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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 mars 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, SUR LA PROPOSITION DE LOI
portant fin du maintien à vie dans le logement social (n° 905)
PAR M. Stéphane VOJETTA
Député
Voir le numéro : 905
La demande de logement social n’a jamais été aussi forte dans notre pays. On compte aujourd’hui 2,6 millions d’inscrits dans le système national d’enregistrement (dont environ 800 000 demandes de mutation interne), ce qui constitue un record jamais atteint auparavant. Ces chiffres témoignent de la tension extrême qui existe pour accéder au parc locatif social. Les raisons en sont connues : la crise du logement a conduit au blocage du parcours résidentiel. Les locataires du parc social qui pouvaient auparavant accéder à la propriété ou au parc locatif privé ont dû rester dans leur logement social. Le taux de rotation s’est effondré, atteignant 4,5 % en 2023 en zone A et 6,2 % en zone B1. Le nombre d’attributions sur l’ensemble du territoire est passé de 450 000 en 2019 à 390 000 en 2023.
Ce constat est d’autant plus alarmant que la majorité des nouveaux demandeurs de logement social sont des personnes en activité mais aux revenus modestes. C’est pourtant la mission primordiale du secteur du logement social que d’offrir des logements à des loyers modérés aux ménages qui ne peuvent accéder au marché immobilier privé du fait de leurs revenus faibles ou modestes (ouvriers, employés, familles monoparentales, retraités modestes). C’est pourquoi l’accès à un logement social est aujourd’hui conditionné à un plafond de revenus.
La présente proposition de loi reprend, à l’exception de quelques modifications mineures, les articles 11 et 12 du projet de loi n° 573 (2023-2024) déposé au Sénat le 6 mai 2024, relatif au développement de l’offre de logements abordables (dit projet de loi « Dola ») et présenté par le ministre en charge du logement, M. Guillaume Kasbarian, auteur de la présente proposition de loi. L’examen de ce projet de loi avait été interrompu à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale, décidée par le Président de la République le 9 juin 2024.
L’objectif poursuivi par la présente proposition de loi est simple : il s’agit de s’assurer que le parc social bénéficie en priorité aux plus modestes. Concrètement, le supplément de loyer de solidarité (SLS), qui existe déjà, sera déclenché dès le dépassement des plafonds de ressources en vigueur pour l’éligibilité aux logements financés par un prêt locatif à usage social (PLUS) ou aux logements financés par un prêt locatif social (PLS), selon la nature du logement occupé. Un ménage, dont les revenus dépassent 120 % des plafonds de ressources pour l’attribution d’un logement financé par un PLS (contre 150 % aujourd’hui), sera invité à quitter son logement social qu’il occupe dans un délai raisonnable. Le patrimoine des locataires sera également pris en compte, alors que de nombreux ménages vont hériter des biens de leurs parents dans les prochaines années dans notre pays. En outre, les échanges entre les bailleurs sociaux et les services fiscaux seront facilités afin de fiabiliser les informations transmises par les demandeurs d’un logement social et les locataires du parc social. Ces dispositions permettront d’accélérer la rotation au sein du parc social dans un souci de justice sociale mais auront également pour effet d’augmenter les ressources des bailleurs.
Le logement social doit bénéficier prioritairement à ceux qui en ont réellement besoin. Parallèlement à cette proposition de loi, des moyens substantiels doivent continuer à être investis par la puissance publique pour encourager l’accession sociale à la propriété et développer le logement locatif intermédiaire (LLI), qui constituent deux politiques prioritaires de la majorité. Dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2025, le prêt à taux zéro a ainsi été élargi pour l’acquisition d’un logement neuf sur tout le territoire, qu’il s’agisse d’un projet en habitat collectif ou individuel. Le soutien aux classes moyennes constitue une priorité qu’il convient de poursuivre. Mais le logement social ne doit pas être détourné de sa vocation première : loger les ménages modestes. Et cette proposition de loi ne revient nullement à supprimer la vocation « universaliste » du logement social dans notre pays : comme avant, le parc continuera à accueillir les ménages précaires mais aussi les classes moyennes. En effet, les plafonds de revenus déclencheurs de la résiliation du bail s’appliquent actuellement à des ménages dont les revenus les placent parmi les 20 % des Français les mieux rémunérés. Les dispositions de ce texte proposent que le fait d’être parmi le tiers des Français les mieux payés soit désormais le facteur qui contraindra un locataire à céder son logement social.
L’amélioration de la rotation dans le parc social, grâce à l’adoption de cette proposition de loi, ne permettra pas de résoudre, à elle seule, la crise du logement social. Mais libérer chaque année quelques dizaines de milliers de logements supplémentaires aura des conséquences très concrètes pour les ménages modestes qui pourront en profiter : ces mesures leur changeront la vie et c’est à eux qu’il faudra penser au moment d’examiner cette proposition de loi.
Article supprimé par la commission (avant le rejet de la proposition de loi)
Cet article crée un régime de sanction pour les organismes de logement social qui ne respecteraient pas l’obligation de mettre fin au bail lorsque le locataire dispose de revenus trop importants.
Il abaisse le montant des ressources de 150 % à 120 % des plafonds pour l’attribution d’un logement financé par un prêt locatif social (PLS), qui, s’il est dépassé par le ménage pendant deux années consécutives, doit donner lieu à la résiliation du bail par le bailleur. Il impose au bailleur de mettre fin au bail lorsque le locataire est propriétaire d’un logement adapté aux besoins et aux capacités du ménage, ou peut procurer des revenus suffisants. Il étend l’application de la réévaluation trisannuelle de l’occupation du logement social aux zones détendues.
Il prévoit enfin que les examens triennaux d’occupation des logements sociaux, menés chaque année par le bailleur, fassent l’objet d’un rapport public.
L’attribution d’un logement social est aujourd’hui conditionnée au respect, par le demandeur, de plafonds de ressources (établis à partir du revenu fiscal de référence de l’année n-2) qui varient selon le logement social. Il existe trois principales catégories de logements sociaux :
– les logements financés par le prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) pour les ménages très modestes ;
– les logements financés par le prêt locatif à usage social (PLUS) pour les travailleurs modestes ;
– les logements financés par le prêt locatif social (PLS) pour les classes moyennes.
La commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements (Caleol) doit ensuite proposer au demandeur éligible un logement adapté au locataire : taux d’effort raisonnable, nombre de pièces du logement adapté au nombre d’occupants, adaptation du logement à l’état de santé et aux aptitudes physiques du demandeur (articles R. 441-16-2 et R. 441-16-4 du code de la construction et de l’habitation).
Afin de renforcer la mobilité dans le parc social, l’article 109 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi « Elan », a prévu que, pour les logements situés dans des zones tendues (zones A bis, A et B1) caractérisées par un déséquilibre important de l’offre et de la demande, le bailleur examine tous les trois ans à compter de la date de signature du contrat de location, les conditions d’occupation du logement. Le bailleur transmet à la Caleol les dossiers des locataires qui sont dans l’une des situations suivantes (article L. 442-5-2 du code de la construction et de l’habitation) :
– suroccupation ou sous-occupation du logement ;
– départ d’un des occupants du logement présentant un handicap, lorsqu’il s’agit d’un logement adapté ;
– reconnaissance d’un handicap ou d’une perte d’autonomie nécessitant l’attribution d’un logement adapté aux personnes présentant cette caractéristique ;
– dépassement du plafond de ressources applicable au logement.
La Caleol constate alors la situation, propose éventuellement un logement mieux adapté aux besoins du locataire et peut conseiller l’accession sociale à la propriété. Sur cette base, le bailleur peut accompagner le locataire dans son parcours résidentiel au sein du parc social comme en dehors de celui-ci.
Dans les faits, les acteurs du logement social sont souvent confrontés à de nombreuses situations de sous-occupation, en raison du vieillissement des occupants du parc. Permettre la mobilité d’une personne dont les enfants ont quitté le domicile familial vers un logement de plus petite taille, n’est pas chose aisée : les bailleurs doivent proposer une solution de relogement au locataire qui soit adaptée à sa situation mais ils ne disposent pas suffisamment de logements de petite taille. Or les demandes de logement social sont aujourd’hui concentrées sur les ménages d’une à deux personnes, surreprésentés par rapport à leur part dans la population générale. Par ailleurs, le loyer principal proposé doit être inférieur au loyer d’origine (article L. 442-3-1), ce qui n’est pas toujours possible pour le bailleur.
Source : Agence nationale du contrôle du logement social (Ancols).
Chaque organisme de logement social doit conduire, chaque année, une enquête concernant les locataires de son parc pour vérifier leur revenu, dite « enquête SLS » (article L. 441-9 du code de la construction et de l’habitation) : les locataires doivent communiquer annuellement leur avis d’imposition (ou de non-imposition) et celui de l’ensemble des personnes vivant au foyer, ce qui permet d’évaluer si le plafond de ressources en vigueur pour l’éligibilité au logement occupé est dépassé : en cas de dépassement, le locataire peut être assujetti, selon le niveau de dépassement, sa situation et la localisation du logement, à un supplément de loyer de solidarité (SLS) ([1]).
Le législateur a prévu que l’organisme de logement social qui constaterait, à l’occasion de l’enquête SLS, que le montant des revenus du ménage dépasse 150 % des plafonds pour l’attribution de logements financés par des prêts locatifs sociaux pendant deux années consécutives, doit mettre fin au bail (article L. 442-3-3 du code de la construction et de l’habitation). Le locataire doit alors quitter les lieux à l’issue d’un délai de dix-huit mois à compter du 1er janvier qui suit les résultats de l’enquête.
La fin du droit au maintien dans les lieux ne s’applique pas si :
– les ressources du locataire et des autres occupants sont devenues inférieures aux plafonds de ressources pour l’attribution d’un logement « PLS » au cours de la période de dix-huit mois déjà mentionnée ;
– le locataire a au moins 65 ans ;
– le locataire ou une des personnes dont il a la charge est en situation de handicap ;
– le logement est situé dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV).
L’article premier de la présente proposition de loi poursuit cinq objectifs principaux :
– inciter les bailleurs à s’organiser pour respecter l’obligation de réexamen des conditions d’occupation ;
– élargir le champ des logements soumis à l’obligation de réexamen aux logements situés dans les zones détendues et étendre l’obligation aux sociétés d’économie mixte ;
– inciter les bailleurs à mettre fin au droit au maintien dans les lieux pour les ménages dont les ressources dépassent les plafonds ;
– diminuer de 150 % à 120 % des plafonds de ressources pour l’attribution d’un logement financé par un PLS, le montant des ressources du ménage à partir duquel il est mis fin au bail ;
– conditionner le droit au maintien dans les lieux à l’absence de patrimoine immobilier suffisant permettant au locataire de se loger par ses propres moyens.
L’article 1er durcit les critères conduisant au départ du logement social géré par un office HLM ou une société d’économie mixte (SEM), lorsque le locataire et les membres du ménage disposent de revenus suffisants.
L’article 1er prévoit d’abaisser le niveau des ressources, dont le dépassement par le ménage du locataire doit conduire à son départ du logement social, de 150 % à 120 % des plafonds en vigueur pour l’attribution d’un logement financé par un PLS.
Ce seuil reste tout à fait raisonnable et permet de viser les ménages les plus aisés du parc social, appartenant aux classes moyennes supérieures.
Quelques cas types
Un salarié habitant à Bagneux ou à Saint-Ouen devra quitter son logement social à partir d’un salaire net de 3 800 euros* par mois, ce qui le place parmi les 15 % des salariés les mieux payés.
Un couple d’agents publics avec un enfant à charge habitant à Cergy devra quitter son logement social si les deux salaires nets cumulés atteignent plus de 7 400 euros par mois (soit plus de 3 700 euros* chacun).
Un couple de salariés avec deux enfants à charge habitant à Limoges devra quitter son logement social si les deux salaires nets cumulés atteignent plus de 6 400 euros (soit plus de 3 200 euros* chacun).
*La traduction du revenu fiscal de référence en salaire net repose ici sur plusieurs hypothèses simplificatrices, notamment l’absence de revenus ou plus-values mobilières et immobilières.
Source : Commission des affaires économiques.
