget de l’Ondam, au détriment du fonctionnement des hôpitaux.

Si le rapporteur nous propose de rédiger, d’ici l’examen du texte en séance publique, un amendement endossé par lui et soutenu par la commission visant à modifier l’attribution de la hausse de l’Ondam et à dégager une recette équivalente, comme nous l’avons fait à plusieurs reprises au cours de nos débats, alors il nous trouvera à ses côtés. Nous pouvons d’ores et déjà commencer à travailler à sa rédaction et le mettre en circulation dans les groupes. Il faut en rédiger deux, un sur l’Ondam et un sur une recette fléchée. Chiche !

M. Philippe Vigier (Dem). M. le rapporteur général a très bien recadré le débat : la décision relève du pouvoir réglementaire, ce qu’au demeurant je déplore, comme je l’ai déploré lors du transfert de charges de l’assurance maladie aux complémentaires santé. Voilà le débat que nous devrions avoir ! Ne rasons pas gratis, je vous en supplie ! Il y a un vrai problème, que nous devons régler, comme l’a très bien rappelé Nicolas Turquois. Ce vote, malheureusement, ne règle rien. Pire : il nous expose à l’accusation de voter des mesures inapplicables.

M. le rapporteur général. Monsieur Guedj, nous allons réfléchir aux amendements que vous proposez. Toutefois, vous savez comme moi que modifier l’Ondam hospitalier oblige ipso facto à modifier une autre de ses composantes. Il faudra donc que le Gouvernement propose une nouvelle rédaction permettant de compenser 1,1 milliard d’euros.

Nous devrons faire preuve d’astuce pour parvenir, conformément au vœu sincère de la commission, à ne pas faire peser sur le soin en général – à l’hôpital, dans les cliniques, dans les centres de lutte contre le cancer et dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), qui sont toutefois moins impactés, à hauteur de 300 millions d’euros – le poids de l’augmentation des cotisations vieillesse. En sommesnous capables ? L’avenir le dira.

Amendement AS737 de M. Paul-André Colombani

M. Paul-André Colombani (LIOT). L’article 23 décale de façon pérenne la revalorisation annuelle des pensions de retraite du 1er janvier au 1er juillet. Cette mesure est très gênante en ce qu’elle concernera tout le monde, sans distinction du montant de la retraite. Or dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat, faire toujours peser les efforts sur les plus fragiles n’est pas acceptable. Nous proposerons donc la suppression de l’article 23. Par cohérence cet amendement vise à supprimer la référence à cette mesure dans l’annexe.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS987 de M. Hadrien Clouet

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Selon le HCFP, les prévisions de croissance sont un peu optimistes, compte tenu notamment du repli de la commande publique. Cet amendement vise donc à les revoir à la baisse, ce qui nous éviterait de devoir créer une commission d’enquête sur ces prévisions comme a dû le faire la commission des finances. Peut-être serez-vous sensibles à cet argument.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

M. Michel Lauzzana (EPR). Créer une commission d’enquête est malvenu. Personne ne l’a envisagé lorsque les résultats ont été meilleurs que les prévisions...

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Je vous taquine, bien entendu. Cela étant, la commission d’enquête a été créée parce qu’un ministre, qui avait reçu cinq notes l’informant que les prévisions étaient mauvaises, a continué à foncer tête baissée et à mentir à la représentation nationale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1567 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Vous faites de la gonflette comptable : surestimer les prévisions de croissance vous conduit à surévaluer les hausses de salaires donc les recettes de cotisations. Quand il vous manquera 5 milliards d’euros vous pousserez des cris d’orfraie et vous proposerez des coupes budgétaires.

Vous voulez appliquer une politique d’austérité sauvage, comme l’a fait la Grèce au début des années 2010, avec des coupes budgétaires de même ampleur que celles que vous prévoyez. Or ces coupes sont le fruit de vos prévisions surévaluées et ce véritable sabotage des comptes publics est dû aux cadeaux faits depuis sept ans aux plus fortunés. Pourquoi ne combattez-vous pas l’effet récessif au lieu d’en tirer prétexte pour réduire les dépenses publiques, comme l’a reconnu Laurent Saint-Martin ?

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

M. Christophe Bentz (RN). Il me semble qu’une majorité se dégageait en faveur de l’amendement AS737 de M. Colombani, dont le vote a été très rapide. Pourrions-nous voter de nouveau ?

M. le président Frédéric Valletoux. Il aurait fallu me le signaler au moment du vote. Qui plus est chaque nouveau vote auquel nous avons procédé hier a montré que mon œil n’avait jamais été pris en défaut.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Si des collègues ont été inattentifs lors du vote de l’amendement AS737, je leur suggère de prendre leur revanche en votant celui-ci.

Mme Annie Vidal (EPR). On remet en cause la présidence, on menace de lancer une commission d’enquête et on juge les prévisions insincères : on ne peut travailler sérieusement dans ces conditions et j’invite à plus de sérénité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS861 de M. Damien Maudet

M. Damien Maudet (LFI-NFP). L’amendement vise à supprimer la projection pluriannuelle de l’Ondam, qui progresserait de 0,6 % par an, alors que les dépenses du secteur hospitalier augmentent d’environ 4 %. Voilà qui promet de nouveau des hôpitaux en déficit, des soignants à bout et des patients qui ne peuvent être soignés correctement.

Lorsque nous l’avons auditionnée, la ministre de la santé et de l’accès aux soins, s’est d’emblée demandé : « Où va-t-on ? » Avec un budget pareil, c’est dans le mur.

Madame Vidal, sachez que la menace se transformera en promesse si vous publiez des chiffres erronés et si les ministres cachent les informations qu’ils reçoivent.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Puis, contre l’avis du rapporteur général, elle adopte l’amendement AS1518 de Mme Béatrice Bellay.

Amendement AS482 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Je me réjouis que l’amendement précédent ait été adopté, car il incite le gouvernement à réfléchir à la majoration des prestations sociales, notamment des allocations familiales, du revenu de solidarité active (RSA) et des allocations logement, dans les territoires dits « pays des océans ».

Philippe Vigier a dit à juste titre que nous étions dépouillés d’un pouvoir essentiel, celui de nous prononcer sur les mesures cachées qui relèvent de l’Ondam, décidées par le pouvoir réglementaire. L’an dernier, il s’agissait de l’augmentation des franchises ; cette année, il s’agirait du délestage de l’assurance maladie au profit des organismes complémentaires s’accompagnant d’une augmentation de 30 à 40 % du ticket modérateur.

Par cet amendement, nous disons avec force que le ticket modérateur applicable aux consultations de médecine générale et de sages-femmes doit être stable, afin d’éviter une augmentation des cotisations aux organismes mutualistes et complémentaires.

M. le rapporteur général. Je vous invite à interpeller le Gouvernement en séance sur cette mesure de nature réglementaire, donc à retirer cet amendement ; à défaut j’émettrai un avis défavorable.

Nous partageons les mêmes inquiétudes. Les chiffres présentés dans votre exposé sommaire ne peuvent laisser insensible : 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant, alors même qu’il joue un rôle important.

Il est donc nécessaire de former plus de médecins. Tel était l’objet de ma proposition de loi, votée à l’Assemblée au mois de décembre 2023 et en navette au Sénat, dont, j’espère qu’elle sera adoptée. Au-delà des clivages politiques, nous devons travailler ensemble pour régler ce problème fondamental. Quels que soient les gouvernements, depuis trente ans l’enjeu est de former davantage de médecins pour tenir compte des besoins de la population, de son vieillissement et, surtout, des départs à la retraite des médecins, qui ne sont toujours pas compensés – il faut 2,3 médecins pour en remplacer un, ce qui ne facilite pas la lutte contre les déserts médicaux.

Mme Joëlle Mélin (RN). Du fait de l’augmentation du reste à charge, les personnes âgées qui ne souffrent pas d’une ALD continueront de souscrire à des mutuelles complémentaires qui leur coûtent en moyenne plus de 100 euros par mois. Moyennant quoi, elles rogneront sur d’autres dépenses comme la nourriture ou le chauffage. Quant aux personnes plus jeunes en activité, elles ne prendront pas de mutuelle et ne se soigneront pas faute de remboursement intégral.

Compte tenu de son impact sur le porte-monnaie et le comportement des personnes, l’augmentation du ticket modérateur pour les consultations de médecins et les actes réalisés par les sages-femmes n’est pas admissible. Cet amendement est bienvenu.

M. Philippe Vigier (Dem). Nous abîmons l’universalité de l’assurance maladie. Ces transferts entraînent non seulement une augmentation du prix des mutuelles et du reste à charge mais aussi un renoncement aux soins, à rebours de la politique d’élargissement de la prise en charge par l’assurance maladie menée depuis 2017.

Voter cet amendement n’aurait aucun effet car le dispositif relève du domaine réglementaire. Mieux vaut le retirer et tous nous mobiliser dans l’hémicycle afin de faire bouger les choses.

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous sommes tous attachés à l’absence de reste à charge mais je ne partage pas le point e vue de Philippe Vigier : si cet amendement était adopté à une large majorité, voire à l’unanimité, le symbole serait fort et nous serions d’autant plus solides en séance où nous devrons d’autant plus avoir ce débat que les réponses que nous a faites la ministre sur l’augmentation de 7 % des tarifs des complémentaires n’étaient pas satisfaisantes.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Bien que ce dispositif relève du domaine réglementaire, nous devons à ceux qui nous regardent d’avoir ce débat dans l’hémicycle. Nous nous abstiendrons donc sur cet amendement.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous sommes tous favorables à la préservation de l’universalité du système de santé et des valeurs de la sécurité sociale. Nous pourrons l’exprimer de manière forte et soudée dans l’hémicycle.

M. le rapporteur général. Après ce qui vient d’être dit j’invite à le retirer cet amendement et à ce que nous ayons une discussion en séance.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je ne le retire pas. La force du symbole est importante : si nous votons cet amendement en commission, nous serons plus forts en séance.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS163 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement d’appel vise à concrétiser l’annonce du Premier ministre faisant de la santé mentale une grande cause nationale.

La santé psychique, notamment des jeunes, s’est détériorée depuis 2020. Elle nécessite de prendre des mesures d’urgence comme celles que Joël Aviragnet et moi-même avons faites dans une proposition de loi et dont le Gouvernement devrait s’inspirer : engager un travail de déstigmatisation des troubles psychiques ; transformer radicalement notre système de santé en s’appuyant sur des équipes pluridisciplinaires ; privilégier l’ambulatoire ; renforcer le principal outil de soins en santé mentale, à savoir la formation et le recrutement massif de personnels.

M. le rapporteur général. Je souscris totalement à vos propos : la santé mentale est un sujet très important. Nous attendons avec grand intérêt les conclusions de la mission d’information sur les urgences psychiatriques confiée à Sandrine Rousseau et à Nicole Dubré-Chirat.

Nos débats ont montré que nous étions tous favorables au grand plan de santé mentale. Même si cet amendement vous permet d’aborder cette question, les mesures qu’il propose n’ont pas leur place dans une annexe pluriannuelle au PLFSS.

Avis défavorable ; à défaut, demande de retrait.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Certes, nous attendons les conclusions de la mission d’information mais elle vise la psychiatre, alors que nous évoquons la santé mentale et psychique. Par ailleurs, mon amendement propose des axes précis visant à transformer le système de santé s’agissant du traitement des troubles psychiques. Je ne le retire donc pas.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Nous ne pouvons qu’amender l’annexe puisque le PLFSS ne fait nulle mention de la santé mentale, psychique ou psychiatrique. C’est d’autant plus étonnant que la santé mentale a été déclarée grande cause du quinquennat par le Premier ministre.

Lors des auditions, Nicole Dubré-Chirat et moi-même nous sommes engagées auprès des personnes que nous avons auditionnées à débattre de cette question lors de l’examen du PLFSS.

M. le rapporteur général. La santé mentale est une priorité nationale et je regrette comme vous qu’il n’y ait pas d’accroche dans le texte du PLFSS.

Toutefois le rôle du rapporteur général est d’éclairer la commission et d’être l’intermédiaire entre le Gouvernement et l’Assemblée. Or modifier l’annexe n’aura aucun effet sur l’état de la santé mentale.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS109 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement vise à compenser à l’euro près l’exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Le voter permettrait de solenniser la position de la commission des affaires sociales.

L’annexe au PLFSS donne les orientations des politiques, ce qui lui confère une certaine force. Ce n’est pas un simple dossier de presse de l’exécutif et le législateur a bien la faculté de l’amender.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

M. Fabien Di Filippo (DR). Je ne suis pas d’accord avec la philosophie de cet amendement pour deux raisons. Premièrement, les baisses de cotisations concernent de nombreuses catégories de revenus, notamment les bas salaires, sans pour autant qu’on ne demande une compensation au profit de la sécurité sociale.

Deuxièmement, pour vous, le travail est un gâteau qui se partage selon la logique la plus malthusienne possible ; ce n’est pas ainsi que notre pays s’en sortira.

Thibault Bazin a dit que l’insuffisance de production de richesses et de travail posait un problème de financement de notre modèle social. À l’époque, la loi sur les heures supplémentaires avait permis à des personnes de financer leur résidence principale. Elles n’ont volé le travail de personne ; au contraire, elles ont contribué à créer de la richesse et de l’emploi.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS157 de M. Boris Vallaud et AS988 de M. Damien Maudet, amendements AS158 de M. Boris Vallaud, AS783 et AS787 de M. Laurent Panifous, amendements identiques AS700 de Mme Karine Lebon et AS971 de Mme Sandrine Rousseau, amendement AS159 de M. Boris Vallaud (discussion commune)

Mme Océane Godard (SOC). L’amendement AS157 vise à abroger la réforme des retraites, coup de force politique décidé pour des raisons purement stratégiques, politiques et budgétaires, au mépris du débat, du dialogue et de la mobilisation syndicale. Cette réforme ne se fonde pas sur un bilan raisonné et objectif du système de retraites et il est bien difficile d’y adhérer tant la méthode a été brutale.

Elle traduit par ailleurs un mépris pour le marché du travail, pour celles et ceux qui occupent les métiers les plus pénibles et que nous avons applaudi chaque soir à vingt heures pendant la crise du covid et qui seront les premiers affectés par cette réforme brutale.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Par l’amendement AS988, nous proposons l’enterrement festif de votre réforme des retraites avec un retour de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans. Le Gouvernement a émis l’hypothèse d’améliorer sa réforme : améliorons-la en l’abrogeant.

Ce texte est une forfaiture parlementaire et une trahison du plus grand nombre qui s’est mobilisé dans tous les secteurs, et de tous les organismes du monde du travail et du syndicalisme.

Les ouvriers vivent jusqu’à 59 ans sans problème sensoriel et physique ; en revanche 40 % des personnes âgées de 62 ans n’ont plus le droit de partir à la retraite et ne sont plus au travail car elles sont cassées ou subissent des discriminations à l’embauche. Vous les avez livrées au patronat et condamnées aux minima sociaux. Tout le monde doit pouvoir profiter de la vie après une vie de travail, il faut donc abroger votre réforme.

Mme Sandrine Runel (SOC). Chez nous, pas d’escroquerie : notre amendement AS158 vise à abroger le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans et la hausse accélérée de la durée de cotisation. La réforme des retraites est injuste car elle pèse sur ceux qui devront travailler plus longtemps qu’espéré, jusqu’à 64 ans, tandis que les cadres et les professions intellectuelles auraient de toute façon travaillé au-delà de cet âge pour atteindre 43 annuités. Elle frappe celles et ceux qui occupent les métiers les plus pénibles, souvent des femmes, grandes perdantes de la réforme puisque la majeure partie du bénéfice de leur congé maternité leur est retirée.

J’invite les députés du Rassemblement National, dont nous examinions hier une proposition de loi visant à abroger cette réforme, à voter notre amendement.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Le groupe LIOT s’est toujours opposé à la réforme des retraites, qu’il juge brutale, socialement injuste, irrespectueuse du dialogue social et du travail parlementaire, l’Assemblée nationale n’ayant pu voter le texte.

Le Conseil constitutionnel a censuré certains articles relatifs à l’emploi des seniors et à la pénibilité, tandis que le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) relativise l’efficacité de la réforme : des économies seront certes réalisées à court terme, mais l’effet se tassera à long terme et la réforme sera même coûteuse. En outre, le Gouvernement n’a jamais étudié le coût de sa réforme sur les autres postes de dépenses : la santé – arrêts maladie, accidents du travail, maladies professionnelles... –, le chômage, le RSA et les autres prestations de solidarité.

Notre amendement AS783 vise l’abrogation de la réforme et la convocation d’une conférence de financement du système de retraite avant le 31 décembre 2024, tandis que l’amendement AS787 prévoit la suspension de la réforme et la tenue de cette conférence.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Par l’amendement AS700, nous souhaitons que l’annexe du PLFSS mentionne un objectif clair : l’abrogation du report de l’âge légal de la retraite à 64 ans. Le groupe Gauche Démocrate et Républicaine et l’ensemble de la gauche se sont vivement mobilisés contre cette réforme qui a été imposée avec une violence inouïe, après confiscation du débat, alors que des millions de Français étaient dans la rue et que l’intersyndicale était unie. À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a recouru aux articles 44, 47-1 et 49.3 de la Constitution ; ce ne fut pas mieux au Sénat, avec le recours aux articles 38, 42, 44 bis et 46 du Règlement, autant de manœuvres visant à empêcher le Parlement d’exprimer haut et fort la parole des Français. Nos concitoyens ne veulent pas de cette réforme injuste qui pénalise les plus pauvres, les plus faibles et les plus précaires.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Par l’amendement AS971, nous proposons également l’abrogation de la réforme des retraites qui a été non pas votée, mais adoptée par voie de 49.3. L’ampleur des mobilisations et de l’opposition qu’elle a suscitées a été rappelée. J’insisterai sur le fait qu’elle ne prévoit aucun aménagement – les critères de pénibilité n’ont pas été revus – ni aucune évaluation du coût social induit : dépenses de santé supplémentaires, allocations, etc.

C’est un fait : la réforme des retraites a été imposée par un coup de force. Il reste à savoir si la nouvelle assemblée possède une majorité pour l’abroger. Le vote de ces amendements le démontrera.

Mme Béatrice Bellay (SOC). Comme nos collègues, nous demandons par l’amendement AS159 l’abrogation de la réforme des retraites décidée par le Gouvernement, en particulier du report de l’âge de départ à 64 ans. Cette réforme est au bénéfice de quelques‑uns, mais surtout au détriment de l’immense majorité de nos concitoyens, dont l’espérance de vie en bonne santé est de 63 ans. Plus d’un an après son entrée en vigueur, elle n’est toujours pas acceptée par les Français ; elle est d’ailleurs probablement à l’origine de la crise politique que nous vivons. En usant des artifices d’une Ve République à bout de souffle, à coup de 49.3 à répétition, le Gouvernement a dénié la volonté des Français. Cette volonté, nous voulons la respecter ; c’est l’objet de notre amendement.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

M. Fabien Di Filippo (DR). Nous avons eu ce débat hier à l’occasion de l’examen de la proposition de loi du Rassemblement National. J’ai été extrêmement critique à l’égard de la réforme des retraites l’année dernière, car elle condamne le système par répartition sans apporter de réponse à long terme. Avec vos amendements, c’est encore pire : vous faites trois pas en arrière. Aux 17 milliards d’euros d’amortissement de la Cades s’ajoutent 17 milliards pour la branche vieillesse, et vous êtes incapables d’avancer le premier centime de financement, ni de présenter une solution alternative de type capitalisation. Il ne serait pas honteux de tirer les conséquences de la situation démographique et d’affirmer que chaque Français devra contracter une assurance pour obtenir une pension de retraite décente, comme dans un grand nombre de pays voisins. Vos propositions ne feront que paupériser le pays, menacer lourdement l’équilibre du régime de retraites et appauvrir les retraités.

Mme Sabrina Sebaihi (EcoS). La réforme des retraites ne tient pas compte de la pénibilité de certains métiers ni de la carrière hachée des femmes, dont certaines partent déjà à la retraite à 67 ans. Il est urgent de l’abroger ; 90 % des actifs le demandent. C’est une question vitale. J’en prendrai un seul exemple : mes anciennes collègues caissières à Carrefour travaillent déjà très tardivement et sont obligées de porter des attelles tant leur métier est pénible. Sachez qu’une caissière porte en moyenne une tonne de marchandises par jour. Et vous voudriez leur demander de travailler plus longtemps, dans de mauvaises conditions, avec un état de santé dégradé et un salaire insuffisant ?

M. Christophe Bentz (RN). Je ne comprends pas pourquoi la gauche n’a pas retiré ses amendements en amont. Hier, le président de la commission des finances, Éric Coquerel, a annoncé qu’il était impossible d’abroger la réforme des retraites par voie d’amendement au PLFSS. C’est pourtant ce que vous faites. Vous mentez aux Français ; or répéter un mensonge mille fois n’en fera jamais une vérité. La vérité, la voici : hier dans notre commission, vous n’avez pas voté la proposition de loi du Rassemblement National, la seule qui aurait pu abroger la réforme des retraites. Nous voterons symboliquement vos amendements, tout en étant conscients qu’ils sont totalement inopérants.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je ne comprends rien à la position du Rassemblement National. Dans la campagne des législatives, M. Bardella a dit qu’il ne voulait pas abroger la réforme des retraites ; vous avez ensuite affirmé que vous étiez pour la retraite à 62 ans, mais dans votre programme, elle est passée à 66 ans. Quand nous avons proposé un amendement avec la conférence de financement, vous ne l’avez pas voté afin de ne pas augmenter les cotisations. En définitive, vous nous avez soumis un texte qui entend financer une réforme en faisant travailler certains jusqu’à 64 ans pour financer la retraite à 62 ans...

En vérité, le Rassemblement National ne veut pas abroger la réforme des retraites ; sinon, il saurait comment le financer, il n’aurait pas bégayé pendant la campagne des législatives, et il ne proposerait pas de faire travailler des gens jusqu’à 66 ou 67 ans. Les Français n’ont pas la mémoire courte ; ce vote révélera si vous avez des convictions ou si vous êtes des Bardella en puissance.

M. Jérôme Guedj (SOC). La réforme des retraites a été adoptée dans un vecteur législatif baroque, un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Par parallélisme des formes, c’est par une série d’amendements au PLFSS que nous exprimons notre opposition, qui n’a pas bougé d’un iota. Hier, nous avons défendu des amendements visant à dégager des ressources pour la branche vieillesse, avec une surcotisation de l’assurance vieillesse et la création d’une conférence de financement. C’est ce qui nous différencie du Rassemblement National : quand nous proposons d’abroger la réforme des retraites, nous expliquons comment nous corrigerons le manque à gagner et comment nous assurerons un financement alternatif juste et pérenne de la branche vieillesse.

M. le rapporteur général. Soyons clairs : l’abrogation de la réforme des retraites que vous proposez, avec un départ à 62 ans, aura un impact budgétaire de 3,5 milliards d’euros en 2025, 30 milliards en 2028 et 83 milliards en 2032. Personnellement, nous aimerions tous partir plus tôt à la retraite – mes collègues soignants par exemple, qui exercent une profession difficile, ont parfois du mal à faire leurs dernières années. Pour autant, on ne peut pas raser gratis, pour reprendre l’expression de M. Vigier. Il est bien beau de promettre un départ à 62 ans, mais qui paiera ? Vous remettez en cause le système par répartition et vous favorisez une évolution vers un système par capitalisation qui laissera beaucoup de gens sur le bord du chemin, en particulier les plus faibles.

Sachez aussi que l’âge de départ à la retraite est de 67 ans en Allemagne, en Italie et au Danemark, et de 65 ans en Belgique et en Espagne

Je reconnais cependant que des mesures d’adaptation pourraient être trouvées, dans un esprit consensuel, concernant le taux d’emploi des seniors et les aménagements liés à la pénibilité.

Enfin, ne mentons pas aux Français : c’est n’est pas en modifiant une annexe du PLFSS que l’on peut abroger la réforme des retraites. Si ce débat doit avoir lieu, ce doit être dans l’hémicycle, sur un texte de loi adapté.

M. le président Frédéric Valletoux. Sur les amendements identiques AS157 et AS988, je vous indique avoir été saisi par plusieurs commissaires de différents groupes d’une demande de vote par scrutin. Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 44 du Règlement de l’Assemblée nationale, le scrutin est de droit quand il est demandé par au moins 10 % des membres de la commission.

Il est procédé au vote, par scrutin public et par appel nominal, des amendements identiques AS157 et AS988.

Votent pour :

Mme Ségolène Amiot, Mme Béatrice Bellay, M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, M. Louis Boyard, M. Hadrien Clouet, M. Paul-André Colombani, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Océane Godard, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, Mme Florence Herouin-Léautey, Mme Chantal Jourdan, Mme Émeline K/Bidi, Mme Katiana Levavasseur, M. René Lioret, Mme Christine Loir, M. Benjamin Lucas-Lundy, M. Damien Maudet, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, M. Serge Muller, M. Sébastien Peytavie, Mme Lisette Pollet, Mme Angélique Ranc, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Sandrine Rousseau, Mme Sandrine Runel, Mme Sabrina Sebaihi, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, Mme Céline Thiébault-Martinez et Mme Mélanie Thomin.

Votent contre :

M. Thibault Bazin, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, Mme Josiane Corneloup, Mme Sophie Delorme, M. Fabien Di Filippo, M. François Gernigon, M. Jean-Carles Grelier, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, M. Pierre Marle, Mme Joséphine Missoffe, M. Christophe Mongardien, M. Yannick Neuder, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-François Rousset, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal et M. Philippe Vigier.

Les résultats du scrutin sont donc les suivants :

Nombre de votants : 57

Pour : 37

Contre : 20

En conséquence, la commission adopte les amendements AS157 et AS988 et les autres amendements tombent.

Amendement AS238 de Mme Sophie Pantel

Mme Sandrine Runel (SOC). Les sapeurs-pompiers ont été exemplaires et ont joué un rôle essentiel lors des récentes inondations. Nous souhaitons rappeler au Gouvernement son obligation de prendre le décret d’application de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale de 2023 concernant la bonification de la retraite des sapeurs-pompiers volontaires.

M. le rapporteur général. Nous avons tous défendu cette bonification, elle a été promise, mais le décret se fait toujours attendre. Bien que ce ne soit pas le bon vecteur pour rappeler le Gouvernement à son obligation, j’émets un avis favorable.

M. Thibault Bazin (DR). Cette bonification faisait partie des avancées de la fameuse loi de financement rectificative de la sécurité sociale sur laquelle nos collègues veulent revenir. Il est d’ailleurs étonnant qu’une majorité souhaite abroger la réforme des retraites qu’elle contient, sans s’accorder sur des solutions de financement. Le vote qui vient d’avoir lieu met en péril la protection sociale : il en coûtera 17 milliards d’euros au système de retraites. Vous me répondrez que vous avez prévu toutes les taxes et cotisations nécessaires dans votre exposé sommaire ; les dettes d’aujourd’hui seront donc les cotisations demain, et le pouvoir d’achat des Français en pâtira. Si l’on y ajoute les problèmes de financement du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et du FRR, le dérapage est inacceptable. À force d’augmenter les taxes et les cotisations, vous mènerez le pays dans une direction très dangereuse ; les Français les plus vulnérables en seront les premières victimes

M. Thomas Ménagé (RN). Nous voterons l’amendement. Puisque la bonification de la retraite des sapeurs-pompiers volontaires a été votée, son décret d’application doit être pris sans attendre. Je note que les décrets d’application relatifs au report de l’âge légal ont, pour leur part, été pris très rapidement. Faut-il soupçonner une mauvaise volonté ?

Pour en revenir à la réforme des retraites, le Rassemblement National a démontré sa cohérence et son sens de l’intérêt général en votant les amendements de nos collègues, même s’ils sont une escroquerie. Une devinette pour finir. Qui a dit : « Un amendement au PLFSS ne peut pas abroger la réforme des retraites » ? Éric Coquerel. Fin du jeu !

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). M. Bazin soulève le débat fondamental du report de la charge dans le temps. Mais que se passe-t-il depuis un siècle ? Le gâteau grossit, on produit toujours plus de richesse chaque année, et l’on augmente donc la part de PIB allouée aux retraites, sans que cela ne fasse perdre de l’argent à personne.

Contrairement à ce que vous dites, monsieur le rapporteur général, la France n’a pas l’âge de départ à la retraite le plus bas. En Norvège, en Grèce, en Slovaquie et en Suède, on part plus tôt. Pour les femmes, c’est aussi le cas en Autriche, en Croatie, en Pologne et en Bulgarie.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS472 de M. Laurent Panifous

M. Paul-André Colombani (LIOT). Nous souhaitons inscrire dans l’annexe du PLFSS l’engagement du Gouvernement de créer 6 500 ETP de soignants en Ehpad en 2025, afin de respecter l’objectif de 50 000 ETP supplémentaires en 2030. Au lendemain de la crise du covid et du scandale Orpea, il est indispensable de renforcer le taux d’encadrement dans les Ehpad, et par conséquent de recruter des soignants.

M. le rapporteur général. La trajectoire financière présentée à l’annexe 3 intègre bien le plan de création de 50 000 solutions d’accompagnement en soins à l’horizon de 2030. Lors de son audition, le ministre Paul Christophe a clairement confirmé le recrutement de 6 500 professionnels en 2025, ce qui se traduit dans la hausse d’environ 6 % des dépenses sur la branche autonomie. Même si les arbitrages sur l’autonomie peuvent prêter à discussion, ils vont plutôt dans le bon sens.

Votre amendement est satisfait. Retrait ou avis défavorable.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Qu’il soit satisfait, je n’en suis pas sûr : on parle de 50 000 ETP, mais j’aurais aimé que soit indiquée précisément la trajectoire de 6 500 postes par an.

M. le rapporteur général. Lors de son audition, le ministre a clairement fait état de 6 000 postes en 2024 et de 6 500 postes en 2025. Y aura-t-il suffisamment de personnes formées et disponibles pour les occuper ? C’est une autre histoire. Quoi qu’il en soit, la volonté de créer ces postes est affichée dans l’annexe 3.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Cela a été dit, mais ce n’est écrit nulle part.

M. Jérôme Guedj (SOC). Lors de sa campagne électorale de 2022, le Président de la République s’était engagé à créer 50 000 postes à l’horizon de 2027. À l’époque, la Fédération hospitalière de France et toutes les fédérations expliquaient qu’il fallait en créer 100 000 pour avoir un ratio d’encadrement suffisant. En cours de route, lors d’un débat sur le PLFSS, Élisabeth Borne a fait glisser de 2027 à 2030 l’horizon de création de ces 50 000 postes. Non seulement les créations ont été notoirement insuffisantes – 3 000 en 2023 et 6 000 en 2024 –, mais ces postes n’ont probablement pas été tous pourvus. Que l’on arrête cette communication qui tend à nous faire croire que c’est ce qui va sauver les Ephad. Il serait bon d’apporter la précision demandée par cet amendement – je nous trouve même conciliants face à l’effacement de l’ampleur des besoins évalués par les professionnels.

Mme Annie Vidal (EPR). Pourquoi l’horizon de ces 50 000 recrutements a-t-il été repoussé de 2027 à 2030 ? Vous le savez très bien : on essaie de s’adapter à la réalité, à la difficulté de recruter et former dans des métiers qui souffrent d’un vrai déficit d’attractivité. On pourrait annoncer la création de 10 000, 20 000 ou 30 000 postes cette année, qui ne seraient pas pourvus. D’où le nombre de recrutements retenu. Les chiffres figurent en annexe. Vous pouvez toujours ajouter une ligne de plus, cela n’aura d’autre conséquence que de rendre le texte plus bavard.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS162 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). En toute cohérence, cet amendement devrait connaître le même sort que le précédent. Le principe d’une loi de programmation sur le grand âge a été posé grâce à l’adoption d’un amendement que j’avais déposé – identique à celui de collègues de plusieurs groupes – lors des débats sur la loi portant mesures pour bâtir la société du bien‑vieillir et de l’autonomie, dont Annie Vidal était corapporteure. L’article 10 de ce texte prévoit que le Gouvernement doit présenter une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge avant le 31 décembre 2024. Élisabeth Borne s’y était engagée dans l’hémicycle, mais Gabriel Attal et Michel Barnier ne l’ont repris ni l’un ni l’autre dans leur déclaration de politique générale. À un moment où l’on parle beaucoup de coconstruction, il est ahurissant de voir le Gouvernement faire la sourde oreille à une demande des parlementaires, qui plus est inscrite dans la loi. D’une certaine manière, le Gouvernement se met hors la loi. À travers cet amendement, nous lui rappelons l’obligation de faire une loi de programmation pour le grand âge. Ce sera difficile avant le 31 décembre 2024, mais c’est encore possible dans le courant de l’année 2025.

M. le rapporteur général. J’aurais tendance à demander le retrait de cet amendement qui n’entre pas strictement dans le cadre de nos débats, mais je vais écouter les échanges avant de donner mon avis.

M. Thibault Bazin (DR). Cher collègue Jérôme Guedj, nous étions et nous restons unis dans ce combat en faveur d’une loi de programmation pour le grand âge. Pour relever le grand défi que représente le vieillissement de la population, il faut que l’on redresse nos comptes pour dégager des moyens. Mais votre amendement propose d’écrire un engagement qui figure déjà dans un article de loi... non appliqué. L’inscrire une nouvelle fois dans un autre texte reviendrait à afficher une certaine forme d’impuissance politique un peu lamentable. Ce n’est d’ailleurs pas le seul exemple de mesure adoptée et non appliquée. Depuis l’adoption en 2016 de la « loi Claeys-Leonetti » sur la fin de vie, nous n’avons reçu qu’une seule fois le rapport sur le déploiement des soins palliatifs, qui devait nous être remis tous les ans. Monsieur le président, je vous invite à demander ces rapports. La pluriannualité serait problématique. Pour ma part, je pense qu’il faut travailler chaque année sur tous les aspects pluriannuels pour éventuellement faire évoluer le cadre organique. Quoi qu’il en soit, il ne me semble ni judicieux ni crédible de demander une deuxième fois au Gouvernement de présenter cette loi de programmation avant le 31 décembre.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Nous avons déjà mené de longues batailles sur le sujet et le message adressé ici est essentiel. Regardez dans quel état se trouve l’hôpital, faute d’avoir pris en temps utile les mesures nécessaires, notamment en ce qui concerne la formation de médecins. Au vu du manque de moyens et de l’accroissement du nombre de personnes dépendantes, nous risquons d’assister à une explosion terrible. Ce n’est peut-être pas le cadre idoine pour le faire, mais nous devons envoyer un message très fort parce que nous ne sommes pas à la hauteur du défi qui nous attend, et il va falloir l’être.

Mme Joëlle Mélin (RN). Même si nous sommes bien conscients de l’impossibilité de respecter la date du 31 décembre 2024, nous pensons qu’il faut marteler l’idée que nous ne pouvons pas continuer à faire des lois inachevées. Or la création de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) est inachevée. Trois hommes politiques ont pu se flatter d’avoir créé la cinquième branche de la sécurité sociale, mais cela ne ressemble à rien : l’État abonde la CNSA qui abonde les départements qui font gérer les prestations pour tiers par les caisses d’allocations familiales. Aucune ménagère de plus de 50 ans ne ferait une gestion pareille ; nous n’avons pas de raison de le faire. Il est impératif que la loi sur le grand âge voit le jour le plus vite possible.

Mme Annie Vidal (EPR). Sur le plan théorique et intellectuel, je ne peux qu’être d’accord avec vous concernant cette loi sur le grand âge. En regardant les choses plus froidement, on se rend compte que l’adoption d’un amendement n’a pas suffi à contraindre le Gouvernement à présenter une loi de programmation. Néanmoins, les deux corapporteures du texte avaient soutenu cet amendement pour obtenir un engagement des ministres au banc – trois ministres s’y sont successivement engagés. À mon avis, ce n’est pas une loi de programmation dont nous avons besoin, mais une loi sur le grand âge qui nous permettrait davantage d’englober tous les thèmes. La commission doit s’emparer de ce sujet, y compris sous l’angle du financement des mesures. En revanche, je ne suis pas d’accord avec vous concernant la CNSA, dont le budget a doublé et qui fonctionne désormais comme une branche.

M. François Gernigon (HOR). Quel que soit notre groupe d’appartenance, nous sommes tous convaincus de la nécessité d’une loi sur le grand âge. On peut en revanche s’interroger sur la valeur de lois de programmation qui ne sont pas appliquées faute de financement. La loi sur le bien vieillir, adoptée en avril dernier, a créé les services publics départementaux de l’autonomie, qui répondent à un souci d’organisation territoriale dans ce domaine. Il nous faut notamment aborder le virage domiciliaire, approche qui consiste à favoriser le maintien à domicile des personnes âgées, en lien avec les Ehpad. J’ai été frappé par l’une des données du rapport publié en avril dernier par la Cour des comptes : 40 % des lits d’hôpitaux sont occupés par des personnes âgées qui n’ont rien à y faire. Réfléchissons à l’organisation, évaluons le coût et avançons tous ensemble sur ce sujet.

M. le rapporteur général. Les échanges montrent que tous les groupes ressentent la nécessité d’une loi sur le sujet. Néanmoins, monsieur Guedj, je ne pense pas qu’il faille prévoir le dépôt d’un tel texte dans l’annexe du PLFSS. Référons-nous, dans ce domaine, à l’article 39 de la Constitution. Comme le suggère Thibault Bazin, je vais dédier ces échanges à Monique Iborra, grande défenseuse de la loi sur le grand âge, et émettre un avis favorable à cet amendement, en espérant que cela permettra au Gouvernement d’anticiper.

M. le président Frédéric Valletoux. Pour rebondir sur l’interpellation de Thibault Bazin à propos des rapports qui n’arrivent jamais, je dirais que les membres de la commission devraient sans doute s’interroger, à un moment ou l’autre, sur le caractère bavard ou incantatoire de certains textes. Nous participons parfois à une dérive que nous sommes les premiers à critiquer sur les plateaux de télévision.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS197 de Mme Sylvie Bonnet, amendements identiques AS666 de M. Laurent Panifous et AS1551 de Mme Sophie Pantel (discussion commune)

Mme Josiane Corneloup (DR). Les départements, chefs de file des politiques de l’autonomie, participent au financement du bien vieillir aux côtés de l’État et de la sécurité sociale, mais un soutien massif est nécessaire pour alimenter la cinquième branche – il était évalué à 9 milliards d’euros dans le rapport Libault de 2019.

