Nos 1043 et 1044

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 mars 2025.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,


SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT
APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,

 

visant à sortir la France du piège du narcotrafic,

 

 

ET SUR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT
APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,

 

fixant le statut du procureur de la République national
anticriminalité organisée,

PAR MM. Vincent CAURE, Éric PAUGET, Roger VICOT

Députés

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TOME I

SYNTHÈSE, COMMENTAIRE DES ARTICLES, PERSONNES ENTENDUES

 

 Voir les numéros :

 Sénat :  735 rect. (2023-2024), 197, 253, 254, 255 et T.A. 45, 46 (2024-2025).

 Assemblée nationale :  907, 908.


 

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION............................................ 9

I. Les dispositions des textes adoptés par le sénat

II. Principaux apports de la commission des Lois

COMMENTAIRE DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI

TITRE IER ORGANISATION DE LA LUTTE CONTRE LE NARCOTRAFIC

Article 1er (art. L. 121-1 [nouveau] et art. L. 822-3 du code de la sécurité intérieure) Création d’un service chef de file en matière de lutte contre la criminalité organisée

Article 1er bis (nouveau) Rapport sur les dysfonctionnements des logiciels utilisés par les services de police

Article 2 (art. 19, 39-2, 52-1, 704-1, 705, 706-26-1 à 706-26-8 [nouveaux], 706-42, 706-74-1 à 706-74-6 [nouveaux], 706-75, 706-75-1 et 706-75-2 [abrogés], 706-77, 706-78, 706-78-1 et 706-78-2 [nouveaux], 706-79-3 [nouveau], 706-80-1, 706-106 du code de procédure pénale) Création d’un parquet national anti-stupéfiants

TITRE II LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT

Article 3 (art. 324-6-2 [nouveau] du code pénal, L. 132-3-1 [nouveau], L. 132-5, L. 333-2 et L. 333-3 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure, L. 3422-1 et L. 3422-2 du code de la santé publique [abrogés], L. 330-2 et L. 330-3 du code de la route, L. 112-6, L. 561-2, L. 561-23, L. 561-24, L. 561-25, L. 561-27-1 [nouveau], L. 561-35, L. 561-47 et L. 561-47-1 du code monétaire et financier, L. 135 ZC, L. 135 ZJ, L. 151 C [nouveau] du livre des procédures fiscales, 323 du code des douanes) Renforcement de la lutte contre le blanchiment

Article 3 bis (art. 67 sexies du code des douanes) Accès des douanes aux données des opérateurs de transport et de logistique

Article 4 (art. 324-1-1 du code pénal, 17, 60-1-1 A [nouveau], art. 415 et 415-1 du code des douanes) Procédure d’injonction pour richesse inexpliquée et présomption de blanchiment pour les « mixeurs » de crypto-actifs

Article 4 bis A (art. 222-49 et 321-6 du code pénal) Confiscation obligatoire des biens dont l’origine ne peut être justifiée ou dans le cadre d’une condamnation pour trafic de stupéfiants

Article 4 bis B (nouveau) (art. 13121 du code pénal) Confiscation des sommes présentes sur les cartes prépayées anonymes

Article 4 bis C (nouveau) (art. 706-160 du code de procédure pénale) Élargissement des types de biens confisqués pouvant être affectés ou mis à disposition par l’AGRASC

Article 4 bis (art. L. 561-14-1 A [nouveau] du code monétaire et financier) Interdiction des « mixeurs » de crypto-actifs

Article 5 (supprimé) (art. 706-33-1 [nouveau] du code de procédure pénale) Gel judiciaire des avoirs des personnes soupçonnées de trafic de stupéfiants

Article 5 bis (art. L. 562-1, L. 562-2-2 [nouveau], L. 562-5, L. 562-7, L. 562-8, L. 562-9, L. 562-11 du code monétaire et financier et art. L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration) Gel administratif des avoirs des personnes soupçonnées de trafic de stupéfiants

TITRE III RENFORCEMENT DU RENSEIGNEMENT ADMINISTRATIF EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE NARCOTRAFIC

Article 6 (art. 706-105-1 du code de procédure pénale) Partage d’information entre les juridictions et les services de renseignement

Article 7 (suppression maintenue) (art. L. 856-1 et L. 856-2 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) Dispositions relatives aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants

Article 7 bis (nouveau) (art. L. 232-7-2 du code de la sécurité intérieure) Transmission des données relatives aux escales des navires de plaisance

Article 8 (art. L. 851-3 du code de la sécurité intérieure) Recours au renseignement algorithmique en matière de criminalité organisée

Article 8 bis (art. L. 852-3 du code de la sécurité intérieure) Prorogation et modification du régime des interceptions satellitaires

Article 8 ter (supprimé) (art. L. 871-1, L. 871-3, L. 871-4, L. 871-5, L. 871-6, L. 871-7, L. 881-1, L. 881-2 du code de la sécurité intérieure, art. L. 33-1 et L. 34-18 à L. 34-22 [nouveaux] du code des postes et des télécommunications électroniques) Obligation de déchiffrement des communications sécurisées par les opérateurs

TITRE IV RENFORCEMENT DE LA RÉPRESSION PÉNALE DU NARCOTRAFIC

Chapitre Ier Mesures de droit pénal

Article 9 (art. 131‑26‑2, 450‑1, 450‑1‑1 [nouveau], 450‑2, 450-3, 450-4, 450-5 et 321-6 du code pénal, art. 28-1, 689-5, 706-34, 706-73, 706-73-1, 706-74 et 706-167 du code de procédure pénale) Criminalisation de la participation à une association de malfaiteurs lorsqu’elle est commise en vue de préparer un crime et élargissement de la définition de cette infraction

Article 10 (art. 227-18-1 et 227-18-2 [nouveau] du code pénal) Élargissement de la répression de la provocation de mineurs à commettre des infractions en lien avec le trafic de stupéfiants

Article 10 bis (art. 132-6-1 [nouveau] du code pénal) Dérogations aux règles de plafonnement et de confusion des peines en cas de concours d’infractions liées à la criminalité organisée

Article 10 ter (supprimé) (art. 222-37 du code pénal, art. L. 325-1-1 et L. 325-1-2 du code de la route) Précisions relatives aux peines complémentaires de suspension du permis de conduire et de confiscation du véhicule, ainsi qu’à l’immobilisation et à la mise en fourrière des véhicules par les officiers et agents de police judiciaire

Chapitre II  (Division supprimée)

Article 11 (supprimé) (art. 706-88-2 du code de procédure pénale et 222-44-2 [nouveau] du code pénal) Mesures de lutte contre le trafic de stupéfiants par passeurs : allongement de la durée de la garde à vue et peine complémentaire d’interdiction de vol

Article 11 bis (nouveau) (art. 222-37-1 [nouveau]) Circonstance aggravante de recours à une personne vulnérable pour commettre des faits de trafic de stupéfiants

Chapitre III Lutte contre le trafic en ligne

Article 12 (art. 6-1, 6-2, 6-2-1, 6-2-2 [abrogé] de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, art. 323-3-2 du code pénal et art. 5 de la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique) Renforcement de la lutte contre le trafic de stupéfiants en ligne

Article 12 bis (art. L. 34-1-1 et L. 39-8-1 [nouveau] du code des postes et des communications électroniques) Renforcement des obligations des opérateurs de communications électroniques vendant des téléphones mobiles comportant des cartes SIM prépayées

TITRE V MESURES DE PROCÉDURE PÉNALE ET FACILITATION DE L’UTILISATION DES TECHNIQUES SPÉCIALES D’ENQUÊTE

Article 13 (art. 242-1 [nouveau], 706-26, 706-73, 706-75-5 [nouveau] 706-76-7 [nouveau] et 712-2 du code de procédure pénale) Extension de la procédure dérogatoire en matière de trafic de stupéfiants aux infractions connexes et spécialisation des juridictions de l’application des peines en matière de criminalité et délinquance organisées

Article 14 (art. 132-78, 132-78-1 [nouveau], 221-5-3, 222-6-2, 222-43, 222-43-1, 222-67-1 [nouveau], 450-2 du code pénal, art 706-63-1 A à 706-63-1 D [nouveaux], 706-63-1, 706-63-2 du code de procédure pénale) Réforme du dispositif des repentis

Article 14 bis (art. 706-59, 706-61, 706-62-1, 706-62-2 du code de procédure pénale) Renforcement de la protection des témoins

Article 15 (art. 230-10, 706-74-1 [nouveau], 706-80 A [nouveau], 706-80-1 [nouveau] du code de procédure pénale, 3 bis [nouveau], 3-1 [nouveau] de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative à l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer pour la lutte contre certaines infractions relevant de conventions internationales et 55 bis du code des douanes) Anonymisation des services enquêteurs dans les procédures de criminalité organisée

Article 15 bis A (art. 706-105-2 [nouveau] du code de procédure pénale) Anonymisation des interprètes intervenant à l’occasion d’une procédure en matière de criminalité organisée

Article 15 bis (art. 230-46 du code de procédure pénale, 67 bis, 67 bis-1 A et 67 bis-1 du code des douanes) Possibilité d’utiliser des procédés de transformation de la voix et de l’apparence dans le cadre de l’enquête sous pseudonyme

Article 15 ter (supprimé) (art. 706-96 du code de procédure pénale) Activation à distance d’un appareil électronique fixe aux fins d’enregistrement de l’image et du son

Article 15 quater (supprimé) (art. 706-99 et 706-100 [nouveaux] du code de procédure pénale) Activation à distance d’un appareil électronique mobile aux fins d’enregistrement de l’image et du son

Article 16 (supprimé) (art 194, 230-33, 706-95, 706-102-3, 706-104 et 706-104-1 [nouveaux] du code de procédure pénale) Possibilité de recourir à un procès-verbal distinct

Article 16 bis (art. 706-95-20 du code de procédure pénale) Autoriser l’introduction dans des lieux privés pour la mise en place d’un dispositif d’IMSI-catcher

Article 17 (art. 203-46, 706-32, 706-80-2, 706-81 et 706-106 du code de procédure pénale, art. 67 bis-1 A, 67 bis, 67 bis-1 et 67 bis-4 du code des douanes) Précisions relatives à la notion d’incitation à la commission d’une infraction dans le cadre des actes autorisés au cours des enquêtes

Article 17 bis (art. 706-81 du code de procédure pénale, art. 67 bis du code des douanes) Extension des rôles susceptibles d’être joués par les officiers ou agents de police judiciaire au cours d’une infiltration

Article 18 (art. 706-32 du code de procédure pénale et art. 67 bis du code des douanes) Modalités des opérations de « coups d’achat »

Article 19 (art. 15-6, art. 230-54 [nouveau] et art. 706-87-1 [nouveau] du code de procédure pénale) Encadrement du recours aux informateurs

Article 20 (art. 115, 171, 173, 198, 206, 385 et 591 du code de procédure pénale) Modification du régime des nullités

Article 20 bis (supprimé) (art. 324-1 du code pénal) Caractère nécessairement occulte de l’infraction de blanchiment

Article 20 ter (supprimé) (art. 495-7 du code de procédure pénale) Extension de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité aux crimes prévus en matière de trafic de stupéfiants

Article 21 (supprimé) (art. 689-11 du code de procédure pénale) Compétence des juridictions françaises en haute mer pour la lutte contre le narcotrafic

Article 21 bis (art. 230-22 du code pénal) Extension de la durée de conservation des données relatives à la criminalité et la délinquance organisées dans les logiciels de rapprochement judiciaire

Article 21 ter (art. 706-90 du code de procédure pénale, art. 64, 64 bis [nouveau] et 64 ter [nouveau] du code des douanes) Extension des perquisitions et des visites douanières de nuit

Article 21 quater (art. 344-5 [nouveau] du code des douanes) Réquisition des agents des douanes par commission rogatoire

Article 21 quinquies (art. 28-1 du code de procédure pénale et art. 67 bis-6 et 67 bis-7 [nouveaux] du code des douanes) Utilisation des techniques spéciales d’enquêtes par les agents des douanes

TITRE VI LUTTE CONTRE LA CORRUPTION LIÉE AU NARCOTRAFIC ET CONTRE LA POURSUITE DES TRAFICS EN PRISON

Article 22 (art. L. 114-1, L. 114-3 [nouveau] et L. 263-1 du code de la sécurité intérieure, art. L. 5241-4-5, L. 5312-7, L. 5312-9, L. 5313-8, L. 5332-1, L. 5332-5, L. 5332-7, L. 5332-10, L. 5332-11, L. 5332-14, L. 5332-15, L. 5332-16 [nouveau], L. 5332-17 [nouveau], L. 5332-18 [nouveau], L. 5332-19 [nouveau], L. 5343-24, L. 5343-25, L. 6321-3-1, L. 6321-3-2, L. 6341-5 du code des transports, 17 et 17-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, 11-2-1 [nouveau] du code de procédure pénale) Diverses dispositions renforçant la lutte contre la corruption

Article 22 bis (art. 706-1-1 et 706-13 du code de procédure pénale, 445-2-2 [nouveau] du code pénal) Renforcement des infractions de corruption

Article 23 (art. 145-1, 145-1-1 [nouveau], 145-2, 148, 148-1-1, 148-2, 148-4, 148-6, 179, 187-3, 706-71, 706731 et 7061052 [nouveau] du code de procédure pénale, art. L. 113-2 et art. L. 223-21, L. 223-22, L. 22323, L. 223-24 et L. 223-25 [nouveaux] du code pénitentiaire) Dispositions relatives à l’incarcération des narcotrafiquants, à la détention provisoire et à la procédure applicables aux demandes de mise en liberté

Article 23 bis A (nouveau) (art. 706-71-2 [nouveau] du code de procédure pénale) Principe du recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle pour la comparution devant une juridiction d’instruction d’une personne mise en examen, prévenue, accusée ou condamnée pour une ou plusieurs infractions relevant du champ de la délinquance ou criminalité organisées

Article 23 bis (art. 434-35-1 et 711-1 du code pénal) Création d’une infraction d’intrusion sur le domaine affecté à un établissement pénitentiaire

Article 23 ter (art. L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques) Information de l’administration pénitentiaire en cas de construction ou de modification substantielle d’une installation radioélectrique à proximité d’un établissement pénitentiaire

Article 23 quater (art. L. 223-26, L. 223-27, L. 223-28, L. 223-29, L. 223-30 et L. 223-31 [nouveaux] du code pénitentiaire) Autorisation de l’usage de caméras embarquées lors des missions de transfèrement et d’extraction conduites par les personnels pénitentiaires

Article 23 quinquies (nouveau) (art. L. 211-2, L. 211-3 et L. 224-4, art. L. 224-5, L. 224-6, L. 224-7, L. 224-8 et L. 224-9 [nouveaux] du code pénitentiaire) Nouveaux quartiers pénitentiaires de lutte contre la criminalité organisée

Article 24 (art. L. 22-11-1, L. 22-11-2, L. 213-3 et L. 213-4 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure, art. 4 et 7 de la loi n° 89462 du 6 juillet 1989, art. L. 442-4-1 et L. 442-4-3 [nouveau]  du code de la construction et de l’habitation) Interdiction administrative de paraître sur les points de deal

COMMENTAIRE DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Article 1er (nouveau) (art 3-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Exclusion de certains postes de l’affectation prioritaire des magistrats placés

Article 2 (art 38-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Statut du procureur national anti-stupéfiants

Article 3 (nouveau) Entrée en vigueur différée de la loi

PERSONNES ENTENDUES

 


 

 

 

Mesdames, Messieurs,

L’examen de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, déposée au Sénat par MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain le 12 juillet 2024, intervient à la suite de travaux parlementaires menés tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.

La proposition de loi elle-même est issue de la commission d’enquête du Sénat sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier. À l’Assemblée nationale, son examen a été précédé par de nombreux travaux réalisés par la commission des Lois sur la question du trafic de stupéfiants ([1]).

Tous ces travaux partagent un même constat : le trafic de stupéfiants est devenu un phénomène criminel majeur en France, avec une diffusion sur l’ensemble du territoire et une montée en intensité des infractions commises dans ce cadre. Pour reprendre les mots de nos collègues députés dans leur rapport d’information, notre pays fait aujourd’hui face à des organisations structurées sur un mode mafieux qui défient l’ordre social et mettent à l’épreuve la robustesse de nos institutions comme la capacité des politiques publiques à y faire face.

De fait, les moyens financiers, techniques et humains de ces organisations apparaissent en forte hausse, comme l’illustrent les drames récents impliquant des trafiquants qui ont commandité l’élimination de concurrents ou leur évasion directement depuis leur cellule de prison. Le développement des trafics entraîne avec lui la consolidation de tout un écosystème criminel très déstabilisateur pour notre société.

Bien évidemment, le cas français s’inscrit dans un contexte international qui évolue à une vitesse fulgurante. Le trafic de stupéfiants est devenu un marché mondialisé avec ses zones de production, ses chaînes logistiques et ses circuits de détail qui atteignent aujourd’hui l’ensemble de la population française. Ce marché évolue rapidement : si la consommation de cannabis domine en France, celle de cocaïne connaît une forte augmentation. Les drogues de synthèse se développent également, notre pays étant même devenu exportateur de telles substances.

Le législateur doit garder à l’esprit l’ensemble de ces éléments au moment où il lui est demandé de se prononcer sur d’importantes évolutions dans l’organisation de nos moyens de répression, l’adaptation de notre droit, de notre procédure pénale et de nos moyens de lutte contre le blanchiment d’argent, l’extension du recours aux techniques de renseignement ou encore le renforcement de nos moyens de détection et de lutte contre la corruption.

Dans l’amélioration de nos moyens de lutte contre la criminalité organisée, il convient cependant de ne pas céder à une surenchère préjudiciable aux principes fondamentaux de notre société, à savoir le respect de la liberté individuelle, la garantie des droits de la défense ou encore la protection de la vie privée et du caractère secret des communications.

Dans leurs travaux menés dans des délais extrêmement contraints, les rapporteurs ont ainsi adopté une démarche pragmatique consistant à évaluer l’utilité des mesures proposées et, selon le cas, à en proposer l’adoption, l’amélioration ou la suppression.

I.   Les dispositions des textes adoptés par le sénat

  1.   La réforme de l’organisation des services et juridictions chargés de la lutte contre la criminalité organisée

L’article 1er prévoit la désignation d’un service chef de file de la lutte contre la criminalité organisée. Dans sa version initiale, il prévoyait de placer l’Office anti‑stupéfiants (Ofast) sous une tutelle interministérielle et détaillait certaines règles de fonctionnement de cet office. L’article a néanmoins été réécrit au Sénat pour renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de désigner un service chef de file de la lutte contre la criminalité organisée. Il prendra la forme, a priori, d’un état-major criminalité organisée (Emco), placé auprès de la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ), sur le modèle de l’état-major permanent (Emap) anti-terroriste, placé auprès de la DGSI.

L’article 2 crée un parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco), qui se substitue à la juridiction spécialisée à compétence nationale chargée de la très grande criminalité organisée, la Junalco. Celui-ci sera compétent pour les affaires de criminalité et de délinquance organisées de très grande complexité. L’article 2 adopté par le Sénat précise la structuration des relations entre JIRS et Pnaco, avec un circuit d’information formalisé, un mécanisme de délégation judiciaire et une procédure de dessaisissement entre parquets.

L’article unique de la proposition de loi organique tire les conséquences de la création du Pnaco en modifiant l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature pour fixer une limite d’exercice au procureur de la République national anti-criminalité organisée.

  1.   Le renforcement des outils de lutte contre le blanchiment

L’article 3 porte diverses mesures de lutte contre le blanchiment : il ouvre l’accès des forces de l’ordre à divers fichiers de la direction générale des finances publiques, crée un dispositif de fermeture administrative pour prévenir la commission d’infractions en lien avec le trafic de stupéfiants et le blanchiment de capitaux, et renforce les personnes assujetties à la règlementation de lutte contre le blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme.

L’article 3 bis, introduit en séance publique par le Sénat, prévoit un accès direct des douanes aux données des opérateurs logistiques et de transports portuaires et aéroportuaires.

L’article 4 crée une procédure d’injonction pour richesse inexpliquée et élargit la présomption de blanchiment à l’utilisation de « mixeurs » de crypto-actifs ou de crypto-actifs anonymes.

L’article 4 bis A vise à renforcer les cas de confiscation obligatoire des biens.

L’article 4 bis, introduit par le Sénat lors de l’examen du texte en commission, interdit aux prestataires de services sur actifs numériques de proposer l’utilisation de « mixeurs » de crypto-actifs, qui permettent l’anonymat des transactions.

Les articles 5 et 5 bis renforcent l’arsenal juridique qui existe pour confisquer les avoirs criminels des personnes liées au trafic de stupéfiants. L’article 5 propose un gel judiciaire, à la main du juge des libertés et de la détention, tandis que l’article 5 bis propose un gel administratif des avoirs des personnes liées au trafic de stupéfiants.

  1.   La mobilisation des techniques de renseignement pour la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées
    1.   L’extension des techniques de renseignement à une nouvelle finalité

La proposition de loi comprend un ensemble significatif de mesures concernant les techniques de renseignement.

L’article 8 étend la possibilité du recours aux techniques de renseignement algorithmique, pour une durée limitée, à une nouvelle finalité de lutte contre la criminalité et la délinquance organisées. Cette technique, qui consiste à analyser un grand volume de données de connexion pour repérer des motifs témoignant d’une activité criminelle, est actuellement limitée à la prévention du terrorisme et des ingérences étrangères.

L’article 8 bis proroge l’expérimentation des interceptions satellitaires jusqu’au 31 décembre 2028. Initiée en 2021, cette expérimentation vise à faire face au développement des communications satellitaires et leur utilisation par les réseaux criminels. Elle n’a, cependant, pas encore reçu de concrétisation au regard des développements techniques qu’il a été nécessaire de mener.

  1.   Une réforme inaboutie et dangereuse des obligations de déchiffrement imposées aux opérateurs et aux plateformes numériques

L’article 8 ter réforme les obligations des opérateurs et fournisseurs de services sur internet dans la mise en œuvre des techniques de renseignement autorisées par le Premier ministre après avis de la CNCTR et des techniques d’enquête numérique judiciaires.

Il transforme ainsi l’obligation actuelle de fournir les données chiffrées et leur clé de chiffrement en une obligation de transmettre des données intelligibles. Les personnes concernées ne pourraient exciper d’arguments contractuels ou techniques pour y faire obstacle.

Cet article doit permettre de faire face au développement du chiffrage « de bout en bout » des services proposés en ligne, qui rend partiellement obsolète le droit existant relatif à la réquisition des données de connexion. Les travaux préparatoires menés par les rapporteurs ont néanmoins fait apparaître les risques que cette nouvelle obligation fait peser sur l’ensemble des utilisateurs par l’affaiblissement du chiffrement.

  1.   Le renforcement de l’arsenal Répressif et des moyens D’enquête
    1.   Plusieurs mesures permettent le renforcement de la répression du narcotrafic, même si certaines innovations semblent encore inabouties

Afin de mieux sanctionner les narcotrafiquants du haut du spectre, l’article 9 de la proposition de loi criminalise l’infraction de participation à une association de malfaiteurs lorsqu’elle est destinée à préparer un crime et crée une nouvelle infraction d’appartenance à une organisation criminelle, dont la rédaction apparaît toutefois fragile.

L’article 10 élargit le régime répressif des provocations de mineurs à commettre une infraction en lien avec les stupéfiants, afin de sanctionner également les provocations indirectes constituées par la publication sur une plateforme en ligne d’un contenu accessible aux mineurs.

L’article 10 bis déroge aux règles de prononcé des peines applicables aux infractions commises en concours et liées à la criminalité organisée, prévoyant notamment que les peines se cumulent entre elles dans la limite d’un maximum légal fixé à trente ans de réclusion criminelle.

L’article 10 ter apporte notamment des précisions sur les possibilités d’immobilisation et de mise en fourrière des véhicules ayant servi à commettre une infraction.

L’article 11 regroupe plusieurs mesures dédiées à la lutte contre le trafic de stupéfiants par passeurs. D’une part, il prévoit une possibilité de prolongation exceptionnelle de la mesure de garde à vue concernant une personne dont il apparaît qu’elle a ingéré des produits stupéfiants aux fins d’assurer leur transport. D’autre part, il instaure deux peines complémentaires destinées à éviter la réitération des faits d’importation de produits stupéfiants par la personne condamnée : une peine d’interdiction de vol ou d’embarcation maritime et une peine d’interdiction de paraître au sein d’un aéroport ou d’un port.

L’article 12 comporte plusieurs mesures pour mieux lutter contre la diffusion en ligne de contenus relatifs au trafic de stupéfiants. D’abord, il prévoit une possibilité de retrait et de blocage des contenus publiés sur Internet lorsqu’ils sont en lien avec des faits de trafic de stupéfiants, sous peine de sanctions pénales. En séance publique, les sénateurs ont étendu le champ d’application de ce nouveau dispositif à de nouvelles infractions. Ensuite, cet article aggrave les peines encourues pour le délit d’administration illégale d’une plateforme en ligne pour permettre la cession de produits illicites, prévu à l’article 323-3-2 du code pénal.

L’article 12 bis de la proposition de loi, introduit en séance publique par le Sénat, prévoit l’obligation, pour les opérateurs de communications électroniques offrant un service de communications interpersonnelles à prépaiement de vérifier l’identité de l’acquéreur du téléphone comportant une carte SIM prépayée.

  1.   Développer l'utilisation des TSE tout en protégeant les modalités de leur mise en œuvre

L’article 13 de la proposition de loi étendait initialement le champ d’application des procédures dérogatoires prévues en matière de trafic de stupéfiants aux infractions qui leur sont connexes. La commission des Lois du Sénat a toutefois réécrit ces dispositions pour prévoir la compétence d’une cour d’assises spécialement composée de magistrats professionnels pour le jugement des crimes commis en bande organisée et du crime d’association de malfaiteurs en vue de commettre de tels crimes. L’article 13 prévoit en outre la spécialisation des juridictions de l’application des peines en matière de criminalité organisée.

L’article 14 réforme le dispositif des collaborateurs de justice, aussi appelés repentis, pour en renforcer l’attractivité. Il élargit le champ infractionnel aux crimes de sang et contraint la juridiction à motiver spécialement sa décision de ne pas accorder une exemption ou une réduction de peine qui a été négociée en amont par un magistrat. Il formalise également les engagements pris par le collaborateur de justice par le biais d’une convention signée avec le ministère public ou le juge d’instruction.

L’article 14 bis, introduit en séance publique par le Sénat, renforce les peines encourues en cas de révélation de l’identité ou de la localisation d’un témoin protégé ou de ses proches et autorise le recours à des dispositifs pour que celui-ci puisse recourir à des dispositifs techniques susceptibles de garantir son anonymat.

L’article 15 introduit quant à lui une nouvelle procédure d’anonymisation, dans les procédures pénales, des enquêteurs affectés dans un service en charge de la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées. Le Sénat a modifié ces dispositions pour y ajouter une présomption d’habilitation des agents affectés dans les services spécialement chargés des enquêtes en matière de délinquance et de criminalité organisées à accéder à toute information figurant dans les fichiers d’antécédents. Il a également introduit une procédure d’anonymisation des décisions judiciaires en matière pénale au profit des services de justice.

L’article 15 bis A de la proposition de loi, introduit en séance publique par le Sénat, prévoit la possibilité d’anonymiser les interprètes intervenant à l’occasion des procédures pénales en matière de délinquance et de criminalité organisées.

L’article 15 ter de la proposition de loi, introduit par amendement adopté en séance publique au Sénat, prévoit la possibilité d’activer à distance un appareil électronique fixe aux fins d'enregistrement des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ainsi que de l'image dans des lieux privés.

L’article 15 quater de la proposition de loi, introduit par amendement adopté en séance publique au Sénat, prévoit la possibilité d’activer à distance un appareil électronique mobile aux fins d'enregistrement des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel dans tous lieux.

L’article 16 crée un dispositif de dossier distinct pour protéger des éléments précis lorsque certaines techniques spéciales d’enquête sont mises en œuvre.

L’article 16 bis de la proposition de loi, introduit par un amendement adopté en séance au Sénat, autorise, sous certaines conditions, l’introduction dans des lieux privés aux fins de mettre en place un dispositif technique permettant le recueil de données techniques de connexion pour identifier un équipement terminal ou le numéro d'abonnement de l'utilisateur, ainsi que les données relatives à la localisation de l'équipement utilisé (Imsi-catcher).

  1.   Renforcer nos moyens opérationnels
    1.   De nombreuses adaptations de la procédure pénale

Afin de faciliter le travail des enquêteurs, l’article 17 apporte des précisions, au sein du code de procédure pénale, sur l’interdiction d’incitation à commettre une infraction, pour exclure de cette notion les actes contribuant à la poursuite d’une infraction déjà préparée ou débutée au moment où ladite autorisation est délivrée.

Poursuivant ce même objectif, l’article 17 bis permet aux officiers ou agents de police judiciaire autorisés à procéder à une opération d’infiltration de se faire passer pour une victime, un tiers mandaté par celle-ci ou toute personne intéressée à la fraude, en plus des rôles de coauteur, complice ou receleur déjà autorisés par le code de procédure pénale.

L’article 18 modifie quant à lui les dispositions applicables aux opérations dites de « coups d’achat » lorsqu’elles répondent à une offre en ligne pour permettre aux enquêteurs de recourir à une identité d’emprunt et d’assurer la surveillance de l’acheminement ou du transport des produits stupéfiants ainsi acquis.

L’article 19 précise les règles applicables aux informateurs des services d’enquête. Il autorise également le recours aux « infiltrations civiles », dans lesquelles l’infiltré n’est pas un membre des forces de l’ordre.

L’article 20 modifie les règles applicables aux nullités de procédure lors de l’information judiciaire, en prévoyant la suppression de la désignation de l’avocat chef de file par courrier recommandé pour les seules procédures portant sur la criminalité et la délinquance organisées, en imposant l’information du juge d’instruction lorsqu’une partie saisit la chambre de l’instruction d’un moyen de nullité et en prescrivant la récapitulation de l’ensemble des moyens de nullité de procédure dans le dernier mémoire communiqué à la chambre de l’instruction.

L’article 20 ter étend la possibilité de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), uniquement possible en matière délictuelle, aux crimes prévus en matière de trafic de stupéfiants, à l’exception de celui de direction ou d’organisation d’un groupement ayant pour objet un tel trafic.

L’article 21 étend les pouvoirs de l’État en haute mer dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Il prévoyait, dans sa version initiale, la possibilité pour un navire français d’arraisonner un navire suspecté de se livrer au trafic de stupéfiants sans l’accord de l’État de pavillon. Cette possibilité a néanmoins été supprimée au Sénat.

L’article 21 ter étend les possibilités de procéder aux perquisitions et visites douanières de nuit, y compris dans les lieux d’habitation, pour les infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisée et certains délits douaniers Certaines de ces possibilités sont aujourd’hui ouvertes pour des finalités très restreintes, à savoir la prévention d’actes de terrorisme présentant un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique. 

L’article 21 quinquies permet à l’Office national anti-fraude (Onaf) d’être co-saisi des procédures portant sur le blanchiment lié au trafic de stupéfiants. Il autorise également les agents des douanes à recourir à certaines techniques spéciales d’enquête et au procès-verbal séparé créé par l’article 16 de la présente proposition de loi.

  1.   Des nouvelles dispositions prévues pour faciliter le démantèlement des points de vente

Totalement réécrit en séance publique par les sénateurs, l’article 24 prévoit deux mesures : d’une part, une possibilité pour le préfet de prononcer une interdiction de paraître dans certains lieux à l’encontre de toute personne soupçonnée de participer aux activités de trafic ; d’autre part, l’élargissement des obligations du locataire en termes d’occupation paisible du logement et de ses abords dont le non‑respect peut entraîner une saisine du juge aux fins de résiliation du bail. Dans certaines conditions, le préfet peut se substituer au bailleur pour mettre œuvre une telle procédure.

  1.   L’amélioration des outils de lutte contre la corruption

L’article 22 de la proposition de loi regroupe des dispositions très diverses pour renforcer la lutte contre la corruption liée à la délinquance et à la criminalité organisées et au trafic de stupéfiants.

En premier lieu, dans sa version initiale, cet article prévoyait l’obligation de diligenter des enquêtes administratives de sécurité sur des agents exerçant au sein de certaines administrations et services publics identifiés par décret comme présentant un risque particulier de corruption. Le Sénat a apporté de nombreuses modifications à ces dispositions, notamment pour étendre le champ d’application des dispositifs d’autorisation d’accès à des zones sensibles et d’agrément des personnels portuaires à certaines installations portuaires. Il a également assoupli les conditions de mise en œuvre des opérations d’inspection-filtrage au sein des ports.

En deuxième lieu, l’article 22 crée une nouvelle procédure de signalement des faits en lien avec la corruption, le trafic d’influence ou l’exercice de menaces, par l’intermédiaire d’un point de contact unique. Le Sénat a également prévu une nouvelle obligation, pour le procureur de la République, d’informer l’administration des décisions judiciaires relatives à une poursuite pour des faits de criminalité organisée lancée à l’encontre d’un agent qu’elle emploie.

En dernier lieu, dans sa version initiale, cet article modifiait la loi du 9 décembre 2016, dite « Sapin 2 » pour étendre l’obligation de mettre en œuvre des mesures de prévention et de détection des faits de corruption ou de trafic d’influence à toutes les administrations au sein desquelles des risques de vulnérabilité à ces faits ont été identifiés. Lors de son examen par le Sénat, le champ d’application de l’obligation de conformité a toutefois été limité aux présidents, directeurs généraux et gérants des personnes morales exploitant des installations portuaires. Il a également été prévu un nouvel encadrement juridique en matière de vidéoprotection au sein des ports ainsi qu’une nouvelle possibilité pour l’autorité administrative de refuser l’accès aux ports de certains navires lorsqu’ils ont été utilisés pour participer à un trafic de stupéfiants.

L’article 22 bis de la proposition de loi, introduit lors de l’examen du texte en commission des Lois au Sénat, prévoit, d’une part, l’extension du régime procédural dérogatoire applicable en matière de délinquance et de criminalité organisées aux infractions de corruption d’agents publics et de trafic d’influence et de corruption d’agents privés en bande organisée, lorsque ces infractions sont commises en lien avec cette matière. D’autre part, il crée une circonstance aggravante de bande organisée pour les infractions de corruption d’agents privés, pour porter les peines encourues à 10 ans d’emprisonnement et 1 million d’euros d’amende.

  1.   L’adaptation des règles relatives à la détention

Aux fins de lutter contre l’introduction, dans les établissements pénitentiaires, de substances ou de moyens de communication dont la détention est illicite, l’article 23 autorise les services de l’administration à procéder à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs. Par ailleurs, cet article modifie le code de procédure pénale pour appliquer aux délits relevant du champ de la délinquance et de la criminalité organisées les délais de détention provisoire prévus en matière criminelle. Il comprend, enfin, plusieurs dispositions modifiant les modalités de traitement des demandes de mise en liberté formées par les personnes placées en détention provisoire et apporte également des précisions sur les délais d’audiencement d’une affaire délictuelle renvoyée par le juge d’instruction devant le tribunal correctionnel.

L’article 23 bis crée en outre une nouvelle infraction sanctionnant le fait de s’introduire ou de tenter de s’introduire sur le domaine affecté à un établissement pénitentiaire, visant également à lutter contre les phénomènes de projections.

Concernant cette fois l’efficience des dispositifs de brouillage téléphonique, l’article 23 ter crée une obligation d’information de l’administration pénitentiaire en cas de projet de construction ou de modification substantielle d’une ou plusieurs installations radioélectriques situées à proximité d’un établissement pénitentiaire.

Enfin, pour mieux sécuriser les opérations de transfèrement et d’extraction, l’article 23 quater autorise et délimite l’usage de caméras embarquées dans les véhicules aux fins d’assurer la sécurité des opérations de transfèrement et d’extraction réalisées par les personnels pénitentiaires.

II.   Principaux apports de la commission des Lois

  1.   La Commission a jugé nécessaire de supprimer certains dispositifs

Suivant la proposition du rapporteur M. Pauget, la commission des Lois a supprimé la procédure d’injonction pour richesse inexpliquée prévue à l’article 4, considérant que le mécanisme risquait de porter une atteinte trop forte à la présomption d’innocence. 

À l’initiative du rapporteur M. Pauget, une nouvelle fois, la commission des Lois a supprimé l’article 5, qui portait création d’un gel judiciaire des avoirs criminels, considérant qu’il n’apportait pas de valeur ajoutée par rapport aux dispositifs existants de saisie et confiscation d’avoirs criminels.

Face aux inquiétudes exprimées par de nombreux groupes politiques, la commission des Lois a supprimé l’article 8 ter et la réforme qu’il proposait des obligations de déchiffrement des communications par les opérateurs et plateformes numériques.

La commission a supprimé certaines des dispositions prévues par l’article 15, sur initiative du rapporteur M. Caure, qui apparaissaient superfétatoires par rapport au droit existant. Elle a ainsi supprimé la présomption d’habilitation des enquêteurs affectés dans un service spécialisé de lutte contre la délinquance et la criminalité organisées pour accéder aux informations figurant dans les traitements d’antécédents judiciaires. Elle a également supprimé les dispositions permettant d’occulter l’identité des membres des services judiciaires dans les décisions susceptibles d’être rendues publiques.

La commission des Lois a également supprimé plusieurs dispositions novatrices de procédure pénale prévues aux articles 11, 15 ter et 15 quater.

La commission des Lois a supprimé l’article 16 relatif au dossier distinct, considérant que l’atteinte aux droits de la défense était disproportionnée.

De même, contrairement à la position du rapporteur M. Pauget, la Commission a rejeté l’article 10 ter sur les précisions relatives à l’immobilisation et la mise en fourrière des véhicules ayant servi à commettre une infraction.

Sur la proposition du rapporteur M. Vicot, la commission a également supprimé « l’infiltration civile » prévue à l’article 19, les risques de telles opérations apparaissant particulièrement élevés et les garanties insuffisantes.

De même, la commission des Lois a supprimé l’extension de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) aux crimes de trafics de stupéfiants par l’article 20 ter, considérant que le débat n’était pas assez mûr pour proposer une évolution aussi fondamentale.

  1.   Plusieurs ajustements des dispositifs initiaux

À l’article 2, le rapporteur M. Caure a précisé que le nouveau parquet serait rattaché au tribunal judiciaire de Paris et a supprimé le mécanisme formalisé de dessaisissement de parquet à parquet. Sur sa proposition, la commission des Lois a également supprimé toutes les dispositions relatives à la visioconférence, considérant qu’elles n’avaient pas leur place à l’article 2.

À l’article 3, à l’initiative du rapporteur M. Pauget, la commission des Lois a simplifié le dispositif d’information du maire sur les infractions en lien avec le trafic de stupéfiants et précisé les modalités de fermeture administrative d’un établissement.

La commission des Lois, sur proposition du rapporteur M. Pauget, a précisé le périmètre des opérateurs concernés par l’accès à leurs données par les douanes, prévu par l’article 3 bis.

À l’initiative du rapporteur M. Vicot, la commission des Lois a restreint l’extension de l’utilisation des techniques de renseignement algorithmique proposée à l’article 8. Seule la criminalité organisée relative au trafic de stupéfiants, au trafic d’armes et au blanchiment issu de ces infractions serait ainsi concernée. 

La commission des Lois a modifié le dispositif de retrait et de blocage de certains contenus diffusés sur Internet prévu par l’article 12. Elle a rétabli le périmètre infractionnel initial de ces dispositions pour en limiter l’application aux contenus caractérisant des faits de cession ou d’offre illicites de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle, relevant de l’article 222-39 du code pénal.

À l’article 12 bis, elle a précisé l’obligation d'identification qui pèse sur les acquéreurs d'un service de communications interpersonnelles à prépaiement, en imposant la présentation d’un document officiel d’identité.

La commission des Lois a renforcé l’efficacité des dispositions de l’article 13 prévoyant la professionnalisation des cours d’assises pour les crimes commis en bande organisée et le crime d’association de malfaiteurs, en prévoyant l'application de ces dispositions pour les mineurs âgés de plus de 16 ans, y compris lorsqu’il est décidé de ne pas faire application des règles d’atténuation des peines.

La commission des Lois, sur proposition du rapporteur M. Pauget, a réécrit le volet procédural du dispositif de collaborateur de justice à l’article 14, en supprimant le dispositif de l’immunité, en confiant la décision sur l’octroi du statut à la chambre de l’instruction près la cour d’appel de Paris et en liant encore davantage la juridiction de jugement chargée de statuer sur la peine du collaborateur de justice. La commission, toujours à l’initiative du rapporteur M. Pauget, a harmonisé les conditions d’octroi des réductions de peine.

Elle a également élargi le bénéfice des mesures de protection qui existent pour les témoins, aux victimes, sur proposition du rapporteur M. Pauget, à l’article 14 bis.

Elle a précisé le champ d’application de l’article 15 bis A, pour étendre l’application de la nouvelle procédure d’anonymisation des interprètes intervenant à l’occasion d’une procédure en matière de délinquance ou de criminalité organisées à l’ensemble de leurs missions. Elle a aussi prévu des sanctions en cas de révélation de l’identité des interprètes anonymisés.

À l’initiative du rapporteur M. Vicot, la Commission a modifié l’article 18 afin de conserver la distinction entre opérations de « coup d’achat » et opérations de surveillance, et de supprimer une coordination inadaptée avec le code des douanes.

La commission des Lois a apporté plusieurs modifications à l’article 22. Tout d’abord, sur initiative du rapporteur M. Caure, elle a aménagé les conditions d’application de la procédure d’autorisation d’accès à certaines zones portuaires, en la limitant notamment aux zones où sont traités des conteneurs commerciaux. Elle a également supprimé le principe de la réalisation systématique des enquêtes administratives de sécurité pour les personnes accédant de manière temporaire aux zones à accès restreint des ports. Elle a aussi précisé la procédure de refus, retrait ou d’abrogation des autorisations, agréments et habilitations des agents portuaires notamment pour assurer le respect du principe du contradictoire. La commission des Lois a également supprimé la procédure de signalement par l’intermédiaire d’un point de contact unique, ainsi que la faculté pour le procureur de la République d’informer une administration des soupçons de commission d’infraction qui pèsent sur l’agent qu’elle emploie. Enfin, elle a rendu obligatoire la formation des agents portuaires et aéroportuaires contre la corruption.

La Commission a en outre largement modifié l’article 23 par la suppression de plusieurs dispositions relatives aux demandes de mise en liberté, en particulier lorsqu’elles conduisaient à faire courir un délai de traitement d’une demande ou un délai de durée de détention provisoire à partir d’un acte d’enregistrement ou de notification, ou encore en fonction d’une décision elle-même non encadrée par un délai. Par définition attentatoire aux droits des personnes alors qu’elles sont encore présumées innocentes, la détention provisoire doit en effet demeurer une exception encadrée par des procédures et des délais strictement adaptés et proportionnés. La Commission a par ailleurs prévu que les avocats peuvent transmettre les demandes de mise en liberté, de mainlevée ou de modification du contrôle judiciaire par un moyen de télécommunication sécurisé.

S’agissant de l’article 24, à l’initiative du rapporteur M. Caure, la Commission a prévu l’information du procureur de la République par le préfet lorsqu’il décide d’une interdiction de paraître et a clarifié la rédaction de la nouvelle obligation du locataire de s’abstenir de certains comportements aux abords des locaux loués.

Enfin, la commission des Lois a approuvé sur le fond plusieurs articles, en y apportant parfois des précisions ou des améliorations rédactionnelles : les articles 4 bis, 5 bis, 6, 8 bis, 10, 10 bis, 16 bis, 17, 17 bis, 21 bis, 21 ter, 21 quater, 21 quinquies, 22 bis, 23 ter et 23 quater.

  1.   L’insertion de nouvelles dispositions

La commission des Lois a inséré sept articles additionnels au sein de la proposition de loi ordinaire, proposant ainsi plusieurs mesures complémentaires pour renforcer la lutte contre le narcotrafic.

L’article 4 bis B explicite le fait que la peine complémentaire de confiscation peut également porter sur les sommes présentes sur des cartes prépayées anonymes.

L’article 4 bis C élargit les possibilités d’affectation ou de mise à disposition des biens meubles ou immeubles dont la gestion est confiée à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC).

L’article 11 bis crée une nouvelle cause d’aggravation des peines encourues lorsque les faits de trafic de stupéfiants ont été commis en ayant recours à des personnes vulnérables

Afin de limiter les opérations d’extractions lorsqu’elles sont particulièrement risquées, l’article 23 bis A vise quant à lui à faire du recours à la visioconférence le principe pour la comparution, dans le cadre de l’instruction, d’une personne mise en examen, prévenue, accusée ou condamnée pour une ou plusieurs infractions relevant du champ de la délinquance ou de la criminalité organisées.

Enfin, introduit par un amendement du Gouvernement, l’article 23 quinquies crée, au sein du code pénitentiaire, une nouvelle section relative aux quartiers de lutte contre la criminalité organisée.

La commission des Lois a inséré deux articles additionnels au sein de la proposition de loi organique, l’un pour exclure les postes de premier vice-procureur de la République anti-criminalité organisée des postes pouvant être proposés à des magistrats placés après deux ans d’affectation et l’autre pour fixer l’entrée en vigueur de la loi au 1er juillet 2026.

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   COMMENTAIRE DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI

TITRE IER
ORGANISATION DE LA LUTTE CONTRE LE NARCOTRAFIC

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er prévoit la désignation d’un service chef de file de la lutte contre la criminalité organisée.

Il allège également la procédure de transmission d’informations entre services de renseignement, en supprimant dans certains cas l’autorisation de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

       Dernières modifications législatives intervenues

Pas de modifications législatives récentes.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a réécrit l’article 1er en supprimant les dispositions relatives à l’Office français anti-stupéfiants et en renvoyant la désignation d’un chef de file de la lutte contre la criminalité organisée à un texte de niveau réglementaire. Il conserve néanmoins l’allègement prévu pour la procédure de transmission d’informations.

       Position de la Commission

La Commission a adopté trois amendements modifiant l’article 1er.

  1.   L’état du droit

L’Office anti-stupéfiants (Ofast) est un service à compétence nationale, à vocation interministérielle, créé par le décret n° 2019-1457 du 26 décembre 2019 en remplacement de l’Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (OCTRIS). Il est compétent en matière de lutte contre la production, la fabrication, l’importation, l’exportation, le transport, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi illicites de stupéfiants, contre les opérations de blanchiment liées au trafic de stupéfiants et contre l’usage illicite de l’une des substances ou plantes classées comme stupéfiants.

D’un point de vue administratif, il est chargé, en particulier :

– d’évaluer la menace liée au trafic de stupéfiants ;

– d’élaborer des propositions en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants et les transactions qui s’y rapportent ;

– d’assurer le suivi de la mise en œuvre de la stratégie interministérielle de lutte contre le trafic de stupéfiants.

L’Ofast constitue également, en matière judiciaire, l’organisme chef de file dans la conduite des enquêtes judiciaires relatives au trafic de stupéfiants de grande ampleur. À ce titre, il est chargé de :

– procéder aux enquêtes judiciaires relatives à des trafics de stupéfiants d’importance nationale ou présentant une sensibilité particulière ;

– coordonner, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, les enquêtes de grande envergure menées par les services de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des douanes ainsi que les enquêtes qui présentent une dimension internationale marquée et visent des filières d’importation complexes ;

– coordonner les services territoriaux de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des douanes, dans le cadre de saisines conjointes décidées par l’autorité judiciaire ;

– centraliser les informations concernant les procédures de surveillance des individus suspectés d’être impliqués dans la délinquance ou la criminalité organisée ;

– coordonner, avec l’ensemble des partenaires concernés, la mise en œuvre des mesures de prévention, de recherche et de constatation des infractions constitutives de trafic de stupéfiants dans le cadre de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer (voir le commentaire de l’article 21 de la présente proposition de loi).

L’Ofast est également, dans son champ de compétence, le référent français pour nos partenaires étrangers. À ce titre, il constitue pour la France le point de contact central dans les échanges internationaux, entretient des relations opérationnelles avec les services spécialisés des autres États et avec les organismes internationaux et contribue à l’élaboration de la position française en matière de lutte contre les trafics de stupéfiants dans les instances européennes et internationales.

  1.   Le dispositif proposé par le Sénat
    1.   Les dispositions initiales

La rédaction initiale de l’article 1er détaillait les règles législatives ayant vocation à encadrer l’action de l’Ofast.

Le présent article prévoyait, à son I, le placement de l’Ofast sous la tutelle conjointe des ministres de l’intérieur, d’une part, et de l’économie et des finances, d’autre part, ainsi que son autorité sur l’ensemble des services de police judiciaire, de douane judiciaire et de renseignement dans l’exercice de leurs missions de lutte contre le narcotrafic.

Aux termes du II de l’article 1er, l’Ofast devait procéder, sur l’ensemble du territoire national, aux enquêtes judiciaires relatives :

– aux crimes réprimant le trafic de stupéfiants relevant de la criminalité organisée, mentionnés au 3° de l’article 706-73 du code de procédure pénal ;

– aux délits relevant de ce même 3° lorsqu’ils sont ou apparaissent d’une très grande complexité, en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes, ou du ressort géographique sur lequel ils s’étendent.

L’Ofast devait également être informé des enquêtes judiciaires de grande envergure diligentées par les services de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des douanes, en particulier celles présentant une dimension internationale marquée et visant des filières d’importation complexes. Il pouvait demander à être saisi concurremment à d’autres services enquêteurs.

Le II de l’article 1er reprenait également les dispositions du décret de 2019 précité sur la mise en œuvre des mesures de surveillance d’individus impliqués dans la délinquance ou la criminalité organisée.

L’Ofast devait assurer, par ailleurs, la centralisation des informations recueillies par les cellules opérationnelles sur les stupéfiants (voir le commentaire de l’article 7 de la présente proposition de loi).

Ce II prévoit également que l’Ofast était rendu destinataire des renseignements collectés par les services de renseignement lorsqu’ils concernent le trafic de stupéfiants, par dérogation à la procédure d’autorisation par le Premier ministre après avis de la CNCTR d’une telle transmission, prévue à
l’article L. 822-3 du code de la sécurité intérieure (CSI, voir infra).

Enfin, le II de l’article 1er reprenait les dispositions du décret de 2019 précité relatif à l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer pour la lutte contre le trafic de stupéfiants (voir supra).

  1.   Les modifications adoptées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a adopté plusieurs amendements modifiant la rédaction de l’article 1er.

  1.   De nombreux ajouts et compléments en commission des Lois

● L’amendement COM-55 des rapporteurs précisait, au II du présent article, le champ de compétence judiciaire de l’Ofast. Selon l’objet de l’amendement, sur instruction du parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco), il procédait ainsi aux enquêtes liées à la direction d’un groupe de narcotrafiquants ou relatives aux infractions de meurtres, tortures ou actes de barbarie commis en bande organisée lorsqu’elles sont liées au trafic de stupéfiants.

Par ailleurs, il prévoyait que l’Ofast procède, sur instruction du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d’instruction, aux enquêtes judiciaires ou à l’exécution d’actes d’instruction relatifs à des faits de trafic de stupéfiants d’importance nationale ou internationale ou qui présentent une sensibilité, une gravité ou une complexité particulières. Cette compétence s’exerce, le cas échéant, de façon concurrente avec d’autres services ou unités de police judiciaire.

● L’amendement COM-17 rect. de M. Perrin (Les Républicains) visait, selon son objet, à « élargir à l’ensemble des services de renseignement dits “du second cercle”, soit notamment les services compétents de la police et de la gendarmerie nationales, de la préfecture de police et de l’administration pénitentiaire, la dérogation aux règles de droit commun du partage de renseignements entre services prévue par l’article 1er de la présente proposition de loi pour le seul Office anti-stupéfiants ».

Par l’ajout d’un III au sein du présent article 1er, il modifie en ce sens l’article L. 822-3 du CSI. Le II de cet article permet en effet aux services de renseignement du premier ([2]) et du second cercle ([3]) de la communauté du renseignement de transmettre à un autre service les renseignements dont il dispose, si cette transmission est strictement nécessaire à l’exercice des missions du service destinataire, dans la limite des finalités justifiant la mise en œuvre de techniques de renseignement ([4]). Le II de cet article L. 822-3 soumet également à une autorisation préalable du Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) :

– les transmissions de renseignement d’un service à un autre, lorsqu’elles poursuivent une finalité différente de celle qui en a justifié le recueil (au 1° du II) ;

– les transmissions de renseignements collectés, extraits ou transcrits qui sont issus de la mise en œuvre d’une technique de renseignement à l’aide de laquelle le service destinataire n’aurait pu recourir au titre de la finalité motivant la transmission (au 2° du II).

L’amendement COM-17 rect. supprime l’autorisation du Premier ministre après avis de la CNCTR pour les transmissions mentionnées au 1° du II, par parallélisme avec ce qui est prévu au bénéfice de l’Ofast par l’article 1er.

Ainsi, dans un souci de meilleur partage de l’information, il allège les exigences de la procédure applicable aux transmissions de renseignements entre services. À ce propos, il convient de rappeler que le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, soulignait que « les échanges de renseignement entre services sont dans certains domaines en particulier, tels que la prévention du terrorisme, une condition essentielle de l’efficacité de l’action menée par les services et de l’atteinte des objectifs de préservation de la sécurité nationale et de défense et de promotion des intérêts fondamentaux de la Nation. Il observe que le projet vient utilement compléter le code de la sécurité intérieure, dont les dispositions encadrant les échanges entre services revêtent aujourd’hui un caractère général, en fixant à ceux-ci un cadre légal précis, dans la limite des finalités énumérées à l’article L. 811-3, des missions assignées à chaque service et des renseignements strictement nécessaires à l’accomplissement de celles-ci. Les opérations sont entourées de garanties destinées à assurer leur contrôle a priori ou a posteriori et leur bonne exécution et sont placées sous la surveillance de la CNCTR. Il estime que l’ensemble de ces conditions assure une conciliation conforme à la Constitution entre la protection de la vie privée et la défense et la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation » ([5]).

● L’amendement COM-56 des rapporteurs prévoyait, enfin, dans un nouveau IV du présent article 1er, une entrée en vigueur différé, trois mois à compter de celle de la loi, afin de permettre aux services concernés de s’y préparer.

  1.   Une réécriture globale en séance publique

Le Sénat a procédé à une large réécriture en séance publique, substituant aux I et II de l’article 1er un nouveau II bis, à la suite de l’adoption de l’amendement n° 155 rect. du Gouvernement avec avis favorable de la commission.

Cet amendement supprime les dispositions des I et II de l’article 1er, modifiées en commission des Lois, tout en conservant le principe de la désignation, par la voie réglementaire, d’un chef de file en matière de lutte contre la criminalité organisée. Un décret en Conseil d’État devra préciser les conditions dans lesquelles ce chef de file :

– impulse, anime, pilote et coordonne l’action des services de l’État qui concourent à cette lutte, dans le respect de leurs missions, de leurs pouvoirs et de leur autorité de rattachement ;

– organise les échanges d’informations utiles à l’accomplissement de leurs missions, y compris par l’accès à des traitements informatisés de données, dans des conditions garantissant notamment la confidentialité de leurs échanges.

La nouvelle rédaction de l’article 1er supprime également l’entrée en vigueur différée prévue au IV et ajoutée en commission des Lois.

En revanche, le III de l’article 1er, qui assouplit les conditions de transmission d’informations entre services de renseignement, est conservé dans sa version adoptée en commission des Lois.

  1.   La position de la Commission

La Commission a adopté trois amendements modifiant l’article 1er.

L’amendement CL268 de M. Molac (Liot) précise que le service chef de file de la lutte contre la criminalité organisée a un caractère interministériel.

L’amendement CL399 de M. Amirshahi (EcoS) supprime la précision selon laquelle le décret en Conseil d’État organise les échanges d’informations utiles à l’accomplissement des missions des différents services concernés, « y compris par l’accès à des traitements informatisés de données ».

L’amendement CL1 de M. Léaument (LFI) prévoit l’intervention de deux magistrats, désignés par le président du tribunal judiciaire de Paris, au sein du service chef de file.

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Introduit par la Commission

L’article 1er bis est issu de l’adoption de l’amendement CL379 de M. Bernalicis (LFI-NFP). Il sollicite un rapport visant à établir un état des lieux des dysfonctionnements des logiciels utilisés par les services de police, ainsi que leurs impacts sur la lutte contre le trafic de stupéfiants, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.

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Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2, dans sa version initiale, créait un parquet national anti-stupéfiants disposant d’une compétence exclusive sur les infractions les plus graves liées au trafic de stupéfiants et d’une compétence concurrente sur les crimes et délits liés au trafic de stupéfiants. L’article a fait l’objet d’une large réécriture lors de son examen par la commission des Lois du Sénat.

       Dernière modification législative intervenue

L’article 68 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a instauré une juridiction spécialisée à compétence nationale chargée de la très grande criminalité organisée, la Junalco.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a, lors de son examen en commission, opéré une réécriture globale de l’article 2. Il a ensuite, en séance publique, adopté six amendements pour modifier le dispositif.

La rédaction de l’article adoptée par le Sénat prévoit ainsi :

– la création d’un parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco), qui se substitue à la Junalco et remplace le parquet national anti-stupéfiants (Pnast) de la version initiale du texte ;

– une compétence concurrente en matière de criminalité et de délinquance organisées (mais aucune compétence exclusive) ;

– la structuration des relations entre JIRS et Pnaco avec un circuit d’information formalisé, un mécanisme de délégation judiciaire et une procédure de dessaisissement ;

– la spécialisation de l’ensemble de la chaîne judiciaire.

       Position de la Commission

La Commission a adopté vingt-cinq amendements modifiant l’article 2.

Outre des modifications rédactionnelles, la Commission a confirmé la localisation du Pnaco à Paris, supprimé l’inscription du mécanisme de dessaisissement de parquet à parquet dans le code de procédure pénale et clarifié les dispositions relatives à la spécialisation des magistrats en matière de criminalité organisée.

  1.   L’État du droit

La structuration des juridictions judiciaires pour mieux appréhender la criminalité organisée remonte à 2004 avec la création des juridictions spécialisées dans la lutte contre la criminalité organisée (JIRS) par l’article 1er de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. La fragmentation trop grande des juridictions entravait en effet le démantèlement de réseaux criminels très mobiles géographiquement. La loi a donc créé des juridictions dont la compétence s’étend sur les ressorts de plusieurs juridictions. Les JIRS sont aujourd’hui au nombre de huit, localisées à Bordeaux, Fort-de-France, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Paris et Rennes.

Le champ infractionnel qui détermine la compétence des JIRS est fixé à l’article 706-75 du CPP. Il recouvre l’ensemble des crimes et délits relatifs à la criminalité et à la délinquance organisées (tels qu’énumérés aux articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 du même code, à l’exception des actes de terrorisme et portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation), dès lors que ces affaires sont ou apparaissent d’une grande complexité.

L’article 706-75-1 prévoit quant à lui la désignation par les chefs de juridiction des magistrats du parquet, de l’instruction et du siège qui sont chargés du traitement des affaires relevant de la compétence des JIRS. Celles-ci sont donc composées de magistrats spécialisés dans le traitement des dossiers de criminalité organisée.

Les JIRS exercent une compétence concurrente de celle des parquets locaux, c’est-à-dire qu’elles ne se saisissent pas de l’ensemble des dossiers qui relèvent de leur compétence. La répartition des dossiers entre JIRS et parquets locaux doit permettre une complémentarité.

Une circulaire datée du 31 octobre 2014 ([6]) évoque les critères qui peuvent conduire à une saisine des JIRS : le recours à certains dispositifs procéduraux (infiltration, sonorisation, saisine de la commission de protection et de réinsertion…), la forte dimension internationale du dossier mais aussi sa complexité financière.

Pour que les JIRS puissent exercer leur compétence concurrente, les services enquêteurs, lorsqu’ils constatent une infraction qui pourrait relever d’un phénomène de criminalité organisée complexe, doivent adresser une double information : au parquet dont ils dépendent mais aussi au parquet compétent de la JIRS. Il revient également au parquet initialement saisi d’informer la JIRS compétente s’il l’estime pertinent.

Une nouvelle étape dans la spécialisation a été franchie avec la création de la juridiction spécialisée à compétence nationale chargée de la très grande criminalité organisée, la Junalco, par l’article 68 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Localisée au tribunal judiciaire de Paris, la Junalco exerce une compétence concurrente pour les crimes et délits qui sont du ressort des JIRS et qui sont ou apparaissent d’une très grande complexité, tel que le prévoit le dernier alinéa de l’article 706-75 du CPP. Celui-ci précise que le critère de très grande complexité peut s’entendre lorsqu’une affaire implique un nombre important de ressorts géographiques.

La répartition est précisée dans une circulaire datée du 17 décembre 2019 ([7]). Celle-ci précise que la Junalco a vocation à se saisir lorsqu’elle peut apporter une plus-value dans le traitement judiciaire des dossiers, par exemple lorsque le dossier présente une envergure nationale, qu’il est d’une technicité telle qu’il nécessite des connaissances pointues et spécifiques ou encore qu’il implique des groupes criminels démontrant un niveau d’organisation extrêmement sophistiqué.

La Junalco doit bénéficier de remontées d’informations en provenance des services d’enquête et des JIRS pour exercer au mieux ses compétences.

La réponse judiciaire à la criminalité organisée s’opère donc à trois niveaux : les parquets territoriaux pour les dossiers qui ont une dimension locale, les JIRS pour les dossiers complexes qui relèvent de plusieurs ressorts, et la Junalco pour les dossiers à dimension nationale et d’une très grande complexité.

Dans un rapport remis au garde des Sceaux en septembre 2024, l’ancien procureur national antiterroriste, Jean-François Ricard, avait préconisé la création d’un parquet national anti criminalité organisée, constatant le manque de lisibilité de la répartition des procédures entre JIRS et les difficultés de la Junalco à investir sa mission de coordination ([8]).

Deux parquets nationaux ont déjà été créés par le législateur.

Le parquet national financier (PNF) a été installé par la loi organique n° 2013-1115 du 6 décembre 2013 relative au procureur de la République financier. Juridiction nationale, le PNF est placé sous autorité du procureur général de Paris. Sa compétence est encadrée par les articles 705 et 705-1 du CPP. Il dispose d’une compétence exclusive pour les atteintes aux marchés financiers et d’une compétence concurrente à celle des parquets territoriaux et des JIRS pour les atteintes aux finances publiques, à la probité et à la concurrence.

Parmi les critères de saisine du PNF se trouvent : la dimension internationale du dossier, la complexité des montages financiers, la technicité de la matière ou encore la présence de multiples sociétés écrans dans des paradis fiscaux et de circuits de blanchiment complexes ([9]).

Le parquet national anti-terroriste (Pnat) a été créé par l’article 69 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. L’exigence de spécialisation s’explique par la singularité des techniques d’enquête utilisées, mais également par la nécessaire maîtrise des mécanismes de coopération internationale et du contexte géopolitique en la matière. L’objectif est également d’avoir un point de contact identifié pour les autorités judiciaires étrangères ([10]). Conformément à l’article 706-16 du CPP, le Pnat exerce une compétence concurrente sur les infractions relatives aux actes de terrorisme définis aux articles 421-1 à 426-1 du même code.

Plusieurs mécanismes existent pour garantir une articulation optimale entre les parquets nationaux, les parquets spécialisés et les parquets territoriaux.

● La délégation judiciaire

L’article 706-17-1 prévoit un mécanisme de délégation judiciaire qui peut être mis en œuvre par le procureur de la République antiterroriste. Ce dernier peut requérir tout procureur de la République de procéder ou de faire procéder aux actes d’enquête nécessaires à la poursuite d’infractions qui relève de la compétence du procureur de la République antiterroriste. La délégation doit mentionner les actes d’enquête, la nature de l’infraction objet de l’enquête et être signée par le procureur de la République antiterroriste. Ce dernier fixe également le délai dans lequel la délégation judiciaire et les procès-verbaux des actes requis doivent lui être remis. Les magistrats, pour l’exercice de cette délégation, disposent de tous les pouvoirs du procureur de la République antiterroriste.

Selon la circulaire de présentation ([11]), ce mécanisme permet l’appui des parquets locaux au Pnat lorsqu’il n’est pas en mesure de procéder aux actes d’enquête lui-même, par exemple lorsque la multiplicité d’attentats commis simultanément sur l’ensemble du territoire rend impossible son transport sur les lieux. La circulaire précise que ce mécanisme « ne crée pas de rapport hiérarchique ni d’autorité » du Pnat sur les parquets requis.

● La procédure de dessaisissement

L’article 43-1 du CPP pose le principe du dessaisissement des parquets au profit d’un parquet qui dispose d’une compétence spécialisée et concurrente, qui s’étend aux ressorts d’autres tribunaux judiciaires.

Les articles 706-77 et 706-78 prévoient une procédure de dessaisissement lorsqu’une information judiciaire a déjà été ouverte. Cette procédure s’applique uniquement pour les infractions qui relèvent du champ de compétence des JIRS et de la Junalco. La procédure est ouverte à l’initiative du procureur de la République, qui requiert le juge d’instruction de se dessaisir au profit de la juridiction d’instruction JIRS. Les parties peuvent faire connaître leurs observations. De là, deux options existent :

– le juge d’instruction rend une ordonnance de dessaisissement et aucun recours n’est exercé dans un délai de cinq jours après sa notification : le dossier de la procédure est alors adressé au procureur de la République de la JIRS compétent ;

– l’ordonnance du juge d’instruction est déférée devant la chambre de l’instruction ou devant la chambre criminelle de la Cour de cassation selon que les deux juridictions se situent dans le même ressort de cour d’appel ou non. La chambre de l’instruction ou la chambre criminelle désignent alors, dans un délai de huit jours suivant la réception du dossier, le juge d’instruction chargé de poursuivre l’information.

Cette procédure de dessaisissement est également prévue aux articles 705-2 et 705-3 du CPP, pour que les juridictions puissent se dessaisir au profit de la juridiction d’instruction du tribunal judiciaire de Paris lorsque l’infraction relève du champ de compétence du PNF.

  1.   Le dispositif proposÉ par le SÉnat

Dans le rapport de la commission d’enquête du Sénat précité supra, les rapporteurs préconisent la création, sur le modèle du Pnat et du PNF, d’un parquet national antistupéfiants (Pnast). Ce nouveau parquet doit permettre d’avoir un interlocuteur unique et identifié s’agissant de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Ce parquet national est également présenté comme une solution aux difficultés de répartition des dossiers entre les différentes juridictions (JIRS et Junalco). L’article 2 met en œuvre cette préconisation.

  1.   LEs dispositions initiales

L’article 2, dans la version initiale du texte, insère huit nouveaux articles au sein du titre XVI du livre IV du code de procédure pénale, intitulé « De la poursuite, de l’instruction et du jugement des infractions en matière de trafic de stupéfiants », qui consacre la création d’un Pnast. Les dispositions reproduisent la structuration déjà prévue pour le Pnat.

Le nouvel article 706-26-1 organise la compétence du Pnast de la manière suivante :

– une compétence concurrente pour les infractions liées au trafic de stupéfiants, hors direction de groupement et production de stupéfiants, lorsque les affaires sont d’une très grande complexité, en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes, ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent ;

– une compétence exclusive sur les infractions de direction d’un groupement ayant pour activité le trafic de stupéfiants (article 222-34), de production ou fabrication de stupéfiants (article 222-35), d’importation ou d’exportation illicite de stupéfiants en bande organisée (deuxième alinéa de l’article 222-36) et de justification mensongère de l’origine de biens ou de revenus en lien avec le trafic de stupéfiants (article 222-38), ainsi que les infractions qui leur sont connexes.

Ce nouveau parquet dispose donc d’un monopole criminel : il est l’autorité de poursuite unique pour les crimes en lien avec le trafic de stupéfiants. Il ne recouvre donc qu’une partie de la compétence de la Junalco.

Si l’article prévoit que la cour d’assises et le tribunal correctionnel de Paris exercent une compétence concurrente sur un périmètre similaire à celui du Pnast pour l’instruction et le jugement, ils n’ont pas de compétence exclusive équivalente à celle du parquet national. Il n’est pas prévu par ailleurs de spécialisation particulière pour l’instruction.

Le nouvel article 706-26-1 précise enfin que s’agissant des mineurs, le Pnast, le juge des enfants, le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs de Paris exercent une compétence concurrente à celle prévue par le code de justice pénale des mineurs.

Le Pnast dispose également d’un monopole sur les dossiers liés au trafic de stupéfiants et qui impliquent des collaborateurs de justice (nouvel article 706-26-2), conformément aux recommandations formulées par la commission d’enquête du Sénat.

Dans la version initiale du texte, le parquet national coexiste avec la Junalco, dont la compétence n’est pas modifiée.

Le nouvel article 706-26-3 reproduit le mécanisme de délégation judiciaire prévu aujourd’hui pour le Pnat à l’article 706-17-1 du code de procédure pénale. Ce mécanisme doit permettre au parquet national de s’appuyer sur les parquets locaux lorsqu’il n’est pas en mesure de procéder lui-même à la réalisation d’actes d’enquête.

Le nouvel article 706-26-4 donne compétence au premier président de la cour d’appel de Paris, sur les réquisitions du procureur général, pour délocaliser les audiences relatives aux délits et crimes sur lesquels le Pnast est compétent lorsque des motifs de sécurité l’imposent. Cette disposition reproduit celle prévue par l’article 706-17-2 du code de procédure pénale pour les délits et crimes de nature terroriste.

Le nouvel article 706-26-5 prévoit une procédure de dessaisissement d’un juge d’instruction au profit du Pnast. Cette procédure peut être initiée par le procureur de la République du tribunal près le tribunal judiciaire saisi de l’affaire ainsi que par le procureur anti-stupéfiants. La chambre criminelle de la Cour de cassation est compétente pour les recours exercés contre l’ordonnance de dessaisissement du juge d’instruction. Elle peut également être directement saisie par le procureur de la République lorsque le juge d’instruction n’a pas rendu son ordonnance dans un délai d’un mois.

Cette procédure de dessaisissement reproduit en partie celle prévue à l’article 706-18 du CPP au profit de la juridiction d’instruction de Paris pour les affaires en matière terroriste.

Le nouvel article 706-26-6 procède à la spécialisation de l’application des peines pour les décisions concernant les personnes condamnées pour des infractions qui relèvent de la compétence du Pnast.

En vertu du nouvel article 706-26-7, même si les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l’affaire changent, la cour d’assises ou le tribunal correctionnel de Paris restent compétents. Si les faits constituent une contravention, l’affaire est renvoyée devant le tribunal de police compétent. Ce nouvel article reproduit la disposition prévue à l’article 706-19.

Enfin, le nouvel article 706-26-8 organise la continuité des mesures de sûreté en cas de décision de dessaisissement ou d’incompétence d’un juge d’instruction : il prévoit que le mandat de dépôt ou d’arrêt conserve sa force exécutoire et que les actes de poursuite ou d’instruction intervenus avant que la décision de dessaisissement ou d’incompétence soit devenue définitive n’ont pas à être renouvelés. Ce nouvel article duplique au profit du Pnast la disposition prévue à l’article 706-21 pour le Pnat.

  1.   Les modifications adoptÉes par le SÉnat
    1.   En commission des Lois

La commission des Lois du Sénat a adopté l’amendement COM-57 des rapporteurs qui réécrit entièrement l’article 2, modifié par le sous-amendement COM-18 rect bis (M. Perrin, Les Républicains). L’objet de l’amendement est de transformer le Pnast en parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco). Il crée un nouveau chapitre intitulé « Du procureur de la République national anti-criminalité organisée ».

● Compétences du Pnaco

Le nouvel article 706-74-1 du CPP fixe les compétences du nouveau parquet national.

Le Pnaco exerce une compétence concurrente sur un champ infractionnel largement élargi par rapport à la version initiale du présent article. Celui-ci recouvre :

– l’ensemble des crimes et délits énumérés à l’article 706-73 ([12]), à l’exception des crimes de meurtre commis en bande organisée, de tortures et actes de barbarie commis en bande organisée, des actes de terrorisme, des crimes portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation et des crimes contribuant à la prolifération des armes de destruction massive ;

– les délits mentionnés à l’article 706-73-1 à l’exception de ceux portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ;

– les crimes et délits commis en bande organisée, ainsi que les délits d’association de malfaiteurs (tels que prévus à l’article 706-74) ;

– les crimes et délits d’associations de malfaiteurs dès lors qu’ils concernent la préparation d’infractions mentionnés supra ;

– et l’ensemble des infractions connexes.

Le pôle de l’instruction, le tribunal correctionnel et la cour d’assises de Paris – dans sa formation de cour d’assises spéciale – exercent la même compétence concurrente.

Le Pnaco – et lui seul – conserve une compétence exclusive, mais dans un champ infractionnel restreint aux infractions de direction d’un groupement ayant pour activité le trafic de stupéfiants (article 222-34 du CP), de meurtre commis en bande organisée (1° de l’article 706-73 du CPP) et de tortures et d’actes de barbarie commis en bande organisée (2° de l’article 706-73 du CPP). Lorsqu’il exerce cette compétence exclusive, l’article prévoit qu’il donne instruction à l’Office anti-stupéfiants (OFAST) de procéder aux enquêtes, si nécessaire concurremment avec d’autres services enquêteurs.

Comme dans la rédaction initiale du présent article, le procureur de la République anti-criminalité organisée, le juge des enfants, le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs de Paris exercent eux aussi une compétence concurrente.

Le Pnaco, dans le cadre de sa compétence concurrente comme de sa compétence exclusive, mais aussi le tribunal correctionnel de Paris, la cour d’assises de Paris ou la cour d’assises des mineurs de Paris dans le cadre de leur compétence concurrente, sont compétents sur l’ensemble du territoire national.

Le dernier alinéa du nouvel article 706-74-4 habilite le procureur de la République national anti-criminalité organisée à recevoir, à l’initiative des services de renseignement mentionnés à l’article L. 811-4 du code de la sécurité intérieure, toute information utile à l’exercice de ses compétences en matière de poursuites et de coordination de l’action publique. Cet alinéa résulte du sous-amendement COM-18 rect. bis.

Le 13° du I de l’amendement donne par ailleurs au Pnaco un monopole pour gérer les « coups d’achat » ([13]) pour constater les délits en matière d’armes et d’explosifs (prévus à l’article 706-106).

● Articulation avec les JIRS

L’amendement précise l’articulation et les relations entre les JIRS et le Pnaco qu’il crée.

L’amendement reproduit le mécanisme de délégation judiciaire déjà présent dans la version initiale de l’article (II du nouvel article 706-74-1 du CPP), en supprimant toute limite au champ infractionnel dans lequel s’exerce cette délégation judiciaire.

Le III du nouvel article 706-74-2 prévoit que les procureurs des JIRS avisent sans délai le procureur national anti-criminalité organisée des affaires dont ils sont saisis au titre de la JIRS.

Le nouvel article 706-74-4 donne pour mission au procureur anti-criminalité organisée la mission d’animer et de coordonner la conduite de la politique d’action publique en matière de répression pénale de la délinquance et la criminalité organisées. Les procureurs des JIRS doivent lui transmettre toutes les informations nécessaires à l’exercice de cette compétence. Le nouvel article énumère plus précisément quatre éléments qui doivent faire l’objet d’une transmission sans délai des procureurs JIRS vers le procureur anti-criminalité organisée :

– la délivrance d’une autorisation d’infiltration prévue à l’article 706-81 ou la réception d’une décision d’enquête européenne émanant d’un État qui sollicite la mise en place d’une mesure d’infiltration sur le territoire national ;

– la transmission d’information aux services de renseignement sur le fondement de l’article 706-105-1 ;

– tout élément laissant penser qu’une personne serait susceptible de bénéficier d’une exemption ou d’une réduction de peine, dès lors que l’infraction concernée relève de la compétence du Pnaco.

Ce dernier élément rejoint les dispositions prévues à l’article 14 du présent article, selon lesquelles le procureur anti-criminalité organisée a le monopole du recueil des déclarations des collaborateurs de justice en matière de criminalité organisée.

Le procureur anti-criminalité organisée peut également requérir, de la part de tout procureur, la transmission de toute information relative à des infractions relevant de son champ de compétence (nouvel article 706-74-5).

L’amendement prévoit aussi des procédures de dessaisissement.

Le premier alinéa du nouvel article 706-74-2 établit que la priorité est laissée au procureur de la République national anti-criminalité organisée tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement. Les procureurs doivent alors se dessaisir à son profit.

L’amendement substitue par ailleurs à la procédure de dessaisissement prévue dans la version initiale une procédure plus complète :

– le dessaisissement des procureurs ou des juges d’instruction au profit du Pnaco : le procureur anti-criminalité organisée peut, dans le champ infractionnel qui relève de sa compétence, requérir tout procureur, toute formation ou tout juge d’instruction initialement saisi de se dessaisir à son profit. Les parties en sont informées et peuvent faire des observations. Si le magistrat requis refuse de se dessaisir ou que les parties contestent le dessaisissement, la chambre criminelle de la Cour de cassation peut être saisie, à la requête du procureur anti-criminalité organisée ou des parties. Elle se prononce dans un délai de huit jours sur le magistrat chargé de poursuivre l’enquête ou l’information (nouvel article 706-74-2).

– le dessaisissement d’un parquet JIRS au profit d’un autre, selon des modalités similaires à la procédure existante pour les juridictions d’instruction, à l’exception près que c’est le procureur national anti-criminalité organisée qui est chargé de trancher le conflit de compétences.

Ces procédures s’ajoutent à celle déjà existante à l’article 706-77, qui permet le dessaisissement d’un juge d’instruction au profit d’une juridiction d’instruction spécialisée JIRS.

Le Pnaco dispose donc à la fois d’un pouvoir d’évocation des dossiers mais peut également trancher les conflits de compétence entre juridictions.

● Spécialisation de la chaîne judiciaire

Le IV du nouvel article 706-74-1, créé par l’amendement des rapporteurs du Sénat, prévoit la désignation par le premier président, au sein du tribunal judiciaire de Paris, des magistrats du siège (instruction, jugement, application des peines) du tribunal judiciaire de Paris et de la cour d’appel de Paris pour l’ensemble des infractions qui relèvent de la compétence du Pnaco.

Le nouvel article 706-74-3, créé par l’amendement, prévoit la spécialisation des juridictions de l’application des peines. Sont ainsi compétents :

– les juges d’application des peines du tribunal judiciaire de Paris ;

– le tribunal de l’application des peines de Paris ;

– la chambre de l’application des peines de la cour d’appel de Paris ;

– la cour d’assises ;

– le juge des enfants ;

– le tribunal pour enfants ;

– ou la cour d’assises des mineurs de Paris.

Cette spécialisation est similaire à ce qui existe déjà pour les dossiers qui relèvent de la compétence du Pnat (article 706-22-1). Le dispositif proposé ne comporte néanmoins aucune exception pour les affaires qui relèvent de la compétence concurrente. Il recoupe par ailleurs en partie le dispositif de spécialisation des juridictions de l’application des peines prévu à l’article 13 du présent texte.

L’amendement abroge également l’article 706-75-1 du CPP, qui prévoit la désignation par les chefs de juridiction des magistrats du parquet et du siège qui sont fléchés pour les dossiers JIRS (9° du II du présent article). Ces dispositions sont reprises en partie dans un nouvel article 706-78-1 introduit par l’amendement. Il ajoute aux dispositions existantes la désignation de magistrats spécialisés au sein du tribunal judiciaire de Paris, de la cour d’assises de Paris et de la cour d’appel de Paris pour l’exercice de leur compétence nationale telle que prévue à l’article 706-74-1 créé par l’amendement.

 Suppression de la Junalco

L’amendement procède également aux coordinations nécessaires suite à la transformation du Pnast en Pnaco. Il supprime ainsi la Junalco, dont le périmètre de compétence recouvre largement celui du Pnaco (8° du II du présent article).

 Principe d’information des parquets par les services enquêteurs

En premier lieu, l’amendement inscrit à l’article 19 du CPP l’obligation pour l’officier de police judiciaire, lorsque le crime ou le délit constaté relève de la compétence des JIRS, d’informer le parquet JIRS territorialement compétent en même temps que le parquet local (1° du II du présent article). En second lieu, il inscrit la même disposition à l’article 706-75 du même code : il précise que les JIRS sont avisées de la constatation par un officier ou un agent de police judiciaire de toute infraction qui relève des compétences des JIRS (7° du II).

● Autres dispositions

L’article 706-26-7 du CPP créé par l’article dans sa version initiale devient un nouvel article 706-74-5 sans autre modification de fond.

L’amendement procède également aux coordinations nécessaires dans différents articles du code de procédure pénale (2° à 5° du II).

Le nouvel article 706-78-2 prévoit que les magistrats du Pnaco et des Jirs peuvent faire appel à des assistants spécialisés pour travailler sur les procédures qui relèvent de leur compétence. Cette possibilité était déjà prévue pour les magistrats des JIRS et de la Junalco à l’article 706-79, qui n’est par ailleurs pas modifié par le présent article.

Le nouvel article 706-74-6 donne compétence à la chambre criminelle de la Cour de cassation, lorsqu’un appel a été formé d’une décision d’une cour d’assises spécialisée, de désigner cette même cour d’assises, autrement composée, pour connaître de l’appel. Ce nouvel article reprend les dispositions de l’article 706-75-2, abrogé par l’amendement.

Le dernier alinéa du I du nouvel article 706-74-1 du CPP prévoit la possibilité, lorsqu’une personne fait l’objet de poursuites suite à l’exercice d’une compétence concurrence ou exclusive du Pnaco, que les débats relatifs à son placement ou à son maintien en détention provisoire se fassent en visioconférence, dans les conditions prévues aux premier et sixième alinéas de l’article 706-71.

Enfin, le III du présent article 2 prévoit que la suppression de la Junalco et les dispositions relatives à la compétence exclusive du Pnaco entrent en vigueur trois mois après la promulgation de la loi.

  1.   En séance publique

Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a adopté six amendements qui modifient le présent article.

Il a adopté l’amendement n° 247 déposé par les rapporteurs, avec un avis favorable du Gouvernement, qui permet de faire une coordination avec l’article 9 du présent texte qui introduit une nouvelle infraction d’appartenance à une organisation criminelle.

Il a également adopté l’amendement n° 248 des rapporteurs, sous-amendé par l’amendement n° 266 du Gouvernement, qui apporte quelques modifications supplémentaires au dispositif :

– il supprime la compétence exclusive du Pnaco, les rapporteurs considérant que cela priverait potentiellement les parquets locaux de dossiers graves mais pas d’une très grande complexité ;

– il indique que le Pnaco est « par défaut » localisé à Paris ;

– il module la procédure de dessaisissement au profit du Pnaco prévue au nouvel article 706-74-2 pour retirer les procureurs ;

– il précise que la coordination est réalisée par le procureur général compétent en accord avec le Pnaco, alors que le texte adopté en commission prévoyait une logique inverse ;

– il opère les diverses coordinations nécessaires dans le code de l’organisation judiciaire.

Cet amendement ne tire toutefois pas les conséquences de la suppression de la compétence exclusive sur l’entrée en vigueur différée. De même, il ne réintègre pas les infractions qui relevaient de la compétence exclusive dans le champ de la compétence concurrente, ce qui dépossède le Pnaco des infractions les plus graves en matière de criminalité organisée.

Le Sénat a adopté l’amendement n° 71 rect déposé par M. Perrin (Les Républicains), avec avis favorable de la commission et du Gouvernement, qui élargit l’habilitation du procureur de la République anti-criminalité organisée aux informations détenues par les services de renseignement mentionnés à l’article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure.

Il a également adopté l’amendement n° 87 déposé par M. Szpiner (Les Républicains), avec avis favorable de la commission et du Gouvernement, qui procède à une coordination à l’article 706-80-1 du CPP. Cet article permet, dans des cas précis, de demander à des agents publics de ne pas procéder au contrôle ou à l’interpellation de certaines personnes pour ne pas compromettre les investigations. Lorsqu’une telle abstention est requise, le procureur de la République doit informer le procureur de la République de Paris. L’amendement n° 87 substitue au procureur de la République de Paris le procureur de la République national anti-criminalité organisée.

Les sénateurs ont aussi adopté l’amendement n° 61 rect déposé par M. Menonville (Union centriste), avec avis favorable de la commission et du Gouvernement. Celui-ci modifie l’article 39-2 du CPP, relatif aux attributions du procureur de la République, pour prévoir que le procureur de la République désigne l’un de ses substituts comme magistrat référent JIRS, chargé d’assurer la bonne coordination avec la section spécialisée JIRS.

Enfin, il a adopté l’amendement n° 51 déposé par Mme Conconne (Socialiste, Écologiste et Républicain), avec avis favorable de la commission et du Gouvernement. Celui-ci insère un nouvel article 706-79-3 au sein du CPP pour assouplir le recours à la visioconférence pour les interrogatoires de première comparution ou les débats relatifs au placement ou au maintien en détention provisoire d’une personne, lorsque la personne se trouve dans un autre ressort que celui auquel la juridiction spécialisée est rattachée. Cet assouplissement est restreint aux cas où la compétence de la juridiction spécialisée s’exerce sur le ressort de juridictions situées en outre-mer.

Une telle disposition rejoint celle prévue à l’article 706-79-2 du CPP, introduit par l’article 6 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027. Cet article autorise déjà l’usage de la visioconférence pour les interrogatoires de première comparution et les débats relatifs au placement en détention provisoire lorsque la compétence d’une juridiction spécialisée s’exerce sur le ressort de juridictions situées en outre-mer. Le deuxième alinéa de l’article précise que dans ce cas, la personne mise en examen doit être entendue sans recours à la visioconférence, avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de son interrogatoire de première comparution.

Le Conseil constitutionnel a considéré, dans une décision du 16 novembre 2023 ([14]), que cette disposition ne méconnaissait pas les droits de la défense sous deux réserves d’interprétation : le recours à la visioconférence doit garantir la qualité, la confidentialité et la sécurité des échanges, et il s’applique uniquement dans des circonstances exceptionnelles, c’est-à-dire si l’impossibilité physique de présenter physiquement la personne devant la juridiction spécialisée est dûment caractérisée.

  1.   La position de la commission

La Commission a adopté l’article 2, modifié par 25 amendements

L’amendement CL539 du rapporteur M. Caure (EPR) supprime la disposition introduite par le Sénat qui prévoit la présence de référents JIRS au sein des parquets locaux.

L’amendement CL540 du rapporteur M. Caure (EPR) complète la coordination réalisée aux articles 704-1 et 706-42 du CPP relative à l’articulation entre les différentes compétences concurrentes.

L’amendement CL518 du rapporteur M. Caure (EPR) procède à diverses modifications rédactionnelles et supprime la mention explicite de la compétence du PNACO en matière d’association de malfaiteurs, déjà incluse par la référence aux infractions liées à la criminalité et la délinquance organisées.

L’amendement CL541 du rapporteur M. Caure (EPR) supprime, aux alinéas 13 et 18, l’obligation de juger l’ensemble des crimes relevant de la compétence du Pnaco par la cour criminelle spécialement composée de magistrats professionnels, créée par l’article 13 du présent texte. Selon cet article, cette cour criminelle professionnelle est compétente pour le jugement des crimes commis en bande organisée et du crime d’association de malfaiteurs en vue de commettre de tels crimes, c’est-à-dire un champ infractionnel plus restreint que celui relevant de la compétence du Pnaco. L’amendement du rapporteur vise ainsi à clarifier les modalités de jugement des infractions relevant de la compétence du Pnaco.

L’amendement CL95 de M. Iordanoff (EcoS), sous-amendé par l’amendement CL618 du rapporteur M. Caure (EPR), retire toute ambiguïté quant à la localisation du Pnaco au tribunal judiciaire de Paris.

Les amendements identiques CL542, CL441 et CL473, respectivement déposés par le rapporteur M. Caure (EPR), Mme Moutchou (HOR) et M. Huyghe (EPR), ont réintégré dans le champ de compétences du Pnaco les infractions de meurtre en bande organisée et d’actes de torture et de barbarie en bande organisée.

Les amendements identiques CL543 et CL96, respectivement déposés par le rapporteur M. Caure (EPR) et M. Iordanoff (EcoS) suppriment les dispositions relatives à la visioconférence (alinéas 20, 69 et 70), pour garantir l’articulation avec celles déjà prévues à l’article 23 du présent texte.

L’amendement CL544 du rapporteur M. Caure (EPR) supprime l’obligation d’information systématique du Pnaco par les JIRS, qui n’apparaît pas opportune au regard du volume d’affaires traitées par les JIRS.

L’amendement CL545 du rapporteur M. Caure (EPR) harmonise les dispositions relatives à la spécialisation des magistrats chargés des dossiers de criminalité organisée dans les JIRS comme au Pnaco.

L’amendement CL546 du rapporteur M. Caure (EPR) modifie les alinéas relatifs à la procédure de dessaisissement d’un juge d’instruction pour préciser que ce dessaisissement se fait au profit de la juridiction d’instruction de Paris.

L’amendement CL547 du rapporteur M. Caure (EPR) supprime les alinéas relatifs à la spécialisation des juges de l’application des peines, cette spécialisation étant déjà prévue à l’article 13 du présent texte.

L’amendement CL548 du rapporteur M. Caure (EPR) réécrit l’alinéa relatif à la coordination entre procureur général et procureur de la République national anti-criminalité organisée pour prévoir que le procureur général près la cour d’appel du ressort du Pnaco coordonne l’action publique en concertation avec le procureur national, et non en accord avec lui. Cette dernière formulation n’était pas adaptée à la hiérarchie judiciaire.

L’amendement CL549 du rapporteur M. Caure (EPR) regroupe au sein d’une même disposition les obligations d’information du Pnaco en y inscrivant l’information en matière de livraison surveillée.

L’amendement CL550 du rapporteur M. Caure (EPR) prévoit, par dérogation à l’article 34 du CPP ([15]), que le ministère public près la cour d’assises statuant en première instance est représenté par le procureur de la République national anti-criminalité organisée ou l’un de ses substituts. Une disposition similaire existe pour le Pnat.

L’amendement CL551 du rapporteur M. Caure (EPR) rétablit l’article 706-75-2 du CPP qui permet qu’en cas d’appel, ce soit la même cour d’assises, dont la compétence territoriale a été étendue au ressort d’une ou plusieurs cours d’appel pour le jugement d’infractions de criminalité organisée, qui soit de nouveau désignée, autrement composée.

L’amendement CL552 supprime le mécanisme de dessaisissement de parquet à parquet, formalisé au sein des articles 706-77 et 706-78 du CPP dans le texte du Sénat. Si ce mécanisme de dessaisissement existe déjà aujourd’hui, il ne fait l’objet d’aucun formalisme. L’inscrire dans la loi et l’encadrer dans les délais serait de nature à rigidifier le processus, ce qui est l’inverse de l’objectif recherché grâce à la création du Pnaco.

L’amendement CL553 du rapporteur M. Caure (EPR) abroge l’article 706-79 du CPP, qui permet aux magistrats des JIRS de travailler avec des assistants spécialisés, devenu superfétatoire suite à l’introduction d’un nouvel article 706-78-2, qui prévoit que les magistrats du Pnaco et des JIRS peuvent faire appel à des assistants spécialisés pour travailler sur les procédures qui relèvent de leur compétence.

L’amendement CL554 du rapporteur M. Caure (EPR) supprime l’alinéa 72 qui prévoit la nécessité d’un avis préalable du Pnaco pour toute décision d’un juge d’instruction autorisant un coup d’achat en matière d’armes, de munitions ou d’explosifs.

L’amendement CL555 du rapporteur M. Caure (EPR) fixe l’entrée en vigueur du présent article au 1er juillet 2026, alors que le texte du Sénat visait une entrée en vigueur trois mois après la promulgation.

L’amendement CL556 du rapporteur M. Caure (EPR) procède à une mesure de coordination à l’article 67 bis-3 du code des douanes.

L’amendement CL101 de M. Iordanoff prévoit expressément que la victime ou l’auteur d’une infraction liés à des faits de criminalité et de délinquance organisées peuvent se voir proposer une mesure de justice restaurative.

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*     *

TITRE II
LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 3 crée un dispositif de fermeture administrative des commerces soupçonnés de blanchiment, actionné à l’initiative du maire de la commune. Il ouvre l’accès à plusieurs fichiers, notamment celui relatif aux immatriculations, et élargit la liste des personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) aux vendeurs et loueurs de véhicules de luxe. Il crée également un dispositif de certification de connaissances minimales relatives à ces obligations. Enfin, il introduit au sein du code des douanes un dispositif qui habilite explicitement les officiers de douane judiciaire à saisir des sommes sur un compte bancaire en vue d’une confiscation.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté quatre amendements en commission et dix autres en séance publique pour modifier et élargir la portée du présent article.

En commission, outre une réécriture du dispositif de fermeture administrative, a été adopté un élargissement des personnes soumises aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) et du droit de communication de Tracfin.

En séance publique, le Sénat a adopté l’interdiction de payer la location de véhicules en espèces ainsi que la possibilité pour les lanceurs d’alerte de saisir directement Tracfin. Il a également adopté un amendement du Gouvernement élargissant l’accès de certains agents des forces de l’ordre à des fichiers.

       Position de la Commission

La commission des Lois a adopté 14 amendements de modification de l’article 3.

Elle a simplifié les dispositions relatives à l’information du maire et réécrit les modalités de fermeture administrative pour la lier aux troubles à l’ordre public. Elle a également adopté une réécriture des alinéas relatifs à la saisie sur compte bancaire par les douanes, sur proposition du rapporteur M. Pauget (DR).

  1.   L’État du droit
    1.   La fermeture administrative

Le préfet a la possibilité aujourd’hui, s’il constate des infractions en lien avec le trafic de stupéfiants (définies aux articles 222-34 à 222-39 du code pénal, CP) ou avec le blanchiment, d’ordonner la fermeture d’un établissement ([16]) où l’infraction a été commise. La durée initiale de la fermeture ne peut excéder trois mois, mais le ministre de l’intérieur peut prolonger cette fermeture pour une durée pouvant aller jusqu’à un an, conformément à l’article L. 3422-1 du code de la santé publique (CSP). La durée de la fermeture administrative s’impute sur celle de la fermeture prononcée par la juridiction d’instruction. Le fait de contrevenir à cette décision de fermeture est passible de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende (article L. 3422-2 du CSP).

D’autres régimes sectoriels de fermeture administrative d’établissements existent. Les articles L. 331-1 et suivants du code de la sécurité intérieure prévoient les conditions dans lesquelles le préfet, le préfet de police à Paris et le ministre de l’intérieur peuvent ordonner la fermeture d’un débit de boissons ou d’un restaurant, notamment en cas d’atteinte à l’ordre public, à la santé, à la tranquillité et à la moralité publiques.

L’article L. 8272-2 du code du travail prévoit les modalités de fermeture administrative d’un établissement qui ne respecte pas le droit du travail : la durée initiale de la fermeture ne peut excéder trois mois.

  1.   Modalités d’accÈs À certains fichiers

L’article L. 330-2 du code de la route détermine les personnes qui peuvent avoir accès aux informations contenues dans le système d’immatriculation des véhicules (SIV), c’est-à-dire les pièces administratives exigées pour la circulation des véhicules ou affectant la disponibilité de ceux-ci, à l’exception de celles relatives aux gages constitués sur les véhicules à moteur et aux oppositions au transfert du certificat d’immatriculation.

Ainsi, les services de la police et de la gendarmerie nationales sont autorisés à y accéder uniquement dans le cadre des contrôles routiers, conformément au 4° de l’article.

L’article L. 330-3 du code de la route énumère les personnes qui peuvent avoir accès aux gages constitués sur les véhicules à moteur et aux oppositions au transfert du certificat d’immatriculation. Cette liste est plus restreinte que celle prévue par l’article L. 330-2.

  1.   La rÈglementation en matiÈre de lutte contre le blanchiment

Le service de renseignement financier Tracfin joue un rôle central dans le dispositif français de lutte contre le blanchiment. Conformément à l’article L. 561-23 du code monétaire et financier (CMF), il est composé d’agents spécialement habilités par le ministre chargé de l’économie.

L’article L. 561-2 énumère la liste des personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme prévues au chapitre Ier du titre VI du livre V du code monétaire et financier. Parmi celles-ci se trouvent un certain nombre de professions financières (banques, établissements de crédit, compagnies d’assurance, prestataires de service sur actifs numériques…) mais aussi des professions non-financières, parmi lesquelles les notaires, les casinos mais aussi les greffiers de tribunal de commerce, les professionnels de l’immobilier et les avocats.

Ces professions doivent déclarer à Tracfin les sommes ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an, ou sont liées au financement du terrorisme. Le nombre de ces déclarations de soupçons a progressé de 15 % en 2023 par rapport à 2022. Le secteur financier est à l’origine de 94 % des déclarations reçues par Tracfin en 2023 (soit 175 031 déclarations reçues en 2023). À l’inverse, certaines professions non financières déclarent très peu, comme les avocats (huit déclarations en 2023) ([17]).

L’article 13 de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière a créé un régime spécifique de transmission automatique d’informations à l’article L. 561-15-1, qui coexiste avec celui des déclarations de soupçons. Cette communication systématique d’information (COSI) concerne :

– les versements d’espèces, ou via de la monnaie électronique, supérieurs à 1 000 euros par opération ou 2 000 euros cumulés par client sur un mois civil (article R. 561-31-1 du CMF) ;

– les versements et les retraits d’espèces dont le montant cumulé dépasse une somme de 10 000 euros (article R. 561-31-2).

Outre la réception de ces déclarations de soupçons, Tracfin dispose de plusieurs pouvoirs pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme :

– le droit de communication auprès des professionnels énumérés à l’article L. 561-62 du même code (prévu à l’article L. 561-25) : Tracfin peut demander la communication de pièces pour retracer l’ensemble des transactions réalisées par une personne ou une société ayant fait l’objet d’un signalement ;

– le droit de communication auprès de personnes publiques, prévu à l’article L. 561-27 ;

– le droit d’opposition à la réalisation d’une opération financière douteuse : Tracfin peut s’opposer à la réalisation d’une opération financière dans les conditions prévues à l’article L. 561-24.

Une nouvelle législation a été élaborée au niveau européen pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement de terrorisme : le règlement (UE) 2024/1624 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2024 relatif à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment ou du financement du terrorisme.

Parmi les obligations relatives à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme se trouve également l’obligation pour les entreprises de conserver des informations exactes et actualisées sur leurs bénéficiaires effectifs, conformément à l’article L. 561-45-1 du CMF, dans un registre des bénéficiaires effectifs (RBE).

Il revient au greffier du tribunal de commerce de vérifier que les informations relatives à ces bénéficiaires effectifs sont complètes et conformes aux dispositions législatives et réglementaires (article L. 561-47). Lorsque des divergences sont constatées, le greffier invite la société ou l’entité immatriculée à régulariser son dossier. Sauf si celle-ci procède à la régularisation dans un délai d’un mois, le greffier saisit le président du tribunal (article L. 561-47-1). Le fait de ne pas fournir des informations sur les bénéficiaires effectifs est passible de six mois d’emprisonnement et d’une amende de 7 500 euros (article L. 574-5).

L’article L. 123-1 du code de commerce prévoit lui la tenue d’un registre du commerce et des sociétés (RCS), auquel doivent s’immatriculer les sociétés et personnes physiques énumérées au même article.

  1.   AccÈs aux fichiers tenus par la direction gÉnÉrale des finances publiques

Les informations détenues par l’administration fiscale sont protégées par le secret professionnel. L’article L. 103 du livre des procédures fiscales (LPF) prévoit ainsi que l’obligation du secret professionnel « s’applique à toutes les personnes appelées à l’occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l’assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts ou au code des impositions sur les biens et services ».

De nombreuses dérogations sont néanmoins prévues par le LPF.

L’article L. 135 ZC prévoit ainsi un droit d’accès direct des officiers de police judiciaire, des agents des douanes et des agents des services fiscaux habilité à effectuer des enquêtes judiciaires aux fichiers de la DFIP suivants :

– le fichier FICOBA (fichier national des comptes bancaires et assimilés), prévu par l’article 1649 A du code général des impôts ;

– le fichier FICOVIE (fichier des contrats d’assurance vie), prévu par l’article 1649 ter du même code ;

– la base PATRIM (recherche des transactions immobilières), qui permet d’estimer la valeur d’un bien, prévu par l’article L. 170 B du LPF ;

– la base nationale des données patrimoniales (BNDP), qui contient les données relatives aux mutations à titre onéreux ou gratuit.

L’article 6 de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude a par ailleurs ouvert aux assistants spécialisés de la DGFIP affectés au sein des juridictions un accès direct aux mêmes fichiers énumérés supra.

Ces dispositions sont codifiées à l’article L. 135 ZJ du LPF.

  1.   Le mÉcanisme de saisie sur comptes bancaires

L’article 3 de la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale a introduit un nouveau titre relatif aux saisies spéciales au sein du CPP.

L’objectif de ce nouveau chapitre était de permettre au juge pénal d’agir rapidement, avant que la personne mise en cause n’ait le temps d’organiser son insolvabilité ou de dissimuler les éléments de son patrimoine acquis de façon illicite ([18]).

Le titre s’applique, pour garantir l’exécution de la peine complémentaire de confiscation dans les conditions prévues à l’article 131-21 du code pénal, aux saisies qui portent sur tout ou partie des biens d’une personne, sur un bien immobilier, sur un bien ou un droit mobilier incorporel ou une créance (conformément à l’article 706-141 du CPP).

Le chapitre IV de ce nouveau titre porte plus spécifiquement sur les saisies de biens ou droits immobiliers incorporels, comme, par exemple, des valeurs mobilières ou des parts sociales.

L’article 706-153 prévoit ainsi que dans le cadre d’une enquête de flagrance ou d’une enquête préliminaire, une telle saisie doit être ordonnée par le juge des libertés et de la détention, saisi sur requête du procureur de la République. Dans le cadre de l’information judiciaire, c’est le juge d’instruction qui peut l’ordonner.

L’article 706-54 prévoit une possibilité de déroger à cette procédure : un officier de police judiciaire peut être autorisé par le procureur de la République ou par le juge d’instruction à procéder à la saisie d’une somme d’argent versée sur un compte ouvert auprès d’un établissement bancaire ou d’un établissement habilité à tenir des comptes de crypto-actifs. Le juge des libertés et de la détention – saisi par le procureur de la République ou par le juge d’instruction – doit se prononcer dans un délai de dix jours par ordonnance motivée sur le maintien ou la mainlevée de la saisie.

  1.   Le dispositif proposÉ par le SÉnat
    1.   LEs dispositions initiales
      1.   La fermeture administrative des commerces soupçonnés de blanchiment

Le I de l’article 3, dans sa rédaction initiale, insérait un nouvel article 324-6-2 au sein du code pénal pour donner au préfet la possibilité de procéder à une fermeture administrative d’un établissement soupçonné de blanchiment.

L’arrêté de fermeture administrative peut concerner tout établissement soupçonné d’être le lieu de blanchiment (articles 324-1 et 324-2 du code pénal) et est pris sur proposition du maire de la commune d’implantation de l’établissement soupçonné.

La fermeture administrative ne peut pas excéder une période de six mois. L’arrêté de fermeture doit être affiché sur la porte de l’établissement pendant la durée de la fermeture.

Ne pas respecter l’arrêté de fermeture est passible de deux mois d’emprisonnement et de 10 000 euros d’amende, et, en cas de récidive, d’un an d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende.

Ce I mettait en œuvre l’une des recommandations du rapport de la commission d’enquête, qui proposait d’autoriser la fermeture administrative des « lessiveuses », sur arrêté préfectoral.

  1.   Ouverture de l’accès aux fichiers pour les services des douanes et fiscaux

Le 1° du II modifie les articles L. 330-2 et 330-3 du code de la route pour ouvrir l’accès de l’ensemble des informations contenues dans le SIV :

– aux agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en application de l’article 28-1 du CPP ;

– aux agents des services fiscaux habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en application de l’article 28-2 du CPP.

Le 2° du II modifie le même article L. 330-2 pour ouvrir l’accès aux informations contenues dans le SIV aux agents de l’administration des douanes et droits indirects pour l’exercice de leurs compétences, à l’exception des informations relatives aux gages constitués sur les véhicules à moteur et aux oppositions au transfert du certificat d’immatriculation.

  1.   Renforcer les dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment dans le code monétaire et financier

Le III du présent article 3 apporte plusieurs modifications au CMF.

 Élargissement des personnes assujetties à la réglementation LCB-FT

Il élargit la liste des personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme aux vendeurs et loueurs de véhicules qui exercent cette activité à titre habituel et principal, lorsque la transaction porte sur un véhicule dont la valeur est supérieure à 50 000 euros (1° du III).

 Dispositif de certification

Le 2° du III complète l’article L. 561-35 et prévoit que les personnes soumises à la réglementation LCB-FT en vertu de l’article L. 561-2 doivent obtenir une certification professionnelle de connaissances minimales quant à leurs obligations en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Le mécanisme de certification est supervisé par Tracfin.

Cette recommandation avait été formulée par Tracfin lors d’une évaluation conduite par la Cour des comptes sur le dispositif français de lutte contre le blanchiment ([19]). Elle a été reprise par les rapporteurs de la commission d’enquête sur le narcotrafic, qui préconisent ainsi de créer une certification professionnelle de connaissances minimales en LBC-FT pour l’ensemble des personnes assujetties.

 Radiation d’office du registre du commerce et des sociétés (RCS)

Le 3° et le 4° du III prévoient un mécanisme de radiation d’office du RCS en l’absence de transmission d’informations sur les bénéficiaires effectifs.

Le 3° modifie l’article L. 561-47 du CMF pour prévoir la possibilité pour le greffier du tribunal de commerce de radier d’office du RCS une société ou une entité qui n’a pas déclaré, au bout de six mois, les informations relatives aux bénéficiaires effectifs. Le greffier doit informer au préalable la société ou l’entité concernée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée à son siège social.

Le 4° modifie l’article L. 561-47-1 pour substituer à la procédure de régularisation le même mécanisme de radiation d’office.

Dans les deux cas, la radiation d’office doit être portée à la connaissance du ministère public.

Cette disposition met en œuvre l’une des recommandations de la commission d’enquête du Sénat sur le narcotrafic, qui souhaitait accroître la transparence sur les bénéficiaires effectifs avec un dispositif plus incitatif que celui existant actuellement.

  1.   Élargissement de l’accès au fichier informatisé des données juridiques immobilières (FIDJI)

Le IV du présent article 3 modifie l’article L. 135 ZC du LPF pour élargir l’accès au fichier informatisé des données juridiques immobilières aux :

– officiers de police judiciaire et de la gendarmerie nationale ;

– aux agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en application de l’article 28-1 du CPP ;

– aux agents des services fiscaux habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en application de l’article 28-2 du CPP.

Cet élargissement met en œuvre l’une des recommandations de la commission d’enquête du Sénat, qui déplorait que les officiers de police judiciaire n’aient pas accès au FIDJI.

  1.   La saisie sur compte bancaire par les officiers des douanes

Le V du présent article 3 complète l’article 323 du code des douanes pour prévoir que les officiers de douane judiciaire peuvent saisir une somme d’argent versée sur un compte ouvert auprès d’un établissement bancaire, dans les conditions prévues à l’article 706-154 du CPP.

  1.   Les modifications adoptÉes par le SÉnat

L’article 3 a été enrichi par les sénateurs avec l’adoption de quatre amendements en commission et dix autres en séance publique.

  1.   La fermeture administrative
    1.   En commission

Le dispositif de fermeture administrative de commerces soupçonnés de blanchir des fonds illicites a fait l’objet d’une réécriture en commission. Les pouvoirs du maire ont également été élargis.

● L’amendement COM-58 des rapporteurs propose une réécriture globale supprimant le I du présent article 3 et le remplaçant par un nouveau I bis.

Ce faisant, il supprime le nouvel article 324-6-2 qu’insérait le texte dans le code pénal et insère, à la place, au sein du code de la sécurité intérieure un nouveau chapitre III bis intitulé « Prévention des troubles à l’ordre public dans les commerces et établissements ouverts au public », composé des articles L. 333-2 et L. 333-3.

Le premier article L. 333-2 précise les modalités de l’arrêté de fermeture administrative.

Celui-ci pourra être pris aux fins de prévenir la commission d’agissements en lien avec les infractions suivantes :

– trafic de stupéfiants (articles 222-34 à 222-43-1 du code pénal) ;

– recel (articles 321-1 et 321-2) ;

– blanchiment (articles 324-1 à 324-6-1) ;

– participation à une association de malfaiteurs (article 450-1).

L’amendement élargit ainsi le périmètre des infractions dont la prévention peut entraîner un arrêté de fermeture administrative.

Cette fermeture administrative concernerait tout local commercial, établissement ou lieu ouvert au public, dès lors qu’il s’agit de prévenir la commission d’agissements en lien avec les infractions énumérées supra en raison de sa fréquentation ou des conditions de son exploitation. L’arrêté sera pris par le préfet ou, à Paris, par le préfet de police.

L’amendement revient ainsi sur le dispositif initial qui prévoyait que l’arrêté de fermeture administrative était pris sur proposition du maire de la commune concernée. Les rapporteurs justifient cette suppression par les risques de représailles qui pèseraient sur les maires s’ils avaient le monopole sur l’activation du dispositif.

L’amendement ne modifie pas la durée maximale de fermeture administrative, fixée à six mois dans le texte initial, mais prévoit la possibilité pour le ministre de l’intérieur de prolonger la fermeture pour une durée n’excédant pas six mois.

L’amendement précise qu’une fermeture administrative prononcée pour une durée de six mois emporte l’abrogation de toute autorisation ou permis permettant l’exploitation d’une activité commerciale.

Il précise enfin que la mesure de fermeture administrative peut être mise en œuvre sans préjudice des autres régimes juridiques de fermeture applicables.

Le second article L. 333-3 précise les sanctions encourues en cas de non-respect par un propriétaire ou un exploitant d’un arrêté de fermeture administrative pris sur le fondement du nouvel article L. 333-2 :

– il fixe le quantum de peine à six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende, permettant la comparution immédiate en cas de flagrant délit, conformément à l’article 395 du CPP ;

– il ajoute la possibilité de prononcer une peine complémentaire de confiscation des revenus générés pendant la période d’ouverture postérieure à la notification de la mesure ;

– il ajoute également la peine complémentaire d’interdiction de gérer un commerce pendant cinq ans ;

– enfin, il substitue à la peine prévue par le texte initial en cas de récidive une peine de confiscation de tous les biens ayant permis la commission de l’infraction.

● L’amendement COM-29 déposé par M. Benarroche (Écologiste – Solidarité et Territoires) complète le nouvel I bis du présent article 3, en premier lieu afin d’insérer un article L. 132-3-1 au sein de la section I du chapitre II du titre III du livre I du code de la sécurité intérieure.

Ce nouvel article L. 132-3-1 prévoit une information systématique du maire par le procureur de la République des décisions judiciaires ([20]) qui concernent des infractions liées au trafic de stupéfiants (prévues aux articles 222-34 à 222-43-1 du code pénal). L’amendement ne limite pas cette information au périmètre de la commune.

Il ajoute une information systématique du maire par le préfet des mesures de fermetures administratives prises par le préfet pour soupçon de blanchiment.

En second lieu, le I bis du présent article 3 complète l’article L. 132-5 du même code, qui est relatif au conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, pour prévoir que le groupe thématique chargé des violences commises à l’encontre des élus peut traiter de la possibilité pour le maire d’opérer des signalements à Tracfin pour participer à la lutte contre le narcotrafic sur le territoire de sa commune.

  1.   En séance

En séance publique, deux amendements modifiant le dispositif de fermeture administrative ont été adoptés.

● L’amendement n° 249 des rapporteurs a été adopté avec un avis de sagesse du Gouvernement : il prévoit au 2° du I bis (article L. 333-2 du code de la sécurité intérieure) une coordination avec les dispositions prévues à l’article 9 du présent texte en élargissant le champ infractionnel du dispositif de fermeture administrative à l’infraction d’appartenance à une organisation criminelle (article 450-1-1 du code pénal).

● L’amendement n° 242 du Gouvernement, adopté avec avis favorable de la commission, clarifie le dispositif de fermeture administrative des établissements.

Il ajoute un I ter au présent article 3 afin d’abroger les articles L. 3422-1 et L. 3422-2 du code de santé publique (CSP), qui prévoient une mesure de fermeture administrative des établissements liés à la consommation ou à des trafics de stupéfiants.

En conséquence, dans le 2° du I bis du présent article 3 (premier alinéa de l’article L. 333-2 du code de la sécurité intérieure), il élargit les établissements pouvant être concernés aux lieux utilisés par le public, ainsi qu’à leurs annexes, pour faire correspondre le périmètre d’application avec celui prévu à l’article L. 3422-1 du CSP. Il supprime également l’alinéa qui prévoyait l’articulation entre la fermeture administrative des établissements concourant au trafic de stupéfiants et les autres régimes de fermeture administrative (dernier alinéa de l’article L. 333-2).

L’amendement précise également, toujours au 2° du I bis du présent article 3, que la prolongation de la mesure décidée par le ministre de l’intérieur doit intervenir avant l’échéance de la fermeture de six mois décidée par le préfet (avant-dernier alinéa de l’article L. 333-2, dans le texte issu des travaux de la commission des lois du Sénat).

  1.   Ouverture de l’accès aux fichiers pour les services des douanes et fiscaux

Le I de l’amendement COM-11 de M. Blanc (Les Républicains) adopté en commission réécrit le II du présent article 3, tout en conservant l’ouverture de l’accès au SIV prévue dans la rédaction initiale. Il modifie ainsi les articles L. 330-2 et L. 330-3 pour ajouter à la liste des personnes pouvant y avoir accès les agents de TRACFIN pour l’exercice de leurs missions.

Ce II de l’article 3 n’a fait l’objet d’aucune modification supplémentaire lors de l’examen en séance publique.

  1.   Renforcer les dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment dans le code monétaire et financier
    1.   Élargissement des personnes assujetties à la réglementation LCB-FT

● En commission

Le I de l’amendement COM-12 de M. Blanc (Les Républicains) modifie la disposition figurant au 1° du III du présent article 3 relative à l’assujettissement des vendeurs ou loueurs de véhicules de luxe pour supprimer le seuil de 50 000 euros et renvoyer la fixation du seuil à un décret (10° bis de l’article L. 561-2 du CMF).

 

● En séance

Plusieurs amendements ont été adoptés pour élargir la liste des personnes assujetties à la réglementation LCB-FT :

– l’amendement n° 185 de M. Bourgi (Socialiste, Écologiste et Républicain), adopté avec l’avis favorable de la commission et du Gouvernement, complète le 1° du III du présent article 3 pour élargir la liste aux marchands de biens et promoteurs immobiliers (8° de l’article L. 561-2 du même code) ;

– les amendements identiques n° 143 (M. Benarroche, Écologiste – Solidarité et Territoires) et n° 184 (M. Bourgi, Socialiste, Écologiste et Républicain), modifiés par le sous-amendement n° 263 du Gouvernement et adoptés avec avis favorable de la commission, complètent le même 1° du III de l’article 3 pour élargir la liste aux vendeurs et loueurs de navires de plaisance, à partir d’un seuil dont la valeur sera déterminée par décret (10° ter de l’article L. 561-2 du CMF).