Seuils de revenus en vigueur au-delà desquels les locataires doivent quitter le logement social : Paris et communes limitrophes
Catégories de ménage |
Plafonds de ressources pour l’attribution d’un logement PLS |
150 % des plafonds de ressources pour l’attribution d’un logement PLS (obligation de quitter le logement social dans le droit existant) |
120 % des plafonds de ressources pour l’attribution d’un logement PLS (obligation de quitter le logement social telle que proposée par la proposition de loi) |
1 personne seule |
34 693 |
52 039 |
41 631 |
2 personnes sans personne à charge à l’exclusion des jeunes ménages ou 1 personne seule en situation de handicap |
51 851 |
77 775 |
62 220 |
3 personnes ou 1 personne seule + 1 à charge ou jeune ménage sans personne à charge ou 2 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
67 969 |
101 953 |
81 563 |
4 personnes ou 1 personne seule + 2 à charge ou 3 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
81 151 |
121 726 |
97 381 |
5 personnes ou 1 personne seule + 3 à charge ou 4 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
96 552 |
144 828 |
115 862 |
6 personnes ou 1 personne seule + 4 à charge ou 5 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
108 648 |
162 971 |
130 377 |
Source : Service-public.fr
seuils de revenus des ménages en vigueur au-delà desquels les locataires doivent quitter le logement social : île-de-France, hors Paris et communes limitrophes
Catégories de ménage |
Plafonds de ressources pour l’attribution d’un PLS |
150 % des plafonds de ressources pour l’attribution d’un PLS (obligation de quitter le logement social dans le droit existant) |
120 % des plafonds de ressources pour l’attribution d’un PLS (obligation de quitter le logement social telle que proposée par la proposition de loi) |
1 personne seule |
34 693 |
52 039 |
41 631 |
2 personnes sans personne à charge à l’exclusion des jeunes ménages ou 1 personne seule en situation de handicap |
51 851 |
77 775 |
62 220 |
3 personnes ou 1 personne seule + 1 à charge ou jeune ménage sans personne à charge ou 2 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
62 327 |
93 490 |
74 792 |
4 personnes ou 1 personne seule + 2 à charge ou 3 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
74 658 |
111 986 |
89 589 |
5 personnes ou 1 personne seule + 3 à charge ou 4 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
88 379 |
132 568 |
106 055 |
6 personnes ou 1 personne seule + 4 à charge ou 5 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
99 455 |
149 182 |
119 346 |
Source : Service-public.fr
seuils de revenus des ménages au-delà desquels les locataires doivent quitter le logement social en 2025 : France métropolitaine hors île-de-France
Catégories de ménage |
Plafonds de ressources pour l’attribution d’un PLS |
150 % des plafonds de ressources pour l’attribution d’un PLS (obligation de quitter le logement social dans le droit existant) |
120 % des plafonds de ressources pour l’attribution d’un PLS (obligation de quitter le logement social telle que proposée par la proposition de loi) |
1 personne seule |
30 161 |
45 241 |
36 193 |
2 personnes sans personne à charge à l’exclusion des jeunes ménages ou 1 personne seule en situation de handicap |
40 279 |
60 418 |
48 335 |
3 personnes ou 1 personne seule + 1 à charge ou jeune ménage sans personne à charge ou 2 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
48 437 |
72 655 |
58 124 |
4 personnes ou 1 personne seule + 2 à charge ou 3 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
58 477 |
87 714 |
70 171 |
5 personnes ou 1 personne seule + 3 à charge ou 4 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
68 790 |
103 184 |
82 547 |
6 personnes ou 1 personne seule + 4 à charge ou 5 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
77 527 |
116 290 |
93 032 |
Source : Service-public.fr
Ce seuil avait d’ailleurs déjà été abaissé de 200 % à 150 % par l’article 82 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, dite loi « Égalité et citoyenneté ».
Il n’est pas possible de quantifier précisément le nombre de ménages qui seraient concernés par l’obligation de quitter le logement social, étant donné que les personnes en situation de handicap (ou ayant une personne à charge en situation de handicap), les personnes de plus de 65 ans et les locataires en QPV ne sont pas concernés par la mesure. Trente mille logements au maximum pourraient être libérés grâce à cette disposition selon les informations transmises par l’Union sociale pour l’habitat.
Au-delà des revenus du locataire, la prise en compte de son patrimoine immobilier est une disposition de bon sens.
L’article 1er de la proposition de loi crée ainsi un article L. 442-3-6 dans le code de la construction et de l’habitation permettant au bailleur de prononcer la fin du bail pour les ménages qui disposent d’un logement « adapté aux besoins et capacités » du locataire ou « susceptible de [lui] procurer des revenus suffisants » pour accéder à un logement du parc privé, à l’expiration d’un délai de six mois à compter du 1er janvier de l’année qui suit la prise de connaissance de la situation. Le législateur entend par « revenus suffisants », les revenus issus de la mise en location du logement ou de sa vente, qui permettraient au locataire de louer ou d’acheter dans le parc privé.
L’article 1er prévoit que cette information soit contrôlée par le bailleur au moment de l’examen triennal des conditions d’occupation du logement.
L’article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation prévoit déjà que l’attribution d’un logement social tient compte du « patrimoine, de la composition, du niveau de ressources et des conditions de logement actuelles du ménage, de l'éloignement des lieux de travail, de la mobilité géographique liée à l'emploi et de la proximité des équipements répondant aux besoins des demandeurs. » L’article L. 441-2-2 du code de la construction et de l'habitation, depuis la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (dite loi « Boutin »), prévoit que si l'un des membres du ménage candidat à l'attribution d'un logement social est propriétaire d'un logement adapté à ses besoins et capacités, l’organisme de logement social peut refuser d’attribuer un logement au demandeur. L’article 72 de la loi Égalité et citoyenneté a étendu ce critère au logement « susceptible de générer des revenus suffisants pour accéder à un logement du parc privé ». Il est logique qu’un critère opposable au moment de l’attribution du logement social soit également pris en compte pour évaluer si le locataire peut se maintenir dans les lieux.
L’expression « besoins et capacités » pourrait renvoyer aux mêmes critères que ceux pris en compte pour l’attribution d’un logement social ([2]) : taille du logement adapté à la composition du ménage, proximité du lieu de travail, accès aux moyens de transport, proximité des équipements et services nécessaires pour les membres du ménage, capacités à supporter les charges du logement. Il pourrait être utile de préciser ces critères par un décret en Conseil d’État.
Cette disposition de bon sens appelle plusieurs remarques pour sa mise en œuvre pratique :
– il est sans doute difficile au bailleur de vérifier l’évaluation de la valeur patrimoniale et locative d’un bien. À ce titre, votre rapporteur rappelle que, contrairement au contrôle des revenus, il s’agit ici d’une faculté pour le bailleur et non d’une obligation. L’article 2 de la proposition de loi prévoit un échange de données renforcé avec les services de la direction générale des finances publiques (DGFiP), qui pourrait permettre aux bailleurs de contrôler l’exactitude des déclarations des locataires – même si les informations transmises ne permettront pas de déterminer la valeur patrimoniale et locative du bien ;
– il pourrait être utile d’exclure du dispositif les biens en indivision, puisque le locataire d’un logement social n’est pas nécessairement en situation de mettre en location ou en vente le logement dans ce cas.
Au-delà des biens immobiliers, il paraîtrait aussi cohérent de prendre en compte le patrimoine mobilier du locataire. Si celui-ci est indirectement pris en compte dans le contrôle des revenus soumis à la déclaration d’impôt sur le revenu, tout actif financier ne génère pas nécessairement des flux de revenus (comptes courants) ou génère des flux de revenus qui ne sont pas déclarés (livrets réglementés). À cet égard, votre rapporteur rappelle que le bénéfice des aides personnelles au logement est déjà soumis à une condition d’ordre patrimonial : le décret n° 2016-1385 du 12 octobre 2016 relatif à la prise en compte du patrimoine dans le calcul des aides personnelles au logement prévoit qu’au-delà de 30 000 euros, le patrimoine du demandeur de l’aide est comptabilisé pour le calcul des revenus disponibles du ménage ([3]).
Il convient d’inciter les bailleurs à réaliser les examens triennaux des conditions d’occupation et à mettre fin aux baux en cas de dépassement des plafonds de ressources. Dans ses réponses écrites transmises au rapporteur, le directeur général de l’Ancols remarque que les bailleurs respectent globalement l’obligation de mettre fin au bail en cas de dépassement des ressources mais il signale aussi que, « concernant la réalisation de l’examen triennal, qui permet de détecter notamment les cas de sous-occupation, un nombre relativement élevé d’organismes n’a pas encore mis en place une organisation satisfaisante permettant de le réaliser ».
La présente proposition de loi propose donc de créer une sanction spécifique pour les bailleurs qui ne respecteraient pas ces deux obligations, comme il en existe déjà une lorsque le SLS n’est pas quittancé ([4]) :
– une sanction équivalant, au maximum, à dix-huit mois du loyer en principal pour les logements concernés, en l’absence de résiliation du bail pour les locataires dont le niveau de revenu dépasserait les plafonds prévus ;
– une sanction qui ne peut excéder 1 000 euros par logement concerné en cas de non-réalisation de l’examen triennal des conditions d’occupation de ce logement. À cet égard, le directeur général de l’Ancols a fait remarquer qu’il était impossible de connaître le nombre de logements concernés par l’absence d’examen triennal des conditions d’occupation. Par amendement, votre rapporteur défendra donc une autre définition du plafond de la sanction.
Il convient d’indiquer que les propositions de sanction formulées par l’Ancols sont rares et ne s’appliquent qu’aux bailleurs manifestement de mauvaise foi et n’appliquant pas la loi de façon délibérée et systématique. Il s’agit bien, pour le législateur, d’envoyer un signal aux organismes de logement social et non d’entamer une quelconque « chasse aux sorcières ». Par ailleurs, le produit des sanctions est affecté à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) et bénéficie ainsi à l’ensemble des organismes de logement social.
D’autres mesures figurant à l’article 1er visent également à renforcer les obligations des organismes de logement social relatives à cet examen triennal des conditions d’occupation du logement :
– il généralise la réévaluation triennale des conditions d’occupation des logements sociaux à ceux situés en zone détendue, le zonage existant ne reflétant pas les difficultés réelles à accéder au logement dans de nombreuses parties du territoire ;
– il prévoit que le rapport annuel du bailleur, qui dresse un bilan public des attributions de logements sociaux au niveau départemental, contienne également un bilan des examens des conditions d’occupation réalisés ;
– il élargit aux sociétés d’économie mixte l’obligation de réaliser l’examen des conditions d’occupation du logement ([5]).
Contre l’avis du rapporteur, la commission a supprimé l’article 1er de la présente proposition de loi, après l’adoption des amendements CE14 de Mme Cyrielle Chatelain, CE33 de M. François Piquemal, CE53 de M. Harold Huwart et CE95 de M. Inaki Echaniz. Elle a par la suite rejeté l’ensemble de la proposition de loi.
*
* *
Article supprimé par la commission (avant le rejet de la proposition de loi)
Cet article prévoit d’appliquer le supplément de loyer de solidarité (SLS) aux ménages dès que leurs ressources dépassent les plafonds en vigueur pour l’attribution du logement occupé (contre 120 % des plafonds dans le droit actuel). Il supprime l’exemption de SLS pour les ménages résidant en zones de revitalisation rurale (ZRR) ou en zones « France ruralités revitalisation » (FRR), ainsi que pour les ménages qui résident dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). En contrepartie, il diminue de 100 % à 50 % le taux maximal de la cotisation assise sur le SLS devant être versée par les organismes de logement social à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS).
Par ailleurs, cet article prévoit des échanges d’information entre l’administration fiscale et le groupement d’intérêt public chargé du système national d’enregistrement des demandes de logement locatif social (SNE), afin de contrôler le niveau de ressources et le patrimoine des demandeurs de logement social et des locataires. Il supprime le comité d’orientation du SNE et élargit la liste des acteurs qui peuvent avoir accès aux informations nominatives du SNE. Il facilite également la transmission à l’Ancols des données recueillies par les organismes de logement social à l’occasion de l’enquête sur l’occupation du parc social.
Chaque année, pour les logements situés en dehors des ZRR/FRR (5,1 % des logements sociaux), des QPV (29,5 % des logements sociaux) ou des zones où le plan local de l’habitat prévoit que le SLS ne s’applique pas (3,7 % des logements sociaux), soit environ 60 % du total des logements sociaux, les organismes de logement social conduisent, avec l’aide de prestataires extérieurs, l’enquête dite « SLS » prévue par l’article L. 441-9 du code de la construction et de l’habitation. Les locataires qui bénéficient des aides personnelles au logement (APL), n’étant pas assujettis au SLS par définition, ne sont pas concernés par l’enquête.
Chaque locataire doit communiquer à son bailleur son avis d'imposition (ou de non-imposition) à l'impôt sur le revenu et des renseignements concernant l'ensemble des personnes vivant au foyer qui permettent d’estimer, le cas échéant, l'importance du dépassement du plafond de ressources et de calculer le supplément de loyer de solidarité dont le locataire est redevable.
En l’absence de réponse, le locataire est assujetti d’office au SLS.
L’article L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation prévoit que les bailleurs sociaux perçoivent des locataires un supplément de loyer de solidarité « dès lors qu'au cours du bail, les ressources de l'ensemble des personnes vivant au foyer excèdent d'au moins 20 % les plafonds de ressources en vigueur pour l'attribution de ces logements ».