Pour couvrir une partie de leur action, les départements perçoivent le concours de la CNSA, dont le taux de compensation moyen est de 40 % pour l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et d’un peu plus de 30 % pour la prestation de compensation du handicap (PCH). En très forte hausse depuis 2012, le reste à charge des départements n’est pas soutenable à long terme. Si l’on additionne toutes les allocations individuelles de solidarité – APA, PCH et RSA –, ce reste à charge s’élève à près de 12 milliards d’euros, contre 6,3 milliards en 2012. Or le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans va passer de 15 à 20 millions d’ici à 2030, tandis que les plus de 65 ans seront plus nombreux que le moins de 15 ans.

Dans ce contexte, l’amendement AS197 vise à affecter des ressources complémentaires aux départements, afin que le taux de couverture de leurs dépenses liées aux politiques d’autonomie par la CNSA atteigne 50 % avant le 31 décembre 2029.

M. Paul-André Colombani (LIOT). L’amendement AS666 est défendu.

Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). L’amendement AS1551 est défendu.

M. le rapporteur général. Vous avez raison : il faut réfléchir à de nouvelles modalités de compensation car le coût de ces dispositifs pour les départements est important et ne cesse de croître. Cependant, il ne faut pas affecter la hausse de 0,15 point de CSG à ce seul financement des concours de la CNSA, comme vous le proposez. Il faut aussi prévoir des moyens supplémentaires pour la création de places dans les Ehpad, l’amélioration de l’attractivité des métiers et d’autres mesures liées à l’autonomie. Je comprends votre préoccupation, mais je ne peux approuver cet amendement dans sa rédaction actuelle.

Retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement AS197.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendement AS727 de M. Yannick Monnet

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Nous contestons la progression de l’Ondam. Il n’est pas sérieux d’envisager 4,9 milliards d’euros d’économies à un moment où notre système de soins se trouve dans un état désastreux. Le déficit de la sécurité sociale n’est pas dû au dérapage des dépenses sociales et de santé. Le conseil d’administration de la Caisse nationale de l’assurance maladie a d’ailleurs massivement désapprouvé ce PLFSS dans son ensemble, et se montre plutôt sévère à l’égard des pouvoirs publics auxquels il reproche de prendre des mesures court-termistes et inefficaces au lieu d’engager une réforme structurelle pour résorber le déficit. Selon nous, l’Ondam pour 2025 traduit une surdité et une cécité devant l’effondrement de notre système de santé.

M. le rapporteur général. Pour faire gagner du temps, je vais éviter de répéter des arguments que j’ai déjà soulevés. Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Sur l’Ondam, j’avais déposé un amendement qui, à ma grande surprise, a été jugé irrecevable au titre de l’article 40. Je proposais de sortir les dépenses de prévention de l’Ondam. Ces dépenses sont élevées, contrairement à ce que l’on entend souvent dire, et il serait bon de pouvoir les mettre en évidence. Dans un second temps, il faudrait envisager de sortir complètement la prévention de l’Ondam.

M. le rapporteur général. Il s’agirait donc, dans un premier temps, de faire apparaître une ligne supplémentaire dans le tableau.

M. le président Frédéric Valletoux. Tous les débats sont bienvenus, mais ce n’est pas l’objet de l’amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS184 de M. Elie Califer

M. Jérôme Guedj (SOC). L’État va ponctionner les crédits de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), en plafonnant à 457 millions d’euros les contributions qu’elle perçoit, conformément à la loi du 10 juillet 1987, de la part des entreprises qui ne respectent pas le quota légal de 6 % d’emploi de travailleurs handicapés. L’État a donc décidé de garder pour lui tout ce qui dépassera du plafond. Les publics concernés sont accompagnés par la branche autonomie, qui se trouve dans le champ du PLFSS. À l’occasion des débats sur cette annexe, nous voulions donc afficher notre position de principe en la matière : on ne touche pas aux contributions perçues par l’Agefiph. Je pense qu’il faut revenir sur cette mesure, ainsi qu’Astrid Panosyan-Bouvet semble disposée à le faire.

M. le rapporteur général. Pour gagner du temps, je vais me contenter d’émettre un avis défavorable, mais je peux vous donner mes arguments si vous le souhaitez, monsieur Guedj.

M. Thibault Bazin (DR). Sur le budget de l’Agefiph, il y a eu un problème de communication : par le biais d’un jeu de vases communicants, l’association devrait conserver ses moyens pour l’emploi et l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Plus préoccupant est le déficit structurel des établissements qui, dans nos territoires, sont en charge de personnes en situation d’handicap, et dont le financement n’a pas été revu depuis la crise du covid-19. Actuellement, ils ont recours à des crédits non reconductibles qui les déresponsabilisent. Il est urgent que les agences régionales de santé revoient les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens de ces établissements, afin de leur redonner des perspectives, notamment en matière d’investissements.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Merci, monsieur Guedj, de poser cette question, même si elle relève plutôt du PLF. M. Bazin parle de garder les moyens, mais ne faudrait-il pas chercher plutôt à les augmenter pour remédier notamment à la situation des malvoyants, par exemple, qui rencontrent le plus de difficultés ? Les contrats de travail sont complexes, les remboursements insuffisants. Il serait pertinent de supprimer ce plafond.

Mme Christine Le Nabour (EPR). Dans le cadre du PLF, j’ai déposé un amendement pour supprimer le plafond et le remplacer par un prélèvement annuel de 50 millions d’euros, afin de sécuriser le financement des entreprises adaptées.

M. le rapporteur général. En tant que député et citoyen, je suis naturellement pour la pérennisation des missions de l’Agefiph en matière d’insertion professionnelle. En tant que rapporteur général, je vous signale que ce sujet relève du PLF et non du PLFSS. D’où mon avis défavorable.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). L’amendement a été jugé recevable !

M. le rapporteur général. Parce qu’il est déposé sur l’annexe.

La commission adopte l’amendement AS184.

Contre l’avis du rapporteur général, elle adopte ensuite l’amendement AS16 de M. Jérôme Guedj.

Puis elle rejette l’article 14.

La réunion est suspendue de douze heures quarante à douze heures quarante-cinq.

M. le président Frédéric Valletoux. Chers collègues, avant de mettre aux voix la deuxième partie du projet de loi, plusieurs députés souhaitent s’exprimer.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Le groupe EPR ne peut que constater que cette deuxième partie, relative aux recettes, a été complètement déstructurée. Après avoir rendu le PLFSS inconstitutionnel en supprimant les premiers articles, vous avez approuvé la création d’un grand nombre de taxes, mettant la croissance en péril et donc, à terme, le financement de la sécurité sociale. De plus, l’annexe a été si dénaturée qu’il a été impossible de l’adopter. En conséquence, nous rejetterons cette deuxième partie.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). En quelque sorte, madame Rist, vous découvrez la démocratie ! Je sais que les résultats des élections législatives ne vous plaisent pas, mais c’est la faute d’Emmanuel Macron, l’homme que vous n’avez pas voulu faire figurer sur vos affiches. Or qu’ont demandé nos concitoyens à cette occasion ? Une augmentation des recettes, afin de ne pas avoir à payer pour le trou que vous avez creusé. Vous n’avez plus tous les pouvoirs ; ce ne sera plus le 49.3 permanent.

Dans cette commission, mais aussi dans l’hémicycle, où est examiné le PLF, une majorité est en train de se dégager. Plus solide que le fameux socle commun de Michel Barnier, cette majorité approuve une politique qui, si elle ne vous plaît pas, est légitimée par les Françaises et les Français.

Vous vous opposez à cette deuxième partie du PLFSS, mais vous opposerez-vous aussi à l’usage d’un 49.3 qui risquerait de saboter les merveilleux débats et les merveilleux votes auxquels nous assistons depuis quelques jours ?

M. François Gernigon (HOR). Il ne s’agit pas de nier la démocratie : au contraire, elle doit s’exercer. Simplement, certaines des décisions votées hier nous paraissent totalement incohérentes et surtout de nature à fragiliser l’économie et la création de richesses, que nous préférons à la création de taxations. Voilà pourquoi nous voterons contre cette deuxième partie.

M. Thibault Bazin (DR). Monsieur Boyard, au fond, vous êtes d’accord avec le RN pour cramer la caisse, mais pas au sujet des financements ! (Exclamations.) Vous êtes d’accord pour augmenter la fiscalité et pour dépenser plus, avec pour résultat un dérapage budgétaire sans précédent.

J’ajoute que certaines des taxes que vous avez introduites auront un impact négatif sur l’agriculture ou encore sur les filières brassicole et équine.

Pire, le rejet de l’article 12 nous met en contravention avec la loi organique.

Comment financerez-vous le FSV et le FRR ? Il faut être sérieux et suivre une approche cohérente et équilibrée entre dépenses et recettes, sous peine, demain, de mettre en péril notre protection sociale.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Après avoir répété que l’annexe ne servait à rien et qu’elle n’offrait qu’un simple éclairage, vous soutenez maintenant que les ajouts que nous y avons apportés déséquilibrent complètement le texte. Il y a quelque chose qui ne va pas !

Quant aux recettes, si nous avons un problème, c’est parce que vous avez supprimé l’article 6, vous asseyant ainsi sur les 5 milliards d’euros qu’il prévoyait. Cet argent va manquer à l’hôpital.

M. Jérôme Guedj (SOC). Soyons bien d’accord, le rapporteur général et une grande partie des députés vont voter contre la partie du PLFSS relative aux recettes. Nous avons là l’illustration de l’absence totale de coconstruction.

Vous avez mené une fronde contre le Gouvernement, car il entend revenir sur les exonérations de cotisations sociales pour dégager des recettes, une mesure que nous soutenons. C’est d’ailleurs parce que vous avez supprimé l’article qui contenait ce dispositif que la deuxième partie du PLFSS ne peut nous convenir – quand bien même certains de nos amendements sur la fiscalité comportementale ont été adoptés.

De plus, vous venez de rejeter l’annexe, alors que nous y avions fait ajouter le principe d’une abrogation de la réforme des retraites.

Ainsi allons-nous assister à une situation ubuesque – j’ai conscience que tout l’est en ce moment – où une très large majorité des membres de la commission des affaires sociales va rejeter, certes pour des raisons différentes, les recettes de la sécurité sociale. Nous expliquerez-vous ensuite, monsieur le rapporteur général, que ce choix n’est pas constitutionnel ?

M. Christophe Bentz (RN). Chers collègues, il n’y a pas lieu de s’énerver. Nos échanges ont beau être parfois fructueux et constructifs, nos prises de position et nos votes n’ont qu’une portée symbolique, étant donné que la version initiale du texte sera quoi qu’il arrive celle examinée en séance publique. C’est à ce moment que les décisions politiques importantes seront prises.

En outre, quand on est dans l’opposition, on s’oppose aux PLF et PLFSS, textes qui reflètent la trajectoire globale du Gouvernement. Voilà pourquoi nous rejetterons cette deuxième partie.

La commission rejette à l’unanimité la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

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8.    Réunion du jeudi 24 octobre 2024 à 15 heures (article 15 à après l’article 18)

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.15624712_671a433d4883a.commission-des-affaires-sociales--suite-de-l-examen-du-plfss-pour-2025-24-octobre-2024

La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 325) (M. Yannick Neuder, rapporteur général ; M. Guillaume Florquin, M. Louis Boyard, Mme Sandrine Rousseau et M. Jean-Carles Grelier, rapporteurs)

 

TROISIÈME PARTIE

DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2025

 

TITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES

Amendements de suppression AS17 de Mme Sandrine Runel, AS169 de M. Thibault Bazin et AS756 de M. Yannick Monnet

Mme Sandrine Runel (SOC). Nous déplorons évidemment les marges parfois très importantes réalisées par les laboratoires privés à but lucratif, mais l’article 15 risque d’aggraver le renoncement aux soins, sans pour autant les limiter.

Rien ne garantit que la baisse des tarifs n’entraînera pas une augmentation du reste à charge des patients : celui-ci sera pris en charge pour les patients couverts par une mutuelle, probablement au prix d’une augmentation, mais que se passera-t-il pour les 3 millions de Français qui n’en ont pas ? Encore une fois, c’est sur eux que reposent ces économies.

Dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), tout est bon pour augmenter toujours plus le reste à charge pour les patients. Nous proposons donc de supprimer l’article 15.

M. Yannick Neuder, rapporteur général. Effectivement, cet article est probablement trop contraignant : permettre à la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) de décider unilatéralement des tarifs porte une atteinte excessive à la négociation conventionnelle et au dialogue social. Il n’en reste pas moins nécessaire de mieux encadrer les dépenses de santé.

Il serait dommage de renoncer totalement à cet article : plutôt que de le supprimer, ce qui nous priverait de débat, je vous propose d’accepter certains des amendements à venir, qui visent à limiter le pouvoir décisionnaire unilatéral de la Cnam et offrent donc un meilleur équilibre entre maîtrise des dépenses de santé et préservation du dialogue social.

Avis défavorable aux amendements de suppression.

M. Philippe Vigier (Dem). En l’état, l’article 15 n’est pas acceptable. Accorder à la Cnam le pouvoir de décider seule en cas de désaccord avec les professionnels, c’est nier le paritarisme et le dialogue social, et accélérer la financiarisation. À terme, c’est l’accès aux soins qui en pâtira.

Le Gouvernement doit reconnaître qu’on ne peut pas laisser les choses en l’état, et ce constat vaut aussi pour l’article 16.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Dans l’imagerie comme dans beaucoup d’autres domaines médicaux, il existe de grosses disparités en matière de tarification des actes, et il est parfois un peu compliqué de faire le tri dans une telle jungle de tarifs.

Si, par facilité, on se contente de fixer un prix, on risque d’aggraver le renoncement aux soins et de créer à nouveau une médecine à deux vitesses : d’un côté, ceux qui peuvent accéder aux soins, de l’autre ceux qui ne peuvent pas, selon que les actes sont remboursés ou non.

Il est primordial de nous pencher sur la tarification des actes et les marges dégagées par certains professionnels de santé, au-delà de la seule imagerie.

Mme Joëlle Mélin (RN). Cet article est effectivement une atteinte en bonne et due forme au système conventionnel. Créé dans les années 1960, il tendait à rendre les patients solvables : les médecins s’engageaient à dispenser les soins appropriés, les patients à leur faire confiance, et la Cnam à rembourser ces derniers. Toute baisse du remboursement des patients ou du prix des actes représenterait une distorsion du système en vigueur depuis cinquante ans. Nous pouvons évidemment réfléchir à en changer, mais pas au détour d’un article du PLFSS.

Ce ne serait pas la première fois qu’on impose aux professionnels de santé un tarif opposable, mais la méthode reste pour le moins lapidaire. Nous sommes plutôt favorables à la suppression du principe de taxation forfaitaire proposé à l’article 15, mais la discussion doit rester ouverte.

M. Thibault Bazin (DR). Probablement préparé par l’administration, cet article, qui porte atteinte au principe même du dialogue conventionnel, est contraire à la nouvelle méthode voulue par Michel Barnier, qui souhaite rétablir les conditions du dialogue social. Il faut donc le supprimer.

Nous devons évidemment réfléchir à des moyens de maîtriser nos dépenses médicales, mais pas sous cette forme, sinon nous découragerons les professionnels de santé dans nos territoires, avec toutes les conséquences que l’on sait, notamment dans les territoires périphériques, qui en seront les premières victimes.

Mme Sandrine Runel (SOC). Nous souhaitons tous éviter le renoncement aux soins et la rupture du dialogue social entre le ministère et les professionnels. Cet article permettrait au ministre d’abaisser d’autorité les tarifs des professionnels, sans leur accord : ce n’est pas acceptable, d’où notre volonté commune de le supprimer.

Si nous n’avons pas la garantie que cet article sera retravaillé d’ici à l’examen en séance pour répondre à toutes les préoccupations qui se sont exprimées, nous maintiendrons notre amendement de suppression.

M. le rapporteur général. Comme je l’ai dit, cet article me semble extrême : il faut à la fois rendre les dépenses de santé plus efficaces et respecter le dialogue entre la Cnam et l’ensemble des acteurs de santé.

Concrètement, je vous propose de rejeter les amendements de suppression et d’adopter l’amendement à venir, AS448, de M. Colombani, qui, dans l’esprit de l’article 15, prévoit un suivi des économies réalisées, tout en gardant la porte ouverte au dialogue social. Bien écrit sur le plan juridique, il me paraît plus pertinent que l’amendement de M. Bazin, très semblable mais qui propose, lui, un suivi des objectifs de maîtrise de la dépense.

M. Paul-André Colombani (LIOT). L’article 15 bafoue l’esprit conventionnel des négociations, et à ce titre, je suis plutôt favorable à sa suppression. Mais n’oublions pas que les laboratoires d’analyses et d’imagerie sont avant tout des entreprises, qui doivent payer leurs salariés et amortir leurs investissements : il est délicat de bouleverser tout le système en cours d’année juste parce que nous en aurions décidé en commission.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Ces amendements me laissent perplexe. Évidemment, le plus simple serait de les adopter, ce qui ferait éminemment plaisir aux radiologues et aux laboratoires. Mais on ne peut pas déplorer à longueur de réunions de commission la financiarisation excessive des dépenses de santé, et en même temps, refuser de se doter d’outils pour lutter contre cette dérive !

Le taux de rentabilité des laboratoires d’analyse et d’imagerie dépasse 20 %, alors qu’il n’est que de 2 % ou 3 % pour les cliniques privées. Or les plus fervents opposants à la financiarisation et la privatisation de la santé sont ceux-là mêmes qui proposent de supprimer l’article. Celui-ci ne vise qu’à doter la Cnam d’un levier pour agir si les professionnels ne respectaient pas les volumes négociés.

M. Thibault Bazin (DR). Je souscris aux propos de Stéphanie Rist : il faut absolument maîtriser nos dépenses de santé et lutter contre la financiarisation du secteur. Seulement, ce n’est pas ce que fait cet article !

Le secteur n’est pas encore totalement financiarisé : même s’ils sont très minoritaires, il existe encore des laboratoires d’analyses ou d’imagerie de proximité, enracinés dans les territoires, où officient des médecins ou des biologistes – c’est un gage de pertinence et de qualité des soins. Ceux-là ne sont pas adossés à des fonds financiers, et pourtant, vu la rédaction de l’article, ils risquent fort d’être les premiers affectés par ce dispositif. Celui-ci devrait viser avant tout les groupes qui multiplient les actes et pour ce faire, font souvent appel à des sociétés d’imagerie basées à l’étranger.

M. Philippe Vigier (Dem). Nous sommes tous d’accord pour dire que la maîtrise médicalisée ne fera qu’accélérer la financiarisation. J’en veux pour preuve l’évolution connue par la biologie médicale, un domaine que je connais bien : aujourd’hui, 80 % des laboratoires appartiennent à des grands groupes, et ils sont tous fermés l’après-midi ! Voilà la vérité ! Finalement, ce sont les petits laboratoires indépendants qui font les frais des baisses de nomenclature, alors qu’ils ne font que respecter leurs engagements. Le même phénomène est en train de toucher la radiologie.

Avant de remettre en cause le cadre conventionnel, gage de qualité des soins au quotidien, commençons par renforcer la lutte contre la financiarisation qui, à terme, limitera l’accès aux soins et aggravera la désertification médicale.

M. Michel Lauzzana (EPR). Il y aura bien une négociation entre la Cnam et les professionnels, il n’y a donc aucune négation du dialogue. L’article prévoit simplement qu’en l’absence d’accord d’ici au 30 avril 2025, la Cnam pourra fixer unilatéralement la tarification des actes.

La biologie et la radiologie connaissent une forte évolution, c’est bien pour cette raison que ce sont les deux secteurs visés par le texte. Je ne suis pas opposé à l’activité libérale, tant s’en faut, mais il faut protéger les plus petits. Si le dialogue échoue, cet article permettra de sanctionner les dérives.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Effectivement, l’article prévoit un protocole. Mais les négociations, qui doivent notamment porter sur le volume d’actes, risque de pénaliser une minorité de petits groupes indépendants ou familiaux puisqu’ils réalisent moins d’actes. Par définition, ce sont pourtant les moins susceptibles de se rendre coupable d’importantes dérives financières.

M. le rapporteur général. Nous cherchons tous à lutter contre la financiarisation, y compris le Gouvernement, puisque c’est bien l’objectif de la baisse de la tarification proposée.

En principe, quand le tarif conventionnel B est diminué, le laboratoire se rattrape sur le volume. Mais, comme vient de l’expliquer Mme Amiot, les 20 % de petits laboratoires installés dans les territoires isolés ne peuvent pas compter sur cet effet volume : ils ne vont quand même pas se mettre à faire des prises de sang à tout le village pour compenser la baisse du prix de l’acte ! Si la Cnam décide unilatéralement d’une baisse des tarifs, les biologistes indépendants n’auront d’autre choix, pour survivre, que de se vendre à un grand groupe. Cela dégradera l’offre de soins : alors qu’ils étaient ouverts du lundi matin au samedi soir, ils deviendront de simples points de prélèvement ouverts seulement quelques heures par jour.

Les consultations médicales, les analyses biologiques et l’imagerie représentent 80 % des besoins médicaux dans les territoires. La disparition des laboratoires de biologie et d’imagerie n’aura qu’une conséquence : encourager le recours systématique à l’hôpital, à l’inverse de la logique qui nous pousse à essayer de redéployer de petites unités primaires de soins dans les territoires.

C’est pourquoi je suis défavorable à ces amendements de suppression. D’ailleurs, comme je l’ai dit à d’autres occasions, supprimer l’article nous priverait de débat. Essayons plutôt de trouver un consensus pour contraindre les tarifs sans bloquer le dialogue conventionnel. À cet égard, l’amendement de M. Colombani, bien rédigé, me semble pertinent. D’une part, il supprime la possibilité pour la Cnam de décider unilatéralement d’une baisse des tarifs au profit du dialogue avec les professionnels de santé. D’autre part, il propose un suivi des économies réalisées, ce qui, dans un souci d’efficacité de la dépense publique, semble plus adapté que le suivi des objectifs proposé par M. Bazin.

Mme Sandrine Runel (SOC). Puisque nos avis semblent globalement convergents, pourquoi ne pas retirer tous les amendements à l’article 15 et le réécrire, tous ensemble, d’ici à la séance ?

M. le président Frédéric Valletoux. On ne peut pas tout détricoter. Continuons nos travaux : la rédaction de l’article qui en résultera pourra toujours servir de base pour la réécriture en vue de la séance.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS681 de M. Thibault Bazin et AS448 de M. Paul-André Colombani (discussion commune)

M. Thibault Bazin (DR). Le système de protection sociale ne fonctionne pas à la schlague ! Le dialogue paritaire n’a pas toujours été la règle par le passé, il est donc essentiel de le maintenir. Personnellement, je suis très attaché au principe de la négociation conventionnelle. Or, s’il est remis en cause aujourd’hui pour la biologie et l’imagerie médicales, nul doute qu’il le sera aussi à terme dans bien d’autres secteurs. De nombreux professionnels nous ont d’ailleurs alertés sur les risques à bafouer ce principe conventionnel, alors qu’eux‑mêmes ne sont pas directement concernés par l’article 15.

Par cet amendement, je vous propose d’en revenir à l’impératif de dialogue conventionnel pour la négociation d’accords de pertinence et de maîtrise médicalisée – tant d’objectifs que l’on partage.

M. Paul-André Colombani (LIOT). L’article 15 prévoit une régulation des dépenses à travers des accords de maîtrise des dépenses dans le champ de l’imagerie médicale et de la biologie.

En cas de non-respect des objectifs quantitatifs ou de la trajectoire de l’accord de maîtrise des dépenses, constaté annuellement ou en cours d’année, et lorsque les mesures ne sont pas adoptées ou sont insuffisantes, le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam) peut décider unilatéralement de mesures de baisses des tarifs.

Ces dispositions vont à l’encontre du dialogue conventionnel entre la Cnam et les professionnels de santé. Cet amendement propose donc de supprimer les mesures permettant d’imposer unilatéralement une baisse des tarifs, pour en revenir à l’impératif de dialogue conventionnel pour la négociation des accords de pertinence et de maîtrise médicalisée.

M. le rapporteur général. Maintenant que nous avons rejeté les amendements de suppression, vous avez tout loisir de choisir lequel de ces amendements vous semble correspondre le mieux au champ de la négociation conventionnelle : M. Colombani propose que l’accord porte sur le montant des dépenses, M. Bazin sur les objectifs d’économies. Au regard de l’objectif d’efficacité des dépenses, le premier me semble préférable.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Nous voterons contre ces amendements.

Cinq laboratoires sur six sont financiarisés. Le rapport de force avec la Cnam dans le cadre des négociations conventionnelles est donc très déséquilibré : si les laboratoires décident de tout bloquer, la Cnam ne peut rien faire. On l’a bien vu récemment avec les grèves patronales et au moment du covid.

Cet article permet de doter la Cnam d’un outil nécessaire pour lui éviter de se faire piétiner dans les négociations et contraindre les laboratoires à diminuer les tarifs.

M. Thibault Bazin (DR). Sanctionner le non-respect des dépenses ou des objectifs revient au même, puisque les premières sont évaluées à l’aune des seconds. Si l’objectif est de faire de la prévention, alors soyons cohérents et optons plutôt pour ces derniers. Quoi qu’il en soit, c’est le principe même de l’article qui pose problème.

Mme Joëlle Mélin (RN). Je suis stupéfaite que notre collègue soit surpris par l’étendue de la financiarisation des laboratoires : dès lors que des lois les ont obligés à ouvrir leur capital – ce que les pharmaciens ont jusqu’à présent réussi à empêcher, au moins en partie – il est évident qu’on ne peut pas sans cesse diminuer les tarifs.

J’aurais adoré lire que le directeur de l’Uncam peut décider unilatéralement de procéder à des hausses de tarifs, mais évidemment, ce genre de proposition va toujours dans le sens d’un coup de rabot.

Il est encore possible de limiter les dégâts liés à la financiarisation, qui ont déjà fait beaucoup de mal. Mais il ne faut pas que cette lutte commune devienne un prétexte pour se contenter d’un statu quo.

M. Philippe Vigier (Dem). L’article prévoit que les négociations doivent aboutir avant le 30 avril 2025. Cela nous laisse quelques mois pour nous doter des outils nécessaires à la régulation de la financiarisation. Sans quoi, comme je l’ai dit à de nombreuses reprises, on court le risque d’accélérer la désertification médicale et la fermeture des petites structures. Rendez-vous dans six mois !

M. Paul-André Colombani (LIOT). Personne ne nie la financiarisation croissante du secteur, mais on ne peut pas s’asseoir de la sorte sur l’outil conventionnel qui régit les relations entre les médecins libéraux et la Cnam depuis plusieurs dizaines d’années. Quelques mois seulement après la conclusion, non sans peine, de la dernière convention, ce serait un très mauvais signal envoyé au monde libéral.

Reste que les laboratoires vont maintenir leurs marges en continuant à facturer des dépassements d’honoraires : à la fin, ce sont toujours les mêmes qui paient la note !

Mme Sandrine Runel (SOC). Nous ne voulons pas réguler la financiarisation, nous voulons y mettre un terme ! Nous ne voterons donc pas ces amendements. Nous regrettons que les discussions n’aient pas permis de dégager un consensus et espérons que le débat reprendra en séance.

La commission rejette successivement les amendements.

M. le rapporteur général. Je le dis sans malice, je ne comprends pas ce que nous sommes en train de faire. Il me semblait que l’objectif était de rejeter les amendements de suppression pour ne pas obérer les débats, et d’adopter l’amendement de M. Colombani, qui répondait à bon nombre des préoccupations qui s’étaient exprimées. Manifestement, ce n’est pas le cas.

Amendements AS449 de M. Laurent Panifous et AS474 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

M. Paul-André Colombani (LIOT). Travaillé avec France Assos Santé, l’amendement AS449 prévoit d’intégrer des objectifs de qualité et des critères territoriaux et de santé publique dans le cadre des accords relatifs à la régulation des dépenses dans les secteurs de l’imagerie et de la biologie, qui ne sauraient reposer uniquement sur des objectifs quantitatifs et financiers, au détriment de la pertinence et de la qualité des actes.

M. le rapporteur général. Par principe, on ne peut pas être défavorable à une telle proposition, mais aucun de ces deux amendements ne propose une rédaction satisfaisante au regard de l’ensemble des objectifs.

Je comprends que vous souhaitiez avancer sur le critère territorial. Aussi, en signe d’ouverture, j’émets néanmoins un avis favorable à l’amendement AS474, légèrement mieux écrit.

La commission adopte l’amendement AS449.

En conséquence, l’amendement AS474 tombe.

Amendement AS925 de M. Christophe Bentz

M. Christophe Bentz (RN). C’est un amendement rédactionnel et de cohérence. Le projet de loi laisse penser que les accords de maîtrise des dépenses dans les spécialités de biologie et de l’imagerie médicale sont facultatifs, alors qu’il prévoit de donner au directeur général de l’Uncam la possibilité de procéder unilatéralement à des baisses de tarifs pour les forfaits techniques et les actes. Le volume des actes d’imagerie médicale a connu une hausse de 8,5 %.

M. le rapporteur général. Vous souhaitez que ces accords soient obligatoires, mais nous venons de considérer, en rejetant les amendements de suppression, qu’un dialogue était nécessaire et que les décisions unilatérales étaient à proscrire.

Avis défavorable, car nous souhaitons plutôt réduire la toute-puissance décisionnaire de la Cnam.

L’amendement est retiré.

Amendement AS979 de M. Damien Maudet

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Cet amendement est un cri d’alerte visant à favoriser l’accès aux soins dans les secteurs de l’ophtalmologie et des soins dentaires, où les dépassements d’honoraires sont devenus la norme, rendant des soins essentiels inaccessibles aux personnes les plus modestes. Une régulation des prix permettrait à chacun d’avoir accès aux lunettes, aux lentilles et aux prothèses dentaires sans se ruiner. Elle doit être privilégiée pour baisser le reste à charge qui explose et limiter les disparités territoriales.

Au-delà des tarifs, la mainmise des fonds d’investissement constitue une autre menace. Nos services de soins paramédicaux ne doivent jamais être régis par des logiques financières : il est temps de mettre un coup d’arrêt à cette dérive en dynamisant la régularisation de l’acte dans le cadre d’un accord de bon usage, comme le prévoit l’article 15. C’est une question de justice sociale et d’égalité pour tous nos concitoyens, où qu’ils vivent.

M. le rapporteur général. J’entends votre alerte concernant les soins dentaires et l’ophtalmologie, mais je ne peux être favorable à votre amendement tel qu’il est rédigé. Je vous propose de le réécrire ensemble d’ici à l’examen du texte en séance publique.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous acceptons votre proposition, mais nous le maintenons, afin de démontrer l’enthousiasme qu’il suscite.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS1596 de M. Yannick Neuder

M. le rapporteur général. Cet amendement vise à fixer des objectifs quantitatifs et qualitatifs s’agissant du maillage territorial, des horaires d’ouverture et du maintien des capacités diagnostiques de proximité, dans les secteurs de la biologie et de l’imagerie médicales. Il vise à limiter le nombre de décisions unilatérales prises sans dialogue et à imposer des contraintes pour maintenir l’offre de soins dans les territoires.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS298 de M. Thibault Bazin, AS466 de M. Paul-André Colombani, AS755 de M. Yannick Monnet et AS1280 de Mme Annie Vidal, et amendements identiques AS253 de M. Thibault Bazin et AS1339 de Mme Annie Vidal (discussion commune)

M. Thibault Bazin (DR). L’article 15 ne vise pas uniquement à lutter contre la financiarisation, puisque même la Fédération hospitalière de France (FHF) et la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs demandent à être consultées dans le cadre des négociations sur les accords de maîtrise des dépenses qui leur seront appliqués. Des groupements d’intérêt économique (GIE) sont également concernés par ces accords. Cet amendement a pour but de prévoir la concertation avec les fédérations représentatives d’établissements de santé.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). L’amendement AS1280 est défendu.

Mme Annie Vidal (EPR). Ces amendements montrent l’intérêt de l’article 15, qui n’a heureusement pas été supprimé.

M. Thibault Bazin (DR). L’amendement AS253 est quasiment identique au précédent, à un mot près.

M. le rapporteur général. Le secteur de la biologie médicale est un bon exemple pour identifier les enjeux des négociations sur les accords de maîtrise des dépenses. Les biologistes hospitaliers, notamment, estiment que si la dégradation du tarif du B n’a pas d’effet majeur sur leur fonctionnement, elle conditionne néanmoins les stratégies de certains hôpitaux, cliniques ou centres de lutte contre le cancer en matière de développement de la biologie médicale.

Afin de ne pas laisser le champ libre au secteur libéral, qui a ses propres objectifs de revalorisation du tarif du B ; afin de promouvoir une gestion plus raisonnable de l’hôpital, reposant sur des objectifs qualitatifs quantifiés ; et afin de remplir certaines missions de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap), les stratégies de l’hôpital public doivent inclure une revalorisation du tarif du B.

De nombreux hôpitaux ont l’intention de revoir avec l’Anap les contrats de pôles et les aides à la performance. Il est nécessaire d’inviter les structures hospitalières à la table des négociations sur la valeur du tarif B, sans quoi il sera impossible de leur demander de prendre des mesures d’efficacité médico-économique.

Avis favorable aux amendements AS298 et identiques.

M. Philippe Vigier (Dem). Pour la première fois, les biologistes hospitaliers et privés demandent la même chose, à savoir la suppression de l’article 15. Nous devons prendre en considération l’offre de manière globale.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous sommes favorables à l’inclusion de tous les acteurs de la santé dans les discussions. Je pensais d’ailleurs – naïvement, peut-être – que la FHF était déjà consultée, d’autant que le président de notre commission en a été le président. D’ailleurs, pourquoi ne pas appliquer l’ensemble de ses recommandations, à commencer par celle visant à augmenter pour 2024 le budget de l’hôpital public de 2,4 milliards d’euros et l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de 3,9 milliards ?

Mme Joëlle Mélin (RN). Dans ma commune, un hôpital dit périphérique vit une situation inédite : son laboratoire central est contraint de passer dans le giron de l’Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille, chroniquement déficitaire. Il s’agit purement d’une opération de rentabilisation du service et cette financiarisation du secteur public est très étonnante.

Mme Stéphanie Rist (EPR). À l’instar de M. Vigier, je tiens à signaler le risque de fermeture de certains laboratoires de biologie si le tarif B était modifié. La question sous‑jacente est la suivante : jusqu’où laissons-nous se développer ce qui s’apparente à une rente pour 60 % des laboratoires ?

Par ailleurs, s’agissant de la radiologie, les hôpitaux publics ont aussi intérêt à négocier les tarifs pour attirer des praticiens. De quels moyens disposons-nous pour agir dès maintenant ? L’un d’entre eux consiste à ne pas laisser les tarifs des laboratoires privés augmenter. La rémunération des radiologues n’est plus juste : elle varie d’un à quinze selon les endroits et les statuts, alors que les actes sont les mêmes. Si nous n’en tenons pas compte, ce sont les patients qui finiront par payer l’écart.

M. Thibault Bazin (DR). Ce qui importe, c’est la pertinence et la qualité des soins, ainsi que l’accès aux soins. Il est problématique qu’en raison des contraintes de maîtrise des dépenses, certains établissements, notamment hospitaliers, sont tentés de faire appel à des sociétés financières, parfois basées à l’étranger.

On ne peut se contenter d’une logique de réduction des dépenses bête et méchante sans discuter avec tous les établissements, dont certains travaillent et investissent déjà ensemble, comme en témoignent les nombreux GIE public-privé. En favorisant la discussion entre tous les acteurs, il est possible d’éviter les examens ou les actes superflus et de permettre aux services des urgences de travailler plus rapidement et plus efficacement.

M. Hendrik Davi (EcoS). Je souscris aux propos de Mme Rist. À Marseille, l’hôpital Nord a été dépourvu de radiologistes pendant plusieurs mois, ce qui a entraîné la déprogrammation d’examens préalables à des chirurgies. Sur place, les personnels hospitaliers m’ont expliqué que les radiologistes et les préparateurs en radiologie étaient partis travailler dans le secteur privé. L’hôpital ne pouvait donc plus effectuer d’examens radiologiques cruciaux, alors que le secteur privé assurait la réalisation d’examens courants. C’est pourquoi nous devons réglementer les tarifs de ces actes.

M. le rapporteur général. Nous partageons votre constat, monsieur Davi, mais ce n’est pas l’objet de ces amendements. Nous sommes tous d’accord que les problèmes de la biologie et de la radiologie concernent les acteurs du secteur libéral comme les structures hospitalières. Or les amendements visent précisément à intégrer ces dernières aux négociations tarifaires, par le biais de leurs fédérations.

La commission adopte les amendements identiques AS298 à AS1280.

En conséquence, les amendements identiques AS253 et AS1339 tombent.

Amendement AS1597 de M. Yannick Neuder

M. le rapporteur général. Au titre de l’aménagement du territoire, il est nécessaire que les collectivités locales s’emparent des sujets, certes régaliens, relatifs à l’offre et à la qualité des soins, à la rationalisation et au maillage territorial.

Les communes, les communautés d’agglomération, les départements et les régions sont déjà nombreux, pour répondre à des besoins et renforcer leur attractivité, à participer au financement de maisons médicales ou d’autres établissements de soins. Il me semble qu’il ne serait pas sot de les intégrer aux discussions et aux réflexions, en lien avec la Cnam.

M. Jean-Carles Grelier (Dem). Vous voulez associer les élus locaux à la définition des tarifs de l’assurance maladie. La radiologie et la biologie médicale sont des activités soumises à autorisations, qui sont délivrées par les agences régionales de santé (ARS) dans le cadre des projets régionaux de santé et des schémas régionaux d’organisation des soins. Ces derniers font l’objet d’une large concertation, à laquelle participent les associations d’élus. S’il importe que les élus puissent donner leur avis sur les lieux d’implantation des appareils d’imagerie médicale ou des centres de biologie médicale, quel est l’intérêt de les associer à la définition des tarifs de l’assurance maladie ?