Ces renvois à une fixation des seuils par décret permettent de garantir la conformité du dispositif au règlement européen du 31 mai 2024, qui prévoit des seuils de transactions devant entraîner systématiquement des déclarations pour certains biens de grande valeur. Ces seuils sont fixés à 250 000 euros pour les véhicules à moteur, à 7,5 millions d’euros pour les véhicules nautiques et les aéronefs. Ces seuils entreront en vigueur au 10 juillet 2027.

  1.   Dispositif de certification

Le III de l’amendement COM-12 de M. Blanc (Les Républicains) adopté en commission supprime au 2° du III du présent article 3 la mention selon laquelle la certification des entités soumises à la réglementation LCB-FT est supervisée par Tracfin, considérant que cette nouvelle obligation pourrait détourner le service de son cœur de métier (article L. 561-35 du CMF).

Le dispositif de certification n’a fait l’objet d’aucune modification en séance.

  1.   Radiation d’office du registre du commerce et des sociétés (RCS)

Le II de l’amendement COM-11 de M. Blanc (Les Républicains) adopté en commission a apporté une modification rédactionnelle au mécanisme de radiation d’office du registre du commerce et des sociétés prévu au 4° du III du présent article 3 (codifié à l’article L. 561-47-1 du CMF).

Le dispositif de radiation d’office n’a pas été modifié en séance publique.

  1.   Élargissement du périmètre du droit de communication de Tracfin

Le II de l’amendement COM-12 de M. Blanc (Les Républicains) adopté en commission ajoute un 1° bis au III du présent article 3 pour renforcer les pouvoirs de Tracfin en élargissant le droit de communication prévu à l’article L. 561-25 du CMF qu’il peut exercer aux :

– conseillers en gestion stratégique, financière ou de projets ;

– opérateurs de plateforme de facturation électronique ;

– plateformes de domiciliation d’entreprises.

  1.   Ajout de l’interdiction de payer en espèces la location d’une voiture

En séance publique, l’amendement n° 205 du Gouvernement, adopté avec un avis défavorable de la commission, a créé un 1° A au sein du III du présent article 3 qui modifie l’article L. 112-6 du CMF relatif à l’interdiction du paiement en espèces de certaines créances pour y ajouter l’interdiction du paiement en espèces des opérations liées à la location de véhicules terrestres motorisés. Cet ajout, selon l’exposé sommaire de l’amendement, doit permettre une meilleure traçabilité des personnes utilisant des voitures de location, alors que les trafiquants de stupéfiants y ont de plus en plus recours.

Le périmètre de l’interdiction a été considéré comme trop large par la commission, d’où son avis défavorable.

  1.   Possibilité pour les lanceurs d’alerte de saisir Tracfin

En séance, les sénateurs ont adopté l’amendement n° 207 du Gouvernement avec avis favorable de la commission, qui permet aux lanceurs d’alerte de saisir directement Tracfin.

Le nouveau 1° ter, ajouté par le II de l’amendement au III du présent article 3, insère au sein du CMF un nouvel article L. 561-27-1 qui prévoit expressément la possibilité pour Tracfin de recevoir des informations de la part d’un lanceur d’alerte, dans les conditions prévues au II de l’article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Le I de l’amendement procède également, dans les 1° bis A à 1° bis C qu’il insère au III du présent article 3, aux coordinations nécessaires au sein du CMF en modifiant les articles relatifs à l’information (article L. 561-23), au droit d’opposition (article L. 561-24) et au droit de communication auprès des professionnels (article L. 561-25) de Tracfin en ajoutant la référence aux informations données par un lanceur d’alerte.

Il ajoute en même temps, dans la liste des informations reçues par Tracfin prévue à l’article L. 561-23, les remontées d’informations prévues à l’article L. 561-15-1 pour remédier à un oubli de l’ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 renforçant le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

  1.   Élargissement de l’accès au fichier informatisé des données juridiques immobilières
    1.   En commission

Le IV de l’amendement COM-11 de M. Blanc (Les Républicains) a complété le présent article 3 par un paragraphe IV visant le livre des procédures fiscales pour prévoir deux ouvertures d’accès supplémentaires à des fichiers :

– il modifie l’article L. 135 ZJ pour que l’ensemble des assistants spécialisés aient accès aux fichiers Ficoba et Ficovie, ainsi qu’aux bases PATRIM et BNDP ;

– il crée un nouvel article L. 151 C qui ouvre aux greffiers des tribunaux de commerce ou des tribunaux judiciaires statuant en matière commerciale la possibilité de demander à l’administration fiscale des informations en provenance du Ficoba pour exercer leur mission de validation et de contrôle des données présentes dans le registre national des entreprises.

  1.   En séance

L’amendement n° 210 du Gouvernement, adopté avec un avis favorable de la commission, a prolongé la modification de l’article 135 ZC pour prévoir, au aa) du 1° du IV du présent article 3, que les agents de police judiciaire des finances, c’est-à-dire les agents des douanes et les agents des services fiscaux habilités à conduire des enquêtes judiciaires en vertu de l’article 28-1-1 du CPP, ont également accès aux fichiers Ficoba, Ficovie et FIDJI ainsi qu’aux bases PATRIM et BDNP.

  1.   La saisie sur compte bancaire par les officiers des douanes

Cette disposition, qui figure désormais au V du présent article 3 et vise l’article 323 du code des douanes, n’a fait l’objet d’aucune modification lors de son examen en commission.

En séance publique, le Sénat a adopté l’amendement n° 53 rect bis (Mme Ciuntu, Les Républicains) avec un avis favorable de la commission et du Gouvernement. Il prévoit que les agents des douanes spécialement habilités à cet effet peuvent eux aussi procéder à des saisies sur compte bancaire de sommes pouvant faire l’objet d’une confiscation.

  1.   La position de la commission
    1.   La fermeture administrative

L’amendement CL627 du rapporteur M. Pauget (DR) simplifie les alinéas relatifs à l’information du maire par le procureur et le préfet.

En premier lieu, il supprime l’information systématique du maire par le procureur sur l’ensemble des dossiers liés au trafic de stupéfiants : la transmission d’un tel volume de données ne paraît pas opportune, que ce soit pour le procureur ou pour le maire. L’amendement complète l’article L. 132-3 du code pénal pour préciser que l’information du maire déjà prévue au premier alinéa doit concerner les infractions liées au trafic de stupéfiants, dès lors que celles-ci causent des troubles à l’ordre public sur le territoire de sa commune.

En deuxième lieu, il conserve l’information du maire par le préfet sur les fermetures administratives prises en vertu du nouvel article L. 333-2 du CSI créé par le présent article, mais la restreint aux fermetures prises sur le territoire de sa commune.

Enfin, il supprime la possibilité pour le maire d’informer Tracfin, prévue au sein du code de la sécurité intérieure, cette possibilité étant déjà prévue à l’article 561-27 du CMF.

L’amendement CL628 du rapporteur M. Pauget (DR) est un amendement rédactionnel qui simplifie l’intitulé du nouveau chapitre consacré à la prévention des troubles à l’ordre public dans les commerces et établissements ouverts au public.

L’amendement CL629 du rapporteur M. Pauget (DR) précise les modalités de fermeture administrative. Il rapatrie au sein de l’article L. 333-2 nouvellement créé les dispositions relatives à la fermeture administrative prévues dans le code de la santé publique. Il lie par ailleurs l’arrêté de fermeture administrative aux atteintes à l’ordre public ayant été constatées.

Les amendements CL630 et CL631 du rapporteur M. Pauget (DR) sont des amendements rédactionnels.

L’amendement CL632 du rapporteur M. Pauget (DR) procède à une coordination qui tire les conséquences de la suppression des articles L. 3422-1 et 3422-2 du code de la santé publique.

Enfin, l’amendement CL403 de M. Duplessy (EcoS) modifie l’article 706-33 du code de procédure pénale pour harmoniser la procédure judiciaire de fermeture d’un établissement avec la procédure administrative créée par le présent article.

  1.   Ouverture de l’accès aux fichiers pour les services des douanes et fiscaux

Ces dispositions n’ont pas été modifiées lors des travaux en commission.

  1.   Renforcer les dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment dans le code monétaire et financier

L’amendement CL221 de M. Duplessy (EcoS) assujettit les loueurs et vendeurs d’aéronefs privés à la règlementation LCB-FT.

L’amendement CL636 du rapporteur M. Pauget (DR) prévoit que les dispositions relatives à l’élargissement des personnes assujetties à la réglementation LCB-FT entrent en vigueur au plus tard le 10 juillet 2027, ce qui permet de tenir compte de la réglementation européenne sur le sujet.

L’amendement CL633 du rapporteur M. Pauget (DR) tire les conséquences de l’élargissement du droit de communication de Tracfin en étendant aux trois nouvelles personnes concernées par ce droit de communication, l’interdiction de divulgation des informations relatives à l’exercice de ce droit de communication.

L’amendement CL634 du rapporteur M. Pauget (DR) précise le mécanisme de radiation d’office du registre du commerce et des sociétés en prévoyant une étape de mise en demeure pour que les sociétés aient l’opportunité de régulariser leur situation lorsque des manquements sont constatés. Il procède également à des coordinations outre-mer.

L’amendement CL197 déposé par Mme Godard (SOC) complète l’article L. 123-2 du code de commerce pour prévoir que le greffier peut, par tout moyen, vérifier la cohérence et la validité des pièces d’identité étrangères fournies.

  1.   Élargissement de l’accès au fichier informatisé des données juridiques immobilières

L’amendement CL461 de M. Blanchet (Dem) ouvre aux agents des douanes l’accès au fichier des données juridiques immobilières en complétant l’article L. 135 ZL du livre des procédures fiscales.

  1.   La saisie sur compte bancaire par les officiers des douanes

L’amendement CL635 du rapporteur M. Pauget (DR) réécrit les alinéas relatifs à la saisie sur compte bancaire par les douanes. Il crée un nouvel article 323-12 au sein du code des douanes, privilégiant ainsi l’inscription de la procédure dans le code des douanes plutôt qu’un renvoi au code de procédure pénale. Il supprime également la référence aux officiers de douane judiciaire, qui disposent déjà de telles prérogatives.

*

*     *

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 3 bis réécrit l’article 67 sexies du code des douanes pour substituer à l’obligation actuelle de transmission un accès direct des douanes aux données des opérateurs logistiques et de transports portuaires et aéroportuaires.

       Dernière modification législative intervenue

L’article 30 de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée a précisé le champ infractionnel de la transmission de données organisées entre les prestataires des services postaux et des entreprises de fret express et les douanes.

       Modifications apportées par le Sénat

Cet article est issu de l’adoption en séance publique d’un amendement des rapporteurs.

       Position de la Commission

La commission des Lois a adopté deux amendements déposés par le rapporteur M. Pauget (DR) pour préciser le périmètre des opérateurs concernés par cette obligation de transmission et étendre la durée de conservation des données à deux ans.

  1.   L’État du droit

L’article 67 sexies a été créé par l’article 13 de la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon. Il organise la transmission des données des prestataires des services postaux et des entreprises de fret express aux douanes, pour faciliter la recherche, la contestation et le rassemblement de preuves de certaines infractions douanières.

Le champ de cette transmission est restreint aux données utiles à la poursuite des infractions relatives :

– aux faits de contrebande, d’importation ou d’exportation sans déclaration (articles 414 et 414-2 du code des douanes) ;

– au délit de blanchiment douanier (article 415) ;

– aux infractions à la législation et à la réglementation des relations financières avec l’étranger (article 459).

Sont exclues de cette transmission :

– les données à caractère personnel mentionnées au I de l’article 6 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (LIL) ;

– les données relatives aux marchandises faisant l’objet d’importations en provenance d’États non membres de l’Union européenne ou d’exportations à destination de ces mêmes États.

L’article précise que cette transmission ne peut pas porter atteinte au secret des correspondances. Le ministre chargé des douanes est autorisé à mettre en œuvre des traitements automatisés des données transmises, traitements qui doivent respecter la LIL. Seuls les agents des douanes individuellement désignés et spécialement habilités par le ministre peuvent accéder à ces données.

La détermination du périmètre précis des données est renvoyée à un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

La présidente de la commission des Lois du Sénat, Muriel Jourda, également co-rapporteure du texte, a souligné lors de l’examen du présent article en séance que l’application de ce droit de communication des douanes était aujourd’hui dysfonctionnelle – transmission incomplète, réticences des opérateurs à transmettre ces données -, d’où la nécessité d’en changer les modalités.

  1.   Le dispositif adoptÉ par le SÉnat

Cet article est issu de l’adoption, en séance publique, de l’amendement n° 250 déposé par les rapporteurs, dont le Gouvernement a demandé le retrait. Il transforme une procédure de transmission de données en un accès direct des agents des douanes aux traitements de ces données.

Il autorise les agents des douanes individuellement désignés et spécialement habilités par le ministre chargé des douanes à accéder directement aux données relatives à l’identification et à la traçabilité des trafics internationaux de la logistique et du transport, contenues dans les traitements automatisés des opérateurs de la logistique et du transport portuaires et aéroportuaires ([21]).

Cet accès est autorisé pour la recherche d’infractions dont le champ est plus restreint que celui prévu à l’actuel article 67 sexies : il vise les mêmes infractions (articles 414, 414-2, 415 et 459) mais uniquement lorsqu’elles sont commises en bande organisée.

Plusieurs garanties encadrent cet accès des douanes.

Une exception à cet accès est prévue : les données à caractère personnel qui révèlent la prétendue origine raciale ou l’origine ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques, ou l’appartenance syndicale d’une personne physique, et les données génétiques, énumérées au I de l’article 6 de la LIL, en sont exclues. Elle reproduit l’exception prévue par l’actuel article 67 sexies du code des douanes.

Il est expressément précisé que ce partage de données ne peut porter atteinte au secret des correspondances.

Si le ministre chargé des douanes est autorisé à exploiter ces données au moyen de traitements qui respectent la LIL, ceux-ci :

– ne peuvent pas procéder à un rapprochement ou une mise en relation avec d’autres traitements de données à caractère personnel ;

– ne peuvent pas fonder par eux-mêmes une décision individuelle ou un acte de poursuite.

Les personnes concernées par le traitement doivent en être informées par les prestataires et entreprises dont les données font l’objet de l’accès.

La durée de conservation des données issues de cet accès est fixée à six mois à compter de leur enregistrement.

L’article 3 bis dans sa version adoptée par le Sénat prévoit également qu’un décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL, détermine notamment :

– les catégories de données concernées par les traitements ;

– les modalités d’accès et d’utilisation de ces données par les agents ;

– les modalités de contrôle du respect de l’obligation d’information des personnes concernées par les traitements ;

– les modalités de destruction des données à l’issue des six mois ;

– les modalités d’exercice par les personnes concernées de leur droit d’accès et de rectification des données.

Cet article modifie donc l’équilibre actuel en substituant à une logique de transmission la possibilité pour les douanes d’avoir un accès direct. Il élargit le périmètre des opérateurs concernés par le partage de ces données et en réduit la durée de conservation en la fixant à six mois. Il prévoit par ailleurs explicitement qu’il ne puisse y avoir de croisement entre ces données et d’autres traitements automatisés, ce qui n’est pas précisé dans l’article 67 sexies actuel.

  1.   La position de la commission

La commission des Lois a adopté deux amendements proposés par le rapporteur M. Pauget (DR).

L’amendement CL640 précise le périmètre des opérateurs qui doivent permettre l’accès des douanes à leurs données, pour y inclure expressément les entreprises du secteur aérien, ferroviaire, maritime et fluvial.

L’amendement CL641 allonge la durée de conservation des données pour la fixer à deux ans, contre six mois dans le texte initial. Il crée également une amende pour les opérateurs qui fourniraient des données inexploitables ou incomplètes. Il prévoit enfin la possibilité pour les opérateurs et prestataires concernés de conclure avec les douanes une convention sur la mise à disposition des données concernées par l’article.

*

*     *

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 4 prévoit que la présomption de blanchiment est applicable à toute opération impliquant un « mixeur » de crypto-actifs. Il crée également une procédure d’injonction pour richesse inexpliquée et systématise l’enquête patrimoniale en cas d’infractions liées au trafic de stupéfiants.

       Modifications apportées par le Sénat

L’article 4 a été modifié par deux amendements en commission et deux amendements en séance publique.

En commission, le périmètre de l’injonction pour richesse inexpliquée a été restreint et la systématisation des enquêtes patrimoniales supprimée. Le périmètre du délit de blanchiment douanier a également été élargi.

En séance, des précisions sur l’application du délit de présomption de blanchiment douanier ont été apportées par le Gouvernement.

       Position de la Commission

La commission des Lois a adopté deux amendements identiques du rapporteur M. Pauget (DR) et de Mme Moutchou (HOR) pour supprimer la procédure d’injonction pour richesse inexpliquée, ainsi qu’un amendement de précision du même rapporteur.

  1.   L’État du droit
    1.   La présomption de blanchiment, outil indispensable pour s’attaquer aux avoirs criminels

 Les infractions pénales de blanchiment et de présomption du blanchiment

L’article 324-1 du code pénal (CP) définit le blanchiment comme « le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect ». Il est passible de cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende. Le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit est également considéré comme du blanchiment.

Dans un arrêt du 20 février 2008, la chambre criminelle de la Cour de cassation ([22]) a établi que le délit de blanchiment était une infraction générale, distincte et autonome. Ainsi, s’il demeure un délit de conséquence ([23]), son caractère autonome facilite sa caractérisation, puisqu’il n’est pas nécessaire que l’infraction principale ait fait l’objet de poursuites ou d’une condamnation pour que le blanchiment soit caractérisé.

Il existe une infraction spécifique de blanchiment du produit d’une infraction pour des faits de trafic de stupéfiants, passible de dix ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende (à l’article 222-38 du CP).

L’article 324-1-1 du CP, qui instaure une présomption de blanchiment, a été créé par l’article 8 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Il fait suite au constat par les députés de la très grande difficulté à faire le lien entre des montages juridiques et financiers complexes et le produit de délits et de crimes ([24]). En conséquence, il ne modifie pas les éléments constitutifs de l’infraction de blanchiment mais assouplit le régime de la preuve.

Article 324-1-1 du code pénal

Pour l’application de l’article 324-1, les biens ou les revenus sont présumés être le produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières de l’opération de placement, de dissimulation ou de conversion ne peuvent avoir d’autre justification que de dissimuler l’origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus.

Il opère ainsi un renversement de la charge de la preuve : dès lors que la personne n’est pas en mesure de prouver l’origine licite des fonds, alors celle-ci est présumée illicite. À l’inverse, si un montage complexe s’explique par des considérations juridiques, patrimoniales ou encore économiques, alors la présomption de blanchiment peut être écartée.

Là encore, le délit de présomption de blanchiment est un délit autonome, autrement dit il n’est pas nécessaire pour le poursuivre d’avoir identifié les infractions à l’origine de l’opération de blanchiment initiale.

La chambre criminelle de la Cour de cassation, dans une décision du 4 décembre 2024 ([25]), a considéré que le mécanisme de présomption de blanchiment ne porte pas atteinte aux droits de la défense et que les éléments constitutifs de ce délit sont suffisamment clairs et précis pour permettre son interprétation sans risque d’arbitraire. Pour ces raisons, elle n’a pas renvoyé au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité portant sur l’article 324-1-1 du code pénal, confirmant une décision du 9 décembre 2015 ([26]).

Des saisies pour blanchiment peuvent être prononcées dans le cadre de la mise en œuvre d’une présomption de blanchiment, c’est-à-dire que l’objet du blanchiment peut être saisi sans que l’infraction à l’origine des fonds illicites ne soit identifiée. Cette possibilité a été confirmée par trois arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation rendus le 14 juin 2017 ([27]).

Parmi les différentes techniques des organisations criminelles pour blanchir des fonds issus d’activités criminelles, le recours aux crypto-actifs est de plus en plus fréquent ([28]). Ces actifs présentent plusieurs avantages : la possibilité d’effectuer des transactions sous pseudonyme, la fluidité des transactions, mais aussi l’absence d’intermédiaire et la diversification des investissements dans les secteurs à risque ([29]). La volatilité des taux de change permet également facilement de justifier un enrichissement rapide.

À cela s’ajoute la possibilité d’utiliser des « mixeurs » de cryptomonnaies : il s’agit de services qui mixent les fonds en cryptomonnaies pour en dissimuler l’origine et rendre impossible toute traçabilité.

 L’équivalent pour les délits douaniers

Le législateur a répliqué le dispositif de présomption de blanchiment au sein du code des douanes.

L’article 415 de ce code prévoit un délit de blanchiment douanier. Ce dernier est caractérisé lorsque :

– il s’agit d’une opération financière entre l’étranger et la France (exportation, importation, transfert ou compensation) ;

– l’opération porte sur des fonds qui proviennent, directement ou indirectement, d’un délit prévu par toute législation que les agents des douanes sont chargés d’appliquer, d’un délit portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne ou d’un trafic de stupéfiants ;

– l’intention frauduleuse de la personne est établie, c’est-à-dire qu’elle connaissait l’origine illicite des fonds.

L’infraction de blanchiment s’applique aussi lorsque les activités criminelles à l’origine des fonds ont été exercées sur le territoire d’un autre État membre de l’Union européenne ou sur celui d’un État tiers.

Le délit de blanchiment douanier est passible d’une peine d’emprisonnement de dix ans, mais aussi de la confiscation des sommes en infraction, des biens ayant servi à commettre l’infraction ainsi que des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l’infraction.

L’article 415-1 du même code prévoit une présomption de blanchiment dans plusieurs cas. Il a été créé par l’article 35 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.

L’article prévoit ainsi que les fonds ou les actifs numériques mentionnés à l’article L. 54-10-1 du code monétaire et financier sont présumés être le produit d’une infraction prévue à l’article 415 lorsque les conditions matérielles, juridiques ou financières de l’opération financière n’ont d’autre motif que d’en dissimuler l’origine illicite.

Les articles 415 et 415-1 du code des douanes ont été modifiés par l’article 30 de la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, qui y a intégré les crypto-actifs.

  1.   Le délit de non-justification de ressources

Au délit de présomption de blanchiment s’ajoute celui de non-justification de ressources, prévu à l’article 321-6 du code pénal.

Article 321-6 du code pénal

Le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie ou de ne pas pouvoir justifier de l’origine d’un bien détenu, tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes qui soit se livrent à la commission de crimes ou de délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement et procurant à celles-ci un profit direct ou indirect, soit sont les victimes d’une de ces infractions, est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Est puni des mêmes peines le fait de faciliter la justification de ressources fictives pour des personnes se livrant à la commission de crimes ou de délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement et procurant à celles-ci un profit direct ou indirect.

Ce délit est constitué lorsqu’une personne, en relation avec d’autres ayant des activités illicites ou des victimes d’activités illicites, ne peut justifier d’un niveau de ressources proportionné à son train de vie, ou de l’origine d’un bien détenu. Ce délit suppose que le bénéficiaire des ressources ou du bien d’origine illicite n’ait pu en ignorer l’origine frauduleuse.

  1.   Les enquêtes patrimoniales, compétence des officiers de police judiciaire

L’article 17 du CPP énumère les missions dévolues aux officiers de police judiciaire. Il prévoit ainsi explicitement que ceux-ci réalisent les enquêtes patrimoniales aux fins d’identification des avoirs criminels.

Cette mention a été ajoutée par l’article 5 de la loi n° 2024-582 du 24 juin 2024 améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels. Selon le rapport du Sénat sur le texte, cette modification était considérée comme « un signal positif envoyé à l’ensemble des officiers de police judiciaire pour les inciter à s’interroger, dans chaque dossier, sur l’opportunité de mener ou non une enquête patrimoniale » ([30]).

  1.   Le dispositif proposÉ par le SÉnat
    1.   LEs dispositions initiales
      1.    Élargissement du champ de la présomption de blanchiment

Le I de l’article 14 complète l’article 324-1-1 du CP relatif à la présomption de blanchiment : il prévoit que cette présomption s’applique « à toute opération effectuée au moyen d’un crypto-actif à anonymat renforcé ou de fonds acheminés par l’intermédiaire d’un mixeur ou d’un mélangeur de crypto-actifs ».

Toute opération financière impliquant un mixeur de crypto-actif ou un crypto-actif à anonymat renforcé serait ainsi considérée comme une opération de blanchiment, sauf démonstration du contraire.

  1.   Procédure d’injonction pour richesse inexpliquée

Le 2° du II du présent article 4, dans sa rédaction initiale, insère un nouvel article 60-1-1 A au sein du code de procédure pénale (CPP), qui crée une procédure d’injonction pour richesse inexpliquée.

Cette procédure permettrait au procureur de la République, mais également aux officiers de police judiciaire, aux agents des douanes et des services fiscaux habilités à effectuer des enquêtes judiciaires de requérir de toute personne qu’elle justifie de ressources correspondant à son train de vie ou de l’origine d’un bien détenu.

Ne pas répondre à une telle réquisition serait passible d’une amende de 10 000 euros. Si la personne concernée ne répond pas, ou que sa réponse est insuffisante, alors le procureur de la République pourrait saisir le juge des libertés et de la détention afin que celui-ci ordonne la saisie de ses biens, lorsque l’origine ne peut en être établie ou que la loi en prévoit la confiscation.

Les biens et les revenus ayant fait l’objet d’une telle réquisition feraient l’objet d’une présomption de blanchiment, dès lors que la personne concernée par la réquisition s’est abstenue de répondre, n’a pas répondu selon les formes exigées ou a apporté une réponse insuffisante, conformément au I du présent article 4, qui complète l’article 324-1-1 du CP dans ce sens.

Ce dispositif traduit l’une des recommandations du rapport de la commission d’enquête du Sénat précité, selon lequel une telle procédure serait complémentaire de la présomption de blanchiment.

  1.   Systématisation des enquêtes patrimoniales pour les enquêtes portant sur des faits de trafic de stupéfiants

Enfin, le 1° du II du présent article modifie l’article 17 du CPP pour prévoir que les enquêtes patrimoniales sont systématiquement conduites lorsque les investigations portent sur des infractions en lien avec le trafic de stupéfiants (prévues aux articles 222-34 à 222-40 du CP).

  1.   Les modifications adoptÉes par le SÉnat

Le Sénat a apporté plusieurs modifications à l’article 4 en adoptant deux amendements des rapporteurs, lors de l’examen en commission, et deux autres en séance.

  1.   Procédure d’injonction pour richesse inexpliquée

Le périmètre initialement très large de la procédure a été resserré au cours de la lecture au Sénat, en raison du risque constitutionnel posé par un champ trop large.

● En commission, l’amendement COM-60 déposé par les rapporteurs a modifié l’article 60-1-1 A inséré dans le CPP par le 2° du II du présent article 4 afin de réduire le champ d’application de l’injonction pour richesse inexpliquée aux enquêtes ou informations judiciaires portant sur les infractions portant sur le trafic de stupéfiants (articles 222-34 à 222-43-1 du CP) ou liées à la criminalité et à la délinquance organisées (articles 706-73 et 706-73-1 du CPP). Ce faisant, la nouvelle rédaction du 2° du II ajoute également le juge d’instruction à la liste des personnes en mesure de procéder à cette réquisition.

● En séance, le Sénat a adopté l’amendement n° 154 de Mme Aeschlimann (Les Républicains) avec un avis favorable de la commission et de sagesse du Gouvernement. Cet amendement ajoute un critère d’application pour l’injonction pour richesse inexpliquée : il faut que la personne soit suspectée et qu’un écart manifeste entre ses ressources et son train de vie soit constaté. L’amendement fixe également à un mois le délai dans lequel la personne doit répondre à la réquisition, sous peine de voir ses biens confisqués, alors que le texte issu des travaux de la commission prévoyait simplement que cette réponse devait intervenir « dans les meilleurs délais ».

  1.   Élargissement du champ de la présomption de blanchiment

● En commission, le Sénat a précisé la présomption de blanchiment en cas d’utilisation de « mixeurs » de crypto-actifs et étendu cette présomption en matière douanière.

L’amendement COM-59 des rapporteurs a complété les deux alinéas ajoutés à l’article 324-1-1 du CPP par le I du présent article 4, afin d’élargir la présomption de blanchiment lorsque les conditions matérielles, juridiques ou financières des opérations d’exportation, d’importation, de transfert ou de compensation ainsi que de placement ou de conversion des actifs numériques mentionnés à l’article 54-10-1 du code monétaire et financier ne peuvent avoir pour autre justification que de dissimuler le bénéficiaire effectif du fonds ou de ces actifs numériques.

Il a également ajouté un III au présent article 4, qui modifie les articles 415 et 415-1 du code des douanes pour étendre la présomption de blanchiment douanier aux bénéficiaires effectifs des fonds ou actifs numériques :

– il complète l’article 415 pour prévoir que le délit de blanchiment douanier s’applique également aux opérations de placement ou de conversion des actifs numériques ;

– il complète également l’article 415-1 pour prévoir que la présomption de blanchiment douanier s’applique aux opérations effectuées par l’intermédiaire d’un mixeur de crypto-actifs.

● En séance publique, le Gouvernement a précisé les conditions dans lesquelles la présomption de blanchiment pouvait s’appliquer aux opérations de mixage des crypto-actifs.

L’amendement n° 213 du Gouvernement, adopté avec avis favorable de la commission, a réécrit le second alinéa ajouté à l’article 324-1-1 du CPP relatif à l’application de la présomption de blanchiment aux mixeurs de crypto-actifs (I du présent article 4).

Il procède également à une réécriture des modifications insérées à l’article 415-1 du code des douanes (III du présent article 4) :

– il ajoute que la présomption de blanchiment s’applique également lorsque l’objectif de l’opération ne peut être autre que de dissimuler le bénéficiaire effectif des fonds ou actifs numériques ;

– il reproduit le mécanisme introduit par le même amendement au sein du code pénal en prévoyant que la présomption de blanchiment s’applique à toute opération effectuée au moyen d’un crypto-actif comportant une fonction d’anonymisation ainsi qu’au moyen de tout type de compte ou technique permettant l’anonymisation ou l’opacification des opérations en crypto-actifs.

  1.   Systématisation des enquêtes patrimoniales pour les enquêtes portant sur des faits de trafic de stupéfiants

L’amendement COM-60 précité, adopté lors de l’examen en commission, a par ailleurs supprimé le 1° du II du présent article 4 relatif à la systématisation des enquêtes patrimoniales portant sur des faits de trafic de stupéfiants, dans la mesure où, selon l’exposé des motifs de l’amendement, « le manque d’enquêtes patrimoniales résulte essentiellement d’un manque de moyens et d’une acculturation insuffisante des services à ce type d’investigation » et non pas d’un vide juridique.

  1.   La position de la commission

La Commission a adopté trois amendements modifiant l’article 4.

L’amendement CL638 du rapporteur M. Pauget modifie le dispositif de présomption de blanchiment pour que celui-ci s’applique dès lors que la présence d’un « mixeur » de crypto-actifs ou d’un crypto-actif anonyme est constatée, et non pas lorsque ces deux conditions sont réunies, comme le prévoyait le texte adopté par le Sénat.

Les amendements identiques CL639 et CL442, déposés respectivement par le rapporteur M. Pauget (DR) et Mme Moutchou (HOR), suppriment la procédure d’injonction pour richesse inexpliquée créée par le Sénat. Celle-ci ne présente pas les garanties suffisantes, notamment s’agissant du respect de la présomption d’innocence, contrairement aux dispositifs déjà existants dans la loi comme la présomption de blanchiment et le délit de non justification de ressources.

*

*     *

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article rend obligatoire la confiscation des biens dont le propriétaire ne peut justifier de l’origine et qui a été condamné pour ce motif, et celle des biens ayant servi à ou étant le produit d’une infraction liée au trafic de stupéfiants en cas de condamnation pour ce motif.

       Dernières modifications législatives intervenues

Les articles du code pénal visés par le présent article n’ont pas connu de récentes modifications législatives. Toutefois, il convient de noter que la loi n° 2024‑582 du 24 juin 2024 améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels a fait évoluer plusieurs dispositions et insère notamment, à l’article 131-21 du code pénal, une obligation de confiscation des biens ayant été saisis au cours de la procédure lorsqu’ils ont servi à commettre l’infraction, étaient destinés à la commettre ou sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction.

       Position de la Commission

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur modifiant l’article 4 bis A, afin de supprimer la confiscation obligatoire des biens ayant servi à ou étant le produit d’une infraction liée au trafic de stupéfiants en cas de condamnation pour ce motif, qui est déjà partiellement satisfaite par le droit existant, et de limiter l’obligation de confiscation des biens dont le propriétaire ne peut justifier de l’origine et qui a été condamné pour ce motif aux seuls biens déjà saisis.

 

  1.   L’état du droit

● La saisie pénale constitue une mesure procédurale pouvant avoir trois finalités :

– la préservation des éléments de preuve ;

– la conservation des biens qui pourront faire l’objet d’une confiscation au titre de l’action patrimoniale, c’est-à-dire d’une privation de tout ou partie du patrimoine de la personne condamnée, suivant les infractions et en général en application du principe de proportionnalité des peines ;

– la conservation des biens pour garantir l’indemnisation des victimes en matière de criminalité organisée.

● La confiscation consiste, quant à elle, en une peine prononcée par un juge à l’occasion d’une condamnation. Elle peut être prononcée, soit à titre de peine alternative, pour les délits ([31]) et les contraventions de la cinquième classe ([32]), soit à titre de peine complémentaire, dans les cas prévus par la loi ou le règlement et de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an, à l’exception des délits de presse ([33]). La confiscation constitue ainsi une décision judiciaire qui, lorsque la condamnation devient définitive, entraîne la dépossession définitive d’un bien.

● L’article 131-21 du code pénal précise que la confiscation peut porter sur :

– tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu’en soit la nature, divis ou indivis, ayant servi à commettre l’infraction ou qui étaient destinés à la commettre, et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition (alinéa 2) ;

– tous les biens qui sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction, à l’exception des biens susceptibles de restitution à la victime (alinéa 3) ;

– tout bien meuble ou immeuble défini par la loi ou le règlement qui réprime l’infraction (alinéa 5) ;

– les biens meubles ou immeubles, quelle qu’en soit la nature, divis ou indivis, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, lorsque ni le condamné, ni le propriétaire, mis en mesure de s’expliquer sur les biens dont la confiscation est envisagée, n’ont pu en justifier l’origine (alinéa 6 : cette disposition concerne uniquement les crimes ou délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect) ;

– tout ou partie des biens appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis (alinéa 7 : cette disposition s’applique uniquement lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit expressément) ;

– tous les droits incorporels, quelle qu’en soit la nature, divis ou indivis (alinéa 9) ;

– en valeur sur tous biens, quelle qu’en soit la nature, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition (alinéa 10).

Par ailleurs, l’article 131-21 prévoit que la confiscation des biens ayant été saisis au cours de la procédure est obligatoire lorsqu’ils ont servi à commettre l’infraction, lorsqu’ils étaient destinés à la commettre ou lorsqu’ils sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction (alinéa 4). La confiscation est également obligatoire pour les objets qualifiés de dangereux ou nuisibles par la loi ou le règlement, ou dont la détention est illicite, que ces biens soient ou non la propriété du condamné (alinéa 8).

Hors ce dernier cas, le treizième alinéa du même article précise que lorsque la peine de confiscation porte sur des biens sur lesquels toute personne autre que le condamné dispose d’un droit de propriété, elle ne peut être prononcée si cette personne dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure n’a pas été mise en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu’elle revendique et sa bonne foi.

● S’agissant des infractions en lien avec le trafic de stupéfiants ([34]), l’article 222-49 du code pénal prévoit des dispositions spécifiques en matière de confiscation :

– d’une part, celle-ci doit être prononcée pour les installations, matériels et pour tout bien ayant servi, directement ou indirectement, à la commission de l’infraction, ainsi que tout produit provenant de celle-ci, quelle que soit la personne à laquelle ils appartiennent et quel que soit le lieu où ils se trouvent ([35]) ;

– d’autre part, pour certaines des infractions ([36]), la confiscation peut être plus large et concerner tout ou partie des biens du condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.

● Par ailleurs, l’article 321-6 du même code sanctionne le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie ou de ne pas pouvoir justifier de l’origine d’un bien détenu pour des personnes n’ayant pas été par ailleurs condamnées mais étant en « relations habituelles » avec une ou plusieurs personnes qui soit se livrent à la commission de crimes ou de délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement et procurant à celles-ci un profit direct ou indirect, soit sont les victimes d’une de ces infractions.

Cette incapacité de justifier de l’origine de ses biens ou ressources est un délit puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

  1.   Le dispositif proposé par le Sénat

Le présent article est issu de l’adoption en séance publique, suivant le double avis favorable de la Commission et du Gouvernement, de quatre amendements identiques : le n° 13 rect. quinquies de M. Parigi (Union centriste), le n° 110 rect. bis de M. Bacchi (CRCE-K), le n° 146 de M. Benarroche (EST) et le n° 181 de M. Bourgi (SER).

Il modifie les articles 321-6 et 222-49 du code pénal, afin de rendre obligatoire la confiscation des biens dans deux cas :

– d’une part, il complète d’un nouvel alinéa l’article 321-6 du code pénal pour prévoir une confiscation obligatoire des biens dont le propriétaire ne peut justifier de l’origine et qui, pour ce motif, a été condamné en application dudit article ;

– d’autre part, il modifie la rédaction du premier alinéa de l’article 222-49 du même code pour rendre obligatoire, en cas de condamnation pour des infractions liées au trafic de stupéfiants ([37]), la confiscation des installations, matériels et de tout bien ayant servi à la commission de l’infraction et de tout produit provenant de celle‑ci ([38]).

Dans les deux cas, la rédaction proposée par le Sénat précise que cette décision de confiscation n’a pas à être motivée. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas la prononcer, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.

  1.   La position de la Commission

La Commission a adopté deux amendements modifiant l’article 4 bis A.

L’amendement CL558 du rapporteur M. Pauget (DR) supprime les dispositions, prévues au 1° de l’article 4 bis A, rendant obligatoire, en cas de condamnation pour des infractions liées au trafic de stupéfiants, la confiscation des installations, matériels et de tout bien ayant servi à la commission de l’infraction et de tout produit provenant de celle‑ci. En effet, cette confiscation obligatoire est déjà prévue par le quatrième alinéa de l’article 131-21 du code pénal pour les biens saisis au cours de la procédure, ce qui correspond mieux aux réalités opérationnelles des confiscations.

À des fins également opérationnelles, l’amendement CL557 du rapporteur M. Pauget (DR), modifie le 2° du présent article pour limiter l’obligation de confiscation des biens dont le propriétaire ne peut justifier de l’origine et qui a été condamné pour ce motif aux seuls biens déjà saisis.

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Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article, introduit par la Commission sur proposition de Mme Moutchou (HOR), explicite le fait que la peine complémentaire de confiscation peut également porter sur les sommes présentes sur des cartes prépayées anonymes.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2024‑582 du 24 juin 2024 améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels a inséré, à l’article 131-21 du code pénal, une obligation de confiscation des biens ayant été saisis au cours de la procédure lorsqu’ils ont servi à commettre l’infraction, étaient destinés à la commettre ou sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction.

  1.   L’état du droit

L’article 131-21 du code pénal précise les biens sur lesquels la confiscation peut porter et définit un certain nombre de cas dans lesquels la confiscation est obligatoire.

De manière générale, ces confiscations peuvent porter sur tous les biens meubles ou immeubles, ainsi que sur les droits incorporels. Le dixième alinéa de l’article 131-21 précise en outre que cette confiscation peut se faire en valeur sur tous biens, quelle qu’en soit la nature.

Ces confiscations peuvent porter sur les biens appartenant à la personne condamnée ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, sur les biens dont le condamné a la libre disposition. Hors le cas où la confiscation concerne des objets qualifiés de dangereux ou nuisibles, le treizième alinéa du même article précise que lorsque la peine de confiscation porte sur des biens sur lesquels toute personne autre que le condamné dispose d’un droit de propriété, elle ne peut être prononcée si cette personne dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure n’a pas été mise en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu’elle revendique et sa bonne foi.

  1.   Le dispositif introduit par la commission

Introduit par l’adoption en commission des Lois de l’amendement CL445 de Mme Moutchou (HOR), le présent article explicite la possibilité pour une peine de confiscation de porter sur des sommes présentes sur des cartes prépayées anonymes.

Cette précision est précédée de la mention « sous les mêmes réserves », qui, comme dans les autres cas prévus à l’article 131-21, renvoie à son treizième alinéa en application duquel, lorsque la peine de confiscation porte sur des biens sur lesquels toute personne autre que le condamné dispose d’un droit de propriété, elle ne peut être prononcée si cette personne dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure n’a pas été mise en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu’elle revendique et sa bonne foi.

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Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article, résultant de l’adoption des amendements identiques CL168 de M. Ruffin (EcoS) et CL237 de Mme Capdevielle (SOC) et de l’amendement CL497 de M. Amirshahi (EcoS), élargit les possibilités d’affectation ou de mise à disposition des biens meubles ou immeubles dont la gestion est confiée à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC).

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 3 de la loi n° 2024-582 du 24 juin 2024 améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels a modifié l’article 706‑160 du code de procédure pénale afin d’autoriser l’AGRASC, pour les besoins de l’accomplissement de sa mission de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, à accéder aux informations contenues dans le fichier immobilier tenu par les services chargés de la publicité foncière.

 

  1.   L’état du droit

L’article 706-160 du code de procédure pénale définit les missions dévolues à l’AGRASC. Cette dernière est chargée d’assurer, sur l’ensemble du territoire et sur mandat de justice :

– la gestion des biens saisis, confisqués ou faisant l’objet d’une mesure conservatoire (1°) ;

– la gestion de toutes les sommes saisies (2°) ;

– l’aliénation ou la destruction des biens qui sont ordonnées (3° et 4°) ;

– la gestion des biens meubles affectés à titre gratuit par l’autorité administrative à certains services (5°) ;

Les services pouvant bénéficier de l’affectation de biens meubles

● En application de l’article L. 2222-9 du code général de la propriété des personnes publiques, les biens mobiliers dont, à l’occasion d’une procédure pénale, la propriété a été transférée à l’État suite à une décision judiciaire définitive peuvent être affectés, à titre gratuit à certains services :

– services judiciaires ;

– services de police ou unités de gendarmerie ;

– services de l’administration pénitentiaires ;

– établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la justice ;

– services de l’administration des douanes ou de l’Office français de la biodiversité lorsque ces services ou unités effectuent des missions de police judiciaire.

Si les biens meubles n’ont pas été affectés à l’un de ces services, ils peuvent l’être, à titre gratuit, à:

– un établissement public national à caractère administratif d’un parc national ;

– un syndicat mixte d’aménagement et de gestion d’un parc naturel régional ;

– des fondations ou à des associations reconnues d’utilité publique ou à des fédérations sportives.

● Par ailleurs, les articles 41-5 et 99-2 du code de procédure pénale permettent au procureur de la République, au cours de l’enquête, ou au juge d’instruction, au cours de l’instruction, de prendre certaines décisions concernant les biens meubles saisis dont la conservation n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité. Pour ces biens, le procureur et le juge d’instruction peuvent notamment ordonner leur remise à l’AGRASC, en vue de leur affectation à certains services publics, lorsque le maintien de la saisie serait de nature à diminuer leur valeur et si la confiscation est prévue par la loi.

Les services publics concernés par cette affectation de biens meubles peuvent être les suivants :

– services judiciaires ;

– services de police ou unités de gendarmerie ;

– services de l’administration pénitentiaires ;

– établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la justice ;

– Office français de la biodiversité ;

– services placés sous l’autorité du ministre chargé du budget qui effectuent des missions de police judiciaire.

– la gestion des biens saisis, l’aliénation ou la destruction des biens saisis ou confisqués et la répartition du produit de la vente en exécution de toute demande d’entraide ou de coopération émanant d’une autorité judiciaire étrangère (huitième alinéa) ;

– la mise à disposition, le cas échéant à titre gratuit, d’un bien immobilier dont la gestion lui est confiée au bénéfice d’associations d’intérêt général ([39]), d’associations et de fondations reconnues d’utilité publique, de collectivités territoriales, ainsi que d’organismes exerçant des activités de maîtrise d’ouvrage et concourant aux objectifs de la politique d’aide au logement ([40]) (neuvième alinéa).

  1.   Le dispositif introduit par la commission

Ce nouvel article 4 bis C est issu de trois amendements adoptés par la Commission.

● D’une part, les amendements identiques CL168 de M. Ruffin (EcoS) et CL237 de Mme Capdevielle (SOC) modifient le neuvième alinéa de l’article 706‑160 afin de permettre la mise à disposition, le cas échéant à titre gratuit, d’un bien immobilier dont la gestion est confiée à l’AGRASC au bénéfice de certains services publics : services judiciaires, services de police ou unité de gendarmerie, Office français de la biodiversité, services placés sous l’autorité du ministre chargé du budget qui effectuent des missions de police judiciaire et direction de la sécurité civile et de la gestion des crises.

● D’autre part, l’amendement CL497 de M. Amirshahi (EcoS) supprime de ce même neuvième alinéa le terme « immobilier », rendant cette mise à disposition possible pour tout type de biens et non plus seulement les biens immeubles.

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Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 4 bis interdit aux prestataires de services sur actifs numériques de proposer l’utilisation des « mixeurs » de crypto-actifs, qui permettent l’anonymat des utilisateurs et rendent confidentiels les échanges.

       Position de la Commission

La Commission n’a pas adopté d’amendement pour modifier le présent article.

  1.   L’État du droit

Le statut de prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) a été créé par l’article 86 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises. Ces prestataires sont soumis à un enregistrement obligatoire auprès de l’Autorité des marchés financiers. Ils doivent mettre en œuvre l’intégralité des obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, conformément à l’article L. 561-2 du code monétaire et financier.

Comme évoqué supra dans le commentaire de l’article 4, l’usage des mixeurs par les organisations criminelles est de plus en plus fréquent pour blanchir les fonds issus de leurs activités criminelles. Le présent article emporte donc l’interdiction de l’utilisation de ces « mixeurs ».

  1.   Le dispositif adoptÉ par le SÉnat

Le présent article 4 bis est issu de l’adoption, en commission, de l’amendement COM-14 de M. Blanc (Les Républicains).

Il insère un nouvel article L. 561-14-1 A au sein du code monétaire et financier qui interdit aux prestataires de services sur actifs numériques ([41]) de « tenir tout type de compte ou [d’]offrir tout type de service permettant l’anonymisation ou une opacification accrue des opérations », ce qui revient à interdire l’utilisation des « mixeurs » de crypto-actifs.

Cette interdiction anticipe l’entrée en vigueur du règlement (UE) 2024/1624 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2024 relatif à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, qui sera applicable à compter du 10 juillet 2027 : son article 79 prévoit en effet l’interdiction de la tenue de tout compte permettant l’anonymisation ou une opacification accrue des transactions, en citant explicitement les jetons à anonymat renforcé.

  1.   La position de la commission

La Commission des Lois a adopté cet article sans y apporter de modifications.

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Article 5 (supprimé)
(art. 706-33-1 [nouveau] du code de procédure pénale)
Gel judiciaire des avoirs des personnes soupçonnées de trafic de stupéfiants

Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 5 crée un mécanisme de gel des avoirs des personnes soupçonnées d’infractions en matière de trafic de stupéfiants.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté un amendement en commission et deux autres en séance publique. En commission, il a élargi la portée du dispositif à l’ensemble des infractions liées à la criminalité organisée. En séance publique, il a notamment fixé à un an maximale la durée du gel judiciaire.

       Position de la Commission

La commission des Lois a adopté deux amendements de suppression du présent article, présentés par le rapporteur M. Pauget (DR) et Mme Moutchou (HOR).

  1.   L’état du droit
    1.   En matière judiciaire, la possibilitÉ de saisir et confisquer les avoirs criminels

La France s’est progressivement dotée d’un arsenal judiciaire fourni en matière de saisie et confiscation des avoirs criminels.

Comme l’indique le rapport d’évaluation mutuelle du groupe d’action financière (GAFI) sur les mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme mis en œuvre par la France, celle-ci « a érigé la saisie et la confiscation du produit et des instruments du crime et des biens d’une valeur équivalente en une priorité globale […]. La France a réussi à priver les criminels des montants considérables constituant le produit ou les instruments d’infractions ou de bien d’une valeur équivalent […] en ayant recours à diverses mesures, y compris la confiscation » ([42]). Il rappelle que la politique pénale vise à identifier les avoirs criminels le plus tôt possible pour optimiser leur saisie.

La procédure de saisie pénale a fait l’objet d’un développement supra dans le commentaire de l’article 4 bis.

  1.   En matière administrative, la possibilité d’un gel des avoirs sur un périmètre restreint

Le dispositif de gel administratif des avoirs terroristes est prévu au chapitre II du titre VI du livre V du code monétaire et financier. Il a été introduit par l’article 23 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers. Cette loi est venue compléter le dispositif existant, qui permettait l’exécution en France des décisions prises sur le fondement d’instruments communautaires (résolutions des Nations Unies mais aussi avis européens), mais pas de procéder à des mesures administratives de gel des avoirs des résidents français ou communautaires.

Le gel administratif vise plusieurs les fonds et ressources économiques de plusieurs types de personnes :

– celles qui sont liées à des actes de terrorisme, que ce soit parce qu’elles les commettent, tentent de les commettre, les facilitent ou les financent (article L. 562-2) ;

– celles qui sont liées à des actes d’ingérence, qu’elles les commettent, tentent de les commettre, les facilitent ou les financent (article L. 562-3) ;

– celles qui sont liées à des actions sanctionnées ou prohibées par les résolutions des Nations Unies ([43]) ou par des actes européens ([44]), qu’elles les commettent, tentent de les commettre, les facilitent ou les financent (article L. 562-3).

Lorsque le gel porte sur ce dernier cas, il est décidé par le seul ministre chargé de l’économie. Dans les deux autres cas, il doit être décidé conjointement par le ministre de l’intérieur et le ministre chargé de l’économie.

Dans les trois cas, il est décidé pour une durée de six mois, renouvelable.

L’article L. 562-4 énumère les personnes qui doivent appliquer sans délai les mesures de gel et les interdictions de mise à disposition ou d’utilisation :

– toute personne physique, ressortissante nationale ou ressortissante étrangère se trouvant sur le territoire national ;

– les personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et la lutte contre le terrorisme (LCB-FT), ainsi que toute autre personne morale constituée ou établie selon le droit national ou réalisant une opération sur le territoire national, dans le cadre de son activité.

Les modalités pour autoriser le déblocage des fonds sont prévues à l’article L. 562-11.  Celui-ci peut notamment être accordé si la personne faisant l’objet d’une mesure de gel justifie :

– de besoins matériels particuliers intéressant sa vie personnelle ou familiale pour une personne physique ou d’une activité compatible avec la sauvegarde de l’ordre public pour une personne morale ;

– ou de décisions de nature à assurer la conservation de son patrimoine.

L’article L. 562-12 prévoit que le secret bancaire ou professionnel ne peut pas faire obstacle à l’échange d’informations entre les personnes chargées d’appliquer les mesures de gel et les services de l’État chargés de préparer ou de mettre en œuvre ces mêmes mesures, lorsque ces informations permettent de vérifier l’identité des personnes concernées par la mesure de gel, ou de surveiller les opérations portant sur les fonds et ressources économiques gelés.

  1.   Le dispositif proposÉ par le SÉnat

La commission d’enquête du Sénat a constaté l’absence de dispositif permettant de geler en urgence les avoirs des narcotrafiquants. Le présent article constitue une réponse à ce constat.

  1.   LEs dispositions initiales

Le présent article 5 insère un nouvel article 706-33-1 au sein du code de procédure pénale qui crée un mécanisme de gel judiciaire des avoirs, qui reprend plusieurs des dispositions prévues pour le gel administratif des avoirs.

Cet outil est à la main du juge des libertés et de la détention (JLD), compétent pour prendre des décisions de gel des fonds ([45]) et ressources économiques ([46]) :

– qui appartiennent à, sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes physiques ou morales, ou toute autre entité qui commettent, tentent de commettre, facilitent ou financent des actes relevant des infractions liées au trafic de stupéfiants (articles 222-34 à 222-40 du code pénal) ;

– qui appartiennent à, sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes morales ou toute autre entité elles-mêmes détenues ou contrôlées par les personnes impliquées dans le trafic de stupéfiants (mentionnées supra).

Le gel judiciaire prévu par l’article 706-33-1 concerne donc exclusivement les personnes physiques et morales impliquées dans des procédures portant sur des faits de trafic de stupéfiants.

Le JLD est saisi par le procureur de la République en charge de l’enquête ou par le juge d’instruction en charge de l’information et doit se prononcer dans un délai de 48 heures.

Le gel peut être contesté sous dix jours à compter de la date de mise à exécution de la décision considérée, par voie de requête remise au greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel territorialement compétente.

Le texte prévoit que le recours n’est pas suspensif. Le III de l’article 706-33-1 prévoit néanmoins la possibilité pour le JLD de débloquer une partie des fonds ou des ressources économiques gelés si la personne concernée par cette mesure justifie :

– de besoins matériels particuliers intéressant sa vie personnelle ou familiale pour une personne physique ou d’une activité compatible avec la sauvegarde de l’ordre public pour une personne morale ;

– ou de décisions de nature à assurer la conservation de son patrimoine.

Ces critères sont identiques à ceux prévus par l’article L. 562-11 du CMF pour le déblocage des avoirs qui feraient l’objet d’une mesure de gel administratif.

Le II de l’article 706-33-1 introduit des dispositions pour garantir l’application de ce gel qui sont très similaires à celles prévues dans le CMF pour le gel administratif :

 la nécessité pour les personnes mentionnées à l’article L. 562-4 d’appliquer sans délai les mesures de gel judiciaire, et de respecter les obligations prévues aux articles L. 562-4-1 (procédure interne pour la mise en œuvre des mesures de gel des avoirs), L. 562-5 (interdiction de mise à disposition ou d’utilisation des avoirs de personnes concernées par une mesure de gel), L. 562-6 (interdiction de participer à contourner les mesures de gel), L. 562-7 (pas d’obstacle au versement de fonds sur le compte des personnes dont les fonds sont gelés), L. 562-10 (opposabilité des mesures à un tiers) et L. 562-13 (responsabilité de l’État des conséquences dommageables des mesures de gel pour les personnes chargées de l’appliquer) ;

– l’impossibilité pour le secret bancaire ou professionnel de faire obstacle à l’échange d’informations entre les personnes chargées d’appliquer le gel et les services de l’État qui le mettent en œuvre (premier alinéa de l’article 562-12) ;

– l’échange d’informations entre les services de l’État et les autorités d’agrément et de contrôle (deuxième et troisième alinéas de l’article L. 562-12).

  1.   Les modifications adoptÉes par le SÉnat

Le Sénat a apporté plusieurs modifications à l’article 5 en adoptant un amendement des rapporteurs lors de l’examen en commission et deux amendements en séance publique.

● La commission des Lois a adopté l’amendement COM-61 des rapporteurs qui complète et corrige plusieurs alinéas du présent article correspondant aux I et II de l’article 706-33-1 :

– outre le JLD, il prévoit que le juge d’instruction peut lui aussi prendre des décisions de gel de fonds et de ressources économiques, et en autoriser le déblocage, et supprime en cohérence la mention d’une saisine du JLD par le juge d’instruction ;

– il fixe la durée pour laquelle être prononcée le gel judiciaire à six mois, renouvelable ;

– il élargit le champ infractionnel dans lequel peut s’appliquer ce dispositif à l’ensemble des faits de criminalité et délinquance organisées (visés aux articles 706-73 et 706-74) ;

– il complète la liste des biens ou ressources économiques pouvant faire l’objet d’un gel judiciaire en y ajoutant ceux qui appartiennent ou sont contrôlés ou détenus par des personnes physiques condamnées pour un délit de non-justification de ressources ;

– il précise que le secret bancaire et professionnel ne peut être opposé au magistrat ayant ordonné la mesure de gel mais restreint l’échange d’informations aux seuls services judiciaires ;

– enfin il affine les modalités d’échanges d’informations entre services de l’État et autorités d’agrément et de contrôle et les élargit aux officiers de police judiciaire.

● En séance publique, le Sénat a adopté deux amendements supplémentaires pour ajuster le dispositif.

L’amendement n° 124 de M. Benarroche (Écologiste – Solidarité et Territoires), adopté avec un avis de sagesse de la commission et du Gouvernement, double la durée maximale de la mesure de gel judiciaire pour le fixer à un an (premier alinéa du I de l’article 706-33-1).

L’amendement n° 125 rect de M. Benarroche, adopté avec un avis favorable de la commission et un avis de sagesse du Gouvernement, réécrit la procédure de recours en prévoyant explicitement que la décision de gel est notifiée à la personne qui détient le bien objet du gel et que cette décision de notification est le point de départ du délai de dix jours pour contester le gel (dernier alinéa du I de l’article 706-33-1). Il ajoute également un cas de déblocage du gel si la personne concernée justifie en avoir besoin pour financer les frais afférents à sa défense (3° du III de l’article 706-33-1).

  1.   La position de la commission

La Commission des Lois a adopté les amendements de suppression CL642 et CL444 déposés respectivement par le rapporteur M. Pauget (DR) et Mme Moutchou (Horizons).

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Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 5 bis crée, sur le modèle du gel administratif des avoirs terroristes, un mécanisme de gel administratif des avoirs des personnes liées au trafic de stupéfiants.

  1.   L’État du droit

Le mécanisme de gel administratif des avoirs terroristes a été décrit supra, dans le commentaire de l’article 5.

  1.   Le dispositif adoptÉ par le SÉnat

● Le présent article 5 bis est issu de l’adoption, en commission, de l’amendement COM-62 des rapporteurs.

Le 1° du I modifie l’article L. 562-1 du code monétaire et financier (CMF) pour y introduire la définition de « trafic de stupéfiants », c’est-à-dire, dans la rédaction adoptée par la commission, les faits prévus et réprimés par les articles 222-34 à 222-38 et par l’article 222-40 du code pénal.

Le 2° du I dans la version adoptée par la commission insère ensuite un nouvel article L. 562-2-2 au sein du CMF pour créer un mécanisme de gel administratif des avoirs des personnes impliquées dans le trafic de stupéfiants.

Il peut concerner les fonds et les ressources économiques :

– qui appartiennent à, sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes physiques ou morales, ou toute autre entité qui commettent, tentent de commettre, facilitent ou financent un trafic de stupéfiants ou y participent, et qui présentent une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics en raison de leur rôle dans ce trafic et de son ampleur ;

– qui appartiennent à, sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes morales ou toute autre entité elles-mêmes détenues ou contrôlées par les personnes liées au trafic de stupéfiants citées supra, ou agissant sciemment pour le compte ou sur instructions de celles-ci.

L’article 5 bis reproduit les mécanismes déjà existants mais y ajoute un critère supplémentaire de menace de particulière gravité, ce qui assure une certaine proportionnalité.

Le gel est décidé conjointement par le ministre chargé de l’économie et le ministre chargé de l’intérieur, après information du procureur national anti-criminalité organisée, pour une durée de six mois, renouvelable trois fois.

Le caractère renouvelable de la mesure est limité à trois fois, alors que les autres articles relatifs aux mesures de gel judiciaire ne prévoient pas de limite.

Enfin, les 3° à 5° de cet article 5 bis procèdent également aux coordinations nécessaires aux articles L. 562-5 (interdiction de mise à disposition ou d’utilisation d’avoirs de personnes concernées par une mesure de gel), L. 562-7 (pas d’obstacle au versement de fonds sur le compte des personnes dont les fonds sont gelés), L. 562-8 (publication des arrêtés au fichier immobilier ou au livre foncier les décisions de gel), L. 562-9 (publication des décisions de gel au Journal officiel) et L. 562-11 (procédure du déblocage des fonds) du code monétaire et financier, pour qu’ils s’appliquent aux avoirs gelés en vertu du nouvel article L. 562-2-2. Le II du présent article modifie également l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration relatif à l’anonymat des signataires de certains actes administratifs pour y ajouter la mention de trafic de stupéfiants.

● En séance publique, le Sénat a adopté un amendement n° 251 des rapporteurs, avec un avis défavorable du Gouvernement, qui modifie au 1° du I de l’article 5 ter (1° ter de l’article L. 562-1 du CMF) le champ infractionnel du gel administratif : il en retire l’article L. 222-40 du code pénal, qui concerne la tentative de trafic des stupéfiants, et y ajoute les infractions douanières prévues au troisième alinéa de l’article 414 (contrebande, importation et exportation sans déclaration) et à l’article 415 (blanchiment douanier) du code des douanes.

  1.   La position de la Commission

La Commission des Lois a adopté cet article sans y apporter de modifications.

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TITRE III
RENFORCEMENT DU RENSEIGNEMENT ADMINISTRATIF EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE NARCOTRAFIC

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 6 élargit la dérogation au secret de l’enquête et de l’instruction concernant les faits de criminalité et de délinquance organisées, dans un but de communication des informations pertinentes aux services de renseignement.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée a permis à tout procureur de la République, par dérogation au secret de l’instruction, de communiquer des informations aux services de renseignements concernant une personne dont le comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics, pour certains comportements en lien avec des actes de nature terroriste.

La loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement a créé de nouvelles possibilités de dérogation au secret de l’instruction pour la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées au profit des services de renseignement.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a réduit l’ampleur des dérogations au secret de l’instruction prévues par la rédaction initiale de l’article 6. Il a ainsi abandonné l’extension de la possibilité de communiquer des informations aux services de renseignement à tous les procureurs de la République, au profit du seul Parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco), créé par l’article 2 de la présente proposition de loi, et des juridictions interrégionales spécialisées (Jirs). Il a également restreint l’élargissement du champ des infractions concernées par la transmission d’informations.

       Position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

  1.   L’état du droit

L’article 11 du code de procédure pénale (CPP) consacre le secret des procédures d’enquête et d’instruction, « sauf dans les cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense ». De fait, plusieurs exceptions à ce secret sont prévues, en particulier au dernier alinéa de l’article 11 ainsi qu’aux articles 11-1 à 11-3. L’article 11-2 permet, par exemple, au ministère public d’informer l’administration d’un certain nombre de décisions judiciaires concernant des personnes que celle-ci emploie. 

Des procédures spécifiques de communication de ces informations existent par ailleurs en matière de terrorisme, de crimes contre l’humanité, de crimes et délits de guerre et de criminalité organisée.

● L’article 706-25-2 du CPP, créé par la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, permet au procureur de la République antiterroriste ([47]), par dérogation à l’article 11 du CPP et pour les procédures ouvertes en cas d’actes de terrorisme, de communiquer certaines informations aux services spécialisés de renseignement de l’article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure (CSI) ([48]).

Pour ces services dits du « premier cercle » de la communauté du renseignement, cette communication peut se faire à l’initiative du procureur de la République antiterroriste ou à la demande de ces services. Elle peut porter sur des éléments de toute nature figurant dans ces procédures et nécessaires à l’exercice des missions de ces services en matière de prévention du terrorisme. Si la procédure concernée fait l’objet d’une instruction, cette communication ne peut intervenir qu’avec l’avis favorable du juge d’instruction et, inversement, le juge d’instruction peut procéder à cette communication après avoir recueilli l’avis du procureur de la République antiterroriste.

Cette possibilité a également été ouverte par la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 ([49]) à tout procureur de la République pour des procédures portant sur un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement, au profit des services spécialisés de renseignement du « premier » et du « deuxième cercle » de la communauté du renseignement ([50]). La transmission d’information est autorisée, dans ce cas, lorsque ces procédures font apparaître des éléments concernant une personne dont le comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics, pour certains comportements en lien avec des actes de nature terroriste ([51]).

Le quatrième alinéa de l’article 706-25-2 du CPP prévoit que les informations communiquées ne peuvent être transmises par les services qui en ont été destinataires qu’à d’autres autorités ou services chargés de la prévention du terrorisme et pour la même finalité de prévention du terrorisme. Elles ne peuvent, en particulier, faire l’objet d’un échange avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement.

Le destinataire qui reçoit cette information, sauf si cette dernière porte sur une condamnation prononcée publiquement et sous réserve des dispositions évoquées à l’avant-dernier alinéa du même article 706-25-2, est tenu au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 116-14 du code pénal.

● L’article 628-8-1 du CPP, créé par la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 ([52]), prévoit un régime similaire concernant les procédures portant sur les crimes contre l’humanité et les crimes et délits de guerre, ainsi que les infractions qui leur sont connexes.

Le procureur de la République antiterroriste peut ainsi communiquer tout élément aux services spécialisés de renseignement de l’article L. 811-2 du CSI, dès lors que celui-ci est nécessaire à l’exercice des missions de défense et de promotion des intérêts fondamentaux de la Nation ([53]) de ces services.

Les restrictions mentionnées supra concernant la communication de ces renseignements à des services étrangers ou des organisations internationales et sur l’application du secret professionnel sont applicables.

● Dans une logique proche, l’article 706-105-1 ([54]) du CPP permet la communication d’informations concernant la criminalité et la délinquance organisées couvertes par le secret de l’enquête ou de l’instruction aux services de renseignement.

À son I, il autorise le procureur de la République de Paris à communiquer certaines informations aux services de l’État mentionnés au second alinéa de l’article L. 2321-2 du code de la défense ([55]) pour les procédures concernant des atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données. L’objectif de ces dispositions est de renforcer la lutte contre les opérations de cyberattaques.

Le II de l’article permet, quant à lui, au procureur de la République de Paris de déroger aux dispositions de l’article 11 du CPP pour les procédures relevant de la compétence des juridictions spécialisées mentionnées au dernier alinéa de l’article 706-75 ([56]). Cette dérogation s’applique à plusieurs infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées mentionnées à l’article 706-73 du CPP :

– les crimes et délits de trafic de stupéfiants (3° de l’article 706-73) ;

– les crimes et délits aggravés de traite des êtres humains (5°) ;

– les délits en matière d’armes et de produits explosifs (12°) ;

– les crimes et délits d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’un étranger en France commis en bande organisée, ainsi que le crime de direction ou d’organisation d’un groupement ayant pour objet la commission de ces
infractions (13°) ;

– le blanchiment de ces infractions.

Cette communication peut être réalisée au profit des services spécialisés de renseignement de l’article L. 811-2 du CSI et à certains services mentionnés à l’article L. 811-4 désignés par décret en Conseil d’État lorsqu’il s’agit d’éléments nécessaires pour l’exercice, par ces services, de leurs missions de prévention de la criminalité organisée.

Le III prévoit, enfin, que les informations communiquées en application de l’article ne peuvent faire l’objet d’un échange avec des services de renseignement étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement.

Le dispositif régi par l’article 706-105-1 apparaît ainsi plus large que ceux prévus en matière de terrorisme ou de crimes contre l’humanité et de crimes et délits de guerre, tant au regard du nombre d’infractions concernées que des services pouvant être destinataires de ces informations.

  1.   Le dispositif proposé
    1.   LEs dispositions initiales

Les 1° et 3° de l’article 6 de la proposition de loi, dans sa rédaction initiale, élargissaient le dispositif de communication d’informations prévue par le II de l’article 706-105-1 de la façon suivante :

– la mention du procureur de Paris était supprimée, élargissant ipso facto l’autorisation de communiquer des informations à tous les procureurs de la République ;

– en conséquence, la limitation aux procédures mentionnées au dernier alinéa de l’article 706-75 était supprimée ;

– toutes les infractions énumérées par l’article 706-73 du CPP étaient dorénavant concernées, et non plus uniquement celles mentionnées aux 3°, 5°, 12° et 13° de cet article. Cela représentait un élargissement significatif du périmètre de la transmission d’information.

L’article 6, dans sa rédaction initiale, modifiait également les règles permettant la transmission aux services mentionnés à l’article L. 811-4 du CSI en prévoyant une double condition, plus restrictive que le droit actuel, de lien entre l’information communiquée et les missions du service bénéficiaire et « d’intérêt spécifique » pour l’exercice de celles-ci.

Le 2° de l’article ajoutait, quant à lui, une obligation d’information par le procureur de la République des poursuites ou des mesures alternatives aux poursuites qui ont été décidées, au profit des services ayant bénéficié de la communication d’information lorsqu’il y a eu communication d’informations.

  1.   Les modifications adoptées par le Sénat

● Avec l’adoption d’un amendement COM-19 rect. présenté par M. Perrin (Les Républicains), la commission des Lois du Sénat a restreint l’ampleur des modifications proposées par l’article 6 :

– la transmission d’information est limitée aux procédures relevant de la compétence du nouveau parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco) et des juridictions interrégionales spécialisées (Jirs), mentionnés respectivement à l’article 706-74-14 du CPP, créé par l’article 2 de la présente proposition de loi, et à l’article 706-75. L’ensemble des procureurs de la République n’est, dès lors plus concerné ;

– l’extension du champ de la communication à l’ensemble des infractions mentionnées à l’article 706-73 est abandonnée, au profit d’une extension de la liste actuelle au crime de meurtre en bande organisée (1° de l’article), au crime de tortures et d’actes de barbarie commis en bande organisée (2°), aux crimes et délits d’enlèvement et de séquestration commis en bande organisée (4°), au crime de vol en bande organisée (7°), aux crimes aggravés d’extorsion (8°), au crime de destruction, dégradation et détérioration d’un bien commis en bande organisée (9°) et la contrebande commise en bande organisée (21°), ainsi qu’au blanchiment et à l’association de malfaiteurs en rapport avec ces infractions ;

– la réécriture de la condition de transmission aux services mentionnés à l’article L. 811-4 du CSI est supprimée.

De fait, ces restrictions semblent apporter une meilleure conciliation entre les deux impératifs constitutionnels de protection du secret de l’instruction d’une part et de la recherche et de la poursuite des infractions d’autre part. Le Conseil d’État avait ainsi considéré, dans son avis sur les dispositions de la loi PATR, que « le champ des informations transmises doit être limité à certaines finalités et certains services pour limiter l’atteinte portée au secret de l’enquête, à la protection de la vie privée et à la présomption d’innocence ». Celui-ci avait proposé, en conséquence :

– de réduire la liste des infractions concernées à la lutte contre le trafic de stupéfiants, contre la traite des êtres humains et contre les filières d’immigration clandestines et les délits en matière d’armes. C’est ce périmètre d’infractions qui a finalement été retenu ;

– de préciser que seuls les services du deuxième cercle des services de renseignement dont la liste aura été fixée par un décret en Conseil d’État pourront être destinataires de ces informations.

Il convient néanmoins de souligner que l’article 6 de la proposition de loi procède à une extension du champ des infractions concernées au-delà du périmètre suggéré par le Conseil d’État en 2021. Dès lors, la conformité de ces dispositions à la Constitution pourrait être interrogée. 

● En séance publique, le Sénat a poursuivi cette réécriture par l’adoption de l’amendement n° 47 rect. bis de M. Burgoa (Les Républicains), qui ajoute à la liste des infractions concernées par la transmission d’informations le délit d’évasion en bande organisée puni par l’article 434-30 du code pénal.

  1.   Position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Suppression maintenue par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 7 établissait, dans sa version initiale, les règles applicables au fonctionnement des cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (Cross), organisme interministériel destiné au partage d’information et à la fixation d’objectifs communs en matière de lutte contre les trafics de stupéfiants.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a supprimé cet article.

       Position de la Commission

La Commission a maintenu la suppression de cet article.

  1.   L’état du droit

Les cellules de renseignement opérationnelles sur les stupéfiants ont été expérimentées à Marseille à partir de 2015, sous la forme d’une initiative locale, afin d’améliorer la collecte des renseignements et décloisonner la circulation de l’information entre les services. Leur apport a été reconnu : au sein de l’agglomération marseillaise, elles auraient permis d’augmenter le nombre de trafiquants écroués de 15 % ([57]).

Face à ce succès, la mesure n° 1 du plan national de lutte contre les stupéfiants, présenté le 17 septembre 2019 ([58]), prévoyait la généralisation des Cross : « La mission de recueil et de centralisation du renseignement criminel, à des fins de partage entre les services, figurera comme premier objectif des cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (Cross) qui seront implantées sur l’ensemble du territoire et qui constitueront des relais locaux de l’Ofast ».

La commission d’enquête du Sénat sur le narcotrafic avait néanmoins constaté, depuis leur généralisation, une animation « très inégale » des Cross et un manque d’association de partenaires importants comme les magistrats, les élus locaux et les polices municipales ou encore les bailleurs sociaux.

À ce jour, 41 Cross sont permanentes et 63 non permanentes, selon le rapport d’information de l’Assemblée nationale visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les stupéfiants ([59]). En septembre 2021, une Cross portuaire et une Cross aéroportuaire et postale ont également été créées de façon non-permanente, co-pilotés par l’Ofast et la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED).

  1.   Le dispositif proposé
    1.   Les dispositions initiales

La rédaction initiale de l’article 7 prévoyait l’insertion d’un titre V ter au sein du livre VIII du code de la sécurité intérieure, composé de deux nouveaux articles L. 856-1 et L. 856-2, détaillant le fonctionnement des Cross.

L’article L. 856-1 prévoyait la création d’une cellule dans chaque département, dotées des missions suivantes :

– centraliser et analyser les informations relatives aux trafics de stupéfiants dans le département et assurer leur transmission au représentant de l’État ou au préfet de police de Paris ainsi qu’au procureur de la République ;

– faciliter la coordination des acteurs compétents en matière de prévention et de répression de ces trafics ainsi que des infractions connexes ;

– proposer au représentant de l’État ou au préfet de police de Paris une stratégie de lutte contre les trafics de stupéfiants ;

– concourir à la politique nationale de lutte contre les stupéfiants en transmettant les informations recueillies à l’Ofast.

L’article L. 856-2 déterminait, à son I, la liste des participants aux Cross départementales :

– le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police ou son représentant ;

– le directeur départemental de la police nationale ou son représentant ;

– le directeur départemental de la gendarmerie nationale ou son représentant ;

– le procureur de la République ou son représentant.

À son II, l’article permettait la création de groupes de travail thématiques pouvant associer les organismes suivants :

– des représentants des services de l’État dans le département ;

– les maires des communes du département ;

– des représentants d’associations, d’établissements ou d’organismes œuvrant notamment dans les domaines de la prévention, de la sécurité, de l’aide aux victimes, du logement, des transports collectifs, de l’action sociale ou des activités économiques désignés par le président du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, après accord des responsables des associations, des établissements ou des organismes dont ils relèvent.

L’article autorisait l’échange d’informations confidentielles dans le cadre de ces groupes de travail. La communication de ces informations à des tiers était punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

Un décret devait déterminer les modalités d’application de l’article 7 dans sa rédaction initiale.

  1.   Les modifications adoptées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a adopté l’amendement COM-18 de
M. Benarroche (GEST) prévoyant la participation d’un magistrat membre de la juridiction interrégionale spécialisée compétente.

En séance, toutefois, le Sénat a adopté l’amendement n° 156 du Gouvernement supprimant l’article 7. Selon l’objet de l’amendement, « au-delà du fait que l’organisation des services ne relève pas du domaine de la loi et doit rester de la responsabilité des chefs de service, les Cross doivent reposer sur un cadre d’organisation souple, manœuvrier et adaptable à court délai pour une réponse toujours plus efficace ». L’intention affichée est d’intégrer les Cross dans une organisation pilotée au niveau central par un état-major chargé de la criminalité organisée dont la direction nationale de la police judiciaire assurera le fonctionnement.

  1.   Position de la Commission

La Commission a maintenu la suppression de l’article 7.

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Introduit par la Commission

L’article 7 bis prévoit la transmission des informations relatives aux escales des navires de plaisance à la cellule de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (Cross). Il est issu de l’adoption de l’amendement CL88 de M. Falorni (Dem).

L’article 7 bis insère un nouvel article L. 232-7-2 au sein du code de la sécurité intérieure.

Son I prévoit la transmission d’informations sur les escales des navires de plaisance aux fins de prévenir et de réprimer le terrorisme, de faciliter la constatation des infractions s’y rattachant, de faciliter la constatation des infractions criminelles ou liées à la criminalité organisée, des infractions de contrebande, d’importation ou d’exportation commises en bande organisée ainsi que la constatation, lorsqu’elles portent sur des fonds provenant de ces mêmes infractions, de la réalisation ou de la tentative de réalisation des opérations de blanchiment douanier et afin de permettre le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs.

Dans ce cas, l’autorité portuaire ou l’autorité investie du pouvoir de police portuaire d’un port de plaisance transmet à la Cross les données relatives à l’enregistrement des navires en escale. Le II précise que ces données concernent le capitaine, les gens de mer, les passagers ainsi que les ports visités au cours des trois derniers mois.

À son III, il prévoit qu’un décret en Conseil d’État pris après avis de la Cnil précise les modalités de transmission de ces données.

Enfin, à son IV, il précise que les données à caractère personnel collectées dans le cadre du nouvel article L. 232-7-2 peuvent faire l’objet de traitements automatisés mis en œuvre par les services de la police et de la gendarmerie nationales et des douanes. Ces traitements seraient soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. La durée maximale de conservation des données est fixée à cinq ans par le V de l’article 7 bis.

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Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 8 étend la possibilité du recours aux techniques de renseignement algorithmique, pour une durée limitée, à une nouvelle finalité de lutte contre la criminalité et la délinquance organisées.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement a pérennisé le recours aux techniques de renseignement algorithmique pour la seule finalité de prévention du terrorisme. Elle a également étendu le champ des données de connexion concernées aux URL.

La loi n° 2024-850 du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France a étendu, jusqu’au 1er juillet 2028, le recours aux techniques de renseignement algorithmique aux finalités de promotion et de défense de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et de la défense nationale, ainsi qu’aux intérêts majeurs de la politique étrangère, à l’exécution des engagements européens et internationaux de la France et à la prévention de toute forme d’ingérence étrangère.

       Modifications apportées par le Sénat

La Sénat a codifié l’extension à la criminalité et la délinquance organisées de l’expérimentation de l’utilisation des techniques de renseignement algorithmique au sein du code de la sécurité intérieure, en maintenant le caractère temporaire de cette expérimentation et en repoussant son échéance au 31 décembre 2028.

       Position de la Commission

La Commission a adopté un amendement du rapporteur M. Vicot (SOC) restreignant le champ de l’article 8.

  1.   L’état du droit
    1.   Les conditions du recours aux techniques de renseignement
      1.   L’enjeu spécifique du recours aux techniques de renseignement pour la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées

● L’article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure (CSI) permet aux services spécialisés de renseignement, dits du « premier cercle » ([60]), de recourir aux techniques mentionnées au titre V du livre VIII du même code pour le recueil des renseignements relatifs, notamment, à la défense et à la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation suivants ([61]) :

– l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et la défense nationale (1°) ;

– les intérêts majeurs de la politique étrangère, l’exécution des engagements européens et internationaux de la France et la prévention de toute forme d’ingérence étrangère (2°) ;

– la prévention du terrorisme (4°) ;

– la prévention de la criminalité et de la délinquance organisée (6°).

● Le champ d’application de cette dernière finalité a été défini en référence aux infractions pénales justifiant le recours aux techniques spéciales d’enquête, bien qu’il ne recouvre pas l’ensemble du champ des infractions commises en bande organisée ou relevant du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale, qui régit la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisée et aux crimes.

La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), autorité administrative indépendante chargée du contrôle des techniques de renseignement (voir infra), a été amenée à préciser ce champ, sur la base notamment de la jurisprudence constitutionnelle.

Dans sa décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a ainsi considéré que, avec la formulation retenue au 6° de l’article 811-3 du CSI, « le législateur a[vait] précisément circonscrit les finalités ainsi poursuivies et n’a[vait] pas retenu des critères en inadéquation avec l’objectif poursuivi par ces mesures administratives [en] faisant référence aux incriminations pénales énumérées à l’article 706-73 du code de procédure pénale et aux délits punis par l’article 414 du code des douanes commis en bande organisée ». Il relève également que les dispositions de l’article L. 811-3 doivent être combinées avec celles de l’article L. 801-1, aux termes desquelles la décision de recourir aux techniques de renseignement et les techniques choisies devront être proportionnées à la finalité poursuivie et aux motifs invoqués.

La CNCTR considère néanmoins que cette décision n’a ni pour objet ni pour effet de « cristalliser » la liste des infractions dont la prévention est susceptible de justifier la mise en œuvre d’une technique de renseignement en la limitant aux infractions de l’article 706-73 du code de procédure pénale. Elle retient, dès lors, un double critère matériel tenant, d’une part, à la réalité d’une action « en bande organisée » et, d’autre part, au degré de gravité ou de dangerosité de la menace qu’il s’agit de prévenir ([62]). Elle prend également en compte un élément procédural en recherchant si les techniques spéciales d’enquête sont susceptibles d’être mises en œuvre pour la recherche, la constatation et la poursuite des infractions.

La CNCTR considère ainsi que des infractions qui ne sont pas couvertes par les dispositions auxquelles s’est référé le Conseil constitutionnel peuvent faire l’objet de techniques de renseignement dès lors qu’elles relèvent de la « grande délinquance organisée » ([63]). A contrario, elle considère que certaines infractions commises en bande organisée au sens du code pénal ou relevant des juridictions spécialisées telles que le parquet national financier ou les pôles de santé publique ne permettent pas l’usage de telles techniques. Elle estime également que seules les personnes susceptibles d’être impliquées en qualité d’auteur ou de complice des infractions entrant dans le champ de la finalité peuvent faire l’objet de telles techniques et a, dès lors, rendu un avis défavorable sur des demandes de mises en œuvre de techniques de renseignement à l’égard d’un usager de produits stupéfiants, faute d’éléments permettant de retenir l’implication éventuelle de cet usager dans le trafic.

Le recours aux techniques de renseignement dans le cadre de cette finalité présente ainsi l’enjeu spécifique de devoir s’articuler, en théorie, avec une saisine de l’autorité judiciaire. Le Conseil relève ainsi, dans sa décision précitée, « que le recueil de renseignement au moyen des techniques définies au titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure par les services spécialisés de renseignement pour l’exercice de leurs missions respectives relève de la seule police administrative ; qu’il ne peut donc avoir d’autre but que de préserver l’ordre public et de prévenir les infractions ; qu’il ne peut être mis en œuvre pour constater des infractions à la loi pénale, en rassembler les preuves ou en rechercher les auteurs ».

La CNCTR veille ainsi à ce que la finalité évoquée au 6° de
l’article L. 811-3 ne soit pas invoquée de manière détournée pour permettre le recours à une technique de renseignement prévue par le CSI dans une hypothèse où la possibilité de recourir à la technique spéciale d’enquête similaire prévue par le code de procédure pénale apparaîtrait plus incertaine.

Le recours aux techniques de renseignement pour lutter contre la délinquance et la criminalité organisées s’est d’ailleurs fortement développé au cours des dernières années. La CNCTR s’en est fait l’écho dans son rapport annuel pour 2023 en soulignant que, pour la première fois, le nombre de personnes surveillées à ce titre dépassait celui des personnes surveillées pour la prévention du terrorisme.

  1.   L’autorisation de mise en œuvre des techniques de renseignement par le Premier ministre sous le contrôle de la CNCTR

● Les techniques mentionnées au titre V du livre VIII du CSI recouvrent les techniques de recueil de renseignement soumises à autorisation du Premier ministre. Il s’agit :

– des accès administratifs aux données de connexion (articles L. 851-1 à L. 851-7) ;

Les techniques d’accès aux données de connexion

Le CSI liste les techniques permettant l’accès aux données de connexion :

– l’accès aux informations et documents conservés par les opérateurs et les personnes fournissant des services de communication en ligne (art. L. 851-1) ;

– l’accès en temps réel aux informations et documents conservés par les opérateurs et les personnes fournissant des services de communication en ligne relatifs à une personne préalablement identifiée (art. L. 851-2) ;

– le recours à des traitements automatisés sur les données transitant par les réseaux des opérateurs et les services de communication en ligne (art. L. 851-3) ;

– l’utilisation d’un dispositif technique permettant la localisation en temps réel d’une personne, d’un véhicule ou d’un objet (art. L. 851-5) ;

– le recueil des données techniques de connexion permettant l’identification d’un équipement terminal ou du numéro d’abonnement de son utilisateur ainsi que les données relatives à la localisation des équipements terminaux utilisés (art. L. 851-6).

– des interceptions de sécurité (articles L. 852-1 à L. 852-3) ;

– de la sonorisation de certains lieux et véhicules et de la captation d’images et de données informatiques (articles L. 853-1 à L. 853-3) ;

– des mesures de surveillance des communications électroniques internationales (articles L. 854-1 à L. 854-9) ;

– des mesures de surveillance de certaines communications hertziennes (articles L. 855-1 A à L. 855-1 C).

Ces techniques sont mises en œuvre par le groupement interministériel de contrôle (GIC), organe placé auprès du Premier ministre.

Le groupement interministériel de contrôle

Le groupement interministériel de contrôle est un service du Premier ministre qui reçoit les demandes de techniques de renseignement émises par les ministres de l’intérieur, des armées, des finances et de la justice pour le compte des services qui leur sont rattachés. Il les soumet à l’approbation de la CNCTR et à celle du Premier ministre.

Le GIC dispose de l’exclusivité du pouvoir de réquisition des opérateurs de communications électroniques et des fournisseurs de services de communication sur internet. Il contrôle l’exploitation des communications électroniques interceptées, détruit les données recueillies à l’expiration du délai autorisé par la loi et interrompt les mesures de surveillance ne respectant pas la décision d’autorisation afférente. Il assure la centralisation de l’exploitation du renseignement recueilli par les services. Il assure enfin la défense du Premier ministre devant la formation spécialisée du Conseil d’État à laquelle la CNCTR ou tout particulier qui s’estime surveillé de façon illégale peut adresser un recours.

Source :https://www.sgdsn.gouv.fr/notre-organisation/composantes/groupement-interministeriel-de-controle.

● La procédure applicable aux techniques de recueil de renseignement soumises à autorisation est déterminée, pour ses principes généraux, par le titre II du livre VIII du CSI.

Ainsi, l’article L. 821-1 du CSI précise que la mise en œuvre sur le territoire national des techniques de renseignement mentionnées aux chapitres Ier à V du livre VIII du CSI est soumise à autorisation du Premier ministre après avis de la CNCTR.

L’avis de la CNCTR n’est pas contraignant pour le Premier ministre. Toutefois, lorsque l’autorisation est délivrée après un avis défavorable, le Conseil d’État est immédiatement saisi par le président de la CNCTR ou, à défaut, par l’un des deux membres du Conseil d’État ou des deux magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation composant la Commission. La formation spécialisée mentionnée à l’article L. 773-2 du code de justice administrative, le président de la formation restreinte mentionnée au même article ou le membre qu’il délègue statue alors dans un délai de vingt-quatre heures. Pendant ce délai, la décision du Premier ministre ne peut être mise à exécution, sauf en cas d’urgence dûment justifiée et si le Premier ministre a ordonné sa mise en œuvre immédiate.

Le dernier alinéa de l’article L. 821-1 du CSI précise par ailleurs que les techniques de renseignement ne peuvent être mises en œuvre que par des agents individuellement désignés et habilités en ce sens.

La demande de mise en œuvre d’une technique de renseignement doit respecter un certain formalisme prévu par l’article L. 821-2 du CSI. L’autorisation est ainsi délivrée sur demande écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l’intérieur, du ministre de la justice ou des ministres chargés de l’économie, du budget ou des douanes ou d’un collaborateur direct habilité au secret de la défense nationale.

Cette demande doit préciser la ou les techniques à mettre en œuvre, le service pour lequel elle est présentée, la ou les finalités poursuivies, le ou les motifs des mesures, la durée de validité de l’autorisation et la ou les personnes, le ou les lieux ou véhicules concernés. Lorsqu’elle porte sur un renouvellement, la demande doit exposer les raisons pour lesquelles ce renouvellement est justifié au regard des finalités poursuivies.

Cette demande est communiquée, selon l’article L. 821-3 du CSI, au président de la CNCTR ou à l’un des deux membres du Conseil d’État ou magistrats précités, qui rend un avis au Premier ministre dans un délai de vingt-quatre heures. Si la demande est examinée par la formation restreinte ou plénière de la Commission, ce délai est porté à soixante-douze heures.

L’article L. 821-4 du CSI prévoit que l’autorisation du Premier ministre après avis de la CNCTR est délivrée pour une durée maximale de quatre mois et comporte les motivations et mentions prévues à l’article L. 821-2. Toute autorisation est renouvelable dans les mêmes conditions. Tant la demande de mise en œuvre d’une technique de renseignement que l’autorisation éventuellement délivrée sont enregistrées par les services du Premier ministre au sein d’un registre tenu à la disposition de la CNCTR.

Enfin, l’article L. 821-7 interdit les demandes de mise en œuvre d’une technique de recueil de renseignement mentionnée aux chapitres Ier à IV du titre V du livre VIII du CSI à l’encontre d’un parlementaire, d’un magistrat, d’un avocat ou d’un journaliste à raison de l’exercice de son mandat ou de sa profession. Néanmoins, lorsqu’une telle demande concerne l’une de ces personnes ou ses véhicules, ses bureaux ou ses domiciles, l’avis de la CNCTR est examiné en formation plénière. Le caractère d’urgence mentionné à l’article L. 821-1 ne peut, dans tous les cas, pas être invoqué. La CNCTR est informée, dans ce cadre, des modalités d’exécution des autorisations délivrées et les transcriptions des renseignements collectés lui sont transmises afin qu’elle puisse veiller au caractère nécessaire et proportionné des atteintes portées, le cas échéant, aux garanties attachées à l’exercice de ces activités professionnelles ou mandats.

  1.   Le recours aux algorithmes sur données de connexion est encadré par la jurisprudence constitutionnelle
    1.   L’utilisation d’algorithmes pour l’analyse des données de connexion

● L’article L. 851-1 du CSI autorise le recueil des données de connexion auprès des opérateurs de communications électroniques et des personnes qui fournissent un service de communication ou d’hébergement en ligne. Ces données sont définies comme « les informations ou documents traités ou conservés » par les réseaux ou les services de communications électroniques des opérateurs, des hébergeurs et des fournisseurs de services sur internet, « y compris les données techniques relatives à l’identification des numéros d’abonnement ou de connexion à des services de communications électroniques, au recensement de l’ensemble des numéros d’abonnement ou de connexion d’une personne désignée, à la localisation des équipements terminaux utilisés ainsi qu’aux communications d’un abonné portant sur la liste des numéros appelés et appelants, la durée et la date des communications » par le premier alinéa de l’article L. 851-1 du CSI.

Comme le précise la CNCTR, « les données de connexion, par opposition au contenu des correspondances échangées ou d’informations consultées, désignent le “contenant”, c’est-à-dire les données permettant l’acheminement d’une communication électronique » ([64]). L’article L. 851-7 du CSI prévoit d’ailleurs que les techniques de renseignements portant sur des données de connexion sont mises en œuvre dans le respect de l’article 226-15 du code pénal, qui punit « le fait, commis de mauvaise foi, d’intercepter, de détourner, d’utiliser ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications ou de procéder à l’installation d’appareils conçus pour réaliser de telles interceptions » d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

● Les techniques de renseignement algorithmiques sont destinées à l’analyse d’un volume très important de données de connexion dans le but de produire des alertes susceptibles de révéler l’existence d’une menace. L’algorithme ne permet pas aux services de renseignement d’accéder à l’ensemble des données des réseaux des opérateurs : ce n’est que dans un second temps, sur la base d’une alerte, que l’identification d’une personne peut être demandée et d’autres techniques de renseignement mises en œuvre ([65]).

Comme le soulignait l’étude d’impact associée à la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement (PATR), « La technique mentionnée à l’article L. 851-3 répond à un besoin essentiel de détection précoce de la menace terroriste. L’un des enjeux les plus cruciaux de l’activité de renseignement consiste en effet à être en mesure de détecter une nouvelle menace, dont les auteurs et les modes opératoires ne sont pas connus et ne peuvent par définition faire l’objet d’une surveillance ciblée a priori, afin de la caractériser et de l’évaluer » ([66]).

● Le recours aux techniques de renseignement algorithmique par les services spécialisés de renseignement est prévu par l’article L. 851-3 du CSI. Il a été autorisé par la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement pour la seule finalité de prévention du terrorisme et de façon temporaire, jusqu’au 31 décembre 2018.

Ce délai a été repoussé une première fois jusqu’au 31 décembre 2020 par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme puis une nouvelle fois jusqu’au 31 décembre 2021 par une loi spécifique ([67]).

Le recours à ces techniques de renseignement a finalement été pérennisé par la loi PATR. Elle prévoit, au II de l’article 15, la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement, au plus tard le 31 juillet 2024, sur l’application de l’article L. 851-3 du CSI.

L’utilisation de ces techniques était initialement circonscrite à la lutte contre le terrorisme. L’article 6 de la loi n° 2024-850 du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France a étendu l’utilisation de ces techniques aux finalités mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 811-3 du CSI. Cette extension est prévue jusqu’au 1er juillet 2028 : passée cette date, en l’état du droit, l’utilisation de ces techniques de renseignement sera limitée, de nouveau, à la seule prévention du terrorisme.

  1.   Des techniques validées par la jurisprudence constitutionnelle sous certaines conditions

● Le recours aux techniques de renseignement algorithmique a été validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 portant sur la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, au regard de plusieurs garanties. Le Conseil relève en particulier que :

– la technique est autorisée par le Premier ministre après avis préalable de la CNCTR, elle ne peut être mise en œuvre que par des agents individuellement désignés et habilités et elle est réalisée sous contrôle de la CNCTR, autorité administrative indépendante dont la composition et l’organisation assurent l’indépendance et les missions garantissent l’effectivité du contrôle ;

– le Conseil d’État peut être saisi par toute personne souhaitant vérifier qu’aucune technique de recueil de renseignement n’est irrégulièrement mise en œuvre à son égard ou par la CNCTR ;

– la première utilisation de cette technique est délivrée pour une durée limitée à deux mois – contre quatre mois dans le régime de droit commun des techniques de renseignement autorisées par le Premier ministre – et la demande de renouvellement doit comporter un relevé du nombre d’identifiants signalés par le traitement automatisé et une analyse de la pertinence de ces signalements ;

– les traitements automatisés utilisent exclusivement les informations ou documents mentionnés à l’article L. 851-1, sans recueillir d’autres données que celles qui répondent à leurs paramètres de conception et sans permettre l’identification des personnes auxquelles les informations ou documents se rapportent ;

– elle ne peut être mise en œuvre qu’aux fins de prévention du terrorisme.

Au regard de cette dernière considération, il convient de relever que le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur l’extension des finalités autorisant le recours aux techniques de renseignement algorithmique, prévue par la loi du 25 juillet 2024 précitée, en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale par décret du Président de la République daté du 9 juin 2024. La saisine en date du 10 juin 2024 provenait en effet de députés dont le mandat avait pris fin en application du décret précité ([68]).

● L’évaluation des résultats obtenus au moyen des algorithmes est complexe dès lors que ces résultats sont couverts par le secret de la défense nationale et ne peuvent, à ce titre, faire l’objet d’une divulgation. L’étude d’impact portant sur la loi PATR de 2021 indique néanmoins qu’ils ont permis :

– d’identifier des individus porteurs d’une menace à caractère terroriste et de détecter des contacts entre les individus porteurs de menace ;

– d’obtenir des informations sur la localisation d’individus en lien avec cette menace ;

– de mettre à jour des comportements d’individus connus des services de renseignement et nécessitant des investigations plus approfondies ;

– d’améliorer la connaissance des services sur la manière de procéder des individus de la mouvance terroriste.

Les travaux parlementaires ont néanmoins dressé un bilan plus mitigé de l’utilisation de ces techniques. Le rapport d’activité pour l’année 2019-2020 de la délégation parlementaire au renseignement avait souligné que leur mise en œuvre avait obtenu des résultats en deçà des attentes : « la communauté du renseignement invoque, pour expliquer ces résultats encore décevants, le champ trop restreint des données susceptibles d’être analysées par les traitements automatisés mis en œuvre, qui n’inclut pas, à ce jour, l’ensemble des éléments des URL ([69]) ».

Cette restriction constitue toutefois un élément de conformité aux exigences constitutionnelles. Comme rappelé supra, la décision du Conseil constitutionnel de 2015 précitée valide l’utilisation de telles techniques en raison, notamment, du fait que les traitements automatisés « utilisent exclusivement les informations ou documents mentionnés à l’article L. 851-1, sans recueillir d’autres données que celles qui répondent à leurs paramètres de conception et sans permettre l’identification des personnes auxquelles les informations ou documents se rapportent ». Or, les URL peuvent être considérées comme des « données mixtes » pouvant comporter à la fois des données de connexion et des mots faisant référence au contenu de correspondances échangées ou d’informations consultées ([70]).

La loi du 30 juillet 2021 a, pourtant, étendu le champ des données de connexion concernées par la technique mentionnée à l’article L. 851-3 aux « adresses complètes de ressources utilisées sur internet », donc aux « URL », tout en prévoyant de nouvelles garanties procédurales :

– elle limite la possibilité de solliciter une telle technique aux seuls services de renseignement « du premier cercle » ;

– elle supprime la possibilité de conservation prolongée au-delà des soixante jours des données révélant une menace à caractère terroriste ;

– elle prévoit la destruction des données collectées n’ayant pas permis de révéler une menace ;

– le motif d’urgence évoqué à l’article L. 821-1 du CSI ne peut être invoqué pour les autorisations délivrées sur les techniques de renseignements algorithmique.

Le Conseil constitutionnel n’a pas été amené à se prononcer sur ces dispositions dans sa décision du 30 juillet 2021 précité. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) avait néanmoins fait état de plusieurs interrogations dans son avis sur la loi de 2021 ([71]).

La Cnil estime, d’abord, que l’atteinte portée à la vie privée par le criblage algorithmique des données de connexion sur internet est plus forte que celui de données de connexion téléphonique et que le contrôle de proportionnalité doit, à ce titre, être différencié.

Elle rappelle, ensuite, que des garanties doivent être apportées pour que la mise à disposition du groupement interministériel de contrôle (GIC) de l’ensemble des données collectées ne puisse s’analyser comme une forme de recueil généralisé en temps réel des données de connexion, qui serait prohibée par la jurisprudence européenne ([72]). La Cnil estime que les données ne doivent être conservées que le temps strictement nécessaire à leur analyse, puis immédiatement détruites et que le GIC ne conserve que le strict minimum nécessaire au fonctionnement de l’algorithme sur la période d’analyse considérée.

La Cnil souligne également que l’utilisation de la technique de l’algorithme porte une atteinte particulièrement forte à la vie privée des individus et au droit à la protection des données à caractère personnel dans la mesure où elle ne présente pas de caractère ciblé mais procède de l’analyse de l’ensemble des données de connexion de la population. Elle observe que cette technique de repérage automatique est susceptible d’entraîner le recueil et l’analyse de données de connexion de toute personne, y compris celles dont les communications sont soumises, selon les règles nationales, au secret professionnel.

En conséquence, la Cnil estime que l’introduction de telles techniques de surveillance dans le droit français ne peut être justifiée qu’à des conditions très strictes. Elle relève que le projet de loi maintient la limitation de cette technique au seul objectif de détection des menaces terroristes. Il aurait néanmoins été nécessaire, selon elle, de procéder par la voie d’une expérimentation pour l’extension de la technique aux URL. Par ailleurs, si elle a pu prendre connaissance d’un bilan général transmis par le Gouvernement, elle estime que le ministère ne lui a pas transmis d’éléments suffisamment précis pour lui permettre d’apprécier l’efficacité opérationnelle et l’efficience de cette technique. Dans ce contexte, elle ne s’estime pas en mesure d’évaluer les bénéfices de cette technique de renseignement et donc d’apprécier la proportionnalité de l’atteinte qu’elle porte au respect de la vie privée.

  1.   Les exigences du droit européen ont conduit à l’évolution de la procédure d’autorisation des techniques de renseignement

Le Conseil d’État a été amené à examiner, dans une décision du 21 avril 2021 ([73]), la conformité d’un certain nombre de techniques de renseignement au regard du droit de l’Union européenne. Il rappelle, à ce titre, que la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) impose le principe du « contrôle préalable par une juridiction ou une autorité administrative indépendante », sauf cas d’urgence dûment justifiés ([74]) avant l’accès par les autorités nationales aux données de connexion et la limitation de cet accès, dans le cadre de la lutte contre la criminalité, aux seules fins de lutte contre la criminalité grave.

Le Conseil d’État avait considéré, au point 73 de sa décision, que la mise en œuvre de la technique de renseignement prévue à l’article L. 851-1 du CSI ne donnait pas lieu au contrôle préalable par une juridiction ou par une autorité administrative indépendante dotée d’un pouvoir contraignant, dès lors que la CNCTR n’émettait qu’un avis simple ou des recommandations non contraignantes et que la saisine du Conseil d’État ne lui était ouverte qu’après la délivrance de l’autorisation par le Premier ministre et, le cas échéant, sa mise en œuvre. Cette condition était toutefois respectée en cas d’urgence : dans ce cas, le président de la CNCTR ou trois de ses membres peuvent saisir le Conseil d’État à bref délai lorsque l’avis, ou la recommandation en cas d’urgence, de la Commission tendant à l’interruption de la mise en œuvre de la technique de renseignement n’a pas été suivi. Il appartient, par ailleurs, à la formation spécialisée dans le contentieux des techniques de renseignement de se prononcer dans les plus brefs délais.

Dès lors, la loi du 30 juillet 2021 a modifié l’article L. 821-1 du CSI pour prévoir que, lorsque l’autorisation du Premier ministre est délivrée après avis défavorable de la CNCTR, le Conseil d’État est immédiatement saisi par le président de la commission ou l’un de ses membres. Dans ce cas, la formation spécialisée doit statuer dans un délai de 24 heures à compter de cette saisine, la décision du Premier ministre ne pouvant être exécutée avant que le Conseil d’État ait statué.

Le Conseil d’État s’est également prononcé sur la technique du renseignement algorithmique. Il rappelle, à ce titre, que l’arrêt du 6 octobre 2020 de la CJUE rappelle que le droit de l’Union applicable « ne s’oppose pas à une réglementation nationale imposant aux fournisseurs de services de communications électroniques de recourir, d’une part, à l’analyse automatisée […] des données relatives au trafic et des données de localisation […] lorsque le recours à l’analyse automatisée est limité à des situations dans lesquelles un État membre se trouve confronté à une menace grave pour la sécurité nationale qui s’avère réelle et actuelle ou prévisible, le recours à cette analyse pouvant faire l’objet d’un contrôle effectif, soit par une juridiction, soit par une entité administrative indépendante, dont la décision est dotée d’un effet contraignant, visant à vérifier l’existence d’une situation justifiant ladite mesure ainsi que le respect des conditions et des garanties devant être prévues » ([75]).

Dans sa décision, le Conseil d’État relève plusieurs éléments de conformité de la technique de renseignement algorithmique au droit européen :

– il ne peut être recouru à l’analyse automatisée de données de trafic et de localisation que pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme ;

– l’utilisation de cette technique n’est possible qu’après avis de la CNCTR, qui est chargée de vérifier qu’elle est mise en œuvre pour cette seule finalité de prévention du terrorisme et qu’elle repose sur des critères objectifs et non discriminatoires. À cette occasion, la Commission vérifie l’existence et l’actualité de la menace grave pour la sécurité nationale susceptible de justifier une telle mesure. Si l’avis de la CNCTR n’est pas doté d’un effet contraignant, le Conseil d’État peut être saisi. Dès lors, le Conseil considère que cette procédure respecte l’exigence qu’une telle méthode de renseignement doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle effectif par une juridiction ou une autorité administrative indépendante.

En revanche, lorsqu’une menace est détectée par un traitement automatisé, le Premier ministre pouvait autoriser l’identification des personnes concernées et le recueil des données afférentes après un réexamen individuel. Or, cette identification n’était pas subordonnée à un contrôle préalable exercé par une juridiction ou par une autorité administrative indépendante dotée d’un pouvoir contraignant. Le Conseil en déduit que le IV de l’article L. 851-3 du CSI méconnaissait le droit de l’Union. Les dispositions introduites par la loi du 30 juillet 2021 qui prévoient la saisine automatique du Conseil d’État en cas d’avis défavorable de la CNCTR ont permis de répondre à cette incompatibilité.

  1.   Le dispositif proposé
    1.   Les dispositions initiales

La rédaction initiale de l’article 8 prévoyait, à son I, une expérimentation d’une durée de deux ans de mise en œuvre de traitements automatisés sur les données transitant par les réseaux des opérateurs de communications électroniques, destinés à détecter des connexions susceptibles de révéler des actes de délinquance ou de criminalité organisée.

Ces traitements automatisés devaient utiliser exclusivement les informations mentionnées à l’article L. 851-1 ainsi que les adresses complètes de ressources utilisées sur internet, sans recueillir d’autres données que celles qui répondent à leurs paramètres de conception et sans permettre l’identification des personnes auxquelles les informations, documents ou adresses se rapportent. Ils ne pouvaient procéder à aucune interconnexion ou mise en relation automatisée avec d’autres traitements de données à caractère personnel.

L’autorisation du Premier ministre devait préciser, dans le respect du principe de proportionnalité, le champ technique de la mise en œuvre de ces traitements. 

À son II, l’article prévoyait les modalités selon lesquelles la CNCTR rendait son avis sur la demande d’autorisation relative aux traitements automatisés et les paramètres de détection retenus. Dans cette optique, elle disposait d’un accès permanent, complet et direct à ces traitements ainsi qu’aux informations et données recueillies et devait être informée de toute modification apportée aux traitements et paramètres.

La durée de l’autorisation de mise en œuvre du traitement automatisé mentionné au I était de six mois renouvelable. La demande de renouvellement de cette technique devait faire état du nombre d’identifiants signalés par le traitement automatisé et d’une analyse de la pertinence de ces signalements.

Le III disposait, quant à lui, que les conditions déterminées par l’article L. 871-6 du CSI ([76]) devaient être respectées.

Le IV établissait la procédure en cas de détection par le traitement automatisé d’une menace résultant d’actes de délinquance ou de criminalité organisée. Dans ce cas, le Premier ministre ou l’une des personnes déléguées par lui pouvait autoriser, après avis de la CNCTR, l’identification de la ou des personnes concernées et le recueil des données y afférentes. Ces données devaient alors être exploitées dans un délai de trente jours à compter de leur recueil et détruites à l’expiration de ce délai.

Avant l’expiration de ce délai, lorsqu’elles étaient de nature à caractériser la commission d’une infraction liée à la criminalité organisée telle que mentionnée à l’article 706-53 du code de procédure pénale, les données devaient être transmises au procureur général ou au procureur national anti-stupéfiant. Elles ne pouvaient fonder, dans un tel cas, aucune décision individuelle ou acte de poursuite par elles-mêmes.

Enfin, les données qui n’avaient pas été détectées par les traitements automatisés comme susceptibles de révéler une menace devaient être détruites immédiatement.

Le V prévoyait la centralisation auprès du GIC de l’exécution des traitements et opérations mis en œuvre sur le fondement des I et IV, sous le contrôle de la CNCTR.

Le VI, pour finir, prévoyait la remise de rapports d’évaluation douze mois après l’émission de l’avis mentionné au II et trois mois avant le terme de l’expérimentation. Ces rapports devaient, en particulier :

– évaluer la pertinence des paramètres de conception utilisés dans le cadre des traitements prévus au I ;

– évaluer l’efficacité de ces traitements pour détecter des menaces ou des infractions liées à la délinquance et à la criminalité organisées ;

– donner le sens des avis rendus par la CNCTR ;

– faire état du volume de données traitées et du nombre d’identifiants signalés par les traitements automatisés ;

– indiquer le nombre de transmissions à l’autorité judiciaire et le détail des infractions pénales ayant justifié ces transmissions.

  1.   Les modifications adoptées par le Sénat
    1.   Une réécriture pour insérer le dispositif dans le code de la sécurité intérieure, toujours pour une durée limitée

● La commission des Lois du Sénat a adopté l’amendement COM-20 rect. de M. Perrin (Les Républicains) dans un souci d’harmonisation des durées des autorisations délivrées par la CNCTR.

La durée de l’autorisation est ainsi réduite de six mois à deux mois et à un renouvellement pour quatre mois supplémentaires et la durée de conservation des données est portée de 30 à 60 jours. Ces durées correspondent à celles actuellement fixées par l’article L. 851-3 du CSI.

● En séance publique, le Sénat a adopté l’amendement n° 219 du Gouvernement, avec avis favorable de la commission, qui réécrit de façon globale cet article. Il procède, pour cela, à une extension du champ du premier alinéa du I de l’article L. 851-3 du CSI et à une modification de l’article 6 de la loi n° 2024-850 du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France.

Pour mémoire, le premier alinéa du I de l’article L. 851-3 du CSI autorise actuellement la mise en œuvre de traitements automatisés pour les seules finalités relatives à l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et la défense nationale (1° de l’article L. 811-3), aux intérêts majeurs de la politique étrangère, l’exécution des engagements européens et internationaux de la France et la prévention de toute forme d’ingérence étrangère (2° du même article) et à la prévention du terrorisme (4° du même article).

L’article 6 de la loi du 25 juillet 2024 prévoit, quant à lui, une réécriture de l’article L. 851-3 qui sera effective à compter du 1er juillet 2028. Celle-ci limite de nouveau aux seuls besoins de prévention du terrorisme les finalités autorisant la mise en œuvre de telles techniques de renseignement.

L’amendement n° 219 vient repousser la date d’entrée en vigueur de cette réécriture au 31 décembre 2028. D’ici là, il étend la liste des finalités permettant la mise en œuvre des techniques précitées à la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées, telle que mentionnée le 6° de l’article L. 811-3.

Il supprime, par ailleurs, deux éléments de la rédaction initiale de l’article 8 pour des motifs exposés par l’objet de l’amendement :

– l’obligation de transmission de l’avis de la CNCTR, document couvert par le secret de la défense nationale ;

– la judiciarisation obligatoire sous trente jours des renseignements recueillis, qui serait « contraire au principe de séparation des moyens de renseignement et judiciaires tout en étant susceptibles d’entraver l’action des services qui doivent avoir le choix du moment de cette judiciarisation ».

L’amendement modifie, enfin, le cadre des rapports d’évaluation remis par le Gouvernement au Parlement, dont le premier serait remis au plus tard six mois avant l’expiration de l’expérimentation et le second serait remis au plus tard deux mois avant cette date. Ces rapports devront notamment évaluer la pertinence des paramètres de conception utilisés dans le cadre des traitements et analyser leur efficacité pour détecter des menaces ou des infractions liées à la délinquance et à la criminalité organisées. Ils devront donner le sens des avis rendus par la CNCTR. Des versions de ces rapports comportant des exemples de mise en œuvre des algorithmes et faisant état du volume de données traitées, du nombre d’identifiants signalés par les traitements et le nombre de transmissions à l’autorité judiciaire devront être envoyées à la délégation parlementaire au renseignement.

La réécriture de l’article par l’amendement n° 219 du Gouvernement permet, selon son objet, d’éviter la création d’un régime juridique spécifique et autonome par rapport aux textes existant.

  1.   Une forte extension du champ du renseignement algorithmique

De fait, l’article 8, tant dans sa rédaction initiale qu’après sa réécriture en séance publique au Sénat, propose une extension significative du champ des techniques algorithmiques, ce qui interroge tant au regard de la jurisprudence constitutionnelle que du droit européen.

Ainsi qu’il a été rappelé supra, le Conseil constitutionnel avait fait de la limitation de l’utilisation de la technique de l’algorithme à la seule finalité de prévention du terrorisme un élément de sa déclaration de conformité à la Constitution, dans la version proposée par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Cette limitation avait, de même, été relevée par le Conseil d’État lors de son examen de la conformité de la loi française au droit de l’Union européenne. Il convient de rappeler, à ce propos, que le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur l’extension de l’usage de cette technique à de nouvelles finalités par la loi du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères. Il ne s’est pas prononcé, non plus, sur l’extension aux URL de la technique de l’algorithme par la loi du 30 juillet 2021.

L’extension de la technique de l’algorithme à la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées représente, ainsi, une extension significative du champ de cette technique, tant au regard des nouvelles infractions visées que du nombre de personne pouvant en faire l’objet. Les comportements potentiellement surveillés par la technique de l’algorithme seront ainsi, par définition, beaucoup plus larges. Le champ infractionnel autorisant la mise en œuvre de telles techniques apparaît d’ailleurs d’autant moins défini que, comme rappelé plus haut, la CNCTR a développé une appréciation propre de la finalité mentionnée au 6° de
l’article L. 811-3 du CSI, qui ne recouvre si celle du Conseil constitutionnel ni les dispositions du code de procédure pénale relative à la criminalité et la délinquance organisées. La technique pourra être utilisée, enfin, pour la prévention de comportements d’une gravité moindre que les actes de terrorisme.

  1.   Position de la Commission

La Commission a adopté l’amendement CL 668 du rapporteur M. Vicot (SOC) restreignant le champ de l’extension proposée par l’article 8. Le recours aux techniques de renseignement algorithmiques a ainsi été limité à la seule criminalité organisée concernant le trafic de stupéfiants, le trafic d’armes et le blanchiment des produits issus de ces infractions.

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*     *

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 8 bis proroge l’expérimentation des interceptions satellitaires jusqu’au 31 décembre 2028.

Il supprime également la centralisation d’une partie des informations collectées par le biais de cette technique auprès du service compétent du Premier ministre.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement a autorisé le recours aux interceptions satellitaires, sous une forme expérimentale, jusqu’au 31 juillet 2025.

       Position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

  1.   L’état du droit

● Les interceptions de sécurité permettent d’accéder au contenu des correspondances, à la différence de l’accès aux données de connexion (voir le commentaire de l’article 8). Le code de la sécurité intérieure (CSI) prévoit trois types d’interceptions de sécurité :

1° Les interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques, qui comprennent :

– le recours aux interceptions de sécurité avec le concours des opérateurs de communication (I de l’article L. 852-1 du CSI), permis pour toutes les finalités évoquées par l’article L. 811-3 ;

– l’utilisation d’un appareil ou dispositif permettant d’intercepter les correspondances émises ou reçues par un équipement terminal (prévu au II de l’article L. 852-1). Depuis la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, ces dispositions autorisent l’utilisation des Imsi-catchers, dispositifs qui permettent l’interception des communications de proximité de manière indifférenciée, dans une zone géographique réduite, pour les seules finalités mentionnées aux 1°, 4° et a du 5° de l’article L. 811-3 ([77]). L’autorisation d’interception peut également être donnée pour une ou plusieurs personnes appartenant à l’entourage de la personne concernée par l’autorisation ;

2° Les interceptions de correspondances échangées au sein d’un réseau de communications empruntant exclusivement la voie hertzienne et n’impliquant pas l’intervention d’un opérateur de communications électroniques, lorsque ce réseau est conçu pour une utilisation privative par une personne ou un groupe fermé d’utilisateurs (art. L. 852-2 du CSI) ;

3° Les interceptions des correspondances émises ou reçues par la voie satellitaire (art. L. 852-3 du CSI).

