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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 février 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 707),
DE MME NAÏMA MOUTCHOU
visant à étendre les compétences du Parquet européen aux infractions à l’environnement,
PAR Mme Naïma MOUTCHOU,
Députée
La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; M. Laurent MAZAURY, Mmes Manon BOUQUIN, Nathalie OZIOL vice‑présidents ; MM. Benoît BITEAU, Maxime MICHELET, secrétaires ; MM. , Gabriel AMARD, Philippe BALLARD, Guillaume BIGOT, Philippe BOLO, Nicolas BONNET, Mmes Céline CALVEZ, Colette CAPDEVIELLE, M. François-Xavier CECCOLI, Mme Nathalie COLIN-OESTERLÉ, MM. Julien DIVE, Nicolas DRAGON, Mme Pascale GOT, M. Michel HERBILLON, Mme Mathilde HIGNET, M. Sébastien HUYGHE, Mmes Sylvie JOSSERAND, Marietta KARAMANLI, MM. Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Mme Hélène LAPORTE, M. Jean LAUSSUCQ, Mme Constance LE GRIP, MM. Pascal LECAMP, Laurent LHARDIT, Alexandre LOUBET, Mathieu MARCHIO, Patrice MARTIN, Emmanuel MAUREL, Mme Yaël MENACHÉ, M. Nicolas METZDORF, Mmes Naïma MOUTCHOU, Danièle OBONO, MM. Pierre PRIBETICH, Alexandre SABATOU, Mme Sabrina SEBAIHI, MM. Charles SITZENSTUHL, Thierry SOTHER, Mmes Michèle TABAROT, Sabine THILLAYE, Anne-Cécile VIOLLAND, Caroline YADAN, Estelle YOUSSOUFFA.
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Pages
I. Le parquet européen a fait la preuve de son efficacité
A. Le Parquet européen fonctionne en harmonie avec les autorités nationales
B. Son bilan démontre les bénéfices d’une action intégrée au niveau européen
A. Une extension qui constitue un prolongement cohérent des missions du Parquet européen
B. Des modalités d’extension qui assureraient sa complémentarité avec les autorités nationales
proposition de résolution européenne adoptée en rÉunion de commisson
amendements examinés par la commission
annexe n° 1 : Liste des personnes auditionnées par lA rapporteurE
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Mesdames, Messieurs,
Le programme des Nations unies pour l’environnement comptabilisait en 2022 plus de 2 180 recours climatiques ouverts dans le monde, soit près de trois fois plus qu’en 2017 ([1]). Ce nombre en constante augmentation démontre la demande croissante de justice environnementale portée pas les citoyens.
En France, le Conseil constitutionnel a reconnu en 2020 la protection de l’environnement comme un objectif de valeur constitutionnelle considérant, sur le fondement de la Charte de l’Environnement, que « la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ». Plusieurs contentieux portés devant les juridictions administratives ont eu un écho significatif, à l’instar de « l’affaire du siècle » dans laquelle le tribunal administratif de Paris a reconnu la responsabilité de l’État du fait de son inaction contre le changement climatique ou de la saisine de la Commune de Grande-Synthe qui a conduit le Conseil d’État à enjoindre à l’État de prendre les mesures nécessaires afin de respecter ses engagements issus de l’Accord de Paris.
Mais ce mouvement est aussi européen. La Cour suprême des Pays-Bas a reconnu l’existence d'un consensus scientifique sur la gravité du changement climatique et ordonné au gouvernement néerlandais, sur le fondement de la Convention européenne des droits de l’homme, de diminuer de 25 % les émissions de gaz à effet de serre. La Cour constitutionnelle allemande a censuré partiellement une loi sur le climat, estimant qu’en concentrant les mesures de réduction d’émissions de gaz à effet de serre après 2030, le législateur portait atteinte aux libertés fondamentales des générations futures.
Dans cette marche de la justice pour l’environnement, le droit pénal ne saurait être mis de côté. Car il a vocation à exprimer des « valeurs reconnues par la conscience collective » ([2]) selon l’expression de Robert Badinter, il joue à ce titre un rôle de régulation sociale. De par sa finalité dissuasive, il doit également prévenir la dégradation de l’environnement dont les conséquences sont parfois difficilement réparables.
Alors que le Pacte vert pour l’Europe constitue une priorité politique affichée de l’Union européenne, l’établissement d’un véritable ordre public environnemental européen nécessite la définition d’une politique pénale en la matière. Or, force est de constater que la répression des atteintes à l’environnement ne constitue pas une priorité de politique pénale des États membres. Les affaires liées à la criminalité environnementale constituent moins de 1 % des saisines d’Eurojust.
Les infractions à l’environnement constituent pourtant un terreau fertile pour les organisations criminelles à la recherche d’activités lucratives présentant un faible risque pénal.
La criminalité environnementale a été classée par les Nations unies et l’agence Interpol au quatrième rang des activités criminelles les plus importantes au monde, avec un taux de croissance annuel estimé à deux ou trois fois celui de l’économie mondiale. De surcroît, la répression des réseaux criminels qui contournent les obligations de protection de la nature constitue aussi une condition de l’acceptabilité sociale des normes environnementales.
Les atteintes à l’environnement ont par nature une dimension très souvent transnationale, rendant la coopération européenne incontournable. En instaurant un organe commun de poursuite adapté aux formes les plus graves de criminalités qui traversent les frontières, le Parquet européen permet de remédier aux conséquences du morcellement de l’espace pénal européen.
Aujourd’hui limité aux atteintes aux intérêts financiers de l’Union, le Parquet européen constitue une véritable réussite de la construction européenne. Après seulement trois années d’activité, son bilan est déjà édifiant : près de 2 000 enquêtes sont en cours pour un préjudice estimé à 20 milliards d’euros. Le parquet a en outre procédé à 1,5 milliard d’euros de saisies en 2023.
L’extension de la compétence du Parquet européen à la criminalité environnementale grave et transnationale permettrait la définition d’une véritable politique pénale européenne en la matière, en l’érigeant en priorité d’action publique. Une telle extension constituerait un prolongement cohérent des compétences du Parquet européen en raison de sa mission de protection des intérêts financiers de l’Union, laquelle consacre désormais une part importante de son budget à la protection de l’environnement et du climat. De plus, le Parquet européen est déjà compétent pour certaines infractions étroitement liées à la nouvelle criminalité environnementale à travers la répression du blanchiment d’argent ou de la corruption.
La création d’un Parquet vert européen fait l’objet d’un fort consensus. Envisagée dès sa création, cette proposition est soutenue par le Parlement européen. Elle figure également dans le rapport remis en 2022 par le groupe de travail de la Cour de cassation relatif au droit pénal de l’environnement présidé par M. François Molins. Elle constituerait un signal fort envoyé en faveur de la justice pénale environnementale.
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première partie : LA répression pénale des atteintes à l’environnement demeure insuffisante face au développement de la criminalité environnementale
I. La lutte contre la criminalité environnementale dans l’Union s’effectue à travers les instruments européens de coopération judiciaire
A. La lutte contre la criminalité environnementale au niveau européen repose sur les instruments de coopération judiciaire mis en place dans le cadre de l’espace de liberté, de sécurité et de justice
La coopération judiciaire européenne s’est développée à la faveur de l’élimination progressive des contrôles aux frontières au sein de l’Union, nécessitant la mise en place de mesures dites compensatoires afin de prévenir le développement de la criminalité transnationale qui pourrait en résulter.
Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, l’article 67 du TFUE dispose que « l’Union œuvre pour assurer un niveau élevé de sécurité par des mesures de prévention de la criminalité ». Il prévoit également qu’elle peut adopter des mesures de lutte contre celle-ci, par des instruments de coordination et de coopération entre autorités policières et judiciaires, ainsi que par la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en matière pénale et, si nécessaire, par le rapprochement des législations pénales des États membres.