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Les régions peuvent se doter d’une compétence en matière de santé ; à ce titre, elles sont un acteur important de l’amélioration de l’accès aux soins, tant en matière d’équité que d’équipements. Toutefois, je ne comprends pas l’intérêt d’intégrer les associations d’élus locaux aux négociations sur les accords de maîtrise des dépenses.

M. le rapporteur général. S’agissant de la définition des tarifs, les élus locaux ne sont sans doute pas les interlocuteurs les plus pertinents, j’en conviens. Cependant, ils doivent avoir voix au chapitre lorsque la négociation tarifaire peut remettre en question la rentabilité d’un acteur de santé en faveur duquel ils ont consenti des investissements – un centre de soins, par exemple.

Madame Rousseau, j’entends votre remarque concernant les régions, mais les négociations tarifaires peuvent avoir des effets à l’échelle infraterritoriale.

M. le président Frédéric Valletoux. Les élus locaux participent déjà aux communautés professionnelles territoriales de santé, créées en 2019. De manière générale, les élus locaux sont associés à de nombreuses instances décisionnaires.

La commission adopte l’amendement.

Aamendement AS450 de M. Laurent Panifous.

M. Paul-André Colombani (LIOT). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS679 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Le présent amendement vise à supprimer l’alinéa 10 de l’article 15, qui accorde au directeur général de la Cnam la faculté de décider unilatéralement de baisses de tarifs de biologie ou d’imagerie médicale.

Le public et le privé ne sont pas hermétiquement séparés, comme vous semblez le penser : il existe de formidables alliances public-privé. Dans certains établissements publics, toute l’imagerie est gérée par des radiologues privés, qui assurent la permanence des soins ; certains sont même conventionnés secteur 1 ! De même, des laboratoires de proximité assurent la permanence des soins en matière de biologie médicale. Ces alliances, qui n’impliquent pas des acteurs financiarisés, permettent de garantir une réactivité satisfaisante et d’éviter la surprescription. Les acteurs publics et privés doivent travailler ensemble, autour d’objectifs partagés.

M. le rapporteur général. Avis favorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Monsieur Bazin, vous pourriez préciser que votre amendement est un copier-coller du courrier du lobby des grands laboratoires pharmaceutiques – pourtant, cela ne vous arrive jamais. J’ai reçu exactement le même, le 16 octobre : il a été rédigé par l’Association pour le progrès de la biologie médicale, qui regroupe les représentants des cinq principaux groupes de biologie – Biogroup, Cerba, Eurofins, Inovie et Unilabs.

Il est triste que des amendements, rédigés à l’avance par des acteurs économiques, soient défendus comme s’il s’agissait des nôtres et intégrés tels quels aux textes de loi.

M. Thibault Bazin (DR). Je dépose les amendements que je veux et personne ne m’oblige à en déposer. Lors des auditions que nous avons menées, la suppression de l’alinéa 10 a été proposée par différents acteurs, comme les professionnels paramédicaux, et pas uniquement par ceux que vous avez cités. La suspicion permanente doit cesser !

M. Philippe Vigier (Dem). Moi aussi, j’ai été contacté sur ces sujets, mais par de petits laboratoires. Par ailleurs, M. Bazin a raison, le clivage public-privé n’existe plus. Pour contrer la dérive financière, qui m’inquiète, nous pouvons agir sur les actions de préférence : le jour où leur rôle sera modifié dans les structures financières, le pouvoir sera rendu aux professionnels de santé. C’est un message que j’essaie de faire passer depuis longtemps ! Par ailleurs, nous devons également agir au niveau de l’octroi des autorisations, sur lequel nous avons la main, pour répondre aux besoins des territoires. Je voterai cet amendement, qui va dans le sens de l’amélioration de l’accès aux soins, ce que nous souhaitons tous.

M. Jean-Carles Grelier (Dem). Je me dois de défendre notre collègue Bazin contre les attaques visant son indépendance et sa loyauté. Nous le connaissons depuis longtemps dans cette commission, où son travail est apprécié, et nous ne pouvons laisser dire qu’il serait sous l’influence d’un lobby ou de quelque groupe que ce soit.

M. Jean-François Rousset (EPR). Nous sommes tous conscients de l’importance de disposer d’une radiologie et d’une biologie de très haut niveau, mais le choix des spécialités par les étudiants n’est jamais évoqué. Les écarts de revenus entre un biologiste ou un radiologue d’une part, et un chirurgien ou un psychiatre d’autre part, sont de nature à susciter des interrogations. Un biologiste peut déléguer une partie de ses tâches et n’a pas à travailler la nuit ; un chirurgien ne peut s’interrompre au beau milieu d’une opération pour aller se coucher.

Dans les années 2000, j’ai participé à la refondation de la nomenclature des actes médicaux et chirurgicaux, qui a duré trois ans et qui a montré sa pertinence ; quelques mois après, des lobbys ont tout remis en question. En tout état de cause, il y a là matière à réflexion.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1330 de Mme Joëlle Mélin

Mme Joëlle Mélin (RN). Cet amendement vise à insérer dans l’article 15 la notion d’événement sanitaire exceptionnel. Pendant l’épidémie de covid, les laboratoires de biologie ont heureusement répondu aux demandes des patients, en l’absence de toute régulation ; on a beau jeu ensuite de dire qu’ils ont profité de la situation ! L’État, en revanche, a été défaillant, puisque, sauf erreur de ma part, en mars 2020, le ministre de l’intérieur n’a pas déclenché le processus de gestion de crise.

M. le rapporteur général. J’étais plutôt défavorable à votre amendement, dont la rédaction doit être améliorée, mais compte tenu de vos explications, mon avis est favorable. Je vous invite néanmoins à en revoir la formulation.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). L’adoption de cet amendement signifie-t-elle qu’en cas de crise sanitaire, les tarifs ne seraient plus négociés ?

M. le rapporteur général. Votre question est pertinente, mais ce n’est pas tout à fait l’objectif de cet amendement. Celui-ci vise à ce qu’en cas d’événement sanitaire exceptionnel, les sanctions financières prévues lorsqu’un objectif n’est pas atteint ne s’appliquent pas. Si les laboratoires sont amenés à pratiquer beaucoup plus de tests que prévu en raison d’une nouvelle épidémie, on ne pourra pas leur en tenir rigueur.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS983 de M. Damien Maudet

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Du côté du groupe LFI‑NFP, nous sommes favorables à une reprise en mains publique des tarifs de certains laboratoires de biologie et d’imagerie médicales. Outre la concentration croissante et la financiarisation de ces acteurs, nous devrions également nous intéresser à leurs taux de profit, qui ont quasiment doublé depuis 2019. L’écart s’accentue cependant entre les groupes qui réalisent des profits très importants et ceux dont les profits diminuent.

À chaque fois que les grands groupes rachètent des laboratoires et augmentent la concentration du secteur, ils gèlent les salaires – des grèves ont eu lieu récemment chez Biogroup, Unilabs et Eurofins –, regroupent les plateaux techniques et commercialisent de plus en plus de bilans ou d’examens biologiques sans ordonnance, non remboursés et dont l’intérêt peut être douteux. Toutes ces raisons nous conduisent à être d’accord avec l’objectif de diminution des tarifs lorsque les actionnaires des laboratoires ne respectent pas les accords.

Toutefois, cet amendement vise simplement à créer une clause de sécurisation, garantissant un reste à charge zéro, afin que la baisse organisée des tarifs ne se fasse pas au détriment des patients.

M. le rapporteur général. La lutte contre la financiarisation n’est pas l’apanage de La France insoumise, mais un objectif partagé par tous. J’entends votre idée relative à l’effet levier, mais je ne peux y être favorable puisque je ne peux garantir un reste à charge zéro sans réduire le ticket modérateur à zéro.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Procédons à un vote commun sur cet amendement et sur le projet de remboursement de 100 % des soins de santé prescrits !

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS680 de M. Thibault Bazin

M. le rapporteur général. Avis favorable.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Cet amendement de M. Bazin est à nouveau un copier-coller d’un texte envoyé par les laboratoires financiarisés. Je lui recommande de lire plutôt les travaux du chercheur Antoine Leymarie portant sur la financiarisation. En 2010, les six principaux groupes possédaient 16 % des laboratoires ; en 2020, ils en possédaient 75 %. Les prix des actes de biologie et de radiologie explosent parce que les groupes qui détiennent les laboratoires, qui sont cotés en Bourse, veulent augmenter leurs profits et leurs dividendes. Les petits laboratoires indépendants en ville sont devenus rares : ils ne sont plus que 400, contre 4 000 il y a quelques années ; ils sont en train de disparaître.

Depuis tout à l’heure, les députés du Rassemblement National votent tous les amendements visant à ne pas réguler la financiarisation. Ils sont complices de ces groupes financiarisés, dont les trois quarts sont détenus par des fonds étrangers et qui coûtent un pognon de dingue à la sécurité sociale. Nous sommes en train de placer nos laboratoires et notre souveraineté sanitaire dans les mains de fonds étrangers qui ne cherchent qu’à augmenter leurs profits et leurs dividendes.

Mme Annie Vidal (EPR). Les petits laboratoires de biologie médicale ont été contraints de se regrouper à partir du moment où ils ont dû recevoir l’accréditation du Comité français d’accréditation. Ils n’étaient pas en mesure de remplir seuls cette obligation. Depuis que les laboratoires sont soumis à l’accréditation, on note une réelle amélioration de la qualité des procédures.

M. Philippe Vigier (Dem). Mme Vidal a tout à fait raison, la seule profession médicale devant être accréditée est la biologie médicale. Cette évolution, qui résulte de la « loi Bachelot », a été mise en œuvre par l’« ordonnance Ballereau ». La procédure d’accréditation est très complexe. Il faut certes endiguer la financiarisation, mais il ne faut pas oublier que, pendant la covid, on était bien content que les labos soient là : on a eu besoin d’eux jour et nuit. À ce moment-là, croyez bien qu’on a décloisonné le public et le privé.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Entendre que le regroupement de laboratoires facilite les procédures me heurte à l’heure où les salariés de ces structures se mobilisent. Des laboratoires comme Eurofins ont des stratégies ultramonopolistiques : tel est l’objectif de ces regroupements. Dans nos territoires, les patients, qui deviennent des clients, n’ont plus le choix de leur laboratoire : il n’y a plus qu’une enseigne, bien souvent, pour réaliser les examens médicaux. Le reste à charge est particulièrement élevé et les conditions d’accueil très dégradées. Dans mon département du Finistère, des signalements ont été faits au sujet de l’insalubrité d’un certain nombre de locaux, qu’il a fallu fermer. On y trouve parfois des rats, il arrive que les toilettes débordent. On accueille les patients dans ces locaux low cost, que l’on optimise. C’est tout bonnement inacceptable. Il faut revoir cette question en profondeur.

La commission adopte l’amendement AS680.

En conséquence, l’amendement AS980 de M. Hadrien Clouet tombe.

Amendement AS19 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement de repli vise à décaler d’avril à septembre 2025 la date limite pour trouver un accord dans le champ de l’imagerie médicale et de la biologie avant que le Gouvernement puisse baisser d’autorité les tarifs. Je ne suis pas choqué, sur le plan des principes, par le fait que l’assurance maladie, le Gouvernement aient le pouvoir d’encadrer l’évolution des tarifs et d’imposer des négociations, sous peine de sanctions. Cela étant, il me paraît préférable de laisser le temps à la négociation conventionnelle de se dérouler.

M. le rapporteur général. C’est une mesure de bon sens. Avis favorable.

M. Philippe Vigier (Dem). Je soutiens l’amendement. Nous nous trouvons à la croisée des chemins : il est important que le dialogue s’instaure.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 15 modifié.

Amendement AS1599 de M. Yannick Neuder

M. le rapporteur général. Il s’agit d’avancer l’application du financement au forfait de la radiothérapie du 1er janvier 2026 au 1er janvier 2025. On parle, depuis de nombreuses années, de la réforme de ce financement. De nombreuses expérimentations et études ont été réalisées, qui montrent que l’évolution des pratiques médicales permet de moins irradier les patients, avec des doses fractionnées, pour un bénéfice clinique équivalent. Cela permet de réduire le nombre de séances et, surtout, les séquelles post-radiothérapie. En outre, ce nouveau mode de financement permettra de réaliser des économies. L’an dernier, nous avions voté, dans le PLFSS, l’instauration du financement au forfait de la radiothérapie. Nous disposons à présent de tous les éléments, notamment des dernières études médicales, pour avancer la date de son application.

Mme Stéphanie Rist (EPR). C’est un amendement que j’avais défendu, au nom de mon groupe, l’année dernière. Au terme des discussions avec les services, il avait été proposé de repousser la date d’entrée en application du financement au forfait à 2026. Je suis ravie que vous l’avanciez à 2025, à l’heure où il nous faut réaliser des économies. Nous appuyons cette évolution indispensable.

M. Philippe Vigier (Dem). Notre groupe soutient également cet amendement. Le protocole au forfait implique un parcours de prise en charge, qui est la méthode à suivre pour éviter les redondances.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous voterons également cet amendement. Outre que le financement au forfait se substituera avantageusement à la tarification à l’activité (T2A) de ces soins, il pourrait encourager la recherche sur les protocoles accélérés contre le cancer, qui permettent de réduire le nombre de séances, en les rendant certes plus intenses à vivre sur l’instant, mais si efficaces que parfois une seule est suffisante.

M. le président Frédéric Valletoux. Le financement au forfait ou au parcours est effectivement une voie d’avenir qu’il faut encourager.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS70 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement « de temps de crise » tente de pallier partiellement les graves difficultés auxquelles est confronté l’hôpital public. Il s’agit de faire émerger des solutions territoriales à la pénurie de médecins urgentistes, qui conduit à la régulation de nos services d’urgence. Dans les zones sous-dotées en particulier, on n’a parfois pas d’autre possibilité, pour se soigner, que de se rendre à l’accueil des urgences de l’hôpital public. Or voilà plus de quinze mois que les urgences du Centre-Bretagne, à Carhaix, sont régulées, quinze mois qu’il y a une rupture dans l’égalité d’accès aux soins au sein de ce bassin de vie de 80 000 habitants.

L’accès aux soins pour tous, c’est ce qui me paraît légitimer de donner aux ARS les moyens d’expérimenter des organisations dérogatoires telle la réquisition des professionnels de santé exerçant dans les cliniques. Lorsque l’hôpital public est au bord de l’effondrement, n’est plus suffisamment attractif, nous devons inventer des solutions à l’échelon territorial – ce que d’ailleurs nous suggère le ministère de la santé lorsque nous le saisissons de ces situations. Ce PLFSS doit donc donner des marges de manœuvre pour éviter l’asphyxie des services et la dégradation de la prise en charge des patients dans les territoires.

M. le rapporteur général. Cette mesure, si j’en comprends l’intention, oppose clairement le public au privé de façon théorique. En pratique, je vois mal comment une telle réquisition pourrait se faire. Il faut que les professionnels échangent et se mettent d’accord. Le président de notre commission a fait voter une loi en ce sens, mais elle ne vise pas des expérimentations qui conduiraient les ARS à réquisitionner des professionnels. Les médecins l’accepteraient-ils ? Rien n’est moins sûr. Le remède, très fort, serait peut-être pire que le mal.

Avis défavorable.

M. Jean-Carles Grelier (Dem). J’ai souvenir que le président Hollande s’était engagé à ce qu’il y ait un service d’urgence à moins de trente minutes du domicile de chaque Français. Je note que le Parti socialiste est passé de trente à quarante-cinq minutes : je ne suis pas sûr que ce soit un progrès.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Comme je l’ai dit, c’est un amendement de temps de crise. Nous cherchons des solutions concrètes dans les territoires, car l’État n’y assume plus ses responsabilités. Des patients n’ont plus de solution pour se soigner. On laisse dans l’impasse ceux qui sont les plus éloignés des villes et des métropoles. Par la fermeture ou la régulation des urgences, on crée une rupture entre les campagnes et le monde urbain. Notre proposition vise à offrir un outil supplémentaire aux ARS pour trouver des solutions provisoires et redonner du souffle, pour ne pas dire réanimer, les services d’urgences.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Il est difficile d’entendre que l’État n’a rien fait en matière d’accès aux soins. Je n’énumérerai pas toutes les mesures qui ont été prises, car mon temps de parole n’y suffirait pas. Une chose est sûre, ce n’est pas sous un gouvernement de gauche que l’on a mis fin au numerus clausus. La loi à laquelle M. Valletoux a donné son nom permet de répondre à ces difficultés – il serait d’ailleurs souhaitable que les décrets d’application soient publiés rapidement.

M. le président Frédéric Valletoux. J’appuie cette demande ! Nous avons voté, il y a bientôt un an, cette proposition de loi, qui donne la main à l’État et offre la possibilité, par la régulation, de mobiliser les moyens du privé si ce dernier ne participe pas spontanément à la permanence des soins.

M. Hendrik Davi (EcoS). L’accès aux soins s’est grandement dégradé dans notre pays depuis vingt ans, et tous les gouvernements en sont responsables. Je ne suis pas choqué par la proposition de Mme Thomin. Certes, elle ne résoudrait pas tout mais les réquisitions se pratiquent déjà, par exemple lorsque des personnels hospitaliers se mettent en grève ou pendant la crise du covid, des infirmières libérales ont été là. Des médecins exerçant en clinique, en particulier parmi les plus jeunes, ne seraient peut-être pas choqués d’être réquisitionnés pour aider leurs collègues aux urgences. Oui, on en est là.

M. le rapporteur général. Encore une fois, on oppose le public au privé, et je ne vois pas comment une ARS pourrait prendre quelqu’un de force dans un service pour le mettre dans un autre. Quand bien même nous voterions cette disposition, je ne vois pas comment elle pourrait s’appliquer selon les modalités que vous prévoyez.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1602 de M. Yannick Neuder

M. le rapporteur général. Il s’agit d’une demande de rapport sur le financement des actes recensés dans le référentiel des actes innovants hors nomenclature (Rihn) et le financement des tests innovants dans les laboratoires de biologie médicale. Le Rihn permet la prise en charge des examens de biologie et d’anatomopathologie qui ne sont pas inscrits à une nomenclature. Or son enveloppe est fermée et la situation financière de certaines structures ne leur permet pas toujours de proposer ces tests relativement onéreux, ce qui entraîne une perte de chance pour les patients. Par exemple, on sait qu’en fonction du séquençage génomique, des cancers peuvent être résistants à la chimiothérapie et à la radiothérapie. Sans test, le patient va recevoir, peut-être à tort, un traitement dont il va subir inutilement les effets secondaires. Or il pourrait gagner plusieurs années de survie en relativement bonne santé, grâce à des traitements par voie orale suivis en dehors des structures hospitalières.

Ces tests offrent donc un vrai gain, mais le point doit être fait sur leur coût et les modalités de leur financement. Pour l’instant, on ajoute régulièrement des actes innovants à la liste sans jamais accroître le volume de l’enveloppe, ce qui dégrade continuellement le remboursement des examens. Dans les hôpitaux publics, ces examens sont souvent pris sur le déficit de l’hôpital.

M. Michel Lauzzana (EPR). Le Rihn est un vrai problème. La Haute Autorité de santé (HAS) en a pris conscience et s’emploie à absorber, petit à petit, le retard que nous avons accumulé. En cancérologie, on s’oriente vers une médecine de précision, adaptée au patient. Ces tests sont absolument nécessaires pour ne pas multiplier des actes qui pourraient être non seulement inopérants mais, de surcroît, provoquer des séquelles.

Mme Sandrine Runel (SOC). Monsieur le rapporteur général, vous nous avez bien décrit l’intérêt de ces actes, et nous vous faisons évidemment confiance. Nous partageons la même inquiétude quant à la dégradation des soins. Vous avez précisé que, dans le public, il était de moins en moins possible de pratiquer ces examens, ce qui m’amène à insister à nouveau sur les différences séparant le public et le privé.

M. Philippe Vigier (Dem). Les hôpitaux n’ont plus les moyens de pratiquer ces actes, compte tenu des restrictions financières auxquelles ils sont soumis. La HAS, il est vrai, travaille sur la question. Il faut accélérer car c’est l’ensemble de la protocolisation qui est en jeu. Les actes innovants permettent une meilleure prise en charge, une réponse thérapeutique plus adaptée, à moindre coût. Si on ne les pratique pas, on assistera de plus en plus à des transferts vers des structures privées.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS71 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Les dosimétristes sont des techniciens hospitaliers chargés de préparer et de planifier les traitements contre les cancers par radiations ionisantes. Cette profession n’a pas de véritable statut alors que la dosimétrie constitue une voie de spécialisation à l’hôpital public. Malgré les recommandations du plan Cancer 2014-2019 et celles formulées par un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales de 2021, la profession de dosimétriste n’est toujours pas reconnue à son juste niveau. L’amendement demande un rapport à ce sujet.

M. le rapporteur général. Savez-vous combien de personnes sont concernées ? Est‑ce de l’ordre d’une ou deux par établissement ?

Mme Mélanie Thomin (SOC). Je n’ai pas les chiffres mais je pourrai vous les transmettre.

M. le rapporteur général. Si vous me confirmez que ces professionnels ne sont ni des infirmiers ni des personnels paramédicaux de radioprotection, j’émets un avis favorable à votre demande de rapport.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Je le confirme.

M. Michel Lauzzana (EPR). J’avais déposé un amendement, qui a été déclaré irrecevable, dont le champ d’application était élargi aux propositions de radiothérapie interventionnelle. Ces actes, qui relèvent de la radiothérapie interne vectorisée (RIV), demandent une spécialisation de tous les professionnels intervenant : radiopharmaciens, manipulateurs radio, dosimétristes... J’avais demandé un rapport sur le sujet, car ces nouvelles propositions de traitement des cancers demandent des investissements et le développement de compétences. Je souhaitais que l’on ait une vision d’ensemble de ce que deviendra la RIV.

M. le rapporteur général. Votre amendement a été déclaré irrecevable car vous n’avez pas suffisamment ciblé le champ du rapport.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS842 de Mme Marie-Charlotte Garin

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Cet amendement a pour objet d’établir un bilan des maisons de naissance déployées sur le territoire et des raisons pour lesquelles elles sont plébiscitées. Cette étude permettrait aussi de comprendre pourquoi certaines femmes les préfèrent désormais aux maternités plus classiques, et d’aborder des sujets fondamentaux pour les droits des femmes, des mères et, de manière générale, des parents, comme les violences obstétricales, l’accompagnement pour l’allaitement, la prise en charge post-partum, etc. Nous avions commencé ce travail au sein de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss).

M. le rapporteur général. Sur ce sujet d’importance, la question est de savoir si cette tâche va continuer d’être menée à bien par la mission du Printemps social de l’évaluation que vous conduisiez avec Joëlle Mélin et Sandrine Josso. Dans le cas contraire, je ne pourrais donner qu’un avis favorable à votre demande de rapport – l’essentiel est que le sujet soit traité. Peut-être Jérôme Guedj pourrait-il nous dire, en sa qualité de coprésident de la Mecss, s’il souhaite reconduire la mission d’évaluation sur les maisons de naissance.

Mme Joëlle Mélin (RN). Je suis favorable à ce que l’on élabore un rapport, qu’il émane du Gouvernement ou de notre mission. Nous avions auditionné des sages-femmes travaillant dans la dizaine de maisons de naissance déjà existantes. Nos travaux ont été arrêtés mais j’ai creusé le sujet, et il semblerait que la réalité ne soit pas aussi favorable qu’elle paraisse. Ces travaux doivent être menés à leur terme.

M. le président Frédéric Valletoux. Sans vouloir m’immiscer dans les décisions de la Mecss, mieux vaudrait, me semble-t-il, laisser à la mission le soin de poursuivre ses travaux plutôt que de s’en remettre au Gouvernement et d’attendre un rapport qui n’arrivera jamais.

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous en discuterons avec le coprésident Cyrille Isaac-Sibille, mais il me paraît évident que nous n’allons pas passer par pertes et profits le travail accompli par les corapporteurs, qui avaient parcouru peu ou prou la moitié du chemin. Le programme de la Mecss sera très prochainement arrêté et il prévoira la poursuite des missions déjà lancées. Je suis favorable à ce que l’on confie cette tâche au Parlement plutôt que d’attendre un hypothétique rapport.

M. le rapporteur général. Dès lors, je demande à M. Peytavie de retirer son amendement. À défaut, mon avis serait défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendements de suppression AS18 de M. Jérôme Guedj, AS328 de M. Sébastien Peytavie, AS443 de M. Paul-André Colombani et AS984 de Mme Élise Leboucher

M. Jérôme Guedj (SOC). Personne ne peut être hostile au principe de la pertinence des soins, c’est-à-dire au fait de délivrer le soin au bon patient au bon moment au bon endroit. Or le texte prévoit de sanctionner financièrement – en le privant de remboursement – le patient dont le médecin aurait effectué une prescription qui ne respecte pas une recommandation de la HAS. Nous sommes favorables à la pertinence des soins, à la rémunération sur le fondement d’objectifs de santé publique mais il nous paraît problématique de sanctionner le patient. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Qu’on cible ainsi le patient nous pose problème. Il y a d’autres moyens que ces méthodes paternalistes pour s’assurer que les prescriptions sont adaptées et les recommandations observées, surtout quand autant de personnes renoncent à des soins ou n’ont pas accès à des spécialistes à proximité de chez eux.

M. Paul-André Colombani (LIOT). J’ajoute que cette procédure entraînerait une surcharge administrative et ferait perdre du temps médical, alors que le pays subit une crise démographique sans pareille. Peut-être, dans quelques années, lorsque les effets de la fin du numerus clausus se seront fait sentir, cette mesure présentera-t-elle une certaine pertinence.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Outre que cette sanction des patients est inacceptable et qu’il est important de gagner du temps médical sur la surcharge administrative aberrante, la démarche politique de suspicion des patients comme piste d’économies est à nos yeux absolument inadmissible. J’espère que par l’amendement AS984, nous rejetterons à l’unanimité cette mesure bureaucratique.

M. le rapporteur général. La rédaction de cet article n’est pas satisfaisante, pour plusieurs raisons. D’abord, le patient est pris en otage : si le médecin a oublié de rédiger le document, il devra attendre que le pharmacien appelle celui-ci pour procéder à une vérification. Ensuite, se pose le problème de la surcharge administrative. Le lundi, lorsque je me rends à l’hôpital, j’essaie de mesurer la surcharge induite par ces recommandations, pour m’assurer qu’elle est acceptable. Je n’ai toujours pas compris comment on devait procéder, dans certains cas, pour établir la prescription. Il serait souhaitable que des textes nous le précisent.

Je suis pris entre deux feux : d’un côté, vous m’avez reproché, hier, l’absence de débat sur l’article 6 ; d’un autre côté, la suppression de l’article enverrait un signal fort au Gouvernement. Si vous refusez la suppression, nous examinerons des amendements qui visent à retarder l’entrée en application de la mesure ou à préciser son contenu. Je ne serais pas opposé à ce que l’on améliore la définition de la pertinence de l’acte. Nous sommes tous d’accord sur l’importance de la pertinence des soins, mais je ne suis pas certain que la méthode proposée soit la bonne. Je vais être à votre écoute.

Mme Josiane Corneloup (DR). Cette mesure existe déjà pour les médicaments, ce qui rend les choses parfois très compliquées au comptoir de la pharmacie. Lorsque la prescription ne correspond pas aux recommandations de la HAS, nous sommes obligés de dire au patient qu’il doit payer ; il se trouve ainsi pris en otage.

M. Thierry Frappé (RN). C’est une expérience que nous avons vécue dans le corps médical dans les années 1995-2000, où s’appliquaient les références médicales opposables. On devait porter, sur l’ordonnance, la mention « R », pour « référence », ou « HR », pour « hors référence », ce qui compliquait les choses lorsqu’on prescrivait, par exemple, un Doliprane en même temps qu’un médicament anticancéreux. On a fini par abandonner cette règle. J’avais appelé la sécurité sociale, à l’époque, au sujet d’une ordonnance compliquée : « Mettez ce que vous voulez, m’avait-on répondu, de toute façon, on ne vérifie pas. »

M. Hendrik Davi (EcoS). Je crois également nécessaire de supprimer l’article. C’est toujours une mauvaise idée d’essayer d’améliorer la pertinence des soins sous l’angle unique de la réalisation d’économies. Il y a une individualisation de la relation entre le patient et le médecin. La HAS peut établir des normes, on ne sait jamais exactement comment le médecin adaptera le traitement à son patient. Il faut laisser au praticien cette latitude et lui faire confiance, sous peine de créer un enfer bureaucratique, comme on le voit à l’hôpital. Si l’on veut améliorer la pertinence des soins, il faut travailler sur le fond, la formation, le lien avec les lobbies pharmaceutiques plutôt que d’ajouter de la paperasserie et de dérembourser les patients.

M. Philippe Vigier (Dem). Quiconque nourrirait encore un doute sur la suradministration du système de santé n’aurait qu’à passer une journée dans le cabinet d’un généraliste. Or on va ajouter de la contrainte à la contrainte. Je suis le premier à dire qu’il faut rechercher l’efficience mais, avec une simple enveloppe ISO, on doit être en mesure de mieux soigner les gens. Il faudrait trouver une autre rédaction pour rendre cet article applicable. Le délai est un peu court d’ici à la séance, mais peut-être les sénateurs s’y emploieront-ils.

Mme Annie Vidal (EPR). Je ne suis pas très favorable à la suppression de l’article. Voilà vingt ans que l’on parle de la pertinence de la prescription, chaque fois pour dire que c’est trop compliqué ; résultat, on n’a guère avancé sur le sujet. Certes, le système ne fonctionne pas très bien pour les médicaments mais peut-être, pour progresser, faut-il s’appuyer sur l’idée, intéressante intellectuellement, qui inspire la notion de pertinence. En l’occurrence, le patient sera informé que, lorsque la prescription s’écarte des recommandations, il devra assumer un reste à charge – libre à lui, ensuite, d’accepter ou de refuser les produits, actes ou prestations. Peut-être faut-il envisager d’instituer des aides à la prescription pour favoriser la pertinence des actes et l’application des recommandations. Sinon, on n’avancera jamais sur la pertinence et l’efficience.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Avec une telle mesure, on s’immisce dans la relation entre le patient et le médecin prescripteur, dont le rôle est de déterminer le traitement adéquat. Même si la probabilité que surviennent certains effets secondaires est très faible, elle concerne forcément une personne, pour laquelle il va falloir trouver un autre médicament. Or il n’y a pas de raison que ce patient-là ne puisse pas se faire rembourser. Faisons donc confiance aux médecins et au parcours de soins !

M. le rapporteur général. Excepté Mme Vidal, tout le monde s’accorde à reconnaître que cet article pose problème. La situation est déjà très tendue : un médecin reçoit un patient en moyenne toutes les quinze à vingt minutes. Je ne suis pas certain qu’il soit très réaliste de lui imposer une charge administrative supplémentaire. C’est pourquoi je suis plutôt favorable à la suppression de l’article 16, qui mériterait d’être réécrit.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 16 est supprimé et les amendements AS315 de M. Sébastien Peytavie, AS683 de M. Thibault Bazin, AS20 de M. Jérôme Guedj, AS317 de M. Sébastien Peytavie, AS1600 de M. Yannick Neuder, AS857 de Mme Sandrine Rousseau, AS439 de M. Jérôme Guedj, AS578 de Mme Karine Lebon, AS314 et AS316 de M. Sébastien Peytavie, AS396 de Mme Estelle Youssouffa, AS1601 de M. Yannick Neuder et AS397 de Mme Estelle Youssouffa tombent.

Amendements identiques AS1325 de Mme Annie Vidal, AS1409 de Mme Nicole Dubré-Chirat et AS1592 de M. Frédéric Valletoux

Mme Annie Vidal (EPR). Je suis très heureuse de défendre cet amendement qui vise à pérenniser l’expérimentation du dispositif autorisant les infirmières à délivrer un certificat de décès. Je rends hommage à nos collègues infirmières, qui avaient beaucoup réfléchi à cette question sous la précédente législature, car cette mesure est très utile en cas de décès à domicile, en particulier dans certaines zones.

M. Jean-François Rousset (EPR). Je défends l’amendement AS1409. Le manque de médecins rend parfois difficile de faire établir un certificat de décès. Les pompiers et les gendarmes sont présents, la famille est dans une situation très inconfortable, et rien ne se passe. En outre, en confiant de nouvelles compétences aux praticiens autres que les médecins, nous leur prouvons notre confiance.

M. le président Frédéric Valletoux. J’ajoute que plus de 6 000 infirmières ont d’ores et déjà été formées. Les maires savent combien il est précieux de pouvoir faire appel à elles pour l’établissement d’un certificat de décès, en l’absence de médecin.

M. le rapporteur général. Il s’agit d’une mesure de bon sens, vertueuse pour la sécurité sociale et humaine pour les familles, qui sont parfois confrontées à de longs délais d’attente, notamment le week-end, pour obtenir un certificat de décès. Je suis donc favorable aux amendements, en invitant cependant leurs auteurs à les réécrire en vue de la séance publique, car leur rédaction n’est pas tout à fait satisfaisante.

Mme Annie Vidal (EPR). Je suis d’accord pour réécrire l’amendement ; j’ai d’ailleurs déjà commencé à travailler une nouvelle rédaction.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’Association des maires ruraux de France et l’Association des maires de France ont souligné l’importance de cette mesure, notamment pour les adjoints au maire, qui sont parfois obligés de rester sur place plusieurs heures au milieu de la nuit. Sa pérennisation sera donc utile à tous.

M. Serge Muller (RN). Je sais, pour avoir travaillé de nombreuses années en tant qu’aide-soignant dans un service de soins, combien il est difficile pour les familles de devoir attendre parfois de longues heures qu’un médecin soit disponible pour établir le certificat de décès avant de voir le corps du défunt. Cependant, si cette mesure reste expérimentale, elle doit absolument être bien encadrée, car le certificat de décès requiert un diagnostic médical.

M. le rapporteur général. L’expérimentation a eu lieu ; il s’agit ici de pérenniser le dispositif. Pour apaiser vos craintes, je précise que les infirmières et les infirmiers autorisés à établir un certificat de décès auront suivi une formation préalable.

M. le président Frédéric Valletoux. Cette mesure est également importante en ce qu’elle conforte la reconnaissance du rôle des infirmiers et des infirmières, qui figurent parmi les soignants les plus proches de nos concitoyens, en leur confiant une nouvelle compétence.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS1286 de Mme Stéphanie Rist

Mme Stéphanie Rist (EPR). Il s’agit en quelque sorte d’un amendement d’appel. Il se trouve que beaucoup de chirurgiens-dentistes consacrent une partie ou la totalité de leur activité à l’orthodontie alors que l’on rencontre des difficultés dans l’accès aux soins dentaires, faute d’omnipraticiens en nombre suffisant. Il serait donc important que notre commission se saisisse de la question pour étudier ce phénomène sous l’angle non seulement de l’accès aux soins mais aussi du coût qu’il entraîne pour l’assurance maladie.

M. le rapporteur général. Avis favorable.

La pénurie de chirurgiens-dentistes est réelle. Toutes les pistes qui permettent de favoriser l’accès aux soins dentaires méritent donc d’être explorées, d’autant plus que l’accent est désormais mis sur la prévention et qu’il faut que les professionnels soient en nombre suffisant pour prendre en charge la file active et réaliser les bilans de santé bucco-dentaire proposés par l’assurance maladie, notamment pour les enfants.

Mme Mélanie Thomin (SOC). La question de l’accès aux soins dentaires est très sensible, en particulier dans les territoires sous-dotés en chirurgiens-dentistes. Actuellement, les unités de formation et de recherche d’odontologie proposent à des internes de se former au sein des hôpitaux publics pour améliorer l’offre de soins dentaires, mais ces initiatives doivent être accompagnées par l’État. Les collectivités territoriales sont au rendez-vous. Toutefois, elles ne peuvent pas agir à tous les niveaux.

M. Fabien Di Filippo (DR). Si je comprends l’amendement, je ne suis pas certain de souscrire aux arguments du rapporteur, car c’est un système de vases communicants : le temps qui sera libéré pour les soins dentaires ne sera plus disponible pour corriger les problèmes orthodontiques des plus jeunes.

En revanche, il est vrai que des fraudes sont parfois organisées à l’échelle de cabinets. Ceux-ci attirent les patients avec la promesse aguicheuse d’un sourire parfait mais emploient de prétendus dentistes, étrangers ou au profil un peu baroque, qui causent des dommages irréversibles. Il convient donc de remettre de l’ordre dans cette spécialité ; un tel amendement peut sans doute y contribuer.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous devons nous assurer, si nous adoptons cet amendement, que le patient ne découvrira pas que les soins proposés par le praticien ne lui seront finalement pas remboursés. Dès lors que l’on a affaire à des dentistes qui pratiquent l’orthodontie sans avoir obtenu le diplôme de spécialisation, on peut s’interroger sur leur volonté d’informer correctement le patient.

M. Hendrik Davi (EcoS). Sommes-nous certains que les dentistes diplômés en orthodontie sont suffisamment nombreux pour absorber le volume des soins à réaliser ? Je pense en particulier aux déserts médicaux : il ne faudrait pas que l’accès aux soins d’orthodontie devienne impossible. Un chirurgien-dentiste m’a écrit que 5 % seulement de ses confrères exercent cette spécialité. Je me méfie des effets de bord de ce type de mesures. Je souhaiterais donc obtenir des précisions sur ce point.

Mme Stéphanie Rist (EPR). J’entends ces interrogations. C’est pourquoi j’ai indiqué qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. Je crois néanmoins qu’une telle mesure permettrait de réaliser pas mal d’économies, lesquelles méritent néanmoins d’être évaluées tout comme les conséquences de ladite mesure sur l’accès aux soins.

M. le président Frédéric Valletoux. Je propose que nous créions une mission sur ce thème. On voit bien l’intérêt que présenterait une étude des mécanismes de fonctionnement, des financements et des enjeux en matière de formation.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Si nous voulons éviter les effets de bord d’une telle mesure, il me paraît en effet pertinent que notre commission l’étudie au préalable.

M. le président Frédéric Valletoux. Madame Rist, si nous créons une mission sur le problème que vous soulevez, acceptez-vous de retirer l’amendement ?

Mme Stéphanie Rist (EPR). Oui, je vais le retirer.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous allons donc inscrire cette question à l’ordre du jour de la prochaine réunion du bureau de la commission, et nous y reviendrons après l’examen du PLFSS.