● Le recours aux techniques d’interceptions satellitaires a été autorisé par la loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, qui a introduit un nouvel article L. 852-3 au sein du chapitre II du titre V du livre VIII du CSI relatif aux interceptions de sécurité. L’objectif était de répondre « au développement récent des communications satellitaires par des opérateurs majoritairement étrangers » ([78]).

Les interceptions satellitaires ont été autorisées pour les finalités mentionnées au 1°, 2°, 4° et 6° de l’article L. 811-3 jusqu’au 31 juillet 2025. Elles peuvent, dès lors, être mise en œuvre pour la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées, contrairement aux techniques de renseignement algorithmiques mentionnées à l’article 8 de la présente proposition de loi.

À la différence, également, des techniques de renseignement algorithmiques, ces techniques sont ouvertes aux services spécialisés de renseignement mais également aux services mentionnés à l’article L. 811-4 désignés, au regard de leurs missions, par un décret en Conseil d’État après avis de la CNCTR. La liste de ces services est déterminée par l’article R. 852-4 du CSI.

La mise en œuvre d’une interception satellitaire doit rester subsidiaire. En effet, les services concernés peuvent uniquement être autorisés à utiliser un appareil ou un dispositif technique afin d’intercepter des correspondances émises ou reçues par la voie satellitaire lorsque cette interception ne peut être mise en œuvre sur le fondement du I de l’article L. 852-1. Cette impossibilité s’apprécie pour des raisons techniques ou pour des motifs de confidentialité faisant obstacle au concours des opérateurs de communication.

De fait, par ses modalités techniques de fonctionnement et le champ des données recueillies, la mise en œuvre des interceptions satellitaires s’apparente à celle des Imsi-catchers.

● Au regard de son caractère particulièrement invasif, plusieurs garanties ont été apportées au dispositif. Ainsi, par dérogation aux durées évoquées à l’article L. 821-4 ([79]) du CSI, l’autorisation est délivrée pour une durée maximale de trente jours, renouvelable pour la même durée et vaut autorisation de recueil des informations ou documents associés à l’exécution de l’interception et à son exploitation.

Par ailleurs, le III de l’article L. 852-3 prévoit la centralisation des correspondances interceptées et des informations et documents recueillis par le groupement interministériel de contrôle (GIC) ([80]).

Enfin, le IV du même article établit que le nombre maximal des autorisations d’interception en vigueur simultanément doit être arrêté par le Premier ministre après avis de la CNCTR.

Dans sa délibération n° 3/2021 du 14 avril 2021, la CNCTR avait émis plusieurs recommandations concernant l’encadrement de cette nouvelle technique qui ont été reprises, pour l’essentiel, par la loi du 30 juillet 2021. Il s’agit, en particulier, du caractère subsidiaire de la mise en œuvre de la technique, de son contingentement, de la limitation à certaines finalités, de sa durée maximale de mise en œuvre, de la centralisation de sa mise en œuvre par le GIC et de sa mise en œuvre sous forme expérimentale. En revanche, le législateur n’a pas retenu la recommandation tendant à réserver aux seuls services spécialisés de renseignement, du « premier cercle », la participation à l’expérimentation ([81]).

● La Cnil s’est néanmoins interrogée sur le périmètre retenu pour le recours à une telle technique d’interception ([82]). Elle a ainsi considéré que « les incertitudes, tant techniques qu’opérationnelles, relatives à la mise en œuvre de cette technique, et l’atteinte très particulière qu’elle porte à la vie privée, devraient conduire le ministère à envisager son développement dans un cadre expérimental pour les seuls objectifs d’intérêt général les plus impérieux, et considérés comme les plus graves ».

Elle rappelle, en particulier, que l’autorisation du recours aux Imsi-catchers par la loi du 24 juillet de 2015 relative au renseignement avait été validée par le Conseil constitutionnel au regard, en particulier, d’une limitation aux finalités « relatives à la prévention d’atteintes particulièrement graves à l’ordre public » ([83]). Or, comme rappelé supra, les modalités de mise en œuvre des interceptions satellitaires s’apparentent à celles des Imsi-catchers.

Enfin, la Cnil relève que la durée d’autorisation des interceptions satellitaires, si elle est inférieure à celle des interceptions de correspondances « de droit commun » prévue au I de l’article L. 852-1 du CSI, est nettement supérieure à la durée d’autorisation des Imsi-catchers, qui est de quarante-huit heures.

● L’article 13 de la loi du 30 juillet 2021 précitée prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur l’application des dispositions de l’article L. 852-3 au plus tard six mois avant le 31 juillet 2025. Ce rapport a bien été communiqué au Parlement, mais aux seuls membres de la délégation parlementaire au renseignement.

De fait, les éléments d’évaluation disponibles sur les techniques d’interceptions satellitaires sont limités. La CNCTR souligne, dans son rapport d’activité pour 2023, que cette nouvelle technique n’avait toujours pas été mise en œuvre au cours de l’année 2023.

  1.   Le dispositif proposé

L’article 8 bis proroge l’expérimentation des interceptions satellitaires jusqu’au 31 décembre 2028. Il est issu de l’adoption en séance publique des amendements identiques n° 70 rect. ter de M. Perrin (Les Républicains) et n° 241 du Gouvernement.

Cet article supprime, par ailleurs, la centralisation « des informations ou documents recueillis », prévue par le III de l’article L. 852-3 auprès du groupement interministériel de contrôle (GIC) prévue par la loi du 30 juillet 2021. Cette suppression ne mettrait pas fin à la centralisation des correspondances auprès du GIC mais permettrait la transmission de ces informations et documents vers les services de renseignement.

  1.   Position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 8 ter (supprimé)
(art. L. 871-1, L. 871-3, L. 871-4, L. 871-5, L. 871-6, L. 871-7, L. 881-1, L. 881-2 du code de la sécurité intérieure, art. L. 33-1 et L. 34-18 à L. 34-22 [nouveaux] du code des postes et des télécommunications électroniques)
Obligation de déchiffrement des communications sécurisées par les opérateurs

Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 8 ter réforme les obligations des opérateurs et fournisseurs de services sur internet dans la mise en œuvre des techniques de renseignement autorisées par le Premier ministre après avis de la CNCTR et des techniques d’enquête numérique judiciaires. Il transforme ainsi l’obligation actuelle de fournir les données chiffrées et leur clé de chiffrement en une obligation de transmettre des données intelligibles. Les personnes concernées ne pourraient exciper d’arguments contractuels ou techniques pour y faire obstacle.

Le présent article aggrave, par ailleurs, les sanctions pénales prévues en cas de non-respect des obligations de transmission des données et prévoit un mécanisme de mise en demeure par le Premier ministre.

       Dernières modifications législatives intervenues

Pas de modifications législatives récentes.

       Position de la Commission

Par l’adoption de six amendements de suppression, la Commission a supprimé l’article 8 ter.

  1.   L’état du droit

● L’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) pose le principe de liberté de l’établissement et de l’exploitation des réseaux ouverts au public et de la fourniture de services de communications électroniques.

Le I fixe néanmoins plusieurs limites : cette liberté s’exerce, en particulier, sous réserve « des prescriptions exigées par l’ordre public, la défense nationale et la sécurité publique, notamment celles nécessaires à la mise en œuvre des interceptions justifiées par les nécessités de la sécurité publique, ainsi que les garanties d’une juste rémunération des prestations assurées à ce titre » (e du I de l’article L. 33-1 du CPCE).

Le VII de l’article L. 33-1 rend par ailleurs les dispositions du e du I précité applicables en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie, dans leur rédaction résultant de l’ordonnance n° 2021-650 du 26 mai 2021 ([84]).

● Le II de l’article L. 34-1 du CPCE impose aux opérateurs de communications électroniques, et notamment aux personnes dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne, d’effacer ou de rendre anonymes les données relatives aux communications électroniques. De nouveau, plusieurs réserves sont prévues, énumérées aux II bis à VI de l’article.

Le II bis formule ainsi une obligation de conservation de certaines données et informations au regard de plusieurs finalités :

– pour les besoins des procédures pénales, de la prévention des menaces contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale, l’opérateur doit conserver les informations relatives à l’identité civile de l’utilisateur, jusqu’à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de la fin de la validité du contrat qui le lie à celui-ci (1°). Il doit également, pour ces mêmes finalités, conserver les autres informations fournies par l’utilisateur lors de la souscription d’un contrat ou de la création d’un compte, selon le service de communication utilisé, ainsi que les informations relatives au paiement, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la fin de la validité du contrat ou de la clôture du compte (2°) ;

– pour les besoins de la lutte contre la criminalité et la délinquance grave, de la prévention des menaces graves contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale, les opérateurs doivent conserver les données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la connexion ou de l’utilisation des équipements terminaux (3°).

Le III étend l’obligation de conservation mentionnée au II. Ainsi, pour des motifs tenant à la sauvegarde de la sécurité nationale, lorsqu’est constatée une menace grave, actuelle ou prévisible, le Premier ministre peut enjoindre par décret aux opérateurs de communications électroniques de conserver, pour une durée d’un an, certaines catégories de données de trafic, en complément de celles mentionnées au 3° du II bis, et de données de localisation précisées par décret en Conseil d’État. Cette injonction du Premier ministre peut être renouvelée si les conditions continuent d’être réunies.

Par ailleurs, le III bis prévoit que les données conservées par les opérateurs peuvent faire l’objet d’une injonction de conservation rapide par les autorités disposant d’un accès aux données relatives aux communications électroniques, à des fins de prévention et de répression de la criminalité, de la délinquance grave et des autres manquements graves aux règles dont elles ont la charge d’assurer le respect, afin d’accéder à ces données.

Le VI détermine le champ des données conservées et traitées en application de l’article L. 34-1. Celles-ci portent exclusivement sur l’identification des personnes utilisatrices des services fournis par les opérateurs, les caractéristiques techniques des communications assurées par ces deniers et sur la localisation des équipements terminaux. En aucun cas, elles ne peuvent porter sur le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées.

● Les obligations des opérateurs et fournisseurs de services sur internet sont également prévues par le titre VII du livre VIII du code de la sécurité intérieure (CSI).

L’article L. 871-1 impose ainsi aux personnes physiques ou morales qui fournissent des prestations de cryptologie visant à assurer une fonction de confidentialité de remettre dans un délai de 72 heures les conventions permettant le déchiffrement des données transformées au moyen des prestations qu’elles ont fournies. Les agents autorisés peuvent demander à ces fournisseurs de mettre eux-mêmes en œuvre ces conventions dans le même délai, sauf si ces derniers démontrent qu’ils ne sont pas ne mesure de satisfaire à ces réquisitions. Un décret en Conseil d’État précise les procédures pour la mise en œuvre de cette obligation ainsi que les conditions dans lesquelles la prise en charge financière est assurée par l’État.

La convention de déchiffrement des données

Les conventions de déchiffrement sont un moyen de cryptologie, notion définie par l’article 29 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique comme tout matériel ou logiciel conçu ou modifié pour transformer des données, qu’il s’agisse d’informations ou de signaux, à l’aide de conventions secrètes pour réaliser l’opération inverse avec ou sans convention secrète. Ces moyens de cryptologie ont principalement pour objet de garantir la sécurité du stockage ou de la transmission de données, en permettant d’assurer leur confidentialité, leur authentification ou le contrôle de leur intégrité.

L’article 30 de cette même loi pose le principe général selon lequel « l’utilisation des moyens de cryptologie est libre ».

Aux termes de l’article L. 871-3, le ministre chargé des communications électroniques doit veiller à ce que les exploitants de réseaux ouverts au public de communications électroniques et les fournisseurs de services de communications électroniques au public prennent les mesures nécessaires pour assurer l’application, dans le respect de la défense nationale, de ces dispositions dans le cadre de la mise en œuvre des techniques de renseignement et des interceptions de correspondances et techniques spéciales d’enquête ordonnées par l’autorité judiciaire.

L’article L. 871-4 impose aux opérateurs et fournisseurs de services sur internet d’autoriser, à des fins de contrôle, les membres et les agents de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) mandatés à cet effet à entrer dans ceux de leurs locaux dans lesquels sont mises en œuvre des techniques de recueil de renseignement soumises à autorisation du Premier ministre ([85])

Les exigences essentielles mentionnées au 12° de l’article L. 32 du CPCE ([86]) et le secret des correspondances ne sont opposables, selon l’article L. 871-5 du CSI, ni aux juridictions compétentes pour ordonner des interceptions ni au ministre chargé des communications électroniques.

L’article L. 871-6 du CSI détermine les modalités de coopération des opérateurs dans la mise en œuvre des techniques de recueil de renseignement suivantes :

– le recueil des données de connexion (article L. 851-1) ;

– le recueil en temps réel des informations, documents et adresses complètes de ressources sur internet utilisées par une personne, pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme (article L 851-2) ;

– la mise en place de traitements automatisés sur les données transitant par les réseaux des opérateurs, dits « technique de l’algorithme » (article L. 851-3) :

– le recueil des données techniques relatives à la localisation des équipements terminaux auprès d’un opérateur (article L. 851-4) ;

– le recueil direct des données techniques permettant l’identification d’un équipement terminal ou du numéro d’abonnement de son utilisateur ainsi que les données relatives à la localisation des équipements terminaux (article L. 851-6) ;

– les interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques (article L. 852-1) ;

– l’utilisation de dispositifs techniques permettant d’accéder à des données informatiques stockées dans un système informatique (article L. 853-2).

Ainsi, ces opérations peuvent être réalisées dans les locaux et installations des services ou organismes placés sous l’autorité ou la tutelle du ministre chargé des communications électroniques ou des exploitants de réseaux ou fournisseurs de communications électroniques, dès lors que le Premier ministre ou la personne spécialement déléguée par lui en a donné l’ordre, par des agents qualifiés de ces services, organismes, exploitants ou fournisseurs dans leurs installations respectives.

À cet égard, il convient de rappeler que la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention du terrorisme et au renseignement a étendu le champ des techniques de renseignement pour lesquelles l’autorité administrative peut requérir le concours des opérateurs, en incluant les trois dernières techniques de la liste supra, mentionnées aux articles L. 851-6, L 852-1 et L. 853-2 du CSI.

Les opérateurs et fournisseurs de service sur internet concernés par cette obligation bénéficient d’une compensation financière de l’État, au regard des surcoûts identifiables et spécifiques auxquels ils sont éventuellement exposés pour répondre à la mise en œuvre des techniques de renseignement.

● Ces obligations des opérateurs et fournisseurs de services font l’objet d’une répression pénale spécifique.

Ainsi, selon l’article L. 881-1 du CSI, le fait pour une personne concourant à l’exécution d’une technique de recueil de renseignement de révéler l’existence de la mise en œuvre de cette technique est puni des peines réprimant les atteintes au secret professionnel prévues par :

– l’article 226-13 du CP, qui punit d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire ;

– l’article 226-14 du même code, qui prévoit que l’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret ni dans les cas prévus aux 1° à 5° de l’article ;

– l’article 226-31, qui détermine diverses peines complémentaires.

Par ailleurs, selon l’article L. 881-2 du CSI, le fait de ne pas déférer aux demandes des autorités habilitées est puni de deux ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. Les mêmes peines répriment le fait pour un opérateur ou un fournisseur de services de refuser de communiquer les informations ou documents ou le fait de communiquer des renseignements erronés.

De plus, l’article 434-15-2 du CP punit de trois ans d’emprisonnement et 270 000 euros d’amende le fait, pour quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en œuvre, sur les réquisitions de ces autorités délivrées en application des titres II et III du livre Ier du code de procédure pénale. Si le refus est opposé alors que la remise ou la mise en œuvre de la convention aurait permis d’éviter la commission d’un crime ou d’un délit ou d’en limiter les effets, la peine est portée à cinq ans d’emprisonnement et à 450 000 euros d’amende.

  1.   Le dispositif proposé par le Sénat
    1.   Une modification significative des obligations auxquelles les opérateurs sont soumis

L’article 8 ter est issu de l’amendement n° 73 rect. ter de M. Perrin (Les Républicains) adopté avec l’avis défavorable de la commission et l’avis favorable du Gouvernement. Il conduit à une refonte importante des obligations des opérateurs et des fournisseurs de services sur internet : allant plus loin que la fourniture des clés de chiffrement, il leur impose de mettre directement à disposition des données intelligibles dans le cadre de la mise en œuvre de techniques d’enquête numérique judiciaire et des techniques de recueil de renseignement.

Le présent article procède, à cette fin, à plusieurs modifications au sein du CSI et du CPCE.

● À son I, il procède d’abord à plusieurs modifications du titre VII du livre VIII du CSI.

L’article 871-1 est réécrit par le 1° du I pour remplacer l’obligation, pour les opérateurs et fournisseurs de services sur internet, de transmettre les conventions de déchiffrement par celle de prendre les mesures techniques nécessaires afin de permettre aux agents autorisés d’accéder au contenu intelligible des seuls informations, documents, données ou renseignements dont la collecte a fait l’objet d’une autorisation préalable de mise en œuvre de techniques de recueil de renseignement mentionnées aux articles L. 851-1 à L. 851-4, L. 851-6, L. 852-1, L. 852-3 et L. 853-2 du CSI. À la liste des techniques détaillées supra est donc ajoutée la technique d’interception satellitaire mentionnée à l’article L. 852-3.

Les personnes concernées ne pourraient exciper d’arguments contractuels ou techniques qui feraient obstacle à la mise en œuvre de cette obligation. Cette précision a vocation à éviter que soit opposé à cette obligation le fait que, avec certaines techniques de chiffrement, les opérateurs ou fournisseurs de service sur internet eux-mêmes ne disposent pas des clés de chiffrement. 

Les 2° et 4° du I abrogent également les articles L. 871-3 et L. 871-5, leurs dispositions étant reprises dans les nouveaux articles ajoutés par le II du présent article au CPCE (voir infra). Plusieurs modifications de nature rédactionnelle sont, par ailleurs, apportées à l’article L. 871-4 du CSI par le 3° du I.

Les dispositions de l’article L. 871-6 sont adaptées par le 5° du I aux nouvelles obligations des opérateurs et fournisseurs de services sur internet. Ceux-ci doivent ainsi procéder aux opérations nécessaires à la mise en place des techniques de renseignement précitées et, sur ordre du Premier ministre ou de la personne spécialement déléguée par lui, fournir dans les meilleurs délais les informations, documents, données ou renseignements requis. Si l’ordre en question le prévoit, son exécution est confiée à des agents spécialisés de ces services, organismes, exploitants ou fournisseurs dans leurs installations respectives et dans le respect du secret de la défense nationale.

L’article L. 871-7, qui prévoit les modalités de compensation des surcoûts pour les opérateurs et fournisseurs de services sur internet, est modifié par le 6° du I pour faire référence à la nouvelle rédaction de l’article L. 871-6.

La mention de l’article 226-14 du CP à l’article L. 881-1 du CSI est supprimée. Ainsi qu’il a été rappelé supra, cet article énumère les cas dans lesquels l’article 226-13, qui punit les violations du secret professionnel, n’est pas applicable.

Enfin, le 8° du II aggrave la répression prévue par l’article L. 881-2 lorsque les infractions visées sont commises à titre habituel. Elles sont alors punies d’une amende de 1,5 million d’euros et, pour les personnes morales, cette amende peut être portée à 2 % du chiffre d’affaires mondial hors taxe. Cette nouvelle rédaction remplace l’alinéa 2 de l’article L. 881-2 qui réprimait le fait de refuser de communiquer les informations ou documents sollicités et le fait de communiquer des documents erronés.

● Plusieurs modifications sont également apportées par le II du présent article 8 ter au CPCE.

Le 1° du II complète le e du I l’article L. 33-1 du CPCE pour ajouter les prescriptions relatives à « la protection des intérêts fondamentaux de la Nation » parmi les règles que l’établissement et l’exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture de services de communications électroniques doivent respecter.

Le VII du même article L. 33-1 est complété pour prévoir son application dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Le II de l’article 8 ter insère également une section X au sein du chapitre II du titre Ier du livre II du CPCE, relative aux « prescriptions exigées par l’ordre public, la défense nationale, la sécurité publique ou la protection des intérêts fondamentaux de la Nation » comprenant les nouveaux articles L. 34-18 à L. 34-22.

Le I du nouvel article L. 34-18 du CPCE impose aux opérateurs et fournisseurs de services, aux fins de respecter les prescriptions mentionnées au e du I de l’article L. 33-1 et rappelées supra, de mettre en place ou d’assurer la mise en œuvre des moyens nécessaires pour exécuter les techniques d’enquête numérique judiciaires et les techniques de recueil de renseignement.

Comme précisé dans la nouvelle rédaction de l’article L. 871-1 du CSI, les opérateurs et prestataires doivent répondre aux réquisitions des agents autorisés et des autorités judiciaires compétentes et ne peuvent exciper d’arguments contractuels ou techniques faisant obstacle à l’exécution de ces techniques.

Le II du nouvel article L. 34-18 du CPCE détermine les modalités de mise en place et en œuvre des moyens mentionnés au I :

– ils sont mis en place et mis en œuvre depuis le territoire national ;

– les données produites par les systèmes utilisés sont chiffrées par un moyen validé par l’État lorsque ces données doivent transiter par voie électronique en dehors du territoire national ;

– seuls des agents des opérateurs ou fournisseurs de services sur internet spécialement désignés et qualifiés ou des agents désignés par l’autorité administrative peuvent mettre en place et assurer la mise en œuvre de ces moyens et accéder aux données qu’ils traitent.

Le III renvoie à un décret en Conseil d’État la définition des garanties de juste rémunération prévues au e du I de l’article L. 33-1 du CPCE. Le IV permet néanmoins, à titre exceptionnel, au ministre chargé des communications électroniques d’autoriser les opérateurs ou prestataires à déroger aux obligations prévues au II lorsque les coûts permettant d’y satisfaire sont disproportionnés au regard du nombre de demandes.

Le nouvel article L. 34-19 confie au ministre chargé des communications électroniques le rôle de veiller à ce que les opérateurs prennent les mesures nécessaires pour assurer l’application, dans le respect du secret de la défense nationale, des techniques d’enquête numérique judiciaire et des techniques de recueil de renseignement rappelées supra.

Le nouvel article L. 34-20 établit un régime de mise en demeure vis-à-vis des opérateurs et fournisseurs de services sur internet. Ainsi, en cas de méconnaissance des obligations prévues au nouvel article L. 34-18, le Premier ministre peut mettre en demeure les personnes morales concernées de se mettre en conformité dans un délai qu’il fixe et qui ne peut être inférieur à quinze jours.

En cas de méconnaissance de cette mise en demeure, le Premier ministre peut fixer un nouveau délai en l’assortissant d’une astreinte d’un montant maximum de 50 000 euros par jour de retard.

S’il constate que cette procédure n’a pas abouti, le Premier ministre peut, après une procédure contradictoire :

– lorsque la personne en cause est un opérateur, prendre une décision à effet immédiat de suspension totale ou partielle du droit d’établir un réseau de communications électroniques ou de fournir un service de communications électroniques sur le territoire national pour une durée d’un mois au plus ;

– lorsque la personne en cause est un fournisseur de services sur internet, prendre une décision à effet immédiat de suspension totale ou partielle de son activité sur le territoire national, pour une durée d’un mois au plus.

Le Premier ministre peut renouveler ces décisions si, au terme du délai d’un mois, il n’y a toujours pas eu de mise en conformité de la personne concernée et assortir ce renouvellement d’une astreinte d’un montant maximum de 50 000 euros par jour de retard.

Ces dispositions prévoient également que, en cas d’urgence, de circonstances exceptionnelles ou d’atteinte imminente à la sécurité nationale, le Premier ministre peut prendre ces décisions sans qu’aient été préalablement prononcées les mises en demeure précitées. Un décret en Conseil d’État préciserait les conditions d’application de l’article L. 34-20.

L’article L. 34-21 du CPCE prévoit que les exigences essentielles du 12° de l’article L. 32 et le secret des correspondances mentionné à l’article L. 32-3 ne sont opposables ni aux juridictions compétentes pour ordonner des interceptions judiciaires ni au ministre chargé des communications électroniques dans l’exercice des prérogatives qui leur sont dévolues par le livre VIII du CSI.

Enfin, l’article L. 34-22 prévoit l’application de la nouvelle section X en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises et en Nouvelle-Calédonie.

● La nouvelle obligation prévue par l’article 8 ter transforme celle, actuellement prévue par l’article L. 871-1, de fournir des clés de chiffrement aux services demandeurs en une obligation de fourniture des données déchiffrées et donc intelligibles. La mise en œuvre de cette nouvelle obligation interroge dans le cadre de certaines techniques de chiffrement, en particulier celles dites « de bout en bout ».

Le chiffrement des données de bout en bout est une solution permettant de protéger une communication de sorte que seules les parties engagées dans la communication puissent les déchiffrer. Avec un tel chiffrement, toutes les opérations cryptographiques (chiffrement, déchiffrement, génération et gestion des clés) sont strictement effectuées à la source ou à la destination. Dans cette configuration, le fournisseur de service d’hébergement de données n’a, à aucun moment, accès aux données en clair ([87]).

Le Gouvernement a reconnu que la question de l’accès aux données des applications de messagerie chiffrées de bout en bout représentait un « défi », dans sa réponse à la question écrite d’un député ([88]). Il reconnaît qu’il existait plusieurs approches pour que les forces de l’ordre accèdent à ces données dans le cadre de leurs missions :

– l’approche traditionnelle, qui est celle de l’investigation sous pseudonyme ;

– l’accès aux données par une saisie du terminal concerné, le régime procédural en vigueur permettant d’effectuer le déchiffrement des données ;

– la captation des données informatiques, par l’implantation d’un logiciel de captation de données dans le terminal à l’insu de l’utilisateur ;

– enfin, une quatrième solution consiste en « l’introduction de backdoors, c’est-à-dire un moyen de déchiffrer les données lors de leur transit entre plusieurs terminaux. Cette évolution dépend cependant des négociations entre l’État et les concepteurs de ces solutions de communication. Ces négociations ne sont pas rendues publiques. De même, cette approche nécessite des évolutions du cadre juridique existant qui doivent faire face aux divisions de l’opinion publique, opposant les exigences de sûreté nationale à la défense des libertés publiques ».

Comme le reconnaît le Gouvernement, lorsque l’opérateur ou le prestataire de service sur internet ne dispose pas de ces clés de chiffrement et ne peut donc pas, en théorie, procéder au déchiffrement, il est contraint de recourir à d’autres méthodes pour satisfaire à la nouvelle obligation légale, dont celle des « portes dérobées » (ou « backdoors ») ou des « clés-maîtres ».

Le mécanisme de la « porte dérobée » et de la « clé maître »

Le principe de la mise en œuvre d’une porte dérobée correspond à prévoir un accès, tenu secret vis-à-vis de l’utilisateur légitime, aux données contenues dans un logiciel ou sur un matériel.

À la différence de la porte dérobée, le principe de la « clé maître » (ou « master key ») correspond à prévoir ouvertement un tel accès.

Source : Cnil.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) avait relevé les risques de telles techniques conduisant à mettre en péril le principe même de fonctionnement des technologies actuelles de chiffrement, qui reposent sur l’interdiction d’accès, par des tiers, aux données ainsi protégées ([89]). Or, comme elle le souligne, un défaut de chiffrement fait peser plusieurs risques substantiels sur la cybersécurité des individus :

– les « portes dérobées » seraient peu robustes dans le temps, d’autant plus qu’il serait nécessaire d’échanger au niveau international le secret ou les clés concernées pour faire face aux différentes menaces. Ces échanges multiplieraient les possibilités que des individus mal intentionnés aient accès à ces outils ;

– ces solutions seraient très complexes à mettre en œuvre de manière sûre : en cas de corruption d’une telle technique, il serait très difficile de la renouveler et d’assurer la confidentialité des données qu’elle protégeait ;

– leur efficacité pourrait s’avérer limitée, dans la mesure où les applications en cause sont majoritairement d’origine étrangère et où les personnes visées pourront toujours continuer à utiliser des solutions échappant à ces obligations.

  1.   Une conformité à la jurisprudence de la CEDH qui peut être interrogée

Au-delà des interrogations techniques relatives à l’affaiblissement de la sécurité des communications, la conformité de la nouvelle obligation fixée par l’article 8 ter à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH) interroge.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’est, en effet, récemment prononcée sur la conformité à la Convention de mesures nationales imposant le déchiffrement des communications électroniques, avec sa décision
du 13 février 2024 Podchasov c/ Russie. L’affaire concernait l’application proposée par la société Telegram qui, si elle ne propose pas le chiffrement de bout en bout par défaut, permet la mise en œuvre d’un tel chiffrement avec sa fonctionnalité « conversation secrète ».

Or, selon la loi russe, la société devait conserver toutes les données de communications de ses clients pour un an et le contenu de ces communications pour une durée de six mois. Dans les cas prévus par la loi, elle devait également remettre ces données aux services de police et de sécurité, en même temps que les informations nécessaires au déchiffrement des messages chiffrés.

Dans cette affaire, le service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie (FSB) avait sollicité, en juillet 2017, la société Telegram pour qu’elle lui fournisse les informations techniques facilitant le déchiffrement des communications de plusieurs utilisateurs de son service de messagerie suspectés d’activités terroristes. La société avait refusé de transmettre ces informations, considérant qu’il était techniquement impossible de le faire sans créer une porte dérobée qui affaiblirait le mécanisme de chiffrement pour l’ensemble des usagers. Les utilisateurs suspects avaient, en effet, eu recours à la fonctionnalité de conversation secrète utilisant un chiffrement de bout en bout.

La Cour rappelle que de telles obligations constituent une atteinte, ou « ingérence », au droit au respect de la vie privée prévu à l’article 8, paragraphe 1 de la CESDH. Le paragraphe 2 de ce même article autorise une telle ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit « que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

La Cour examine donc cette ingérence au regard des finalités poursuivies. Elle se réfère, dès lors, à sa jurisprudence relative aux mesures de surveillance secrète, telle qu’exposée dans sa décision de 2015 dans l’affaire Roman Zakharov c. Russie : « En ce qui concerne la question de savoir si une ingérence est “nécessaire dans une société démocratique” à la réalisation d’un but légitime, la Cour a reconnu que, lorsqu’elles mettent en balance l’intérêt de l’État défendeur à protéger la sécurité nationale au moyen de mesures de surveillance secrète, d’une part, et la gravité de l’ingérence dans l’exercice par un requérant du droit au respect de la vie privée, d’autre part, les autorités nationales disposent d’une certaine marge d’appréciation dans le choix des moyens propres à atteindre le but légitime que constitue la protection de la sécurité nationale. Cette marge d’appréciation va toutefois de pair avec un contrôle européen portant à la fois sur la loi et sur les décisions qui l’appliquent. La Cour doit se convaincre de l’existence de garanties adéquates et effectives contre les abus, car un système de surveillance secrète destiné à protéger la sécurité nationale risque de saper, voire de détruire, la démocratie au motif de la défendre. L’appréciation de cette question est fonction de toutes les circonstances de la cause, par exemple la nature, la portée et la durée des mesures éventuelles, les raisons requises pour les ordonner, les autorités compétentes pour les permettre, les exécuter et les contrôler, et le type de recours fourni par le droit interne. La Cour doit rechercher si les procédures de contrôle du déclenchement et de la mise en œuvre de mesures restrictives sont de nature à circonscrire “l’ingérence” à ce qui est “nécessaire dans une société démocratique”. »

La Cour rappelle, en particulier, que l’obligation de solliciter une autorisation préalable avant de solliciter l’accès aux données dont dispose un service de communication constitue une garantie importante contre l’abus par les services de police. Or, les règles applicables à l’accès des services russes aux données des opérateurs n’imposent pas d’autorisation judiciaire préalable. La Cour considère dès lors, de même que dans la décision de 2015 précitée, que le cadre légal régissant l’accès des services de police russes à ces données n’offrait pas de garanties adéquates et effectives contre l’arbitraire et le risque d’abus.

La décision de 2024 précitée de la Cour complète cette jurisprudence en examinant les dispositions de la législation russe imposant la fourniture des informations nécessaires au déchiffrement des communications. Elle souligne, d’abord, que les solutions technologiques pour sécuriser et protéger le caractère privé des communications électroniques, dont les mesures de chiffrement, contribuent à la jouissance d’autres droits fondamentaux comme la liberté d’expression. Le chiffrement, par ailleurs, aiderait les citoyens et les entreprises à se défendre contre les abus des technologies de l’information comme le piratage, l’usurpation d’identité et le vol de données, la fraude et la révélation d’informations confidentielles.

Le point 77 de cette décision souligne en particulier que, pour permettre le déchiffrement des communications protégées par un chiffrement de bout en bout, il serait nécessaire d’affaiblir le chiffrement pour tous les utilisateurs. Ces mesures ne pourraient être limitées à des individus spécifiques et affecteraient tous les utilisateurs de façon indiscriminée, y compris ceux qui ne présentent pas de menace. Affaiblir le chiffrement par la création de portes dérobées rendrait possible une surveillance routinière, générale et indiscriminée des communications électroniques personnelles. Les portes dérobées pourraient également être utilisées par des réseaux criminels et compromettraient de façon sérieuse la sécurité de tous les utilisateurs de communications électroniques. La Cour prend note, par ailleurs, des dangers posés par la restriction du chiffrement décrite par de nombreux experts.

Si la Cour reconnaît que le chiffrement peut être utilisé par des organisations criminelles, complexifiant les enquêtes, elle rappelle l’existence de solutions alternatives au déchiffrement permettant de ne pas affaiblir les mécanismes de protection de communications, à la fois dans la législation et par des évolutions techniques. Ces alternatives sont citées, en particulier dans une déclaration commune d’Europol et de l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité du 20 mai 2016.

Déclaration commune d’Europol et de l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité du 20 mai 2016 sur les techniques légales d’enquête qui respectent la protection des données au XXIème siècle

La déclaration commune rappelle que, si aucun mécanisme de chiffrement ne peut être parfait dans sa conception ou sa mise en œuvre, le déchiffrement par les services de sécurité apparaît toutefois de moins en moins possible en raison du développement des mécanismes de protection des données. Face à cela, l’introduction de portes dérobées ou « clés maîtres » pour affaiblir ce chiffrement peut apparaître comme une solution.

Toutefois, alors que ces techniques permettent aux enquêteurs de disposer d’un accès légal au contenu des communications en cas de crimes graves ou de menaces terroristes, elles augmentent également les opportunités d’attaques malveillantes, avec des conséquences plus larges pour l’ensemble de la société. Par ailleurs, les réseaux criminels peuvent facilement contourner ce chiffrement affaibli et développer leurs propres solutions de communication sans porte dérobée ou clé maître.

Dès lors, les deux agences soulignent que les solutions techniques qui affaiblissent, de façon intentionnelle, les mécanismes de protection des données affaibliront dans le même temps les protections contre les attaques malveillantes.

Les deux agences proposent donc de favoriser les alternatives au déchiffrement des communications, lorsque c’est possible. À cet égard, elles rappellent que, dans le processus de communication de données, l’information doit être déchiffrée à un moment pour être utile, ce qui crée des opportunités d’accès à ces données, à l’image des infiltrations au sein des groupes criminels ou l’accès aux appareils eux-mêmes.

Source : https://www.enisa.europa.eu/sites/default/files/all_files/2016-05-25_On_lawful_criminal_investigation_respecting_21st_century_data_protection-Joint_Europol-ENISA_statement.pdf.

Dès lors, la Cour considère que l’obligation de déchiffrement des communications chiffrées de bout en bout par les fournisseurs de service en ligne risque d’affaiblir les mécanismes de chiffrement pour tous les usagers. De la sorte, elle n’apparaît pas proportionnée aux finalités légitimes poursuivies.

La Cour conclut ainsi que la législation russe qui prévoit la conservation de toutes les communications sur internet de tous les utilisateurs, l’accès direct des services de sécurité aux données conservées sans les garanties suffisantes contre une utilisation abusive de ces données et l’obligation de déchiffrer les communications, appliquée aux communications chiffrées de bout en bout, ne peut être regardée comme nécessaire dans une société démocratique. Étant donné que la législation permet aux autorités publiques d’avoir accès, de façon générale et sans garanties suffisantes, au contenu des communications électroniques, elle altère l’essence même du droit au respect de la vie privée protégé par l’article 8 de la Convention. À cet égard, l’État en cause a donc dépassé, pour la Cour, toute marge acceptable d’appréciation.

  1.   Position de la Commission

La Commission a adopté six amendements de suppression de l’article 8 ter présentés par M. Léaument (LFI-NFP), Mme Regol (EcoS), M. Delaporte (SOC), M. Molac (Liot), M. Lopez-Liguori (RN) et Mme Faucillon (GDR).

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*     *

TITRE IV
RENFORCEMENT DE LA RÉPRESSION PÉNALE DU NARCOTRAFIC

Chapitre Ier
Mesures de droit pénal

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif initial et effets principaux

Le présent article criminalise l’infraction de participation à une association de malfaiteurs lorsqu’elle est destinée à préparer un crime et élargit la définition de cette infraction en y incluant la commission ou la tentative de commission d’une infraction connexe.

       Dernières modifications législatives intervenues

Néant.

       Modifications apportées par le Sénat

À l’initiative des rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a supprimé l’élargissement de la définition de la participation à une association de malfaiteurs à la commission d’infraction connexe pour y substituer la création d’une nouvelle infraction d’appartenance à une organisation criminelle. Elle a en outre restreint le champ de la criminalisation de la participation à une association de malfaiteurs pour les seuls cas où celle-ci concerne la préparation de crimes punis de la réclusion criminelle à perpétuité ou pour lesquels la loi prévoit une circonstance aggravante de commission en bande organisée.

       Position de la Commission

La Commission a adopté quatre amendements rédactionnels du rapporteur M. Pauget.

 

  1.   L’état du droit

L’article 450-1 du code pénal définit l’association de malfaiteurs comme tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

La participation à une association de malfaiteurs est un délit réprimé en fonction de la gravité de l’infraction préparée ; les peines s’élèvent ainsi à :

– cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsque les infractions préparées sont des délits punis de cinq ou sept ans d’emprisonnement ;

–  dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende lorsque les infractions préparées sont des crimes ou des délits punis de dix ans d’emprisonnement.

En application de l’article 450-2 du même code, est exemptée de peine toute personne ayant participé à une association de malfaiteurs si elle a, avant toute poursuite, révélé le groupement ou l’entente aux autorités compétentes et permis l’identification des autres participants.

En application notamment des articles 450-3 et 450-5 du même code, plusieurs peines complémentaires sont également encourues :

– interdiction de droits civiques, civils et de famille ([90]) ;

– interdiction professionnelle ([91]) ;

– interdiction de séjour ([92]) ;

– toute autre peine complémentaire encourue pour les crimes et les délits préparés ;

– lorsque les infractions préparées sont des crimes ou des délits punis de dix ans d’emprisonnement, une peine complémentaire de confiscation de tout ou partie des biens leur appartenant ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elles ont la libre disposition, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis ([93]) ;

– une peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité lorsque le délit de participation à une association de malfaiteurs a pour objet un crime ou un des délits mentionnés au II de l’article 131-26-2 du même code ([94]).

  1.   Le dispositif proposé par le Sénat
    1.   LEs dispositions initiales

S’inspirant de la recommandation n° 22 de la commission d’enquête du Sénat sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier ([95]), l’article 9 de la présente proposition de loi procédait, dans sa rédaction initiale, à deux modifications de l’article 450-1 du code pénal :

– d’une part, il criminalisait la participation à une association de malfaiteurs lorsque l’infraction préparée est un crime, prévoyant une peine de quinze ans de réclusion criminelle et 225 000 euros d’amende ;

– d’autre part, il élargissait la définition de la participation à une association de malfaiteurs en y incluant les personnes ayant commis ou tenté de commettre une infraction connexe ([96]) à une infraction préparée ou commise par ce groupement ou cette entente.

L’article procédait par ailleurs à plusieurs coordinations au sein du code pénal et du code de procédure pénale.

  1.   Les modifications adoptées par le Sénat

Lors de l’examen en commission, cet article a été profondément remodelé par l’adoption de trois amendements des rapporteurs.

  1.   Une nouvelle infraction d’appartenance à une organisation criminelle

● L’amendement COM-63 supprime l’élargissement de la définition de la participation à une association de malfaiteurs à la commission d’infraction connexe et y substitue la création d’une nouvelle infraction d’appartenance à une organisation criminelle.

Pour ce faire, le d du 2° du I du présent article insère, dans le code pénal, un nouvel article 450-1-1 qui :

– définit l’organisation criminelle comme « tout groupement ou toute entente prenant la forme d’une structure existant depuis un certain temps et formée en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, un ou plusieurs crimes et, le cas échéant, un ou plusieurs délits » ;

– sanctionne de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de « concourir sciemment et de façon fréquente ou importante au fonctionnement d’une organisation criminelle » ;

– précise que ce concours est caractérisé par un ou plusieurs faits matériels démontrant un rôle dans l’organisation de cette organisation criminelle, la fourniture de prestations de toute nature au profit de ses membres, ou le versement ou la perception d’une rémunération à ou de ses membres.

● Cet amendement procède en outre à diverses coordinations dans le code pénal et dans le code de procédure pénale pour tenir compte de la création de cette nouvelle infraction. Ces modifications permettent ainsi :

– d’appliquer à la nouvelle infraction d’appartenance à une organisation criminelle les mêmes peines complémentaires que pour l’infraction de participation à une association de malfaiteurs (1° du I et f et g du 2° du I), à l’exception de la peine complémentaire de confiscation prévue à l’article 450-5 du code pénal ;

– d’intégrer cette nouvelle infraction dans l’intitulé du titre V du livre IV du code pénal (aa du 2°) ;

– de rendre compétents les agents des douanes spécialement désignés et habilités à effectuer des enquêtes ([97]) pour rechercher et constater également l’infraction d’appartenance à une organisation criminelle, comme ils le sont pour la participation à une association de malfaiteurs ([98]) (b et c du 1° du II) ;

– d’engager en France les poursuites au titre de cette infraction pour l’application de la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et du protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plateformes fixes situées sur le plateau continental ([99]) (c et d du 2° du II) ;

– d’appliquer à cette infraction les règles spécifiques d’enquête, de poursuite, d’instruction et de jugement prévues par le code de procédure pénale pour certaines infractions lorsque l’organisation criminelle a pour objet lesdites infractions : proxénétisme ([100]) (c et d du 3° du II), criminalité organisée ([101]) (b et c du 4° du II) et prolifération d’armes de destruction massive ([102]) (b bis et c du 4° du II).

  1.   La criminalisation de la participation à une association de malfaiteurs en cas de préparation d’un crime

● L’amendement COM-64 réduit le champ de la criminalisation de la participation à une association de malfaiteurs aux seuls cas où celle-ci concerne la préparation de crimes punis de la réclusion criminelle à perpétuité ou de crimes pour lesquels la loi prévoit une circonstance aggravante de commission en bande organisée.

Dans ces deux cas, les peines encourues sont portées à quinze ans de réclusion criminelle et à 225 000 euros d’amende.

Par conséquent, lorsque la participation à l’association de malfaiteurs concerne la préparation d’autres crimes, cette infraction demeure, comme en l’état actuel du droit, un délit puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.

Pour ce faire, le présent article procède à deux modifications de l’article 4501 du code pénal (b du 2° du I).

● L’amendement COM-65 complète les coordinations déjà prévues dans le dispositif initial du présent article pour ajouter, au sein du code pénal et du code de procédure pénale, le nouveau crime de participation à une association de malfaiteurs aux différentes mentions du délit de participation à une association de malfaiteurs concernant :

– l’application de la peine complémentaire de confiscation ([103]) (h du 2° du I) ;

– la compétence des agents des douanes spécialement désignés et habilités à effectuer des enquêtes ([104]) pour rechercher et constater les infractions de participation à une association de malfaiteurs ([105]) (a du 1° du II) ;

– l’application de la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et du protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plateformes fixes situées sur le plateau continental ([106]) (a et b du 2° du II) ;

– l’application des règles spécifiques d’enquête, de poursuite, d’instruction et de jugement prévues par le code de procédure pénale pour certaines infractions lorsque la participation à une association de malfaiteurs a pour objet lesdites infractions : proxénétisme ([107]) (a et b du 3° du II), criminalité organisée ([108]) (a du 4° et 4° bis du II) et prolifération d’armes de destruction massive ([109]) (a et b du 5° du II).

Ces différentes dispositions n’ont pas été modifiées par le Sénat lors de l’examen en séance publique.

  1.   Position de la Commission

La Commission a adopté quatre amendements rédactionnels (CL521, CL524, CL525 et CL526) du rapporteur M. Pauget (DR).

 

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*     *

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif initial et effets principaux

Le présent article élargit, dans le code pénal, le régime répressif des provocations de mineurs à commettre une infraction en lien avec les stupéfiants, afin de sanctionner également les provocations indirectes constituées par la publication sur une plateforme en ligne d’un contenu accessible aux mineurs.

       Dernières modifications législatives intervenues

Les articles 227-18 et 227-18-1 du code pénal ont été déplacés par l’article 4 de la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste.

       Modifications apportées par le Sénat

Le sénat a créé un délit autonome de provocation indirecte via une plateforme en ligne d’un mineur à commettre une infraction en lien avec les stupéfiants et a élargi le nombre d’infractions concernées par ce délit et par celui de provocation directe.

       Position de la Commission

La Commission a adopté un amendement de précision du rapporteur M. Pauget.

 

  1.   L’état du droit

● L’article L. 3421-4 du code de la santé publique sanctionne la provocation à l’usage illicite de stupéfiants ([110]), à la direction d’un groupement de trafic de stupéfiants ([111]), à la production ou fabrication illicites de stupéfiants ([112]), à l’importation ou l’exportation illicites de stupéfiants ([113]), au transport, à la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi illicites de stupéfiants ([114]), au blanchiment des biens ou revenus provenant de ces infractions en lien avec le trafic de stupéfiants ([115]) et à la cession ou l’offre illicites de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle ([116]).

Le fait de provoquer à l’un de ces différents délits est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Pour être sanctionnée, cette provocation n’a ni à être directe, ni à être suivie d’effet.

Afin de protéger notamment les publics mineurs, ces peines sont aggravées lorsque la provocation est directe et lorsque les faits sont commis :

 dans des établissements d’enseignement ou d’éducation ou dans les locaux de l’administration,

– lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux.

● Par ailleurs, le code pénal prévoit des dispositions réprimant la mise en péril des mineurs ([117]). De manière générale, le fait de provoquer un mineur à commettre un crime ou un délit est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende ([118]). Par ailleurs, certaines dispositions sanctionnent spécifiquement la provocation aux infractions en lien avec les produits stupéfiants :

– l’article 227-18 punit de cinq ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende le fait de provoquer directement un mineur à l’usage illicite de stupéfiants ;

– les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende lorsqu’il s’agit d’un mineur de quinze ans ou lorsque les faits sont commis dans ou aux abords d’un établissement scolaire ;

– l’article 227-18-1 punit de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende le fait de provoquer directement un mineur au transport, à la détention, l’offre ou la cession de stupéfiants ;

– les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende lorsqu’il s’agit d’un mineur de quinze ans ou lorsque les faits sont commis dans ou aux abords d’un établissement scolaire.

Dans ces différents cas, la provocation doit donc être directe pour être sanctionnée. Elle n’a toutefois pas besoin d’être suivie d’effet ([119]). La tentative de ces délits n’est quant à elle pas sanctionnée par la loi.

Le recours aux infractions de provocation selon le rapport de la
commission d’enquête du Sénat

Auteurs, les mineurs sont également des victimes et la commission d’enquête souhaite que ceux qui les exploitent soient sanctionnés pour cette seule circonstance, au-delà même des faits de narcotrafic stricto sensu.

La loi pénale française prévoit des condamnations lourdes, fixées par l’article 227-18-7-1 du code pénal, pour ceux qui « [provoquent] directement un mineur à transporter, détenir, offrir ou céder des stupéfiants » : cette infraction est punie de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende, voire de dix ans de prison et 300 000 euros d’amende lorsque certaines circonstances aggravantes sont constatées (mineur de moins de quinze ans, faits commis dans les établissements scolaires…).

Ce délit, parce qu’il est autonome et ne suppose pas que soit par ailleurs démontrée la matérialité ou a fortiori l’ampleur du trafic, constitue un puissant levier de pénalisation de tous ceux qui tentent de recruter des « jobbeurs » sur les réseaux sociaux ou de faire pression sur les jeunes d’un quartier pour obtenir qu’ils concourent au trafic.

Or, malgré ses avantages, cette infraction est trop peu utilisée par parquets et les juges d’instruction. Interrogé sur ce sujet, le ministère de la Justice indique que quelques dizaines de condamnations à peine sont prononcées chaque année (de 2018 à 2023, le nombre de condamnations par an s’étend de 28 à 53, sans qu’une tendance globale à la hausse ou à la baisse puisse être établie), en dépit d’un taux de répression avoisinant les 100 % : ce n’est donc pas l’effectivité de la sanction qui est en cause, mais la fréquence des poursuites, encore trop rares face à de tels faits – pourtant gravissimes.

Source : Sénat, rapport n° 588 au nom de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, président M. Jérôme Durain, rapporteur M. Étienne Blanc.

  1.   Le dispositif proposé par le Sénat
    1.   LEs dispositions initiales

S’inspirant de la recommandation n° 28 de la commission d’enquête du Sénat sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier ([120]), le présent article clarifie le fait que le recrutement de « petites mains » mineures par les réseaux de trafic de stupéfiants via des réseaux sociaux constitue bien une infraction de provocation.

Pour ce faire, cet article insérait un nouvel alinéa à l’article 227-18-1 du code pénal pour préciser que constitue une provocation directe la publication sur une plateforme en ligne ([121]) d’un contenu accessible aux mineurs proposant aux utilisateurs de transporter, détenir, offrir ou céder des stupéfiants.

Les faits seraient donc punis des mêmes peines que toute autre provocation directe d’un mineur à transporter, détenir, offrir ou céder des stupéfiants, soit sept ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.

  1.   Les modifications adoptées par le Sénat

● En commission, l’adoption de l’amendement COM-66 des rapporteurs a finalement sanctionné ces faits par une infraction autonome, créant pour cela un nouvel article 227-18-2 au sein du code pénal.

Les rapporteurs ont jugé cette modification nécessaire puisque les faits visés ne sont pas assimilables à une provocation « directe » et puisque la circonstance aggravante prévue au second alinéa de l’article 227-18-1, visant notamment la commission de l’infraction dans ou aux abords des établissements scolaires, ne peut pas leur être appliquée.

La définition de l’infraction, qui sanctionne la publication d’un contenu accessible au mineur proposant de transporter, détenir, offrir ou céder des stupéfiants, et les peines encourues – sept ans et 150 000 euros d’amende – demeurent toutefois les mêmes que dans la rédaction initiale du texte.

● En séance publique, le Sénat a adopté deux amendements identiques n° 49 rect. de Mme Boyer (LR) et n° 54 rect. ter de Mme Ciuntu (LR), procédant à l’extension des délits de provocation d’un mineur à commettre une infraction en lien avec les stupéfiants aux cas où la provocation concerne le fait de « se livrer à une activité ayant pour objet de faciliter le transport, la détention, l’offre ou la cession de stupéfiants ». Cette extension concerne à la fois les provocations directes sanctionnées par l’article 227-18-1 et la nouvelle infraction de provocation en ligne prévue par l’article 227-18-2 créé par le présent article.

L’objectif de cet élargissement est de sanctionner l’ensemble des activités liées au trafic de stupéfiants, et non seulement le transport, la détention, l’offre ou la cession. En particulier, cette nouvelle rédaction devrait permettre de sanctionner aussi le recrutement des « guetteurs », chargés de donner l’alerte à l’approche des forces de l’ordre ou d’une bande rivale et, ainsi, de mieux protéger les mineurs impliqués dans ces réseaux et ces trafics.

  1.   Position de la Commission

La Commission a adopté l’amendement de précision CL527 du rapporteur M. Pauget (DR). Cet amendement substitue aux termes « se livrer à une activité ayant pour objet de faciliter le transport, la détention, l’offre ou la cession de stupéfiant », les termes « se rendre complice de tels actes ».

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Adopté par la Commission avec modifications

 

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article déroge aux règles de prononcé des peines applicables aux infractions commises en concours et liées à la criminalité organisée, prévoyant notamment que les peines se cumulent entre elles dans la limite d’un maximum légal fixé à trente ans de réclusion criminelle.

       Dernières modifications législatives intervenues

Néant.

       Position de la Commission

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur M. Pauget (DR).

 

  1.   L’état du droit

En cas de concours d’infractions ([122]), le code pénal prévoit des règles spécifiques pour le prononcé des peines de même nature ([123]) :

– au cours d’une même procédure, si la personne est reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, il ne peut être prononcé qu’une seule peine de même nature dans la limite du maximum légal le plus élevé ([124]). La peine prononcée est réputée commune aux infractions en concours ([125]) ;

– au cours de procédures séparées, si la personne est reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, les peines prononcées s’exécutent cumulativement dans la limite du maximum légal le plus élevé. Toutefois, la confusion totale ou partielle des peines de même nature peut être ordonnée et les peines confondues s’exécutent alors simultanément ([126]).

  1.   Le dispositif proposé par le Sénat

Le présent article est issu de l’adoption, en séance publique, suivant l’avis favorable de la Commission et de sagesse du Gouvernement, de l’amendement n° 112 rect. de M. Khalifé (LR). Celui-ci insère dans le code pénal un nouvel article 132-6-1 qui prévoit une dérogation aux peines maximales applicables en cas de concours d’infractions lorsque celles-ci relèvent de la criminalité organisée.

En l’état du droit, en cas de procédures séparées, les peines prononcées se cumulent entre elles dans la limite du maximum légal le plus élevé ([127]). Dénonçant un « effet d’aubaine » pour les narcotrafiquants qui « peuvent dans bien des cas poursuivre leur activité en détention provisoire sans craindre, de fait, d’aggravation de la peine qu’ils encourent », cet amendement propose de déroger à cette règle, afin de « renforcer la lutte contre la poursuite des trafics en prison » ([128]).

Le présent article prévoit ainsi qu’en cas d’infractions relevant de la criminalité organisée et commises en concours, les peines se cumulent entre elles dans la limite d’un maximum légal fixé à trente ans de réclusion criminelle. Il précise en outre que le maximum légal ne s’applique pas lorsque la réclusion criminelle à perpétuité, encourue pour l’une ou plusieurs de ces infractions en concours, a été prononcée. Enfin, il exclut la possibilité de confusion, sauf en cas de peine perpétuelle ([129]).

Il est en outre précisé que la dernière juridiction appelée à statuer sur l’une des infractions commises en concours peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas faire application du présent article.

  1.   Position de la Commission

La Commission a adopté l’amendement rédactionnel CL528 du rapporteur M. Pauget (DR).

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Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article répète, à l’article 222-37 du code pénal, qui sanctionne le transport, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi illicites de stupéfiants, que toute personne condamnée à ce titre encourt les peines complémentaires de suspension du permis de conduire et de confiscation du véhicule. Il modifie également le code de la route pour préciser que l’officier ou l’agent de police judiciaire procédant à l’immobilisation n’a pas à prendre en compte le lieu d’immatriculation du véhicule – que ce soit en France ou à l’étranger – et pour prendre en compte le critère de bonne foi pour la restitution d’un véhicule au tiers l’ayant loué à l’auteur de l’infraction.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article L. 325-1-2 du code de la route a été modifié par l’article 11 de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure afin de permettre aux officiers et agents de police judiciaire, en cas de refus d’obtempérer, de faire procéder à l’immobilisation et à la mise en fourrière du véhicule dont l’auteur s’est servi pour commettre l’infraction.

       Position de la Commission

Après avoir adopté deux amendements identiques visant à supprimer la première partie de l’article portant sur les peines complémentaires encourues, considérant ces dispositions comme redondantes avec le droit existant, la Commission a rejeté cet article.

  1.   L’état du droit
    1.   En matière de peines complémentaires applicables aux personnes condamnées au titre d’une infraction en lien avec le trafic de stupéfiants

L’article 222-44 prévoit que les personnes physiques coupables des infractions prévues aux articles 222-34 à 222-43-1 ([130]) encourent également les peines complémentaires suivantes :

– interdictions professionnelles ([131]) (1°) ;

– interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation (2°) ;

– suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire (3°) ;

– annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant cinq ans au plus (4°) ;

– confiscation d’un ou plusieurs véhicules appartenant au condamné (5°) ;

– confiscation d’une ou plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition (6°) ;

– confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit (7°) ;

– confiscation de l’animal ayant été utilisé pour commettre l’infraction (11°) ;

– interdiction, à titre définitif ou temporaire, de détenir un animal (12°).

En cas de condamnation pour l’une des infractions liées au trafic de stupéfiants commises avec une arme, le prononcé des peines complémentaire d’interdiction de port d’arme (2°) et de confiscation des armes (6°) est obligatoire ([132]).

  1.   En matière d’immobilisation et de mise en fourrière du véhicule

● L’article L. 325-1-1 du code de la route permet aux officiers ou agents de police judiciaire, avec l’autorisation préalable du procureur de la République, de procéder à l’immobilisation et à la mise en fourrière du véhicule lorsqu’ils constatent un délit ou une contravention de 5e classe prévu par le code de la route ou par le code pénal et pour lequel la peine de confiscation du véhicule est encourue.

Il fixe en outre les règles de restitution dudit véhicule selon la suite donnée à la procédure devant la juridiction saisie.

● L’article L. 325-1-2 du code de la route permet aux officiers ou agents de police judiciaire, avec l’autorisation préalable donnée par le préfet du département où l’infraction a été commise, de faire procéder à titre provisoire à l’immobilisation et à la mise en fourrière du véhicule ayant servi à commettre l’infraction, dans huit cas :

– constat d’une infraction pour laquelle une peine de confiscation obligatoire du véhicule est encourue ;

– conduite sans permis ;

– conduite en état d’ivresse manifeste ou sous l’empire d’un état alcoolique ;

– conduite après usage de stupéfiants ;

– refus de se soumettre aux opérations de dépistage d’une consommation d’alcool ou de stupéfiants ;

– dépassement de 50 km/h ou plus de la vitesse maximale autorisée ;

– dépôt non autorisé d’épave de véhicule ou d’ordures, déchets, déjections, matériaux, liquides insalubres ou de tout autre objet de quelque nature qu’il soit ;

– refus d’obtempérer.

  1.   Le dispositif proposé par le Sénat

Issu de l’adoption, en séance publique, de l’amendement n° 46 rect. septies de M. Rochette (LIRT), avec avis favorables de la Commission et du Gouvernement, le présent article procède à plusieurs modifications dans le code pénal et dans le code de la route afin de faciliter la saisie et la confiscation des véhicules utilisés par les narcotrafiquants.

● À l’article 222-37 du code pénal, qui sanctionne le transport, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi illicites de stupéfiants, le présent article précise que toute personne condamnée à ce titre, lorsque les infractions ont été constatées à bord d’un véhicule à moteur, encourt les peines complémentaires de suspension du permis de conduire, pour « une durée de trois ans ou plus », et de confiscation du véhicule.

Comme l’ont signalé les rapporteurs en séance publique, cette disposition est d’ores et déjà satisfaite par l’article 222-44 qui s’applique aux personnes physiques condamnées au titre de l’article 222-37. Celles-ci encourent déjà la suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire et la confiscation d’un ou plusieurs véhicules. La rédaction proposée risque même de restreindre le champ des peines complémentaires encourues, dans la mesure où elles ne s’appliqueraient que lorsque l’infraction a été constatée à bord d’un véhicule à moteur.

● Le présent article procède en outre à deux modifications au sein du code de la route :

– d’une part, il précise au premier alinéa de l’article 325-1-1 que les officiers ou agents de police judiciaire peuvent, dans les conditions prévues par cet article, faire procéder à l’immobilisation et à la mise en fourrière d’un véhicule qu’il soit « immatriculé en France ou à l’étranger » ;

– d’autre part, il propose une nouvelle rédaction du troisième alinéa du II de l’article 325-1-2 visant à prendre en compte le « critère de bonne foi pour la restitution d’un véhicule au tiers ayant loué ce véhicule à l’auteur de l’infraction ». Il semblerait toutefois que cette rédaction pose certaines difficultés rédactionnelles, en ce qu’elle écrase les règles relatives au délai de restitution et n’inscrit pas correctement le critère de bonne foi.

  1.   Position de la Commission

La Commission a adopté les deux amendements identiques CL529 du rapporteur M. Pauget (DR) et CL409 de M. Amirshahi (EcoS), supprimant ainsi le I de l’article 10 ter qui prévoyait une disposition déjà satisfaite par l’article 222-44 du code pénal. Elle a en outre adopté l’amendement rédactionnel CL519 du rapporteur M. Pauget (DR).

Elle a ensuite rejeté le présent article.

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*     *

À l’initiative du rapporteur M. Pauget ([133]), la division du chapitre II du titre IV de la présente proposition de loi a été supprimée. En effet, son intitulé « Lutte contre le narcotrafic dans les outre-mer » ne correspondait pas à son contenu.

Chapitre II

(Division supprimée)

Supprimé par la Commission

      Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 11 de la proposition de loi regroupe deux mesures dédiées à la lutte contre le trafic de stupéfiants par passeurs :

– D’une part, cet article prévoit une possibilité de prolongation exceptionnelle de la mesure de garde à vue concernant une personne dont il apparaît qu’elle a ingéré des produits stupéfiants aux fins d’assurer leur transport. La prolongation de la mesure est destinée à permettre, dans le temps de la garde à vue, de recueillir les éléments de preuve, s’agissant des produits ingérés.

La durée totale de la mesure de garde à vue pour des faits liés à un trafic de produits stupéfiants par passeur est ainsi portée à 144 heures.

– D’autre part, l’article 11 instaure deux nouvelles peines complémentaires destinées à éviter la réitération des faits d’importation de produits stupéfiants par la personne condamnée :

● une peine d’interdiction de vol,

● et une peine d’interdiction de paraître au sein d’un aéroport.

Ces peines complémentaires peuvent être prononcées par la juridiction de jugement pour une durée maximum de trois ans.

     Dernières modifications législatives intervenues

– L’article 29 de la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces a modifié l’article 706-88 du code de procédure pénale, relatif à la prolongation exceptionnelle de garde à vue à 96 heures, pour exclure l’application de ces dispositions aux délits douaniers prévus à l’article 414 du code des douanes.

L’article 706-88-1 du code de procédure pénale, relatif à la garde à vue exceptionnelle de 144 heures pour les actes terroristes en cas de risque sérieux de l’imminence d’une action terroriste, n’a, quant à lui, pas été modifié depuis son introduction par l’article 16 de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue.

– L’article 131-6 du code pénal, dont le 12° prévoit la possibilité pour la juridiction de prononcer une peine d’interdiction de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux déterminés, a été dernièrement modifié par l’article 16 de la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique. Cette modification visait cependant à prévoir une nouvelle peine d’interdiction d’utiliser des comptes d’accès à des services de plateforme en ligne (12° bis)

L’article 16 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a, quant à lui, modifié cet article pour prévoir notamment la possibilité de prononcer la peine d’interdiction de paraître de manière complémentaire à la peine d’emprisonnement encourue en matière correctionnelle.

      Modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a réécrit les dispositions relatives à la nouvelle prolongation de la mesure de garde à vue pour les passeurs de produits stupéfiants pour mieux encadrer les conditions de recours à cette procédure. Elle a également limité la durée maximum de la garde à vue à 120 heures.

Par ailleurs, elle a précisé les conditions d’application des peines complémentaires d’interdiction de vol et d’interdiction de paraître dans certains aéroports.

En séance publique, le Sénat a modifié le champ d’application de ces nouvelles peines complémentaires, notamment pour en étendre la portée au transport maritime.

Par ailleurs, la sanction en cas de manquement aux interdictions prononcées en application de ces peines complémentaires, a été précisée : il s’agit d’un délit puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

 

     Position de la Commission

La Commission a supprimé l’article 11.

  1.   L’État du droit
    1.   Le transport de produits stupÉfiants par des passeurs

L’importation de produits stupéfiants des pays producteurs vers les pays consommateurs européens peut être réalisée, sur le vecteur aérien, par l’intermédiaire de « passeurs ». Ces passagers, qui sont parfois désignés sous le terme de « mules », empruntent des vols commerciaux et sont chargés de transporter des produits stupéfiants qu’ils dissimulent soit dans des bagages, soit sur leur corps (ce mode de transport est dit « extra corpore »), ou bien qu’ils ingèrent (transport « in corpore »).

Comme l’a mis en lumière le récent rapport de la mission d’information de votre commission des Lois ([134]), le recours aux « mules » touche en particulier l’importation de la cocaïne, notamment au départ de la Guyane pour assurer son acheminement jusque dans l’Hexagone.

Ainsi, depuis l’aéroport de Cayenne, il y aurait parfois plusieurs dizaines de « mules » par vol et la quantité de produits stupéfiants transitant chaque année sur des vols commerciaux entre Cayenne et Paris serait de l’ordre de 4 à 6 tonnes ([135]).

Pour être assurés de rentabiliser le passage des « mules », les trafiquants adoptent une stratégie de saturation des capacités de contrôle des services au sein des aéroports. Cette stratégie consiste à convaincre un grand nombre de passeurs d’embarquer simultanément dans le même vol afin que, parmi le flux de ces passagers, certains échappent aux mesures de détection.

Pour lutter contre cette importation de produits stupéfiants, et en particulier de cocaïne, par le biais des passeurs, plusieurs mesures ont été prises en Guyane afin de renforcer les dispositifs de contrôle ([136]) :

– À l’aéroport de Cayenne, outre le renforcement de la couverture vidéo de la plateforme aéroportuaire, des parkings et de l’aire de dépose, des scanners corporels à ondes millimétriques ont été installés en juin 2020 : ces scanners permettent de détecter les personnes transportant de la cocaïne « extra corpore ».

– Par ailleurs, un dispositif dit « 100 % contrôle » a été mis en place au sein de cet aéroport dès la fin de l’année 2022. Ce dispositif vise à renforcer les mesures de filtrage pour améliorer la détection des « mules » et limiter le transport de produits stupéfiants par ces passeurs.

Le dispositif « 100 % contrôle » mis en œuvre à l’aéroport de Cayenne

Pour contrer le flux des « mules » envoyées par les organisations criminelles en Hexagone depuis les vols commerciaux de Cayenne, des opérations de contrôle dites 100 % ont été mises en place depuis le 31 octobre 2022 à l’aéroport Félix Éboué de Cayenne.

Ces opérations visent à systématiser et renforcer le contrôle de l’ensemble des passagers qui empruntent un vol au départ de l’aéroport de Cayenne à destination de l’Hexagone.

Elles se structurent autour de plusieurs étapes de filtrage :

– À l’arrivée à l’aéroport un premier système de filtrage est mis en œuvre par les services de la police aux frontières, de la police et des douanes.

Après la vérification de l’identité du passager et de son billet, les services de contrôle recherchent des « signaux faibles » permettant de suspecter un transport illicite de produits stupéfiants, sur la base de critères dits objectifs. Ces critères tiennent par exemple à la date à laquelle le billet a été acheté, au moyen de paiement utilisé, aux vêtements portés par le passager, au nombre de bagages, ou encore à la fréquence des voyages effectués.

Si aucun soupçon n’est matérialisé, l’entrée du passager est validée, cette validation étant signalisée informatiquement en vert. En revanche, le nom des passagers d’ores et déjà soupçonnés est surligné en orange.

– Si le passager est soupçonné à cette étape, il est soumis à une deuxième vérification plus poussée. Celle-ci consiste en une palpation de sécurité, effectuée dans un cadre de police administrative, notamment destinée à détecter un transport « extra corpore » de produits stupéfiants. La personne est libre de refuser le contrôle mais dans ce cas elle est empêchée de prendre le vol.

– À la suite de la palpation de sécurité, le passager est soumis à une troisième mesure de vérification qui a lieu à l’extérieur de l’aéroport dans des algécos aménagés à cet effet.

Elle est interrogée plus précisément sur les motifs de son voyage et les conditions de son accueil en Hexagone. Les questions susceptibles d’être posées ont notamment trait à l’identité de la personne ayant acheté le billet, à ses capacités financières ou encore à sa situation professionnelle. Les agents de contrôle sont à la recherche de toute incohérence dans le discours ou de signes de fébrilité évocateurs d’une complicité dans le trafic de stupéfiants. Le passager est également soumis, avec son consentement, à un test urinaire visant à détecter des traces de produits stupéfiants. 40 à 45 personnes sont ainsi entendues chaque jour.

S’ajoutent à ces différentes vérifications, un contrôle systématique, par les services des douanes, des bagages de l’ensemble des passagers. Les bagages sont passés aux rayons X dès le départ et des contrôles approfondis sont menés avec des fouilles des bagages. Un chien détecteur de produits stupéfiants contrôle également chaque bagage envoyé en soute.

Si un passager est soupçonné de transporter des produits stupéfiants, un arrêté préfectoral d’interdiction de vol pour une durée de cinq jours est délivré à son encontre. Depuis la mise en place de ces opérations de contrôle, plus de 14 900 arrêtés d’interdiction de vol ont ainsi été adoptés par le préfet.

Entre le 31 octobre 2022 et le 31 octobre 2024, ces opérations ont permis d’interpeller 1 391 passeurs (dont 802 passeurs « in corpore »).

Par ailleurs, ces opérations ont fait grimper le nombre de « no show » sur chaque vol. Il s’agit de passagers ayant acheté leurs billets mais ne se présentant pas à l’embarquement. Sur la période de référence, on dénombre ainsi plus de 19 500 « no show ». Selon la préfecture, il peut se déduire de cette augmentation que davantage de « mules » ont été dissuadées d’embarquer en raison de l’adoption de ces mesures de contrôle renforcées.

Le succès de ces opérations peut également se mesurer à l’importante diminution du nombre de « mules » arrêtées à leur arrivée en Hexagone. Ainsi, alors qu’en 2022 il était dénombré environ 289 « mules » en provenance de Guyane, seules 48 « mules » ont été interpellées en 2024. Avant la mise en œuvre du dispositif « 100 % contrôle », on estimait qu’il y avait entre 40 à 50 « mules » par avion en provenance de Cayenne.

Source : Rapport d’information visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants déposé par la commission des Lois de l’Assemblée nationale et présenté par MM. Antoine Léaument et Ludovic Mendes, 17 février 2025, pp. 83-84.

  1.   La mesure de garde À vue

La prise en charge des « mules in corpore » soulève des difficultés particulières, notamment parce qu’elle engage l’intervention de plusieurs acteurs, dont l’action doit être coordonnée : les services médicaux, les forces de l’ordre et les services judiciaires.

L’ingestion de cocaïne ([137]) conditionnée sous forme de boulettes, appelées « ovules », comporte d’importants risques pour la santé voire pour la vie du passeur. C’est la raison pour laquelle lorsqu’un passager est soupçonné de transporter « in corpore » des ovules de cocaïne, il doit être conduit dans un service hospitalier pour être pris en charge au sein d’une unité médico légale (UML). Les UML de Cayenne (lorsque les mules sont interpellées au départ) et de l’Hôtel-Dieu à Paris (en cas d’interpellation à l’arrivée du vol) sont notamment concernées par l’hospitalisation de ces passeurs « in corpore ».

Le protocole de prise en charge d’une « mule in corpore » implique tout d’abord la réalisation d’une radiographie ou d’un scanner pour confirmer la présence d’ovules ingérés. Le passeur est ensuite hospitalisé aux urgences s’il existe un risque de complication ou immédiatement transféré en chambre sécurisée. Ces chambres sont équipées de sanitaires dédiés sécurisés permettant la récupération des ovules de cocaïne, un dispositif assurant leur tri et leur nettoyage.

L’hospitalisation de la personne en chambre sécurisée peut se prolonger jusqu’à l’expulsion de tous les ovules de cocaïne. Or, la durée de la mesure de garde à vue ne suffit pas toujours pour couvrir tout le temps de la prise en charge médicale, notamment lorsque le passeur a encore dans son corps une partie des ovules de cocaïne ingérés.

La garde à vue est une mesure privative de liberté consistant dans le maintien d’une personne à la disposition de l’officier de police judiciaire (OPJ) pour les nécessités d’une enquête ([138]).

Le placement et le maintien en garde à vue doivent répondre à l’un des objectifs fixés par l’article 62-2 du code de procédure pénale (CPP) ([139]).

Les conditions du placement en garde à vue des personnes majeures

Seuls les suspects peuvent être placés en garde à vue et uniquement pour des crimes ou des délits punis d’une peine d’emprisonnement.

Les suspects sont définis par le code pénal comme étant des personnes à l’encontre desquelles « il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement. » ([140])

Par ailleurs, la mesure de garde à vue répond à certaines finalités identifiées par la loi. Elle doit constituer l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des six objectifs mentionnés à l’article 62-2 du code de procédure pénale :

1° Permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;

2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l’enquête ;

3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;

4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ;

5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices ;

6° Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit.

Si le placement en garde à vue pour une durée initiale de 24 heures relève du pouvoir propre de l’OPJ ([141]), la décision de prolonger cette mesure relève quant à elle du seul pouvoir du procureur de la République ou du juge d’instruction ([142]).

La durée et le séquençage de la mesure de garde à vue varient en fonction du régime de la mesure :

– Dans le régime de droit commun, applicable aux crimes et aux délits punis d’une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à un an, il est possible pour le procureur de la République ou le juge d’instruction de prolonger la mesure pour une nouvelle durée de 24 heures. La durée totale de la mesure est donc de 48 heures.

 Dans le régime exceptionnel, applicable pour les infractions de criminalité organisée mentionnées à l’article 706-73 du CPP ([143]), la mesure de garde à vue peut, à titre exceptionnel, faire l’objet de deux prolongations supplémentaires de 24 heures chacune ou d’une seule d’une durée de 48 heures ([144]). La durée totale de la mesure peut ainsi atteindre 96 heures.

 Dans le régime dérogatoire en matière de terrorisme ([145]), le juge des libertés et de la détention (JLD) peut, à titre exceptionnel, prolonger de nouveau la mesure de garde à vue pour deux nouvelles périodes de 24 heures. La durée maximum de la mesure est donc de 144 heures (six jours).

Par ailleurs, en fonction du régime de la mesure de garde à vue, il est possible pour l’autorité judiciaire d’ordonner le report de l’intervention de l’avocat en garde à vue.

Dans le régime de droit commun, ce report peut être décidé, sous certaines conditions, pour un maximum de 24 heures ([146]). Dans les régimes dérogatoires, en matière de criminalité organisée ([147]), il peut atteindre 48 heures ou 72 heures lorsque l’enquête porte sur certaines infractions, notamment de trafic de stupéfiants ou de terrorisme ([148]).

 

 

 

 

 

durÉe de la garde À vue et du report de l’assistance de l’avocat en fonction des rÉgimes

 

Prolongations

Report de l’assistance de l’avocat

Durée

+ 24 h

(durée maximum 48 h)

+ 24 h + 24 h

ou + 48 h

(durée maximum 96 h)

+ 24 h + 24 h

(durée maximum 144 h)

12 h + 12 h

(jusqu’à 24 h)

+ 24 h + 24 h

(jusqu’à 48 h)

+ 24 h

(jusqu’à 72 h)

Régime de droit commun

(crimes et délits punis d’une peine d’emprisonnement)

- prolongation par le PR ou le JI

 

- uniquement pour les crimes et les délits punis d’une peine égale ou supérieure à un an d’emprisonnement

Non

Non

- pour la consultation des pièces de la procédure et/ou l’assistance pendant les actes

 

- report initial pour 12 h décidé par le PR ou le JI

 

- prolongation de 12 h décidée par le JLD uniquement pour les enquêtes portant sur un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans

Non

Non

Régime dérogatoire en matière de criminalité organisée (infractions prévues à l’article 706-73 du CPP)

- par le JLD ou le JI

 

- à titre exceptionnel

Non

Non

- pour l’entretien confidentiel au début de la mesure et/ou la consultation des pièces de la procédure et/ou l’assistance pendant les actes

 

- report initial pour 24 h décidé par le PR ou le JI

 

- prolongation de 24 h décidée par le JLD ou le JI

- prolongation supplémentaire de 24 h décidée par le JLD ou le JI uniquement pour les faits de trafic de stupéfiants

Régime en matière de terrorisme

(article 706-88-1 du CPP)

- par le JLD

 

- à titre exceptionnel

Non

- prolongation supplémentaire de 24 h décidée par le JLD ou le JI

 

 

 

 

 

 

 

Source : commission des Lois.

En tout état de cause, le maintien de la mesure de garde à vue n’est possible que sous réserve d’un contrôle préalable de sa nécessité et de sa proportionnalité, d’autant plus strict que la durée de la privation de liberté est longue. En particulier, la prolongation de la mesure de garde à vue doit être nécessaire à l’enquête et proportionnée à la gravité des faits ([149]).

Le contrôle de la nécessité « implique […] qu’une fois le rassemblement des preuves nécessaires à la manifestation de la vérité réalisé, la garde à vue doit prendre fin, voire même avant que cette collecte ne soit achevée si les actes d’enquête peuvent être réalisés alors même que la personne est libérée ([150]) ». Quant au contrôle de la proportionnalité de la mesure, il justifie la mise en balance de l’atteinte à la liberté de la personne au regard des objectifs poursuivis.

Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les différents régimes de garde à vue.

Il a notamment jugé que les dispositions relatives à la garde à vue de 96 heures en matière de criminalité organisée ([151]) ne portent pas une atteinte excessive à la liberté individuelle dès lors que le champ d’application de ce régime est limité aux « enquêtes portant sur des infractions déterminées appelant, en raison de leur gravité et de leur complexité, des investigations particulières ». Il a également relevé que cette prolongation exceptionnelle de la durée de la mesure de garde à vue, qui demeure placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire, était entourée de garanties particulières parmi lesquelles la décision écrite et motivée d’un magistrat du siège, auquel l’intéressé doit être présenté, la surveillance médicale de la personne gardée à vue ainsi que l’appréciation au cas par cas, faisant l’objet d’une décision écrite et motivée, de la durée prévisible des investigations restant à réaliser, qui peut justifier que la garde à vue d’une personne fasse l’objet d’une seule prolongation supplémentaire de 48 heures ([152]).

Le Conseil a également jugé conformes à la Constitution les dispositions permettant de porter la durée totale de la garde à vue à 144 heures en matière de terrorisme ([153]), qui ne contreviennent pas au principe de rigueur nécessaire. Il a en effet relevé que cette mesure ne peut être mise en œuvre « qu’à titre exceptionnel pour protéger la sécurité des personnes et des biens contre une menace terroriste imminente et précisément identifiée » en insistant sur le caractère restrictif des critères permettant d’y recourir. Les conditions qui encadrent le recours à ce régime dérogatoire constituent donc l’une des garanties de la constitutionnalité de ce dispositif puisqu’elles assurent que celui-ci ne peut être mis en œuvre que de manière exceptionnelle. Le Conseil a également souligné que cette mesure ne peut être décidée que par le JLD « à qui il appartient de vérifier que les circonstances précises fixées par ces dispositions sont réunies » ([154]).

Il peut se déduire de cette jurisprudence constitutionnelle que les régimes dérogatoires permettant d’augmenter la durée de la garde à vue sont conformes à la Constitution pour autant qu’ils garantissent un contrôle effectif de l’autorité judiciaire sur la mesure et que leurs conditions d’application soient suffisamment restrictives pour en limiter l’application aux cas exceptionnels déterminés par la loi et répondant aux nécessités des enquêtes portant sur des infractions déterminées appelant, en raison de leur gravité et de leur complexité, des investigations particulières.

  1.   Les interdictions de vol et de paraÎtre
    1.   Les peines d’interdiction de paraître déjà prévues en droit pénal

Il existe déjà dans le droit en vigueur plusieurs dispositifs visant à interdire une personne de paraître en certains lieux, notamment ceux qui sont présentés ci-dessous.

– À titre d’alternative aux poursuites, le 7° de l’article 41-1 du CPP prévoit la possibilité pour le procureur de la République de demander à l’auteur des faits de ne pas paraître dans un ou plusieurs lieux déterminés dans lesquels l’infraction a été commise ou dans lesquels réside la victime. Cette mesure peut être ordonnée pour une durée maximum de six mois.

– Dans le cadre d’une mesure de contrôle judiciaire, il est également possible d’astreindre la personne à ne pas se rendre dans certains lieux déterminés par le juge d’instruction ou le JLD ([155]).

– Lorsqu’une peine d’emprisonnement est assortie d’un sursis probatoire, la juridiction de condamnation ou le juge de l’application des peines peut imposer à la personne condamnée le respect de plusieurs obligations et notamment de s’abstenir de paraître en tout lieu, toute catégorie de lieux ou toute zone spécialement désignés ([156]) ;

– Enfin, à titre de peine, la juridiction peut prononcer une peine complémentaire d’interdiction de séjour et des peines d’interdiction de paraître.

● La peine complémentaire d’interdiction de séjour ([157]) est encourue pour certaines infractions énumérées par le code pénal (CP), et notamment pour les faits de trafic de stupéfiants ([158]).

Elle emporte défense de paraître dans certains lieux déterminés par la juridiction et ne peut être prononcée pour une durée supérieure à dix ans en cas de condamnation pour un crime ou à cinq ans lorsque la condamnation porte sur un délit.

Cette peine permet à la juridiction d’interdire l’accès de la personne condamnée à certains lieux. Il est laissé toute latitude à la juridiction de déterminer la liste des lieux concernés. Toutefois, pour respecter le principe de proportionnalité, cette liste est établie soit au regard des circonstances particulières de l’infraction, dans ce cas l’interdiction portera sur l’accès aux endroits au sein desquels les faits ont été commis, soit pour prévenir la réitération des faits, auquel cas les particularités propres aux lieux concernés seront prises en considération, par exemple car ils présentent un risque élevé de récidive de l’infraction commise ([159]).

La liste des lieux interdits peut être modifiée par le juge de l’application des peines dans les conditions prévues à l’article 762-4 du CPP.

La peine peut être assortie de mesures de surveillance, qui sont prévues à l’article 762-1. Elles peuvent consister en l’obligation de se présenter à des services de police ou de gendarmerie, d’informer le juge de l’application des peines de tout déplacement au-delà des limites fixées par la juridiction, et de répondre aux convocations de toute autorité spécialement désignée.

Le non-respect par la personne condamnée de son interdiction de paraître dans les lieux interdits ou des obligations fixées au titre des mesures de surveillance constitue une infraction prévue à l’article 434-38 du CP : ces faits sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

● La peine restrictive de liberté d’interdiction de paraître, prévue au 12° de l’article 131-6 du même code, est, quant à elle, encourue pour tous les délits punis d’une peine d’emprisonnement.

La juridiction peut ainsi prononcer une peine d’interdiction de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux déterminés par elle, dans lesquels l’infraction a été commise, et ce pour une durée maximum de trois ans.

Cette peine d’interdiction de paraître peut être prononcée de manière alternative, à la place de l’emprisonnement, ou, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 30 juillet 2020 ([160]), de façon cumulative, en même temps que la peine d’emprisonnement.

Le non-respect de l’interdiction de paraître constitue un délit, prévu à l’article 434-41 du CP, puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. La juridiction peut également, lors du prononcé de la peine, fixer la durée maximum de l’emprisonnement ou de l’amende encourue en cas de manquement à l’interdiction de paraître ([161]).

Dans la pratique, ces interdictions de paraître peuvent concerner certains lieux déterminés, à l’instar de la commune de résidence d’une victime ([162]), ou couvrir de nombreux lieux, notamment quand elles concernent plusieurs départements ([163]) .

● En outre, des peines d’interdiction spécifiques de paraître dans certains lieux sont également prévues. Il s’agit notamment des peines suivantes :

– la peine d’interdiction de pénétrer ou de se rendre aux abords d’une enceinte où se déroule une manifestation sportive, pour une durée ne pouvant excéder cinq ans, prévue à l’article L. 332-11 du code du sport ;

– la peine d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, dans des lieux fixés par la juridiction, pour une durée ne pouvant excéder trois ans, prévue à l’article L. 211-3 du code de la sécurité intérieure.

La Cour de cassation veille au respect de la proportionnalité de la peine d’interdiction de paraître prononcée par les juridictions et rappelle notamment qu’il leur appartient de rechercher si l’atteinte portée au droit au respect du domicile et de la vie privée et familiale par le prononcé d’une telle interdiction est bien proportionnée au regard de la situation de la personne condamnée ([164]).

De son côté, si le Conseil constitutionnel ne s’est pas, semble-t-il, prononcé spécifiquement sur les peines d’interdiction de paraître, il a déjà admis la possibilité pour l’autorité administrative d’interdire une personne de paraître dans certains lieux ([165]) en considérant notamment qu’une telle interdiction ne pouvait être prononcée qu’en tenant compte de la vie familiale et professionnelle de la personne ([166]).

En application des dispositions susmentionnées, rien ne semble donc interdire à la juridiction, en l’état du droit en vigueur, lorsqu’elle prononce une peine complémentaire d’interdiction de séjour ou d’interdiction de paraître, d’empêcher la personne condamnée de se rendre dans un aéroport si l’infraction de trafic de stupéfiants y a été commise, comme cela est notamment le cas pour les passeurs.

  1.   L’interdiction de vol

Le code pénal ne prévoit pas le prononcé d’une peine d’interdiction de vol.

Il existe néanmoins dans le code des transports une mesure similaire, permettant à l’autorité administrative de prononcer une interdiction d’embarquer à bord d’un aéronef.

L’article L. 6432-9 de ce code, issu de l’ordonnance du 1er juin 2022 ([167]), s’applique aux passagers ayant commis des manquements parmi ceux mentionnés à l’article L. 6432-4 ([168]), dont le comportement est susceptible de porter atteinte à la sécurité des personnels navigants, des autres passagers, de l’aéronef ou des biens à bord ou de constituer un danger grave pour la sécurité du vol.

L’autorité administrative peut alors prononcer à son égard une interdiction d’embarquement à bord d’un aéronef exploité par un transporteur aérien titulaire d’une licence d’exploitation délivrée par la France.

Ce dispositif d’interdiction administrative de vol ne couvre cependant pas spécifiquement les passeurs de produits stupéfiants.

Il convient de rappeler que ce n’est pas la première fois que l’Assemblée nationale débat de la création d’une peine complémentaire d’interdiction de l’accès à certains transports en commun.

– L’article 104 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités prévoyait déjà une peine d’interdiction de paraître dans un ou plusieurs réseaux de transport public ([169]). Ces dispositions ont toutefois été censurées par le Conseil constitutionnel car elles ne présentaient pas de lien avec le texte initialement déposé ([170]).

– Ces dispositions figuraient également dans la version initiale du projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée. Elles ont cependant été supprimées lors de l’examen de ce texte en première lecture en séance publique à l’Assemblée nationale ([171]).

– Des dispositions similaires figurent au sein de l’article 13 de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports ([172]), adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 11 février 2025 ([173]).

Le champ d’application de ces dispositions prévoyant une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans des transports communs ne couvre cependant pas les infractions de trafic de stupéfiants. Il n’est par ailleurs pas limité aux seuls transports aériens de voyageurs.

  1.   Le dispositif introduit par la proposition de loi

En premier lieu, le présent article 11 rétablit un article 706-88-2 au sein du CPP, et prévoit la possibilité de prolonger une mesure de garde à vue relative à une infraction de trafic de stupéfiants ([174]) commise par un passeur « in corpore » jusqu’à une durée de 144 heures.

Cette mesure ne s’applique qu’aux personnes pour lesquelles :

– un « examen médical a fait apparaître qu’elles ont ingéré une substance stupéfiante afin de la transporter » ;

– et lorsqu’un « nouvel examen médical fait apparaître qu’à l’issue [de la durée de 96 heures de la garde à vue prolongée dans les conditions de l’article 706-88 du CPP], la totalité de ladite substance n’a pas été expulsée ».

La prolongation n’est possible que sous les deux conditions cumulatives suivantes :

– lorsque les nécessités de l’enquête l’exigent

– et lorsque cette situation constitue un danger imminent pour la personne.

La prolongation de la mesure est alors ordonnée par le JLD par une ordonnance motivée pour une durée de 24 heures, renouvelable pour la même durée « jusqu’à l’expulsion de la totalité de la substance ingérée ».

En second lieu, il est inséré un nouvel article 222-44-2 au sein du CP pour créer deux nouvelles peines complémentaires applicables aux infractions de trafic de stupéfiants ([175]) :

● une peine complémentaire d’interdiction de prendre place dans tout aéronef réalisant un vol commercial au départ et à destination d’aéroports dont la liste est déterminée par la juridiction, pouvant être prononcée pour une durée maximum de trois ans ;

● une peine complémentaire de paraître dans des aéroports dont la liste est déterminée par la juridiction, pour une durée maximum de trois ans.

  1.   Les modifications apportÉes par le SÉnat
    1.   Les modifications introduites en commission

La commission des Lois du Sénat a adopté deux amendements des rapporteurs modifiant l’article 11.

– D’une part, elle a réécrit les dispositions relatives à la nouvelle prolongation de la mesure de garde à vue pour les passeurs « in corpore » ([176]). Cette réécriture aboutit à modifier le régime de cette prolongation en :

● supprimant les conditions tenant à la prise en compte des nécessités de l’enquête et résultant de la mise en danger de la personne ;

● précisant que cette possibilité est exceptionnelle ;

● imposant un examen médical établissant la présence ou l’absence de substances stupéfiantes dans le corps de la personne et se prononçant sur l’aptitude au maintien de la mesure ;

● limitant la durée maximum de la garde à vue à 120 heures en prévoyant qu’une seule prolongation d’une durée de 24 heures peut être ordonnée dans le cadre de ce régime ;

● rappelant les droits dont la personne placée en garde à vue bénéficie : la possibilité de s’entretenir avec un avocat, le droit de demander un nouvel examen médical, la possibilité de réitérer une demande tendant à faire prévenir, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou un membre de sa famille.

– D’autre part, la commission a précisé que les peines complémentaires d’interdiction de vol et d’interdiction de paraître dans certains aéroports étaient prononcées « eu égard aux risques de récidive ou de réitération de l’infraction commise » ([177]).

Il ne s’agit cependant pas d’une exigence nouvelle mais d’un rappel de l’application du principe général d’individualisation et de motivation des peines ([178]).

  1.   Les modifications introduites en sÉance publique

Lors de l’examen de l’article 11 en séance publique au Sénat, le champ d’application des nouvelles peines complémentaires d’interdiction de vol et d’interdiction de paraître dans certains aéroports a été modifié.

● D’abord, il a été prévu que ces peines seraient exclusivement encourues lorsque l’infraction a été commise dans un aéronef réalisant un vol commercial, s’agissant de l’interdiction de vol, ou lorsqu’elle a été commise dans un aéroport, pour l’interdiction de paraître. La précision, surabondante, relative à la motivation de ces peines complémentaires au regard du risque de récidive ou de réitération a été supprimée. Il a également été précisé que le juge de l’application des peines pouvait modifier ces peines complémentaires ([179]).

● Ensuite, la portée de ces peines complémentaires a été étendue au transport maritime. L’interdiction peut désormais concerner soit l’embarquement au départ et à destination de certains ports dont la liste est déterminée par la juridiction, soit l’accès à certains ports ([180]).

Par ailleurs, la sanction en cas de manquement aux interdictions prononcées en application de ces peines complémentaires a été précisée. Le non-respect de ces interdictions est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ([181]).

  1.   LA POSITION DE LA COMMISSION

En adoptant les amendements de suppression CL65 de M. Bernalicis (LFI), CL262 de Mme K/Bidi (GDR) et CL488 de M. Amirshahi (ÉcoS), la commission des Lois a supprimé l’article 11.

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Introduit par la Commission

      Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 11 bis, introduit lors de l’examen de la proposition de loi par la commission des Lois de l’Assemblée nationale par l’adoption d’un amendement CL162 de M. Blanchet (Dem), crée une nouvelle cause d’aggravation des peines encourues lorsque les faits de trafic de stupéfiants ont été commis en ayant recours à des personnes vulnérables.

Par l’effet de cette circonstance aggravante, les peines sont portées à quinze ans de réclusion criminelle et à 10 000 000 d’euros d’amende.

  1.   L’État du droit

Les faits liés au trafic de stupéfiants sont appréhendés par le code pénal au travers de plusieurs infractions :

– La direction ou l’organisation d’un groupement ayant pour objet le trafic de stupéfiants prévues par l’article 222-34 du code pénal (CP) sont punies de la réclusion criminelle à perpétuité et de 7 500 000 euros d’amende.

– La production ou la fabrication illicites de stupéfiants prévues par l’article 222-35 du CP sont punies de vingt ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 euros d’amende. Lorsque les faits sont commis en bande organisée, les peines sont portées à trente ans de réclusion criminelle et à 7 500 000 euros d’amende.

– L’importation ou l’exportation illicites de stupéfiants prévues par l’article 222-36 du CP sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 7 500 000 euros d’amende. Lorsque les faits sont commis en bande organisée, les peines sont portées à trente ans de réclusion criminelle et à 7 500 000 euros d’amende.

– Le transport, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi illicites de stupéfiants prévus par l’article 222-37 du CP sont punis de dix ans d’emprisonnement et de 7 500 000 euros d’amende.

– La cession ou l’offre illicites de stupéfiants pour la consommation personnelle de l’acquéreur prévues par l’article 222-39 du code pénal sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende si l’offre ou la cession ont été faites à des mineurs ou dans ou aux abords d’un établissement scolaire.

La provocation au trafic de stupéfiants fait l’objet d’une répression distincte au travers des deux infractions suivantes :

– La provocation directe d’un mineur à transporter, détenir, offrir ou céder des stupéfiants est punie de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende par l’article 227-18-1 du CP. Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 300 000 euros d’amende si le mineur a moins de quinze ans ou que l’infraction est commise dans ou à l’abord d’un établissement scolaire.

– La provocation à l’usage ou au trafic de stupéfiants prévue par l’article L. 3421-4 du code de la santé publique est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Ces peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende si la provocation est directe et que les faits sont commis dans ou aux abords d’un établissement scolaire. Le fait de présenter l’usage ou le trafic de stupéfiants sous un jour favorable est puni des mêmes peines.

  1.   Le dispositif introduit par la commission des Lois

Pour compléter l’arsenal répressif en matière de trafic de stupéfiants, la commission des Lois, par l’adoption d’un amendement CL162 de M. Blanchet (Dem), a créé un nouvel article 222-37-1 au sein du code pénal qui prévoit une circonstance aggravante lorsque les faits de trafic de stupéfiants sont commis « en ayant recours à des personnes vulnérables, contraintes ou abusées dans leur intégrité physique ou psychologique », pour porter le quantum des peines à quinze ans de réclusion criminelle et à 10 000 000 euros d’amende.

Cette circonstance aggravante s’applique aux deux infractions suivantes :

– l’importation ou l’exportation illicite de stupéfiants, prévue à l’article 222-36 du CP ;

– les transport, détention, offre, cession, acquisition ou emploi illicites de stupéfiants, infraction prévue à l’article 222-37 du CP.

Cette cause d’aggravation permet de mieux prendre en compte la situation de vulnérabilité de certains passeurs, dont les réseaux de trafiquants profitent pour les faire participer au trafic de stupéfiants.

Elle s’appliquera dès lors que des contraintes, physiques ou psychiques, ont été exercées sur ces personnes, ce qui permet d’appréhender tous types de comportements adoptés pour faire pression sur ces passeurs lorsqu’ils présentent une vulnérabilité particulière.

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Chapitre III
Lutte contre le trafic en ligne

Adopté par la Commission avec modifications

      Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 12 de la présente proposition de loi comporte plusieurs mesures pour mieux lutter contre la diffusion en ligne de contenus relatifs au trafic de stupéfiants.

En premier lieu, il prévoit une possibilité de retrait et de blocage des contenus publiés sur Internet lorsqu’ils sont en lien avec des faits de trafic de stupéfiants.

Il modifie ainsi l’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (dite « LCEN ») pour permettre à l’autorité administrative de demander le retrait de ces contenus aux éditeurs ou aux hébergeurs d’un service de communication au public en ligne.

En l’absence de retrait dans un délai de 24 heures, l’autorité administrative peut adresser aux fournisseurs de service d’accès à internet une injonction aux fins de blocage de l’accès aux adresses électroniques sur lesquelles ces contenus illicites sont diffusés.

En second lieu, cet article aggrave les peines encourues pour le délit d’administration illégale d’une plateforme en ligne pour permettre la cession de produits illicites, prévu à l’article 323-3-2 du code pénal (CP).

Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende (contre cinq ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende) et le montant de l’amende a été augmenté à 1 000 000 d’euros d’amende (au lieu de 500 000 euros) lorsque les faits ont été commis en bande organisée.

     Dernières modifications législatives intervenues

● L’article 4 de la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique a notamment instauré une nouvelle procédure de retrait et de blocage des contenus à caractère pédopornographique diffusés en ligne, aux articles 6-2, 6-2-1 et 6-2-2 de la LCEN.

● L’article 62 de la même loi a modifié l’article 323-3-2 du CP, prévoyant le délit d’administration illégale d’une plateforme en ligne pour permettre la cession de produits illicites, afin de réprimer à ce titre les personnes dont l’activité consiste à fournir un service de plateforme en ligne, et non plus les opérateurs de plateforme en ligne ([182]). Cette modification de coordination visait à adapter cette terminologie aux nouvelles catégories d’opérateurs retenues par la LCEN.

      Modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a renforcé le nouveau dispositif de retrait et de blocage des contenus en lien avec le trafic des stupéfiants diffusés en ligne en alignant le régime de cette procédure administrative avec celui applicable en matière de retrait et de blocage des contenus à caractère terroriste ou pédopornographique.

Elle a notamment prévu une sanction pénale, d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende, à l’encontre du service d’hébergement en cas de manquement à l’obligation de retrait en 24 heures des contenus en lien avec le trafic de stupéfiants.

En séance publique, les sénateurs ont étendu le champ d’application du nouveau dispositif de retrait et de blocage des contenus en lien avec le trafic de stupéfiants à de nouvelles infractions.

Ils ont également corrigé une malfaçon légistique relative au dispositif expérimental de retrait des contenus d’actes de torture et de barbarie introduit par la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique.

     Position de la Commission

La Commission a réécrit les dispositions de l’article 12 pour rétablir l’écriture adoptée par la commission des Lois du Sénat.

  1.   L’État du droit
    1.   Le retrait et le blocage des contenus illicites diffusÉs en ligne
      1.   L’absence d’obligation générale de surveillance des contenus illicites

Le régime de responsabilité des fournisseurs de services d’hébergement ([183]) est déterminé par la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (dite « LCEN ») ([184]). Leur régime de responsabilité repose sur le respect du principe de l’absence d’obligation générale de surveillance des contenus.

Ce principe, qui était clairement affirmé dans la LCEN avant l’adoption de la loi du 21 mai 2024 ([185]), n’a pas été remis en cause par l’entrée en vigueur du règlement européen sur les services numériques (dit « DSA » pour « Digital Services Act ») du 19 octobre 2022 ([186]). Il figure à l’article 8 de ce règlement qui rappelle que l’ensemble des fournisseurs de services intermédiaires « ne sont soumis à aucune obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent ou de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illégales ».

Il existe toutefois un principe de coopération de ces services à la lutte contre les contenus susceptibles de constituer une atteinte grave à l’ordre public. En vertu de ce principe, les fournisseurs de services d’hébergement sont soumis à une obligation d’information des autorités publiques dont l’étendue est limitée à deux types de contenus illicites :

– les contenus constitutifs d’infractions pénales présentant une menace pour la vie ou la sécurité d’une ou de plusieurs personnes ([187]) : en cas de soupçon de commission d’une telle infraction ou de la possibilité de sa commission, le service d’hébergement est tenu d’en informer immédiatement les autorités compétentes ; le manquement à cette obligation est sanctionné d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende ([188]) ;

– les contenus de provocation et de haine en ligne mentionnés au A du IV de l’article 6 de la LCEN ([189]) : les services d’hébergement doivent informer promptement les autorités compétentes des contenus illicites relevant de cette catégorie qui leur ont été signalés.

Parmi la liste des contenus illicites faisant l’objet d’une obligation de signalement de la part des hébergeurs se trouvent plusieurs contenus en lien avec le trafic de stupéfiants et notamment ceux qui caractérisent les infractions suivantes :

–  la cession ou l’offre illicite de produits stupéfiants prévue à l’article 222-39 du CP ;

–  la provocation de mineurs à l’usage illicite de stupéfiants prévue à l’article 227-18 du même code ;

–  la provocation de mineurs au trafic de stupéfiants prévue à l’article 227-18-1 de ce code.

En outre, les articles 6-3 à 6-5 de la LCEN prévoient un dispositif général de blocage judiciaire de l’accès à certains contenus.

En vertu de ces dispositions, le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond peut prescrire « à toute personne susceptible d’y contribuer toutes les mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ».

  1.   La procédure administrative de retrait et de blocage des contenus à caractère terroriste ou pédopornographique

Les articles 6-1 à 6-2-2 de la LCEN prévoient une procédure spécifique de retrait et de blocage des contenus à caractère terroriste ([190]) et pédopornographique ([191]).

Cette procédure repose sur une graduation des obligations en fonction de la catégorie de service concernée.

Tout d’abord, l’autorité administrative – en l’espèce, l’Office anti-cybercriminalité (OFAC) de la direction générale de la police nationale ([192]) – émet une demande de retrait d’un contenu dont le caractère a été identifié comme étant terroriste ou pédopornographique à l’égard des éditeurs et des hébergeurs. Simultanément, les fournisseurs de services d’accès à internet (FAI) ([193]) sont informés de cette demande.

Ensuite, en l’absence de retrait dans un délai de 24 heures ou en cas d’impossibilité d’identifier ces acteurs, l’autorité administrative peut émettre une injonction à l’égard des FAI et des moteurs de recherche et annuaires ([194]) pour les enjoindre de bloquer l’accès au site internet ou de déréférencer le contenu illicite ([195]).

L’article 6-1 prévoit qu’une personnalité qualifiée désignée en son sein par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ci-après l’Arcom) est destinataire des demandes de blocage et de la liste des adresses électroniques concernées par un déréférencement. Elle est chargée de s’assurer de la régularité des demandes de retrait de contenus terroristes et pédopornographiques effectuées et des conditions d’établissement, de mise à jour, de communication et d’utilisation de la liste.

Si la personnalité qualifiée constate une irrégularité, elle peut recommander à l’OFAC d’y mettre fin. Si l’Office ne suit pas cette recommandation, la personnalité qualifiée peut saisir le juge administratif en référé ou sur requête afin de la faire appliquer.

Le régime de l’obligation de retrait pour les services d’hébergement diffère selon que le contenu en cause revêt un caractère terroriste ou pédopornographique :

– L’obligation de retrait ou de blocage d’un contenu à caractère terroriste doit être exécutée dans un délai d’une heure à compter de la réception de l’injonction. L’article 6-1-3 de la LCEN punit la méconnaissance de cette obligation d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende. En cas d’infraction commise de manière habituelle par une personne morale, le montant de l’amende peut être porté à 4 % de son chiffre d’affaires mondial pour l’exercice précédent.

La personne morale peut également être condamnée à une interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale en lien avec l’infraction pendant une durée maximale de cinq ans et la décision de condamnation peut faire l’objet d’une publication ou d’une diffusion ([196]).

– Le délai pour satisfaire à l’obligation de retirer un contenu à caractère pédopornographique est quant à lui allongé à vingt-quatre heures à compter de la réception de la demande. L’article 6-2-1 de la LCEN punit le non-respect de cette obligation des mêmes peines principales et complémentaires que celles encourues en matière de défaut de retrait des contenus à caractère terroriste.

Cette différence de régime s’explique car ces deux obligations spécifiques de retrait des contenus résultent de la transposition en droit interne d’un règlement européen du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne (dit « TCO » pour « Terrorist Content Online ») ([197]), et de l’anticipation de la proposition de règlement visant à prévenir et combattre les abus sexuels sur les enfants en ligne ([198]).

La procédure administrative de retrait des contenus à caractère pédopornographique n’a été que récemment introduite dans la LCEN par la loi du 21 mai 2024 ([199]).

La mise en œuvre de ces obligations de retrait des contenus à caractère terroriste ou pédopornographique est entourée de plusieurs garanties, parmi lesquelles il est notamment possible de citer :

 l’information préalable du service d’hébergement douze heures avant toute première demande de retrait concernant les procédures et les délais applicables ([200]) ;

● la non-exécution de la demande de retrait en cas de force majeure, d’une impossibilité de faire non imputable au service ou d’une erreur matérielle ([201]) ;

● l’information dans les meilleurs délais, par le service d’hébergement et au profit du fournisseur de contenus (l’éditeur), des motifs du retrait et des voies de recours pour contester la demande ([202]) ;

 l’existence d’une procédure spéciale de contestation : afin de garantir le droit au recours effectif, les articles 6-1-5 et 6-2-2 de la LCEN prévoient que les hébergeurs et les fournisseurs de contenus (les éditeurs) peuvent saisir le tribunal administratif pour solliciter l’annulation de l’injonction de retrait prononcée par l’autorité administrative ou la réformation de la décision motivée de la personnalité qualifiée de l’Arcom prise dans le cadre d’un examen approfondi de l’injonction de retrait. Cette demande doit être formulée dans un délai de 48 heures à compter de la réception de l’injonction. Le tribunal administratif statue sous 72 heures après la saisine. Un appel peut être formé dans les dix jours. La cour administrative d’appel dispose alors d’un mois pour se prononcer.

  1.   Le cadre constitutionnel applicable au retrait et au blocage des contenus diffusés en ligne

En-dehors des deux obligations spécifiques de retrait de certains contenus présentées ci-dessus, il n’existe donc aucune obligation générale de retrait des contenus illicites à la demande d’une autorité administrative. De telles procédures administratives portent en effet en elles-mêmes une atteinte à la liberté d’expression et de communication proclamée par l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.

Le Conseil constitutionnel veille donc tout particulièrement à ce qu’une telle atteinte ne présente pas un caractère disproportionné par rapport aux objectifs recherchés.

C’est ainsi que dans une décision du 18 juin 2020 ([203]), le Conseil a censuré de précédentes dispositions, introduites par la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet ([204]), imposant le retrait de contenus à caractère terroriste ou pédopornographique.

Le Conseil constitutionnel avait en effet estimé que ces dispositions n’étaient pas entourées de garanties suffisantes. Il avait notamment relevé que « la détermination du caractère illicite des contenus ne reposait pas sur leur caractère manifeste et qu’elle était soumise à la seule appréciation de l’administration ». L’application de telles dispositions aurait ainsi permis que soient retirés des contenus en réalité licites, ce d’autant que le délai d’une heure laissé à l’éditeur ou l’hébergeur pour déférer à la demande de l’administration ne lui permettait pas, en pratique, d’en faire examiner la légalité au préalable avant de devoir y déférer, sous peine d’une sanction pénale.

 

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a également censuré les dispositions de cette loi qui prévoyaient une obligation de retrait ou de blocage dans un délai de 24 heures de contenus haineux diffusés en ligne ([205]) sous peine de sanctions pénales.

Le Conseil avait en effet estimé qu’en l’absence de mécanisme de filtre, les opérateurs pouvaient être saisis d’un nombre important de demandes portant sur des contenus illicites ce qui rendait matériellement impossible l’examen de chaque contenu signalé dans les délais impartis. Par ailleurs, cette obligation d’examen pouvait se révéler complexe pour l’opérateur au regard des multiples qualifications pénales justifiant ce retrait et « alors même que les éléments constitutifs de certaines [des infractions mentionnées] peuvent présenter une technicité juridique ou, s’agissant notamment de délits de presse, appeler une appréciation au regard du contexte d’énonciation ou de diffusion des contenus en cause ».

Le Conseil constitutionnel en avait conclu que « compte tenu des difficultés d’appréciation du caractère manifestement illicite des contenus signalés dans le délai imparti [de vingt-quatre heures], de la peine encourue dès le premier manquement et de l’absence de cause spécifique d’exonération de responsabilité, les dispositions contestées ne peuvent qu’inciter les opérateurs de plateforme en ligne à retirer les contenus qui leur sont signalés, qu’ils soient ou non manifestement illicites. Elles portent donc une atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée ».

L’analyse de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de retrait des contenus illicites en ligne permet ainsi de relever que l’obligation de retrait de ceux-ci ne constitue pas nécessairement une atteinte à la liberté d’expression et de communication, mais que le dispositif mis en œuvre doit offrir toutes les garanties nécessaires pour prévenir le retrait de contenus potentiellement licites.

À la suite de cette décision, le Conseil constitutionnel a examiné les dispositions de la loi du 16 août 2022 ayant notamment procédé à l’adaptation de la législation nationale avec le règlement « TCO » ([206]). Ces dispositions prévoient une procédure administrative de retrait des contenus à caractère terroriste ([207]) que le Conseil a validée, après avoir relevé qu’elles constituent des mesures d’adaptation du droit interne au règlement européen susmentionné et souligné les diverses garanties dont elles sont assorties :

● En premier lieu, la détermination du contenu faisant l’objet d’une injonction de retrait repose sur une exigence de motivation spéciale et est placée sous le contrôle d’une autorité administrative indépendante.

Le Conseil constitutionnel souligne en effet que l’injonction de retrait « ne peut porter que sur des contenus à caractère terroriste précisément définis et limitativement énumérés à l’article 2 du règlement du 29 avril 2021 [et] doit comporter non seulement la référence au type de contenu concerné, mais aussi une motivation suffisamment détaillée expliquant les raisons pour lesquelles il est considéré comme ayant un caractère terroriste. » Par ailleurs, la procédure est placée sous le contrôle de l’Arcom qui est une autorité administrative indépendante, de sorte que « la détermination du caractère terroriste des contenus en cause n’est pas laissée à la seule appréciation de l’autorité administrative que les dispositions contestées désignent pour émettre des injonctions de retrait. » ([208])

● En deuxième lieu, il est prévu une procédure de contestation spécifique du bien-fondé de l’injonction de retrait devant le juge administratif.

L’injonction de retrait est en effet susceptible « d’être contestée par la voie d’un recours spécifique en annulation devant le tribunal administratif [qui permet] qu’il soit statué dans de brefs délais sur la légalité de l’injonction de retrait et, en cas d’annulation, que les contenus retirés, dont l’article 6 du règlement du 29 avril 2021 impose la conservation, soient rétablis. » ([209])

● En dernier lieu, il existe des exclusions de responsabilité pénale en cas d’impossibilité de faire non imputable au service d’hébergement concerné.

Le Conseil constitutionnel a ainsi relevé que le manquement à l’obligation de retirer des contenus à caractère terroriste ou de bloquer l’accès à ces contenus « n’est pas constitué tant que le fournisseur de services d’hébergement ne peut pas se conformer à l’injonction reçue en raison d’un cas de force majeure, d’une impossibilité de fait qui ne lui est pas imputable ou des erreurs manifestes ou de l’insuffisance des informations que l’injonction contient. » ([210])

Plus récemment, le Conseil constitutionnel a validé les dispositions de la loi du 21 mai 2024 ([211]) qui prévoient une voie de recours spécifique contre l’injonction administrative adressée à un éditeur ou un service d’hébergement de retrait d’un contenu à caractère pédopornographique ([212]).

  1.   Le dÉlit d’administration illÉgale d’une plateforme en ligne pour permettre la cession de produits illicites

La loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) ([213]) a créé un délit offrant la possibilité de réprimer des comportements relevant d’une activité d’administration de plateformes de transactions de produits illicites, dont des stupéfiants.

Prévu à l’article 323-3-2 du CP, ce délit sanctionne le fait, pour un fournisseur de service de plateforme en ligne ([214]), de permettre sciemment la cession de produits, de contenus ou de services dont la cession, l’offre, l’acquisition ou la détention sont manifestement illicites, lorsque cette plateforme :

– restreint son accès aux personnes utilisant des techniques d’anonymisation des connexions (par exemple en recourant à un dispositif d’anonymisation d’adresses IP tel qu’un virtual private network ou VPN) ;

– ou contrevient aux obligations que la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) ([215]) leur impose (il s’agit en particulier de l’obligation de conserver les données de nature à permettre l’identification des personnes des clients du service).

Le délit est puni de cinq d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende, ces peines étant portées à 10 ans et 500 000 euros lorsqu’il est commis en bande organisée.

Si les faits de revente de produits stupéfiants via les réseaux sociaux ou les messageries chiffrées sont déjà susceptibles d’être pénalement appréhendés sous la qualification de trafic de stupéfiants, prévue à l’article 222-37 du CP, l’introduction de cette infraction se justifie par la difficulté, rencontrée dans la pratique, de rapporter la preuve de l’implication de l’administrateur du compte ou de l’animateur du canal de discussion.

Comme le relève en effet la doctrine, la création du délit d’administration d’une plateforme en ligne pour permettre la cession de produits illicites « est censé[e] […] faire gagner du temps aux services d’enquête dans leur chasse contre [les] places de marché douteuses, en leur permettant de poursuivre l’administrateur seul et non toute la chaîne criminelle. » ([216])

Comme cela a été souligné dans le récent rapport de la mission d’information créée par votre Commission ([217]), depuis l’entrée en vigueur de ce délit, douze condamnations ont été prononcées par les juridictions de première instance sur ce fondement.

  1.   Le dispositif introduit par la proposition de loi

En premier lieu, l’article 12 de la proposition de loi modifie l’article 6-1 de la LCEN pour prévoir la possibilité pour l’autorité administrative de demander à l’éditeur et au service d’hébergement le retrait des contenus de cession ou d’offre de stupéfiants relevant de l’article 222-39 du CP.

Cet article réprime les faits suivants :

– d’une part, la cession ou l’offre illicites de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle ([218]) ;

– d’autre part, au travers d’une circonstance aggravante, la cession ou l’offre illicites de stupéfiants à des mineurs ou dans des établissements d’enseignement ou d’éducation ou dans les locaux de l’administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux ([219]).

À défaut de retrait dans un délai de 24 heures, l’autorité administrative peut ensuite adresser au FAI et aux moteurs de recherche et annuaires une injonction aux fins de blocage ou de déréférencement du site. Seul le non-respect de cette injonction est susceptible d’être pénalement sanctionné ([220]).

En second lieu, l’article 12 aggrave les peines encourues pour le délit d’administration illégale d’une plateforme en ligne pour permettre la cession de produits illicites.

Le quantum des peines est porté à sept ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende, au lieu de cinq ans et 150 000 euros.

Lorsque les faits sont commis avec la circonstance aggravante de bande organisée, le montant de la peine d’amende est augmenté à 1 000 000 d’euros, contre 500 000 euros actuellement prévu.