La reconnaissance mutuelle des décisions de justice, corollaire du principe de confiance mutuelle, a ainsi constitué la pierre angulaire de la coopération judiciaire. Elle a été progressivement complétée par des mesures de rapprochement des législations, considérées comme indispensables pour faciliter effectivement la coopération entre juridictions et établir des standards minimums communs.
L’article 82 du TFUE permet ainsi le rapprochement des procédures tandis que l’article 83 TFUE prévoit l’harmonisation matérielle du droit pénal.
Au titre de l’article 83 TFUE, l’Union européenne est compétente pour fixer « des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans les domaines de criminalité particulièrement graves revêtant une dimension transfrontière ». Ces domaines, définis par le traité, sont le terrorisme, la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants, le trafic illicite de drogues, le trafic illicite d’armes, le blanchiment d’argent, la corruption, la contrefaçon de moyens de paiement, la criminalité informatique et la criminalité organisée.
Au titre du second paragraphe de l’article 83 du TFUE, l’Union européenne peut également adopter des règles minimales en matière d’infractions pénales et de sanctions « lorsque le rapprochement des dispositifs législatifs et réglementaires des États membres en matière pénale s’avère indispensable pour assurer la mise en œuvre efficace d’une politique de l’Union dans un domaine ayant fait l’objet de mesures d’harmonisation ».
Outre le rapprochement des législations, l’Union européenne a également mis en place un certain nombre d’instruments afin de faciliter la conduite des enquêtes entre États membres.
Les instruments d’entraide judiciaire sont principalement constitués du mandat d’arrêt européen et de la décision d’enquête européenne. Celle-ci est une décision judiciaire émise ou validée par une autorité judiciaire d’un État membre de l’UE permettant de faire exécuter des mesures d’enquête en vue de recueillir des preuves en matière pénale dans un autre État membre.
En outre, les États membres peuvent s’appuyer sur l’agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale, dite Eurojust, dont l’existence est prévue par l’article 85 du TFUE. Elle a pour mission « d’appuyer et de renforcer la coordination et la coopération entre les autorités nationales chargées des enquêtes et des poursuites relatives à la criminalité grave affectant deux ou plusieurs États membres ou exigeant une poursuite sur des bases communes, sur la base des opérations effectuées et des informations fournies par les autorités des États membres et par Europol ». L’agence fonctionne comme une plateforme permettant aux autorités judiciaires nationales d’entrer en contact, de collaborer et d’assurer un suivi commun des enquêtes.
Elle dispose ainsi de la faculté d’organiser des réunions de coordination entre les autorités nationales lorsque des enquêtes concernent plusieurs États membres. Elle peut également mobiliser les instruments de coopération judiciaire, comme le mandat d’arrêt européen ou la décision d’enquête européenne.
Eurojust dispose de la faculté de financer des équipes communes d’enquête (ECE), auxquelles elle fournit un soutien juridique et pratique. Les équipes communes d’enquête prennent la forme d’un accord juridique entre les autorités compétentes de deux ou plusieurs États dans le but de mener en commun une enquête pénale. Composées de procureurs, d’enquêteurs et de juges, les équipes communes d’enquête sont établies pour une période déterminée, généralement comprise entre 12 et 24 mois, dans la mesure où cela est nécessaire pour mener à bien les enquêtes. Une fois l’ECE mise en place, les partenaires peuvent échanger directement des informations et des preuves, coopérer en temps réel et mener des opérations conjointes. En outre, les ECE permettent aux magistrats d'être présents lors des mesures d’enquête sur le territoire d’un autre État membre, et donc de partager leur expertise technique et leurs ressources humaines de manière plus efficace.
En revanche, Eurojust n’a pas d’autorité judiciaire : si depuis le Traité de Lisbonne l’agence dispose du pouvoir d’ouvrir une enquête, elle ne peut en revanche décider de l’engagement des poursuites. Elle demeure fortement dépendante des demandes d’assistance effectuées par les autorités nationales.
B. Face à la croissance de la criminalité environnementale, un renforcement des instruments européens a été nécessaire
La criminalité environnementale fait l’objet d’une inquiétude croissante au sein de l’Union européenne. Elle figurait parmi l’une des dix priorités retenues par le programme de lutte contre la criminalité organisée de l’UE dans le cadre de la plateforme pluridisciplinaire européenne contre les menaces criminelles dite EMPACT. Elle est susceptible de prendre différentes formes : le commerce illégal de flore et d’espèces sauvages, l’exploitation forestière illégale, la pêche illégale, le déversement et le commerce illégal de déchets et substances dangereux et toxiques ou encore l’exploitation et le commerce illégal de minerais.
En 2020, Europol estimait par exemple que les revenus tirés par les organisations criminelles du trafic de déchets dangereux dans l’UE étaient compris entre 1,5 et 1,8 milliard d’euros, tandis que les profits générés par le trafic de déchets non dangereux pouvaient atteindre jusqu’à 10 milliards d’euros ([3]). La valeur mondiale du crime environnemental transnational est estimée à 213 milliards de dollars.
Des règles minimales en matière de définition des infractions environnementales et des sanctions ont été instaurées dans l’Union par la directive 2008/99/CE sur la protection de l’environnement par le droit pénal. Celle-ci définit un certain nombre de comportements illicites que les États membres doivent ériger en infraction pénale lorsqu’ils ont été commis intentionnellement ou par négligence grave.
Toutefois, face aux résultats décevants de l’évaluation de cet instrument, et dans la lignée du Pacte vert, la Commission européenne a présenté une nouvelle proposition de directive en décembre 2021, ayant vocation à remplacer celle de 2008.
La nouvelle proposition vise à répondre aux lacunes identifiées dans le précédent instrument. La Commission avait notamment relevé :
- l’absence de données statistiques cohérentes ou fiables sur la criminalité environnementale ;
- des niveaux de sanctions particulièrement bas dans la législation nationale de certains États membres ;
- l’absence de dispositions pour soutenir la coopération transfrontalière ;
- l’absence d’incrimination des nouveaux types de criminalité environnementale.
Au terme de l’accord obtenu en trilogue le 16 novembre 2023 entre le Parlement et le Conseil, la proposition de directive consacre plusieurs avancées :
- elle définit plus précisément la criminalité environnementale et harmonise de nouvelles infractions pénales, comme le commerce illicite de bois, le recyclage illégal des navires, et le captage illégal de l’eau, faisant passer de neuf à dix-huit le nombre d’infractions environnementales inscrites dans le droit pénal de l’UE ;
- elle introduit des infractions qualifiées, proches de la notion d’écocide existante en droit français, lorsque les infractions visées par la directive sont commises intentionnellement et causent la destruction, la dégradation irréversible, étendue et substantielle, ou la dégradation durable, étendue et substantielle d’un écosystème d’une taille considérable ou d’une grande valeur environnementale, ou d’un habitat naturel au sein d’un site protégé, ou de la qualité de l’air, de la qualité du sol ou de la qualité de l’eau ;
- elle harmonise le niveau des sanctions minimales applicables aux personnes physiques et, pour la première fois, aux personnes morales dans tous les États membres et prévoit des sanctions complémentaires comme des mesures de remise en état et l’exclusion des marchés publics, ou l’exclusion de financements publics ;
- elle aggrave les peines encourues pour les personnes physiques comme les personnes morales, ces dernières pourront se voir infliger, pour les infractions les plus graves, une amende maximale d’au moins 5 % de leur chiffre d’affaires mondial ou, à défaut, de 40 millions d’euros ;
- elle encourage le signalement d’infractions environnementales, par la protection des lanceurs d’alerte et autres personnes qui communiquent des informations ou fournissent des preuves dans le cadre d’une enquête relative à des infractions pénales liées à l’environnement.