L’amendement est retiré.

Amendement AS1575 de M. Frédéric Valletoux

M. le président Frédéric Valletoux. Afin de progresser dans le domaine de la pertinence des soins, je propose que le Gouvernement remette au Parlement, chaque année, en amont de l’examen du PLFSS, deux rapports qui mesurent et décrivent l’évolution de la pertinence des soins, par spécialité, par pathologie et par type d’actes. Le premier rapport, remis avant le 15 septembre, dresserait le bilan des mesures prises l’année précédente et fixerait, en lien avec la HAS, des objectifs chiffrés pour celle à venir. Le second rendrait compte des travaux réalisés par le Haut Conseil des nomenclatures, chargé de décrire et de hiérarchiser les actes en vue de leur remboursement.

M. le rapporteur général. On ne peut pas être contre un plan d’action en faveur d’une meilleure pertinence des soins. Avis favorable.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Sur le fond, j’approuve l’amendement, mais il me semble qu’il est interdit au Parlement d’adresser des injonctions au Gouvernement. L’amendement ne rentre-t-il pas dans cette catégorie ?

M. le président Frédéric Valletoux. Il ne s’agit pas d’une injonction, me dit-on.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Compte tenu du peu de prise que nous avons sur un texte aussi technique que le PLFSS, ne serait-il pas préférable de disposer de ces éléments avant le 15 septembre ?

M. le président Frédéric Valletoux. La question de la date ne me paraît pas essentielle : l’important est de disposer de ces éléments avant l’examen du texte. Fixons donc le 15 septembre comme une date limite.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Ne faudrait-il pas confier ces rapports à une entité indépendante du ministère plutôt qu’au ministère lui-même, qui pourrait être tenté d’orienter nos travaux en omettant certaines informations ?

M. Jérôme Guedj (SOC). Votre amendement souligne, en creux, les carences du PLFSS en matière de politique de santé publique ou, si l’on veut, de l’assurance maladie. Cette année, le texte ne comporte quasiment aucune mesure de prévention. L’an dernier, y figuraient, même si l’on en pense ce qu’on veut, les rendez-vous de prévention, les mesures relatives aux infections sexuellement transmissibles, le remboursement des protections menstruelles, le dépistage du papillomavirus...

Au fond, votre amendement plaide en faveur – et nous sommes tous d’accord sur ce point – de l’examen à un rythme triennal, par exemple, d’un projet de loi d’orientation de la santé qui fixerait des objectifs de santé publique à partir des besoins, objectifs dont la mise en œuvre serait ensuite détaillée dans le PLFSS.

Nous sommes donc favorables à l’amendement, puisqu’il revient à mettre un pied dans la porte. Ces rapports – complémentaires du rapport « Charges et produits » de l’assurance maladie, qui nous est remis au mois de juillet – pourraient alimenter nos travaux dans une perspective de coconstruction, même si, encore une fois, il serait souhaitable, de manière générale, de partir des besoins plutôt que d’être soumis à une approche comptable de la sécurité sociale.

M. Philippe Vigier (Dem). Je soutiens cet amendement. Nous ne pourrons pas faire l’économie d’une refonte complète de notre système de santé : on ne peut pas se contenter de replâtrages successifs. Il faut une loi pluriannuelle fondée sur des indicateurs, qui prenne en compte la territorialisation, un décloisonnement du public et du privé et des protocoles de soins évalués. Au moins cet amendement apporte-t-il une pierre à l’édifice qu’il nous faut construire si nous voulons éviter de nous en remettre à une maîtrise comptable aveugle qui n’apportera aucune solution.

M. le rapporteur général. Je souscris aux propos de M. Vigier. La rédaction de l’amendement est peut-être imparfaite, mais il a le mérite d’apporter une pierre à l’édifice en contribuant à une amélioration de la pertinence des soins.

Madame Amiot, j’entends vos réticences, mais nous avons une administration structurée. Commençons à travailler avec la direction de la sécurité sociale : nous pourrons toujours demander, le cas échéant, une évaluation indépendante. Un plan d’action annuel en faveur de la pertinence des soins – dont l’importance est soulignée sur tous les bancs – ne peut pas nuire à notre objectif de renforcer leur efficience. Il n’est pas forcément nécessaire de dépenser plus pour soigner mieux.

M. Jérôme Guedj (SOC). En tout cas, on se réjouit que cet amendement ait été déclaré recevable !

La commission adopte l’amendement.

La réunion est suspendue de dix-sept heures trente à dix-sept heures cinquante.

Amendement de suppression AS451 de M. Paul-André Colombani, amendement AS452 de M. Paul-André Colombani et sous-amendement AS1613 de M. Yannick Neuder

M. Paul-André Colombani (LIOT). Je propose de supprimer l’article 17, car je crains que la recentralisation de la négociation qui nous est proposée au prétexte de mieux réguler l’augmentation des tarifs ne se fasse au détriment des territoires les moins dotés. Toutefois, si cette disposition était maintenue, il conviendrait à tout le moins – et c’est l’objet de l’amendement AS452 – qu’il soit tenu compte, dans la convention cadre, des difficultés d’accès aux soins et de l’offre de transport sanitaire dans chaque département.

À titre d’exemple, le nombre de taxis pour 100 000 habitants est en moyenne de 58,7 en France, mais il n’est de 6 à Mayotte quand il est de 249 à Paris. Les inégalités d’accès sont donc importantes. Prenons garde de ne pas compliquer davantage encore l’accès aux soins dans certains départements.

M. le rapporteur général. Il est vrai que, sur le plan des transports en commun, la situation d’une métropole n’est pas comparable à celle d’un département rural ou à celle de la Corse et des territoires d’outre-mer. Il me paraît donc pertinent d’adapter les critères définis dans la convention aux spécificités locales. C’est pourquoi je suis favorable à l’amendement AS452 plutôt qu’à l’amendement AS451, sous réserve de l’adoption du sous-amendement AS1613, qui tend à mentionner également les territoires d’outre-mer.

L’amendement AS451 est retiré.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement AS452 sous-amendé.

Amendement AS306 de M. Sacha Houlié

M. Sacha Houlié (NI). Il s’agit de mieux encadrer les dépenses de transport sanitaire en taxi, lesquelles représentent la moitié des 6 milliards d’euros que les transports sanitaires coûtent à l’assurance maladie. Ainsi proposons-nous d’ajouter aux éléments que l’article 17 vise à intégrer dans la convention conclue entre l’organisme d’assurance maladie et l’entreprise de taxi la géolocalisation des trajets et la certification des flux de données, qui sont déjà imposées aux ambulanciers.

M. le rapporteur général. Je suis favorable à votre amendement, sur le fond. Mais l’amendement AS1407 de Mme Rist, qui tend à imposer également la généralisation des dispositifs de facturation intégrée, me semble plus complet. Je vous invite donc à le retirer ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement AS330 de M. Sébastien Peytavie

M. Hendrik Davi (EcoS). Dans les zones rurales, la présence de transports sanitaires est un facteur crucial de l’accès aux soins, en particulier pour les personnes âgées et à mobilité réduite. Les trajets qui font l’objet d’une convention avec l’assurance maladie y représentent jusqu’à 90 % de l’activité de certaines entreprises de taxi. Il convient donc que les conventions-types prennent en compte les caractéristiques des zones rurales et les besoins de la population afin que les usagers comme les chauffeurs de taxi puissent y trouver leur compte.

M. le rapporteur général. Votre amendement est satisfait par l’adoption de l’amendement AS452. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement AS329 de M. Sébastien Peytavie

M. Hendrik Davi (EcoS). Il s’agit de garantir que le conventionnement intègre pleinement tous les frais liés aux transports sanitaires de patients et prenne en compte l’aide humaine nécessaire lorsque la mobilité des passagers est réduite. Dans un contexte de vieillissement de la population, le virage ambulatoire contribue à la multiplication des trajets entre le domicile et les établissements de santé. On ne peut pas inciter les patients à regagner leur domicile le plus tôt possible et s’étonner que le coût des transports augmente.

M. le président Frédéric Valletoux. C’est du bon sens !

M. le rapporteur général. Je comprends que vous souhaitiez que le temps d’attente et d’installation du patient soit rémunéré, car cet accompagnement est souvent indispensable : une personne âgée ou handicapée ne peut se rendre seule à un rendez-vous hospitalier. Toutefois, cette rémunération ne peut pas être incluse dans le tarif kilométrique, comme vous le proposez ; elle doit se faire au forfait.

Demande de retrait, donc ; à défaut, avis défavorable.

M. Hendrik Davi (EcoS). Je prends bonne note de votre remarque : nous nous efforcerons de réécrire l’amendement dans le sens que vous indiquez. Néanmoins, je maintiens l’amendement car l’enjeu est important.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Il serait intéressant d’évaluer le dispositif des transports sanitaires partagés, instauré l’an dernier – contre l’avis de notre groupe, du reste. En effet, de nombreux professionnels de santé m’ont fait savoir que, pour contourner le dispositif, il arrivait qu’on prescrive un transport allongé, même si celui-ci n’est pas nécessaire.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS1407 de Mme Stéphanie Rist et sous-amendement AS1614 de M. Yannick Neuder.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Nous proposons, dans un souci de justice, d’étendre aux taxis les astreintes liées à la règle de suivi géographique, déjà applicable aux autres acteurs du transport sanitaire. Cette obligation permettrait de sécuriser les professionnels et de lutter contre la fraude, dont le montant dépasse 34 milliards d’euros.

J’insiste cependant sur le rôle important que jouent les transports sanitaires dans l’accès aux soins. Sans doute serait-il judicieux, du reste, de faire évoluer ces métiers dans cette optique.

M. le rapporteur général. Le sous-amendement est purement rédactionnel.

J’étais très opposé à une régulation des transports sanitaires qui ne tienne pas compte des besoins des patients selon les spécificités du territoire où ils vivent. En l’absence de transports en commun, supprimer le transport sanitaire revient en effet à supprimer l’accès aux soins – je pense notamment à des soins récurrents tels que les dialyses, les chimiothérapies ou les radiothérapies. Toutefois, il convient d’encourager le transport partagé si l’état du patient le permet et, bien entendu, de lutter contre la fraude.

Avis favorable donc, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.

M. Philippe Vigier (Dem). Je soutiens bien entendu cet amendement.

Il faut rappeler le rôle fondamental que jouent les transports sanitaires au service des patients. Certains de ces professionnels trichent, c’est vrai, mais la plupart d’entre eux remplissent correctement leur mission. En tout état de cause, la géolocalisation des trajets améliorera la traçabilité et contribuera à une meilleure efficience du dispositif. Il faut répondre aux besoins des patients qui, pour certains, n’ont d’autre choix que de recourir à ce service pour avoir accès aux soins.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Amendement AS566 de M. Cyrille Isaac-Sibille

M. Philippe Vigier (Dem). Cet amendement – auquel M. Isaac-Sibille tient beaucoup, à juste titre – est sans doute satisfait par l’adoption de l’amendement AS1407.

M. le rapporteur général. Il l’est, en effet. Je vous invite donc à le retirer.

L’amendement est retiré.

Amendement AS331 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Il paraît nécessaire de consulter l’intégralité des acteurs impliqués dans les transports sanitaires avant d’établir la convention-cadre nationale. Je pense bien sûr aux décisionnaires, aux bénéficiaires de ces transports, notamment aux personnes en situation de handicap, mais également aux associations de malades et aux collectivités locales, qui connaissent bien les spécificités de certains territoires ruraux.

M. le rapporteur général. Il me semble effectivement essentiel d’associer les usagers en fonction des particularités qu’ils présentent, notamment en termes de handicap et de besoin d’accompagnement. Je me demande cependant s’il ne serait pas plus pertinent d’intégrer les associations d’usagers à l’échelon local. Il paraît en effet plus efficace de consulter ceux qui connaissent mieux le terrain, car les difficultés de tel ou tel territoire rural ou de montagne peuvent échapper aux instances nationales qui regardent les choses depuis Paris. Je donnerai toutefois un avis favorable à votre amendement si vous le modifiez en ce sens en vue de la séance.

Permettez-moi de revenir à l’amendement AS329, qui vise à intégrer dans les indemnités kilométriques des éléments sans lien avec la distance parcourue. Bien que notre commission l’ait adopté, j’invite ses auteurs à le réécrire afin de facturer l’accompagnement du patient et l’accomplissement des démarches administratives sous la forme d’un forfait. Ne facturons pas au titre des indemnités kilométriques des kilomètres qui ne sont pas réalisés ! Dans sa rédaction actuelle, je serais étonné qu’une telle proposition soit adoptée en séance.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Compte tenu du temps passé à monter un fauteuil électrique dans un véhicule, il s’agit là d’un gros sujet ! Alors que nombre de taxis ont été adaptés aux personnes à mobilité réduite en prévision des jeux Paralympiques, beaucoup refusent aujourd’hui les personnes en situation de handicap, même sur réservation, parce que leur prise en charge prend trop de temps. La facturation d’un forfait me paraît être une bonne solution : nous rectifierons donc notre amendement en ce sens.

M. le rapporteur général. Le forfait est bien plus juste. N’incitons pas les taxis à la fraude en leur proposant de déclarer des kilomètres à tort en contrepartie du temps passé à l’attente, l’installation et la désinstallation du patient !

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 17 modifié.

Amendement AS1395 de Mme Stéphanie Rist

Mme Stéphanie Rist (EPR). Je propose de supprimer la prise en charge, par l’assurance maladie, des tests de dépistage et de détection du covid-19 réalisés sans prescription médicale. Il s’agirait d’un retour au droit commun.

M. le rapporteur général. Je m’interroge simplement sur l’impact d’une telle mesure sur la stratégie vaccinale, puisque le fait d’avoir contracté le covid peut décaler la date du prochain rappel de vaccination. Or, si l’on n’effectue pas de test, on ne peut pas savoir si l’on est atteint par la maladie ! Je comprends cependant l’esprit de votre amendement, auquel je donne un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS1405 de Mme Stéphanie Rist et sous-amendement AS1615 de M. Yannick Neuder

Mme Stéphanie Rist (EPR). À la suite de la suppression, par un arrêté pris en juin dernier, de l’adressage préalable d’un médecin ou d’une sage-femme pour accéder à un psychologue dans le cadre du dispositif Mon soutien psy, il convient de sécuriser la prise en charge de ces consultations par l’assurance maladie.

M. le rapporteur général. Afin de favoriser l’accès à un psychologue dans le cadre du dispositif Mon soutien psy, il a effectivement été décidé de supprimer l’adressage médical. La prise en charge de ces consultations repose actuellement sur une lettre de couverture rédigée par le Gouvernement en juin 2024. Il nous revient désormais de régulariser la situation a posteriori et de sécuriser dans la loi ce mode d’accès à un psychologue, sachant qu’une revalorisation des tarifs a également été accordée.

Je souhaite profiter de cette régularisation pour mesurer l’impact de la suppression de l’adressage médical. Il serait intéressant de savoir si cette disposition modifie la prise en charge des patients et, par exemple, si les taux de médicalisation et d’hospitalisation évoluent. Tout cela nous renvoie, finalement, à nos discussions récurrentes sur le statut des psychologues.

Sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement, je donne un avis favorable à l’amendement de Mme Rist.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). J’explique depuis longtemps que le dispositif Mon soutien psy pose plusieurs problèmes, à commencer par l’adressage médical. Je me félicite que cet obstacle soit levé. Cependant, n’oublions pas que le dispositif ne concerne que les troubles légers et modérés : je ne vois donc pas, monsieur le rapporteur général, l’intérêt d’étudier l’évolution du taux d’hospitalisation.

Se pose toujours la question de la pertinence du dispositif, auquel recourent généralement des personnes qui auraient eu les moyens de payer les consultations. Les 170 millions qui lui sont consacrés ne seraient-ils pas plus utiles aux centres médico-psychologiques (CMP) et aux centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), qui assurent un suivi des patients sur le long terme mais sont en grande difficulté ? Si ces institutions fonctionnaient correctement – ce qui n’est pas le cas –, il serait opportun d’y envoyer les personnes souffrant de troubles légers, pour quelques séances.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Le dispositif Mon soutien psy vise à répondre à des problèmes excessivement légers, puisqu’il ne faut pas être malade pour en bénéficier. Les personnes atteintes de dépression, par exemple, ne sont pas concernées. En revanche, les patients ayant besoin d’un cadre médical n’ont plus accès aux soins. Dans ma circonscription, l’hôpital de Blain – l’un des derniers qui accueille encore des patients, même en provenance d’autres départements dépourvus de structures d’accueil en psychiatrie – est en train de fermer des lits. Peut-être faudrait-il donc réorienter ces 170 millions d’euros vers la prise en charge des personnes ayant réellement besoin de soins.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Ce débat pose la question du nombre de psychologues exerçant dans notre pays, de leur formation et de l’accès aux soins. Mon soutien psy, auquel participent des psychologues volontaires, est un dispositif pragmatique, puisqu’il vise à améliorer l’accès aux soins, et social, parce qu’il s’adresse en particulier à ceux qui n’ont pas les moyens de payer des consultations – je pense notamment aux étudiants.

Il me paraît difficile, monsieur le rapporteur général, de lancer les études qui vous intéressent dans le cadre d’un rapport. À chaque fois, on risque de fragiliser les accès directs. Les psychologues sont assez compétents pour savoir s’ils peuvent prendre en charge la personne qui se présente à eux ou si son état justifie de l’envoyer consulter un médecin. Je m’abstiendrai donc lors du vote de votre sous-amendement.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Lorsqu’elle était ministre de l’enseignement supérieur, Mme Frédérique Vidal avait promis le doublement du nombre de psychologues présents dans les universités. En réalité, cette mesure n’aurait permis que de nommer un psychologue dans chaque université, ce qui paraît encore insuffisant. Or cet engagement n’a pas été respecté. Les collègues ayant soutenu les gouvernements précédents, ou ceux ayant plus de liens que moi avec la Macronie, pourraient-ils me dire ce qu’il est advenu de cette immense promesse, qui était censée prouver la bonne volonté du Gouvernement dans la lutte contre la dégradation de la santé mentale des jeunes ?

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Amendements AS77 de Mme Pascale Got, AS1015 de M. Max Mathiasin et AS318 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune)

Mme Béatrice Bellay (SOC). L’amendement AS77 vise à expérimenter, dans trois régions – la Guadeloupe, la Martinique et la Nouvelle-Aquitaine – et pour une durée de trois ans, la conclusion de conventions avec les entreprises proposant un service de transport de personnes à mobilité réduite (TPMR). Ces dernières sont dans une situation fragile alors qu’elles assurent presque un service public, au vu de l’insuffisance de l’offre de transport médicalisé et de la pénurie de taxis. L’expérimentation proposée permettrait de laisser à ces entreprises, à qui des investissements importants sont demandés, le temps de se structurer, tout en garantissant le transport des personnes atteintes d’un cancer, d’une affection psychiatrique ou sous dialyse dans de bonnes conditions. Il faut éviter, par exemple, un départ à quatre heures du matin et un retour à domicile à dix-neuf heures pour seulement deux heures de soins, comme cela arrive en Martinique.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Il faut absolument mettre en place une telle expérimentation, comme vient de l’expliquer Mme Bellay et comme le propose M. Mathiasin dans son amendement AS1015.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Il convient d’autoriser à titre expérimental les entreprises TPMR à effectuer des missions de transport sanitaire. Lorsque mon train est bloqué et que la suite du trajet est assurée en bus, je dois appeler une ambulance qui vient me chercher, avec mon fauteuil électrique, pour me conduire à destination. Une telle situation peut s’avérer très compliquée ; dans certaines localités, elle pose même de sérieux problèmes. L’expérimentation proposée contribuerait à la lutte contre les discriminations à l’encontre des personnes en situation de handicap ou atteintes de certaines maladies.

M. le rapporteur général. Ces trois amendements visent à expérimenter, dans trois régions, un cadre juridique propre aux entreprises TPMR et à garantir le remboursement aux usagers des frais de transport correspondants. Il s’agit là d’un enjeu réel car nous manquons de véhicules sanitaires susceptibles d’assurer le transport – et donc l’accès aux soins – des personnes handicapées. En favorisant les entreprises spécialisées dans le transport de personnes à mobilité réduite, nous leur permettrions effectivement de s’organiser pour effectuer ces transports sanitaires. Le principe d’une expérimentation ne pose pas de problème. Je trouve même que c’est une bonne idée : j’émets donc un avis favorable sur le fond.

Sur la forme, en revanche, vos trois amendements ne sont pas identiques et leur rédaction pourrait être améliorée. Je leur donne un avis favorable, comme je viens de l’annoncer, pour ne pas bloquer cette avancée, mais je vous invite vraiment à les retravailler, éventuellement dans le but d’aboutir à une rédaction commune.

Peut-être pourrions-nous envisager, en séance, d’élargir un peu cette expérimentation. Il est bon que cette dernière concerne trois départements d’outre-mer, mais je vous invite à y inclure aussi d’autres départements confrontés à des problèmes identiques. J’ai quelques idées...

Mme Béatrice Bellay (SOC). J’ai proposé la Nouvelle-Aquitaine, qui n’est pas une région d’outre-mer !

M. le rapporteur général. Cessez de m’agresser, madame Bellay ! Un autre jour, vous m’avez déjà expliqué gentiment que l’outre-mer n’était pas monolithique, ce que je n’avais jamais dit... J’avais bien compris que vous pensiez à la Nouvelle-Aquitaine, mais vous avez réagi de manière si prompte que je n’ai même pas eu le temps de terminer ma phrase ! J’allais dire qu’il serait de bon ton de sélectionner trois départements aux spécificités marquées – la ruralité ou la situation en zone de montagne, par exemple – afin que l’expérimentation soit la plus objective possible.

La commission adopte l’amendement AS77.

En conséquence, les amendements AS1015 et AS318 tombent.

Amendements AS1160, AS1163 et AS958 de M. René Lioret

M. René Lioret (RN). Ces amendements visent à lutter plus efficacement contre les fraudes au transport sanitaire. Ils ne ciblent pas les patients, mais plutôt les prestataires de services. Les principales infractions constatées sont l’absence d’agrément, la facturation de transports fictifs, la fausse facturation, l’exercice illégal de l’activité et la facturation non conforme à la délivrance. Les 34 millions d’euros de fraudes détectées en 2023 – un chiffre en hausse de 80 % par rapport à 2018 – ne sont bien sûr que la partie émergée de l’iceberg.

L’amendement AS1160 vise à obliger les entreprises de transport sanitaire à équiper leurs véhicules d’un dispositif de géolocalisation. Les données, stockées et consultables par l’assurance maladie, permettront de vérifier la réalité et la durée des trajets effectués. Les entreprises seront également tenues d’établir un rapport mensuel des déplacements effectués pour des patients couverts par l’assurance maladie, mentionnant à chaque fois la distance parcourue, la durée du trajet et le motif du transport.

L’amendement AS1163 porte davantage sur le bon usage des transports médicaux. Il vise à traquer les prescriptions médicales abusives et l’utilisation non justifiée des services de transport pris en charge par l’assurance maladie.

Quant à l’amendement AS958, il vise à mieux informer les praticiens et les patients quant aux solutions autres que le transport en véhicule sanitaire léger ou en ambulance. Il faut en effet rappeler que les patients qui en sont capables peuvent aussi utiliser leur véhicule personnel, voire emprunter les transports en commun. Il conviendrait de promouvoir, dans ce cas, une meilleure indemnisation kilométrique car le système actuel ne prévoit un remboursement qu’à partir de 50 kilomètres.

M. le rapporteur général. Il est vrai que l’assurance maladie a détecté 34 millions d’euros de fraudes dans les transports sanitaires en 2023. Je partage votre objectif de lutter contre ce phénomène.

Votre amendement AS1160 est partiellement satisfait par l’adoption, à l’article 17, d’un amendement imposant la géolocalisation des véhicules et l’utilisation d’un dispositif intégré de facturation. Je vous demande donc de le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Pour être honnête, je n’ai pas très bien compris les modalités du dispositif prévu par votre amendement AS1163.

M. René Lioret (RN). Cet amendement concerne plutôt les patients dont les droits sont arrivés à échéance. Un médecin peut prescrire un transport médical pour plusieurs mois, voire pour un an ; dès lors que l’ordonnance est périmée, le patient doit demander une nouvelle prescription. C’est ainsi que les choses se passent pour les médicaments ; le transport sanitaire ne doit pas échapper à cette règle.

M. le rapporteur général. Lorsqu’une ordonnance arrive à terme, elle doit être renouvelée – il faut donc une nouvelle validation médicale. Vous évoquez le cas d’un patient ayant obtenu, en raison de son état, une prescription de transport médicalisé, mais dont l’état de santé se serait amélioré. Comment le transporteur pourrait-il justifier le fait que la condition physique du patient ne lui permet plus d’être pris en charge ? Je comprends votre préoccupation, mais je ne sais pas comment y répondre en droit. Faudrait-il imposer au patient de revoir le médecin ? Ou doter le transporteur sanitaire d’un logiciel de contrôle des prescriptions ?

M. René Lioret (RN). Un patient ne peut pas obliger un transporteur à le véhiculer sur le fondement d’un document qui n’est plus valable. Mais je retire cet amendement, ainsi que le précédent.

M. le rapporteur général. De toute façon, le transporteur ne peut accepter un bon de transport périmé.

J’en viens à votre amendement AS958. Je ne peux pas être contre la diffusion d’un guide de bonnes pratiques, mais ces dernières sont déjà connues des associations de patients, des transporteurs et de la communauté médicale. Je ne suis donc pas sûr que cette mesure améliore l’efficience des transports de santé. Concentrons nos efforts sur la lutte contre la fraude !

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement AS958, les amendements AS1160 et AS1163 ayant été retirés.

Amendement AS1603 de M. Yannick Neuder

M. le rapporteur général. Plusieurs études, menées notamment par des équipes lyonnaises, ont montré que la réalisation d’un scanner thoracique en faible dose par les fumeurs âgés de plus de 50 ans permettait la détection de tumeurs pulmonaires débutantes et réduisait donc le risque de décès à la suite d’un cancer du poumon. Ce risque à dix ans serait réduit de 24 % chez les hommes et de 33 % chez les femmes. La HAS a été saisie de ce sujet en 2022, mais il me paraît souhaitable d’engager au plus vite une expérimentation de tels dépistages à grande échelle. J’ajoute que les scanners thoraciques en faible dose permettent aussi de réaliser un score calcique et donc de dépister la maladie coronaire.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Je participe, en tant que patiente, à une étude scientifique consacrée aux femmes fumeuses de plus de 50 ans ; dans ce cadre, je passe un scanner tous les ans. Il me semble cependant prématuré d’inscrire ces dépistages dans la loi alors que les études sont en cours et que tous les résultats n’ont pas été publiés.

Mme Sandrine Runel (SOC). Nous sommes évidemment favorables à cet amendement, qui encourage la prévention. Il convient en effet de dépister les maladies le plus tôt possible. Toutefois, madame Rist, à près de 30 euros le paquet de cigarettes, il vaudrait mieux arrêter de fumer !

M. le rapporteur général. J’ai cité des chiffres, madame Rist : un dépistage précoce réduit le risque de décès à dix ans à la suite d’un cancer du poumon de 24 % chez les hommes et de 33 % chez les femmes. Les conclusions de ces études ont été publiées, ce qui n’empêche pas d’autres études, portant sur des populations ciblées, d’être menées. Il est donc possible de commencer une expérimentation, qui pourrait d’ailleurs prendre différentes formes ; ainsi, pour aller au contact des populations, des scanners pourraient être embarqués dans des camions.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS326 de M. Sébastien Peytavie et AS1068 de M. Hadrien Clouet

M. Sébastien Peytavie (EcoS). La question des besoins des étudiants en consultations psychologiques a été soulevée tout à l’heure. En cas de troubles graves, les huit séances proposées dans le cadre du dispositif Mon soutien psy ne suffiront pas, mais cela ne signifie pas pour autant qu’une consultation médicale en psychiatrie est nécessaire. Les psychologues ont été formés pour gérer des situations complexes – je ferai d’ailleurs remarquer qu’au cours de leur formation, ils ont suivi plus d’heures de spécialité que les médecins psychiatres. Toute la question est de savoir comment accompagner la souffrance psychologique et en sortir autrement que par un traitement médicamenteux.

Sur les trente psychologues formés dans ma promotion, en 2006, seuls dix ont trouvé un travail. Pour ma part, pendant près de dix ans, il a fallu que je cumule quatre emplois, non parce qu’il n’y avait pas de besoins, mais parce que les structures n’avaient pas les moyens d’embaucher. J’étais payé 820 euros par mois pour un mi-temps alors que j’avais un diplôme de niveau bac + 5. Le recrutement et la rémunération des psychologues sont donc aujourd’hui des questions essentielles, qu’il convient de régler afin que les CMP et CMPP aient la possibilité de recruter davantage de professionnels, mieux payés, à même d’assurer un suivi psychologique de qualité sur le long terme.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Au travers de l’amendement AS1068, nous souhaitons obtenir un rapport consacré au dispositif Mon soutien psy. Ce dernier a beaucoup évolué – le nombre de séances possibles est notamment passé de huit à douze –, et nous constatons que seuls 11 % des bénéficiaires sont en situation de précarité. Ce dispositif ne rate‑t‑il pas sa cible ?

Une prise en charge est déjà possible dans le cadre des CMP, pour les adultes, ou des CMPP, pour les mineurs, mais ces structures sont surchargées. Or les crédits alloués à Mon soutien psy permettraient de financer 2 500 postes supplémentaires – quatre fois plus que les 800 postes récemment créés en CMP, qui restent insuffisants – et ainsi de prendre en charge davantage de patients et de situations.

M. le rapporteur général. Je veux bien donner un avis favorable à cette demande de rapport, mais peut-être serait-il préférable de sous-amender en séance l’amendement que j’ai moi-même déposé à cet effet. Une évaluation globale aurait sans doute plus de sens.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Le rapport devra mesurer l’effet d’éviction exercé par le dispositif Mon soutien psy sur les prises en charge en CMP.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS1139 de Mme Élise Leboucher

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Par cet amendement d’appel, nous souhaitons interpeller le Gouvernement au sujet du dépistage des cytomégalovirus, absolument bénins pour les hommes mais potentiellement gravissimes pour les femmes enceintes puisqu’ils peuvent provoquer, chez les bébés, des séquelles durables telles que des insuffisances hépatiques, des troubles neurologiques sévères, des handicaps mentaux, une surdité bilatérale ou des retards psychomoteurs. Il convient donc de renforcer le dépistage de ce virus afin de protéger les nourrissons.

M. le rapporteur général. En février, le Haut Conseil de la santé publique a rendu un avis défavorable au dépistage systématique. Je sais que Mme Rist est très impliquée sur ce sujet, je préfère l’entendre avant d’émettre un avis.

Mme Stéphanie Rist (EPR). L’Académie nationale de médecine s’est prononcée très récemment en faveur du dépistage. L’an dernier, nous avons adopté un amendement visant à solliciter l’avis de la HAS ; celui-ci devrait être rendu avant la fin de l’année – au regard des données scientifiques, il devrait être positif. L’automaticité résoudrait un problème d’inégalités sociales.

M. le rapporteur général. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS558 de M. Philippe Vigier

M. Philippe Vigier (Dem). Chacun se plaint de la bureaucratie, toujours plus tatillonne. L’Allemagne compte 21 % de personnels administratifs dans les hôpitaux, la France 31 %. L’amendement vise à augmenter la proportion des soignants en optimisant les ressources humaines. Nous souhaitons même instituer un copilotage mené par un soignant et un administratif.

M. le rapporteur général. Je souscris à la nécessité de débureaucratiser les hôpitaux mais il faut veiller à la véracité des chiffres. Ceux de l’Organisation de coopération et de développement économiques sont souvent cités, mais on peut adopter d’autres modes de calcul, en détaillant la part des secrétaires médicales, des brancardiers et des ouvriers logisticiens. Pour atteindre votre objectif, il faudrait plutôt faire en sorte que le ministère demande moins de données aux ARS, qui en demanderont donc moins aux hôpitaux. Les administratifs travaillent et les hôpitaux ne les emploient pas par plaisir. Si on institue des quotas sans diminuer la charge administrative, les établissements subiront une double contrainte. Monsieur Vigier, je vous propose de rédiger un amendement commun en ce sens.

M. Thibault Bazin (DR). Je soutiens l’appel de Philippe Vigier. Quand j’ai exprimé la même demande à la ministre de la santé et de l’accès aux soins, elle m’a reproché de vouloir supprimer les secrétaires médicales ; or ce n’est pas du tout mon intention. Il faut partager les efforts tout en préservant la première ligne. Nous devons simplifier certaines obligations sans intérêt pour le patient. Elles relèvent souvent du domaine réglementaire.

On estime la répartition à 60 % de soignants et 40 % d’administratifs. La ministre a expliqué que ces derniers se répartiraient à égalité entre le secrétariat et les autres tâches ; M. Vigier proposant un plafond de 25 %, cela préserve largement les 20 % de secrétaires.

M. Hendrik Davi (EcoS). On ne résoudra pas la bureaucratisation des administrations en employant des méthodes bureaucratiques. Les soignants passent un temps de malade à rendre des comptes à cause notamment de la T2A. Il en va de même dans la recherche. On a voulu diminuer le temps administratif des laboratoires mais les appels d’offres se multiplient, comme les rapports et les demandes de financement. Les administratifs font des burn-out : certains laboratoires n’en ont plus et ne peuvent plus répondre aux appels d’offres.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Il faut diminuer le nombre d’administratifs dans les hôpitaux. Dans celui où je travaille, 50 % d’entre eux sont des secrétaires médicales, sans qui nous ne pourrions pas soigner les malades. Pour que les hôpitaux emploient moins de personnel administratif, il faut que le ministère arrête de demander aux ARS des données administratives, pour que les ARS arrêtent d’en demander aux hôpitaux. J’ajoute que la HAS a créé une machinerie à certification qui, à elle seule, exige le travail de huit personnes dans un établissement moyen.

M. Christophe Bentz (RN). Je défendrai ultérieurement un amendement encore plus restrictif. On parle beaucoup de la suradministration mais on n’agit jamais, alors qu’elle réduit le temps médical. Je ne dis pas que le personnel administratif ne travaille pas mais une réforme de simplification est indispensable. De tels amendements ont une portée symbolique mais ils ont le mérite d’ouvrir le débat.

M. Philippe Vigier (Dem). Naturellement, baisser le nombre d’administratifs implique de diminuer la charge administrative. J’ajoute que trop d’administration tue l’initiative des médecins en les entravant. Je vous invite à regarder l’évolution du cadre d’emploi : la courbe est nettement ascendante.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Diminuons d’abord l’administration en centrale – je préfère taper en haut que sur les établissements.

M. le président Frédéric Valletoux. Il ne faudrait pas renvoyer la balle aux hôpitaux, qui sont au bout de la chaîne, et faire comme s’ils inventaient la suradministration.

M. Philippe Vigier (Dem). Je veux bien déposer un amendement pour l’examen en séance, mais je favorise la remontée – je n’attends pas que les changements descendent d’en haut. Les territoires sont capables de montrer qu’on peut faire mieux, avec moins d’administratifs et plus de soignants.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS21 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Le coût de l’intérim paramédical explose à l’hôpital : en cinq ans, il est passé de 133 millions à 460 millions d’euros. L’article 18 va dans le bon sens. Toutefois, il prévoit que le plafonnement sera envisageable lorsqu’il existe « une tension sur les ressources », or le terme n’est pas défini. J’ajoute qu’il faut limiter le recours à l’intérim, quelles que soient les ressources disponibles. L’amendement vise à supprimer cette condition.

Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

Amendement AS23 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Dans son récent rapport « Intérim médical et permanence des soins dans les hôpitaux publics », la Cour des comptes recommande que chaque ARS prévoie un contingent de contrats intérimaires pour plafonner leur nombre à l’échelle des groupements hospitaliers de territoire tout en l’adaptant à la situation. Dans certains hôpitaux, 30 % des membres de l’équipe sont contractuels ou intérimaires, il faut réduire cette proportion.

M. le rapporteur général. Nous venons d’évoquer la suradministration : je crains qu’un tel dispositif ne soit très compliqué à déployer. Nous voulons tous limiter l’intérim paramédical qui fait exploser les coûts de fonctionnement des structures, mais il faut trouver un autre moyen.

Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous sommes nombreux à vouloir favoriser l’autonomie des établissements et celle des équipes dirigeantes, dont les médecins font partie, et à vouloir faire confiance au dialogue social. Tout faire régenter par les ARS est contraire à la responsabilisation.

M. Jérôme Guedj (SOC). J’ai mal défendu l’amendement. Le dispositif est ainsi rédigé : « la part des contrats de recrutement temporaire conclus par lesdits établissements et lesdits services [peut] être plafonné[e] ». Cela ne nécessite aucune machinerie administrative.

La commission adopte l’amendement.

Amendements AS774 de M. Yannick Monnet et AS 772 de Mme Karine Lebon

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Les deux amendements visent à prendre systématiquement en compte les spécificités territoriales. Nous sommes favorables à la régulation de l’intérim mais il faut s’interroger sur les raisons de sa croissance. Or la désertification médicale, qui en constitue la première cause, est la grande absente de ce PLFSS.

M. le rapporteur général. Le premier amendement pose un problème de rédaction : il vise à prendre en compte « les besoins sociaux et médico-sociaux » mais l’article concerne l’hôpital. Je vous propose donc de le retirer, au bénéfice du second ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement AS774 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS772.

Amendement AS996 de M. Hadrien Clouet

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Le présent amendement vise à prévoir des sanctions contre les établissements qui ne respectent pas le plafond d’intérim.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS24 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). L’alinéa 9 prévoit d’élargir le plafonnement à cinq catégories d’établissements et services sociaux et médico-sociaux alors qu’il en existe dix‑sept. Mon amendement vise à l’appliquer à tous les établissements mentionnés à l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles.

M. le rapporteur général. Nous sommes tous opposés au recours abusif à l’intérim, qui empêche la fidélisation du personnel et sa montée en compétences, mais il est parfois nécessaire. Le périmètre est restreint à neuf catégories d’établissements qui surconsomment l’intérim.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Jérôme Guedj (SOC). J’apprends que nous disposons de données relatives à la répartition des contrats intérimaires selon les catégories d’établissements, ce qui est intéressant. Qui peut plus peut le moins : le plafond ne s’appliquera pas à ceux qui ne surconsomment pas. La généralisation de la mesure évitera les traitements différenciés.