  1.   Les modifications apportÉes par le SÉnat
    1.   Les modifications introduites en commission

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement des rapporteurs ([221]) pour renforcer le nouveau dispositif de retrait et de blocage des contenus en lien avec le trafic des stupéfiants diffusés en ligne. Cet amendement vise ainsi à aligner le régime de cette procédure administrative avec celui applicable en matière de retrait et de blocage des contenus à caractère terroriste ou pédopornographique.

– En premier lieu, cet amendement instaure une sanction pénale à l’égard du service d’hébergement en cas de manquement à l’obligation de retrait en 24 heures des contenus en lien avec le trafic de stupéfiants.

Il complète ainsi l’article 6-2-1 de la LCEN. La peine encourue est d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende.

– En second lieu, il entoure la procédure administrative de retrait et de blocage des contenus en lien avec le trafic de stupéfiants des mêmes garanties que celles applicables au retrait et au blocage des contenus terroriste et pédopornographique.

Une procédure particulière de recours devant le juge administratif est prévue, permettant au service d’hébergement et à l’éditeur de solliciter l’annulation de l’injonction de retrait dans un délai de quarante‑huit heures à compter de la réception de celle-ci. Le tribunal administratif statue sous 72 heures après la saisine. Un appel peut être formé dans les dix jours. La cour administrative d’appel dispose alors d’un mois pour se prononcer.

Par ailleurs, les garanties prévues à l’article 6-2 de la LCEN sont rendues applicables à cette nouvelle procédure de retrait et de blocage des contenus de trafic de stupéfiants, qui prévoit :

 l’information préalable du service d’hébergement 12 heures avant toute première demande de retrait concernant les procédures et les délais applicables ;

● la non-exécution de la demande de retrait en cas de force majeure, d’une impossibilité de fait non imputable au service ou d’une erreur matérielle ;

● l’information dans les meilleurs délais, par le service d’hébergement et au profit du fournisseur de contenus (l’éditeur), des motifs du retrait et des voies de recours pour contester la demande.

Par coordination, l’article 6-2-2 de la LCEN est supprimé, ses dispositions relatives à la procédure de contestation de l’injonction ayant été intégrées au sein même de l’article 6-1 de la même loi.

  1.   Les modifications introduites en sÉance publique

En adoptant un amendement du Gouvernement ([222]), sur avis défavorable de la commission des Lois, le Sénat a étendu le champ d’application du nouveau dispositif de retrait et de blocage des contenus en lien avec le trafic de stupéfiants.

En dehors des contenus en lien avec l’offre ou la cession de produits stupéfiants, l’amendement prévoit la possibilité pour l’autorité administrative d’émettre une injonction de retrait ou de blocage pour l’ensemble des contenus susceptibles de caractériser les infractions suivantes :

– l’organisation de groupement ayant pour objet une activité illicite liée aux stupéfiants, prévue à l’article 222-34 du CP ([223]) ;

– la production ou fabrication non autorisées de stupéfiants, prévue à l’article 222-35 du même code ([224]) ;

– l’importation ou l’exportation illicite de stupéfiants, prévue à l’article 222-36 du CP ([225]) ;

– les transport, détention, offre, cession, acquisition ou emploi illicites de stupéfiants, infraction prévue à l’article 222-37 du CP ([226]) ;

– la provocation à l’usage illicite ou au trafic de stupéfiants ou à l’usage de substance présentée comme douée d’effet stupéfiant, prévue à l’article L. 3421-4 du code de la santé publique ([227]).

En outre, le présent article modifie l’article 5 de la LCEN pour, selon l’exposé sommaire, corriger une malfaçon légistique relative au dispositif expérimental de retrait des contenus d’actes de torture et de barbarie introduit par la loi du 21 mai 2024 ([228]) en permettant à l’autorité administrative de solliciter auprès des fournisseurs de services d’accès à internet le blocage de ces contenus, en plus des seuls retrait et déréférencement.

  1.   LA POSITION DE LA COMMISSION

En adoptant l’amendement CL211 de Mme Capdevielle, la commission a rétabli l’écriture des dispositions de l’article 12 dans leur version issue de la commission des Lois du Sénat.

Cette réécriture a pour effet de restreindre le champ d’application du nouveau dispositif de retrait et de blocage des contenus en lien avec le trafic de stupéfiants pour le limiter aux faits de cession ou d’offre illicites de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle relevant de l’article 222-39 du code pénal.

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Adopté par la Commission avec modifications

      Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 12 bis de la proposition de loi, introduit en séance publique par le Sénat, prévoit l’obligation, pour les opérateurs de communications électroniques offrant un service de communications interpersonnelles à prépaiement de vérifier l’identité de l’acquéreur du téléphone comportant une carte SIM prépayée.

Le non-respect de cette obligation est sanctionné d’une peine de 15 000 euros d’amende.

     Dernières modifications législatives intervenues

L’article 17 de la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement a modifié le cadre juridique applicable à la durée de conservation des données à caractère personnelle par les opérateurs de communications électroniques, prévu à l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques. Les durées de conservation de ces données varient en fonction des finalités de conservation déterminées par la loi.

     Position de la Commission

La Commission a précisé l’obligation d’identification qui pèse sur les acquéreurs d’un service de communications interpersonnelles à prépaiement, en imposant la présentation d’un document officiel d’identité.

Elle a également déterminé une date butoir d’entrée en vigueur de ces dispositions au plus tard un an après l’entrée en vigueur de la proposition de loi.

  1.   L’État du droit

Les opérateurs de communications électroniques ne peuvent conserver certaines données relatives à leurs utilisateurs que dans le cadre défini par le code des postes et des communications électroniques (CPCE).

L’article L. 34-1 de ce code prévoit notamment que certaines de ces données peuvent être conservées par l’opérateur, la durée de conservation variant selon la finalité poursuivie et la nature de la donnée concernée.

En effet, les données recueillies peuvent revêtir un caractère plus ou moins sensible. En particulier, les données de connexion, qui sont des données de trafic et de localisation de la personne ([229]), sont soumises à un régime spécial en raison des informations particulièrement sensibles qu’elles contiennent relatives à la vie privée de la personne.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) veille à la compatibilité des législations nationales en matière de traitement et de conservation des données personnelles par les opérateurs de communications électroniques avec les dispositions du droit de l’Union européenne, notamment celles consacrant le droit au respect de la vie privée et la protection des données personnelles ([230]).

La CJUE estime ainsi qu’une législation nationale qui prévoit la conservation généralisée et indifférenciée des données de trafic et de localisation est contraire au droit de l’Union.

Seul le motif tiré des besoins de la sécurité nationale en cas de menace grave permet d’imposer aux opérateurs de téléphonie de conserver les données de connexion des usagers. Pour les besoins des enquêtes en matière pénale, les États membres peuvent seulement, soit imposer une conservation ciblée sur des personnes ou des lieux préalablement déterminés, soit demander un gel des données préalablement conservées pour les besoins d’une enquête sur une courte période ([231]). Par ailleurs, le contrôle préalable par une juridiction ou une autorité administrative indépendante est indispensable pour autoriser l’accès aux données relatives au trafic et aux données de localisation dans le cadre de ces enquêtes ([232]).

Le Conseil d’État a quant à lui imposé au Gouvernement français de procéder, sous le contrôle du juge, à un examen périodique de l’existence d’une menace pour la sécurité nationale justifiant l’obligation de conservation généralisée des données de connexion imposée aux opérateurs ([233]).

Pour tenir compte de ces exigences, la loi du 30 juillet 2021 ([234]) a réformé le cadre juridique applicable à la conservation des données de connexion en modifiant notamment l’article L. 34-1 du CPCE.

Ces nouvelles dispositions permettent au Premier ministre d’enjoindre par décret ([235]) aux opérateurs de conserver, pendant un an et de manière générale et indifférenciée, les données de trafic et de localisation pour les besoins de la sécurité nationale en cas de menace grave.

La loi du 2 mars 2022 ([236]) a quant à elle créé un nouvel article 60-1-2 au sein du code de procédure pénale ([237]) pour encadrer les réquisitions judiciaires portant sur les données de connexion les plus sensibles ([238]).

L’accès aux données d’identification, qui sont relatives aux informations fournies par l’utilisateur lors de la souscription d’un contrat ou de l’utilisation d’un compte ([239]), n’est cependant pas concerné par cet encadrement.

En effet, les données d’identification de l’utilisateur d’un moyen de communication électronique (par exemple les nom et prénom liés à un numéro de téléphone ou à une adresse IP) sont moins sensibles, c’est la raison pour laquelle leur régime de conservation est plus souple.

● Il existe tout d’abord une possibilité pour les opérateurs de conserver certaines données ([240]) pour les besoins de la facturation et du paiement des prestations de communications électroniques.

La durée de conservation de ces données pour cette finalité doit uniquement couvrir la période au cours de laquelle la facture peut être légalement contestée ou des poursuites engagées pour en obtenir le paiement et ne peut excéder un an ([241]).

● Il existe également une obligation pour les opérateurs de conserver certaines données pour les besoins des procédures pénales, de la prévention des menaces contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale. Cette obligation de conservation concerne en particulier les données d’identification suivantes :

– les informations relatives à l’identité civile de l’utilisateur ([242]) : la durée de cette conservation est de cinq ans à compter de la fin de validité du contrat de l’utilisateur ;

– les autres informations fournies par l’utilisateur lors de la souscription d’un contrat ou de la création d’un compte, ainsi que les informations relatives au paiement ([243]) : le délai de conservation est alors réduit à un an à compter de la fin de validité du contrat ou de la clôture du compte.

Le 2° du I de l’article L. 39-3 du CPCE punit d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait pour un opérateur de communications électroniques ou pour ses agents de ne pas procéder à la conservation des données techniques dans les conditions où cette conservation est exigée par la loi.

Le régime de la conservation, par les opérateurs de communications électroniques, diffère ainsi selon la sensibilité des données concernées.

Au sein de la catégorie des « données de connexion », celles qui sont relatives aux données d’identité civile de l’utilisateur et qui ne permettent pas, en elles-mêmes, de tirer de conclusions précises sur la vie privée de l’intéressé, bénéficient d’un régime plus souple que celles relatives au trafic et à la localisation.

C’est ainsi que la CJUE admet « que la conservation des données relatives à l’identité civile des utilisateurs des moyens de communications électroniques est susceptible de contribuer à la lutte contre la criminalité grave, pour autant que ces données permettent d’identifier les personnes ayant utilisé de tels moyens dans le contexte de la préparation ou de la commission d’un acte relevant de la criminalité grave » ([244]).

La Cour a ainsi précisé que « la directive 2002/58 ne s’oppose pas, aux fins de la lutte contre la criminalité en général, à la conservation généralisée des données relatives à l’identité civile ». Elle a également jugé que le droit de l’Union européenne ne s’opposait « pas à une législation nationale, ayant pour objet la lutte contre la criminalité grave, en vertu de laquelle l’acquisition d’un moyen de communication électronique, tel qu’une carte SIM prépayée, est subordonnée à la vérification de documents officiels établissant l’identité de l’acheteur et à l’enregistrement, par le vendeur, des informations en résultant, le vendeur étant le cas échéant tenu de donner accès à ces informations aux autorités nationales compétentes » ([245]).

Cette position est partagée par la Cour européenne des droits de l’Homme qui a considéré que la législation allemande imposant une obligation aux opérateurs de téléphonie mobile de recueillir des données personnelles des utilisateurs de cartes SIM prépayées et de les tenir à la disposition des autorités ne contrevient pas aux dispositions de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, garantissant le droit au respect de la vie privée ([246]) .

L’exemple de la législation allemande en matière d’obligation d’identification des acquéreurs de cartes SIM prépayées

Depuis 2004, la loi sur les télécommunications allemande impose aux opérateurs de téléphonie mobile  de recueillir certaines informations personnelles relatives à tous leurs clients et de conserver ces données avec le numéro de téléphone attribué, y compris en dehors de toute nécessité liée à la facturation ou au contrat.

Les autorités publiques peuvent ensuite demander l’extraction et la transmission de ces données sans avoir à disposer d’une décision de justice ou à en notifier les personnes concernées. Les demandes d’extraction de données peuvent, dans certaines conditions, être automatisées et donner lieu à des listes basées sur de simples similitudes (extraction sur la base d’indications fragmentaires) concernant les noms ou les numéros. Pareilles demandes d’informations sont permises lorsqu’elles sont estimées nécessaires « à la poursuite des infractions pénales et administratives, à la prévention d’un danger et à l’accomplissement de tâches liées au renseignement ».

La Cour européenne des droits de l’Homme a conclu que cette législation n’emportait pas une ingérence injustifiée dans la vie privée des utilisateurs. Elle a relevé :

 – D’une part, que la conservation de données opérée en l’espèce ne portait pas sur des informations hautement personnelles ou permettant de créer des profils de personnes ou de retracer les déplacements des abonnés. De plus, aucune donnée concernant des communications particulières n’était conservée. Sans être insignifiante, l’ingérence dans la vie privée est donc de nature relativement limitée.

 – D’autre part, que la procédure était entourée de garanties suffisantes, tenant notamment :

-          À la limitation de la durée de la conservation à l’année civile qui suit l’année où la relation contractuelle a pris fin ;

-          À la nature des données conservées qui se bornent aux informations nécessaires pour identifier clairement l’abonné ;

-          À l’énumération précise et limitative des autorités habilitées à demander l’accès à ces données.

Source : CEDH, 30 janvier 2020,  50001/12, Breyer c. Allemagne.

En vertu des dispositions rappelées ci-dessus, tous les opérateurs de communications électroniques, qu’ils vendent des cartes SIM prépayées ou non, sont ainsi déjà tenus de recueillir et de conserver les données d’identification de leurs utilisateurs.

  1.   Le dispositif introduit en sÉance publique au SÉnat

L’article 12 bis a été inséré au sein de la proposition de loi en séance publique ([247]).

Il rétablit l’article L. 34-1-1 du CPCE pour imposer aux opérateurs de communications électroniques ou leurs sous-traitants offrant un service de communication interpersonnelles à prépaiement une obligation de vérification de l’identité de l’acquéreur.

Ces opérateurs devront ainsi vérifier l’identité de l’utilisateur sur présentation de « tout document écrit à caractère probant ».

Les informations recueillies dans ce cadre et relatives à l’identité de l’utilisateur devront être conservées pour les besoins des procédures pénales et de la prévention de la délinquance et la criminalité organisées pendant cinq ans.

Il est renvoyé à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les conditions d’application de ces dispositions.

Un nouvel article L. 39-8 est créé au sein du CPCE pour sanctionner le non-respect de cette obligation d’une peine de 15 000 euros d’amende.

  1.   LA POSITION DE LA COMMISSION

En adoptant un amendement du rapporteur, M. Pauget, la commission des Lois a précisé le dispositif de vérification de l’identité des acquéreurs de cartes SIM prépayées ([248]).

Elle a imposé la présentation par l’acquéreur d’un document officiel d’identité comportant sa photographie.

L’introduction d’une telle obligation permet de donner sa pleine portée à l’obligation d’identification de l’acquéreur d’un tel service et place l’opérateur du service en capacité de vérifier l’identité de l’utilisateur.

Par ailleurs, la Commission a fixé à un an suivant l’entrée en vigueur de la proposition de loi la date butoir d’entrée en vigueur des dispositions de l’article 12 bis ([249]).

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TITRE V
MESURES DE PROCÉDURE PÉNALE ET FACILITATION DE L’UTILISATION DES TECHNIQUES SPÉCIALES D’ENQUÊTE

Adopté par la Commission avec modifications

      Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 13 de la proposition de loi étend, en premier lieu, le champ d’application des procédures dérogatoires prévues en matière de trafic de stupéfiants aux infractions qui leur sont connexes.

Ces dispositions procédurales spéciales aménagent des règles dérogatoires en matière de poursuite, d’instruction et de jugement des trafics de stupéfiants. Elles prévoient notamment des moyens d’investigation spécifiques, tels que le « coup d’achat », et la compétence d’une cour d’assises spéciale.

En second lieu, cet article prévoit la spécialisation des juridictions de l’application des peines en matière de criminalité organisée.

     Dernières modifications législatives intervenues

Les règles procédurales particulières en matière de poursuite, d’instruction et de jugement des trafics de stupéfiants ont été modifiées par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, pour en coordonner l’application avec les techniques spéciales d’enquête introduites en matière de délinquance et de criminalité organisées. Elles n’ont fait l’objet d’aucune autre modification depuis.

      Modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a supprimé l’extension aux infractions connexes du champ d’application du cadre procédural dérogatoire en matière de trafic de stupéfiants.

Elle a également prévu la compétence d’une cour d’assises spécialement composée de magistrats professionnels pour le jugement des crimes commis en bande organisée et du crime d’association de malfaiteurs en vue de commettre de tels crimes.

En séance, publique, le Sénat a réécrit les dispositions relatives à la spécialisation des juridictions de l’application des peines. Sur le modèle de la dérogation prévue en matière de terrorisme, cette réécriture visait à aménager les règles de compétence territoriale des juridictions de l’application des peines au profit des juridictions parisiennes ou des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS).

     Position de la Commission

La commission des Lois a prévu l’application des dispositions relatives à la professionnalisation des cours d’assises en matière de criminalité organisée pour les mineurs âgés de plus de 16 ans, y compris lorsqu’il est décidé de ne pas faire application des règles d’atténuation des peines, dans les conditions prévues à l’article L. 121-7 du code de la justice pénale des mineurs.

Elle a également prévu l’application des dispositions de l’article 13 en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

  1.   L’État du droit
    1.   Les rÈgles spÉciales de procÉdure en matiÈre de poursuites, d’instruction et de jugement des trafics de stupÉfiants

Les articles 706-26 à 706-33 du code de procédure pénale (CPP) prévoient des règles particulières pour la poursuite, l’instruction et le jugement en matière de trafic de stupéfiants.

Le champ d’application de ce cadre procédural est défini à l’article 706-26. Il s’agit des infractions, commises ou tentées, suivantes :

– trafic de stupéfiants, infractions prévues aux articles 222-34 à 222-40 du code pénal (CP) ;

– et participation à une association de malfaiteurs, prévue à l’article 450-1 du même code, ayant pour objet de préparer une infraction de trafic de stupéfiants.

Ce régime dérogatoire est hérité de la loi du 16 décembre 1992 ([250]) ayant instauré le nouveau code pénal.

Il se superpose aujourd’hui au régime procédural spécial aménagé en matière de criminalité organisée par la loi du 9 mars 2004 ([251]). En effet, les infractions de trafic de stupéfiants entrent dans le champ d’application de l’article 706-73 du CPP qui liste notamment les infractions en matière de criminalité organisée relevant d’un régime spécial ([252]).

Ce régime ([253]) permet notamment l’application de techniques spéciales d’enquête ([254]) ou encore la compétence de la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) ([255]) et des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) ([256]).

Les infractions relevant de la délinquance et de la criminalité organisées prévues aux articles 706-73 et 706-73-1 du CPP

Le régime procédural dérogatoire prévu aux articles 706-73 à 706-106 du CPP s’applique aux infractions relevant de la délinquance ou de la criminalité organisées. Il emporte notamment l’application des techniques spéciales d’enquête prévues aux articles 706-80 à 706-106.

La liste des infractions qui en relève est notamment déterminée par les articles 706-73 et 706-73-1 ([257]).

● L’article 706-73 du CPP est relatif aux infractions de déminquance et de criminalité organisées suivantes :

1° Crime de meurtre commis en bande organisée prévu par le 8° de l’article 221-4 du CP ;

1° bis Crime de meurtre commis en concours, au sens de l’article 132-2 du CP, avec un ou plusieurs autres meurtres ;

2° Crime de tortures et d’actes de barbarie commis en bande organisée prévu par l’article 222-4 du CP ;

2° bis Crime de viol commis en concours, au sens de l’article 132-2 du CP, avec un ou plusieurs autres viols commis sur d’autres victimes ;

Crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-40 du CP ;

4° Crimes et délits d’enlèvement et de séquestration commis en bande organisée prévus par l’article 224-5-2 du CP ;

5° Crimes et délits aggravés de traite des êtres humains prévus par les articles 225-4-2 à 225-4-7 du CP ;

6° Crimes et délits aggravés de proxénétisme prévus par les articles 225-7 à 225-12 du CP ;

7° Crime de vol commis en bande organisée prévu par l’article 311-9 du CP ;

8° Crimes aggravés d’extorsion prévus par les articles 312-6 et 312-7 du CP ;

9° Crime de destruction, dégradation et détérioration d’un bien commis en bande organisée prévu par l’article 322-8 du CP ;

10° Crimes en matière de fausse monnaie prévus par les articles 442-1 et 442-2 du CP ;

11° Crimes et délits constituant des actes de terrorisme prévus par les articles 421-1 à 421-6 du CP ;

11° bis Crimes portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus au titre Ier du livre IV du CP et crimes mentionnés à l’article 411-12 du même code, commis dans le but de servir les intérêts d’une puissance étrangère ou d’une entreprise ou d’une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ;


12° Délits en matière d’armes et de produits explosifs prévus aux articles 222-52 à 222-54,222-56 à 222-59,322-6-1 et 322-11-1 du CP, aux articles L. 2339-2, L. 2339-3, L. 2339-10, L. 2341-4, L. 2353-4 et L. 2353-5 du code de la défense ainsi qu’aux articles L. 317-2 et L. 317-7 du code de la sécurité intérieure ;

13° Crimes et délits d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’un étranger en France commis en bande organisée prévus par les articles L. 823-1 et L. 823-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et crime de direction ou d’organisation d’un groupement ayant pour objet la commission de ces infractions prévu aux articles L. 823-3 et L. 823-3-1 du même code ;

14° Délits de blanchiment prévus par les articles 324-1 et 324-2 du CP, ou de recel prévus par les articles 321-1 et 321-2 du même code, du produit, des revenus, des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° à 13° ;

15° Délits d’association de malfaiteurs prévus par l’article 450-1 du CP, lorsqu’ils ont pour objet la préparation de l’une des infractions mentionnées aux 1° à 14° et 17° ;

16° Délit de non-justification de ressources correspondant au train de vie, prévu par l’article 321-6-1 du CP, lorsqu’il est en relation avec l’une des infractions mentionnées aux 1° à 15° et 17° ;

17° Crime de détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport commis en bande organisée prévu par l’article 224-6-1 du CP ;

18° Crimes et délits punis de dix ans d’emprisonnement, contribuant à la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs entrant dans le champ d’application de l’article 706-167 ;

19° Délit d’exploitation d’une mine ou de disposition d’une substance concessible sans titre d’exploitation ou autorisation, accompagné d’atteintes à l’environnement, commis en bande organisée, prévu à l’article L. 512-2 du code minier, lorsqu’il est connexe avec l’une des infractions mentionnées aux 1° à 17° du présent article ;

20° Délits mentionnés au dernier alinéa de l’article 223-15-2 et au 2° du III de l’article 223-15-3 du CP ;

21° Délits prévus au dernier alinéa de l’article 414 du code des douanes, lorsqu’ils sont commis en bande organisée.

● L’article 706-73-1 du CPP liste les infractions de délinquance organisée suivantes :

1° Délit d’escroquerie en bande organisée, prévu au dernier alinéa de l’article 313-2 du CP, délit d’atteinte aux systèmes de traitement automatisé de données commis en bande organisée, prévu à l’article 323-4-1 du même code et délit d’évasion commis en bande organisée prévu au second alinéa de l’article 434-30 dudit code ;

2° Délits de dissimulation d’activités ou de salariés, de recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé, de marchandage de main-d’œuvre, de prêt illicite de main-d’œuvre ou d’emploi d’étranger sans titre de travail, commis en bande organisée, prévus aux 1° et 3° de l’article L. 8221-1 et aux articles L. 8221-3, L. 8221-5, L. 8224-1, L. 8224-2, L. 8231-1, L. 8234-1, L. 8234-2, L. 8241-1, L. 8243-1, L. 8243-2, L. 8251-1 et L. 8256-2 du code du travail ;

3° Délits de blanchiment, prévus à l’article 324-1 du CP, ou de recel, prévus aux articles 321-1 et 321-2 du même code, du produit, des revenus ou des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° et 2° du présent article ;

3° bis Délits de blanchiment prévus à l’article 324-2 du CP, à l’exception de ceux mentionnés au 14° de l’article 706-73 du présent code ;

4° Délits d’association de malfaiteurs, prévus à l’article 450-1 du CP, lorsqu’ils ont pour objet la préparation de l’une des infractions mentionnées aux 1° à 3° du présent article ;

5° Délit de non-justification de ressources correspondant au train de vie, prévu à l’article 321-6-1 du CP, lorsqu’il est en relation avec l’une des infractions mentionnées aux 1° à 4° du présent article ;

6° Délits d’importation, d’exportation, de transit, de transport, de détention, de vente, d’acquisition ou d’échange d’un bien culturel prévus à l’article 322-3-2 du CP.

7° Délits d’atteintes au patrimoine naturel commis en bande organisée, prévus à l’article L. 415-6 du code de l’environnement ;

8° Délits de trafic de produits phytopharmaceutiques commis en bande organisée, prévus au 3° de l’article L. 253-17-1, au II des articles L. 253-15 et L. 253-16 et au III de l’article L. 254-12 du code rural et de la pêche maritime ;

9° Délits relatifs aux déchets mentionnés au I de l’article L. 541-46 du code de l’environnement commis en bande organisée, prévus au VII du même article ;

10° Délit de participation à la tenue d’une maison de jeux d’argent et de hasard commis en bande organisée, prévu au premier alinéa de l’article L. 324-1 du code de la sécurité intérieure et délits d’importation, de fabrication, de détention, de mise à disposition de tiers, d’installation et d’exploitation d’appareil de jeux d’argent et de hasard ou d’adresse commis en bande organisée, prévu au premier alinéa de l’article L. 324-4 du même code ;

11° Délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus aux articles 411-5,411-7 et 411-8, aux deux premiers alinéas de l’article 412-2, à l’article 413-1 et au troisième alinéa de l’article 413-13 du CP et délits mentionnés à l’article 411-12 du même code, commis dans le but de servir les intérêts d’une puissance étrangère ou d’une entreprise ou d’une organisation étrangère ou sous contrôle étranger, lorsque cette circonstance porte la durée de la peine d’emprisonnement à cinq ans au moins ;

12° Délits d’administration d’une plateforme en ligne pour permettre la cession de produits, de contenus ou de services dont la cession, l’offre, l’acquisition ou la détention sont manifestement illicites et délits d’intermédiation ou de séquestre ayant pour objet unique ou principal de mettre en œuvre, de dissimuler ou de faciliter ces opérations, prévus à l’article 323-3-2 du même code ;

13° Délit de mise à disposition d’instruments de facilitation de la fraude sociale en bande organisée prévu à l’article L. 114-13 du code de la sécurité sociale.

Ainsi, les infractions de trafic de stupéfiants sont soumises à ces deux cadres procéduraux spéciaux pouvant s’appliquer de manière cumulative.

Il a ainsi été fait le choix, lors de l’adoption de la loi du 9 mars 2004, de laisser subsister ces deux régimes procéduraux en matière de trafic de stupéfiants, en coordonnant leur application ([258]). Pour autant, dans la pratique, ce sont surtout les règles en matière de criminalité organisée, et notamment l’application des techniques spéciales d’enquête, qui sont les plus souvent mobilisées.

Le cadre procédural spécial en matière de trafic de stupéfiants défini aux articles 706-26 à 706-33 du CPP prévoit l’application de règles dérogatoires en matière d’enquête et de jugement de ces infractions.

● Pour la poursuite et les investigations en matière de trafic de stupéfiants, il est ainsi prévu les règles suivantes :

– la possibilité de procéder à des perquisitions et saisies nocturnes dans certains lieux clos (article 706-28 du CPP) : ces dispositions permettent notamment de procéder à des perquisitions en-dehors des heures légales ([259]) à l’intérieur « des locaux où l’on use en société de stupéfiants ou dans lesquels sont fabriqués, transformés ou entreposés illicitement des stupéfiants lorsqu’il ne s’agit pas de locaux d’habitation » ;

– l’acquisition justifiée de produits stupéfiants (ou « coups d’achat ») (article 706-32 du CPP) : ces dispositions permettent aux enquêteurs, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, d’acquérir des produits stupéfiants ou de mettre à la disposition des trafiquants des moyens de caractère juridique ou financier ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d’hébergement, de conservation et de télécommunication, sans en être pénalement responsable.

– le prélèvement obligatoire d’un échantillon (article 706-30-1 du CPP) : avant la destruction des produits stupéfiants illicites, le juge d’instruction doit conserver un échantillon de ces produits, placé sous scellé, pour garantir la possibilité d’en ordonner une expertise. Il est également procédé à la pesée contradictoire des produits stupéfiants saisis.

– la fermeture provisoire judiciaire d’un établissement (article 706-33 du CPP) : ces dispositions permettent au juge d’instruction d’ordonner à titre provisoire, pour une durée maximum de six mois, « la fermeture de tout hôtel, maison meublée, pension, débit de boissons, restaurant, club, cercle, dancing, lieu de spectacle ou leurs annexes ou lieu quelconque ouvert au public ou utilisé par le public, où ont été commises [d]es infractions [de trafic de stupéfiants] par l’exploitant ou avec sa complicité. » Cette mesure peut être renouvelée pour une durée de trois mois au plus à chaque renouvellement. La juridiction de jugement saisie peut ordonner la mainlevée ou le renouvellement de cette fermeture judiciaire d’établissement.

● Pour le jugement des infractions en matière de trafic de stupéfiants, il est prévu la compétence d’une cour d’assises spéciale (article 706-27 du CPP) : cette cour d’assises est spécialement composée de magistrats professionnels ([260]), à l’exclusion de jurés, par dérogation aux règles de composition ordinaire. Cette cour d’assises spéciale est compétente pour juger les crimes de trafic de stupéfiants et les infractions qui leur sont connexes.

● Enfin, pour assurer l’exécution de la décision de condamnation, l’article 706-31 du CPP prévoit que le maximum de la durée de la contrainte judiciaire est fixé à un an (au lieu de trois mois ([261])) lorsque l’amende et les condamnations pécuniaires prononcées pour une infraction de trafic de stupéfiants excèdent 100 000 euros.

La contrainte judiciaire est une mesure privative de liberté destinée à inciter la personne condamnée à exécuter une peine d’amende, qui est ordonnée par le juge d’application des peines ([262]).

  1.   Les rÈgles de compÉtence des juridictions de l’application des peines

Le juge de l’application des peines (JAP) et le tribunal de l’application des peines (TAP) constituent des juridictions du premier degré chargées de fixer les principales modalités de l’exécution des peines privatives de liberté ou de certaines peines restrictives de liberté, en orientant et en contrôlant les conditions de leur application ([263]).

La compétence matérielle de ces juridictions est définie par la loi. Il s’agit d’une compétence d’attribution générale, pour toutes les mesures d’application et d’exécution des peines légalement énumérées. Elle ne diffère pas en fonction des matières ou de la nature des mesures, en dehors des règles relatives à la composition des juridictions de l’application des peines permettant de répartir les compétences entre le JAP et le TAP ([264]) .

La compétence territoriale des JAP et des TAP est prévue à l’article 712-10 du CPP, le critère de compétence variant selon la situation de la personne condamnée ([265]) :

– Pour les condamnés détenus, le critère de compétence territoriale est celui du lieu d’incarcération ;

– Pour les condamnés non détenus, le critère de compétence territoriale retenu est celui de la résidence habituelle ([266]).

La compétence territoriale du JAP s’apprécie au moment de la saisine de celui-ci. Cela implique notamment que si la résidence habituelle ou le lieu de détention change en cours de procédure, le juge initialement saisi demeure compétent, sauf s’il en décide autrement pour des raisons d’opportunité et de bonne administration de la justice.

Toutefois, des règles de compétence territoriale dérogatoires au droit commun sont prévues en matière de terrorisme ([267]), depuis la loi du 23 janvier 2006 ([268]).

L’article 706-22-1 CPP organise ainsi la compétence territoriale exclusive du juge de l’application des peines, du tribunal de l’application des peines et de la chambre de l’application des peines de Paris pour toute décision à l’égard d’une personne condamnée pour acte de terrorisme, quel que soit son lieu de détention ou de résidence.

En effet, la centralisation, auprès des juridictions de l’application des peines parisiennes, du suivi des personnes condamnées pour des actes de terrorisme se justifie au regard de la compétence nationale des magistrats parisiens en matière de poursuite, d’instruction et de jugement de ces infractions.

L’introduction de cette compétence, initialement exclusive, des juridictions parisiennes en matière de suivi des personnes condamnées à des actes de terrorisme était présentée comme une mesure de cohérence, complétant l’architecture judiciaire globale de spécialisation du traitement des infractions à caractère terroriste ([269]).

Elle visait à garantir « un suivi spécifique des condamnés pour actes de terrorisme dont les demandes d’aménagement de la peine [méritent] d’être examinées et décidées par un juge spécialisé ayant une connaissance particulièrement précise des dossiers et de leur dangerosité. » ([270])

La loi du 3 juin 2016 ([271]) a assoupli ce système, en créant pour les personnes condamnées pour actes de terrorisme par une juridiction de droit commun, et non la juridiction spécialisée en la matière, une compétence concurrente entre la juridiction d’application des peines territorialement compétente et les juridictions de l’application des peines parisiennes ([272]).

Elle a toutefois maintenu la compétence exclusive des juridictions de l’application des peines parisiennes pour les personnes condamnées par le tribunal correctionnel, la cour d’assises, le juge des enfants, le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs de Paris statuant en application de l’article 706-17 du même code.

Cette limitation de la compétence exclusive des juridictions parisiennes en matière de suivi des peines est justifiée par « l’accroissement quantitatif et […] la dissémination géographique [du] contentieux [en matière de terrorisme]. » ([273])

  1.   Le dispositif introduit par la proposition de loi

● D’une part, l’article 13 permet d’étendre le champ d’application du cadre procédural dérogatoire en matière de trafic de stupéfiants aux infractions qui leur sont connexes.

Il modifie ainsi l’article 706-26 du CPP qui détermine le périmètre d’application des règles spéciales en matière d’enquête, de poursuite et de jugement des infractions de trafic de stupéfiants.

Il étend par ailleurs le champ d’application du cadre procédural dérogatoire en matière de criminalité organisée aux infractions connexes au trafic de stupéfiants. Pour ce faire, il modifie l’article 706-73 qui liste les infractions pour lesquelles ce régime dérogatoire s’applique.

● D’autre part, l’article 13 de la proposition de loi modifie l’article 712-2 du CPP pour spécialiser les juges de l’application des peines dans le suivi des personnes condamnées pour des infractions relevant de la délinquance ou la criminalité organisée ([274]).

Il est ainsi prévu que des juges spécialisés soient désignés au sein de chaque juridiction pour être en charge de l’application des peines de ces personnes condamnées, la loi leur attribuant une compétence exclusive pour statuer sur la situation de celles-ci.

  1.   Les modifications apportÉes par le SÉnat
    1.   Les modifications introduites en commission

À l’initiative des rapporteurs ([275]), la commission des Lois a créé un nouvel article 242-1 au sein du CPP pour prévoir la compétence d’une cour d’assises spécialement composée de magistrats professionnels pour le jugement des crimes commis en bande organisée et du crime d’association de malfaiteurs en vue de commettre de tels crimes.

Une cour d’assises spéciale est également instituée pour le jugement des accusés mineurs âgés de seize ans au moins mis en accusation pour de tels crimes.

La commission a également adopté un second amendement des rapporteurs ([276]) supprimant l’extension du champ d’application aux infractions connexes aux faits de trafic de stupéfiants du cadre procédural dérogatoire prévu aux articles 706-26 à 706-33 du CPP, et du régime dérogatoire en matière de délinquance et de criminalité organisées, prévu aux articles 706-73 à 706-106 du même code.

  1.   Les modifications introduites en sÉance publique

En séance, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement, sur avis défavorable de la commission des Lois ([277]) , réécrivant les dispositions de l’article 13 relatives à la spécialisation des juridictions de l’application des peines.

La réécriture du dispositif a pour effet de ne pas prévoir de spécialisation locale de ces juridictions déterminée sur leur compétence matérielle, mais d’aménager, dans certains cas, les règles de compétence territoriale des juridictions de l’application des peines, sur le modèle de la dérogation prévue en matière de terrorisme.

Le nouvel article 706-75-7 du CPP prévoit ainsi la compétence des juridictions de l’application des peines parisiennes ([278]) pour statuer sur les mesures relatives aux personnes condamnées pour certaines infractions relevant de la délinquance ou de la criminalité organisée, à savoir l’ensemble des infractions mentionnées aux articles 706-73 et 706-73-1 du même code ([279]), à l’exception de celles énumérées ci-après ([280]) :

– crimes et délits constituant des actes de terrorisme prévus par les articles 421-1 à 421-6 du CP ([281]) ;

– crimes portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus au titre Ier du livre IV du CP et crimes mentionnés à l’article 411-12 du même code, commis dans le but de servir les intérêts d’une puissance étrangère ou d’une entreprise ou d’une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ([282]);

– crimes et délits punis de dix ans d’emprisonnement, contribuant à la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs entrant dans le champ d’application de l’article 706-167 du CPP ([283]);

– délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus aux articles 411-5, 411-7 et 411-8, aux deux premiers alinéas de l’article 412-2, à l’article 413-1 et au troisième alinéa de l’article 413-13 du CP et délits mentionnés à l’article 411-12 du même code, commis dans le but de servir les intérêts d’une puissance étrangère ou d’une entreprise ou d’une organisation étrangère ou sous contrôle étranger, lorsque cette circonstance porte la durée de la peine d’emprisonnement à cinq ans au moins ([284]).

Ces règles dérogatoires de compétence territoriale organisent, en fonction de la juridiction de jugement qui a prononcé la condamnation, soit une compétence exclusive au profit des juridictions de l’application des peines parisiennes, soit leur compétence concurrente :

– lorsque la condamnation a été prononcée par la Junalco parisienne, en application de l’article 706-75 du CPP, la compétence des juridictions de l’application des peines parisiennes pour le suivi de ces personnes condamnées est exercée de manière exclusive ;

– en revanche, lorsque la condamnation a été prononcée par une autre juridiction, la compétence des juridictions de l’application des peines parisiennes s’exerce alors de manière concurrente à celle des juridictions locales, compétentes en application de l’article 712-10 du CPP.

Il est prévu que les magistrats parisiens chargés de l’application des peines puissent, pour l’exercice de leurs attributions, se déplacer sur l’ensemble du territoire national et utiliser les moyens de télécommunication.

Par ailleurs, le nouvel article 706-76-5 du CPP prévoit la compétence des juridictions de l’application des peines des JIRS dans le ressort duquel est situé soit l’établissement pénitentiaire dans lequel le condamné est écroué, soit, si le condamné est libre sa résidence habituelle, pour statuer sur les mesures relatives aux personnes condamnées pour les infractions relevant de la délinquance ou de la criminalité organisées précédemment énumérées :

– soit de manière exclusive, lorsque les personnes ont été condamnées par la JIRS, en application de l’article 706-76 du CPP ;

– soit de manière concurrente, lorsque les personnes ont été condamnées par des juridictions locales.

Il est enfin prévu que les magistrats chargés de l’application des peines puissent, pour l’exercice de leurs attributions, se déplacer sur l’ensemble du territoire interrégional et utiliser les moyens de télécommunication.

  1.   LA POSITION DE LA COMMISSION

La commission des Lois a adopté un amendement du rapporteur M. Pauget, pour assurer l’efficacité procédurale des dispositions prévoyant la professionnalisation des cours d’assises pour juger des crimes commis en bande organisée et du crime d’association de malfaiteurs en vue de commettre de tels crimes ([285]).

Elle a ainsi prévu l’application de ces dispositions pour les mineurs âgés de plus de 16 ans, y compris lorsqu’il est décidé de ne pas faire application des règles d’atténuation des peines, dans les conditions prévues à l’article L. 121-7 du code de la justice pénale des mineurs.

En effet, une telle exclusion était difficilement praticable et peu cohérente. L’exclusion de l’excuse de minorité est décidée au moment où la cour d’assises se prononce sur la culpabilité et la condamnation éventuelle de l’accusé. La composition de la cour d’assises ne peut donc pas dépendre d’une décision qu’elle prendra après avoir jugé l’affaire au fond.

Par ailleurs, une telle exclusion n’est pas prévue dans les dispositions relatives à la cour d’assises spéciale compétente pour juge des actes de terrorisme, y compris pour les mineurs âgés de plus de 16 ans ([286]). Il n’y a donc pas lieu de la prévoir pour ces dispositions similaires en matière de criminalité organisée.

Par ailleurs, la commission des Lois a également, à l’initiative du rapporteur M. Pauget, procédé à des coordinations légistiques ([287]) et des améliorations rédactionnelles ([288]) et assuré l’application des dispositions de l’article 13 en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna ([289]).

*

*     *

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 14 modifie le dispositif des collaborateurs de justice pour le rendre plus attractif : il élargit son champ infractionnel et contraint la juridiction de jugement à spécialement motiver sa décision de ne pas accorder une exemption ou une réduction de peine. En contrepartie, il prévoit la formalisation des engagements pris par le collaborateur de justice par le biais d’une convention conclue entre celui-ci et le ministère public ou le juge d’instruction. Il donne également le monopole du suivi des collaborateurs de justice en matière de trafic de stupéfiants au parquet national anti-stupéfiants.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a, lors de l’examen en commission, opéré une réécriture importante de l’article 14. La version de l’article tel qu’adopté par le Sénat prévoit ainsi :

– une clarification des conditions d’octroi d’une exemption ou d’une réduction de peine ;

– un nouvel élargissement du champ infractionnel du dispositif, notamment aux infractions relatives au trafic d’armes, à l’assassinat et à la direction d’un groupement lié au trafic de stupéfiants ;

– une modification en profondeur de l’attribution et de la mise en œuvre du statut de collaborateur de justice.

Dans le texte adopté par le Sénat, la Commission nationale de protection et de réinsertion (CNPR) ne donne plus qu’un avis consultatif sur l’octroi ou non du statut de collaborateur de justice. À l’inverse, elle est seule décisionnaire pour autoriser l’usage d’une identité d’emprunt. Lorsque le statut de collaborateur est octroyé, une convention doit être conclue entre le procureur de la République ou le juge d’instruction et le collaborateur de justice, récapitulant les engagements de ce dernier. Le procureur national anti-criminalité organisée a le monopole du recueil des déclarations des collaborateurs de justice en matière de criminalité organisée. Pour renforcer l’attractivité du dispositif, l’article prévoit également que la juridiction de jugement doit spécialement motiver sa décision de ne pas accorder l’exemption ou la réduction de peine envisagée. Les décisions octroyant ou refusant des mesures de protection ou de réinsertion sont susceptibles de recours.

Le texte crée enfin un mécanisme d’immunité des poursuites, qui serait accordé à titre exceptionnel et uniquement par des magistrats spécialisés.

       Position de la Commission

La commission des Lois a adopté deux amendements du rapporteur M. Pauget (DR) : l’un, sous-amendé par l’amendement CL673 de M. Colombani (LIOT), procède à des coordinations sur le volet pénal du dispositif de collaborateur de justice. Le deuxième amendement réécrit le volet procédural du dispositif :

– il supprime la possibilité d’accorder une immunité complète de poursuites ;

– il allège les dispositions relatives à la convention conclue entre le collaborateur de justice et le magistrat ;

– il prévoit que c’est la chambre de l’instruction près la cour d’appel de Paris, et non le procureur ou le juge d’instruction, qui décide de l’octroi ou non du statut de collaborateur de justice, après avoir pris connaissance de l’avis de la CNPR ;

– il lie la juridiction de jugement en énumérant strictement les conditions pour lesquelles celle-ci peut écarter la réduction ou l’exemption de peine prévue pour le collaborateur de justice ;

– il précise que l’identité d’emprunt n’apparaît pas en procédure, condition indispensable pour que celle-ci soit source d’une véritable protection ;

– il prévoit la remise d’un rapport dans un délai de cinq ans sur l’évolution du dispositif.

  1.   L’état du droit

Le dispositif dit des « repentis » est un outil procédural : les personnes impliquées dans la commission d’infractions mais coopérant avec la justice peuvent bénéficier d’une exemption ou d’une réduction de la peine encourue.

Cette possibilité a été introduite dans le droit français par l’article 12 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite « loi Perben II ».

La mise en œuvre du dispositif n’a été possible qu’à partir de 2014, la publication du décret d’application ([290]) ayant pris dix ans !

● Le champ infractionnel du dispositif

La loi du 9 mars 2004 a introduit l’article 132-78 au sein du code pénal (CP), qui prévoit les critères d’octroi d’une exemption ou d’une réduction de peine.

L’exemption de peine peut être accordée lorsque la personne qui a tenté de commettre un crime ou un délit a averti l’autorité administrative ou judiciaire, et qu’elle a ainsi permis :

– d’éviter la réalisation de l’infraction ;

– et, le cas échéant, d’identifier les autres auteurs et complices.

Les conditions pour bénéficier d’une exemption de peine sont donc cumulatives.

La réduction de peine peut être accordée lorsque la personne ayant commis un crime ou un délit a averti l’autorité administrative ou judiciaire et qu’elle a ainsi permis :

– de faire cesser l’infraction ;

– d’éviter que l’infraction ne produise un dommage ;

– ou d’identifier les autres auteurs ou complices.

Les conditions pour bénéficier d’une réduction de peine sont donc alternatives.

Le dernier alinéa de l’article prévoit expressément qu’aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations émanant de personnes ayant bénéficié d’une exemption ou d’une réduction de peine.

Le champ infractionnel du dispositif est limité à trente-deux infractions. En sont exclus le meurtre et le meurtre aggravé.

Les dispositions qui prévoient, pour chaque infraction, les conditions d’octroi de l’exemption ou de la réduction de peine sont disséminées dans les différents articles du CP.

S’agissant du trafic de stupéfiants, l’article 222-43 du CP prévoit que la peine encourue en cas de trafic de stupéfiants est réduite de moitié si l’auteur ou le complice de l’infraction a permis de faire cesser les agissements incriminés et d’identifier les autres coupables. Lorsque la réclusion criminelle est encourue (comme prévu à l’article 222-34 du CP pour direction ou organisation d’un groupement ayant pour objet le trafic de stupéfiants), la peine peut être ramenée à vingt ans de réclusion criminelle.

L’article 222-43-1 du CP prévoit que toute personne ayant tenté de commettre une infraction liée au trafic de stupéfiants est exemptée de peine si elle a permis d’éviter la réalisation de l’infraction et d’identifier les autres auteurs ou complices en ayant averti l’autorité judiciaire ou administrative.

Même dans le cas de la réduction de peine, les conditions énumérées sont cumulatives, ce qui est contradictoire avec l’article 132-78.

À titre d’exemple, le statut est également applicable aux infractions de blanchiment (article 324-6-1), de corruption et trafic d’influence (articles 432-11-1 et 433-2-1) ou aux crimes de tortures et d’actes de barbarie (article 222-6-2).

 La procédure d’octroi du statut

Le statut de collaborateur de justice est octroyé par la commission nationale de protection et de réinsertion (CNPR) après l’instruction du dossier par le service interministériel d’assistance technique (SIAT).

L’octroi du statut par la CNPR

La CNPR est composée de huit membres : quatre magistrats (dont l’un est Président) et quatre représentants du ministère de l’Intérieur (police nationale, gendarmerie nationale, douanes, sécurité intérieure).

Elle est saisie par le procureur de la République ou le juge d’instruction en charge du dossier. Le dossier est distinct du dossier judiciaire : il ne figure pas dans la procédure du juge d’instruction et de la juridiction de jugement.

Le président du CNPR saisit le SIAT pour instruire la demande, qui procède à l’évaluation du dossier, notamment l’intérêt judiciaire du dossier et l’évaluation de la menace. Il rend ensuite compte de son instruction auprès du président de la CNPR. Celui-ci peut alors rejeter les demandes irrecevables, demander des compléments d’information ou décider de présenter le dossier à la commission.

L’article 9 du décret du 17 mars 2014 permet au SIAT de prendre les mesures nécessaires en cas d’urgence. Si celles-ci revêtent un caractère substantiel, la commission se réunit dans les meilleurs délais pour statuer sur leur maintien ou leur modification.

Une fois saisie, la CNPR statue sur l’apport judiciaire des déclarations. Le SIAT émet un avis mais ne participe pas au vote. La décision d’accorder ou non le statut est prise par les membres de la CNPR à l’issue d’un vote à la majorité absolue.

Elle peut décider de toute mesure qui lui apparaît proportionnée pour assurer la protection des témoins et des collaborateurs de justice, et la réinsertion des collaborateurs de justice.

Le SIAT met en œuvre les décisions de la CNPR et l’alerte sur les difficultés éventuellement rencontrées.

Les mesures de protection et de réinsertion ne sont pas prévues dans le décret, ce qui laisse une grande latitude à la CNPR ou au SIAT. Parmi celles citées par le président de la CNPR se trouvent l’exfiltration en urgence, la fourniture d’un logement,une protection physique mais aussi un suivi psychologique et le choix du lieu d’incarcération pour les personnes incarcérées.

Source : contribution de M. Marc Sommerer, président de la commission nationale de protection et de réinsertion aux travaux du rapporteur

L’attribution à une personne du statut de collaborateur de justice ne supprime pas la responsabilité pénale de celle-ci. La juridiction de jugement n’est pas liée par l’octroi du statut de collaborateur de justice en cours de procédure. Si la juridiction accorde l’exemption de peine, alors le collaborateur échappe à toute sanction, même s’il est déclaré coupable.

Seule la personne autorisée à utiliser une identité d’emprunt peut bénéficier du huis clos ou d’une anonymisation de son apparence pour comparaître à l’audience, conformément à l’article 706-63-2 du CPP. Seul le SIAT a connaissance de la nouvelle identité d’emprunt.

C’est le président du tribunal judiciaire qui autorise, par ordonnance motivée, une personne à faire usage d’une identité d’emprunt, conformément à l’article 706-63-1 du CPP. Il est saisi par requête motivée du président de la CNPR, accompagnée de la demande écrite de la personne intéressée. L’article 23 du décret n° 2014-346 du 17 mars 2014 prévoit que le président de la CNPR peut également saisir le président du tribunal pour que l’autorisation soit retirée.

Dans un arrêt du 2 mars 2022 ([291]), la première chambre civile de la Cour de cassation a considéré qu’il revenait au président de la cour d’appel de Paris d’apprécier le bien-fondé de la demande de levée d’une identité d’emprunt formulée par la CNPR, contrairement au moyen soulevé par le président de la CNPR.

● Un dispositif dont le potentiel n’est pas totalement exploité

Au 28 décembre 2024, le SIAT protégeait 41 personnes, dans 20 programmes actifs. Sur les 25 programmes validés depuis la création de la CNPR en 2014, 19 procèdent d’enquêtes sur des groupes criminels impliqués dans le trafic de stupéfiants, soit 76 % des programmes ([292]). Ces chiffres sont à mettre en perspective avec les 1 100 repentis comptabilisés dans le système judiciaire italien ([293]).

M. Bruno Sturlese, ancien président de la commission interrogé par la commission d’enquête du Sénat sur le narcotrafic, a déploré les compétences trop larges du SIAT, notamment l’examen de faisabilité qui conditionne la saisine de la CNPR, ce qui est une difficulté de principe. Ces propos rejoignent les constats qu’il avait formulés dans un rapport remis en février 2023, selon lequel « la forte dépendance à l’égard du SIAT, unique service évaluateur et gestionnaire, devrait certainement être interrogée » ([294]).

Le président actuel de la CNPR a énuméré quelques motifs expliquant que le dispositif soit sous-employé : la complexité des textes, la culture du secret autour du dispositif mais aussi la restriction du champ infractionnel, qui n’a pas permis d’y intégrer certains candidats car leurs dossiers concernaient des meurtres et des assassinats.

  1.   Le dispositif proposÉ par le SÉnat

La commission d’enquête du Sénat pointe plusieurs limites au dispositif des repentis : le champ infractionnel trop réduit, la relative opacité du fonctionnement du SIAT et de la CNPR, mais aussi le manque d’attractivité pénale pour les candidats, qui n’ont aucune garantie quant au quantum de peines qui sera fixé par la juridiction de jugement. Le présent article propose donc une réforme du régime pour le rendre plus attractif.

  1.   LEs dispositions initiales

L’article 14, dans sa rédaction initiale, apporte plusieurs modifications d’ampleur au dispositif des collaborateurs de justice.

● Le 1° du I du présent article complète l’article 132-78 du CP qui prévoit le mécanisme d’exemption ou de réduction de peine.

Il conditionne le bénéfice d’une exemption ou d’une réduction de peine à la présence dans le dossier pénal :

– du rapport établi par le ministère public contenant les déclarations du collaborateur de justice ;

– la convention conclue entre le ministère public et le collaborateur de justice, qui contient les engagements pris par ce dernier.

Ces éléments seront indispensables sauf lorsque la personne a effectué des déclarations au cours de l’audience de jugement.

Il introduit la possibilité pour les personnes ayant bénéficié d’une réduction ou d’une exemption de peine de bénéficier d’une libération conditionnelle sous réserve qu’au moins la moitié de la peine encourue ait été exécutée.

Il prévoit que la juridiction de jugement doit spécialement motiver sa décision de ne pas retenir l’exemption ou la réduction de peine demandée par le ministère public.

Il ouvre également la possibilité pour le procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle le jugement a été prononcé de demander une révision du jugement, si la personne qui a bénéficié d’une exemption ou d’une réduction de peine :

– a fourni des informations inexactes ou incomplètes ;

– ou a commis un nouveau crime ou délit dans un délai de dix ans suivant la date à laquelle le jugement est devenu définitif.

Le dernier alinéa du 1° du I prévoit enfin l’application de ces différents éléments – présence dans le dossier du rapport et de la convention, possibilité de libération conditionnelle, décision motivée de ne pas accorder l’exemption ou la réduction de peine et possibilité de réviser le jugement – aux personnes ayant averti les autorités administratives ou judiciaires dans les conditions prévues aux articles 222-43 et 222-43-1.

● Les 2° à 5° du I modifient également le champ infractionnel du dispositif.

Le a) du 2° prévoit qu’une personne ayant tenté de commettre un meurtre ou un meurtre en bande organisée peut être exemptée de peine dès lors qu’elle a permis d’éviter la mort de la victime et d’identifier les auteurs ou complices en avertissant l’autorité administrative ou judiciaire.

Le champ infractionnel est élargi aux infractions d’assassinat et de meurtre en bande organisée (b) du 2°), à l’infraction de direction de groupement (4°) et à l’infraction de participation à une association de malfaiteurs (5°) le mécanisme de réduction de peine, si le collaborateur de justice a permis d’éviter la répétition de l’infraction et l’identification des auteurs ou complices

Le 3° du I élargit également les motifs pour lesquels une réduction de peine peut être accordée dans le cadre d’infractions liées au trafic de stupéfiants (visées aux articles 222-35 à 222-39), prévus à l’article 222-43 : dès lors que le collaborateur aura permis de mettre fin à la commission ou à la préparation de l’infraction, d’éviter ou de limiter les dommages qu’elle a produits, ou d’en identifier les auteurs ou complices, alors il sera éligible à une réduction de peine.

Alors que l’article 222-43 prévoyait des conditions cumulatives – cessation des agissements et identification des coupables – la rédaction proposée assouplit les conditions d’octroi en introduisant des conditions alternatives.

● Enfin, le II du présent article 14 modifie le titre XXI bis du livre IV du code de procédure pénale (CPP), intitulé « Protection des personnes bénéficiant d’exemptions ou de réductions de peines pour avoir permis d’éviter la réalisation d’infractions, de faire cesser ou d’atténuer le dommage causé par une infraction, ou d’identifier les auteurs ou complices d’infractions », composé des articles 706-63-1 et 706-63-2.

Le 1° du II insère un nouvel article 706-63-1 A qui prévoit que les personnes souhaitant collaborer avec la justice doivent communiquer toutes les informations utiles au ministère public dans un délai de 180 jours. Leurs déclarations sont consignées dans un rapport établi par le procureur de la République. Dès lors que le délai de 180 jours est expiré, aucune mesure de protection ne peut être accordée si toutes les informations n’ont pas été transmises. Le nouvel article prévoit également que les mesures de protection ou de réinsertion peuvent être révoquées dès lors que les engagements contenus dans la convention prévue à l’article 706-63-1 n’ont pas été respectés.

Le dernier alinéa du nouvel article 706-63-1 A crée un monopole du procureur national anti-stupéfiants lorsque les infractions commises par le collaborateur potentiel sont liées au trafic de stupéfiants (articles 222-34 à 222-40 du CP et infractions connexes) : c’est lui qui assure alors le recueil et la consignation des informations.

Le 2° du II modifie les dispositions relatives aux compétences de la CNPR prévues à l’article 706-63-1 du CPP.

Il supprime l’alinéa qui prévoit la compétence du président du tribunal judiciaire pour autoriser un collaborateur de justice à faire usage d’une identité d’emprunt. Il prévoit une nouvelle procédure d’autorisation : c’est la CNPR qui peut autoriser une personne à faire usage d’une identité d’emprunt ou à modifier son état civil de manière définitive lorsque cela est indispensable au regard de la gravité de la menace encourue.

Il instaure la conclusion d’une convention entre la personne qui collabore avec la justice et le procureur de la République – ou le procureur national anti-stupéfiants – dans laquelle le collaborateur de justice s’engage à :

– respecter les règles de sécurité prescrites ;

– collaborer au bon déroulement de l’enquête ;

– garder secrètes les informations transmises à la justice ;

– s’abstenir de tout contact avec les autres auteurs ou complices de l’infraction ;

– fournir un état précis de son patrimoine ;

– indemniser les victimes.

Cette convention doit comporter la mention de l’exemption ou de la réduction de peine demandée par le ministère public.

Un tel mécanisme de convention existe en Angleterre, en Belgique, aux Pays-Bas et en Italie sous la forme d’un accord écrit entre le repenti et le ministère public, portant sur les déclarations fournies et les avantages consentis en contrepartie de leur collaboration ([295]).

Le 2° ajoute également un alinéa qui prévoit explicitement que la juridiction de jugement doit spécialement motiver sa décision de ne pas accorder l’exemption ou la réduction de peine mentionnée cette convention.

  1.   Les modifications adoptées par le Sénat

● La commission des Lois a adopté l’amendement COM-72 des rapporteurs, qui propose une réécriture importante de l’article 14.

Il apporte, au 1° A du I du présent article, deux modifications à l’article 132-78 du CP :

– il transforme les conditions cumulatives pour bénéficier d’une exemption de peine en conditions alternatives : celle-ci sera accordée au collaborateur qui a permis d’éviter la réalisation de l’infraction ou de mettre fin à sa préparation ;

– il ajoute un motif d’octroi d’une réduction de peine : celle-ci pourra être accordée lorsque le collaborateur de justice aura permis de limiter les dommages produits par l’infraction, alors que seul le cas où son intervention évitait les dommages était prévu.

Il transfère dans un nouvel article 132-78-1, créé par le 1° du I du présent article 14, les dispositions relatives à la présence dans le dossier pénal du rapport et de la convention et à la possibilité de libération conditionnelle, en assouplissant les modalités de cette dernière.

Il procède, au 2° du I, à une réécriture de l’article 221-5-3 relatif à l’exemption ou réduction de peine en cas d’assassinat ou d’empoisonnement :

– il conserve uniquement un critère d’octroi d’exemption de peine en cas de tentative d’assassinat ou d’empoisonnement : que la mort de la victime ait été évitée, et exclu les infractions de meurtre et meurtre en bande organisée ;

– il assouplit les motifs d’octroi d’une réduction de peine en cas d’assassinat ou d’empoisonnement en prévoyant que les critères, auparavant cumulatifs, sont alternatifs : si l’avertissement du collaborateur de justice a permis d’éviter la réitération de l’infraction ou l’identification des autres auteurs ou complices, alors il est éligible à une réduction de peine.

Il revient en partie sur l’élargissement des motifs d’octroi d’une réduction de peine opéré en commission aux 3° et 4° du I (article 222-43) en retirant celui de mettre fin à la préparation de l’infraction, qui trouve plutôt sa place dans l’article 222-43-1, qui prévoit une exemption de peine lorsque le collaborateur de justice a permis d’éviter la réalisation de l’infraction.

Par cohérence avec les ajustements apportés aux autres mécanismes de réduction de peine, l’amendement modifie l’article 222-43-1 pour transformer des conditions cumulatives en conditions alternatives pour l’octroi d’une réduction de peine en cas d’infractions liées au trafic de stupéfiants.

Il élargit le mécanisme de réduction ou d’exemption de peine aux infractions liées au trafic d’armes et visées aux articles 222-52 à 222-60, en créant au 4° bis du I un nouvel article 222-67-1 au sein du CP.

Enfin, l’amendement déposé par les sénateurs réécrit largement le titre XXI bis du livre IV du CPP, en changeant également son intitulé qui devient : « Des collaborateurs de justice ».

Le 1° du II introduit à cet effet quatre nouveaux articles 706-63-1 A à 706-63-1 D dans le CPP qui structurent l’octroi du statut de collaborateur de justice.

Le nouvel article 706-63-1 A organise la procédure d’octroi du statut de collaborateur de justice. Dès qu’une personne a exprimé sa volonté de collaborer avec la justice, le magistrat compétent (procureur de la République ou juge d’instruction) mobilise le SIAT afin que celui-ci conduise une évaluation sur la personnalité et l’environnement de la personne. Une fois l’évaluation conduite, les déclarations de la personne souhaitant collaborer sont recueillies par le magistrat compétent, qui évalue « leur caractère sincère, complet et déterminant ». Ce dernier recueille ensuite l’avis de la CNPR sur l’octroi ou non du statut de collaborateur de justice. Si le magistrat compétent l’estime opportun au regard de la complexité et de la gravité de l’affaire, il peut octroyer ce statut, même si la CNPR a rendu un avis défavorable (II du nouvel article 706-63-1 A).

Les procès-verbaux contenant les déclarations du collaborateur de justice ne sont pas versés en procédure.

Les collaborateurs de justice doivent communiquer l’ensemble des informations utiles dans un délai de 180 jours

Le dernier alinéa du III du nouvel article 706-63-1 A confirme le monopole du procureur national anti criminalité organisée lorsque la collaboration concerne la criminalité et la délinquance organisées.

Le nouvel article 706-63-1 B crée un nouveau mécanisme d’immunité de poursuites. Celui-ci serait applicable lorsque « les déclarations de la personne concernée sont d’une importance déterminante pour la manifestation de la vérité ». Le nouvel article énumère deux critères, sans que ceux-ci ne soient exhaustifs :

– ces déclarations permettent l’identification d’un grand nombre d’auteurs ou de complices ;

– elles permettent de faire cesser ou d’éviter la commission ou la répétition d’une infraction de particulière gravité.

Cette immunité pourra uniquement être octroyée par des magistrats spécialisés – le procureur de la République anti criminalité organisée, les procureurs exerçant dans les JIRS ou les juges d’instruction appartenant à une formation spécialisée JIRS – après avis conforme de la CNPR, requise à cette fin par le magistrat compétent au moins trente jours avant la conclusion de la convention. La CNPR doit se prononcer dans un délai maximal de quatorze jours et peut saisir à nouveau le SIAT si elle le souhaite (II du nouvel article 706-63-1 B).

Selon un mécanisme similaire à celui prévu pour les exemptions et réductions de peine, une convention doit être conclue entre le magistrat et le collaborateur de justice, qui comprend les éléments déjà mentionnés mais également :

– la liste des infractions pour lesquelles l’immunité est applicable ;

– les mesures de protection et de réinsertion accordées à la personne concernée et à ses proches ;

– la liste et la durée des engagements pris par le collaborateur de justice ;

– le cas échéant, les cas dans lesquels l’immunité prend fin.

Le IV du nouvel article 706-63-1 B encadre la mise en œuvre du mécanisme d’immunité pendant la durée de prescription des infractions pour lesquelles une immunité a été accordée. Celle-ci prend fin de plein droit dès lors que le collaborateur de justice :

– a effectué des déclarations volontairement inexactes ou incomplètes ;

– commet une nouvelle infraction ;

– ou viole l’un des engagements pris dans le cadre de la convention précitée.

L’immunité est valable pour toutes les procédures juridictionnelles et devant toutes les juridictions françaises, sans limitation de durée (V du nouvel article 706-63-1 B).

Le nouvel article 706-63-1 C reprend les dispositions relatives à la convention conclue entre le ministère public et le collaborateur de justice déjà prévues dans la version initiale du présent article 14. Ainsi, le juge d’instruction peut également être partie à la convention et celle-ci doit contenir les mêmes engagements que la version initiale de l’article 14 à l’exception de l’obligation pour le collaborateur de justice de fournir un état précis de son patrimoine, qui n’apparaît plus.

L’article 706-63-1 C reprend également l’obligation pour la juridiction de spécialement motiver sa décision de ne pas octroyer au collaborateur de justice le bénéfice de l’exemption ou la réduction de peine prévues par la convention, disposition déjà prévue dans la version initiale du texte.

Il ajoute l’obligation pour la juridiction de jugement de fixer la durée maximale de l’emprisonnement encouru par le condamné si ses déclarations se révélaient inexactes ou incomplètes alors que le jugement est devenu définitif. Dans ce cas, le tribunal de l’application des peines peut ordonner la mise à exécution de tout ou partie de l’emprisonnement prévu par la juridiction de jugement. Cette procédure remplace le mécanisme de révision de jugement qui existait dans la version initiale de la proposition de loi.

Le nouvel article 706-63-1 D prévoit qu’aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations d’un collaborateur de justice.

Le 2° du II du présent article 14, modifié par l’amendement des rapporteurs, complète l’article 706-63-1 relatif aux mesures de protection et de réinsertion et à l’identité d’emprunt :

– maintient la suppression de la compétence du président du tribunal judiciaire à autoriser l’usage d’une identité d’emprunt ;

– crée une nouvelle infraction : la révélation qu’une personne a sollicité des mesures de protection et de réinsertion, ou qu’une personne en bénéficie, devient passible de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ;

– prévoit que les décisions octroyant, refusant ou révoquant des mesures de protection ou de réinsertion peuvent faire l’objet d’un recours par le procureur de la République, la personne concernée ou le juge d’instruction devant le président de la chambre de l’instruction ;

– et complète la procédure d’autorisation de l’usage d’une identité d’emprunt par la CNPR en prévoyant que la faculté d’octroi d’une identité d’emprunt par celle-ci s’applique aussi aux collaborateurs de justice.

Le 3° du II réécrit enfin entièrement l’article 706-63-2 qui donne compétence à la juridiction de jugement pour ordonner des mesures de nature à préserver l’anonymat des personnes faisant usage d’une identité d’emprunt. L’amendement modifie cette procédure pour confier à la chambre de l’instruction, sur requête du juge d’instruction ou du procureur de la République, la possibilité d’ordonner, à tous les stades de la procédure, l’audition du collaborateur de justice dans des conditions de nature à préserver leur anonymat.

● En séance publique, le Sénat a adopté un amendement n° 254 des rapporteurs avec un avis de sagesse du Gouvernement. Cet amendement procède à plusieurs ajustements du dispositif :

– il réintroduit la possibilité (supprimée en commission) d’exempter de peine toute personne ayant tenté de commettre un meurtre ou un meurtre en bande organisée si, en avertissant l’autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d’éviter la mort de la victime (2° du I modifiant l’article 221-5-3 du CP) ;

– il modifie, dans un nouveau 2° bis du I du présent article, l’article 222-6-2 du CP, qui concerne l’exemption et la réduction de peine pour les infractions de tortures et actes de barbarie, pour assouplir les conditions d’octroi de la réduction de peine, en cohérence avec les assouplissements déjà réalisés ;

– il inclut la direction de groupement dans les infractions pouvant faire l’objet d’une réduction de peine dans les conditions prévues à l’article 222-43 du CP (a du 3° du I) ;

– il élargit le champ infractionnel de la réduction à l’infraction d’appartenance à une organisation criminelle, créée par l’article 9 de la présente proposition de loi (5° du I modifiant l’article 450-2 du CP) ;

– il nuance, aux deux derniers alinéas du II de l’article 706-63-1 A, l’impossibilité pour les procès-verbaux de déclaration d’être versés en procédure : ces procès-verbaux seront bien versés en procédure, ainsi que l’avis de la CNPR, mais si le collaborateur de justice a eu l’autorisation de faire usage d’une identité d’emprunt, alors ces procès-verbaux feront mention uniquement de cette identité (au 1°du II du présent article) ;

– il supprime, à l’article 706-63-1 du CPP, la possibilité pour le collaborateur de justice de modifier son état civil à titre définitif (au 2° du II).

Le Sénat a également adopté trois amendements identiques n° 115 (Mme Carlotti, groupe SER), n° 195 rect (M. Bourgi, SER) et n° 204 rect (M. Parigi, UC) avec des avis favorables de la commission et du Gouvernement, qui prévoient que le magistrat apprécie la pertinence de l’octroi du statut de collaborateur de justice en s’appuyant sur les déclarations de la personne antérieures à l’annonce de sa volonté de coopérer.

  1.   La position de la commission

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur M. Pauget (DR).

L’amendement CL510, modifié par le sous-amendement CL673 de M. Colombani (LIOT), ajuste le volet pénal du dispositif de collaborateur de justice.

Il modifie divers articles du code pénal qui prévoient des réductions et des exemptions de peine pour en harmoniser les conditions d’octroi. S’agissant de la réduction de peine, quelle que soit l’infraction, les conditions d’octroi sont alternatives, conformément à ce que prévoit l’article 132-78 du code pénal.

L’amendement CL512 réécrit la procédure d’octroi du statut de collaborateur de justice.

S’il conserve l’évaluation par le Siat de l’environnement et de la personnalité d’une personne prête à faire des déclarations lors de l’enquête ou de l’instruction, il simplifie les dispositions relatives à la convention, pour éviter de rigidifier trop fortement le dispositif (articles 706-63-1 B et 706-63-1 C).

Il conserve l’implication du procureur de la République national anti-criminalité organisée lorsque les déclarations concernent les infractions qui entrent dans son champ de compétences (article 706-63-1 B).

Il donne à la chambre de l’instruction près la cour d’appel de Paris la compétence d’octroyer ou non le statut de collaborateur de justice, après avoir pris connaissance de l’avis rendu par la CNPR et de l’évaluation conduite par le Siat (article 706-63-1 D).

Il supprime le dispositif d’immunité complète des poursuites introduit par le Sénat lors des travaux en commission.

Il renforce l’attractivité du dispositif en liant fortement la juridiction de jugement. Celle-ci ne pourra écarter la réduction ou l’exemption de peine prévue que dans deux cas précis : un élément nouveau a fait apparaître le caractère mensonger ou volontairement incomplet des déclarations du collaborateur ou celui-ci a commis un nouveau crime ou délit (article 706-63-1 F).

Il revient sur l’alinéa qui prévoyait que l’identité d’emprunt d’un collaborateur de justice devait figurer sur les procès-verbaux de déclaration, versés en procédure. Il conserve néanmoins la disposition qui confie à la CNPR, et non au président du tribunal judiciaire de Paris, la compétence pour autoriser ou non l’usage d’une identité d’emprunt.

Enfin, il prévoit la remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi sur l’évolution du dispositif de collaborateur de justice.

*

*     *

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 14 bis renforce les peines encourues en cas de révélation de l’identité ou de la localisation d’un témoin protégé ou de ses proches. Il autorise également le recours à des dispositifs techniques pour altérer la voix ou l’apparence physique d’un témoin protégé lorsque celui-ci doit témoigner.

       Dernière modification législative intervenue

L’article 22 de la loi n° 2016-371 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale a inséré deux nouveaux articles au sein du code de procédure pénale pour permettre à un témoin de bénéficier de mesures de protection.

       Position de la Commission

La commission des Lois a adopté deux amendements du rapporteur M. Pauget (DR), l’un qui clarifie l’échelle des peines encourues pour révélation de l’identité d’un témoin protégé et l’autre qui étend aux victimes les mesures de protection prévues pour les témoins menacés.

  1.   L’État du droit

Le titre XXI du livre IV du code de procédure pénale (CPP), intitulé « De la protection des témoins », comporte plusieurs dispositions visant à protéger les témoins. Le niveau de protection est adapté à la menace qui pèse sur le témoin. Plus le degré d’anonymisation est élevé, plus les conditions pour en bénéficier sont restrictives, pour garantir un équilibre avec l’exercice des droits de la défense.

L’article 706-57 permet à un témoin de dissimuler son adresse en déclarant comme domicile le siège du service d’enquête, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction. Peuvent en bénéficier les personnes « à l’encontre desquelles il n’existe aucune raison plausible de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ».

Les conditions sont plus strictes pour accorder l’anonymat à un témoin pendant la procédure judiciaire. Conformément à l’article 706-58, les déclarations d’un témoin peuvent être recueillies sans que son identité apparaisse dans le dossier de la procédure lorsque celle-ci porte sur un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement et que l’audition de la personne est susceptible de mettre gravement en danger sa vie ou son intégrité physique. La décision est prise par le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République ou le juge d’instruction.

La décision n’est pas susceptible de recours, sauf si la connaissance de l’identité de la personne est indispensable à l’exercice des droits de la défense, conformément à l’article 706-60 du CPP.

La révélation de l’identité ou de l’adresse d’un témoin alors que celle-ci était dissimulée est passible de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, conformément à l’article 706-59 du CPP.

Si la personne mise en examen ou renvoyée devant la juridiction de jugement souhaite être confrontée à un témoin anonyme, ce dernier témoigne dans des conditions susceptibles de maintenir son anonymat, grâce à des dispositifs techniques qui rendent sa voix non identifiable (article 706-61).

L’article 22 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale a ajouté deux dispositifs de protection des témoins.

L’article 706-62-1 du CPP organise la confidentialité de l’identité d’un témoin pendant la procédure et dans les documents rendus publics, grâce à l’attribution à cette personne d’un numéro. L’identité du témoin apparaît donc en procédure mais n’est pas rendue publique. Cette confidentialité est ordonnée par le juge d’instruction ou par président de la juridiction de jugement statuant en chambre du conseil. Elle est possible uniquement pour les procédures portant sur un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement. La décision ordonnant la confidentialité de l’identité du témoin n’est pas susceptible de recours.

Les mêmes sanctions que celles prévues à l’article 706-59 du CPP s’appliquent lorsque l’identité ou l’adresse du témoin concerné sont révélées : cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

Enfin, dans des cas encore plus restreints, un témoin peut bénéficier de mesures de protection. L’article 706-62-2 du CPP circonscrit cette possibilité aux procédures portant sur un crime ou un délit mentionné aux articles 628 ([296]), 706-73 et 706-73-1 ([297]) et lorsque l’audition du témoin est susceptible de mettre gravement en danger sa vie ou son intégrité physique, ou celle de ses proches.

La personne peut alors être autorisée, par ordonnance motivée rendue par le président du tribunal judiciaire, à faire usage d’une identité d’emprunt.

Les mesures de protection sont définies par la commission nationale de protection et de réinsertion (CNPR), qui en assure le suivi. Si le régime de protection est similaire à celui prévu pour les repentis, les témoins protégés ne peuvent pas bénéficier de mesures de réinsertion.

L’article 706-62-2 prévoit également des peines en cas de révélations de l’identité ou de l’adresse du témoin protégé : comme pour le témoin anonyme, toute révélation de l’identité ou de la localisation d’un témoin protégé est passible de cinq ans d’emprisonnement ou de 75 000 euros d’amende. L’article ajoute cependant deux circonstances aggravantes qui n’existent pas pour le témoin anonyme ou le témoin dont l’identité est confidentielle :

– lorsque la révélation a eu pour conséquence des violences à l’égard du témoin ou de son conjoint, de ses enfants ou de ses ascendants directs, alors les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende ;

– lorsque la révélation a eu pour conséquence la mort du témoin ou de son conjoint, de ses enfants ou de ses ascendants directs, alors les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende.

Le rapport de la commission d’enquête du Sénat précité souligne la nécessité pour la CNPR de développer son action auprès des témoins menacés, par exemple en organisant le relogement des familles concernées.

  1.   Le dispositif adoptÉ par le SÉnat

Le présent article 14 bis est issu de l’adoption, en séance publique, de l’amendement n° 65 bis de M. Benarroche (Écologiste – Solidarité et territoires), avec avis favorables de la commission et du Gouvernement.

Le 1° de l’article 14 bis affine les sanctions dont sont passibles les personnes qui révèlent des informations confidentielles sur des témoins en fonction des conséquences qu’ont eues ces révélations. Il modifie ainsi le deuxième alinéa de l’article 706-59 du CPP.

Le fait de révéler qu’un témoin fait usage d’une identité d’emprunt ou de révéler tout élément de nature à permettre sa localisation ou son identification reste passible de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Cette sanction s’applique également lorsque les informations révélées ont permis la localisation ou l’identification des proches du témoin. Le 1° crée cependant deux circonstances aggravantes :

– lorsque la révélation a eu pour conséquence des violences à l’égard du témoin ou de ses proches, alors les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende ;

– lorsque la révélation a eu pour conséquence la mort du témoin ou de l’un de ses proches, alors les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.

Il reprend ainsi la même échelle des peines que celle prévue à l’article 706‑62-2, en substituant à la liste exhaustive (conjoint, enfants, ascendants directs) la notion plus large de proches. En conséquence, il modifie également le dernier alinéa de l’article 706-62-1 pour y ajouter les proches du témoin protégé. Le 4° du présent article procède à la même substitution à l’article 706-62-2.

Le 2° modifie l’article 706-61 du CPP pour élargir les dispositifs techniques pouvant être utilisés pour garantir l’anonymat d’un témoin lors de la phase de jugement : celui-ci doit pouvoir altérer sa voix mais aussi son apparence physique.

Enfin, le 3° complète l’article 706-62-1 du CPP pour prévoir que lorsque la confidentialité de l’identité d’un témoin a été décidée, celle-ci peut être préservée grâce à des dispositifs altérant la voix ou l’apparence physique.

  1.   La position de la Commission

La commission des Lois a adopté deux amendements du rapporteur M. Pauget (DR) qui modifient l’article 14 bis.

L’amendement CL637 simplifie la rédaction relative aux peines encourues en cas de révélation de l’identité ou de l’adresse d’un témoin protégé et supprime la possibilité pour un témoin qui apparaît sous numéro dans la procédure de disposer des procédés d’anonymisation, celui-ci n’ayant pas formellement été autorisé à être anonyme.

L’amendement CL511 étend les mesures de protection aux victimes.

Il abroge l’article 706-40-1 du CPP qui prévoit des mesures de protection pour les personnes victimes de traite d’êtres humains ou de proxénétisme, et modifie les articles relatifs à la protection des témoins pour y intégrer l’ensemble des victimes. Celles-ci pourront ainsi se domicilier auprès du commissariat (article 706-57) ou témoigner anonymement (article 706-58). L’amendement étend également aux témoins protégés et aux victimes la possibilité de bénéficier des mesures de réinsertion mises en place par le Siat pour les collaborateurs de justice (article 706-62-2). Les témoins protégés et les victimes pourront également bénéficier des possibilités de comparution anonymisée, qui existent déjà pour les collaborateurs de justice (article 706-63-1).

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Adopté par la Commission avec modifications

      Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 15 de la proposition de loi introduit une nouvelle procédure d’anonymisation, dans les procédures pénales, des enquêteurs affectés dans un service en charge de la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées.

Ce dispositif autorise ces enquêteurs à être identifiés dans les actes de procédure par leur numéro d’immatriculation administrative, leur qualité et leur service ou unité d’affectation.

     Dernières modifications législatives intervenues

L’article 43 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a modifié l’article 15-4 du code de procédure pénale, relative à l’anonymisation des enquêteurs intervenant dans le cadre de la procédure pénale, en étendant ce dispositif à tous les actes dans lesquels ces enquêteurs interviennent.

L’article 55 bis du code des douanes a été créé par la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces pour étendre l’application de ce dispositif d’anonymisation aux agents des douanes.

      Modifications apportées par le Sénat

L’article 15 a été réécrit par la commission des Lois du Sénat, notamment pour étendre l’application du nouveau dispositif d’anonymisation des agents des services de lutte contre la délinquance et la criminalité organisées aux auditions de ces derniers dans le cadre de l’enquête ou l’instruction ou devant une juridiction de jugement.

Les garanties applicables à cette procédure ont été précisées, notamment pour prévoir une voie de recours permettant de demander la révélation de l’identité de l’agent.

La sanction encourue en cas de la révélation de l’identité de l’agent protégée a été précisée.

De plus, l’application de ce dispositif d’anonymat a été étendue aux agents en charge de la lutte contre le trafic en mer et aux agents des douanes.

Enfin, la commission des Lois du Sénat a prévu une présomption d’habilitation des agents affectés dans les services spécialement chargés des enquêtes en matière de délinquance et de criminalité organisées à accéder à toute information figurant dans les fichiers d’antécédents judiciaires (le TAJ).

En séance publique, le Sénat a introduit une procédure d’anonymisation des décisions judiciaires en matière pénale au profit des services de justice.

     Position de la commission

D’une part, la commission des Lois a supprimé les dispositions prévoyant une présomption d’habilitation des enquêteurs affectés dans un service spécialisé de lutte contre la délinquance et la criminalité organisées pour accéder aux informations figurant dans le TAJ.

D’autre part, elle a supprimé les dispositions permettant d’occulter l’identité des membres des services judiciaires dans les décisions susceptibles d’être rendues publiques. Celles-ci s’avéraient en effet redondantes par rapport au droit existant.

  1.   L’État du droit
    1.   Les dispositions gÉnÉrales relatives À la protection des personnes encourant un risque dans le cadre des procÉdures pÉnales

Le code de procédure pénale (CPP) prévoit plusieurs dispositifs permettant de protéger l’identité d’une personne en garantissant son anonymat dans la procédure, compte tenu des risques particuliers qu’elle encourt.

Cette protection est notamment offerte aux personnes concourant à la procédure, son intensité variant selon leur degré d’implication. Ces dispositions doivent toutefois se concilier avec les exigences découlant du droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des Libertés fondamentales. En particulier, le principe d’égalité des armes implique de préserver la possibilité pour l’accusé « d’interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge » ([298]).

Ainsi, il est possible pour une victime de ne pas révéler l’adresse de son domicile ([299]).

Une telle protection du domicile est également accordée aux témoins qui peuvent être autorisés à ne pas déclarer leur adresse personnelle dans le cadre de la procédure pénale ([300]).

Au-delà de cette protection, il est prévu un régime d’anonymat bénéficiant aux témoins sous certaines conditions, tenant en particulier à la gravité des faits objets de l’enquête et à l’intensité du risque encouru.

– Il est d’abord possible de garantir que l’identité du témoin ne sera pas révélée aux tiers à la procédure. L’identité de ce témoin confidentiel apparaît dans les pièces de la procédure mais n’est pas rendue publique ([301]).

– Il est également possible de garantir l’anonymat du témoin dans la procédure. La procédure de témoignage dit « sous X » permet de recueillir les déclarations de la personne qui en bénéficie sans que son identité n’apparaisse dans les procès-verbaux ([302]).

La mise en œuvre de ces dispositions est toutefois encadrée pour garantir le respect des droits de la défense et du principe de la contradiction. En particulier, cette procédure n’est pas applicable si, au regard des circonstances dans lesquelles l’infraction a été commise ou de la personnalité du témoin, la connaissance de l’identité de la personne est indispensable à l’exercice de ces droits ([303]). Par ailleurs, aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations recueillies dans ces conditions ([304]).

L’anonymat du témoin peut ensuite être garanti au cours de la confrontation organisée avec la personne mise en examen ou renvoyée devant la juridiction de jugement ([305]).

Le champ d’application de ces dispositifs d’anonymat est restreint aux procédures portant sur des crimes ou des délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement. Leur mise en œuvre est placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire.

Enfin, les interprètes bénéficient également d’une protection, depuis la loi du 20 novembre 2023 ([306]), lorsqu’ils interviennent à l’occasion d’une procédure portant sur une infraction constituant un acte de terrorisme ([307]).

Sur autorisation du procureur général près la cour d’appel de Paris, ils peuvent ainsi ne pas être identifiés par leurs nom et prénom dans le cadre des procédures en matière de terrorisme, mais par un numéro anonymisé ([308]).

Le champ d’application de cette mesure d’anonymisation est limité, non seulement en fonction de la matière, mais aussi au regard des conditions qui entourent sa mise en œuvre. Elle n’est prévue que dans la mesure où la révélation de l’identité de l’interprète est susceptible, compte tenu des conditions d’exercice de sa mission, de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celle de ses proches.

Enfin, il est prévu que l’état civil de l’interprète anonyme ne puisse être communiqué que sur décision du procureur général près la cour d’appel de Paris. Il est également communiqué, à sa demande, au président de la juridiction de jugement saisie des faits

  1.   La protection des enquÊteurs au cours de la procÉdure

Il existe plusieurs dispositions garantissant l’anonymat des enquêteurs intervenant à la procédure.

Les officiers ou agents de police judiciaire qui reçoivent les plaintes peuvent s’identifier par leur numéro d’immatriculation administrative ([309]).

De manière plus spécifique, l’article 15-4 du CPP prévoit un régime d’anonymisation complète des agents de la police nationale, de la gendarmerie nationale, des agents des douanes et des services fiscaux, dans tous les actes de procédure qu’ils établissent ou dans lesquels ils interviennent.

Cette procédure permet à ces officiers de police judiciaire ou agents de police judiciaire de ne pas être identifiés par leur nom et prénom mais par un numéro d’immatriculation administrative, ainsi que par leur qualité et leur service ou unité d’affectation.

Elle est cependant applicable aux procédures portant sur un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement et n’est susceptible d’être mise en œuvre que dans la mesure où la révélation de l’identité de l’agent est susceptible de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches, ce risque pouvant être constitué :

– soit en considération des conditions d’exercice de sa mission ou de la nature des faits qu’il est habituellement amené à constater ;

– soit au regard de circonstances particulières dans la commission des faits ou de la personnalité des personnes mises en cause,

Par ailleurs, l’anonymisation de l’agent est soumise à la délivrance d’une autorisation écrite, nominative et motivée délivrée par un responsable hiérarchique « de niveau suffisant » ([310]).

Dans le cadre de cette procédure, seules les juridictions d’instruction ou de jugement saisies des faits ont accès aux nom et prénom de l’agent anonyme.

En vertu de ce dispositif, l’agent concerné bénéficie d’un anonymat dans tous les actes de procédures qu’il établit ou dans lesquels il intervient et peut être autorisé à déposer ou à comparaître comme témoin au cours de l’enquête ou devant les juridictions d’instruction ou de jugement et à se constituer partie civile en utilisant ces mêmes éléments d’identification, qui sont alors seuls mentionnés dans les actes le visant (les procès-verbaux, citations, convocations, ordonnances, jugements ou arrêts). Les nom et prénom de l’agent ne sont pas non plus divulgués au cours des audiences publiques. Ce dispositif d’anonymat ne peut pas s’appliquer aux agents mis en cause ou poursuivis.

L’anonymisation ne peut être levée que sur décision du procureur de la République ou du juge d’instruction, dans le cadre de l’enquête ou de l’information judiciaire, ou du président de la juridiction de jugement. Ces derniers sont saisis d’une requête écrite et motivée et se prononcent « en tenant compte, d’une part, de la menace que la révélation de l’identité de cette personne ferait peser sur sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches et, d’autre part, de la nécessité de communiquer cette identité pour l’exercice des droits de la défense de l’auteur de la demande » ([311]).

La révélation des nom et prénom de l’agent anonyme ou de tout élément permettant son identification personnelle ou sa localisation constitue une infraction punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ([312]). Les peines sont portées à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsque la révélation a entraîné des violences à son encontre ou celle de ses proches et à 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende si la révélation a entraîné la mort de l’agent ou de l’un de ses proches ([313]).

Enfin, la loi du 23 janvier 2006 ([314]) a prévu des dispositions spéciales garantissant l’anonymat des enquêteurs affectés dans des services spécialement chargés de la lutte contre le terrorisme.

Ce régime figure à l’article 706-24 du CPP et se superpose au régime général de protection des officiers et agents de police judiciaire. Il est bâti sur les mêmes garanties, à savoir :

– l’autorisation nominative préalable du procureur général près la cour d’appel de Paris, valable pendant toute la durée d’affectation de l’agent au sein du service concerné ([315]) ;

– la communication de l’état civil des agents concernés à la demande du président de la juridiction de jugement saisie des faits ou, exclusivement, sur décision du procureur général près la cour d’appel de Paris ;

– la possibilité de s’identifier par un numéro d’immatriculation administrative et d’être autorisés à déposer ou à comparaître comme témoin sous ce numéro.

En revanche le périmètre d’application du dispositif est défini en fonction de la seule affectation de l’agent au sein d’un service de police judiciaire spécialement chargé de la lutte contre le terrorisme et uniquement dans le cadre d’investigations en matière de terrorisme.

La mise en œuvre du dispositif n’est donc pas conditionnée à la détermination d’un risque particulier pour la vie ou l’intégrité physique de la personne. Ce risque est considéré comme caractérisé du seul fait de la nature des fonctions exercées, comme étant inhérent à leur exercice au sein d’un service spécialisé en matière de lutte contre le terrorisme.

En contrepartie de ce large champ d’application, il est prévu qu’aucune condamnation ne puisse être prononcée sur le seul fondement des actes de procédure effectués par des agents anonymes dont l’état civil n’aurait pas été communiqué, à sa demande, au président de la juridiction saisie des faits.

À cet égard, il peut être relevé que la Cour européenne des droits de l’Homme considère qu’il ne faut utiliser les enquêteurs comme témoins anonymes que dans des circonstances exceptionnelles et justifier en l’espèce de recourir à des « limitations aussi extrêmes du droit de l’accusé ». Elle a précisé qu’une condamnation ne peut se fonder uniquement, ni dans une mesure déterminante, sur des déclarations anonymes ([316]).

Par ailleurs, aucune voie de recours spécifique n’est aménagée contre la décision d’autorisation du recours à l’anonymisation.

  1.   L’accÈs des enquÊteurs aux fichiers d’antÉcÉdents

Le traitement des antécédents judiciaires (TAJ) a été créé par décret du 4 mai 2012 ([317]), en application des articles 230-6 à 230-11 du CPP autorisant à mettre en œuvre des fichiers d’antécédents.

Le TAJ centralise les données ([318]) issues des enquêtes préliminaires ou de flagrance ainsi que celles issues des investigations effectuées sur commission rogatoire dans le cadre d’une information judiciaire. Le fichier permet ainsi de recueillir, conserver et autoriser l’accès à des données personnelles, notamment celles qui sont relatives à l’identité, la photographie ou les coordonnées de la personne.

Ces données concernent tant les personnes suspectées d’avoir participé, comme auteur ou complice, à la commission d’un crime, d’un délit ou de certaines contraventions de la 5ème classe, que les victimes de ces infractions ([319]).

Seules certaines catégories de personnes ([320]) peuvent avoir accès aux données contenues dans le TAJ pour les besoins des enquêtes judiciaires : il s’agit essentiellement des agents de la police nationale, des militaires de la gendarmerie nationale exerçant des missions de police judiciaire, ainsi que des agents des douanes.

Conformément à l’article 230-10 du CPP l’accès à ce fichier est réservé aux agents ayant préalablement été habilités spécialement et individuellement par les autorités dont ils relèvent, notamment le chef de service.

La Cour de cassation estime que le défaut d’une telle habilitation porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne dont les données personnelles ont été consultées, raison pour laquelle la preuve de cette habilitation doit être rapportée, notamment par une mention figurant dans la procédure ([321]).

Toutefois, la Cour estime que l’absence de mention de l’habilitation n’emporte pas, par elle-même, la nullité de la procédure. La réalité de l’habilitation doit donc être contrôlée par le juge. Elle admet également que la seule mention en procédure de l’existence de l’habilitation suffit à en établir la preuve, sans nécessité de devoir produire cette habilitation ([322]).

Cette jurisprudence est conforme à l’article 15-5 du CPP, issu de la loi du 24 janvier 2023 ([323]), qui énonce de manière générale les règles relatives à l’habilitation des enquêteurs pour accéder aux traitements de données personnelles. Conformément à ces dispositions, seuls les agents « spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d’une enquête ou d’une instruction. La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d’une personne intéressée. L’absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n’emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure. »

Alors que les requérants qui l’avaient saisi de l’examen de la constitutionnalité de ces dispositions estimaient qu’elles avaient pour effet d’instaurer une présomption d’habilitation, le Conseil constitutionnel a considéré que ces dispositions ne méconnaissaient ni le droit au respect de la vie privée, ni aucune autre exigence constitutionnelle, dès lors qu’elles « n’ont ni pour objet ni pour effet de dispenser les agents de l’obligation de disposer d’une habilitation pour consulter des traitements de données, ou de faire obstacle à l’annulation d’un acte de procédure résultant d’une telle consultation par un agent dépourvu d’habilitation. ([324]) »

  1.   Le dispositif introduit par la proposition de loi

Le présent article insère un nouvel article 706-80-1 au sein du CPP pour prévoir un nouveau régime d’anonymisation des enquêteurs affectés dans un service chargé des enquêtes en matière de délinquance et de criminalité organisées.

Cette nouvelle procédure permet à ces agents d’être autorisés par un responsable hiérarchique à être identifiés par leur numéro d’immatriculation administrative, leur qualité et leur service ou unité d’affectation, dans tous les actes de la procédure.

La liste des services concernés par ce dispositif d’anonymisation est établie par un arrêté conjoint du ministre de l’intérieur et du ministre de la justice.

  1.   Les modifications apportÉes par le SÉnat
    1.   Les modifications introduites en commission

L’article 15 a été réécrit par la commission des Lois à l’initiative des rapporteurs ([325]).

● En premier lieu, cette réécriture a déplacé les nouvelles dispositions relatives au régime de l’anonymisation des enquêteurs au sein d’un nouvel article 706-80 A du code de procédure pénale.

Les conditions d’application de ces dispositions ont été précisées :

– elles s’appliquent aux agents de la police et de la gendarmerie nationales affectés dans un service spécialement chargé des enquêtes en matière de délinquance et de criminalité organisées ([326])  ;

– l’anonymisation est automatique pour tous les actes de procédure dans lesquels l’agent intervient ou qu’il établit, sans besoin de solliciter une autorisation préalable ;

– l’agent peut également déposer ou comparaître de manière anonyme lorsqu’il est entendu comme témoin au cours de l’enquête ou devant les juridictions d’instruction ou de jugement et également se constituer partie civile anonymement ([327]). Cette possibilité est cependant réservée à deux hypothèses : soit lorsque l’agent a rédigé des actes de procédure ou participé à des actes d’enquête, soit quand il est entendu en qualité de témoin ou de partie civile à raison de faits commis dans ou en rapport avec l’exercice de ses fonctions ;

– ces dispositions ne sont pas applicables lorsque l’agent est placé en garde à vue ou poursuivi.

Par ailleurs, une voie de recours spécifique est prévue permettant, pour une partie à la procédure, de saisir par requête écrite et motivée le procureur de la République, le juge d’instruction ou le président de la juridiction de jugement pour lever l’anonymat de l’agent, en vue de l’exercice des droits de la défense ou des droits de la partie civile.

L’agent présente alors ses observations et la requête peut être rejetée si la révélation de son identité fait peser une menace sur sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches.

Lorsqu’il est fait droit à la requête malgré l’opposition de l’agent, ce dernier dispose d’un recours suspensif devant la chambre de l’instruction ou le procureur général.

Enfin, la sanction de la révélation de l’identité de l’agent protégée a été précisée. Il s’agit d’une infraction punie des mêmes peines que celles applicables pour la divulgation de l’identité d’un enquêteur anonyme en application de l’article 15-4 du CPP : cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, les peines étant portées à 7 ans et 100 000 euros lorsque la révélation a entraîné des violences à son encontre ou celle de ses proches et à 10 ans et 150 000 euros si la révélation a entraîné la mort de l’agent ou de l’un de ses proches.

● En second lieu, l’application de ces dispositions a été étendue aux agents maritimes en charge de la lutte contre le trafic en mer et aux agents des douanes.

Un article 3 bis est ainsi créé au sein de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative à l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer pour la lutte contre certaines infractions relevant de conventions internationales. Il permet d’étendre l’application du nouveau régime d’anonymisation des enquêteurs notamment aux commandants de bâtiments de l’État, aux officiers de la marine nationale et aux commissaires des armées embarqués sur ces bâtiments, ainsi qu’aux commandants de bord des aéronefs de l’État.

L’article 55 bis du code des douanes a également été complété aux mêmes fins, en ce qui concerne l’anonymat des agents des douanes.

– En dernier lieu, la commission des Lois du Sénat a modifié l’article 230-10 du CPP pour prévoir une présomption d’habilitation des agents affectés dans les services spécialement chargés des enquêtes en matière de délinquance et de criminalité organisées à accéder à toute information figurant dans les fichiers d’antécédents (le TAJ).

  1.   Les modifications introduites en sÉance publique

Le Sénat a adopté deux amendements identiques lors de l’examen de l’article 15 en séance pour aménager une procédure d’anonymisation des décisions judiciaires au profit des services de justice ([328]).

Un nouvel article 706-74-1 est créé au sein du code de procédure pénale pour permettre au président du tribunal judiciaire d’office ou à la demande du procureur de la République d’ordonner que l’identité d’un magistrat du siège ou du parquet, d’une personne habilitée chargée de l’assister, d’un greffier ou d’un expert judiciaire, ne figure pas dans les ordonnances, jugements ou arrêts de la juridiction d’instruction ou de jugement qui sont susceptibles d’être rendus publics.

Ces dispositions garantissant la confidentialité de ces services de justice ne sont applicables que pour les procédures portant sur un crime ou un délit en matière de criminalité et délinquance organisées ([329]) ou qui ont été commis en bande organisée ([330]).

  1.   LA POSITION DE LA COMMISSION

La commission des Lois a apporté plusieurs modifications aux dispositions de l’article 15 :

– D’une part, par l’adoption de deux amendements CL593 de M. Caure (EPR), rapporteur et CL493 de M. Amirshahi (ÉcoS). elle a supprimé les dispositions prévoyant une présomption d’habilitation des enquêteurs affectés dans un service spécialisé de lutte contre la délinquance et la criminalité organisées pour accéder aux informations figurant dans le TAJ.

Une telle disposition n’apparaît en effet pas nécessaire, l’article 15-5 du code de procédure pénale prévoyant déjà, pour sécuriser les procédures, que « l’absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation [de traitements au cours de l’enquête] n’emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure. »

– D’autre part, par l’adoption de l’amendement CL594 de M. Caure (EPR), rapporteur, elle a supprimé les dispositions permettant d’occulter l’identité des membres des services judiciaires dans les décisions susceptibles d’être rendues publiques.

Il peut en effet être rappelé que l’article L. 111-13 du code de l’organisation judiciaire prévoit déjà, dans le cadre de la mise à disposition des décisions de justice, que les noms et prénoms des parties, des tiers, des magistrats et des membres du greffe sont occultés, lorsque la divulgation de ces éléments est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage. L’article R. 111-12 du même code prévoit, sous certaines conditions, que cette occultation peut concerner tout autre élément d’identification.

Ces dispositions s’appliquent ainsi d’ores et déjà à l’ensemble des décisions de justice, l’arrêté du 6 décembre 2024 modifiant l’arrêté du 28 avril 2021 pris en application de l’article 9 du décret n° 2020-797 du 29 juin 2020 relatif à la mise à disposition du public des décisions des juridictions administratives et judiciaires ayant fixé leur entrée en vigueur à des dates différentes en fonction de la nature des décisions de justice rendues en matière pénale ([331]).

Dès lors, l’introduction de ces nouvelles dispositions, dont le champ d’application est plus restreint que celles prévues par le code de l’organisation judiciaire, n’apparaît pas nécessaire.

En outre, la commission des Lois a également apporté des améliorations rédactionnelles aux dispositions de l’article 15 ([332]).

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*     *

Adopté par la Commission avec modifications

      Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 15 bis A de la proposition de loi, introduit en séance publique par le Sénat, prévoit la possibilité d’anonymiser les interprètes intervenant à l’occasion des procédures pénales en matière de délinquance et de criminalité organisées.

Ce dispositif offre la possibilité à ces interprètes d’être autorisés à être identifiés dans les actes de procédure par un numéro.

     Dernières modifications législatives intervenues

L’article 6 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 a introduit un article 706-24-2 au sein du code de procédure pénale prévoyant une procédure d’anonymisation des interprètes intervenant à l’occasion d’une procédure portant sur une infraction constituant un acte de terrorisme.

     Position de la commission

La commission des Lois a précisé le champ d’application de la nouvelle procédure d’anonymisation des interprètes intervenant à l’occasion d’une procédure en matière de délinquance ou de criminalité organisées, afin d’assurer leur protection dans toutes leurs missions d’assistance.

Elle a aussi prévu des sanctions en cas de révélation de l’identité des interprètes anonymisés.

  1.   L’État du droit

Il est renvoyé à l’état du droit exposé dans le commentaire de l’article 15 du présent rapport, qui présente notamment les dispositions introduites par la loi du 20 novembre 2023 au sein de l’article 706-24-2 du code de procédure pénale (CPP) qui encadrent, d’ores et déjà, la procédure d’anonymisation des interprètes intervenant à l’occasion d’une procédure en matière de terrorisme.

  1.   Le dispositif introduit en sÉance publique par le SÉnat

Lors de l’examen de la proposition de loi en séance publique, le Sénat a introduit un nouvel article 706-105-2 au sein du CPP prévoyant une procédure d’anonymisation des interprètes intervenant à l’occasion d’une procédure en matière de délinquance et de criminalité organisées ([333]) .

Sur le modèle des dispositions prévues à l’article 706-24-2, qui prévoient déjà une possibilité d’anonymisation de l’interprète intervenant dans les procédures pénales en matière de terrorisme, ces dispositions s’appliquent aux procédures portant sur les infractions énumérées par les articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 du même code.

Sont concernées les infractions en matière de délinquance et de criminalité organisées ([334]) et des crimes et délits commis en bande organisée ainsi que des délits d’association de malfaiteurs en vue de préparer des crimes ou des délits punis de dix ans d’emprisonnement ([335]).

Cette nouvelle procédure permet au procureur général d’autoriser un interprète intervenant dans ce cas à ne pas être identifié par ses nom et prénom, mais par un numéro anonymisé, lorsque :

 compte tenu des conditions d’exercice de sa mission ou de la nature des procédures pour lesquelles il est requis ;

 la révélation de son identité est susceptible de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches.

Il est prévu que l’identité de l’interprète qui bénéficie de ce dispositif d’anonymat ne puisse être communiquée que sur décision du procureur général. Elle est également communiquée, à sa demande, au président de la juridiction de jugement saisie des faits.

Enfin, il est renvoyé à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les modalités d’application de ces dispositions.

  1.   LA POSITION DE LA COMMISSION

Sur initiative du rapporteur M. Caure, la commission des Lois a précisé le champ d’application de la nouvelle procédure d’anonymisation des interprètes intervenant à l’occasion d’une procédure en matière de délinquance ou de criminalité organisées ([336]).

Sur le modèle des dispositions existantes à l’article 706-24-2 du code de procédure pénale, et afin d’assurer la protection des interprètes dans toutes leurs missions d’assistance, elle a ainsi précisé le champ d’application de cette possibilité d’anonymisation, en prévoyant son application lorsque les interprètes interviennent dans les actes suivants :

– l’audition d’une partie civile (article 10-3 du code de procédure pénale) ;

– l’audition d’une personne suspectée ou poursuivie ou placée en garde à vue (article 803-5 de ce code) ;

– la transcription des communications interceptées en langue étrangère (deuxième alinéa de l’article 100-5 du même code).

De plus, la commission des Lois a renforcé l’efficacité du dispositif d’anonymisation des interprètes en prévoyant des sanctions pénales en cas de révélation de l’identité ou de la localisation des interprètes anonymisés ([337]).

Ces faits sont punis de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Lorsque la révélation a entraîné des violences à l’encontre de la personne ou de ses proches, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende et à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende quand cette révélation a entraîné la mort de ces derniers.

*

*     *

Adopté par la commission sans modification

      Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 15 bis de la proposition de loi, introduit en commission des Lois au Sénat, prévoit la possibilité pour les enquêteurs de recourir à un dispositif technique permettant d’altérer ou de transformer leur voix ou leur apparence physique pour les enquêtes sous pseudonyme.

     Dernières modifications législatives intervenues

L’article 10 de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur a modifié les dispositions relatives à l’enquête sous pseudonyme, prévue à l’article 230-46 du code de procédure pénale, pour préciser les actes autorisés dans le cadre de cette enquête.

     Position de la commission

La commission des Lois n’a pas modifié l’article 15 bis.

  1.   L’État du droit

L’enquête sous pseudonyme, ou cyber-infiltration, est une technique d’enquête prévue à l’article 230-46 du code de procédure pénale (CPP) pour les officiers et agents de police judiciaire. Les agents des douanes peuvent également y recourir dans le cadre des articles 67 bis-1 A et 67 bis du code des douanes.

Le recours à cette technique vise à autoriser les enquêteurs à participer sous un pseudonyme à des échanges électroniques et à se trouver en contact avec les personnes susceptibles d’être les auteurs d’infractions dans le but de rassembler les preuves numériques de ces infractions.

Cette technique d’enquête est applicable à tous les crimes et délits punis d’une peine d’emprisonnement et commis par la voie des communications électroniques. Sa mise en œuvre est donc encadrée par les conditions suivantes :

– des conditions tenant à l’infraction objet des investigations ; l’infraction doit être commise par la voie des communications électroniques et il doit s’agir d’un crime ou d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement ;

– des conditions tenant à la nécessité d’y recourir : l’utilisation de ce moyen d’investigation doit être justifiée par les nécessités de l’enquête ou de l’information judiciaire ;

– enfin, des conditions tenant aux enquêteurs amenés à recourir à cette technique : l’officier ou l’agent de police judiciaire qui y a recours doit être affecté dans un service spécialisé et spécialement habilité ([338]).

Ainsi, l’enquête sous pseudonyme peut être mise en œuvre dans le cadre d’une enquête préliminaire ou de flagrance ou sur commission rogatoire, par un officier ou agent de police judiciaire spécialisé. Elle n’est soumise à aucune limite temporelle.

L’autorisation préalable de l’autorité judiciaire n’est requise que dans deux cas, pour l’accomplissement de deux actes en particulier ([339]). Toutefois, les actes réalisés dans le cadre d’une cyber-infiltration s’effectuent sous le contrôle du procureur de la République ou du juge d’instruction.

L’article 230-46 du CPP énumère limitativement les actes pouvant être réalisés dans le cadre d’une cyber-infiltration :

– la participation à des échanges électroniques, y compris avec les personnes susceptibles d’être les auteurs d’infractions ;

– l’extraction ou la conservation de données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions et tout élément de preuve ;

– l’acquisition de tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service, y compris illicite ou leur transmission et seulement en réponse à une demande expresse ; cette opération doit être autorisée par le procureur de la République ou le juge d’instruction ;

– la mise à disposition des personnes susceptibles d’être les auteurs des infractions de moyens juridiques ou financiers ainsi que de moyens de transport, de dépôt, d’hébergement, de conservation et de télécommunication ; cette opération doit également être spécialement autorisée par le procureur de la République ou le juge d’instruction.

Dans le cadre de l’accomplissement de ces actes, les agents bénéficient d’une irresponsabilité pénale. En effet, celui-ci est susceptible de caractériser une participation aux infractions commises ou une complicité.

En outre, le dernier alinéa de l’article 230-46 du CPP précise que les actes autorisés ne peuvent constituer une incitation à commettre les infractions en cause.

Cette garantie est essentielle, la provocation à l’infraction étant prohibée, contrairement à la provocation à la preuve, notamment par la Cour européenne des droits de l’Homme.

Celle-ci estime que la provocation policière porte atteinte au droit au procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Selon elle, « il y a provocation policière lorsque les agents impliqués membres des forces de l’ordre ou personnes intervenant à leur demande ne se limitent pas à examiner de manière purement passive l’activité délictueuse, mais exercent sur la personne qui en fait l’objet une influence de nature à l’inciter à commettre une infraction qu’autrement elle n’aurait pas commise, pour en rendre possible la constatation, c’est-à-dire en apporter la preuve et la poursuivre » ([340]).

La Cour de cassation veille également au respect de ce principe ([341]) mais rappelle que « le stratagème employé par un agent de l’autorité publique pour la constatation d’une infraction ou l’identification de ses auteurs ne constitue pas en soi une atteinte au principe de loyauté de la preuve. Seul est proscrit le stratagème qui, par un contournement ou un détournement d’une règle de procédure, a pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l’un des droits essentiels ou à l’une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie. » ([342])

Elle a ainsi admis la validité d’une infiltration numérique, consistant en la création, par des policiers américains, d’un forum d’infiltration sur lequel une personne s’était manifestée, en relevant que le suspect « avait déjà manifesté sur d’autres sites son intérêt pour les techniques de fraude à la carte bancaire et pour l’utilisation d’internet à cette fin [et que] le site de surveillance et d’enregistrement des messages échangés a seulement permis de rassembler les preuves de la commission de fraudes à la carte bancaire et d’en identifier les auteurs, aucun élément ne démontrant qu’il ait eu pour objet d’inciter les personnes qui l’ont consulté à passer à l’acte. » ([343])

Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de déclarer les dispositions en matière d’enquête sous pseudonyme conformes à la Constitution en relevant qu’elles ne méconnaissaient pas le droit à un procès équitable et qu’elles procédaient à une conciliation équilibrée entre l’objectif de recherche des auteurs d’infractions et le droit au respect de la vie privée. Il a notamment estimé que l’enquête sous pseudonyme était entourée de garanties suffisantes : « D’une part, les actes pouvant être effectués sous pseudonyme sont des actes d’enquête et non des actes de procédure. D’autre part, ces actes ne peuvent être accomplis que par des enquêteurs affectés dans des services spécialisés et spécialement habilités à cette fin. Enfin, l’acquisition ou la transmission d’un contenu, produit, substance, prélèvement ou service, le cas échéant illicite, doit être autorisée par le procureur de la République ou le juge d’instruction et ne peut constituer une incitation à commettre une infraction » ([344]).

Plus récemment, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur l’élargissement de ce dispositif envisagé par la loi du 24 janvier 2023 ([345]) qui prévoyait la possibilité de procéder sous pseudonyme, sans l’autorisation préalable d’un magistrat, à l’acquisition de tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service licite ainsi qu’à la transmission de tout contenu licite en réponse à une demande expresse. L’opération ne devait plus être autorisée par le procureur de la République ou par le juge d’instruction que lorsque l’objet de l’acquisition ou de la transmission était illicite.

Le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions, en jugeant qu’« en dispensant les acquisitions ou transmissions de contenus de l’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction dans le cas où leur objet est licite, [elles] privent de garanties légales le droit à un procès équitable » ([346]).

L’enquête sous pseudonyme se distingue de l’infiltration « physique » telle qu’elle est envisagée par les articles 706-81 à 706-87 du CPP et l’article 67 bis du code des douanes.

En effet, l’infiltration consiste en l’accomplissement d’une mission particulière pour un officier ou un agent de police judiciaire habilité. Elle suppose que l’agent infiltré prenne contact physiquement avec une personne suspecte, en se faisant passer pour un coauteur, complice ou receleur ([347]).

À cette fin, l’agent infiltré est autorisé à faire usage d’une identité d’emprunt ainsi qu’à commettre, si nécessaire, certains actes sans en être pénalement responsable ([348]).

Cette opération étant plus engageante et intrusive que l’enquête sous pseudonyme, ses conditions sont plus strictes : en particulier, son champ d’application est restreint à certaines infractions relevant de la délinquance ou la criminalité organisées ([349]) et sa durée est limitée à quatre mois, renouvelable ([350]).

Il peut enfin être relevé que le CPP ne fait nullement référence à l’utilisation de procédés aux fins de transformation ou d’altération de la voix ou de l’apparence physique des enquêteurs, en tant que technique d’enquête.

En revanche, pour protéger l’identité d’un témoin sous X ou encore d’un agent infiltré amené à témoigner ([351]), l’article 706-61 du CPP prévoit qu’il peut être recouru à « un dispositif technique permettant l’audition du témoin à distance ou à faire interroger ce témoin par son avocat par ce même moyen. La voix du témoin est alors rendue non identifiable par des procédés techniques appropriés. »

  1.   Le dispositif introduit en commission des Lois au SÉnat

L’article 15 bis a été introduit en commission des Lois au Sénat sur initiative des rapporteurs ([352]) pour autoriser le recours par les enquêteurs à un dispositif permettant d’altérer ou de transformer leur voix ou leur apparence physique :

– dans le cadre de l’enquête sous pseudonyme (par la modification de l’article 230-46 du CPP) ;

– dans le cadre de l’infiltration (par la modification des articles 706-81 et, dans le cadre du témoignage d’un agent infiltré devant une juridiction, par la modification de l’article 706-86 du CPP) ;

– et dans le cadre de l’utilisation de ces mêmes techniques par les agents des douanes (par la modification des articles 67 bis, pour l’infiltration, 67 bis-1 A et 67 bis-1, pour l’enquête sous pseudonyme, du code des douanes).

Selon le rapport fait au nom de la commission des Lois du Sénat, l’introduction de ces nouvelles dispositions se justifierait par un besoin opérationnel. Il s’agirait ainsi de permettre aux enquêteurs d’utiliser des procédés « d’hyper-trucages », ou deep fakes, c’est-à-dire à des techniques fondées sur l’intelligence artificielle pour modifier l’apparence physique (morphing facial) et/ou la voix des agents concernés » de tels outils étant présentés « par les représentants de la police et de la gendarmerie nationales et des douanes, d’une grande utilité pour la conduite de leurs missions. » ([353])

  1.   Les modifications adoptÉes en sÉance publique

L’article 15 bis n’a pas été modifié lors de son examen par le Sénat en séance.

  1.   LA POSITION DE LA COMMISSION

La commission des Lois n’a pas modifié l’article 15 bis.

*

*     *

Supprimé par la commission

      Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 15 ter de la proposition de loi, introduit par amendement adopté en séance publique au Sénat, prévoit la possibilité d’activer à distance un appareil électronique fixe aux fins d’enregistrement des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ainsi que de l’image dans des lieux privés.

     Dernières modifications législatives intervenues

L’article 46 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a prévu un cadre commun applicable à certaines techniques spéciales d’enquête, notamment celle de sonorisation et de captation des images de certains lieux ou véhicules.

     Position de la commission

La commission des Lois a supprimé l’article 15 ter.

  1.   L’État du droit
    1.   Le droit applicable en matiÈre de sonorisation et de captation d’images

La sonorisation et la captation d’images est une technique spéciale d’enquête encadrée par les articles 706-96 à 706-98 du code de procédure pénale (CPP). Le recours à cette technique est possible tant dans le cadre de l’enquête que de l’information judiciaire, pour les infractions relevant de la délinquance et de la criminalité organisées mentionnées aux articles 706-73 et 706-73-1 ([354]) ou pour l’une des infractions mentionnées aux articles 706-72 ([355]), 706-1-1 ([356]), 706-1-2 ([357]) ou 706-2-2 ([358]) du CPP ([359]).