En revanche, la proposition de directive n’apporte pas de nouvelle disposition sur le plan de la coopération judiciaire européenne.
La directive 2024/1203 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal a été adoptée par le Parlement européen le 27 février 2024 et approuvée par le Conseil le 26 mars 2024.
II. Les atteintes à l’environnement demeurent insuffisamment prises en compte au sein des politiques pénales des états membres
La coopération judiciaire européenne demeure faible en matière de criminalité environnementale comme le déplorait l’agence Eurojust ([4]).
En 2023, Eurojust a traité plus de 13 000 dossiers au total. L'agence a également organisé 577 réunions de coordination et mis en place 21 centres de coordination. Elle a apporté un soutien juridique, technique, financier ou opérationnel à 288 équipes communes d’enquête, facilité l’exécution de 1 259 mandats d’arrêt européens et contribué à l’arrestation de plus de 4 200 suspects. De plus, Eurojust a permis la saisie ou le gel d’avoirs criminels d’une valeur dépassant 1 milliard d’euros. L'agence a également produit 1 013 résultats opérationnels sous forme d’analyses et de notes juridiques.
Les trois principaux types d’infraction traités par Eurojust en 2023 sont l’escroquerie et la fraude, le trafic de drogue et le blanchiment d’argent. Deux tiers de l’ensemble des affaires traitées par l’agence en 2023 concernaient l’un de ces types de criminalité. Au total, plus de 4 000 affaires portaient sur des infractions liées à l'escroquerie et à la fraude, tandis que plus de 2 400 concernaient le trafic de drogue et plus de 2 200 le blanchiment d’argent.
À titre de comparaison, au cours de la période de cinq ans comprise entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2018, un total de 57 dossiers de criminalité environnementale ont été enregistrés auprès de l’agence. Ainsi, les dossiers relatifs à la criminalité environnementale ont représenté moins de 1 % du nombre total de dossiers traités par Eurojust au cours de cette période. Ces dossiers ont été ouverts par 16 bureaux nationaux. Cependant trois pays (Pays-Bas, Allemagne et la France) représentent à eux seuls plus de la moitié des saisines. Enfin, 25 dossiers ont été ouverts en 2018 dans l’unique affaire du « Dieselgate ». L’agence estime ainsi que les saisines des États membres sont insuffisantes au regard de l’ampleur de la criminalité environnementale.
La moitié des saisines d’Eurojust dans le domaine de la criminalité environnementale concernait le trafic de déchets et le trafic de faune. De plus, dans les deux tiers des affaires dont elle a été saisie, la criminalité environnementale était associée à un autre type d’infraction.
Selon Eurojust, la coopération judiciaire européenne en matière environnementale fait face à de nombreuses difficultés juridiques et pratiques liées à la nature complexe des enquêtes, nécessitant l’investissement d’importantes ressources.
L’agence constate tout d’abord une méconnaissance du cadre juridique européen en la matière et le maintien de divergences d’interprétation de certains concepts juridiques clefs entre États membres, faisant obstacle à la coopération judiciaire transfrontalière.
La coopération européenne est également complexifiée par l’existence de pratiques et d’approches différentes face à la criminalité environnementale au sein des États membres, notamment dans l’articulation des sanctions administratives et pénales. L’agence estime également que les États membres font face à un manque de ressources et de formation des professionnels, engendrant une faible incitation pour les autorités nationales compétentes à s’impliquer activement dans des enquêtes internationales complexes, notamment en raison de l’existence d’autres priorités de politique pénale.
Il convient de relever que le mouvement de renforcement du droit pénal de l’environnement est également en cours à l’échelle nationale.
Deux rapports ont pointé les insuffisances de la réponse pénale en matière environnementale. Le rapport remis en 2022 par le groupe de travail de la Cour de cassation relatif au droit pénal de l’environnement ([5]) fait le constat d’une diminution du nombre d’infractions portées devant les tribunaux correctionnels ainsi qu'une réduction des peines prononcées.
Selon les chiffres présentés par la direction des affaires criminelles et des grâces, les infractions à l’environnement représentent 40 000 affaires portées devant les juridictions pénales. Ce qui, selon le rapport du groupe de travail de la Cour de cassation, représente 0,5 % à 1 % des affaires traitées.
Le rapport du groupe de travail de la Cour de cassation relève la préférence donnée aux alternatives aux poursuites qui représentent 75 % de la réponse pénale en la matière, principalement via des rappels à la loi ou des classements sans suite. Le rapport estime que huit fois plus de dispenses de peine sont prononcées dans le domaine de la répression environnementale par les tribunaux correctionnels. Les peines d’amende représentent 71 % des sanctions aux délits environnementaux contre 35 % pour l’ensemble des délits.
Le rapport de la mission d’évaluation des relations entre justice et environnement ([6]) pointait en 2019 un certain nombre de facteurs participant à la faible judiciarisation des atteintes à l’environnement. En plus de la technicité de cette matière, la mission constatait la grande fragmentation du droit pénal de l’environnement éparpillé dans plusieurs codes différents. La direction des affaires criminelles et des grâces estime ainsi que le droit pénal de l’environnement comprend plus de 3 000 infractions. Cet éparpillement nuit à la lisibilité du droit pénal de l’environnement tant pour les justiciables que les praticiens.
La fragmentation tient également à l’articulation entre droit administratif et droit pénal et la préférence donnée aux sanctions administratives. Le droit pénal de l’environnement se « caractérise par un faible nombre d’incriminations généralistes et autonomes » ([7]). La constitution des infractions pénales est souvent subordonnée à la violation d’une norme administrative. La mission estime ainsi que le « recours aux infractions par renvoi aboutit à une protection fragmentée et sectorielle dépourvue de cohérence d’ensemble ». De plus, le traitement administratif des violations des règles environnementales nuit à l’information précoce de l’autorité judiciaire.
Afin de remédier à certaines de ces carences, le cadre juridique national a été étoffé. La loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée procède à une plus grande spécialisation des juridictions. Elle crée, dans le ressort de chaque cour d’appel, des juridictions spécialisées en matière d’atteintes à l’environnement. L’architecture juridictionnelle de répression des atteintes à l’environnement s’articule désormais autour de différents niveaux de juridictions :
- les affaires ne présentant pas de gravité particulière sont traitées par les juridictions de droit commun ;
- les contentieux complexes, en raison notamment de leur technicité, de l’importance du préjudice ou du ressort géographique sur lequel ils s’étendent sont désormais traités par les nouveaux pôles régionaux spécialisés ;
- les pollutions maritimes sont traitées par les juridictions du littoral spécialisées (JULIS) ;
- certaines affaires d’ampleur particulièrement importante telles que les pollutions de grande échelle liées à un produit réglementé ou le contentieux des catastrophes environnementales et industrielles relèvent de la compétence des deux pôles interrégionaux spécialisés de Paris et Marseille dédiés aux questions de santé publique et aux accidents collectifs (JIRS) ;
- les affaires graves présentant un lien avec la criminalité organisée relèvent des juridictions interrégionales spécialisées ou, dans les cas les plus graves, de la compétence de la juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée.
Cette architecture juridictionnelle permet une réponse graduée en fonction de la gravité de l’atteinte environnementale et couvre l’ensemble du spectre des infractions environnementales, des infractions du « quotidien » aux délits les plus graves.
En outre, la loi du 24 décembre 2020 instaure également la possibilité de conclure une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) en matière environnementale dans l’objectif de favoriser la réparation des dommages par les personnes morales.
