N° 609
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 novembre 2024.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION de loi
visant à la refondation du modèle de financement public des établissements privés sous contrat afin de garantir la mixité sociale en leur sein,
Par M. Paul Vannier,
Député.
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Voir le numéro : 418.
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SOMMAIRE
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Pages
I. Pourquoi RECHERCHer lES mixitéS SOCIALE ET SCOLAIRE à l’école ?
1. L’influence des politiques éducatives sur la mixité sociale et scolaire
2. Des enjeux de performance du système éducatif, d’égalité réelle et de cohésion sociale
II. Un objectif de niveau législatif pourtant INOPÉrant dans le cadre actuel
1. La mixité à l’école : un objectif de niveau législatif
1. La dualité du système d’enseignement : deuxième cause de ségrégation scolaire
2. Un phénomène en forte accélération, qui menace l’enseignement public
Annexe n° 1 : liste des personnes entendues par le rapporteur
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L’unité et la cohésion d’une société ne se décrètent pas : elles se construisent. Votre rapporteur considère que l’école constitue, à condition de lui en donner les moyens, un outil aussi efficace que décisif pour y parvenir.
Or, selon le site du ministère de l’Éducation nationale, « la France est l’un des pays de l’OCDE où les déterminismes sociaux pèsent le plus sur la réussite scolaire des élèves. L’insuffisante mixité scolaire nuit à la réussite de tous les élèves et à la promesse d’égalité des chances de l’École républicaine ».
Ce même ministère tente donc d’œuvrer, plus particulièrement depuis une dizaine d’années, pour améliorer la mixité sociale à l’école, par différentes mesures concentrées sur les établissements publics. L’accélération dramatique de la ségrégation scolaire, par une fuite croissante et particulièrement accentuée dans les grandes agglomérations, des élèves les plus favorisés vers l’enseignement privé, démontre combien ces efforts demeurent vains tant qu’ils ne concerneront pas l’ensemble des établissements – publics et privés – participant au service public de l’éducation.
La mixité sociale est un objectif de niveau législatif qui s’applique en théorie à tous les établissements d’enseignement financés sur fonds publics, mais n’est assorti d’aucune sanction en cas de non-respect. En proposant une diminution du financement des établissements privés sous contrat dont le profil des élèves s’écarterait sensiblement de celui de leur territoire d’implantation, la proposition de loi de votre rapporteur entend répondre à trois urgences : stopper la dynamique d’accélération de la ségrégation scolaire et de construction d’une école à deux vitesses, redresser l’école publique et garantir la liberté d’enseignement en offrant un réel choix aux familles.
I. Pourquoi RECHERCHer lES mixitéS SOCIALE ET SCOLAIRE à l’école ?
Dans les sociétés démocratiques, l’enjeu de mixité, corollaire de l’égalité des droits, semble aller de soi, en particulier au sein de l’institution scolaire, c’est-à-dire, théoriquement, avant que la place des individus dans la société soit définie. Il semble toutefois utile de rappeler, au-delà des principes, les effets concrets de la mixité, et a contrario de la ségrégation des élèves au cours de leur scolarité.
1. L’influence des politiques éducatives sur la mixité sociale et scolaire
Dans une étude comparative publiée en 2019 et fondée sur les résultats de l’ensemble des pays participant à l’enquête Pisa ([1]), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) relevait que la concentration d’élèves issus d’un même milieu social dans certaines écoles est liée, d’une part, au degré de mixité des aires d’habitation, d’autre part, à des politiques scolaires : l’existence ou non d’une sectorisation éventuellement assortie de possibilités pour les familles d’éviter la scolarisation dans l’école locale, ou encore l’existence d’une offre privée mieux dotée et/ou à des tarifications élevées sont des aspects des politiques scolaires qui renforcent la ségrégation sociale. À quelques exceptions près, celle-ci est toutefois rarement recherchée pour elle-même ou uniquement pour elle-même.
En effet, toujours selon l’OCDE, les résultats des enquêtes Pisa suggèrent que, dans la plupart des pays où elle est observée, la ségrégation sociale entre établissements refléterait davantage « une sélection des élèves en fonction de leurs niveaux scolaires », l’une et l’autre pouvant être difficiles à distinguer « étant donné la corrélation positive qui s’observe dans tous les pays entre résultats académiques et statut socio-économique ». Dans ces cas précis, les aspects des politiques d’éducation qui jouent un rôle majeur sont plutôt les modalités d’orientation et/ou d’affectation des élèves centrées sur leurs résultats antérieurs, cette logique étant accentuée dans les configurations permettant aux familles de postuler dans plusieurs établissements, certains d’entre eux, plus prisés, pouvant alors opérer une sur-sélection. Ces mécanismes sont plus ou moins prononcés selon les systèmes d’éducation. Pour la France, située dans le même groupe que l’Autriche, la Grèce et Malte, « les établissements à plus forte concentration d’élèves peu performants sont plus nombreux que ceux à plus forte concentration d’élèves très performants ».
Ainsi, la ségrégation sociale à l’école, qui dépend pour une part importante des politiques publiques et de la structuration de l’offre éducative, peut procéder d’une sélection sociale et/ou d’une sélection académique, sur critères scolaires. Dans ce dernier cas, les bons élèves issus de milieux défavorisés peuvent également être captés par les établissements les plus prisés et en mesure d’effectuer une sélection, la concentration d’élèves défavorisés se recoupant alors parfaitement avec la concentration des élèves les plus faiblement performants.
Les effets de l’une comme de l’autre sont néanmoins très proches et agissent au détriment des résultats globaux d’un pays, et plus encore au détriment de certains segments de la population.
2. Des enjeux de performance du système éducatif, d’égalité réelle et de cohésion sociale
L’OCDE estimait ainsi que plus la mixité sociale à l’école est faible, plus le statut socio-économique est une variable probante de la performance des élèves aux évaluations Pisa, en particulier pour ce qui concerne la compréhension de l’écrit. A contrario, dans des pays comme la Finlande, l’Islande ou la Norvège, la part liée au statut économique du score des élèves en compréhension de l’écrit est inférieure à 10 %. L’OCDE en concluait que « les modalités d’affectation des élèves dans les établissements, et la mesure dans laquelle elles entraînent un creusement des différences socio-économiques ou académiques entre les établissements, peuvent donc avoir une incidence sur les résultats d’apprentissage au niveau national ».
Au-delà des différences socio-économiques, la mixité proprement scolaire, c’est-à-dire la dispersion des performances académiques entre élèves d’un même établissement, semble être un facteur plus marqué encore d’amélioration de la performance scolaire globale des élèves. La présence de camarades d’école aptes à se motiver et s’entraider ou au contraire la présence de nombreux élèves nécessitant une attention renforcée des enseignants influence ainsi la performance des autres élèves.
Une étude recensant les principaux travaux conduits sur le sujet et publiée en novembre 2023 par le Conseil d’évaluation de l’école ([2]) permet d’objectiver cette influence : dans l’enseignement primaire, les élèves les moins performants seraient ainsi ceux qui bénéficieraient le plus de la présence de bons élèves, suivis par les élèves de niveau intermédiaire. Les élèves de meilleur niveau scolaire ne seraient quant à eux pas affectés par le fait d’être exposés à des élèves plus faibles et s’ils bénéficient également de la présence de bons élèves, les effets associés seraient pour les bons élèves de moindre ampleur que pour ceux de la partie inférieure de la distribution. Dans certains contextes, les bons élèves pourraient même souffrir de configurations de classe qui concentrent une proportion importante d’élèves de très bon niveau.
Dans l’enseignement secondaire, de même que dans l’enseignement primaire, la littérature tend à conclure à des effets positifs de l’exposition à des pairs de meilleur niveau scolaire pour les élèves de niveau scolaire faible à intermédiaire. Enfin, être exposé à une forte proportion d’élèves de faible niveau nuirait à tous les élèves, mais de façon plus marquée pour les élèves étant eux-mêmes les plus en difficulté au plan scolaire.
La ségrégation dans l’enseignement aurait donc un effet négatif marqué sur les conditions d’apprentissage des élèves, en particulier des élèves ayant un niveau de performance initial faible, moins susceptibles de compenser ces difficultés par le patrimoine culturel acquis dans leur milieu familial. Ainsi, les garçons de milieux défavorisés fréquentant une école favorisée auraient par exemple 2,2 fois plus de chances d’obtenir une mention bien ou très bien au diplôme national du brevet (DNB) que ceux qui fréquentent des écoles défavorisées ([3]).
La mixité socio-scolaire représente donc un triple enjeu. En premier lieu, elle est une condition de l’égalité réelle et de la lutte contre la reproduction sociale, particulièrement frappante en France.
En second lieu, elle est un levier insuffisamment pris en compte par les politiques publiques éducatives pour répartir l’effort éducatif et donc améliorer l’acquisition par tous des savoirs, à l’heure où tout un chacun semble pourtant s’inquiéter des performances éducatives de la France.
Enfin, sur le long terme, la mixité sociale et scolaire est un enjeu de cohésion sociale : l’étude de l’OCDE précitée conclut ainsi que « lorsque la mixité est insuffisante, les enfants peuvent se voir privés de la possibilité d’apprendre, de jouer et de communiquer avec d’autres enfants d’origines sociales, culturelles et ethniques différentes, et la cohésion sociale s’en trouver ainsi menacée ».
II. Un objectif de niveau législatif pourtant INOPÉrant dans le cadre actuel
L’objectif de mixité scolaire a fait son entrée dans le débat public à partir des années 1990 et surtout des années 2000, et dans la loi en 2013. Toutefois, il ne peut s’imposer dans les faits qu’aux établissements publics, sous réserve d’un portage politique fort au niveau national et de l’implication des académies et des différents niveaux de collectivités territoriales. Le cadre législatif actuel ne donne cependant aucune compétence aux pouvoirs publics pour l’imposer aux établissements privés.
1. La mixité à l’école : un objectif de niveau législatif
La dégradation très marquée de l’équité de la scolarité française, appréhendée à partir des données Pisa au cours des années 2000, conduit au début des années 2010 à une mise à l’agenda politique et médiatique de la question de la mixité à l’école. En effet, si en 2000 les résultats du premier décile ([4]) français s’élèvent à 381 à l’écrit, soit dix points au-dessus de la moyenne de l’OCDE, ce score passe à 367 en 2003, et 346 en 2006, soit seize points en dessous de la moyenne de l’OCDE. En mathématiques, les résultats du premier décile passent de 389 en 2003, soit dix points au-dessus de la moyenne de l’OCDE, à 361 en 2009, soit dix-neuf points en dessous de la moyenne de l’OCDE, restée stable. L’écart entre le premier et le dernier décile s’accentue sur la même période, passant entre 2003 et 2009 de 93 à 106 à l’écrit et de 92 à 101 en mathématiques, la moyenne de l’OCDE restant stable autour de 95 sur cette même période. Ainsi, en 2006, en mathématiques, sciences et compréhension de l’écrit, l’influence du statut professionnel des parents n’était dans aucun pays de l’OCDE plus forte qu’en France. Il convient d’indiquer que parallèlement, sur la décennie 2000, le score moyen de la France, tous déciles confondus, passait de cinq points au-dessus de la moyenne de l’OCDE à cinq points en dessous de celle-ci.
C’est dans ce contexte de profonde remise en cause du système éducatif français, qui reste d’actualité, que l’article 2 de la loi 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République modifie l’article L.111-1 du code de l’éducation, pour ajouter aux missions du service public de l’enseignement la « [lutte] contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative ». L’article L.111-1 est également complété pour « [reconnaître] que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser ». En conséquence, le service public de l’enseignement doit « [veiller …] à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements d’enseignement ».
Ces dispositions peu opérationnelles sont complétées par la loi du 24 août 2021 confortant les principes de la République, qui tente de clarifier les attentes en matière de mixité sociale, en particulier à l’égard des établissements de l’enseignement privé sous contrat. Son article 58 précise ainsi que désormais « l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation veille, en lien avec les établissements scolaires publics et privés sous contrat et en concertation avec les collectivités territoriales, à l’amélioration de la mixité sociale au sein de ces établissements ». L’article 59 ([5]) prévoit en outre que soit « créée dans chaque académie, à titre provisoire, au moins une commission de concertation comprenant en nombre égal des représentants des collectivités territoriales, des représentants des établissements d’enseignement privés et des personnes désignées par l’État [...]. Elles veillent également à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements parties au contrat, en tenant compte du nombre d’établissements d’enseignement privés liés à l’État par contrat, par secteur géographique concerné ».
2. Le cadre législatif actuel offre inévitablement un avantage comparatif aux établissements privés sous contrat
S’agissant des établissements publics, un certain nombre de leviers et d’instruments plus ou moins contraignants ont été activés ou créés depuis 2013.
Le principal outil à la main des pouvoirs publics pour imposer la mixité socio-scolaire dans les établissements publics est la carte scolaire, qui ne concerne pas les établissements privés sous contrat. Introduit en 1963, cet instrument emblématique était initialement conçu comme un pur outil d’allocation et de gestion centralisée des places et des affectations, dans un contexte de massification de la population scolaire.
La compétence de la détermination des secteurs relève aujourd’hui des collectivités territoriales, dont certaines ont révisé les secteurs, notamment à partir de 2016, afin d’accroître la mixité des établissements. La sectorisation multi-collèges et multi-lycées, là où elle était pertinente, a également été expérimentée : elle concerne aujourd’hui environ cent quinze collèges répartis sur vingt-cinq académies. Outre que les effets globaux de ces mesures restent à évaluer, l’effort concernant la carte scolaire est disparate et insuffisant et celle-ci tend donc à reproduire dans les établissements publics la ségrégation socio-spatiale des aires d’habitation, quand celles-ci sont peu mixtes. Toutefois, la présence par principe sur l’essentiel du territoire d’un seul établissement public de même niveau par secteur, couplé au droit pour chaque élève à être scolarisé par priorité dans son secteur, a mécaniquement un effet très limitant sur les phénomènes cumulatifs d’évitement de certains établissements par les familles favorisées et donc sur la concurrence entre établissements publics. Si elle n’est pas un outil de mixité socio-scolaire, la carte scolaire permet à tout le moins d’éviter, entre établissements publics, une ségrégation supérieure à celle qui découle de la ségrégation spatiale.
Parallèlement, le ministère de l’éducation nationale a identifié 300 établissements publics très favorisés devant augmenter significativement leur taux d’élèves boursiers, tenté de renforcer l’attractivité des établissements défavorisés en y développant l’offre de formations d’excellence et contraint les formations contingentées (classes à horaires aménagés – Cham –, sections internationales, sections sportives, etc.) à inclure un critère de mixité sociale dans leurs modalités de recrutement.
Enfin, lors de son audition par le rapporteur, la direction des affaires financières (DAF) du ministère de l’éducation nationale a confirmé utiliser l’indice de position sociale pour déterminer l’allocation des crédits budgétaires entre académies (ce critère pesant pour environ 30 %), et être actuellement dans une démarche d’incitation des académies à faire de même au niveau infra-académique.
L’IPS, un outil pour mieux appréhender la mixité sociale dans les établissements
L’indice de position sociale (IPS) a été introduit en 2016 et rénové en 2023. À chaque profession ou catégorie socioprofessionnelle (PCS) déclarées par les familles des élèves, est associée une valeur numérique, comprise entre 45 et 185 : l’IPS.
Cette valeur numérique est fixée grâce aux panels d’élèves de la direction des études, de la prospective et de la performance (Depp). Ces panels de plusieurs milliers d’élèves permettent de recueillir des informations très précises sur les conditions socio-économiques et culturelles des familles des élèves : niveau de diplôme des parents, conditions matérielles, ou encore pratiques culturelles. Ces caractéristiques sont synthétisées au moyen d’une analyse statistique, permettant d’obtenir un « score » pour chaque couple de PCS. L’IPS d’un couple de PCS donné est ainsi le résumé quantitatif d’un certain nombre d’attributs socio-économiques et culturels favorables à la réussite scolaire, que l’on retrouve en moyenne pour ce couple de PCS : un enfant d’enseignants aura un IPS supérieur à un enfant dont les parents exercent une profession mieux rémunérée mais plus éloignée de l’école
La Depp détermine ainsi le profil social des élèves, et par extension celui des établissements, puisque le niveau social d’un établissement scolaire est apprécié à travers le calcul de la moyenne des IPS des élèves qui y sont scolarisés.
L’IPS moyen se situe autour de 105, 150 exprimant un milieu social très favorisé et 75 un milieu social défavorisé.
Depuis une décision du tribunal administratif de Paris du 13 juillet 2022, l’IPS de chaque établissement public ou privé sous contrat est public et accessible en ligne.
S’agissant des établissements privés sous contrat, cette intégration de l’IPS a toutefois très peu d’effet, au niveau académique, puisque n’est pris en compte que l’IPS moyen des établissements privés sous contrat de l’académie, mais également au niveau infra-académique : plus de trois ans après l’adoption des dispositions de la loi du 24 août 2021 précitée, force est de constater, comme le signalait déjà la Cour des comptes en juin 2023, que « les conditions d’application de cette loi ne sont pas encore toutes réunies. En particulier, les commissions de concertation prévues par son article 59 sont encore en cours de création dans plusieurs académies » ([6]). Au terme des auditions qu’il a conduites en novembre 2024, votre rapporteur a eu la confirmation que plusieurs académies n’ont pas encore installé ces commissions, sans pouvoir en connaître la raison. De même, le bilan des actions de celles qui ont été installées ne semble pas encore pouvoir être établi. Surtout, dans le cadre législatif actuel, le principe de parité des financements ([7]) et la non-fongibilité des crédits entre public et privé ne pourraient en tout état de cause que conduire à réallouer des crédits supprimés à des établissements privés très favorisés vers d’autres établissements privés, peut-être moins favorisés, mais ayant néanmoins presque toujours un IPS supérieur voire très supérieur aux établissements publics du même bassin.
Le ministère de l’éducation nationale a tenté de contourner l’obstacle en lançant un dialogue avec le Secrétariat général à l’enseignement catholique (Sgec) ([8]), qui a abouti le 17 mai 2023 à la signature d’un protocole d’accord visant à renforcer la mixité sociale et scolaire dans les établissements privés sous contrat. Les engagements pris sont toutefois très limités : les seuls engagements chiffrés, à savoir augmenter de 50 % en cinq ans le nombre d’établissements proposant des contributions familiales modulées en fonction des revenus, et le doublement du taux d’élèves boursiers, sont conditionnés à de nouveaux financements publics : il s’agit en particulier du subventionnement par les collectivités territoriales des cantines de ces établissements dans les mêmes conditions que pour les établissements publics.