Dans les faits, si les locataires d’un logement PLUS ou d’un logement PLS sont redevables du SLS si leurs ressources dépassent 120 % des plafonds d’attribution du logement occupé (PLUS ou PLS), les locataires d’un logement PLAI ne sont redevables du SLS qu’à partir du moment où leurs ressources dépassent 120 % des plafonds d’attribution d’un logement PLUS (article R. 441-23 du code de la construction et de l’habitation) – et non 120 % des plafonds d’attribution d’un logement PLAI : il s’agit ici de ne pas décourager des ménages très modestes qui reprendraient une activité professionnelle à temps plein.
déclenchement du sls : Paris et communes limitrophes
(en euros)
Catégories de ménage |
Plafonds d'éligibilité pour un logement PLAI |
Plafonds d'éligibilité pour un logement PLUS |
Plafonds d'éligibilité pour un logement PLS |
Niveau des ressources à partir duquel le SLS est déclenché pour les ménages résidant dans un logement PLAI ou PLUS |
Niveau des ressources à partir duquel le SLS est déclenché pour les ménages résidant dans un logement PLS |
1 personne seule |
14 683 |
26 687 |
34 693 |
32 024 |
41 631 |
2 personnes sans personne à charge à l’exclusion des jeunes ménages ou 1 personne seule en situation de handicap |
23 931 |
39 885 |
51 851 |
47 862 |
62 220 |
3 personnes ou 1 personne seule + 1 à charge ou jeune ménage sans personne à charge ou 2 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
31 369 |
52 284 |
67 969 |
62 740 |
81 563 |
4 personnes ou 1 personne seule + 2 à charge ou 3 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
34 338 |
62 424 |
81 151 |
74 908 |
97 381 |
5 personnes ou 1 personne seule + 3 à charge ou 4 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
40 847 |
74 271 |
96 552 |
89 125 |
115 862 |
6 personnes ou 1 personne seule + 4 à charge ou 5 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
45 968 |
83 575 |
108 648 |
100 290 |
130 377 |
Source : Services-public.fr
Catégories de ménage |
Plafonds d'éligibilité pour un logement PLAI |
Plafonds d'éligibilité pour un logement PLUS |
Plafonds d'éligibilité pour un logement PLS |
Niveau des ressources à partir duquel le SLS est déclenché pour les ménages résidant dans un logement PLAI ou PLUS |
Niveau des ressources à partir duquel le SLS est déclenché pour les ménages résidant dans un logement PLS |
1 personne seule |
14 683 |
26 687 |
34 693 |
32 024 |
41 631 |
2 personnes sans personne à charge à l’exclusion des jeunes ménages ou 1 personne seule en situation de handicap |
23 931 |
39 885 |
51 851 |
47 862 |
62 220 |
3 personnes ou 1 personne seule + 1 à charge ou jeune ménage sans personne à charge ou 2 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
28 767 |
47 944 |
62 327 |
57 532 |
74 792 |
4 personnes ou 1 personne seule + 2 à charge ou 3 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
31 585 |
57 429 |
74 658 |
68 914 |
89 589 |
5 personnes ou 1 personne seule + 3 à charge ou 4 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
37 393 |
67 984 |
88 379 |
81 580 |
106 055 |
6 personnes ou 1 personne seule + 4 à charge ou 5 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
42 077 |
76 504 |
99 455 |
91 804 |
119 346 |
déclenchement du sls : Île-de-France, hors Paris et communes limitrophes
(en euros)
Source : Services-public.fr
Catégories de ménage |
Plafonds d'éligibilité pour un logement PLAI |
Plafonds d'éligibilité pour un logement PLUS |
Plafonds d'éligibilité pour un logement PLS |
Niveau des ressources à partir duquel le SLS est déclenché pour les ménages résidant dans un logement PLAI ou PLUS |
Niveau des ressources à partir duquel le SLS est déclenché pour les ménages résidant dans un logement PLS |
1 personne seule |
12 579 |
23 201 |
30 161 |
27 841 |
36 193 |
2 personnes sans personne à charge à l’exclusion des jeunes ménages ou 1 personne seule en situation de handicap |
18 591 |
30 984 |
40 279 |
37 180 |
48 335 |
3 personnes ou 1 personne seule + 1 à charge ou jeune ménage sans personne à charge ou 2 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
22 356 |
37 259 |
48 437 |
44 710 |
58 124 |
4 personnes ou 1 personne seule + 2 à charge ou 3 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
24 875 |
44 982 |
58 477 |
53 978 |
70 171 |
5 personnes ou 1 personne seule + 3 à charge ou 4 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
29 105 |
52 915 |
68 790 |
63 498 |
82 547 |
6 personnes ou 1 personne seule + 4 à charge ou 5 personnes dont au moins 1 en situation de handicap |
32 800 |
59 636 |
77 527 |
71 563 |
93 032 |
déclenchement du sls : France métropolitaine, hors Île-de-France
(en euros)
Source : Services-public.fr
Les titulaires d'une carte d'invalidité se voient appliquer des seuils de déclenchement du SLS plus élevés.
Le montant du supplément de loyer de solidarité est égal au produit de la surface habitable du logement par le coefficient de dépassement du plafond de ressources, qui est d’autant plus élevé que les revenus du ménage sont élevés, et par le supplément de loyer de référence, dont la valeur est fixée en euros par mètre carré habitable selon la zone géographique. Le supplément de loyer de référence est nettement plus élevé en zone tendue qu’en zone détendue. Le montant du SLS cumulé avec le loyer est plafonné à 25 % des ressources de l’ensemble des personnes vivant au foyer, mais ce plafonnement peut être porté au maximum à 35 % du loyer par le programme local de l’habitat (PLH).
Aujourd’hui, le supplément de loyer de solidarité représente un montant d’environ 120 millions d’euros supporté par près de 80 000 ménages ; 57 % du SLS en France est perçu en Île-de-France et 36 % pour la seule Ville de Paris, selon les informations transmises par l’Union sociale pour l’habitat (USH).
répartition du sls par zone géographique
|
Zone 1 bis (Paris et communes limitrophes) |
Zone 1 (agglomération parisienne) |
Zone 2 (villes de plus de 100 000 habitants) |
Zone 3 (reste du territoire) |
Nombre de ménages assujettis au SLS |
14 000 |
11 500 |
33 000 |
21 500 |
SLS moyen par mois |
283 € par mois |
205 € par mois |
117 € par mois |
36 € par mois |
Montant global annuel quittancé |
47 M€ |
28 M€ |
46 M€ |
9 M€ |
Source : Union sociale de l’habitat (USH).
Le produit du supplément de loyer de solidarité est aujourd’hui reversé à 85 % ([6]) à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), qui joue le rôle d’assureur en dernier ressort des prêts octroyés par la Caisse des dépôts et consignations, soutient les organismes de logement social en difficulté, accompagne leur réorganisation et leur regroupement et participe au financement du logement social et de la rénovation urbaine. Cette règle a été conçue afin de ne pas encourager les bailleurs à loger des ménages aisés au sein de leur parc.
Le groupement d’intérêt public chargé du système national d’enregistrement des demandes de logement social (GIP SNE), financé à 70 % par les bailleurs sociaux (via la CGLLS) et à 30 % par l’État, dispose aujourd’hui d’un budget annuel d’environ dix millions d’euros. Il réunit l’État, représenté par le ministre chargé du logement, l’USH, la Fédération des entreprises publiques locales, l’Assemblée des départements de France, Intercommunalités de France, l’Association des maires de France et Action Logement Groupe.
Il assure la gestion du système national d’enregistrement (SNE) prévu à l’article L. 441-2-1 du code de la construction et de l’habitation, établi pour enregistrer les demandes de logement social, leur renouvellement et leur modification éventuelle. Le GIP SNE assure ainsi notamment :
– la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre du SNE ;
– l’assistance des demandeurs à l’utilisation du portail internet de dépôt et de renouvellement des demandes de logement social ;
– le traitement centralisé des pièces constitutives de la demande de logement social ;
– la production de données statistiques sur la demande et les attributions de logement social.
Le SNE est constitué de trois applications principales : la « Webapp SNE », destinée aux professionnels (guichets, réservataires) ; le portail « Grand public » (PGP), destiné aux demandeurs ; la cotation, destinée aux établissements publics de coopération intercommunale pour le paramétrage du système de cotation prévu par l’article 111 de la loi Elan.
Le GIP SNE assure également la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre d’un portail de cartographie de l’occupation du parc social. En effet, il collecte grâce aux bailleurs les données non nominatives de l’enquête biennale dite « OPS » (occupation du parc social), prévue par l’article L. 442-5 du code de la construction et de l’habitation pour la production d’un outil d’analyse de l’occupation du parc social à destination d’une liste définie d’acteurs.
Les données récoltées par les bailleurs au titre de l’enquête OPS sont précisées par l’article R. 442-12 du code de la construction et de l’habitation. Elles concernent le locataire et l’ensemble des membres du ménage :
– avis d’imposition ou de non-imposition à l’impôt sur le revenu ;
– nom, prénom, âge et lien de parenté ;
– numéro d'immatriculation au répertoire national d’identification des personnes physiques de chaque occupant majeur ;
– renseignements permettant de calculer le plafond de ressources applicable ;
– renseignements relatifs à la perception, directement ou en tiers payant, de l'une des aides personnelles au logement prévues par l'article L. 821-1 du même code, ainsi que de l'allocation de solidarité aux personnes âgées ;
– nature de l'activité professionnelle ou situation de demandeur d'emploi inscrit auprès de l'opérateur France Travail.
Pour les locataires concernés par l’enquête SLS, celle-ci fait également office d’enquête OPS.
Les demandeurs de logement social ont d’ores et déjà la possibilité d’indiquer leur revenu fiscal de référence (RFR) de l’année n-2 au moment du dépôt de leur demande de logement social via « France connect ». Le GIP SNE a engagé des démarches auprès de la DGFiP pour étendre le dispositif de récupération du RFR pour l’ensemble des demandeurs au moyen de l’interface de programme d’application (API) des services des finances publiques (SFIP), afin de fiabiliser l’information transmise par les demandeurs et faciliter le travail de contrôle des bailleurs.
Selon les informations transmises à votre rapporteur, ces travaux ont été suspendus car les modalités d’interrogation de l’API doivent passer par la transmission du numéro d’identifiant fiscal du demandeur (donnée non autorisée par le cadre légal régissant le traitement de la demande de logement) ou le renseignement du lieu de naissance du demandeur (donnée que le GIP SNE n’est actuellement pas autorisé à collecter et traiter dans le cadre de la demande de logement social). Par ailleurs, il n’existe, à ce jour, aucun projet de transfert de données fiscales entre le GIP SNE et la DGFiP concernant les occupants du parc social.
Les agents de l’Ancols ont accès aux données non nominatives du SNE à des fins d’exploitation statistique et d’études. L’Agence publie à ce titre, chaque année, un tableau de bord des attributions grâce au traitement de ces données (article R. 441-2-6 du code de la construction et de l'habitation). Ces agents n’ont cependant pas accès aux données nominatives du SNE.
Par ailleurs, la possibilité d’avoir un accès direct aux données de l’enquête « OPS » fait l’objet d’interprétations contradictoires entre le GIP SNE et l’Ancols.
L’accès aux données de l’enquête OPS par les agents de l’Ancols
La loi Égalité et citoyenneté a prévu, à l’article L. 442-5 du code de la construction et de l’habitation, que l’Ancols peut obtenir « des organismes d’habitations à loyer modéré la communication des données [de l’enquête OPS] dans le cadre de ses missions d’évaluation mentionnées aux articles L. 342-1 et L. 342-2. »
Par la suite, la loi Elan a précisé que l’État confie la collecte et l’exploitation des données recueillies à l'occasion des enquêtes OPS au GIP SNE.
Depuis 2023, le GIP SNE refuse cependant l’accès à la base de données OPS aux collaborateurs de l’Ancols, au motif que le troisième alinéa de l’article L. 442-5 du code de la construction et de l'habitation semble limiter l’accès de l’Ancols à ces données au cadre d’une sollicitation des « organismes d'habitations à loyer modéré » et non du GIP SNE lui-même.
L’Ancols dispose des prérogatives ([7]) pour créer une « seconde base » OPS comprenant exactement les mêmes données et poursuivant les mêmes finalités, mais cette solution serait particulièrement lourde : elle impliquerait une multiplication de flux de données (plus de 600 organismes concernés) et augmenterait les risques en matière de sécurité et de fiabilité des données.
Source : Ancols.
L’article 2 de la présente proposition de loi abaisse le niveau de ressources du ménage occupant le logement social à partir duquel celui-ci est redevable du SLS, de 120 % à 100 % des plafonds de ressources en vigueur pour l’éligibilité au logement occupé. Le raisonnement est simple : à partir du moment où les ressources du ménage dépassent le plafond des revenus pour l’éligibilité au logement social, il occupe un logement dont il ne pourrait pas bénéficier s’il en faisait la demande.
Votre rapporteur souhaite cependant rassurer les organismes de logement social : il n’est aucunement question de revenir sur la non-application du supplément de loyer de solidarité pour les locataires en PLAI dont les ressources dépassent les plafonds d’éligibilité au PLAI. Le retour à l’emploi pour les ménages du parc social sans activité doit être encouragé.
L’intérêt d’un déclenchement du supplément de loyer de solidarité dès le premier euro de dépassement est triple :
– augmenter les ressources des bailleurs sociaux ;
– poursuivre l’impératif de justice sociale, au demeurant très bien compris par les locataires ;
– accélérer la rotation au sein du parc social. Une étude de l’Ancols ([8]) de 2021 a montré que, parmi les ménages qui étaient soumis au SLS et qui ont quitté leur logement, la moitié estimait que le SLS avait eu un effet sur leur décision.
Concernant le rendement de la mesure, l’étude d’impact du projet de loi Dola précisait que près de 130 000 ménages supplémentaires (en plus des 80 000 ménages qui doivent déjà payer le SLS) pourraient être concernés par la mesure, mais cette étude d’impact ne prenait pas en compte l’élargissement du périmètre des logements concernés par le SLS (voir plus bas).