M. le rapporteur général. Cela créera une obligation administrative pour des établissements qui n’étaient pas concernés.

Mme Stéphanie Rist (EPR). S’ils ne recourent pas à l’intérim, le dispositif ne les dérangera pas ; si dans trois mois ils décident d’y faire appel, ils devront respecter le plafond.

M. le rapporteur général. Certes mais pour justifier qu’ils ne dépassent pas le plafond, ils devront renseigner des documents.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS775 de Mme Karine Lebon

Mme Émeline K/Bidi (GDR). L’amendement AS775 est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

L’amendement AS22 de M. Jérôme Guedj est retiré.

Amendement AS1167 de M. Damien Maudet

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Cet amendement vise à expérimenter une dérogation en cas de risque de fermeture de service.

M. le rapporteur général. J’entends qu’on envisage une dérogation pour éviter les fermetures. Toutefois, c’est un peu contradictoire avec votre proposition de renforcer les sanctions. La rédaction mérite d’être clarifiée pour l’examen en séance publique.

Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist (EPR). On touche là le cœur du débat sur le plafonnement de l’intérim. Si on crée des dérogations, la mesure deviendra inutile car les professionnels iront là où elle ne s’applique pas. La règle doit être la même partout.

Les services ferment par manque de professionnels. La loi du 27 décembre 2023 limite l’intérim des médecins. Nous sommes en train de l’évaluer : pendant un temps, le manque d’intérimaire s’est aggravé parce que certains avaient décidé de ne plus exercer en intérim, mais ce n’est pas ce qui provoque les fermetures de service, liées à la démographie.

Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement est satisfait : le recours aux intérimaires est limité mais certaines spécificités territoriales ou la menace de fermeture d’un service justifient le rehaussement du plafond et l’allocation de primes.

M. Philippe Vigier (Dem). Nous avons déjà encadré l’intérim mais j’ai constaté dans ma circonscription que les directeurs prennent la responsabilité de rémunérer au-delà de la grille. De plus, en territorialisant la mesure, vous créerez un appel d’air, les professionnels seront incités à démissionner de la fonction publique et on surembauchera en intérim – on aura perdu trois fois.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Le caractère expérimental impose la territorialisation. Nous retirons l’amendement, que nous réécrirons pour l’examen en séance. Monsieur le rapporteur général, nous vous remercions de nous transmettre des éléments relatifs aux dispositions qu’a citées Mme Corneloup.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 18 modifié.

Amendement AS1095 de M. Hadrien Clouet

M. Damien Maudet (LFI-NFP). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1158 de M. Christophe Bentz

M. Christophe Bentz (RN). M. Vigier a proposé de limiter à 25 % la proportion du personnel administratif dans les hôpitaux ; mon amendement tend à le plafonner à 10 %. Vous voulez taper en haut et non en bas, monsieur le rapporteur général, mais il faut faire les deux. La suradministration affecte les ARS comme la gouvernance hospitalière. Tous les soignants demandent une simplification administrative – c’est urgent.

M. le rapporteur général. Sur quels critères précisément repose le choix d’un plafond de 10 % ? On ne peut pas faire une coupe à la hache, sans étude d’impact. Avis défavorable.

Cependant, l’idée d’inciter à progresser en même temps en haut et en bas est bonne, je vous suggère de retravailler l’amendement pour la séance, avec une vision d’ensemble de la situation. Il ne faut pas prendre en otage les hôpitaux ; si la mesure que vous défendez a pour effet de supprimer les postes de secrétaires médicales, nous ne rendrons pas service aux patients.

M. Jean-Carles Grelier (Dem). Les problématiques de santé sont globales. Il ne faut pas jouer au mikado : chaque retrait de baguette ébranle l’ensemble du système. Si l’on pouvait résoudre le problème de l’intérim médical à coups de lois et de décrets, cela se saurait. Il faut s’attacher à la fois aux causes et aux effets. La surenchère aux contraintes fragilise tout le système sans garantir de résoudre le problème.

M. Hendrik Davi (EcoS). Comme tout à l’heure, je pense que le plafonnement est une mauvaise idée. Toutefois, une bonne question a été posée : à quoi servent les ARS ? Un rapport éclairerait le législateur sur l’opportunité d’une organisation différente.

Mme Annie Vidal (EPR). L’approche n’est pas pertinente. Il faudrait déjà préciser ce que désigne le terme « personnels administratifs ». Pour économiser des milliards, la réforme de Marisol Touraine a consisté, un peu bêtement, à ne pas remplacer la moitié des personnes partant à la retraite. La démarche est comparable, et c’est une catastrophe. Il faut accompagner le changement avec des réorganisations et un encadrement différent, non procéder à des coupes sèches dont on ne mesure pas les effets.

M. Christophe Bentz (RN). Je retire l’amendement et, pour l’examen en séance, en déposerai un autre prévoyant plusieurs étages de simplification.

L’amendement est retiré.

Amendement AS1363 de M. François Gernigon

M. François Gernigon (HOR). Des plateformes numériques se développent pour vendre des arrêts de travail accessible en quelques clics. Cette pratique, éthiquement discutable, est préoccupante pour la santé publique car la pertinence des diagnostics ainsi posés est discutable. Hébergées hors de France, ces plateformes font souvent appel à des médecins étrangers, ce qui favorise les abus et risque de compromettre l’intégrité du système de sécurité sociale. Le présent amendement vise à interdire ces plateformes et la possibilité pour un médecin qui n’exerce pas en France de fournir des arrêts de travail par télémédecine.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

Amendement AS1364 de M. François Gernigon

M. François Gernigon (HOR). Le présent amendement vise à limiter à un jour la durée des arrêts de travail prescrits par télémédecine. Les dépenses de la sécurité sociales liées aux arrêts de travail ne cessent de croître, excédant 15 milliards d’euros par an, et 40 % des indemnités journalières concernent des arrêts de moins de sept jours. Limiter les arrêts par téléconsultation réduirait le risque de prescriptions injustifiées donc permettrait de mieux contrôler les coûts tout en incitant les patients à consulter en cabinet, pour garantir de meilleurs diagnostics.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

Amendement AS1059 de Mme Élise Leboucher

M. Damien Maudet (LFI-NFP). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS890 de Mme Marie Pochon

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Cet amendement vise à servir des produits alimentaires de qualité – locaux et bio – dans les établissements hospitaliers.

Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

Amendement AS1243 de Mme Annie Vidal

Mme Annie Vidal (EPR). Mon amendement tend à prendre en compte, pour le financement des établissements de santé, des critères environnementaux, en évaluant la qualité, la sécurité et le caractère écoresponsable des soins.

M. le rapporteur général. Nous sommes d’accord sur l’importance de favoriser l’écoresponsabilité, le domaine médical étant à l’origine de fortes émissions de gaz à effet de serre. Cependant votre amendement tend, comme le précédent, à réformer l’incitation financière à l’amélioration de la qualité, en cours de refonte. Ce n’est pas la bonne voie.

Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement AS1450 de M. Henri Alfandari

M. François Gernigon (HOR). Mon collègue Henri Alfandari propose qu’aucune indemnité journalière ne soit versée au salarié pendant les sept premiers jours d’arrêt maladie. En contrepartie, le salarié et l’employeur pourraient s’accorder pour que le temps de travail non effectué soit récupéré durant le mois au cours duquel le salarié reprend ses fonctions, sans perte de rémunération et dans le respect des dispositions du code du travail relatives au temps maximal de travail.

M. le rapporteur général. Je comprends bien votre volonté de responsabiliser les assurés, mais vous y allez un peu fort : sept jours sans indemnité représenteraient un quart de salaire en moins. Peut-être la réflexion concerne-t-elle plutôt le code du travail que le code de la sécurité sociale. Des discussions sont par ailleurs en cours en vue de la création d’un jour de carence dans le secteur public, au nom de l’égalité entre public et privé. Une carence de sept jours pour un arrêt maladie me semblerait en tout cas très sévère.

M. François Gernigon (HOR). L’idée n’est pas d’appliquer un délai de carence de sept jours, mais d’éviter les pertes de salaire, puisque le temps de travail non effectué pourrait être récupéré.

M. Yannick Neuder (DR). Ce système ne serait pas applicable à tous les salariés : les cadres pourraient sans doute revenir pendant des journées de RTT pour compenser les jours d’arrêt, mais les non-cadres qui travaillent 35 heures sans RTT n’en auraient pas l’occasion. Cette mesure serait très sévère pour eux.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Notre groupe ne soutiendra évidemment pas cet amendement. Une telle durée de carence serait tout simplement énorme. Pour prendre un autre exemple, quand donc les femmes élevant seules leurs enfants, qui travaillent souvent à temps partiel pour pouvoir s’en occuper, trouveront-elles le temps de travailler sept jours de plus au cours du mois ? C’est matériellement impossible.

Une telle mesure inciterait par ailleurs les salariés à venir travailler alors qu’ils sont malades, au risque de contaminer leurs collègues, ce qu’on cherche précisément à éviter.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1075 de Mme Zahia Hamdane

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Le Gouvernement prévoit de réduire de 1,8 à 1,4 Smic le plafond des indemnités journalières versées en cas d’arrêt de travail, ce qui ramènera le montant maximal de 52 à 40 euros par jour – une attaque directe contre les droits des travailleurs malades. Depuis des années, les droites alimentent une suspicion injustifiée envers les arrêts maladie, les assimilant à de la fraude sociale. Les chiffres montrent pourtant que le problème n’est pas tant l’absentéisme que le présentéisme : 37 % des Français continuent à travailler lorsqu’ils sont malades, contre 28 % en moyenne pour leurs voisins européens. La hausse des dépenses liées aux arrêts maladie n’est pas due à une explosion du nombre d’arrêts, mais à la revalorisation des indemnités consécutive à la hausse – encore insuffisante – du Smic.

Il est donc impératif que les modifications du plafond d’indemnisation soient soumises à un contrôle législatif, afin de garantir la défense des droits des salariés et d’éviter toute dérive gouvernementale visant à les affaiblir. Aussi proposons-nous qu’elles fassent l’objet d’une consultation préalable des commissions des affaires sociales du Parlement.

M. le rapporteur général. Votre amendement me semble bancal : si vous souhaitez que le Parlement contrôle le plafond des indemnités journalières, il faut le fixer dans la loi. Consulter les commissions parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat comme vous le proposez serait inconstitutionnel.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1604 de M. Yannick Neuder

M. le rapporteur général. Je souhaite limiter le remboursement aux conditions prévues pour les affections de longue durée (ALD) de médicaments qui ne relèvent pas de ce champ. Sur les ordonnanciers bizones – qui, comme leur nom l’indique, sont divisés en deux cases –, la première partie est destinée aux traitements relatifs à l’ALD. De ce fait, les médecins, qui commencent spontanément par écrire en haut de l’ordonnance, tendent à inscrire toutes les prescriptions dans la zone dévolue à l’ALD, y compris celles qui ne devraient pas y figurer.

Je propose d’inverser la présentation en plaçant la zone ALD en bas de la feuille, pour inciter les praticiens à être plus vigilants et à prescrire dans la bonne case. Cette mesure ne coûterait rien, permettrait de gagner en efficience et ne créerait aucun travail nouveau pour le médecin.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Pensez-vous vraiment que cette inversion changera quoi que ce soit ? Ne pensez-vous pas que les médecins inscrivent certains traitements dans la case ALD précisément pour que les patients puissent être remboursés intégralement ?

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). En appliquant votre logique, si certains médecins se trompent en écrivant à tort dans la partie supérieure de l’ordonnance, leurs erreurs seront désormais commises au détriment du patient, puisque cette zone ne sera plus couverte par le remboursement ALD.

M. le rapporteur général. Les patients souffrant d’une ALD ne sont pris en charge sous ce régime que pour les traitements qui relèvent de cette pathologie : ils peuvent très bien souffrir aussi d’un autre problème médical. Or, dans de nombreux cas, tous les médicaments sont prescrits comme relevant de ce champ. Mon objectif est simplement de permettre un meilleur respect du cadre de l’ALD. Le patient n’y perdra rien, puisque, pour le reste, les traitements resteront pris en change par les assurances complémentaires.

M. Emmanuel Taché de la Pagerie (RN). Mais qu’en sera-t-il pour les patients qui ne disposent pas d’une complémentaire ?

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Et, en cas d’erreur dans le sens inverse, qui paiera ? L’assuré ou la collectivité ?

M. le rapporteur général. L’erreur de prescription relève d’une logique différente : si un traitement est inscrit dans la mauvaise case, le pharmacien le signalera au patient qui pourra revenir vers son médecin pour faire rectifier la situation, et sera donc bien pris en charge au titre de son ALD.

Les patients sans assurance complémentaire ne bénéficieront certes pas d’un remboursement automatique, mais ils peuvent avoir recours à la complémentaire santé solidaire (C2S) – gratuite ou payante, en fonction de leur niveau de rémunération. Une mauvaise prescription ne devrait pas ouvrir des droits.

Mme Josiane Corneloup (DR). Un patient souffrant d’une ALD bénéficie d’un remboursement intégral, par la sécurité sociale, de tous les soins qui en relèvent. S’il se voit prescrire des traitements sans lien avec cette pathologie, sa complémentaire intervient. Les coûts pour le malade restent mineurs, puisqu’il est par ailleurs pris en charge intégralement pour ce qui a trait à son ALD.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS1420 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Nous souhaitons réformer la C2S de façon à trouver un équilibre entre solidarité et responsabilité budgétaire. Nous nous accordons tous sur la nécessité de garantir l’accès aux soins pour les plus vulnérables, mais chacun doit contribuer à la solidarité nationale à hauteur de ses moyens, même de manière symbolique.

Nous proposons donc de prévoir que les bénéficiaires de la C2S s’acquitteront d’une participation financière fixée par décret, y compris lorsque leurs ressources et celles des autres membres du même foyer sont inférieures à un plafond déterminé par décret.

M. le rapporteur général. Je suis favorable à cet amendement, qui promeut une logique de responsabilisation. L’existence d’une complémentaire santé solidaire est une bonne chose, mais il est normal qu’une contribution minimale, même modique, soit fixée, pour que les patients comprennent bien que les soins et médicaments dont ils bénéficient ne sont pas gratuits.

M. Jérôme Guedj (SOC). J’imagine que M. Bazin nous soumet ici un amendement de provocation en proposant de revenir sur la couverture assurée par la C2S – le terme de « gratuité » ne me semble pas adéquat. Suivant votre logique, toutes les couvertures garantissant une gratuité totale au patient, comme la couverture maladie universelle ou la prise en charge des ALD, devraient être remises en cause au nom de la responsabilisation du patient – après tout, des abus existent sans doute.

L’accès aux soins des plus vulnérables doit être garanti. Le débat est même ailleurs, en réalité : plus les prestations couvertes intégralement par la sécurité sociale seront nombreuses, moins on aura besoin de recourir à la C2S.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Alors que le PLFSS prévoit un important transfert de charges de la sécurité sociale vers les complémentaires en matière de remboursement les consultations, il me semblerait quelque peu malvenu de baisser le plafond de revenus en deçà duquel la C2S est gratuite. On peut même se demander s’il ne serait pas pertinent de l’augmenter.

M. Thibault Bazin (DR). Notre collègue Guedj tire le fil plus loin que je n’aurais pu l’imaginer. J’estime que c’est l’absence de réformes structurelles qui nous a conduits à la situation financière actuelle – que, comme probablement beaucoup d’autres ici, je regrette.

Cela étant dit, la C2S coûte très cher et y faire participer chacun symboliquement, même de façon limitée, aurait un intérêt. Peut-être notre proposition doit-elle encore évoluer, mais cette dimension symbolique nous semble importante. Nous avons ainsi proposé plusieurs amendements, dont certains ont malheureusement été déclarés irrecevables, visant à responsabiliser davantage les patients. Aucun n’allait cependant aussi loin que ne l’a suggéré Jérôme Guedj.

Dans un souci de transparence, nous voulons dire clairement, cartes sur table, que de nouvelles sources de recettes comme celle-ci font partie de notre projet.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS1125 de M. Damien Maudet et AS1400 de Mme Stéphanie Rist (discussion commune)

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Par l’amendement AS1125, nous proposons d’aménager le dispositif d’obtention du certificat médical pour la pratique d’un sport : la personne concernée remplirait un questionnaire et ne rencontrerait le médecin que si ce dernier l’estime nécessaire. Alors qu’on encourage les pratiques sportives, le fait de demander systématiquement un certificat médical pose problème dans un contexte où les médecins manquent. Prévoir un questionnaire simple grâce auquel le praticien fera un premier tri entre les personnes qu’il doit rencontrer et les autres libérera du temps médical utile, tout en permettant à nos concitoyens d’accéder plus facilement à la pratique sportive.

M. Jean-François Rousset (EPR). En 2023, François Braun, proposait, parmi les mesures à prendre pour réduire les tâches administratives des médecins, de diminuer le nombre de certificats médicaux conditionnant l’accès à une pratique sportive. Des études ultérieures ont montré que les médecins consacrent chaque semaine une heure et demie, voire deux heures, à délivrer ces certificats. Il paraîtrait logique de les supprimer, à condition que les demandeurs soient majeurs et indemnes de tout facteur de risque. Cet amendement AS1400 est une mesure de bon sens.

M. le rapporteur général. Je suis très favorable à ces amendements. Je m’étonne même qu’une disposition apparemment si simple – beaucoup plus que je ne le croyais – n’ait pas été adoptée plus tôt.

J’ai une préférence pour l’amendement de Mme Rist, qui, contrairement à celui de M. Maudet, s’appliquerait à tous les patients ne présentant aucun facteur de risque ou pathologie particulière, y compris les sportifs professionnels. Je demande donc le retrait de l’amendement AS1125, au profit de l’AS1400.

M. Thierry Frappé (RN). Dans l’exposé sommaire de son amendement, M. Maudet propose « qu’un simple questionnaire de santé suffise à l’obtention d’un certificat médical à la pratique sportive ». Or le document en question serait alors un certificat d’aptitude, et non un certificat médical.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Je suis assez réservé quant à ces amendements : la visite d’obtention du certificat est, pour de nombreuses personnes qui ne consulteraient pas leur médecin autrement, l’occasion de subir un examen clinique. Aucun questionnaire ne saurait remplacer une consultation. Ces examens – qui ne sont certes pas toujours bien réalisés – ont parfois permis de déceler des problèmes cardiaques assez importants chez de grands sportifs, même si je sais qu’ils ne révèlent rien dans la majorité des cas.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Il me paraît très important que les sportifs professionnels voient régulièrement un médecin : ce suivi est indispensable pour prévenir des problèmes qui ne font pas forcément l’objet d’un contrôle au quotidien mais auxquels ils peuvent être exposés, comme les pratiques addictives, le mésusage de certains médicaments, les risques liés à l’exercice de leur sport dans un cadre professionnel contraint – je songe par exemple aux matchs de nuit –, certaines pathologies cardiaques, les pratiques alimentaires, etc. Avec l’accord de son auteur, nous retirons toutefois notre amendement.

L’amendement AS1125 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS1400.

Amendement AS1297 de Mme Stéphanie Rist

Mme Stéphanie Rist (EPR). Il s’agit à mon sens d’un amendement d’une importance majeure, puisqu’il ouvre le débat sur l’évolution du financement de notre système de santé. Je propose d’autoriser, dans le cadre d’une expérimentation de cinq ans, les établissements de santé publics qui le souhaitent à évoluer vers un statut d’établissement de santé privé d’intérêt collectif (Espic). Si nous voulons réellement encourager la débureaucratisation et l’autonomisation, nous devons faire davantage confiance aux acteurs de terrain. Une telle mesure y concourrait.

M. le rapporteur général. Mon avis dépendra de la teneur des débats sur cette question.

M. Jérôme Guedj (SOC). Partant du constat selon lequel des contraintes administratives et financières pèsent sur les hôpitaux publics, vous proposez de transformer ces derniers en Espic, en fondations ou en associations. C’est un peu singulier : au lieu de vous attaquer au différentiel de prélèvements sociaux et fiscaux subi par les établissements publics – le coût du travail d’une aide-soignante est, par exemple, 20 % plus élevé dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes que dans une association ou une structure privée à but lucratif –, vous suggérez que, pour s’en sortir, il ne faut surtout pas être un établissement public. Cette position me pose problème conceptuellement et philosophiquement. Je préférerais qu’on s’attaque aux disparités entre statuts juridiques plutôt que d’encourager chacun à copier le concurrent.

M. Hendrik Davi (EcoS). Les personnels des différents établissements ne relèvent pas des mêmes statuts : dans les hôpitaux publics, la plupart sont des fonctionnaires. Que deviendront-ils si leur employeur se transforme en Espic ?

Par ailleurs, il est faux de dire que la lourdeur bureaucratique est liée au statut de la fonction publique : une partie des problèmes de suradministration dans les hôpitaux publics est liée à la tarification à l’activité ou aux relations avec les ARS, qui concernent aussi les cliniques privées.

M. Jean-Carles Grelier (Dem). Je suis plutôt favorable à la proposition de notre collègue : pour débureaucratiser, on peut mettre en avant le principe de subsidiarité et s’appuyer sur les expérimentations conduites pendant la crise sanitaire, qui ont montré que les établissements de santé, échappant soudain à la hiérarchie trop pesante des ARS et du ministère de la santé, savaient s’administrer avec une grande réactivité.

Les établissements de santé publics et privés ont en outre déjà l’habitude de travailler ensemble au sein des groupements de coopération sanitaire, sans que cette cohabitation statutaire pose de difficultés. Une expérimentation de ce type, si elle permet de donner davantage d’autonomie aux établissements, donc de gagner en efficience, en efficacité et en réactivité, vaut probablement la peine d’être tentée.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Cette solution n’en est pas une, dans la mesure où elle ne permet pas de s’attaquer à la racine du problème. Ce n’est pas en maquillant les établissements hospitaliers publics en structures privées que nous améliorerons les choses. Notre collègue Guedj l’a souligné très justement : en appliquant des règles différentes, on aboutit forcément à des résultats différents. Alors que le service public devrait être encouragé, j’ai le sentiment que vous proposez simplement de mettre du fond de teint sur les boutons de varicelle pour faire croire que le patient est guéri : vous vous attaquez aux conséquences plutôt qu’aux causes, alors qu’il faudrait faire le contraire.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Il ne s’agit pas de transformer les hôpitaux publics en hôpitaux privés, mais de permettre aux établissements qui y verraient un intérêt d’évoluer vers un statut d’Espic – d’établissement à but non lucratif, donc –, en laissant le choix aux professionnels de conserver leur statut ou d’opter pour un emploi contractuel. On éviterait ainsi que chacun reste ancré dans ses certitudes, et l’expérimentation permettrait de voir concrètement ce qui fonctionne ou non.

M. Michel Lauzzana (EPR). Je soutiens cet amendement. Nous avons tous intérêt à nous confronter à de nouveaux schémas et à nous enrichir de l’expérience des autres. Le secteur public a sédimenté un ensemble de contraintes très problématiques, dont souffrent aussi ceux qui y travaillent. Ce n’est pas qu’une question de moyens, mais aussi de structures et de procédures.

Mme Rist propose une simple expérimentation. Vous vous y opposez en brandissant le spectre de la privatisation généralisée, mais l’objectif n’est nullement de livrer les établissements publics à la sphère privée : il s’agit seulement de permettre à certaines structures de devenir des Espic. Si l’essai n’est pas concluant, elles en reviendront à leur statut initial, voilà tout.

M. Théo Bernhardt (RN). Avant de lancer de telles expérimentations, peut-être vaudrait-il mieux mettre de l’ordre dans les finances des établissements de santé et faire en sorte que leurs budgets soient à équilibre.

M. le président Frédéric Valletoux. C’est une vieille idée que de présupposer que le statut même d’établissement public crée des problèmes et des contraintes auxquels il faudrait échapper. Peut-être, à l’inverse, faudrait-il aussi autoriser les établissements privés à devenir des publics, pour montrer que ce n’est pas toujours le cas.

Ensuite, les établissements publics assurent, en plus du soin, un ensemble de missions de service public – enseignement, recherche, permanence des soins – qui ne s’imposent pas aux établissements de statut privé, même à but non lucratif. Veillons à ne pas déstabiliser l’offre dans certains territoires au détour d’un amendement, par ailleurs intéressant et qui soulève des questions fondamentales. Je suis donc très mitigé quant à cette proposition.

M. le rapporteur général. Les centres hospitaliers universitaires assurent trois types de mission : le soin, la recherche et l’enseignement. J’entends parfaitement vos arguments s’agissant des soins, madame Rist : des structures de tout type assurent des soins, selon des modalités qui ne sont ni celles des hôpitaux publics ni celles cliniques privées. En revanche, pour ce qui est de la recherche et de l’enseignement, je m’interroge davantage, par exemple sur la façon dont les étudiants rattachés à un hôpital pourraient être accueillis en stage.

Si vous me le permettez, j’émets donc un avis de sagesse sur cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

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9.   Réunion du jeudi 24 octobre 2024 à 21 heures (après l’article 18 [suite] à après l’article 21)

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.15629107_671a9de1b1cd0.commission-des-affaires-sociales---suite-de-l-examen-du-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite-24-octobre-2024

La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 325) (M. Yannick Neuder, rapporteur général ; M. Guillaume Florquin, M. Louis Boyard, Mme Sandrine Rousseau et M. Jean-Carles Grelier, rapporteurs)

Amendement AS586 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Un accord de revalorisation des rémunérations des personnels oubliés par le Ségur de la santé a été signé le 4 juin 2024, mais des interrogations subsistent sur le nombre de personnes concernées et le montant global du financement nécessaire.

Cet amendement propose donc qu’un rapport évalue les besoins de financement, puisque les organisations syndicales ne reconnaissent pas les chiffres du Gouvernement.

M. Yannick Neuder, rapporteur général. Je regrette, comme vous, que l’augmentation des taux de cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ampute l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). Nous aurons cette discussion dans l’hémicycle.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS68 de Mme Christine Pirès Beaune

M. Jérôme Guedj (SOC). L’argumentaire est le même que celui présenté par M. Taupiac.

M. le rapporteur général. L’appel a été entendu. Nous en discuterons en séance. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS835 de M. Hadrien Clouet

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Olivier Véran, alors ministre, nous avait dit qu’il y aurait un avant et un après le covid pour l’hôpital. Depuis, nous avons eu un Ségur insuffisant et pas financé, le nombre de postes vacants d’infirmières a été multiplié par huit et des urgences ont fermé. Surtout, la grande décision politique post-covid est le forfait de 20 euros que doivent payer les patients. Cette taxe est particulièrement injuste dans un pays dont 87 % du territoire est un désert médical.

Cet amendement d’appel demande un rapport d’évaluation de la suppression du forfait.

M. le rapporteur général. Je trouve ce rapport intéressant, mais pour des raisons différentes : certaines affections, comme la cystite, coûtent cher car chaque étape du parcours patient est valorisée alors qu’il faudrait un médecin pour la soigner.

Avis favorable.

M. Jean-François Rousset (EPR). Ne nous précipitons pas : certains dispositifs, comme les communautés professionnelles territoriales de santé ou les services d’accès aux soins, sont encore en train de se mettre en place.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). On fait aujourd’hui payer ce forfait à des patients dont l’affection demande une hospitalisation alors qu’ils ont été renvoyés chez eux faute de place. Le problème, c’est le manque de moyens de l’hôpital.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Ce forfait n’est pas sérieux compte tenu du manque de généralistes et de lits à l’hôpital, et eu égard au nombre de personnes qui renoncent aux soins, avec toutes les conséquences que cela peut avoir ensuite.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS274 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement vise à appeler l’attention sur les obstacles législatifs empêchant des infirmiers diplômés d’État d’exercer exclusivement dans un centre de soins non programmés alors que ces structures permettent de désengorger les urgences.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

Amendement AS1031 de M. Gaëtan Dussausaye

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Cet amendement demande un rapport d’évaluation de l’attractivité pour des étrangers de la complémentaire santé solidaire (C2S) et du coût réel de ce dispositif. Il faut se poser la question de l’ouverture de cette facilité d’accès aux soins aux étrangers, y compris ceux qui sont en situation régulière.

M. le rapporteur général. Je comprends votre volonté de clarification, mais je ne vois pas en quoi ce rapport y contribuerait.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Le rapport pourrait présenter une analyse des coûts en fonction du profil des personnes ayant recours à la C2S.

La commission rejette l’amendement.

Contre l’avis du rapporteur général, la commission rejette ensuite l’amendement AS1422 de M. Thibault Bazin.

Amendement AS1426 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement demande un rapport d’évaluation de l’impact actuel du ticket modérateur sur les finances publiques et sur les habitudes de consommation de soins, et sur son éventuelle hausse.

Contre l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS144 de M. Guillaume Garot

Mme Océane Godard (SOC). Cet amendement demande un rapport sur les causes du décalage entre la réglementation en vigueur et les importants restes à charge constatés sur le terrain pour les Françaises et Français souffrant d’affections de longue durée requérant un traitement prolongé.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1063 de M. Damien Maudet

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Cet amendement demande un rapport pour évaluer le système de financement des soins psychiatriques et pédopsychiatriques, qui peut amener à mettre les établissements en concurrence.

M. le rapporteur général. Avis favorable de principe.

Il faut toutefois prendre garde à ne pas demander ce rapport de façon prématurée puisque le financement de la psychiatrie en année pleine ne commencera qu’en 2026.

M. Philippe Vigier (Dem). Il serait intéressant d’intégrer les éléments d’un tel rapport dans le plan « santé mentale », en cours d’élaboration.

L’amendement est retiré.

Amendement AS117 de M. Arnaud Simion

Mme Océane Godard (SOC). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS118 de M. Joël Aviragnet

Mme Océane Godard (SOC). L’amendement vise à donner à lAgence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) le pouvoir d’ordonner la constitution d’un stock de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) supérieurs à celui actuellement prévu par la loi. En effet, lors des auditions menées par la rapporteure Valérie Rabault lors de l’examen de la première proposition de loi visant à lutter contre les pénuries de médicaments, il est apparu qu’il serait pertinent de laisser cette souplesse à l’ANSM pour faire face à des imprévus.

M. le rapporteur général. Sans préjuger de la qualité des amendements proposés, il est préférable de conserver les dispositions de la proposition de loi Rabault, qui a fait consensus dans l’hémicycle.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1555 de M. Bertrand Bouyx

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). L’amendement est défendu.

M. le rapporteur général. Avis défavorable car l’amendement est déjà satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS1595 de M. Yannick Neuder et AS1404 de Mme Stéphanie Rist (discussion commune)

M. le rapporteur général. L’amendement vise à interdire la publicité de médicaments d’intérêt thérapeutique majeurs en tension ou en rupture d’approvisionnement. Je serai défavorable à l’amendement AS1404, qui se borne à prévoir une interdiction facultative.

La commission adopte l’amendement AS1595.

En conséquence, l’amendement AS1404 tombe.

Amendement AS332 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Cet amendement vise à imposer une obligation de sécuriser des stocks de MITM pendant une durée minimale de deux ans à partir de l’annonce du risque de rupture ou de cessation de commercialisation.

M. le rapporteur général. Au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la protection de la propriété privée et sur la limitation de son exercice, une telle disposition serait inconstitutionnelle.

Avis défavorable.

M. Hendrik Davi (EcoS). Cela ne fait que renforcer la nécessité de créer un pôle public du médicament.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS376 de Mme Katiana Levavasseur

Mme Katiana Levavasseur (RN). L’amendement vise à remplacer « risque de rupture » par « tensions » afin d’intervenir en amont de la rupture d’approvisionnement et prévenir une situation critique qui mettrait en péril la santé de nos concitoyens.

M. le rapporteur général. Je ne vois pas de différence suffisante entre ces deux termes. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1496 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). L’amendement prévoit que les ministres en charge de la santé et de la sécurité sociale « déterminent » par arrêté les dispositifs médicaux alternatifs en cas d’interruption ou de cessation de la fourniture de dispositifs visés par l’article. La rédaction actuelle prévoit qu’ils « peuvent déterminer ».

M. le rapporteur général. Votre amendement clarifie la compétence des ministres en la renforçant. Avis très favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS119 de M. Joël Aviragnet

Mme Océane Godard (SOC). Cet amendement, qui vise à renforcer les pouvoirs de sanction de l’ANSM, reprend une disposition de la proposition de loi Rabault.

M. le rapporteur général. Avis favorable.

M. Philippe Vigier (Dem). Je rappelle que nous ne partons pas de rien : des sanctions financières peuvent déjà être prononcées.

Alors que l’on demande aux laboratoires de constituer davantage de stocks, j’espère que nous aurons une approche équilibrée pour la clause de sauvegarde.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS641 de M. Yannick Monnet et AS999 de Mme Zahia Hamdane

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Une commission d’enquête du Sénat a établi que le montant des sanctions prononcées par l’ANSM était faible et qu’elles étaient peu fréquentes. L’amendement AS641 propose donc de rendre ces sanctions obligatoires.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’ANSM a certes récemment prononcé une sanction pour un montant record – 8 millions d’euros –, mais elle demeure frileuse. La mesure proposée par l’amendement AS999 nous semble indispensable.

M. le rapporteur général. La jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l’inconstitutionnalité de l’automaticité de peines et sanctions est constante. Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Les contraventions sur l’autoroute sont pourtant appliquées de manière automatique.

M. Thierry Frappé (RN). L’ANSM, avant de prononcer une sanction, évalue les raisons du retard et analyse les constatations. Elle accorde un délai de régularisation avant de prononcer, éventuellement, une sanction

M. le rapporteur général. Madame Amiot, les contraventions relèvent du domaine réglementaire alors que les sanctions prononcées par l’ANSM relèvent de celui de la loi.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS1476 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé et AS365 de Mme Sylvie Bonnet (discussion commune)

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). L’article prévoit une sanction unique. Or, il faut tenir compte de la diversité des raisons de l’insuffisance d’un stock de médicaments, telle que la dépendance à l’importation des principes actifs d’Inde ou de Chine. Un seul niveau de sanction financière ne permet donc pas de différencier les cas de manquement ni de reconnaître les actions mises en œuvre par les laboratoires. L’amendement propose donc d’assouplir la procédure de sanction.

Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement AS365 est défendu.

M. le rapporteur général. Avis défavorable, pour deux raisons : il risque de rendre la procédure de sanction plus complexe et il ne reprend pas les mesures de la proposition de loi Rabault.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS642 de M. Yannick Monnet

Mme Émeline K/Bidi (GDR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette ensuite l’amendement AS1457 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé.

Amendement AS560 de M. Nicolas Turquois

M. Philippe Vigier (Dem). Il s’agit de réserver le renforcement des sanctions financières aux seules situations de manquements répétés.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AS333 de M. Sébastien Peytavie tombe.

Amendements AS1460 et AS1455 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). La loi prévoit une sanction unique quand le laboratoire n’a pas constitué un stock de sécurité de médicaments destinés au marché national. Nous proposons dans l’amendement AS1460 de ne pas le sanctionner si celui-ci est en capacité de reconstituer ce stock dans le mois suivant le signal donné par l’ANSM qu’il est passé sous le seuil de sécurité.

L’amendement AS1455 vise à supprimer l’alourdissement des sanctions à l’encontre des laboratoires ne respectant par leur obligation de constitution de stocks de sécurité.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

Ces amendements, s’ils étaient adoptés, viendraient rompre l’équilibre de l’article 19. Il faut rester cohérents avec la proposition de loi de Valérie Rabault, adoptée à l’unanimité par notre assemblée.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS998 de Mme Élise Leboucher et AS135 de M. Arnaud Simion (discussion commune)

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Par l’amendement AS998, nous voulons supprimer la limitation à un an de la durée pendant laquelle les sanctions prononcées par l’ANSM sont publiées sur son site internet.

Mme Océane Godard (SOC). L’amendement AS135 est défendu.

M. le rapporteur général. Ne modifions pas l’équilibre de l’article 19 et maintenons cette durée d’un an.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1573 de M. Arnaud Simion

M. Jérôme Guedj (SOC). Toujours en hommage à Valérie Rabault, il s’agit, dans une logique de name and shame, d’assortir la liste des sanctions publiées par l’ANSM d’un tableau récapitulatif des entreprises pharmaceutiques concernées.

M. le rapporteur général. Votre amendement est satisfait. C’est la pratique actuelle de l’ANSM. Je vous invite à aller le vérifier sur son site.

Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Suivant les avis du rapporteur général, la commission rejette successivement l’amendement AS1212 de M. Thibault Bazin et l’amendement AS1374 de Mme Joëlle Mélin.

Amendement AS334 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Il s’agit d’intégrer dans les critères de fixation des prix du médicament figurant dans le code de la sécurité sociale les investissements réels effectués au titre de la recherche et développement et les financements publics reçus. Ainsi, le Comité économique des produits de santé (Ceps) pourra s’assurer que les industriels consentent des efforts réels et éviter toute surévaluation fondée sur les seuls coûts déclarés.

M. le rapporteur général. La mission du Ceps est de fixer les prix et non de procéder à un audit des entreprises pharmaceutiques, lequel pourra être mené par d’autres moyens. Si des ajouts devaient être faits parmi les critères, je préférerais que ce soit la souveraineté sanitaire et le lieu de fabrication.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Les laboratoires mettent toujours en avant pour justifier le prix des médicaments les coûts de la recherche et des investissements. Or les deniers publics, par le biais des subventions publiques et des aides du crédit d’impôt recherche financent largement les innovations à l’origine de la commercialisation de nouveaux médicaments. Les critères actuels sont flous et je remercie M. Peytavie pour cette clarification qui mérite qu’on s’y arrête.

M. le rapporteur général. Les critères n’ont rien de flou : ils sont clairement définis à l’article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale.

La commission rejette l’amendement

Amendement AS668 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement tend à préciser les critères pris en compte par le Ceps mais, compte tenu de la réponse du rapporteur général à M. Peytavie, je vais le retirer.

L’amendement est retiré.

Amendement AS1454 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). La liste des médicaments en rupture de stock ne cesse de s’allonger dans notre pays. L’une des solutions pour lutter contre ce phénomène consiste à agir sur les prix de vente, parmi les plus bas d’Europe, en faisant de la sécurité d’approvisionnement un critère prioritaire dans leur fixation.