Ainsi, il semble que la liberté d’enseignement, qui garantit le droit des familles à choisir entre un établissement public et un établissement privé dont le caractère propre lui convient davantage, se soit progressivement commuée en une liberté pour les établissements privés, non soumis au cadre de la carte scolaire, de choisir leurs élèves. Cette liberté, couplée aux financements supplémentaires qu’ils reçoivent des familles, leur offre par nature un avantage comparatif progressif et cumulatif sur les établissements publics, la sélection améliorant leurs performances académiques, et donc leur attrait, qui permet à son tour une sélection encore plus forte, etc.
III. UNe CONTRIBUTION MAJEURE DE L’enseignement privé à la ségrégation scolaire, qui connaît une forte accélération
La contribution de l’enseignement privé sous contrat à la ségrégation scolaire vient donc s’ajouter à celle, beaucoup plus difficile à traiter, résultant de la répartition socio-spatiale des habitations. Ce phénomène a commencé à apparaître dans les années 2000, et connaît actuellement une forte accélération, qui se traduit par des transferts nets de certaines franges de la population scolaire du public vers le privé, et par une concentration de plus en plus marquée des élèves très favorisés dans ces établissements, et des élèves défavorisés dans les établissements publics.
1. La dualité du système d’enseignement : deuxième cause de ségrégation scolaire
Selon la Depp, à l’échelle nationale, à la rentrée scolaire 2023, 40,1 % des élèves scolarisés dans les collèges publics étaient issus d’un milieu défavorisé, cette proportion passant de 21 % dans les collèges publics les plus favorisés à 61 % dans les collèges publics les plus défavorisés. Dans les collèges du secteur privé, on comptait seulement 16,6 % d’élèves issus de milieux défavorisés, cette proportion chutant à 3,9 % dans les établissements les plus favorisés et atteignant seulement 36 % dans les établissements privés les moins favorisés.
S’agissant des élèves très favorisés, les proportions sont inverses, les collèges de l’enseignement privé sous contrat en comptant en moyenne 42,3 %, contre 20,5 % dans les collèges publics. La proportion monte à 67,2 % d’élèves de milieux très favorisés parmi ceux des établissements privés les plus favorisés, quand elle n’est que de 36 % dans les établissements publics du même décile ([9]) .
Au total, les élèves scolarisés dans un établissement privé sous contrat présentent un IPS moyen de quinze à vingt points supérieur à l’IPS moyen de l’ensemble des élèves. Un tiers des collèges privés situés à proximité d’un collège public présenteraient un écart d’IPS supérieur à 20 points avec celui-ci.
Ces moyennes nationales masquent en outre d’importantes disparités territoriales, et donc des territoires où la ségrégation scolaire est plus importante encore : en effet, dans les territoires où l’enseignement privé est historiquement très implanté, à l’instar de la Bretagne, ou qui présentent un maillage d’établissements plus faible, les familles ayant peu de choix à proximité de chez elles pour scolariser leurs enfants, donc en milieu rural, la différence de composition sociale entre établissements privés sous contrat et établissements publics est ténue, autour de 5 points d’IPS. À l’inverse, les territoires ultramarins présentent des écarts particulièrement marqués (entre 30 et 42 points en Guyane et à la Réunion), tout comme la région parisienne (entre 30 et 42 points en Seine-Saint-Denis et entre 20 et 30 points à Paris).
Conséquence de cette ségrégation, l’enseignement privé sous contrat, qui accueille 21,5 % des collégiens et lycéens de la voie générale, n’y regroupe que respectivement 9,9 et 8,2 % des élèves boursiers, alors que cette proportion atteint respectivement 27,6 et 22,2 % dans les établissements publics.
La ségrégation académique est encore plus marquée, puisque seulement 0,6 % des élèves scolarisés en établissement privé sous contrat le sont en section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa), cette proportion étant cinq fois supérieure dans le public.
Ainsi, selon une étude présentée dans la Revue économique et publiée par la Depp ([10]), le secteur privé contribuerait à hauteur de 33 % à 45 % à la ségrégation sociale totale entre les collèges. Elle en serait donc, à l’échelle nationale, donc la deuxième cause, la première correspondant à la ségrégation résidentielle, mesurée entre les secteurs de collèges, laquelle en expliquerait entre 51 et 63 %.
2. Un phénomène en forte accélération, qui menace l’enseignement public
De plus, ce phénomène se renforce d’année en année, les écarts de composition sociale entre les deux secteurs étant en augmentation constante depuis le milieu des années 2000 : l’étude de l’évolution des compositions sociales des classes révèle que le pourcentage de PCS très favorisées est passé, pour les établissements d’enseignement privés sous contrat, de 26,4 % en 2000 à 42,3 % en 2023, quand celui des PCS défavorisées est passé de 24,8 % en 2000 à 16,6 % en 2023.
La Depp avance deux raisons probables ayant conduit au report de familles favorisées vers les établissements privés : la réforme de l’éducation prioritaire en 2006, qui a provoqué des effets de stigmatisation sur les établissements concernés, et l’assouplissement de la carte scolaire en 2007-2008. Les « effets de contagion » ou « effets cumulatifs » ont pu, par la suite, accentuer le phénomène : « Dans le long terme, ces mécanismes ont également pu avoir un caractère cumulatif, puisque les collèges privés sont devenus de plus en plus favorisés, ce qui a renforcé leur attractivité auprès des familles. Des mécanismes de contagion ont pu également intervenir, les familles imitant le choix de celui de leurs collègues, voisins ou amis » ([11]).
Outre ces explications liées aux politiques publiques, des facteurs propres aux stratégies du secteur de l’enseignement privé expliquent également l’accélération de leur contribution à la ségrégation sociale. Le sociologue Pierre Merle observait ainsi, entre 2017 et 2022, une stratégie de « montée en gamme » de l’enseignement catholique se traduisant par des fermetures de lycées professionnels et de formation technologiques aux IPS bas parallèlement à des ouvertures de formations générales. De manière comparable et corrélée, des établissements privés fermeraient également dans les territoires ruraux, pour ouvrir ou s’étendre davantage en zone urbaine ([12]). Ainsi, selon la Cour des comptes, « en 2021, le nombre d’élèves des premier et second degrés privés sous contrat scolarisés en zone rurale a baissé de 4 % et ils représentent 18,6 % du total des élèves du privé. À l’inverse, le nombre d’élèves scolarisés en zone urbaine, où la sélection scolaire et sociale des élèves peut être plus importante, a augmenté de 4,8 % » ([13]).
Enfin, ces différents facteurs peuvent également être accentués par la pratique, mise en lumière par le rapport Vannier-Weissberg précité, consistant pour certains établissements privés à ne pas garder en leur sein les élèves les plus faibles scolairement. La ségrégation académique se renforce en effet également d’une année sur l’autre, bien que les indicateurs de valeur ajoutée ([14]) calculés par la Depp permettent de démontrer qu’une fois neutralisé l’effet IPS, les résultats des établissements privés sous contrat ne sont pas meilleurs que ceux des établissements publics.
L’enseignement public semble donc la victime mécanique d’un concurrent qui part avec des contraintes moindres, des élèves plus favorisés et d’un meilleur niveau scolaire, et dispose de davantage de moyens pour leur permettre de réussir. Autant dire que dans de telles conditions, la partie est perdue d’avance : l’accélération de la ségrégation se couple ces dernières années à des pertes nettes d’élèves pour le secteur public, comme en attestent les écarts de variation de la population scolaire entre secteurs public et privé sous contrat.
La baisse démographique est certes globale, mais est loin d’affecter l’enseignement privé sous contrat dans les mêmes proportions que le public : dans le premier degré, entre 2017 et 2023, la population scolaire a davantage baissé que dans le privé dans toutes les académies sans aucune exception. L’écart est inférieur à 0,5 point de pourcentage dans seulement trois académies (Lille, Grenoble et Rennes). Elle est supérieure à 4 points de pourcentage dans les académies d’Aix-Marseille, Besançon, Bordeaux, Créteil, Limoges, Nice, Strasbourg et Versailles, et culmine même à plus de douze points de pourcentage dans les académies de Guadeloupe, Dijon et Paris. C’est dans cette dernière académie que l’écart de variation de la population scolaire est le plus marqué : entre 2017 et 2023, la population scolaire y a chuté de 18,6 % dans le premier degré public, et seulement de 2,7 % dans le premier degré privé sous contrat.
Dans le second degré, où la baisse démographique n’était pas encore amorcée pendant cette période, les collèges publics ont connu une évolution de leur population scolaire de + 1,4 % au niveau national, mais cette hausse était près de deux fois supérieure pour les collèges privés (+ 2,7 %). Quant aux lycées publics, ils ont vu leurs effectifs baisser de 1,6 %, tandis que ceux du privé sous contrat augmentaient de 1,4 %. À la rentrée 2025, le Gouvernement envisage une baisse des effectifs globaux, public et privé confondus, de 11 250 élèves dans le second degré, mais pourtant une hausse de 0,79 % dans le seul second degré privé.
L’ensemble de ces données, bien qu’elles puissent marginalement procéder d’autres facteurs propres à certains territoires, traduisent une dynamique de transfert très nette de pans entiers de la population scolaire du public vers le privé, et donc une accélération de la ségrégation sociale. Dans certains territoires où cette dynamique est très avancée, les familles peuvent aller jusqu’à considérer que ne pas scolariser leurs enfants dans un établissement privé reviendrait à les léser, quand bien même le privé n’aurait pas été leur premier choix s’ils avaient considéré que les deux types d’établissements leur offraient les mêmes chances. On se trouve ici dans une situation de décalage absolu avec l’esprit contractuel de la loi « Debré », qui associait les financements étatiques à des conditions et des engagements formels de la part des établissements privés et avait vocation à protéger la liberté d’enseignement et à permettre aux familles de privilégier tel ou tel type d’établissement pour son caractère propre.
L’accélération de la ségrégation constitue ainsi une menace quasi existentielle pour l’école publique, qui se trouve à la croisée de chemins : ne pas agir de façon volontaire aujourd’hui, en œuvrant à la consolidation d’une omerta sous couvert d’un risque fantasmé de « guerre scolaire », c’est choisir en conscience de laisser se constituer une école à deux vitesses, globalement moins performante, et incapable d’assurer son rôle de creuset de la cohésion sociale.
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Supprimé par la commission
Le présent article vise à créer un indicateur de mixité sociale reflétant la contribution des établissements d’enseignement publics et privés sous contrat à la mixité sociale. Les établissements privés obtenant un score présentant un écart significatif à celui obtenu par les établissements publics de même niveau et situés sur le même territoire verraient leurs financements publics réduits, de 10 à 50 %, selon l’importance de cet écart.
Les modalités actuelles de financement des établissements privés sous contrat ne permettent pas de moduler leurs financements en fonction de leur contribution à la mixité sociale.
L’octroi de financements publics aux établissements d’enseignement privés est reconnu par le Conseil constitutionnel comme composante essentielle du principe constitutionnel de la liberté de l’enseignement ([15]). Ainsi, environ 75 % du financement des établissements privés provient de fonds publics, le quart restant provenant pour l’essentiel des contributions des familles, et, dans une moindre mesure, du mécénat.
L’État prend en charge un certain nombre de dépenses associées au fonctionnement des établissements d’enseignement privés, mentionnées dans le code de l’éducation : il s’agit pour l’essentiel de la rémunération des enseignants, qui représente 90 % des crédits du programme 139 – Enseignement privé sous contrat de la Mission Enseignement scolaire.
Plus marginalement, l’État prend en charge la part « personnels » du forfait d’externat ([16]), les crédits pédagogiques et les dépenses relatives à la formation des enseignants. Ces dépenses sont regroupées au sein du programme 139 de la mission Enseignement scolaire, lequel disposerait, pour 2025, d’un budget de 8,94 milliards d’euros en crédits de paiement.
En application des lois « Debré » ([17]) pour la prise en charge des dépenses de fonctionnement des classes sous contrat (article L. 442-5 du code de l’éducation) et « Guermeur » ([18]) pour le statut des enseignants du privé (article L. 914-1 du code de l’éducation), ces financements doivent correspondre à ceux du public. A donc été progressivement dégagé un « principe de parité », qui consiste à attribuer aux établissements privés sous contrat environ 20 % des financements attribués aux établissements publics (soit environ 17 % du total), ce ratio correspondant à la part d’élèves scolarisés dans le secteur privé (16,9 % en 2022, 17,2 % en 2023).
Dès lors, c’est la loi de finances qui, parce qu’elle fixe le montant des dépenses allouées à l’enseignement public, permet de déterminer celles qui seront allouées aux établissements privés par l’application du taux de 20 %. Le montant dégagé sert de base aux futures négociations pour de nouvelles contractualisations ou pour la suppression de moyens, qui doivent être répartis entre les académies, puis entre les établissements de chaque académie. En tout état de cause, et sauf dispositifs spécifiques créés pour répondre à des besoins spécifiquement constatés dans l’enseignement public, toute augmentation par l’État des moyens en faveur de l’enseignement public conduit donc à une augmentation, dans les mêmes proportions, des moyens octroyés à l’enseignement privé sous contrat.
Au total, l’État contribue ainsi selon la Depp à 52,6 % des dépenses de l’enseignement privé sous contrat du premier degré et 64,8 % des dépenses de l’enseignement privé sous contrat du second degré.
Les collectivités territoriales prennent quant à elles en charge, pour les élèves domiciliés sur leur territoire :
– pour les communes, le forfait communal, correspondant aux dépenses de fonctionnement des classes non prises en charge par l’État ;
– pour les départements et les régions, le forfait d’externat, équivalent du forfait communal, augmenté d’une part concernant les personnels techniques.
Dans les deux cas, la participation financière est calculée par rapport au coût moyen d’un élève scolarisé dans les établissements publics de la collectivité territoriale concernée. Une circulaire fixe la liste non exhaustive des dépenses obligatoirement intégrées au calcul, lesquelles peuvent être prises en charge par l’octroi de crédits ou en nature, mais il apparaît dans les faits que chaque collectivité territoriale retient un périmètre et un mode de calcul différents. Cette situation donne lieu à des controverses fréquentes entre les collectivités et les établissements privés sous contrat, et parfois à des contentieux, dont il ressort que les dépenses exposées pour les classes publiques, y compris facultatives (classes de découverte, rémunération d’intervenants lors de séances d’activités physiques, dépenses relatives au transport des élèves lors des activités scolaires) doivent être prises en compte pour le calcul de la participation aux dépenses des classes sous contrat d’association ([19]).
Aussi les collectivités territoriales souhaitant allouer des moyens complémentaires au public dans le cadre d’une politique sociale, ou ayant sur leurs territoires de nombreux établissements classés en éducation prioritaire, se voient‑elles contraintes de verser le même montant aux élèves du privé, et y renoncent donc pour certaines, faute de moyens.
Au total, les collectivités territoriales contribuent ainsi selon la Depp à 23,6 % des dépenses de l’enseignement privé sous contrat du premier degré et 9,9 % des dépenses de l’enseignement privé sous contrat du second degré.
Cette parité apparente masque toutefois des différences conséquentes entre établissements publics et établissements privés sous contrat, tant sur le niveau des moyens dont ils disposent que sur leurs marges de manœuvre pour les répartir.
Le rapport Vannier-Weissberg précité a tenté de lister un certain nombre de financements de l’État qui n’apparaissent pas dans le programme 139 mais bénéficient pourtant aux établissements d’enseignement privé sous contrat. Il s’agit, par exemple, de la rémunération des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) scolarisés dans des établissements privés, laquelle est prise en charge par le programme 230 Vie de l’élève, de la rémunération des inspecteurs de l’Éducation nationale, mais aussi des personnels administratifs des rectorats et de l’administration centrale, pour la quote-part de leur temps de travail consacrée aux établissements privés (donc théoriquement, environ 17 %, soit 800 millions d’euros), prise en charge par les programmes 140 – Enseignement public du premier degré et 141 – Enseignement public du second degré. On peut également mentionner la compensation pour les communes de la mesure de scolarisation obligatoire à trois ans, financée sur le programme 119 Relations avec les collectivités territoriales.
S’agissant des dépenses des collectivités territoriales, outre les dépenses obligatoires déjà mentionnées, l’article L.151-4 du code de l’éducation prévoit que « les établissements d’enseignement général du second degré privés peuvent obtenir des communes, des départements, des régions ou de l’État des locaux et une subvention, sans que cette subvention puisse excéder le dixième des dépenses annuelles de l’établissement. Le conseil académique de l’éducation nationale donne son avis préalable sur l’opportunité de ces subventions ». Il est très difficile d’évaluer le montant de ces dépenses facultatives, les outils de suivi budgétaire des collectivités étant à leur libre choix et ne permettant pas ([20]), la plupart du temps, de les distinguer des dépenses obligatoires (ni même, le plus souvent, des dépenses dévolues aux établissements publics). Ces dépenses ne font en conséquence l’objet d’aucun suivi consolidé à l’échelle nationale.
Outre leurs financements publics, calculés comme on l’a vu en très grande partie par parité avec ceux qui sont alloués aux établissements publics, les établissements privés sous contrat sont financés, à hauteur d’environ 18 % de leur financement total, par les contributions financières qu’ils demandent aux familles. Selon le Sgec, qui représente 96 % des établissements privés sous contrat en France, le prix moyen de la contribution familiale par élève s’élèverait à 460 euros par an pour l’école maternelle, 471 euros pour l’école élémentaire, 861 euros pour le collège et 1 237 euros pour le lycée général. Ces tarifs, en particulier s’agissant du second degré, sont rédhibitoires ([21]) pour les familles défavorisées, a fortiori si elles ont plusieurs enfants à scolariser, et pourtant seulement 20 % des établissements proposent une modulation tarifaire en fonction des revenus. Quand elle existe, cette modulation est fixée de façon totalement libre par l’établissement et peut consister en une réduction marginale pour les familles les plus en difficulté. De plus, ces tarifications sociales sont bien souvent non publiques, de même que les critères permettant d’en bénéficier, leur caractère discrétionnaire et leur application au cas par cas ne permettant pas aux familles de présager de manière transparente du montant dont elles devraient s’acquitter.
Surtout, les montants ainsi obtenus par les établissements privés, s’ils peuvent sembler à première vue modiques, représentent en réalité des moyens conséquents pour ces établissements. Si l’on rapporte le montant moyen communiqué par le Sgec au nombre d’élèves moyen par classe, ils représentent environ 11 000 euros supplémentaires par an et par classe en maternelle, et plus de 37 000 euros par an et par classe au lycée.