L’étude d’impact rappelait également que « le rendement financier de la disposition sera très dépendant de la fixation des paramètres réglementaires qui déterminent les modalités de calcul du SLS. L’objectif est que le montant du SLS soit incitatif et cohérent avec les loyers des logements intermédiaires et des logements du parc privé. Dans ces conditions, le produit attendu peut être estimé à plusieurs dizaines de millions d’euros ». Dans ses réponses écrites à votre rapporteur, la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) considère dorénavant que l’abaissement du seuil de déclenchement du SLS de 120 % à 100 % pourrait engendrer de l’ordre de 16 millions d’euros de recettes supplémentaires par an.
En réalité, tout dépend de la manière dont le SLS sera calculé. Plusieurs solutions s’offriront au pouvoir réglementaire selon la manière dont il fixera coefficient de dépassement.
valeurs du coefficient de dépassement du SLS en vigueur
Source : Article R. 441-21 du code de la construction et de l’habitation.
Deux principales options sont ouvertes :
– soit le barème des coefficients de dépassement est intégralement décalé. Le coefficient de 0,27 est appliqué dès le premier euro de dépassement (puis un coefficient de 2,69 à partir de 20 % de dépassement, 0,08 par point de dépassement au-delà de 20 % de dépassement, etc.), ce qui conduit à augmenter très substantiellement le SLS payé par les ménages déjà assujettis (plusieurs centaines d’euros dans certains cas) ;
– soit le barème actuel est maintenu et il est créé un coefficient compris entre 0 et 0,27 pour les ménages dont les revenus sont compris entre 100 % et 120 % des plafonds de ressources. Cela ne modifierait pas le SLS actuellement acquitté par les ménages assujettis, mais cela aurait l’inconvénient de ne produire qu’un rendement très faible pour un coût de traitement non nul.
L’article 2 de la présente proposition de loi met fin à l’exemption de supplément de loyer de solidarité qui existe aujourd’hui dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), dans les ZRR/FRR et dans les programmes locaux de l’habitat (PLH) qui peuvent prévoir une exemption dans des certains quartiers spécifiques (40 % des logements du parc social).
En supposant que les pourcentages de ménages concernés soient les mêmes dans ces zones que dans le reste du territoire (ce qui est peu vraisemblable, 38 000 ménages en QPV, 6 000 dans les ZRR/FRR et 6 000 dans les périmètres de PLH adoptés seraient concernés par la suppression de l’exemption : 50 000 locataires en tout seraient, pour la première fois, redevables du supplément de loyer de solidarité. Mais ce chiffre ne prend pas en compte l’abaissement du seuil de déclenchement du SLS.
Si l’argument du soutien à la mixité sociale peut s’entendre, celui-ci justifie d’abord qu’il ne soit pas mis fin au bail en cas de dépassement des plafonds. À cet égard, l’article 1er de la proposition de loi ne revient pas sur l’exemption à l’obligation de résiliation du bail prévue dans les QPV.
Les bailleurs sociaux soulignent que l’enquête SLS représente un coût, pour eux, de près de 6,50 euros par logement concerné. L’étendre à l’ensemble des logements situés en QPV, en ZRR (ou en FRR) et dans les territoires couverts par des PLH qui prévoyaient une exemption, pourrait représenter un coût financier de plusieurs millions d’euros. Néanmoins, l’enquête SLS ne devra pas être réalisée pour la totalité des locataires des QPV ou des ZRR/FRR, étant donné que de nombreux locataires dans ces territoires bénéficient des APL.
La présente proposition de loi prévoit d’abaisser de 100 % à 50 % le taux maximal de reversement des suppléments de loyer de solidarité perçus par les bailleurs à la CGLLS. Si la mesure bénéficiera principalement aux bailleurs franciliens, où les SLS versés sont les plus importants, c’est aussi dans ces territoires que les besoins de logements sociaux sont les plus importants.
Cette augmentation de la part du SLS conservée par le bailleur pourrait représenter un gain de 42 millions d’euros pour les organismes de logement social concernés. Pour les autres organismes de logement social, la question est de savoir si les autres cotisations versées à la CGLLS n’augmenteront pas, par ailleurs, pour compenser le manque à gagner. La DHUP considère que ce ne sera pas le cas tandis que l’USH craint, à l’inverse, que le montant global versé par les organismes de logement social à la Caisse de garantie soit maintenu en raison des besoins de financement du Fonds national des aides à la pierre (FNAP).
L’article 2 de la proposition de loi prévoit une systématisation des échanges d’informations entre l’administration fiscale et le GIP SNE au moment du dépôt de la demande de logement social, mais également pour mieux contrôler la situation des locataires des organismes sociaux. Ces échanges seront rendus possibles par la transmission par le demandeur à l’organisme de logement social de son numéro d’identifiant fiscal.
La récupération des données fiscales, notamment le revenu fiscal de référence grâce à l’API SFIP mais aussi des données concernant les propriétés foncières (développement par la DGFiP d’une nouvelle API spécifique, dite « Baltic », et qui devrait fonctionner à partir de la fin de l’année 2026), permettra de mieux sécuriser les dossiers de demande de logement social et de gagner en fiabilité pour les organismes et les réservataires dans les propositions de logement qu’ils effectuent. Pour connecter ces deux API au système d’information du GIP, un délai d’attente est prévu au regard du plan de charge de la DGFiP. Des investissements seront également nécessaires du côté du GIP afin de récupérer les données et développer des interfaces qui permettront la transmission des données patrimoniales vers les bailleurs, dont l’article 2 de la proposition de loi prévoit expressément qu’elles pourront être reçues, traitées et conservées par le GIP SNE. L’API « Baltic » ne permettra pas de transmettre aux bailleurs sociaux les informations relatives aux propriétés foncières appartenant à des sociétés civiles immobilières (SCI).
Concernant le contrôle des conditions d’occupation, le GIP SNE devra développer une base de données des occupants, ce qui appelle une refonte du portail de cartographie de l’occupation du parc social, qui ne traite aujourd’hui que des données non nominatives et à des fins statistiques. Mais la systématisation des échanges sera très précieuse :
– l'automatisation des échanges de données fiscales permettra de réduire considérablement le temps et les ressources consacrés à la collecte manuelle d'informations auprès des locataires ;
– les informations provenant directement de la DGFiP seront plus fiables, réduisant les erreurs et les incohérences dans les dossiers des locataires ;
– une meilleure connaissance de la situation financière des locataires permettra une détection plus précoce des risques d'impayés et une intervention plus rapide.
Il convient cependant de préciser que la systématisation de ces échanges d’information ne permettra pas aux bailleurs de faire l’économie de l’enquête « physique » annuelle du SLS : les données fiscales transmises par l’administration fiscale ne permettent pas d’informer le bailleur de la composition du ménage – le SLS est déclenché au regard des ressources de l’ensemble des personnes vivant dans un logement, alors que les occupants de ce logement peuvent déclarer séparément leurs revenus – ni des changements récents de situation.
L’article 2 de la proposition de loi contient différentes dispositions pour faciliter l’accès aux données dont dispose le GIP-SNE.
Il prévoit notamment de faciliter l’accès aux données nominatives du SNE des acteurs publics chargés d’évaluer les politiques d’attribution de logements sociaux et d’analyser la situation des demandeurs, notamment prioritaires, et des personnels de l’Ancols chargés des contrôles. La DHUP a précisé recevoir des demandes d’accès aux données nominatives de divers services ou opérateurs :
– les services déconcentrés de l’État. Certains d’entre eux souhaiteraient accéder aux données nominatives du SNE pour d’autres finalités que celle de l’attribution d’un logement (prévention des expulsions, suivi Dalo) ;
– les services d’information et d’accueil du demandeur (Siad). Mentionnés à l’article R. 441-2-15 du code de la construction et de l’habitation, ils peuvent être portés par des communes non réservataires et ne constituant pas des « services enregistreurs » pour le compte d’un groupement de communes, d’associations ou de structures médico-sociales. Ils souhaitent accéder au SNE afin d’assurer aux demandeurs leur droit à l’information et pour les conseiller en fonction de leur situation ;
– certains services, réservataires mais non « enregistreurs », souhaitent avoir accès aux données du SNE, comme c'est le cas pour les communes réservataires et certains établissements publics de coopération intercommunale spécifiques ;
– certains services intégrés d’accueil et d’orientation (Siao), par délégation de l’État, interviennent pour labelliser des demandes de logement social au titre du contingent préfectoral et doivent, pour ce faire, être en mesure d’accéder à ces demandes et de les modifier ;
– les maîtres d’ouvrage d’insertion, qui possèdent un patrimoine social ;
– la direction interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal), qui demande un accès à l’Infocentre SNE pour le suivi du programme de l’État concernant le logement d’abord.
Pour les données non nominatives du SNE, le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 441-2-9 du code de la construction et de l’habitation pourra définir la liste des personnes morales qui pourront y accéder.
En outre, l’article 2 de la proposition de loi prévoit de faciliter l’accès de l’Ancols aux données collectées par les bailleurs sociaux au titre de l’enquête OPS. Il précise également que les données issues des enquêtes OPS peuvent être mises à disposition ou communiquées après conventionnement, à des fins de recherche scientifique ou historique.
Contre l’avis du rapporteur, la commission a supprimé l’article 2 de la présente proposition de loi après l’adoption des amendements CE26 de Mme Cyrielle Chatelain, CE34 de M. Thomas Portes, CE57 de M. Harold Huwart et CE1004 de M. Inaki Echaniz. Elle a par la suite rejeté l’ensemble de la proposition de loi.
*
* *
Article adopté par la commission (avant le rejet de la proposition de loi)
Cet article vise à gager la proposition de loi afin d’assurer sa recevabilité financière.
L’article 3 complète le texte de la proposition de loi par un gage visant à assurer la recevabilité financière de cette proposition de loi au regard de l’article 40 de la Constitution.
Cet article prévoit ainsi de majorer la dotation générale de fonctionnement des collectivités territoriales, et corrélativement pour l’État de créer une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La commission a adopté l’article 3 de la présente proposition de loi contre l’avis du rapporteur. Elle a par la suite rejeté l’ensemble de la proposition de loi.
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* *
Article créé par la commission (avant le rejet de la proposition de loi)
Cet article impose aux bailleurs de logements intermédiaires de mettre en place un dispositif de contrôle annuel des ressources des occupants de ces logements, sur le modèle de l’enquête annuelle réalisée par les bailleurs du parc social.
Les logements intermédiaires sont définis à l’article L. 302-16 du code de la construction et de l’habitation. Ces logements font l’objet d’aides directes ou indirectes de l’État : prêt locatif intermédiaire, taux de TVA réduit de 10 % (article 279-0 bis du code général des impôts), créance d’impôt sur les sociétés dans le cadre du dispositif de logements locatifs intermédiaires pour les investisseurs traditionnels, dit « LLI institutionnel », créé en 2014, etc.
Le logement intermédiaire est soumis à des plafonds de loyer inférieurs de 15 % environ aux prix de marché. Les demandeurs d’un logement intermédiaire doivent respecter des plafonds de ressources supérieurs d’environ 25 % à ceux en vigueur pour les logements sociaux financés par un PLS.
Les logements intermédiaires ne peuvent être situés que dans les communes se caractérisant par un déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements (zones A bis, A et B1). Près de 120 000 logements de cette nature ont été construits entre 2014 et 2023 par les investisseurs institutionnels bénéficiant du régime du LLI.
Aujourd’hui, il n’existe pas de dispositif de contrôle des ressources pour les locataires occupant un logement locatif intermédiaire, à l’instar de ce qui existe dans le logement locatif social avec l’enquête « SLS ».
Il pourrait être cohérent d’instaurer un tel contrôle, même si son absence se justifie aujourd’hui à plusieurs égards :
– les plafonds de ressources du LLI étant relativement élevés, il est difficile pour un ménage occupant un logement locatif intermédiaire de les dépasser ;
– il existe environ 150 000 logements intermédiaires contre plus de cinq millions de logements locatifs sociaux.
Il convient par ailleurs de noter que l’Ancols contrôle déjà les filiales d’Action Logement Immobilier et CDC Habitat, qui gèrent la majeure partie du parc de logements intermédiaires.
La commission a adopté, contre l’avis du rapporteur, l’amendement CE38 de Mme Cyrielle Chatelain qui prévoit d’instaurer un contrôle annuel des ressources des locataires de logements intermédiaires sur le modèle de l’enquête « SLS » réalisée chaque année par les bailleurs.
*
* *
La commission a adopté l’amendement CE51 de M. François Piquemal, contre l’avis du rapporteur. En conséquence, le titre de la proposition de loi a été modifié pour devenir « Proposition de loi visant à déstabiliser le logement social et à caricaturer ses locataires en assistés », avant toutefois le rejet de l’ensemble de la proposition de loi.
Au cours de sa réunion du mardi 25 mars 2025 à 18 heures 30, la commission des affaires économiques a examiné de la proposition de loi portant fin du maintien à vie dans le logement social (n° 905) (M. Stéphane Vojetta, rapporteur).
Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. La proposition de loi portant fin du maintien à vie dans le logement social figure en première position à l’ordre du jour de la séance publique du 31 mars. Il s’agit d’un sujet très sensible, puisque nos concitoyens éprouvent de plus en plus de difficultés pour se loger à un prix raisonnable. Notre pays compte près de 2,8 millions de ménages en attente d’un logement social, contre 1,9 million en 2015. La longue attente qui en résulte est souvent insupportable.