● La sonorisation consiste à mettre en place un dispositif technique ayant pour objet de capter, fixer, transmettre et enregistrer, sans le consentement du ou des intéressés, leurs paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics.

● La captation d’images permet de mettre en œuvre un dispositif technique ayant pour objet de capter, fixer, transmettre et enregistrer, sans le consentement de la ou des personnes concernées, leurs images alors qu’elles se trouvent dans un lieu privé. La captation d’images dans des lieux publics obéit quant à elle à un autre régime ([360]).

Le recours à cette technique spéciale d’enquête implique une autorisation judiciaire préalable donnée soit, au cours de l’enquête, par le juge des libertés et de la détention (JLD) saisi par requête du procureur de la République, soit, au cours de l’information judiciaire, par le juge d’instruction après avis du procureur de la République.

La sonorisation et la captation d’images sont entourées par des garanties renforcées, en raison notamment de l’importance de l’atteinte au respect de la vie privée que le recours à cette technique d’enquête implique.

● D’une part, l’utilisation de cette technique est exclue dans les lieux mentionnés aux articles 56-1, 56-2, 56-3 et 56-5 du CPP ou dans le véhicule, le bureau ou le domicile des personnes mentionnées à l’article 100-7 du même code, à savoir :

– un cabinet d’avocat, son domicile ou son véhicule ;

– les locaux ou véhicules professionnels d’une entreprise ou agence de presse, entreprise de communication audiovisuelle, de communication au public en ligne ;

– le domicile d’un journaliste ;

– le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier ;

– les locaux d’une juridiction ;

– l e domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles ;

– l e véhicule, bureau ou domicile d’un magistrat ;

– l e véhicule, bureau ou domicile d’un parlementaire.

Ces exclusions ont pour objet la protection des secrets dont certaines personnes sont dépositaires en raison de l’exercice de leurs fonctions ou de leurs missions, notamment le secret des droits de la défense ou encore le secret des sources journalistiques.

● D’autre part, le recours à cette technique spéciale d’enquête est encadré par des conditions de fond comme de forme :

– au titre des conditions de fond, la sonorisation et la captation d’images ne sont autorisées que pour les nécessités de l’enquête ou de l’information judiciaire portant sur certaines infractions limitativement énumérées ([361]) ;

– au titre des conditions de forme, l’autorisation judiciaire doit être délivrée par ordonnance écrite et motivée par référence aux éléments de fait et de droit. Elle doit comporter les éléments permettant d’identifier les véhicules et les lieux visés, la durée de la mesure ainsi que la ou les infractions motivant l’acte ([362]).

La durée de la mesure varie selon le cadre procédural dans lequel elle est mise en œuvre ([363]) :

– dans le cadre de l’enquête de flagrance ou préliminaire, l’autorisation est délivrée pour une durée maximale d’un mois, renouvelable une fois ;

– dans le cadre de l’information judiciaire, l’autorisation est délivrée pour une durée maximale de quatre mois, renouvelable sans que la durée totale ne puisse excéder deux ans.

Il convient également de rappeler que la mise en œuvre de cette technique spéciale d’enquête doit respecter le cadre procédural commun à ces techniques ([364]). Cela implique notamment que la mise en œuvre de la mesure se déroule sous l’autorité et le contrôle du magistrat l’ayant autorisée. Celui-ci peut ordonner à tout moment son interruption. Il revient ainsi au procureur de la République, dans le cadre d’une enquête, d’informer sans délai le JLD des actes réalisés et de lui adresser les procès-verbaux dressés en exécution de sa décision.

Les données enregistrées qui sont utiles à la manifestation de la vérité sont décrites et retranscrites dans un procès-verbal. En revanche, aucune séquence relative à la vie privée étrangère aux infractions visées dans les ordonnances autorisant la mesure ne peut être conservée dans le dossier de la procédure. Les enregistrements sont placés sous scellés fermés ([365]). Ils sont détruits à la diligence du procureur de la République ou du procureur général, à l’expiration du délai de prescription de l’action publique ([366]).

De plus, le JLD peut, par décision motivée, ordonner la destruction des procès-verbaux et des enregistrements effectués s’il estime que les opérations n’ont pas été réalisées conformément à sa décision ou qu’elles n’ont pas respecté les dispositions légales ([367]).

Pour faciliter la mise en œuvre de cette technique spéciale d’enquête, des règles particulières sont prévues visant à autoriser l’introduction des enquêteurs au sein de lieux privés afin de mettre en place ou de retirer le dispositif technique de sonorisation et/ou de captation d’images.

L’article 706-96-1 du CPP prévoit ainsi que l’officier ou l’agent de police judiciaire peut être autorisé à s’introduire dans un véhicule, un lieu privé ou un local d’habitation, le cas échéant y compris en dehors des heures légales ([368]), et ce à l’insu du propriétaire, du possesseur ou de l’occupant. Les modalités d’autorisation diffèrent en fonction du lieu concerné et du type d’investigations.

– Dans le cadre de l’enquête, l’autorisation est délivrée par le JLD, sur requête du procureur de la République.

– Dans le cadre de l’information judiciaire, l’autorisation est en principe délivrée par le juge d’instruction. Toutefois, si le lieu visé est un lieu d’habitation et que les opérations doivent se dérouler en dehors des heures légales, c’est le JLD, saisi par le juge d’instruction, qui peut seul autoriser la mesure.

  1.   Le cadre constitutionnel applicable en matiÈre d’activation À distance des appareils ÉlEctroniques aux fins de sonorisation et de captation d’images

Dans le cadre de la loi du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice ([369]), il avait été envisagé d’autoriser deux nouveaux procédés de techniques d’enquête : l’activation à distance d’un appareil électronique aux fins de géolocalisation et l’activation à distance de ce même appareil aux fins de captation d’images et du son.

Comme le soulignait l’étude d’impact de ce projet de loi, l’introduction de ces nouvelles possibilités d’activation à distance des appareils électroniques était destinée à permettre aux services d’enquête « de conduire leurs opérations sans risquer de trahir leur présence, [et ce] dans le but de faciliter, d’une part, l’identification des auteurs et d’autre part, la collecte d’indices et de preuves en matière de criminalité organisée ». Il était en effet relevé que ces services sont « confrontés à des délinquants de plus en plus aguerris, au fait des techniques d’enquête utilisées dans le cadre des procédures judiciaires. [Ces délinquants] surveillent souvent étroitement les véhicules et lieux privés dans lesquels ils échangent pour éviter la pose de caméras, micro ou balises permettant de les localiser ou de procéder à des captations d’images et de son. » Cette surveillance aurait conduit, en pratique, les enquêteurs à renoncer à la mise en œuvre de ces techniques, soit par crainte de révéler les opérations d’enquête en cours, soit parce que leur utilisation emporte des risques pour la sécurité des agents chargés de la pose et de la dépose du dispositif technique ([370]).

Ces dispositions visaient ainsi à « faciliter la mise en place ou la désinstallation des moyens techniques permettant, selon les cas, la géolocalisation ou la sonorisation et la captation d’images », sans qu’elles n’aménagent de nouvelles mesures d’investigations à proprement parler ([371]).

Le Conseil constitutionnel, saisi de l’examen de constitutionnalité de ces dispositions ([372]), a estimé que la possibilité d’activer à distance un appareil électronique aux fins de géolocalisation ne méconnaissait pas le droit au respect de la vie privée ([373]).

Il a relevé en effet que ce dispositif ne pouvait être mis en œuvre que dans des cas plus restreints que ceux justifiant l’utilisation de la mesure de géolocalisation elle-même. L’article 230-34-1 du CPP ne permet en effet d’activer à distance un appareil électronique aux fins de géolocalisation, que lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction relative à un crime ou à un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement l’exigent ([374]). De plus, elle est soumise à des conditions d’autorisation particulières dès lors que cette mesure « ne peut être autorisée que par le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, ou par le juge d’instruction, [la décision d’autorisation devant] comporter tous les éléments permettant d’identifier l’appareil concerné » ([375]). En outre, le Conseil a souligné l’impossibilité d’y recourir à l’égard de certaines personnes, afin d’assurer la protection de certaines fonctions ou professions telles que les avocats ou les journalistes ([376]).

Cependant, alors que sa mise en œuvre était entourée des mêmes conditions et limitée de surcroît dans la durée ([377]), le Conseil constitutionnel a estimé que la possibilité d’activer à distance un appareil électronique aux fins de sonorisation et de captation d’images portaient une atteinte au droit au respect à la vie privée non proportionnée au but légitime poursuivi.

Pour mémoire, les dispositions contestées prévoyaient la création des articles 706-96-2 et 706-96-3 du CPP permettant d’autoriser l’activation à distance d’appareils électroniques aux fins de captation des images et du son dans les conditions suivantes :

● pour les nécessités de l’enquête ou de l’information judiciaire portant sur certaines infractions limitativement énumérées ([378]) et lorsque la nature et la gravité des faits le justifient : il s’agit du même périmètre infractionnel que pour la mise en œuvre de la technique spéciale d’enquête de sonorisation et de captation d’images dans des lieux privés ;

– sous réserve de l’autorisation préalable du JLD, à la requête du procureur de la République, dans le cadre des enquêtes, ou du juge d’instruction, après avis du procureur de la République, dans le cadre des informations, la décision devant comporter tous les éléments permettant d’identifier l’appareil : il s’agit des mêmes conditions d’autorisation que celles prévues pour la mise en œuvre de la technique spéciale d’enquête de sonorisation et de captation d’images dans des lieux privés ;

– pour une durée réduite de quinze jours renouvelable une fois, au cours d’une enquête, et deux mois renouvelable sans que la durée totale des opérations n’excède six mois, au cours d’une information judiciaire, cette durée devant être strictement proportionnée à l’objectif recherché ;

– avec la possibilité pour le procureur de la République ou le juge d’instruction de désigner toute personne physique ou morale habilitée et inscrite sur l’une des listes prévues à l’article 157 du CPP ([379]) et de prescrire le recours aux moyens de l’État soumis au secret de la défense nationale, selon les formes prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier de ce code ;

– sans qu’il soit possible ([380]) d’y recourir pour les appareils électroniques utilisés par un député, un sénateur, un magistrat, un avocat, un journaliste ou un médecin.

Il est également prévu l’impossibilité, à peine de nullité, de transcrire les données relatives aux échanges avec un avocat qui sont couvertes par le secret professionnel de la défense et du conseil, celles relatives aux échanges avec un journaliste permettant d’identifier une source ou celles collectées alors que l’appareil se trouvait dans l’un des lieux ([381]) mentionnés aux articles 56‑1, 56‑2, 56‑3 et 56‑5 ([382]). Il peut être souligné que cette dernière garantie était présentée comme une avancée majeure par rapport aux conditions d’application des autres techniques spéciales d’enquête ([383]).

Le Conseil constitutionnel a relevé que cette atteinte était plus importante pour la mise en œuvre de ce procédé afin de capter des sons et des images que pour celle permettant la géolocalisation. En effet, « l’activation à distance d’appareils électroniques […] sans qu’il soit nécessaire pour les enquêteurs d’accéder physiquement à des lieux privés en vue de la mise en place de dispositifs de sonorisation et de captation, est de nature à porter une atteinte particulièrement importante au droit au respect de la vie privée dans la mesure où elle permet l’enregistrement, dans tout lieu où l’appareil connecté détenu par une personne privée peut se trouver, y compris des lieux d’habitation, de paroles et d’images concernant aussi bien les personnes visées par les investigations que des tiers » ([384]).

Le Conseil a également relevé que le champ d’application de ces dispositions était étendu et recouvrait « non seulement […] les infractions les plus graves mais [aussi] l’ensemble des infractions relevant de la délinquance ou de la criminalité organisées ». ([385])

Comme le souligne le commentaire de cette décision, « c’est donc en considération du nombre et de la variété des infractions susceptibles d’être concernées par l’activation à distance à des fins de sonorisation et de captation d’images, rapportés à l’intensité de l’atteinte portée au droit au respect de la vie privée par l’effet de ce dispositif, que le Conseil a conclu à la censure [de ces dispositions] » ([386]).

  1.   Les dispositions introduites en sÉance publique au SÉnat

Le Sénat a créé un nouvel article 15 ter ([387]) pour autoriser l’activation à distance d’un appareil électronique fixe aux fins de captation d’images et du son.

Ce procédé est inscrit au sein de l’article 706-96 du CPP, relatif à la technique spéciale d’enquête de sonorisation et de captation d’images, son champ d’application épousant les contours de cette technique d’enquête. Il peut être mis en œuvre dans les conditions suivantes :

– pour toutes les infractions relevant de la délinquance et de la criminalité organisées mentionnées aux articles 706-73 et 706-73-1 du CPP ([388]) ou pour l’une des infractions mentionnées aux articles 706-72 ([389]), 706-1-1 ([390]), 706-1-2 ([391]) ou 706-2-2 ([392]) de ce code ([393]) ;

– le recours à ce procédé implique une autorisation judiciaire préalable donnée soit, au cours de l’enquête, par le JLD saisi par requête du procureur de la République, soit, au cours de l’information judiciaire, par le juge d’instruction après avis du procureur de la République ;

– l’utilisation de ce procédé est exclue dans les lieux mentionnés aux articles 56-1, 56-2, 56-3 et 56-5 du CPP ou dans le véhicule, le bureau ou le domicile des personnes mentionnées à l’article 100-7 du même code ([394]) ;

– ce procédé permet d’activer à distance un appareil électronique pour capter, fixer, transmettre et enregistrer du son intercepté dans des lieux ou véhicules privés ou publics ou des images interceptées dans des lieux privés ;

– l’activation à distance aux fins de captation d’images et de son peut être autorisée, dans le cadre de l’enquête de flagrance ou préliminaire, pour une durée maximale d’un mois, renouvelable une fois, et, dans le cadre de l’information judiciaire, pour une durée maximale de quatre mois, renouvelable sans que la durée totale ne puisse excéder deux ans ;

– enfin, il est prévu la possibilité pour le procureur de la République ou le juge d’instruction de désigner toute personne physique ou morale habilitée et inscrite sur l’une des listes prévues à l’article 157 du CPP ([395]) et de prescrire le recours aux moyens de l’État soumis au secret de la défense nationale, selon les formes prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier de ce code.

  1.   LA POSITION DE LA COMMISSION

La commission des Lois a supprimé l’article 15 ter ([396]) en adoptant cinq amendements de suppression.

*

*     *

Supprimé par la Commission

      Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 15 quater de la proposition de loi, introduit sur amendement adopté en séance publique au Sénat, prévoit la possibilité d’activer à distance un appareil électronique mobile aux fins d’enregistrement des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel dans tous lieux.

     Dernières modifications législatives intervenues

Voir le commentaire de l’article 15 ter.

     Position de la Commission

La commission des Lois a supprimé l’article 15 quater.

  1.   L’État du droit

Il est renvoyé au commentaire de l’article 15 ter pour la description de l’état du droit en matière de sonorisation et de captation d’images, technique spéciale d’enquête encadrée par les articles 706-96 à 706-98 du code de procédure pénale (CPP).

  1.   Les dispositions introduites en sÉance publique au SÉnat

Le Sénat a créé un nouvel article 15 quater ([397]) pour autoriser l’activation à distance d’un appareil électronique mobile aux fins de captation d’images et du son.

Ce procédé est inscrit au sein des articles 706-99 à 706-99-1 du CPP, dans un paragraphe dédié à l’activation à distance des appareils électroniques mobiles ([398]).

Il permet d’activer à distance un appareil électronique pour capter, fixer, transmettre et enregistrer du son et des images dans tous lieux, privés comme publics.

La différence avec le procédé prévu à l’article 706-96 du CPP réside dans le fait qu’il concerne l’activation à distance d’appareil électronique mobile, et non fixe.

Les nouvelles dispositions encadrent le recours à ce procédé dans les conditions suivantes :

– pour certaines infractions relevant majoritairement de la criminalité organisée et de la grave délinquance organisée ([399]) à savoir :

● le crime de meurtre commis en bande organisée prévu par le 8° de l’article 221-4 du code pénal (CP) ;

● le crime de meurtre commis en concours, au sens de l’article 132-2 du CP, avec un ou plusieurs autres meurtres ;

● le crime de tortures et d’actes de barbarie commis en bande organisée prévu par l’article 222-4 du CP ;

● le crime de viol commis en concours, au sens de l’article 132-2 du CP, avec un ou plusieurs autres viols commis sur d’autres victimes ;

● les crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-40 du CP ;

● les crimes et délits d’enlèvement et de séquestration commis en bande organisée prévus par l’article 224-5-2 du CP ;

● les crimes et délits aggravés de traite des êtres humains prévus par les articles 225-4-2 à 225-4-7 du CP ;

● les crimes et délits aggravés de proxénétisme prévus par les articles 225-7 à 225-12 du CP ;

● les crimes et délits constituant des actes de terrorisme prévus par les articles 421-1 à 421-6 du CP ;

● les crimes portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus au titre Ier du livre IV du CP et les crimes mentionnés à l’article 411-12 du même code, commis dans le but de servir les intérêts d’une puissance étrangère ou d’une entreprise ou d’une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ;

● les délits en matière d’armes et de produits explosifs prévus aux articles 222-52 à 222-54,222-56 à 222-59,322-6-1 et 322-11-1 du CP, aux articles L. 2339-2, L. 2339-3, L. 2339-10, L. 2341-4, L. 2353-4 et L. 2353-5 du code de la défense ainsi qu’aux articles L. 317-2 et L. 317-7 du code de la sécurité intérieure

● le blanchiment de ces mêmes infractions ;

● l’association de malfaiteurs lorsqu’elle a pour l’objet la préparation de l’une desdites infractions ;

– le recours à ce procédé est uniquement permis lorsque les circonstances de l’enquête ne permettent pas la mise en place de la technique de sonorisation et de captation d’images mentionnée à l’article 706-96 du CPP au regard :

● soit de l’impossibilité à identifier les lieux où le dispositif technique pourrait être utilement mis en place ;

● soit des risques d’atteinte à la vie et à l’intégrité physique des agents chargés de la mise en œuvre de ces dispositifs.

– le recours à ce procédé implique une autorisation judiciaire préalable donnée soit, au cours de l’enquête, par le juge des libertés et de la détention saisi à la requête du procureur de la République, soit, au cours de l’information judiciaire, par le juge d’instruction après avis du procureur de la République ;

– l’exigence de motivation de la décision d’autorisation est renforcée : celle-ci doit préciser l’infraction qui motive le recours à ces opérations, la durée de celles-ci ainsi que tous les éléments permettant d’identifier l’appareil ; elle doit également être motivée par des éléments de fait et de droit justifiant que cette opération est nécessaire et faire état des motifs attestant de l’impossibilité de recourir au procédé classique de sonorisation ou de captation d’images mentionné à l’article 706-96 ;

– l’activation à distance aux fins de captation d’image et de son peut être autorisée pour une durée strictement proportionnée à l’objectif recherché sans pouvoir dépasser les durées maximales suivantes :

● dans le cadre de l’enquête de flagrance ou préliminaire, l’autorisation est délivrée pour une durée de quinze jours, renouvelable une fois ;

● et, dans le cadre de l’information judiciaire, pour une durée de deux mois, renouvelable sans que la durée totale ne puisse excéder six mois ;

– il est prévu l’impossibilité, à peine de nullité, de recourir à ce procédé d’activation à distance pour les appareils électroniques utilisés par un député, un sénateur, un magistrat, un avocat, un journaliste ou un médecin. Il est également prévu l’impossibilité, à peine de nullité, de transcrire les données relatives aux échanges avec un avocat qui sont couvertes par le secret professionnel de la défense et du conseil ([400]), celles relatives aux échanges avec un journaliste permettant d’identifier une source ou celles collectées alors que l’appareil se trouvait dans l’un des lieux ([401]) mentionnés aux articles 56‑1, 56‑2, 56‑3 et 56‑5 ([402]).

– enfin, il est prévu la possibilité pour le procureur de la République ou le juge d’instruction de désigner toute personne physique ou morale habilitée et inscrite sur l’une des listes prévues à l’article 157 du CPP ([403]) et de prescrire le recours aux moyens de l’État soumis au secret de la défense nationale, selon les formes prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier de ce code.

  1.   LA POSITION DE LA COMMISSION

En ayant adopté quatre amendements de suppression, la commission des Lois a supprimé les dispositions de l’article 15 quater ([404]).

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*     *

Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 16, dans sa rédaction initiale, allonge les délais pour lesquels certaines techniques spéciales d’enquête peuvent être autorisées et crée une procédure pour recourir à un procès-verbal séparé lorsque certaines techniques spéciales d’enquête sont mises en œuvre. L’article a fait l’objet d’une large réécriture lors de son examen par la commission des Lois du Sénat, puis lors de son examen en séance publique.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a, lors de l’examen de l’article en commission des Lois, puis en séance publique, opéré une réécriture globale de l’article 16.

La version de l’article tel qu’adopté par le Sénat prévoit ainsi la possibilité, sous certaines conditions, de recourir à un procès-verbal distinct qui n’est pas versé dans le dossier de la procédure, sur lequel figurent des informations relatives à la mise en œuvre de certaines techniques spéciales d’enquête, avec l’autorisation préalable du juge des libertés et de la détention et le contrôle systématique de la chambre de l’instruction. La personne concernée peut contester le recours au procès-verbal distinct devant le président de la chambre de l’instruction. Sauf autorisation expresse du juge des libertés et de la détention et uniquement lorsque certains critères sont remplis, les éléments recueillis à l’occasion de la mise en œuvre de la technique spéciale d’enquête qui fait l’objet du procès-verbal distinct ne sont pas versés au dossier de la procédure.

       Position de la Commission

La commission des Lois a adopté cinq amendements de suppression de l’article.

  1.   L’État du droit
    1.   Les techniques spÉciales d’enquÊte

Les opérations de géolocalisation en temps réel d’une personne, d’un véhicule ou de tout autre objet peuvent être mises en place dans les conditions prévues à l’article 230-32 du code de procédure pénale (CPP).

L’article 230-33 du CPP fixe les délais pour lesquels une telle opération peut être autorisée :

– dans le cadre d’enquête en flagrance, d’enquête préliminaire sur des infractions portant sur des faits de criminalité ou de délinquance organisées (articles 706-73 et 706-73-1 du CPP), ou d’enquête de recherche des causes de la mort ou de la disparition d’une personne, la durée initiale est de quinze jours, sur autorisation du procureur de la République, renouvelable ensuite par le juge des libertés et de la détention pour un mois, renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée ;

– dans les autres cas d’enquête en flagrance ou d’enquête préliminaire, la durée initiale est de huit jours, sur autorisation du procureur de la République, renouvelable ensuite par le juge des libertés et de la détention (JLD) pour un mois, renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée ;

– dans le cadre d’une instruction ou d’une information pour recherche des causes de la mort ou des causes de la disparition, elle est autorisée par le juge d’instruction, pour une durée maximale de quatre mois, renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée.

Le quatrième alinéa de l’article 230-33 du CPP fixe également une durée maximale de l’opération :

– celle-ci ne peut excéder un an ;

– sauf lorsqu’il s’agit d’une infraction portant sur des faits de criminalité ou délinquance organisées (articles 706-73 et 706-73-1 du CPP) : la durée totale de l’opération ne doit alors pas excéder deux ans.

Enfin, l’article 230-35 du CPP prévoit une procédure d’urgence, en cas de risque imminent de dépérissement des preuves ou d’atteintes graves aux personnes ou aux biens. Dans ce cas, les opérations de géolocalisation peuvent être mises en place ou prescrites par un officier de police judiciaire. Celui-ci en informe immédiatement le procureur de la République ou le juge d’instruction : le magistrat informé peut alors ordonner la mainlevée de la géolocalisation. Dans le cas contraire, les magistrats disposent d’un délai de 24 heures pour prescrire la poursuite des opérations.

Les opérations d’interception de correspondances émises par la voie des communications électroniques (écoutes téléphoniques, mais aussi correspondances Internet) sont elles aussi encadrées par des délais. Conformément à l’article 706-95 du CPP, le JLD peut autoriser l’interception, l’enregistrement et la transcription de telles correspondances pour une durée maximale d’un mois, renouvelable une fois, dans les mêmes conditions de forme et de durée.

  1.   La possibilité de conserver des ÉlÉments hors du dossier de la procÉdure

La possibilité de soustraire des éléments de la procédure au contradictoire existe déjà, dans des cas de figure strictement encadrés par le législateur et par le Conseil constitutionnel.

L’article 706-58 du CPP permet à un témoin de conserver l’anonymat dès lors que son audition est susceptible de mettre gravement en danger sa vie ou son intégrité physique, celle des membres de sa famille ou de ses proches. Cette procédure d’anonymisation est mise en œuvre pour les procédures portant sur un crime ou sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement. C’est le juge des libertés et de la détention qui autorise le recours à l’anonymat. Le second alinéa de l’article 706-58 prévoit que l’identité et l’adresse du témoin anonyme sont inscrites dans un procès-verbal versé dans un dossier distinct du dossier de la procédure.

L’article 706-60 prévoit que la personne mise en examen peut contester le principe du témoignage anonyme. Elle doit alors, dans un délai de dix jours à compter de la date où elle a pris connaissance d’une audition d’un témoin sous anonymat, contester le recours à cette procédure devant le président de la chambre de l’instruction. Si ce dernier estime que la contestation est justifiée, il ordonne l’annulation de l’audition. Il peut également ordonner que l’identité du témoin soit révélée, sous réserve que ce dernier y consente expressément.

Conformément à l’article 706-62 du CPP, aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations d’un témoin anonyme.

Un mécanisme de dossier distinct existe également en matière de géolocalisation.

L’article 1er de la loi n° 2014-372 du 28 mars 2014 relative à la géolocalisation a inséré un nouveau chapitre V au sein du titre IV du livre Ier du CPP, consacré à la géolocalisation.

L’article 230-40 du CPP, créé par cette loi, prévoit le versement dans un dossier distinct de celui de la procédure d’un procès-verbal contenant certaines informations sur la mise en œuvre de la technique de géolocalisation.

Ces informations sont les suivantes :

– la date, l’heure et le lieu où le moyen technique destiné à la localisation en temps réel a été installé ou retiré ;

– l’enregistrement des données de localisation et les éléments permettant d’identifier une personne ayant concouru à l’installation ou au retrait du même moyen technique.

La possibilité de recourir à un procès-verbal distinct est encadrée :

– il ne peut y être recouru que dans le cadre d’une instruction concernant un crime ou un délit portant sur des faits de criminalité ou délinquance organisées (articles 706-73 et 706-73-1) ;

– la connaissance des informations portées sur le procès-verbal distinct doit être susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l’intégrité physique d’une personne, de sa famille ou de ses proches et n’être ni utile à la manifestation de la vérité, ni indispensable à l’exercice des droits de la défense ;

– le recours au procès-verbal distinct doit être autorisé par un JLD, saisi par requête motivée du juge d’instruction, et la décision du juge des libertés et de la détention est jointe au dossier de la procédure ;

– le recours au dossier distinct peut être contesté par la personne mise en examen ou le témoin assisté devant le président de la chambre de l’instruction selon une procédure prévue à l’article 230-41 du CPP ;

– aucune condamnation ne peut être prononcée sur le fondement des éléments recueillis grâce à une opération de géolocalisation faisant l’objet d’un procès-verbal distinct, sauf si la requête et le procès-verbal ont été versés au dossier par décision du président de la chambre de l’instruction.

Le rapport établi par le Sénat sur le projet de loi ([405]) indique que cette procédure s’inspire fortement de celle prévue pour les témoignages anonymes (prévue aux articles 706-58 et suivants du CPP).

Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité du dispositif à la Constitution dans une décision du 25 mars 2014 ([406]). L’article 230-42, dans la version adoptée par le Parlement, prévoyait initialement un dispositif identique à celui prévu pour les témoins anonymes à l’article 706-62 du CPP s’agissant de la valeur probatoire, c’est-à-dire qu’aucune condamnation ne pouvait être prononcée sur le seul fondement des éléments recueillis par l’opération de géolocalisation faisant l’objet d’un dossier distinct.

Le Conseil constitutionnel a censuré le mot « seul », considérant qu’en « permettant ainsi qu’une condamnation puisse être prononcée sur le fondement d’éléments de preuve alors que la personne mise en cause n’a pas été mise à même de contester les conditions dans lesquelles ils ont été recueillis », ces dispositions méconnaissaient le droit à exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le respect des droits de la défense. Considérant ainsi qu’aucune condamnation ne peut être prononcée sur le fondement des éléments recueillis grâce à la géolocalisation faisant l’objet d’un dossier distinct, il indique clairement que ces éléments doivent être retirés du dossier de l’information avant la saisine de la juridiction de jugement.

  1.   Le dispositif proposÉ par le SÉnat

Dans le rapport de commission d’enquête précité supra, les rapporteurs du Sénat font le constat d’une utilisation insuffisante de certaines techniques spéciales d’enquête pour démanteler les réseaux de trafiquants de stupéfiants et préconisent ainsi d’instaurer un « dossier coffre », sous le contrôle de la chambre de l’instruction de la cour d’appel, pour protéger l’efficacité de certaines techniques spéciales d’enquête. Le présent article 16 met en œuvre cette recommandation.

  1.   LEs dispositions initiales

Les 1° et 4° du présent article assouplissent le recours à certaines techniques spéciales d’enquête, alors que le 3° crée un mécanisme de procès-verbal séparé.

  1.   L’allongement de la durée de l’autorisation de deux techniques spéciales d’enquête

Le 1° de l’article 16 dans sa version initiale modifie l’article 230-33 du CPP pour préciser que la durée maximale d’autorisation d’une opération de géolocalisation lorsque l’enquête porte sur des infractions liées à la criminalité et à la délinquance organisées (articles 706-73 et 706-3-1 du CPP) est fixée à deux mois, renouvelable deux fois. Cette modification borne la durée maximale de l’opération de géolocalisation à six mois et quinze jours. Cet ajout est donc restrictif par rapport au droit actuel : la durée prévue par l’article 230-33 aujourd’hui est de quinze jours, renouvelable pour une durée maximale d’un mois sur autorisation du juge des libertés et de la détention, mais le quatrième alinéa de l’article prévoit que la durée totale de l’opération lorsqu’il s’agit d’une infraction relative à la criminalité et à la délinquance organisées ne peut excéder deux ans.

Le 4° de l’article 16 modifie l’article 706-95 du CPP qui concerne l’interception de correspondances émises par la voie des communications électroniques, pour porter à deux mois, renouvelable deux fois, la durée pour laquelle peut être autorisée par le JLD une opération d’interception téléphonique.

Cet allongement des délais s’inscrit, selon le rapport de la commission des Lois du Sénat, dans la continuité des travaux de la commission d’enquête, qui soulignent l’importance de ces deux techniques spéciales d’enquête pour lutter contre les trafiquants de stupéfiants.

  1.   Le procès-verbal distinct

Le 3° de l’article 16 propose une nouvelle rédaction de l’article 706-104 du CPP pour instaurer la possibilité de recourir à un procès-verbal distinct sous certaines conditions.

Les procès-verbaux dressés par les officiers de police judiciaire versés au dossier pénal ne font pas mention de ces informations lorsque la divulgation d’informations relatives à la mise en œuvre de certaines techniques spéciales d’enquête est de nature :

– soit à mettre en danger la sécurité d’agents infiltrés, de collaborateurs de justice, de témoins protégés ou de leurs proches ;

– soit à porter une atteinte grave et irrémédiable à la possibilité de déployer à l’avenir les mêmes techniques.

Ces informations sont les suivantes :

– les caractéristiques du fonctionnement des techniques spéciales d’enquête ;

– les méthodes d’exécution de celles-ci ;

– les modalités de leur installation et de leur retrait.

Ils font l’objet d’un procès-verbal séparé, qui n’est pas versé au dossier pénal. Les éléments figurant sur ce procès-verbal séparé ne constituent pas une preuve, et ne peuvent être débattus au cours du jugement.

Les procès-verbaux qui sont eux versés au dossier pénal doivent comporter, à peine de nullité :

– toute indication permettant d’identifier les personnes visées par ladite technique ;

– la période de déploiement de ladite technique ;

– toute indication permettant d’apprécier le respect des principes de proportionnalité et de subsidiarité.

Les techniques d’enquête qui peuvent faire l’objet d’un procès-verbal séparé sont celles mentionnées aux sections V et VI du chapitre II du titre XXV du livre IV du CPP, c’est-à-dire :

– l’accès à distance aux correspondances stockées par la voie des communications électroniques accessibles au moyen d’un identifiant informatique (article 706-95 et suivants du CPP) ;

– le recueil des données techniques de connexion et des interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques, aussi appelé IMSI-catcher (article 706-95-20 du CPP) ;

– la sonorisation et la fixation d’images de certains lieux ou véhicules (articles 706-96 à 706-98 du CPP) ;

– la captation des données informatiques (articles 706-102-1 à 706-102-5 du CPP).

L’autorisation de recourir à un procès-verbal séparé doit être sollicitée avant le déploiement de la technique objet dudit procès-verbal, par le procureur de la République ou par le juge d’instruction, auprès du JLD. L’ordonnance de celui-ci est jointe au procès-verbal séparé. Une fois l’autorisation donnée, le JLD peut, à tout moment, ordonner l’interruption de la technique spéciale d’enquête dont il a autorisé le déploiement.

À la fin de la mise en œuvre de la technique d’enquête spéciale faisant l’objet d’un procès-verbal séparé, ce procès-verbal ainsi que l’ordonnance du JLD sont transmis à la chambre de l’instruction. Celle-ci peut décider de verser au dossier de la procédure les éléments indispensables à la manifestation de la vérité.

Le 2° de l’article 16 dans sa version initiale modifie l’article 194 du CPP pour prévoir que la chambre de l’instruction doit statuer dans un délai de deux mois à compter de la transmission du dossier au procureur général par le président de la chambre de l’instruction.

Le dernier alinéa de l’article 706-104 dans la rédaction prévue par le présent article prévoit que la divulgation des informations qui se trouvent sur le procès-verbal séparé et dans l’ordonnance du JLD est passible des peines prévues à l’article 413-3 du code pénal – soit de cinq à dix ans d’emprisonnement et de 75 000 à 150 000 euros d’amende selon les conséquences de cette divulgation.

Le texte initial du présent article ne prévoyait donc aucune restriction au versement en procédure des éléments recueillis grâce à des techniques spéciales d’enquête dont les modalités de mise en œuvre ne figurent pas dans le dossier.

Les rapporteurs de la proposition de loi évoquent une disposition similaire dans le droit belge sur laquelle s’est prononcée la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en mai 2017 ([407]) pour étayer la conformité de l’article 16 au droit européen. Dans cette affaire, la CEDH a rappelé que « le droit à une divulgation des preuves n’est pas absolu » mais que les seules mesures restreignant les droits de la défense sont celles « qui sont absolument nécessaires ». Toute limitation des droits de la défense doit, au surplus, être suffisamment compensée par la procédure suivie devant les autorités judiciaires.

Néanmoins, la CEDH souligne que le législateur belge « a limité les éléments qui figurent dans le dossier confidentiel […] à ceux qui sont de nature à compromettre l’identité et la sécurité des personnes concernées et l’utilisation même des méthodes particulières de recherche ». Elle en déduit que le reste des éléments est versé au dossier de la procédure, notamment les informations relatives à la mise en œuvre et la nature des méthodes de recherche utilisées, les motifs justifiant leur utilisation et les étapes de leur mise en œuvre.

  1.   Les modifications adoptÉes par le SÉnat

La commission des Lois a adopté l’amendement COM-75 des rapporteurs qui réécrit entièrement l’article 16, sous-amendé par le sous-amendement COM-89 (M. Blanc, Les Républicains).

En séance publique, le Sénat a adopté deux amendements du Gouvernement : l’amendement n° 225 modifie les alinéas relatifs aux techniques spéciales d’enquête et l’amendement n° 271 qui procède à une réécriture globale des alinéas relatifs au procès-verbal distinct.

  1.   Sur les techniques spéciales d’enquête
    1.   En commission des Lois

L’amendement COM-75 procède à des clarifications :

– il corrige la rédaction de la commission qui restreignait la durée maximale d’autorisation d’une opération de géolocalisation : il prévoit maintenant que celle-ci peut être renouvelée pour une durée de deux mois par le JLD lorsque la procédure porte sur des infractions liées à la criminalité et à la délinquance organisées ;

– le 4° devient le 2° bis sans subir de modification de fond.

Le sous-amendement COM-89 déposé par le sénateur Étienne Blanc complète l’article 230-33 du CPP pour prévoir que l’autorisation d’une opération de géolocalisation doit être délivrée au plus tard 8 heures après la mise en place de la balise.

  1.   En séance publique

Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a adopté l’amendement n° 225 déposé par le Gouvernement, avec un avis de sagesse de la commission.

L’amendement supprime les dispositions relatives à l’allongement du délai maximal d’autorisation d’opération de géolocalisation et d’interception téléphoniques. La durée maximale d’autorisation de ces techniques est l’une des garanties qui cadrent le recours aux techniques spéciales d’enquête : le doubler spécifiquement pour les opérations de géolocalisation et d’interceptions téléphoniques serait de nature à fragiliser l’équilibre entre l’objectif à valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions et le droit au respect de la vie privée.

L’amendement supprime également la possibilité de régulariser la mise en place d’une opération de géolocalisation par une décision intervenant dans un délai maximum de 8 heures, considérant que l’article 230-35 du CPP prévoit déjà une procédure pour procéder à une telle opération en urgence, avec une régularisation par un magistrat dans les 24 heures qui suivent.

  1.   Sur le procès-verbal séparé
    1.   En commission des Lois

L’amendement des rapporteurs propose une nouvelle rédaction de l’article 706-104, notamment pour renforcer les garanties entourant le contrôle de la délivrance de l’autorisation de recourir au procès-verbal séparé.

Il procède également à une coordination en modifiant l’article 706-102-3 du CPP relatif aux informations que doit comporter la décision autorisant le recours à un dispositif technique permettant la captation des données informatique.

Le « procès-verbal séparé » dans la version initiale de l’article devient « procès-verbal distinct ».

Il renforce le niveau d’exigence pour mettre en place le procès-verbal distinct : non seulement la divulgation des éléments doit porter une atteinte grave et irrémédiable à la possibilité de déployer à l’avenir une telle technique, mais l’emploi de cette technique doit être nécessaire à la manifestation de la vérité.

Les informations qui peuvent figurer sur ce procès-verbal sont clairement énumérées et comprennent, outre celles déjà prévues dans la version initiale, la date, l’horaire ou le lieu de mise en œuvre ou de retrait des techniques spéciales d’enquête. Conséquence de cet ajout, les procès-verbaux qui sont effectivement versés en procédure ne doivent plus comprendre aucune indication permettant d’identifier la période du déploiement de la technique. Les deux autres éléments prévus dans la version initiale (personne concernée et éléments attestant du respect des principes de proportionnalité et de subsidiarité) demeurent. Si la date de mise en œuvre d’une technique spéciale d’enquête figure sur un procès-verbal distinct et n’est donc pas mentionnée dans le dossier de la procédure, alors le déploiement de la technique est réputé avoir commencé à la date d’autorisation donnée par le juge des libertés et de la détention pour recourir à un procès-verbal distinct.

L’amendement modifie le statut de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant le recours à un procès-verbal distinct avant le déploiement de la technique : celle-ci est versée au dossier pénal et ne fait donc pas mention des éléments présents sur le procès-verbal distinct.

L’amendement modifie également la portée de la décision du juge des libertés et de la détention : alors que le texte initial prévoit qu’il peut, à tout moment, ordonner la fin de la mise en œuvre de la technique dont il a autorisé le déploiement, le texte issu de la commission y substitue la possibilité pour lui de décider la fin du recours à un procès-verbal distinct, auquel cas la mise en œuvre de la technique spéciale d’enquête qui faisait l’objet de ce procès-verbal distinct est interrompue sans délai.

Enfin, l’amendement précise la procédure devant la chambre de l’instruction : lorsque celle-ci est saisie à la fin de la mise en œuvre de la technique spéciale d’enquête, sa décision est transmise au procureur de la République ou au juge d’instruction, et versée au dossier de la procédure. Le cas échéant, les éléments dont le versement a été décidé par la chambre sont versés au dossier, mais uniquement ceux-là. Le délai dans lequel doit se prononcer la chambre demeure inchangé : la modification de l’article 194 du CPP est maintenue au 1° A et non au 2° suite à une coordination réalisée par l’amendement des rapporteurs.

  1.   En séance publique

Lors de l’examen en séance, le Sénat a adopté l’amendement n° 271 du Gouvernement, avec un avis favorable de la commission, qui prévoit une réécriture globale des alinéas consacrés au procès-verbal distinct.

● Périmètre et critères pour recourir à un procès-verbal distinct (I de l’article 706-104)

La nouvelle rédaction prévoit que lorsque la divulgation d’informations relatives à la mise en œuvre de certaines techniques spéciales d’enquête nécessaires à la manifestation de la vérité est de nature :

– soit à mettre en danger la sécurité d’agents infiltrés, de collaborateurs de justice, de témoins protégés ou de leurs proches ;

– soit à porter une atteinte grave et irrémédiable à la possibilité de déployer à l’avenir les mêmes techniques ;

alors ces informations peuvent faire l’objet d’un procès-verbal distinct.

Le critère introduit en commission des Lois selon lequel l’emploi des techniques spéciales d’enquête concernées doit être nécessaire à la manifestation de la vérité n’apparaît plus dans les critères listés mais dans le cadre plus général de recours au procès-verbal distinct.

La liste des informations pouvant figurer dans le procès-verbal distinct est complétée : les informations permettant d’identifier une personne ayant concouru à l’installation ou au retrait du dispositif technique pourront également figurer dans le procès-verbal distinct et ainsi être retirées du dossier de la procédure.

L’alinéa relatif à la date de début de déploiement d’une technique spéciale d’enquête en l’absence de mention dans le dossier de la procédure n’est pas modifié.

Cette rédaction reproduit la disposition relative aux informations que doivent comporter les procès-verbaux dressés en application du présent article, dans la version de la commission (informations sur la personne concernée et permettant d’apprécier le respect de la proportionnalité et de subsidiarité). Néanmoins, le renvoi effectué vise maintenant le procès-verbal distinct et non les procès-verbaux dressés par les officiers de police judiciaire et effectivement versés en procédure, ce qui pose difficulté.

Par ailleurs, la mention explicite que le procès-verbal distinct n’est pas versé en procédure et que les éléments qu’il contient ne sont pas susceptibles d’être débattus au cours du jugement n’apparaît plus dans l’écriture du Gouvernement.

 Procédure pour recourir à un procès-verbal distinct

La procédure pour recourir à un procès-verbal distinct fait l’objet de quelques aménagements.

L’autorisation de recourir à un procès-verbal séparé doit toujours être sollicitée avant le déploiement de la technique objet du dit procès-verbal par le procureur de la République ou par le juge d’instruction auprès du juge des libertés et de la détention.

La nouvelle rédaction ajoute que la requête du procureur de la République ou du juge d’instruction doit exposer les raisons impérieuses qui s’opposent au versement des informations relatives à la technique spéciale d’enquête dans le dossier de la procédure.

L’ordonnance par laquelle le JLD se prononce est versée au dossier pénal.

Une fois l’autorisation donnée, le JLD peut, à tout moment, décider qu’il ne soit plus fait recours à un procès-verbal distinct.

La nouvelle rédaction du présent article 16, adoptée à l’initiative du Gouvernement, apporte deux précisions :

– c’est le magistrat en charge de l’enquête ou de l’instruction qui doit alors se prononcer sur la suite à donner lorsque le recours au procès-verbal distinct est interrompu par le juge des libertés et de la détention ;

– outre la possibilité d’interrompre la technique spéciale d’enquête, déjà prévue par le texte issu des travaux de la commission, le magistrat peut décider que l’ensemble des procès-verbaux sera versé au dossier de la procédure (et donc que la mise en œuvre de la technique spéciale d’enquête peut perdurer).

À la fin de la mise en œuvre de la technique d’enquête spéciale faisant l’objet d’un procès-verbal distinct, ce procès-verbal ainsi que l’ordonnance du JLD sont transmis à la chambre de l’instruction, qui en assure le contrôle dans les conditions prévues à l’article 206 du CPP. Celle-ci peut décider de verser au dossier les éléments indispensables à la manifestation de la vérité. Elle se prononce dans un délai de deux mois à compter de la transmission du dossier au procureur général par le président de la chambre de l’instruction, conformément à ce que prévoit le 1° A de l’article 16, qui modifie l’article 194 du CPP.

Sa décision est transmise au procureur de la République ou au juge d’instruction, et versée au dossier de la procédure. Le cas échéant, les éléments dont le versement a été décidé par la chambre sont versés au dossier, mais uniquement ceux-là.

La rédaction du présent article reproduit à l’identique la procédure devant la chambre de l’instruction prévue par le texte en commission.

 La possibilité de s’appuyer sur les éléments recueillis grâce à la TSE objet d’un procès-verbal distinct (II bis de l’article 706-104)

La rédaction adoptée à l’initiative du Gouvernement ajoute un II bis à l’article 706-104 qui prévoit que l’enquêteur qui souhaite procéder à un acte d’enquête sur le fondement d’éléments recueillis grâce à une technique spéciale d’enquête dont la mise en œuvre fait l’objet d’un procès-verbal distinct, doit inscrire sur un procès-verbal, versé au dossier pénal, celles des informations qui doivent être corroborées par cet acte d’enquête.

● Mécanisme de recours contre le procès-verbal distinct (II ter de l’article 706-104)

L’article 16 adopté par le Sénat introduit un mécanisme de recours contre la mise en place d’un procès-verbal distinct.

La personne mise en examen ou le témoin assisté a la possibilité, dans un délai de dix jours à compter de la date à laquelle il a eu connaissance du contenu des opérations réalisées, de contester devant le président de la chambre de l’instruction le recours à un procès-verbal distinct. Une fois saisi, le président de la chambre de l’instruction statue par décision motivée, qui n’est pas susceptible de recours. Il a accès au procès-verbal distinct. Il a plusieurs options :

– s’il estime que les opérations n’ont pas été réalisées de façon régulière, alors il annule les techniques spéciales d’enquête concernées ;

– s’il estime que les conditions pour recourir au procès-verbal distinct n’étaient pas remplies ou que la connaissance des informations n’est plus susceptible de compromettre les finalités mentionnées pour mettre en œuvre le procès-verbal distinct, il peut ordonner le versement de tout ou partie des informations qui figuraient dans le procès-verbal distinct au dossier de la procédure.

Ce mécanisme de recours devant la chambre de l’instruction est similaire à celui prévu pour les témoignages anonymes et les opérations de géolocalisation faisant l’objet d’un dossier distinct.

● Accès au procès-verbal distinct et sanctions en cas de divulgations des informations qu’il contient

Le III de l’article 706-104, relatif à l’accès au procès-verbal distinct pendant l’enquête ou l’instruction et aux sanctions encourues en cas de divulgations des informations qu’il contient, est identique au III du texte issu des travaux de la commission.

● Conditions de versement en procédure des éléments recueillis lors de la mise en œuvre de la technique spéciale d’enquête faisant l’objet d’un procès-verbal séparé

L’amendement insère un nouvel alinéa au sein de l’article 706-104 qui prévoit explicitement que les informations recueillies à l’occasion de la mise en œuvre d’une technique spéciale d’enquête dont les modalités ont fait l’objet d’un procès-verbal distinct ne peuvent pas figurer au dossier de la procédure et ne constituent pas, en elles-mêmes, des preuves ayant un caractère incriminant. Il précise que ces informations font elles aussi l’objet d’un procès-verbal distinct.

L’amendement introduit dans le même temps un nouvel article 706-104-1 qui prévoit une procédure permettant, à titre exceptionnel et par décision spécialement motivée du juge des libertés et de la détention, de verser en procédure les éléments recueillis grâce à la technique faisant l’objet d’un procès-verbal distinct :

– le juge des libertés et de la détention est saisi par requête motivée du procureur de la République ou du juge d’instruction ;

– deux critères cumulatifs doivent être remplis pour qu’il autorise le versement en procédure : la connaissance des éléments recueillis grâce à la technique spéciale d’enquête est absolument nécessaire à la manifestation de la vérité en considération de raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête ou de l’instruction et la divulgation des informations relatives à la mise en œuvre de la technique présente un risque excessivement grave pour la vie ou l’intégrité physique d’une ou plusieurs personnes ;

– une fois la décision du juge des libertés et de la détention notifiée, la personne concernée peut, dans un délai de dix jours, contester devant le président de la chambre de l’instruction le recours au procès-verbal distinct.

Une fois saisi, le président de la chambre de l’instruction statue par décision motivée, qui n’est pas susceptible de recours. Il a accès au procès-verbal distinct. Il a plusieurs options :

– s’il estime que les techniques spéciales d’enquête n’ont pas été réalisées de manière régulière, ou que les conditions pour mettre en œuvre le procès-verbal distinct n’étaient pas réunies, il ordonne l’annulation des opérations ;

– s’il estime que la condition selon laquelle la connaissance des informations contenues dans le procès-verbal distinct est susceptible de mettre en danger des personnes n’est plus remplie, il peut ordonner le versement au dossier du procès-verbal distinct et de la requête associée ;

– s’il estime qu’aucune des conditions précédentes n’existe, alors il ne fait pas droit au recours de la personne, et les éléments recueillis par le biais de la technique spéciale d’enquête sont versés au dossier de la procédure.

Ce faisant, l’amendement fait du versement en procédure des éléments recueillis grâce à la technique spéciale d’enquête dont les modalités de mise en œuvre sont dissimulées, l’exception et non la règle.

L’amendement du Gouvernement instaure donc plusieurs garanties supplémentaires par rapport à la version adoptée en commission :

– la mention explicite que la requête du procureur de la République ou du juge d’instruction pour recourir à un procès-verbal distinct doit exposer les raisons impérieuses qui s’opposent à ce que certaines informations soient versées au dossier ;

– la possibilité pour la personne concernée par la mise en œuvre de la technique de contester le recours à un procès-verbal distinct devant le président de la chambre de l’instruction ;

– la mention explicite que les éléments recueillis lors de la mise en œuvre ne sont pas versés en procédure, sauf autorisation expresse du juge des libertés et de la détention.

  1.   La position de la Commission

La Commission a adopté les cinq amendements de suppression CL57, CL120, CL215, CL319 et CL469, déposés respectivement par M. Bernalicis (LFI), M. Iordanoff (EcoS), Mme Capdevielle (SOC), Mme K/Bidi (GDR) et Mme Moutchou (HOR).

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*     *

Adopté par la commission avec modifications

      Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 16 bis de la proposition de loi, introduit par un amendement adopté en séance au Sénat, autorise, sous certaines conditions, l’introduction dans des lieux privés aux fins de mettre en place un dispositif technique permettant le recueil de données techniques de connexion pour identifier un équipement terminal ou le numéro d’abonnement de l’utilisateur, ainsi que les données relatives à la localisation de l’équipement utilisé. Dans certains cas, ce dispositif peut également être utilisé pour intercepter des correspondances émises par la voie des communications électroniques.

     Dernières modifications législatives intervenues

L’article 46 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a prévu un cadre commun applicable à certaines techniques spéciales d’enquête, notamment le recours à l’IMSI ([408]) -catcher.

     Modifications apportées par la commission

La commission des Lois a adopté l’article 16 bis après y avoir apporté des améliorations rédactionnelles.

  1.   L’État du droit

L’article 706-95-20 du code de procédure pénale (CPP) encadre le recours à un dispositif d’IMSI-catcher, pouvant être déployé au titre des techniques spéciales d’enquête.

L’IMSI-catcher est un dispositif qui imite le fonctionnement d’une antenne-relais pour provoquer la connexion des téléphones mobiles situés à proximité. Ce moyen permet ainsi à la fois :

– d’identifier des équipements terminaux et de recueillir les données techniques (tels que les numéros IMSI et IMEI ([409])) ;

– de localiser les détenteurs de ces équipements ;

– ou encore de mettre en œuvre des interceptions judiciaires : dans ce dernier cas cependant, comme en matière d’interceptions judiciaires, l’utilisation de cette technique d’enquête est exclue à l’égard de certaines personnes, notamment afin de préserver le secret dont elles sont dépositaires ([410]).

Le recours à ce dispositif n’est possible que dans le cadre des enquêtes relevant de la délinquance et de la criminalité organisées, portant sur les infractions mentionnées aux articles 706-73 et 706-73-1 du CPP ([411]).

Il est possible d’y recourir tant dans le cadre des enquêtes conduites par le procureur de la République qu’au cours d’une information judiciaire ([412]).

● Dans le cadre des enquêtes, le recours à l’IMSI-catcher est autorisé par le juge des libertés et de la détention (JLD), saisi par requête du procureur de la République, par ordonnance écrite et motivée ([413]). Les durées d’autorisation du dispositif varient en fonction de la finalité de l’opération :

– le recueil des données de connexion ou des données relatives à la géolocalisation ([414]) par IMSI-catcher est autorisé pour une période d’un mois renouvelable une fois ;

– l’interception des communications par IMSI-catcher est autorisée pour une durée de 48 heures renouvelable une fois.

● Dans le cadre des informations judiciaires, le recours à l’IMSI-catcher est autorisé par le juge d’instruction, par ordonnance écrite et motivée ([415]) :

– pour une période de quatre mois renouvelable dans la limite de deux ans, lorsqu’il s’agit de recueillir des données de connexion ou des données relatives à la géolocalisation d’un équipement terminal ou d’un numéro d’abonnement ;

– ou pour une durée de 48 heures renouvelable une fois, lorsqu’il s’agit d’intercepter des correspondances par IMSI-catcher.

Dans tous les cas, et peu importe le cadre procédural des investigations, il est dressé procès-verbal de l’ensemble des opérations en mentionnant la date et l’heure de début et de fin et les enregistrements sont placés sous scellés. Seules les données ou les correspondances utiles à la manifestation de la vérité sont jointes au procès-verbal ([416]). Les données recueillies à l’aide des IMSI-catchers sont détruites à l’expiration du délai de prescription de l’action publique ([417]).

S’agissant, enfin, des modalités d’installation, de mise en œuvre et de retrait du dispositif, l’article 706-95-17 du CPP autorise le recours à tout agent qualifié pour y procéder. L’article D. 15-1-5-1 du même code liste l’ensemble des services qui peuvent être requis à cet effet.

En revanche, il n’est prévu aucune possibilité de pénétrer dans des lieux privés en vue de l’installation du dispositif, alors même qu’une telle procédure existe pour faciliter la mise en œuvre d’autres techniques spéciales d’enquête.

Il en est ainsi notamment s’agissant des deux techniques spéciales d’enquête suivantes :

– pour la mise en place d’un dispositif technique aux fins de sonorisation ou de fixation d’images de certains lieux ou véhicules ([418]) ;

– et pour la mise en place du dispositif technique de captation des données informatiques ([419]).

Pour la mise en œuvre de ces techniques spéciales d’enquête, il est ainsi prévu la possibilité, sur autorisation préalable du JLD, à la requête du procureur de la République, dans le cadre de l’enquête, ou du juge d’instruction, dans le cadre de l’information, de pénétrer dans un véhicule ou dans un lieu privé, à l’insu ou sans le consentement du propriétaire ou de l’occupant des lieux.

Pour garantir la discrétion de ces opérations, cette autorisation peut être accordée y compris en vue de l’introduction au sein de ces véhicules ou lieux privés en-dehors des heures légales ([420]).

Si toutefois il est envisagé d’installer le dispositif technique au sein d’un lieu d’habitation, en-dehors des heures légales, des garanties renforcées sont prévues. L’autorisation d’introduction au sein de ce domicile ne peut en effet être délivrée que par le JLD, saisi soit par le procureur de la République, soit la juge d’instruction, selon le cadre procédural des investigations.

En tout état de cause, pour garantir que cette procédure ne soit pas détournée aux fins notamment de recueillir des preuves, l’introduction dans un véhicule ou dans un lieu privé ne peut avoir d’autre fin que la mise en place du dispositif technique.

En outre, le déroulement des opérations d’installation et de retrait du dispositif est placé sous l’autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention ou du juge d’instruction.

Il est également interdit de mettre en place les dispositifs techniques aux fins de sonorisation ou de fixation d’images de certains lieux ou véhicules ou en vue de la captation des données informatiques dans certains lieux, à savoir :

– un cabinet d’avocat, son domicile ou son véhicule ([421]) ;

– les locaux ou véhicules professionnels d’une entreprise ou agence de presse, entreprise de communication audiovisuelle, de communication au public en ligne ([422]) ;

– le domicile d’un journaliste ;

– le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier ([423]) ;

– les locaux d’une juridiction ([424]) ;

– le domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles ([425]) ;

– le véhicule, bureau ou domicile d’un magistrat ([426]) ;

– le véhicule, bureau ou domicile d’un parlementaire ([427]).

Ces dispositions permettent d’assurer la protection du secret dont ces personnes sont dépositaires.

  1.   Le dispositif introduit en sÉance publique au SÉnat

Le Sénat a introduit un nouvel article 706-95-2 au sein du CPP ([428]) pour prévoir une procédure permettant l’installation d’un dispositif technique d’IMSI-catcher au sein d’un lieu privé.

Ce dispositif permet d’autoriser l’introduction d’un agent dans un lieu privé, y compris en-dehors des heures légales, à l’insu ou sans le consentement du propriétaire ou de l’occupant des lieux ([429]), aux fins d’installer ou de désinstaller le dispositif d’IMSI-catcher.

Les garanties entourant la mise en œuvre de cette procédure sont identiques à celles prévues pour faciliter l’installation de certains dispositifs dans le cadre des autres techniques spéciales d’enquête précédemment évoquées, à savoir :

– l’autorisation préalable du JLD, à la requête du procureur de la République, ou du juge d’instruction. Dans tous les cas, seul le JLD peut autoriser à pénétrer dans un lieu d’habitation en-dehors des heures légales ;

– la limitation de la finalité des opérations, qui ne peuvent avoir d’autre fin que la mise en place du dispositif technique et ne peuvent donc consister en une perquisition ayant pour objet de recueillir des éléments de preuve ;

– le contrôle de l’autorité judiciaire ;

– l’interdiction de mettre en place le dispositif d’IMSI-catcher dans certains lieux, pour protéger le secret dont des personnes occupant ces lieux sont dépositaires ([430]) ;

– la motivation de la décision d’autorisation comportant les éléments permettant d’identifier les lieux privés ou publics visés, l’infraction qui motive le recours à cette procédure et la durée des opérations.

  1.   LA POSITION DE LA COMMISSION

La commission des Lois a adopté l’article 16 bis après y avoir apporté une précision rédactionnelle ([431]).

*

*     *

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif initial et effets principaux

Le présent article apporte des précisions, au sein du code de procédure pénale, sur l’interdiction d’incitation à commettre une infraction, pour exclure de cette notion l’incitation à commettre l’infraction visée par les autorisations délivrées par le magistrat compétent et les actes contribuant à la poursuite d’une infraction déjà préparée ou débutée au moment où ladite autorisation est délivrée.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 230-46 du code de procédure pénale fixant le cadre de l’enquête sous pseudonyme a été créé par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et modifié par l’article 10 de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, afin d’étendre la liste des actes autorisés dans le cadre de ces enquêtes.

L’article 706-80-2 du même code a lui aussi été créé par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 afin de permettre aux enquêteurs, dans le cadre d’une opération de surveillance de l’acheminement ou du transport d’objets, de biens ou de produits, d’être autorisés par l’autorité judiciaire à livrer ou délivrer à la place des prestataires de services postaux et des opérateurs de fret ces objets, biens ou produits, sans être pénalement responsables.

       Modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a restreint le dispositif pour n’exclure explicitement de la notion d’incitation à la commission d’une infraction que les actes contribuant à la poursuite d’une infraction déjà préparée ou débutée au moment où l’autorisation est délivrée par le magistrat compétent. Elle a en outre, étendu ce dispositif aux articles du code des douanes contenant eux aussi cette notion.

       Position de la Commission

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur M. Vicot.

  1.   L’État du droit
    1.   Les actes autorisés dans certains cadres d’enquête

Dans certains cadres d’enquête spécifiques, le procureur de la République ou le juge d’instruction saisi des faits peut, sous certaines conditions, autoriser les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire à réaliser certains actes sans en être pénalement responsables.

● Dans le cadre de l’enquête sous pseudonyme ([432]), ces actes peuvent être :

– l’acquisition de tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service ;

– la transmission de tout contenu en réponse à une demande expresse ;

– la mise à disposition des moyens juridiques ou financiers, ainsi que le transport, le dépôt, l’hébergement, la conservation et la télécommunication en vue de l’acquisition, de la transmission ou de la vente par les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions de tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service, y compris illicite.

● Dans le cadre d’une enquête visant à constater les infractions d’acquisition, d’offre ou de cession de produits stupéfiants ([433]), il s’agit de :

– l’acquisition de produits stupéfiants ;

– la mise à disposition des personnes se livrant à ces infractions des moyens de caractère juridique ou financier ainsi que des moyens de transport, dépôt, hébergement, conservation ou télécommunication, en vue de l’acquisition de produits stupéfiants.

● Pour une opération de surveillance ([434]), ces actes peuvent être :

– la livraison, à la place des prestataires de services postaux et des opérateurs de fret ces objets, biens ou produits servant à commettre ou tirés de la commission de l’une des infractions entrant dans le champ de la criminalité organisée ([435]).

● Pour une opération d’infiltration ([436]), ces actes ([437]) peuvent être :

– l’acquisition, la détention, le transport, la livraison ou la délivrance des substances, biens, produits, documents ou informations servant à la commission ou tirés de la commission des infractions entrant dans le champ de la criminalité organisée ;

– l’utilisation ou la mise à disposition des personnes se livrant à ces infractions des moyens de caractère juridique ou financier ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d’hébergement, de conservation et de télécommunication.

 En matière uniquement d’armes et de produits explosifs ([438]), sans préjudice des dispositions relatives aux opérations d’infiltration, il s’agit des actes suivants :

– l’acquisition des armes ou leurs éléments, des munitions ou des explosifs ;

– en vue de l’acquisition d’armes ou de leurs éléments, de munitions ou d’explosifs, la mise à la disposition des personnes se livrant à ces infractions des moyens de caractère juridique ou financier ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d’hébergement, de conservation et de télécommunication.

  1.   L’interdiction de l’incitation à la commission d’une infraction

Pour l’ensemble de ces actes, le code de procédure pénale précise, de manière systématique, à chacun des articles visés, que, à peine de nullité, les actes autorisés ne peuvent constituer une incitation à commettre des infractions. Cette disposition encadre ainsi les actes pouvant être réalisés par les officiers ou agents de police judiciaire au cours des enquêtes en vue d’apporter la preuve de la réalisation d’une infraction.

L’article 427 du code de procédure pénale précise que, hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction. Ce principe de la liberté de la preuve se trouve toutefois limité par le droit à un procès équitable, consacré par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ainsi que par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. En procédure pénale, le caractère équitable et contradictoire de la procédure est quant à lui consacré par l’article liminaire du code de procédure pénale et le principe de loyauté de la preuve est délimité par la jurisprudence de la Cour de cassation qui considère que « porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de la force publique » ([439]).

La licéité des actes réalisés par les enquêteurs s’inscrit dans ce cadre normatif et doit être appréhendée au regard de ces différents principes.

L’interdiction de l’incitation à la commission d’une infraction, un principe nécessaire au respect du droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme

La Cour reconnaît la nécessité pour les autorités de recourir à des méthodes d’enquête spéciales, notamment dans les affaires de crime organisé et de corruption. Elle a jugé, à cet égard, que le recours à de telles méthodes – et en particulier aux techniques d’infiltration – ne saurait en lui-même emporter violation du droit à un procès équitable. Toutefois, en raison du risque de provocations policières engendré par celles-ci, il est essentiel d’en cantonner l’usage dans des limites claires (Ramanauskas c. Lituanie [GC], 2008, § 51).

Si le développement de la délinquance organisée commande l’adoption de mesures appropriées, il n’en demeure pas moins que le droit à un procès équitable, duquel se déduit l’exigence d’une bonne administration de la justice, s’applique à toute forme de criminalité, de la plus simple à la plus complexe. En effet, dans une société démocratique, le droit à une bonne administration de la justice occupe une place si éminente qu’on ne saurait le sacrifier à l’opportunité (ibidem, § 53). À cet égard, la Cour a souligné que si la police peut agir en secret, elle ne peut pas provoquer la commission d’une infraction (Khoudobine c. Russie, 2006, § 128). […]

Si l’intervention d’agents infiltrés peut être tolérable dans la mesure où elle est clairement circonscrite et entourée de garanties, l’intérêt public ne saurait justifier l’utilisation d’éléments recueillis à la suite d’une provocation policière. Un tel procédé est susceptible de priver ab initio et définitivement l’accusé d’un procès équitable (Ramanauskas c. Lituanie [GC], 2008, § 54).

L’interdiction de la provocation vise le recours à des techniques d’opérations telles que la conduite de multiples transactions illicites avec un suspect par les autorités publiques. Selon la Cour, pareilles techniques sont des moyens reconnus et permissibles d’enquêter sur une infraction lorsque l’activité délictueuse est non pas un incident ponctuel et isolé mais une entreprise illicite continue. Toutefois, pour respecter l’interdiction générale de la provocation, les agents infiltrés doivent chercher à enquêter sur des activités délictueuses en cours d’une manière essentiellement passive et n’exercer aucune influence de nature à inciter la perpétration d’une infraction plus grave que celle que l’intéressé projetait déjà de commettre en l’absence d’incitation. Dès lors, quand les autorités recourent à une technique d’opération impliquant la conduite de multiples transactions illicites avec un suspect, l’infiltration et la participation d’un agent dans chacune de ces transactions ne doit pas élargir le rôle de la police et faire des agents infiltrés des agents provocateurs. De plus, tout élargissement de l’enquête doit reposer sur des raisons valables, par exemple la nécessité de rassembler suffisamment de preuves pour obtenir une condamnation, pour mieux comprendre la nature et l’étendue de l’activité délictueuse du suspect, ou pour découvrir un cercle criminel plus large. En l’absence de telles raisons, il peut être conclu que les autorités publiques se sont livrées à des activités ayant abusivement élargi l’étendue ou la portée de l’infraction (Grba c. Croatie, 2017, §§ 99-101).

Source : Cour européenne des droits de l’homme, Guide sur l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 31 août 2022.

La Cour de cassation distingue la provocation à la preuve de la provocation à la commission de l’infraction. La première est conçue comme licite puisqu’elle s’inscrit dans la constatation d’une infraction sur le point de se commettre, tandis que la seconde est illicite en ce qu’elle provoque un passage à l’acte délictuel ou criminel qui n’aurait eu lieu sans elle ([440]). La question de la temporalité de l’infraction est au centre de cette distinction, comme l’a rappelé la Cour de cassation en 2019 en jugeant que les actes d’enquête d’un commissaire de police s’étaient insérés dans un « processus infractionnel indivisible » et n’avaient donc en aucune manière « provoqué les malfaiteurs à la commission de l’infraction » ([441]). La préexistence de l’infraction rend ainsi licite le stratagème employé pour la constater et identifier les auteurs.

  1.   Le dispositif proposÉ par le SÉnat
    1.   LEs dispositions initiales

Selon le rapport de la commission des Lois du Sénat, la loi s’abstient de définir les contours de la notion d’incitation à commettre une infraction, ce qui « laisserait l’agent infiltré dans l’incertitude quant aux manières dont il peut valablement interagir avec ceux qui, le croyant leur complice, leur client ou leur associé, ne sauraient s’attendre à ce qu’il assiste passivement à la préparation puis à la commission d’un crime ou d’un délit ».

Le présent article traduit une recommandation de la commission d’enquête du Sénat selon laquelle il « conviendrait en particulier de définir clairement la notion d’incitation à la commission d’une infraction inscrite dans le code de procédure pénale, fût-ce seulement pour prévoir que les actes visant à permettre à l’officier de police judiciaire d’être mis en contact avec sa "cible" – actes qui supposent une action volontaire et délibérée, les trafiquants étant méfiants et donc difficiles à approcher – ne peuvent constituer une telle incitation »  ([442]).

Pour ce faire, dans sa rédaction initiale, l’article 17 procédait à deux modifications au sein des articles 230-46, 706-32, 706-80-2, 706-81 et 706-106 du code de procédure pénale :

– d’une part, il précisait que, à peine de nullité, les actes autorisés ne peuvent constituer une incitation à commettre une infraction autre que l’une de celles visées par l’autorisation délivrée par le procureur de la République ou par le juge d’instruction, permettant en creux d’inciter à commettre l’infraction visée par ladite autorisation, ce qui semble problématique au regard des principes évoqués ci-avant ;

– d’autre part, il ajoutait que ne constituent pas une incitation à commettre une infraction les actes qui contribuent à la poursuite d’une infraction déjà préparée ou débutée au moment où l’autorisation a été délivrée, y compris en cas de réitération ou d’aggravation de l’infraction initiale. Les actes pourraient donc permettre la continuation d’une infraction déjà préparée ou débutée. Cette précision rejoint largement la logique adoptée par la jurisprudence de la Cour de cassation.

  1.   Les modifications adoptées par le Sénat

Par l’adoption de l’amendement COM-76 des rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a procédé à deux modifications du dispositif de l’article 17 :

– tout d’abord, elle a supprimé la première partie du dispositif, considérant qu’il existait un risque d’inconstitutionnalité ;

– en second lieu, elle a étendu la précision sur le caractère licite des actes contribuant à la poursuite d’une infraction déjà préparée ou débutée aux articles du code des douanes qui autorisent certaines procédures spéciales d’enquête douanière, notamment les opérations d’infiltration ([443]) et de surveillance ([444]), ainsi que l’enquête sous pseudonyme ([445]).

  1.   La position de la commission

La Commission a adopté l’amendement rédactionnel CL514 du rapporteur Roger Vicot (Soc).

*

*     *

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article permet aux officiers ou agents de police judiciaire autorisés à procéder à une opération d’infiltration à se faire passer pour une victime, un tiers mandaté par celle-ci ou toute personne intéressée à la fraude, en plus des rôles de coauteur, complice ou receleur déjà autorisés par le code de procédure pénale.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 11 de la loi n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne a élargi la possibilité de recourir à des opérations d’infiltration aux enquêtes concernant les infractions mentionnées à l’article 706-73-1.

       Position de la Commission

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur.

 

  1.   L’État du droit

Les articles 706-81 à 706-87 du code de procédure pénale fixent les modalités des opérations d’infiltration pouvant être conduites par les services enquêteurs dans le cadre de la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées, ainsi qu’aux crimes.

L’article 706-81 précise que cette opération peut être autorisée pour les nécessités de l’enquête par le procureur de la République et pour les nécessités de l’instruction par le juge d’instruction, après avis du procureur de la République.

Définie par cet article, l’infiltration consiste, pour un officier ou un agent de police judiciaire ([446]), à surveiller des personnes suspectées de commettre un crime ou un délit en se faisant passer pour un de leurs coauteurs, complices ou receleurs.

  1.   Le dispositif proposÉ par le SÉnat

En séance publique, suivant le double avis favorable du Gouvernement et de la Commission, le Sénat a adopté l’amendement n° 59 rect. bis de M. Masset (RDSE) afin d’étendre les rôles pouvant être endossés par les officiers ou agents de police judiciaire au cours d’une opération d’infiltration.

Modifiant l’article 706-81 du code de procédure pénale, le présent article permet aux officiers ou agents infiltrés de se faire passer, auprès des personnes suspectées de commettre un crime ou un délit relevant de la délinquance ou criminalité organisées, pour :

– une victime ;

– un tiers mandaté par une victime ;

– toute personne intéressée à la commission de l’infraction.

L’article 67 bis du code des douanes est également modifié, afin de prévoir le même élargissement des rôles pouvant être endossés par les agents des douanes lorsqu’ils sont autorisés à procéder à une opération d’infiltration ([447]).

  1.   La position de la commission

La Commission a adopté les deux amendements rédactionnels CL515 et CL516 du rapporteur Roger Vicot (Soc).

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Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif initial et effets principaux

Le présent article modifie les dispositions applicables aux opérations dites de « coups d’achat » lorsqu’elles répondent à une offre en ligne pour permettre aux enquêteurs de recourir à une identité d’emprunt et d’assurer la surveillance de l’acheminement ou du transport des produits stupéfiants ainsi acquis.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 67 bis du code des douanes a été modifié par la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces afin d’y intégrer une mention des articles 60-1 à 60-10 créés par la même loi et relatifs aux modalités des visites douanières.

       Modifications apportées par le Sénat

Outre divers ajustements rédactionnels et une coordination avec le code des douanes qui pose sans doute difficulté, le Sénat a notamment inclus le constat d’une opération de blanchiment constitutive de l’infraction mentionnée à l’article 222-38 du code pénal aux fins pouvant être poursuivies par l’autorisation d’une opération de « coup d’achat ».

       Position de la Commission

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, l’un visant à conserver la distinction entre opérations de « coup d’achat » et opérations de surveillance, l’autre à supprimer la coordination inadaptée avec le code des douanes.

 

  1.   L’État du droit

● L’article 706-32 du code de procédure pénale permet aux officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, aux agents de police judiciaire, d’acquérir des produits stupéfiants (1°) et, en vue de cette acquisition, de mettre à la disposition des auteurs de telles infractions divers moyens (juridiques, financiers, de transport, de dépôt, d’hébergement, de conservation ou de télécommunication) (2°).

Distinctes des infiltrations et des enquêtes sous pseudonyme – avec lesquelles elles peuvent toutefois se conjuguer – ces opérations dites de « coups d’achat » doivent elles aussi être autorisées par le procureur de la République ou le juge d’instruction saisi des faits ([448]). Elles ne peuvent viser qu’à constater les infractions d’acquisition, d’offre ou de cession de produits stupéfiants ([449]).

● S’agissant des agents douaniers, l’article 67 bis du code des douanes détermine plusieurs procédures spéciales d’enquête douanière, notamment l’opération d’infiltration qui permet alors aux agents autorisés de faire usage d’une identité d’emprunt et d’acquérir, détenir, transporter, livrer ou délivrer des substances, biens, produits, documents ou informations tirés de la commission des infractions. Ces procédures sont applicables afin de constater les délits douaniers ([450]), si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d’emprisonnement.

  1.   Le dispositif proposÉ par le SÉnat
    1.   LEs dispositions initiales

L’article 18 complétait l’article 706-32 du code de procédure pénale d’un nouvel alinéa visant à préciser que, dans le cadre de « coups d’achat » en ligne ([451]), les officiers ou agents de police judiciaire peuvent également :

– d’une part, recourir à une identité d’emprunt ;

– d’autre part, assurer, sur l’ensemble du territoire, la surveillance de l’acheminement ou du transport des produits stupéfiants ainsi acquis.

Le nouvel alinéa précise que ces procédés ne peuvent que viser à constater les infractions d’acquisition, d’offre ou de cession de produits stupéfiants – ce qui est le cas de toute opération de « coups d’achat » en application du droit existant.

  1.   Les modifications adoptées par le Sénat

● En commission, les rapporteurs ont modifié cet article à travers deux amendements.

– D’une part, l’amendement COM-77 procède à trois ajustements de la rédaction initiale en supprimant la mention « pour les seules fins de constater les infractions mentionnées au premier alinéa » de l’article 706-32 qui est sans doute redondante, en précisant que l’autorisation visée est celle « mentionnée au premier alinéa » du même article et en limitant le recours à l’identité d’emprunt au seul cas où les officiers ou agents de police judiciaire assurent la surveillance de l’acheminement ou du transport des produits stupéfiants acquis, ce qui ne semble toutefois pas traduire la volonté des rapporteurs.

Par ailleurs, cet amendement des rapporteurs complète le II de l’article 67 bis du code des douanes pour permettre aux agents douaniers infiltrés ([452]) de recourir à une identité d’emprunt pour assurer, sur l’ensemble du territoire, la surveillance de l’acheminement ou du transport des produits stupéfiants acquis. Toutefois, cette précision semble, en partie au moins, superfétatoire, puisqu’en l’application du droit existant, les agents douaniers infiltrés peuvent d’ores et déjà être autorisés à faire usage d’une identité d’emprunt ([453]).

– D’autre part, l’amendement COM-78 permet le recours aux hyper-trucages dans le cadre des opérations de « coups d’achat », par coordination avec les évolutions prévues à l’article 15 bis à ce sujet.

● En séance publique, le Sénat a adopté l’amendement n° 198 de Mme de La Gontrie (SER), avec avis favorable de la Commission et avis de sagesse du Gouvernement. Cet amendement procède à plusieurs modifications du présent article :

– il permet le recours à une identité d’emprunt pour tout « coup d’achat », supprimant ainsi la limitation aux cas où l’acquisition répond à une offre formulée en ligne ;

– il corrige la rédaction adoptée en commission et précise ainsi que lors des « coups d’achat », les officiers et agents de police judiciaire peuvent être autorisés à recourir à une identité d’emprunt et être autorisés, par ailleurs, à assurer la surveillance de l’acheminement ou du transport des produits stupéfiants ; il élargit en outre cette possibilité de surveillance à tous produits stupéfiants, et pas seulement à ceux acquis dans le cadre du « coup d’achat » ;

– il ajoute aux fins pouvant être poursuivies par le recours à une opération de « coup d’achat » le constat d’une opération de blanchiment constitutive de l’infraction mentionnée à l’article 222-38 du code pénal ([454]) ;

– en complément, il prévoit que les agents ou officiers de police judiciaire peuvent être autorisés, dans le cadre d’une opération de « coups d’achat », à surveiller, par tout moyen, une opération de blanchiment, et étend également cette possibilité aux agents des douanes infiltrés ([455]).

  1.   La position de la commission

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur Roger Vicot (Soc) :

– le CL517 supprime la possibilité pour les enquêteurs de procéder, dans le cadre d’une opération dite de « coup d’achat », à des opérations de surveillance, afin d’éviter une confusion entre deux techniques d’enquête distinctes ;

– le CL513 supprime les deux derniers alinéas de l’article 18 afin de retirer les modifications des dispositions au sein du code des douanes puisque celles-ci concernent les opérations d’infiltration et non les opérations de coups d’achat.

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*     *

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 19 précise les règles applicables aux opérations d’infiltrations réalisées par les personnels de la police et de la gendarmerie nationales. Il autorise également le recours aux « infiltrations civiles », dans lesquelles l’infiltré n’est pas un membre des forces de l’ordre.

       Dernières modifications législatives intervenues

Pas de modifications législatives récentes.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a réécrit, en conservant les principaux éléments de la rédaction initiale de l’article, les dispositions relatives aux opérations d’infiltration et d’infiltration civile.

       Position de la Commission

La Commission a supprimé les dispositions de l’article 19 autorisant l’infiltration civile.

  1.   L’État du droit
    1.   Les dispositions relatives aux informateurs

L’article 15-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ([456]) autorise les services de police et de gendarmerie, ainsi que les agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en application de l’article 28-1 du code de procédure pénale (CPP), à « rétribuer toute personne étrangère aux administrations publiques qui leur a fourni des renseignements ayant amené directement soit la découverte de crimes ou de délits, soit l’identification des auteurs de crimes ou délits ».

Ces dispositions sont précisées par un arrêté du 20 janvier 2006 ([457]). Le montant de la rétribution susceptible d’être versée est fixé par le directeur général de la police ou de la gendarmerie nationale ou par le directeur général des douanes et droits indirects, sur proposition du chef de service ou de l’unité de l’officier de police judiciaire (OPJ) ou de l’agent des douanes chargé de l’enquête. Le service ou l’unité ayant eu recours à l’informateur est tenu de conserver, de façon confidentielle, toute pièce permettant d’établir l’identité de l’informateur. La rétribution de l’informateur est fixée de façon discrétionnaire et ne peut faire l’objet d’aucun recours. Son versement donne lieu à l’établissement d’un reçu signé par le bénéficiaire, conservé de façon confidentielle.

L’article 721-3 du CPP prévoit une réduction de peine exceptionnelle, dont le quantum peut aller jusqu’au tiers de la peine prononcée, pouvant être accordée aux condamnés dont les déclarations faites à l’autorité administrative ou judiciaire antérieurement ou postérieurement à leur condamnation ont permis de faire cesser ou d’éviter la commission d’une infraction relevant de la criminalité organisée. Dans le cas de déclarations faites par des condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité, une réduction exceptionnelle du temps d’épreuve, pouvant aller jusqu’à cinq années, peut leur être accordée. Ces réductions exceptionnelles sont accordées par le tribunal de l’application des peines.

Le code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale mentionne également le recours aux informateurs. Ainsi, l’article R. 434-22 du code la sécurité intérieure prévoit que, à l’occasion de la recherche des renseignements nécessaires à ses missions, le policier ou le gendarme peut avoir recours à des informateurs. Dans ce cas, il est tenu d’appliquer les règles d’exécution du service définies en la matière par chacune des deux forces.

  1.   Le rÉgime juridique des infiltrations

L’infiltration, prévue aux articles 706-81 à 706-87 du CPP, relève des techniques spéciales d’enquête applicables lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction concernant les crimes ou délits mentionnés aux articles 706-73 et
706-73-1 le justifient. Cette opération est autorisée par le procureur de la République ou, après l’avis de ce dernier, par le juge d’instruction saisi et se déroule sous leur contrôle. Elle fait l’objet d’un rapport rédigé par l’OPJ ayant coordonné l’opération, qui comprend les éléments nécessaires à la constatation des infractions sans mettre en danger la sécurité de l’agent infiltré et des autres personnes ayant participé à l’opération.

L’infiltration consiste à surveiller des personnes suspectées de commettre un crime ou un délit en se faisant passer pour un de leurs coauteurs, complices ou receleurs. À cette fin, un OPJ ou agent de police judiciaire (APJ) spécialement habilité est autorisé à utiliser une identité d’emprunt et à commettre certains actes sans en être pénalement responsable. À peine de nullité, ces actes ne peuvent, cependant, constituer une incitation à commettre des infractions.

L’article 706-82 du CPP détermine la liste des infractions concernées :

– l’acquisition, la détention, le transport, la livraison ou la délivrance des substances, biens, produits, documents ou informations tirés de la commission des infractions ou servant à la commission de ces infractions ;

– l’utilisation ou la mise à disposition des personnes se livrant à ces infractions des moyens de caractère juridique ou financier ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d’hébergement, de conservation et de télécommunications.

L’exonération de responsabilité pénale est également applicable, pour les actes commis à seule fin de procéder à l’opération d’infiltration, aux personnes requises par les OPJ ou APJ pour permettre la réalisation de cette opération.

Les articles suivants déterminent l’encadrement des opérations d’infiltration.

Selon l’article 706-83 du CPP, l’autorisation du magistrat doit être délivrée par écrit et spécialement motivée. Elle ne peut excéder une durée de quatre mois et peut être renouvelée dans les mêmes conditions de forme et de durée.

L’identité réelle des OPJ ou APJ ayant effectué l’infiltration ne doit apparaître à aucun stade de la procédure. La révélation de cette identité est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Ces peines sont aggravées lorsque cette révélation a entraîné des atteintes aux personnes concernées ou à leurs proches.

Par ailleurs, l’article 706-85 du CPP prévoit que, « en cas d’interruption de l’opération ou à l’issue du délai fixé par la décision autorisant l’infiltration et en l’absence de prolongation, l’agent infiltré peut poursuivre les activités mentionnées à l’article 706-82, sans en être pénalement responsable, le temps strictement nécessaire pour lui permettre de cesser sa surveillance dans des conditions assurant sa sécurité sans que cette durée puisse excéder quatre mois ». Le magistrat ayant autorisé l’opération peut la prolonger pour une durée de quatre mois au plus.

L’OPJ sous la responsabilité duquel se déroule l’opération d’infiltration peut seul être entendu en qualité de témoin sur l’opération. Les personnes mises en cause par des constatations effectuées par un agent ayant personnellement réalisé les opérations d’infiltration peuvent néanmoins demander à être confrontée à cet agent, sans que les questions qui posées à ce dernier ne puissent avoir pour objet ou pour effet de révéler son identité.

L’article 706-87 prévoit, enfin, qu’aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations faites par les OPJ ou APJ ayant procédé à une opération d’infiltration. Ces dispositions ne sont cependant pas applicables lorsque la personne infiltrée dépose sous sa véritable identité.

Pour mémoire, l’article 17 de la présente proposition de loi modifie l’article 706-81 pour préciser la liste des actes qui ne constituent pas une infraction (voir infra).

  1.   Le dispositif proposÉ
    1.   Les dispositions initiales

● Le II de l’article 19, à son 1°, introduit un nouvel article 15-6 au sein du CPP reprenant les dispositions de l’article 15-1 de la loi du 21 janvier 1995 précitée. Le I procède donc à l’abrogation de cette disposition non codifiée.

Dans sa rédaction initiale, l’article 19 introduisait plusieurs précisions au sein de cet article 15-6.

Le magistrat chargé de l’enquête pouvait, d’abord, autoriser par décision motivée que les déclarations de l’informateur soient recueillies sans que son identité apparaisse dans le dossier de procédure.

Les renseignements de l’informateur devaient être recueillis par un OPJ ou un APJ et son identité être enregistrée au préalable dans le fichier dédié. Le recueil de ces renseignements s’effectuait sous la responsabilité de l’autorité hiérarchique, sous la supervision d’un OPJ spécialement habilité dans des conditions fixées par décret et sous le contrôle du magistrat chargé de l’enquête ou de l’instruction. Ce dernier devait être informé de la nature des renseignements fournis et pouvait, à tout moment, mettre fin à la collecte des renseignements et révoquer les avantages accordés. Il était autorisé, par ailleurs, à procéder lui-même au recueil des renseignements.

Dans les conditions prévues par l’article 132-78 du code pénal, les informateurs pouvaient obtenir une réduction de peine, qui faisait l’objet d’une convention conclue avec le magistrat en charge de l’enquête ou de l’instruction. La juridiction de jugement, lorsqu’elle décidait de ne pas accorder l’exemption ou la réduction de peine demandée dans cette convention, devait le justifier par une décision spécialement motivée.

Les OPJ et APJ chargés de la supervision du recueil des informations n’étaient pas pénalement responsables des actes effectués, dès lors que ceux-ci ne constituaient pas une incitation à commettre une infraction.

Les conditions d’application de ces nouvelles dispositions étaient renvoyées à un décret, en particulier les modalités d’évaluation collégiale des informateurs par les services de police et de gendarmerie.

Enfin, le 1° du II de l’article 19 déterminait les modalités de fonctionnement et d’encadrement du fichier contenant l’identité et l’adresse des informateurs.

● Le 2° de l’article 19 introduit un nouvel article 706-87-1 au sein du CPP pour prévoir une nouvelle modalité d’une infiltration d’un informateur, dite de « l’infiltré civil ». Contrairement aux opérations d’infiltration actuellement prévues par le même code, cette nouvelle modalité consiste à autoriser l’infiltration d’une organisation par des personnes n’appartenant pas aux services répressifs, généralement elles-mêmes engagées dans des activités criminelles ou délictuelles.

Ainsi, lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction concernant l’un des crimes ou délits en matière de trafic de stupéfiants, mentionnés par le 3° de l’article 706-73, le procureur national anti-stupéfiants pouvait autoriser l’infiltration des informateurs mentionnés à l’article 15-6 du CPP (voir supra).

  1.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

● La commission des Lois du Sénat a procédé à plusieurs modifications du dispositif.

Avec l’amendement COM-79, les rapporteurs ont prévu, notamment, les modifications suivantes :

– l’extension du dispositif aux officiers de douane judiciaire ;

– la suppression de la possibilité pour la juridiction de ne pas suivre la réduction ou l’exemption de peine prévue par la convention négociée entre le magistrat en charge de l’enquête ou de l’instruction et l’informateur ;

– l’atténuation de l’obligation d’identification des sources au sein du registre précité, les notions d’identité et d’adresse étant remplacées par la formule plus générale d’« éléments d’identification » ;

– l’extension de la possibilité de procéder aux opérations d’infiltration civile au-delà du seul trafic de stupéfiants pour couvrir l’ensemble du champ de l’article 706-73 du code de procédure pénale ;

– la modification de la durée de cette opération d’infiltration civile de six mois renouvelables une nouvelle fois pour six mois à trois mois renouvelables trois fois ;

– la précision selon laquelle la convention comporte l’engagement, pour l’informateur, d’être entendu en qualité de témoin à tous les stades de la procédure, le non-respect de cette condition faisant encourir la révocation des avantages de toute nature accordés.

En séance publique, le Sénat a adopté l’amendement n° 255 rect. des rapporteurs, avec avis favorable du Gouvernement, réécrivant de nouveau l’article 19.

Cet amendement simplifie la nouvelle rédaction proposée de l’article 15-6 du CPP par la réécriture des précisions évoquées supra et leur insertion au sein d’un nouvel article 230-54 du code pénal déterminant le cadre général du recours aux informateurs. Il retire, à cette occasion, la mention des officiers de douane judiciaire ajoutée en commission.

Le Sénat a également adopté l’amendement n° 168 rect. de Mme de La Gontrie (SER) réécrivant la condition du recours, par l’informateur, à l’usage d’un dispositif « d’hypertrucage » (ou deepfake) dans le cadre de ses auditions en qualité de témoin.

● Les dispositions relatives aux informateurs proposées à l’Assemblée nationale par l’article 19 modifié par le Sénat sont, dès lors, les suivantes. 

Comme rappelé supra, le II de l’article, à son 1°, introduit un nouvel article 15-6 au sein du CPP reprenant les dispositions de l’article 15-1 de la loi du 21 janvier 1995 précitée et abroge cette disposition non codifiée.

Le II insère désormais, à son 1° bis, un nouveau chapitre IX au sein du titre IV du livre Ier du CPP relatif au recours aux informateurs et à la protection de leur anonymat. Celui-ci comprend le nouvel article 230-54 précité qui autorise, à son I, les OPJ ou APJ agissant au cours de l’enquête ou sur commission rogatoire à avoir recours à des informateurs afin de constater les crimes et les délits.

Ces dispositions précisent que les informations permettant de déterminer que les informateurs ont concouru à l’enquête ou de les identifier n’apparaissent pas dans la procédure.

Le nouvel article 230-54 prévoit également que le recueil des renseignements, sollicités ou non, s’effectue sous la responsabilité de l’autorité hiérarchique et par des agents spécialement formés ou habilités.

Un décret doit déterminer les conditions d’application de l’article et notamment les modalités d’évaluation collégiale des informateurs par les services de police ou de gendarmerie.

Le nouvel article 230-54 précise, à son II, que les relations entre les OPJ ou APJ et les informateurs ne peuvent inciter à la commission d’une infraction. Ne constitueraient pas, à cet égard, une telle incitation « les relations qui contribuent à la poursuite d’une infraction déjà préparée ou débutée au moment où le recueil a été consenti ou sollicité, y compris en cas de réitération ou d’aggravation de l’infraction initiale ».

● Comme rappelé supra, le 2° de l’article 19 introduit également un nouvel article 706-87-1 au sein du CPP pour prévoir les modalités d’infiltration d’un informateur.

Ainsi, lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction concernant l’un des crimes ou délits entrant dans le champ d’application de l’article 706-73 le justifient, le procureur de la République national anti-criminalité organisée (Pnaco) peut autoriser l’infiltration des informateurs mentionnés à l’article 15-6, sous plusieurs conditions.

La conduite de l’infiltration se fait, d’abord, sur le fondement d’une convention conclue entre le Pnaco et l’informateur qui comporte :

– la liste des délits auxquels l’informateur infiltré est autorisé à participer, sans être pénalement responsable de ses actes, à la seule fin de se faire passer, auprès des personnes suspectées de commettre un crime ou un délit relevant de la criminalité organisée, pour un de leurs coauteurs, complices ou receleurs. À peine de nullité, cette participation ne saurait porter sur des crimes ou comporter des actes constituant une incitation à commettre une infraction ;

– la durée pour laquelle l’infiltration est autorisée, qui ne peut excéder trois mois et est renouvelable trois fois, la convention pouvant être mise à jour à tout moment au cours de la période d’autorisation ;

– la rétribution accordée à l’informateur infiltré, ainsi que les éventuelles réductions de peine dont il bénéficie en application de l’article 132-78 du code pénal pour des infractions commises préalablement à la conclusion de la convention.

Les exemptions ou réductions de peine dont peut bénéficier l’informateur infiltré

L’article 132-78 du code pénal prévoit différents mécanismes d’exemption ou de réduction de peines.

Ainsi, la personne qui a tenté de commettre un crime ou un délit est, dans les cas prévus par la loi, exempte de peine si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d’éviter la réalisation de l’infraction et, le cas échéant, d’identifier les autres auteurs ou complices.

Par ailleurs, dans les cas prévus par la loi, la durée de la peine privative de liberté encourue par une personne ayant commis un crime ou un délit est réduite si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, elle a permis de faire cesser l’infraction, d’éviter que l’infraction ne produise un dommage ou d’identifier les autres auteurs ou complices.

Les dispositions de l’article sont également applicables lorsque la personne a permis soit d’éviter la réalisation d’une infraction connexe de même nature que le crime ou le délit pour lequel elle était poursuivie, soit de faire cesser une telle infraction, d’éviter qu’elle ne produise un dommage ou d’en identifier les auteurs ou complices.

La convention devra comporter l’engagement, pour l’informateur si ce dernier le demande ou d’office, d’être entendu en qualité de témoin à tous les stades de la procédure de façon anonyme. Si l’informateur ne respecte pas cet engagement, il encourt la révocation des avantages de toute nature qui lui ont été accordés par le procureur de la République national anti-criminalité organisée.

Le contrôle de l’infiltration est effectué par le Pnaco, sous la supervision d’un OPJ spécialement habilité dans des conditions déterminées par décret, ce dernier pouvant être autorisé à utiliser une identité d’emprunt dans ses relations avec l’informateur infiltré.

Le huitième alinéa de l’article 706-87-1 prévoit en outre que, en cas d’interruption de l’opération ou à l’issue du délai fixé par la décision autorisant l’infiltration et en l’absence de prolongation, l’informateur infiltré peut poursuivre les activités mentionnées sans être pénalement responsable, pendant le temps strictement nécessaire à garantir sa sécurité et celle de ses proches.

L’opération d’infiltration devra faire l’objet d’un rapport rédigé par l’OPJ ayant supervisé celle-ci, qui comprend les éléments strictement nécessaires à la constatation des infractions sans mettre en danger la sécurité de l’informateur infiltré.

Le neuvième alinéa du même article précise que, dès lors que les conditions de la convention ne sont plus respectées, l’infiltration prend fin de plein droit et l’informateur infiltré devient responsable pénalement de l’ensemble des actes qu’il a commis.

Lorsqu’il est entendu en qualité de témoin, les questions qui lui sont posées ne peuvent avoir pour objet ou pour effet de révéler, directement ou indirectement, sa véritable identité.

Enfin, hors le cas où l’informateur infiltré ne dépose pas sous sa véritable identité, aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations faites par celui-ci. Cette rédaction semble relever d’une erreur de plume : par parallélisme avec le régime actuel des infiltrations, il faudrait préciser, à l’inverse, qu’aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de ces déclarations, hors le cas où l’informateur infiltré dépose sous sa véritable identité.

● L’opportunité du recours aux infiltrés civils suscite des interrogations. Le récent rapport de la mission d’information de votre commission des Lois visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants a ainsi souligné « que la mise en application d’un tel dispositif d’infiltration civile emporte certains risques, qui mériteraient d’être mieux évalués » ([458]).

D’abord, le « civil » infiltré au sein d’un réseau de trafiquants est particulièrement exposé au danger et ne dispose pas de la formation dont bénéficient les agents du service interministériel d’assistance technique (Siat), chargé de la mise en œuvre des infiltrations.

Ensuite, les rapporteurs ont alerté sur le risque que l’infiltré civil « se joue » des enquêteurs pour poursuivre son activité criminelle : « pour que le dispositif présente un intérêt, l’infiltration devrait être effectuée par une personne proche du trafic et associée à l’organisation criminelle. Dans le cadre d’opérations d’infiltration, cela reviendrait à accorder à l’agent civil participant au trafic une exonération de responsabilité pénale pour les futures infractions de trafic de stupéfiants commises dans le cadre de cette infraction. Un tel régime pourrait inciter certains auteurs impliqués dans le trafic à développer des stratégies pour poursuivre leur activité criminelle : en prétendant collaborer avec les enquêteurs dans le cadre de l’infiltration civile ils seraient ainsi assurés de ne pas pouvoir être sanctionnés pénalement, quels que soient les résultats de cette collaboration, y compris lorsque celle-ci n’aurait pas permis d’aboutir au démantèlement du trafic ».

Dès lors, les rapporteurs ont considéré que le dispositif d’infiltration civile n’était pas suffisamment abouti et ne semblait pas répondre à un besoin opérationnel. Ils estiment, à l’inverse, que les réflexions sur l’attractivité du statut de repenti permettront de répondre plus sûrement aux difficultés dans le recrutement des informateurs.

De fait, le cadre prévu par le présent article 19 n’apparaît pas de nature à apporter des garanties suffisantes.

Cette inquiétude concerne, en particulier, la condition posée au huitième alinéa de l’article 706-87-1 selon laquelle, en cas d’interruption de l’opération ou à l’issue du délai fixé par la décision autorisant l’infiltration et en l’absence de prolongation, l’informateur infiltré peut poursuivre les activités mentionnées sans être pénalement responsable, le temps strictement nécessaire à la garantie de sa sécurité et de celle de ses proches.

Ce régime apparaît plus favorable que celui actuellement en vigueur pour les agents infiltrés, encadré par une limite temporelle. Cette différence est d’autant moins justifiable qu’elle pourrait être détournée par l’infiltré civil, l’appréciation du temps strictement nécessaire à la sécurité de la personne ou de ses proches semblant dépendre avant tout de ses propres déclarations.

Par ailleurs, le cadre applicable en matière de responsabilité pénale apparaît insuffisamment défini. De nouveau, le régime proposé pour l’infiltration civile apparaît plus favorable que celui prévu pour l’infiltration d’agents par le Siat. En effet, la liste des infractions pouvant donner lieu à l’exonération de la responsabilité pénale est moins encadrée dès lors qu’elle relèverait d’une convention passée avec l’infiltré, alors que l’article 706-82 définit de façon plus précise les actes que les OPJ et APJ peuvent réaliser sans en être pénalement responsables.

À cet égard, la loi belge ayant autorisé le recours aux infiltrés civils ([459]) prévoit que les infractions autorisées, qui ne peuvent être plus graves que celles pour lesquelles l’infiltration civile est utilisée, doivent nécessairement être proportionnées à l’objectif visé et ne peuvent porter atteinte à l’intégrité physique des personnes. Elles sont soumises, d’ailleurs, à l’accord préalable exprès du procureur du Roi.

De plus, la liste des infractions visées est particulièrement large et calquée sur celle autorisant la mise en œuvre d’opérations d’infiltrations d’agents des services de police et de gendarmerie. Or, les difficultés à apprécier la réalité de la coopération de l’infiltré civil plaideraient, à l’inverse, pour une restriction plus étroite du champ du dispositif.

Enfin, aucune condition n’est posée concernant le profil des informateurs pouvant être sélectionnés pour de telles opérations. Il apparaîtrait opportun, par exemple, d’exclure les mineurs. Par ailleurs, le législateur pourrait prévoir le principe d’une analyse préalable des risques, sur le modèle belge précité, portant sur la fiabilité, les compétences et la connaissance, les antécédents policiers et judiciaires ainsi que la motivation de l’infiltrant civil et ses liens avec les personnes impliquées dans l’enquête et le risque de commettre des infractions qui mettent en péril l’intégrité de personnes ([460]). Le Siat pourrait être chargé d’une telle analyse des risques.

  1.   la Position de la Commission

La Commission a adopté l’amendement CL605 du rapporteur M. Vicot (SOC) supprimant les dispositions autorisant l’infiltration civile.

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*     *

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 20 modifie les règles applicables aux nullités de procédure lors de l’information judiciaire.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2024-1061 du 26 novembre 2024 ([461]) est venue sécuriser le mécanisme de purge des nullités, qui permet de couvrir les vices de procédure éventuels d’une information judiciaire après sa clôture, en réponse à plusieurs décisions du Conseil constitutionnel. Elle aménage une exception pour les nullités que les parties n’auraient pu connaître avant la clôture de l’instruction.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté un amendement de réécriture des dispositions de l’article 20, abandonnant la rédaction initiale qui limitait les possibilités de soulever un moyen de nullité en cas de manœuvre ou de négligence de la partie concernée.

       Position de la Commission

La Commission a adopté un amendement supprimant l’interdiction de désigner l’avocat « chef de file » par courrier recommandé et un amendement procédant à la rectification d’une redondance au sein de l’article 385 du code de procédure pénale.

  1.   L’État du droit
    1.   Les rÈgles relatives aux nullitÉs de procÉdure

● L’information judiciaire désigne le cadre d’enquête piloté par le juge d’instruction, à la différence de l’enquête préliminaire et de l’enquête pour flagrance placées sous la responsabilité du procureur de la République. Elle est obligatoire en matière criminelle et facultative pour les faits délictuels. Si elle est possible, elle reste néanmoins exceptionnelle pour les faits contraventionnels.

La procédure suivie par le juge d’instruction est déterminée par le code de procédure pénale (CPP), qu’il s’agisse de l’ouverture, du déroulé ou de la clôture de l’information. Elle doit permettre un juste équilibre entre l’impératif de manifestation de la vérité et les droits des parties.

● Les irrégularités la procédure d’instruction peuvent être soulevées par le biais des moyens de nullité. L’article 171 du CPP dispose qu’il y a nullité lorsque la méconnaissance d’une formalité substantielle prévue par une disposition du code ou toute autre disposition de procédure pénale a porté atteinte aux intérêts de la partie qu’elle concerne. Tous les actes de procédure peuvent être concernés, à l’exception des décisions de nature juridictionnelle susceptibles de voies de recours.

L’article 802 du CPP précise deux cas généraux de nullité : la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité et l’inobservation des formalités substantielles. Ces nullités peuvent être soulevées d’office, pour les nullités « d’ordre public », ou par les parties, pour les nullités « d’intérêt privé ». Dans les deux cas, l’article rappelle que la nullité ne peut être prononcée par la juridiction que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu’elle concerne.

Tant la notion de « formalité substantielle » que celle « d’atteinte aux intérêts de la partie qu’elle concerne » sont définies par la voie jurisprudentielle.

Les règles encadrant les nullités de l’instruction sont déterminées par les articles 170 à 174-1 du CPP. Elles se retrouvent également dans d’autres parties du code, selon le stade de la procédure ou la formation d’instruction ou de jugement concernée.

Le contrôle la régularité de la procédure repose sur la chambre de l’instruction, qui peut être saisie aux fins d’annulation d’un acte ou d’une pièce de procédure en application de l’article 170. Cette saisine est ouverte aux parties et au témoin assisté, mais également au juge d’instruction lui-même et au procureur de la République.

Lorsqu’elle est saisie d’une requête en nullité, la chambre de l’instruction, hors cas de nullité d’ordre public, doit d’abord rechercher si le requérant a intérêt à demander l’annulation de l’acte, puis s’il a qualité pour la demander et, enfin, si l’irrégularité alléguée lui a causé un grief. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, pour déterminer si le requérant a qualité pour agir en nullité, « la chambre de l’instruction doit rechercher si la formalité substantielle ou prescrite à peine de nullité, dont la méconnaissance est alléguée, a pour objet de préserver un droit ou un intérêt qui lui est propre. L’existence d’un grief est établie lorsque l’irrégularité elle-même a occasionné un préjudice au requérant, lequel ne peut résulter de la seule mise en cause de celui-ci par l’acte attaqué » ([462]).

Les articles 173 et suivants déterminent les règles de saisine de la chambre de l’instruction. En particulier, selon l’article 173-1, « la personne mise en examen doit faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution ou de cet interrogatoire lui-même dans un délai de six mois à compter de la notification de sa mise en examen, sauf dans le cas où elle n’aurait pu les connaître ». Il en est de même s’agissant des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant chacun des interrogatoires ultérieurs ou des actes qui lui ont été notifiés.

Lors de la saisine de la chambre de l’instruction, en application de l’article 174, tous les moyens de nullité de la procédure qui lui est transmise doivent, sans préjudice du droit qu’il lui appartient de les relever d’office, lui être proposés. À défaut, les parties ne sont plus recevables à en faire état, sauf dans le cas où elles n’auraient pu les connaître.

La chambre de l’instruction qui découvre une cause de nullité doit prononcer, aux termes de l’article 206, la nullité de l’acte qui en est entaché et, s’il y a lieu, celle de tout ou partie de la procédure ultérieure.

● Le mécanisme de purge des nullités constitue une particularité de la procédure d’information judiciaire. Cette purge, qui intervient à la clôture de l’instruction, entraîne l’impossibilité pour les parties de soulever des moyens de nullité devant la chambre de l’instruction ou la formation de jugement une fois que l’ordonnance de règlement du juge d’instruction est devenue définitive. Il s’agit d’une contrepartie à la possibilité de soulever un moyen de nullité au cours de l’instruction, qui permet une sécurisation de la procédure s’inscrivant dans l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice ([463]).

Cette particularité ne s’applique pas aux enquêtes placées sous la responsabilité du procureur : dans ce cas, la juridiction de jugement reste compétente pour examiner les moyens de nullités, qui doivent d’ailleurs être présentés in limine litis, c’est-à-dire avant toute défense au fond, selon les termes de l’article 305-1 du CPP en matière criminelle et de l’article 385 en matière correctionnelle. À défaut, le droit est considéré comme forclos.

La loi n° 2024-1061 du 26 novembre 2024 est venue sécuriser le mécanisme de purge des nullités, en réponse à plusieurs décisions du Conseil constitutionnel ([464]). Celui-ci a considéré, en effet, que le mécanisme de purge emportait des conséquences préjudiciables à la préservation des droits de la défense dans le cas de nullités que les parties n’avaient pu connaître avant la clôture de l’instruction et qu’elles n’avaient, dès lors, pas pu contester.

Les différents articles du code de procédure pénale organisant la purge des nullités ([465]) ont ainsi été complétés pour prévoir que les vices de procédure étaient couverts par la clôture de l’instruction, « hors les cas où les parties n’auraient pu les connaître ».

Dès lors, selon l’article 385 du CPP, le tribunal correctionnel a compétence pour connaître des nullités qui lui sont soumises, sauf lorsqu’il est saisi d’un renvoi ordonné par le juge d’instruction ou la chambre de l’instruction. Dans ce cas, il peut connaître uniquement de moyens de nullité qui n’ont pu être connus par la partie qui les soulève avant la clôture de l’instruction. L’article 179 du même code précise en effet que l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel couvre les vices de la procédure, hors les cas où les parties n’auraient pu les connaître.

Le deuxième alinéa de l’article 385 du CPP prévoit une procédure de régularisation lorsque l’ordonnance du juge d’instruction ou l’arrêt de la chambre de l’instruction qui a saisi le tribunal correctionnel n’a pas été porté à la connaissance des parties ou si l’ordonnance n’a pas été rendue conformément aux dispositions applicables. Dans ce cas, le tribunal renvoie la procédure au ministère public pour lui permettre de saisir à nouveau la juridiction d’instruction afin que la procédure soit régularisée. La loi du 26 novembre 2024 précitée exclut de cette possibilité de renvoi les cas où la défaillance évoquée procède « d’une manœuvre de la partie concernée ou de sa négligence ». Le législateur a en effet choisi de reprendre dans la loi la décision du Conseil constitutionnel, qui excluait lui-même ce cas de figure ([466]).

De même, en matière criminelle, les articles 181 et 269-1 prévoient que l’ordonnance de mise en accusation devant la cour d’assises couvre les vices de la procédure, hors les cas où les parties n’auraient pu les connaître.

● L’article 591 du CPP détermine que les arrêts de la chambre de l’instruction ainsi que les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les juridictions de jugement, lorsqu’ils sont revêtus des formes prescrites par la loi, ne peuvent être cassés que pour violation de la loi.

  1.   Des propositions rÉcentes de refonte du rÉgime des nullitÉs

Des travaux parlementaires récents ont proposé plusieurs pistes de réforme du régime des nullités de procédure.

Le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur le narcotrafic ([467]) recommandait les modifications suivantes :

– l’irrecevabilité des demandes en nullité portant sur des moyens frauduleux et/ou non agréés en France ;

– exiger la démonstration d’un grief à l’appui d’une requête en nullité ;

– réduire à trois mois le délai pour déposer une requête en nullité au cours de l’instruction judiciaire ;

– prévoir l’irrecevabilité des requêtes en nullités non communiquées au juge d’instruction.

Le rapport de la mission d’information de votre commission des Lois visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants ([468]) a également fait état de plusieurs recommandations concernant les nullités de procédure. En particulier, les deux rapporteurs se sont accordés pour recommander une évolution de l’article 198 du CPP pour prévoir que les mémoires portant sur des moyens de nullité doivent être déposés au plus tard 48 heures avant l’audience et une réécriture, à moyen terme, du régime des nullités pour garantir une meilleure sécurité juridique dans le respect des droits des parties.

M. Ludovic Mendes, co-rapporteur, recommande à titre personnel de raccourcir à deux mois le délai pour soulever une nullité et de prévoir que, à peine d’irrecevabilité, la requête doit être transmise au juge d’instruction. 

  1.   Le dispositif proposÉ par le SÉnat
    1.   LEs dispositions initiales

La rédaction d’origine de l’article 20 adoptait une approche globale destinée à mieux encadrer les nullités de procédure pouvant être soulevées pendant une information judiciaire en cas de manœuvre ou de négligence de la personne mise en cause. Les matières criminelles et correctionnelles étaient toutes deux concernées.

L’objet de cet article est de lutter contre le phénomène de « guérilla judiciaire » menée par la défense de certains narcotrafiquants afin de fragiliser les procédures judiciaires à l’encontre de leurs clients par une utilisation « dolosive » des règles du CPP ([469]).

Ce phénomène a été documenté à plusieurs reprises, en particulier par le rapport et les comptes rendus de la commission d’enquête du Sénat sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, ainsi que dans le rapport précité de la mission d’information de votre commission des Lois visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants.

Dans la rédaction initiale de l’article 20 de la présente proposition de loi, les articles 171, 206 et 385 du CPP étaient complétés pour exclure la nullité lorsque celle-ci découlerait « d’une manœuvre ou d’une négligence de la personne mise en cause ».

Dans une même logique, l’article 591 était modifié pour prévoir que la violation de la loi entraînant la cassation des arrêts et jugements ne pouvait découler d’une manœuvre ou d’une négligence de la personne mise en cause.

La caractérisation du caractère dolosif des règles de procédure pénale se heurte cependant à des difficultés. Ces règles constituent en effet des garanties apportées aux parties mises en cause quant au respect des formes de la procédure et à la bonne conduite de l’enquête. Elles visent, par exemple, à garantir leur bonne information concernant les différents actes d’enquête et les possibilités de présenter des demandes particulières comme, par exemple, des moyens de nullité.

Cette approche globale de la refonte du régime des nullités reposant sur les notions de manœuvre et de négligence risquait de ne pas atteindre l’objectif fixé, en suscitant un nouveau contentieux relatif à l’appréciation de ces notions. Elle a donc été abandonnée au profit d’un toilettage des règles de procédures prévues par la loi.

  1.   Les modifications adoptÉes par le SÉnat

Le Sénat a profondément modifié les dispositions initiales du présent article 20 en adoptant l’amendement n° 256 des rapporteurs en séance publique. À l’inverse de l’approche globale adoptée par la rédaction initiale de l’article, cette réécriture cible certains moyens de nullités pour des actes de procédure décrits aux articles 115, 173 et 198 du CPP.

● L’article 115 détermine les conditions dans lesquelles une partie fait connaître au juge d’instruction le nom du ou des avocats choisis par elle.

Son deuxième alinéa prévoit que le choix effectué par les parties doit faire l’objet d’une déclaration au greffier du juge d’instruction, qui la constate, la date et la signe ainsi que la partie concernée. Si cette dernière ne peut signer, le greffier doit en faire mention. La déclaration au greffier peut être faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

L’amendement adopté en séance publique au Sénat introduit un 1° A au sein de l’article 20, qui complète l’article 115 en prévoyant que cette dernière formalité – la possibilité d’une déclaration par lettre recommandée avec demande d’avis de réception – est exclue lorsque la personne est mise en examen pour l’une des infractions relevant de la criminalité organisée, mentionnées aux articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74 du CPP. 

● L’article 173, comme évoqué supra, traite de la procédure à suivre pour la saisine de la chambre de l’instruction aux fins de prononcé d’une nullité.

Il prévoit, à son troisième alinéa, que si l’une des parties, ou le témoin assisté, estime qu’une nullité a été commise, elle saisit la chambre de l’instruction par requête motivée, dont elle adresse copie au juge d’instruction qui transmet le dossier de la procédure au président de la chambre de l’instruction.

L’amendement introduit un 1° bis au sein de l’article 20 complétant le troisième alinéa de l’article 173, pour prévoir que la copie de la saisie de la chambre de l’instruction doit être adressée au juge d’instruction « à peine d’irrecevabilité ».

● L’article 198 permet aux parties et à leurs avocats, jusqu’au jour de l’audience, la production de mémoires qu’ils communiquent au ministère public et aux autres parties.

L’amendement précité introduit un 1° ter pour prévoir que le dernier mémoire déposé par une partie récapitule l’ensemble des moyens pris de nullité de la procédure, à défaut de quoi ils sont réputés avoir été abandonnés.

● La réécriture de l’article 20 adoptée par le Sénat abandonne ainsi l’approche globale de restriction de la possibilité de soulever une nullité en cas de manœuvre ou de négligence de la partie concernée au profit d’une démarche d’aménagement des dispositions de procédure au cas par cas. L’objet de l’amendement de réécriture soulignait en effet que la rédaction initiale de l’article présentait le risque d’une incertitude juridique, et donc de contentieux supplémentaire, dans la mesure où elle employait des termes relativement imprécis.

Dans sa rédaction initiale, l’amendement prévoyait aussi de compléter l’article 171 du CPP avec un alinéa précisant que « ne sont pas réputées être des formalités substantielles au sens du présent article les formalités qui concernent des actes de procédure relatifs à des moyens de communication frauduleux ou qui ont été utilisés sans avoir disposé des agréments et autorisations requis par la réglementation en vigueur au moment des faits ». Cet alinéa traduisait une des recommandations, citées supra, de la commission d’enquête du Sénat sur le narcotrafic.

L’adoption du sous-amendement n° 265 de M. Szpiner, avec avis favorable de la commission, a cependant supprimé cette modification. Son auteur a précisé, lors du débat en séance publique, les motifs de son sous-amendement : « en procédure pénale, le principe est simple : soit il y a une nullité d’ordre public – qui entraîne sans discussion la nullité de l’acte –, soit il y a une nullité « relative » – celle-ci devant porter grief à celui qui l’invoque. Je crains que la commission n’ait créé une catégorie jusqu’ici inconnue : la nullité relative, mais tout de même substantielle et de fait d’ordre public ! C’est au juge et à lui seul qu’il appartient de reconnaître si la nullité est substantielle. Si le législateur n’a pas dit qu’elle était d’ordre public, on ne peut imposer qu’elle soit irrecevable » ([470]).