On l’a vu, les établissements d’enseignement privés perçoivent des financements publics et privés de différentes natures. Si le code de l’éducation précise à quoi doivent servir les contributions des familles (financement du caractère propre, acquisition de matériel et amortissement et entretien du bâti, notamment), et que la loi de finances fixe les montants alloués aux différentes actions du programme 139, il s’avère que la quasi-totalité de ces fonds sont, en droit ou en fait, fongibles.
S’agissant des dépenses de l’État, leur regroupement au sein d’un seul programme réunissant les crédits du premier et du second degré, offre une souplesse en gestion, permettant d’allouer des moyens à l’un ou à l’autre en fonction des besoins et stratégies de renforcement ou d’implantation des établissements privés sous contrat. S’agissant des autres financements, il découle des textes en vigueur un libre emploi du forfait d’externat, sous réserve du respect de sa part « personnel » et de sa part « matériel ». Dans les faits toutefois, l’absence de comptabilité analytique ne permet pas de contrôler le respect de l’utilisation des différents produits, laissant une souplesse importante aux établissements privés sous contrat, dont ne bénéficient pas les établissements publics.
Au terme de cette analyse, il apparaît donc que les établissements privés, qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes que les établissements publics, ont progressivement gagné en attractivité, par des choix stratégiques d’implantation et d’allocation de leurs moyens et la captation de ce fait des élèves des milieux les plus favorisés et les plus performants scolairement. Ces stratégies leur permettent d’afficher des performances académiques qui reflètent davantage leur composition sociale que leur valeur ajoutée, mais qui continuent de constituer un avantage aux yeux des familles favorisées, pour lesquelles le caractère propre n’est plus le premier motif de choix ([22]), de même que pour les enseignants. L’enseignement privé sous contrat apparaît donc aujourd’hui comme le concurrent mieux doté de l’enseignement public, sans qu’il soit possible en l’état actuel de rétablir l’équilibre, l’augmentation des moyens de l’un entraînant automatiquement l’augmentation des moyens de l’autre. Dans son rapport de juin 2023 précité, la Cour des comptes remarquait ainsi que « malgré ce déséquilibre social entre le secteur public hors éducation prioritaire (EP) et le secteur privé sous contrat, les moyens d’enseignement leur sont attribués à parité. En conséquence, les effectifs des classes du privé sous contrat sont relativement proches de ceux du public hors EP, et même moins élevés que dans le public en lycée et en Segpa ».
Elle en concluait qu’« une meilleure prise en compte de la composition sociologique et du niveau scolaire de la population accueillie pour la détermination des concours financiers de l’État apparaît très souhaitable, tant pour les moyens d’enseignement que pour les moyens hors enseignement. Actuellement, le code de l’éducation prévoit en effet que ces derniers, accordés aux établissements privés dans le cadre du forfait d’externat, ne tiennent compte que des niveaux ou types de formation (collège, type de formation en lycée) et non des caractéristiques des populations accueillies, retracées par les IPS. Un changement des règles d’attribution du forfait d’externat nécessiterait toutefois une modification du cadre législatif ».
C’est ce que propose votre rapporteur par cette proposition de loi.
La mixité socio-scolaire recule d’année en année dans les écoles, lycées et surtout dans les collèges français, avec un impact sur les performances globales de nos élèves et une ghettoïsation de l’école mettant en péril la cohésion sociale. Le législateur n’a pourtant prévu aucune disposition opérationnelle incitant de façon effective l’enseignement privé sous contrat à contribuer à la mixité scolaire.
Or, l’enjeu est bien la participation de l’enseignement privé sous contrat, en tant qu’il est chargé d’une mission de service public et financé pour ce faire aux trois quarts par de l’argent public, à l’effort éducatif national de tous les élèves, sans discrimination.
L’article unique de la proposition de loi vise donc à créer cette incitation, en prévoyant une modulation à la baisse des financements publics des établissements de l’enseignement privé sous contrat, si et seulement si ceux-ci contribuent à la ségrégation socio-scolaire. À cette fin, il complète l’article L. 111‑1 du code de l’éducation, qui pose le principe de mixité scolaire comme mission du service public de l’enseignement, de deux nouveaux alinéas. Le premier pose le principe de la modulation des financements : celle-ci s’applique après allocation des moyens dévolus à l’enseignement privé sous contrat en loi de finances, pour l’État, et après calcul du montant du forfait d’externat, pour les collectivités territoriales. La modulation s’applique ainsi à l’ensemble des financements, et ne pourrait donc faire l’objet de pressions auprès des collectivités territoriales visant à la compenser ; de même, puisqu’elle aurait pour assiette l’ensemble des financements publics de ces établissements, soit en moyenne les trois-quarts de leurs budgets, tenter de la contourner par une augmentation des contributions familiales serait vain : la hausse de ces contributions aurait pour effet de limiter encore les candidatures des familles moins favorisées, et donc de diminuer encore la contribution de l’établissement à la mixité sociale, avec pour effet une augmentation du taux de malus applicable.
Dans les faits, l’application de cette modulation se traduirait donc par des crédits non versés, et donc non consommés et restitués au budget de l’État et des collectivités territoriales concernées.
Le second alinéa définit les modalités et critères d’application de la modulation.
Le premier alinéa prévoit que le financement des établissements privés « est diminué si ces établissements ne contribuent pas à la mixité sociale ». La modulation ne peut donc être appliquée qu’à la baisse : en effet, la mixité sociale est l’une des missions, fixées par la loi, du service public de l’enseignement, et il ne saurait être question de rémunérer le respect d’obligations légales par des délégataires de service public.
La modulation vise au contraire à garantir l’effectivité de la loi, en prévoyant une sanction pour son non-respect. Une obligation légale ne saurait en effet être effective si son non-respect n’est assorti d’aucune sanction, comme le démontre suffisamment la situation actuelle.
Afin d’assurer la progressivité et l’effectivité du dispositif, cette modulation ne pourrait être inférieure à 10 % ni supérieure à 50 % du total des financements publics versés aux établissements. Un établissement privé sous contrat présentant un niveau extrême de ségrégation sociale pourrait ainsi voir son budget total amputé au maximum de 37,5 % (soit la moitié de ses financements publics), le contraignant à intégrer des élèves de milieux sociaux reflétant davantage la zone d’habitation où il est implanté ou à voir baisser fortement son taux d’encadrement.
On l’a vu, la ségrégation sociale, produit de la ségrégation résidentielle, existe aussi entre établissements publics. La sectorisation scolaire et son poids absolument déterminant dans l’affectation des élèves, ne permet pas d’appliquer le mécanisme proposé aux établissements publics.
De plus, outre la carte scolaire, plusieurs leviers, concernant uniquement le secteur public, ont été activés pour limiter la ségrégation :
– des mesures visant à corriger les inégalités entre établissements publics : celles-ci sont intéressantes, mais ont pour effet de bord de créer des contraintes supplémentaires pour les seules familles souhaitant scolariser leurs enfants dans le public, avec un risque certain d’accélération du report des élèves les plus favorisés vers les établissements privés si ces derniers continuaient à n’être tenus par aucune contrainte ;
– des mesures visant à doter de façon spécifique les établissements publics les plus défavorisés (réseau ambition réussite, éducation prioritaire) : si ces mesures étaient nécessaires, puisqu’elles ont permis d’y améliorer les conditions d’enseignement, elles n’ont pas eu pour effet d’améliorer la mixité de ces établissements, et ont pu au contraire entraîner une certaine stigmatisation des établissements publics concernés et une fuite des familles favorisées vers les établissements privés sous contrat ;
– des mesures visant à améliorer l’attractivité de l’enseignement public : si votre rapporteur n’est pas défavorable à ces mesures, les éventuels moyens supplémentaires qu’elles impliquent se traduisent nécessairement, dans le cadre législatif actuel, par une augmentation des moyens dévolus à l’enseignement privé et ne permettent donc pas la résorption de l’avantage concurrentiel de ce dernier.
Ainsi, toutes les mesures qui ne concernent que les établissements publics contribuent au moins autant à l’aggravation de la ségrégation entre public et privé qu’à l’amélioration de la mixité entre établissements publics.
Pour autant, le dispositif proposé n’a pas pour objet de faire peser sur les établissements privés une obligation de mixité plus forte que celle qui est observée dans les établissements publics situés sur le même territoire. Il se veut un outil de mixité sociale et scolaire et d’égalité réelle des conditions d’enseignement entre les deux secteurs, corollaire de la liberté réelle d’enseignement.
C’est pourquoi l’alinéa 3 de la proposition de loi précise que le taux de la modulation appliquée est « proportionnel » à l’éventuel écart mesuré entre la mixité sociale observée chaque année dans chaque établissement privé et celle observée dans les établissements publics environnants de même niveau. Cette mixité est appréciée selon un indicateur de mixité sociale, que le rapporteur a souhaité affiner au terme de ses auditions.
Le rapporteur avait dans un premier temps envisagé de prendre pour donnée d’entrée de la construction de l’indicateur de mixité sociale l’IPS, construit par la Depp et publié chaque année. Toutefois, cet indicateur n’est pas défini par la loi actuellement, et ses modalités de construction, essentiellement déclaratives, tout comme la nécessité de lui permettre d’évoluer, ne plaident pas pour en proposer une définition légale figée.
En outre, l’indice de position sociale ne donne à voir que le milieu social d’origine des élèves et ne fournit aucune indication sur leurs performances scolaires. Ainsi, un indicateur ne tenant compte que des écarts entre les milieux sociaux des élèves scolarisés dans les établissements privés sous contrat et les établissements publics pourrait voir une partie de ses effets anéantis s’il se traduisait par la captation par les établissements privés des meilleurs élèves issus des milieux défavorisés. La mixité sociale dans les établissements a en effet pour objet de permettre la cohésion sociale, mais aussi la mixité des niveaux académiques, pour répartir l’effort éducatif entre les établissements et améliorer le niveau d’ensemble des élèves.
C’est pourquoi votre rapporteur propose un amendement visant à substituer à l’indicateur de position sociale trois indicateurs permettant de construire l’indicateur de mixité sociale de chaque établissement : la profession ou catégorie socio-professionnelle du ou des responsables légaux, les résultats aux évaluations nationales obtenus par les élèves l’année précédant leur entrée dans l’établissement ou à défaut, la première année de leur entrée dans l’établissement, et, pour le second degré, le taux d’élèves boursiers, pondéré par échelon.
La proposition initiale du rapporteur visait à prendre pour étalon l’indicateur de mixité sociale du ou des établissements de même niveau situés dans le même secteur de la carte scolaire. Les secteurs comprennent pour l’essentiel d’entre eux un seul établissement public, et les établissements d’enseignement privé sous contrat drainent le plus souvent dans les faits des élèves habitant un territoire plus large que le seul secteur scolaire sur lequel ils sont implantés.
Pour ces raisons, le rapporteur propose un amendement précisant que le territoire de référence pour la comparaison des indicateurs de mixité sociale est constitué du secteur d’implantation et des secteurs contigus.
La commission a rejeté l’article unique de la proposition de loi.
Lors de sa réunion du mercredi 20 novembre 2024, la commission examine la proposition de loi visant à la refondation du modèle de financement public des établissements privés sous contrat afin de garantir la mixité sociale en leur sein (n° 418) (M. Paul Vannier, rapporteur) ([23]).
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous examinons ce matin la proposition de loi visant à la refondation du modèle de financement public des établissements privés sous contrat afin de garantir la mixité sociale en leur sein. M. Paul Vannier en est le rapporteur.
M. Paul Vannier, rapporteur. « Il n’est pas concevable, pour l’avenir de la nation, qu’à côté de l’édifice public de l’éducation nationale, l’État participe à l’élaboration d’un autre édifice, qui lui serait en quelque sorte concurrent et qui marquerait […] la division absolue de l’enseignement en France ». Ces mots furent prononcés par Michel Debré, le 23 décembre 1959 à l’Assemblée nationale, à quelques jours de l’adoption de la loi qui porte son nom.
Soixante-cinq ans après, nous y sommes : une école à deux vitesses s’est constituée, l’école privée s’est institutionnalisée. Elle est financée par des fonds publics à hauteur d’au moins 10 à 12 milliards d’euros par an. Mais ce montant est largement sous-estimé ; c’est de l’argent public non contrôlé, géré dans l’opacité.
Cette situation mine la cohésion sociale et sape l’effort éducatif national. Elle porte atteinte à l’exercice d’une liberté fondamentale, la liberté d’enseignement, devenue la liberté des établissements privés de sélectionner et de trier les élèves plutôt que la liberté des familles de choisir l’établissement dans lequel elles scolarisent leurs enfants.
J’ai bien conscience d’aborder un sujet rendu sensible par les tenants de l’omerta. Pendant quarante ans, ils sont parvenus à interdire tout débat à coups d’intimidation, d’accusations, en brandissant le spectre d’une guerre scolaire. Mais la France de 2024 n’est plus celle de 1984. Après la publication des indices de position sociale (IPS) des élèves en 2022, après le protocole d’accord sur la mixité et le rapport de la Cour des comptes de 2023, le rapport d’information parlementaire de Christopher Weissberg et moi-même du mois d’avril 2024, la multiplication des enquêtes journalistiques et, surtout, l’inquiétude grandissante des familles confrontées à l’effondrement de l’école publique et à un niveau de ségrégation socioscolaire jamais observé, nous sommes entrés dans une nouvelle époque.
Pourtant, le parti du déni est toujours là pour défendre l’opacité d’un système de financement devenu obsolète, se cramponner à la défense de privilèges, appeler à la censure. Il tentera aujourd’hui d’empêcher ce débat pourtant vital pour l’avenir du système éducatif et notre avenir en commun, et attendu par une part croissante de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Par conséquent, rien ne serait plus décevant qu’un débat empêché ou qu’un faux débat.
Que les choses soient claires : l’objectif de cette proposition de loi n’est pas de remettre en cause l’existence d’un enseignement privé sous contrat mais de garantir la mixité sociale et scolaire dans l’ensemble des établissements relevant du service public d’éducation, afin d’en finir avec le séparatisme éducatif. Au fond, il s’agit de faire prévaloir la loi de la République partout.
Les établissements privés ayant choisi de contracter avec l’État reçoivent des financements publics qui représentent en moyenne les trois quarts de leur budget. En contrepartie, ils s’engagent à respecter les règles et à participer pleinement aux missions dévolues au service public de l’enseignement. L’une de ces missions, définies à l’article L. 111‑1 du code de l’éducation, est la « lutte contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative ». En conséquence, le service public de l’enseignement doit « veiller à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements d’enseignement ».
Cette obligation légale s’applique en théorie aux établissements privés sous contrat comme aux établissements publics. Or, en l’absence de toute disposition légale permettant de sanctionner le non-respect de cette obligation, elle reste purement incantatoire s’agissant des établissements privés.
Pourtant, l’ensemble des études scientifiques montrent que la mixité sociale et la mixité scolaire – ces deux variables étant positivement corrélées – ont un impact significatif sur la réussite de l’ensemble des élèves, lequel est plus important pour les élèves issus des milieux défavorisés et pour les moins performants d’un point de vue académique. Au terme de mes auditions, j’ai d’ailleurs déposé des amendements visant à compléter la mixité sociale par la mixité scolaire. Bien entendu, certains élèves de milieux défavorisés réussissent quand des élèves de milieux favorisés sont en difficulté. C’est bien l’effort éducatif à destination des élèves en difficulté qui doit être mieux partagé. Or ces élèves sont bien trop concentrés dans certains établissements.
La situation n’a pas toujours été telle qu’elle est aujourd’hui. Les établissements privés ont longtemps été choisis par les familles pour leur caractère propre. Ce n’est plus le cas à présent : la recherche de l’entre-soi social est devenue la motivation principale. Par conséquent, depuis le milieu des années 2000, les écarts de composition sociale entre les établissements publics et privés ont commencé à se creuser et s’accélèrent aujourd’hui à une vitesse sidérante. Entre 2000 et 2023, la part d’élèves favorisés est passée de 26 à 42 % de l’ensemble des élèves scolarisés les établissements privés sous contrat ; cette proportion est deux fois moindre aujourd’hui dans les établissements publics. Dans le même temps, le taux d’élèves boursiers est trois fois inférieur en moyenne dans les collèges privés sous contrat par rapport aux collèges publics, et deux fois et demi inférieur dans les lycées privés sous contrat que dans les lycées publics. Cinq fois plus d’élèves sont en section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa) dans les collèges publics que dans les collèges privés et, en moyenne, les établissements privés présentent un écart d’IPS de quinze à vingt points avec les établissements publics situés à proximité.
Plus alarmant encore, les écoles publiques se vident au profit du privé, bien que cette réalité soit en partie masquée par la baisse de la démographie scolaire. J’ai demandé à la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) de me transmettre la variation de la population scolaire dans le public et dans le privé entre 2017 et 2023, par académie et par cycle. Je me concentrerai sur le premier degré qui donne un aperçu des dynamiques d’avenir pour les cycles ultérieurs. Les chiffres sont édifiants : la baisse de la population scolaire est supérieure dans le public dans toutes les académies, sans aucune exception. L’écart de variation est supérieur à 4 points de pourcentage dans les académies d’Aix-Marseille, Besançon, Bordeaux, Créteil, Limoges, Nice, Strasbourg et Versailles. Elle culmine même à plus de 12 points de pourcentage dans les académies de la Guadeloupe et de Dijon. Mais c’est à Paris que l’écart de variation de la population scolaire est le plus marqué : entre 2017 et 2023, la population scolaire y a chuté de 18,6 % dans le premier degré public, et seulement de 2,7 % dans le premier degré privé sous contrat. Comprenez-vous vers quoi nous nous dirigeons ?
Après avoir dressé ce rapide panorama, je m’arrêterai sur deux objections de principe qui pourraient m’être faites quant à la solution que je propose. Première objection : les enjeux de ségrégation ne se limitent pas au privé et concernent également les établissements publics. La proposition de loi module précisément à la baisse le financement des établissements privés sous contrat si et seulement si leurs résultats présentent un écart significatif par rapport aux établissements publics environnants. J’avais envisagé initialement de les comparer à l’établissement public du même secteur, mais cela semblait trop limité par rapport aux échelles réelles de recrutement des établissements privés. J’ai donc déposé un amendement visant à élargir le territoire de référence au secteur d’implantation et aux secteurs contigus.