Quels moyens d’action engager pour remédier à cette situation ? Le texte vise à procéder à des modifications substantielles de l’état du droit, en créant notamment, dans son article 1er, un régime de sanctions pour les bailleurs sociaux qui ne respectent pas l’obligation de mettre fin au bail lorsque le locataire dispose de revenus trop importants. Il diminue également le seuil des ressources du locataire au-delà duquel le bailleur doit mettre fin au bail. L’article 2 baisse le plafond de ressources à partir duquel les ménages doivent payer un supplément de loyer de solidarité (SLS) et met un terme à l’exemption de SLS dont bénéficient actuellement les ménages résidant en zone de revitalisation rurale (ZRR) ou dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).
La commission est saisie de 104 amendements, 13 amendements ayant été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution et aucun au titre de son article 40.
M. Stéphane Vojetta, rapporteur. La proposition de loi répond à deux objectifs : assurer un usage efficient des ressources déployées à travers notre système de protection sociale ; promouvoir une certaine idée de la justice sociale. Reconnaissons-le : la France est un pays généreux en ce qui concerne la protection sociale. Je le mesure parfaitement en tant que Français de l’étranger, en la comparant avec celle offerte par nos voisins, mais aussi en tant qu’enfant ayant grandi au cœur d’un quartier HLM, désormais classé QPV : le quartier de la Croix-de-Metz à Toul. J’y suis retourné récemment avec mon collègue Dominique Potier. Je connais donc bien cet univers, même si je l’ai quitté il y a quelques années.
L’indéniable générosité du modèle social français s’incarne notamment dans notre parc HLM, le plus grand d’Europe, avec 5,4 millions de logements sociaux et 11 millions de résidents. Au regard des plafonds de revenus, près de 60 % des Français pourraient obtenir un logement financé par un prêt locatif à usage social (PLUS), 70 % grâce à un prêt locatif social (PLS). Ce texte n’est ni de gauche, ni de droite : il propose que la solidarité de la nation, incarnée dans le parc HLM, bénéficie à ceux qui en ont le plus besoin, à ceux à qui notre « coup de pouce » collectif donnera une impulsion décisive pour leur trajectoire professionnelle, résidentielle ou patrimoniale.
C’est pourquoi ce texte propose que ceux qui ont réussi – c'est-à-dire les locataires HLM qui, après quelques années ou décennies, ont des revenus qui les placent parmi les 25 %, voire les 20 %, des Français les mieux payés ou qui ont bâti un patrimoine immobilier suffisant (ou en ont hérité) – laissent leur place aux centaines de milliers de candidats en attente. En effet, ceux qui ont le plus besoin de la solidarité nationale ne sont-ils pas les 2,6 millions de demandeurs d’un logement social ? Leur temps d’attente s’établit en moyenne entre six et sept ans. On dénombre parmi eux 1,8 million de primo-demandeurs, majoritairement des personnes seules ou des familles monoparentales avec un enfant. Près des deux tiers d’entre eux sont des travailleurs modestes, la plupart ayant un revenu proche du Smic.
La question qui nous est posée est la suivante : souhaitons-nous inciter à une plus grande rotation au sein du parc HLM, afin de tendre la main à ceux – notamment les travailleurs modestes – qui ont besoin de la solidarité nationale pour maintenir la tête hors de l’eau et consolider leur parcours de vie ? Ou souhaitons-nous simplement défendre le droit à conserver leur logement HLM pour ceux qui font désormais partie des Français les mieux payés ou qui ont un patrimoine immobilier suffisant ? Oui, la question posée est celle de la justice sociale. Au-delà de nos couleurs politiques, j’espère que cet objectif rassemblera une majorité d’entre nous.
Ainsi, je souhaite que le débat soit apaisé – j’y prendrai ma part. J’assume aussi ma volonté de faire des pas dans votre direction. J’accepterai des amendements proposant des modifications substantielles, notamment ceux proposés par l’Union sociale pour l’habitat (USH), dont la présidente, madame Emmanuelle Cosse, avait présenté des dispositions similaires dans un projet de loi en 2016, alors qu’elle était ministre du logement. Je suis également favorable à une modification du titre de la proposition de loi, que je proposerai de rebaptiser « Proposition de loi visant à accélérer la rotation dans le parc HLM, pour plus de justice sociale ». Grâce à votre coopération, j’espère pouvoir faire de cette proposition de loi un texte transpartisan, que vous pourrez tous assumer, en faveur de la justice sociale.
J’en viens au détail du texte. L’article 1er contient deux mesures phares : l’abaissement du seuil de ressources au-delà duquel le locataire peut voir résilier son bail HLM ; la prise en compte du patrimoine immobilier du locataire dans l’analyse de son droit au maintien dans le logement social. Concernant le premier point, nous proposons de passer de 150 % à 120 % des plafonds de ressources en vigueur pour l’attribution d’un logement financé par un PLS. Prenons des exemples concrets : un salarié célibataire vivant à Saint-Denis devra quitter son logement social à partir d’un salaire net de 3 800 euros par mois. Un couple d’agents publics avec un enfant à charge, habitant à Cergy-Pontoise, devra quitter le logement social qu’il occupe si les deux salaires cumulés atteignent plus de 7 400 euros net par mois, soit plus de 3 700 euros par personne. Un couple de salariés avec deux enfants à charge, habitant à Limoges, devra laisser son logement social à quelqu’un qui en a plus besoin si leurs deux salaires cumulés atteignent plus de 6 400 euros net par mois.
Il ne s’agit donc plus de ménages modestes, mais de personnes qui ont réussi : grâce au soutien de la collectivité et à la période passée dans le logement social, elles ont obtenu une trajectoire salariale ascendante et peuvent désormais se loger par leurs propres moyens. Près de trente mille personnes sont susceptibles de libérer leur logement social dès la mise en application de cette mesure, sachant que les habitants des QPV, les personnes de plus de 65 ans ou en situation de handicap ne seraient pas concernées. Ainsi, trente mille familles modestes pourraient accéder au logement social et voir leur vie changer du jour au lendemain, habiter plus près de leur lieu de travail et avoir enfin un peu d’air pour respirer.
Concernant la prise en compte du patrimoine immobilier, nous considérons que devrait céder son logement social toute personne propriétaire d’un logement adapté à ses besoins ou capacités ou permettant de se procurer des revenus suffisants pour accéder à un logement dans le parc privé. Il s’agit d’une mesure de justice sociale, visant à enfin mettre en application l’un des critères d’attribution des logements sociaux.
Nous sommes nombreux à vouloir limiter les écueils rencontrés dans la mise en œuvre du dispositif : un logement indécent, trop éloigné du lieu de travail, en indivision ou dont le locataire ne posséderait que la nue-propriété ne saurait être considéré comme adapté aux besoins et aux capacités du locataire. Je proposerai donc qu’un décret en Conseil d’État borne le dispositif, pour éviter toute incertitude juridique et faciliter la tâche des bailleurs sociaux.
Par ailleurs, la charge de la preuve ne doit pas reposer sur les bailleurs sociaux. Il revient aux services fiscaux de transmettre toute l’information nécessaire aux organismes de logement social, et non à ces derniers de réaliser l’intégralité du travail d’enquête – il s’agit d’une demande légitime de leur part. Je proposerai enfin que la résiliation de bail ne soit pas automatique en QPV et dans les zones non tendues. En effet, à quoi bon sortir un locataire de son logement social si celui-ci reste inoccupé en l’absence de demande ?
L’article 1er comporte deux autres mesures, dont un dispositif de sanctions pour les bailleurs qui ne respectent pas les obligations d’examen triennal des conditions d’occupation et de résiliation du bail. Certains ici s’y opposent. L’Agence nationale du contrôle du logement social (Ancols) sanctionne pourtant très rarement les bailleurs. De plus, le produit de ces amendes est affecté à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), donc conservé et mutualisé par le secteur du logement social. Il s’agit donc d’inciter les bailleurs sociaux à s’emparer des outils de la loi, qui vise à renforcer la rotation au sein de ce parc. Je le répète, ce texte ne vise ni à punir, ni à stigmatiser, ni à culpabiliser quiconque. Peut-être conclurons-nous qu’il est préférable de supprimer ces sanctions, mais débattons-en au préalable. L’article 1er généralise également l’obligation d’examen triennal des conditions d’occupation aux zones non tendues. Là encore, il s’agit d’une question d’équité : discutons-en, avant de le supprimer.
J’en viens à l’article 2, qui vise à déclencher le SLS plus rapidement et à faciliter les échanges de données entre le groupement d’intérêt public (GIP) chargé du système national d’enregistrement (SNE) et les services de la direction générale des finances publiques (DGFiP). Concernant le premier point, le SLS sera dorénavant déclenché dès le premier euro de dépassement des plafonds de ressources. Ce surloyer, s’élevant à quelques dizaines d’euros dans la plupart des cas, concernera des personnes au-dessus des plafonds HLM, dont le niveau de revenu ne leur permettrait pas d’être éligibles à un logement HLM si elles en faisaient la demande aujourd’hui. Cela générera quelques dizaines de millions d’euros de recettes supplémentaires pour les bailleurs, tout en incitant à la mobilité les cent trente mille nouveaux ménages concernés par le dispositif.
Je ne souhaite pas, en revanche, revenir sur la pratique actuelle qui consiste à exempter de SLS les ménages en prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) lorsqu’ils dépassent les plafonds du PLAI. Je ne souhaite pas décourager la reprise d’un emploi ou l’augmentation du temps de travail des ménages et des travailleurs les plus précaires. Je donnerai donc un avis favorable aux amendements qui permettent de sécuriser ce point – selon une demande de l’USH – en soumettant les habitants des logements PLAI au plafond des logements PLS.
L’article 2 étend aussi le SLS aux habitants des QPV ou des ZRR : si nous supprimons les exemptions dont bénéficient les habitants de ces quartiers, les effets sur la mixité sociale seront très limités. L’article 2 permet également de faciliter l’échange d’informations entre les bailleurs et la DGFiP, en interconnectant le GIP SNE aux bases de données des déclarations d’impôt sur le revenu et des propriétés immobilières. Ainsi, les bailleurs disposeront d’informations plus fiables au moment de la demande de logement social, comme lors du contrôle annuel des ressources du locataire ; les démarches administratives seront facilitées pour toutes les parties concernées.
Par ailleurs, l’article 2 facilite l’accès aux données du SNE et de la base d’occupation du parc social (OPS) pour les acteurs en charge de l’accompagnement social des ménages ou pour les chercheurs et organes chargés d’évaluer les politiques publiques. Je défendrai les amendements visant à faciliter l’accès de l’Ancols aux données relatives aux demandeurs et aux locataires de logement social, notamment pour faciliter leurs études et leurs recherches.
Enfin, l’article 2 vise à baisser de 85 % à 50 % la part des surloyers perçus par les bailleurs qui doit être reversée à la CGLLS. Si les bailleurs qui collectent des surloyers sont logiquement favorables à cette mesure, ceux qui n’en bénéficient pas ne le sont pas. Cette disposition constitue en réalité un petit bonus pour inciter les bailleurs à appliquer les règles relatives aux surloyers et à l’obligation de résiliation du bail.
Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Frédéric Falcon (RN). Cette proposition de loi menace lourdement les classes moyennes et stigmatise les Français modestes. Sous couvert de fluidifier le logement social, elle s’attaque en réalité à la stabilité de millions de familles. Elle instaure des critères arbitraires pour expulser ceux qui ne seraient plus jugés légitimes à occuper un logement social. Des familles entières seront ainsi jetées dans l’incertitude, condamnées à errer entre des loyers exorbitants. Le SLS, que vous souhaitez étendre, deviendra une sanction supplémentaire pour ceux qui osent améliorer leur situation. Au lieu d’être encouragés à gagner plus, les Français seront matraqués dès qu’ils dépasseront d’un euro les seuils fixés. Est-ce ainsi que vous récompensez le travail et le mérite ?
La vraie question est ailleurs. Pourquoi la France ne construit-elle plus assez de logements abordables ? Ce gouvernement amplifie la pénurie qui sévit sur le marché locatif privé, en raison des normes excessives qu’il impose. Depuis l’entrée en vigueur de l’interdiction de louer des logements selon les notes de diagnostic de performance énergétique (DPE), l’offre de location a chuté de 75 % à Paris, en trois ans. Cela devrait vous interpeller ! Mais, comme dans tant d’autres domaines, vous vous contentez de gérer la pénurie.
Avant de chasser les locataires modestes qui dépassent à peine les seuils de revenus, vous feriez mieux d’expulser massivement du logement social les fauteurs de troubles, les délinquants, les trafiquants de drogue, qui pourrissent la vie des habitants de ces quartiers. Là encore, vous manquez de courage. En Macronie, on préfère expulser les gens qui travaillent et qui ont le tort de tenter d’améliorer leurs revenus, sans inquiéter la racaille. Celui qui vandalise, qui trafique, qui agresse ses voisins n’a rien à faire dans un logement financé par l’effort national. Combien de familles vivent dans la peur, parce que l’État refuse d’agir avec fermeté ? Nous proposons une règle simple : quiconque est condamné pour des faits de délinquance grave doit être exclu du parc social et du dispositif du droit au logement opposable (Dalo). La solidarité nationale ne peut pas être un permis de nuire. Ceux qui travaillent et respectent les règles doivent être prioritaires.