Il faut relever que le Gouvernement a retiré son amendement n° 227 qui prévoyait :

– la réduction de six à trois mois du délai pour présenter une demande en nullité évoquée à l’article 173-1 du CPP ;

– la fixation d’une échéance cinq jours ouvrables avant la date prévue de l’audience pour que les avocats puissent présenter un mémoire devant la chambre de l’instruction. L’article 198 du CPP autorise, aujourd’hui, la présentation d’un mémoire jusqu’au jour de l’audience ;

– la récapitulation, par le dernier mémoire présenté, de l’ensemble des moyens de nullité soulevés ;

– le passage de deux à cinq jours du délai permettant de présenter une demande de mise en liberté, une demande d’acte, une requête en annulation ou une demande tendant à constater la prescription de l’action publique devant la chambre de l’instruction ;

– hors les cas de comparution immédiate, la fixation d’un délai de cinq jours avant la date prévue de l’audience pour le dépôt des conclusions écrites portant sur des exceptions de nullité au greffe du tribunal correctionnel.

Hormis le récapitulatif, par le dernier mémoire présenté, de l’ensemble des moyens de nullité soulevés, l’amendement n° 256 n’a pas repris ces propositions d’encadrement du régime des nullités.

Le Gouvernement avait en effet proposé d’apporter deux modifications principales à l’amendement n° 256, à savoir le passage de six à trois mois du délai pour présenter une requête en nullité et la fixation du délai de cinq jours ouvrables pour la présentation d’un mémoire devant la chambre de l’instruction. Suivant l’avis défavorable de la commission, le Sénat a repoussé ce sous-amendement.

  1.   la Position de la Commission

La Commission a adopté l’amendement CL217 de Mme Capdevielle (SOC) supprimant l’interdiction, inscrite à l’alinéa 2 de l’article 20, de désigner un avocat chef de file par courrier recommandé.

Elle a également adopté l’amendement CL238 de Mme Capdevielle (SOC) procédant à la rectification d’une redondance à l’article 385 du code de procédure pénale.

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*     *

Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 20 bis assimile l’infraction de blanchiment à une infraction occulte par nature.

       Dernières modifications législatives intervenues

Pas de modifications législatives récentes.

       Position de la Commission

La Commission a supprimé l’article 20 bis.

  1.   L’État du droit
    1.   L’infraction de blanchiment en droit pÉnal

● L’infraction de blanchiment simple est définie par l’article 324-1 du code pénal (CP) et correspond au fait de « faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect ». Constitue également du blanchiment « le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit ».

Le blanchiment simple est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.

L’article 324-1-1 établit, dans certains cas, une présomption de blanchiment : les biens ou les revenus sont présumés être le produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières de l’opération de placement, de dissimulation ou de conversion ne peuvent avoir d’autre justification que de dissimuler l’origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus.

● La peine liée à l’infraction de blanchiment est aggravée par l’article 324-2 dans les deux situations suivantes :

– lorsqu’elle est commise de façon habituelle ou en utilisant les facilités que procure l’exercice d’une activité professionnelle ;

– lorsqu’elle est commise en bande organisée.

Le blanchiment aggravé est puni de dix ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende.

Les peines d’amende prévues aux articles 324-1 et 324-2 du CP peuvent être élevées, selon l’article 324-3, jusqu’à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment.

Le code pénal a prévu, à son article 222-38, une répression spécifique du blanchiment lié au trafic de stupéfiants, puni des mêmes peines que le blanchiment aggravé évoquées supra.

● L’infraction de blanchiment connaît certaines spécificités.

La complicité est appréciée de manière extensive. Ainsi, aux termes de l’article 324-4 du CP, lorsque le crime ou le délit dont proviennent les fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment est puni d’une peine privative de liberté d’une durée supérieure à celle de l’emprisonnement encouru en application des articles 324-1 ou 324-2, le blanchiment est puni des peines attachées à l’infraction dont son auteur a eu connaissance et, si cette infraction est accompagnée de circonstances aggravantes, des peines attachées aux seules circonstances dont il a eu connaissance.

De même, pour l’appréciation de la récidive et selon l’article 324-5, le blanchiment est assimilé à l’infraction à l’occasion de laquelle ont été commises les opérations de blanchiment.

En outre, comme le prévoit l’article 121-4 du CP, l’article 324-6 punit la tentative de blanchiment des mêmes peines que l’infraction elle-même.

Enfin, un régime spécifique de « repenti » est déterminé par
l’article 324-6-1, selon lequel toute personne qui a tenté de commettre une infraction de blanchiment est exempte de peine si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d’éviter la réalisation de l’infraction et d’identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices. Par ailleurs, en cas de commission de l’infraction, la peine privative de liberté encourue par l’auteur ou le complice est réduite de moitié si, par l’avertissement des mêmes autorités, la personne en cause a permis de faire cesser l’infraction ou d’identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices.

● Le blanchiment se distingue du recel, puni par les articles 321-1 à 321-5 du code pénal, qui est le fait de dissimuler, détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit. Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d’un crime ou d’un délit.

Le recel est puni, comme le blanchiment simple, de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. 

  1.   Les rÈgles de procÉdure pénale relatives au calcul du dÉlai de prescription

● La prescription de l’action publique pour la répression des infractions constitue un principe fondamental de la procédure pénale. Ses règles diffèrent selon la nature de l’infraction :

– l’action publique des crimes se prescrit par vingt années révolues (article 7, alinéa 1er, du CPP) ;

– l’action publique des délits se prescrit par six années révolues (article 8, alinéa 1er du même code) ;

– l’action publique des contraventions se prescrit par une année révolue (article 9 du même code).

De façon générale, le point de départ du délai se calcule à partir du jour où l’infraction a été commise. Or, ce point de départ peut être difficile à calculer dans le cas des infractions qui ne sont pas commises au préjudice d’une personne physique. En effet, traditionnellement, la jurisprudence distingue plusieurs types d’infractions :

– les infractions instantanées qui s’exécutent, selon la formule consacrée, en « un trait de temps » ;

– les infractions continues, marquées par une persistance de l’intention délictuelle, ou continuée, qui se caractérisent par des actes d’exécution répétés ;

– les infractions complexes, impliquant plusieurs actes matériels, ou d’habitude.

Dans le premier cas, le calcul du point de départ du délai de prescription ne pose pas de difficultés. En revanche, pour les autres catégories, l’appréciation du jour de commission de l’infraction est plus complexe, soit parce que les actes matériels se répètent, soit parce que l’intention perdure. La jurisprudence a pu régler ces cas de figure en considérant que le jour à prendre en compte est celui du dernier acte exécuté.

● Le législateur a prévu des cas particuliers de détermination du jour de commission de l’infraction. Aussi, le deuxième alinéa de l’article 9-1 du CPP prévoit que, par dérogation au premier alinéa des articles 7 et 8, le délai de prescription de l’action publique de l’infraction occulte ou dissimulée court à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique, sans toutefois que le délai de prescription puisse excéder douze années révolues pour les délits et trente années révolues pour les crimes à compter du jour où l’infraction a été commise.

La définition du caractère occulte ou dissimulé de l’infraction est donnée par les deux derniers alinéas de l’article 9-1 :

– est occulte l’infraction qui, en raison de ses éléments constitutifs, ne peut être connue ni de la victime ni de l’autorité judiciaire ;

– est dissimulée l’infraction dont l’auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte.

● La chambre criminelle de la Cour de cassation a reconnu que le délit de blanchiment, « qui s’exécute en un trait de temps », était une infraction instantanée. Encourt dès lors la censure l’arrêt qui « énonce que le blanchiment est une infraction continue, qui perdure après l’ouverture des comptes et le dépôt sur ceux-ci des sommes dissimulées au fisc, quelle que soit leur utilisation ultérieure ou leur absence d’utilisation » ([471]). Cette jurisprudence vise à distinguer le blanchiment du délit voisin de recel, qui, lui, est une infraction continue ([472]).

La Cour a néanmoins reconnu que le délit de blanchiment constituait également une infraction occulte par nature lorsqu’il consiste à faciliter la justification mensongère de l’origine de biens ou de revenus ou à apporter un concours à une opération de dissimulation du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit. Dans ce cas, en effet, il a pour objet de masquer le bénéficiaire ou le caractère illicite des fonds ou des biens sur lesquels il porte. Comme le rappelle la Cour, « en conséquence, dans ces hypothèses, le délai de prescription de l’action publique commence à courir du jour où l’infraction apparaît et peut être constatée dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique » ([473]). À l’inverse, le blanchiment ne constitue pas une infraction occulte lorsqu’il consiste à apporter son concours à une opération de placement ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit.

Dès lors, tel qu’apprécié par la jurisprudence de la Cour de cassation, l’infraction de blanchiment ne constitue nécessairement, par nature, ni une infraction continue ni une infraction occulte.

  1.   Le dispositif proposÉ par le SÉnat

Le présent article est issu de l’adoption en séance publique, avec avis favorable de la commission et du Gouvernement, de l’amendement n° 98 de M. Blanc (Les Républicains). Il complète l’article 324-1 du code pénal pour préciser que « quels que soient les faits matériels qui le caractérisent, [le blanchiment] est réputé occulte au sens de l’article 9-1 du code de procédure pénale ». Selon l’objet de l’amendement, cet ajout permet de préciser que le délai de prescription commence avec la découverte de l’infraction.

Cet article assimile ainsi le blanchiment à une infraction par nature occulte. En procédant à cette assimilation, il tend à revenir sur la distinction que la jurisprudence de la Cour de cassation maintient entre le blanchiment et le recel, dont le régime est prévu aux articles 321-1 à 321-5 du code pénal.

  1.   la Position de la Commission

La Commission a adopté deux amendements identiques CL63 de
M. Bernalicis (LFI-NFP) et CL458 de Mme Moutchou (HOR) de suppression de l’article 20 bis.

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Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 20 ter étend la possibilité de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), uniquement possible en matière délictuelle, aux crimes prévus en matière de trafic de stupéfiants, à l’exception de celui de direction ou d’organisation d’un groupement ayant pour objet un tel trafic.

       Dernières modifications législatives intervenues

Pas de modifications législatives récentes.

       Position de la Commission

La Commission a supprimé l’article 20 ter.

  1.   L’État du droit
    1.   La comparution sur reconnaissance prÉalable de culpabilitÉ

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), couramment appelée « plaider coupable », a été introduite en France par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Elle est régie par les articles 495-7 à 495-16 du code de procédure pénale (CPP).

La CRPC peut aujourd’hui s’appliquer pour tous les délits, à l’exception des atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes et des agressions sexuelles, lorsqu’ils sont punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à cinq ans. Elle ne peut pas s’appliquer, néanmoins, aux délits de presse et d’homicide involontaire ni aux délits politiques. Enfin, elle ne peut concerner un mineur de dix-huit ans.

Lorsqu’elle est applicable, le procureur de la République peut, d’office ou à la demande de l’intéressé ou de son avocat, recourir à la CRPC à l’égard de toute personne convoquée à cette fin ou déférée devant lui, lorsque cette personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés. 

Le procureur de la République peut alors proposer à la personne d’exécuter une ou plusieurs des peines principales ou complémentaires encourues. Lorsqu’est proposée une peine d’emprisonnement, sa durée ne peut être supérieure à trois ans ni excéder la moitié de la peine d’emprisonnement encourue.

Si elle valide la proposition, la personne est présentée devant le président du tribunal judiciaire ou le juge délégué par lui, saisi par le procureur de la République d’une requête en homologation. Le juge statue alors par ordonnance motivée s’il choisit d’homologuer les peines proposées par le procureur. Cette ordonnance a les effets d’un jugement de condamnation et est immédiatement exécutoire.

Lorsque la personne déclare ne pas accepter la ou les peines proposées, ou que le président du tribunal judiciaire ou son délégué refuse l’homologation, le procureur saisit alors le tribunal correctionnel ou requiert l’ouverture d’une information.

La victime de l’infraction, lorsqu’elle est identifiée, est informée sans délai du recours à cette procédure et est invitée à comparaître en même temps que l’auteur des faits devant le président du tribunal judiciaire ou son délégué pour se constituer partie civile.

  1.   Les crimes prÉvus en matiÈre de trafic de stupÉfiants

Les infractions criminelles, prévues par le code pénal aux articles 222-34 à 222-40, pour réprimer le trafic de stupéfiants sont les suivantes :

– le fait de diriger ou d’organiser un groupement ayant pour objet la production, la fabrication, l’importation, l’exportation, le transport, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi illicites de stupéfiants, puni de la réclusion criminelle à perpétuité et de 7,5 millions d’euros d’amende (article 222-34) ;

– la production ou la fabrication illicites de stupéfiants, puni de trente ans de réclusion criminelle et de 7,5 millions d’euros d’amende (article 222-35) ;

– l’importation ou l’exportation illicites de stupéfiants commise en bande organisée, punie de trente ans de réclusion et de 7,5 millions d’euros d’amende (article 222-36, alinéa 2) ;

– le blanchiment des biens ou des fonds provenant de l’un des crimes mentionnés aux articles 222-34, 222-35 et 222-36, alinéa 2, qui est puni des mêmes peines que le crime en question (article 222-38, alinéa 2).

  1.   Le dispositif proposÉ

L’article 20 ter est issu de l’adoption en séance publique, avec avis favorable de la commission et du Gouvernement, de l’amendement n° 37 rect. ter, présenté par Mme Florennes (UC).

Il complète l’article 495-7 du CPP pour permettre l’application de la CRPC aux crimes en matière de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-35 à 222-40. Il exclut, ainsi, la possibilité de recourir à une CRPC pour le crime, mentionné à l’article 222-34, de direction ou d’organisation d’un groupement de trafic de stupéfiants, qui encourt la peine de réclusion la plus grave.

Parmi cette liste, il convient de relever que seuls les articles rappelés supra (articles 222-35, 222-36, alinéa 2, et 222-38, alinéa 2, du CP) concernent des infractions de nature criminelle. Il conviendrait donc de restreindre la mention prévue par l’article à ces seules références.

L’article précise également que la peine de réclusion criminelle que le procureur de la République peut proposer dans le cadre d’une CRPC portant sur un crime de trafic de stupéfiants ne peut être supérieure à dix ans. En tout état de cause, conformément au cadre rappelé ci-dessous, cette peine ne pourra excéder la moitié de la peine d’emprisonnement encourue.

  1.   la Position de la Commission

La Commission a adopté cinq amendements identiques CL70 de M. Bernalicis (LFI-NFP), CL121 de M. Iordanoff (EcoS), CL218 de Mme Capdevielle (SOC), CL252 de Mme K/Bidi (GDR) et CL459 de Mme Moutchou (HOR) de suppression de l’article 20 ter.

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Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 21 étend les pouvoirs de l’État en haute mer dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants.

       Dernières modifications législatives intervenues

Pas de modifications législatives récentes.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a réécrit l’article, d’une part en ajoutant l’infraction de dissimulation de preuves à celles permettant la mise en œuvre des mesures de contrôle et de coercition au titre de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer, d’autre part en limitant la compétence des juridictions françaises au-delà de la mer territoriale française à l’association de malfaiteurs formée en vue de commettre des infractions relatives au trafic de stupéfiants sur le territoire français et en supprimant la possibilité de procéder à ces mesures en l’absence d’accord de l’État de pavillon, par cohérence avec le droit international.

       Position de la Commission

La Commission a supprimé l’article 21.

  1.   L’état du droit

● Le droit pénal français repose, de façon classique, sur un principe de territorialité énoncé par l’article 113-2 du code pénal (CP) : « La loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République ». Ce territoire inclut les espaces maritimes et aériens qui lui sont liés.

En particulier, la loi pénale française est applicable, selon l’article 113-3 du CP, aux infractions commises à bord des navires battant un pavillon français, ou à l’encontre de tels navires ou des personnes se trouvant à leur bord, en quelque lieu qu’ils se trouvent.

Le code pénal prévoit, par ailleurs, un principe de personnalité pour l’application de la loi pénale. Son article 113-6 dispose ainsi qu’elle s’applique à tout crime commis par un Français hors du territoire de la République et aux délits, dans les mêmes cas, lorsqu’ils sont punis par la législation du pays où ils ont été commis.

Ce principe s’applique également à tout crime et à tout délit puni d’emprisonnement commis par un Français ou par un étranger hors du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité française au moment de l’infraction.

● Le titre IX du livre IV du code de procédure pénale (CPP) détermine également des cas de « compétence universelle » des juridictions françaises, qui s’appliquent indépendamment du lieu de commission de l’infraction, de la nationalité de l’auteur ou de celle de la victime.

À titre d’exemple, l’article 689-2 du CPP prévoit qu’une personne qui s’est rendue coupable de tortures, au sens de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New York le 10 décembre 1984, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France.

L’article 689-11 détermine, en particulier, un cas de compétence universelle des juridictions françaises à l’égard de toute personne soupçonnée d’avoir commis à l’étranger les infractions suivantes :

– le crime de génocide ;

– les autres crimes contre l’humanité ;

– les crimes et les délits de guerre.

Cette personne doit avoir une résidence habituelle sur le territoire français, notion qui se définit par un lien de rattachement suffisant avec la France. La poursuite de ces crimes ne peut être exercée qu’à la requête du procureur de la République antiterroriste et si aucune juridiction internationale ou nationale ne demande la remise ou l’extradition de la personne.

● Deux conventions internationales régissent la compétence des juridictions pénales françaises pour les infractions relatives au narcotrafic ayant lieu en mer :

– la convention des Nations unies sur le droit de la mer signée le 10 décembre 1982 à Montego Bay ;

– la convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes signée le 19 décembre 1988 à Vienne, notamment son article 17.

Article 17 de la convention de Vienne de 1988

1. Les Parties coopèrent dans toute la mesure du possible en vue de mettre fin au trafic illicite par mer, en conformité avec le droit international de la mer.

2. Une Partie qui a des motifs raisonnables de soupçonner qu’un navire battant son pavillon ou n’arborant aucun pavillon ou ne portant aucune immatriculation se livre au trafic illicite peut demander aux autres Parties de l’aider à mettre fin à cette utilisation. Les Parties ainsi requises fournissent cette assistance dans la limite des moyens dont elles disposent.

3. Une Partie qui a des motifs raisonnables de soupçonner qu’un navire exerçant la liberté de navigation conformément au droit international et battant le pavillon ou portant une immatriculation d’une autre Partie se livre au trafic illicite peut le notifier à l’État du pavillon, demander confirmation de l’immatriculation et, si celle-ci est confirmée, demander l’autorisation à cet État de prendre les mesures appropriées à l’égard de ce navire.

4. Conformément aux dispositions du paragraphe 3 ou aux traités en vigueur entre elles ou à tous les autres accords ou arrangements conclus par ailleurs entre ces Parties, l’État du pavillon peut notamment autoriser l’État requérant à :

a) Arraisonner le navire ;

b) Visiter le navire ;

c) Si des preuves de participation à un trafic illicite sont découvertes, prendre les mesures appropriées à l’égard du navire, des personnes qui se trouvent à bord et de la cargaison.

5. Lorsqu’une mesure est prise en application du présent article, les Parties intéressées tiennent dûment compte de la nécessité de ne pas porter atteinte à la sécurité de la vie en mer et à celle du navire et de sa cargaison, et de ne pas porter préjudice aux intérêts commerciaux et juridiques de l’État du pavillon ou de tout autre État intéressé.

6. L’État du pavillon peut, dans la mesure compatible avec ses obligations au titre du paragraphe 1 du présent article, subordonner son autorisation à des conditions arrêtées d’un commun accord entre lui et l’État requérant, notamment en ce qui concerne sa responsabilité.

7. Aux fins des paragraphes 3 et 4 du présent article, chaque Partie répond sans retard à toute demande que lui adresse une autre Partie en vue de déterminer si un navire qui bat son pavillon y est autorisé et aux demandes d’autorisation présentées en application du paragraphe 3. Au moment où il devient Partie à la présente Convention, chaque État désigne l’autorité ou, le cas échéant, les autorités habilitées à recevoir de telles demandes et à y répondre. […]

8. Une Partie qui a pris une des mesures prévues au présent article informe sans retard l’État du pavillon concerné des résultats de cette mesure.

[…]

10. Les mesures prises en application du paragraphe 4 ne sont exécutées que par des navires de guerre ou des aéronefs militaires, ou d’autres navires ou aéronefs à ce dûment habilités portant visiblement une marque extérieure et identifiables comme étant au service de l’État.

[…]

Cette seconde convention est partiellement reprise par la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative à l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer pour la lutte contre certaines infractions relevant de conventions internationales. Aux termes du 2° de l’article 1er de cette loi, ces règles s’appliquent en particulier aux infractions relatives au trafic de stupéfiants et de substances psychotropes prévus par les articles 222-34 à 222-43-1 du CP ainsi qu’au délit de participation à une association de malfaiteurs prévu à l’article 450-1.

La loi concerne, selon son article 2, les navires mentionnés par
l’article L. 1521-1 du code de la défense ([474]) ainsi que ceux situés dans les espaces maritimes sous souveraineté d’un État étranger lorsque le droit international l’autorise.

L’article 4 de la loi prévoit que, lorsqu’il existe des motifs raisonnables de penser qu’une ou plusieurs des infractions mentionnées à l’article 1er sont susceptibles d’être constatées à bord d’un de ces navires, les commandants des bâtiments de l’État et les commandants de bord des aéronefs de l’État exécutent ou font exécuter, en accord avec l’État du pavillon quand le droit international l’exige, les mesures de contrôle et de coercition prévues sous l’autorité du représentant de l’État en mer, qui en informe le procureur de la République.

Dans un tel cas, l’exécution des mesures de contrôle et de coercition prévues est placée sous l’autorité du procureur de la République. Lorsque l’infraction constatée est l’une de celles mentionnées à l’article 1er autre que la piraterie, commise au-delà de la mer territoriale française, une demande doit être adressée par la voie diplomatique à l’État du pavillon afin que celui-ci fasse savoir s’il consent à ce que les auteurs ou complices de l’infraction soient poursuivis et jugés par les juridictions françaises.

Dès lors, les auteurs ou complices peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises lorsque des accords bilatéraux ou multilatéraux le prévoient et avec l’assentiment de l’État du pavillon, ainsi que dans les cas où ces infractions sont commises à bord d’un navire n’arborant aucun pavillon ou sans nationalité.

L’article 11 de la loi prévoit la procédure de « dissociation » qui permet la destruction des produits stupéfiants saisis après autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction et après prélèvement d’échantillons. En cas d’urgence ou lorsque l’éloignement d’un port, les contraintes matérielles ou opérationnelles ou les quantités de produits stupéfiants saisis ne permettent pas leur conservation dans des conditions de sécurité ou d’hygiène satisfaisantes à bord du navire, le représentant de l’État en mer peut également décider, après information du magistrat saisi des faits et sauf opposition de sa part, la destruction des produits stupéfiants saisis. L’accord de l’État du pavillon est nécessaire lorsque le navire bat pavillon étranger et se trouve en dehors de la mer territoriale française.

  1.   Le dispositif proposé
    1.   Les dispositions initiales

L’article 21 de la proposition de loi vient étendre la capacité des juridictions françaises à poursuivre et à juger des infractions relatives au trafic de stupéfiants commises au-delà de la mer territoriale françaises.

En ce sens, il complète l’article 689-11 du CPP avec un II prévoyant que peut être appréhendée, poursuivie et jugée par les juridictions françaises toute personne soupçonnée d’avoir commis en haute mer l’une des infractions mentionnées au 2° de l’article 1er de la loi du 15 juillet 1994 précitée, lorsque les faits reprochés constituent des actes d’exécution de l’infraction ou la constitution d’un groupe ou d’une organisation en vue de commettre cette infraction sur le territoire français.

Il insère également un nouvel article 5-1 au sein de cette même loi pour permettre, en cas de suspicion de trafic de stupéfiants et si la demande adressée à l’État de pavillon ne reçoit pas de réponse dans des délais raisonnables, aux commandants des bâtiments et aéronefs de l’État d’exécuter ou faire exécuter les mesures de contrôle et de coercition prévues par le code de la défense et le nouveau II de l’article 689-11.

  1.   Les modifications adoptées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a adopté l’amendement COM-81 des rapporteurs, qui procède à une réécriture assez large du présent article 21.

Il ajoute, d’abord, l’infraction de dissimulation de preuve, prévue à l’article 434-4 du CP, au 2° de l’article 1er de loi du 15 juillet 1994, qui justifient la mise en œuvre des pouvoirs de police de l’État en haute mer.

Il complète, ensuite, l’article 5 de la loi du 15 juillet 1994 pour prévoir cette compétence des juridictions françaises pour le délit d’association de malfaiteurs prévu à l’article 450-1 du CP, lorsque ladite association a été formée ou établie en vue de commettre sur le territoire français une ou plusieurs infractions mentionnées au 2° de l’article 1er de la loi. En conséquence, il supprime le complément, apporté par la rédaction initiale de l’article 21, à l’article 689-11 du CPP prévoyant la compétence des juridictions française rappelée supra.

Il supprime, enfin, l’ajout d’un nouvel article 5-1 au sein de la loi du 15 juillet 1994 précitée. De la sorte, il revient en particulier sur la possibilité pour l’État de procéder à l’arraisonnement du navire en l’absence de réponse de l’État de pavillon dans un délai raisonnable.

Cette réécriture a vocation à permettre, selon l’objet de l’amendement, d’assurer la conventionalité du dispositif :

– en limitant la compétence des juridictions françaises au-delà de la mer territoriale française à la seule participation à une association de malfaiteurs en vue d’un trafic sur le territoire français, conformément au iii) du b) du 1 de l’article 4 de la convention de Vienne ;

– en supprimant la possibilité d’arraisonnement sans l’accord de l’État de pavillon. L’article 17 de la convention de Vienne ne permet en effet pas de dérogation au recueil de l’accord de l’État de pavillon pour permettre l’arraisonnement.

Elle vise enfin à mieux appréhender les sabordages de submersibles ou de voiliers liés au narcotrafic en intégrant la dissimulation de preuve au cadre juridique de l’action de l’État en mer pour la poursuite d’infractions liées aux conventions internationales.

  1.   la Position de la Commission

La Commission a adopté l’amendement CL612 du rapporteur M. Vicot (SOC) de suppression de l’article 21. 

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Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 21 bis permet d’étendre la durée de conservation des données relatives à la criminalité et la délinquance organisées au sein des logiciels de rapprochement judiciaire.

       Dernières modifications législatives intervenues

Pas de modifications législatives récentes.

       Position de la Commission

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels modifiant l’article 21 bis.

  1.   L’état du droit

● L’article 230-20 du code de procédure pénale (CPP) autorise la mise en œuvre de logiciels de rapprochement d’informations sur les modes opératoires par les services de la police et de la gendarmerie nationales chargés d’une mission de police judiciaire ainsi que le service du ministre chargé du budget chargé des enquêtes judiciaires. Leur objectif est de faciliter le rassemblement des preuves des infractions et l’identification de leurs auteurs.

Les informations concernées sont celles recueillies par les services précités au cours des enquêtes préliminaires, de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et des procédures de recherche des causes de la mort ou d’une disparition.

L’usage des données collectées par les logiciels est encadré. En particulier, lorsqu’il s’agit de données pouvant révéler indirectement l’identité des personnes, celle-ci ne peut apparaître qu’une fois les opérations de rapprochement effectuées et uniquement pour les données qui sont effectivement entrées en concordance entre elles ou avec d’autres informations exploitées par le logiciel.

L’article 230-22 du CPP limite la durée de détention des données à caractère personnel. Celles-ci doivent être effacées à la clôture de l’enquête et, en tout état de cause, à l’expiration d’un délai de trois ans lorsqu’elles ont été collectées dans le cadre d’une enquête de flagrance, d’une enquête préliminaire ou d’une exécution de commission rogatoire. Par dérogation à cette règle, les données à caractère personnel révélées par l’exploitation des enquêtes sur les causes de la mort ou d’une disparition sont conservées jusqu’à ce que l’enquête permette de retrouver la personne disparue ou d’écarter toute suspicion de crime ou de délit.

● Ces dispositions ont été introduites dans le code pénal par la
loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

Le Conseil constitutionnel a validé le recours à ces logiciels de rapprochement judiciaire. Selon sa décision n° 2011-625 DC ([475]), de telles dispositions n’ont pas pour objet ni pour effet de permettre la mise en œuvre d’un traitement général des données recueillies et elles prévoient que le traitement de données à caractère personnel au moyen de ces logiciels est opéré sous le contrôle du procureur de la République ou de la juridiction d’instruction compétent. Dès lors, ces logiciels « ne pourront conduire qu’à la mise en œuvre, autorisée par ces autorités judiciaires, de traitements de données à caractère personnel particuliers, dans le cadre d’une enquête ou d’une procédure déterminée portant sur une série de faits et pour les seuls besoins de ces investigations ». Il censure néanmoins la capacité de prolongation de la conservation des données à l’initiative de l’enquêteur : eu égard à la possibilité ouverte par les dispositions précitées d’un enregistrement de données même liées à des faits de faible gravité, le Conseil considère en effet que la conservation de ces données ne saurait être prolongée à l’initiative de l’enquêteur au-delà de trois ans après leur enregistrement.

  1.   Le dispositif proposé

L’article 21 bis est issu de l’adoption de l’amendement n° 50 rect. de Mme Eustache-Brinio (Les Républicains) en séance publique ; avec avis favorable de la commission et du Gouvernement.

Il prévoit une autre dérogation à la durée de conservation des données à caractère personnel prévue par l’article 230-22 du CPP pour les enquêtes de flagrance, les enquêtes préliminaires et les investigations menées en exécution d’une commission rogatoire portant sur des infractions mentionnées aux articles 706-73 et 706-73-1 du même code qui se poursuivent au-delà de trois ans. Dans ce cas, les données à caractère personnel peuvent être conservées jusqu’à la clôture de l’enquête sur décision du magistrat saisi de l’enquête ou chargé de l’instruction. La décision de prolongation est valable pour deux ans et est renouvelable jusqu’à la clôture de l’enquête.

Au regard de la décision précitée, le fait que cette autorisation de prolongation relève d’un magistrat semble correspondre aux exigences de la jurisprudence constitutionnelle, d’autant que ces données portent sur des faits d’une certaine gravité.

  1.   la Position de la Commission

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur M. Vicot (SOC) modifiant l’article 21 bis.

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Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 21 ter étend les possibilités de procéder aux perquisitions et visites douanières de nuit, y compris dans les lieux d’habitation.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces a procédé à plusieurs modifications du régime des visites douanières, sans en modifier les conditions d’autorisation.

La loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 a autorisé les perquisitions de nuit pour les crimes d’atteintes à la vie de la personne, en dehors de cas de criminalité organisée, lorsque leur réalisation est nécessaire pour prévenir un risque imminent d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique, lorsqu’il existe un risque immédiat de disparition des preuves et des indices du crime qui vient d’être commis ou pour permettre l’interpellation de la personne soupçonnée s’il est nécessaire de procéder à cette interpellation en dehors des heures légales afin d’empêcher cette personne de porter atteinte à sa vie ou à celle des enquêteurs.

       Position de la Commission

La Commission a adopté l’article 21 ter sans modification.

  1.   L’état du droit
    1.   Le cadre applicable aux perquisitions de nuit dans le cadre de la criminalité et de la délinquance organisées
      1.   Les conditions d’autorisation des perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction de nuit

Les règles relatives aux perquisitions dans le cadre de procédures relevant de la criminalité et de la délinquance organisées sont déterminées par les
articles 706-89 à 706-94 du code de procédure pénale (CPP). Ces règles diffèrent selon le cadre d’enquête retenu.

● Aux termes de l’article 706-89, dans le cadre d’une enquête de flagrance portant sur l’une des infractions relatives à la criminalité et la délinquance organisée mentionnées aux articles 706-73 et 706-73-1, le juge des libertés et de la détention (JLD) peut, à la requête du procureur de la République, autoriser que les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction soient opérées en dehors des heures prévues par l’article 59 du CPP, qui interdit les perquisitions commencées avant 6 heures ou après 21 heures.

La loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 a, par ailleurs, autorisé les perquisitions de nuit pour les crimes d’atteintes à la vie de la personne, en dehors de cas de criminalité organisée, lorsque leur réalisation est nécessaire pour prévenir un risque imminent d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique, lorsqu’il existe un risque immédiat de disparition des preuves et des indices du crime qui vient d’être commis ou pour permettre l’interpellation de la personne soupçonnée s’il est nécessaire de procéder à cette interpellation en dehors des heures légales afin d’empêcher cette personne de porter atteinte à sa vie ou à celle des enquêteurs. Les conditions d’autorisation de ces opérations sont précisées à l’article 59-1 du CPP.

La loi du 20 novembre 2023 a également permis au juge d’instruction, à l’article 97-2 du CPP, d’autoriser ces opérations en dehors des heures légales pour les crimes flagrants d’atteinte à la personne. 

Ces règles sont plus restrictives pour l’enquête préliminaire.
L’article 706-90 du CPP soumet ces opérations autorisées par le JLD, lorsqu’elles sont réalisées la nuit, à deux conditions :

– les infractions sur lesquelles porte l’enquête préliminaire entrent dans le champ d’application des articles 706-73 et 706-73-1 ;

– ces opérations ne portent pas sur des locaux d’habitation.

Toutefois, en cas d’urgence et pour les enquêtes préliminaires portant sur des crimes et délits constituant des actes de terrorisme ([476]), ces opérations peuvent concerner des locaux d’habitation en dehors des heures de l’article 59 lorsque leur réalisation est nécessaire afin de prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique.

● Le juge d’instruction, dans le cadre d’une information judiciaire, peut également autoriser de telles opérations en dehors des heures légales, pour les mêmes infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées si les nécessités de l’information l’exigent. Elles ne peuvent pas, cependant, concerner des locaux d’habitation.

Néanmoins, en cas d’urgence, le juge d’instruction peut autoriser les officiers de police judiciaire à procéder à ces opérations dans les locaux d’habitation :

– lorsqu’il s’agit d’un crime ou d’un délit flagrant (1°) ;

– lorsqu’il existe un risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels (2°) ;

– lorsqu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’une ou plusieurs personnes se trouvant dans les locaux où la perquisition doit avoir lieu sont en train de commettre des crimes ou des délits relevant des articles 706-73 et 706-73-1 (3°) ;

– lorsque leur réalisation, dans le cadre d’une information relative à des actes de terrorisme (11° de l’article 706-73), est nécessaire afin de prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique.

  1.   Les garanties procédurales prévues

L’article 706-92 du CPP entoure de plusieurs garanties l’autorisation de telles opérations en dehors des heures légales.

Les autorisations sont ainsi données pour des perquisitions déterminées et font l’objet d’une ordonnance écrite précisant la qualité de l’infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l’adresse des lieux dans lesquels les visites, perquisitions et saisies peuvent être opérées. Cette ordonnance écrite insusceptible d’appel est motivée au regard des éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires et qu’elles ne peuvent être réalisées aux heures légales. Le magistrat qui les a autorisées est chargé de leur contrôle, il peut se déplacer sur les lieux et est informé dans les meilleurs délais par le procureur de la République ou l’OPJ des actes accomplis. L’exigence de motivation de l’ordonnance est renforcée lorsque l’autorisation relève des hypothèses d’urgence mentionnées aux
articles 706-90 et 706-91.

Par ailleurs, les opérations autorisées dans le cadre d’une enquête de flagrance ou préliminaire ou d’une information judiciaire ne peuvent avoir d’autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans la décision du JLD, à peine de nullité. Toutefois, le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans cette décision ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

Enfin, l’article 706-94 du CPP permet de procéder aux opérations de perquisitions en l’absence de la personne au domicile de laquelle est faite une perquisition, au cours d’une enquête de flagrance ou d’une instruction, lorsque celle-ci est en garde à vue ou détenue en un autre lieu et que son transport sur place paraît devoir être évité ([477]). Dans ce cas, la perquisition peut être faite avec l’accord préalable du procureur de la République ou du juge d’instruction, en présence de deux témoins ou d’un représentant désigné par celui dont le domicile est en cause. Ces dispositions sont également applicables aux enquêtes préliminaires, lorsque la perquisition est faite sans l’assentiment de la personne – l’accord est alors donné par le JLD.

  1.   L’encadrement constitutionnel des perquisitions de nuit

● Le Conseil constitutionnel a précisé, dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 sur la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, sa jurisprudence relative aux perquisitions, visites domiciliaires et saisie de pièces à conviction en dehors des heures légales.

Pour les enquêtes de flagrance, il valide la réalisation de telles opérations à condition que l’autorisation de procéder à ces opérations émane de l’autorité judiciaire et que le déroulement des mesures autorisées soit assorti de garanties procédurales appropriées. En l’espèce, le Conseil relève que le législateur « a fait du juge des libertés et de la détention l’autorité compétente pour autoriser les perquisitions de nuit ainsi que les visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ; qu’il a exigé une décision écrite et motivée précisant la qualification de l’infraction dont la preuve est recherchée, l’adresse des lieux concernés, les éléments de fait ou de droit justifiant la nécessité des opérations ; qu’en outre, il a placé ces opérations sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, lequel peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales ; qu’enfin, il a précisé que les opérations en cause ne peuvent, à peine de nullité, laquelle revêt un caractère d’ordre public, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées ».

Il valide, de même, le régime prévu pour ces opérations dans le cadre de l’enquête préliminaire en considérant qu’elles « ne pourront être effectuées sans l’assentiment de la personne chez qui elles ont lieu que sur décision du juge des libertés et de la détention […], à la requête du procureur de la République ; qu’elles doivent être justifiées par la nécessité de rechercher les auteurs d’infraction punies d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans » et qu’elles ne pourront être effectuées de nuit « que dans des locaux autres que d’habitation et sur décision du même magistrat du siège pour l’une des infractions énumérées à l’article 706-73 ».

Le régime d’autorisation des opérations par le juge d’instruction a également été jugé conforme aux exigences constitutionnelles, considérant que celles-ci ne pouvaient concerner des locaux d’habitation, qu’elles étaient subordonnées à une autorisation du juge d’instruction et qu’elles ne pouvaient concerner des locaux d’habitation que dans certains cas d’urgence limitativement énumérés et après autorisation du juge d’instruction. Le Conseil a estimé que ces mesures sont justifiées par la recherche des auteurs d’infractions particulièrement graves ou la nécessité d’intervenir dans des locaux où sont en train de se commettre de telles infractions. Il émet toutefois une réserve à propos de la notion de « risque immédiat de disparition de preuves ou d’indices matériels », qui doit s’entendre comme ne permettant au juge d’instruction d’autoriser une perquisition de nuit que si celle-ci ne peut être réalisée dans d’autres circonstances de temps.

● La décision du Conseil sur la loi du 20 novembre 2023 précise les motifs de conformité à la Constitution des perquisitions de nuit dans les lieux d’habitation prévues par l’article 59-1 introduit par cette même loi :

– ces opérations ne peuvent être autorisées que si l’exigent les nécessités d’une enquête de flagrance portant sur un crime contre les personnes ;

– leur réalisation doit être justifiée par la nécessité de prévenir un risque imminent d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique, par l’existence d’un risque immédiat de disparition des preuves et des indices du crime qui vient d’être commis ou par la nécessité de procéder à l’interpellation de la personne soupçonnée afin de l’empêcher de porter atteinte à sa vie ou à celle des enquêteurs. Il rappelle, à cette occasion, la réserve énoncée dans la décision de 2004 précitée selon laquelle la notion de « risque immédiat de disparition des preuves et des indices du crime qui vient d’être commis » doit s’entendre comme ne permettant d’autoriser une perquisition de nuit que si celle-ci ne peut être réalisée dans d’autres circonstances de temps. Ces opérations sont, dès lors, justifiées par la recherche des auteurs d’infractions particulièrement graves dans certains cas d’urgence limitativement énumérés ;

– les conditions de forme énoncées dans la décision de 2004 et rappelées supra concernant les enquêtes de flagrance sont reprises dans les dispositions de l’article 59-1 du CPP.

  1.   Les rÈgles applicables aux visites douaniÈres

L’article 64 du code des douanes encadre l’accès aux locaux et lieux à usage professionnel et les visites domiciliaires par les agents des douanes habilités pour la recherche et la constatation des délits douaniers visés aux articles 414 à 429 et 459 du même code.

Ces délits douaniers incriminent, en particulier :

– les faits de contrebande et d’importation ou d’exportation sans déclaration de marchandises prohibées ou de produits du tabac manufacturés. La répression est aggravée soit lorsque ces faits portent sur des marchandises dangereuses pour la santé, la moralité ou la sécurité publiques relevant d’une liste fixée par arrêté du ministre chargé des douanes, soit lorsqu’ils sont commis en bande organisée (article 414, dernier alinéa) ;

– les faits de contrebande, d’importation ou d’exportation sans déclaration se rapportant à des marchandises non mentionnées à l’article 414 et les faits de fausse déclaration, d’utilisation d’un document faux, inexact ou incomplet ou de non-communication d’un document, ayant pour but ou pour résultat d’obtenir un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage financier attachés à l’importation ou à l’exportation, lorsque ces faits sont commis en bande organisée (article 414-2, troisième alinéa) ;

– le blanchiment douanier (article 415).

Aux termes de cet article 64, les agents habilités par le ministre chargé des douanes peuvent procéder à des visites en tous lieux, même privés, où les marchandises et documents se rapportant à ces délits ainsi que les biens et avoirs en provenant directement ou indirectement sont susceptibles d’être détenus ou d’être accessibles ou disponibles. Ces agents doivent être accompagnés d’un officier de police judiciaire (OPJ) ou d’un agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du CPP. Chacune de ces visites doit être autorisée par le JLD, à l’exception du cas de flagrant délit.

À l’occasion de ces visites, ces agents habilités peuvent procéder à la saisie des marchandises et des documents se rapportant aux délités douaniers précités. Ils peuvent également saisir les biens et avoirs provenant directement ou indirectement de ces délits après en avoir informé par tout moyen le juge qui a autorisé la visite.

Le b du 2 de l’article 64 du code des douanes prévoit que ces visites ne peuvent être commencées avant 6 heures ni après 21 heures, de manière similaire aux dispositions de l’article 59 du CPP interdisant les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction de nuit.

  1.   Le dispositif proposÉ

L’article 21 ter est issu de l’amendement n° 48 rect. de M. Mandelli (Les Républicains), adopté avec avis favorable de la commission des Lois et défavorable du Gouvernement.

  1.   L’Élargissement du recours aux perquisitions de nuit dans le cadre de l’enquÊte prÉliminaire

● À son I, l’article 21 ter complète l’article 706-90 du CPP pour étendre significativement les possibilités de recourir aux perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction en dehors des heures légales de l’article 59.

Ainsi, en cas d’urgence et pour les enquêtes préliminaires concernant une ou plusieurs infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73, à l’exception du 11°, et 706-73-1, ces opérations autorisées par le JLD pourront concerner des locaux d’habitation en dehors des heures légales :

– lorsqu’il s’agit d’un crime ou d’un délit flagrant (1°) ;

– lorsqu’il existe un risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels (2°) ;

– lorsqu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’une ou plusieurs personnes se trouvant dans les locaux où la perquisition doit avoir lieu sont en train de commettre des crimes ou des délits entrant dans le champ d’application des articles 706-73 et 706-73-1 (3°).

● Ces dispositions entraînent un élargissement significatif des possibilités de recourir aux perquisitions de nuit au sein d’un local d’habitation dans le cadre d’une enquête préliminaire. Cette extension semble présenter certains risques constitutionnels.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel distingue en effet les pouvoirs octroyés aux officiers et agents de police judiciaire lors d’une enquête de flagrance, « lesquels ne sont justifiés que par la proximité avec la commission de l’infraction », de ceux autorisés lors d’une enquête préliminaire ([478]). La décision de 2023 précitée valide ainsi l’article 59-1 du CPP en ce qu’il ne trouve à s’appliquer qu’au regard des nécessités de l’enquête de flagrance.

Toutes les infractions mentionnées aux articles 706-73 et 706-73-1 du CPP pourront dès lors faire l’objet de telles opérations pour les trois motifs mentionnés ci-dessus aux 1°, 2° et 3°. Or, cette extension couvrira des infractions étant, de fait, moins graves que les actes de terrorisme du 11° de l’article 706-73. Les opérations pourront être justifiées, par ailleurs, par des motifs moins impérieux que celui de prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique.

De fait, les dispositions du I de l’article 21 ter alignent le cadre légal applicable aux perquisitions de nuit d’une enquête préliminaire sur celui des perquisitions de nuit d’une information judiciaire, à l’exception du 4° de l’article 706-91 qui autorise ces opérations dans le cadre d’une information portant sur des actes de terrorisme, lorsque leur réalisation est nécessaire afin de prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique.

Le dispositif proposé présente par ailleurs une incohérence. Ainsi, le 1° inséré par le I de l’article 21 ter permet de procéder aux perquisitions de nuit dans le cadre d’une enquête préliminaire lorsqu’il s’agit d’un crime ou d’un délit flagrant. Or, dans ce cas de figure, les faits ont vocation à être poursuivis par le procureur de la République dans le cadre de l’enquête de flagrance, et non dans celui de l’enquête préliminaire.

  1.   L’extension du recours aux visites douanières de nuit

● Le II de l’article 21 ter étend quant à lui les possibilités de recours aux visites douanières la nuit.

Le nouvel article 64 bis permet ainsi au JLD d’autoriser les agents des douanes habilités à procéder à des opérations de visite et de saisie en dehors des heures prévues à l’article 64 et rappelées supra à plusieurs conditions cumulatives :

– si les nécessités de l’enquête douanière relative aux délits mentionnés au dernier alinéa de l’article 414, lorsqu’ils sont commis en bande organisée, au troisième alinéa de l’article 414-2 et à l’article 415 l’exigent ;

– lorsque ces opérations ne concernent pas des locaux d’habitation.

Le JLD pourrait néanmoins autoriser en dehors des heures légales, en cas d’urgence et pour les mêmes délits, de telles visites et saisies dans des locaux d’habitation où des marchandises et documents se rapportant à ces délits ainsi que les biens et avoirs en provenant directement ou indirectement sont susceptibles d’être détenus ou d’être accessibles ou disponibles. Trois cas de figure, similaires à ceux introduits à l’article 706-90 du CPP par le I du présent article, sont concernés :

– lorsque les délits concernés sont commis en flagrance ;

– lorsqu’il existe un risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels ;

– lorsqu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’une ou plusieurs personnes se trouvant dans les locaux où la visite doit avoir lieu sont en train de commettre les délits précités.

Les agents procédant à de telles opérations doivent être accompagnés d’un OPJ ou d’un agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du code de procédure pénale. Elles doivent se dérouler sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, qui peut se déplacer sur les lieux et être informé sans délai par l’officier de douane judiciaire des actes accomplis.

Le JLD compétent est celui du tribunal judiciaire du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure. Lorsque la visite a lieu en dehors de son ressort, il délivre une commission rogatoire au JLD du tribunal judiciaire dans le ressort duquel s’effectue la visite.

Le II de l’article 21 ter insère également un nouvel article 64 ter qui détermine plusieurs garanties dans la mise en œuvre des dispositions de l’article 63 bis :

– à peine de nullité, les autorisations du JLD prévues à cet article sont données pour des opérations de visite et de saisie déterminées et font l’objet d’une ordonnance écrite, précisant la qualification de l’infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l’adresse des lieux dans lesquels les visites peuvent être faites. Elles ne peuvent avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans la décision du JLD ;

– l’ordonnance du JLD est susceptible d’appel dans les conditions prévues par le CPP et est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Hors cas de flagrance, elle doit justifier que ces opérations ne peuvent être réalisées pendant les heures prévues à l’article 64 ;

– lorsque les opérations concernent des locaux d’habitation, l’ordonnance comporte l’énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent la décision, l’énoncé des considérations de fait laissant soupçonner la présence dans les locaux concernés de marchandises et documents se rapportant aux délits mentionnés à l’article 64 bis ou de biens et avoirs en provenant directement ou indirectement.

Le nouvel article 64 ter précise, enfin, que le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision du JLD ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

● Les interrogations relevées supra à propos de l’extension du recours aux perquisitions de nuit dans les locaux d’habitation peuvent être transposées, mutatis mutandis, aux dispositions du II du présent article relatives à l’enquête douanière.

Actuellement, les visites douanières doivent être réalisées sur les heures légales correspondant à celles de l’article 59 du CPP. Le nouvel article 64 bis étendrait la possibilité de procéder à ces opérations de deux façons :

– en autorisant la réalisation de ces opérations la nuit, pour certains délits douaniers uniquement et en dehors des lieux d’habitation ;

– en autorisant, en cas d’urgence et pour les mêmes délits, la réalisation de ces opérations la nuit y compris dans des locaux d’habitation, pour des motifs similaires à ceux retenus par le I pour étendre les perquisitions de nuit dans le cadre d’une enquête préliminaire.

De la sorte, le régime des visites douanières apparaîtrait particulièrement favorable alors que la gravité des faits visés ne semble pas justifier une telle différence de traitement. La conformité de ces dispositions à la Constitution peut, dès lors, être interrogée.

D’abord, les infractions visées relèvent ainsi du niveau délictuel, quand bien même ils ont été commis en bande organisée.

Ensuite, le II autorise également les visites douanières de nuit dans les lieux d’habitation pour les mêmes délits, dont la gravité est moindre que les actes de terrorisme – seule infraction qui autorise aujourd’hui les perquisitions de nuit dans un cadre d’enquête hors flagrance.

Par ailleurs, les motifs pouvant justifier de telles opérations sont les mêmes que ceux ajoutés par le I du présent article à l’article 706-90 du CPP. Or, ces motifs vont bien au-delà de la prévention des risques d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique qui justifient, seuls, le recours aux perquisitions de nuit.

Aussi, les dispositions de l’article 21 ter, tant en matière judiciaire que douanière, conduiraient à une extension très significative du recours aux perquisitions et visites douanières de nuit, y compris dans des locaux d’habitation.

De fait, elles effaceraient une partie des différences entre, d’une part, les conditions encadrant les opérations réalisées le jour et celles réalisées la nuit et, d’autre part, les conditions encadrant les opérations portant sur les lieux à usage d’habitation et les autres lieux.

Les lieux d’habitation font pourtant l’objet d’une protection renforcée par la jurisprudence constitutionnelle qui fait découler l’inviolabilité du domicile de la sauvegarde de la liberté individuelle sous tous ses aspects ([479]).

  1.   la Position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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*     *

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 21 quater permet au juge d’instruction de requérir des agents de l’administration des douanes pour rechercher et constater les infractions prévues par le code des douanes. Dans ce cadre, ces agents pourraient uniquement mettre en œuvre les pouvoirs ne nécessitant pas d’autorisation du juge de la liberté et de la détention.

       Dernières modifications législatives intervenues

Pas de modifications législatives récentes.

       Position de la Commission

La Commission a adopté un amendement rédactionnel modifiant l’article 21 quater.

  1.   L’état du droit

● L’article 28 du code de procédure pénale (CPP) prévoit, à son alinéa 1er, que les fonctionnaires et agents des administrations et services publics auxquels des lois spéciales attribuent certains pouvoirs de police judiciaire exercent ces pouvoirs dans les conditions et dans les limites fixées par ces lois.

À son deuxième alinéa, cet article permet à ces fonctionnaires et agents, lorsque la loi le prévoit, d’être requis par commission rogatoire du juge d’instruction. Dans ce cas, ils exercent, dans les limites de la commission rogatoire, les pouvoirs qui leur sont conférés par les lois spéciales mentionnées à l’alinéa 1er.

Le troisième alinéa de l’article permet à ces mêmes agents, d’office ou sur instructions du procureur de la République, de concourir à la réalisation d’une même enquête avec des officiers et agents de police judiciaire, le cas échéant en les assistant dans les actes auxquels ils procèdent.

● Le I de l’article 28-1 du CPP permet aux agents des douanes des catégories A et B, spécialement désignés par arrêté des ministres chargés de la justice et du budget après avis conforme d’une commission dédiée, d’être habilités à effectuer des enquêtes judiciaires sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d’instruction.

Dans ce cas de figure, ces agents ont compétence sur l’ensemble du territoire national et sont compétents pour rechercher et constater un certain nombre d’infractions prévues par les 1° à 9° du I de l’article 28-1 :

– les infractions prévues par le code des douanes ;

– les infractions en matière de contributions indirectes, d’escroquerie sur la taxe sur la valeur ajoutée et de vols de biens culturels ;

– l’infraction de mise à disposition d’outils permettant la soustraction frauduleuse au paiement des impôts ;

– les infractions relatives à la protection des intérêts financiers de l’Union européenne ;

– l’escroquerie commise au préjudice d’une personne publique, d’un organisme de protection sociale ou d’un organisme chargé d’une mission de service public, pour l’obtention d’une allocation, d’une prestation, d’un paiement ou d’un avantage indu ;

– les infractions relatives au contrôle des matériels de guerre, armes et munitions et des produits ou engins explosifs ;

–  le blanchiment ;

– les délits d’association de malfaiteurs, lorsqu’ils ont pour objet la préparation de l’une des infractions mentionnées par la présente liste ;

– les infractions prévues au code de la propriété intellectuelle ;

– les infractions relatives à la législation sur le tabac ;

– les infractions relatives aux jeux d’argent en ligne ;

– les infractions connexes aux infractions mentionnées aux points précédents.

Les agents de l’administration des douanes ne sont, cependant, pas compétents en matière de trafic de stupéfiants, sous réserve du II.

Le II de l’article 28-1 prévoit que le procureur de la République ou le juge d’instruction territorialement compétent peut constituer des unités temporaires composées d’officiers de police judiciaire et d’agents des douanes mentionnés au I, pour la recherche et la constatation des infractions à la législation sur les stupéfiants, de blanchiment et de financement d’une entreprise terroriste.

  1.   Le dispositif proposé

L’article 21 quater est issu de l’adoption des amendements identiques
n° 24 rect. ter de Mme Vermeillet (UC) et n° 76 rect. de M. Nougein (Les Républicains) avec avis favorable de la commission et un avis de sagesse du Gouvernement.

Il insère une nouvelle section I ter, relative à la commission rogatoire du juge d’instruction au sein du chapitre II, qui concerne les poursuites et le recouvrement, du titre XII du code des douanes.

Cette section I ter serait composée d’un unique article 344-5 prévoyant que des agents des douanes, spécialement habilités à cet effet par le ministre de la justice sur la proposition du ministre chargé des douanes, peuvent recevoir du juge d’instruction des commissions rogatoires pour rechercher et constater les infractions prévues par le code des douanes.

Dans ce cadre, les agents des douanes précités pourraient uniquement mettre en œuvre les pouvoirs qui ne nécessitent pas une information préalable ou une autorisation du procureur de la République ou du juge des libertés et de la détention :

– leur droit de visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes ;

– leur droit de communication ;

– leur droit de contrôle des envois par la poste ;

– leur droit au prélèvement d’échantillons ;

– leur pouvoir de consultation des traitements automatisés de données aux fins de contrôle douanier ;

– les dispositions prévues pour la sécurisation des contrôles et des enquêtes.

  1.   LA Position de la Commission

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur M. Vicot (SOC) modifiant l’article 21 quater.

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*     *

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 21 quinquies permet à l’Office national anti-fraude d’être co-saisi des procédures portant sur le blanchiment lié au trafic de stupéfiants. Il autorise également les agents des douanes à recourir à certaines techniques spéciales d’enquête et au procès-verbal distinct séparé par l’article 16 de la présente proposition de loi.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 18 juillet 2023 a permis le recours, par les agents des douanes, aux dispositifs techniques permettant la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles dans le cadre des enquêtes douanières.

       Position de la Commission

La Commission a adopté l’article 21 quinquies sans modification.

  1.   L’État du droit

● Le dernier alinéa de l’article 414 du code des douanes réprime les délits de contrebande, d’importation ou d’exportation portant sur des marchandises dangereuses pour la santé, la moralité ou la sécurité publiques, lorsqu’ils sont commis en bande organisée. La peine prévue est de dix ans d’emprisonnement et d’une amende pouvant aller jusqu’à dix fois la valeur de l’objet ou de la fraude.

Le troisième alinéa de l’article 414-2 du même code punit les délits de contrebande et d’importation ou d’exportation sans déclaration, lorsqu’ils sont commis en bande organisée, de dix ans d’emprisonnement et d’une amende pouvant aller jusqu’à dix fois la valeur de l’objet de la fraude.

L’article 415 punit, enfin, le délit de blanchiment douanier d’un emprisonnement de dix ans et de la confiscation des sommes et biens concernés.

● Le II de l’article 67 bis du code des douanes permet aux agents des douanes, lorsque les investigations le justifient, d’être autorisés par le procureur de la République à procéder, sous son contrôle, à une opération d’infiltration afin de constater les infractions prévues au 1°, d’identifier les auteurs et complices de ces infractions ainsi que ceux qui y ont participé comme intéressés et d’effectuer des saisies.

L’article 67 bis-2 permet le recours à tout moyen technique destiné à la localisation en temps réel d’une personne, d’un véhicule ou de tout autre objet, si les nécessités de l’enquête douanière relative à la recherche et à la constatation d’un délit douanier puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à trois ans l’exigent. La mise en place de ce moyen est autorisée par le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal judiciaire concerné.

Créé par la loi du 18 juillet 2023 ([480]), l’article 67 bis-5 permet le recours à un dispositif technique permettant la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé et confidentiel, dans des lieux privés ou publics, ou de l’image d’une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé. Ce recours est autorisé pour la recherche et la constatation des délits douaniers précités et dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que celles prévues pour l’enquête judiciaire.

● L’article 706-102-1 du code de procédure pénale (CPP) autorise le recours, dans le cadre d’une enquête ou d’une information judiciaire, à un dispositif technique permettant d’accéder aux données informatiques, de les enregistrer, de les conserver et de les transmettre.

  1.   Le dispositif proposÉ par le SÉnat

L’article 21 quinquies est issu de l’adoption de l’amendement n° 257 des rapporteurs en séance publique au Sénat, avec avis favorable du Gouvernement.

À son I, il complète le 5° du I de l’article 28-1 du CPP par l’ajout de la référence à l’infraction de blanchiment du trafic de stupéfiants, que les agents des douanes seraient compétents pour rechercher et constater lorsqu’elle fait suite à des constatations effectuées en application du code des douanes. Le II du même article 28-1 est également complété pour prévoir que la possibilité de constituer des unités temporaires pour la recherche et la constatation des infractions prévues dans le cadre du trafic de stupéfiants s’exerce « sans préjudice du 5° du I du présent article ».

Cet ajout a vocation à permettre à l’Office national anti-fraude (Onaf), selon l’objet de l’amendement n° 257, d’être co-saisi des investigations lancées, en matière de blanchiment, à la suite de constatations douanières, « afin de favoriser la mobilisation de son expertise au service d’enquête complexes pour lesquelles aucun moyen ne doit être laissé de côté ».

Le II de l’article 21 quinquies complète la section 7, relative aux procédures spéciales d’enquête douanière, du chapitre IV du titre II du code des douanes par de nouveaux articles 67 bis-6 et 67 bis -7.

Le nouvel article 67 bis-6 permet aux agents des douanes habilités dans des conditions prévues par décret, si les nécessités de l’enquête douanière relative aux délits mentionnés supra l’exigent, d’être autorisés par le JLD à utiliser les techniques spéciales d’enquête mentionnées aux articles 706-99, 706-99-1
et 706-102-1 du CPP.

La mention de l’article 706-99-1 du CPP, qui n’existe pas dans le code et n’est pas créé par la présente proposition de loi, semble être une erreur.

L’article 706-99 est inséré par l’article 15 quater de la présente proposition de loi. Il permet au JLD ou au juge d’instruction d’autoriser l’activation à distance des appareils électroniques mobiles, lorsque le recours à un dispositif permettant la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement des paroles n’est pas possible. 

Il prévoit que le JLD compétent est celui du tribunal judiciaire dans le ressort duquel la mise en place de la technique et envisagée. Le JLD ayant autorisé cette technique est chargé du contrôle de sa mise en œuvre et est informé sans délai des actes accomplis en application de son autorisation. Il peut, à tout moment, interrompre l’utilisation de la technique.

Le recours à l’activation à distance fait l’objet de plusieurs interrogations au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, rappelée dans le commentaire de l’article 15 quater de la présente proposition de loi

Le nouvel article 67 bis-7 autorise le recours au procès-verbal distinct prévu à l’article 706-104 du CPP, dans les mêmes conditions, formes et procédures, pour la mise en œuvre des procédures mentionnées au II de l’article 67 bis et aux articles 67 bis-2 et 67 bis-5, ainsi qu’au nouvel article 67 bis-6. Les enjeux d’un tel dispositif sont détaillés dans le commentaire de l’article 16 de la présente proposition de loi.

  1.   la Position de la Commission

La Commission a adopté l’article 21 quinquies sans modification.

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TITRE VI
LUTTE CONTRE LA CORRUPTION LIÉE AU NARCOTRAFIC ET CONTRE LA POURSUITE DES TRAFICS EN PRISON

 

Adopté par la Commission avec modifications

      Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 22 de la proposition de loi regroupe des dispositions très diverses pour renforcer la lutte contre la corruption liée à la délinquance et à la criminalité organisées et au trafic de stupéfiants.

En premier lieu, cet article complète le cade juridique applicable aux enquêtes administratives de sécurité portant sur des agents publics et privés.

Il modifie ainsi l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure pour rendre ces enquêtes obligatoires au sein de certaines administrations et services publics identifiés par décret comme présentant un risque particulier de corruption.

L’obligation de diligenter des enquêtes administratives de sécurité est également spécifiquement prévue pour les agents portuaires et les personnels d’exploitation des aérodromes en étant intégrée au sein de nouveaux articles insérés dans le code des transports. La réalisation de ces enquêtes est rendue obligatoire préalablement à la désignation des membres du conseil de surveillance, du conseil d’administration et du directoire au sein des grands ports maritimes.

En deuxième lieu, l’article 22 crée une nouvelle procédure de signalement des faits en lien avec la corruption, le trafic d’influence ou l’exercice de menaces, par l’intermédiaire d’un point de contact unique.

La désignation de ce point de contact est rendue obligatoire au sein de chaque administration et service public spécialement identifié par décret comme soumis à des risques particuliers de corruption.

Le signalement peut émaner de toute personne et être effectué de manière anonyme. La confidentialité des informations liées à l’identité de l’auteur ainsi que des personnes visées par le signalement est garantie, un nouveau délit sanctionnant de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende la divulgation de ces éléments.

L’auteur du signalement bénéficie, en outre, de la protection prévue pour les lanceurs d’alerte.

Il est créé un nouveau délit réprimant le fait de faire obstacle à la transmission d’un signalement d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Le point de contact unique est rendu destinataire des décisions prises par l’autorité judiciaire à l’encontre d’un agent dont il a la charge, à la suite de la communication des informations signalées.

En dernier lieu, cet article modifie la loi du 9 décembre 2016, dite « Sapin 2 » pour étendre l’obligation de mettre en œuvre des mesures de prévention et de détection des faits de corruption ou de trafic d’influence à toutes les administrations au sein desquelles des risques de vulnérabilité à ces faits ont été identifiés.

     Dernières modifications législatives intervenues

● Sur les dispositions relatives au renforcement des enquêtes administratives de sécurité :

L’article 40 de la loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense a modifié l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, relatif aux enquêtes administratives de sécurité de droit commun. Cette modification a permis d’autoriser la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire dans le cadre de ces enquêtes.

● Sur les dispositions relatives à la procédure de signalement par l’intermédiaire d’un point de contact unique et au renforcement des obligations en matière de détection et de prévention de la corruption ;

La loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte a modifié la loi du n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite « Sapin 2 ».

Elle a notamment renforcé ce statut protecteur et clarifié la définition du lanceur d’alerte, en transposant la directive (UE) 2019/1937 du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union.

     Modifications apportées par le Sénat

● Sur les dispositions relatives au renforcement des enquêtes administratives de sécurité :

Lors de l’examen de ces dispositions en commission des Lois par le Sénat, la possibilité de procéder à des enquêtes administratives de sécurité a été généralisée pour l’ensemble des « emplois publics et privés exposant leurs titulaires à des risques de corruption ou de menaces liées à la criminalité organisée ».

De plus, l’exigence de conduite obligatoire d’une enquête administrative de sécurité préalablement à la désignation des membres du conseil de surveillance des grands ports maritimes ou fluvio-maritimes et des membres du conseil d’administration d’un port autonome a été supprimée.

Par ailleurs, le champ d’application des dispositifs d’autorisation d’accès à des zones sensibles et d’agrément des personnels portuaires a été étendu à certaines installations portuaires se trouvant en-dehors des zones à accès restreint.

Les modalités de délivrance des autorisations d’accès, des habilitations et agréments des agents portuaires ont aussi été modifiées.

L’exigence d’habilitation préalable de certains agents portuaires a, en outre, été étendue aux personnes accédant aux systèmes d’information des ports et aux systèmes d’exploitation de certaines installations portuaires sensibles.

Enfin, les dispositions relatives aux enquêtes administratives de sécurité sur les agents aéroportuaires ont été supprimées.

Lors de l’examen de ces dispositions en séance publique, le Sénat a assoupli les conditions de mise en œuvre des opérations d’inspection-filtrage au sein des ports.

● Sur les dispositions relatives à la procédure de signalement par l’intermédiaire d’un point de contact unique :

Lors de l’examen de ces dispositions en commission des Lois, le champ d’application de la procédure de signalement par l’intermédiaire du point de contact unique a été étendu à l’ensemble des faits susceptibles de caractériser une infraction de corruption ou de trafic d’influence.

Par ailleurs, la commission a prévu une nouvelle obligation, pour le procureur de la République, d’informer l’administration des décisions judiciaires relatives à une poursuite pour des faits de criminalité organisée lancée à l’encontre d’un agent qu’elle emploie.

● Sur les dispositions relatives au renforcement des obligations en matière de détection et de prévention de la corruption :

Lors de l’examen de ces dispositions en commission des Lois, les dispositions de l’article 22 modifiant la loi « Sapin 2 » ont été réécrites pour limiter l’extension du champ d’application de l’obligation de conformité uniquement aux présidents, directeurs généraux et gérants des personnes morales exploitant des installations portuaires.

Lors de l’examen de ces dispositions en séance publique, le Sénat a tout d’abord prévu un nouvel encadrement juridique en matière de vidéoprotection au sein des ports.

Ce nouveau régime permet d’exiger la mise à disposition des images captées par le système de vidéosurveillance de l’installation portuaire et de ses abords immédiats au profit des agents de la police nationale, de la gendarmerie nationale ou des douanes.

Par ailleurs, le contenu des plans de sûreté des ports a été précisé pour y intégrer le risque de corruption.

Enfin, il a été prévu une nouvelle possibilité pour l’autorité administrative de refuser l’accès aux ports de certains navires lorsqu’ils ont été utilisés pour participer à un trafic de stupéfiants.

     Position de la Commission

● Sur les dispositions relatives au renforcement des enquêtes administratives de sécurité :

La commission des Lois a aménagé les conditions d’application de la procédure d’autorisation d’accès à certaines zones portuaires.

– En premier lieu, elle a précisé les installations portuaires concernées par l’autorisation d’accès, en supprimant la référence au parc à conteneurs et en prévoyant qu’il s’agit des zones où sont traités des conteneurs commerciaux.

– En deuxième lieu, la commission des Lois a supprimé le principe de la réalisation systématique des enquêtes administratives de sécurité pour les personnes accédant de manière temporaire aux zones à accès restreint des ports. Elle a également précisé la procédure de refus, de retrait ou d’abrogation des autorisations, agréments et habilitations des agents portuaires notamment pour assurer le respect du principe du contradictoire.

– En troisième lieu, elle a reporté l’entrée en vigueur des dispositions généralisant les enquêtes administratives de sécurité pour les agents portuaires.

– En quatrième lieu, la commission des Lois a précisé la rédaction des dispositions renforçant l’habilitation des agents accédant aux systèmes d’information des ports.

– En dernier lieu, la commission des Lois a assuré l’application des dispositions de l’article 22 intégrées au sein du code de la sécurité intérieure ([481]) et du code des transports en outre-mer ([482]) et adopté un amendement de coordination ([483]).

● Sur les dispositions relatives à la procédure de signalement par l’intermédiaire d’un point de contact unique :

La commission des Lois a supprimé la procédure de signalement par l’intermédiaire d’un point de contact unique, qui était redondante avec la procédure applicable au lanceur d’alerte.

Par ailleurs, la commission des Lois a supprimé la faculté pour le procureur de la République d’informer une administration des soupçons de commission d’infraction qui pèsent sur l’agent qu’elle emploie.

● Sur les dispositions relatives au renforcement des obligations en matière de détection et de prévention de la corruption :

La commission des Lois a rendu obligatoire la formation des agents portuaires et aéroportuaires contre la corruption.

-

L’article 22 contient plusieurs dispositions pour améliorer la lutte contre la corruption, qui peuvent être regroupées, en fonction de leur objet, autour des catégories suivantes :

– le renforcement des enquêtes administratives de sécurité ;

– la création d’une procédure de signalement par l’intermédiaire d’un point de contact unique :

– l’extension des obligations de détection et de prévention des faits de corruption.

Ces différentes dispositions seront étudiées successivement dans le présent commentaire en abordant pour chacune des matières dont elles relèvent le cadre juridique applicable et les modifications envisagées par la proposition de loi.

  1.   Le renforcement des enquÊtes administratives de sÉcuritÉ
    1.   L’État du droit
      1.   Le cadre juridique des enquêtes administratives de sécurité préalables au recrutement de certains agents

Les enquêtes administratives de sécurité sont destinées à vérifier que le comportement d’une personne n’est pas incompatible avec l’exercice de certaines fonctions, l’accès à des lieux sensibles ou l’utilisation de produits dangereux. Ces enquêtes sont diligentées pour s’assurer du respect des conditions de moralité et de probité attachées à certaines professions, notamment celles qui sont en lien avec l’exercice de missions de sécurité ou de service public.

Il existe plusieurs dispositifs d’enquêtes administratives de sécurité ([484]). Le cadre applicable aux enquêtes qui précèdent les décisions administratives de recrutement, d’affectation, de titularisation, d’autorisation, d’agrément ou d’habilitation de certains agents est défini par l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure (CSI).

Les enquêtes administratives prévues par cet article sont applicables aux décisions concernant :

– les emplois publics participant à l’exercice des missions de souveraineté de l’État ;

– les emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense ;

– les emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses ;

– l’accès à des zones protégées en raison de l’activité qui s’y exerce ;

– l’utilisation de matériels ou produits présentant un caractère dangereux.

Initialement, ces dispositions permettaient uniquement de mettre en œuvre ces enquêtes préalablement aux décisions relevant de l’une des catégories mentionnées ci-dessus. La loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ([485]) a néanmoins étendu le champ de ces enquêtes en prévoyant la possibilité de les réaliser également postérieurement aux décisions administratives pour s’assurer que le comportement de la personne n’est pas devenu incompatible avec l’exercice de ses fonctions, l’accès aux lieux sensibles susmentionnés ou l’utilisation de produits dangereux.

Lorsque le résultat de l’enquête met en évidence une incompatibilité, l’administration peut procéder au retrait ou à l’abrogation de la décision administrative précédemment délivrée ou à la mutation, voire à la radiation des cadres, du fonctionnaire en cause.

Les enquêtes administratives de sécurité prévues à l’article L. 114-1 du CSI sont facultatives.

La réalisation de ces enquêtes est confiée soit au service de police ou à l’unité de gendarmerie territorialement compétent, soit à des entités spécialisées, telles que le conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), le commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire (COSSeN) ou le service national d’enquêtes administratives de sécurité (SNEAS).

C’est en particulier le SNEAS, créé par le décret du 27 avril 2017 ([486]) , qui est chargé de la mise en œuvre de ces enquêtes préalablement au recrutement des personnels sur les emprises portuaires et aéroportuaires ([487]).

Ces enquêtes donnent lieu à un « criblage », c’est-à-dire à la consultation par les enquêteurs en charge de certains fichiers pour vérifier que la personne dont le recrutement ou le maintien en fonction est envisagé remplit bien les conditions de moralité et de probité requises.

Les différents fichiers pouvant être consultés dans le cadre de la réalisation d’une enquête administrative de sécurité

Les services en charge de l’enquête administrative procèdent à un « criblage » de la personne, qui consiste à interroger certains fichiers de données pour vérifier les informations dont les administrations disposent sur celle-ci.

Pour ce faire, le SNEAS est autorisé à utiliser le système ACCReD (« automatisation de la consultation centralisée de renseignements et de données »), créé par le décret du 3 août 2017 ([488]). Ce système lui permet de consulter automatiquement et simultanément, grâce à une interconnexion, plusieurs traitements de données à caractère personnel ([489]) :

– le traitement d’antécédents judiciaires (TAJ) ([490]) ;

– le fichier « enquêtes administratives liées à la sécurité publique » (EASP) ([491]) ;

– les fichiers « prévention des atteintes à la sécurité publique » (PASDP) ([492]) et « gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique » (GIPASP) ([493]) ;

– le fichier des personnes recherchées (FPR) ([494]) ;

– le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) ([495])  ;

– le fichier des objets et véhicules volés ou signalés (FOVeS) ([496]) ;

– le système d’information Schengen national (N-SIS) ([497]) ;

– les fichiers « SLTD » ([498]) et « ICIS » ([499]) d’Interpol.

En outre, d’autres fichiers, en particulier de services de renseignement, peuvent être consultés : CRISTINA, géré par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) du Ministère de l’intérieur, TREX, géré par la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) du même Ministère, SIRCID, géré par la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) du Ministère des armées, ou encore GESTEREXT, mis en œuvre par la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP).

Enfin, le SNEAS a également accès au bulletin n° 2 ([500]) du casier judiciaire ([501]).

Le cas échéant, selon la nature et la sensibilité de l’enquête administrative en cause, d’autres actes d’enquête peuvent compléter le « criblage » réalisé au travers de la consultation de ces différents fichiers, par exemple une enquête de voisinage ou la convocation de la personne pour un entretien administratif.

 

  1.   Les enquêtes administratives spécifiques aux agents portuaires et aéroportuaires

Indépendamment des enjeux particuliers liés à l’exercice de certaines missions dans le cadre de professions sensibles, le code des transports (CT) contient plusieurs dispositions destinées à renforcer la sécurité des ports et des aéroports. Ces points d’entrée des personnes et des marchandises sur le territoire sont en effet des espaces de transit très sensibles.

Pour sécuriser les accès au sein des ports et des aéroports, le CT prévoit que l’autorité administrative peut limiter l’accès et la circulation dans certaines zones sensibles.

● Au sein des aérodromes, l’accès et la circulation à la zone côté piste sont ainsi soumis à autorisation et il existe des zones de sûreté à accès réglementé ([502]).

En outre, certains agents aéroportuaires doivent être spécifiquement habilités par l’autorité administrative, en l’occurrence le préfet ([503]), ce qui est notamment le cas des personnes ayant accès aux zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes, ainsi que de celles ayant accès aux approvisionnements de bord sécurisés au fret, aux colis postaux ou au courrier postal sécurisés.

La délivrance de cette habilitation est précédée d’une enquête administrative de sécurité donnant lieu à la consultation des fichiers précédemment énumérés ([504]).

Le contrôle des zones de sûreté à accès réglementé au sein des aéroports

L’accès et la circulation au sein des zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes sont soumis à une habilitation. Cette habilitation est délivrée par le préfet pour une durée maximale de cinq ans ([505]) et peut être retirée ou suspendue lorsqu’une incompatibilité est caractérisée ([506]).

Un titre de circulation est délivré par le préfet au bénéfice des personnes habilitées, leur permettant d’accéder et de circuler au sein des zones de sûreté de l’aérodrome ([507]).

Les agents chargés de certaines opérations d’inspection-filtrage des personnes, des objets et des véhicules ([508]) sont également agréés par le préfet et le procureur de la République après avoir été soumis à une enquête administrative de sûreté.

Les aérodromes sont créés, gérés et exploités soit par l’État, lorsqu’il s’agit d’aéroports d’intérêt national ou international ([509]) ainsi que ceux nécessaires à l’exercice des missions de l’État (activités militaires notamment), soit par les collectivités territoriales et leurs groupements ([510]).

● De la même manière, au sein des ports, certaines zones portuaires stratégiques pour l’entrée, la circulation et le contrôle des marchandises, sont soumises à des restrictions d’accès et ne sont rendues accessibles qu’à certains agents bénéficiant d’une habilitation spécifique.

Cette habilitation n’est délivrée qu’à l’issue d’une enquête administrative de sécurité au cours de laquelle les fichiers précédemment mentionnés sont consultés ([511]).

Le contrôle des zones d’accès restreint au sein des ports

Les zones d’accès restreint sont créées au sein de l’installation portuaire par un arrêté du préfet de département ([512]). Il y détermine les conditions particulières d’accès, de circulation et de stationnement des personnes, bagages, véhicules et des marchandises.

La circulation des personnes dans une zone d’accès restreint est subordonnée à la détention d’un document d’identité et d’un titre de circulation. La circulation d’un véhicule au sein de cette zone n’est possible que sous réserve de la détention d’un laissez-passer. La circulation des colis et marchandises est, quant à elle, subordonnée à la détention d’un justificatif d’accès ou de transit.

Au sein des plateformes portuaires, les personnes chargées d’une mission de sûreté doivent être titulaires d’un agrément individuel et l’accès permanent à une zone d’accès restreint n’est possible que pour les personnes habilitées. L’autorité administrative ne délivre cet agrément et cette habilitation qu’à l’issue d’une enquête administrative de sécurité ([513]).

Comme cela a été relevé dans un récent rapport d’information de la commission des Lois de l’Assemblée nationale ([514]), pour mieux sécuriser l’accès à ces zones sensibles, un protocole de reprise systématique des enquêtes administratives de sécurité conditionnant l’accès permanent aux installations portuaires sensibles a été mis en œuvre en janvier 2024 au sein de cinq ports sensibles situés dans les départements des Bouches-du-Rhône, de la Gironde, de la Manche, du Pas-de-Calais et des Pyrénées-Orientales. Ce protocole a été étendu à l’ensemble des installations portuaires sensibles du territoire national à compter du 1er octobre 2024.

Ce protocole a pour vocation de renforcer la conduite méthodique des enquêtes de sécurité en les durcissant et en les systématisant. Ce dispositif durci est toutefois limité aux enquêtes administratives de sécurité conditionnant les accès temporaires aux installations portuaires sensibles.

Pour mémoire, l’organisation des ports maritimes est prévue par l’article L. 5311-1 du CT qui distingue notamment trois types de ports :

– les grands ports maritimes et fluvio-maritimes relevant de l’État : il s’agit d’établissements publics de l’État, installés sur de vastes sites portuaires ([515]). Sur les 66 ports de commerce maritimes que compte le système portuaire maritime français, il existe 12 ports maritimes d’État, dont 11 grands ports maritimes ([516]) et un port d’intérêt national ([517]). Ces grands ports traitent plus de 80 % du trafic maritime de marchandises.

– les ports maritimes autonomes, relevant de l’État : il en existe deux, Paris ([518]) et Strasbourg.

– et les ports maritimes relevant des collectivités territoriales et de leurs groupements : il existe plus de 500 ports décentralisés, qui sont majoritairement des ports de plaisance, mais aussi, pour certains, d’importants ports de pêche ou de commerce.

  1.   Le dispositif introduit par la proposition de loi

Le présent article 22 renforce le cadre juridique applicable aux enquêtes administratives de sécurité en les systématisant au sein de toutes les administrations sensibles et en durcissant leurs modalités d’application pour les agents portuaires et aéroportuaires.

● En premier lieu, il est créé, au sein de l’article L. 114-1 du CSI, une obligation de conduite systématique des enquêtes administratives de sécurité pour les agents relevant de certaines administrations exposées à un risque particulier de corruption.

Les administrations et services publics concernés, dont la liste est fixée par un décret pris en Conseil d’État, sont ceux au sein desquels « les risques de menace, de corruption ou de trafic d’influence liés à la criminalité organisée revêtent un caractère particulièrement important ou créent un risque d’une particulière gravité ».

L’obligation de conduite systématique d’une enquête administrative de sécurité s’applique dans deux cas :

– d’une part, l’enquête administrative est rendue obligatoire préalablement au recrutement, à l’affectation ou à la titularisation d’un agent dans l’un des services mentionnés ;

– d’autre part, l’enquête administrative est obligatoirement renouvelée pour ces agents au moins tous les trois ans ou selon un rythme défini par l’autorité hiérarchique en charge de l’administration ou du service concerné.

Par ailleurs, une enquête doit être systématiquement conduite sur les agents ayant fait l’objet d’un signalement par l’intermédiaire du point de contact unique mis en place au sein de l’administration ([519]).

● En second lieu, les modalités de mise en œuvre des enquêtes administratives de sécurité concernant les agents portuaires et aéroportuaires sont précisées et renforcées.

– Pour les agents portuaires, un nouvel article L. 5343-24 du CT prévoit que ces enquêtes sont systématiquement conduites préalablement aux décisions de recrutement, d’affectation, de titularisation, d’autorisation, d’agrément ou d’habilitation des ouvriers dockers permanents ou occasionnels.

L’enquête est ensuite renouvelée au moins tous les trois ans ou selon un rythme défini par l’autorité hiérarchique en charge de l’administration ou du service concerné.

Une enquête est également systématiquement conduite sur un agent portuaire ayant fait l’objet d’un signalement par l’intermédiaire du point de contact unique mis en place au sein de l’installation portuaire ([520]).

Enfin, une enquête administrative de sécurité est obligatoirement conduite préalablement à la désignation d’un membre du conseil de surveillance ([521]) et du directoire ([522]) des grands ports maritimes ou fluvio-maritimes, ainsi que d’un membre du conseil d’administration ([523]) d’un port autonome. L’enquête sur ces personnes est ensuite renouvelée chaque année.

– Pour les agents aéroportuaires, le nouvel article L. 6321-3-1 du CT prévoit, de la même manière, que des enquêtes administratives de sécurité doivent être conduites préalablement aux décisions de recrutement, d’affectation, de titularisation, d’autorisation, d’agrément ou d’habilitation des personnels d’exploitation des aérodromes.

L’enquête est renouvelée au moins tous les trois ans ou selon un rythme défini par l’autorité hiérarchique en charge de l’administration ou du service concerné.

Une enquête est également systématiquement conduite sur un agent aéroportuaire ayant fait l’objet d’un signalement par l’intermédiaire du point de contact unique mis en place au sein de l’installation portuaire ([524]).

  1.   Les modifications apportÉes par le SÉnat
    1.   Les modifications introduites en Commission

Lors de leur examen en commission des Lois, les dispositions de l’article 22 relatives au renforcement des enquêtes administratives de sécurité ont été significativement modifiées par l’adoption d’un amendement de réécriture des rapporteurs ([525]).

● En premier lieu, s’agissant du cadre juridique des enquêtes administratives de sécurité de droit commun, prévu par l’article L. 114-1 du CSI, la possibilité de procéder à de telles enquêtes a été généralisée pour l’ensemble des « emplois publics et privés exposant leurs titulaires à des risques de corruption ou de menaces liées à la criminalité organisée ».

En vertu de cette extension de l’application de ces dispositions, il est désormais possible de procéder à des enquêtes administratives de sécurité préalablement à toutes décisions administratives de recrutement, d’affectation, de titularisation, d’autorisation, d’agrément ou d’habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, pour l’ensemble de ces emplois publics ou privés sensibles, mais également au cours de la carrière de l’agent en question, pour s’assurer d’une absence d’incompatibilité.

En adoptant un autre amendement des Rapporteurs, la commission a également supprimé le caractère obligatoire de la conduite de telles enquêtes à la suite d’un signalement par l’intermédiaire du point de contact unique ([526]).

● En deuxième lieu, l’exigence d’une enquête administrative de sécurité préalable à la désignation des membres du conseil de surveillance des grands ports maritimes ou fluvio-maritimes et des membres du conseil d’administration d’un port autonome, ainsi que de son renouvellement annuel, a été supprimée. Seules ont été conservées les dispositions visant à rendre obligatoire l’enquête administrative portant sur les membres du directoire ([527]) des grands ports précédemment mentionnés.

● En troisième lieu, le champ d’application des dispositifs d’autorisation d’accès à des zones sensibles et d’agrément des personnels portuaires a été étendu.

En dehors des zones à accès restreint des ports, l’autorisation d’accès est désormais rendue obligatoire ([528]) pour les personnes accédant et circulant au sein de deux nouvelles installations :

– les installations portuaires au sein desquelles sont « déchargés, chargés, transbordés ou manutentionnés des conteneurs et, au sein de ces zones, un parc à conteneurs » ;

– les installations portuaires présentant des risques élevés ne comprenant pas de zone à accès restreint.

Par ailleurs, l’exigence d’habilitation préalable de certains agents portuaires a été étendue aux personnes accédant aux systèmes d’information des ports et aux systèmes d’exploitation des installations portuaires au sein desquelles sont « déchargés, chargés, transbordés ou manutentionnés des conteneurs et, au sein de ces zones, un parc à conteneurs » ([529]).

En outre, il est prévu la possibilité d’étendre l’obligation d’agrément à toute personne exerçant certaines fonctions portuaires dont la liste est déterminée par décret en Conseil d’État.

● En quatrième lieu, les modalités de délivrance des autorisations d’accès, des habilitations et agréments des agents portuaires ont été modifiées.

Celles-ci sont délivrées à la suite d’une enquête administrative réalisée dans les conditions prévues à l’article L. 114-1 du CSI :

– soit par l’autorité administrative, en ce qui concerne les autorisations d’accès permanent ou temporaire aux zones à accès restreint, aux parcs à conteneurs et aux installations portuaires présentant des risques élevés dont l’accès a été restreint au regard des circonstances locales et l’agrément et l’habilitation des agents portuaires ;

– soit par l’autorité administrative et le procureur de la République pour les agents chargés de procéder aux palpations de sûreté et aux fouilles des marchandises et des véhicules ([530]).

Les enquêtes administratives de sécurité concernant les agents autorisés à accéder à certaines zones, agréés ou habilités, doivent être renouvelées tous les ans. Ces dispositions relatives au renouvellement annuel des enquêtes administratives sont rendues applicables de manière rétroactive aux agréments et habilitations délivrés antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente proposition de loi ([531]).

Enfin, en cas de signalement par l’intermédiaire du point de contact unique, il est désormais prévu une simple possibilité de procéder à ces enquêtes administratives de sécurité sur l’agent en cause, qui ne sont plus obligatoires dans un tel cas ([532]).

● En dernier lieu, les dispositions relatives aux enquêtes administratives de sécurité sur les agents aéroportuaires ont été supprimées. Il est désormais uniquement prévu la faculté de procéder à de telles enquêtes à la suite d’un signalement effectué à propos de l’agent par l’intermédiaire du point de contact unique ([533]).

  1.   Les modifications introduites en séance publique

En adoptant un amendement du Gouvernement en séance publique ([534]), le Sénat a assoupli les conditions de mise en œuvre des opérations d’inspection-filtrage au sein des ports.

Parmi la liste des opérations d’inspection-filtrage autorisées, l’article 22 inclut désormais la possibilité de procéder à l’inspection visuelle des véhicules et des bagages ([535]).

Cet ajout complète les opérations qui pouvaient déjà être mises en œuvre au titre de ces contrôles de sûreté, à savoir la palpation de sûreté sur les personnes et la fouille de sûreté des véhicules, unités de transport intermodal, marchandises, bagages, colis et autres biens ([536]).

Pour procéder à l’inspection visuelle des véhicules et des bagages, sous réserve du consentement de leur propriétaire, les agents portuaires n’auront plus besoin d’être agréés par l’autorité administrative et pourront conduire cette opération de manière autonome, sans être placés sous le contrôle des officiers de police judiciaire et des agents des douanes, comme cela est actuellement le cas.

En revanche, la réalisation par des agents portuaires des palpations sur les personnes et des fouilles de sûreté demeure placée sous le contrôle des forces de sécurité intérieure, ces opérations ne pouvant être effectuées que par des agents agréés ([537]).

Il est également précisé qu’en cas de défaut de consentement de la personne, il pourra être procédé à ces opérations d’inspection-filtrage par des officiers de police judiciaire, des agents de police judiciaire ou des agents des douanes ([538]).

  1.   La position de la commission

À l’initiative du rapporteur, M. Caure, la commission des Lois a adopté deux amendements aménageant les conditions d’application de la procédure d’autorisation d’accès à certaines zones portuaires.

– En premier lieu ([539]), elle a précisé les installations portuaires concernées par l’autorisation d’accès, en supprimant la référence au parc à conteneurs qui semblait inopportune dès lors que le parc à conteneurs constitue une partie intégrante du terminal conteneurs.

De plus, elle a prévu que seules les zones dans lesquelles sont traités des conteneurs commerciaux sont concernées par cette procédure d’autorisation.

– En deuxième lieu, la commission des Lois a supprimé le principe de la réalisation systématique des enquêtes administratives de sécurité pour les personnes accédant de manière temporaire aux zones à accès restreint des ports.

Cette procédure a été remplacée par l’introduction d’une faculté, pour l’autorité administrative compétente, de demander la réalisation de telles enquêtes sur les personnes accédant de manière temporaire à ces zones, eu égard aux circonstances locales.

En effet, la procédure d’autorisation obligatoire pour les accès temporaires est de nature à entraîner des contraintes importantes et parfois non nécessaires, notamment car de nombreuses personnes accédant temporairement à ces zones à accès restreint ne le font que pour une durée de moins de 24 heures ([540]).

En adoptant un autre amendement du rapporteur M. Caure ([541]), la commission des Lois a précisé la rédaction des dispositions renforçant l’habilitation des agents accédant aux systèmes d’information des ports.

Elle a ainsi prévu que cet accès n’est admis que sous la responsabilité des autorités portuaires ou des exploitants d’installations portuaires.

De plus, l’entrée en vigueur des dispositions prévoyant le renouvellement des enquêtes administratives de sécurité pour les agents portuaires a été reportée à une date fixée par décret et au plus tard au 1er janvier 2026 ([542]).

Ce report de l’entrée en vigueur de ces dispositions permet de tenir compte des contraintes opérationnelles que cette généralisation fait peser sur les services chargés de réaliser ces enquêtes.

À l’initiative de Mme Firmin Le Bodo (Horizons), l’entrée en vigueur des autres dispositions en matière d’enquêtes administratives de sécurité a été reportée six mois après la publication des actes réglementaires et au plus tôt le 1er janvier de l’année suivant la publication de la loi ([543]).

– En troisième lieu, la procédure de refus, retrait ou d’abrogation des autorisations, agréments et habilitations des agents portuaires a été précisée pour assurer le respect du principe du contradictoire, également à l’initiative de Mme Firmin le Bodo ([544]).

Le nouvel article L. 5332-18-1 du code des transports prévoit ainsi que la personne doit pouvoir présenter des observations écrites et, le cas échéant, à sa demande, des observations orales.

Elle peut également demander à faire citer des témoins et se faire assister par une personne ou représenter par un mandataire de son choix. Toutefois, l’administration n’est pas tenue de satisfaire les demandes d’audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique.

Il a également été prévu l’exigence de motivation écrite et détaillée de la décision, qui doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, en indiquant notamment les faits incompatibles avec l’exercice des missions ou fonctions de l’agent.

Lorsque la décision a été prise dans l’urgence, les motifs qui la fondent sont communiqués à la personne concernée à sa demande, formulée dans les délais du recours contentieux.

L’exigence de motivation de la décision de retrait, de refus ou d’abrogation ne s’applique pas lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l’un des secrets ou intérêts protégés par la loi.

– En dernier lieu, sur proposition du rapporteur Caure, la commission des Lois a assuré l’application des dispositions de l’article 22 intégrées au sein du code de la sécurité intérieure ([545]) et du code des transports en outre-mer ([546]) et apporté des améliorations rédactionnelles et de coordination ([547]).

  1.   la procÉdure de signalement par l’intermÉdiaire d’un point de contact unique
    1.   L’État du droit
      1.   Les procédures de signalement et le statut du lanceur d’alerte

La dénonciation de faits susceptibles de constituer une infraction est encadrée par plusieurs dispositions qui, selon la qualité de l’auteur du signalement, visent soit à créer une obligation à la charge de l’autorité, soit à protéger le lanceur d’alerte.

L’article 40 du code de procédure pénale (CPP) impose ainsi aux agents publics de dénoncer au procureur de la République les crimes et délits dont ils ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions. Cette obligation ne s’applique cependant qu’aux « autorité constituée, […] officier public ou fonctionnaire ». Ces dispositions ne s’appliquent donc notamment pas à l’agent privé, qui n’est pas soumis à une telle exigence.

En effet, l’obligation de dénoncer une infraction « incombe à l’agent public à raison de son statut et de son rôle dans notre société et par laquelle il contribue au fonctionnement de la justice [mais elle] se distingue de l’alerte éthique qu’une personne décide, en conscience, de lancer. » ([548])

Le signalement par un citoyen de faits susceptibles de constituer une infraction relève quant à lui des dispositions applicables au « lanceur d’alerte », statut défini par l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin 2 » ([549]).

Ce statut organise une protection de l’auteur du signalement, sur lequel ne pèse aucune obligation de dénonciation. La loi du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte ([550]) a renforcé ce statut protecteur et clarifié la définition du lanceur d’alerte, en transposant la directive du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union ([551]).

Pour bénéficier de ce statut protecteur, le lanceur d’alerte doit remplir certaines conditions ([552]) parmi lesquelles peuvent notamment être citées les exigences suivantes :

– il doit être une personne physique ;

– le signalement doit être effectué sans contrepartie financière directe et de bonne foi ;

– le signalement doit porter sur des informations obtenues dans le cadre d’activités professionnelles ou dont l’individu a eu personnellement connaissance ;

– les informations signalées doivent porter sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement ;

– certaines informations sont exclues du régime de l’alerte, il s’agit des faits, informations ou documents, quels que soient leur forme ou leur support, qui sont couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client.

L’alerte peut être donnée en employant plusieurs canaux de signalement :

● Le canal « interne » permet à certaines personnes ([553]) de signaler des faits qui se sont produits ou qui sont susceptibles de se produire dans l’entité concernée, dès lors qu’elles ne s’exposent pas à un risque de représailles.

Au sein des petites entités – organisations de moins de cinquante agents ou salariés et des communes de moins de 10 000 habitants – les signalements qui passent par ce canal interne peuvent être adressés au supérieur hiérarchique direct ou indirect, à l’employeur ou à un référent. Les autres organisations ([554]) doivent établir une procédure interne de recueil et de traitement des signalements.

● Le canal « externe », qui peut être utilisé directement ou après mise en œuvre de la voie interne, permet de signaler des faits à une autorité extérieure qui peut être :

– l’une des autorités désignées par le décret du 3 octobre 2022 ([555]) ;

– le Défenseur des droits ;

– l’autorité judiciaire ;

– ou une entité européenne compétente.

● La divulgation publique est quant à elle strictement encadrée et n’est possible que dans certaines situations :

– elle peut intervenir après avoir effectué un signalement externe sans qu’aucune mesure appropriée n’ait été prise après un délai de six mois ;

– elle est possible en cas de danger grave et imminent, ou en cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général si l’information a été obtenue dans le cadre professionnel ;

– elle est enfin admise lorsque la saisine de l’une des autorités compétentes ferait encourir à son auteur un risque de représailles ou qu’elle ne permettrait pas de remédier efficacement à l’objet de la divulgation.

Pour ces deux derniers cas, la divulgation publique n’est cependant pas autorisée lorsqu’elle porte atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale.

Enfin, les procédures de recueil des alertes doivent garantir « une stricte confidentialité de l’identité des auteurs du signalement, des personnes visées par celui-ci et des informations recueillies par l’ensemble des destinataires du signalement » ([556]). À l’exception des informations transmises à la justice, seul le lanceur d’alerte peut consentir à la divulgation d’informations susceptibles de l’identifier ([557]).

Le fait de révéler de telles informations est constitutif d’un délit puni de deux ans d’emprisonnement et 3 000 euros d’amende.

La conservation des données recueillies dans le cadre du signalement fait également l’objet d’un encadrement. Les signalements ne peuvent être conservés que le temps strictement nécessaire et proportionné à leur traitement et à la protection de leurs auteurs, des personnes qu’ils visent et des tiers qu’ils mentionnent. Pour apprécier le caractère raisonnable de cette durée de conservation, il est toutefois tenu compte des délais d’éventuelles enquêtes complémentaires ([558]).

  1.   La protection du lanceur d’alerte

Lorsque l’alerte a été donnée conformément aux dispositions de l’article 8 de la loi « Sapin 2 » et que l’ensemble des conditions d’application du statut de lanceur d’alerte sont réunies, l’auteur du signalement bénéficie d’une protection légale qui s’articule autour des divers mécanismes de soutien et d’accompagnement suivants :

● La répression des actes de représailles :

Les actes de représailles, que sont notamment le licenciement, l’intimidation ou l’atteinte à la réputation ([559]), sont pénalement réprimés comme étant constitutifs d’une infraction de discrimination ([560]). Ils sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

L’interdiction des mesures de représailles s’applique aussi bien à l’égard du lanceur d’alerte lui-même que de ses proches qui ont joué un rôle de « facilitateur » de l’alerte ([561]).

● L’irresponsabilité civile et pénale :

La possibilité d’engager des poursuites à l’encontre de l’auteur d’un signalement est parfois utilisée de manière abusive, pour décourager le lanceur d’alerte dans sa démarche. Ces procédures dites « baillons » ont pour objectif de perturber les démarches de signalement, le lanceur d’alerte étant contraint pour chacune d’elles d’organiser sa défense ([562]).

Pour empêcher l’exercice abusif de ces actions en justice, le lanceur d’alerte bénéficie d’une protection contre la mise en cause de sa responsabilité.

Sur le plan civil, la responsabilité du lanceur d’alerte ne peut pas être engagée pour les préjudices que son signalement a causés ([563]).

Sur le plan pénal, il bénéficie d’une exonération de responsabilité pénale pour avoir révélé un secret protégé ou pour avoir, dans ce cadre, intercepté ou conservé de manière licite des documents confidentiels liés à son alerte, lorsque cela était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause ([564]).

L’irresponsabilité civile et pénale est cependant limitée aux seules informations dont le signalement ou la divulgation était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause.

● La prise en charge des frais de justice des lanceurs d’alerte :

En début de procès, le juge peut accorder une provision pour frais de justice au lanceur d’alerte qui conteste une mesure de représailles ou qui subit une procédure « bâillon » initiée à son encontre (à l’instar par exemple d’une constitution de partie civile pour diffamation) ([565]).

Le juge peut également allouer une provision supplémentaire au lanceur d’alerte dont la situation financière s’est gravement dégradée.

  1.   L’insuffisance du dispositif d’alerte actuel pour le signalement des faits de corruption

Comme l’a récemment mis en évidence un rapport d’information ([566]), le dispositif actuel reposant sur le statut de lanceur d’alerte apparaît inadapté pour le signalement des faits de corruption en lien avec le trafic de stupéfiants et la criminalité organisée.

En effet, en raison de leurs caractéristiques intrinsèques, liées à la discrétion et à la sophistication des stratégies d’influence employées par les organisations criminelles, les faits de corruption sont difficiles à caractériser.

La stratégie corruptrice des organisations criminelles repose sur un processus progressif, afin d’endormir la vigilance de la cible en lui donnant l’impression que son action est dérisoire et de l’entraîner dans une participation de plus en plus poussée au trafic.

La compromission peut ainsi commencer par une incitation financière ou débuter par un « service gratuit » rendu entre amis, proches ou membres de la famille. La cible d’intérêt corrompue ayant accepté de rendre ce service (qui peut consister par exemple dans le prêt d’un badge d’accès, la désactivation des caméras, la facilitation des accès…), souvent en contrepartie de sommes d’argents conséquentes, est ensuite bien souvent contrainte de poursuivre son implication à force de pressions, de menaces, d’actes d’intimidation voire de violences physiques à son encontre ou dirigés vers ses proches.

Par ailleurs, aux côtés de ces actions de corruption très visibles, se développe un phénomène de corruption dite de « basse intensité ».

La corruption de basse intensité, aussi dénommée corruption administrative ou bureaucratique, correspond à la compromission d’agents intermédiaires, c’est-à-dire d’individus situés dans une chaîne hiérarchique et soumis à une autorité de haut niveau. Les agents ciblés ont des attributions qui semblent anodines mais ont en commun une capacité à accéder à des lieux, ou à des données primordiales pour favoriser la réussite de l’entreprise criminelle.

Selon le rapport d’information précédemment mentionné ([567]), le phénomène corruptif serait ainsi, malgré son inquiétant développement, très largement sous-évalué et trop faiblement dénoncé. Les capacités de détection de ce phénomène, y compris des « signaux faibles » de la compromission qui initie souvent un processus de glissement vers la corruption, doivent donc s’adapter à l’ampleur du risque corruptif.

Les agents qui travaillent au sein des administrations et des secteurs d’activité particulièrement soumis au risque corruptif apparaissent comme étant les mieux placés pour détecter ce phénomène et révéler les failles au sein des dispositifs de sécurité qui facilitent la compromission.

C’est la raison pour laquelle certains secteurs d’activité particulièrement exposés au risque de corruption ont pris l’initiative de renforcer leur dispositif de signalement de ces faits.

Au sein de certains ports, des mécanismes d’alerte interne ont ainsi été créés. Ces systèmes permettent notamment aux agents portuaires de signaler les menaces ou les intimidations qu’ils subissent afin de renforcer leur protection. Ils seraient néanmoins encore peu utilisés dans la pratique, car ils ne bénéficient pas d’une notoriété suffisante.

D’autres ports européens ont fait le choix de mettre en œuvre des systèmes d’alerte national et centralisé, à l’instar du dispositif belge « Port Watch » qui offre la possibilité de signaler via un site internet ([568]) de manière anonyme toute activité suspecte au sein des ports.

Comme l’ont souligné les co-rapporteurs du rapport d’information visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants, l’avantage d’un tel système, mis en place à l’échelle nationale, réside dans la forte visibilité et médiatisation de la plateforme de signalement ainsi que dans la capacité à centraliser l’ensemble des informations obtenues pour permettre un croisement de ces renseignements ([569]).

  1.   Le dispositif introduit par la proposition de loi

Le présent article 22 crée une nouvelle procédure de signalement en matière de corruption liée à la criminalité organisée par l’intermédiaire d’un point de contact unique.

Cette procédure de signalement par l’intermédiaire de ce point de contact unique est en grande partie inspirée de la procédure applicable aux lanceurs d’alerte. Elle se superpose ainsi avec ces dispositions, en créant un autre canal interne de transmission du signalement dédié à certains faits.

Le nouvel article L. 114-3 du CSI prévoit l’obligation de désigner un point de contact unique de signalement au sein des administrations et des services publics dans lesquels ont été identifiés des risques particuliers de menace, de corruption ou de trafic d’influence liés à la criminalité organisée. La liste de ces administrations et services est fixée par décret en Conseil d’État et repose sur la caractérisation d’un risque particulièrement important ou d’une particulière gravité. Il est également laissé la faculté à d’autres administrations et services publics de se doter d’un tel point de contact afin de faciliter la constatation des infractions liées à la criminalité organisée.

La procédure de signalement ainsi créée n’est pas centralisée puisque différents points de contact sont créés au sein de chaque administration concernée.

Ce point de contact unique a vocation à recueillir certains signalements lorsqu’ils portent sur les faits suivants :

– les menaces et tentatives de menace ([570]) commises à l’encontre d’un ou plusieurs agents de l’administration concernée ;

– la corruption ou la tentative de corruption active ou passive ([571]) à l’encontre de ces mêmes agents ;

– le trafic d’influence ou sa tentative concernant un ou plusieurs de ces agents ([572]) ;

– tout comportement observé au sein du service ou aux abords géographiques immédiats des emprises de ce service laissant suspecter l’existence d’un fait ou d’une tentative de menace, de corruption ou de trafic d’influence ;

– la commission par un agent, en tant qu’auteur ou co-auteur, d’un crime ou d’un délit de trafic de stupéfiants ([573]), ou la tentative des mêmes infractions.

Il peut être relevé que l’ensemble de ces faits est constitutif de crimes, de délits, de menace ou d’un préjudice pour l’intérêt général. Ceux-ci peuvent donc d’ores et déjà être signalés dans le cadre de la procédure applicable aux lanceurs d’alerte.

Les procédures de signalement mises en œuvre par l’intermédiaire du point de contact unique doivent garantir la confidentialité de l’identité des auteurs du signalement, des personnes visées par celui-ci et de tout tiers mentionné dans le signalement ainsi que des informations recueillies par l’ensemble des destinataires du signalement.

Il doit également être aménagé la possibilité de signaler des faits de manière anonyme.

Les auteurs des signalements effectués par l’intermédiaire de ce point de contact bénéficient de plusieurs mesures protectrices.

Il leur est en effet accordé la protection applicable aux lanceurs d’alerte ([574]) sans condition de respect des critères relatifs à ce statut ([575]). En particulier, il n’est pas exigé que l’auteur du signalement ait agi de bonne foi et sans contrepartie financière.

Sur le modèle des dispositions applicables aux lanceurs d’alerte, il est également prévu que l’auteur du signalement doit consentir à la divulgation des informations susceptibles de l’identifier, en-dehors du cas dans lequel ces informations sont destinées à être transmises à la justice. La communication de ces informations à l’autorité judiciaire n’est toutefois admise qu’une fois établi le caractère fondé de l’alerte.

Cette confidentialité est garantie par la création d’un nouveau délit sanctionnant le fait de révéler ces informations de deux ans d’emprisonnement et 3 000 euros d’amende.

La conservation des données recueillies dans le cadre du signalement est encadrée de la même manière que pour les signalements effectués par les lanceurs d’alerte ([576]).

Il est prévu une nouvelle infraction sanctionnant l’obstacle à la transmission d’un signalement d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ([577]). Les personnes coupables de cette infraction encourent également la peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision prononcée ([578]).

Pour éviter les procédures « baillons » à l’encontre de l’auteur du signalement, le montant de l’amende civile qui peut être prononcée en cas d’action abusive ou dilatoire est porté à 60 000 euros ([579]).

Enfin, il est prévu une obligation pour le procureur de la République d’aviser le point de contact unique des suites données aux signalements qui lui ont été transmis. Cette information, donnée par écrit, est destinée à éclairer l’administration sur la nature des décisions judiciaires prononcées à l’encontre de ses agents en indiquant si une décision de condamnation, même non définitive, ou de mise en examen a été prise à son encontre.

La transmission de cette information est toutefois exclue lorsqu’elle est susceptible de porter atteinte au bon déroulement de la procédure judiciaire.

L’obligation générale de mise en place d’un point de contact unique est déclinée pour les ports et les aérodromes au sein de dispositions dédiées insérées dans le CT ([580]).

Selon le rapport fait au nom de la commission des Lois du Sénat sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic ([581]) , ces dispositions s’appuient sur les conclusions des travaux de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier. La commission d’enquête aurait en effet « mis en évidence le caractère « parcellaire » du dispositif anticorruption mis en place dans les administrations publiques [et] tient pour indispensable que l’ensemble des cas de corruption ou de manquement à la probité puissent faire l’objet d’un signalement aux services d’inspection des différentes administrations. Or, [la commission d’enquête] relève que « c’est loin d’être le cas aujourd’hui : la plupart des dossiers échappent à leur connaissance et sont traités par des services d’investigation spécialisés ou de droit commun ainsi que par les cellules de déontologie. Les inspections n’ont ainsi pas connaissance des faits de corruption dite “de basse intensité” (...) [qui] constitue pourtant un levier pour la criminalité organisée : moins visible, jugée “moins grave”, elle peut continuer à étendre son emprise. De fait, conditionner la remontée des informations à l’écho rencontré par les faits de corruption ne permet absolument pas de construire un dispositif anticorruption robuste. Ce sont ces signaux faibles qui sont aujourd’hui les plus inquiétants dans le lien entre corruption et narcotrafic » » ([582]).

  1.   Les modifications apportÉes par le SÉnat
    1.   Les modifications introduites en Commission

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement des Rapporteurs ([583]) précisant le champ d’application de la procédure de signalement par l’intermédiaire du point de contact unique en l’étendant à l’ensemble des faits susceptibles de caractériser une infraction de corruption ou de trafic d’influence ([584]).

Elle a également limité à un an la durée de conservation maximale des données relatives aux signalements et prévu que le décret d’application de ces dispositions devait être pris après un avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

Enfin, en adoptant un second amendement des Rapporteurs ([585]), la commission a étendu le champ d’application de l’obligation faite au procureur de la République d’informer l’administration des décisions judiciaires prises à l’encontre d’un agent qu’elle emploie.

Ces dispositions ont été intégrées au sein d’un nouvel article 11-2-1 du CPP et n’ont plus seulement vocation à s’appliquer aux décisions rendues à la suite de la transmission d’un signalement par le point de contact unique.

Le bénéfice de cette obligation d’information a en effet été étendu à toute administration, toute personne morale chargée d’une mission de service public ainsi que tout autre ordre professionnel qui emploie une personne pour laquelle l’une des décisions suivantes a été prise, lorsqu’elles sont relatives à une poursuite pour des faits de criminalité organisée ([586]) :

– une décision de condamnation même non définitive ;

– une décision de saisine d’une juridiction de jugement ou d’un juge d’instruction ;

–  ou une décision de mise en examen.

Il est toutefois dérogé à cette obligation d’information sans délai de l’administration, du service ou de l’ordre concerné, lorsque cette transmission est susceptible de porter atteinte au bon déroulement de la procédure judiciaire.

Par ailleurs, il est aménagé la faculté pour le procureur de la République d’informer l’administration employeur des soupçons de participation à une infraction de criminalité organisée qui pèsent sur son agent, lorsque les faits sont susceptibles, en raison de leur gravité ou de la nature des fonctions exercées par la personne soupçonnée, de causer un trouble au fonctionnement du service.

Il est renvoyé à l’application des dispositions des II à V de l’article 11-2 du CPP qui prévoient la confidentialité de l’information transmise, l’interdiction de transmettre une condamnation dont la mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire a été exclue par la juridiction de jugement, la suppression obligatoire pour l’ordre professionnel dentinaire des informations transmises lorsque la procédure s’est terminée par un non-lieu ou une décision de relaxe ou d’acquittement et renvoient à l’application de l’article D. 1-13 du CPP qui détaille les modalités de transmission de cette information.

L’introduction de ces nouvelles dispositions suscite les remarques suivantes :

● En premier lieu, ces dispositions renversent le principe existant de faculté d’information, par le procureur de la République, d’une administration ou d’un ordre professionnel.

En effet, il existe déjà des dispositions au sein du CPP pour aménager le principe du secret des investigations prévu à l’article 11 de ce code.

En particulier, l’article 11-2 du CPP prévoit la possibilité pour le ministère public d’informer par écrit toute administration, personne publique, personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public ou tout ordre professionnel concernés de certaines décisions judiciaires qui sont prises à l’encontre d’une personne qu’elle emploie ou dont l’activité professionnelle est placée sous son contrôle, lorsqu’elles concernent un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement.

Il est ainsi possible pour le procureur de la République, dans ce cadre, de transmettre à l’administration ou l’ordre concerné les décisions de condamnation même non définitive, de saisine d’une juridiction de jugement ou d’instruction, ainsi que de mise en examen.

Le ministère public conserve toute liberté pour apprécier l’opportunité de cette transmission d’information. En particulier, il n’y procède que s’il l’estime nécessaire pour mettre fin ou prévenir un trouble à l’ordre public ou pour assurer la sécurité des personnes et des biens.

Cette faculté de transmission de certaines décisions judiciaires, prévue à l’article 11-2 du CPP, demeure néanmoins encadrée. En particulier, la communication des éléments de la procédure ne peut intervenir avant la mise en mouvement de l’action publique, et notamment pas au stade de la garde à vue ([587]).

Il est donc déjà possible pour le procureur de la République, en l’état du droit en vigueur, de transmettre, lorsqu’il l’estime nécessaire, l’ensemble des décisions en lien avec des faits de criminalité organisée concernant un agent à l’administration ou au service public qui l’emploie.

● En deuxième lieu, cette nouvelle disposition s’inspire en partie de celle prévue à l’article 11-3 du CPP, récemment introduit par la loi du 10 mai 2024 ([588]).

Cet article prévoit en effet une nouvelle obligation, pour le ministère public, de transmettre aux ordres des professionnels de santé les décisions de condamnation ou de placement sous contrôle judiciaire prises par l’autorité judiciaire à l’encontre d’un professionnel sur lequel ils ont autorité, lorsque la procédure concerne certaines infractions susceptibles d’être commises dans le cadre d’une dérive sectaire ([589]).

Il peut être relevé que le Conseil d’État avait eu l’occasion de se prononcer sur ces dispositions dans l’avis rendu sur le projet de loi. Il avait rappelé à cette occasion les enjeux constitutionnels entourant la transmission d’informations judiciaires à des tiers : « la transmission d’informations nominatives à caractère pénal par le ministère public doit être justifiée par des impératifs de protection d’autres droits ou intérêts de même valeur avec lesquels les droits ou intérêts légitimes de la personne concernée doivent se concilier. Ainsi, le Conseil d’État considère qu’en fonction des risques encourus dans un domaine d’activité déterminé, le maintien de l’ordre public, la sécurité des personnes ou des biens ou le bon fonctionnement du service public peuvent justifier la transmission à l’administration ou à l’autorité chargée du contrôle de cette activité d’informations nominatives à caractère pénal » ([590]).

Le Conseil d’État avait cependant suggéré dans cet avis, malgré la délimitation du champ d’application de la disposition qu’il était envisagé d’introduire, de ne pas la retenir, estimant qu’elle n’était pas nécessaire compte tenu de la faculté, prévue à l’article 11-2 du CPP pour le procureur de la République de communiquer à des administrations et ordres professionnels certaines décisions prononcées par l’autorité judiciaire ([591]).

● En dernier lieu, la singularité de ces dispositions réside dans le champ particulièrement large des informations pouvant être communiquées par l’autorité judiciaire aux tiers.

Ces dispositions se démarquent ainsi de celles existantes en matière de transmission d’information judiciaire en prévoyant une faculté pour le procureur de la République d’informer par écrit l’administration qui emploie une personne dépositaire de l’autorité publique dès lors qu’elle serait simplement soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction de criminalité organisée.

Cette faculté va au-delà de celle aménagée de manière générale pour tous les crimes et délits punis d’une peine d’emprisonnement par l’article 11-2 du CPP.

La transmission d’information est donc susceptible d’intervenir particulièrement tôt, dès le moment du placement en garde à vue de la personne soupçonnée, alors même qu’aucune décision d’engagement des poursuites n’a été prise.