Par ailleurs, plusieurs dispositifs visant à améliorer la mixité ont été instaurés ces dernières années, uniquement dans le secteur public : la création des réseaux ambition réussite et des réseaux d’éducation prioritaire (REP), les réformes de la carte scolaire, la création de secteurs multicollèges et de secteurs multilycées dans les grandes agglomérations, l’allocation de financements aux établissements publics en fonction de l’IPS. Certaines de ces mesures ont porté leurs fruits mais comme elles ne s’appliquent pas aux établissements privés, elles ont parfois contribué à accélérer le transfert de la population scolaire favorisée vers le privé. Telles sont, selon la Depp, les causes principales du creusement des écarts entre le public et le privé.
Il en existe d’autres. Le privé a ainsi adapté sa stratégie pour se spécialiser dans les filières générales au détriment des autres, et s’est davantage implanté dans les zones urbaines que dans les zones rurales. Enfin, la ségrégation scolaire s’est accentuée par l’éviction des élèves les moins performants scolairement par certains établissements privés, recueillis ensuite par les établissements publics. Tant et si bien que la dualité de l’enseignement est, après la ségrégation résidentielle, la deuxième cause de la ségrégation socioscolaire – elle y contribue, selon les territoires, à hauteur de 33 à 45 %.
Deuxième objection : l’enjeu véritable est l’amélioration du public, qui serait sans rapport avec la situation du privé. Cet argument n’est pas opérant. Du fait de la parité des financements imposés par le cadre législatif et de la non-fongibilité des enveloppes budgétaires du public et du privé, il n’est pas possible en effet d’augmenter les moyens de l’un sans augmenter en proportion les moyens de l’autre. En outre, toutes les études scientifiques montrent qu’une fois l’effet IPS lissé, les établissements publics font déjà aussi bien, voire mieux, que les établissements privés pour faire progresser les élèves. Je vous renvoie, pour vous en convaincre, aux indices de valeur ajoutée au collège (IVAC) et au lycée (IVAL) publiés par la Depp.
Le public ne fait pas moins bien : il est contraint par la carte scolaire et ne peut pas sélectionner ses élèves. Le public met en œuvre seul des dispositifs de mixité parfois contraignants pour les familles ou qui provoquent des effets de stigmatisation sur ses propres établissements. Le public hors éducation prioritaire, qui scolarise une très large part des élèves défavorisés, dispose strictement des mêmes financements publics que le privé. Il ne demande pas d’argent aux familles. Dans ces conditions, comment s’étonner que le privé affiche de meilleures performances brutes ? Combien de familles auraient choisi le public si elles n’avaient pas eu le sentiment, en faisant ce choix, de léser leurs enfants, dans les secteurs où les établissements publics concentrent 50 à 70 % d’élèves défavorisés et/ou en difficulté ?
Les différentes dynamiques à l’œuvre, couplées aux limites du cadre législatif et budgétaire actuel, créent une menace existentielle sur l’école publique et, par conséquent, sur la liberté d’enseignement.
Nous sommes à la croisée des chemins. Ne pas agir, c’est laisser s’instaurer une école à deux vitesses, inégalitaire, globalement moins performante et incapable de jouer son rôle de creuset républicain. En légiférant, nous pouvons conduire les établissements privés à prendre réellement leur part dans l’effort éducatif national, en accueillant aussi des élèves moins favorisés et ou moins performants scolairement. Nous pouvons lutter contre la division de notre société, améliorer les performances globales de notre système éducatif et sauver l’école publique à laquelle je sais la grande majorité d’entre vous attachée.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Arnaud Sanvert (RN). Une fois de plus, nous examinons un texte idéologique qui cherche à diviser les Français. Cette proposition de loi, sous couvert d’intentions louables mais parfaitement hypocrites, n’est rien d’autre qu’une attaque contre l’enseignement privé sous contrat. L’extrême gauche, fidèle à son obsession de l’uniformité forcée, refuse de reconnaître la richesse et la complémentarité du système éducatif où coexistent un service public et un réseau privé sous contrat, tous deux indispensables à la diversité de l’éducation nationale.
Ce texte traduit leur véritable objectif : affaiblir, marginaliser, et à terme supprimer l’enseignement privé sous contrat. Soyons clairs : l’enseignement privé sous contrat remplit une mission de service public, dans le respect des valeurs républicaines et des programmes officiels. Ces établissements ne sont pas des bastions de l’élitisme mais des lieux d’éducation ouverts à des familles de toutes origines, qui y voient une alternative adaptée à leurs besoins. Sanctionner financièrement ces établissements parce qu’ils n’atteindraient pas un critère flou et arbitraire de mixité sociale ne reviendrait qu’à les affaiblir.
Ne soyons pas dupes : la gauche radicale sait très bien que cette mesure n’aura aucun effet sur la ségrégation sociale. Elle ne ferait qu’aggraver la situation : si les financements des établissements privés sous contrat diminuent, davantage d’élèves seront exclus de ces structures et poussés vers des établissements hors contrat. Cette idéologie punitive conduira à une école à deux vitesses et à des fractures sociales plus profondes.
Au Rassemblement National, nous défendons une école du savoir et du mérite, de l’autorité et de l’excellence, qu’elle soit publique ou privée, en valorisant l’apprentissage et l’enseignement professionnel. C’est pourquoi nous proposons des mesures concrètes : généralisation du port de l’uniforme, interdiction des téléphones portables jusqu’au lycée, respect du vouvoiement et soutien systématique aux enseignants agressés grâce à la protection fonctionnelle. Nous voulons rétablir l’ordre et l’exigence car c’est ainsi que nous garantirons l’égalité des chances pour tous les élèves.
Enfin, la véritable priorité devrait être de combattre les causes profondes des inégalités scolaires : une école publique délaissée et gangrenée par l’indiscipline et un manque criant de moyens. Plutôt que de s’acharner sur les établissements privés, pourquoi ne pas s’attaquer aux vrais problèmes qui minent l’éducation de nos enfants ?
La proposition de loi est un faux débat et constitue un piège idéologique tendu par une extrême gauche qui préfère la division à la construction et dans lequel le Rassemblement national refuse de tomber. Nous voterons contre ce texte et continuerons de défendre une école libre, exigeante et républicaine.
Mme Céline Calvez (EPR). Alors que les établissements privés sous contrat accueillent plus de 17 % des élèves en France, il est essentiel de s’intéresser à leurs modalités de financement public. Oui, l’école privée n’est pas seulement financée avec de l’argent privé : 80 % de son financement provient de fonds public. Si les établissements publics et privés sous contrat cohabitent en bonne complémentarité dans nombre de territoires, une concurrence croissante s’observe dans d’autres, particulièrement à Paris, sa première couronne ou dans les grandes métropoles. Ce phénomène peut conduire des parents à éviter certains établissements publics et crée un cercle vicieux en aggravant davantage les inégalités sociales et scolaires sur le territoire. Nous partageons le constat qu’il y a là un défi à relever. Nous devons encourager la mixité à laquelle les établissements privés sous contrat doivent contribuer pleinement, car ils sont financés par les deniers publics – 7 milliards d’euros par an.
Néanmoins, nous divergeons sur la méthode proposée par ce texte qui se concentre uniquement sur les établissements privés sous contrat. La question de la mixité sociale, qui concerne l’ensemble du système éducatif, doit s’inscrire dans une réflexion plus globale incluant les établissements publics. De même, plutôt que de viser une mixité stricte au sein de chaque établissement, il serait plus pertinent d’évaluer les efforts de mixité à l’échelle d’un territoire.
Par ailleurs, votre dispositif, qui repose exclusivement sur un malus financier qui s’appliquerait aux établissements privés n’ayant pas respecté les critères de mixité, n’est pas optimal. Nous privilégions une approche plus complète. Premièrement, nous souhaitons valoriser les initiatives favorisant la mixité sociale et scolaire, en répartissant les financements alloués aux écoles privées en fonction des résultats obtenus en la matière et des caractéristiques propres au territoire. Comme la dotation des écoles privées est à enveloppe constante au niveau académique, cette mesure aurait des effets sur les établisements qui ne joueraient pas le jeu.
Deuxièmement, il est essentiel de s’appuyer sur les récents travaux menés sur le sujet, tels que le rapport de la mission que vous avez menée avec Christopher Weissberg, afin d’accélérer les initiatives engagées par l’État, en partenariat avec les collectivités et les acteurs de l’enseignement. À cet égard, le protocole d’accord du 17 mai 2023, conclu entre le ministère de l’éducation nationale et le Secrétariat général de l’enseignement catholique, prévoit l’application de mesures innovantes. Nous proposons de reprendre certaines d’entre elles et d’inscrire dans la loi la création d’une base de données publiques comprenant les données des écoles privées, ainsi que l’instauration d’instances de concertation pour favoriser la mixité sociale et scolaire dans tous les établissements.
Ainsi, si nous partageons vos constats, il est nécessaire de présenter une réforme globale plus ambitieuse, qui prévoirait un modèle de financement équitable, incitatif et adapté aux territoires, afin de garantir à chaque élève les mêmes chances de réussite, quelle que soit son origine sociale.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Nous examinons une proposition de loi dont l’objectif est de remettre plus d’équité entre les élèves, afin de tenir la promesse républicaine.
Parce que les politiques publiques déshabillent chaque année davantage l’école publique et la plonge dans des difficultés croissantes, les parents les plus riches estiment qu’elle ne répond plus aux besoins de leurs enfants. Ils les inscrivent alors dans des établissements scolaires privés sous contrat avec l’État. Et là, c’est magique. Pour quelques deniers de plus, ils font le choix d’un entre-soi abordable, ces établissements étant largement financés par la puissance publique. En conclusion, l’enseignement privé compte de plus en plus d’élèves très favorisés, ce qui accentue la ségrégation des établissements publics.
Or cette ségrégation est nocive pour nos enfants, puisque même le gouvernement indique sur son site que « la mixité sociale et scolaire est une des conditions de la réussite de chaque élève ». Si nous sommes toutes et tous d’accord – ou presque – pour dire que la mixité est indispensable, encore faut-il nous doter des bons outils pour l’atteindre partout, y compris dans les établissements où règne l’entre-soi.
Cette proposition prévoit précisément de moduler les financements de l’État, en fonction des efforts accomplis par les écoles, collèges et lycées pour accueillir tous les élèves, y compris ceux en difficulté sociale et scolaire. C’est une question de justice scolaire et sociale. S’ils n’ont pas vocation à tous les recevoir, nous pouvons partager le constat que ces établissements ne prennent pas toute leur part dans l’accueil des élèves en difficulté scolaire.
Tous doivent s’engager à scolariser des enfants dont les parents ne font pas partie des familles les plus favorisées financièrement ; il y va de notre pacte social. Si vous ne voulez pas rallumer la guerre scolaire entre le secteur public et le secteur privé, ne refusez pas de conditionner les financements de l’État aux écoles privées à l’accueil d’enfants moins favorisés ; vous agirez ainsi pour l’intérêt général.
Lutter contre la ségrégation scolaire est l’objectif que cherche à atteindre la proposition de loi. Alors que nous venons de débattre des dépenses budgétaires, nous ne pouvons plus accepter de financer des établissements qui ne relèvent pas les enjeux de notre démocratie. C’est pourquoi nous devons soutenir unanimement ce texte.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Imaginons deux enfants qui naissent et grandissent dans la même ville, à quelques rues de distance. L’un est né dans une famille pauvre, il ira à l’école publique, une école avec peu de moyens et aux classes surchargées. L’autre est né dans une famille favorisée, il ira à l’école privée, une école avec beaucoup de moyens et une sélection à l’entrée. Dans chaque école, les élèves se ressemblent. Mais ces deux enfants ne fréquenteront jamais les mêmes bancs, ni ne partageront jamais les mêmes expériences, ni ne s’appelleront jamais l’un et l’autre camarade. Comment construire une nation forte et unie si nos enfants ne peuvent grandir ensemble ?
Nous ne naissons pas sous la même étoile mais la promesse de notre République, c’est bien de briser les barrières sociales érigées à la naissance, d’offrir les mêmes chances à tous les citoyens et, surtout, de faire naître dans chaque cœur la certitude que nous partageons tous une même destinée, que nous formons tous une seule et même nation. Or cette promesse républicaine n’est pas tenue. Vous le savez bien du reste car, lorsque vous défendez le service national universel (SNU) ou les vertus du service militaire, vous invoquez toujours l’argument de la mixité, de la rencontre au sein d’une classe d’âge, au-delà des différences et des divergences des uns et des autres. Eh bien, ce que vous voulez faire en dix jours avec le SNU, nous voulons le faire pendant quinze ans, de la maternelle au baccalauréat, et cela ira même au-delà car les amitiés qui naissent sur les bancs de l’école durent souvent toute une vie.
L’école est bien le lieu où l’on enracine la République dans le cœur de chacun. Et pour que cette République soit forte, pour que l’arbre de la République puisse grandir, il est inconcevable que les racines soient divisées. Nous ne pouvons tolérer l’existence de ghettos scolaires.
Le principe de cette proposition de loi est simple et il est urgent de la voter : toute école qui bénéficie de financements publics est un service public. Elle a donc un rôle à jouer, comme tout service public, pour renforcer notre société et participer à la promesse républicaine. Certaines écoles privées sont financées parfois à plus de 70 % par des fonds publics, à savoir l’argent de tous les citoyens. Notre objectif est non pas d’opposer les écoles privées aux écoles publiques, mais de construire une République forte et unie. Chacun doit prendre sa part et ses responsabilités.
Mme Frédérique Meunier (DR). Monsieur le rapporteur, au mois d’avril 2024, vous étiez corapporteur de la mission d’information relative au financement public de l’enseignement privé sous contrat. Le 15 octobre, vous avez déposé cette proposition de loi. Le 29 octobre, vous avez fait voter en commission des finances un amendement au projet de loi de finances visant à réduire le financement public des établissements privés sous contrat. Il n’y a plus aucun doute quant à votre volonté de vous attaquer au principe constitutionnel de la liberté d’enseignement et à la liberté de choix des parents.
Selon vous, l’État financerait la ségrégation scolaire absolue. Je rappelle tout d’abord que l’État prend en charge le traitement des enseignants et les collectivités territoriales, les coûts de fonctionnement. En outre, et cela est très souvent ignoré, les parents financent l’immobilier et le caractère propre, autrement dit l’enseignement religieux – s’il y en a un. Le système du quotient familial permet à tous d’accéder à l’enseignement privé.
La France ne se réduit pas à l’Île-de-France et compte de nombreux territoires ruraux. En province, nous sommes très loin de la caricature de la ségrégation scolaire absolue. Votre objectif, à terme, est la disparition totale de l’enseignement privé. Or il est dangereux et inconscient de concevoir l’enseignement privé comme une menace pour l’enseignement public et de rallumer indéfiniment la guerre entre le privé et le public, alors que le privé est considéré comme plus attractif et de meilleure qualité. De plus en plus de parents font le choix de mettre leurs enfants dans le privé. En effet, la part du secteur privé dans l’enseignement ne cesse de progresser pour atteindre 50 % dans certains départements comme le Morbihan. En outre, 54 % des parents reconnaissent qu’ils auraient préféré scolariser leurs enfants dans l’enseignement privé plutôt que dans le public.
Notre système éducatif ne cesse de se dégrader : échec de la transmission des savoirs, augmentation des problèmes de discipline, multiplication des actes de violence et des atteintes à la laïcité, démission en masse des professeurs. Alors, plutôt que de corriger les défaillances de l’enseignement public français, vous préférez attaquer l’enseignement qui réussit. Ne serait-il pas plus avisé d’étudier les raisons de la réussite de l’enseignement privé qui pourraient bénéficier au redressement tant espéré de notre école ?
M. Arnaud Bonnet (EcoS). L’égalité scolaire est un sujet de préoccupation majeur pour nos concitoyennes et nos concitoyens. L’école, qui est au fondement des valeurs républicaines, est un outil indispensable à la formation des consciences des futurs citoyens. Mais elle est aussi au fondement des inégalités sociales comme le montrent tous les indicateurs internationaux. L’enseignement privé revient régulièrement dans nos discussions car il soulève nombre des questions relatives aux inégalités scolaires.
Les établissements privés apparaissent comme de plus en plus réservés aux personnes les plus aisées. Entre 1989 et 2020, l’écart entre le privé et le public s’agissant des élèves favorisés est passé de dix à vingt-trois points. En parallèle, les établissements privés ne jouent pas le jeu de l’inclusion. Ainsi, un collège de réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+) sur deux comprend une Segpa alors que 5 % des collèges privés en sont dotés. La dégradation continue de l’enseignement public incite fortement les familles qui en ont les moyens à scolariser leur enfant dans le privé, renforçant ainsi le phénomène de ségrégation scolaire.
L’État et les gouvernements qui se succèdent sont largement responsables de ce phénomène. D’une main, on sabre les budgets ; de l’autre, on finance largement les établissements privés. À la dernière rentrée, la dotation horaire globale et le nombre d’heures par élève étaient souvent plus élevés dans les établissements privés que dans les établissements publics. Il est nécessaire d’agir sur les financements des établissements privés afin de réduire les inégalités sociales. Nous devons leur rappeler leur obligation de respecter le pacte républicain en scolarisant tous les enfants. L’argent public doit servir au bien de tous et à l’intérêt général. Par ce texte, il s’agit uniquement de retrouver un juste équilibre. C’est la raison pour laquelle nous soutiendrons la proposition de loi du groupe LFI-NFP.
Mme Géraldine Bannier (Dem). La mixité sociale, gage primordial d’une plus forte cohésion sociale et d’un respect renforcé, dépasse très largement le seul cadre de l’école. Elle nécessite d’abord et avant tout l’engagement au quotidien de chacun et de chacune quant à ses choix d’interaction sociale. Elle implique une politique d’aménagement du territoire qui lutte très concrètement contre la gentrification, le tri social et la ghettoïsation, ainsi qu’une politique qui fasse vivre la mixité par des leviers culturels, notamment sportifs.
Votre texte s’empare du sujet scolaire et propose la diminution de 10 à 50 % des contributions allouées par les collectivités aux établissements privés sous contrat, en se fondant sur un indicateur de mixité sociale. Le hic, c’est que ce dispositif n’est pas du tout applicable à la réalité complexe de l’enseignement privé sous contrat en France. Ainsi, du fait de leur histoire, certaines communes de moins de 1 000 habitants ne comptent qu’un établissement privé dont les effectifs par classe peuvent aller de quinze à quarante-cinq élèves. Par conséquent, l’indice de position sociale peut facilement varier lors du passage d’une génération du CM2 au collège. Faudra-t-il alors sanctionner l’école et les élèves, alors qu’aucun tri ne se fait à l’entrée à l’école et que la mixité sociale est le simple résultat de la composition sociale de la collectivité ?