Enfin, il convient également de relever que le droit pénal matériel s’est enrichi depuis la loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience », laquelle introduit le délit d’écocide à l'article L. 231-3 du code de l'environnement. Ce délit recouvre deux infractions distinctes qui sont le fait, d’une part, de commettre intentionnellement des atteintes à l’eau, à l’air, à la faune et à la flore et le fait, d’autre part, d’abandonner, de déposer ou de faire déposer des déchets sans satisfaire aux prescriptions légales, lorsque cela entraîne des atteintes graves et durables à la santé, à la flore, à la faune ou à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau.
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deuxième partie : L’extension des compétences du parquet européen à la criminalité environnementale grave permettrait la définition d’une véritable politique pénale européenne dans ce domaine
I. Le parquet européen a fait la preuve de son efficacité
A. Le Parquet européen fonctionne en harmonie avec les autorités nationales
Proposée dès 1997 par un groupe d’experts présidé par Mireille Delmas‑Marty, la possibilité de créer un Parquet européen a été insérée par le Traité de Lisbonne à l’article 86, alinéa 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
Après l’échec du premier projet présenté par la Commission européenne et l’absence d’unanimité au Conseil, c’est sur le fondement d’une coopération renforcée que le Parquet européen a été créé par le règlement 2017/1939 du 12 octobre 2017, autour d’un groupe composé d’une vingtaine d’États membres. À ce jour, vingt-deux États membres ont rejoint la coopération renforcée.
Le traité de Lisbonne limite la compétence du Parquet européen à la seule protection des intérêts financiers de l’Union. Selon le règlement portant création du Parquet, les « intérêts financiers de l’Union » correspondent à « l’ensemble des recettes perçues et des dépenses exposées, ainsi que des avoirs, qui relèvent du budget de l’Union et des budgets des institutions, organes et organismes institués en vertu des traités ou des budgets gérés et contrôlés par eux ». La directive relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal dite « PIF » procède à l’harmonisation de la définition de ces infractions et des sanctions encourues. Ainsi, le Parquet européen a vocation à s’intéresser aux fraudes aux dépenses et recettes européennes et également aux activités criminelles transfrontalières comme la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la corruption et le blanchiment d’argent.
Le Parquet européen est compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs et complices de ces infractions pénales.
À cet égard, le Parquet européen diligente des enquêtes, effectue des actes de poursuite et exerce l’action publique devant les juridictions compétentes des États membres. Le Parquet européen dispose de réels pouvoirs d’investigation transfrontières sans avoir besoin de recourir aux instruments d’entraide et de reconnaissance mutuelle. Il peut demander le gel de comptes bancaires ou d’actifs.
Le Parquet européen peut décider d’ouvrir une enquête à la suite d’un signalement qui lui a été adressé. Il dispose également d’un droit d’évocation afin de se saisir d’une enquête ouverte dans un État membre lorsque les infractions relèvent de sa compétence.
En application de l’article 24 du règlement, les institutions, organes et organismes de l’Union et les États membres ont l’obligation de signaler au Parquet européen tout comportement délictueux à l’égard duquel celui-ci pourrait exercer sa compétence.
Les mesures d’enquête et d’engagement des poursuites sont prises conformément au droit de l’État membre concerné. Les preuves recueillies par le Parquet européen sont en principe admissibles devant toutes les juridictions nationales. Les affaires instruites par le Parquet européen sont jugées devant les juridictions nationales des États membres. En France, le tribunal judiciaire de Paris est la juridiction compétente en la matière.
Alors que la proposition initiale de la Commission européenne prévoyait que le niveau central du Parquet soit incarné par un procureur unique, l’architecture retenue est collégiale et décentralisée et permet une articulation fluide entre le niveau européen et les autorités nationales via les procureurs européens délégués.
Le Parquet européen est un organe indépendant et indivisible de l’Union avec un niveau central et un niveau décentralisé.
Le niveau central du Parquet européen, le « Bureau central » est composé, du chef du Parquet européen et de ses adjoints, du collège composé d’un procureur européen par État membre et des chambres permanentes. Les chambres permanentes, qui sont au nombre de 15, sont composées de trois procureurs. Elles supervisent et dirigent les enquêtes, décident des classements sans suite, des procédures de poursuites simplifiées ou des renvois des affaires devant les juridictions nationales.
Afin d’assurer le bon déroulement de la procédure, le procureur européen chargé de la surveillance de l’affaire est le membre national de l’État membre dans lequel la majorité des infractions en cause ont été commises. Ce rôle particulier s’explique par la connaissance nécessaire de la procédure de son pays d’origine et son rapport privilégié avec les procureurs européens délégués qui travaillent au niveau décentralisé. En contrepartie, les dossiers sont traités par les chambres permanentes qui n’ont aucun lien avec le pays concerné.
Le niveau décentralisé du Parquet européen est constitué par les procureurs européens délégués, qui sont affectés dans les États membres. Ils sont chargés du suivi opérationnel des enquêtes et des poursuites. Ils agissent au nom du Parquet européen conformément au principe de l’indivisibilité du Parquet européen : une décision du procureur européen délégué français vaut décision du Parquet. De plus, la coopération entre les différents procureurs européens délégués dans les États membres permet de simplifier considérablement les enquêtes transfrontalières.
Chaque État membre compte au moins deux procureurs européens délégués. Au 31 décembre 2023, la France comptait 6 procureurs européens délégués contre 19 pour l’Allemagne. Un 7e procureur européen délégué devrait toutefois être recruté prochainement.
Cette architecture, certes complexe, a toutefois permis d’assurer la bonne intégration du Parquet européen dans les structures nationales grâce au rôle pivot des procureurs européens délégués. L’ensemble des personnes entendues dans le cadre de ce rapport a souligné la très bonne coopération des États membres avec le Parquet européen.
B. Son bilan démontre les bénéfices d’une action intégrée au niveau européen
Le Parquet européen est opérationnel depuis le 1er juin 2021, le bilan de ses trois premières années d’activité est extrêmement positif.
Au 31 décembre 2023, 1 927 enquêtes étaient en cours, pour un préjudice estimé à plus de 19,2 milliards d'euros. 86 enquêtes concernent la France pour un préjudice estimé à 511 millions d’euros.
Parmi le total des enquêtes, 33 % concernaient la fraude aux dépenses du budget de l’UE et 20 % la fraude à la TVA.
Le Parquet européen a connu une augmentation significative de son activité en 2023. Ainsi, le Parquet a traité 4 187 signalements d’infractions, soit 26 % de plus qu'en 2022. Cette hausse est principalement due à l’augmentation de 30% des signalements émanant de particuliers, mais aussi des autorités nationales, lesquels se sont élevés à 1 562, soit 24 % de plus qu'en 2022.
Ainsi, sur la base de ces signalements, le Parquet a ouvert 1 371 enquêtes en 2023, soit 58 % de plus qu'en 2022.
Enfin, le Parquet a procédé à 139 mises en accusations, soit 50 % de plus qu'en 2022. Les juges nationaux ont accordé aux procureurs européens délégués des ordonnances de gel des avoirs d'une valeur de 1,5 milliard d'euros, soit quatre fois plus qu'en 2022. Enfin, 48 condamnations et 5 acquittements ont été prononcés sur les affaires poursuivies par le Parquet européen.
Signe de son succès, le Parquet européen a connu en 2024 un élargissement avec l’adhésion de la Pologne et de la Suède, portant à 24 le nombre total d’États membres participants. Ces deux dernières adhésions constituent un élargissement important du champ d’action du Parquet européen, renforçant ainsi sa capacité à lutter contre la fraude affectant les intérêts financiers de l'Union européenne.