M. le rapporteur général. J’émets un avis favorable car j’adhère à votre solution. Il faudrait toutefois améliorer la rédaction de votre amendement d’ici à la séance car votre ajout est contradictoire avec l’alinéa de l’article du code de la sécurité sociale que vous souhaitez compléter.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Cela ne me paraît pas être un bon amendement. Nous avons constaté que les laboratoires organisaient des pénuries juste avant la renégociation des tarifs. Cet ajout risque de renforcer cette tendance et de nous faire entrer dans un cercle vicieux. On tendrait vraiment le bâton pour se faire battre.

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Il y a une mécompréhension. Mon amendement vise les moyens mis en œuvre par les laboratoires pour assurer la sécurité de l’approvisionnement.

M. le rapporteur général. Une simple précision : la rédaction actuelle du code de la sécurité sociale précise que « la fixation de ce prix tient compte principalement de l’amélioration du service médical rendu par le médicament ». Il faut éviter que la sécurité d’approvisionnement, que vous désignez comme un « critère prioritaire », ne l’emporte. C’est bien l’amélioration de service médical rendu (ASMR) qui doit primer.

M. Jean-Carles Grelier (Dem). Un problème de calendrier se pose, monsieur le rapporteur général. Quand le Ceps fixe le prix d’un médicament, sa production n’est pas encore lancée. Comment pourrait-on prendre en compte d’éventuelles ruptures d’approvisionnement pour déterminer son prix ?

M. le rapporteur général. Le Ceps peut dans un premier temps se fonder sur l’ASMR, qui comprend cinq niveaux, et dans un deuxième temps prendre en compte à ce stade des considérations liées à la souveraineté. Ce sont deux choses différentes.

La commission rejette l’amendement

Amendements AS339 et AS335 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (EcoS). L’amendement AS339 vise à renforcer la transparence des informations relatives aux investissements en recherche et développement en incluant les financements publics et les coûts associés et diverses informations concernant entre autres l’état de la propriété intellectuelle et les opérations de rachat ou de fusion. Cette proposition s’inscrit dans la continuité des engagements pris par la France à l’Assemblée mondiale de la santé. La transparence renvoie non seulement à la bonne gestion des fonds publics mais aussi à la santé publique même. En prenant en compte davantage d’éléments, nous pourrons mieux déterminer nos choix en matière de santé.

L’amendement AS335 vise à limiter les risques d’augmentations excessives des prix des médicaments en offrant au Ceps la possibilité de rétablir les procédures d’inscription et de tarification ayant fait l’objet d’une suspension temporaire.

M. le rapporteur général. Nous sommes tous favorables à une amélioration de la transparence. Simplement, il faut que les informations récoltées soient pertinentes et utiles au Ceps, ce qui n’est pas le cas de tous les éléments que vous énumérez dans votre premier amendement.

Les informations relatives aux opérations de fusion et de rachat n’étant rendues publiques qu’au moment de la réalisation de l’opération, on comprend mal l’intérêt de les intégrer. Par ailleurs, l’accord-cadre passé entre le Ceps et les entreprises du médicament prévoit déjà que les entreprises exploitant des brevets déclarent au comité les titres considérés et leurs dates d’échéance. Enfin, il ne paraît pas nécessaire de demander aux laboratoires de distinguer pour chacun de leurs médicaments les montants qu’ils ont engagés en matière de recherche et développement dans la mesure où les aides sont souvent versées pour un projet global.

Mon avis sera donc défavorable sur l’amendement AS339.

Quant à votre amendement AS335, il est satisfait. L’article 19 prévoit en effet la possibilité pour le Ceps de prendre en compte le tarif payé pour la ou les spécialités à même visée thérapeutique dans la fixation du prix du droit commun, ce qui correspond à l’encadrement que vous souhaitez.

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’article 19 modifié.

Amendement de suppression AS341 de M. Sébastien Peytavie

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1083 de M. François Gernigon

M. François Gernigon (HOR). Les personnes souffrant de déficiences auditives sont affectées de différents degrés de handicap. Le fait qu’un dispositif médical ne soit pas utilisé peut renvoyer à un besoin mal identifié, à un degré de surdité mal diagnostiqué, au mauvais réglage ou à l’inadaptation de l’appareil. Il n’existe aucune étude épidémiologique permettant de déterminer le nombre de personnes atteintes de telle ou telle forme de surdité et nous proposons d’alimenter les recherches scientifiques avec les données collectées lors du contrôle des dispositifs médicaux numériques, après anonymisation. Notre proposition pourrait s’appliquer à d’autres domaines thérapeutiques.

M. le rapporteur général. Avis favorable. Cette procédure permettra d’améliorer la performance de la recherche française, notamment clinique.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS778 de Mme Karine Lebon

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Nous nous opposons à ce que le remboursement des dispositifs médicaux numériques soit conditionné à leur utilisation effective par le patient. Il revient au prescripteur, en relation avec son patient, et non à l’assurance maladie, d’évaluer leur efficience.

M. le rapporteur général. L’article 20 prévoit non pas de dérembourser mais de ne pas renouveler la prescription du dispositif si celui-ci n’est pas utilisé, ce qui me paraît pertinent. Pourquoi laisser des balances ou des tensiomètres connectés à des patients qui ne s’en servent pas ?

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’absence de transmission de données n’est pas forcément due à une absence d’usage du matériel car se posent certains problèmes de réseaux, dans les zones blanches, par exemple.

M. le rapporteur général. Votre remarque est pertinente, madame Amiot. Je précise que le patient ne peut être concerné par ces mesures si le distributeur constate que la connexion internet n’est pas bonne.

M. Hendrik Davi (EcoS). Pourquoi reviendrait-il à l’assurance maladie de décider si la prescription du dispositif doit être renouvelée ou pas ? Il me semble que l’avis du médecin doit être pris en compte.

M. le rapporteur général. Le médecin ne dispose pas des informations nécessaires. Il n’est alerté que si la donnée recueillie révèle une pathologie. Il n’a aucun moyen de savoir s’il y a des données manquantes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS26 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Je suis favorable à la philosophie générale de cet article : les dispositifs médicaux connectés sont porteurs de progrès incontestables et permettent de s’assurer de la pertinence des soins. Ils concernent en majorité des machines de ventilation à pression positive continue destinées à des patients souffrant d’apnée du sommeil, pathologie qui concerne 1 million de personnes en France et qui entraîne 960 millions d’euros de dépenses.

S’ils ne sont pas utilisés par les patients, cela ne me choque pas que la prescription ne soit pas renouvelée. Je ne suis donc pas opposé à la transmission des données à l’assurance maladie ; en revanche il me paraît nécessaire de supprimer la mention d’un tiers de confiance, car on ne sait pas qui elle désigne.

M. le rapporteur général. Je n’avais pas vu de vice dans cette mention car, pour moi, le tiers de confiance renvoie à une personne intervenant dans le protocole lié au dispositif : personnes chargées de suivre l’hospitalisation à domicile, comme les infirmières, professionnels de santé hospitaliers, acteurs associatifs, spécialement dans le cas du syndrome de l’apnée du sommeil qui mobilise de nombreuses associations.

M. Jérôme Guedj (SOC). C’est la lecture de la phrase suivante dans l’une des annexes du PLFSS qui m’a alerté : « Les services de l’assurance maladie, ou un tiers de confiance désigné, valideront la bonne adéquation de la facturation avec les indicateurs retenus et mentionnés dans l’arrêté de prise en charge à la liste des produits et prestations, déclenchant alors le flux de financement par l’assurance maladie. » Externaliser cette mission pose problème.

M. le rapporteur général. J’ajoute que l’habilitation requise pour le tiers de confiance est encadrée puisqu’il est prévu que la Commission nationale de l’informatique et des libertés donne un avis en vue de l’élaboration du décret d’application.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Pour ma part, je voyais dans le tiers de confiance une personne désignée par le patient. Cette multiplicité d’interprétations démontre la nécessité d’apporter des précisions.

M. le rapporteur général. Nous n’avons en effet pas les mêmes lectures. Je donnerai un avis favorable à cet amendement et nous préciserons en séance ce que recouvre le terme « tiers de confiance ».

M. Jérôme Guedj (SOC). L’existence même de la Fédération nationale des tiers de confiance du numérique laisse penser que des sous-traitants privés de l’assurance maladie seraient susceptibles d’intervenir.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous avons voté des mesures protectrices l’année dernière dans le cadre de la loi de sécurisation de l’espace numérique. Toutefois, comme les dispositifs médicaux connectés appartiennent à la fois au champ numérique et au champ médical, il nous faut veiller à préciser ce que recouvre la notion de tiers de confiance.

M. le rapporteur général. Pour contourner ce point de crispation, nous apporterons des précisions en séance.

La commission adopte l’amendement.

Suivant les avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements AS168 de M. Thibault Bazin et AS323 de M. Sébastien Peytavie.

Amendement AS322 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Il s’agit d’offrir aux patients concernés par un refus de prise en charge de dispositif médical la possibilité de déposer un recours et de consulter un second professionnel de santé.

M. le rapporteur général. Votre amendement est satisfait.

M. Hendrik Davi (EcoS). Il me semble risqué de se passer du prescripteur. Pourquoi le praticien ne pourrait-il pas recevoir une alerte si le dispositif n’est pas utilisé ? N’oublions pas que nous légiférons pour l’avenir et que les dispositifs sont appelés à changer.

M. Jean-François Rousset (EPR). Le circuit paraît sécurisé. Les dispositifs prescrits sont confiés à un prestataire ou une association et le croisement des données est effectué par une infirmière ou une aide à domicile. En cas de dysfonctionnement, le médecin généraliste est averti. Les choses sont simples, inutile de les rendre compliquées.

M. Emmanuel Taché de la Pagerie (RN). Le patient aura forcément une réponse de la part d’un autre praticien.

M. le rapporteur général. Pour les personnes atteintes d’une pathologie chronique, il n’y a aucune raison de renouveler régulièrement la prescription. Un patient souffrant d’insuffisance cardiaque chronique saura utiliser le tensiomètre et la balance connectés qui lui auront été fournis N’alourdissons pas les procédures car ces dispositifs permettent d’éviter des réhospitalisations. Toute alerte liée à la détection d’anomalies dans les données recueillies aboutit en effet à une intervention à domicile.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Comme M. Davi, je me demande pourquoi les alertes concernant la non-utilisation des dispositifs ne sont pas également transmises aux praticiens. Ceux-ci pourraient faire le point avec leurs patients pour déterminer les raisons qui les ont poussés à ne pas en faire usage : difficultés techniques, inadaptation à l’évolution de leur pathologie, inutilité. Privilégions l’accompagnement, pouvant éventuellement aboutir à un retrait du dispositif, par rapport à un arrêt sec du remboursement.

Mme Joëlle Mélin (RN). Les tribunaux des affaires de sécurité sociale sont chargés de régler les litiges en la matière.

M. le rapporteur général. Madame Amiot, l’alinéa 9 de l’article 20 répond à votre question : « il l’informe que les données transmises au prescripteur peuvent conduire ce dernier, si la prescription n’est pas pertinente au regard notamment de la faible utilisation du dispositif, à ne pas renouveler sa prescription ».

L’amendement est satisfait.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement AS324 de M. Sébastien Peytavie.

Amendement AS1268 de M. Thierry Frappé

M. Thierry Frappé (RN). L’amendement vise à assurer la conservation des données des patients en exigeant qu’elles soient détenues par une société française ou européenne sur le territoire national ou européen. De cette manière, l’amendement vise à protéger la souveraineté en matière de contrôle des données, tout en renforçant la sécurité de ces informations dans un contexte où les récentes cyberattaques et les violations de la vie privée deviennent de plus en plus courantes, comme en témoignent les attaques contre plusieurs hôpitaux.

M. le rapporteur général. Avis favorable.

Nous souhaitons que les données soient stockées dans des serveurs nationaux, même si la sécurisation du serveur est plus importante que sa nationalité.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 20 modifié.

Amendement AS1264 de M. Thierry Frappé

M. Thierry Frappé (RN). Cet amendement a été rédigé à la suite des remarques faites par Medadom. À l’occasion de la crise sanitaire liée à l’épidémie de la covid-19, l’usage de la télémédecine et surtout de la téléconsultation a connu un essor inédit, avec l’arrivée de plusieurs acteurs proposant des services de téléconsultation.

Alors que des dispositifs connectés physiques se déploient sur le territoire, un acteur a implanté des bornes et des cabines de téléconsultation dans des locaux commerciaux. Or une telle installation nécessite une surveillance compte tenu des enjeux en matière de sécurité, de salubrité et de confidentialité. Tout d’abord, s’agissant de la sécurité, les dispositifs pourraient être vandalisés, endommagés ou volés. Ensuite, la confidentialité des données des patients pourrait être menacée. Enfin, les cabines localisées à ces endroits posent des problèmes d’entretien.

Il est donc essentiel d’encadrer l’implantation des dispositifs connectés en excluant leur installation dans des structures commerciales à prédominance alimentaire.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

Amendement AS345 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Le générique représente 42 % du marché pharmaceutique en volume en France, contre 83 % en Allemagne. Il est proposé que le médecin justifie la prescription d’un médicament hors du répertoire des groupes génériques s’il n’a pas de valeur thérapeutique ajoutée par rapport à un générique.

M. le rapporteur général. Il est trop compliqué de rendre obligatoire le dispositif proposé. J’ai essayé de l’appliquer en vain. La prescription en dénomination commune internationale (DCI) est obligatoire pour cinq classes de médicaments – antidépresseurs, antihypertenseurs, inhibiteurs de la pompe à protons, statines et antidépresseurs –, en vue de favoriser la substitution des médicaments par des génériques. En pratique, cette mesure n’est pas respectée, notamment parce que les médecins ne connaissent pas toutes les nombreuses DCI. Par exemple, tous les médecins ne prescrivent pas de l’acide clavulanique en lieu et place de l’Augmentin. Cela étant, si le médecin ne mentionne pas que le médicament est non substituable, le pharmacien peut le remplacer.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1403 de Mme Stéphanie Rist

M. le rapporteur général. Avis favorable.

Mme Joëlle Mélin (RN). Lors de son audition dans le cadre des travaux sur la proposition de loi de Valérie Rabault visant à lutter contre les pénuries de médicaments, la directrice générale de l’ANSM avait indiqué qu’elle pouvait déjà déroger aux seuils réglementaires de stock de sécurité dans des cas particuliers. Il s’agit du reste d’une de ses prérogatives les plus efficaces pour gérer le stock.

M. le rapporteur général. Cette prérogative est prévue par un décret et non par la loi.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS212 de Mme Sylvie Bonnet, AS665 de Mme Sandra Delannoy et AS1328 de Mme Annie Vidal

Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement AS212 est défendu.

Mme Sandra Delannoy (RN). Les armoires à pharmacie regorgent de médicaments, même périmés. Et tous, nous avons souvent recours à l’automédication face à cette manne de médicaments à portée de main. À l’heure où la planète et la conjoncture nous enjoignent à la sobriété, il conviendrait d’éviter le gaspillage.

Pour ce faire, il ne tient qu’aux laboratoires de revoir les conditionnements des médicaments pour qu’ils puissent être vendus à l’unité lorsque leur forme pharmaceutique le permet. C’est d’ailleurs le cas dans plusieurs pays, notamment en Allemagne et au Canada. À ceux qui crient que le changement de paradigme serait une usine à gaz, qu’il entraînerait un surcoût voire un scandale sanitaire du fait des difficultés de traçabilité, les ordonnances des médecins sont précises et les pharmaciens sont de fins connaisseurs des pathologies.

Mme Annie Vidal (EPR). La dispensation à l’unité s’inscrit dans une logique de rationalisation et de sobriété. Elle n’affecte en rien la prise en charge du patient.

Mme Josiane Corneloup (DR). Je précise que je suis favorable à la délivrance à l’unité si les médicaments pour la semaine sont mis sous blister, afin d’éviter les erreurs en matière de prise de médicaments.

M. le rapporteur général. Je suis également favorable à la lutte contre le gaspillage et au conditionnement à l’unité. Mais dans les autres pays européens, la dispensation à l’unité a lieu dès la production du médicament et s’accompagne d’une traçabilité assurée à toutes les étapes. Vos amendements conduiraient, quant à eux, à faire reposer la délivrance à l’unité sur les pharmaciens, avec un risque d’erreur.

Il importe de réunir d’abord tous les acteurs de la filière de production pour réfléchir à cette question. Cela étant, il n’existe aucune solution magique. Ce dispositif coûterait plus cher et serait moins écologique car on utiliserait davantage de contenants, notamment en aluminium, alors que ce marché est en tension.

Avis défavorable.

M. Philippe Vigier (Dem). Cet amendement, qui propose une mesure de nature incitative, est intéressant car il permet de franchir une étape. Malgré la question du surcoût, donnons une impulsion pour aller plus loin.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). La délivrance à l’unité doit être pensée à tous les niveaux de la ligne de production. Dans d’autres pays, la traçabilité est assurée pour la délivrance en gros – et non pour le conditionnement à l’unité –, grâce à un système de QR code qui permet d’imprimer une étiquette sur le flacon. Notre mode d’approvisionnement ne nous permettrait pas d’être plus efficaces ni plus respectueux de l’environnement. Notre commission doit se saisir de cette question pour avancer.

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Ce dispositif est une belle idée mais nécessite qu’on y mette les moyens. Je le rappelle, nos médicaments sont les moins chers d’Europe.

Mme Annie Vidal (EPR). Depuis quelques années, les pharmacies délivrent les médicaments à l’unité, notamment pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), dans un blister ou un pilulier. Or cette organisation ne nécessite pas plus d’emballages que la vente en boîtes. Cette mesure n’est pas parfaite mais permettrait de donner une impulsion.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS321 de M. Sébastien Peytavie, amendements identiques AS201 de Mme Sylvie Bonnet, AS242 de M. Thibault Bazin, AS509 de Mme Lise Magnier, AS624 de M. Thomas Ménagé, AS1324 de M. Hadrien Clouet et AS1406 de Mme Stéphanie Rist (discussion commune)

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Rappelons-le, 70 % des maladies rares débutent pendant l’enfance. Chez l’enfant, c’est la première cause de maladie grave et chronique, de handicap et de décès. Or le pharmacien d’officine n’est pas autorisé à transformer la prescription d’une spécialité en préparation magistrale, charge aux parents de préparer la dose prescrite à l’enfant. Cet état du droit a des effets délétères puisqu’il entraîne des risques de mauvais dosage par les parents.

Cet amendement, proposé par France Assos Santé, vise à permettre aux pharmaciens d’adapter ou de modifier la prescription d’une spécialité pharmaceutique dont la dose ou la forme galénique n’est pas adaptée à un usage pédiatrique, en l’absence d’alternatives thérapeutiques disponibles.

Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement AS201 est défendu.

M. Thibault Bazin (DR). Mon amendement est quasiment identique à celui de M. Peytavie ; simplement, nous ne visons pas le même article du code de la santé publique. Lorsque la préparation est compliquée, la responsabilité du dosage ne doit pas incomber aux parents.

M. François Gernigon (HOR). L’amendement AS509 est défendu.

M. Thomas Ménagé (RN). Mon amendement, qui a été travaillé avec l’association Alliance des maladies rares dont la présidente m’a fait part des difficultés très concrètes auxquelles sont confrontés les parents en matière de prescriptions pédiatriques, est très attendu. Il s’agit de permettre aux pharmaciens d’adapter ou de modifier la prescription d’une spécialité. Ainsi, si un enfant doit prendre le quart d’un comprimé, mieux vaut que l’opération soit réalisée par le pharmacien plutôt que dans la cuisine familiale. J’espère que nous parviendrons à un consensus.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous sommes tous d’accord sur ce point. Certains enfants doivent suivre un traitement pensé pour les adultes. Or le pharmacien n’est autorisé à délivrer une prescription magistrale que s’il parvient à joindre le prescripteur qui doit lui donner un avis conforme ce qui est quasiment impossible. Le travail incombe donc aux parents ou aux aidants, qui peuvent se tromper. Évitons ces risques en autorisant les pharmaciens à adapter directement le médicament à un usage pédiatrique.

Suivant l’avis du rapporteur général, l’amendement AS321 est adopté.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendement AS989 de M. Damien Maudet

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Il s’agit de renforcer les sanctions pour les entreprises coupables d’infractions aux règles relatives aux stocks de sécurité.

Suivant l’avis du rapporteur général, l’amendement est rejeté.

Amendement AS591 de Mme Josiane Corneloup

Mme Josiane Corneloup (DR). Compte tenu du manque de médecins, tant généralistes que spécialistes, le recours à la téléconsultation s’est développé ces dernières années, notamment pendant la crise sanitaire. Elles sont incontestablement un moyen d’améliorer l’accès aux soins des Françaises et des Français, en particulier dans les territoires ruraux.

Toutefois, il ne peut y avoir, d’un côté, le patient qui a la chance de pouvoir bénéficier d’une consultation classique, de l’écoute et des conseils du médecin et d’un diagnostic fiable et, de l’autre, le patient qui consulte un médecin à distance sans accompagnement. Afin de garantir un traitement équitable des patients, de répondre au mieux à leurs attentes en matière d’écoute et de conseil, de mieux réguler cette pratique et d’éviter les abus, de garantir la bonne utilisation des objets connectés et un diagnostic fiable, les téléconsultations doivent être réalisées par un professionnel de santé qui accompagne les patients.

Suivant l’avis du rapporteur général, l’amendement est adopté.

Amendement AS1370 de M. Jean-François Rousset et sous-amendement AS1618 de M. Boris Vallaud

M. Jean-François Rousset (EPR). Cet amendement vise à conditionner le remboursement des cures thermales à l’existence d’un service médical rendu (SMR) évalué par la Haute Autorité de santé sur le fondement d’études cliniques. En effet, pour certaines pathologies dont la liste est fixée par l’assurance maladie, les cures sont remboursées sur simple prescription médicale, si les conditions liées aux soins et à l’établissement thermal agréé par convention sont respectées.

L’amendement ne vise pas à remettre en cause le remboursement des cures thermales mais bien à les légitimer. À cet égard, l’Association française pour la recherche thermale évalue déjà les cures pour démontrer leur efficacité. Cet amendement de bon sens a pour finalité l’identification des postes de dépenses et de leur légitimité.

M. Boris Vallaud (SOC). Monsieur Rousset, votre analyse me paraît erronée. Depuis une vingtaine d’années, les établissements thermaux se sont engagés dans un travail d’évaluation du SMR de la cure thermale, dans le cadre d’une convention conclue entre le thermalisme et l’assurance maladie. Ils ont apporté la preuve du SMR de la cure thermale pour plus de 80 % des indications médicales. La tâche doit être poursuivie s’agissant des 20 % restants. Il serait inconcevable que ce travail engagé avec sérieux soit interrompu par l’adoption de cet amendement. Cela mettrait en difficulté un certain nombre de patients et menacerait de nombreux emplois dans ce secteur. Après avoir voté ce sous-amendement, il conviendrait de voter contre celui de mon collègue Jean-François Rousset.

M. le rapporteur général. Monsieur Vallaud, nous connaissons le niveau de prise en charge mais pas celui de la preuve en SMR. Je suis plutôt favorable à votre sous‑amendement, qui est néanmoins scientifiquement faible.

M. Boris Vallaud (SOC). Je ne cherche pas à démontrer le SMR, mais à faire en sorte que le travail sera mené à son terme. L’interrompre de façon intempestive aurait des conséquences que M. Rousset n’a peut-être pas bien mesurées.

M. le rapporteur général. Attendons la fin de ces travaux avant de statuer sur cette question. Pour l’heure, avis favorable au sous-amendement et défavorable à l’amendement de M. Rousset.

M. Thibault Bazin (DR). Mettons un terme à cette discussion que nous reprendrons lorsque nous aurons les résultats de ces travaux.

M. le président Frédéric Valletoux. Peut-être pourrions-nous lancer une mission sur ce sujet.

La commission adopte le sous-amendement et rejette l’amendement sous-amendé.

Amendement AS935 de M. Damien Maudet

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Cet amendement reprend une mesure de notre proposition de loi visant à créer un pôle public du médicament. L’objectif est de faire la transparence sur les prix, en prenant en compte tout le financement public, notamment celui de la recherche – les universités, le crédit d’impôt recherche. Les prix sont exorbitants car les gros investissements publics ne sont pas pris en compte dans le cadre de la négociation des prix.

Selon une étude, la totalité des 210 médicaments mis sur le marché aux États-Unis entre 2010 et 2016 ont bénéficié d’aides publiques.

M. le rapporteur général. Il faut en effet tenir compte des aides publiques. Néanmoins, ce n’est pas l’objet de votre amendement, qui vise plutôt à imposer aux entreprises du médicament de communiquer leurs brevets au Ceps. Et il est satisfait.

Par conséquent, demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS115 de M. Joël Aviragnet

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, l’amendement est rejeté.

Amendement AS1267 de M. Thierry Frappé

M. Thierry Frappé (RN). L’amendement vise à accompagner et à soutenir la filière française de l’optique, en lui appliquant la préférence nationale. Alors que le marché extraeuropéen de l’optique ne cesse de prendre de l’importance, le reste à charge zéro doit s’appliquer aux seuls produits fabriqués en France, afin de favoriser l’industrie française. Cet amendement a pour objectif de rendre le marché attractif pour renforcer la filière de l’optique française, en donnant la priorité au savoir-faire français.

M. le rapporteur général. Les députés de la région m’ont sensibilisé aux préoccupations de la filière de lunetiers implantée dans le Jura et dans l’Ain. En revanche, il faudrait revoir la rédaction de l’amendement.

Avis favorable.

M. Philippe Vigier (Dem). L’amendement ne mentionne pas seulement la production, mais aussi l’assemblage en France : de ce fait, des lunettes réalisées à partir de pièces chinoises pourraient ainsi bénéficier du reste à charge zéro.

M. le rapporteur général. C’est exactement la restriction que je demandais. Il faut rédiger l’amendement pour exclure le simple assemblage de pièces venues de Chine.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1279 de M. Théo Bernhardt

M. Théo Bernhardt (RN). Des études ont montré que l’ibuprofène et le paracétamol étaient encore efficaces après leur date de péremption. Sachant que notre pays est le deuxième plus gros consommateur mondial de paracétamol, je propose de réévaluer les dates de péremption pour éviter le gaspillage médicamenteux et permettre à la sécurité sociale de réaliser des économies, sans remettre en cause la sécurité des consommateurs.

M. le rapporteur général. Nous avons tous lu l’étude de l’UFC-Que Choisir et je comprends votre volonté de faire des économies. Toutefois, l’État n’a pas besoin d’une loi pour moduler la date de péremption des médicaments.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette ensuite l’amendement AS1032 de M. Gaëtan Dussausaye.

Amendement AS1271 de M. Thierry Frappé

M. Thierry Frappé (RN). L’article 52 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a introduit la possibilité pour les pharmaciens de réaliser des tests rapides d’orientation diagnostique et de prescrire des antibiotiques de manière conditionnelle. L’amendement vise à obtenir un rapport détaillé sur les économies réelles résultant de cette initiative en tenant compte des coûts liés à la rémunération de l’acte. Ce rapport est essentiel pour évaluer l’impact économique des nouvelles compétences accordées aux pharmaciens sur notre système de santé et, par extension, sur les finances publiques.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Mme Annie Vidal (EPR). L’article 21 crée une expérimentation qui fusionne le forfait global de soins et le forfait global afférent à la dépendance dans les Ehpad. C’est le fruit d’un combat de longue date qui répond à une attente importante de la part des établissements. L’expérimentation est prévue sur quatre ans, ce qui me semble trop long car la profession est à bout de souffle ; malheureusement, j’ai mal rédigé l’amendement visant à la ramener à deux ans. J’espère que M. le rapporteur général y donnera un avis favorable en séance.

La commission adopte l’article 21 non modifié.

Amendements AS312 de M. Sébastien Saint-Pasteur et AS760 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). Notre amendement AS312 vise à expérimenter un nouveau mode d’évaluation de la perte d’autonomie en remplacement de la grille autonomie gérontologique groupe iso-ressources (Aggir).

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Actuellement, on évalue la perte d’autonomie des personnes âgées à l’aide de la grille Aggir. Les établissements dont les résidents ont une perte d’autonomie plus faible sont pénalisés financièrement. Au Canada, il existe un système de mesure d’autonomie fonctionnelle, le Smaf, qui s’appuie sur les capacités de la personne et cherche à améliorer celles-ci, dans une visée humaniste. Ce système valorise le travail des professionnels qui permettent le maintien de l’autonomie des résidents.

M. Guillaume Florquin, rapporteur pour la branche autonomie. Je suis favorable à cette expérimentation : le système des GIR est très critiqué et ne permet pas de prévenir la perte d’autonomie. Il concentre les aides publiques sur les personnes les plus dépendantes, au détriment des plus autonomes.

Mme Annie Vidal (EPR). La grille Aggir est dépassée et il y a longtemps que certains militent pour évaluer les personnes âgées sur leurs capabilités plutôt que sur la perte de capacités. Néanmoins, nous avons déjà lancé deux expérimentations, le forfait global unique relatif aux soins et à l’autonomie et le tarif plancher pour l’aide à domicile ; en lancer une troisième brouillerait la vision des expérimentations déjà en cours. Je suis d’avis de la différer.

M. Philippe Vigier (Dem). J’appuie les propos de notre collègue Vidal. Nous avons moins besoin d’une nouvelle expérimentation, que d’une généralisation des expériences qui ont déjà été conduites.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Cela n’a rien à voir. Nous demandons une expérimentation sur trois départements seulement, qui porte un tout autre regard sur l’accompagnement des personnes dépendantes.

La commission adopte l’amendement AS312.

En conséquence, l’amendement AS760 tombe.

Amendements identiques AS705 de M. Sébastien Peytavie et AS864 de Mme Zahia Hamdane

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Le scandale Orpea a mis en avant des pratiques peu scrupuleuses de la part des Ehpad privés commerciaux. Pour lutter contre ces pratiques délétères, l’amendement propose que toute personne morale qui se trouverait sanctionnée dans le cadre de l’article L. 313-14 du code de l’action sociale et des familles ne puisse plus prétendre aux financements publics de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’amendement AS864 est défendu.

M. le rapporteur. Les amendements proposent d’interdire de manière définitive et absolue le financement public de la CNSA aux établissements médico-sociaux ayant fait l’objet d’une sanction pour non-respect de leurs obligations en termes de qualité de prise en charge des résidents.

Je suis évidemment sensible à la question des maltraitances en Ehpad et il est nécessaire de s’interroger collectivement sur la qualité de l’accueil des établissements. Toutefois, il existe déjà des sanctions pour les Ehpad qui méconnaissent leurs obligations : d’abord, l’injonction à s’y conformer, sous astreinte ; ensuite, des amendes ; enfin, la prise de contrôle temporaire de l’établissement par un administrateur. Avant de renforcer les sanctions applicables, il faut s’assurer que ce régime de sanctions destiné à empêcher l’aggravation des infractions est bien appliqué. De plus, si ces événements surviennent de manière isolée dans un établissement relevant d’un réseau privé lucratif, associatif ou mutualiste, l’amendement priverait tous les établissements du groupe de financement public.

Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Comme nous l’avons vu au sujet de l’ANSM, la sanction est la dernière étape pour ceux qui ont dépassé les limites. La personne morale a reçu un avertissement, une demande de mise en conformité et une demande de mise aux normes et elle a suffisamment ignoré ces recommandations pour arriver à une sanction. Je ne suis donc pas d’accord pour continuer de financer un groupe dans lequel ces pratiques sont systémiques, comme nous l’avons observé. Nous devons protéger toutes les personnes dépendantes, les plus jeunes comme les plus âgées.

M. le rapporteur. C’est une sanction radicale qui pénaliserait un groupe de plusieurs centaines d’établissements, même quand les pratiques n’ont cours que dans un seul d’entre eux. Il vaut mieux révoquer l’autorisation de l’établissement en question.

M. Philippe Vigier (Dem). Il y a une faille dans l’amendement : en cas de changement de nom, comme cela arrive en cas de reprise des actifs par un nouveau groupe, nous sommes impuissants.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS44 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement vise à introduire dans le code de l’action sociale et des familles le concept de bénéfice raisonnable pour les établissements privés à but lucratif appelés à gérer des missions essentielles pour les plus vulnérables, notamment dans les secteurs de la petite enfance et de l’accompagnement des personnes âgées. Ce concept existe dans l’économie sociale et solidaire. Je propose de l’étendre pour que la financiarisation galopante du secteur ne se traduise pas par une perte de qualité.

M. le rapporteur. L’amendement propose de conditionner le financement à la notion de recherche raisonnable du bénéfice. Mais il serait impossible d’appliquer cette notion qui n’a pas de portée juridique. À partir de quel moment considère-t-on qu’un bénéfice est déraisonnable ? Quelles seraient les pratiques assimilables à une recherche déraisonnable de bénéfices ? Si nous avons tous conscience des scandales qui ont éclaté autour de certains établissements, il convient plutôt de renforcer les contrôles de l’État et de la sécurité sociale, notamment par des visites inopinées.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS43 de M. Dominique Potier

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement vise à introduire le critère d’un écart de salaire maximal de un à neuf dans tous les établissements sociaux et médico-sociaux qui perçoivent des financements publics, afin de limiter la cupidité des dirigeants des très grands groupes.

M. le rapporteur. Cette disposition est inapplicable à court et moyen termes. Je connais peu d’établissements dans lesquels le directeur gagne neuf fois plus que le plus bas salaire ; vous parlez sans doute des dirigeants des groupes d’Ehpad privés, dont la rémunération n’est d’ailleurs pas connue. Si l’on admet qu’au sein de la direction de ces grandes entreprises, certains salariés touchent plus de 14 000 euros par mois, soit dix fois le Smic net, l’entrée en vigueur de la mesure au 1er janvier 2025 aurait pour effet de supprimer du jour au lendemain le financement de tous les établissements du réseau.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS108 de Mme Christine Pirès Beaune

Mme Océane Godard (SOC). Certains résidents en Ehpad ne bénéficiant pas de l’aide sociale à l’hébergement (ASH) peuvent actuellement occuper des places habilitées à l’aide sociale au tarif réduit, sans que cela soit justifié par leurs ressources. Cela tire vers le bas les recettes des Ehpad, principalement publics ou privés non lucratifs, ayant des places habilitées. L’amendement vise à systématiser la modulation des tarifs pour prendre en compte les revenus des résidents qui ne bénéficient pas de l’ASH accueillis sur des places habilitées pour instaurer une égalité de traitement entre les résidents et garantir le financement de ces établissements.

M. le rapporteur. L’amendement propose de répondre à une situation éminemment injuste. Les Ehpad habilités à l’aide sociale à l’hébergement sont en effet parfois amenés à accueillir des résidents qui ne sont pas bénéficiaires de l’ASH ; ceux-ci sont soumis automatiquement au tarif hébergement minimal négocié entre le département et l’établissement, sans que leurs ressources soient prises en compte. Ils bénéficient dès lors d’un avantage indu, puisqu’ils pourraient payer un tarif hébergement plus élevé. Cela met en péril la situation financière des Ehpad publics et associatifs, qui proposent l’essentiel des places habilitées à l’aide sociale.

Je suis favorable à l’amendement. Toutefois, il ne doit pas nous dispenser d’engager un travail sur la réduction du reste à charge pour les résidents en Ehpad.

Mme Annie Vidal (EPR). Le tarif différencié pour les établissements publics habilités à l’aide sociale a été instauré par la loi « bien‑vieillir ». Ce tarif, dont s’acquittent les résidents occupant des places habilitées à l’aide sociale dont les ressources dépassent le plafond, a permis aux Ehpad publics en difficulté financière de récupérer environ 400 millions d’euros. Je crains que l’amendement ne complique le dispositif existant.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS1589 de M. Guillaume Florquin et AS581 de Mme Josiane Corneloup

M. le rapporteur. Mon amendement propose de prolonger d’un an, jusqu’au 31 décembre 2025, l’expérimentation des dérogations au droit du travail concernant les services de suppléance à domicile et les séjours de répit pour les aidants et leurs proches. Cette extension assure la continuité de l’expérimentation du dispositif de relayage comme solution de répit pour les aidants, en attendant l’aboutissement du processus législatif, afin d’éviter de priver plus de 10 000 aidants d’une solution de soutien.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS717 de Mme Justine Gruet

Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS172 de M. Thibault Bazin et AS199 de Mme Sylvie Bonnet

M. Thibault Bazin (DR). Le service public départemental de l’autonomie (SPDA) a connu en 2024 une préfiguration dans dix‑huit départements, mais sa mise en place est progressive. Il faut encore du temps pour construire des engagements et élaborer un cahier des charges commun. Plusieurs départements ont déjà indiqué que la généralisation prévue au 1er janvier 2025 était trop précoce. L’amendement vise à la décaler d’un an.

Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement AS199 est défendu.

M. le rapporteur. Avis favorable.

Je partage votre inquiétude : au vu des éléments dont nous disposons, il est trop tôt pour engager la généralisation du SPDA au 1er janvier 2025. D’autres dispositifs ont également vu leur entrée en vigueur décalée ; j’appelle donc le Gouvernement à se montrer plus soucieux de les rendre effectifs.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). En effet, les remontées du terrain indiquent que les départements ne sont pas prêts. J’insiste sur le fait qu’il faut se donner les moyens de mener correctement l’expérimentation, qui a connu des débuts difficiles, et de la généraliser. Nous la décalons déjà d’un an et nous risquons de la repousser encore l’année prochaine ; il ne faudrait pas oublier le sujet et laisser nos anciens en situation de précarité sans solution.

Mme Annie Vidal (EPR). Le calendrier du SPDA a été fixé à l’article 1er bis A de la loi « bien‑vieillir », dont l’examen a duré plus d’une année ; cela a tout décalé. Je suis d’accord pour repousser d’un an la généralisation de l’expérimentation, qui est bien partie. J’ajoute que la circulaire budgétaire prévoit un Ondam renforcé pour le secteur des personnes âgées et que celui-ci inclut des financements pour le SPDA.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS585 de Mme Josiane Corneloup

M. le rapporteur. L’amendement propose d’imposer à chaque service d’autonomie à domicile (SAD) autorisé d’accueillir un nombre minimal de bénéficiaires de l’aide sociale du département. Je suis favorable à cette proposition sous la forme d’une expérimentation qui permettra d’évaluer l’impact sur le financement des SAD et sur les pratiques de choix des usagers.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS69 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement s’inscrit à la suite du travail de Caroline Fiat qui avait obtenu, non sans mal, la remise d’un rapport sur les ratios d’encadrement dans les Ehpad. Nous souhaitons connaître l’évolution de ces ratios en lien avec la politique salariale des Ehpad.