Dans un département comme le mien, dans l’Ouest, qui se caractérise par un fort ancrage catholique, 36 % des écoliers et 43 % des collégiens sont dans le privé. L’enjeu de la mixité sociale est différent dans d’autres territoires plus homogènes socialement – tels certains quartiers urbains – ou dans des régions où le privé sous contrat fait figure d’exception et résulte d’un choix beaucoup plus engagé des parents qui souhaitent éviter le public.
Le dispositif proposé est défaillant en ce qu’il néglige le problème de non-mixité sociale qui concerne certains établissements publics. Pour prendre des exemples évidents, il existe plus de mixité sociale au lycée privé d’Avesnières de Laval qu’au lycée public Chateaubriand à Rennes ou encore au lycée Henri IV à Paris. Doit-on également sanctionner le public ?
Il faudrait plus de transparence en matière d’IPS et mener une analyse à l’échelle des territoires sur la progression de la mixité sociale. Au mois de mai 2023, le ministre Pap Ndiaye a signé le plan pour favoriser la mixité sociale et scolaire dans l’enseignement ainsi qu’un protocole avec l’enseignement catholique pour encourager la mixité. Ces initiatives sont importantes, elles doivent être évaluées et prolongées.
Bref, il ne s’agit pas de ranimer la guerre scolaire, mais plutôt de s’emparer du sujet de la mixité sociale. D’abord, il convient de mener des actions plus volontaristes en matière de diversité sociale dans le domaine du logement. Ensuite, il convient de remédier au problème de l’homogénéité sociale des établissements scolaires identifiés, privés comme publics, en appliquant des solutions concrètes : montée alternée dans des secteurs comprenant plusieurs collèges, accueil d’élèves plusieurs fois exclus d’établissements publics au sein d’établissements privés, internat d’excellence au sein de quartiers pauvres et homogènes afin de sortir les élèves de l’assignation sociale et de la relégation, mixité des projets extrascolaires. Au vu de l’inadaptation du dispositif présenté aux réalités de terrain, nous ne voterons pas ce texte. Nous resterons néanmoins attentifs aux prochains travaux relatifs à la mixité sociale, qui nécessite une approche globale et multiministérielle et une prise de conscience sociétale.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Pour comprendre l’esprit de votre proposition de loi, il faut se souvenir des propos de votre gourou Jean-Luc Mélenchon lors de la campagne des élections présidentielles de 2017. Interrogé sur le financement des établissements privés, il avait répondu qu’il devait être maintenu par nécessité et qu’un changement de position prendrait du temps, car il n’est pas possible de fermer en un instant tous les établissements privés.
Il y a donc bien une volonté de votre part de relancer la guerre scolaire et de ne pas tenir compte de la réalité, notamment dans les territoires ruraux, où la mixité sociale des établissements privés est plus importante que dans des établissements publics comme Henri IV, où j’ai eu la chance de faire mes études, grâce à mes bonnes notes et à mon travail.
La mixité sociale, qui est au cœur de notre pacte républicain, est un impératif qui s’impose au privé comme au public. Votre proposition de loi ne concerne pourtant que le privé alors que la ségrégation sociale, qui s’observe dès le collège, existe également dans les établissements d’enseignement publics. Nous devons mener ce combat sans relancer la guerre scolaire. Des initiatives locales montrent la voie, comme en Haute-Garonne, où le département a mis en place des incitations financières pour encourager les établissements privés sous contrat à diversifier leur public. Il est donc possible d’agir de manière ciblée et pragmatique, loin de toute idéologie, et d’éviter ainsi de sanctionner les élèves et leurs familles.
La mixité sociale ne se décrète pas et ne peut se traduire à la simple échelle d’un établissement. La dynamique est territoriale et dépend du lieu d’implantation des établissements et des contraintes propres aux familles. Le privé et le public ne s’opposent pas : ils se complètent. Conditionner les financements publics à un indicateur de mixité sociale est une idée qui peut paraître séduisante sur le papier, mais qui risque d’avoir des effets contre-productifs.
Mme Nicole Sanquer (LIOT). Le financement public des établissements d’enseignement privé est une composante essentielle du principe constitutionnel de la liberté de l’enseignement. Il est d’autant plus légitime que, grâce au contrôle, il permet de s’assurer de la qualité de l’enseignement et de la sécurité.
Notre groupe est toutefois préoccupé par la diminution continue de la mixité sociale dans les établissements privés sous contrat, qui semble moins marquée dans les territoires ruraux que dans les grands centres urbains. L’augmentation des inégalités socioscolaires entre établissements privés et publics contrevient à l’objectif initial de la loi Debré, qui n’avait pas vocation à créer un système dual avec des entités concurrentes. Il est donc possible de demander de plus grandes contreparties, d’autant que la loi a assigné en 2021 un objectif de mixité sociale aux établissements privés.
Toutefois, les dispositifs proposés nous interrogent. Quelles seront les modalités de l’indicateur de mixité sociale ? Quels seront ses effets de seuil ? Comment éviter que la diminution des ressources d’un établissement entraîne l’augmentation de la contribution demandée aux familles, et ne renforce donc l’absence de mixité ?
Notre groupe souhaite aussi alerter sur la désaffection des familles à l’égard de l’enseignement public. Contrairement aux croyances, il est difficile de conclure que le meilleur niveau scolaire dans les établissements privés est directement lié à leur enseignement. L’origine sociale des élèves l’explique sans doute davantage. Les carences de notre système public demeurent considérables. C’est un constat d’échec pour l’État face auquel nous ne devons pas nous résigner. Notre priorité devrait consister à mieux armer le service public de l’éducation.
Il reste que le sujet soulevé par cette proposition de loi est légitime. Il faut réfléchir à un changement du système de financement public de l’enseignement privé. Les ressources des établissements doivent mieux correspondre aux besoins scolaires au niveau local, comme le suggère la Cour des comptes. Les contrats signés entre l’État et les établissements pourraient ainsi fixer des objectifs en termes de composition sociale et une modulation des moyens attribués sur cette base pourrait alors être envisagée.
Mme Soumya Bourouaha (GDR). En 1900, le président du conseil, Pierre Waldeck-Rousseau, mettait en garde contre les dangers d’une jeunesse divisée : « […] deux jeunesses, moins séparées encore par leurs conditions sociales que par l’éducation qu’elles reçoivent, grandissent sans se connaître jusqu’au jour où elles se rencontrent si dissemblables qu’elles risquent de ne plus se comprendre. » Il dénonçait à l’époque le rôle des congrégations religieuses dans un clivage menaçant l’unité de la République. Plus de cent ans plus tard, ce n’est plus la religion qui fragmente notre jeunesse, mais une ségrégation sociale et scolaire de plus en plus marquée.
Le nombre d’élèves inscrits dans l’enseignement privé sous contrat reste stable, mais la mixité sociale y régresse fortement depuis vingt ans. Tandis que l’enseignement public accueille en majorité des élèves issus de milieux défavorisés, le privé attire principalement les enfants des classes moyennes et aisées dans une logique de distinction sociale, soulignée par la Cour des comptes. Les familles des classes supérieures cherchent à offrir à leurs enfants une éducation jugée plus performante et sécurisée, loin d’un enseignement public perçu comme une difficulté. Cette dynamique est amplifiée par les politiques publiques qui désinvestissent massivement dans l’école publique sous couvert d’un contrôle budgétaire accru, ce qui détériore les conditions de travail des enseignants et du personnel et accroît les difficultés pour tous les élèves. Nous assistons donc aujourd’hui au développement d’un système éducatif à deux vitesses où les classes populaires voient s’amoindrir leurs possibilités de s’émanciper par l’éducation alors que les classes supérieures reproduisent leurs privilèges.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à remédier à cette fracture. Elle propose de conditionner les financements publics accordés aux établissements privés à leur participation effective à la mixité sociale. Cette réponse à la ségrégation scolaire croissante est nécessaire, mais elle ne suffira pas à résoudre le problème dans sa globalité. Sans un investissement massif dans l’école publique, la qualité de l’enseignement et les conditions de travail des personnels continueront de se dégrader. Les familles des classes moyennes et supérieures, en quête d’une éducation de qualité pour leurs enfants, continueront alors à se tourner vers le privé. Le projet de loi de finances pour 2025 semble ne pas avoir pris la mesure de cet enjeu.
M. Maxime Michelet (UDR). Dans quelques semaines, nous célébrerons le soixante-cinquième anniversaire de la loi Debré. Cette grande loi avait mis fin à la guerre scolaire grâce à un système qui a fait la preuve de son efficacité et qui a résisté aux nombreuses attaques de la gauche.
Le présent texte est une énième attaque contre l’enseignement privé : il propose d’affaiblir son financement pour mieux l’asphyxier. Rappelons que le financement de l’enseignement privé par l’État est la contrepartie des contrats passés avec les établissements, qui permettent le libre choix des familles, tout en garantissant le respect des programmes scolaires et de la structure pédagogique commune à tous les élèves de France. Ce système donnant-donnant garantit donc à la fois la liberté, l’équité et la qualité.
En raison de la qualité de leur enseignement, les établissements privés sont plébiscités par les familles françaises : la moitié d’entre elles ont mis dans l’enseignement privé au moins un enfant à au moins un moment de sa scolarité.
Ce système populaire et fonctionnel a fait ses preuves au cours des décennies passées et il scolarise aujourd’hui plus de 2 millions d’élèves. Vous souhaitez pourtant le déstabiliser en vue de le supprimer au nom d’une mixité sociale que vous élevez en dogme et en condition sine qua non de la réussite scolaire. L’origine sociale serait le seul critère de la réussite scolaire.
Votre proposition de loi témoigne de votre méconnaissance de l’enseignement privé. Vous avez d’ailleurs choisi de n’auditionner aucun représentant de l’enseignement libre. Votre prisme parisien réduit l’école privée à l’image que vous vous faites du lycée Stanislas. Vous oubliez le rôle cardinal joué par l’enseignement privé dans nos régions et tout particulièrement dans nos campagnes avec l’enseignement agricole. Vous ignorez le déterminisme territorial et historique des établissements privés et de certains des établissements publics des centres urbains qui ont été cités. L’enseignement privé aspire d’ailleurs à corriger ce déterminisme, mais trop souvent les académies n’autorisent pas l’implantation dans d’autres territoires.
Comme l’a affirmé Michel Debré, l’enseignement privé témoigne d’une liberté essentielle et la République s’est toujours grandie en garantissant la liberté d’enseignement consolidée dans le système éducatif hérité de la loi de 1959. Ce système est un atout pour nos familles, pour nos territoires mais aussi pour nos écoles publiques, qui peuvent s’enrichir de la liberté d’expérimentation éducative et pédagogique des établissements privés.
Le groupe UDR ne laissera pas l’idéologie saborder une fois de plus ce qui fonctionne dans ce pays. Nous voterons donc contre cette proposition de loi.
M. Paul Vannier, rapporteur. Vos interventions témoignent de l’évolution profonde du contexte dans lequel se pose la question de la place de l’école privée dans notre société.
La fébrilité du camp conservateur est nouvelle car, pendant des années, l’accusation de guerre scolaire avait suffi à empêcher le débat. Elle vous conduit à une forme de créativité. Vos suggestions au regard des enjeux de mixité sociale à l’école – vouvoiement, uniforme, interdiction du portable – me paraissent relever de l’improvisation face à un phénomène bien réel et amplement documenté.
Les mythes que vous avez évoqués ne résistent pas aux travaux de recherche en sciences sociales et en économie.
Non, l’école privée ne fonctionne pas mieux que l’école publique. Elle sélectionne les meilleurs élèves, mais ses performances éducatives ne sont pas meilleures que celles de l’école publique. Ce n’est pas moi qui le dis, mais la Depp.
Non, les écoles privées ne sont plus choisies aujourd’hui pour leur caractère propre, critère de choix pour seulement 15 % des familles selon l’Association des parents d’élèves des écoles libres (Apel). Tout indique que le choix du privé est d’abord celui d’un entre-soi social.
Votre fébrilité vous conduit aussi à des caricatures. Ni mon groupe ni moi-même n’avons de projet dissimulé. Je n’ai pas l’habitude de dissimuler mes idées ou mes intentions. Elles sont parfaitement claires : cette proposition de loi ne vise pas à supprimer l’école privée sous contrat, mais à rééquilibrer un système par l’instauration d’un malus et la modulation du financement public.
Je remercie notre collègue Jérémie Patrier-Leitus d’avoir rappelé la constance des positions de La France insoumise et de son candidat à l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon. Nous ne voulons pas la disparition de l’école privée sous contrat : nous souhaitons la soumettre à un pilotage public, puisqu’elle est financée à plus de 75 % par des fonds publics.
Plusieurs éléments de diagnostic sont désormais partagés par un grand nombre d’entre nous, et je m’en réjouis. Ils portent sur l’ampleur de la ségrégation socioscolaire et sur la nécessité pour les établissements privés d’obéir à des objectifs démocratiquement fixés par les représentants du peuple que nous sommes. La question de l’école privée est donc celle de la cohésion de toute notre société.
Elle est aussi celle de la performance éducative globale de notre système. Le moment où les inégalités socioscolaires ont commencé à se creuser – le début des années 2000 – est aussi celui où notre pays commence à décrocher dans les enquêtes du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa). Ce décrochage concerne tous les élèves, y compris les meilleurs. Tous les pédagogues s’accordent en effet pour dire que la mixité sociale à l’école est bonne pour tous les élèves, les élèves en difficulté comme les bons élèves. Un système caractérisé par la ségrégation affaiblit la performance éducative globale de notre nation. C’est aussi à cet enjeu que notre proposition de loi entend répondre.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux questions des députés.
Mme Florence Joubert (RN). Selon un sondage, 75 % des Français jugent l’école privée meilleure que l’école publique en termes de résultats. Cette perception se vérifie dans les statistiques : selon une étude de 2023 du service statistique de l’éducation nationale, les élèves du public échouent quatre fois plus que ceux du privé à l’examen national du brevet. Cet écart, qui s’est significativement creusé en trente ans, ne peut s’expliquer seulement par une surreprésentation d’élèves issus de milieux favorisés. Il s’explique également par l’utilisation dans l’enseignement privé de méthodes pédagogiques mieux adaptées aux élèves et par l’exigence de l’excellence, de la discipline et du respect dans une atmosphère sécurisante.
En mettant uniquement en avant la question de la mixité sociale dans les établissements privés, cette proposition de loi fait l’impasse sur les motivations réelles des parents : donner de meilleures chances de réussite à leurs enfants. Elle risque ainsi d’avoir un effet contraire à celui escompté et de pousser ces parents à inscrire leurs enfants dans des établissements privés hors contrat où la mixité sociale est faible.
Mme Graziella Melchior (EPR). En Bretagne, le réseau des établissements de l’enseignement catholique couvre 55 % des communes et dans 14 % d’entre elles, l’école privée est le seul établissement scolaire. Il scolarise 41 % des élèves. J’ajoute que deux tiers des élèves fréquentent un établissement privé sous contrat au cours de leur scolarité. L’écart de l’IPS entre public et privé y est très faible et il est deux fois moins important qu’au niveau national. Les collectivités locales – tant la région, qui est de gauche, que le département du Finistère, qui est de droite – soutiennent d’ailleurs unanimement le financement du secteur privé. Il n’y a pas de guerre scolaire dans notre territoire. Au contraire, une saine émulation est créée et elle explique les excellents résultats au brevet et au baccalauréat, bien souvent les meilleurs de France.
Dans l’élaboration de votre proposition de loi, avez-vous fait cas des réalités territoriales, notamment bretonnes ?
M. Pierrick Courbon (SOC). Cette proposition de loi n’est pas issue d’une vision francilienne. L’ensemble du système de l’enseignement scolaire privé sous contrat ne peut évidemment pas être réduit à l’image de Stanislas et je voudrais apporter le témoignage d’un élu d’une ville de province. Saint-Étienne, avec ses 180 000 habitants, dont un quart des foyers vivent sous le seuil de pauvreté, compte des écoles publiques et privées en nombre suffisant pour que la scolarisation relève de la liberté de choix des parents. Parmi les trente-cinq écoles privées, seules deux ont un IPS inférieur à 90 et les cinq écoles présentant les IPS les plus élevés sont toutes des écoles privées.
Comment changer une telle réalité sans avoir recours à la régulation par l’argent ?
M. Eric Liégeon (DR). Cette proposition de loi risque de déstabiliser l’ensemble de l’enseignement privé sous contrat. Votre intention est de limiter l’influence des établissements privés en repensant leur financement public car vous les percevez comme un frein à l’égalité scolaire.
J’ai été jusqu’à récemment président du conseil d’administration d’un lycée privé de ma circonscription. J’ai pu à cette occasion constater à quel point l’enseignement privé accueillait des publics diversifiés, issus de milieux fragiles et modestes. J’en profite pour saluer le travail remarquable des maisons familiales rurales (MFR) auprès des élèves en grande difficulté.
Ne faites donc pas d’un cas une généralité et évitez de légiférer de façon punitive. Attaquer le privé ne résoudra en rien les problèmes du public. Avec la refonte proposée, de nombreux établissements privés pourraient perdre une partie de leurs subventions, menaçant ainsi leur équilibre financier et leur capacité à accueillir des élèves d’origines diverses.
Mme Anne Sicard (RN). Ce texte montre que la priorité de la gauche et de l’extrême gauche est de souffler sur les braises pour relancer la guerre scolaire en France. Il y a pourtant bien d’autres urgences. La France n’est ainsi qu’à la vingt-sixième place du classement mondial en mathématiques et à la vingt-neuvième en lecture, mais pour la gauche soi-disant républicaine, autrefois attachée à l’exigence de transmission du savoir, ce n’est plus une priorité.
Ma question est très terre à terre. En finançant l’enseignement privé, l’État ne fait pas un cadeau aux riches, comme vous le prétendez. Il soulage le contribuable français déjà accablé d’impôts. Si les 2 millions d’élèves scolarisés dans le privé étaient rapatriés dans le public, cela ferait exploser le budget de l’éducation nationale de près de 8,5 milliards. Pensez-vous que cela soit souhaitable pour les finances de l’État ?