De même, une extension des compétences du Parquet européen à la poursuite des infractions liées à la violation des mesures restrictives de l’Union est soutenue par la Commission européenne, sur l’impulsion de la France et de l’Allemagne. La Commission a proposé, le 5 décembre 2022, un projet de directive, relative à la définition des infractions pénales et des sanctions applicables en cas de violation des mesures restrictives qui pourra constituer la base de la compétence matérielle du Parquet européen.
II. L’extension des compétences du parquet européen à la criminalité environnementale permettrait de faire de la protection de l’environnement une priorité de politique pénale au sein de l’Union Européenne
A. Une extension qui constitue un prolongement cohérent des missions du Parquet européen
Le traité de Lisbonne limite à ce jour la compétence du Parquet européen à la protection des intérêts financiers de l’Union. Toutefois, une extension des compétences du Parquet européen à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière est prévue à l’article 86 paragraphe 4 du TFUE.
L’extension des compétences du Parquet européen requiert l’unanimité au Conseil européen, après approbation du Parlement européen et consultation de la Commission européenne. En conséquence, tous les États membres, qu’ils participent à la coopération renforcée ou non, devraient donner leur accord à cette extension.
La pertinence et les bénéfices de l’extension des compétences du Parquet européen à la criminalité environnementale se fondent sur plusieurs éléments rappelés par le procureur européen français Frédéric Baab.
En premier lieu, une telle extension de la compétence matérielle du Parquet européen apparaît cohérente avec sa mission de protection des intérêts financiers de l’Union, laquelle consacre actuellement 30 % de son budget à la protection de l’environnement et du climat auquel s’ajoute 37 % du montant total du plan de relance (soit plus de 275 Md€).
À cet égard, à la fin de l'année 2023, 206 enquêtes liées au financement de NextGenerationEU étaient actives, avec un préjudice estimé à plus de 1,8 milliard d'euros. Cela représente environ 15 % de tous les cas de fraude aux dépenses traités par le Parquet mais en termes de dommages estimés, cela correspond à près de 25 %. En France, la fraude aux financements issus du plan de relance et fléchés vers des investissements verts constitue un point d’attention à travers notamment les systèmes de fraude au dispositif « MaPrimeRenov ».
De plus, ce qui distingue aujourd’hui le Parquet européen des autres dispositifs de coopération judiciaire en Europe, c’est sa capacité à définir lui-même une politique pénale au niveau européen sans être dépendant des saisines effectuées par les États membres. Le doter de compétence en matière environnementale permettrait ainsi d’ériger la protection de l’environnement en priorité de politique pénale.
Enfin, la mise en place d’un Parquet vert européen permettrait une action plus intégrée au niveau européen afin de remédier aux limites identifiées de la coopération judiciaire intergouvernementale.
B. Des modalités d’extension qui assureraient sa complémentarité avec les autorités nationales
Conformément au principe de subsidiarité, l’extension de la compétence du Parquet européen est limitée par les traités aux infractions présentant un caractère transnational qui touchent au moins deux États membres et nécessitent dès lors la mise en œuvre d’une coopération judiciaire. En ciblant ainsi la criminalité environnementale grave et transnationale, le dispositif d’extension des compétences du Parquet européen serait cohérent avec le cadre existant en matière d’atteintes aux intérêts financiers de l’UE, qui prévoit des seuils de gravité mesurés à partir du préjudice financier afin de déterminer la compétence du Parquet européen.
Cela permettrait ainsi d’intégrer pleinement le Parquet européen dans le dispositif de réponse juridictionnelle graduée prévu par le cadre national en fonction de la gravité des délits environnementaux.
De plus, ces infractions les plus graves telles que les trafics de déchets, les trafics de substances dangereuses, réglementées ou interdites, ainsi que les trafics de faune et de flore protégées constituent les principaux domaines de développement récent de la criminalité organisée en matière environnementale. Ces trafics financent les organisations criminelles œuvrant aussi dans d’autres domaines et dont la répression est indispensable pour assurer la réalisation de l’espace de liberté de sécurité et de justice voulu par l’Union.
De plus, ces infractions représentaient les principales demandes d’entraide judiciaire effectuées par les États membres en matière environnementale, signe qu’il est nécessaire de renforcer l’efficacité de la coopération dans ce domaine.
Enfin, au regard de l’ensemble de ces éléments, la nouvelle directive européenne relative à la protection de l’environnement par le droit pénal procède précisément à l’harmonisation de ces infractions. Les circonstances aggravantes de commission de l’infraction dans le cadre d’une organisation criminelle, de même que l’existence d’avantages financiers importants, sont également expressément visées dans le texte. Cette nouvelle directive pourrait donc servir de base à la compétence d’un futur Parquet vert européen.
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L’Union européenne a placé la protection de l’environnement au cœur de son action. La loi européenne sur le climat relevait la menace existentielle que pose le changement climatique. Cela nécessite de mobiliser l’ensemble des outils dont nous disposons afin de lutter contre les atteintes à l’environnement. Le Parquet européen, qui a fait la preuve de son efficacité, en fait partie à travers la définition d’une véritable politique pénale environnementale à l’échelle européenne.
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La commission s’est réunie le mercredi 5 février 2025, sous la présidence de M. Thierry Sother, vice-président, pour examiner la présente proposition de résolution européenne.
M. le vice-président Thierry Sother. Nous en venons à l’examen de la proposition de résolution européenne visant à étendre les compétences du Parquet européen aux infractions à l’environnement. La parole est à sa rapporteure.
Mme Naïma Moutchou, rapporteure. La dissolution de la précédente Assemblée nationale, intervenue le 9 juin 2024, a entraîné l’interruption de l’ensemble des procédures législatives en cours, y compris celles relatives aux propositions de résolution. De ce fait, l’examen de la proposition de résolution visant à étendre les compétences du Parquet européen aux infractions environnementales, que j’avais portées sous la précédente législature, n’avait pas pu être mené à son terme malgré son adoption en commission. Je me réjouis que nous puissions aujourd’hui reprendre nos travaux.
Il y a près de cinq ans, je présentais devant la commission des lois le texte instaurant le Parquet européen en France. Aujourd’hui, je suis heureuse de vous soumettre à nouveau une proposition de résolution européenne visant à élargir ses compétences aux infractions environnementales.
Je me réjouis du chemin parcouru depuis. Alors que la mise en place du Parquet européen avait pu susciter des inquiétudes, concernant notamment son articulation avec les juridictions des États membres notamment, le bilan de ses trois années d’activité démontre la réussite de ce projet.
Le Parquet européen constitue désormais une pièce maîtresse de l’architecture de justice et de sécurité de l’Europe en poursuivant les auteurs d’infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. Quelques chiffres suffisent d’ailleurs à illustrer la contribution du parquet européen à la lutte contre la fraude : au 31 décembre 2023, près de 2 000 enquêtes étaient en cours, pour un préjudice estimé à environ 20 milliards d'euros. Sur l’année 2023 le Parquet a procédé à la saisie d’1,5 milliard d’euros.
La question de l’extension des compétences du Parquet européen au-delà des seules infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’UE s’est posée dès sa création. Elle se pose aujourd’hui avec une force particulière s’agissant de la criminalité environnementale, au regard de l’urgence climatique que nous vivons.
La criminalité environnementale connaît en effet une croissance inquiétante. Elle est souvent le fait d’organisations criminelles à la recherche d’activités fortement lucratives mais dont le risque pénal – et le procureur a insisté sur ce sujet – est bien inférieur à d’autres infractions plus classiques tels que le trafic de stupéfiant. Elle a été classée par les Nations unies et l’agence Interpol au quatrième rang des activités criminelles les plus importantes au monde et constitue une source de financement pour des réseaux mafieux qui se livrent aussi à d’autres trafics, voire à des activités terroristes et présente donc une réelle menace pour notre sécurité collective.