En prévoyant une telle faculté pour l’autorité judiciaire d’informer une administration des simples soupçons qui pèsent sur un agent, le risque est d’encourager l’administration à prendre des mesures disciplinaires à l’égard de cette personne, alors même que la procédure judiciaire pourrait ne pas aboutir.

  1.   Les modifications introduites en séance publique

Les dispositions relatives à la procédure de point de contact unique de signalement des faits en lien avec la criminalité organisée n’ont pas fait l’objet de modification lors de leur examen en séance publique au Sénat.

  1.   La position de la commission

À l’initiative du rapporteur M. Caure, la commission des Lois a supprimé la procédure de signalement par l’intermédiaire d’un point de contact unique ([592]).

Ces dispositions relatives au point de contact unique de signalement soulevaient en effet plusieurs difficultés :

– En premier lieu, leur articulation avec les dispositions relatives aux lanceurs d’alerte n’était pas évidente.

Le signalement par le biais du point de contact unique n’avait vocation à concerner que les faits de corruption et de menace en lien avec la criminalité organisée. Ces faits peuvent déjà être signalés par un lanceur d’alerte. Mais il est délicat pour l’auteur du signalement de connaître a priori le lien des faits qu’il entend révéler avec la criminalité organisée.

Or, il s’agissait de l’un des critères permettant de déterminer s’il relevait du statut de lanceur d’alerte ou au contraire des nouvelles dispositions de signalement par le biais du point de contact unique.

En tout état de cause, il apparaît que la procédure de signalement prévue dans le cadre du dispositif du lanceur d’alerte permet déjà à quiconque de signaler des menaces ou des faits de corruption en lien avec la criminalité organisée. L’objectif poursuivi par les dispositions relatives au signalement par le biais du point de contact unique est donc d’ores et déjà atteint.

– En second lieu, la protection dont bénéficie l’auteur du signalement par le biais du point de contact unique apparaissait à la fois trop large et inadaptée.

Cette protection était trop large car les mesures protectrices applicables au lanceur d’alerte lui étaient appliquées quand bien même l’auteur du signalement par le biais du point de contact unique ne remplissait pas les conditions du statut de lanceur d’alerte.

En particulier, si l’auteur du signalement de faits de corruption en lien avec la criminalité organisée est de mauvaise foi et qu’il cherche à diffamer un tiers en l’accusant ou qu’il a reçu une contrepartie financière, il était malgré tout susceptible de bénéficier de l’ensemble des mesures protectrices prévues par la loi « Sapin 2 ».

Ces mesures protectrices apparaissent également inadaptées au regard des enjeux du signalement de faits en lien avec la criminalité organisée. En effet, ces dispositions applicables au lanceur d’alerte visent essentiellement à éviter les représailles pouvant être commises dans le cadre d’une relation contractuelle de droit commun, comme les mesures de licenciement ou de discrimination dans l’emploi exercé. Elles permettent également d’éviter au lanceur d’alerte de subir des procédures « baillons ».

Or, en matière de dénonciation de faits en lien avec la criminalité organisée, la menace qui pèse sur l’auteur du signalement n’est pas celle d’un licenciement ou de l’engagement d’une action en diffamation, mais plutôt celle de subir des actes d’intimidation et des mesures de rétorsion par les auteurs du trafic de stupéfiants.

Il n’était donc pas garanti que cette nouvelle procédure de signalement soit suffisamment protectrice pour encourager la dénonciation de ces faits.

Par ailleurs, la commission des Lois a adopté deux amendements identiques, dont l’un du rapporteur M. Caure supprimant la faculté pour le procureur de la République d’informer une administration des soupçons de commission d’infraction qui pèsent sur l’agent qu’elle emploie ([593]).

Une telle possibilité apparaît en effet porter une atteinte excessive aux droits ou intérêts légitimes de la personne concernée, dès lors qu’elle intervient avant même la décision de mise en mouvement de l’action publique.

  1.   Le renforcement des obligations en matiÈre de dÉtection et de prÉvention de la corruption
    1.   L’État du droit
      1.   Les obligations de détection et prévention de la corruption prévues par la loi « Sapin 2 »

L’article 17 de la loi du 9 décembre 2016 dite « Sapin 2 » ([594]), prévoit une obligation générale de prévention et de détection de la corruption qui s’impose aux dirigeants de certaines entreprises ou d’établissements publics à caractère industriel et commercial et aux personnes morales. Cette obligation dite « de conformité » comprend diverses mesures destinées à prévenir et à détecter la commission, en France ou à l’étranger, de faits de corruption et de trafic d’influence pour les sociétés ou groupes dont la société mère a son siège social en France.

Elle ne s’impose cependant qu’à certaines personnes, sous réserve de remplir une double condition liée à l’effectif et au chiffre d’affaires : il s’agit des sociétés ou groupes d’au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 100 millions d’euros.

Il existe huit mesures et procédures à mettre en œuvre dans le cadre de cette obligation de conformité :

– un code de conduite définissant et illustrant les différents types de comportements à proscrire comme étant susceptibles de caractériser des faits de corruption ou de trafic d’influence ;

– un dispositif d’alerte interne destiné à permettre le recueil des signalements émanant d’employés et relatifs à l’existence de conduites ou de situations contraires au code de conduite ;

– une cartographie des risques prenant la forme d’une documentation régulièrement actualisée et destinée à identifier, analyser et hiérarchiser les risques d’exposition de la personne morale à des sollicitations externes aux fins de corruption, en fonction notamment des secteurs d’activité et des zones géographiques dans lesquels la personne morale exerce son activité ;

– des procédures d’évaluation de la situation des clients, fournisseurs de premier rang et intermédiaires au regard de la cartographie des risques ;

– des procédures de contrôles comptables, internes ou externes, destinées à s’assurer que les livres, registres et comptes ne sont pas utilisés pour masquer des faits de corruption ou de trafic d’influence ;

– un dispositif de formation destiné aux cadres et aux personnels les plus exposés aux risques de corruption et de trafic d’influence ;

– un régime disciplinaire permettant de sanctionner les salariés de la personne morale en cas de violation du code de conduite ;

– un dispositif de contrôle et d’évaluation interne des mesures mises en œuvre.

L’Agence française anti-corruption (AFA) est notamment chargée du contrôle de l’existence, de la qualité et de l’efficacité de ces différentes mesures ([595]). Ce contrôle administratif s’exerce préalablement à toute infraction et indépendamment d’enquêtes et de poursuites engagées pour des infractions de corruption.

Les manquements à l’obligation générale de conformité sont passibles de sanctions administratives allant du simple avertissement ou de l’injonction de se mettre en conformité à une amende administrative d’un montant maximal d’un million d’euros pour les personnes morales et de 200 000 euros pour les personnes physiques ([596]). Le montant de cette sanction pécuniaire est proportionné à la gravité des manquements constatés et à la situation financière de la personne physique ou morale sanctionnée. La sanction peut également faire l’objet d’une publication, diffusion ou affichage.

Les entreprises assujetties à l’obligation de conformité sont ainsi susceptibles d’être sanctionnées du seul fait de l’absence de programme de prévention et de détection des faits de corruption, indépendamment même de soupçons d’infractions commises.

Les acteurs publics doivent également mettre en œuvre des procédures pour prévenir et détecter les faits d’atteinte la probité, toutefois la loi « Sapin 2 » ne détaille pas, comme elle le fait pour les acteurs privés, la nature de ces mesures. C’est l’AFA qui est chargée d’élaborer et de mettre à jour des recommandations destinées à aider les personnes morales de droit public à prévenir et à détecter ces faits. Ces recommandations sont adaptées à la taille des entités concernées et à la nature des risques identifiés ([597]).

Les acteurs publics ne sont donc pas stricto sensu soumis aux exigences de l’article 17 de la loi « Sapin 2 ». Ils sont cependant incités à respecter cette obligation.

Ainsi, l’AFA doit contrôler « de sa propre initiative, la qualité et l’efficacité des procédures mises en œuvre au sein de l’administration de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et sociétés d’économie mixte, et des associations et fondations reconnues d’utilité publique pour prévenir et détecter les faits de corruption », ainsi que « le respect des mesures mentionnées au II de l’article 17 » ([598]).

Toutefois, ce contrôle ne peut aboutir à la prise de sanctions à l’encontre des acteurs publics qui en font l’objet, à la différence des contrôles diligentés à l’égard des personnes privées ([599]).

Dans le cadre d’un rapport d’évaluation de la mise en œuvre par la France de la Convention de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la lutte contre la corruption paru en décembre 2021, l’AFA estimait qu’environ 3 000 entités en France – entreprises ou groupe (société mère/filiales) – étaient susceptibles d’être assujetties à l’obligation de conformité ([600]).

Toutefois, comme il l’a été révélé dans un récent rapport d’information ([601]), certaines entreprises de taille intermédiaire, pourtant particulièrement soumises au risque corruptif, échappent à cette obligation de conformité car elles ne remplissent pas les conditions de seuils.

Dans la pratique, beaucoup d’entreprises intervenant notamment sur les plateformes portuaires sont des filiales françaises de groupes étrangers qui passent largement les seuils au niveau du groupe mais qui ne sont pas assujetties à ce dispositif, les sièges comptabilisés pour remplir la condition de seuil se situant hors de France.

Ces entreprises d’infrastructures portuaires très exposées au risque corruptif ne sont donc pas astreintes à l’obligation de mettre en place des dispositifs de prévention et de détection des atteintes à la probité.

  1.   L’enjeu particulier de sécurisation des ports face au risque de corruption

En raison de leur emplacement stratégique aux points d’entrée des marchandises sur le territoire national, les zones portuaires constituent des espaces de grande fragilité particulièrement exposés au risque corruptif. L’infiltration de ces infrastructures est spécialement convoitée par les organisations criminelles.

Comme l’a mis en évidence le rapport d’information susmentionné ([602]), le risque corruptif s’est aujourd’hui diffusé à l’ensemble du secteur portuaire et concerne tant les acteurs privés que publics qui y interviennent : manutentionnaires, transporteurs et dockers sont ainsi devenus les cibles privilégiées des organisations criminelles pour infiltrer ces infrastructures.

En effet, le personnel portuaire est situé au plus près des zones d’arrivée des marchandises et le rôle des agents dans la manutention des conteneurs ainsi que leur capacité à intervenir pour déposer, transporter ou prélever de la drogue est particulièrement recherché par les trafiquants.

Par ailleurs, les agents portuaires détiennent une connaissance parfaite des infrastructures et du fonctionnement portuaire et disposent d’accès permettant, par exemple, de fausser les données de localisation, dans les systèmes informatiques des grands ports maritimes et des exploitants de terminaux.

En dépit de ces incontestables fragilités, le rapport précité a mis en évidence l’insuffisante protection des ports face à la menace que la corruption fait peser sur les personnels y travaillant.

La sécurisation des infrastructures portuaires repose en effet sur la mise en place d’un plan de sûreté portuaire, qui n’intègre pas le risque corruptif.

Le plan de sûreté du port

Tous les ports maritimes et toutes les installations portuaires doivent faire l’objet d’une évaluation de sûreté établie par le préfet de département qui peut, le cas échéant, habiliter un organisme de sûreté à cet effet ([603]).

Au regard de cette évaluation, l’autorité portuaire ou l’exploitant d’une installation portuaire établit, ou fait établir par un organisme de sûreté habilité, un plan de sûreté du port. Le plan de sûreté est approuvé par le préfet de département puis mis en œuvre respectivement par l’autorité portuaire et par l’exploitant de l’installation portuaire ([604]).

Ce plan détermine les procédures à suivre, les mesures à mettre en place et les actions à mener en matière de sûreté pour prévenir les menaces identifiées par l’évaluation de sûreté du port et en reprend les prescriptions ([605]). L’arrêté du 22 avril 2008 définissant les modalités d’établissement des évaluations et des plans de sûreté portuaires et des installations portuaires détermine le contenu du plan.

La durée de validité de cette évaluation et du plan de sûreté est au maximum de cinq ans. L’autorité portuaire désigne un agent de sûreté du port pour la mise en œuvre du plan parmi le personnel placé sous son autorité, pour une durée maximale de cinq ans renouvelable ([606]).

Source : Rapport d’information visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants déposé par la commission des Lois de l’Assemblée nationale et présenté par MM. Antoine Léaument et Ludovic Mendes, 17 février 2025, page 108.

Il n’existe aujourd’hui aucune obligation légale ou réglementaire permettant d’intégrer au sein du plan de sûreté des ports des mécanismes de prévention de la corruption et d’apprécier, dans le cadre de l’évaluation de sûreté portuaire associée, le niveau de la menace de corruption au sein de chaque port.

Par ailleurs, le même rapport d’information souligne, parmi les moyens de sécurisation des infrastructures portuaires, la place importante des systèmes de vidéoprotection privés déployés par les opérateurs sur l’ensemble de la zone portuaire ([607]).

Ces systèmes de vidéoprotection sont mis en œuvre par des opérateurs privés et ne relèvent donc pas du cadre légal prévu par le code de la sécurité intérieur (CSI) applicable aux images captées sur la voie publique.

De ce fait, comme il l’est mentionné dans le rapport d’information, il existe une grande hétérogénéité des pratiques en ce qui concerne la durée de conservation et l’accès à ces images.

Le cadre légal applicable aux systèmes de vidéoprotection sur la voie publique

Pour mémoire et à titre de comparaison, en ce qui concerne le régime juridique des images captées sur la voie publique, l’article L. 252-1 du CSI précise que l’installation d’un tel système de vidéoprotection est subordonnée à une autorisation du préfet après avis de la commission départementale de vidéoprotection.

Pour les images captées sur la voie publique par des caméras fixes, la durée de conservation des images est précisée dans l’autorisation donnée par l’autorité préfectorale et ne peut pas excéder trente jours ([608]). L’autorisation peut prévoir une durée minimale de conservation ([609]).

Les systèmes de vidéoprotection installés par les opérateurs de transports doivent également respecter le cadre instauré aux articles L. 251-1 à L. 255-1 du CSI.

Dans un rapport d’information ([610]), il a ainsi pu être constaté que le parc de caméras de l’emprise de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle comportait environ 10 000 caméras, réparties à la fois sur les parkings, les pistes mais aussi dans les parties ouvertes au public. La durée maximale de conservation des données ainsi enregistrées est de trente jours pour les dispositifs fixes.

L’accès aux images est possible soit dans le cadre de réquisitions judiciaires, soit dans le cadre de l’exercice du droit d’accès par une personne filmée.

L’article L. 252-3 du CSI précise que l’autorisation préfectorale nécessaire à la mise en place d’un système de vidéoprotection sur la voie publique peut prescrire que certains agents habilités, notamment des services de police, de gendarmerie et des douanes peuvent être destinataires des images et des enregistrements après avis de la commission départementale de protection. La durée maximale de conservation des données transmises dans ce cadre est d’un mois.

Comme il l’a été relevé dans le rapport d’information susmentionné, le régime juridique de la vidéoprotection sur la voie publique prévu par le CSI n’est pas totalement en conformité avec les règles de protection des données personnelles prévues par le règlement général sur la protection des données RGPD ([611]) et la loi « Informatique et Libertés » dite « LIL » ([612]).

À cet égard, la Cour des comptes ([613]) a déjà eu l’occasion de rappeler que les dispositifs de vidéo-protection devaient respecter les exigences liées à l’entrée en vigueur du RGPD :

« La réglementation relative à la vidéoprotection sur l’espace public a été définie dans les années 1990 et n’a pas été modifiée pour tenir compte des évolutions des technologies, des pratiques, ou de l’environnement juridique. Il apparaît désormais urgent de la réformer. Plusieurs dispositions de code de la sécurité intérieure sont obsolètes par rapport à certains outils devenus d’usage courant. Surtout, le code n’a pas encore tiré les conséquences du nouveau cadre juridique relatif à la protection des données à caractère personnel entré en vigueur en mai 2018. […] Le cloisonnement entre le régime de la vidéoprotection et celui de la protection des données à caractère personnel doit être remis en cause.

Par ailleurs, le cadre légal n’identifie pas la gestion du maintien de l’ordre comme finalité de la vidéoprotection, alors que la direction de l’ordre public et de la circulation de la préfecture de police de Paris l’utilise fréquemment à cette fin. De même, le code de la sécurité intérieure n’évoque pas explicitement l’élucidation à des fins judiciaires comme finalité de la vidéoprotection ».

Les co-rapporteurs du rapport précité recommandaient donc d’engager une refonte des règles applicables aux dispositifs de vidéoprotection dans l’espace public, ayant constaté l’éparpillement des règles en la matière et l’absence d’uniformité de régime notamment en matière de durée de conservation et d’accès à ces données ([614]).

Source : Rapport d’information n° 1089 sur les enjeux de l’utilisation d’images de sécurité dans le domaine public dans une finalité de lutte contre l’insécurité, de MM. Philippe Gosselin et Philippe Latombe, déposé le mercredi 12 avril 2023.

  1.   Le dispositif introduit par la proposition de loi

L’article 22 crée un nouvel article 17-1 au sein de la loi du 9 décembre 2016 dite « Sapin 2 » prévoyant que l’ensemble des services des administrations au sein desquels des risques particuliers ([615]) de corruption ou de trafic d’influence liés à la criminalité organisée ont été identifiés sont soumis à l’obligation de conformité prévue à l’article 17 de cette même loi.

En application de cette nouvelle disposition, l’ensemble de ces services de l’administration doivent mettre en œuvre les huit mesures et procédures destinées à prévenir et détecter les risques de corruption et de trafic d’influence, précédemment énumérées.

La liste de ces services est dressée par décret en Conseil d’État, lequel détermine également les conditions dans lesquelles le contrôle du respect de ces mesures et procédures est assuré par l’AFA ou un autre service compétent.

  1.   Les modifications apportÉes par le SÉnat
    1.   Les modifications introduites en Commission

La commission a réécrit les dispositions de l’article 22 modifiant la loi « Sapin 2 » en adoptant un amendement des rapporteurs ([616]).

Cette nouvelle rédaction a pour effet de ne pas inclure dans le champ d’application de l’obligation de conformité prévue par l’article 17 de la loi « Sapin 2 » les administrations publiques.

Elle permet en revanche d’intégrer dans le périmètre d’application de cette obligation les présidents, directeurs généraux et gérants des personnes morales exploitant des installations portuaires.

  1.   Les modifications introduites en séance publique

Lors de l’examen de l’article 22 en séance publique au Sénat, plusieurs amendements ont été adoptés pour renforcer la sécurité au sein des espaces portuaires :

● En premier lieu, en adoptant un amendement déposé par la rapporteure ([617]), le cadre légal applicable à la vidéoprotection au sein des ports a été précisé.

Le nouvel article L. 5332-14 du CT prévoit ainsi la possibilité pour l’autorité administrative d’exiger la mise à disposition des images captées par le système de vidéosurveillance de l’installation portuaire et de ses abords immédiats au profit des agents de la police nationale, de la gendarmerie nationale ou des douanes.

Les modalités de cette transmission sont prévues par convention, laquelle doit également préciser la durée de conservation de ces images par les services à qui elles ont été communiquées, cette durée ne pouvant excéder trente jours.

Il est renvoyé à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les modalités de la communication de ces images aux services bénéficiaires.

L’autorité administrative peut également imposer à l’exploitant de l’installation portuaire une durée de conservation des images captées par le même système de vidéosurveillance mis en œuvre, celle-ci ne pouvant pas non plus excéder trente jours.

– En deuxième lieu, le contenu des plans de sûreté des ports a été précisé pour y intégrer le risque de corruption ([618]).

Les articles L. 5332-7 et L. 5232-10 du CT sont ainsi modifiés pour inscrire dans la loi l’obligation d’intégrer au sein du plan de sûreté portuaire un volet dédié à la prévention et à la détection de la corruption liée à la criminalité organisée.

– En dernier lieu, il a été prévu une nouvelle possibilité pour l’autorité administrative de refuser l’accès aux ports de certains navires ([619]).

Le champ d’application de l’interdiction administrative d’accès aux ports, prévue à l’article L. 5241-4-5 du CT, a ainsi été étendu aux navires utilisés pour participer à un trafic de stupéfiants ou à tout navire opérant pour le compte d’une compagnie de navigation maritime ayant déjà participé un tel trafic.

  1.   LA POSITION DE LA COMMISSION

En adoptant l’amendement CL51 de M. Bernalicis (LFI), la commission des Lois a rendu obligatoire la formation des agents portuaires et aéroportuaires contre la corruption.

Elle a également apporté des modifications rédactionnelles aux dispositions de l’article 22 relatives notamment au contenu du plan de sûreté portuaire ([620]) au cadre légal en matière de vidéoprotection des ports ([621]).

*

*     *

Adopté par la Commission avec modifications

      Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 22 bis de la proposition de loi a été introduit lors de l’examen du texte en commission des Lois au Sénat ([622]).

Il prévoit, d’une part, l’extension du régime procédural dérogatoire applicable en matière de délinquance et de criminalité organisées aux infractions de corruption d’agents publics et de trafic d’influence et de corruption d’agents privés en bande organisée, lorsque ces infractions sont commises en lien avec cette matière. Cette extension permet notamment l’application des techniques spéciales d’enquête pour la recherche et la poursuite de ces infractions.

D’autre part, ce nouvel article crée une circonstance aggravante de bande organisée pour les infractions de corruption d’agents privés, pour porter les peines encourues à 10 ans d’emprisonnement et 1 million d’euros d’amende.

     Dernières modifications législatives intervenues

L’article 8 de la loi n° 2024-850 du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France a étendu le champ d’application des techniques spéciales d’enquête aux délits commis dans le but de servir les intérêts d’une puissance étrangère ou d’une entreprise ou d’une organisation étrangère ou sous contrôle étranger, lorsque cette circonstance porte la durée de la peine d’emprisonnement à cinq ans au moins.

      Modifications apportées par le Sénat

Lors de l’examen des dispositions de l’article 22 bis en séance publique, le Sénat a étendu l’application de l’ensemble des pouvoirs spéciaux d’enquête, à l’exception des règles dérogatoires en matière de garde à vue prévues à l’article 706-88 du CPP, aux infractions de corruption d’agents privés lorsque ces dernières sont commises en bande organisée.

     Position de la Commission

La commission des Lois a uniquement apporté des modifications rédactionnelles à l’article 22 bis.

  1.   L’état du droit
    1.   Les infractions de corruption et de trafic d’influence

Les infractions de corruption prévues dans le code pénal se répartissent en fonction de deux critères principaux de définition : d’une part, la distinction entre la corruption « active » et la corruption « passive » et, d’autre part, la spécificité des infractions de corruption publique par rapport aux infractions de corruption privée.

● La distinction entre corruption active et passive :

La corruption active consiste en la proposition à une personne d’accomplir ou de s’abstenir d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat, en échange d’un avantage. Cette infraction a ainsi vocation à réprimer le corrupteur.

La corruption passive se définit comme la sollicitation ou l’acceptation d’un avantage (offre, promesse, don, présent) pour soi-même ou pour autrui en échange d’un acte favorable ou d’une abstention entrant dans le cadre de ses fonctions ou facilité par ses fonctions ou son activité. Cette infraction vise ainsi à sanctionner le corrompu, y compris quand il a provoqué le corrupteur.

Cette distinction permet de contourner les règles applicables à la complicité en matière pénale : en réprimant de manière autonome le corrupteur, et non pas en tant que complice du corrompu, il est possible de le sanctionner alors même qu’il ne parviendrait pas effectivement à corrompre sa cible ([623]).

● La distinction entre corruption publique et privée :

Il existe plusieurs infractions de corruption en fonction de la qualité de l’agent qui commet les faits ou qui en est la cible :

– Les infractions de corruption publique sanctionnent les faits de corruption passive commis par des agents publics ([624]) et des agents de justice ([625]), nationaux ou étrangers ou internationaux ([626]) (c’est la qualité de l’auteur qui est ici déterminante), ainsi que les faits de corruption active ciblant ces mêmes agents ([627]) (c’est ici la qualité de la cible qui permet de caractériser le caractère public de la corruption active).

– Les infractions de corruption privée punissent les faits de corruption passive commis par des agents privés ([628]) ainsi que les faits de corruption active ciblant ces personnes ([629]).

Les délits de corruption publique sont punis de 10 ans d’emprisonnement et de 1 million d’euros d’amende ou du double du produit tiré de l’infraction ([630]). La peine d’amende peut par ailleurs être portée à 2 millions d’euros ou au double du produit de l’infraction qui excède ce montant lorsque celle-ci est commise en bande organisée. Cette circonstance aggravante ne s’applique toutefois pas aux infractions de corruption publique d’agents de justice nationaux ou internationaux ([631]).

Les délits de corruption privée sont punis de 5 ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende ou du double du produit tiré de l’infraction. Pour ces délits, il n’existe pas de circonstance aggravante lorsque les faits sont commis en bande organisée.

● Le trafic d’influence :

Infraction très proche de la corruption, le trafic d’influence consiste à obtenir d’une personne qu’elle utilise abusivement son influence réelle ou supposée auprès d’une autorité ou d’une administration, dans le but d’obtenir d’elle des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable.

Seul le trafic d’influence à destination d’une autorité ou d’une administration publique nationale, internationale ou étrangère est appréhendé par le code pénal.

– Le trafic d’influence actif à destination d’un particulier est prévu et réprimé au deuxième alinéa de l’article 433-2 du code pénal. Il est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 500 000 euros d’amende.

Lorsqu’il est réalisé à destination d’une personne exerçant une fonction publique – dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public – le trafic d’influence est prévu par l’article 433-1 de ce code. Les peines encourues sont de 10 ans d’emprisonnement et 1 million d’euros d’amende.

– Le trafic d’influence passif commis par un particulier est prévu par le premier alinéa de l’article 433-2 du code pénal. Il est puni des mêmes peines que le trafic d’influence actif à destination d’un particulier.

Lorsqu’il est commis par des personnes exerçant une fonction publique il est réprimé par le 2° de l’article 432-11 du même code. Il est, là encore, puni des mêmes peines que celles encourues pour le trafic d’influence actif à destination d’un agent public.

– Le trafic d’influence publique internationale ou étrangère est spécifiquement réprimé, dans sa forme active (articles 435-4 et 435-10 du code pénal) et passive (article 435-2 du même code).

À la différence du trafic d’influence nationale, la répression du trafic d’influence étrangère ne diffère pas selon la qualité d’agent public ou d’agent privé de la personne qui le commet ou de la personne envers laquelle il est réalisé.

Il est ainsi toujours puni de 5 ans d’emprisonnement et de 500 000 euros d’amende.

  1.   Le cadre procÉdural applicable aux enquÊtes en matiÈre de corruption

Les infractions de corruption ne sont pas listées au sein de l’article 706-73 du code de procédure pénale (CPP) qui détermine le régime juridique applicable à la délinquance et la criminalité organisées.

La non inclusion de ces infractions au sein de la définition de la criminalité organisée a été critiquée au moment de l’introduction de cet article par la loi du 9 mars 2004 ([632]), la doctrine considérant que la corruption y avait toute sa place ([633]). Lors de l’examen de cette loi, un amendement, rejeté en première lecture par la commission des Lois de l’Assemblée nationale, proposait pourtant de mentionner au sein de l’article 706-73 l’ensemble des délits de corruption ([634]).

Sans inscrire la corruption parmi les infractions relevant du champ de la criminalité organisée, la loi du 13 novembre 2007 ([635]) a inclus certains de ces délits au sein d’un article 706-1-3 du CPP relatif aux infractions économique et financière et y a étendu l’application de certains pouvoirs spéciaux d’investigation.

En effet, à la différence du régime applicable aux délits de délinquance et de criminalité organisées pour lesquels le recours à l’ensemble des techniques spéciales d’enquête est possible, certaines ont été écartées pour les investigations portant sur ces délits économiques et financiers et notamment la garde à vue prolongée (de 96 heures) prévue à l’article 706-88 du CPP et les perquisitions nocturnes mentionnées aux articles 706-89 à 706-94 du même code. Le recours à de telles mesures n’apparaissait pas justifié « par rapport à la gravité des infractions concernées » ([636]).

Par ailleurs, toutes les infractions de corruption n’étaient pas concernées par cette extension de l’application des pouvoirs spéciaux d’enquête : seules les infractions de corruption publique figuraient au sein de l’article 706-1-3 du CPP, à l’exclusion des infractions de corruption privée.

Par la suite, la loi du 6 décembre 2013 ([637]) a déplacé ces dispositions au sein de l’article 706-1-1 du CPP et en a étendu la portée à d’autres infractions d’atteinte à la probité, tout en excluant de son champ d’application les délits de corruption privée.

L’article 706-1-1 du CPP prévoit ainsi désormais la possibilité de recourir à certains pouvoirs spéciaux d’enquête pour la recherche et la constatation des infractions entrant dans son champ d’application :

– la surveillance (articles 706-80 à 706-80-2 du CPP) ;

– l’infiltration (articles 706-81 à 706-87 du CPP) ;

– les écoutes téléphoniques sur autorisation du juge des libertés et de la détention en cours d’enquête (article 706-95 du CPP) et l’accès à distance aux correspondances stockées par la voie des communications électroniques (articles 706-95-1 à 706-95-3 du CPP) ;

– le recueil des données techniques de connexion et des interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques (l’IMSI-catcher ([638])) (article 706-95-20 du CPP) ;

– les sonorisations et fixations d’images de certains lieux ou véhicules par décision du juge d’instruction (articles 706-96 à 706-102 du CPP) ;

– la captation de données informatiques (article 706-102-1 à 706-102-9 du CPP) ;

– et la possibilité d’ordonner des mesures conservatoires (article 706-103 du CPP).

Il est dès lors toujours impossible de recourir aux deux techniques spéciales d’enquête suivantes : la garde à vue prolongée de 96 heures avec possibilité de différer l’intervention de l’avocat si certaines circonstances particulières l’exigent (articles 706-88 du CPP) ainsi que les perquisitions de nuit ou en l’absence de la personne placée en garde à vue ou détenue (articles 706-89 à 706-94 du CPP).

La loi prévoyait initialement d’étendre l’application du régime dérogatoire de la garde à vue prévu par l’article 706-88 du CPP aux infractions économique et financière listées au sein de cet article, mais cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel. Le Conseil a en effet estimé que l’application de cette technique spéciale d’enquête à ces infractions, qui ne constituent ni des crimes ni des atteintes à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes, emportait une atteinte disproportionnée aux droits de la défense ([639]).

Par cette décision, le Conseil constitutionnel a précisé sa jurisprudence relative à l’application des techniques spéciales d’enquête pour des infractions d’atteinte à la probité. Il opère une distinction entre, d’une part, les pouvoirs spéciaux d’enquête et de surveillance et, d’autre part, les mesures de garde à vue ([640]).

Pour les premières, il a jugé que : « le législateur a estimé que la difficulté d’appréhender les auteurs de ces infractions tient à des éléments d’extranéité ou à l’existence d’un groupement ou d’un réseau dont l’identification, la connaissance et le démantèlement posent des problèmes complexes ; qu’eu égard à la gravité des infractions qu’il a retenues, le législateur a pu, à cette fin, fixer des règles spéciales de surveillance et d’investigation ; que, compte tenu des garanties encadrant la mise en œuvre de ces mesures spéciales d’enquête et d’instruction, les atteintes au respect de la vie privée et au droit de propriété résultant de leur mise en œuvre ne revêtent pas un caractère disproportionné au regard du but poursuivi » ([641]).

S’agissant en revanche des règles dérogatoires de garde à vue, le Conseil a jugé « qu’à l’exception du délit prévu par le dernier alinéa de l’article 414 du code des douanes, les infractions énumérées par l’article 706-1-1, de corruption et de trafic d’influence ainsi que de fraude fiscale et douanière, constituent des délits qui ne sont pas susceptibles de porter atteinte en eux-mêmes à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes ; qu’en permettant de recourir à la garde à vue selon les modalités fixées par l’article 706-88 du code de procédure pénale au cours des enquêtes ou des instructions portant sur ces délits, le législateur a permis qu’il soit porté à la liberté individuelle et aux droits de la défense une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi » ([642]).

En application des dispositions de l’article 706-1-1 du CPP, ces pouvoirs spéciaux d’investigation peuvent être mis en œuvre pour la recherche et la constatation des infractions de corruption active et passive d’agents publics ainsi que de trafic d’influence mais sont exclus en matière de corruption d’agents privés.

Il peut enfin être souligné qu’aux régimes applicables aux infractions de délinquance et de criminalité organisées (article 706-73 du CPP) et aux infractions économiques et financières (article 706-1-1 du CPP) s’ajoute le régime de la délinquance organisée complexe prévu à l’article 706-73-1 du CPP qui s’applique notamment aux infractions d’escroquerie en bande organisée et de blanchiment. Ce régime intermédiaire du point de vue de l’intensité des techniques spéciales d’enquête pouvant être mises en œuvre prévoit l’application pour ces infractions de l’ensemble de ces dernières à l’exception des règles dérogatoires de la garde à vue (article 706-88 du CPP).

Le Conseil constitutionnel a en effet estimé, à l’instar des délits d’atteinte à la probité, que les délits d’escroquerie en bande organisée ne sont pas susceptibles de porter atteinte en eux-mêmes à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes et qu’en conséquence permettre le recours aux mesures de garde à vue dérogatoire de l’article 706-88 du CPP emportait une atteinte disproportionnée au but poursuivi à la liberté individuelle et aux droits de la défense ([643]).

Il en est de même pour les faits de blanchiment, de recel et d’association de malfaiteurs en lien avec des faits d’escroquerie en bande organisée, pour lesquels l’application des règles dérogatoires de garde à vue porte une atteinte à la liberté individuelle et aux droits de la défense non proportionnée au but poursuivi ([644])

La disparité des régimes d’application des techniques d’enquête s’explique ainsi par ce cadre constitutionnel conduisant à moduler l’intensité de leur mise en œuvre en fonction des critères suivants :

– D’un côté, la prise en compte de la complexité et de la gravité des infractions en cause : le Conseil constitutionnel prend en considération, d’une part, le fait que la justice se heurte à des problèmes complexes pour identifier, connaître et démanteler des bandes organisées et, d’autre part, le fait qu’il s’agit d’infractions graves. Le Conseil constitutionnel a précisé que la caractérisation de ces critères de particulière gravité et complexité ne pouvait résulter du seul caractère criminel de l’infraction en cause ([645]). Ces critères permettent d’apprécier la proportionnalité de l’application à ces infractions des pouvoirs spéciaux d’investigation.

– De l’autre côté, la nature des infractions en cause et la prise en compte de la valeur protégée par celles-ci : pour les infractions qui ne constituent ni des crimes ni des atteintes à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes, le recours à la garde à vue exceptionnelle prolongée jusqu’à 96 heures avec possibilité de reporter l’intervention de l’avocat jusqu’à la 48ème heure peut porter une atteinte disproportionnée aux droits de la défense et à la liberté individuelle.

Ainsi, les infractions en matière de délinquance et de criminalité organisées mentionnées à l’article 706-73 du CPP, pour lesquelles le recours aux règles dérogatoires de la garde à vue prévues à l’article 706-88 du CPP est autorisé sont des infractions qui correspondent à ces différents critères.

– il s’agit d’infractions qui présentent un caractère de particulière complexité tenant soit au profil spécifique de leurs auteurs, soit à l’existence d’un groupement ou d’un réseau et qui revêtent un caractère de particulière gravité, notamment parce qu’il s’agit de crimes ([646]) ;

– et qui, pour la plupart ([647]), sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes.

Le tableau ci-dessous présente le régime procédural applicable aux infractions de corruption en l’état du droit en vigueur.

Le régime procéduraL applicable aux infractions de corruption en l’état du droit en vigueur

Techniques spéciales d’enquête

Régime procédural et infractions concernées

Régime de l’article 706-1-1 du CPP

Régime de droit commun

Corruption publique et trafic d’influence (1)

Corruption privée (2)

Surveillance

Oui

Non

Infiltration

Oui

Non

Interceptions téléphoniques et accès à distance aux correspondances

Oui

Non

IMSI-catcher

Oui

Non

Sonorisations et captation d’images

Oui

Non

Captation de données informatiques

Oui

Non

Mesures conservatoires

Oui

Non

Perquisitions de nuit

Non

Non

Régime dérogatoire de garde à vue

Non

Non

(1) : Infractions prévues aux articles 432-11, 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-4, 435-7 à 435-10 du CP.

(2) : Infractions prévues aux articles 445-1 à 445-2-1 du CP.

  1.   Les arguments en faveur de l’extension des pouvoirs spÉciaux d’enquÊte aux infractions de corruption privÉe

Comme le relève un récent rapport d’information ([648]), l’exclusion des infractions de corruption privée du champ d’application des pouvoirs spéciaux d’enquête soulève en pratique des difficultés pour la poursuite et la caractérisation de ces infractions.

D’abord, les infractions de corruption sont devenues le support des stratégies d’infiltration criminelles employées au soutien de la commission de crimes et de délits de criminalité organisée. Ces infractions sont en effet de plus en plus fréquemment commises pour faciliter l’organisation du trafic de stupéfiants. La sphère privée n’est d’ailleurs pas épargnée par ce risque corruptif ([649]).

En matière de trafic de stupéfiants, la corruption revêt ainsi un intérêt stratégique pour les organisations criminelles et lorsque la réalisation de cette infraction est en lien avec les activités du réseau, elle s’inscrit pleinement au sein de leur activité de criminalité organisée.

Dès lors, il ne semble pas cohérent d’exclure les infractions de corruption privée commises en lien avec des activités de délinquance et de criminalité organisées du champ d’application de la procédure spéciale prévue en cette matière. De ce point de vue, le régime dérogatoire applicable en matière de corruption publique, prévu à l’article 706-1-1 du CPP, autorisant notamment la mise en œuvre de moyens d’investigations particuliers, devrait être étendu aux faits de corruption privés commis par les groupes de trafiquants de stupéfiants. En effet, les infractions de corruption commises dans ce cadre revêtent un degré certain de complexité et de gravité, pouvant justifier l’autorisation de recourir à ces pouvoirs spéciaux d’enquête ([650]).

Ensuite, il faut souligner que le recours aux techniques spéciales d’enquête est autorisé dans le cadre des investigations menées pour des faits de trafic de stupéfiants ([651]). En effet, l’utilisation de méthodes d’investigation spéciales se justifie en raison de la difficulté d’appréhender les auteurs de trafic de stupéfiants qui font partie d’un « groupement d’un réseau dont l’identification, la connaissance et le démantèlement posent des problèmes complexes » ([652]). Il est dès lors possible de mettre en œuvre ces techniques lorsque, comme cela est encore très souvent le cas ([653]), les faits de corruption sont qualifiés, par facilité, de complicité de trafic de stupéfiants.

  1.   Le dispositif introduit par la commission des Lois au SÉnat

En adoptant un amendement de M. Étienne Blanc ([654]), la commission des Lois du Sénat a introduit un nouvel article 22 bis qui procède à plusieurs modifications s’agissant du régime procédural et de répression des infractions de corruption :

● D’une part, cet article étend l’application de l’ensemble des techniques spéciales d’enquête aux crimes et délits de corruption d’agents public et de trafic d’influence et aux délits de corruption d’agents privés commis en bande organisé, lorsque ces infractions sont commises en relation avec l’une de celles entrant dans le champ de la délinquance et de la criminalité organisées.

Par l’effet de cette modification, il est introduit un nouveau régime de techniques spéciales d’enquête pour les infractions de corruption :

– le premier régime est celui prévu par l’article 706-1-1 du CPP : il s’applique aux infractions de corruption publique et de trafic d’influence sans lien avec la délinquance ou la criminalité organisée ;

– à celui-ci se superpose un deuxième régime, prévu par l’article 706-73 du CPP complété par l’amendement adopté : il s’applique aux infractions de corruption publique et de corruption privée en bande organisée lorsqu’elles sont commises en lien avec la délinquance et de criminalité organisées ;

– enfin, le régime de droit commun, excluant l’application des techniques spéciales d’enquête, s’applique aux infractions de corruption privée lorsqu’elles ne sont pas aggravées par la circonstance de bande organisée et qu’elles sont sans lien avec la délinquance ou la criminalité organisées.

Le tableau ci-dessous recense les différentes techniques d’enquête qu’il est possible de mettre en œuvre en application de ces trois régimes distincts.

Les différents régimes procéduraux applicables aux infractions de corruption prévuS par l’article 22 bis (texte de la commission des Lois du Sénat)

Techniques spéciales d’enquête

Régime procédural et infractions concernées

Régime de l’article 706-76 du CPP

Régime de l’article 706-1-1 du CPP

Régime de droit commun

Corruption publique (1) en lien avec la délinquance ou la criminalité organisées

Corruption privée (2) en bande organisée et en lien avec la délinquance ou la criminalité organisées

Corruption publique (3) sans lien avec la délinquance ou la criminalité organisées

Corruption privée non commise en bande organisée et sans lien avec la délinquance ou la criminalité organisées

Surveillance

Oui

Oui

Non

Infiltration

Oui

Oui

Non

Interceptions téléphoniques et accès à distance aux correspondances

Oui

Oui

Non

IMSI-catcher

Oui

Oui

Non

Sonorisations et captation d’images

Oui

Oui

Non

Captation de données informatiques

Oui

Oui

Non

Mesures conservatoires

Oui

Oui

Non

Perquisitions de nuit

Oui

Non

Non

Régime dérogatoire de garde à vue

Oui

Non

Non

(1) : Infractions prévues aux articles 432-11, 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1 et 435-1 à 435-4 du CP.

(2) : Infractions prévues aux articles 445-1 à 445-2-2 du CP.

(3) : Infractions de corruption publique passive (1° de l’article 432-11, 435-1, 435-7 du CP), trafic d’influence passif (2° de l’article 432-11, 435-8 du CP), de corruption active publique et trafic d’influence actif (articles 433-1, 433-2, 434-9, 435-3, 435-9 et 435-10 du CP), de trafic d’influence étrangère (articles 435-2 et 435-4 du CP).

– D’autre part, cet article crée une nouvelle circonstance de bande organisée applicable aux délits de corruption privée ayant pour effet de porter les peines encourues à 10 ans d’emprisonnement et 1 million d’euros d’amende (au lieu de 5 ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende).

  1.   Les modifications introduites en sÉance publique au SÉnat

En adoptant un amendement du Gouvernement ([655]), le Sénat a étendu l’application de la perquisition de nuit à l’ensemble des infractions de corruption publique. De plus, il a étendu l’application de l’ensemble des pouvoirs spéciaux d’enquête, à l’exception des règles dérogatoires en matière de garde à vue prévues à l’article 706-88 du CPP, aux infractions de corruption d’agents privés lorsque ces dernières ont été commises en bande organisée.

Par cohérence, les infractions de corruption privée ont été retirées du champ d’application de l’article 706-1-1 du CPP applicable aux infractions économique et financière et sont désormais incluses au sein de l’article 706-73-1 du même code qui détermine le régime de la délinquance organisée complexe.

Désormais, le critère permettant de moduler l’intensité du régime procédural applicable aux techniques d’enquête en matière de corruption réside essentiellement dans leur lien avec la délinquance et la criminalité organisées.

Si ce lien est établi, l’ensemble des techniques spéciales d’enquête pourra être mis en œuvre en application de l’article 706-76 du CPP. Si ce lien n’existe pas, il pourra seulement être recouru aux pouvoirs spéciaux d’enquête à l’exception des dispositions relatives à la garde à vue dérogatoire.

En revanche, l’application du régime dérogatoire des techniques spéciales d’enquête est exclue pour les infractions de corruption privée qui ne sont pas commises en bande organisée.

Le tableau ci-dessous synthétise ces évolutions.

Les différents régimes procéduraux applicables aux infractions de corruption prévuS par l’article 22 bis

Techniques spéciales d’enquête

Régime procédural et infractions concernées

Régime de l’article 706-76 du CPP

Régime de l’article 706-73-1 du CPP

Régime de droit commun

Corruption publique (1) en lien avec la délinquance ou la criminalité organisées

Corruption privée (2) en bande organisée et en lien avec la délinquance ou la criminalité organisées

Corruption publique (1) sans lien avec la délinquance ou la criminalité organisées

Corruption privée (2) en bande organisée sans lien avec la délinquance ou la criminalité organisées

Corruption privée non commise en bande organisée

Surveillance

Oui

Oui

Oui

Non

Infiltration

Oui

Oui

Oui

Non

Interceptions téléphoniques et accès à distance aux correspondances

Oui

Oui

Oui

Non

IMSI-catcher

Oui

Oui

Oui

Non

Sonorisations et captation d’images

Oui

Oui

Oui

Non

Captation de données informatiques

Oui

Oui

Oui

Non

Mesures conservatoires

Oui

Oui

Oui

Non

Activation à distance des appareils électroniques aux fins de captation d’images et de sons (3)

Oui

Oui

Oui

Non

Perquisitions de nuit

Oui

Oui

Oui

Non

Régime dérogatoire de garde à vue

Oui

Non

Non

Non

(1) : Infractions prévues aux articles 432-11, 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1 et 435-1 à 435-4 du CP.

(2) : Infractions prévues aux articles 445-1 à 445-2-2 du CP.

(3) : Modification de l’article 706-96 du CPP et introduction du nouvel article 706-99 du CPP par les articles 15 ter et 15 quater de la présente proposition de loi (voir le commentaire de ces articles dans le présent rapport).

  1.   LA POSITION DE LA COMMISSION

La commission des Lois a adopté un amendement rédactionnel et n’a pas modifié sur le fond les dispositions de l’article 22 bis ([656]).

 

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Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif initial et effets principaux

Le présent article prévoit la remise à la délégation parlementaire au renseignement (DPR) d’un rapport annuel relatif à la mise en œuvre des dispositifs techniques de lutte contre la délinquance et la criminalité organisées en prison. Il introduit, en outre, une nouvelle section dans le code pénitentiaire permettant d’autoriser les services de l’administration à procéder à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs aux fins de lutter contre l’introduction, dans les établissements pénitentiaires, de substances ou de moyens de communication dont la détention est illicite.

Par ailleurs, cet article modifie le code de procédure pénale pour appliquer aux délits relevant du champ de la délinquance et criminalité organisées les délais de détention provisoire prévus en matière criminelle. Il comprend, enfin, plusieurs dispositions modifiant les modalités de traitement des demandes de mise en liberté formées par les personnes placées en détention provisoire et apporte également des précisions sur les délais d’audiencement d’une affaire délictuelle renvoyée par le juge d’instruction devant le tribunal correctionnel.

       Dernières modifications législatives intervenues

Plusieurs des articles du code de procédure pénale visés par le présent article ont été modifiés par la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 : c’est notamment le cas des articles 145-1 et 145-2 relatifs aux régimes de détention provisoire, de l’article 148‑2 sur les demandes de mise en liberté ou encore de l’article 706-71 relatif à l’usage de la visioconférence dans le cadre de la procédure pénale.

Par ailleurs, l’article 179 relatif aux ordonnances de règlement du juge d’instruction a été modifié par la loi n° 2024-1061 du 26 novembre 2024 visant à sécuriser le mécanisme de purge des nullités pour ouvrir la possibilité de soulever un moyen de nullité devant les juridictions de jugement pour le seul cas des nullités qui n’auraient pu être connues des parties avant la clôture de l’instruction.

       Modifications apportées par le Sénat

En commission, comme en séance publique, le Sénat a largement revu et étendu les différentes dispositions proposées par le texte initial.

Dans sa rédaction initiale, le présent article procédait à plusieurs modifications touchant à la procédure pénale et au droit pénitentiaire. Ces différents sujets seront présentés successivement.

       Position de la Commission

La Commission a adopté vingt amendements, dont douze amendements rédactionnels et huit amendements modifiant les dispositions relatives aux demandes de mise en liberté, afin de supprimer plusieurs d’entre elles et d’ouvrir aux avocats la possibilité de les déposer par voie dématérialisée.

  1.   Les dispositions en matière d’incarcération des narcotrafiquants
    1.   L’état du droit

À ce jour, l’administration pénitentiaire n’a pas la possibilité d’utiliser des drones-caméras pour sécuriser les établissements pénitentiaires.

Seuls sont autorisés les dispositifs de vidéo-surveillance fixes et les caméras individuelles, c’est-à-dire portées par les agents. Expérimenté à partir de 2020, l’emploi de ces caméras individuelles a été pérennisé par l’article 43 de la n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

Les modalités d’usage de ces caméras sont fixées par l’article L. 223-20 du code pénitentiaire qui prévoit notamment que celles-ci sont utilisées « pour les missions présentant, en raison de leur nature ou du niveau de dangerosité des personnes détenues concernées, un risque particulier d’incident ou d’évasion » (premier alinéa) et que l’enregistrement n’est pas permanent (deuxième alinéa).

  1.   Le dispositif proposé par le Sénat
    1.   Les dispositions initiales

● En premier lieu, le présent article prévoyait la remise à la délégation parlementaire au renseignement (DPR) ([657]) d’un rapport annuel relatif à la mise en œuvre des dispositifs techniques de lutte contre la délinquance et la criminalité organisées en prison (I de l’article 23).

Cette disposition visait à répondre aux difficultés rencontrées par la commission d’enquête du Sénat pour obtenir des informations concernant les dispositifs de brouillage téléphonique installés dans les établissements pénitentiaires([658]). Le rapport soulignait ainsi qu’« il est en effet difficilement compréhensible que la commission d’enquête n’ait pas pu obtenir de réponse claire quant à la proportion de zones ou d’établissements pénitentiaires dans lesquels l’usage des téléphones portables est effectivement et complètement brouillé par des équipements fixes ou mobiles, et que des incertitudes puissent encore exister quant à l’effectivité du brouillage opéré dans les établissements qui disposent pourtant de matériels fixes mais où, de toute évidence, les communications avec l’extérieur restent possibles » ([659]).

● Transcrivant également la recommandation n° 25 de la commission d’enquête sénatoriale, l’article 23 ajoutait au sein du code pénitentiaire un nouvel article L. 223-19-1 qui autorisait les services pénitentiaires à procéder à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images au moyen de caméras de drones aux fins de lutter contre l’introduction dans les prisons de substances ou de moyens de communication dont la détention est illicite (III de l’article 23).

Dans son rapport, la commission d’enquête soulignait en effet la difficulté des « moyens dont dispose l’administration pénitentiaire pour lutter contre la présence des téléphones portables en prison, soit en empêchant le fonctionnement de ces appareils par un système de brouillage, soit en évitant leur entrée dans les établissements pénitentiaires (par projection, par drone ou encore par le biais des visiteurs extérieurs au parloir) – étant rappelé que […] les téléphones illicites sont le seul moyen pour un narcotrafiquant incarcéré de rester en contact avec ses complices restés libres et de continuer, par ce biais, d’animer un réseau ou de commanditer des violences » ([660]).

  1.   Les modifications apportées par le Sénat
    1.   Lors de l’examen en commission des Lois

La commission des Lois n’a pas fait évoluer ces deux dispositions, les rapporteurs considérant, pour la première, que « la lutte contre la perpétuation du narcotrafic en prison constituait un enjeu de tout premier ordre justifiant une information renforcée du Parlement », et, pour la seconde, que « l’autorisation de surveiller les abords des établissements par l’intermédiaire de drones répond à un besoin opérationnel important de l’administration pénitentiaire » ([661]).

  1.   Lors de l’examen en séance publique

En revanche, lors de l’examen en séance publique, le Sénat a largement remanié ces dispositions pénitentiaires.

  1.   S’agissant du rapport remis à la DPR

Tout d’abord, à l’initiative du Gouvernement, le Sénat a supprimé le rapport remis à la délégation en adoptant, avec avis favorable de la commission, l’amendement 229.

  1.   S’agissant des dispositions relatives à l’usage des caméras de drone

L’amendement n° 182 de Mme Harribey (SER), adopté avec l’avis favorable de la Commission et du Gouvernement, a substitué au nouvel article L. 223-19-1, une nouvelle section composée de cinq articles L. 223‑21 à L. 223‑21‑25 et insérée à la fin du chapitre III du titre II du livre II du code pénitentiaire.

● Le nouvel article L. 223-21 autorise les services de l’administration pénitentiaire à procéder à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs et fixe les fins qui peuvent ainsi être poursuivies :

– prévention des atteintes à la sécurité dans les établissements pénitentiaires particulièrement exposés ([662]) ;

– surveillance et protection des établissements pénitentiaires (et de leurs abords) particulièrement exposés ([663]) ;

– appui des interventions de maintien de l’ordre menées par les équipes de sécurité pénitentiaires ;

– constat des infractions ;

– formation des agents ([664]).

Il est en outre précisé que le recours aux drones peut uniquement être autorisé lorsqu’il est proportionné au regard de la finalité poursuivie.

Cet article interdit de filmer l’intérieur de cellules, sauf en cas d’incident grave touchant à l’ordre, à la discipline ou à la sécurité de l’établissement pénitentiaire. Il interdit également de capter des images à l’intérieur de domiciles ou de leurs entrées, protégeant notamment les riverains des établissements. Si ces lieux sont tout de même visualisés, l’enregistrement est interrompu. Si l’enregistrement ne peut être interrompu, les images sont ensuite supprimées dans un délai de 48 heures ([665]).

Procédure d’autorisation à procéder à la captation, l’enregistrement et la transmission d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs

L’article L. 223-21 fixe également les modalités de délivrance de l’autorisation à l’administration pénitentiaire.

Tout d’abord, une demande doit être formulée par l’administration en précisant : le service responsable des opérations, la finalité poursuivie, la justification de la nécessité de recourir au dispositif, les caractéristiques techniques du matériel, le cas échéant, les modalités d’information du public, la durée souhaitée de l’autorisation et le périmètre géographique concerné.

L’autorisation est délivrée par décision écrite et motivée du directeur interrégional des services pénitentiaires qui peut y mettre fin à tout moment. Cette autorisation est délivrée pour une durée maximale de trois mois, renouvelable. Elle détermine la finalité poursuivie par les opérations, ainsi que leur périmètre géographique qui ne peut excéder le périmètre strictement nécessaire à l’atteinte de la finalité.

Le directeur interrégional informe le représentant de l’État dans le département concerné ou, à Paris, le préfet de police des autorisations qu’il a délivrées ou, le cas échéant, renouvelées.

Par ailleurs, l’article L. 223-24 prévoit que l’autorité responsable tient un registre des traitements mis en œuvre précisant la finalité poursuivie, la durée des enregistrements réalisés ainsi que les personnes ayant accès aux images, y compris, le cas échéant, au moyen d’un dispositif de renvoi en temps réel. Le dernier alinéa de l’article L. 223-21 précise que ce registre fait apparaître le détail de chaque intervention et qu’il est transmis chaque semaine au directeur interrégional, chargé de s’assurer de la conformité des interventions réalisées à l’autorisation délivrée.

● Symétriquement à l’article L. 223-20 pour les caméras individuelles portées par les agents, le nouvel article L. 223-22 prévoit le cadre d’utilisation de ces images en cas d’intervention en lien avec la cellule de crise de l’établissement. Les images captées et enregistrées par les drones peuvent être transmises à cette cellule et aux personnels impliqués dans la conduite et l’exécution de l’intervention. Ceux‑ci peuvent les visionner en temps réel ou en différé, pendant la durée strictement nécessaire à l’intervention. Des dispositifs techniques garantissent l’intégrité des enregistrements et permettent la traçabilité de ces consultations.

● Le nouvel article L. 223-23 fixe les règles d’information du public. D’une part, une information générale doit être organisée par le garde des Sceaux sur ce nouveau dispositif. D’autre part, lorsqu’une autorisation est accordée, le public est informé par tout moyen de l’emploi des drones et de l’autorité responsable, sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis.

● Le nouvel article L. 223-24 apporte par ailleurs plusieurs garanties à ce dispositif. Il rappelle que ne peuvent être collectées et traitées que les données à caractère personnel strictement nécessaires. Il interdit la captation du son et l’utilisation de traitements automatisés de reconnaissance faciale, ainsi que tout croisement avec d’autres traitements de données à caractère personnel.

Il précise enfin la durée de conservation des enregistrements : hors les cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements comportant des données à caractère personnel sont conservés pendant une durée maximale de sept jours à compter de la fin du déploiement du dispositif, sans que nul ne puisse y avoir accès ([666]).

 Enfin, le nouvel article L. 223-25 renvoie à un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), la définition des modalités d’application de ces différents articles. Ce décret précise notamment les exceptions au principe d’information du public prévu à l’article L. 22323.

  1.   Sur la formation des agents pénitentiaires

En outre, en adoptant l’amendement n° 171 rect. de Mme Harribey (SER), suivant le double avis favorable de la Commission et du Gouvernement, le Sénat a complété l’article L. 113-2 du code pénitentiaire pour préciser que la formation initiale des personnels doit comprendre une action de formation sur les risques de corruption et les réponses à y apporter.

  1.   La position de la commission

La Commission a validé ces dispositions relatives à l’incarcération, les corrigeant à la marge par l’adoption des cinq amendements rédactionnels CL571, CL572, CL573, CL574 et CL575 du rapporteur M. Caure (EPR).

 

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  1.   Le régime de détention provisoire applicable aux délits relevant du champ de la délinquance et de la criminalité organisées
    1.   L’état du droit
      1.   Les régimes de détention provisoire

● En vertu du principe de présomption d’innocence, toute personne mise en examen demeure libre. Elle peut toutefois être soumise à trois types de contraintes imposées par le juge, en raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté :

– le contrôle judiciaire ;

– l’assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) ;

– la détention provisoire.

L’article 145-1 du code de procédure pénale fixe le régime de la détention provisoire en matière correctionnelle et l’article 145-2 en matière criminelle.

● En matière correctionnelle, la détention provisoire ne peut excéder quatre mois lorsque la personne encourt une peine inférieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement et si elle n’a pas déjà été condamnée pour crime ou délit de droit commun soit à une peine criminelle, soit à une peine d’emprisonnement sans sursis d’une durée supérieure à un an.

Dans les autres cas, le juge des libertés et de la détention (JLD) peut décider de prolonger la détention provisoire pour une durée qui ne peut excéder quatre mois. Cette décision peut être renouvelée, la durée totale de la détention provisoire ne pouvant excéder un an, ou jusqu’à deux ans ([667]) dans trois cas :

– lorsque les faits concernés ont été commis hors du territoire national ;

– lorsqu’ils ont trait au trafic de stupéfiants, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ;

– lorsqu’ils ont été commis en bande organisée et que la peine encourue est de dix ans d’emprisonnement.

● En matière criminelle, la détention provisoire ne peut excéder un an. Le JLD peut toutefois prolonger la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois. Cette décision de prolongation peut être renouvelée, la durée totale de la détention provisoire ne pouvant excéder ([668])  :

– deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles ;

– trois ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans et que les faits ont été commis hors du territoire national ;

– trois ans lorsque la peine encourue est égale ou supérieure à vingt ans ;

– quatre ans lorsque la peine encourue est égale ou supérieure à vingt ans et que les faits ont été commis hors du territoire national ;

– quatre ans lorsque les faits concernent un crime contre les personnes ([669]) ou un crime contre la nation, l’État et la paix publique ([670]) ;

– quatre ans lorsque les faits criminels concernent le trafic de stupéfiants, le terrorisme, le proxénétisme, l’extorsion de fonds ou lorsqu’ils sont constitutifs d’un crime commis en bande organisée.

  1.   Le recours à la visioconférence en matière de placement en détention provisoire ou de prolongation de la détention provisoire

Le principe du recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle dans le cadre de la procédure pénale est consacré au titre XXIII du livre IV de la partie législative du code de procédure pénale, regroupant les articles 706‑71 et 706‑71‑1. Fondé sur la bonne administration de la justice, le recours à la visioconférence est décidé par le magistrat chargé de la procédure ou le président de la juridiction saisie.

Il est permis d’utiliser un moyen de télécommunication audiovisuelle dans de nombreuses hypothèses pendant l’enquête, l’instruction, en matière de détention provisoire et durant la phase de jugement, par exemple pour l’audition ou l’interrogatoire d’une personne et la confrontation de plusieurs personnes ou encore pour la présentation de la personne détenue aux fins de prolongation de la garde à vue ([671]). Ces dispositions sont également applicables à l’audition ou à l’interrogatoire par un juge d’instruction d’une personne détenue, au débat contradictoire préalable au placement en détention provisoire d’une personne détenue pour une autre cause, au débat contradictoire prévu pour la prolongation de la détention provisoire ([672]).

  1.   LE dispositif proposé par le sénat
    1.   Les dispositions initiales

Dans sa rédaction initiale, l’article 23 modifiait les articles 145-1 et 145-2 du code de procédure pénale pour appliquer aux délits relevant du champ de la délinquance et criminalité organisées ([673]) les durées de détention provisoire prévues en matière criminelle, soit un an (prolongeable jusqu’à deux, trois ou quatre ans, selon les cas, par période de six mois maximum) au lieu de quatre mois (prolongeable jusqu’à un ou deux ans selon les cas par période de quatre mois maximum) (1° et 2° du II de l’article 23 dans sa rédaction initiale).

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

● Par l’adoption de l’amendement COM-87 des rapporteurs, la Commission des lois du Sénat a supprimé les dispositions initiales de cet article, considérant « que l’alignement sur le régime criminel des durées maximales de détention provisoire, fût-il limité aux délits relevant de la criminalité organisée, emportait un important risque d’inconstitutionnalité » ([674]).

Elle leur a substitué une disposition dérogatoire en insérant, dans le code de procédure pénale, un nouvel article 145-1-1 qui prévoit que la durée de détention provisoire ne peut excéder six mois – au lieu de quatre mois- pour les délits suivants :

– délits commis en bande organisée et punis d’une peine de dix ans d’emprisonnement ;

– transport, détention, offre, cession, acquisition ou emploi illicites de stupéfiants ([675]) ;

– proxénétisme ([676]) ;

– extorsion ([677]) ;

– association de malfaiteurs ([678]).

Selon la même procédure que celle prévue par l’article 145-1, le juge des libertés et de la détention peut décider de prolonger la détention provisoire, pour une durée qui ne peut excéder six mois. Cette décision peut être renouvelée, la durée totale de la détention ne pouvant excéder deux ans, soit la même durée maximale qu’en l’état actuel du droit.

● En séance publique, le Sénat n’a pas modifié cette disposition ( bis du II).

  1.   Les dispositions ajoutées par le Sénat

Par leur amendement n° 259, adopté en séance avec l’avis favorable du Gouvernement, les rapporteurs ont par ailleurs introduit deux évolutions concernant l’usage de la visioconférence dans le cadre du prononcé ou de la prolongation de la détention provisoire.

● D’une part, la nouvelle rédaction du 7° du II modifie l’article 706-71 du code de procédure pénale. En l’état du droit, cet article précise que lorsqu’il s’agit d’une audience au cours de laquelle il doit être statué sur le placement en détention provisoire ou la prolongation de la détention provisoire, la personne détenue peut refuser l’utilisation de la visioconférence, sauf si son transport paraît devoir être évité en raison des risques graves de trouble à l’ordre public ou d’évasion. Ces exceptions, qui permettent de passer outre le refus du prévenu de recourir à la visioconférence, sont étendues au cas où la personne concernée présente une « particulière dangerosité ».

● D’autre part, le  du II insère, au sein du chapitre II du titre XXV portant sur la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées et aux crimes ([679]), un nouvel article 706-105-2 dérogeant aux règles fixées par l’article 706‑71 en matière de recours à la visioconférence s’agissant d’un placement en détention provisoire ou d’une prolongation de la détention provisoire.

Ce nouvel article permet, pour les audiences de placement en détention provisoire ou de prolongation de la détention provisoire, de recourir à la visioconférence sans que la personne ne puisse refuser ce moyen, si celle-ci est mise en examen pour un crime ou pour une infraction relevant de la criminalité ou de la délinquance organisées ([680]) (premier alinéa du nouvel article 706-105-2). Cette disposition est assortie de deux garanties :

– premièrement, le magistrat chargé de statuer peut, à la demande du ministère public, de la personne détenue ou de son avocat, ou d’office, autoriser la comparution physique de la personne détenue (deuxième alinéa) ;

– deuxièmement, la comparution physique est de droit en cas d’appel sur une décision de refus de mise en liberté et en cas de saisine directe de la chambre de l’instruction ([681]) par une personne détenue en matière criminelle depuis plus de six mois dont la détention n’a pas déjà été prolongée et n’ayant pas physiquement comparu devant la chambre de l’instruction depuis au moins six mois.

Le 8° du II procède quant à lui à une coordination à l’article 706-73-1 du code de procédure pénale, auquel n’est pas applicable la procédure prévue par le nouvel article 706-105-2.

  1.   La position de la commission

S’agissant de ces dispositions, la Commission a adopté les trois amendements rédactionnels CL559, CL568 et CL569 du rapporteur M. Caure (EPR).

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  1.   Les modifications de la procédure applicable aux demandes de mise en liberté formées par les personnes placées en détention provisoire
    1.   L’état du droit
      1.   Le traitement des demandes de mise en liberté au cours de la détention provisoire

● L’article 148 du code de procédure pénale prévoit qu’une personne placée en détention provisoire ou son avocat peut, à tout moment, demander sa mise en liberté.

La demande de mise en liberté est adressée au juge d’instruction et c’est ensuite le juge des libertés et de la détention (JLD) qui statue sur la demande. Pour cela, l’article 148 prévoit plusieurs étapes et délais ([682]) :

– le juge d’instruction communique immédiatement le dossier au procureur de la République aux fins de réquisition ;

– à compter de cette communication, sauf s’il accepte la demande de mise en liberté, le juge d’instruction dispose de cinq jours pour transmettre la demande avec son avis motivé au JLD ;

– le JLD statue alors dans un délai de trois jours ouvrables ;

– si le JLD ne statue pas dans ce délai, le dernier alinéa de l’article 148 autorise le prévenu à saisir directement de sa demande la chambre de l’instruction qui dispose de vingt jours, à compter de sa saisine, pour y répondre.

Sans décision de la chambre de l’instruction dans ce délai, la personne est mise d’office en liberté, sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées.

Cet article détermine également les conditions de recevabilité des demandes de mise en liberté. Sont notamment irrecevables les demandes de mise en liberté formées tant qu’il n’a pas été statué par le JLD, dans les délais prévus, sur une précédente demande.

● L’article 148-2 du code de procédure pénale impose aux juridictions compétentes les délais dans lesquels doivent être traitées les demandes de mise en liberté pouvant être formées par les personnes placées en détention provisoire lorsqu’une juridiction de jugement est saisie ([683]).

En application du deuxième alinéa de cet article, plusieurs délais s’appliquent :

– dix jours lorsque la personne n’a pas encore été jugée en premier ressort et que la juridiction saisie est du premier degré ;

– vingt jours lorsque la personne n’a pas encore été jugée en premier ressort et que la juridiction saisie est du second degré ;

– deux mois lorsque la personne a déjà été jugée en premier ressort et qu’elle est en instance d’appel ;

– quatre mois lorsque la personne a déjà été jugée en second ressort et qu’elle a formé un pourvoi en cassation.

Il est précisé que ces délais commencent à courir à compter de la réception de la demande. Le troisième alinéa du même article ajoute que, lorsqu’au jour de la réception de la demande il n’a pas encore été statué soit sur une précédente demande de mise en liberté, soit sur l’appel d’une précédente décision de refus de mise en liberté, les délais prévus ci-dessus ne commencent à courir qu’à compter de la décision rendue par la juridiction compétente.

Le non-respect de ces délais emporte des conséquences importantes puisque, faute de décision à l’expiration des délais, il est mis fin à la détention provisoire, le prévenu, s’il n’est pas détenu pour une autre cause, étant d’office remis en liberté, sauf si des vérifications concernant la demande de la personne ont été ordonnées ou si des circonstances imprévisibles et insurmontables font obstacle au jugement de l’affaire dans les délais prévus au présent article (troisième alinéa de l’article 148-2).

● L’article 148-6 du code de procédure pénale précise les règles de déclaration des demandes de mainlevée ou de modification du contrôle judiciaire ou de mise en liberté. Celles-ci doivent :

– être réalisées auprès du greffier de la juridiction d’instruction saisie du dossier ou de celui de la juridiction compétente ([684]) ;

– être constatées et datées par le greffier ;

– être signées par le greffier, le demandeur ou son avocat ([685]).

Une dérogation est prévue lorsque le demandeur ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente, la déclaration au greffier peut alors être faite au moyen d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

  1.   Les conséquences de l’ordonnance de règlement du juge d’instruction en matière de remise en liberté

L’article 179 du code de procédure pénale prévoit les conditions dans lesquelles le juge d’instruction prononce, par son ordonnance de règlement, le renvoi d’une affaire délictuelle devant le tribunal correctionnel.

Lorsque la personne concernée est en détention provisoire, l’ordonnance de règlement y met fin, sauf si le juge d’instruction maintient le prévenu en détention par une ordonnance distincte spécialement motivée ([686]).

Le quatrième alinéa prévoit que le prévenu en détention provisoire est immédiatement remis en liberté si le tribunal n’a pas commencé à examiner au fond à l’expiration d’un délai de deux mois. Il précise plusieurs points de départs possibles pour décompter ce délai :

– la date de l’ordonnance de renvoi ;

– en cas d’appel, la date de l’arrêt de renvoi non frappé de pourvoi ou la date de rejet ou d’irrecevabilité de l’appel ([687]) ;

– la date à laquelle il a été ultérieurement placé en détention provisoire.

  1.   Le dispositif proposé par le Sénat
    1.   Les dispositions initiales

● Le 3° du II du présent article modifiait, dans sa rédaction initiale, l’article 148-2 du code de procédure pénale portant sur les délais de traitement des demandes de mise en liberté lorsqu’une juridiction de jugement est saisie.

Outre des ajustements de nature rédactionnelle (a du 3° du II), il modifiait le point de départ de ces délais, les faisant courir à compter de l’enregistrement de la demande ([688]) au greffier de la juridiction d’instruction saisie du dossier ou de la juridiction compétente en application de l’article 148-1 du même code ([689]) (b du 3° du II).

● Le 4° du II du présent article précisait, à l’article 148-6 du code de procédure pénale, que lorsque la personne demandant une mise en liberté est poursuivie pour un crime ou une infraction relevant du champ de la criminalité ou délinquance organisées ([690]), son avocat doit être inscrit à l’ordre des avocats du ressort du tribunal judiciaire.

● À l’article 179 du code de procédure pénale, le a 5° du II du présent article modifiait les différentes dates marquant le point de départ du délai d’audiencement au fond d’un dossier délictuel renvoyé par le juge d’instruction devant le tribunal correctionnel. Seules deux dates existeraient : soit celle à laquelle la décision ordonnant le renvoi devant le tribunal correctionnel est devenue définitive, soit celle à laquelle le prévenu a été ultérieurement placé en détention provisoire.

Par ailleurs, le b du 5° du II complète ce même article 179 par un nouvel alinéa précisant qu’en cas de requête pendante devant la chambre de l’instruction au moment où l’ordonnance de renvoi devient définitive, le délai de détention provisoire débute à compter du jour où la décision sur la requête est elle-même devenue définitive.

Ces dispositions relatives à l’article 179 ont été adoptées sans modification par le Sénat, lors de l’examen en commission comme en séance publique.

  1.   Les modifications adoptées par le Sénat
    1.   Sur les dispositions initiales
      1.   S’agissant de l’article 148-2 du code de procédure pénale

● En adoptant l’amendement COM-86 des rapporteurs, la Commission a conservé les dispositions du texte initial, sous réserve de quelques ajustements rédactionnels (a et b du 3° du II). Elle a également procédé à d’autres modifications de ce même article 148-2 visant à :

– prévoir que les pièces produites par le prévenu ou son avocat doivent être transmises au plus tard cinq jours avant l’audience pour statuer sur une demande de mise en liberté (aa du 3° du II) ;

– permettre à la chambre de l’instruction, saisie par tout moyen, de refuser la mise en liberté d’office en raison du non-respect des délais de traitement d’une demande de mise en liberté, lorsqu’elle concerne une personne placée en détention provisoire pour une infraction relevant de la criminalité ou délinquances organisées ([691]) ; la chambre de l’instruction dispose alors d’un délai de huit heures pour statuer sur la demande de mise en liberté (c du 3° du II) ;

– allonger de vingt à trente jours le délai dans lequel la cour d’appel doit se prononcer sur l’appel d’une décision relative à une demande de mise en liberté, lorsque le prévenu est maintenu en détention ([692]) (d du 3° du II).

● Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a conservé ces modifications, à l’exception de celle du aaqui prévoyait que les pièces produites par le prévenu ou son avocat doivent être transmises au plus tard cinq jours avant l’audience pour statuer sur une demande de mise en liberté. Cet alinéa a été supprimé par l’amendement n° 259 des rapporteurs, adopté avec l’avis favorable du Gouvernement.

  1.   S’agissant de l’article 148-6 du code de procédure pénale

● En commission, l’adoption de l’amendement COM-86 des rapporteurs a entraîné la suppression des dispositions initiales du texte, y substituant une modification du dernier alinéa de l’article 148-6 qui conduit à ne permettre l’usage de la voie postale que pour la demande de mainlevée ou de modification du contrôle judiciaire, mais pas pour une demande de mise en liberté (c du 4° du II).

● En séance publique, le Sénat n’a pas modifié cette disposition.

  1.   Nouvelles dispositions introduites par la commission des Lois du Sénat

L’ensemble de ces modifications résultent de l’adoption de l’amendement COM-86 des rapporteurs. Certaines ont également été modifiées ou complétées ensuite au cours de l’examen en séance publique.

  1.   Modifications de l’article 148 du code de procédure pénale

● Le bis du II procède à plusieurs modifications de la procédure applicable aux demandes de mise en liberté lorsqu’elles sont formées par une personne placée en détention provisoire et qu’une juridiction de jugement n’a pas encore été saisie :

– le a du 2° bis précise, au premier alinéa de l’article 148, que l’irrecevabilité d’une demande de mise en liberté formée alors qu’il n’a pas encore été statué par le JLD sur une précédente demande, s’applique de plein droit « jusqu’à la notification de l’ordonnance aux parties ». En l’état du droit, cette irrecevabilité s’applique de plein droit « sans qu’elle soit constatée par ordonnance du juge d’instruction ». Selon les rapporteurs du Sénat, la modification proposée est nécessaire pour « mettre fin à la situation d’incertitude qui marque le texte actuel du code et pose en pratique de lourds problèmes aux magistrats compétents » ([693]) ;

– le début du b et du c du  bis allonge les délais accordés aux magistrats pour se prononcer sur une demande de mise en liberté : le délai dont dispose le juge d’instruction pour transmettre la motivation de son refus passe de cinq à dix jours, le délai dans lequel doit statuer le JLD passe de trois à cinq jours ouvrables et le délai dans lequel la chambre d’instruction, saisie directement, doit se prononcer passe de vingt à trente jours ;

– le b insère en outre une précision sur le point de départ des différents délais prévus dans le cas où il n’a pas encore été statué sur l’appel d’une précédente ordonnance de refus de mise en liberté. En l’état du droit, ces délais ne commencent à courir qu’à compter de la décision rendue par la juridiction compétente ; le présent article précise que les délais commencent à courir à compter de la notification de cette décision ;

– le dernier tiret du b prévoit l’irrecevabilité d’un appel d’une ordonnance de refus de mise en liberté, tant qu’il n’a pas été statué sur un précédent appel. Il est précisé que cette irrecevabilité s’applique de plein droit, jusqu’à la notification de l’ordonnance aux parties ;

– le c du 2° bis apporte également une précision quant au point de départ du délai dans lequel doit se prononcer la chambre de l’instruction lorsqu’elle est saisie directement. En l’état du droit, ce délai commence à courir à compter de sa saisine ; le présent article précise que le délai commence à courir « à compter de la réception de la demande, constatée et datée par le greffe » de la chambre de l’instruction.

– le dernier tiret du c prévoit en outre la possibilité pour la chambre de l’instruction, lorsqu’une personne est remise en liberté d’office faute du respect des délais dans le cas de sa saisine directe, de refuser la mise en liberté. Comme dans la procédure nouvellement prévue à l’article 148-2, la chambre de l’instruction dispose alors d’un délai de huit heures pour statuer sur la mise en liberté.

● Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a adopté l’ensemble de ces dispositions sans modification, à l’exception du dernier tiret du b du 2° bis du II portant sur l’irrecevabilité d’un appel d’une ordonnance de refus de mise en liberté tant qu’il n’a pas été statué sur un précédent appel. Suivant l’avis des rapporteurs et du Gouvernement, le Sénat a adopté l’amendement n° 259 des rapporteurs, sous-amendé par le Gouvernement (sous-amendement n° 270), qui réécrit la durée d’application de plein droit de cette irrecevabilité, la faisant courir « jusqu’à la date de la décision rendue par la chambre de l’instruction ». 

  1.   Modifications de l’article 148-1-1 du code de procédure pénale

● En application de cet article 148-1-1, le procureur de la République dispose d’un délai de quatre heures, à compter de la notification de l’ordonnance, pour interjeter appel d’une ordonnance de mise en liberté d’une personne placée en détention provisoire rendue par le JLD ou le juge d’instruction et former un référé-détention devant le premier président de la cour d’appel ([694]). Pendant ce délai, l’ordonnance de mise en liberté ne peut être exécutée.

Le ter du II du présent article allonge ce délai de quatre à huit heures. Par coordination, le 6° du II modifie également ce délai à l’article 187-3 du code de procédure pénale qui précise les modalités du référé-détention.

● Ces dispositions n’ont pas été modifiées lors de l’examen en séance publique.

  1.   Modifications de l’article 148-4 du code de procédure pénale

● Le 3° bis du II abrogeait l’article 148-4 qui prévoit qu’à l’expiration d’un délai de quatre mois depuis sa dernière comparution devant le juge d’instruction et tant que l’ordonnance de règlement n’a pas été rendue, la personne détenue ou son avocat peut saisir directement d’une demande de mise en liberté la chambre de l’instruction ([695]).

Par coordination, les références à cet article sont supprimées de l’article 148‑8 ([696]) (par le bis du II du présent article) et de l’article 706-71 ([697]) (par le  du II).

● En séance publique, les rapporteurs sont revenus sur cette abrogation de l’article 148-4, y substituant un allongement du délai prévu par cet article de quatre à six mois (amendement n° 259 des rapporteurs, adopté avec l’avis favorable du Gouvernement). 

En conséquence, ce même amendement a supprimé les coordinations prévues aux articles 148-8 et 706-71 (4° bis et 7° du II).

  1.   La position de la commission

La Commission a adopté les trois amendements rédactionnels CL562, CL563, CL564 du rapporteur M. Caure (EPR).

Par le vote de sept autres amendements, elle a supprimé plusieurs dispositions de l’article 23 relatives aux demandes de mise en liberté :

– l’alinéa 11 qui reformulait, à l’article 148 du code de procédure pénale, l’application de plein droit de l’irrecevabilité d’une demande de mise en liberté formée alors qu’il n’a pas été statué par le juge des libertés et de la détention, dans les délais prévus, sur une précédente demande : amendement CL560 du rapporteur M. Caure (EPR) ;

– l’alinéa 15 qui faisait courir le point de départ des délais de traitement d’une demande de mise en liberté - dans le cas où il n’a pas encore été statué sur l’appel d’une précédente ordonnance de refus de mise en liberté - à compter de la notification de la décision rendue par la juridiction compétente. Il semble effet problématique de faire reposer ce délai sur un acte de notification, qui n’est pas en soi encadré par un délai spécifique, et dépend donc des pratiques des services concernés : amendement CL561 du rapporteur M. Caure (EPR) ;

– les alinéas 20 et 28 qui offraient à la chambre de l’instruction, saisie par tout moyen, la possibilité de refuser, dans un délai de huit heures, la mise en liberté d’office en raison du non-respect des délais de traitement d’une demande de mise en liberté, lorsqu’elle concerne une personne placée en détention provisoire pour une infraction relevant de la criminalité ou la délinquance organisées. Cette disposition pose en effet plusieurs difficultés opérationnelles, s’agissant notamment de la procédure de saisine de la chambre de l’instruction et du point de départ du délai imparti. Par ailleurs, cette disposition ne prévoit aucun débat contradictoire pour cette procédure, ce qui pose également des difficultés au regard du respect des droits de la personne détenue concernée : amendements identiques CL565 du rapporteur M. Caure (EPR) et CL423 de M. Amirshahi (EcoS) ;

– les alinéas 26 et 27 qui modifiaient, dans le cas où une juridiction de jugement est saisie, le point de départ à compter duquel les délais de traitement d’une demande de mise en liberté formée par une personne placée en détention provisoire commencent à courir, en le fixant à la date de l’enregistrement de ladite demande. Cette évolution paraît en effet problématique dans la mesure où elle conduit à faire reposer la durée de détention provisoire sur la diligence du service concerné à procéder l’enregistrement, tous les services n’ayant par ailleurs pas les mêmes pratiques en la matière amendement CL566 du rapporteur M. Caure (EPR) ;

– les alinéas 39 et 40 qui complétaient l’article 179 du code de procédure pénale par un nouvel alinéa précisant qu’en cas de requête pendante devant la chambre de l’instruction au moment où l’ordonnance de renvoi devient définitive, le délai de détention provisoire débute à compter du jour où la décision sur la requête est elle-même devenue définitive. En l’état du droit, le délai de traitement par la chambre de l’instruction n’est pas limité et cette nouvelle disposition peut donc conduire à une durée indéterminée de prolongation de la détention provisoire lorsqu’une affaire a été renvoyée pour jugement devant le tribunal correctionnel et qu’une requête est pendante devant la chambre de l’instruction. Une telle disposition serait donc contraire aux principes constitutionnels amendements identiques CL567 du rapporteur M. Caure (EPR) et CL428 de M. Amirshahi (EcoS).

La Commission, en adoptant l’amendement CL427 de M. Amirshahi (EcoS), a par ailleurs inséré à l’article 148-6 du code de procédure pénale un nouvel alinéa prévoyant que les avocats peuvent transmettre les demandes de mise en liberté, de mainlevée ou de modification du contrôle judiciaire par un moyen de télécommunication sécurisé.

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Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article fait du recours à la visioconférence le principe pour la comparution, dans le cadre de l’instruction, d’une personne mise en examen, prévenue, accusée ou condamnée pour une ou plusieurs infractions relevant du champ de la délinquance ou de la criminalité organisées mentionnées à l’article 706-73 du code de procédure pénale.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 12 de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur a modifié l’article 706-71 pour substituer au cumul de procès-verbaux rédigés dans chacun des lieux concernés par une visioconférence l’existence d’un unique procès-verbal de ces opérations.

  1.   L’état du droit

Comme expliqué précédemment, le principe du recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle dans le cadre de la procédure pénale est consacré au titre XXIII du livre IV de la partie législative du code de procédure pénale, regroupant les articles 70671 et 706711. Fondé sur la bonne administration de la justice, le recours à la visioconférence est décidé par le magistrat chargé de la procédure ou le président de la juridiction saisie.

Dans le cadre de l’instruction, il est permis de recourir à un moyen de télécommunication audiovisuelle, lorsque les nécessités de l’instruction le justifient, pour l’audition ou l’interrogatoire d’une personne, pour la confrontation entre plusieurs personnes ([698]), ainsi que pour l’audition ou l’interrogatoire d’une personne détenue ([699]).

Dans ces cadres, à la différence des visioconférences en matière de détention provisoire ou de demande de mise en liberté, l’article 706-71 ne prévoit pas pour la personne concernée, notamment lorsqu’elle est détenue, de possibilité de refuser le recours à la visioconférence.

Ces opérations font l’objet d’un procès-verbal. Par ailleurs, si la personne est assistée par un avocat ou par un interprète, ceux‑ci peuvent se trouver :

– auprès de la personne, supposant la remise d’une copie du dossier ;

– ou auprès du magistrat ou de la juridiction, imposant alors que l’avocat puisse s’entretenir avec la personne de manière confidentielle en utilisant le moyen de télécommunication audiovisuelle.

  1.   Le dispositif introduit par la commission

Le présent article, issu de l’adoption par la Commission de l’amendement CL576 du rapporteur M. Caure (EPR), insère, dans le code de procédure pénale, un nouvel article 706-71-2 qui prévoit que, par dérogation au quatrième alinéa de l’article 706-71, la comparution devant une juridiction d’instruction est réalisée par le recours à la visioconférence lorsqu’elle concerne une personne mise en examen, prévenue, accusée ou condamnée pour une ou plusieurs infractions relevant du champ de la délinquance ou criminalité organisées mentionnées à l’article 706‑73 du code de procédure pénale.

En complément, il prévoit que la juridiction d’instruction saisie peut, à la demande du ministère public ou d’office, choisir, par une décision motivée, de faire comparaître physiquement la personne concernée.

Le Gouvernement a saisi le Conseil d’État afin qu’il donne un avis sur la présente disposition avant l’examen en séance publique.

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Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article crée une nouvelle infraction sanctionnant le fait de s’introduire ou de tenter de s’introduire sur le domaine affecté à un établissement pénitentiaire.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 434-35 du code pénal a été modifié par l’ordonnance n° 2022-478 du 30 mars 2022 portant partie législative du code pénitentiaire, afin de prendre en compte la codification des dispositions pénitentiaires.

       La position de la Commission

La Commission a adopté un amendement du rapporteur pour préciser que le domaine pénitentiaire est matériellement délimité.

  1.   L’état du droit

Dans le paragraphe regroupant les dispositions relatives à l’évasion, deux articles du code pénal sanctionnent les comportements visant à entrer en contact avec des personnes détenues, hors des cas autorisés, soit pour communiquer, soit pour transmettre ou recevoir des éléments. 

● D’une part, l’article 435-35 du code pénal punit d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ([700]) :

 le fait de remettre ou de faire parvenir à un détenu, ou de recevoir de lui et de transmettre des sommes d’argent, correspondances, objets ou substances quelconques en dehors des cas autorisés par les règlements ;

– le fait de communiquer avec une personne détenue à l’intérieur d’un établissement pénitentiaire, hors les cas où cette communication est autorisée.

C’est au titre de cet article que peuvent être sanctionnées les personnes responsables de « projections » au sein des établissements pénitentiaires. Il n’est toutefois pas toujours aisé d’établir les éléments de preuve permettant de relier l’élément projeté et la personne soupçonnée de l’avoir envoyé dans l’enceinte pénitentiaire.

● D’autre part, l’article 434-35-1 du même code puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait de pénétrer dans un établissement pénitentiaire ou d’en escalader l’enceinte sans y être habilité en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou y avoir été autorisé par les autorités compétentes.

Les tentatives de ces délits sont punies des mêmes peines ([701]).

  1.   Le dispositif proposé par le Sénat

Issu de l’amendement n° 239 du Gouvernement, adopté en séance publique avec l’avis favorable de la Commission, le présent article crée, dans le code pénal, une nouvelle infraction d’intrusion sur le domaine pénitentiaire.

En vue de mieux lutter contre les projections dans les établissements pénitentiaires, le présent article complète l’article 434-35-1 :

– d’une part, il insère un nouvel alinéa qui sanctionne de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende le fait, sans motif légitime, de s’introduire ou de tenter de s’introduire sur le domaine affecté à un établissement pénitentiaire ;

– d’autre part, il conserve l’infraction déjà prévue par cet article, en application duquel est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait de pénétrer dans un établissement pénitentiaire ou d’en escalader l’enceinte. Il substitue toutefois « l’absence de motif légitime » à « l’absence d’habilitation ou d’autorisation par les autorités compétentes » comme élément constitutif de l’infraction.

  1.   La position de la commission

La Commission a adopté l’amendement CL577 du rapporteur M. Caure (EPR) afin de préciser que le domaine pénitentiaire est matériellement délimité.

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Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article crée une obligation d’information de l’administration pénitentiaire en cas de projet de construction ou de modification substantielle d’une ou plusieurs installations radioélectriques situées à proximité d’un établissement pénitentiaire.

       Dernières modifications législatives intervenues

En 2021, la loi n° 2021-1485 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France a modifié l’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications afin d’y préciser que le dossier d’information devant être transmis au maire ou au président d’intercommunalité, dans les cas prévus par cet article, comprend la justification du choix de ne pas recourir à une solution de partage de site ou de pylône lorsque le projet concerne une zone rurale à faible densité d’habitation et de population.

       La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

 

  1.   L’état du droit

L’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques définit plusieurs normes encadrant le fonctionnement et l’installation des équipements utilisés dans les réseaux de communications électroniques ou par les diverses installations radioélectriques.

Le B du II de cet article fixe des obligations incombant à toute personne souhaitant exploiter une ou plusieurs installations radioélectriques soumises à l’accord ou l’avis de l’Agence nationale des fréquences. Il est notamment prévu que la personne concernée informe par écrit le maire ou le président de l’intercommunalité dès la phase de recherche et lui transmet ensuite un dossier d’information un mois avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme ou de la déclaration préalable.

Par ailleurs, le F du même II impose au préfet de réunir une instance de concertation lorsqu’il estime qu’une médiation est requise concernant une installation radioélectrique existante ou projetée.

  1.   Le dispositif proposé par le Sénat

Issu de l’amendement n° 58 rect. bis de M. Masset (RDSE), adopté en séance publique avec un double avis favorable de la Commission et du Gouvernement, le présent article vise à introduire dans la loi une obligation d’information de l’administration pénitentiaire en cas de projet de construction ou de rénovation d’une antenne.

Pour ce faire, il complète l’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques par plusieurs précisions :

– d’une part, lorsqu’est prévu un projet d’installation d’une ou plusieurs installations radioélectriques à proximité d’un établissement pénitentiaire, le dossier d’information devant être transmis au maire ou au président de l’intercommunalité doit également l’être au chef de l’établissement concerné. Ce dernier communique ensuite au maire son avis sur la compatibilité du projet avec le bon fonctionnement des dispositifs techniques de lutte contre la délinquance et la criminalité organisées déployés dans l’établissement. Il est précisé que l’autorisation d’urbanisme afférente ne peut être délivrée tant que cet avis du chef d’établissement pénitentiaire n’a pas été réceptionné ;

– d’autre part, lorsqu’est prévue une modification substantielle d’une installation radioélectrique située à proximité d’un établissement pénitentiaire, le dossier d’information devant être transmis au maire ou au président de l’intercommunalité doit également l’être au chef de l’établissement concerné ;

– enfin, lorsque le préfet décide de réunir une instance de concertation concernant une installation radioélectrique existante ou projetée se situant à proximité d’un établissement pénitentiaire, le chef de cet établissement y participe.

Cet article renvoie par ailleurs à un décret la définition des modalités d’information des chefs d’établissement et le périmètre géographique sur lequel ces obligations d’information s’appliquent.

  1.   La position de la commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article autorise et délimite l’usage de caméras embarquées dans les véhicules aux fins d’assurer la sécurité des opérations de transfèrement et d’extraction réalisées par les personnels pénitentiaires.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027 a pérennisé l’usage, par les personnels pénitentiaires, des caméras individuelles.

       La position de la Commission

La Commission a adopté quatre amendements rédactionnels du rapporteur.

  1.   L’état du droit

Comme précisé ci-avant, seules sont déjà autorisées les caméras individuelles, c’est-à-dire portées par les agents. Expérimenté à partir de 2020, leur usage a été pérennisé par l’article 43 de la n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027.

Les modalités de recours à ces caméras sont fixées par l’article L. 223-20 du code pénitentiaire qui prévoit notamment que celles-ci sont utilisées « pour les missions présentant, en raison de leur nature ou du niveau de dangerosité des personnes détenues concernées, un risque particulier d’incident ou d’évasion » (premier alinéa) et que l’enregistrement n’est pas permanent (deuxième alinéa).

  1.   Le dispositif proposé par le Sénat

Introduit lors de l’examen en séance publique par l’adoption de l’amendement n° 63 rect. quater de Mme Josende (LR), bénéficiant d’un avis favorable de la Commission et du Gouvernement, le présent article insère, dans le code pénitentiaire, une nouvelle section relative à l’usage de caméras embarquées par les personnels pénitentiaires dans l’exercice de leurs missions de transfèrement et d’extraction.

Cette nouvelle section se compose de six articles.

● L’article L. 223-26 autorise les services de l’administration pénitentiaire à utiliser des caméras embarquées dans leurs véhicules en vue d’assurer la sécurité de missions de transfèrement ou d’extraction. Il est précisé que l’enregistrement par les caméras est autorisé lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances, à la personnalité ou au comportement des personnes détenues concernées.

● L’article L. 223-27 fixe certaines conditions à cet enregistrement par les caméras embarquées :

– il s’effectue aux moyens des caméras fournies par le service ;

– il ne peut être permanent ;

– il ne peut se prolonger au-delà de la durée de la mission concernée.

● L’article L. 223-28 organise les modalités d’information s’agissant de l’usage des caméras embarquées, prévoyant des conditions spécifiques pour les missions impliquant une absence d’identification du service pénitentiaire.

S’agissant des véhicules et des missions identifiés, aux fins d’informer le public ([702]), les véhicules concernés se voient apposer une signalétique spécifique indiquant la présence d’une caméra ([703]).

Lors de l’enregistrement, un signal visuel ou sonore est activé, sauf si les circonstances de l’intervention l’interdisent.

● L’article L. 223-29 délimite la consultation des images enregistrées au cours des interventions. D’une part, lorsque la sécurité des agents est menacée, ces images peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement et aux personnels impliqués dans la conduite et l’exécution de l’intervention. D’autre part, lorsque cela est nécessaire à leur sécurité, les personnels participant à l’intervention peuvent avoir accès directement à ces images. Ils peuvent en outre y avoir accès pour faciliter la rédaction des comptes rendus d’intervention.

Cet article fixe également plusieurs garanties relatives au suivi et à l’usage de ces images enregistrées :

– des dispositifs techniques équipant les caméras permettent de garantir l’intégrité des enregistrements jusqu’à leur effacement ;

– ces mêmes dispositifs permettent la traçabilité des consultations des enregistrements ;

– l’autorité responsable tient un registre des enregistrements réalisés pour chaque véhicule équipé d’une caméra ;

– ce registre précise les personnes ayant accès aux images ;

– les caméras ne peuvent comporter de traitements automatisés de reconnaissance faciale ;

– elles ne peuvent procéder à aucun croisement avec d’autres traitements de données à caractère personnel.

● L’article L. 223-30 fixe à sept jours la durée maximale de conservation des enregistrements comportant des données à caractère personnel ([704]) et précise que nul ne peut y avoir accès, sauf pour un signalement à l’autorité judiciaire ([705]).

Il interdit par ailleurs de capter des images à l’intérieur de domiciles ou de leurs entrées. Si ces lieux sont tout de même visualisés, l’enregistrement est interrompu. Si l’enregistrement ne peut être interrompu, les images sont ensuite supprimées dans un délai de 48 heures ([706]).

● Enfin, l’article 223-31 renvoie à un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) les modalités d’application de ces différentes dispositions.

  1.   La position de la commission

La Commission a adopté les quatre amendements rédactionnels CL578, CL579, CL580 et CL581 du rapporteur M. Caure (EPR).

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Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article crée, au sein du code pénitentiaire, une nouvelle section relative aux quartiers de lutte contre la criminalité organisée.

       Dernières modifications législatives intervenues

Néant.

 

  1.   L’état du droit
    1.   Les quartiers spécifiques

● Le chapitre IV du titre II du livre II de la partie législative du code pénitentiaire s’intitule « Prise en charge dans des quartiers spécifiques » et se compose de quatre articles.

L’article L. 224-1 prévoit que, lorsqu’il apparaît que leur comportement porte ou est susceptible de porter atteinte au maintien du bon ordre de l’établissement ou à la sécurité publique, les personnes détenues majeures peuvent, sur décision de l’autorité administrative, être affectées au sein de quartiers spécifiques. Elles y bénéficient d’un programme adapté de prise en charge et y sont soumises à un régime de détention impliquant notamment des mesures de sécurité renforcée.

L’article L. 224-2 précise qu’une telle décision d’affectation doit être motivée et précédée d’une procédure contradictoire au cours de laquelle la personne intéressée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites. Cette décision fait l’objet d’un nouvel examen régulier.

L’article L. 224-3 ajoute que cette décision d’affectation ne porte pas atteinte à l’exercice des droits ([707]) de toute personne détenue sous réserve des aménagements qu’imposent les impératifs de sécurité. En outre, s’agissant des activités, elles peuvent être effectuées à l’écart des autres personnes détenues et sous réserves des aménagements qu’imposent les impératifs de sécurité.

Enfin, l’article L. 224-4 prévoit que les conditions d’application de ce chapitre sont fixées par décret en Conseil d’État.

La partie réglementaire du code pénitentiaire renvoie à deux types de quartiers spécifiques : d’une part, les unités pour personnes détenues violentes (UDV) ([708]) ; d’autre part, les quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR) ([709]). Dans les deux cas, le placement dans un tel quartier est une décision administrative qui n’est pas une mesure disciplinaire ([710]). Les personnes qui y sont affectées font en outre l’objet de mesures de sécurité, individualisées, qui sont régulièrement réévaluées ([711]).

● Il convient par ailleurs de noter que d’autres dispositions spécifiques sont prévues par le code pénitentiaire, notamment les modalités d’encellulement spécifiques à la mise à l’isolement ([712]) décidée par l’autorité administrative pour les personnes condamnées et par l’autorité administrative ou l’autorité judiciaire pour les personnes prévenues.

Enfin, l’article D. 223-11 du code pénitentiaire prévoit qu’en vue de la mise en œuvre des mesures de sécurité adaptées, le ministre de la justice décide de l’inscription et de la radiation des personnes détenues au répertoire des personnes détenues particulièrement signalées (DPS) dans des conditions déterminées par instruction ministérielle.

  1.   Les fouilles des personnes détenues

En application de l’article L. 225-1 du code pénitentiaire, les fouilles intégrales des personnes détenues peuvent être réalisées :

– lorsqu’elles accèdent à l’établissement sans être restées sous la surveillance constante de l’administration pénitentiaire ou des forces de police ou de gendarmerie ;

– lorsqu’elles sont justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que leur comportement fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l’établissement. La nature et la fréquence de ces fouilles sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues ;

– de façon systématique, lorsque les nécessités de l’ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire l’imposent. Dans ce cas, le chef de l’établissement pénitentiaire doit prendre une décision pour une durée maximale de trois mois renouvelable après un nouvel examen de la situation de la personne détenue.

Par ailleurs, l’article L. 225-2 du même code autorise le chef d’établissement à ordonner des fouilles de personnes détenues, indépendamment de leur personnalité, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de soupçonner l’introduction au sein de l’établissement pénitentiaire d’objets ou de substances interdits ou constituant une menace pour la sécurité des personnes ou des biens. Ces fouilles doivent être strictement nécessaires et proportionnées. Elles sont spécialement motivées et font l’objet d’un rapport circonstancié transmis au procureur de la République territorialement compétent et à la direction de l’administration pénitentiaire.

L’article L. 225-3 ajoute que les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l’utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes. Par ailleurs, les personnes détenues ne peuvent être fouillées que par des agents de leur sexe et dans des conditions qui, tout en garantissant l’efficacité du contrôle, préservent le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ([713]).

L’article L. 225-3 proscrit en outre les investigations corporelles, sauf impératif spécialement motivé : elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin n’exerçant pas au sein de l’établissement pénitentiaire et requis à cet effet par l’autorité judiciaire. Ainsi, lorsqu’une personne détenue est soupçonnée d’avoir ingéré des substances ou des objets ou de les avoir dissimulés dans son corps, le chef de l’établissement pénitentiaire saisit le procureur de la République d’une demande aux fins de faire pratiquer une investigation corporelle interne par un médecin ([714]).

  1.   Le dispositif introduit par la commission

Issu de l’adoption de l’amendement CL471 du Gouvernement, le présent article renomme, réorganise et complète le chapitre IV du titre II du livre II du code pénitentiaire.

Le a du 2° intitule le chapitre IV « Quartiers sécurisés ».

Le b du 2° place les quatre articles 224-1 à 224-4 au sein d’une section intitulée « Quartiers spécifiques ».

Le d du 2° crée, par ailleurs, une nouvelle section intitulée « Quartiers de lutte contre la criminalité organisée » et composée de cinq nouveaux articles 

– L’article L. 224-5 permet, à titre exceptionnel, afin de prévenir la commission ou la répétition d’une infraction d’une particulière gravité ou lorsqu’il apparaît qu’elles présentent un risque d’atteinte très grave au bon ordre de l’établissement ou à la sécurité publique, d’affecter les personnes majeures détenues pour des infractions relevant de la criminalité organisée ([715]) au sein de quartiers de lutte contre la criminalité organisée. Cette décision d’affectation est prise par le ministre de la justice.

– L’article L. 224-6 précise que cette décision d’affectation est motivée et précédée d’une procédure contradictoire au cours de laquelle la personne intéressée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites. La durée de validité de cette décision est de quatre années. Elle est renouvelable dans les mêmes conditions.

– L’article L. 224-7 ajoute que cette décision ne porte pas atteinte à l’exercice des droits ([716]) de toute personne détenue, sous réserve des aménagements qu’imposent les impératifs de sécurité et des restrictions.

– L’article L. 224-8 prévoit plusieurs aménagements des règles de détention pour leur application dans le cadre des quartiers de lutte contre la criminalité organisée.

S’agissant des fouilles : les personnes qui y sont détenues font l’objet de fouilles intégrales systématiques après avoir été physiquement en contact avec une personne en mission ou en visite au sein de l’établissement sans être restées sous la surveillance constante d’un personnel de l’administration pénitentiaire.

S’agissant des visites : elles se déroulent systématiquement dans un parloir avec dispositif de séparation, qui est toutefois adapté lors des visites de mineurs afin de permettre alors un contact physique.

Les dispositions relatives aux unités de vie familiale et aux parloirs familiaux prévues à l’article L. 341‑8 du code pénitentiaire ([717]) ne s’appliquent pas.

S’agissant de l’accès aux téléphones en prison, les modalités et plages horaires d’accès font l’objet de restrictions prévues par voie règlementaire, garantissant à chaque personne détenue un accès à ces dispositifs d’au moins deux heures, au moins deux jours par semaine.

– L’article L. 224-9 renvoie à un décret en Conseil d’État pour définir les conditions d’application de cette nouvelle section.

Enfin, le 1° et le c du 2° procède à des coordinations internes au code pénitentiaire.

Le Gouvernement a saisi le Conseil d’État afin qu’il donne un avis sur la présente disposition avant l’examen en séance publique.

*

*     *

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif initial et effets principaux

Le présent article crée, dans le code de sécurité intérieure, la possibilité pour le préfet de prendre un arrêté interdisant à une personne, soupçonnée de diriger un réseau de trafic de stupéfiants, de paraître dans un ou plusieurs lieux déterminés. Il prévoit en outre la possibilité de prononcer également une mise en demeure de quitter un logement et définit une infraction sanctionnant la violation de cette interdiction de paraître ou de cette mise en demeure.

       Dernières modifications législatives intervenues

Néant.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a intégralement réécrit ce dispositif distinguant plus strictement l’interdiction de paraître et la mise en demeure de quitter un logement loué.

L’interdiction administrative de paraître pouvant être décidée par le préfet demeure inscrite dans le code de sécurité intérieure, mais elle est reformulée. Elle est, d’une part, élargie à toute personne soupçonnée de participer aux activités de trafic – et plus seulement aux dirigeants des réseaux, ainsi qu’aux personnes mineures. Elle est, d’autre part, limitée dans l’espace, puisqu’elle ne peut plus comprendre dans son périmètre géométrique le domicile principal de la personne concernée, et limitée dans le temps, car sa durée maximale d’un mois ne peut plus être renouvelée.

La mise en demeure administrative de quitter son logement est supprimée et remplacée par un dispositif qui complète les obligations du locataire fixées par la loi du 6 juillet 1899 sur les rapports locatifs ([718]) et la possibilité, ouverte par le code de la construction et de l’habitation, de sanctionner leur non-respect par une saisine du juge aux fins de résiliation du bail. Il est ajouté que, dans certaines conditions, le préfet peut se substituer au bailleur pour mettre œuvre une telle procédure.

       La position de la Commission

La Commission a adopté neuf amendements du rapporteur, dont sept amendements rédactionnels, afin de prévoir l’information du procureur de la République par le préfet lorsqu’il décide d’une interdiction de paraître et de clarifier la rédaction de la nouvelle obligation du locataire de s’abstenir de certains comportements aux abords des locaux loués.

  1.   L’état du droit
    1.   Les interdictions de paraître

En matière judiciaire, plusieurs interdictions de paraître dans un ou plusieurs lieux déterminés sont prévues par le code pénal et le code de procédure pénale.

D’une part, le procureur peut demander à l’auteur des faits, en alternative aux poursuites, de ne pas paraître, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, dans un ou plusieurs lieux déterminés dans lesquels l’infraction a été commise ou dans lesquels réside la victime ([719]). D’autre part, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, le procureur peut proposer une composition pénale qui peut consister à ne pas paraître, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, dans le ou les lieux désignés par le procureur de la République et dans lesquels l’infraction a été commise ou dans lesquels réside la victime ([720]).

Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut en outre prononcer, à la place de l’emprisonnement, l’interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux déterminés par la juridiction et dans lesquels l’infraction a été commise ([721]). Par ailleurs, une telle interdiction peut également être prononcée à titre de peine complémentaire, lorsque la loi le prévoit, ou encore dans le cadre d’un sursis probatoire ([722]).Enfin, la peine d’interdiction de séjour emporte défense de paraître dans certains lieux déterminés par la juridiction ([723]).

  1.   Les expulsions locatives

Le titre Ier de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 détermine les droits et obligations réciproques des bailleurs et des locataires.

Son article 7 prévoit plusieurs obligations qui s’imposent au locataire, notamment celle d’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location.

L’article 4 interdit, quant à lui, l’écriture de toute clause non équilibrée dans le contrat de location, notamment lorsqu’elle prévoirait la résiliation de plein droit du contrat en cas d’inexécution des obligations du locataire. Il en exclut toutefois plusieurs cas de résiliation de plein droit, notamment le non-paiement du loyer ou encore le non‑respect de cette obligation d’user paisiblement des locaux loués, résultant de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée.

En cas de non-respect de cette obligation d’user paisiblement des locaux loués prévue à l’article 7 de la loi de 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs ([724]), l’article L. 442-4-1 du code de la construction et de l’habitation prévoit la possibilité d’adresser au locataire concerné une offre de relogement correspondant à ses besoins et possibilités.

Si cette offre est refusée ou si le locataire n’y répond pas, le dernier alinéa de l’article L. 442-4-1 permet au bailleur, à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de l’envoi de l’offre ([725]), de saisir le juge aux fins de résiliation du bail.

L’article L. 442-4-2 du même code prévoit en outre que cette faculté de proposer un relogement ne constitue pas une obligation pour le bailleur qui peut saisir directement le juge aux fins de résiliation du bail du locataire qui ne respecte pas l’obligation d’user paisiblement des locaux loués.

  1.   Le dispositif proposé par le Sénat
    1.   LEs dispositions initiales

Dans sa rédaction d’origine, l’article 24 insérait, au sein du titre Ier du livre II du code de sécurité intérieure, un nouveau chapitre intitulé « Protection contre les menaces résultant du trafic de stupéfiants » composé de deux nouveaux articles.

● Le nouvel article L. 213-3 offrait la possibilité au préfet ([726]) de prononcer, par voie d’arrêté, une interdiction de paraître dans un ou plusieurs lieux déterminés à l’encontre d’une personne soupçonnée de diriger un réseau de trafic de stupéfiants ([727]). Cette interdiction ne pouvait être prononcée à l’encontre d’un mineur.

Il précisait, d’une part, la procédure pour prendre cet arrêté :

– celui-ci doit être motivé ;

– il est pris après en avoir informé le procureur de la République ;

– il est précédé d’une procédure contradictoire permettant à la personne concernée de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ([728]).

Il fixait, d’autre part, les caractéristiques de cette interdiction de paraître :

– celle-ci ne peut concerner qu’une personne suspectée de diriger un réseau de trafic de stupéfiants ;

– le ou les lieux visés doivent être particulièrement exposés à des risques de troubles graves à l’ordre public liés aux agissements de ce réseau ;

– la durée de l’interdiction ne peut excéder un mois (renouvelable une fois) et doit être proportionnée aux circonstances.

Le II de ce nouvel article prévoyait des dispositions particulières lorsque le domicile ou la résidence familiale de la personne concernée se trouve dans le périmètre de l’interdiction de paraître. L’interdiction s’accompagne alors d’une mise en demeure de quitter ce logement si le bailleur est une personne publique ou un organisme agissant pour le compte d’une personne publique et s’il est utilisé aux fins de diriger un réseau de trafic de stupéfiants. Cette mise en demeure de quitter les lieux est elle aussi prononcée par le préfet à l’issue d’une procédure contradictoire. Elle est assortie d’un délai d’exécution d’au moins 48 heures ; sa durée ne peut excéder un mois (renouvelable une fois) et doit être proportionnée aux circonstances.

Si le logement constitue la résidence principale de la personne concernée par l’interdiction et la mise en demeure, cette dernière est assortie d’un délai d’exécution d’au moins sept jours et sa durée ne peut excéder dix jours (renouvelable une fois). En outre, le préfet doit procéder à un relogement d’office en tenant compte de la situation personnelle et familiale de la personne concernée.

● Le nouvel article L. 213-4 punit la violation de l’interdiction de paraître ou de la mise en demeure de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende.

  1.   Les modifications adoptées par le Sénat
    1.   En commission des Lois

En commission, par leur amendement COM-88, les rapporteurs ont entièrement réécrit le dispositif du présent article, distinguant plus strictement l’interdiction de paraître et la mise en demeure de quitter un logement loué.

  1.   S’agissant de l’interdiction de paraître

● Tout d’abord, les dispositions relatives à l’interdiction de paraître sont déplacées pour être insérées non plus au titre Ier mais au sein d’un nouveau titre autonome numéroté II bis, intitulé « Lutte contre les troubles générés par le trafic de stupéfiants » et composé de deux articles.

● Le nouvel article L. 22-11-1 permet au préfet de prononcer une interdiction de paraître. Plusieurs modifications sont effectuées par rapport au dispositif initial :

– l’objectif de l’interdiction est précisé : elle vise à faire cesser les troubles à l’ordre public résultant de l’occupation liée à des activités de trafic de stupéfiants, en réunion et de manière récurrente, d’une portion de la voie publique, d’un équipement collectif ou des parties communes d’un immeuble à usage d’habitation ;

– elle ne concerne plus seulement les dirigeants de réseau, mais peut viser toute personne soupçonnée de participer aux activités de trafic de stupéfiants ou à l’occupation de ces lieux en lien avec de telles activités ;

– elle doit tenir compte de la vie familiale et professionnelle de la personne concernée ;

– elle ne peut pas comprendre, dans son périmètre géographique, le domicile principal de la personne concernée ;

– la durée maximale de cette interdiction demeure fixée à un mois, mais ne peut plus être renouvelée ;

– enfin, les mineurs ne sont plus exclus de ce dispositif.

● Le nouvel article L. 22-11-2 réduit les peines sanctionnant le non-respect de cette interdiction de paraître à deux mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende.

  1.   S’agissant de la mise en demeure de quitter un logement loué

La commission des Lois du Sénat a considéré que le dispositif initial était « juridiquement fragile du fait notamment de l’absence d’intervention de l’autorité judiciaire » ([729]). Les rapporteurs ont donc supprimé le dispositif prévu dans le code de sécurité intérieure et lui ont substitué un dispositif s’appuyant sur des mécanismes préexistants pour permettre la saisie du juge aux fins de résiliation du bail.

● Le III du présent article modifie pour cela la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi du 23 décembre 1986 en créant une nouvelle obligation pour le locataire. Est ainsi inséré à l’article 7 un nouveau b bis qui impose au locataire de s’abstenir de tout comportement ou de toute activité, qui, aux abords du logement, aurait pour effet de porter atteinte aux droits et libertés des autres occupants de l’immeuble et des immeubles environnants, à la jouissance paisible de leur logement et de son environnement, ou aux intérêts du bailleur.

En conséquence, l’article 4 de cette loi est également modifié pour permettre d’inscrire, dans les contrats de location, une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat en cas de non-respect de l’obligation d’user paisiblement des locaux loués, résultant de troubles aux abords du logement constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée ([730]).

● Le IV du présent article élargit le champ d’application de l’article L. 44241 du code de la construction et de l’habitation aux cas de non-respect de cette nouvelle obligation de s’abstenir de tout comportement ou activité nuisibles aux abords du logement créé par le III du présent article. Dans un tel cas, il permet ainsi au bailleur d’adresser au locataire concerné une offre de relogement et, si cette offre est refusée ou si le locataire n’y répond pas, de saisir le juge aux fins de résiliation du bail. Le juge peut également être saisi directement, sans proposition d’offre de relogement.

Enfin, le 2° du IV du présent article crée, dans le code de la construction et de l’habitation, un nouvel article L. 442-4-3 qui fixe les conditions dans lesquelles le préfet peut se substituer au bailleur pour mettre en œuvre la procédure de relogement et/ou de saisie du juge prévue aux articles L. 442-4-1 et L. 442-4-2. Les rapporteurs du Sénat justifient cette possibilité de substitution par un objectif de protection des bailleurs d’éventuelles représailles.

Lorsqu’il constate des agissements ou activités qui troublent l’ordre public de manière grave et répétée et qui méconnaissent les obligations d’user paisiblement des locaux loués ([731]) ou de s’abstenir de tout comportement ou activité nuisibles aux abords du logement ([732]), le préfet peut :

– enjoindre au bailleur de mettre en œuvre une procédure de relogement et de saisie du juge aux fins de résiliation du bail contre le locataire fautif ;

– en cas de refus ou d’absence de réponse ou d’action du bailleur ([733]), saisir le juge pour mettre en œuvre cette procédure.

  1.   En séance publique

Lors de l’examen en Séance, les sénateurs ont adopté deux amendements.

● Adopté suivant le double avis favorable de la Commission et du Gouvernement, l’amendement n° 82 rect. de Mme Eustache-Brinio (LR) a rallongé à six mois la peine d’emprisonnement encourue en cas de non-respect de l’interdiction administrative de paraître.

● Adopté avec l’avis favorable de la Commission et un avis de sagesse du Gouvernement, l’amendement n° 108 rect. de M. Bacchi (CRCE-K) a précisé que le préfet ne peut se substituer au bailleur pour engager une procédure de relogement et/ou saisie du juge aux fins de résiliation du bail que lorsque les activités ou agissements troublant l’ordre public qui sont constatés sont en lien avec le trafic de stupéfiants.

  1.   La position de la commission

La Commission a adopté neuf amendements du rapporteur M. Caure (EPR), dont sept amendements de nature rédactionnelle.

S’agissant de l’interdiction de paraître, son amendement CL583 prévoit que le préfet informe le procureur de la République territorialement compétent lorsqu’il prononce une mesure d’interdiction de paraître.

S’agissant de la procédure de saisine du juge aux fins de résiliation du bail, son amendement CL592 clarifie et simplifie les modifications portées à la loi de 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de loi de 1986. Il substitue à l’ajout du b bis opéré par le Sénat l’insertion au b, déjà existant à l’article 7 de la loi précitée, de l’obligation faite au locataire de « s’abstenir de tout comportement ou de toute activité qui, aux abords de ces locaux, porte atteinte aux équipements collectifs utilisés par les résidents, à la sécurité des personnes ou à leur liberté d’aller et venir ». Ce faisant, il supprime la notion d’atteinte aux intérêts des bailleurs sociaux, qui semblait peu en adéquation avec les objectifs poursuivis par le présent article ; il ajoute l’atteinte aux équipements collectifs utilisés par les résidents et il restreint l’atteinte aux droits des résidents à l’atteinte à leur sécurité et à leur liberté d’aller et venir.