Mme Julie Delpech (EPR). Le système actuel de financement des écoles privées sous contrat par les communes engendre une dynamique particulièrement problématique pour des communes comme Beaumont-sur-Sarthe dans ma circonscription où la contribution versée aux écoles privées hors territoire s’élève à un montant de 714 euros par élève en école élémentaire, calculé sur la base du coût moyen par élève dans les écoles publiques. Cela représente 41 000 euros pour la commune sur l’année 2022-2023.
Ce mode de calcul crée un véritable cercle vicieux : lorsque les élèves quittent les écoles publiques pour rejoindre le privé, les coûts fixes des écoles publiques tels que les salaires des enseignants ou l’entretien des bâtiments restent inchangés mais doivent être répartis sur un plus petit nombre d’élèves, entraînant mécaniquement une augmentation du coût moyen par élève. Résultat : les contributions des communes aux écoles privées s’alourdissent et les écoles publiques locales se trouvent davantage fragilisées.
Quelles mesures pourraient être envisagées pour rompre ce cercle vicieux, pour assurer une répartition équitable des financements entre public et privé et pour préserver la soutenabilité financière de communes comme Beaumont-sur-Sarthe ?
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Je suis moi aussi une députée bretonne et j’ai fait ma scolarité en Bretagne. L’école privée est bien inscrite dans l’histoire de cette région. Souvent, en zone rurale, il n’y a pas le choix entre le public et le privé du fait parfois de l’absence d’école publique de proximité. L’esprit de la loi Debré n’est donc pas respecté. C’est l’école privée qui assure une mission de service public.
Nous ne sommes pas dans la guerre scolaire ; nous ne voulons pas diriger 100 % des financements vers l’école publique. Nous proposons de l’apaisement. Notre rôle est de fixer démocratiquement des objectifs pour l’école publique comme privée et d’assurer une égalité entre ces deux écoles sur nos territoires. Ne soyez pas caricaturaux.
M. Erwan Balanant (Dem). L’exemple de la Bretagne est révélateur de l’inutilité de cette guerre scolaire que vous voulez relancer. Je suis tombé sur un site – sans doute ancien – de M. Paul Vannier où sont publiés des articles qui traduisent une volonté manifeste de crisper le débat.
En Bretagne, le public et le privé travaillent régulièrement ensemble. Les enfants passent d’un système à l’autre et cela marche très bien, ainsi qu’en témoignent les résultats au brevet et au baccalauréat des jeunes Bretons.
M. Sacha Houlié (NI). Je voudrais d’abord saluer tous ceux qui, ces dernières années, ont remis le sujet de la mixité sociale et scolaire sur la table. Je pense au rapport de M. le rapporteur et de M. Weissberg, à la proposition de loi de Mme la présidente, à l’action de M. Pap Ndiaye comme ministre, au projet sur les montées alternées mené à Paris par le recteur Christophe Kerrero et à l’action de Sébastien Vincini comme président du conseil départemental de Haute-Garonne.
Une première victoire a eu lieu en 2022, avec la publication des IPS. Cette communication annuelle des IPS n’a toutefois pas de base légale et je proposerai donc de l’inscrire dans la loi.
Votre texte présente deux écueils. Le premier est sa position – la huitième – dans l’ordre de passage des textes de votre niche, qui ne permettra pas son examen en séance. Le second est de limiter l’exigence de mixité sociale aux établissements privés. Elle doit s’étendre aux établissements publics.
Je regrette que mon amendement proposant d’interdire l’ouverture d’une classe par l’enseignement privé après la fermeture d’une classe dans le public dans la même zone géographique ait été déclaré irrecevable. Je laisse cette idée au profit de la collectivité. Elle pourra être reprise à l’occasion de l’examen d’un autre texte.
M. Paul Vannier, rapporteur. Madame Joubert, vous aimez les sondages, moi aussi. L’Institut Harris en a publié un hier qui indique que 66 % des Français sont favorables à la modulation du financement des établissements privés sous contrat pour atteindre des objectifs de mixité sociale et scolaire. C’est un signe du changement de contexte que j’ai évoqué.
Le dispositif que je défends est incitatif, progressif et territorialisé. Il vise à comparer, grâce à un indice de mixité socioscolaire, la situation dans un établissement privé par rapport aux établissements publics environnants et à mesurer la ségrégation. Les écarts d’IPS sont différents sur le territoire. Ainsi, dans le Grand Ouest et dans le Massif central, ces écarts sont plus faibles qu’ailleurs.
Mon objectif n’est pas de faire baisser le financement public des établissements privés sous contrat : il est de parvenir à la mixité sociale et scolaire dans tous les établissements scolaires relevant du service public de l’éducation dans notre pays. Les établissements privés sous contrat affichant des profils socioscolaires d’élèves moyens analogues à ceux des établissements publics environnants conserveront l’intégralité de leur financement public. Le dispositif se déclinera donc territoire par territoire en fonction de réalités différentes.
M. Courbon a raison de rappeler que la ségrégation n’est pas une question limitée à Paris et à l’Île-de-France : elle concerne les grandes métropoles comme les villes moyennes. La ségrégation se voit d’ailleurs renforcée ces dernières années en raison de la stratégie des réseaux d’établissements privés sous contrat, qui font le choix de fermer des écoles en milieu rural pour en ouvrir en ville-centre ou en proche banlieue où ils peuvent accueillir davantage d’élèves.
Monsieur Liégeon, vous avez rappelé qu’il ne faut pas faire d’un cas particulier une généralité. Vous avez raison et je vous suggère de prendre un peu de distance avec votre propre expérience. Il existe certes des établissements privés sous contrat qui présentent une mixité sociale importante, mais les études indiquent qu’il s’agit d’exceptions, car la ségrégation scolaire et sociale est très forte et n’a cessé de s’aggraver au cours des vingt-cinq dernières années.
Madame Sicard, reprenant les termes de la ministre de l’éducation nationale, vous insistez sur la nécessité de relever le niveau. Tous les parlementaires ont à cœur l’efficacité de nos établissements, quels qu’ils soient, et toute personne prête à sortir des postures et des slogans pour s’intéresser au fond des choses pourra constater que la performance éducative est étroitement corrélée à la mixité scolaire et sociale. Le décrochage de la France dans les enquêtes Pisa est intervenu au début des années 2000, au moment même où les écarts entre public et privé se sont creusés. Pour atteindre les objectifs que vous visez, il faut donc œuvrer en faveur d’une plus large mixité sociale et scolaire.
Vous affirmez que l’école privée coûte moins cher que l’école publique, ce qui est faux. La part du financement public des établissements privés s’élève à 75 % mais il est impossible d’estimer à l’euro près le montant global de cette dépense, comme nous avons pu l’établir avec Christopher Weissberg dans notre rapport d’information. Elle s’élèverait selon le ministère entre 10 milliards et 12 milliards d’euros par an mais je penche plutôt pour un coût allant de 12 milliards à 15 milliards d’euros. La fermeture des établissements privés, que personne ne propose, conduirait, dites-vous, à ajouter 8,5 milliards d’euros au budget de l’éducation nationale. Or ces sommes figurent déjà dans le budget de l’État, la simple lecture des bleus budgétaires vous le confirmera. Soulignons, en outre, que de nombreux éléments liés aux coûts ne sont jamais pris en compte. Ainsi la masse salariale des établissements privés est moindre que celle des établissements publics parce que le corps enseignant compte peu d’agrégés et davantage de contractuels. Par ailleurs, le mode de calcul des retraites diffère et les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) sont tous financés par des crédits inscrits sur les programmes finançant l’enseignement public.
Madame Delpech, je me suis beaucoup intéressé dans mon rapport d’information au forfait communal. Nous savons que si un maire accorde, par élève et par an, un euro de plus à un établissement public, il doit verser la même somme par élève à un établissement privé, sans toutefois avoir la garantie que l’objectif qu’il poursuit sera atteint par ce dernier. Nous avions proposé, avec Christopher Weissberg, de réviser ses modalités de calcul, laissées par la circulaire actuelle à une trop grande marge d’interprétation de la part des communes. Rendre exhaustive la liste des dépenses prises en compte contribuerait à une harmonisation et une clarification à l’échelle nationale.
Mme Mesmeur a eu raison de rappeler qu’il existe des départements – le Morbihan, une partie de la Vendée, du Maine-et-Loire, de l’Aveyron –, où les écoles publiques sont trop éloignées du lieu d’habitation de certaines les familles. Pour garantir la liberté de notre enseignement, il faut lutter contre ces déserts d’écoles publiques.
Monsieur Houlié, je vous remercie de me donner l’occasion de rendre hommage à mon groupe qui a fait le choix courageux d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de sa niche parlementaire. Si vous voulez donner un avenir à ces dispositions, je vous invite à travailler avec moi à un texte transpartisan afin de garantir la mixité scolaire et sociale dans l’ensemble du système éducatif.
Article unique
Amendements de suppression AC2 de M. Jean Laussucq, AC5 de M. Maxime Michelet, AC11 de M. Roger Chudeau et AC12 de Mme Frédérique Meunier
M. Jean Laussucq (EPR). Dans ma circonscription, la question de la mixité sociale se pose autant pour le privé que pour le public. Si nous voulons apporter des solutions, il faut essayer de rassembler au lieu d’opposer les deux modèles comme le fait cet article unique que nous voulons supprimer. J’estime que les établissements privés sous contrat participent au service public de l’éducation. Réduire les financements qui leur sont versés ne ferait qu’accentuer les différences sociales.
M. Maxime Michelet (UDR). Au nom des professeurs et des personnels des établissements privés, des plus de 2 millions d’élèves qui y sont scolarisés et de leurs familles, nous refusons les accusations portées dans cette proposition de loi. La mixité sociale construite à coups d’indicateurs, de quotas, d’algorithmes ne résoudra pas les problèmes de notre système éducatif dont la mission fondamentale, face aux inégalités, est d’offrir à tous les élèves partout sur le territoire des enseignants et des enseignements d’une égale qualité. L’école privée n’est pas un gouffre financier qui happe les fonds destinés à l’école publique. Grâce à elle, 8,5 milliards de dépenses sont évitées à l’État et aux collectivités. L’enseignement privé n’est pas non plus la cause des dysfonctionnements du système scolaire. Nous considérons cet espace de liberté comme une chance pour l’éducation nationale qui pourrait s’inspirer de ce qui y fonctionne.
Cette proposition de loi constitue une attaque contre l’enseignement privé, en particulier contre l’enseignement catholique dont nos collègues refusent le simple droit à l’existence. Pour notre part, nous défendrons toujours la liberté pour nos écoles privées d’exister et pour nos familles de les choisir.
M. Roger Chudeau (RN). Les intentions politiques de votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, sont tout à fait transparentes, elles sont même d’une clarté biblique : elles s’inscrivent dans la continuité du rapport que vous aviez rédigé avec M. Weissberg, véritable réquisitoire stalinien qui avait fait scandale l’année dernière pour son sectarisme laïcard.
Surtout, votre texte repose sur le postulat hautement contestable selon lequel la mixité serait la condition de la réussite scolaire, ce qui renvoie à une sorte de darwinisme social. Pour que l’école fonctionne, il faudrait mélanger les enfants du peuple, sorte de crétins congénitaux, avec des enfants de bourgeois, dotés d’un quotient intellectuel extraordinaire. Voilà qui rejoint votre racialisme. D’une certaine manière, nous assistons à la déroute intellectuelle de LFI. Nous nous opposons fermement à votre proposition de loi.
Mme Frédérique Meunier (DR). Par cet amendement de suppression, notre groupe entend marquer sa désapprobation à l’encontre de l’esprit de cette proposition de loi et de la méthode retenue par le rapporteur pour traiter de la question de la mixité sociale dans nos établissements privés. Nous ne pouvons en aucune manière nous associer à une entreprise si grossièrement partisane de sape et de déstabilisation de l’école privée. Il nous apparaît évident qu’en souhaitant mettre en place un outil statistique punitif pour mesurer la mixité sociale dans les établissements privés, les signataires de ce texte méconnaissent une part importante des raisons pour lesquelles les chiffres sont en baisse ces dernières années.
Notre groupe ne minore en rien l’importance de cet enjeu ; simplement, il lui paraît mériter une analyse moins caricaturale et moins doctrinaire. Ses membres sont animés par le souci constant de redonner à notre école ses capacités d’émancipation collective. Pour qu’elle puisse remplir ses missions fondamentales, il importe de lui permettre de s’adapter efficacement aux spécificités de chaque territoire. Si nous nous opposons à une réponse planificatrice, centralisée et autoritaire, pour reprendre les mots du sénateur Brisson, ce n’est pas parce que nous nions les difficultés mais bien parce que nous estimons que l’approche retenue dans ce texte va à l’encontre des politiques publiques qu’il faudrait mener pour sortir notre école de l’ornière.
M. Paul Vannier, rapporteur. Monsieur Laussucq, vous avez tout à fait raison : la mixité sociale est aussi un enjeu dans les établissements publics. Rappelons toutefois que du fait de la logique de la carte scolaire dans laquelle ils s’inscrivent, leur composition sociale se rapproche de celle des secteurs auxquels ils appartiennent. En outre, le critère de l’IPS entre pour 30 % dans l’allocation des moyens au niveau académique et infra-académique. C’est cette logique que je propose d’étendre aux établissements privés.
Monsieur Michelet, je ne distingue pas comme vous des établissements catholiques, pas plus que des établissements protestants, musulmans, juifs ou laïcs. Fidèle à la définition de la loi Debré, je ne reconnais que des établissements à caractère propre. Il faut légiférer pour tous ces établissements, quels qu’ils soient, en leur laissant la liberté de mettre en avant telle ou telle singularité.
Monsieur Chudeau, nous sommes habitués à vos outrances mais vous m’avez semblé particulièrement exalté. Dans l’indice de mixité culturelle que vous proposez de créer, on retrouve les fondamentaux de l’extrême droite selon lesquels les origines supposées des élèves impliqueraient un comportement scolaire. Sachez qu’une fois lissés les effets liés à l’IPS, les élèves d’origine étrangère réussissent tendanciellement mieux que les autres élèves dans notre système éducatif.
Enfin, Madame Meunier, je dois répéter que ma proposition de loi ne vise nullement à mettre en œuvre un mécanisme planificateur, centralisé et autoritaire. Elle repose au contraire sur un système incitatif, progressif et territorialisé puisque ne seront concernés que les établissements privés sous contrat présentant un écart de composition sociale significatif avec les établissements publics du même territoire, à proportion de leur contribution à la ségrégation socioscolaire.
Demande de retrait ou avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. Sacha Houlié (NI). Je le répète, cette proposition de loi comporte plusieurs écueils. D’abord, la modulation des financements ne concerne que quelques établissements alors qu’elle devrait s’appliquer à tous. Ensuite, la confusion entre IPS et nouvel indice de mixité sociale ne participe pas à l’intelligibilité du système que vous voulez mettre en place. Par ailleurs, l’application des pénalités allant jusqu’à une diminution de 50 % des financements risque d’être soumise à la censure constitutionnelle. Enfin, je regrette que, compte tenu de la position que vous lui avez attribuée dans l’ordre du jour de votre niche, cette proposition de loi ait le statut de simple témoignage. Cela étant, je ne souhaite pas la suppression de cet article dont je proposerai une nouvelle rédaction.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Les membres du groupe Horizons & Indépendants n’ont pas pour habitude de voter pour les amendements de suppression mais cette fois-ci, nous le ferons car dans l’exposé des motifs de votre texte, monsieur le rapporteur, vous n’évoquez à aucun moment la mixité sociale dans les établissements publics. Certes, vous vous êtes expliqué sur les raisons de cette cécité mais nous estimons que cette question mérite mieux qu’une réponse partielle. Elle appelle une réflexion globale, fondée sur les réalités locales, et des efforts de coopération entre tous les acteurs éducatifs, privés comme publics, à l’échelle d’un territoire. Plutôt qu’un dispositif punitif et uniforme, engageons-nous, par un ambitieux travail transpartisan, à élaborer des solutions concrètes adaptées aux spécificités locales.
M. Fabrice Brun (DR). J’aimerais apporter l’éclairage de mon expérience de terrain. Lorsque je visite les écoles publiques ou privées de ma circonscription ardéchoise, ce n’est pas un système éducatif à deux vitesses susceptible de fracturer le pays que j’ai en face de moi. Mû par la raison plutôt que par le ressentiment, je vois plutôt la manifestation du droit pour tout parent de choisir librement l’éducation donnée à son enfant, conformément à l’article 5 de la Convention internationale des droits de l’enfant. C’est le respect de cette liberté de choix qui guide et guidera toujours notre action. Améliorer les apprentissages de nos enfants passe non pas par une opposition entre public et privé mais par un retour aux fondamentaux – lire, écrire, compte et respecter.
M. Erwan Balanant (Dem). Le groupe Démocrates restera fidèle à son principe de laisser les discussions sur les propositions de loi se poursuivre. Le débat, pour être intéressant, doit se fonder sur la réalité. Dans mon cher département du Finistère, il y a 204 écoles maternelles privées pour 344 publiques, 201 écoles élémentaires privées pour 334 publiques et 46 collèges privés et deux collèges Diwan pour 63 publics. Loin des déserts décrits par Mme Mesmeur, il y a une majorité d’établissements publics, qui plus est bien répartis. Les règles doivent simplement être identiques dans le public et dans le privé.
Mme Céline Calvez (EPR). Le groupe Ensemble pour la République votera également contre ces amendements de suppression car il considère que la discussion doit se poursuivre si nous voulons identifier les réponses possibles au défi de la mixité. Pour nous, elles ne passent pas par la prise en compte des seuls établissements privés. Par ailleurs, nous considérons que c’est l’IPS à l’échelle d’un territoire donné qui est pertinent et non pas uniquement celui d’un établissement, car le rapport entre privé et public varie d’un bout à l’autre de la France. Il importe, en outre, de s’interroger sur les avantages de l’indice de mixité par rapport à l’IPS et sur le malus car l’incitation nous paraît une dimension tout aussi importante. La modulation doit, à notre sens, jouer sur le financement non seulement de l’État mais aussi des collectivités locales. Enfin, il convient d’instaurer davantage de transparence dans les critères de sélection ou d’éviction utilisés par les établissements privés. Mettons à profit cette réunion pour avancer sur ces questions.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Pour travailler dans de bonnes conditions, évitons les caricatures. Nous n’envisageons pas de fermer des établissements privés sous contrat, ni de réduire leur financement, pas plus que nous ne rendons responsable l’école privée des difficultés que rencontrerait l’enseignement dans notre pays. Nous disons simplement que le fait de recevoir de l’argent public crée pour les établissements privés sous contrat des obligations, parmi lesquelles figure l’accueil de tous les enfants.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Il n’est pas question de raviver la guerre scolaire. Certains reprochent à cette proposition de loi d’être idéologique : oui, elle l’est, comme l’est le fait de faire coexister établissements privés et établissements publics, ce qui n’est pas le cas de dans tous les pays. Rassurez-vous, monsieur Chudeau, il n’est pas dans nos intentions d’embrigader les enfants dans des écoles fondées sur un modèle stalinien. Nous partons d’une réalité qui est le fruit de l’histoire : dans certains territoires, les parents n’ont d’autre choix que de mettre leurs enfants dans des écoles privées. Nous considérons que celles-ci doivent contribuer au service public de l’éducation nationale, auquel nous sommes tous liés, en vertu du contrat social hérité de Jean-Jacques Rousseau. Cette proposition de loi est donc de nature à rassembler.