Elle prend des formes nombreuses : trafic de déchets, d’espèces protégées, émission ou rejet illégal de substance polluante dans l’atmosphère, le sol ou l’eau. Elle contribue à l’augmentation de la pollution, à la dégradation de la flore et de la faune sauvage, à la réduction de biodiversité et in fine comporte des risques pour la santé humaine.
Toutefois, la criminalité environnementale demeure mal saisie par les juridictions pénales. Ces affaires représentant moins d’1 % des cas traités par les juridictions judiciaires françaises. Un rapport du groupe de travail mené sous l’égide de la Cour de cassation relève une réponse pénale insuffisante via la préférence donnée aux alternatives aux poursuites.
La pertinence d’une action à l’échelle européenne dans ce domaine est incontestable.
Il y a d’abord une évidence dans le caractère transfrontalier des infractions environnementales : la pollution ne s’arrête pas aux frontières, les trafics de déchets, entraînent une réelle nécessité d’assurer une poursuite à l’échelle de l’Union européenne. Actuellement, si les services de police coopèrent dans ces domaines, cette coopération ne fonctionne pas toujours, elle est complexe et ralentit les procédures : une direction d’enquête assurée par le Procureur européen permettrait d’améliorer substantiellement la coordination dans ce domaine.
En effet, les demandes d’entraide judiciaire auprès de l’agence Eurojust en matière environnementale ne représentent qu’1 % des saisines des États membres auprès de l’agence. Celle-ci a dans un rapport de 2021 regretté un tel manque d’investissement des États membres dans ce domaine.
On sait que l’Union européenne a placé la lutte contre la dégradation de l’environnement au cœur de son action, notamment avec le pacte vert. Dès lors, l’extension de la compétence matérielle du Parquet européen serait un signal supplémentaire envoyé en ce sens. Celui-ci est en effet en capacité à définir lui-même une politique pénale au niveau européen sans être dépendant des saisines effectuées par les États membres. Le doter de compétence en matière environnementale permettrait ainsi d’ériger la protection de l’environnement en priorité de politique pénale, ce que nous souhaitons.
Cette extension est de plus cohérente avec la mission de protection des intérêts financiers de l’Union du Parquet européen, dès lors que l’Union consacre désormais 30 % de son budget à la protection de l’environnement et du climat, auquel s’ajoute une partie substantielle des montants du plan de relance. De surcroît, la répression des réseaux criminels qui contournent les obligations de protection de la nature constitue aussi une condition de l’acceptabilité sociale des normes environnementales.
Enfin, la mise en place d’un Parquet vert européen permettrait une action plus intégrée au niveau européen afin de remédier aux limites identifiées de la coopération judiciaire intergouvernementale.
Pour toutes ces raisons, j’ai la conviction qu’il est nécessaire d’étendre la compétence du Parquet européen à la criminalité environnementale, sans plus attendre. Bien que celui-ci ne soit en activité que depuis trois années presque quatre, son action est unanimement saluée, son bilan démontre son efficacité et son fonctionnement s’inscrit en parfaite coopération avec les juridictions des États membres.
Attendre davantage avant d’envisager cette extension, c’est laisser plus de temps aux réseaux criminels – car nous parlons bien ici de criminalité organisée – pour développer leurs trafics, c’est échouer à prévenir des dégradations de l’environnement dont les conséquences sont difficilement réparables, c’est nier une réalité qui a pourtant été affirmée par l’Union européenne elle-même dans la loi pour le climat : le changement climatique constitue une menace existentielle pour l’humanité. Face à cette menace, dans un État de droit, la justice, et la justice pénale en particulier, a une mission de protection.
C’est pourquoi, j’espère mes chers collègues, que vous soutiendrez ce texte.
L’exposé de la rapporteure a été suivi d’un débat.
M. le vice-président Thierry Sother. La parole est aux orateurs de groupe.
M. Guillaume Bigot (RN). J’aimerais d’abord revenir sur la terminologie : je n’ai pas compris pourquoi cela s’appelle le « Parquet vert ». La couleur verte fait allusion à l’écologie. Or, le ciblage sur les organisations criminelles et mafieuses est très précis.
En deuxième lieu, l’une des sanctions envisagées s’élève à 5 % du chiffre d’affaires des entreprises. Or, à ma connaissance, les mafias ou organisations criminelles n’ont pas de chiffre d’affaires, ou du moins de chiffre d’affaires connu auquel on puisse infliger une amende de 5 %.
Enfin, il se pose une question de principe qui est plus problématique, même si la démonstration du procureur européen était éclairante et même si ce procureur européen a une réelle efficacité technique. Mais s’il est simplement question de poursuivre une criminalité organisée qui dégrade l’environnement dans plusieurs pays, pourquoi le procureur européen actuel, qui vise des infractions financières, ne suffirait-il pas ? On va donc créer un organe pour répondre à un besoin ponctuel, mais le problème est toujours le même : l’organe va sécréter son propre besoin. Or, je vous rappelle qu’il y a un effet de cliquet européen, revendiqué et vanté comme tel par les fondateurs de l’Union européenne : une fois qu’un organe est créé, il crée à son tour sa propre fonction et sa propre nécessité, et s’étend.
Enfin, vous le soulignez, au plan national, ces infractions environnementales ne constituent que 1 % des poursuites. Si nous ne sommes pas en mesure de traiter ces problèmes au niveau national, pourquoi le serons-nous au niveau européen ?
Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Les 5 % m’ont étonné car ils ne sont pas dans le texte. Ils renvoient à ce qui existe dans la directive européenne, qui n’a pas de lien avec le texte en question. Pourquoi un parquet vert européen ? Il s’agit d’étendre les compétences du parquet européen, qui a pour mission actuelle de lutter contre la fraude aux intérêts de l’Union, à la lutte contre les infractions environnementales dans le cadre de la criminalité organisée. Il ne s’agit ni de l’écocide ni des attaques faites à nos agriculteurs, mais d’un système mafieux organisé lié à des infractions environnementales. Il est question du trafic de déchets, qui rapporte énormément, ou encore du trafic sur les matières interdites. Le terme « parquet vert européen » est parlant parce qu’il s’agirait d’un parquet européen avec des compétences liées aux infractions environnementales. Cette initiative n’est qu’une proposition de résolution : l’institution d’un parquet vert européen exigerait ensuite l’unanimité des Etats membres.
De la même manière que le ministre Badinter avait été à l’initiative du parquet européen, nous souhaitons que la France soit à nouveau à l’initiative de cette extension. Le changement climatique n’est pas ponctuel, mais durable. Les criminalités organisées le sont aussi. Les criminels sont en avance par rapport à nos moyens d’enquête. Monsieur le procureur Baab souligne à juste titre la nécessité de se saisir de l’intelligence artificielle pour renforcer l’efficacité des enquêtes pénales, notamment en matière budgétaire. Ces réseaux criminels existent et sont très endurcis. Je ne plaide absolument pas pour l’écologisme, ni pour la décroissance, mais je considère que nous sommes en capacité de lier les questions environnementales, la lutte contre le changement climatique, la protection de la biodiversité, l’économie, le développement économique et les impacts qu’il peut y avoir sur la population. Si nous ne sommes pas capables de le faire avec ce texte, il n’y aura aucun domaine dans lequel nous pourrons le faire demain.
M. Sébastien Huyghe (EPR). Avec un taux de croissance annuel estimé entre deux et trois fois celui de l’économie mondiale, la criminalité environnementale a été classée au quatrième rang des activités criminelles les plus importantes au monde. Elle est considérée comme la première source de financement des groupes armés et terroristes. Les atteintes à l’environnement sont par nature transnationales, qu’il s’agisse du commerce d’espèces sauvages, des marais noirs ou du trafic de déchets. Ces crimes contre notre planète méritent une réponse commune.