M. le rapporteur. Si le Ségur de la santé a représenté un effort considérable de la part de l’État et de la sécurité sociale, il n’a pas eu les effets escomptés. Il a montré à quel point les métiers du soin et du médico-social sont fragmentés, au point que toute revalorisation accordée à une branche peut conduire à des distorsions problématiques dans les autres. Je ne suis pas certain qu’un nouveau rapport sur le sujet soit nécessaire.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Il y a plusieurs raisons de voter cet excellent amendement. La première, c’est l’affection que nous portons à notre collègue Caroline Fiat. La deuxième, c’est que les ratios d’encadrement ne cessent de se dégrader ; de ce fait, les soignants ont des difficultés croissantes à faire leur métier, ce qui met en péril les personnes accompagnées. La troisième, c’est que le soin à la personne doit être encadré par des principes politiques, à commencer par celui qui veut qu’un personnel en nombre suffisant soit disponible pour traiter la personne de manière digne et éthique. Ces trois raisons plaident pour un nouveau rapport. J’espère que nous adopterons l’amendement à l’unanimité.

La commission adopte l’amendement.

Amendements AS267, AS266, AS268 et AS269 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

M. Thibault Bazin (DR). J’ai beaucoup travaillé sur la question des aidants. Ce travail m’a amené à déposer une proposition de loi qui s’appuyait sur un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, dont je reprends ici plusieurs recommandations sous la forme de demandes de rapport.

L’amendement AS267 vise à reconnaître les plateformes d’accompagnement et de répit comme services médico-sociaux éligibles directement à l’objectif de dépenses de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. L’amendement AS266 vise à permettre le financement par la prestation de compensation du handicap des frais liés à l’exercice du droit au répit, pour soi ou pour un proche aidant. L’amendement AS268 vise à élargir de la compétence des conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie au champ des personnes handicapées, en y associant les caisses d’allocations familiales. L’amendement AS269 vise à ajouter aux cas d’emploi de la dotation de la branche autonomie les actions permettant la mise en place d’un service de suppléance ponctuelle de l’aidant.

M. le rapporteur. Je suis favorable sur le principe. L’utilisation de la dotation qualité est encore trop floue. Par ailleurs, je partage le constat que nous ne soutenons pas suffisamment les proches aidants, qui sont le rouage essentiel et invisible des politiques de l’autonomie. Il est néanmoins difficile de donner un avis sur quatre demandes de rapport qui portent sur des sujets similaires. Je vous propose le retrait et la réécriture d’un amendement unique.

Mme Annie Vidal (EPR). Nous sommes favorables au soutien aux aidants, mais il existe déjà une stratégie de suivi et un comité de pilotage qui nous transmettra toutes les informations nécessaires.

Les amendements sont retirés.

Amendements AS270 et AS273 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Ces amendements visent à évaluer deux mesures créées par les précédentes lois de financement de la sécurité sociale : l’élargissement de la durée et de l’indemnisation du congé proche aidant, instaurée par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022, et l’intégration des prises en charge palliatives dans le modèle de financement des services de soins infirmiers à domicile, instaurée par la LFSS 2023.

M. le rapporteur. Il est vrai que, trop souvent, l’indemnisation ne couvre pas la durée totale des droits à congé nouvellement créés, ce qui est injuste. Je partage par ailleurs votre souhait de développer les soins palliatifs dans l’ensemble du territoire.

J’émets donc un avis favorable aux deux amendements.

La commission adopte successivement les amendements.

Amendement AS1101 de Mme Katiana Levavasseur

M. Thomas Ménagé. L’amendement est défendu.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1140 de Mme Élise Leboucher

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Les différentes composantes de la prestation de compensation du handicap (PCH), créée en 2005, ne sont pas indexées sur l’inflation : la réévaluation de chacune d’entre elles relève d’une décision politique. Il en résulte que le montant de l’aide a baissé d’un tiers, en valeur, depuis 2005. L’article 40 de la Constitution ne nous permettant pas de proposer directement une réévaluation ou une indexation de cette aide, nous demandons la remise d’un rapport du Gouvernement à ce sujet.

M. le rapporteur. Ayant fait le même constat que vous lors des auditions, j’émets un avis favorable.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Je soutiens moi aussi cet amendement. Alors que la loi de 2005 relative au handicap aura bientôt vingt ans, il serait intéressant que notre commission lance une mission d’évaluation de sa mise en œuvre.

M. le président Frédéric Valletoux. Je soumettrai prochainement à notre commission le lancement d’un travail en ce sens.

Mme Annie Vidal (EPR). Par principe, nous sommes toujours plutôt défavorables aux demandes de rapport émises dans le cadre du PLFSS. Les questions que vous soulevez quant à l’évolution de la PCH se posent aussi pour l’allocation personnalisée d’autonomie : il serait préférable de les aborder à l’occasion d’un projet de loi relatif au grand âge ou l’autonomie. Je ne voterai donc pas cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Contre l’avis du rapporteur, elle rejette ensuite l’amendement AS1347 de M. Serge Muller.

Amendement AS1503 de M. Serge Muller

M. Serge Muller (RN). L’article 75 de la LFSS 2023 a prévu un allongement de la présence des aides à domicile auprès des personnes âgées de deux heures par semaine, dans le but de renforcer le lien social. Or, dans les faits, cette mesure ne se traduit que par dix-sept minutes supplémentaires de présence par jour, une durée bien insuffisante en milieu rural notamment. Nous souhaitons donc la remise d’un rapport évaluant les effets de cette disposition sur la lutte contre l’isolement de nos aînés.

M. le rapporteur. Avis favorable. Selon les informations qui remontent du terrain, il n’est même pas certain que le dispositif ait été déployé.

M. Jérôme Guedj (SOC). Il est vrai que la concertation avec les départements a pris du temps. Cette mesure, dont le coût devait atteindre 460 millions d’euros, est aberrante. L’évaluation étant sans objet aujourd’hui, je vous propose qu’elle soit menée l’année prochaine dans le cadre du Printemps social de l’évaluation.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous vous proposons donc, monsieur Muller, de retirer votre amendement au bénéfice d’une évaluation réalisée dans ce cadre par notre commission.

L’amendement est retiré.

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10.   Réunion du vendredi 25 octobre 2024 à 9 heures 30 (article 22 à article 32)

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.15631340_671b462d52802.commission-des-affaires-sociales--suite-de-l-examen-du-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite--25-octobre-2024

La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 325) (M. Yannick Neuder, rapporteur général ; M. Guillaume Florquin, M. Louis Boyard, Mme Sandrine Rousseau et M. Jean-Carles Grelier, rapporteurs)

La réunion, immédiatement suspendue, est reprise à neuf heures trente-cinq.

La commission adopte l’article 22 non modifié.

Amendements de suppression AS1071 de Mme Sandrine Rousseau, AS1583 de M. Yannick Neuder, AS28 de Mme Océane Godard, AS623 de M. Thomas Ménagé et AS1397 de Mme Stéphanie Rist

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure pour la branche vieillesse. L’article 23 vise à décaler de six mois, de manière absolument indifférenciée, la revalorisation de l’intégralité des pensions de retraite. Pour les bénéficiaires de petites retraites, dont le pouvoir d’achat est faible, le manque à gagner serait très important. On ne peut pas faire des économies sur le dos de l’ensemble des retraités sans prendre en compte les situations économiques et sociales très différentes au sein de cette population. Je demande donc la suppression de l’article.

Mme Océane Godard (SOC). Comme Mme Rousseau, je considère que le report de six mois de l’indexation des pensions est bien plus qu’une mesure technique. C’est une mesure injuste, à laquelle nous nous opposons.

M. Thomas Ménagé (RN). Nous y sommes : l’article 23, scruté de près par les Français, vise à reporter, toute honte bue, l’indexation des pensions de retraite du 1er janvier au 1er juillet afin d’économiser quelque 3,6 milliards d’euros.

Si un projet de loi peut toujours être modifié, la confiance, elle, ne se décrète pas. Or, avec cet article, le Gouvernement est en train de briser la confiance et le contrat social entre l’État et les retraités, qui ont cotisé toute leur vie pour toucher une pension. La pension de base n’est jamais mirobolante, puisqu’elle est plafonnée. Quant aux pensions complémentaires, elles augmenteront cette année moins vite que l’inflation, puisque l’Agirc-Arrco a décidé de ne les revaloriser que de 1,6 %.

L’indexation sur l’inflation préserve le niveau de vie des retraités. En désindexant les pensions, c’est d’abord aux retraités les plus pauvres que vous vous en prenez. Comme toujours, vous choisissez la solution de facilité en faisant reposer sur les Français les efforts que l’État ne veut pas consentir. Soyez honnêtes et assumez le fait que cette désindexation est en réalité un impôt déguisé sur les retraités.

Le groupe Rassemblement National s’oppose fermement à l’article 23.

M. Didier Le Gac (EPR). Durant la campagne des élections législatives, nous avions pris l’engagement de ne pas geler les pensions. Certes, la mesure ne s’appliquerait pas à l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) ni aux allocations du minimum vieillesse, mais l’article 23, dans sa rédaction actuelle, ne prévoit aucune différence de traitement en fonction du montant des retraites. Par l’amendement AS1397, nous demandons donc également sa suppression.

M. le président Frédéric Valletoux. Je constate qu’en tenant compte des amendements non défendus, la suppression de l’article 23 est demandée par neuf groupes.

Mme la rapporteure. Effectivement, cette mesure est profondément injuste, pour plusieurs raisons.

D’une part, elle constituerait une double peine pour les retraités. Leur pension ne serait revalorisée qu’en juillet 2025, six mois après la date prévue par le droit actuel, ce qui entraînerait évidemment une perte de revenus pendant les six premiers mois de l’année 2025. Mais c’est bien plus que cela : compte tenu du ralentissement de l’inflation constaté depuis quelques mois, la revalorisation accordée en juillet serait moins élevée, en valeur absolue, que si elle était intervenue dès janvier. Selon les documents annexés au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), les pensions ne seraient revalorisées que de 1,8 % en juillet, contre 2,3 % en janvier. Cette différence de 0,5 point représenterait une perte pérenne de pouvoir d’achat pour nos retraités.

D’autre part, cette mesure toucherait tous les retraités, quel que soit le niveau de leur pension. Il est vrai qu’elle n’affecterait pas les allocataires du minimum vieillesse, mais elle s’appliquerait bien aux bénéficiaires des minima de pension – près d’un tiers des retraités du régime général –, ce que la rédaction de l’article ne laisse pas apparaître clairement. Or le Gouvernement ne nous a fourni aucune simulation permettant de connaître l’effet de ce décalage sur les retraites modestes.

Je m’oppose donc fermement à cet article et j’invite chacun d’entre vous à adopter les amendements de suppression.

M. Thibault Bazin (DR). S’il est essentiel de redresser les comptes publics, il ne faut pas le faire au prix de mesures injustes. Ce budget a été préparé dans des délais très contraints ; le Premier ministre lui-même a reconnu qu’il était perfectible et que nous pouvions le corriger.

Les députés du groupe Droite Républicaine sont clairs : il faut revenir sur le report de la revalorisation des retraites, qui serait profondément injuste. La baisse de pouvoir d’achat qui en résulterait pour les retraités est inacceptable. Les mesures structurelles et les économies visant à redresser les comptes publics ne doivent pas peser sur les retraités qui, du fait de leur situation, ne touchent plus que leur pension et n’ont pas de variable d’ajustement. Nous voterons donc la suppression de l’article 23.

M. Michel Lauzzana (EPR). M. Ménagé a commis un abus de langage en disant que les retraités avaient cotisé toute leur vie pour toucher une pension. Les actifs ne cotisent pas en prévision de leur retraite future, mais pour payer les pensions des retraités actuels – sinon, nous ne serions plus dans un système par répartition, mais dans une logique de capitalisation. C’est d’ailleurs ce qui nous a motivés pour mener une réforme des retraites. Pour ma part, je me préoccupe beaucoup du sort de mes enfants et petits-enfants.

M. François Gernigon (HOR). Puisque notre commission s’apprête à supprimer cet article, j’aimerais exprimer la position du groupe Horizons & Indépendants. Nous ne voulons évidemment pas pénaliser les petites retraites et les personnes ayant un pouvoir d’achat limité ; c’est pourquoi nous avions déposé un amendement visant à maintenir l’indexation au 1er janvier pour les pensions inférieures ou égales à 2 300 euros par mois, mais à prévoir une année blanche pour les pensions supérieures à ce montant, qui n’auraient bénéficié d’aucune revalorisation en 2025. Cette mesure équilibrée aurait permis de retrouver les 3 milliards d’euros d’économies espérés.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Ce sujet fait quasiment l’unanimité, puisque des députés de neuf groupes sur les onze que compte notre assemblée ont déposé des amendements de suppression de l’article 23.

En proposant de geler les pensions de retraite pendant six mois, le Gouvernement cherche en réalité à réaliser plus de 4 milliards d’euros d’économies sur le dos de l’ensemble des retraités. Pour chacun d’entre eux, le manque à gagner serait en moyenne de 185 euros. Or, il y a quelques semaines, nous avons appris que près de 2 millions de retraités vivaient sous le seuil de pauvreté. Nous sommes donc foncièrement opposés à cette mesure, et nous voterons les amendements de suppression de l’article 23. Il s’agit là d’une question de justice sociale. Alors que la situation est de plus en plus difficile et que tout le monde ne peut pas revendiquer une pension de retraite du même niveau que celle des parlementaires, il y a même urgence sociale. Le sacrifice demandé à nos aînés est beaucoup trop important.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Le groupe Écologiste et Social demande également la suppression de l’article 23. Cette mesure d’austérité, particulièrement injuste, toucherait d’abord les retraités les plus modestes, les plus fragiles, dont beaucoup de femmes et de personnes vivant en milieu rural. Nous regrettons que le Gouvernement ait proposé cette mesure sans vouloir toucher à certaines personnes ni s’attaquer à certains comportements que nous dénonçons depuis le début de la semaine.

Mme Océane Godard (SOC). En 2023, la réforme des retraites a été imposée par un coup de force. Il y a quelques semaines, nous avons appris que Bruno Le Maire avait oublié d’ouvrir les livres de comptes de la France et qu’il fallait donc trouver de l’argent. Or on vient ici demander aux retraités, notamment aux plus modestes, de geler leur pension pendant six mois pour économiser 4 milliards d’euros. Cette mesure est un non-sens ! Elle est inique et insupportable ; nous sommes tous d’accord là-dessus. Ce n’est pas neuf groupes, mais les onze groupes que compte notre assemblée qui devraient voter ensemble ces amendements de suppression.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 23 est supprimé et tous les amendements AS1607 de Mme Sandrine Rousseau, AS1360 de M. François Gernigon et sousamendement AS1617 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé, AS1608 de Mme Sandrine Rousseau, AS39 et AS34 de Mme Océane Godard, AS595 de M. Sacha Houlié, AS773 de M. Pierrick Courbon, AS33 et AS32 de Mme Océane Godard, AS557 de M. Philippe Vigier, AS751 de M. Didier Le Gac, AS950 de M. Julien Dive, AS1224 de M. Thibault Bazin, AS151, AS152, AS153 et AS154 de M. Max Mathiasin, AS505 de Mme Stella Dupont, AS1018 de Mme Élise Leboucher, AS770 de M. Vincent Descoeur, AS30 de Mme Océane Godard, AS1609 et AS1610 de Mme Sandrine Rousseau et AS35 de Mme Océane Godard tombent.

Amendement AS82 de M. Boris Vallaud

Mme la rapporteure. Cet amendement demande au Gouvernement de remettre un rapport évaluant les conséquences du décalage à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite.

Ce document apporterait des réponses à de nombreuses questions que nous avons inlassablement posées lors des débats sur la réforme des retraites. C’est notamment le cas s’agissant de l’effet budgétaire de cette réforme sur certaines prestations sociales, telles que les minima sociaux et les allocations chômage, mais aussi de l’évaluation d’autres pistes de financement.

Enfin, l’amendement mentionne les inégalités salariales, sujet qui m’est cher et qui est au cœur des inégalités de genre au sein du système de retraite.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

La réunion est suspendue de neuf heures cinquante à dix heures.

Amendement de suppression AS893 de M. Benjamin Lucas-Lundy

M. Sébastien Peytavie (EcoS). L’amendement est défendu.

M. Yannick Neuder, rapporteur général, suppléant M. JeanCarles Grelier, rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Avis défavorable.

Supprimer l’article 24 conduirait à revenir à la situation issue du revirement de jurisprudence de la Cour de cassation en janvier 2023. Si on les appliquait, les derniers arrêts de la Cour seraient défavorables aux salariés, aux employeurs et à la sécurité sociale.

Cet article consolide significativement l’indemnisation des victimes. Par ailleurs, il ne menace pas la nature duale de la rente. Il la réaffirme et l’inscrit dans la loi. Il sera toujours possible de saisir le juge si l’on estime que le montant de l’indemnisation n’est pas suffisant.

L’article est fidèle à l’accord national interprofessionnel (ANI) de mai 2023, qui a été signé par toutes les organisations syndicales – y compris la CGT – et patronales. Cet accord démontre l’efficacité du paritarisme.

Enfin, cet article permet de mettre fin à une situation incertaine liée au retrait de l’article 39 du PLFSS 2024.

M. Didier Le Gac (EPR). Comme l’article 39 du PLFSS 2024 – qui avait fait couler beaucoup d’encre –, l’article 24 a pour objet de transcrire dans la loi l’ANI signé à l’unanimité par les partenaires sociaux. Mais l’an dernier, ils n’avaient pas été satisfaits par la rédaction de l’article 39 proposée par le Gouvernement et le ministre Olivier Dussopt l’avait retiré.

Le dispositif a fait l’objet d’un long travail de réécriture et la version qui nous est désormais proposée est approuvée par les partenaires sociaux. Toutes les organisations syndicales se sont félicitées publiquement de l’amélioration de l’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Ce texte reste perfectible et le Gouvernement déposera un amendement en séance publique.

M. Hendrik Davi (EcoS). L’accord permettant d’améliorer l’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles a certes été signé par l’ensemble des organisations syndicales, mais beaucoup de problèmes et d’inquiétudes persistent.

Le principal point de vigilance concerne le calcul de la rente versée en cas de faute inexcusable de l’employeur. Le passage au forfait ne permet plus d’individualiser cette rente, ce qui peut aboutir à un montant moins avantageux pour le salarié. Pour ces raisons, les associations de victimes sont opposées à cet article.

L’accord signé est encore perfectible. Notre groupe a déposé cet amendement de suppression afin que le dialogue se poursuive.

M. Thibault Bazin (DR). Un certain nombre de sujets concernant la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) étaient en suspens depuis plusieurs années.

L’avancée en matière d’indemnisation va globalement dans le bon sens. Mais il faut aborder ce sujet avec humilité, car il est difficile de garantir que le nouveau dispositif améliorera la situation de tous les salariés concernés. Les avis divergent selon les organisations et parmi les avocats spécialisés.

Adoptons le texte qui nous est proposé et suivons son application avec vigilance pour, le cas échéant, l’améliorer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS903 de M. Benjamin Lucas-Lundy

M. Hendrik Davi (EcoS). Cet amendement propose que le Conseil économique, social et environnemental (Cese) soit consulté pour la fixation du barème indicatif mentionné par cet article.

M. le rapporteur général. Les ministres n’ont pas besoin d’une loi pour consulter le Cese avant de publier un arrêté. Une commission des garanties est instituée par l’article et elle constitue la bonne structure de consultation.

Demande de retrait.

M. François Ruffin (EcoS). Comme le relèvent les organisations syndicales, l’écriture de cet article est plus acceptable que celle proposée l’année dernière et elle apporte une amélioration.

Cependant, des zones d’ombre persistent. On nous dit que le Gouvernement va déposer des amendements en séance, mais je voudrais connaître leur nature plutôt que de faire un chèque en blanc en commission. Puisque vous disposez d’informations, il vaudrait mieux nous les présenter de manière transparente, notamment en ce qui concerne le barème – l’une des grandes inconnues. À défaut, il n’est pas inutile de mettre le Cese dans la boucle.

M. Didier Le Gac (EPR). Il ne m’appartient pas de parler à la place du Gouvernement mais des discussions ont eu lieu encore ces derniers jours, tant avec les associations de victimes qu’avec les partenaires sociaux. Ces derniers se sont mis d’accord, mais les associations de victimes voudraient aussi avoir leur mot à dire dans le cadre de la commission des garanties. Le Gouvernement devrait déposer ses amendements dès aujourd’hui et, encore une fois, ils vont dans le bon sens afin d’écouter les uns et les autres.

M. le rapporteur général. Monsieur Ruffin, les barèmes figurent dans le rapport de la commission.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS468 de Mme Céline Thiébault-Martinez

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous saluons les progrès par rapport à l’improbable article 39 de l’an dernier.

Néanmoins, nous nous interrogeons sur l’interprétation qui pourrait être faite de l’alinéa 22, qui prévoit que la part de l’indemnité correspondant au déficit fonctionnel permanent de la victime peut être versée partiellement en capital lorsque l’incapacité est supérieure ou égale à un taux minimum.

Cet amendement d’appel permettra d’en savoir plus en séance à ce sujet.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS1050 de M. François Ruffin et AS753 de Mme Céline Thiébault-Martinez (discussion commune)

M. François Ruffin (EcoS). Cet amendement vise à éclairer l’une des zones d’ombre du texte en garantissant que, dans les cas où la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, la majoration de l’indemnisation pour déficit fonctionnel permanent soit versée sous forme de capital, quel que soit le taux de ce déficit.

Cela correspond à une demande de bon sens des associations car, quand les gens souffrent de maladies professionnelles, il est évident que leur espérance de vie est réduite. Le versement de l’indemnité sous forme de rente peut aboutir à l’amoindrissement du capital qui leur revient.

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement AS753 est défendu.

M. le rapporteur général. Quand le pronostic vital est engagé à plus ou moins court terme, il est en effet préférable de verser l’indemnité sous forme de capital.

Cependant, la rédaction de l’amendement AS753 est préférable car il prévoit que le versement de l’indemnité aura lieu en priorité sous cette forme, sous réserve de l’accord de la victime.

Avis défavorable à l’amendement AS1050 et favorable à l’amendement AS753.

L’amendement AS1050 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS753.

Amendement AS1104 de Mme Céline Thiébault-Martinez

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

Amendement AS1112 de M. Damien Maudet

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Cet amendement, sur lequel nous avons travaillé avec la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, prévoit l’obligation pour l’employeur de s’assurer contre les conséquences financières d’une faute inexcusable qui lui serait imputable. Les intérêts financiers de la branche AT-MP seraient ainsi préservés puisqu’elle n’aurait plus à verser à la victime l’indemnité complémentaire à la place de l’employeur défaillant.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Cette modification n’est pas de nature à améliorer l’indemnisation complémentaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS469 de Mme Céline Thiébault-Martinez et sous-amendement AS1619 de M. Jean-Carles Grelier

M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement, issu comme d’autres de propositions de l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva), vise à élargir la composition de la commission des garanties chargée du suivi de l’application de la réforme de l’indemnisation de l’incapacité permanente. Nous souhaiterions y voir siéger des représentants d’associations de défense des victimes et autres personnalités qualifiées, notamment en vue d’améliorer le processus de fixation des barèmes.

M. le rapporteur général. Le Cese n’intégrant pas les associations de victimes dans ses travaux, il convient de privilégier la commission ad hoc. Nous donnerons un avis favorable à cet amendement sous réserve de l’adoption de notre sous-amendement qui rend sa consultation systématique et non plus facultative – sans doute était-ce une erreur de rédaction – et apporte quelques modifications rédactionnelles.

Mme Joëlle Mélin (RN). Il est normal que les associations de victimes puissent participer aux travaux de cette commission, elles qui ont tant œuvré, particulièrement l’Andeva, pour que l’indemnisation des dommages corporels liés à un accident du travail ou à une maladie professionnelle glisse d’un régime spécifique vers le droit commun. Pourront désormais être utilisés le référentiel Mornet, la nomenclature Dintilhac et le barème du concours médical, ce qui conduira, par assimilation complète, à utiliser les mêmes modes d’évaluation que dans le droit commun.

M. Didier Le Gac (EPR). Je voterai également cet amendement sous-amendé. Il est important d’associer, autant que faire se peut, les associations de victimes, qui ont développé une véritable expertise, avec l’aide d’avocats spécialisés. Je regrette que les organisations syndicales fassent de l’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles leur pré carré.

A minima, le Gouvernement demandera à la commission des garanties d’auditionner le plus largement possible les associations de victimes pour que celles-ci fassent connaître leurs réflexions aux partenaires sociaux.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Elle adopte ensuite l’article 24 modifié.

Amendement AS853 de M. Pierrick Courbon

M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit d’enfoncer le clou en consacrant un rapport à la création d’un pôle public d’éradication de l’amiante, proposition déjà ancienne.

M. le rapporteur général. Pour vous être agréable et pour marquer notre soutien aux victimes de l’amiante, je donnerai un avis favorable, même si nous disposons déjà des informations nécessaires.

M. Thibault Bazin (DR). Vous le savez, c’est un sujet qui me tient à cœur et je veux souligner que la suppression des freins à la destruction de l’amiante ne relève pas seulement du législateur. Dans chaque région, il importerait d’implanter des sites d’élimination de l’amiante, d’autant que des progrès ont été faits avec certaines innovations comme la vitrification à l’aide d’une torche à plasma. Le groupe d’études sur l’amiante, présidé par Didier Le Gac, a eu l’occasion d’entendre des acteurs du secteur. Il convient également d’organiser les filières, tâche qui sera difficile de mener à bien en l’absence d’opérateur compétent.

M. Didier Le Gac (EPR). Ce pôle public serait un drôle de machin. Je vous invite plutôt à lire le rapport annuel du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, qui fait le point de manière très complète sur l’indemnisation.

La commission rejette l’amendement.
TITRE II
DOTATIONS ET OBJECTIFS DE DÉPENSES DES BRANCHES ET DES ORGANISMES CONCOURANT AU FINANCEMENT DES RÉGIMES OBLIGATOIRES

Amendements AS926, AS1105 et AS1046 de M. Christophe Bentz

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Notre groupe conteste le poids des agences régionales de santé (ARS) dans les décisions publiques et politiques en matière sanitaire.

Notre premier amendement entend supprimer l’alinéa 4, qui fixe le montant de la contribution de la branche autonomie du régime général au financement des ARS. Les deux autres amendements, de repli, prévoient de déléguer les responsabilités à des échelons de proximité – délégations départementales, services préfectoraux.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS696 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement vise à appeler l’attention de notre commission sur les transferts de la branche AT-MP vers la branche maladie. Les montants prévus la conduiront à être déficitaire alors qu’elle est encore excédentaire. N’est-ce pas de nature à remettre en cause les actions de prévention envisagées dans l’ANI ?

M. le rapporteur général. Avis favorable.

M. François Ruffin (EcoS). Selon une évaluation récente, la sous-déclaration des AT‑MP représenterait entre 2 et 3,7 milliards d’euros. Les transferts prévus par le Gouvernement pour la compenser se situent en dessous de ces montants et vous proposez, monsieur Bazin, de les réduire encore !

M. Thibault Bazin (DR). La trajectoire fixée par le Gouvernement consiste à augmenter chaque année les transferts de 400 millions d’euros pour atteindre 2 milliards à l’horizon 2027. Je ne nie pas, bien sûr, le poids que constituent les sous-déclarations pour l’assurance maladie, je dis simplement que ces transferts vont affecter l’équilibre de la branche AT-MP.

M. François Ruffin (EcoS). Il n’y a rien dans la rédaction actuelle du PLFSS pour lutter contre le maltravail, les accidents du travail et les maladies professionnelles. Réduire encore les transferts, c’est donner une prime au maltravail. Je ne comprends pas pourquoi vous avez donné un avis favorable, monsieur le rapporteur général.

M. le rapporteur général. J’entends vos arguments, monsieur Ruffin, mais je comprends aussi la démarche de M. Bazin qui cherche à préserver l’équilibre de la branche AT-MP en prenant en compte les déficits. Il se montre soucieux des répercussions des transferts vers la branche maladie en matière de cotisations des employeurs et cherche à engager plus facilement des dépenses, au-delà des prestations au sens strict.

Je maintiens mon avis favorable.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Monsieur Bazin, je comprends que vous soyez préoccupé par l’avenir de la branche AT-MP mais pourquoi retirer 400 millions d’euros à la branche maladie pour 2025 sans prévoir une quelconque compensation ? Je voterai contre l’amendement.

M. François Ruffin (EcoS). Le relèvement des cotisations des employeurs serait légitime dès lors que certains accidents du travail et maladies professionnelles sont dus aux choix qu’ils font en matière de management ou de cadences. Il est normal qu’ils paient.

Vous connaissez mes positions sur la manière dont sont traités les salariés dans notre pays. Les inaptitudes ont été multipliées par deux en dix ans et nous détenons le record européen en matière d’accidents du travail. Luttons donc contre le maltravail en modifiant le PLFSS.

M. Thibault Bazin (DR). Mon amendement vous ayant alertés et invités à la vigilance, je le retire.

L’amendement est retiré.

Amendement AS1058 de M. Pierrick Courbon

M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement a pour objet de demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport étudiant le coût pour la branche maladie de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles liés à l’amiante.

M. le rapporteur général. L’avis est défavorable car on ne peut pas accumuler les demandes de rapport, surtout pour obtenir des données déjà disponibles.

La commission rejette l’amendement.

Amendements de suppression AS36 de M. Jérôme Guedj et AS1138 de M. Sébastien Peytavie

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous en arrivons au cœur du sujet puisque l’article 26 fixe l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2025. Celui-ci dépend du cadre global dans lequel le Gouvernement a construit le PLFSS. Son taux de croissance est insuffisant compte tenu du niveau de l’inflation et de son absorption, sur laquelle nous sommes revenus, de l’augmentation du taux de cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

Monsieur le président, l’Ondam intègre une mesure injuste que vous avez prise lorsque vous étiez ministre au moment de la grève des cliniques privées, à savoir la décorrélation du montant de la compensation par la suppression du coefficient de minoration des tarifs dans ces cliniques. La Fédération hospitalière de France (FHF) et tous les établissements publics estiment le coût de cette mesure à 600 millions d’euros en 2024 et à 1,2 milliard l’année prochaine : cette disposition crée une inégalité de traitement car le coefficient de minoration des tarifs compensait les différences de fiscalité entre les secteurs public et privé.

M. le président Frédéric Valletoux. Les mesures en faveur des cliniques ne pèsent pas sur l’Ondam du secteur public.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). L’Ondam global pour l’année 2025 se situe très en deçà des besoins réels de financement de notre système de soins et de l’accompagnement social. La progression de l’Ondam de 2,8 % par rapport à l’année 2024 est bien trop faible compte tenu de l’inflation et de la provision pour les agents affiliés à la CNRACL.

Pour atteindre la cible qu’il a fixée, le Gouvernement souhaite réaliser 5 milliards d’euros d’économies dans les dépenses de santé, choix qui risque de frapper les plus faibles. Ainsi, le ticket modérateur passera de 30 % à 40 % en janvier 2025 alors que le tarif de base de la sécurité sociale pour une consultation augmentera de 26,5 à 30 euros en décembre 2024. Cette hausse se reportera sur les cotisations des complémentaires santé de la majorité des salariés et de l’intégralité des retraités, des non-salariés et des personnes précaires.

Le groupe Écologiste et Social ne peut cautionner une aussi grande déconnexion entre la prévision des dépenses de la branche maladie et les besoins de la population. Il appelle donc à la suppression de l’article.

M. le rapporteur général. Ce n’est pas l’article 26 qui porte sur l’Ondam, c’est le suivant. Cet article concerne la branche maladie, dont le périmètre et le volume diffèrent quelque peu – l’écart représente environ 3 milliards d’euros.

L’avis est défavorable sur les amendements.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je voterai en faveur des amendements de suppression de l’article. Notre discussion est absurde car nous ne débattons que des objectifs de dépenses de l’assurance maladie, alors que nous devrions fixer des cibles à atteindre : combien de personnes voulons-nous soigner, combien de médicaments souhaitons-nous produire, quel hôpital faut-il défendre, quel est le prix de cette politique ? Une fois ce travail fait, il conviendrait de dégager les moyens nécessaires.

À rebours d’une telle approche, votre logique comptable absurde aboutit à faire trois types d’économies. Vous souhaitez tout d’abord plafonner les indemnités journalières pour les personnes malades afin de les inciter à ne pas poser de jours maladie ; ils iront donc malades au travail où ils contamineront leurs collègues, c’est vraiment intelligent. Ensuite, vous augmentez le ticket modérateur, qui correspond à la part non remboursée des rendez-vous médicaux, comme si taxer les malades allait freiner la diffusion du virus de la grippe. Enfin, vous procédez à une « montée en charge » comme vous dites – en clair, vous créez une taxe –, sur les franchises médicales pour ne plus rembourser une partie des traitements, des médicaments et des thérapies : là aussi, cette mesure sera injuste et inefficace car les personnes percevant de faibles revenus se soigneront moins et les complémentaires, dont les frais de gestion sont quatre à six fois supérieurs à ceux de la sécurité sociale, répercuteront cette hausse. Vous faites payer les mauvaises personnes et vous bâtissez un système plus coûteux et rempli d’usines à gaz.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Les dépenses de la branche maladie progresseront tout de même de 2,8 %. Le chiffre en valeur absolue est impressionnant puisque l’objectif de dépenses dépasse 260 milliards d’euros, quand il n’était que de 200 milliards en 2019. Cet objectif a augmenté de 60 milliards en quelques d’années. Jusqu’à quand procéderons-nous à de telles hausses sans nous poser la question de l’utilité de ce financement ? Je ne pense pas qu’il faille encore ajouter 60 milliards dans les cinq prochaines années.

Je rejoins quelque peu Hadrien Clouet pour constater qu’il y a des besoins de santé, mais contrairement à lui, j’estime que nous pouvons faire mieux avec une telle somme. Nous devons adapter le système à l’époque actuelle, transformer le financement des établissements et innover en conduisant des expérimentations, par exemple sur le statut des établissements ou sur la forfaitisation dans la médecine de ville.

M. le rapporteur général. Je partage plusieurs de vos arguments, monsieur Clouet, mais je ne suis pas d’accord avec vous sur le plafonnement des indemnités journalières. Le nombre moyen de jours maladie par an se situe entre zéro et trois pour les indépendants, entre seize et vingt dans le secteur privé et entre vingt et vingt-cinq dans le public. Si je suis votre raisonnement médical, j’en conclus que la grippe sévit plus violemment dans le secteur public que dans celui des indépendants.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 26 non modifié.

Amendements identiques AS272 de M. Thibault Bazin et AS379 de Mme Katiana Levavasseur, amendements identiques AS295 de M. Thibault Bazin et AS1329 de Mme Annie Vidal (discussion commune)

M. Thibault Bazin (DR). Le premier protocole pluriannuel a été signé en 2020 par les fédérations hospitalières et le ministère de la santé, alors dirigé par Agnès Buzin, pour une durée de trois ans. L’amendement AS272 vise à le renouveler pour deux ans afin de disposer d’une visibilité pluriannuelle des ressources.

L’amendement AS295 rend l’engagement pluriannuel obligatoire alors qu’il n’était jusqu’à présent que facultatif. L’objectif est de responsabiliser tous les acteurs, surtout dans un contexte de relance de l’investissement. Les hôpitaux pourront ainsi adopter une stratégie financière de désendettement.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Élaboré en concertation avec plusieurs fédérations hospitalières, l’amendement AS379 vise à prolonger de trois à cinq ans l’existence du comité économique de l’hospitalisation publique et privée. Son action assure davantage de visibilité et de cohérence aux décisions publiques.

M. le rapporteur général. L’avis est favorable. Il me semble que nous défendons tous la pluriannualité et l’adoption d’une vision à long terme épousant un horizon de cinq ans.

La commission adopte les amendements identiques AS272 et AS379.

En conséquence, les amendements AS295 et AS1329 tombent.

Amendements AS1257 de Mme Annie Vidal et AS1511 de M. Hendrik Davi (discussion commune)

Mme Annie Vidal (EPR). La signature du premier protocole pluriannuel en 2020 a constitué un premier pas vers un dialogue entre l’État et la FHF sur leurs objectifs à moyen terme. Afin d’asseoir l’effectivité de ce protocole et d’en faire une véritable feuille de route, nous proposons qu’il y soit fait référence dans la construction des objectifs de dépenses par champ d’activité. Ainsi, les objectifs de dépenses de médecine, chirurgie, obstétrique, de psychiatrie et de soins médicaux et de réadaptation devront s’inscrire dans la trajectoire fixée pour l’année dans le protocole : tel est l’objet de l’amendement.

M. Hendrik Davi (EcoS). L’amendement répond à une demande de la FHF de donner aux établissements de santé de la visibilité à très long terme. Il me semble que nous nous retrouvons tous autour de cet objectif.

M. le rapporteur général. Je donne un avis favorable aux deux amendements, sachant que l’adoption du premier ferait tomber le second.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Vous avez comparé, monsieur le rapporteur général, les indemnités journalières entre différents statuts professionnels et je vous invite à étendre l’exercice au régime local d’Alsace-Moselle : dans cette région, l’indemnisation des arrêts maladie est totale dès le premier jour d’absence, mais les indemnités journalières n’y sont pas supérieures au reste du pays. Je conteste votre lien entre indemnisation et arrêt maladie.

La commission adopte l’amendement AS1257.

En conséquence, l’amendement AS1511 tombe.

Amendements de suppression AS37 de M. Jérôme Guedj et AS854 de Mme Zahia Hamdane

M. Jérôme Guedj (SOC). Je le répète : l’Ondam n’est pas tenable, alors que l’hôpital est déjà à l’os ! Si l’on tient compte d’une inflation à 1,8 % et de la compensation, à hauteur de 0,9 point, de la hausse du taux de cotisation retraite pour les collectivités et les hôpitaux, son augmentation n’est que de 0,1 % tout au plus.