Mme Géraldine Bannier (Dem). Le dispositif de la proposition de loi est, à nos yeux, totalement inapproprié. Il passe à côté de certaines réalités : comment appliquer un indice de mixité sociale dans les écoles rurales ne comptant que très peu d’élèves ? Comment prendre en compte la mixité sociale dans les établissements publics ? N’oublions pas, en outre, que le fait d’être scolarisés dans des établissements privés permet à des enfants issus de milieux défavorisés de suivre un parcours de réussite.
Mme Claudia Rouaux (SOC). Dans les territoires ruraux, il y a moins de disparités sociales entre établissements privés et établissements publics. Toutefois, les écarts sont manifestes dans les grandes villes. Nous ne pouvons ignorer le fait que dans les établissements REP ou REP+ des zones urbaines périphériques, où le taux de pauvreté est élevé et le taux d’intégration par le travail faible, la mixité sociale est absente.
M. Paul Vannier, rapporteur. Je remercie ceux de nos collègues qui se sont engagés à ne pas voter ces amendements de suppression. Notre débat nous permettra notamment d’aller plus loin dans l’exploration de la question passionnante des indicateurs et de leur construction. L’IPS rencontre des limites car il repose sur les seules déclarations des chefs d’établissement. En faire dépendre le volume des financements serait donc délicat. Par ailleurs, il doit être complété pour pouvoir mesurer, outre la ségrégation sociale, la ségrégation scolaire.
Quant au malus de 50 %, soit le taux maximal, rapporté à l’ensemble du budget d’un établissement, il aboutirait à diminuer d’un tiers ses ressources puisque 75 % dépendent de fonds publics. Ma proposition de loi n’a donc rien d’inconstitutionnel, monsieur Houlié.
Monsieur Patrier-Leitus, je suis d’accord avec vous : la mixité sociale mérite mieux qu’une réponse partielle. Or, si elle est partielle, c’est que les obligations qui y sont liées ne s’appliquent actuellement qu’aux établissements publics, qu’il s’agisse de la carte scolaire ou de la modulation de l’allocation des moyens en fonction de l’IPS. Ma proposition de loi vise précisément à étendre aux établissements privés cette logique afin d’assurer une plus grande mixité sociale dans tous les établissements. Cela dit, je suis prêt à examiner cet enjeu à l’échelle des établissements publics.
La commission rejette les amendements.
Amendement AC14 de M. Sacha Houlié
M. Sacha Houlié (NI). Cet amendement poursuit des objectifs plus globaux. Il propose une réécriture complète de l’article unique en instaurant un dispositif plus simple consistant à pondérer la répartition des moyens attribués aux établissements scolaires du premier et du second degré en fonction d’un indicateur de mixité sociale, appelé à être défini par décret au même titre que les taux de modulation.
M. Paul Vannier, rapporteur. Ce dispositif ne permettrait pas, à mon sens, d’améliorer la mixité dans les établissements. L’IPS est déjà pris en compte par les académies pour allouer les moyens entre établissements publics. La direction des affaires financières du ministère indique ainsi que l’IPS joue pour environ 30 %, les deux autres critères pris en compte étant le nombre d’élèves et l’évolution démographique attendue. Il ne semble pas possible d’aller plus loin, dans la mesure où les établissements publics sont soumis à la carte scolaire.
S’agissant des établissements privés, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a prévu que soit créée dans chaque académie, une commission de concertation veillant notamment à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements privés sous contrat. Dans environ un tiers des académies, ces commissions, qui constituent l’organe adéquat pour aborder la question de la modulation des financements, n’ont même pas encore été créées et aucun bilan de leur action n’a été établi plus de trois ans après l’adoption de cette loi.
Enfin et surtout, dans le cadre législatif actuel, le principe de parité des financements et la non-fongibilité des crédits entre public et privé ne pourraient que conduire à orienter des crédits supprimés à des établissements privés très favorisés vers d’autres établissements privés, peut-être moins favorisés mais ayant néanmoins presque toujours un IPS supérieur, voire très supérieur, aux établissements publics du même bassin.
Avis défavorable.
M. Roger Chudeau (RN). La mixité sociale ne saurait être considérée comme l’alpha et l’oméga en matière de réussite de notre système éducatif. Vous souligniez que du fait de la carte scolaire, la composition sociologique des établissements reflétait celle des quartiers dans lesquels ils sont implantés. Il existe des écoles de quartiers populaires dans lesquelles les enfants d’origine populaire réussissent très bien, pour des raisons qui tiennent avant tout à la qualité des enseignants, comme l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a pu le montrer. Les résultats scolaires ne dépendent en rien de la mixité sociale et nous nous opposerons systématiquement aux amendements visant à l’étendre.
M. Sacha Houlié (NI). Le dispositif que je propose est défendu par le groupe socialiste au Sénat et à l’Assemblée et il figurait même dans une proposition de loi de notre présidente. Le mécanisme de modulation qu’il comporte est nouveau, contrairement à ce que vous dites, monsieur le rapporteur, et de nature à améliorer la situation.
Par ailleurs, il est rassurant de savoir qu’un mécanisme de péréquation s’applique au sein des établissements privés et que ceux où l’IPS est plus faible peuvent recevoir davantage de financements, même si celui-ci est plus élevé que dans les établissements publics voisins.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Monsieur Chudeau, vos positions doctrinaires ne résistent pas à l’examen des faits. Ce que vous dites est tout simplement faux. Les études internationales, dont on pourrait d’ailleurs contester la validité idéologique, montrent que les pays où la réussite des élèves est la plus élevée sont ceux où la mixité sociale et scolaire est la mieux assurée. Ce sont ceux aussi où le taux d’encadrement est bien supérieur à celui qui prévaut dans nos établissements publics. Prenons l’exemple d’un pays du Nord où deux enseignants pour chaque classe sont prévus dans les écoles primaires de quartiers où vivent les populations les plus précarisées.
Ne nous trompons pas de débat. La proposition de loi, en étendant la mixité, renforcerait bel et bien l’efficacité de notre système éducatif. Nous aurons l’occasion de débattre des moyens des établissements publics et privés et j’espère que nous nous retrouverons sur la nécessité de renforcer la communauté scolaire, notamment en nous opposant aux 4 000 suppressions de postes d’enseignants et aux suppressions de postes d’assistants d’éducation.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je précise que cet amendement de réécriture de l’article unique, s’il est intéressant, propose un dispositif moins ambitieux que celui de la proposition de loi.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AC7 de Mme Céline Calvez
Mme Céline Calvez (EPR). Nous proposons dans cet amendement de mettre en place une logique incitative. Il s’agit d’accorder des bonus aux établissements privés sous contrat mettant en œuvre des moyens spécifiques pour favoriser la mixité, comme une plus grande progressivité des tarifs. Les établissements publics doivent être également pris en compte.
Par ailleurs, nous souhaitons poser la question de la place de l’IPS dans le code de l’éducation.
M. Paul Vannier, rapporteur. L’IPS est déjà un critère d’allocation des ressources entre établissements publics ; il compte pour environ 30 %.
Dans le cadre législatif actuel, une telle répartition ne pourrait que conduire à réallouer des crédits supprimés à des établissements privés très favorisés vers d’autres établissements privés, peut-être moins favorisés, mais ayant néanmoins presque toujours un IPS supérieur, voire très supérieur aux établissements publics du même bassin. Votre amendement, s’il était adopté, conduirait à exacerber à l’échelle locale les inégalités entre les établissements privés qui, grâce au bonus, se verraient confier toujours plus de moyens, et les établissements publics qui continueraient d’en être privés.
Mme Céline Calvez (EPR). Certaines écoles privées jouent le jeu de la mixité. Dans ma circonscription, au sein d’un même réseau, une école favorise concrètement la mixité tandis que l’autre ne la cultive pas beaucoup. La solution que je propose serait intéressante puisque le bonus de l’un serait le malus de l’autre. Il s’agit de rester dans une enveloppe constante pour le financement des écoles privées sous contrat dans une académie. Encourageons les établissements privés qui jouent le jeu de la mixité !
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Le combat pour la mixité sociale doit prendre en considération les établissements publics comme privés. Nous ne voterons pas cependant cet amendement parce qu’il n’utilise pas le bon véhicule législatif. Par ailleurs, nous ne pensons pas que le travail approfondi mené par le rapporteur permettra un débat serein et constructif. Nous serons donc défavorables à tous les amendements sur ce texte.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur des comportements individuels mais sur une logique collective. Alors que les écoles publiques s’efforcent de traiter la question de la mixité sociale, les écoles privées s’en dispensent. Ce texte doit donc être voté par l’ensemble des parlementaires parce qu’il constitue un premier pas vers notre objectif commun, à savoir que l’école, qu’elle soit publique ou privée, forme des citoyens. Si nous ne créons pas de cohésion sociale dans le système éducatif, nous n’y parviendrons pas.
M. Paul Vannier, rapporteur. Il est vrai, même si c’est rare, que certaines écoles privées jouent le jeu. Celles-ci ne seraient pas concernées par le malus dès lors qu’elles seraient mixtes socialement et scolairement. Elles n’auraient pas pour autant à bénéficier d’un bonus parce que les écoles publiques environnantes ne pourraient pas y prétendre : étant soumises à la carte scolaire, ces dernières ne peuvent pas faire évoluer leur composition sociale et scolaire.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Il est difficile, quand on propose un amendement sur deux programmes budgétaires distincts, l’un concernant le privé et l’autre le public, de trouver une solution de vases communicants entre les deux. Cela ne règlerait d’ailleurs pas le problème puisque les cas de non-mixité se constatent majoritairement dans le privé.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AC19 et AC22 de M. Paul Vannier
M. Paul Vannier, rapporteur. Ces amendements visent à préciser que le service public de l’enseignement a un objectif de mixité non seulement sociale, mais également scolaire.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AC20 de M. Paul Vannier
M. Paul Vannier, rapporteur. L’amendement vise à préciser l’indicateur de mixité sociale et scolaire que je propose de créer en détaillant les modalités de sa construction. Celle-ci doit refléter l’effort éducatif des établissements à l’égard des élèves des milieux défavorisés et des élèves les plus en difficulté d’un point de vue scolaire, ces deux populations ne se recoupant pas, bien qu’elles présentent d’importants niveaux de corrélation.
Or l’indicateur de position sociale présente plusieurs faiblesses. Tout d’abord, il n’est pas défini par la loi et il n’est peut-être pas pertinent d’en figer la définition, afin de lui permettre d’évoluer. Ensuite, les méthodes selon lesquelles il est actuellement établi reposent en grande partie sur les établissements et pourraient susciter des stratégies de contournement. Enfin, il n’inclut aucune variable concernant le niveau scolaire des élèves et pourrait donc, en étant utilisé seul, conduire à un effet de bord par la captation des meilleurs élèves des milieux défavorisés par les établissements d’enseignement privé.
Pour ces différentes raisons, il semble pertinent de retenir des indicateurs objectifs et non contestables – la CSP des parents, le taux de boursiers par échelon dans le second degré, le résultat des évaluations nationales –, incluant également des données proprement scolaires.
M. Roger Chudeau (RN). Il ne relève pas du domaine de la loi de définir avec précision l’indicateur de mixité scolaire. L’IPS dans sa forme actuelle est un outil d’administration qui permet seulement l’allocation des moyens ; il s’agit d’un outil de pure administration. Il ne me semble pas que votre proposition s’inscrive dans les prérogatives du Parlement.
M. Erwan Balanant (Dem). Le sujet n’est pas tant la mixité que la réussite de tous les élèves, dans les villes comme dans les campagnes. Ayant effectué l’intégralité de mon éducation primaire dans un pensionnat privé avant de poursuivre mes études secondaires dans le public, je peux témoigner de la réussite des établissements publics et privés dans le Finistère et, plus largement, en Bretagne. Votre proposition remettrait en cause la liberté des territoires de s’organiser en fonction de leurs spécificités.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Je m’étonne que des députés ayant soutenu les différentes majorités du président Macron, qui n’ont cessé de demander des indicateurs objectifs, refusent cet amendement dont c’est précisément l’objet. Il vise en effet à se doter d’un indicateur fiable, de nature à aider le Parlement dans son travail. En effet, quand il existe autant d’exceptions, il convient de légiférer. Cela n’est plus du ressort du réglementaire.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Si certains ne veulent pas d’indicateur, c’est parce qu’ils ne veulent pas de mixité sociale. La réussite des élèves consiste certes à obtenir les meilleures notes, mais également à faire société avec des gens qui ne nous ressemblent pas. Or c’est sur ce point que notre République est menacée. Nous devons atteindre l’objectif de mixité sociale pour y remédier et, pour cela, il nous faut des indicateurs, d’autant plus nécessaires qu’il y a de l’argent public en jeu.
Mme Céline Calvez (EPR). Nous avons besoin d’indicateurs. Je regrette que l’on abandonne l’idée de consacrer l’IPS dans la loi, tout comme je déplore que votre amendement ne tienne pas compte du critère de la mobilité au sein d’un territoire – dans ma circonscription, par exemple, nous enregistrons quelque 10 % d’arrivées chaque année. Nous allons malheureusement voter contre cet amendement parce qu’il n’apporte pas les réponses attendues dans le débat sur l’IPS.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Les critères retenus pour les REP et les REP+ sont les mêmes depuis 2014 : catégories socioprofessionnelles, nombre d’élèves boursiers, taux de redoublants dans chaque établissement. Il s’agit donc de critères tout à fait habituels. L’amendement, même s’il peut être affiné, va dans le bon sens.
M. Paul Vannier, rapporteur. Je propose de renvoyer à un décret en Conseil d’État la définition de l’indicateur car cela ne relève pas de la loi. Je considère toutefois que c’est au législateur d’en fixer les principes.
L’indicateur variera dans le temps et sera renouvelé chaque année : il prendra donc en compte les effets de la mobilité résidentielle. Je n’abandonne pas l’IPS, qui est tout à fait utile et pertinent. Toutefois, la procédure de déclaration comporte une faiblesse puisque c’est le chef d’établissement qui renseigne le niveau d’IPS de son établissement sur la base des données qui lui sont transmises par les parents d’élèves. Or, de ce renseignement dépend le niveau de financement. Je propose de retenir la CSP des parents, c’est-à-dire précisément l’information qui permet de construire l’IPS. C’est un bon indicateur mais il ne suffit pas dans le dispositif que je propose.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AC21 de M. Paul Vannier
M. Paul Vannier, rapporteur. Il s’agit d’élargir le territoire considéré pour calculer la moyenne des indicateurs de mixité sociale des établissements publics, qui sert de référence à l’évaluation de la contribution de l’enseignement privé à la mixité socioscolaire. Les établissements privés ont en effet un périmètre de recrutement plus large que le seul secteur sur lequel ils sont implantés. En outre, les secteurs ne comprennent en général qu’un seul établissement public par cycle. Un élargissement du périmètre au secteur contigu est donc nécessaire pour calculer une moyenne rendant compte de l’effort éducatif des établissements publics environnants.
La commission rejette l’amendement.
Elle rejette l’article unique.
Après l’article unique
Amendement AC13 de M. Sacha Houlié
M. Sacha Houlié (NI). Il s’agit de donner une base légale à l’IPS.
M. Paul Vannier, rapporteur. Si je partage votre objectif d’assurer le recueil par l’État des données permettant de faire état des écarts de composition sociale entre les établissements, je donnerai un avis défavorable à cet amendement pour trois raisons.
Tout d’abord, la publication des données statistiques me semble bien assurée, même si cela a nécessité des recours devant la Cada (Commission d’accès aux documents administratifs) puis le tribunal administratif. Figer une donnée statistique dans la loi ou par un décret en Conseil d’État rend par ailleurs son évolution très difficile, alors que des modifications méthodologiques sont souvent indispensables. J’ai renoncé à faire entrer l’IPS dans la loi pour cette raison, mais aussi parce qu’il ne donne pas d’informations sur le niveau proprement scolaire des élèves. Enfin, le circuit de communication que vous prévoyez, s’agissant d’une donnée publique, me semble trop complexe et source de charges administratives peu justifiées.
M. Sacha Houlié (NI). La difficulté est que l’on peine à en obtenir la communication annuelle, d’où la base légale que je souhaite apporter à cet indice. Concernant l’évolution des caractéristiques, vous avez-vous-même déposé un amendement pour préciser le contenu de l’IPS. Ce n’est pas parce que l’on fige son nom que l’indice de position sociale ne sera pas amené à évoluer. Par ailleurs, vous n’avez cessé de déplorer le fait que ce sont les chefs d’établissement qui font remonter les informations. Donner une base légale à l’IPS permettra de procéder différemment. Les oppositions que vous avez manifestées ne se justifiant pas, je maintiens mon amendement.
M. Paul Vannier, rapporteur. Je ne cherche pas à définir l’IPS dans la proposition de loi. C’est d’ailleurs pour cela que je propose la création d’un nouvel indicateur. Nous devons en outre respecter la liberté scientifique des organismes qui produisent ce type de données. Il ne revient pas au législateur de figer leur travail, comme vous proposez de le faire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AC18 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Il s’agit de supprimer la possibilité offerte à l’État et aux collectivités d’aller au-delà de la subvention obligatoire en interdisant l’octroi de subventions facultatives. Certains établissements bénéficient en effet de subventions publiques facultatives très généreuses et sans aucune contrepartie. Cela s’inscrit dans le sens de la proposition de loi, certains élus pouvant être tentés de pallier avec de l’argent public la réduction de subvention obligatoire en cas de mixité sociale trop faible.