Le parquet européen permet d’ores et déjà de remédier aux conséquences du morcellement de l’espace pénal européen pour les infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. Dès les prémisses de sa création, les perspectives d’un élargissement des compétences du parquet européen étaient envisagées. Le paragraphe 4 de l’article 86 du TFUE prévoit la possibilité d’étendre les attributions du parquet européen à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontalière. C’est l’objet de cette proposition de résolution européenne qui vise à étendre les compétences du parquet européen aux infractions environnementales.
En 2020, à l’occasion de l’assemblée générale des Nations unies, le Président de la République avait réaffirmé que la lutte contre la criminalité environnementale était une priorité française. En parallèle, les initiatives plaidant l’extension des compétences du parquet européen à ce type d’infraction se multiplient. Je pense notamment à l’adoption en 2020 d’une résolution par le Parlement européen, suivie par un courrier adressé par le groupe Renew à la présidente de la Commission européenne, soutenant l’établissement d’un procureur vert de l’Union européenne, ou encore du rapport de la Cour de cassation de 2022 appelant à l’extension des prérogatives du parquet européen aux infractions environnementales. Cette proposition de résolution européenne souligne une nouvelle fois la nécessité de doter l’Europe d’outils pour faire face aux atteintes à l’environnement pouvant causer de graves dommages sur les écosystèmes et la santé humaine. Il faudra évidemment travailler techniquement à sa mise en œuvre et à son articulation avec les procédures nationales. Ces travaux sont devant nous. Notre groupe votera avec conviction et enthousiasme pour cette proposition de résolution européenne.
Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Nous menons un travail commun pour une écologie pragmatique. L’écologie n’appartient pas à un camp, c’est un défi majeur pour l’avenir. J’espère une unanimité sur ce sujet pour montrer que nous sommes capables d’avancer ensemble, bien au-delà des postures qui peuvent exister en la matière. Nous devons nous approprier le champ environnemental avec justesse.
Mme Marietta Karamanli (SOC). Dès sa création, l’existence d’un parquet européen a soulevé de très nombreuses questions, parmi lesquelles plusieurs options, présentes dès l’origine, ont été discutées. La première a été celle de la compétence matérielle du parquet européen. Nous nous étions déjà prononcés en faveur d’un parquet européen ayant une compétence plus étendue. Il s’agissait de lutter contre la délinquance en matière environnementale et contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontalière.
Le principe d’une extension de la compétence du parquet européen au délit d’écocide paraît opportun et juste. D’une part, il s’inscrit dans un mouvement de fond visant à prévenir et sanctionner les atteintes graves à l’environnement et à instaurer un délit de mise en danger de l’environnement. D’autre part, le droit et la justice ont souvent du mal à se saisir de la spécificité de la matière environnementale du fait d’une grande technicité du droit pénal de l’environnement nécessitant souvent la maîtrise de nombreuses données scientifiques. De plus, la répression n’est pas adaptée aux actes de pollution diffuse internationale. Il est impératif de soutenir une compétence élargie en matière environnementale.
La proposition de résolution européenne évoque une extension des compétences sur la base de l’article 86, paragraphe 4. L’article 330 du traité, selon lequel seuls les États participants aux coopérations renforcées prendront part au vote, pourrait aussi être appliqué. Certes, le traité prévoit que le Conseil européen peut simultanément ou ultérieurement adopter une décision modifiant le paragraphe 1 afin d’étendre les attributions du parquet européen à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontalière et modifiant en conséquence le paragraphe 2 en ce qui concerne les auteurs et les complices des crimes graves affectant plusieurs États membres. En l’état, aucune décision n’a été prise par les États dans ce sens et il n’y a pas eu d’initiative portée au plan national. Il est nécessaire que cette compétence puisse encore être élargie par la suite aux crimes organisés, notamment à la traite et au trafic des femmes et des hommes et à l’esclavage. Nous soutenons et nous voterons pour cette proposition de résolution européenne.
Mme. Naïma Moutchou, rapporteure. Sur la question de cibler d’autres sujets, au-delà des infractions environnementales, tels que la traite des êtres humains, le procureur considère que c’est un choix politique. C’est aussi un choix humain. Quand nous parlons de travail forcé, de prostitution des mineurs, nous pouvons nous rejoindre. Concernant l’amendement, je demanderai un retrait pour que nous puissions voir comment il pourrait être rédigé pour la séance.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Tout d’abord je tiens à saluer, malgré les aléas, la force de conviction et votre obstination en faveur de la protection de l’environnement. Ces dernières années l’Europe s’est dotée d’objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de protection de l’environnement. Le pacte vert pour l’Europe a été introduit en 2019 avec un paquet législatif visant à réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030. Ces nouvelles normes environnementales ne sont efficaces pour accomplir les objectifs de l’Union européenne qu’à deux conditions.
La première, c’est en préservant la capacité de l’Europe à rester compétitive, donc à suffisamment investir dans l’innovation et l’industrie verte.
Deuxièmement, et parce que la norme doit pour s’appliquer s’accompagner de sanctions, une réponse pénale est nécessaire pour répondre aux infractions à l’environnement. Concernant ce deuxième point, l’UE a révisé l’an dernier la Directive 2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relatif à la protection de l’environnement par le droit pénal. Elle inclut à présent de nouvelles infractions : le commerce illégal du bois, l’épuisement des ressources en eau, les violations graves de la législation européenne sur les substances chimiques et la pollution causée par les navires.
Pourtant, malgré ces ambitions affichées pour le climat et l’environnement, l’UE ne dispose pas à ce jour d’une institution pouvant poursuivre les infractions graves à l’environnement. Cela est dommageable pour deux raisons. D’abord, de par le caractère transfrontière des infractions à l’environnement, l’échelle européenne semble la plus appropriée pour leurs poursuites, tous les États n’ayant pas le même zèle à poursuivre ces infractions. Ensuite, ces crimes peuvent générer des profits très élevés, et présenter un risque relativement faible de détection et de réponse pénale. Ils sont souvent, comme déjà dit, commis par des groupes criminels organisés.
Le rôle du parquet européen est pour l’instant limité à la lutte contre les infractions pénales portant atteinte au budget de l’UE. Si les enjeux environnementaux ne rentrent dans ses compétences que par le biais du budget, il ne peut poursuivre directement les infractions à l’environnement. À la vue des ambitions de l’UE mais aussi de l’augmentation et du caractère transfrontières de cette criminalité, une extension des compétences du Parquet européen dans le domaine environnemental est absolument indispensable. Le groupe Horizon et indépendants votera en faveur de cette proposition de résolution européenne.
Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Sans surprise nous sommes alignées puisque c’est un combat que nous menons, et qui n’est pas toujours simple, y compris dans notre famille politique. Je salue l’engagement de Mme Violland sur ce sujet, nous avons eu l’occasion de débattre, à plusieurs reprises et de faire voter un texte sur la fast fashion. Nous continuons à cheminer ensemble sur ce qui nous paraît être une écologie responsable, efficace et qui ménage aussi les classes populaires et les classes moyennes parce que l’idée n’est pas d’imposer, ni de fragiliser, mais bien d’accompagner.
Concernant le parquet vert européen, il faut ménager la souveraineté des États parce que nous y sommes nous-mêmes attachés et que c’est aussi l’idée que nous nous faisons de l’Europe.
M. le vice-président Thierry Sother. Nous en venons donc maintenant à l’étude de l’unique amendement qui a été déposé.
Amendement de Mme Marietta Karamanli.