Dans la perspective de la discussion que nous aurons à ce sujet en séance publique, j’aimerais par ailleurs que vous nous expliquiez, monsieur le président, pour quelle raison la compensation de la suppression de la décote tarifaire sur les tarifs du secteur privé ne concernerait pas l’Ondam hospitalier public : à enveloppe fermée, elle se fera forcément à son détriment.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en parlerons ultérieurement.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS854. L’Ondam est systématiquement sous-évalué. La FHF, France Assos Santé, les syndicats et même le conseil de la Caisse nationale de l’assurance maladie l’ont souligné l’an dernier – ce dernier allant jusqu’à le rejeter. De ce fait, la situation de l’hôpital public a continué de se dégrader. Des plaintes ont été déposées par des familles à la suite de décès dont on suspecte qu’ils seraient liés à un défaut de prise en charge, faute de personnel. Cette année la FHF estime que, compte tenu de l’inflation, les budgets n’augmenteront que de 0,2 %, alors que les besoins seront naturellement en hausse de 4 % au minimum. En l’absence de moyens supplémentaires, cette situation dramatique risque de perdurer.

M. le rapporteur général. Le déficit de la CNRACL pourrait atteindre 11 milliards d’euros en 2030 : le rattrapage du taux de cotisation est un vrai sujet et je suis tout à fait favorable à une trajectoire de compensation. Mais, comme je n’ai cessé de le dire, celle-ci doit être neutralisée dans le calcul de l’Ondam : sinon les hôpitaux, les cliniques et les centres de lutte contre le cancer, notamment, se retrouveront en compétition. Certaines de ces structures peuvent se permettre de créer du déficit – ce que je déplore –, quand d’autres ne le peuvent pas. L’offre de soins s’en trouvera finalement dégradée. J’ai alerté le Gouvernement à ce sujet, mais n’ai pas reçu de réponse à ce jour.

J’émets donc un avis favorable – dont je mesure la portée que lui confère mon rôle – à la suppression de l’Ondam.

À son niveau actuel, celui-ci va en effet à l’encontre de la volonté, que je salue, de désendetter les hôpitaux. Finalement, cela va dégrader le taux de marge et empêcher l’engagement de dépenses importantes pour l’avenir. Il faut que nous donnions aux équipes, publiques comme privées, la possibilité de se projeter. C’est aussi une question de confiance : on sait pertinemment que l’on ne tiendra pas cet Ondam. Toutes les fédérations nous le disent. J’insiste : le déficit est structurel. Il nécessite la mise en place de mesures structurelles et non pas seulement budgétaires.

M. Thibault Bazin (DR). Depuis cinq ans, l’Ondam n’est pas respecté ; nous avons des débats récurrents à ce sujet. Les orientations parfois contradictoires posent un véritable problème de pilotage. Des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens sont demandés en vain par certains établissements, quand d’autres devraient être revus. Finalement, la plupart de nos établissements fonctionnent année après année avec des crédits non renouvelables, qui déresponsabilisent les équipes de direction et ne leur permettent pas d’investir. Il nous faut remettre à plat l’Ondam et adopter une approche plus juste et plus sérieuse. L’absence de pilotage met en péril l’ensemble du système.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je remercie le rapporteur général. Il est important que le Gouvernement comprenne notre vote transpartisan comme un message d’alerte. Collectivement, quelles que soient nos opinions sur l’organisation du système de santé publique, nous estimons que le vote d’un budget insuffisant et intenable mettrait le personnel en grande difficulté. Il y a cette année, dans le secteur hospitalier, un différentiel de 12 points entre la progression de l’Ondam et celle des charges, dont la compensation est assurée par le travail gratuit et l’investissement des soignantes et des soignants. Un service public ne peut pas fonctionner ainsi.

M. Hendrik Davi (EcoS). Un vote massif en faveur de la suppression de l’article 27 enverrait un signal fort au Gouvernement, qui serait incité à revoir sa copie. Il faut qu’il fasse confiance aux professionnels, aux directeurs des hôpitaux, aux soignants, aux médecins, aux infirmières, aux aides-soignants et aux associations de patients qui ne cessent de tirer la sonnette d’alarme. Les conditions de travail sont tellement dégradées que certains hôpitaux peinent à remplacer les départs et finissent parfois par fermer des lits, faute de soignants.

Pour revenir enfin au débat sur les indemnités journalières, je voudrais souligner que le président de l’Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, où l’absentéisme atteint 12 %, a reconnu avec moi que compte tenu des congés maternité et des arrêts de longue durée notamment, on ne pourrait en réalité agir que sur une petite partie des absences.

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous atteignons les limites d’un système. Le PLFSS vole en éclats depuis quatre jours. Le volet recettes ayant été rejeté à l’unanimité de notre commission, nous ne devrions même pas examiner le volet dépenses !

Je me félicite que le rapporteur général partage notre souhait de supprimer l’Ondam, même si les raisons qui nous motivent sont sans doute différentes. Je m’interroge sur ce dont nous allons débattre en séance publique avec le Gouvernement, qui est totalement muet depuis le début de nos travaux. Nous nous sommes efforcés de jouer le jeu sincèrement en commission, en trouvant parfois des convergences entre nous, mais quelle est la vision d’ensemble ? Le débat de la semaine prochaine sera une mascarade ! Allons-nous examiner jusqu’au bout un texte qui sera rejeté, pour que le Gouvernement recoure ensuite au 49.3 après la commission mixte paritaire ? Je veux bien envoyer un signal, mais nous sommes au bout – et à bout !

Mme Stéphanie Rist (EPR). Je rejoins Jérôme Guedj. Il y a là une véritable hypocrisie. Je précise que, la partie recettes ayant été rejetée, il est très difficile d’établir un budget de dépenses et que notre groupe ne votera donc pas le texte.

L’Ondam est un objectif de dépenses et non une enveloppe fermée. Je veux bien qu’on le rejette, si le rapporteur général considère qu’il le faut, mais cela ne résoudra en rien le problème de financement qui se pose. Celui-ci ne sera pas non plus réglé par l’accumulation de milliards d’euros de dépenses tous les ans. Ce qu’il faut, c’est que nous prenions les devants et fassions des propositions pour transformer le financement du système.

Mme Joëlle Mélin (RN). Tout a été dit sur les reproches que l’on peut faire à l’Ondam, qui a effectivement représenté beaucoup de milliards ces cinq dernières années. C’est un indicateur non seulement inefficient mais pervers. Dans les années 1950 ou 1960, quand les grosses boîtes américaines ont commencé à inventer le management à coups de quotas et d’objectifs, ça s’est terminé par des burn-out et des suicides. De la même façon, on est en train d’affoler tout le système de santé avec des objectifs d’autant moins tenables que les chiffres de l’Ondam reposent sur des bases qui sont – volontairement ou non – erronées. L’écart entre cette loi de financement de la sécurité sociale et la dernière est tel que nous devons vraiment nous interroger. Il faut impérativement changer de logiciel et revenir à un autre mode de gestion interne.

M. le rapporteur général. En ce cas, en effet, allons au bout de la logique : puisque nous n’avons pas voté les recettes, ne votons pas un objectif de dépenses.

Nous prenons nos responsabilités, au-delà de nos étiquettes politiques. Il faut entendre nos arguments sur la pluriannualité et sur la nécessité de réformes en profondeur – les déficits sont structurels et les mesures du Ségur ne sont pas compensées. J’espère que, d’ici à la séance, nous obtiendrons des éléments pour avancer. Alors que nous sommes dans une situation particulièrement difficile, la parole des élus est trop peu audible et nous devons la faire entendre. Peut-être est-ce un peu brutal qu’un rapporteur général de la commission des affaires sociales s’oppose à l’Ondam mais notre message vise à améliorer le système de soins et à préserver notre système social, qui est fortement menacé.

M. le président Frédéric Valletoux. Je suis d’accord avec Stéphanie Rist et Jérôme Guedj pour dire que nous sommes arrivés au bout d’un système. Monsieur Clouet, nous n’avons pas paupérisé l’hôpital public, puisque l’Ondam a fortement progressé ces sept dernières années, en passant de 190 à 250 milliards d’euros. Mais nous n’avons pas mené les réformes structurelles qui s’imposent ni revu le financement du système, alors que l’Ondam est infantilisant et insatisfaisant. Nous n’avons pas décloisonné le financement pour favoriser les coopérations entre public et privé. Il faut mettre toujours plus d’argent dans un système qui n’en est pas plus efficient et qui désespère les soignants. Nous devons réfléchir sérieusement à une refonte de notre système de santé et notre commission doit y prendre sa part. Sans aller jusqu’à dire que nous arrosons le désert, toujours est-il que le système ne peut plus continuer ainsi.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 27 est supprimé et les amendements AS1255 de M. Damien Maudet, AS236 de M. Jérôme Guedj, AS464 de M. Laurent Panifous, AS1533, AS1111 et AS1537 de M. Hendrik Davi, AS393 de Mme Émilie Bonnivard, AS1526 de M. Hendrik Davi, AS859 de Mme Élise Leboucher, AS1534 de M. Hendrik Davi, AS765 de M. Sébastien Peytavie, AS1118 de Mme Sandrine Runel, AS920 de Mme Marie Pochon, AS1521, AS1525 et AS1536 de M. Hendrik Davi, AS702 de M. Sébastien Peytavie, AS855 de M. Hadrien Clouet, AS799 de M. Yannick Monnet, AS1035 de Mme Élise Leboucher, AS1042 et AS1197 de M. Damien Maudet, AS1073 et AS1052 de Mme Zahia Hamdane, AS1064 de Mme Élise Leboucher, AS1340 de M. Christophe Marion, AS354 de Mme Karine Lebon et AS1144 et AS1127 de Mme Élise Leboucher tombent.

Amendements de suppression AS38 de M. Elie Califer et AS1162 de M. Hendrik Davi

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement AS38 est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 28 non modifié.

Amendements de suppression AS1611 de Mme Sandrine Rousseau et AS83 de Mme Océane Godard

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure pour la branche vieillesse. L’objectif de dépenses de la branche vieillesse pour 2025 intègre le report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans, que nous voulons abroger, l’accélération du calendrier Touraine d’allongement de la durée de cotisation et le report de six mois de la date de revalorisation des pensions de retraite – des réformes injustes.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je défends l’amendement AS83. Puisque nous avons voté des amendements visant à abroger la réforme des retraites, cet article ne peut pas être conservé en l’état. Qui plus est, dans la trajectoire financière de la branche vieillesse, il manque des éléments de prise en compte de la pénibilité, des carrières longues, des carrières hachées, de la baisse du taux de remplacement et de la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes.

Mme la rapporteure. Plusieurs arguments justifient que l’on supprime cet article. Premièrement, la suppression de l’article 23 fausse complètement les prévisions du Gouvernement, qui prévoyait d’économiser 3 milliards d’euros sur le dos des retraités en décalant la date de revalorisation des retraites. Deuxièmement, ces prévisions intègrent l’injuste réforme des retraites adoptée contre l’avis des parlementaires et des Français à coups de 49.3. Troisièmement, elles ne prennent pas en compte des mesures dont notre système de retraite a cruellement besoin : un vrai dispositif de départ anticipé pour carrière longue, une compensation plus ambitieuse de la pénibilité et des dispositions de nature à réduire les écarts de pension entre les femmes et les hommes.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous voterons ces amendements de suppression. Les chiffres montrent une dynamique inégale entre recettes et dépenses. C’est un problème de recettes, qui se règle en déplafonnant l’intégralité des cotisations à l’assurance vieillesse et en élargissant l’assiette de cotisation par exemple aux compléments de salaires. Enfin, concernant le prix général des régimes de retraite, je trouve que consacrer 14 % du PIB à 25 % de la population, ce n’est pas cher payé.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 29 non modifié.

Amendement AS1176 de M. Louis Boyard

M. Louis Boyard, rapporteur pour la branche famille. Mon rapport sur la branche famille a été nourri par les derniers travaux parus sur les crèches : deux rapports de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), trois enquêtes journalistiques et un rapport de commission d’enquête parlementaire, qui a été volé à son rapporteur légitime. Nous n’allons pas réformer tout le système des crèches et trouver une solution magique aujourd’hui, mais il y a des choses à faire à la marge.

On estime qu’il manque 200 000 places et que 160 000 parents ne peuvent pas retourner travailler faute d’une place. Nous connaissons les cas de maltraitance dans de nombreuses crèches privées. Ne serait-il pas temps d’avoir enfin un service public de la petite enfance ? À partir de 3 ans, on considère qu’il revient à l’État d’accueillir les enfants dans les écoles, mais auparavant, il en reste à une sorte de semi-investissement et demande au privé de se substituer à lui. Pourquoi ? Parce qu’on a toujours considéré que c’est aux parents de s’occuper des petits enfants, aux mères plus précisément. Or, dans un moment où il se passe tant de choses en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, on ne peut pas ne rien faire sur ce sujet.

Mon amendement vise donc à conditionner, d’ici à trois ans, les aides publiques par la non-lucrativité des établissements d’accueil du jeune enfant.

M. Thibault Bazin (DR). Ayant eu l’honneur de présider la commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements, au sein de laquelle les membres de votre groupe étaient très investis, je ne suis pas étonné par votre amendement.

Je ne partage pas votre conclusion. Je ne nie pas les abus qui doivent être corrigés, mais toute entreprise de crèche n’est pas scandaleuse, loin de là.

Les acteurs publics nouent des partenariats exigeants avec des acteurs privés, qu’ils soient lucratifs ou non. L’octroi d’aides publiques garantit de pouvoir exercer un contrôle sur les structures et leur imposer des critères, de qualité notamment, dans le cadre des conventionnements.

Votre amendement risque de faire disparaître des places et de rendre impossibles les conventions entre acteurs publics et privés. Certaines collectivités territoriales n’ont pas les moyens d’investir dans de l’immobilier pour créer des crèches. Le risque est de voir demain des crèches réservées aux personnes riches qui peuvent se passer d’aides publiques, faisant ainsi disparaître la mixité des structures.

Les crèches sont un élément du contrat social : chacun y contribue selon ses moyens mais, grâce aux aides, tout le monde peut en bénéficier.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’objet de l’amendement est de mettre fin au laisser‑faire généralisé qui caractérise le système des crèches lucratives.

L’accueil low cost des tout-petits est un désastre. C’est un détournement de fonds publics généralisé. Le secteur lucratif reçoit 13 500 euros d’aide publique par place, contre 13 000 euros pour le public, ce qui aiguise la convoitise du capital-investissement à la recherche d’une marge sur les bébés. Malgré cela, les dépenses de personnel ont baissé depuis une décennie. Cela montre que les entreprises sont dans une logique de dumping sur l’encadrement : si vous recevez plus d’argent et que les dépenses de personnel baissent, cela signifie que vous réduisez le nombre de salariés, donc le ratio par enfant. Cela n’empêche que vous pouvez aussi faire des économies sur d’autres postes : les rations alimentaires, les jeux d’éveil...

Il est temps que cela cesse. Cet amendement permet de siffler la fin de la récréation.

M. Hendrik Davi (EcoS). Je soutiens cet amendement. Nous avons besoin d’un service public de la petite enfance. J’ai expérimenté les microcrèches privées pour mes deux enfants parce que je n’avais pas le choix et je peux témoigner de divers problèmes, de sécurité notamment. C’était assez catastrophique.

Ce qui est inacceptable, c’est que le secteur privé lucratif fasse des bénéfices sur le dos du financement public. En attendant que le service public de la petite enfance voie le jour, les contrôles doivent être renforcés et les exigences accrues, qu’il s’agisse des qualifications ou du taux d’encadrement par des puéricultrices.

M. le rapporteur. Je ne suis pas sûr que l’on puisse continuer à parler de secteur privé quand les entreprises peuvent être financées par de l’argent public à plus de 80 % – le taux dépend de la part que représente la contribution des familles.

Toutes les entreprises de crèche privées que j’ai auditionnées me l’ont dit : le modèle économique n’est pas viable sans les aides publiques. Lorsque le niveau de subvention publique est aussi élevé, on peut s’interroger sur le choix de faire appel au secteur privé.

Nous avons une divergence de fond : nous estimons, pour notre part, que certains secteurs économiques doivent échapper à la logique lucrative et être considérés comme des biens communs. La recherche du profit a conduit certaines entreprises – je pense aux crèches Les Petits Chaperons rouges – à bâtir leur modèle, pour remporter des marchés publics, sur une offre low cost qui ne permettait pas d’accueillir correctement les jeunes enfants.

Il n’y a à mes yeux aucun intérêt à laisser le secteur de la petite enfance entre les mains du privé. Je suis d’accord, monsieur Bazin, sur le nombre de places : nous sommes pris au piège ! Les acteurs publics investissent tellement peu dans le système de crèches publiques qu’il n’y a pas d’autre choix que de s’en remettre à des crèches privées qui sont ultrasubventionnées. Pour sortir de ce piège, il faut créer ce service public de la petite enfance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1593 de M. Louis Boyard

M. le rapporteur. Si un seul de mes amendements doit être adopté, c’est celui-là. Il est à la fois important et consensuel.

La prestation de service unique (PSU) est décriée par tous les acteurs de la petite enfance : professionnels, parents, représentants des crèches privées, etc. Tous demandent qu’il y soit mis fin. Quand j’ai fait part à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) de ces critiques, il m’a été répondu, tableaux comptables à l’appui, que la PSU avait atteint ses objectifs. La comptabilité ne peut être le seul critère pour apprécier l’accueil du jeune enfant.

Nombre de ministres ont tenté de réformer la PSU mais se sont heurtés au blocage de la Cnaf. L’amendement a pour objet de lancer une expérimentation pendant trois ans afin d’obliger cette dernière à trouver une alternative à la PSU. À l’issue de ce délai, l’Assemblée nationale décidera des suites à y donner.

J’aimerais que cet amendement soit transpartisan car nous sommes les seuls à pouvoir faire bouger les choses.

M. Thibault Bazin (DR). Merci, monsieur le rapporteur, d’avoir pris le soin de nous présenter en amont votre amendement.

La commission d’enquête sur les crèches a recommandé la réforme de la PSU. Je suis favorable à une évolution des modalités de financement, quel que soit le statut du gestionnaire. Le système actuel – et ses tableaux – est devenu un supplice pour les directeurs de crèche.

Néanmoins, la notion de versement mensuel forfaitaire mérite d’être précisée. Pour prendre en considération les évolutions sociétales, il faudrait également pouvoir comptabiliser les demi-journées. Enfin, les bonifications sont très obscures.

Je ne suis donc pas sûr que votre proposition soit la meilleure manière de faire la réforme, dont je souhaiterais par ailleurs, au nom de la solidarité nationale, qu’elle concerne tous les départements. La convention d’objectifs et de gestion 2023-2027 de la branche famille commence seulement à s’appliquer. On ne peut pas attendre la suivante. Souvenons‑nous que l’année dernière a marqué une destruction nette de places. Il est urgent de modifier la donne.

Mme Annie Vidal (EPR). Vous avez fait allusion, monsieur le rapporteur, au dernier livre de Victor Castanet, qui montre un certain nombre de déviances de la part de structures soutenues par des fonds publics et illustre la faiblesse de la gouvernance publique et la nécessité de renforcer les contrôles. Mais ce n’est pas parce qu’un des opérateurs a eu une conduite crapuleuse qu’il faut jeter l’opprobre sur toutes les structures privées. Certaines d’entre elles offrent un service de qualité.

Je ne suis pas sûre que le rapport que vous demandez permettra d’avancer sur la PSU. Vous savez que la ministre compte engager une réflexion sur le sujet. Cette voie me paraît plus pertinente.

M. le rapporteur. La rédaction de l’amendement a été très contrainte par la nécessité d’échapper à l’article 40. Monsieur Bazin, je suis tout à fait disposé à le retravailler. Il ne faut cependant pas confondre le versement aux familles et celui des caisses d’allocations familiales. Les familles pourront bien sûr payer à la demi-journée.

Madame Vidal, je suis en désaccord avec vous sur le rôle du ministère. Aurore Bergé, à l’encontre de laquelle je ne manque pas de griefs par ailleurs, m’a indiqué qu’elle avait exigé une réforme de la PSU. Qu’en est-il ressorti ? La linéarisation du calcul de la PSU en fonction du taux de facturation. Ce n’est évidemment pas ce qui était demandé.

Les ministres successifs ont de longue date voulu réformer la PSU mais le blocage de la Cnaf les en a à chaque fois empêchés. Le ministère n’est pas en mesure de procéder aux changements nécessaires avant la dissolution qui aura probablement lieu en juin. L’expérimentation est le seul moyen d’obtenir une réforme de la PSU et de contraindre la Cnaf à bouger.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS1605 de M. Louis Boyard et AS64 de M. Arnaud Simion, amendement AS60 de Mme Céline Hervieu (discussion commune)

M. le rapporteur. Il est proposé d’expérimenter un prix plancher pour les berceaux dans les crèches.

M. Jérôme Guedj (SOC). Par les amendements AS64 et AS60, il s’agit de lutter contre le dumping pratiqué par certains opérateurs qui proposent des prix au berceau notoirement incompatibles avec une prise en charge de qualité. La PSU ne serait versée que si ce prix plancher est respecté.

M. Thibault Bazin (DR). Un prix minimum doit effectivement être imposé à tous les opérateurs, qu’ils soient publics ou privés – l’analyse des coûts montre que ce ne sont pas forcément les structures privées qui ont le coût à la place le plus faible. Parallèlement, la Cnaf doit évoluer et prendre en compte la revalorisation des salaires notamment, ou l’inflation dans le calcul de la PSU. Sinon, le cercle vicieux ne cessera pas.

Il faut donc être vigilant sur la manière dont le prix est fixé. Mais le vrai sujet, c’est les réservations de berceau, dont plus de la moitié sont faites par les acteurs publics, notamment les sections régionales interministérielles d’action sociale. Il faut fixer des critères pour ces réservations, y compris en matière de coût minimum.

M. le rapporteur. Je demande le retrait de l’amendement AS60, dans la mesure où l’amendement relatif à un financement forfaitaire plutôt que sur une base horaire vient d’être adopté.

La commission adopte les amendements identiques AS1605 et AS64.

En conséquence, l’amendement AS60 tombe.

Amendement AS62 de Mme Florence Herouin-Léautey

Mme Océane Godard (SOC). Il s’agit d’une demande de rapport sur le développement des microcrèches et sur la faible régulation du secteur, en particulier concernant la qualité de l’accueil des jeunes enfants et la formation des personnels.

M. le rapporteur. Il faut regarder la réalité en face : la majorité des microcrèches sont créées par le secteur privé lucratif pour bénéficier des dérogations réglementaires qui leur sont applicables. Le taux d’encadrement et les exigences de qualification des professionnels qui y travaillent sont moindres que dans les crèches traditionnelles. Or tous les enfants ont les mêmes besoins, qu’ils fréquentent des crèches traditionnelles ou des microcrèches.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS1187 de M. Louis Boyard

M. le rapporteur. Il s’agit d’une demande de rapport sur l’opportunité de remplacer le congé paternité par un congé d’accueil de l’enfant dont la durée, les modalités d’indemnisation et les obligations pour l’employeur seraient identiques à celles du congé maternité. Cela fait des années que l’on nous promet une réforme mais qu’elle ne vient jamais. Or cela devient urgent car les congés parentaux sont la source de nombreuses inégalités entre les hommes et les femmes, le système étant organisé, dans la famille et même dans le travail, pour que ce soient les mères qui s’occupent des enfants plutôt que les pères.

M. Thibault Bazin (DR). Nous sommes nombreux à vouloir réformer les congés familiaux. Toutefois, la question porte surtout sur le congé de naissance et sur l’extension et l’indemnisation du congé maternité.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je soutiens cet amendement car si l’on veut changer les mentalités d’une société, il faut parfois en passer par la loi. Le partage des tâches dès la naissance de l’enfant permet d’alléger la charge mentale de la mère et de lancer une répartition juste et équitable des tâches. Tous les parents, quel que soit le modèle de famille, doivent s’impliquer à parts égales.

M. François Gernigon (HOR). Il faudrait y réfléchir dans le cadre d’un travail plus global sur la famille et la relance de la natalité, au lieu de procéder au coup par coup.

M. le rapporteur. Pendant l’examen de ce texte, j’ai entendu sur tous les sujets que nous avions besoin d’une réforme en profondeur. Or la difficulté de ce PLFSS, c’est qu’il n’a absolument aucune direction. Si la représentante de notre camp, qui est arrivé en tête des élections, avait été nommée à Matignon, je vous garantis que vous auriez des réformes en profondeur à examiner. Si vous voulez des réformes, votez la censure contre M. Barnier que nous allons proposer !

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS1594 et AS1174 de M. Louis Boyard, amendements AS265, AS261, AS262, AS263 et AS264 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

M. le rapporteur. L’amendement AS1594 demande un rapport sur l’effet de la réforme intervenue en 2015 concernant la modulation des allocations familiales en fonction du revenu des familles, ainsi que sur le caractère universel des allocations familiales. L’amendement AS1174 demande un rapport sur l’opportunité d’un versement des allocations familiales dès la naissance du premier enfant, en particulier pour les familles monoparentales, très exposées à la précarité – il me semble que cette idée est sur le point de faire consensus entre nous.

Pour résumer, je pense que les allocations familiales doivent absolument être versées à la naissance du premier enfant. Elles peuvent éventuellement dépendre des ressources de la famille, mais sans que cela soit un prétexte pour chercher à faire des économies. Enfin, elles doivent bénéficier à tous : quelle que soit sa nationalité, rien ne justifie qu’un enfant vive dans la pauvreté.

M. Thibault Bazin (DR). Je demande des rapports sur plusieurs thèmes que mon groupe défend depuis longtemps, comme le rétablissement de l’universalité des allocations familiales, la suppression de la condition de ressources pour le versement des primes à la naissance ou à l’adoption, ou encore la fusion de l’ensemble des aides, ainsi qu’un rapport sur la natalité.

M. le rapporteur. Je souhaite le retrait des amendements demandant des rapports sur le versement des allocations familiales dès le premier enfant, sur la modulation des allocations familiales en fonction des ressources des familles et sur la suppression des conditions de ressources. Les demandes que j’ai formulées portent en effet sur les mêmes sujets, mais sont plus consensuelles.

Certains groupes n’abordent la question de la branche famille que sous l’angle de la natalité, alors qu’il faut également envisager les questions de la conciliation entre la vie personnelle et professionnelle et du soutien au niveau de vie des familles.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Les rapports demandés sont les bienvenus. Toutefois, la présentation du rapporteur démontre qu’il ne recherche pas le consensus. Si nous sommes évidemment attachés à l’universalité des allocations familiales, nous voulons inscrire dans la loi une priorité nationale avec un délai de carence pour les étrangers, y compris en situation régulière, de cinq ans de présence et de travail sur le territoire. Pour cette raison, nous nous abstiendrons sur les amendements proposés.

M. le rapporteur. Je vais être très clair : je ne chercherai jamais un consensus avec le Rassemblement National. Je regrette d’ailleurs que tout le monde ne soit pas dans ce cas.

Concernant la priorité nationale, dans ma circonscription, des professeurs donnent de leur argent personnel pour que des mômes puissent manger. Quand les familles ne percevront plus d’aides parce qu’elles n’ont pas la nationalité française, qui paiera ? L’entourage, les Françaises et les Français ! Votre proposition est non seulement immorale, mais aussi inopérante car, dès lors que des gens sont présents dans notre pays, bien sûr qu’il faut les aider !

M. Didier Le Gac (EPR). Je rends hommage à François Hollande, qui a eu le courage de réformer les prestations familiales pour les moduler en fonction des revenus. Qu’est-ce que 80 euros, quand on en gagne 7 000 ou 8 000 par mois ? Rien, et pourtant, in fine, ça coûte des centaines de millions à l’État. Ce n’est pas ça qui relancera la natalité.

Je suis favorable à cette modulation, et je voterai donc contre ces amendements.

M. le rapporteur. Sur le fond, nous sommes d’accord. Seulement, lorsqu’elle est suivie d’une réduction de l’enveloppe, ce genre de réforme me semble davantage guidée par une volonté d’économies que par celle d’une véritable justice fiscale. C’est pourquoi je m’y oppose.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS1170 et AS1183 de M. Louis Boyard

M. le rapporteur. Toujours dans la volonté de fabriquer du consensus, l’amendement AS1170 tend à demander au Gouvernement un rapport sur la déconjugalisation de l’allocation de soutien familial (ASF) à travers la suppression de la condition d’isolement du parent assurant la charge de l’enfant.

Le parent isolé – souvent, la mère – qui se marie, se pacse ou s’installe en concubinage ne peut plus percevoir cette aide, ce qui le rend de fait dépendant de son nouveau conjoint. C’est d’autant plus illogique que cette prestation est attachée à l’enfant, et non au parent.

Par l’amendement AS1183, je demande la remise d’un rapport sur l’instauration d’un financement forfaitaire des crèches par la branche famille et l’interdiction de la tarification horaire à l’activité. Nous avons déjà longuement débattu de la PSU. Cette demande de rapport me semble compléter utilement l’expérimentation de modulation de la PSU dont nous avons décidé.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je soutiendrai l’amendement AS1170. Le parent isolé qui s’installe en concubinage est privé des 261 euros de l’ASF quelles que soient les ressources de son nouveau compagnon ou de sa nouvelle compagne. Cela peut mener à des situations ubuesques : si le nouveau compagnon gagne moins que lui, le parent isolé perd le bénéfice de cette prestation alors même qu’il doit subvenir aux besoins d’une personne supplémentaire. C’est éminemment injuste.

La quasi-totalité des associations familiales et de parents isolés réclament cette déconjugalisation. Ce rapport nous permettrait d’y réfléchir sans précipitation, comme le souhaitaient plusieurs collègues.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements de suppression AS1606 de M. Louis Boyard, AS55 de M. Arnaud Simion et AS1145 de Mme Marie-Charlotte Garin

M. le rapporteur. Le rapporteur général avait proposé de supprimer l’Ondam ; en écho, je demande la suppression de l’objectif de dépenses de la branche famille. C’est bien la preuve que la situation est inédite, pour le Parlement et, plus largement, la démocratie.

Des millions d’électeurs ont eu le sentiment que le Nouveau Front Populaire avait gagné les dernières élections législatives ; ils ont des attentes. Or, en dépit des promesses du Président de la République, qu’est-il ressorti de ce PLFSS en matière de crèches, de lutte contre la précarité des familles, de congé parental ? Absolument rien !

On ne sait pas dans quelle direction va la branche famille. Elle sera bientôt déficitaire, car si les dépenses augmentent du fait de l’inflation, les recettes, elles, ne suivent pas – et c’est à cause de la politique menée ces sept dernières années ! Et, je le répète, le résultat des élections n’a pas été pris en compte.

J’appelle donc à la suppression de l’article.

Mme Océane Godard (SOC). Je défends l’amendement AS55.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Bien que la branche famille soit excédentaire, le projet de budget ne prévoit rien, ou presque, pour répondre aux besoins, notamment en matière de congé parental et de régulation des crèches privées. Finalement, malgré les annonces, elle reste la proie du secteur privé à but lucratif. Pour devenir le socle de droits sociaux nouveaux, elle devrait pourtant, au contraire, être sortie de la logique de marché. C’est pourquoi nous proposons par l’amendement AS1145 la suppression de l’article.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Je souscris aux propos du rapporteur : effectivement, les attentes des électeurs aux dernières législatives n’ont pas été entendues ! Ils n’ont pas voté pour le gouvernement de Michel Barnier, mais ils n’ont pas voté non plus pour le programme du Nouveau Front Populaire. Et d’ailleurs, puisque vous ne cherchez pas à élargir le consensus au Rassemblement National, je vais vous l’imposer : nous voterons pour ces amendements de suppression.

M. le rapporteur. Ces amendements traduisent la volonté politique des groupes qui les ont déposés. Je ne risque pas de chercher à construire un consensus avec le RN, et pour cause : vous n’avez déposé aucun amendement sur ce sujet ! Commencez par exposer vos idées en déposant des amendements, et ensuite, on en reparlera !

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 30 non modifié.

Amendement AS1508 de M. Serge Muller

M. Serge Muller (RN). Pour renforcer le suivi des mesures adoptées à l’article 32 de la loi de financement de la sécurité sociale de 2022, en particulier celles relatives à la régulation comptable et financière des établissements sociaux et médico-sociaux, cet amendement tend à demander la remise d’un rapport évaluant l’efficacité des dispositifs instaurés pour garantir la transparence des établissements et lutter contre les pratiques abusives, conformément aux recommandations formulées par l’Igas suite aux dysfonctionnements relevés dans certains établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

En tant qu’aide-soignant, je suis particulièrement attaché à cet amendement, qui permet de vérifier que les moyens de contrôle et sanctions de l’autorité publique sont effectivement appliqués et, au besoin, de les adapter.

M. Guillaume Florquin, rapporteur pour la branche autonomie. À ma connaissance, le système d’information unique pour la gestion de l’allocation personnalisée d’autonomie par les départements n’a pas encore été déployé par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Votre demande de rapport sur l’avancement des travaux est donc pertinente, et j’émets un avis favorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements de suppression AS45 de M. Arnaud Simion et AS1171 de M. Sébastien Peytavie

Mme Océane Godard (SOC). Cet article fixe l’objectif de dépenses de la branche autonomie. Au premier regard, elle semble bénéficier d’une hausse importante de 6 % de ses crédits. Mais cela cache en réalité l’absence de toute mesure structurelle. Elles sont pourtant indispensables pour répondre aux enjeux de la branche, comme le manque de personnel dans les Ehpad, le manque d’attractivité des professions du grand âge ou encore le nécessaire développement des résidences intermédiaires.

Nous nous opposons à la politique du Gouvernement et demandons donc par l’amendement AS45 la suppression de cet article.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). L’amendement AS1171 est défendu.

M. le rapporteur. En effet, les moyens alloués à la branche sont insuffisants au regard des besoins du secteur. Néanmoins, je ne vois pas en quoi la suppression de cet article permettra d’améliorer la situation.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 31 non modifié.

Amendements de suppression AS1612 de Mme Sandrine Rousseau et AS84 de Mme Océane Godard

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure pour la branche vieillesse. En cohérence avec ma position sur l’objectif de dépenses de la branche autonomie, je propose, par cet amendement, de supprimer cet article relatif aux dépenses du Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

J’en profite pour évoquer un sujet qui a des conséquences directes sur les comptes du FSV : la récupération sur succession de l’Aspa. C’est le seul minimum social versé à l’échelle nationale qui fait l’objet d’un tel mécanisme. C’est à la fois profondément injuste, indigne et illogique : s’agit-il d’une allocation ou d’un crédit ? Nous défendrons un amendement sur ce sujet en séance.

Pour toutes ces raisons, je suis favorable à la suppression de cet article.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 32 non modifié.

Amendements AS1361 et AS1362 de M. François Gernigon (discussion commune)

M. François Gernigon (HOR). Actuellement, les prestations sociales peuvent être cumulées sans limite de montant, en fonction des ressources et de la composition du foyer. Pour encourager l’accès à l’emploi, le groupe Horizons & Indépendants propose de plafonner le montant total des prestations perçues mensuellement, en fonction de la composition du foyer, afin de prendre en compte la taille et les besoins spécifiques de chaque famille. Seraient concernés le revenu de solidarité active, l’ensemble des allocations familiales prévues à l’article L. 511-1 du code de sécurité sociale, l’ASF et l’allocation de solidarité spécifique.

En revanche, l’allocation aux adultes handicapés, l’allocation supplémentaire d’invalidité et l’Aspa seraient évidemment exclues de ce dispositif.

L’amendement AS1361 propose de fixer le plafond à 60 % du Smic par part fiscale ; l’amendement AS1362, de repli, propose de le porter à 70 %.

M. le rapporteur général. Tels qu’ils sont rédigés, vos amendements aboutiraient à l’inverse de ce que vous souhaitez. Ils impliquent qu’un célibataire aurait droit à 60 % du Smic, tandis qu’un couple sans enfant à charge aurait droit à 30 %, et non à 120 %. Je vous invite donc à les retirer et à les retravailler pour la séance.

Les amendements sont retirés.

Amendement AS186 de M. Philippe Juvin

Mme Josiane Corneloup (DR). Pour faire face à l’enjeu national qu’est la lutte contre la fraude, les organismes de sécurité sociale et les organismes complémentaires doivent travailler de pair afin de gagner en efficacité et en rapidité, et ainsi garantir la pérennité de notre système de protection sociale.

Dans la continuité de la mesure 31 de la feuille de route « Lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques », cet amendement vise à améliorer les dispositions existantes en matière de coopération, en favorisant notamment les échanges dans les deux sens, des caisses d’assurance maladie vers les organismes complémentaires et inversement.

M. le rapporteur général. En principe, je vous aurais demandé de retirer votre amendement, car il est entaché d’une petite difficulté juridique. Vous risquez toutefois de ne pas avoir le temps de le retravailler avant la date limite de dépôt des amendements en séance.

Mon avis est donc favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS507 de Mme Katiana Levavasseur

M. Gaëtan Dussausaye (RN). La fraude sociale fait peser un lourd poids sur les finances de l’État et met à mal le consentement à l’impôt. Si nous avons pu noter une certaine fermeté dans le discours du précédent gouvernement ces derniers mois, les résultats ne suivent pas. Cet amendement vise donc à alourdir les sanctions pour fraude sociale afin de les rendre véritablement dissuasives. Je défendrai un amendement de repli visant à obtenir un rapport sur l’efficacité et les manquements des dispositifs de lutte contre la fraude sociale.

M. le rapporteur général. Je comprends votre intention, mais vous ne précisez pas le champ des prestations concernées : s’agit-il de la branche famille ou de la branche maladie ? Je vous renvoie aux propositions que j’ai faites en la matière et aux outils qu’utilisent déjà les caisses d’assurance maladie et d’allocations familiales.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet amendement n’est pas à la hauteur : il ne précise pas si le périmètre des fraudes concernées inclut les rémunérations versées par le Parlement européen !

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette ensuite l’amendement AS1030 de M. Gaëtan Dussausaye.

Puis elle rejette la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

L’article liminaire et toutes les parties du projet de loi ayant été supprimés ou rejetés, l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 est rejeté.