Enfin, nous devons remettre la priorité nationale au cœur de notre politique du logement. Cela signifie que les Français doivent passer en premier. Avant d’attribuer un logement social, nous devons regarder si la personne a la nationalité française, a travaillé et contribué à la nation : c’est une question de justice. Lorsque l’on arrive en France, on doit être solvable. Les flux migratoires records, caractérisés par une faible solvabilité des entrants, participent à engorger les listes d’attribution au détriment de nos compatriotes : cela n’est plus acceptable.
M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Peut-être avez-vous mal compris cette proposition de loi, dont le but n’est pas de tirer au sort quelqu’un dans le parc social en lui demandant de partir, mais d’identifier les personnes dont les revenus sont supérieurs de 20 % aux plafonds d’accès et de leur demander, dès lors que ces plafonds sont dépassés pendant deux années consécutives, de céder leur logement social à quelqu’un qui a réellement besoin de la solidarité de la nation.
Monsieur Falcon, vous êtes député de l’Aude : un couple qui y réside doit gagner plus de 4 400 euros net par mois, pendant deux ans, pour être sujet à la résiliation d’un contrat. Une telle somme est-elle insuffisante pour qu’un couple puisse se loger décemment, quand de nombreux travailleurs précaires touchent le Smic, sont en temps partiel ou au chômage, et demandent depuis des années l’accès au parc social ? Qui défendons-nous ?
Vous posez la question de la préférence nationale. Cette proposition de loi ne révise pas les conditions d’attribution d’un logement HLM, mais uniquement celles du maintien dans ce logement. La nationalité n’a jamais fait partie des critères et je doute que vous trouviez une majorité pour voter la préférence nationale.
M. Antoine Armand (EPR). Vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur, l’objectif de la proposition de loi est de permettre que le logement social soit occupé par les personnes qui en ont le plus besoin, dans le cadre de la crise du logement que nous connaissons. Vous avez évoqué un certain nombre de mesures visant à améliorer les dispositifs existants – notamment les sanctions vis-à-vis des bailleurs, sur lesquelles la discussion peut nous permettre d’évoluer. Ce texte vise à ce que des personnes propriétaires d’un logement habitable ne mobilisent pas un logement social. Le groupe Ensemble pour la République le soutiendra.
Je suis en revanche stupéfait par les amendements de suppression du Nouveau Front populaire (NFP), car cela signifie qu’il considère qu’il est juste que le plafond pour occuper un logement social corresponde à un revenu fiscal de référence de 4 700 euros par mois, pour une personne seule, à Paris. Un ancien président socialiste, notre collègue François Hollande, pensait, il y a quelques années, que l’on était « riche » à partir de quatre mille euros par mois. Peut-on être de gauche et considérer que les riches sont éligibles au logement social ?
Vous voulez également supprimer la possibilité pour les bailleurs de mettre fin au bail de quelqu’un qui possède un logement. Avez-vous conscience de ce que cette position implique ? Vous considérez qu’un propriétaire, dont les revenus familiaux sont supérieurs à 5 000 euros par mois, a le droit de rester dans un logement social. En outre, vous votez contre vous-même, puisqu’en 2017, la loi « égalité et citoyenneté » a revu les plafonds, les faisant passer de 200 % à 150 %. Nous ne sommes pas seulement guidés par l’esprit de justice et d’équité, nous nous inscrivons aussi dans la prolongation d’une loi, dont j’ai l’honnêteté de reconnaître qu’elle avait du bon sens et visait à permettre aux personnes les plus modestes, qui travaillent, d’occuper un logement social. Le Nouveau Front populaire est donc devenu le parti de l’anti-équité.
M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Merci d’avoir rappelé les chiffres : ils permettent de rendre concrètes des mesures qui peuvent paraître théoriques et être mal comprises. Je ne doute pas que la discussion permettra au NFP de comprendre que la proposition de loi ne vise pas à stigmatiser, punir ou rechercher la fraude, mais à promouvoir la justice sociale. Elle défend le public que la gauche a toujours soutenu : les travailleurs modestes, ceux qui ont besoin de la main tendue de la nation et de la solidarité nationale, plutôt que ceux qui ont réussi et ont les moyens d’affronter les duretés du parc privé. Un célibataire gagnant 3 800 euros par mois à Paris ou un couple gagnant 4 400 euros par mois en province peuvent se loger.
M. Thomas Portes (LFI-NFP). Je viens d’entendre un grand discours sur la prétendue équité. Dans la France d’Emmanuel Macron, elle se traduit par 735 personnes mortes dans la rue en 2024, quinze millions de personnes en situation de mal-logement, trois cent cinquante mille sans-abri, soit un doublement en dix ans, contrairement à son engagement pour que plus une seule personne ne soit à la rue. Depuis 2017, la construction de logements sociaux et la part de PIB consacrée au logement ont chuté de 30 %, tandis que les expulsions locatives avec le concours de la force publique ont bondi de plus de 49 %. Les inégalités explosent partout : les 10 % les plus modestes consacrent 42 % de leur revenu au logement, contre 10,8 % pour les plus aisés.
Alors que la crise du logement touche un Français sur six, les loyers augmentent sans discontinuer depuis quarante ans et 3,5 % des propriétaires détiennent aujourd’hui 50 % des logements en location. Si vous voulez permettre aux gens de se loger, construisez, faites appliquer la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains (SRU), relancez l’aide à la pierre et donnez les moyens de construire aux bailleurs publics. Au lieu de régler les problèmes structurels, vous choisissez de stigmatiser les locataires, en instaurant une suspicion de fraude et en les présentant comme des privilégiés. Ce texte repose sur un mensonge : le droit au logement social à vie n’existe pas. Notre droit prévoit déjà une enquête annuelle sur les revenus, avec un surloyer en cas de dépassement des plafonds et une obligation de quitter son logement si ce dépassement se prolonge. En 2021, seulement 3 % des locataires dépassaient les plafonds de plus de 20 %.
Cette proposition de loi ne correspond en rien à l’objectif affiché, qui est d’aider celles et ceux qui n’ont pas de logement. Vous voulez expulser une famille dès que ses revenus dépasseront 120 % des plafonds, contre 150 % aujourd’hui. Vous prétendez libérer des logements sociaux en excluant des ménages aux ressources acceptables, pour satisfaire les trois millions de demandes en attente. Or, selon la Fédération nationale des offices publics de l’habitat, environ quinze mille familles risqueront ainsi une éviction, ce qui est dérisoire face à l’ampleur de la demande. Votre texte fera surtout exploser le nombre de ménages assujettis au surloyer, qui passera de 80 000 à 225 000, soit une augmentation de 70 %. Par ailleurs, la proposition de loi contraindra de nombreux locataires à rejoindre le marché privé, où les loyers sont bien plus élevés, ce qui réduira encore leur pouvoir d’achat et les éloignera de leur lieu de travail.
Ce n’est pas en fragilisant les locataires du parc social que nous répondrons à l’urgence de la question du logement. Votre approche purement démagogique consiste à opposer les locataires de HLM aux demandeurs de logement, au lieu d’apporter de vraies solutions. Votre texte détourne l’attention des vraies causes de la crise du logement : la baisse des aides personnelles au logement (APL), la réduction des crédits au logement de 1,6 milliard d’euros, la raréfaction du parc locatif, la multiplication des locations Airbnb et la flambée du prix de l’immobilier. Les cinq principales associations de locataires sont opposées à ce texte. L’Union sociale pour l’habitat, dont vous avez parlé, a dit clairement dans un communiqué qu’elle ne voulait pas de cette proposition de loi.
Votre priorité devrait être d’assurer à toutes et tous un logement décent et abordable. De notre côté, nous défendons l’interdiction des expulsions sans solution de relogement, la construction massive de logements sociaux, y compris pour les étudiants, un prêt à taux zéro pour les bailleurs sociaux ou encore l’extension aux maires du pouvoir de réquisition des logements vacants. Face à votre politique d’exclusion, nous porterons toujours la voix de celles et ceux qui subissent la crise du logement, dont vous êtes responsables. Cessez de stigmatiser les habitants des logements sociaux et construisez plus de logements de ce type !
M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Vous avez parlé de beaucoup de choses, mais très peu du texte.
Vous avez notamment évoqué des fraudes. Or je vous défie de trouver ce mot ou un quelconque mécanisme d’identification de la fraude dans la proposition de loi.
Personne ne nie que la situation du logement et de la construction est difficile. Les taux d’intérêt sont ce qu’ils sont et la crise est là ; mais nous avons, avec cinq millions de logements, le plus large parc social d’Europe. Parfois, et c’est malheureux, ils ne vont pas aux personnes qui en ont le plus besoin.
Nous ne stigmatisons personne : nous disons « Bravo ! » à ceux qui ont réussi, qui se sont construit un parc immobilier. Vous détestez les multipropriétaires, mais vous voulez les protéger, en fin de compte, en leur permettant de continuer à résider dans des logements sociaux : un peu de cohérence, s’il vous plaît !
Vous dites à la fois que trente mille personnes représentent peu de monde et que quinze mille, c’est déjà beaucoup. Si nous ne changions la vie que de trente mille familles, ce serait déjà très bien. Comme nous pouvons le faire grâce à ce texte, je vous propose de l’étudier en faisant preuve d’ouverture d’esprit.
M. Inaki Echaniz (SOC). En faisant croire au mythe du logement social à vie, ce texte stigmatise le secteur du logement social et culpabilise ses occupants. Il s’inscrit dans la droite ligne de la politique de défiance envers les bailleurs sociaux qui est menée par le Gouvernement depuis 2017. Pour rappel, les organismes de logement social ont perdu plus de 14 milliards d’euros, ponctionnés par le Gouvernement, alors que la demande ne cesse de croître. Plus de 2,7 millions de ménages sont en attente d’un logement social.
Non seulement les deux articles de ce texte n’offrent aucune marge de progression pour améliorer l’accès au logement abordable au profit des 70 % de Français qui en ont besoin, mais il comporte aussi et surtout des dispositions inopérantes ou handicapantes.
L’article 1er tend à instaurer de nouvelles sanctions financières contre les organismes sociaux. Nous pensons que l’urgence n’est pas d’adopter des mesures hostiles aux bailleurs, mais d’apporter des réponses tangibles à la crise.
Le texte prévoit également la résiliation du bail d’un locataire s’il est propriétaire d’un bien immobilier. Cette mesure, mal encadrée, risque d’avoir des effets délétères pour des locataires de bonne foi. La proposition de loi ne prend pas en compte les caractéristiques du bien détenu, qui peut notamment être en indivision, invendable ou indécent. Vous avez tenté de répondre à cette question, mais quid des biens déjà loués ? Où ira le locataire, en particulier dans les zones tendues ? Il est légitime de se demander comment les bailleurs sociaux pourront contrôler la qualité des biens concernés, notamment eu égard à la faiblesse des informations fournies par l’administration fiscale. Les bailleurs n’ont pas pour mission d’évaluer le patrimoine de leurs locataires ni leur mode de vie. Par ailleurs, les revenus locatifs sont déjà pris en compte dans le calcul des ressources donnant droit au logement social. Faut-il rappeler que l’attribution d’un logement social et le maintien de son locataire sont soumis à des plafonds de revenu régulièrement réexaminés ? Je ne peux pas vous laisser dire qu’Emmanuelle Cosse a fait adopter, lorsqu’elle était ministre, un texte similaire : vous cherchez précisément à le modifier, alors qu’il est suffisant. Plusieurs situations peuvent conduire à la résiliation du bail, comme la sous-location, le dépassement du plafond de ressources, les impayés et les troubles de jouissance.
D’une manière tout aussi préoccupante, l’article 2 propose d’appliquer un supplément de loyer de solidarité dès le premier euro de dépassement du plafond et d’étendre ce dispositif aux zones qui en sont actuellement exemptées, c’est-à-dire les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les ZRR et certains quartiers définis au sein des programmes locaux de l’habitat (PLH). Outre qu’il serait complexe d’appliquer cette mesure, le déclenchement précoce du SLS représenterait un surcoût de loyer pour des ménages modestes. L’exemption de SLS dans certains quartiers encourage, par ailleurs, les ménages les plus aisés à y rester. La proposition de loi contreviendrait donc aux objectifs de mixité sociale défendus par l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne – une circulaire avait été prise dans ce sens le 18 décembre 2023. Surtout, les surloyers coûteraient plus cher aux bailleurs qu’ils ne leur rapporteraient, du fait du coût des différentes procédures.
Si on observe, ces dernières années, un ralentissement de la mobilité au sein du parc social, cela s’explique surtout par l’appauvrissement des ménages, le vieillissement de la population et les difficultés grandissantes d’accession à la propriété ou à un logement abordable dans le parc privé. Le taux d’effort pour se loger n’a jamais été aussi important : le logement, qui mobilise près de 40 % des revenus des plus pauvres, est le premier poste de dépenses des Français. Ce texte n’est que l’arbre qui cache la forêt : alors que du temps parlementaire pourrait être utilisé pour adopter des solutions précises et efficaces, nous débattons de la réattribution d’une dizaine de milliers de logements ; ce texte ne résoudra pas la pénurie et n’apportera pas de réponse au mal-logement. Nous remercions toutefois notre collègue Stéphane Vojetta pour sa recherche de voies de compromis et pour le dialogue transpartisan qu’il a engagé afin d’essayer d’atténuer cette si mauvaise copie.