Mme Marietta Karamanli (Soc). C’est un amendement très important pour le groupe Socialistes et apparentés. Au paragraphe 4 de la proposition de résolution, il est prévu la possibilité d’étendre ses attributions à la lutte contre d’autres formes de criminalité grave ayant une dimension transfrontière.
Le Conseil d’État, lors d’une étude adoptée le 24 février 2011, avait déjà exprimé la nécessité d’étendre la compétence du Parquet européen à des formes graves de criminalité transfrontière telle que la traite des êtres humains, qui permettrait d’appréhender des infractions parmi les plus graves visant directement le citoyen. Ce projet lui semblait à l’époque participer au renforcement des droits humains, des droits du justiciable et ainsi contribuer à un meilleur respect des principes aussi essentiels que sont la sécurité juridique, la transparence, l’indépendance et le droit au recours juridictionnel effectif.
Le Haut-commissaire des Nation unies aux droits humains rappelait en 2023 que la traite des êtres humains est la 3e activité la plus lucrative au monde pour les réseaux criminels (3 milliards de dollars de gains pour les groupes criminels en Europe selon l’Office des Nations unies). La Commission européenne estime que 7 mille personnes sont victimes chaque année de la traite des êtres humains dans l’UE, et précise que ce nombre peut être en réalité bien supérieur.
Ce sont les raisons pour lesquelles nous saisissons l’opportunité de déposer cet amendement. Vous demandez le retrait mais nous le regrettons. Nous demandons d’avoir l’engagement d’une réécriture afin de l’intégrer dans le corps de cette résolution.
Mme Naima Moutchou, rapporteure. Je m’engage à tenter de réécrire cet amendement. Je veux faire ce travail-là pour plusieurs raisons. D’abord parce que vous avez raison, la traite des êtres humains est un sujet majeur. C’est insupportable de se dire que l’on se sert de l’individu contre son intégrité physique pour faire de l’argent, et qu’il y a des réseaux qui se servent de cela, puis se servent de cet argent pour alimenter d’autres réseaux. C’est évidemment un sujet transfrontalier. Simplement, ma réserve est que nous nous éloignons du sujet principal de cette proposition de résolution et que cela peut ne pas être opportun. Néanmoins je continuerai de réfléchir et nous pourrons reprendre ce dialogue en vue de la séance.
L’amendement est retiré.
L’article unique de la proposition de résolution européenne, est adopté.
La proposition de résolution européenne est par conséquent adoptée.
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proposition de résolution européenne adoptée
en rÉunion de commisson
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu le Traité sur l’Union européenne et le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu le règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée en matière d’établissement du Parquet européen,
Vu la directive 2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal,
Vu la version définitive de la nouvelle directive européenne sur la protection de l’environnement par le droit pénal qui devrait être adoptée dans les prochaines semaines ;
Vu le règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 relatif aux transferts de déchets,
Considérant l’ampleur et la progression de la criminalité environnementale ;
Considérant la dimension souvent transfrontalière de cette forme de criminalité ;
Considérant la gravité des dommages causés par ces atteintes à l’environnement sur les écosystèmes et la santé humaine ;
Considérant le caractère potentiellement irréversible de ces atteintes ;
Rappelant le rôle essentiel du Parquet européen dans la lutte contre les infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne,
Rappelant les possibilités d’élargissement des compétences du Parquet européen prévues dès sa conception,
Soulignant la nécessité d’une approche coordonnée pour faire face aux activités criminelles transfrontalières liées à l’environnement,
Soulignant la nécessité d’améliorer la mise en œuvre et l’application de la législation environnementale de l’Union,
Soulignant la nécessité d’augmenter le budget et les effectifs du Parquet européen pour lui permettre d’être un régulateur crédible dans tous ses domaines de compétence,
Invite à lutter plus activement et collectivement contre les formes graves de criminalité environnementale revêtant une dimension transfrontière ;
Appelle les États membres à reconnaître la criminalité environnementale comme une menace réelle et sérieuse nécessitant une réponse judiciaire efficace et coordonnée au niveau européen ;
Appelle à renforcer la coopération entre les États membres en matière de collecte et d’échange d’informations sur les affaires de criminalité environnementale, afin de faciliter une réponse judiciaire rapide et efficace ;
Souhaite la création d’un Parquet vert européen, moyennant l’extension des compétences du Parquet européen conformément à l’article 86, paragraphe 4, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
Propose de spécialiser celui-ci dans la lutte contre la criminalité environnementale grave et transnationale, y compris dans sa dimension économique et financière, notamment en ce qui concerne les trafics de déchets, les trafics de substances dangereuses, réglementées ou interdites, ainsi que les trafics de faune et de flore protégées ;
Insiste sur la nécessité de communiquer plus activement sur les missions du Parquet européen pour que celles‑ci trouvent un écho chez les citoyens des pays membres de l’Union.
– 1 –
amendements examinés par la commission
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
5 FÉVRIER 2025
Étendre les compétences du Parquet europÉen aux infractions À l’environnement (n° 707),
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AMENDEMENT |
No 1 |
présenté par |
Marietta KARAMANLI, Karim BENBRAHIM, Colette CAPDEVIELLE, Anna PIC, Pierre PRIBETICH, Thierry SOTHER |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 22, ajoute le nouvel alinéa suivant :
« Appelle la Commission européenne et le Conseil européen à engager une réflexion pour étendre les attributions du Parquet européen à d’autres formes de criminalités graves ayant une dimension transfrontière, telle que la traite des êtres humains, conformément à la possibilité donnée par l’article 86 paragraphe 4 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement appelle le Conseil européen et la Commission européenne à engager une réflexion pour étendre les attributions du Parquet européen à la traite des êtres humains.
En effet, si l’article 86 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) limitait dans un premier temps le champ de compétences du Parquet européen aux infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, son paragraphe 4 prévoit la possibilité d’étendre ses attributions à la lutte contre d’autres formes de criminalité grave ayant une dimension transfrontière. Le conseil d’État estimait déjà en 2011 que l’extension de la compétence du Parquet européen à des formes graves de criminalité transfrontière telles que la traite des êtres humains permettrait d’appréhender des infractions – parmi les plus graves – qui visent directement les citoyens. Ce projet lui semblait dès lors participer au renforcement des droits du justiciable et contribuer à un meilleur respect de principes aussi essentiels que ceux de sécurité juridique, de transparence, d’indépendance et de droit à un recours juridictionnel effectif. Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits humains rappelait en octobre 2023 que la traite des êtres humains est la troisième activité criminelle la plus lucrative au monde. Selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), la traite des êtres humains est même l’une des activités illicites les plus lucratives en Europe. Elle rapporterait environ 3 milliards de dollars par an aux groupes criminels. La Commission européenne estime que plus de 7 000 personnes sont victimes chaque année de la traite des êtres humains dans l’UE, et précise qu’on peut supposer que leur nombre est bien plus élevé en réalité. En outre, l’article 83 du TFUE précise que la traite des êtres humains fait partie des domaines de criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontière, et est bien souvent liée aux autres domaines de criminalité organisée cités.
Cet amendement a été retiré.
– 1 –
annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par lA rapporteurE
Ministère de la Justice
Parquet européen
Personnalités qualifiées
([1]) Global Climate Litigation Report : 2023 Status Review.
([2]) Cité par M. Delmas-Marty, Pour un droit commun , Seuil, 1994.
([3]) Europol, environmental crime in the age of climate change, 2022.
([4]) Report on Eurojust’s Casework on Environmental Crime, 2021.
([5]) Le traitement pénal du contentieux de l’environnement, rapport du groupe de travail relatif au droit pénal de l’environnement présidé par François Molins, 2022.
([6]) CGEDD et IGJ, Une justice pour l’environnement, Mission d’évaluation des relations entre justice et environnement, 2019.
([7]) Ibid.