M. Paul Vannier, rapporteur. Vous proposez de supprimer les subventions d’investissement que les collectivités territoriales peuvent allouer aux seuls établissements privés du second degré d’enseignement général et qui peuvent constituer jusqu’à 10 % de leur budget annuel. Je ne peux que donner un avis favorable à cet amendement, pour trois raisons.
Tout d’abord, ces subventions sont contraires au principe de parité des financements entre établissements publics et privés. Si une collectivité veut donner davantage de moyens à des écoles publiques, elle a l’obligation d’en tenir compte dans le calcul du forfait d’externat versé aux établissements privés. Ce principe ne s’applique pas en revanche aux subventions versées aux établissements privés, ce qui est parfaitement anormal.
Ensuite, cela crée des inégalités territoriales puisque le niveau de financement de l’investissement des établissements privés est en grande partie déterminé par la couleur politique de la collectivité ainsi que par sa situation financière particulière, qui peut dépendre de nombreux autres facteurs.
Enfin, ces subventions d’investissement constituent un financement direct sur fonds publics d’un patrimoine privé, ce qui me paraît absolument injustifiable.
M. Roger Chudeau (RN). Comment ne pas voir que nous sommes en présence d’une offensive organisée, méthodique, systématique de destruction de l’enseignement catholique en France ? Cet amendement en est la preuve évidente. Vous ne pouvez pas compter sur nous pour le voter.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Cet amendement insinue que les maires et les présidents de collectivités locales pratiqueraient une forme de clientélisme. Or les élus locaux subventionnent parfois de manière très importante des établissements privés parce que ceux-ci jouent un rôle très particulier dans les territoires ruraux, comme c’est le cas en Bretagne. Par ailleurs, vous avez une vision très négative des établissements privés, qui ne rempliraient pas leurs obligations d’inclusion. Nous voterons résolument contre cet amendement.
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Un seul objectif : la justice, la loi et l’équité pour tous.
Mme Céline Calvez (EPR). Il convient peut-être de réfléchir à un autre modèle. Lorsque la seule école du village est privée, il serait dommage de priver la commune de la possibilité de lui verser une subvention facultative. Un village peut sauver l’école et l’école peut sauver un village.
En revanche, lorsqu’il y a plusieurs établissements, il serait peut-être bon de conditionner l’octroi de subventions supplémentaires au versement d’une aide réciproque aux autres établissements de la commune. Il est préférable de conserver cette liberté tout en la responsabilisant, afin que les investissements dans le système éducatif soient répartis au mieux entre les différents établissements.
M. Paul Vannier, rapporteur. Les communes ne sont pas concernées puisque seuls les établissements du second degré sont éligibles à ces subventions facultatives.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AC9 de Mme Céline Calvez
Mme Céline Calvez (EPR). Deux tiers seulement des instances académiques de concertation pour la mixité sociale et scolaire ont été installés. L’amendement a pour objet de rappeler la nécessité pour les académies de les créer et, si nécessaire, de les y obliger par la loi.
M. Paul Vannier, rapporteur. L’amendement consiste à créer de nouvelles instances de concertation pour la mixité sociale et scolaire. Elles seraient différentes de celles prévues par la loi « séparatisme », qui concernaient les établissements privés sous contrat, puisqu’elles réuniraient également des représentants des établissements publics et des parents d’élèves. Elles seraient spécifiquement chargées de la question de la mixité socioscolaire. Je les trouve donc plus intéressantes que les premières, même si je crains qu’elles ne donnent pas plus de résultats. J’aurais préféré un amendement visant à modifier les instances existantes. Je donnerai toutefois un avis de sagesse sur cet amendement.
M. Erwan Balanant (Dem). L’IPS n’a pas pour objet de dresser un état des lieux de la mixité mais seulement de faire une photographie d’un collège ou d’un lycée. Les écarts type ne sont pas connus ; un IPS peut reposer en partie sur des familles à 170 et sur d’autres à 38, ou au contraire sur des familles qui sont toutes à 100, ce qui signifie qu’il n’y a pas de mixité. Un bon collège ou un bon lycée est un établissement qui permettra à tous les enfants de réussir, quel que soit leur niveau, et l’on sait que celui-ci dépend non seulement des moyens financiers mais aussi de la formation et de la volonté des parents – les enfants de profs réussissent très bien alors qu’ils ne sont pas des enfants de riches. Mener un dialogue pour améliorer la mixité sociale et donc améliorer la réussite globale d’un établissement me semble être une bonne idée. Je voterai pour cet amendement.
M. Roger Chudeau (RN). Je vous rappelle qu’il existe dans chaque académie un conseiller académique de l’éducation nationale et dans chaque département un conseil départemental de l’éducation nationale (CDEN), qui peut parfaitement inscrire ce sujet dans son ordre du jour. Il est donc inutile de créer une instance supplémentaire dans un système qui croule déjà sous les comités Théodule.
Mme Céline Calvez (EPR). Je voudrais savoir, à ce niveau de débat, si l’on pouvait forcer l’ordre du jour des CDEN parce que, manifestement, ils ne se saisissent pas de cette question. Créer une instance les obligerait à aborder ce sujet qui n’est pas traité dans les instances existantes.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Je suis assez sensible à l’avis du rapporteur. Pourquoi certains recteurs et directeurs académiques ne réunissent-ils pas les instances prévues dans la communauté éducative ? Pourquoi les réunions sont-elles convoquées, au mépris de la loi, aux heures où les parents travaillent ? Pourquoi ne pas élargir ces instances, comme cela est possible, aux acteurs de la société civile, par exemple les associations, afin de bénéficier de leur expertise ? Plutôt que de créer une instance supplémentaire, il convient de faire vivre démocratiquement celles qui existent déjà.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Il existe beaucoup d’instances académiques de concertation, comme à Toulouse, où le recteur a mis en place en 2023 l’Observatoire Mixité. Avant d’en créer une nouvelle, il convient d’identifier les rectorats ayant créé de telles structures et de recenser les bonnes pratiques. Forts de cette analyse, nous pourrons alors envisager de mettre en place une instance cohérente avec l’existant.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AC17 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Cet amendement vise à obliger les directions d’établissements privés sous contrat à remettre un rapport annuel au rectorat sur les moyens mis en œuvre afin de rapprocher leurs indicateurs de mixité sociale de la moyenne pondérée des indicateurs de mixité sociale des établissements publics dans le même secteur.
M. Paul Vannier, rapporteur. L’amendement a le mérite d’inviter les chefs d’établissements privés sous contrat à conduire une réflexion sur les moyens d’améliorer la mixité socioscolaire en leur sein. J’y suis donc favorable.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Dans votre exposé des motifs, vous écrivez que « l’État ne peut cautionner que ces établissements privés ne fixent pas d’objectifs [de mixité sociale] ». Or le lycée qui a l’IPS le plus faible de France se trouve être un lycée privé sous contrat – le lycée professionnel de coiffure et d’esthétique des Abymes, en Guadeloupe, avec un IPS de 49,5. Pensez-vous sincèrement qu’il y a une volonté délibérée de ne pas fixer des objectifs de mixité sociale ? Non, c’est le reflet de la réalité de ce territoire. À l’inverse, l’établissement ayant l’IPS le plus élevé de France est un lycée public des Yvelines.
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Quand il pleut dans votre jardin, il ne pleut pas sur la planète entière : l’exception ne fait pas la règle.
Mme Géraldine Bannier (Dem). Quel levier peut actionner un directeur d’une petite école privée sous contrat d’un petit village français pour rapprocher son indicateur de mixité sociale de la moyenne pondérée des indicateurs de mixité sociale des établissements publics du même secteur ? Réveillez-vous : certaines écoles ne comptent qu’une vingtaine ou une quarantaine d’élèves ! C’est complètement inapplicable.
Mme Céline Calvez (EPR). Il existe un levier à la disposition des établissements : la possibilité de moduler leurs tarifs pour les rendre progressifs. Seul un établissement sur cinq y a recours. Cette possibilité, qui est à leur main, leur permet d’attirer des profils distincts de ceux qu’ils recrutent habituellement.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement AC15 de M. Sacha Houlié est retiré.
Amendement AC8 de Mme Céline Calvez
Mme Céline Calvez (EPR). Le protocole d’accord conclu entre le ministère de l’éducation nationale et le Secrétariat général de l’enseignement catholique (SGEC), qui représente plus de 90 % des établissements d’enseignement privés sous contrat, vise non seulement à encourager la tarification progressive, mais aussi à assurer la transparence et la transmission d’informations telles que le montant des contributions demandées aux familles et le montant des forfaits d’externat versés par les collectivités et par l’État.
Le présent amendement vise à inscrire ce protocole dans la loi, en le complétant par des indicateurs tels que les modes et les critères de sélection des élèves, ainsi que les critères de leur éviction. D’après le rapport d’information de nos collègues Vannier et Weissberg publié en avril, certains établissements, pour maintenir leurs bons résultats, prient des élèves de partir ailleurs.
M. Paul Vannier, rapporteur. Le présent amendement vise à donner une base légale à la première mesure du protocole d’accord conclu entre le ministère de l’éducation nationale et le SGEC visant à assurer la transparence des données relatives au financement des établissements privés sous contrat. Il vise en outre à y inclure des données relatives aux modalités de sélection et de poursuite de scolarité des élèves, conformément à l’une des propositions que M. Weissberg et moi-même avions formulées dans notre rapport publié en avril. Avis favorable.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Notre groupe votera cet amendement pour des raisons propres aux institutions que nous représentons et à celles qui en émanent, et parce qu’il nous semble qu’il permettra aux chercheuses et aux chercheurs qui s’intéressent à la question scolaire et mesurent la réalité sociologique de nos établissements de disposer d’un outil très utile. Nous le voterons à l’aune de ce qui doit nous guider : les Lumières et la rationalité.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AC10 de Mme Céline Calvez
Mme Céline Calvez (EPR). Il s’agit d’obtenir un rapport sur la mise en œuvre des instances académiques de concertation pour la mixité sociale prévues par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite loi « séparatisme ». Pour ma part, je préférerais des instances académiques de concertation réunissant les secteurs public et privé, ainsi que toutes les parties prenantes. Il n’en demeure pas moins intéressant de documenter la mise en œuvre des instances académiques de concertation pour la mixité sociale.
M. Paul Vannier, rapporteur. Les commissions de concertation créées par la loi dite « séparatisme » ne sont pas toutes installées. Par ailleurs, aucun bilan de leur activité en matière de mixité socioscolaire, à laquelle elles doivent veiller, ne nous a été transmis. Cet amendement me semble utile dans une perspective de contrôle de l’application effective de la loi. Avis favorable.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Ce rapport devrait se pencher sur les fractures territoriales. Nos débats ont soulevé la question des rôles respectifs du public et du privé dans la capacité à atteindre les objectifs de mixité sociale, pour conclure que l’opposition entre les deux contribuait à l’absence de mixité sociale. C’est parfaitement faux. Ce qui nourrit l’absence de mixité sociale, ce sont les fractures territoriales.
Au sein d’un département comme les Yvelines ou d’un département d’outre-mer, les écarts d’IPS sont plus ou moins significatifs. Plutôt qu’opposer le public et le privé, il faudrait déterminer comment notre système éducatif peut les réduire, par exemple en donnant aux territoires où les IPS sont les plus faibles – tel Mayotte, où les IPS sont les plus faibles de France – des moyens supplémentaires pour y garantir un enseignement de qualité et y améliorer la mixité sociale. La présente proposition de loi doit engager un travail approfondi sur la mixité sociale à l’échelle de nos territoires et sur les fractures territoriales qui en découlent.
M. Roger Chudeau (RN). Nous ne voterons pas cet amendement, qui nous semble relever d’une logique de soupçon permanent, comme l’ensemble du rapport Vannier-Weissberg, ce qui est tout à fait déplorable. Au demeurant, le rapport annuel de performances du programme 139 peut parfaitement aborder la question de la mixité sociale, dans la mesure où celle-ci est inscrite à l’article L. 111-1 du code de l’éducation. Un rapport supplémentaire est superfétatoire.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Nous voterons cet amendement, d’abord parce que, si d’aventure – je ne saurais l’imaginer – la présente proposition de loi n’était pas adoptée dans le cadre de notre niche parlementaire, cela permettra de remettre le sujet sur la table après objectivation. On a le droit de se tromper si l’on a des préjugés, mais on n’a pas le droit de voter sur cette base si on dispose d’informations réelles.
Par ailleurs, ce rapport permettra aux futurs députés de s’extraire des préjugés, tels que la guerre scolaire, qui sont autant d’anathèmes qui surgissent dans nos débats comme à la lecture d’un magazine généraliste. Il sera de nature à objectiver les choses, s’agissant notamment de la fragmentation territoriale, qui est une réalité dans notre République. Mayotte, c’est incontestable, n’est pas l’honneur de la République en matière éducative.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Si nos échanges confirment quelque chose, c’est bien qu’un tel rapport est nécessaire. Nous n’avons pas la même vision de ce que doit être l’école, de l’importance de la mixité sociale et de la façon de faire une République ensemble. Ce rapport devrait déjà exister sans qu’il soit nécessaire de le demander.
La commission adopte l’amendement.
Titre :
L’amendement AC23 de M. Paul Vannier est retiré.
M. Paul Vannier, rapporteur. Le rejet de l’article unique m’oblige à constater que la proposition de loi que j’ai présentée a été vidée de sa substance. J’appelle donc à voter contre ce texte devenu sans objet – sinon deux amendements portant article additionnel. À l’issue de nos débats, que j’ai trouvé plus riches que les précédents, je constate que, si nous sommes plus nombreux à faire le même diagnostic, la volonté de refonder le système de financement public des établissements privés sous contrat vieux de soixante-cinq ans, obsolète, n’est en revanche partagée que par les parlementaires issus des composantes du Nouveau Front populaire (NFP).
Vous souhaitez conserver le statu quo, alors même que tout indique qu’il ne permet pas de faire reculer la ségrégation socioscolaire. Si ma proposition de loi n’est pas adoptée par notre commission, je considère néanmoins que le contexte a profondément évolué, que nous sommes sortis de la longue période d’omerta de quarante années, et qu’il existe une volonté majoritaire dans notre pays pour revoir les modalités de financement public des établissements privés sous contrat. Je continuerai à m’employer, avec mes collègues du NFP, à faire en sorte que nous y parvenions dans les mois et les années à venir. Je suis absolument convaincu que nous devrons traiter la question à court ou à moyen terme.
L’ensemble de la proposition de loi est rejeté.
*
* *
En application de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique se déroulera sur la base du texte initial de la proposition de loi.
En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’éducation demande à l’Assemblée nationale de rejeter la proposition de loi visant à la refondation du modèle de financement public des établissements privés sous contrat afin de garantir la mixité sociale en leur sein (n° 418).
Annexe n° 1 :
liste des personnes entendues par le rapporteur
(par ordre chronologique)
Audition commune :
– Ministère de l’éducation nationale – direction des affaires financières (DAF) – Mme Marine Camiade, directrice, et M. François Corget, chef du bureau du budget, de la performance, et du dialogue de gestion
– Ministère de l’éducation nationale – direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) – M. Christophe Géhin, chef du service du budget et des politiques éducatives territoriales
Ministère de l’éducation nationale – direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) – Mme Magda Tomasini, directrice, et M. Olivier Monso, expert sur l’analyse des inégalités scolaires
M. Dominique Goussot, représentant de la Fédération nationale de la libre pensée (FNLP) et Mme Marie-Laure Tirelle, Secrétaire générale du comité national d’action laïque (Cnal), membres du collectif pour la défense de l’école publique laïque
M. Julien Grenet, directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
Annexe n° 2 :
textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi
Proposition de loi |
Dispositions en vigueur modifiées |
|
Article |
Codes et lois |
Numéro d’article |
Unique |
Code l’éducation |
L. 111‑1 |
([1]) OCDE, Le renforcement de la mixité sociale à l’école a-t-il un impact sur l’équité des résultats d’apprentissage ? Pisa à la loupe, #97, juin 2019.
([2]) Conseil d’évaluation de l’école, Ségrégation sociale en milieu scolaire : appréhender ses causes et déterminer ses effets, Revue de littérature, Document de travail n° 23-02, novembre 2023
([3]) Oberti M. et Savina Y., « Urban and school segregation in Paris : the complexity of contextual effectson school achievement », Urban Studies, 2019.
([4]) Le premier décile regroupe les 10 % d’élèves les moins performants scolairement.
([5]) Ces dispositions ont été codifiées à l’article L. 442-11 du code de l’éducation.
([6]) Cour des comptes, L’enseignement privé sous contrat, rapport thématique, juin 2023.
([7]) Voir infra, commentaire de l’article, Le droit existant.
([8]) L’enseignement catholique regroupe environ 96 % des établissements privés sous contrat en France.
([9]) Depp, Évolution de la mixité sociale des collèges, note d’informationn°24.19, mai 2024.
([10]) Boutchenik B., Givord P., Monso O. (2021). « Ségrégation urbaine et choix du collège : quelles contributions
à la ségrégation scolaire ? », Revue économique, 72 (5), 717 -747.
([11]) Le financement de l’enseignement privé sous contrat, P. Vannier et C. Weissberg, rapport d’information n° 2423 (XVIème législature), avril 2024.
([12]) Idem.
([13]) Cour des comptes, L’enseignement privé sous contrat, op.cit.
([14]) Indicateur de valeur ajoutée au collège (IVAC) et indicateur de valeur ajoutée au lycée (IVAL).
([15]) Décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977 et décision n° 93-329 DC du 13 janvier 1994.
([16]) L’article L. 442-9 du code de l’éducation prévoit que le montant du forfait d’externat « personnels » est calculé par rapport au coût moyen de rémunération de certaines catégories de personnels de direction, l’administration, de gestion, d’éducation et de santé, qui sont restés à la charge de l’État dans les établissements.
([17]) Loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l’État et les établissements d’enseignement privés.
([18]) Loi n° 77-1285 du 25 novembre 1977 relative à la liberté de l’enseignement.
([19]) Conseil d’État, n° 325846, 12 octobre 2011, commune de Clermont-Ferrand c/ Organisme de gestion de l’enseignement catholique Fénelon.
([20]) À l’exception de ceux des régions.
([21]) À ces tarifs s’ajoutent les frais de cantine et du périscolaire, plus élevés dans la plupart des établissements privés car non subventionnés par les communes.
([22]) L’Association des parents d’élèves de l’enseignement libre (Apel) estime à 15 % le nombre de familles scolarisant leur enfant dans un établissement catholique privé sous contrat pour un motif religieux.