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*     *


   COMMENTAIRE DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 3-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature organise l’affectation des magistrats placés : ceux-ci sont placés auprès d’une cour d’appel et ont vocation à remplacer temporairement les magistrats de leur grade des tribunaux de première instance et de la cour d’appel qui ne peuvent exercer leurs fonctions. Ces magistrats placés, après deux ans d’exercice, bénéficient d’une priorité statutaire dans l’ensemble des tribunaux judiciaires du ressort de la cour d’appel à laquelle ils sont rattachés.

Certains postes sont cependant exclus de cette priorité statutaire, notamment le poste de premier vice-procureur de la République financier près le tribunal judiciaire de Paris.

La commission des Lois a adopté l’amendement CL3 du rapporteur M. Caure qui inclut le poste de premier-vice procureur de la République anti-criminalité organisée dans la liste des postes exclus de la priorité statutaire dont bénéficient les magistrats placés.

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Adopté par la Commission avec modifications

  1.   L’État du droit

L’article 38-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature limite l’exercice de la fonction de président ou de procureur de la République au sein d’un même tribunal judiciaire à une durée de sept ans.

Les dispositions de cet article s’appliquent au procureur de la République financier et au procureur de la République antiterroriste. L’article 9 de la loi organique n° 2019-221 du 23 mars 2019 relative au renforcement de l’organisation des juridictions avait en effet modifié l’article 38-2 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature pour qu’il s’applique au procureur de la République antiterroriste.

  1.   Le dispositif proposÉ par le SÉnat
    1.   LEs dispositions initiales

Le présent article complétait l’article 38-2 de l’ordonnance statutaire pour que ses dispositions s’appliquent au procureur national de la République anti-stupéfiants.

  1.   Les modifications adoptÉes par le SÉnat

Deux amendements des rapporteurs (COM-1 et COM-2) ont été adoptés lors de l’examen de la proposition de loi organique en commission : ils tirent les conséquences de la transformation du procureur national anti-stupéfiants en procureur national anti-criminalité organisée à l’article 2 de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, notamment en modifiant l’intitulé de la présente proposition de loi organique.

Aucun amendement n’a été adopté lors de l’examen en séance.

  1.   La position de la commission

La commission des Lois a adopté l’amendement CL4 du rapporteur M. Caure qui procède à une coordination.

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Introduit par la Commission

La commission des Lois a adopté l’amendement CL5 du rapporteur M. Caure qui prévoit une entrée en vigueur différée de la loi organique au 1er juillet 2026, par coordination avec l’entrée en vigueur prévue des dispositions concernées le Pnaco dans la proposition de loi ordinaire.

 

 


   PERSONNES ENTENDUES

 

Ministère de la Justice

   Mme Sophie Macquart-Moulin, directrice adjointe

   M. Julien Morino-Ros, sous-directeur de la négociation et de la législation pénales

   M. Simon Benard-Courbon, adjoint à la cheffe du bureau de la législation pénale spécialisée

   M. Marin Houette, rédacteur au bureau de la législation pénale spécialisée

   M. Sébastien Cauwel, directeur

   Mme Véronique Sousset, cheffe du service des métiers

   M. Joachim Bendavid, chargé de mission

   Mme Isabelle Jegouzo, directrice

Ministère de l’Économie et des Finances

   M. Jean-François Dutheil, directeur général adjoint

   M. Sébastien Tiran, directeur national du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)

   Mme Corinne Cléostrate, sous-directrice des affaires juridiques et de la lutte contre la fraude

   M. Antoine Magnant, directeur

 

Ministère de l’Intérieur

   M. Louis Laugier, directeur général

   M. Christian Sainte, directeur national de la police judiciaire (DNPJ)

   M. Aymeric Saudubray, directeur national adjoint de la police judiciaire en charge de la stratégie et du pilotage territorial

   Mme Estelle Davet, conseillère missions de police auprès du DGPN

   Lieutenant-colonel Christophe Meneau, chef du pôle juridique et judiciaire au cabinet du DGGN

   Colonel Jean-Baptiste Félicité, sous-directeur adjoint de la police judiciaire

   Colonel François Devigny, chef du bureau criminalité organisée et délinquance spécialisée

   Capitaine Olivier Thomas-Castelnau, chef du pôle des techniques spéciales d’enquêtes

   Lieutenante Caroline Beaumont, membre de la section synthèse prospective

   Mme Pascale Leglise, directrice

   M. Pablo Rieu, chef du bureau des questions pénales

   Commissaire divisionnaire Cécile Augeraud, cheffe adjointe de l'OFAC

   Mme Clara Timsit, conseillère juridique

   Commissaire divisionnaire Frédéric Trannoy, chef du SIAT

   M. Marc Sommerer, président

 

 

Organisme placé auprès du Président de la République

   M. Thierry Wiley, coordonnateur national adjoint

   Mme Fanny Floquet, conseillère

   M. Nicolas Hureau, conseiller

   M. Basile Jomier, conseiller

Organisme placé auprès du Premier ministre

   M. Pascal Chauve, directeur

Autorités indépendantes

   Mme Laurence Pécaut-Rivolier, membre du collège

   M. Paul Hébert, directeur adjoint de l’accompagnement juridique

   Mme Christelle Guichard, cheffe du service des affaires régaliennes et des libertés publiques

   M. Florent Della Valle, chef du service de l’expertise technologique

   Mme Chirine Berrichi, conseillère pour les questions parlementaires

   Mme Solange Moracchini, présidente par intérim

Juridictions

   M. Stéphane Noël, président

   Mme Laure Beccuau, procureure de la République

 

   Mme Marie-Suzanne Le Quéau, procureure générale

   Mme Isabelle Raynaud-Gentil, première avocate générale

   M. Thierry Ramonatxo, premier avocat général

   Mme Emmanuelle Wachenheim, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence

   Mme Joanna Garreau, chargée de mission auprès du premier président

   M. Michel Le Pogam, président de chambre de l’instruction

Représentants des magistrats et des avocats

Conférence nationale des premiers présidents (CNPP)

   M. Marc Jean-Talon, premier président de la cour d’appel de Nancy, président de la CNPP

Conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires (CNPTJ)

   M. Bertrand Menay, président du tribunal judiciaire de Versailles, président de la CNPTJ

   Mme Nathalie Bretillot, présidente du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc, membre du conseil d’administration de la CNPTJ

Conférence nationale des procureurs généraux (CNPG)

   Mme Anne Kostomaroff, procureure générale près la cour d’appel de Lyon, vice-présidente de la CNPG

   Mme Nathalie Becache, procureure générale près la cour d’appel de Rouen, vice-présidente de la CNPG

   M. Christophe Barret, procureur général près la cour d’appel de Grenoble, vice-président de la CNPG

Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR)

   M. Nicolas Bessone, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille

 

 

 

   M. Frédéric Macé, président

   M. Nicolas Chareyre, premier vice-président chargé de l’instruction à la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Lyon

   M. Cédric Antoine, vice-président chargé de l’instruction à la JIRS de Lyon

   Mme Stéphanie Caprin, vice-présidente

   M. Aurélien Martini, secrétaire général adjoint

   Mme Judith Allenbach, présidente

   Mme XXX, secrétaire nationale

Conseil national des barreaux (CNB)

   Me Amélie Morineau, présidente de la commission Libertés et droits de l’Homme

   Me Valentine Guiriato, vice-présidente de la commission Libertés et droits de l’Homme

   Mme Nancy Ranarivelo, chargée de mission affaires publiques

Conférence des bâtonniers

   Me Pierre Dunac, vice-président et président de la commission pénale

Barreau de Paris

   Me Noémie Saidi-Cottier, membre du conseil de l’Ordre et membre de la commission pénale

   Me Antoine Lafon, membre du conseil de l’Ordre et membre de la commission pénale

Universitaires

   Mme Noémie Véron, maître de conférences en droit public à l’Université de Lille

   M. Aurélien Francillon, professeur en sécurité informatique à EURECOM

Autres auditions

   M. Anton’Maria Battesti, directeur des affaires publiques

   Mme Aurore Denimal, responsable des affaires publiques

   M. Louis Jonquière, président

Union sociale pour l’habitat (USH)

   M. Thierry Asselin, directeur des politiques urbaines et sociales

   Mme Émilie Vasquez, responsable du département des politiques de sûreté et de la tranquillité résidentielle

   Mme Barbara Fourcade, responsable du pôle gestion locative de la direction juridique et fiscale

   M. Fabien Elie, conseiller juridique

   M. Antoine Galewski, directeur des relations institutionnelles et parlementaires

Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l'Intérieur (ACPHFMI)

   M. Pierre-André Durand, préfet de la région Occitanie, préfet de la Haute‑Garonne, président de l’ACPHFMI

   M. Éric Freysselinard, préfet, conseiller de coopération intérieure auprès de l’ambassadeur de France à Madrid, vice-président de l’ACPHFMI

 

 


Contributions écrites

 

 

 

 


([1])  À titre d’exemple, avec le rapport de la mission d’information relative à l’application d’une procédure d’amende forfaitaire au délit d’usage illicite de stupéfiants, présenté par MM. Éric Poulliat et Robin Reda, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 janvier 2018 (n° 595) ou le rapport de la mission d’information visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants, présenté par MM. Antoine Léaument et Ludovic Mendes, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 février 2025 (n° 974).

([2])  Il s’agit des services spécialisés de renseignement mentionnés à l’article L. 811-2 du CSI.

([3])  Il s’agit des services de renseignement mentionnés à l’article L. 811-4 du CSI, lorsqu’ils sont désignés par décret en Conseil d’État.

([4]) Ces finalités sont prévues à l’article L. 811-3 du CSI.

([5])  Conseil d’État, avis sur un projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, 28 avril 2021.

([6])  Circulaire de la garde des Sceaux du 30 septembre 2014 relative à la lutte contre la criminalité complexe et la grande délinquance économique et financière – consolidation de l’action des juridictions interrégionales spécialisées, JUSD1423119C.

([7])  Circulaire relative à la compétence nationale concurrente du tribunal de grande instance et de la cour d’assises de Paris dans la lutte contre la criminalité organisée de très grande complexité, et à l’articulation du rôle des différents acteurs judiciaires en matière de criminalité organisée.

([8])  Dalloz Actualité – « Parquet national antricriminalité organisée : les pistes du rapport du magistrat Jean-François Ricar », publié le 14 novembre 2024 par Gabriel Thierry.

([9])  Circulaire de la garde des Sceaux du 31 janvier 2014 de politique pénale relative au procureur de la République financier, JUSD1402887C.

([10])  Circulaire de la garde des Sceaux du 1er juillet 2019 de présentation du parquet national antiterroriste créé par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, JUSD1919006 C.

([11])  Circulaire de présentation du Pnat, précitée.

([12])  Cet article inclut notamment les crimes et délits de trafic de stupéfiants, d’enlèvement et de séquestration, de traite des êtres humains et de proxénétisme.

([13]) Ce dispositif dit des « coups d’achat » permet, au titre de l’établissement de la preuve, et avec l’autorisation du parquet ou du juge d’instruction, à des officiers ou agents de police judiciaire d’acquérir des produits stupéfiants ou des armes.

([14]) Décision n° 2023-855 DC du 16 novembre 2023 – Loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

([15])  L’article 34 du CPP prévoyant que c’est le procureur général ou l’un de ses substituts qui représente le ministère public auprès de la cour d’appel et auprès de la cour d’assises en première instance.

([16]) De tout hôtel, maison meublée, pension, débit de boissons, restaurant, club, cercle, dancing, lieu de spectacle ou leurs annexes, ou lieu quelconque ouvert au public, ou lieu utilisé par le public.

([17]) Bilan 2023 publié par Tracfin – « LCB-FT : activité des professions déclarantes ».

([18]) Rapport de M. Zochetto, rapporteur, sur la proposition de loi visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, déposé le 24 février 2010.

([19])  Cour des comptes – « Observations définitives – L’évolution du dispositif français de lutte contre le blanchiment », publié en février 2023.

([20]) Classements sans suite, mesures alternatives aux poursuites, poursuites engagées, jugements devenus définitifs ou appels interjetés.

([21])  Soient les opérateurs de services essentiels des secteurs du transport et de la logistique aérien et par voie d’eau ainsi que des prestataires de service postaux repris respectivement aux a à c du 2 de l’annexe I ainsi qu’au 1 de l’annexe II de la directive (UE) 2022/2555 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l’ensemble de l’Union, modifiant le règlement (UE) n° 910/2014 et la directive (UE) 2018/1972, et abrogeant la directive (UE) 2016/1148.

([22])  Chambre criminelle de la Cour de cassation, 20 février 2008, n° du pourvoi 07-82.977.

([23])  C’est-à-dire que parmi ses éléments constitutifs se trouve la commission d’une autre infraction.

([24])  Rapport de nouvelle lecture sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, par le député Yann Galut, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 11 septembre 2013.

([25])  Chambre criminelle de la Cour de cassation, 4 décembre 2024, arrêt n° C24-83.013 F-D.

([26])  Chambre criminelle de la Cour de cassation, 9 décembre 2015, pourvoi n° 15-90.019.

([27])  Chambre criminelle de la Cour de cassation, 14 juin 2017, pourvois n° 16-84.262, 16-84.260 et 16-84.261.

([28])  Rapport annuel 2022 de Tracfin.

([29])  Cour des comptes – « Observations définitives – Les crypto-actifs : une régulation à renforcer », publié le 19 décembre 2023.

([30])  Rapport n° 445 de la sénatrice Muriel Jourda sur la proposition de loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels, déposé le 20 mars 2024.

([31]) Article 131-6 du code pénal.

([32]) Article 131-14 du même code.

([33]) Article 131-21 du même code.

([34]) Infractions prévues par les articles 222-34 à 222-40 du code pénal.

([35]) La confiscation peut donc concerner des biens appartenant à des tiers, sous réserve que ceux-ci n’en ignorent pas l’origine frauduleuse.

([36]) Direction ou organisation d’un groupement ayant pour objet le trafic de stupéfiant (article 222-34), production ou fabrication de produits stupéfiants (222-35), importation ou exportation illicites de stupéfiants (222-36), transport, détention, offre, cession, acquisition ou emploi illicites de stupéfiants (222-37), blanchiment des biens ou revenus de l’auteur de l’une des infractions précédentes (222-38).

([37]) Infractions prévues par les articles 222-34 à 222-40 du code pénal.

([38]) À quelque personne qu’ils appartiennent et en quelque lieu qu’ils se trouvent, dès lors que leur propriétaire ne pouvait en ignorer l’origine ou l’utilisation frauduleuse.

([39]) Champ délimité par le b du 1° de l’article 200 du code général des impôts.

([40]) Organismes bénéficiant de l'agrément prévu à l'article L. 365-2 du code de la construction et de l'habitation.

([41])  Personnes mentionnées au 7° bis de l’article L. 561-2 du code monétaire et financier.

([42])  Rapport du quatrième cycle d’évaluations mutuelles du GAFI daté de mai 2022 – « Mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme – France ».

([43]) Plus précisément les résolutions adoptées dans le cadre du chapitre VII de la charte des Nations unies.

([44])  Plus précisément, les actes pris en application de l’article 29 du traité sur l’Union européenne ou de l’article 75 du  traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

([45]) Au sens du 5° de l’article L. 562-1 du code monétaire et financier, soit toute action tendant à empêcher un changement du volume, montant, localisation, propriété, possession, nature, destination ou toute autre modification qui pourrait permettre l’utilisation de ces fonds, notamment la gestion de portefeuille.

([46]) Au sens du 6° de l’article L. 562-1 du code monétaire et financier, soit toute action tendant à empêcher l’utilisation de ces ressources économiques pour obtenir des fonds, des biens ou des services de quelque nature que ce soit, notamment leur vente, leur location ou leur mise sous hypothèque.

([47])  Avant sa création par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, cette compétence était confiée au procureur de la République de Paris.

([48])  Les services spécialisés de renseignement mentionnées par l’article L. 811-2 du CSI sont détaillés par l’article R. 811-1 du même code. Il s’agit des services suivants : la direction générale de la sécurité extérieure, la direction du renseignement et de la sécurité de la défense, la direction du renseignement militaire, la direction générale de la sécurité intérieure, le service à compétence nationale dénommé « direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières » (DNRED) et le service à compétence nationale dénommé « traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins » (Tracfin).

([49])  Loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.

([50])  Ces services sont mentionnés à l’article L. 811-4 du CSI et détaillés par l’article R. 811-2.

([51])  Est visée toute personne qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s’accompagne d’une manifestation d’adhésion à l’idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes.

([52])  Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2023 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([53])  Ces intérêts sont mentionnés à l’article L. 811-3 du CSI. Il s’agit, en l’espèce, de l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et la défense nationale (1°), des intérêts majeurs de la politique étrangère, de l’exécution des engagements européens et internationaux de la France et de la prévention de toute forme d’ingérence étrangère (2°), de la prévention du terrorisme (4°), de la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées (6°) et de la prévention de la prolifération des armes de destruction massive (7°). 

([54])  Cet article a été créé par la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement (PATR).

([55])  L’arrêté du 17 juillet 2015 déterminant les services de l’État mentionnés au second alinéa de l’article L.  2321- 2 du code de la défense fixe la liste de ces services : l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, parmi les services relevant du Premier ministre ; l’état-major de la cyberdéfense de l’état-major des armées, la direction technique de la direction générale de l’armement et la direction technique de la direction générale de la sécurité extérieure parmi les services relevant du ministre des armées ; le service du haut fonctionnaire de défense et la direction technique de la direction générale de la sécurité intérieure parmi les services relevant du ministre de l’intérieur.

([56])  Cet alinéa concerne le tribunal judiciaire et la cour d’assises de Paris, qui exercent une compétence concurrente sur l’ensemble du territoire pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des crimes et délits dans les affaires qui sont ou apparaissent d’une très grande complexité, en raison notamment du ressort géographique sur lequel elles s’étendent.

([57])  Dossier de presse du plan national de lutte contre les stupéfiants, mardi 17 septembre 2019.

([58])  Ibid.

([59])  MM. Antoine Léaument et Ludovic Mendes, rapport d’information visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 février 2025.

([60])  La liste de ces services, établie par l’article R. 811-1 du CSI, est la suivante : direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), direction du renseignement militaire (DRM), direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et Tracfin.

([61])  Les autres « intérêts fondamentaux de la Nation » cités par cet article sont les intérêts économiques industriels et scientifiques majeurs de la France (3°), la prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions, des actions tendant au maintien ou à la reconstitution de groupement dissous en application de
l’article L. 212-1 et des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique (5°) et la prévention de la prolifération des armes de destruction massive (7°).

([62])  CNCTR, 8ème rapport d’activité (2023), publié le 26 juin 2024.

([63])  Ibid.

([64])  CNCTR, délibération n° 1/2016 du 14 janvier 2016, NOR : CNTX1605013X.

([65])  M. Sacha Houlié, rapport n° 2343 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, sur la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France (n° 2150), enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 mars 2024.

([66])  Étude d’impact sur le projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement et lettre rectificative, NOR : INTD2107675/INTD2113198L/Bleue-1, 11 mai 2021.

([67])  Loi n° 2020-1671 du 24 décembre 2020 relative à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure.

([68])  Conseil constitutionnel, décision n° 2024-870 DC du 10 juillet 2024. Le Conseil a renouvelé sa décision d’irrecevabilité dans sa décision n° 2024-871 DC du 24 juillet 2024. Il ne s’est donc pas prononcé sur le fond de ces dispositions.

([69])  L’Uniform Resource Locator (URL)  permet la localisation d’un site ou d’une page internet. La Cnil les décrit comme « nécessaire[s] à l’acheminement d’une communication » tout en étant « porteuse[s] par nature des informations consultées » dans sa délibération n° 2015-455 du 17 décembre 2015 portant avis sur un projet de décret en Conseil d’État relatif aux techniques de recueil de renseignement.

([70]) CNCTR, délibération n° 1/2016 du 14 janvier 2016 précitée. 

([71])  Cnil, délibération n° 2021-040 du 8 avril 2021 portant avis sur un projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement.

([72])  L’article L. 851-2 du CSI autorise, pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme et à titre individuel, le recueil en temps réel des informations ou documents relatifs à une personne préalablement identifiée susceptible d’être en lien avec une menace, ainsi que des adresses complètes de ressources sur internet utilisées par cette personne.

([73])  Conseil d’État, 2021, décision n° 393099.

([74]) CJUE, 21 décembre 2016, Tele2 Sverigev AB c/ Post-och telestyrelsen et Secretary of State for the Home Department c/ Tom Watson et autres, n° C-203-15 et C 698/15.

([75])  CJUE, 6 octobre 2020, La Quadrature du Net et autres, n° C-511/18, C-512/18 et C-520/18.

([76]) Ces conditions, rappelées supra, prévoient que les opérations matérielles nécessaires à la mise en place des techniques de recueil de renseignement dans les locaux et installations des services ou organismes placés sous l’autorité ou la tutelle du ministre chargé des communications électroniques ou des exploitants de réseaux ou fournisseurs de services de communications électroniques ne pouvaient être effectuées que sur ordre du Premier ministre ou une personne spécialement déléguée par lui, par des agents qualifiés de ces services, organismes, exploitants ou fournisseurs dans leurs installations respectives.

([77])  Ces finalités sont les suivantes : l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et la défense nationale (1°), la prévention du terrorisme (4°) et les atteintes à la forme républicaine des institutions (a du 5°). 

([78])  MM. Raphaël Gauvain et Loïc Kervran, rapport n° 4185 (XVe législature) sur le projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 mai 2021.

([79])  Cet article prévoit que l’autorisation de mise en œuvre des techniques mentionnées aux chapitre Ier à IV du titre V du livre VIII du CSI est délivrée par le Premier ministre pour une durée maximale de quatre mois.

([80])  Le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l’article 8 pour une présentation du GIC.

([81])  CNCTR, 6ème rapport d’activité (2021), 5 juillet 2022.

([82])  Cnil, délibération n° 2021-045 du 15 avril 2021 portant avis sur les articles 13 et 13 bis du projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement.

([83])  Conseil constitutionnel, décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015.

([84])  Ordonnance n° 2021-650 du 26 mai 2021 portant transposition de la directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen et relative aux mesures d’adaptation des pouvoirs de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des poste et de la distribution de la presse.

([85])  Le commentaire de l’article 8 de la présente proposition de loi détaille les modalités d’autorisation et du contrôle des techniques de renseignement soumises à autorisation par la CNCTR.

([86])  Ces exigences essentielles comportent, en particulier, les exigences nécessaires à la protection des données à caractère personnel et de la vie privée des utilisateurs et des abonnés.

([87])  Cnil, Les pratiques de chiffrement dans l’informatique en nuage public, 22 janvier 2024.

([88])  Assemblée nationale, réponse du 18 février 2020 à la question écrite n° 10778 de M. Julien Borowczyk.

([89])  Cnil, L’accès des autorités publiques aux données chiffrées, 30 août 2017.

([90]) Suivant les modalités prévues par l’article 131-26 du code pénal.

([91]) Interdiction, suivant les modalités prévues par l’article 131-27 du même code, soit d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, soit d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Ces interdictions d’exercice peuvent être prononcées cumulativement.

([92]) Suivant les modalités prévues par l’article 131-31 du même code.

([93]) Cette peine de confiscation est également encourue par les personnes morales reconnues coupables de l’infraction prévue à l’article 450-1 du même code. En application de l’article 450-4, elles encourent également les peines complémentaires prévues par l’article 131-29 du même code, notamment la dissolution, la fermeture définitive, le placement sous surveillance judiciaire, l’exclusion des marchés publics ou encore l’interdiction de percevoir toute aide publique.

([94]) Qui comprend par exemple les délits de violences physiques ou sexuelles, les délits liés aux actes de terrorisme ou encore les délits concussion ou de corruption, mais pas les délits liés au trafic de stupéfiants.

([95]) Recommandation n° 22 : « Envisager l’extension de l’infraction d’association de malfaiteurs sur le modèle de la loi antimafia italienne et la création d’un crime d’association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un des crimes relevant de l’article 706-73 du code de procédure pénale. »

([96]) L’article 203 du code de procédure pénale qualifie de connexes les infractions « soit lorsqu’elles ont été commises en même temps par plusieurs personnes réunies, soit lorsqu’elles ont été commises par différentes personnes, même en différents temps et en divers lieux, mais par suite d’un concert formé à l’avance entre elles, soit lorsque les coupables ont commis les unes pour se procurer les moyens de commettre les autres, pour en faciliter, pour en consommer l’exécution ou pour en assurer l’impunité, soit lorsque des choses enlevées, détournées ou obtenues à l’aide d’un crime ou d’un délit ont été, en tout ou partie, recelées. »

([97]) Sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d’instruction.

([98]) Article 28-1 du code de procédure pénale.

([99]) Dans les conditions prévues à l’article 689-5 du même code.

([100]) Dans les conditions prévues à l’article 706-34 du même code.

([101]) En application des articles 706-73 et 706-73-1 du même code.

([102]) Dans les conditions prévues à l’article 706-167 du même code.

([103]) Prévue à l’article 450-5 du code pénal.

([104]) Sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d’instruction.

([105]) Article 28-1 du code de procédure pénale.

([106]) Dans les conditions prévues à l’article 689-5 du même code.

([107]) Dans les conditions prévues à l’article 706-34 du même code.

([108]) En application des articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 du même code.

([109]) Dans les conditions prévues à l’article 706-167 du même code.

([110]) Infraction prévue à l’article L. 3421-1 du code de la santé publique et punie d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. 

([111]) Infraction prévue à l’article 222-34 du code pénal en application duquel « Le fait de diriger ou d’organiser un groupement ayant pour objet la production, la fabrication, l’importation, l’exportation, le transport, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi illicites de stupéfiants est puni de la réclusion criminelle à perpétuité et de 7 500 000 euros d’amende. »

([112]) Infraction prévue à l’article 222-35 du même code et punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 7,5 millions d’euros d’amende.

([113]) Infraction prévue à l’article 222-36 du même code et punie de dix ans d’emprisonnement et de 7,5 millions d’euros d’amende.

([114]) Infractions prévues à l’article 222-37 du même code et punie de dix ans d’emprisonnement et de 7,5 millions d’euros d’amende. 

([115]) Infraction prévue à l’article 222-38 du même code et punie de dix ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende.

([116]) Infraction prévue à l’article 222-29 du même code et punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

([117]) Section V du chapitre VII du titre II du livre II du code pénal.

([118]) Article 227-31 du même code.

([119]) Lorsque la provocation est suivie d’effet, celle-ci doit alors être articulée avec la notion de complicité qui qualifie également une personne qui « par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre » (article 121-7). Le code pénal prévoit que le complice de l’infraction est puni comme l’auteur (article 121-6).

([120]) Recommandation n° 28 : « Tirer pleinement profit de l’infraction pénale de provocation d’un mineur au trafic de stupéfiants, notamment en clarifiant les conditions de sa mise en œuvre en cas de recrutement de « jobbeurs » sur les réseaux sociaux.»

([121]) Le texte renvoie pour définir les termes de « plateforme en ligne » à l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, qui renvoie lui-même à l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE, en application duquel la « plateforme en ligne » est définie comme « un service d’hébergement qui, à la demande d’un destinataire du service, stocke et diffuse au public des informations, à moins que cette activité ne soit une caractéristique mineure et purement accessoire d’un autre service ou une fonctionnalité mineure du service principal qui, pour des raisons objectives et techniques, ne peut être utilisée sans cet autre service, et pour autant que l’intégration de cette caractéristique ou de cette fonctionnalité à l’autre service ne soit pas un moyen de contourner l’applicabilité du présent règlement ».

([122]) C’est-à-dire lorsqu’une infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction (article 132-2 du code pénal).

([123]) Pour l’application de ces articles, les peines privatives de liberté sont de même nature et toute peine privative de liberté est confondue avec une peine perpétuelle (article 132-5 du même code).

([124]) Si les peines applicables aux infractions commises en concours sont de nature différente, chaque peine peut être prononcée.

([125]) Article 132-3 du même code.

([126]) Article 132-4 du même code.

([127]) Ibid.

([128]) Objet de l’amendement n° 112 rect.

([129]) Le présent article reprend en effet la précision apportée par l’article 132-5 selon laquelle « les peines privatives de liberté sont de même nature et toute peine privative de liberté est confondue avec une peine perpétuelle ».

([130]) Section 7 relative au trafic de stupéfiants.

([131]) Interdiction soit d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, soit d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.

([132]) Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée lorsque la condamnation est prononcée par une juridiction correctionnelle, décider de ne pas prononcer ces peines, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.

([133]) Amendement CL674 de M. Pauget (LR), rapporteur.

([134]) Rapport d’information visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants déposé par la commission des Lois de l’Assemblée nationale et présenté par MM. Antoine Léaument et Ludovic Mendes, 17 février 2025, pages 78 et suivantes.

([135]) Ibid. p. 81 : « en sachant qu’un passeur « in corpore » est en capacité de transporter en moyenne près d’un kg de cocaïne, la rémunération perçue par la « mule » est estimée entre 2 000 à 6 000 euros par trajet effectué, même si le montant de la rétribution n’est pas exactement connu. »

([136]) Ibid.

([137])  Les « mules » in corpore transportent principalement de la cocaïne.

([138]) Voir l’article 62-2 du CPP.

([139]) Selon l’article 62-2 du CPP, la mesure de garde à vue « doit constituer l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des objectifs suivants : 1° Permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ; 2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l’enquête ; 3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ; 4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ; 5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices ; 6° Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit. »

([140]) Ibid.

([141]) Article 63 du CPP. Il doit informer le magistrat compétent dès le début de la mesure par tout moyen.

([142]) II de l’article 63 et 154 du CPP.

([143]) À l’exception des infractions douanières prévues à l’article 414 du code des douanes.

([144]) Article 706-88 du CPP.

([145]) Article 706-88-1 du CPP.

([146]) Article 63-4-2 al. 4 à 6 du CPP, notamment : « Le procureur de la République ne peut différer la présence de l’avocat que pendant une durée maximale de douze heures. Lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, le JLD et de la détention peut, sur requête du procureur de la République, autoriser à différer la présence de l’avocat, au-delà de la douzième heure, jusqu’à la vingt-quatrième heure. »

([147]) À l’exception des infractions douanières prévues à l’article 414 du code des douanes.

([148]) Article 706-88 al. 6 et 7 du CPP.

([149])  Deuxième alinéa de l’article 62-3 du CPP.

([150]) « Droit et pratique de l’instruction préparatoire », Christian Guéry, Dalloz action, 2022/23, voir notamment parag. 514.101 à 514.103.

([151]) Article 706-88 du CPP.

([152]) Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, cons. 25 à 27.

([153]) Article 706-88-1 du CPP.

([154]) Décision n° 2010-31 QPC du 22 septembre 2010, cons.5.

([155]) 3° de l’article 138 du CPP.

([156]) 9° de l’article 132-45 du CP.

([157]) Prévue par l’article 131-31 du CP.

([158]) Article 222-47 du CP qui renvoie aux articles 222-24 à 222-40 de ce code.

([159]) Voir notamment « Fasc. 20 : Interdiction de séjour », JCL Pénal Code, art. 131-31 et 131-32, Jean-Luc Lennon, mai 2022, parag.17.

([160]) Loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales.

([161]) Article 131-9 du CP.

([162]) Voir pour un exemple cass. crim., 14 novembre 2024,  23-85.581.

([163]) Voir pour un exemple cass. crim., 22 février 2006,  04-86.522.

([164]) Voir notamment cass. crim., 14 novembre 2024,  23-85.581 s’agissant d’une interdiction de paraître concernant la commune dans laquelle la personne condamnée résidait.

([165]) Cette disposition est prévue à l’article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure.

([166])  Décision  2021-822 DC du 30 juillet 2021, parag. 7 à 10.

([167]) Ordonnance n° 2022-831 du 1er juin 2022 créant un régime de sanctions administratives et pénales permettant de réprimer le comportement de passagers aériens perturbateurs.

([168]) Il s’agit des comportements suivants :

1° Utilise un appareil électronique ou électrique lorsque son utilisation a été interdite pendant une phase ou la totalité du vol par le personnel navigant, constitué de l’équipage de cabine et de l’équipage de conduite ;

2° Entrave l’exercice des missions de sécurité du personnel navigant ;

3° Refuse de se conformer à une instruction de sécurité donnée par le personnel navigant.

([169]) Cet article insère cette disposition au sein d’un nouvel article L. 1633-1 du code des transports dont les dispositions prévoyaient : « Lorsque les faits ont été commis dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs, les personnes déclarées coupables soit d’un crime, soit des délits de violences, d’agression sexuelle, d’exhibition sexuelle, de harcèlement sexuel, de vol ou d’extorsion prévus par le code pénal commis en état de récidive légale au sens des articles 132-9 ou 132-10 du même code, encourent également la peine complémentaire d’interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans un ou plusieurs réseaux de transport public déterminés par la juridiction. »

([170]) Décision  2019-794 DC du 20 décembre 2019, parag. 60.

([171]) À la suite de l’adoption de plusieurs amendements de suppression :  25,  67,  92,  127,  157.

([172]) Proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative au renforcement de la sûreté dans les transports, adoptée en première lecture le 11 février 2025, T.A.  46. La rédaction de la peine complémentaire prévue à l’article 13 du texte ainsi adopté en première lecture par l’Assemblée nationale est la suivante : « Art. L. 1633‑3. – Lorsque les faits ont été commis dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs, les personnes déclarées coupables soit d’un crime, soit des délits prévus aux articles 22211 à 22213, 22222 à 222222, 22232, 22233, 3111 à 3116, 3121 et 3122 du code pénal et aux articles L. 22421 à L. 224210 du présent code, encourent également la peine complémentaire d’interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans tout ou partie d’un ou plusieurs réseaux de transport public déterminés par la juridiction ou dans les lieux permettant l’accès à ces réseaux. La peine est prononcée en tenant compte des impératifs de la vie privée, professionnelle et familiale de la personne condamnée. Elle peut être suspendue ou fractionnée en application du troisième alinéa de l’article 708 du code de procédure pénale. Lorsque l’interdiction de paraître accompagne une peine privative de liberté sans sursis, elle s’applique à compter du jour où la privation de liberté a pris fin. La violation de cette interdiction est punie des peines prévues à l’article 43441 du code pénal. Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, communique aux personnes morales en charge d’une mission de transport collectif de voyageurs l’identité des personnes faisant l’objet de cette interdiction, dans des conditions précisées par voie réglementaire. »

([173]) Ces dispositions avaient cependant été supprimées lors de l’examen du texte en commission des Lois, par l’adoption de six amendements identiques de suppression : CL155, CL43, CL58, CL133, CL218 et CL226.

([174]) Une infraction mentionnée au 3° de l’article 706-73 du CPP.

([175]) Il s’agit des infractions suivantes prévues par le code pénal : organisation de groupement ayant pour objet une activité illicite liée aux stupéfiants (art. 222-34), production ou fabrication non autorisées de stupéfiants (art. 222-35), importation ou exportation illicite de stupéfiants (art. 222-36), transport, détention, offre, cession, acquisition ou emploi illicites de stupéfiants (art. 222-37), blanchiment de trafic de stupéfiants (art. 222-38), cession ou offre illicite de produits stupéfiants (art. 222-39).

([176])  Amendement COM-67 de Mme Jourda (LR) et M. Durain (SER), rapporteurs.

([177]) Amendement COM-68 de Mme Jourda (LR) et M. Durain (SER), rapporteurs.

([178]) Article 132-1 du code pénal.

([179]) Amendement  147 de M. Bennaroche (Écologiste).

([180]) Amendement  172 de Mme de la Gontrie (SER).

([181]) Amendement  252 de Mme Jourda (LR) et M. Durain (SER), rapporteurs.

([182]) Anciennement mentionnés à l’article L. 111-7 du code de la consommation.

([183]) Les fournisseurs de services d’hébergement sont définis au 2 du I de l’article 6 de la LCEN par renvoi à l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques. Le service consiste « à stocker des informations fournies par un destinataire du service à sa demande ». Pour s’en tenir aux services les plus connus, il s’agit notamment de Facebook, Amazon, Ebay, Leboncoin.fr, Google, Dailymotion, Instagram ou encore Twitter (voir le commentaire aux cahiers de la décision du Conseil constitutionnel  2020-801 DC du 18 juin 2020).

([184]) Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

([185]) Loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique.

([186])  Règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques.

([187]) Cette obligation est prévue à l’article 18 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques.

([188]) Infraction prévue au C du IV de l’article 6 de la LCEN.

([189]) Il s’agit des contenus constituant les infractions suivantes : les délits de presse prévus aux cinquième, septième et huitième alinéas de l’article 24 (apologie publique de certains crimes prévus par le CP, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de réduction en esclavage, ou des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi ; provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; provocation à la haine ou aux discriminations ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap) et à l’article 24 bis (négationnisme) de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les délits prévus aux articles 211-2 (provocation publique et directe non suivie d’effet à commettre un génocide), 222-33 (harcèlement sexuel), 222-33-1-1 (outrage sexiste), 222-33-2 (harcèlement moral au travail), 222-33-2-3 (harcèlement scolaire), 222-39 (cession ou offre illicite de stupéfiants), 223-13 (provocation au suicide suivie d’effet), 225-4-13 (pratiques visant à modifier ou réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne), 225-5 (proxénétisme), 225-6 (infractions assimilées au proxénétisme), 227-23 (diffusion, offre, cession images pédopornographiques), 227-18 (provocation de mineurs à l’usage illicite de stupéfiantes), 227-18-1 (provocation de mineurs au trafic de stupéfiants), 227-19 (provocation de mineurs à la consommation d’alcool), 227-21 (provocation de mineurs à commettre un crime ou un délit), 227-22 (corruption de mineur de 15 ans) à 227-24 (fabrication, transport, diffusion, de message violent, pornographique, ou contraire à la dignité, accessible à un mineur, 412-8 (provocation à s’armer contre l’État ou la population, suivie ou non d’effet), 413-13 et 413-14 (révélation d’informations permettant de découvrir l’usage d’une identité d’emprunt d’un agent de renseignement ou d’un membre d’une unité des forces spéciales), 421-2-5 (provocation et apologie du terrorisme), 431-6 (provocation directe à un attroupement armé, suivie ou non d’effet), 433-3 et 433-3-1 (menace, intimidation ou violence envers une personne dépositaire de l’autorité publique), 521-1-2 (diffusion d’images d’actes de cruauté sur animaux) et 521-1-3 (sollicitation d’atteintes sexuelles sur un animal) du CP.

([190]) Il s’agit des contenus constituant des faits de provocation à des actes de terroriste ou d’apologie de tels actes relevant de l’article 421-2-5 du CP.

([191]) Il s’agit des contenus de diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant de l’article 227-23 du même code.

([192]) Décret n° 2015-125 du 5 février 2015 relatif au blocage des sites provoquant à des actes de terrorisme ou en faisant l’apologie et des sites diffusant des images et représentations de mineurs à caractère pornographique. Pour ce faire, l’OFAC étudie les signalements effectués via la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos) à partir du site www.internet-signalement.gouv.fr.

([193]) Les fournisseurs d’un service d’accès à internet sont définis au 1 du I de l’article 6 de la LCEN par renvoi à l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques. Il s’agit de « toute personne fournissant un service de simple transport [NB : c’est-à-dire qui consiste à transmettre, sur un réseau de communication, des informations fournies par un destinataire du service ou à fournir l’accès à un réseau de communication] dont l’activité consiste à offrir un accès à des services de communication au public en ligne ».

([194])  Les moteurs de recherche en ligne sont définis au 3 du I de l’article 6 de la LCEN par renvoi à l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques. Il s’agit d’un « service intermédiaire qui permet aux utilisateurs de formuler des requêtes afin d’effectuer des recherches sur, en principe, tous les sites internet ou tous les sites internet dans une langue donnée, sur la base d’une requête lancée sur n’importe quel sujet sous la forme d’un mot-clé, d’une demande vocale, d’une expression ou d’une autre entrée, et qui renvoie des résultats dans quelque format que ce soit dans lesquels il est possible de trouver des informations en rapport avec le contenu demandé ».

([195]) Le manquement à cette obligation pour les fournisseurs de services d’accès à internet et les moteurs de recherche et annuaires est puni d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende.

([196]) Ces peines complémentaires sont prévues aux 2° et 9° de l’article 131-39 du CP.

([197]) Règlement (UE) 2021/784 du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne.

([198])  En effet, le 11 mai 2023, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement. Ce règlement vise à instaurer la possibilité, pour les autorités nationales compétentes, d’émettre des injonctions de détection de contenus pédopornographiques et de signalement et de retrait de ces contenus auprès des fournisseurs de services d’hébergement, de services de communications interpersonnelles et d’autres services opérant dans l’Union européenne (proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur enfants – COM (2022).

([199]) Loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique.

([200]) Cette information préalable est prévue au point 2 de l’article 3 du règlement (UE) 2021/784 « TCO » pour les contenus terroriste et au I de l’article 6-2 de la LCEN s’agissant des contenus à caractère pédopornographique.

([201])  Cette garantie est prévue au point 7 de l’article 3 du règlement (UE) 2021/784 « TCO » pour les contenus terroristes et au II de l’article 6-2 de la LCEN s’agissant des contenus à caractère pédopornographique.

([202])  Prévue au point 4 de l’article 3 du règlement (UE) 2021/784 « TCO » pour les contenus terroristes et au III de l’article 6-2 de la LCEN s’agissant des contenus à caractère pédopornographique.

([203]) Décision  2020-801 DC du 18 juin 2020.

([204])  Loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.

([205])  Il s’agissait de « contenus contrevenant manifestement aux dispositions mentionnées aux cinquième, septième et huitième alinéas de l’article 24, à l’article 24 bis et aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, aux articles 222-33, 227-23 et 421-2-5 du CP ainsi que, lorsque l’infraction porte sur un contenu à caractère pornographique, à l’article 227-24 du même code ». Ces articles renvoyaient aux « infractions d’apologie à la commission de certains crimes ; de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ou à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap ou de provocation à la discrimination à l’égard de ces dernières personnes ; de contestation d’un crime contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale ; de négation, de minoration ou de banalisation de façon outrancière de l’existence d’un crime de génocide, d’un autre crime contre l’humanité que ceux précités, d’un crime de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou d’un crime de guerre lorsque ce crime a donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou internationale ; d’injure commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ou envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap ; de harcèlement sexuel ; de transmission d’une image ou d’une représentation d’un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique ; de provocation directe à des actes de terrorisme ou d’apologie de ces actes ; de diffusion d’un message à caractère pornographique susceptible d’être vu ou perçu par un mineur. » (voir le commentaire de la décision du Conseil constitutionnel  2020-801 DC du 18 juin 2020).

([206]) Loi n° 2022-1159 du 16 août 2022 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne.

([207]) Décrite supra.

([208]) Décision n° 2022-841 DC du 13 août 2022, parag. 13 à 16.

([209]) Ibid. parag. 17.

([210]) Ibid. parag. 18.

([211]) Loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique.

([212]) Décision  2024-866 DC du 17 mai 2024, parag. 32 à 41.

([213]) Article 4 de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.

([214]) Auparavant le délit s’appliquait uniquement à l’« opérateur de plateforme en ligne mentionné à l’article L. 111-7 du code de la consommation ». L’infraction a été modifiée par la loi du 21 mai 2024 portant adaptation du droit français au règlement européen sur les services numériques (RSN), dit « Digital Services Act » (DSA). Cette modification permet de réprimer désormais le fournisseur de service de plateforme en ligne en renvoyant à la définition prévue à l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 (LCEN).

([215]) Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

([216])  « Cybercriminalité : baptême du feu judiciaire pour le délit d’administration illicite d’une plateforme en ligne », Dalloz actualité, Gabriel Thierry, 24 juin 2024.

([217]) Rapport d’information visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants déposé par la commission des Lois de l’Assemblée nationale et présenté par MM. Antoine Léaument et Ludovic Mendes, 17 février 2025, page 198.

([218]) Ces faits sont punis de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

([219])  La peine d’emprisonnement est alors portée à dix ans.

([220]) Conformément au dernier alinéa de l’article 6-1 de la LCEN, le manquement à cette obligation pour les fournisseurs de services d’accès à internet et les moteurs de recherche et annuaires est puni d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende.

([221]) Amendement COM-69 de Mme Jourda (LR) et de M. Durain (SER), rapporteurs.

([222]) Amendement n° 203 du Gouvernement.

([223]) Crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité et de 7 500 000 euros d’amende.

([224]) Crime puni de 20 ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 euros d’amende, les peines étant portées à 30 ans et 7 500 000 euros d’amende lorsque les faits sont commis en bande organisée.

([225]) Les faits sont punis de 10 ans d’emprisonnement et 7 500 000 euros d’amende. Lorsqu’ils sont commis en bande organisée, il s’agit d’un crime puni de 30 ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 euros d’amende.

([226]) Ce délit est puni de 10 ans d’emprisonnement et de 7 500 000 euros d’amende.

([227]) Ces faits sont punis de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, les peines étant portées à 7 ans et 100 000 euros d’amende lorsqu’ils constituent une provocation directe commise dans des établissements d’enseignement ou d’éducation ou dans les locaux de l’administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux.

([228]) Loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique.

([229]) Il s’agit des données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés.

([230]) Respectivement consacrés par les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. 

([231])  Voir notamment les décisions suivantes : CJUE, 21 décembre 2016, aff. C-203/15 et C.-689/15, Tele2 Sverige et Watson, CJUE, 6 octobre 2020, aff. C-511/18, C-512/18 et C-520/18, La Quadrature du net, et CJJUE, 5 avril 2022, aff. C-140/20, Commissioner of the Garda Siochana.

([232])  CJUE, 21 décembre 2016, aff. C-746/18, Prokuratuur.

([233])  CE, ass., 24 avril 2021,  393099, French Data Network..

([234]) Article 17 de la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement.

([235]) Il s’agit du décret n° 2021-1361 du 20 octobre 2021 relatif aux catégories de données conservées par les opérateurs de communications électroniques.

([236]) Loi n 2022-299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire.

([237]) Cet encadrement permet de tirer dans cette loi les conséquences de la décision n° 2021-952 QPC du 3 décembre 2021 par laquelle le Conseil constitutionnel a censuré des dispositions des articles 77-1-1 et 77-1-2 du code de procédure pénale relatives aux réquisitions judiciaires des données de connexion.

([238]) Il s’agit notamment des données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés mentionnées au 3° du II bis de l’article L. 34-1 du CPCE et les données de trafic et de localisation mentionnées au III du même article.

([239])  Il s’agit en particulier des informations liées à l’état civil de l’intéressé, à son adresse, aux pseudonymes qu’il utilise, ainsi que celles relatives au paiement.

([240]) En vertu du IV de l’article L. 34-1 du CPCE. L’article R. 10-13 du CPCE détermine les données concernées. Il s’agit essentiellement des « données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés », à savoir l’adresse IP attribuée à la source de la connexion et le port associé, le numéro d’identifiant de l’utilisateur, le numéro d’identification du terminal et le numéro de téléphone à l’origine de la communication. Il s’agit également de certaines données de trafic et de localisation, notamment les caractéristiques techniques ainsi que la date, l’horaire et la durée de chaque communication et les données relatives aux services complémentaires demandés ou utilisés et leurs fournisseurs.

([241]) Ibid.

([242]) En vertu du 1° du II bis de l’article L. 34-1 du CPCE. Le I de l’article R. 10-13 du CPCE précise les informations concernées par cette obligation d’information : 1° Les nom et prénom, la date et le lieu de naissance pour une personne physique ou la raison sociale, ainsi que les nom, prénom, date et lieu de naissance de la personne agissant en son nom, lorsque le compte est ouvert au nom d’une personne morale ; 2° La ou les adresses postales associées ; 3° La ou les adresses de courrier électronique de l’utilisateur et du ou des comptes associés le cas échéant ; 4° Le ou les numéros de téléphone.

([243]) En vertu du 2° du II bis de l’article L. 34-1 du CPCE. Les II et III de l’article R. 10-13 du CPCE définissent les catégories d’information concernées : l’identifiant utilisé ; le ou les pseudonymes utilisés ; les données destinées à permettre à l’utilisateur de vérifier son mot de passe ou de le modifier, le cas échéant par l’intermédiaire d’un double système d’identification de l’utilisateur, dans leur dernière version mise à jour ; le type de paiement utilisé ; la référence du paiement ; le montant ; la date, l’heure et le lieu en cas de transaction physique.

([244]) CJJUE, 5 avril 2022, aff. C140/20, Commissioner of the Garda Siochana, point 71.

([245]) Ibid., point 72.

([246]) CEDH, 30 janvier 2020,  50001/12, Breyer c. Allemagne.

([247]) Amendement  194 de Mme Narassiguin (SER).

([248]) Amendement CL537 de M. Pauget (LR), rapporteur.

([249])  Amendement CL538 de M. Pauget (LR), rapporteur.

([250]) Loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l’entrée en vigueur du nouveau code pénal et à la modification de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur.

([251]) Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

([252]) Pour une présentation de ce régime et notamment des techniques spéciales d’enquête, se reporter au commentaire de l’article 22 bis dans le présent rapport.

([253]) Prévu aux articles 706-73 à 706-106 du CPP.

([254]) Voir infra.

([255]) Article 706-75 du CPP.

([256]) Ibid.

([257]) Pour les infractions de délinquance organisée listées à l’article 706-73-1 du CPP, l’application des règles dérogatoires en matière de garde à vue prévue à l’article 706-88 du même code est exclue.

([258]) Voir le rapport  856 fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, par M. Jean-Luc Warsmann, 14 mai 2003, notamment p. 104.

([259]) Selon l’article 59 du CPP les perquisitions ne peuvent commencer avent 6 heures ni après 21 heures.

([260]) En application de l’article 698-6 du CPP elle est composée d’un président et, lorsqu’elle statue en premier ressort, de quatre assesseurs, ou lorsqu’elle statue en appel, de six assesseurs.

([261]) 4° de l’article 750 du CPP.

([262]) Dans les conditions prévues aux articles 749 à 762 du CPP.

([263]) Article 712-1 du CPP.

([264]) Le TAP est compétent chaque fois que la loi le prévoit, notamment pour le traitement des mesures d’individualisation des condamnés à de longues peines. En application de l’article 712-3 du CPP, il est composé de trois magistrats de première instance en charge de l’application des peines, juges ou vice-présidents.

([265]) Les règles présentées ci-dessous s’appliquent pour les condamnés majeurs, des dispositions particulières étant prévues pour le juge des enfants intervenant comme juge de l’application des peines aux articles L. 611-1 à L. 611-9 du code de la justice pénale des mineurs.

([266]) L’article D. 49-22 du CPP prévoit les dispositions en matière de déclaration d’adresse par la personne condamnée. Par ailleurs, si la personne condamnée n’a pas de résidence habituelle en France, le juge de l’application des peines compétent est celui du tribunal dans le ressort duquel a son siège la juridiction qui a statué en première instance.

([267]) Il s’agit des infractions de terrorisme prévues aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, entrant dans le champ d’application de l’article 706-16 du code de procédure pénale.

([268]) Loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.

([269])  Rapport fait au nom de la commission des Lois du Sénat  117 sur le projet de loi, après déclaration d’urgence, relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, par M. Jean-Patrick Courtois, 6 décembre 2005, p. 89.

([270]) Rapport fait au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale  2681 sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, par M. Alain Marsaud, 16 novembre 2005, p. 80.

([271]) Loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.

([272]) Les articles D. 49-75 à D. 49-81-5 du CPP déterminent les règles d’articulation entre la juridiction territorialement compétente et la juridiction parisienne.

([273]) Rapport fait au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale  3515 sur le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, par Mme Colette Capdevielle et M. Pascal Popelin, 18 février 2016, p. 121.

([274]) Les infractions sont énumérées à l’article 706-73 du CPP.

([275])  Amendement COM-70 de Mme Jourda (LR) et M. Durain (SER), rapporteurs.

([276])  Amendement COM-71 de Mme Jourda (LR) et M. Durain (SER), rapporteurs.

([277])  Amendement  233 du Gouvernement.

([278])  À savoir, le juge de l’application des peines du tribunal judiciaire de Paris, du tribunal de l’application des peines de Paris et de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel de Paris.

([279]) Ainsi qu’aux infractions mentionnées à l’article 706-74 du CPP relatif notamment aux autres crimes et délits commis en bande organisée pour lesquels la loi prévoit l’application du régime procédural dérogatoire prévu aux articles 706-73 à 706-106 du CPP.

([280]) Il n’est pas mentionné les crimes et délits constituant des actes de terrorisme listés au 11° de l’article 706-73 du CPP, dans la mesure où le renvoi à l’article 706-74 du même code permet

([281]) Infractions prévues au 11° de l’article 706-73 du CPP.

([282]) Infractions prévues au 11° bis de l’article 706-73 du CPP. 

([283]) Infractions prévues au 18° de l’article 706-73 du CPP.  

([284]) Infractions prévues au 11° de l’article 706-73-1 du CPP.  

([285]) Amendement CL644 de M. Pauget (LR), rapporteur. 

([286]) Article 706-25 du code de procédure pénale.

([287])  Amendement CL650 de M. Pauget (LR), rapporteur.

([288]) Amendement CL646, CL647, CL648 de M. Pauget (LR), rapporteur.

([289]) Amendement CL645 de M. Pauget (LR), rapporteur.

([290])  Décret n° 2014-346 du 17 mars 2014 relatif à la protection des personnes mentionnées aux articles 706-62-2 et 706-63-1 du CPP.

([291])  Première chambre civile de la Cour de cassation, 2 mars 2022, pourvoi n° 21-25.385.

([292])  Contribution écrite du président de la CNPR aux travaux des rapporteurs.

([293])  Article Le Monde – « L’hiver des repentis de la Mafia italienne », publié le 10 mai 2019 par Thomas Saintourens.

([294])  Article Le Monde – « Crime organisé : la commission des protections des « repentis » en état de « crise existentielle », selon son président sortant », publié le 11 février 2023 par Jacques Follorou.

([295]) Direction de l’initiative parlementaire et des délégations du Sénat – « Note sur les repentis face à la justice pénale », mars 2024.

([296]) Crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre, ainsi que les infractions connexes.

([297]) Crimes et délits liés à la criminalité et à la délinquance organisées.

([298]) Article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des Libertés fondamentales.

([299]) Articles 10-2, 40-4-1 et 89 du code de procédure pénale.

([300]) L’article 706-57 du CPP prévoit notamment que les témoins « peuvent, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, déclarer comme domicile l’adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie ».

([301]) Le premier alinéa de l’article 706-62-1 du CPP dispose ainsi  En cas de procédure portant sur un crime ou sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, lorsque la révélation de l’identité d’un témoin est susceptible de mettre gravement en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches, le juge d’instruction ou le président de la juridiction de jugement statuant en chambre du conseil peut ordonner soit d’office, soit à la demande du procureur de la République ou des parties, que cette identité ne soit pas mentionnée au cours des audiences publiques et ne figure pas dans les ordonnances, jugements ou arrêts de la juridiction d’instruction ou de jugement qui sont susceptibles d’être rendus publics. »

([302])  L’article 706-58 du CPP dispose notamment : « En cas de procédure portant sur un crime ou sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, lorsque l’audition d’une personne visée à l’article 706-57 est susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l’intégrité physique de cette personne, des membres de sa famille ou de ses proches, le juge des libertés et de la détention, saisi par requête motivée du procureur de la République ou du juge d’instruction, peut, par décision motivée, autoriser que les déclarations de cette personne soient recueillies sans que son identité apparaisse dans le dossier de la procédure. »

([303]) En application de l’article 706-60 du CPP.

([304]) En vertu de l’article 706-62 du CPP.

([305]) L’article 706-61 du CPP prévoit à cet égard que : « La personne mise en examen ou renvoyée devant la juridiction de jugement peut demander à être confrontée avec un témoin [sous X] par l’intermédiaire d’un dispositif technique permettant l’audition du témoin à distance ou à faire interroger ce témoin par son avocat par ce même moyen. La voix du témoin est alors rendue non identifiable par des procédés techniques appropriés. »

([306]) Loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

([307]) Prévues à l’article 706-16 du CPP.

([308]) Article 706-24-2 du CPP.

([309]) Article 15-3 du CPP.

([310]) Les articles D. 8-3 à D. 8-6 du CPP prévoient les autorités compétentes.

([311]) III de l’article 15-4 du CPP.

([312]) IV de l’article 15-4 du CPP.

([313])  Sont ainsi mentionnés son conjoint, ses enfants ou ses ascendants directs.

([314]) Loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.

([315]) L’article R. 50-29 du CPP précise qu’il « est tenu, au parquet général de la cour d’appel de Paris, un registre coté et paraphé dans lequel sont mentionnées les autorisations de s’identifier par leur numéro d’immatriculation administrative délivrées par le procureur général de Paris à des officiers ou agents de police judiciaire affectés dans des services de police judiciaire spécialement chargés de la lutte contre le terrorisme et auquel sont annexées les copies de ces autorisations. »

([316]) CEDH, 23 avril 1997,  21363/93, Van Mechelen : à propos de la prise en compte des témoignages des policiers anonymes.

([317]) Décret n° 2012-652 du 4 mai 2012 relatif au traitement d’antécédents judiciaires.

([318]) Ces données sont énumérées de manière exhaustive à l’article R. 40-26 du CPP.

([319]) Selon les articles 230-6 et R. 40-25 du CPP.

([320]) Mentionnées à l’article R. 40-28 du CPP.

([321]) Cass. crim.,  22-81.466, 25 octobre 2022.

([322]) Cass. crim.,  23-85.513, 3 avril 2024.

([323]) Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.

([324]) Décision  2022-846 DC du 19 janvier 2023, parag. 101.

([325]) Amendement COM-73 de Mme Jourda (LR) et de M. Durain (SER), rapporteurs.

([326]) Un arrêté conjoint du ministre chargé de l’intérieur et du ministre de la justice établit la liste de ces services.

([327]) Il est précisé que son identité n’est pas mentionnée dans les procès-verbaux, citations, convocations, ordonnances, jugements ou arrêts le concernant.

([328]) Amendements n° 44 de M. Frassa (LR) et n° 193 de Mme de la Gontrie (SER).

([329]) Il est renvoyé aux infractions prévues aux articles 706-73 et 706-73-1 du CPP.

([330]) Par l’effet du renvoi à l’article 706-74 du CPP.

([331]) Il est prévu que cette mise à disposition doit intervenir au plus tard : le 31 décembre 2025 s’agissant des décisions rendues par les cours d’appel en matière contraventionnelle et délictuelle ainsi que des décisions rendues en matière criminelle ; le 31 décembre 2026 s’agissant des décisions rendues par les juridictions de premier degré en matière délictuelle ; et le 31 décembre 2027 s’agissant des décisions rendues par les juridictions de premier degré en matière contraventionnelle.

([332]) Amendements CL595, CL596 et CL597 de M. Caure (EPR), rapporteur.

([333]) Amendement n° 111 de M. Vogel (LIRT).

([334]) Se reporter au commentaire de l’article 13 au sein du présent rapport qui énumère l’ensemble de ces infractions.

([335]) Mentionnés au 2° de l’article 706-74 du CPP. Il peut être relevé que les modifications introduites par l’article 9 de la proposition de loi ont pour effet d’étendre le champ d’application de ces dispositions aux associations de malfaiteurs en vue de la préparation des délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

([336]) Amendement CL598 de M. Caure (EPR), rapporteur.

([337]) Amendement CL179 de Mme Regol (ÉcoS).

([338]) L’arrêté du 28 mai 2019 portant modification de l’arrêté du 21 octobre 2015 relatif à l’habilitation au sein de services spécialisés d’officiers ou agents de police judiciaire pouvant procéder aux enquêtes sous pseudonyme fixe les conditions d’habilitation des officiers de police judiciaire (OPJ) et agents de police judiciaire (APJ) à procéder à des enquêtes sous pseudonyme.

([339]) Voir supra.

([340]) Cour européenne des droits de l’Homme,  74420/01, aff. Ramanauskas c. Lituanie, 5 février 2008,

([341]) Voir notamment cass. crim., 4 juin 2008,  08-81.04 : cassation en raison de la provocation à la commission d’une infraction par un agent de l’autorité publique, en l’absence d’éléments permettant d’en soupçonner l’existence. En l’espèce, le service de police de New York avait créé un site de pornographie infantile qu’il exploitait aux fins d’identifier des internautes pédophiles. Le français qui s’était connecté et chez qui on avait découvert des documents dont certains étaient antérieurs à la connexion sur le service géré par les policiers américains, a obtenu l’annulation de la procédure : la découverte de la détention d’images pornographiques n’a été permise que par la provocation à la commission d’une infraction organisée par les autorités américaines et dont les résultats avaient été transmis aux autorités françaises.

([342]) Ass. Plén., 9 décembre 2019,  18-86.767.

([343]) Cass. crim., 30 avril 2014,  13-88.162.

([344])  Décision  2019-778 DC du 21 mars 2019, parag. 155 à 157.

([345]) Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.

([346]) Décision  2022-846 DC du 19 janvier 2023, parag. 45.

([347]) Article 706-81 du CPP.

([348]) Article 706-82 du CPP.

([349]) Comme le prévoit l’article 706-81 du CPP.

([350]) Article 706-83 du CPP.

([351]) Article 706-86 du CPP.

([352]) Amendement COM-74 de Mme Jourda (LR) et de M. Durain (SER), rapporteurs.

([353]) Rapport fait au nom de la commission des Lois du Sénat, n° 253, sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic et sur la proposition de loi organique fixant le statut du procureur national anti-stupéfiants, par Mme Muriel Jourda et M. Jérôme Durain, 22 janvier 2025.

([354]) Voir supra.

([355]) Il s’agit des infractions d’atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données.

([356]) Il s’agit notamment d’infractions de délinquance économique et financière.

([357]) Cet article renvoie notamment aux infractions mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 241-3 (abus des biens ou du crédit d’une société à responsabilité limitée par un gérant facilité par un compte ou un contrat ouvert ou souscrit auprès d’un organisme étranger ou par interposition de personnes à l’étranger) et L. 242-6 (même infraction mais applicable pour une société par actions, les faits étant commis par son dirigeant) du code de commerce.

([358]) Il s’agit notamment d’infractions en matière d’atteintes à l’environnement et à la santé publique.

([359]) Il peut être rappelé que la généralisation du recours à cette technique spéciale d’enquête à l’ensemble des crimes, qui avait été prévue par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 a été censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision  2019-778 DC du 21 mars 2019, parag. 161 à 165.

([360]) Les articles 230-47 à 230-53 du CPP encadrent notamment la possibilité de recourir à des dispositifs aéroportés aux fins de captation et de fixation d’images dans des lieux publics.

([361])  Comme mentionné supra, il s’agit des infractions mentionnées aux articles 706-73, 706-73-1, 706-72, 706-1-1, 706-1-2 et 706-2-2 du CPP.

([362]) Conformément à l’article 706-97 du CPP.

([363]) Article 706-95-16 du CPP.

([364]) Prévu aux articles 706-95-11 à 706-95-19 du CPP.

([365]) Articles 706-95-18 du CPP.

([366]) Articles 706-95-19 du CPP.

([367]) Article 706-95-14 du CPP.

([368]) Elles sont prévues à l’article 59 du CPP, il s’agit des heures entre 6 heures et 21 heures.

([369]) Loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

([370]) Étude d’impact sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 pages 137 et 138.

([371])  Ainsi que l’a relevé le Conseil constitutionnel qui a examiné ces dispositions dans sa décision n  2023-855 DC du 16 novembre 2023, parag. 63.

([372]) Ibid.

([373]) Protégé par l’article 2 de la Déclaration de 1789.

([374]) Décision n  2023-855 DC du 16 novembre 2023, parag. 64.

([375]) Ibid. parag. 65.

([376]) Ibid. parag. 66.

([377]) Le Conseil ayant rappelé que dans le dispositif envisagé par la loi « la durée de l’autorisation de procéder à la sonorisation et à la captation d’images doit être strictement proportionnée à l’objectif recherché [et] ne peut excéder quinze jours renouvelable une fois, au cours d’une enquête, et deux mois renouvelable sans que la durée totale des opérations excède six mois, au cours d’une information judiciaire » (ibid. parag. 65).

([378])  Comme mentionné supra, il s’agit des infractions mentionnées aux articles 706-73, 706-73-1, 706-72, 706-1-1, 706-1-2 et 706-2-2 du CPP.

([379]) Il s’agit des experts qui figurent sur une liste nationale dressée par la Cour de cassation ou une liste dressée par chaque cour d’appel.

([380]) Cette exclusion étant prévue à peine de nullité.

([381])  Il s’agit du cabinet d’un avocat ou de son domicile, des locaux ou véhicules professionnels d’une entreprise ou agence de presse, entreprise de communication audiovisuelle, de communication au public en ligne, du domicile d’un journaliste, du cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier, les locaux d’une juridiction, le domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles.

([382])  Dans un tel cas, le magistrat ayant autorisé le recours au dispositif doit ordonner la destruction des données qui ne peuvent être transcrites et la destruction des procès‑verbaux et des données collectées lorsque les opérations n’ont pas été réalisées conformément à son autorisation ou lorsque les dispositions applicables du présent code n’ont pas été respectées.

([383]) Comme le souligne le rapport fait au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale,  1440, sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 par Mme. Jean Terlier, Erwan Balanant et Philippe Pradal, 23 juin 2023, p. 163 et 164. Il est ainsi relevé : « Il s’agit d’un renforcement important des garanties apportées par la loi en matière de protection des droits de la défense et du secret professionnel des avocats, ainsi qu’en matière de protection des sources En effet, s’agissant des captations d’images ou de sons, s’il est prévu qu’aucune séquence relative à la vie privée étrangère aux infractions visées dans les ordonnances autorisant la mesure ne peut être conservée dans le dossier de la procédure ([252]), cela ne protège pas directement les échanges avec un avocat ou avec un journaliste. En effet, si ces échanges ne sont pas relatifs à la vie privée étrangère aux infractions visées, alors ils peuvent faire l’objet d’une retranscription. L’introduction de ce nouvel alinéa à l’article 706-96-1 constitue donc une réelle avancée quant aux garanties prévues par la loi pour la mise en œuvre des techniques spéciales d’enquête de sonorisation et de captation d’images. »

([384]) Ibid. parag. 68.

([385]) Ibid., même parag.

([386]) Commentaire aux cahiers des décisions n° 2023-855 DC et n° 2023-856 DC du 16 novembre 2023, p. 35.

([387]) Amendement n° 201 de Mme Phinera-Horth (RDPI).

([388]) Voir supra.

([389]) Il s’agit des infractions d’atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données.

([390]) Il s’agit notamment d’infractions de délinquance économique et financière.

([391]) Cet article renvoie notamment aux infractions mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 241-3 (abus des biens ou du crédit d’une société à responsabilité limitée par un gérant facilité par un compte ou un contrat ouvert ou souscrit auprès d’un organisme étranger ou par interposition de personnes à l’étranger) et L. 242-6 (même infraction mais applicable pour une société par actions, les faits étant commis par son dirigeant) du code de commerce.

([392]) Il s’agit notamment d’infractions en matière d’atteintes à l’environnement et à la santé publique.

([393]) Il peut être rappelé que la généralisation du recours à cette technique spéciale d’enquête à l’ensemble des crimes, qui avait été prévue par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 a été censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision  2019-778 DC du 21 mars 2019, parag. 161 à 165.

([394]) Voir supra. pour l’énumération des lieux concernés.

([395]) Il s’agit des experts qui figurent sur une liste nationale dressée par la Cour de cassation ou une liste dressée par chaque cours d’appel. 

([396])  Amendements CL52 de M. Bernalicis (LFI), CL213 de Mme Capdevielle (PS), CL317 de Mme K/Bidi (GDR), CL349 de M. Houlié, et CL495 de M. Amirshahi (ÉcoS).

([397]) Amendement  95 de M. Blanc (LR).

([398]) De la section 6 du chapitre II du titre XXV du livre IV du CPP.

([399]) Qui sont prévues aux 1° à 6° et 11° à 12° de l’article 706-73 du CPP.

([400]) Hors les cas prévus à l’article 56-1-2 du CPP : il s’agit notamment des cas dans lesquels le secret professionnel du conseil n’est pas opposable pour certaines infractions, par exemple celles relatives aux actes de terrorisme et à la corruption et au trafic d’influence.

([401])  Il s’agit du cabinet d’un avocat ou de son domicile, des locaux ou véhicules professionnels d’une entreprise ou agence de presse, entreprise de communication audiovisuelle, de communication au public en ligne, du domicile d’un journaliste, du cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier, les locaux d’une juridiction, le domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles.

([402])  Dans un tel cas, le magistrat ayant autorisé le recours au dispositif doit ordonner la destruction des données qui ne peuvent être transcrites et la destruction des procès‑verbaux et des données collectées lorsque les opérations n’ont pas été réalisées conformément à son autorisation ou lorsque les dispositions applicables du présent code n’ont pas été respectées.

([403]) Il s’agit des experts qui figurent sur une liste nationale dressée par la Cour de cassation ou une liste dressée par chaque cour d’appel. 

([404]) Amendement CL54 de M. Houlié, CL188 de Mme Regol (ÉcoS), CL214 de Mme Capdevielle (PS), et CL318 de Mme Faucillon (GDR).

([405])  Rapport n° 284 du sénateur Jean-Pierre Sueur sur le projet de loi relatif à la géolocalisation, déposé le  15 janvier 2014.

([406])  Décision n° 2014-693 DC du 25 mars 2014 – Loi relative à la géolocalisation.

([407])  CEDH, Arrêt du 23 mai 2017, Van Wesenbeeck c. Belgique, requêtes n° 67496/10 et 52936/12.

([408]) International Mobile Subscriber Identity.

([409]) International Mobile Equipment Identity.

([410]) Il est en effet renvoyé à l’application des règles prévues aux articles 100-3 à 100-7 du CPP. L’article 100-5 du CPP prévoit qu’à peine de nullité ne peuvent être transcrites ni les correspondances avec un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense et couvertes par le secret professionnel de la défense et du conseil, ni les correspondances avec un journaliste permettant d’identifier une source. L’article 100-7 du même code garantit l’information de certaines personnes préalablement aux opérations d’interception portant sur la ligne d’un parlementaire, ou celles dépendant du cabinet ou du domicile d’un avocat ou d’un magistrat.

([411]) Article 706-95-11 du CPP.

([412]) Article 706-95-12 du CPP.

([413]) L’ordonnance doit notamment être motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que les opérations sont nécessaires (article 706-95-13 du CPP).

([414]) Ce procédé permet d’identifier ou localiser un équipement terminal ainsi que le numéro d’abonnement de son utilisateur.

([415]) Comme pour celle du juge des libertés et de la détention, l’ordonnance être motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que les opérations sont nécessaires (article 706-95-13 du CPP).

([416]) Article 706-95-18 du CPP.

([417]) Article 706-95-19 du CPP.

([418]) Article 706-96-1 du CPP.

([419]) Premier alinéa de l’article 706-102-5 du CPP.

([420]) Conformément à l’article 59 du CPP, en principe, les perquisitions et les visites domiciliaires ne peuvent être commencées avant 6 heures et après 21 heures. L’autorisation judiciaire peut prévoir une dérogation à cette règle en vue de l’installation ou du retrait du dispositif.

([421]) Articles 56-1 et 100-7 du CPP.

([422]) Article 56-2 du CPP.

([423]) Article 56-3 du CPP.

([424]) Article 56-5 du CPP.

([425]) Article 56-5 du CPP.

([426]) Article 100-7 du CPP.

([427]) Article 100-7 du CPP.

([428]) Amendement  97 de M. Blanc (LR).

([429]) Ou de toute autre personne titulaire d’un droit sur ceux-ci.

([430]) La mise en place du dispositif technique est ainsi exclue au sein des lieux mentionnés aux articles 56-1, 56-2, 56-3 et 56-5 du CPP ou dans le bureau ou le domicile des personnes mentionnées à l’article 100-7 du même code, à savoir : le cabinet ou le domicile d’un avocat, son domicile, les locaux ou véhicules professionnels d’une entreprise ou agence de presse, entreprise de communication audiovisuelle, de communication au public en ligne, le domicile d’un journaliste, le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier, les locaux d’une juridiction, le domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles, le bureau ou le domicile d’un magistrat, le bureau ou le domicile d’un parlementaire.

([431]) Amendement CL649 de M. Caure (EPR), rapporteur.

([432]) Article 230-46 du code de procédure pénale.

([433]) Article 706-32 du même code.

([434]) Article 706-80-2 du même code.

([435]) Champ d’application des articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74 du même code.

([436]) Article 706-81 du même code.

([437]) Article 706-82 du même code.

([438]) Article 706-106 du même code.

([439]) Cass. crim., n° 17-80.313, 11 juillet 2017.

([440]) Cass. crim., n° 95-81.366, 27 février 1996.

([441]) Cass. ass. plénière, n° 18-86.767, 9 décembre 2019.

([442]) Recommandation n° 23 : Étendre et assouplir les conditions de la procédure des « coups d’achat », notamment en définissant clairement la notion d’« incitation à la commission d’une infraction ».

([443]) Article 67 bis du code des douanes.

([444]) Article 67 bis-du même code.

([445]) Article 67 bis-1 A du même code.

([446]) L’agent de police judiciaire doit être spécialement habilité dans des conditions fixées par décret et agir sous la responsabilité d’un officier de police judiciaire chargé de coordonner l’opération d’infiltration.

([447]) En l’état du droit, les agents de douane pouvaient dans ce cadre se faire passer pour un coauteur, un complice ou intéressés à la fraude ; le présent article modifie ces rôles pour les harmoniser avec les six rôles prévus pour les agents et officiers de police judiciaire, tels que prévus par le présent article.

([448]) Dans ce cas, le juge d’instruction doit en aviser préalablement le parquet.

([449]) Infractions prévues aux articles 222-37 et 222-39 du code pénal.

([450]) Les délits douaniers sont définis aux articles 414 à 416 bis du code des douanes.

([451]) C’est-à-dire lorsque l’acquisition de produits stupéfiants répond à une offre formulée sur un service de communication au public par voie électronique.

([452]) L’amendement vise toutefois les « officiers ou agents de police judiciaire », ce qui n’est pas applicable à l’article 67 bis du code des douanes. 

([453]) Huitième alinéa du II de l’article 67 bis du code des douanes.

([454]) C’est-à-dire le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur de l’une des infractions mentionnées aux articles 222-34 à 222-37 ou d’apporter son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit de l’une de ces infractions.

([455]) Modifications portées à l’article 67 bis du code des douanes ; l’alinéa 6 de l’article 18 mentionne toutefois, par erreur, les officiers et agents de police judiciaire.

([456])  Loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité.

([457])  Arrêté du 20 janvier 2006 pris pour l’application de l’article 15-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, NOR : INTC0600073A, Journal officiel n° 28 du 2 février 2006.

([458]) Rapport d’information déposé par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, en conclusion des travaux d’une mission d’information visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants, Assemblée nationale, n° 974, février 2025.

([459])  Loi belge du 22 juillet 2018 modifiant le code d’instruction criminelle et le titre préliminaire du code d’instruction criminelle en vue d’introduire la méthode particulière de recherche d’infiltration civile, moniteur belge du 7 août 2018. Source : https://www.ejustice.just.fgov.be/mopdf/2018/08/07_1.pdf#Page10.

([460])  Article 6 de la loi belge du 22 juillet 2018 précitée. 

([461]) Loi n° 2024-1 061 du 26 novembre 2024 visant à sécuriser le mécanisme de purge des nullités.

([462])  Cour de cassation, chambre criminelle, 7 septembre 2021, n° 20-87.191 B.

([463]) Conseil constitutionnel, décision n° 93-326 DC du 11 août 1993, Loi modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme du code de procédure pénale.

([464])  La loi du 26 novembre 2024 vient répondre à trois décisions du Conseil constitutionnel ayant censuré une partie du mécanisme de purge des nullités : les décisions n° 2021-900 du 23 avril 2021 et n° 2024-1114 QPC du 29 novembre 2024 portant, respectivement, sur les articles 305-1 et 181 du CPP, qui organisent la purge des nullités en matière criminelle, et la décision n° 2023-1062 QPC du 28 septembre 2023 portant sur l’article 395, qui organise la purge des nullités en matière correctionnelle.

([465])  Articles 178, 179, 181, 269-1, 305-1 et 385 du code de procédure pénale.

([466])  Conseil constitutionnel, décision n° 2021-900 QPC du 23 avril 2021, considérant 12 : « Or, les dispositions contestées ne prévoient aucune exception à la purge des nullités en cas de défaut d’information de l’intéressé ne lui ayant pas permis de contester utilement les irrégularités de la procédure et alors même que cette défaillance ne procède pas d’une manœuvre de sa part ou de sa négligence ».

([467])  M. Etienne Blanc, rapport de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, enregistré à la Présidence du Sénat le 7 mai 2024

([468])  MM. Antoine Léaument et Ludovic Mendes, rapport d’information visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 février 2025.

([469])  Voir l’exposé des motifs de la proposition de loi.

([470])  Sénat, compte rendu de la séance du 29 janvier 2025.

([471])  Cour de cassation, chambre criminelle, 11 septembre 2019, n° 18-81.040.

([472])  Cour de cassation, chambre criminelle, note explicative relative aux arrêts n° 1174, 1175, 1177, 1178 et 1179 du 11 septembre 2019.

([473])  Cour de cassation, chambre criminelle, 11 septembre 2019, n° 18-83.484.

([474])  L’article s’applique :

1° Aux navires français dans tous les espaces maritimes, sous réserve des compétences reconnues aux États par le droit international ;

2° Aux navires étrangers et aux navires n’arborant aucun pavillon ou sans nationalité, dans les espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française ainsi qu’en haute mer conformément au droit international ;

3° Aux navires situés dans les espaces maritimes sous souveraineté d’un État étranger, en accord avec celui-ci ;

4° Aux navires battant pavillon d’un État qui a sollicité l’intervention de la France ou agréé sa demande d’intervention.

([475])  Conseil constitutionnel, décision n° 2011-635 DC du 10 mars 2011.

([476]) Mentionnés au 11° de l’article 706-73 du code de procédure pénale. 

([477]) Au regard des risques graves soit de troubles à l’ordre public ou d’évasion, soit de disparition des preuves pendant le temps nécessaire au transport. 

([478])  Conseil constitutionnel, décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019.

([479])  Conseil constitutionnel, décision n° 83-164 DC du 29 décembre 1983.

([480])  Loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces.

([481]) Amendement CL607 de M. Caure (EPR), rapporteur.

([482]) Amendement CL623 de M. Caure (EPR), rapporteur.

([483])  Amendement CL608 de M. Caure (EPR), rapporteur.

([484]) En-dehors du cadre prévu à l’article L. 114-1 du CSI, il est possible de citer, à titre d’exemple, les enquêtes administratives préalables aux décisions de recrutement et d’affectation relatives aux emplois en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens au sein d’une entreprise de transport public de personnes ou d’une entreprise de transport de marchandises dangereuses (article L. 114-2 du CSI), les enquêtes administratives dans le cadre du dispositif dit « grands événements » (article L. 211-11-1 du CSI), ou encore les enquêtes administratives pour l’instruction des demandes d’acquisition de la nationalité française et de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l’entrée et au séjour des étrangers ainsi que pour la nomination et la promotion dans les ordres nationaux (article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995).

([485])  Loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

([486]) Décret n° 2017-668 du 27 avril 2017 portant création d’un service à compétence nationale dénommé « service national des enquêtes administratives de sécurité ».

([487]) En application des articles R. 114-2 et R. 114-4 du CSI.

([488]) Décret n° 2017-1224 du 3 août 2017 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Automatisation de la consultation centralisée de renseignements et de données » (ACCReD).

([489]) Article 7 du décret du 3 août 2017 susmentionné.

([490]) Articles R. 40-23 et suivants du code de procédure pénale (CPP).

([491]) Articles R. 236-1 et suivants du CSI.

([492]) Articles R. 236-11 et suivants du CSI.

([493]) Articles R. 236-21 et suivants du CSI.

([494])  Décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées.

([495])  Décret du 5 mars 2015 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste ».

([496])  Arrêté du 17 mars 2014 portant autorisation à titre expérimental d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Fichier des objets et des véhicules signalés » (FOVeS).

([497]) Articles R. 231-5 et suivants du CSI.

([498]) Fichier des documents d’identité perdus ou volés.

([499]) Bases de données nominatives.

([500]) Deuxième alinéa du I de l’article L. 114-1 du CSI, récemment introduit par l’article 40 de la loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([501]) L’article 775 du CPP prévoit le contenu de ce bulletin n° 2 qui comporte le relevé des fiches du casier judiciaire applicables à la même personne, à l’exclusion de celles concernant certaines décisions, et notamment :

- les condamnations, les déclarations de culpabilité assorties d’une dispense de peine ou d’une dispense de mesure éducative ou d’une déclaration de réussite éducative, les compositions pénales et les mesures éducatives prononcées au stade de la sanction à l’égard d’un mineur ;

- les condamnations dont la mention au bulletin n° 2 a été expressément exclue en application de l’article 775-1 ;

- les condamnations prononcées pour contraventions de police ;

- les condamnations assorties du bénéfice du sursis, avec ou sans probation, lorsqu’elles doivent être considérées comme non avenues ;

- les condamnations ayant fait l’objet d’une réhabilitation de plein droit ou judiciaire ;

- les dispositions prononçant la déchéance de l’autorité parentale ;

- les arrêtés d’expulsion abrogés ou rapportés ;

- les condamnations prononcées sans sursis en application des articles 131-5 à 131-11 du code pénal (CP), à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter du jour où elles sont devenues définitives.

- les déclarations de culpabilité assorties d’une dispense de peine ou d’un ajournement du prononcé de celle-ci ;

- les condamnations prononcées par des juridictions étrangères concernant un mineur ou dont l’utilisation à des fins autres qu’une procédure pénale a été expressément exclue par la juridiction de condamnation ;

- les compositions pénales ;

- les amendes forfaitaires pour les délits et pour les contraventions de la cinquième classe ayant fait l’objet d’un paiement ou à l’expiration des délais mentionnés au second alinéa de l’article 495-19 et au deuxième alinéa de l’article 530 du CPP.

([502]) Article L. 6342-2 du CT.

([503]) L’article R. 6342-19 du CT dispose ainsi que « L’habilitation est délivrée ou refusée par le préfet exerçant les pouvoirs de police sur l’aérodrome lorsque l’entreprise ou l’organisme concerné est situé sur l’emprise de celui-ci, ou par le préfet territorialement compétent dans les autres cas. À Paris, la compétence appartient au préfet de police. L’habilitation est valable sur l’ensemble du territoire national pour une durée maximale de cinq ans. »

([504]) Dernier alinéa de l’article L. 6342-3 du CT.

([505]) Voir l’article R. 6342-19 du CT susmentionné.

([506]) L’article R. 6342-20 du CT dispose en effet que « L’habilitation peut être retirée ou suspendue par le préfet territorialement compétent lorsque la moralité ou le comportement de la personne titulaire de cette habilitation ne présente pas les garanties requises au regard de la sûreté de l’État, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes, de l’ordre public ou sont incompatibles avec l’exercice de son activité. »

([507]) Articles R. 6342-24 et R. 6342-25 du CT.

([508]) Le II de l’article L. 6342-4 du CT prévoit en effet que certaines de ces opérations peuvent être conduites « sous le contrôle des officiers de police judiciaire et des agents des douanes, par des agents de nationalité française ou ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, désignés par les entreprises ou organismes mentionnés à l’article L. 6341-2 [NB : essentiellement les exploitants d’aérodromes] ou les entreprises qui leur sont liées par contrat. »

([509]) Voir notamment le décret n°2005-1070 du 24 août 2005 fixant la liste des aérodromes civils appartenant à l’État exclus du transfert aux collectivités territoriales ou à leurs groupements.

([510]) Article L. 6311-1 du CT.

([511])  L’article L. 5332-18 du CT renvoyant à l’application de l’article L. 114-1 du CSI.

([512])  Articles R. 5332-30 à R. 5332-31 du CT.

([513]) Articles L. 5332-16 à L. 5332-18 du CT.

([514]) Rapport d’information visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants déposé par la commission des Lois de l’Assemblée nationale et présenté par MM. Antoine Léaument et Ludovic Mendes, 17 février 2025, pages 110 et 111.

([515]) Selon la présentation des acteurs, réseau et activités portuaires en France sur le site internet du secrétariat général de la mer : https://www.mer.gouv.fr/acteurs-reseau-et-activites-portuaires-en-france#summary-target-0.

([516])  Il s’agit de sept ports en métropole (Dunkerque, Le Havre, Rouen, Nantes Saint-Nazaire, La Rochelle, Bordeaux, Marseille) et de quatre ports dans les territoires d’Outre-Mer (Guyane, Martinique, Guadeloupe, Port-Réunion).

([517]) Il s’agit du port de Saint-Pierre et Miquelon.

([518]) Qui relève du Groupement d’intérêt économique « HAROPA » (pour Le Havre - Rouen – Paris, ou Harbour of Paris) regroupant les ports le long de l’axe Seine depuis 2012.

([519]) Voir infra (au B du présent commentaire d’article) pour la description de cette nouvelle procédure.

([520]) Ibid.

([521])  Nouveau IV de l’article L. 5312-7 du CT.

([522]) Modification de l’article L. 5312-9 du CT.

([523])  Modification de l’article L. 5313-8 du CT.

([524]) Voir infra.

([525]) Amendement COM-82 de Mme Jourda (LR) et de M. Durain (SER), rapporteurs.

([526]) Amendement COM-83 de Mme Jourda (LR) et de M. Durain (SER°, rapporteurs.

([527]) Modification de l’article L. 5312-9 du CT.

([528]) Modification de l’article L. 5332-16 du CT.

([529]) Modification de l’article L. 5332-17 du CT.

([530]) Le II de l’article L. 5332-15 du CT dispose en effet que : « Sous le contrôle des officiers de police judiciaire ou des agents des douanes, des agents de nationalité française ou ressortissants d’un État membre de l’Union européenne, désignés pour cette tâche par les personnes morales [exploitants les installations portuaires], peuvent également procéder à [des] contrôles de sûreté. Ils doivent disposer [d’un agrément] pour procéder aux palpations et fouilles de sûreté selon les modalités suivantes : 1° Les palpations de sûreté sur les personnes ne peuvent être effectuées que par une personne du même sexe que celle qui en fait l’objet et avec le consentement de celle-ci ; 2° Les fouilles de sûreté des véhicules, unités de transport intermodal, marchandises, bagages, colis et autres biens ne peuvent être réalisées qu’avec le consentement de leur propriétaire ou de la personne qui en a la responsabilité. »

([531]) Ce que prévoit le V de l’article 22 de la présente proposition de loi dans sa rédaction issue des travaux de la commission des Lois.

([532]) Nouvel article L. 5332-19 du CT.

([533]) Nouvel article L. 6341-5 du CT.

([534]) Amendement n° 243 du Gouvernement.

([535]) Modification de l’article L. 5332-11 du CT.

([536])  En application de l’actuel article L. 5332-13 du CT.

([537])  Modification de l’article L. 5332-15 du CT.

([538]) Ibid.

([539]) Amendement CL616 de M. Caure, rapporteur.

([540]) Amendement CL622 de M. Caure (EPR), rapporteur.

([541]) Amendement CL619 de M. Caure (EPR), rapporteur.

([542]) Amendement CL625 de M. Caure (EPR), rapporteur.

([543]) Amendement CL439 de Mme Firmin Le Bodo (Hor).

([544]) Amendement CL438 de Mme Firmin Le Bodo (Hor).

([545]) Amendement CL607 de M. Caure, rapporteur.

([546]) Amendement CL623 de M. Caure, rapporteur.

([547])  Amendement CL602, CL604, CL608 et CL611 de M. Caure, rapporteur.

([548]) « Le droit d’alerte : signaler, traiter, protéger », étude du Conseil d’État adoptée le 25 février 2016 par l’assemblée générale plénière, p. 17.

([549]) Loi  2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

([550]) Loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte.

([551]) Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union.

([552]) Voir notamment l’article 6 de la loi « Sapin II » introduit à l’initiative de la commission des Lois de l’Assemblée nationale et les développements dans le rapport n° 3785 de M. Sébastien Denaja, au nom de celle-ci, sur le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (XIVème législature, mai 2016).

([553]) L’article 8 de la loi « Sapin 2 » énumère les personnes habilitées à utiliser cette voie interne de signalement. Il s’agit des membres du personnel, y compris ceux dont la relation de travail a pris fin et ceux en phase de recrutement, des détenteurs du capital social, des membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance, des collaborateurs extérieurs et occasionnels et des membres ou dirigeants des contractants, sous-traitants et fournisseurs.

([554]) Il s’agit selon l’article 8 de la loi « Sapin 2 » des personnes morales de droit public employant au moins cinquante agents, à l’exclusion des communes de moins de 10 000 habitants, des établissements publics qui leur sont rattachés et des établissements publics de coopération intercommunale qui ne comprennent parmi leurs membres aucune commune excédant ce seuil de population ; des administrations de l’État ; des personnes morales de droit privé et les entreprises exploitées en leur nom propre par une ou plusieurs personnes physiques, employant au moins cinquante salariés.

([555]) Décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte. Le décret fixe la liste des autorités externes compétentes dans une annexe comportant 23 autorités réparties par champ de compétence.

([556]) Article 9 de la loi « Sapin 2 ».

([557]) Ibid.

([558]) Ibid.

([559]) Une liste de ces mesures de représailles figure à l’article 10-1 de la loi « Sapin 2 ».

([560]) Article 225-1 du code pénal.

([561])  Ces « facilitateurs » peuvent être les personnes physiques qui sont en lien avec le lanceur d’alerte, comme ses collègues ou ses proches, qui l’aident à effectuer le signalement ou la divulgation. La protection accordée au lanceur d’alerte s’étend également aux entités juridiques contrôlées par le lanceur d’alerte ou dans lesquelles il travaille ou est en relation dans un contexte professionnel (article 6-1 de la loi « Sapin 2 »).

([562]) L’article 13 de la loi « Sapin 2 » a d’ailleurs porté à 30 000 euros le montant des amendes civiles pouvant être prononcées en cas de procédures abusives et dilatoires lorsqu’il s’agit de poursuite pour diffamation à l’encontre d’un lanceur d’alerte.

([563]) Conformément au I de l’article 10-1 de la loi « Sapin 2 ».

([564]) Conformément au I de l’article 10-1 de la loi « Sapin 2 » qui renvoie à l’article 122-9 du code pénal (CP).

([565]) Conformément au III de l’article 10-1 de la loi « Sapin 2 ».

([566]) Rapport d’information visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants déposé par la commission des Lois de l’Assemblée nationale et présenté par MM. Antoine Léaument et Ludovic Mendes, 17 février 2025, notamment les pages 112 et 113. Voir également le rapport d’information sur l’évaluation de l’impact de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2 » déposé au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale et présenté par MM. Raphaël Gauvain et Olivier Marleix, 7 juillet 2021.

([567]) Ibid.

([568]) Accessible depuis le lien suivant : https://portwatch.be/fr.

([569]) Rapport d’information visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants déposé par la commission des Lois de l’Assemblée nationale et présenté par MM. Antoine Léaument et Ludovic Mendes, 17 février 2025, notamment les pages 112 et 113.

([570])  L’infraction de menace est définie à l’article 222-18 du code pénal auquel il est renvoyé.

([571])  Il est renvoyé aux infractions prévues aux articles 432-11 et 433-1 du code pénal.

([572]) Il est renvoyé aux infractions prévues aux articles 432-11, 433-1 et 433-2 du même code.

([573]) Ces infractions sont prévues par les articles 222-34 à 222-40 du code pénal.

([574]) Voir supra. Il est renvoyé aux protections prévues aux articles L. 135-4 du code général de la fonction publique, L. 911-1-1 du code de justice administrative, L. 4122-4 du code de la défense, L. 1132-3-3 du code du travail et 10-1, 12 et 12-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (loi « Sapin 2 »).

([575]) Article 6 de la loi « Sapin II », voir supra.

([576]) Voir supra, le nouveau III de l’article L. 114-3 du CSI tel que rédigé par l’article 22 de la proposition de loi initiale prévoit ainsi : « Les signalements ne peuvent être conservés que le temps strictement nécessaire et proportionné à leur traitement et à la protection de leurs auteurs, des personnes qu’ils visent et des tiers qu’ils mentionnent, en tenant compte des délais d’éventuelles enquêtes complémentaires. Des données relatives aux signalements peuvent toutefois être conservées au-delà de cette durée, à la condition que les personnes physiques concernées n’y soient ni identifiées, ni identifiables. »

([577]) Là encore, une telle infraction est prévue à l’identique pour le dispositif applicable aux lanceurs d’alerte (article 13 de la loi « Sapin 2 »).

([578])  Dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal.

([579]) Ce montant est fixé à 30 000 euros pour les procédures abusives dirigées contre les lanceurs d’alerte (article 13 de la loi « Sapin 2 »).

([580]) Il s’agit respectivement des nouveaux articles L. 5343-25 et L. 6321-3-2 du CT.

([581]) Rapport fait au nom de la commission des Lois du Sénat sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic (procédure accélérée) et sur la proposition de loi organique fixant le statut du procureur national anti-stupéfiants (procédure accélérée), par Mme Muriel Jourda et M. Jérôme Durain, 22 janvier 2025, p. 123.

([582])  Rapport d’information fait au nom de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, MM. Jérôme Durain et Étienne Blanc, 7 mai 2024, p. 460.

([583])  Amendement COM-83 de Mme Jourda (LR) et de M. Durain (SER), rapporteurs.

([584]) Il est ainsi renvoyé à l’ensemble des infractions prévues aux articles 432-11, 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-4, 435-7 à 435-10 et 445-1 à 445-2-1 du code pénal.

([585])  Amendement COM-84 de Mme Jourda (LR) et de M. Durain (SER), rapporteurs.

([586]) Pour au moins l’une des infractions mentionnées aux articles 706-73 et 706-73-1 du CPP.

([587]) Comme cela a été rappelé par la circulaire du ministre de la justice du 4 août 2016 de présentation des dispositions de procédure pénale de la loi n° 2016-457 du 14 avril 2016 relative à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs et de son décret d’application n° 2016-612 du 18 mai 2016 (page 2).

([588]) Article 13 de la loi n° 2024-420 du 10 mai 2024 visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes.

([589])  Ces infractions sont limitativement énumérées par l’article 2-17 du CPP auquel il est renvoyé. Il s’agit des infractions contre l'espèce humaine, celles d'atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, de mise en danger de la personne, d'atteinte aux libertés de la personne, d'atteinte à la dignité de la personne, d'atteinte à la personnalité, de mise en péril des mineurs ou d'atteintes aux biens, des infractions d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie ainsi que des infractions de publicité mensongère, de fraudes ou de falsifications.

([590]) Voir l’avis du Conseil d’État sur un projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et la répression des emprises mentales gravement dommageables du 9 novembre 2023 (page 6, parag. 18 et 19).

([591]) Voir le commentaire sur l’article 5 dans le rapport n° 2157 fait au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires (n°2014) de Mme Brigitte Liso, déposé le mercredi 7 février 2024, ainsi que l’avis du Conseil d’État sur ce projet de loi (page 6, parag. 18 et 19).

([592]) Amendement CL606 de M. Caure, rapporteur.

([593]) Amendements CL55 de M. Léaument (LFI) et CL624 de M. Caure (EPR), rapporteur.

([594]) Loi  2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

([595]) Article 3 de la loi « Sapin 2 ».

([596]) L’injonction de mise en conformité et la sanction pécuniaire sont prononcées par la commission des sanctions de l’AFA (V de l’article 17 de la loi « Sapin 2 »).

([597]) Article 3 de la loi « Sapin 2 ».

([598]) Ibid.

([599]) L’article 3 de la loi « Sapin 2 » prévoit en effet que « ces contrôles donnent lieu à l’établissement de rapports transmis aux autorités qui en sont à l’initiative ainsi qu’aux représentants de l’entité contrôlée. Ils contiennent les observations de l’agence concernant la qualité du dispositif de prévention et de détection de la corruption mis en place au sein des entités contrôlées ainsi que des recommandations en vue de l’amélioration des procédures existantes. »

([600]) « Mise en œuvre de la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption, rapport de phase 4, France », OCDE, p.132.

([601]) Rapport d’information visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants déposé par la commission des Lois de l’Assemblée nationale et présenté par MM. Antoine Léaument et Ludovic Mendes, 17 février 2025, notamment les pages 108 et 109.

([602]) Ibid. notamment pages 106 et suivantes.

([603])  Article L. 5332-9 du CT.

([604])  Article L. 5332-7.

([605])  Article R. 5332-19.

([606])  Article R. 5332-22.

([607]) Rapport d’information visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants déposé par la commission des Lois de l’Assemblée nationale et présenté par MM. Antoine Léaument et Ludovic Mendes, 17 février 2025, notamment les page 111.

([608]) Article L. 252-3 du CSI.

([609]) Article L. 252-2 du CSI.

([610]) Rapport d’information n° 1089 sur les enjeux de l’utilisation d’images de sécurité dans le domaine public dans une finalité de lutte contre l’insécurité, de MM. Philippe Gosselin et Philippe Latombe, déposé le mercredi 12 avril 2023.

([611]) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE.

([612]) Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

([613]) Cour des comptes, référé S2021-2194 du 2 décembre 2021 relatif au plan de vidéoprotection de préfecture de police de Paris, p. 5.

([614]) Recommandation n° 1 du rapport d’information n° 1089 sur les enjeux de l’utilisation d’images de sécurité dans le domaine public dans une finalité de lutte contre l’insécurité, de MM. Philippe Gosselin et Philippe Latombe, déposé le mercredi 12 avril 2023.

([615]) Ces risques doivent, selon le texte de la proposition de loi, revêtir un caractère particulièrement important ou créer un risque d’une particulière gravité.

([616])  Amendement COM-85 de Mme Jourda (LR) et de M. Durain (SER), rapporteurs.

([617]) Amendement n° 258 de Mme Jourda (LR), rapporteure.

([618]) Amendement n° 116 de Mme Carlotti (SER).

([619]) Amendement n° 60 de M. Martin (UC).

([620]) Amendement CL610 de M. Caure (EPR), rapporteur.

([621]) Amendement CL613 et CL615 de M. Caure (EPR), rapporteur.

([622]) Amendement n° COM-13 de M. Étienne Blanc (LR).

([623])  « Corruption et trafic d’influence », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Wilfrid Jeandidier, janvier 2018 (actualisation : mai 2024), parag. 9.

([624])  Il s’agit de personnes dépositaires de l’autorité publique, chargée de mission de service public ou investies d’un mandat électif public (1° de l’article 432-11 du code pénal).

([625])  Il s’agit des magistrats, jurés, personnes siégeant dans une formation juridictionnelle, fonctionnaires au greffe, experts, personnes chargées d’une mission de conciliation ou de médiation ou arbitres (1° à 5° de l’article 434-9 du code pénal).

([626])  L’article 435-1 du code pénal prévoit la corruption passive d’agents publics étrangers ou internationaux et l’article 435-7 du même code sanctionne la corruption passive d’agents de justice internationaux.

([627])  Pour la corruption active publique, les infractions sont prévues aux articles 433-1 (agent public), 434-9, al.6 (agent de justice), 435-3 (agent public international), 435-9 (agent de justice international).

([628])  Ce sont toutes les personnes qui ne rentrent pas dans les catégories d’agents publics (article 445-2 du code pénal). L’article 445-2-1 du code pénal sanctionne ces faits lorsqu’ils sont commis dans le cadre de paris sportifs.

([629])  L’article 445-1 réprime la corruption active sur un agent privé et l’article 445-1-1 réprime ces faits lorsqu’ils ont lieu dans le cadre de paris sportifs.

([630]) Le dernier alinéa de l’article 434-9 du CP aggrave cependant ces peines à 15 ans de réclusion criminelle et 225 000 euros d’amende lorsque les faits de corruption publique sont commis par un magistrat au bénéfice ou au détriment d’une personne faisant l’objet de poursuites criminelles.

([631])  Toutefois, la corruption passive d’agent de justice peut être aggravée lorsqu’elle est commise par un magistrat au bénéfice ou au détriment d’une personne faisant l’objet de poursuites criminelles. L’infraction devient alors criminelle et est punie de 15 ans de réclusion criminelle et 225 000 euros d’amende (article 434-9 du code pénal).

([632]) Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

([633])  La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Recueil Dalloz 2004, Bertrand de Lamy, p. 1910.

([634])  Amendement de M. Michel Vaxès, voir le rapport n 1236 fait au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale, de M. Jean-Luc Warsmann sur le projet de loi (n° 1109), portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, novembre 2003.

([635])  Loi n° 2007-1598 du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre la corruption.

([636])  Rapport n° 243 fait au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale, de M. Michel Hunault, sur le projet de loi n° 171 relatif à la lutte contre la corruption, octobre 2007.

([637])  Loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

([638])  Il s’agit d’un dispositif de proximité imitant le fonctionnement d’une antenne relais, permettant soit d’identifier ou de localiser un équipement terminal et le numéro d’abonnement de son utilisation, soit d’intercepter des communications.

([639]) Décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013, cons. 77 : « […] les infractions énumérées par l’article 706-1-1, de corruption et de trafic d’influence ainsi que de fraude fiscale et douanière, constituent des délits qui ne sont pas susceptibles de porter atteinte en eux-mêmes à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes ; qu’en permettant de recourir à la garde à vue selon les modalités fixées par l’article 706-88 du code de procédure pénale au cours des enquêtes ou des instructions portant sur ces délits, le législateur a permis qu’il soit porté à la liberté individuelle et aux droits de la défense une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi […] ».

([640]) Voir le commentaire aux cahiers de la décision  2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014, nota p. 11 et 12.

([641]) Décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013, cons. 75.

([642]) Décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013, cons. 77.

([643]) Décision  2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014, nota cons.13.

([644])  Décision  2015-508 QPC du 11 décembre 2015, nota. cons. 13 et 14 : voir le commentaire aux cahiers qui relève notamment que les infractions de blanchiment, de recel ou d’association de malfaiteurs ne peuvent être constituées que dès lors qu’elles sont articulées avec une autre incrimination pénale, or, si ces délits s’attachent à l’escroquerie en bande organisée, ils ne sont pas susceptibles de porter atteinte en lui-même à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes.

([645]) Décision  2019-778 DC du 21 mars 2019, nota parag. 164 et 165.

([646]) Ce critère tenant à la nature de l’infraction n’étant cependant pas suffisant à lui seul, le Conseil constitutionnel ayant censuré les dispositions de l’article 46 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui autorisaient le recours aux pouvoirs spéciaux d’enquête pour tous les crimes dans sa décision  2019-778 DC du 21 mars 2019, parag. 158 à 166.

([647]) À l’exception notable du crime de vol en bande organisée, le Conseil constitutionnel ayant toutefois précisé par une réserve d’interprétation les conditions de recours aux techniques spéciales d’enquête pour cette dernière infraction : « Considérant que, parmi les infractions ne portant pas nécessairement atteinte aux personnes, figure le vol lorsqu’il est qualifié de crime ; que, toutefois, si le vol commis en bande organisée trouve sa place dans cette liste, il ne saurait en être ainsi que s’il présente des éléments de gravité suffisants pour justifier les mesures dérogatoires en matière de procédure pénale [NB : les techniques spéciales d’enquête] ; que, dans le cas contraire, ces procédures spéciales imposeraient une rigueur non nécessaire au sens de l’article 9 de la Déclaration de 1789 ; qu’il appartiendra à l’autorité judiciaire d’apprécier l’existence de tels éléments de gravité dans le cadre de l’application de la loi déférée » (décision du Conseil constitutionnel n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, cons. 6).

([648]) Rapport d’information visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants déposé par la commission des Lois de l’Assemblée nationale et présenté par MM. Antoine Léaument et Ludovic Mendes, 17 février 2025, pages 102 et suivantes.

([649]) Ibid.

([650])  Ces critères sont notamment ceux retenus par le Conseil constitutionnel pour apprécier le caractère proportionné des atteintes au respect de la vie privée et au droit de propriété résultant de la mise en œuvre des techniques spéciales d’enquête au regard du but légitime poursuivi. Dans sa décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, le Conseil a ainsi précisé que « si une infraction d’une particulière gravité et complexité est de nature à justifier le recours [aux techniques spéciales d’enquête], tel n’est pas nécessairement le cas d’infractions ne présentant pas ces caractères » (parag. 143).

([651])  Comme cela est prévu au 3° de l’article 706-73 du CPP.

([652])  Décision du Conseil constitutionnel n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 qui a fixé le cadre constitutionnel applicable à ces techniques spéciales d’enquête : « […] si le législateur peut prévoir des mesures d’investigation spéciales en vue de constater des crimes et délits d’une gravité et d’une complexité particulières, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs, c’est sous réserve que ces mesures soient conduites dans le respect des prérogatives de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, et que les restrictions qu’elles apportent aux droits constitutionnellement garantis soient nécessaires à la manifestation de la vérité, proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n’introduisent pas de discriminations injustifiées » (cons. 6).

([653])  Rapport d’information visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants déposé par la commission des Lois de l’Assemblée nationale et présenté par MM. Antoine Léaument et Ludovic Mendes, 17 février 2025, notamment les pages 95 et suivantes.

([654]) Amendement COM-13 de M. Blanc (LR).

([655]) Amendement n° 228 du Gouvernement.

([656]) Amendement CL626 de M. Caure (EPR), rapporteur.

([657]) Instituée par l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et commune au Sénat et à l’Assemblée nationale.

([658]) Recommandation n° 25 : « Mettre en place les mesures techniques indispensables pour faire cesser les trafics en prison via les brouilleurs de téléphones portables et les dispositifs antidrones, et imposer au Gouvernement de rendre compte régulièrement de l’avancée de ce chantier au Parlement ».

([659]) Sénat, rapport n° 588 au nom de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, président M. Jérôme Durain, rapporteur M. Étienne Blanc, pp. 439-440.

([660]) Sénat, rapport n° 588 au nom de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, président M. Jérôme Durain, rapporteur M. Étienne Blanc, p. 241.

([661]) Sénat, rapport n° 253, sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, rapporteurs Muriel Jourda et Jérôme Durain, 22 janvier 2025.

([662]) En raison de leurs caractéristiques ou des faits qui s’y sont déjà déroulés, à des risques d’incident, d’évasion ou de trafic d’objets ou de substances interdits ou constituant une menace pour la sécurité.

([663]) Lorsqu’ils sont particulièrement exposés à des risques d’intrusion ou de dégradation.

([664]) Dans ce dernier cas, l’article L. 223-24 précise que les enregistrements doivent être anonymisés.

([665]) Sauf transmission dans ce délai dans le cadre d’un signalement à l’autorité judiciaire, sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale.

([666]) Sauf pour les besoins d’un signalement dans ce délai à l’autorité judiciaire, sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale.

([667]) En application du troisième alinéa de l’article 145-1 , cette durée peut être encore prolongée de  quatre mois par la chambre de l’instruction lorsque les investigations du juge d’instruction doivent être poursuivies et que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes et des biens un risque d’une particulière gravité.

([668]) Comme en matière correctionnelle, l’article 145-2 prévoit que ces durées maximales peuvent être prolongées de quatre mois par la chambre de l’instruction lorsque les investigations du juge d’instruction doivent être poursuivies et que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes et des biens un risque d’une particulière gravité.

([669]) Crimes prévus au Livre II du code pénal.

([670]) Crimes prévus au Livre IV du même code.

([671]) Deuxième alinéa de l’article 706‑71.

([672]) Quatrième alinéa du même article.

([673]) Délits prévus à l’article 706-73 du code de procédure pénale.

([674]) Sénat, rapport n° 253, sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, rapporteurs Muriel Jourda et Jérôme Durain, 22 janvier 2025.

([675]) Délits prévus à l’article 222-37 du code pénal et punis de dix ans d’emprisonnement et 7,5 millions d’euros d’amende. 

([676]) Délit prévu à l’article 225-5 du même code et puni de sept ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.

([677]) Délit prévu à l’article 321-1 du même code et puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende.

([678]) Délit prévu à l’article 450-1 du même code et puni de cinq ou dix ans d’emprisonnement selon le type d’infraction préparée.

([679]) Articles 706-73 à 706-106 du code de procédure pénale.

([680]) Infractions mentionnées à l’article 706-73 du même code.

([681]) En application du dernier alinéa de l’article 148 ou de l’article 148-4 du même code. 

([682]) Il est précisé que lorsqu’il n’a pas encore été statué sur l’appel d’une précédente ordonnance de refus de mise en liberté, les délais précités ne commencent à courir qu’à compter de la décision rendue par la juridiction compétente.

([683]) Avant la saisine d’une juridiction de jugement, la demande de mise en liberté relève du juge des libertés et de la détention en application des dispositions prévues à l’article 148 du code de procédure pénale. 

([684]) En vertu de l’article 148-1. 

([685]) Si le demandeur ne peut signer, il en est fait mention par le greffier.

([686]) L’ordonnance de maintien en détention provisoire est motivée par référence aux 2°, 4°, 5° et 6° de l’article 144 du code de procédure pénale.

([687]) Il peut s’agir de l’arrêt déclarant l’appel irrecevable, de l’ordonnance de non-admission rendue en application du dernier alinéa de l’article 186 ou de l’arrêt de la chambre criminelle rejetant le pourvoi.

([688]) Au lieu, en l’état du droit, de les faire courir à compter de la réception de la demande.

([689]) En application de cet article, lorsqu’une juridiction de jugement est saisie, il lui appartient de statuer sur la détention provisoire. Toutefois, en matière criminelle, la cour d’assises n’est compétente que lorsque la demande est formée durant la session au cours de laquelle elle doit juger l’accusé. Dans les autres cas, la demande est examinée par la chambre de l’instruction. En cas de pourvoi et jusqu’à l’arrêt de la Cour de cassation, la compétence revient à la juridiction qui a connu en dernier lieu de l’affaire au fond. Si le pourvoi a été formé contre un arrêt de la cour d’assises, il est statué sur la détention par la chambre de l’instruction. Enfin, en cas de décision d’incompétence et généralement dans tous les cas où aucune juridiction n’est saisie, la chambre de l’instruction connaît des demandes de mise en liberté.

([690]) Infractions mentionnées à l’article 706-73 du code de procédure pénale.

([691]) Infractions mentionnées aux articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale.

([692]) Dernier alinéa de l’article 148-2 du même code.

([693]) Sénat, rapport n° 253, sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, rapporteurs Muriel Jourda et Jérôme Durain, 22 janvier 2025.

([694]) Conformément aux dispositions de l’article 187-3 du code de procédure pénale.

([695]) Elle statue alors dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article 148 du même code.

([696]) Cet article apporte des précisions sur les modalités de saisine de la chambre de l’instruction.

([697]) Cet article fixe les conditions de recours à la visioconférence dans le cadre de la procédure pénale.

([698]) Deuxième alinéa de l’article 706-71 du code de procédure pénale.

([699]) Quatrième alinéa du même article.

([700]) La peine est portée à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende si le coupable est chargé de la surveillance de détenus ou s’il est habilité par ses fonctions à pénétrer dans un établissement pénitentiaire ou à approcher, à quelque titre que ce soit, des détenus.

([701]) Article 434-36 du code pénal.

([702]) Il est par ailleurs prévu par ce même article que le garde des Sceaux organise une information générale du public sur l’emploi des caméras embarquées.

([703]) Cette obligation ne s’applique donc pas aux véhicules ne comportant pas d’équipements ou de dispositifs de signalisation spécifiques et affectés à des missions impliquant l’absence d’identification du service pénitentiaire.

([704])  Hors les cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire.

([705]) Sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale.

([706]) Sauf transmission dans ce délai dans le cadre d’un signalement à l’autorité judiciaire, sur le fondement du même article 40.

([707]) Prévus par les dispositions du livre III du code pénitentiaire.

([708]) Articles R. 224-1 à R. 224-12 du même code.

([709]) Articles R. 224-14 à R. 224-25 du même code.

([710]) Articles R. 224-2 et R. 224-15 du même code.

([711]) Articles R. 224-3 et R. 224-16 du même code.

([712]) Articles R. 213-17 à R. 213-35 du code pénitentiaire.

([713]) Article R. 225-3 du même code.

([714]) Article R. 225-4 du même code.

([715]) Infractions entrant dans le champ d’application des articles 706‑73, 706‑73‑1 ou 706‑74 du code de procédure pénale.

([716]) Prévus par les dispositions du livre III du code pénitentiaire.

([717]) « Les unités de vie familiale ou les parloirs familiaux implantés au sein des établissements pénitentiaires peuvent accueillir toute personne détenue. Toute personne détenue peut bénéficier à sa demande d'au moins une visite trimestrielle dans une unité de vie familiale ou un parloir familial, dont la durée est fixée en tenant compte de l'éloignement du visiteur. Pour les personnes prévenues, ce droit s'exerce sous réserve de l'accord de l'autorité chargée du dossier de la procédure. »

([718]) Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986.

([719]) Article 41-1 du code de procédure pénale.

([720]) Article 41-2 du même code.

([721]) Article 131-6 du même code.

([722]) Article 132-45 du code pénal.

([723]) Article 131-31 du même code.

([724]) Et si la mise en demeure de se conformer à cette obligation est restée infructueuse.

([725]) Cet envoi doit être réalisé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

([726]) Il s’agit du représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police.

([727]) L’article vise tout « groupement ayant pour objet la production, la fabrication, l’importation, l’exportation, le transport, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi illicites de stupéfiants ».

([728]) Les modalités de mise en œuvre de la procédure contradictoire préalable sont prévues aux articles L. 122-1 et L. 122-2 du code des relations entre le public et l’administration. 

([729]) Sénat, rapport n° 253, sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, rapporteurs Muriel Jourda et Jérôme Durain, 22 janvier 2025.

([730]) Jusqu’alors ce type de clause ne pouvait concerner que les troubles de voisinage. 

([731]) Obligation prévue au b de l’article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. 

([732]) Obligation nouvellement créée par le présent article au nouveau b bis de l’article 7 de la même loi.

([733]) Le nouvel article prévoit que le préfet peut ainsi se substituer au bailleur dans trois cas : en cas de refus du bailleur de mettre en œuvre la procédure de relogement et/ou saisie du juge, en cas d’absence de réponse dans un délai d’au moins quinze jours et dans le cas où le bailleur a accepté de mettre en œuvre la procédure mais n’a pas saisi le juge dans un délai d’un mois à compter de sa réponse.