M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Vous avez parlé de « logement social à vie ». Je ne m’approprie pas ces termes et je propose d’ailleurs de changer le titre de la proposition de loi. Si nous arrivons ensemble à la faire évoluer dans la direction que nous souhaitons tous, me semble-t-il, le titre actuel, qui n’avait déjà pas grand-chose à voir avec la réalité du texte, devrait être totalement dépassé.
Vous avez également parlé de « dispositions inopérantes ». Je suis prêt à une évolution pragmatique sur les points que vous avez évoqués, afin que nous puissions nous concentrer sur l’essentiel du texte – à savoir, des mesures opérationnelles qui ne mettront pas les bailleurs en difficulté mais feront l’objet d’une interaction simple avec les administrations. Vous verrez que ces dispositions, si nous avons le temps d’en débattre en regardant les chiffres et les situations objectivement (notamment, le taux d’effort des foyers concernés), correspondent à ce qu’on appelle la justice sociale.
M. Thibault Bazin (DR). Nous souhaitons, au groupe Droite républicaine, lutter contre des situations abusives qui scandalisent nos concitoyens. Le bénéfice d’un logement social, quand il n’est plus justifié, en fait partie. Des exemples qui ont concerné des personnalités bien connues ici ont légitimement choqué. Notre groupe soutiendra cette proposition de loi en espérant quelques ajustements, que vous avez d’ailleurs esquissés, monsieur le rapporteur.
Le logement social est essentiel pour la France. Sa fonction première est de loger des personnes ayant des revenus modestes qui ne pourraient pas obtenir un logement digne dans le parc privé. Or tant de nos concitoyens qui en auraient besoin, dans nos territoires, n’y ont pas accès ! Nous voulions même, lors de notre niche parlementaire, faire en sorte que les travailleurs aux revenus modestes, qui respectent les plafonds de ressources, deviennent un public prioritaire, mais ce fut en vain, malheureusement.
Le présent texte prévoit des ajustements pour lutter contre des situations abusives et garantir que le parc social profite bel et bien à ceux qui en ont besoin. C’est une question de justice sociale et je salue les modifications, guidées par le pragmatisme, que vous envisagez, notamment en ce qui concerne le titre.
Il faudrait évoquer la traduction concrète des mesures que vous proposez. Prenons quelques exemples pour illustrer l’impact du changement du taux retenu – qui passerait de 150 % à 120 % des plafonds de ressources – en ce qui concerne la résiliation du bail en cas de dépassement deux années consécutives. À Paris et en première couronne, une personne seule ayant un revenu fiscal de référence supérieur à 41 631 euros serait désormais tenue de quitter un logement social. Est-ce exagéré ? Je ne le crois pas. Un couple de salariés ayant deux enfants à charge et qui habiterait Limoges devrait aussi quitter son logement social si les deux salaires nets cumulés dépassent 6 400 euros. Est-ce excessif ? Je ne le pense pas. Ces ajustements visent à mettre fin à des situations inéquitables.
Nous défendrons par ailleurs des amendements portant sur d’autres sujets, qui ne sont pas liés à la question du revenu mais à celle du respect des règles en matière d’accès au logement social. Nous demandons ainsi qu’un locataire de nationalité étrangère ne bénéficie pas du droit au maintien dans les lieux lorsqu’il ne dispose plus d’un titre de séjour et que le bailleur précise à la commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements (Caleol), à l’occasion des vérifications réalisées dans le cadre du réexamen des conditions d’occupation triennal, si le locataire de nationalité étrangère est toujours en situation régulière. Monsieur le rapporteur, j’aimerais avoir votre avis sur ce sujet.
Enfin, nous devons rester vigilants à l’égard des situations particulières. La loi prévoit déjà des exceptions pour les personnes âgées de plus de 65 ans, seuil sur lequel on peut d’ailleurs s’interroger, pour les personnes vivant dans les QPV ou encore pour les personnes handicapées ; mais qu’en sera-t-il, par exemple, des veuves ou veufs qui n’auraient pas encore atteint l’âge de 65 ans ?
M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Les situations abusives qui seront corrigées sont actuellement légales. Un célibataire peut habiter dans un logement social à Paris s’il gagne 4 600 euros net par mois. C’est tout à fait légal. Est-ce abusif parce qu’une telle personne fait partie des 20 % des Français les plus riches ou des 20 % des Parisiens les mieux payés ? C’est à nous de décider s’il serait plus juste que cette personne cède son logement social à une autre qui aurait davantage besoin de la solidarité nationale.
Vous avez évoqué le texte déposé par votre groupe pour modifier les conditions d’attribution des logements sociaux, notamment en faveur des travailleurs. Vous avez raison, la première injustice sociale dans notre pays, c’est d’être à la fois un travailleur et une personne en situation précaire. C’est à ces populations que nous pensons, plutôt qu’aux gens qui gagnent 4 000 ou 4 500 euros par mois et qui peuvent essayer de trouver des solutions dans le parc privé. Les travailleurs précaires constituent 65 % de ceux qui attendent un logement HLM.
Nous aurons, je l’espère, l’occasion d’aborder vos amendements en détail : ils sont intéressants et valent la peine d’être étudiés.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Monsieur le rapporteur, nous avons vraiment du respect pour le dévouement dont vous faites preuve. Vous essayez d’améliorer, sérieusement, un texte intégralement mauvais, jusqu’à son titre – c’est une caricature qui permettrait de valider tout ce qu’on entend par ailleurs.
Revenons sur la question des plafonds. S’agissant du logement très social, pour une personne seule habitant en dehors de Paris, ce qui représente quand même la majorité du territoire français, le plafond est de 1 000 euros. En ce qui concerne le logement intermédiaire, le plafond est d’un peu plus de 12 000 euros de revenu par an, soit 1 063 euros par mois. Quant au logement de type PLUS, le plafond est de 2 500 euros par mois pour une personne seule. Pour une famille de quatre personnes, le montant est de 3 748 euros mensuels, soit environ 44 000 euros par an. Bien des familles ont beaucoup de mal à boucler leur budget, alors qu’elles ont un loyer modéré grâce au logement social.
Plus de la moitié des locataires du parc HLM ont un niveau de revenu inférieur de 60 % aux plafonds. Ces derniers servent à fixer un maximum : ils ne disent pas ce que gagnent les personnes. Une famille peut ainsi ne pas gagner 3 700 euros, mais 2 000, 2 500 ou 2 600 euros, pour quatre personnes. Un tiers des habitants des logements sociaux vivent sous le seuil de pauvreté. C’est à eux que vous vous attaquez, non par ce texte mais par les propos d’autres collègues qui disent avoir l’impression que les locataires du logement social sont des profiteurs.
La réalité est que nous sommes confrontés à une chute historique de la construction, que le financement du logement social est à son plus bas niveau depuis vingt ans et que la rotation dans le parc social, comme dans le parc privé, est en baisse – pour une raison assez simple, qui est que les loyers sont devenus complètement dingues. Les niveaux de loyers sont fous et, depuis deux ans, le nombre de logements mis en location baisse drastiquement, car toute la chaîne du logement est enrayée. Les gens n’arrivent pas à acheter, ils ne quittent donc pas leur logement actuel et d’autres n’arrivent pas à entrer sur le marché. Quand des logements se libèrent, les prix s’emballent, notamment pour des raisons spéculatives. Tout cela ne fonctionne pas : nous avons besoin de rétablir une politique du logement qui passe par le contrôle des loyers et par la construction de logements, y compris sociaux.
Ce texte revient, par ailleurs, sur un des fondamentaux du modèle du logement social en France, qui est non pas universaliste mais généraliste. Le choix qui a été fait, historiquement, est de ne pas cibler le logement social sur les plus pauvres, mais de loger les salariés et les ouvriers. C’est ce modèle généraliste qui a permis à un très grand nombre de Français, comme vous, de vivre leur enfance dans le parc du logement social, avant de continuer leur vie. Ce sont ces personnes que vous voulez priver d’un accès au logement social
M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Merci pour votre hommage à ma tentative d’améliorer cette proposition de loi – je pense, en effet, que nous sommes tous là pour essayer d’améliorer les textes qui nous sont soumis. J’essaie de faire preuve d’une certaine ouverture d’esprit, de la même façon que j’ai travaillé dans le passé sur des textes transpartisans. Nous ne pouvons pas être d’accord sur tout, mais je crois que nous pouvons nous retrouver autour de certains principes, comme la justice sociale. Elle compte peut-être davantage pour vous – c’est du moins ce que vous pensez – mais elle nous tient également à cœur.
S’agissant des plafonds, vous avez raison. Vous avez déposé des amendements visant à lever une ambiguïté en la matière et je suis tout à fait d’accord pour aller dans ce sens. Quand on vit dans un logement de type PLAI, les plafonds qui doivent s’appliquer en matière de surloyer ne sont pas ceux du PLAI, mais du PLUS ; pour la résiliation éventuelle, il faut retenir les plafonds du PLS, qui sont trois fois supérieurs à ceux du PLAI. On évitera ainsi de désinciter à la reprise d’activité ou à la sortie du temps partiel.
Ne mettez pas à mon débit des propos de collègues que je ne contrôle pas. Il n’est pas question de fraude, ni de stigmatiser qui que ce soit, c’était un contresens.
M. Mickaël Cosson (Dem). Le logement social répond à une exigence fondamentale, qui est de garantir à chacun un toit répondant à ses besoins. Dans un contexte marqué par des tensions sur le marché immobilier et des inégalités territoriales persistantes, voire renforcées, le logement social doit aller à ceux qui en ont le plus besoin, dans le cadre d’une gestion rigoureuse et responsable, tout en contribuant à la mixité sociale. C’est dans cet état d’esprit que nous abordons l’examen de cette proposition de loi.
Nous avons toujours défendu l’idée que le logement social devait constituer un levier d’insertion et de transition au sein d’un véritable parcours locatif. Cet objectif ne peut être atteint que s’il existe des modalités de mise en œuvre claires, équilibrées et protectrices pour les ménages. Si nous notons avec intérêt que vous voulez renforcer la mobilité dans le parc social, le fluidifier et améliorer le suivi de la situation des locataires sociaux, plusieurs mesures figurant dans le texte suscitent des interrogations de notre part.
Tout d’abord, des dispositifs de surloyer et de résiliation du bail existent déjà. On peut s’interroger sur leurs modalités, mais nous tenons à rappeler la nécessité d’un accompagnement des ménages pour éviter des décisions brutales, qui pourraient être liées à des effets de seuil dommageables. Le versement de primes ou le départ d’un enfant peuvent, par exemple, conduire à dépasser des seuils sans que les revenus augmentent.
Nous nous interrogeons par ailleurs sur la possibilité d’atteindre, dans ces conditions, l’objectif de mixité sociale et de proposer des solutions effectives en cas de résiliation du bail, l’offre de logements intermédiaires étant insuffisante.
Par ailleurs, nous nous posons des questions sur la prise en compte des spécificités des territoires, ruraux ou relevant de la politique de la ville, sur le rôle des bailleurs sociaux et sur les sanctions proposées.
Le groupe Les Démocrates s’interroge, vous l’aurez compris, sur certains points. Nous sommes attentifs à la diversité des parcours des personnes bénéficiant d’un logement social et nous le serons également à la manière dont les travaux parlementaires permettront de faire évoluer ce texte.
La question de la mixité des quartiers doit aussi être traitée. Il faut regarder ce qui se passe dans les bassins de vie. La loi SRU ne concerne que 3 500 communes sur trente-six mille : seules celles de plus de 3 500 habitants peuvent prétendre à faire des logements sociaux. C’est un sujet sur lequel nous devons travailler pour faire en sorte d’élaborer de la mixité dans l’ensemble du territoire français. Il faut également regarder le rôle social qu’une personne peut jouer au sein d’un quartier, au-delà de la question de son revenu. Il est donc essentiel de laisser la main aux bailleurs pour l’application de certaines mesures. La mixité coûte énormément lorsqu’il s’agit de faire 20 % de logements sociaux ; évitons de nous retrouver avec des quartiers sans mixité interne.
M. Stéphane Vojetta, rapporteur. La mixité sociale nous tient effectivement à cœur. Quand le logement social peut embarquer jusqu’à 60 % des Français, selon les plafonds de revenus qui s’appliquent, cette mixité est intrinsèquement garantie. Quand on descend au niveau de chaque quartier ou de chaque bâtiment, en revanche, la mixité sociale a tendance à disparaître. Et lorsqu’un locataire d’un logement PLAI a les moyens de quitter ces quartiers, il le fait – j’ai personnellement vécu cette situation.
Il faut être attentif aux effets de seuil, mais aussi à la sous-occupation. Il faudra donc parler sérieusement des études triennales. Mieux accompagner les personnes qui se retrouvent finalement moins nombreuses dans des logements de type T4 ou T5 une fois que les enfants sont partis fait partie de la mission des organismes de logement social et de notre mission en tant que législateurs.
Vous avez dit que vous seriez attentif à l’évolution du texte, mais vous avez entendu ce que j’ai dit : je suis ouvert, nous pourrons évoluer ensemble dans une direction qui, je l’espère, permettra de répondre à toutes vos interrogations.
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR). Nous partageons tous le même constat : la crise du logement s’intensifie, ce qui impose de mieux mobiliser le parc social. La question de sa fluidité devient cruciale quand 1,8 million de ménages attendent un premier logement et huit cent mille autres une mobilité interne. Nous le voyons régulièrement lorsque des concitoyens viennent nous demander des logements.
La fluidité du parc social est actuellement entravée. En 2022, seuls 8,7 % des logements sociaux ont changé de locataires, contre plus de 10 % en 2015. Dans les zones très tendues, le taux de rotation n’était que de 4,5 % en 2023. Ce recul de la mobilité, directement lié à la tension sur le marché immobilier, bloque l’accès au logement social pour de nombreux ménages et cette situation se traduit directement par une baisse significative des attributions de logement social et une inadéquation croissante entre les besoins des locataires et leur logement.
La proposition de loi tend à traiter ces questions en favorisant la mobilité dans le parc. Certaines dispositions vont dans le bon sens, à commencer par la prise en compte du patrimoine immobilier du locataire dans le cadre de l’examen triennal des conditions d’occupation du logement. Cette mesure contribuera à renforcer l’équité dans l’accès au logement en permettant de s’assurer que les logements sont attribués à ceux qui en ont le plus besoin. La transmission automatique aux bailleurs sociaux, par l’administration fiscale, des données relatives aux revenus et au patrimoine contribuera à fiabiliser les « enquêtes ressources », tout en simplifiant les démarches des locataires. Toutefois, pour être pleinement efficace, la transmission des données devra s’accompagner d’une évaluation claire et sécurisée des revenus patrimoniaux par l’administration.
La nouvelle répartition du surloyer entre les bailleurs et la Caisse de garantie du logement locatif social, conjuguée à l’abaissement du seuil de déclenchement du paiement du surloyer, conduirait, selon nos estimations, à un supplément de recettes de plus de cinquante millions d’euros par an pour les bailleurs sociaux. Cette somme permettra, nous l’espérons, de soutenir l’investissement des bailleurs dans la construction de nouveaux logements.
Néanmoins, le groupe Horizons et Indépendants exprime certaines réserves. L’instauration de sanctions contre les bailleurs ne ferait, notamment, qu’alourdir la charge des organismes, sans gain concret pour les ménages.
Nous verrons comment le texte évolue, mais notre groupe devrait voter en sa faveur. Bien que perfectibles, les dispositions qui nous sont présentées permettront d’accélérer la rotation au sein du parc social et ainsi de libérer chaque année plusieurs milliers de logements, ce qui signifiera un accès plus rapide à un habitat digne, adapté et abordable pour des milliers de concitoyens. Monsieur le rapporteur, nous sommes pleinement engagés avec vous pour y travailler.
M. Stéphane Vojetta, rapporteur. S’agissant de la prise en compte du patrimoine, la proposition de loi vise à corriger une absurdité. Le patrimoine fait légalement partie des critères d’attribution du logement social comme il fait partie des critères d’attribution pour de nombreuses aides sociales, comme les APL, l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) et les bourses scolaires, notamment dans les lycées français de l’étranger – j’en sais quelque chose, puisque je siège dans les comités d’attribution des bourses ; mais dans les faits, on ne demande à aucun moment au demandeur ou au locataire de produire un état de sa situation patrimoniale. En y remédiant, nous pourrons tâcher de résoudre, d’une part, le problème que poserait éventuellement une personne qui aurait vocation à aller vivre ailleurs mais qui continuerait à occuper un logement social alors qu’elle a les moyens de faire autrement et, d’autre part, la question des logements vides. Il arrive en effet que des résidences secondaires restent inoccupées par des personnes qui ont un logement social et peuvent s’y maintenir en l’absence de vérification, et cette situation contribue à accroître la tension sur le marché du logement, en particulier dans les zones tendues.
M. Harold Huwart (LIOT). Je suis député depuis six mois ; j’étais auparavant élu local et les questions du logement social m’intéressent. J’ai notamment présidé un bailleur social, comptant vingt mille logements, et je pense aux centaines de personnes qui ont défilé dans mon bureau pour me demander de les aider soit parce qu’elles n’avaient pas les moyens de payer leur loyer, soit parce qu’elles n’avaient pas accès à un logement, soit parce que les circonstances de la vie faisaient qu’elles avaient besoin de rester dans un logement social, d’y accéder ou d’en changer à l’intérieur du même parc. L’idée ne me serait jamais venue, en imaginant les différentes possibilités de les aider, de commencer par ce que contient cette proposition de loi.
Même si ce n’est qu’un préalable au débat que nous aurons sur les dispositions concrètes du texte, je dois dire que ma réaction est allée au-delà de l’incompréhension ; c’était plutôt une forme de colère. Faire croire à 2,8 millions de Français qui attendent un logement social que leur situation est de la responsabilité de ceux qui en ont déjà un, alors que la proposition de loi, même si ses critères étaient appliqués partout, ne pourrait avoir un impact que pour dix mille à trente mille personnes au maximum, a quelque chose de profondément déstabilisant pour nos quartiers.
Dans tous ceux que je connais, un problème majeur de mixité sociale, de lien social et d’acceptation de l’autre se pose. Les cas visés par le texte ne sont pas légion, mais certaines personnes sont indispensables pour la vie, l’équilibre et l’animation des quartiers. Le logement social n’a pas été réservé aux personnes en détresse en France : il avait vocation, au début, à accueillir des classes moyennes, qui y sont d’ailleurs venues massivement. Ce n’est qu’en raison de la perversion et de la sclérose du système que les quartiers HLM sont devenus des gares de triage social, où ne restent finalement que les gens qui n’ont pas pu en partir. Si l’on regarde attentivement les comportements, notamment les problèmes d’incivilité et d’insécurité, on voit que la mixité sociale est une question fondamentale. Tout ce qui contribue à remettre en cause le maintien de personnes relevant des classes moyennes, y compris des gens qui ont réussi et sont attachés à ces quartiers, me paraît extrêmement négatif.
Nous pouvons discuter de certains sujets, comme le fait pour un locataire d’être propriétaire par ailleurs, à l’extérieur du parc, mais certains points ne sont pas négociables, à mon avis, pour les praticiens, les élus locaux et les citoyens. L’inclusion des zones rurales et des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans ces mesures en réalité assez impraticables, pour un certain nombre d’entre elles, me paraît notamment très toxique.
M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Je comprends, dans une certaine mesure, votre réaction. J’ai déjà indiqué que j’étais ouvert à certains aménagements du texte – y compris s’agissant des zones non tendues, dans lesquelles on doit laisser aux bailleurs sociaux la capacité de faire des choix, notamment en matière de résiliation de bail.
Ce texte aura surtout un impact dans les zones tendues, autour des grandes métropoles et pour des catégories de logements de type PLS plutôt que PLAI. La question qui se pose est de savoir si nous voulons faire un peu de place à Paris, en région parisienne et autour des grandes métropoles, plutôt dans de beaux quartiers HLM ou dans de beaux logements HLM, à des gens qui mériteraient de pouvoir vivre, eux aussi, dans un tel environnement. Dès lors, il ne s’agit pas de remettre en cause la mixité sociale ou d’agresser certaines personnes par rapport à d’autres, qui seraient de classe moyenne inférieure ou des travailleurs précaires. Au contraire, tout est fait pour éviter la stigmatisation et la culpabilisation. J’espère que vous pourrez mieux comprendre nos intentions au fil du débat.
M. Stéphane Peu (GDR). Même si j’ai horreur de psychologiser les débats, je regrette l’absence de notre collègue Guillaume Kasbarian, car j’aurais aimé savoir ce qui s’est passé dans sa vie, s’il n’a pas eu un problème dans la cour de son école, pour s’acharner ainsi contre les locataires en général et ceux des HLM en particulier. (Sourires.) Heureusement, le rapporteur semble dans de meilleures dispositions que lui…
Essayer de s’attaquer à la mobilité dans le parc HLM est une bonne idée. J’ai présidé pendant longtemps un organisme HLM de vingt mille logements. On est passé de 10 % à 4 % de rotation. Ce n’est pas parce que les locataires sont de mauvaise foi ou qu’ils se complaisent dans leur logement, mais parce que le pouvoir d’achat a baissé et que les loyers et le prix de l’immobilier ont augmenté dans des proportions incroyables. Ce qui était auparavant une marche dans le parcours résidentiel est devenu un mur infranchissable pour la plupart des locataires HLM. Par ailleurs, depuis qu’Emmanuel Macron est au pouvoir, jamais on n’a aussi peu construit de logements. Nous avons atteint le niveau de 1991, l’année de notre plus grande crise immobilière. La question du logement est traitée par-dessus la jambe !
Pour accroître la mobilité dans le parc HLM, il ne faut pas opposer ceux qui ont un logement à ceux qui n’en ont pas, comme vous avez opposé ceux qui ont un emploi à ceux qui n’en ont pas. Cessez d’opposer les gens modestes aux gens un peu plus pauvres et attaquez-vous plutôt à la richesse de notre pays et à ses inégalités ! En plein paradoxe, vous étiez prêts à dépenser des milliards d’euros dans des systèmes de défiscalisation pour que les multipropriétaires soient encore plus propriétaires et vous supprimez les moyens pour produire du logement HLM.
Votre proposition de loi n’a ni queue ni tête. Elle va opposer tout le monde pour des résultats médiocres, parce que, parmi ces trente mille personnes, vous ne comptez pas les gens de plus de 65 ans, qui ne sont pas éligibles. Pour ceux qui vivent dans une extrême précarité du fait de leurs revenus, de leur emploi ou de leur moindre accès aux services publics, le logement social est un bail qui équivaut à un CDI ; vous allez en faire un CDD. Vous allez accroître la précarité et, « cerise sur le ghetto », la ghettoïsation des quartiers dans les zones urbaines sensibles.
Nous nous opposons farouchement à ce texte, de sa première à sa dernière ligne.
M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Je suis rapporteur du texte et souverain dans la conduite d’une conversation que j’espère ouverte de part et d’autre. Évidemment, la proposition de loi ne va pas résoudre tous les problèmes d’une crise du logement et du bâtiment que partagent beaucoup de pays d’Europe, pour des raisons économiques et démographiques.
Si les articles ne sont pas supprimés avant même de débattre, vous saurez que nous avons décompté des trente mille personnes qui pourraient libérer leur logement les personnes de plus de 65 ans et les exceptions au titre du handicap.
Article 1er (articles L. 342-14, L. 442-3-3, L. 442-5-2, L. 442-3-6 [nouveau], L. 481-2 et L. 482-3 du code de la construction et de l’habitation) : Durcissement des conditions de maintien dans le logement social pour les ménages les moins défavorisés
Amendements de suppression CE14 de Mme Cyrielle Chatelain, CE33 de M. François Piquemal, CE53 de M. Harold Huwart et CE95 de M. Inaki Echaniz
M. François Ruffin (EcoS). En effet, monsieur le rapporteur, vous n’êtes pas monsieur Kasbarian et vous n’avez à assumer ni ses textes, ni ses tares. Je vous conseillerais d’emblée de retirer cette proposition de loi face à l’hostilité qu’elle suscite. Elle traite pourtant d’un sujet essentiel. Le gros souci dans le pouvoir d’achat des Français, ce sont les revenus du travail et le coût du logement. Les jeunes couples renoncent même souvent à avoir des enfants, parce qu’ils n’ont pas le bon logement. La crise actuelle est aussi un effet de la politique d’Emmanuel Macron, qui a réduit de 50 % en huit ans la production de logements sociaux. C’est dans ce domaine que les budgets ont été le plus rabotés par les gouvernements successifs, qui sont allés jusqu’à réduire de 5 euros l’APL. Un texte qui concernera au mieux trente mille personnes, quand on a trois millions de demandeurs de logements sociaux, ce ne peut être qu’un cache-misère pour masquer l’absence de politique du logement et du logement social.
M. François Piquemal (LFI-NFP). La raison et la mesure voudraient que cette proposition de loi soit retirée. Elle ne sert en réalité qu’à une chose : permettre à monsieur Kasbarian de faire un petit tour des médias pour expliquer à quel point certains locataires HLM seraient des privilégiés. En 2016, on a construit 124 000 logements sociaux, ce qui n’était déjà pas à la hauteur des demandes des associations ; en 2023, c’était 82 000. Le problème est là. Nous pourrions étendre la loi SRU pour que toutes les communes prennent leur part et qu’il y ait davantage de mixité intercommunale. Nous pourrions aussi mieux faire respecter le droit au logement opposable, alors que cent mille personnes prioritaires ne sont toujours pas relogées.
M. Inaki Echaniz (SOC). Les propriétaires ont bien souvent un locataire – le revenu de leur location est d’ailleurs pris en compte dans le calcul de leur impôt sur le revenu. Que va-t-il advenir de lui ? Si l’on met dehors le locataire du HLM pour qu’il regagne le logement dont il est propriétaire, il donnera congé pour reprise à son propre locataire – selon un usage répandu dans les zones tendues –, lequel ne pourra pas retrouver de logement. Cette mesure revient donc à transférer le problème au parc privé. En plus d’être dénuée de sens, elle s’attaque aux « premiers de cordée », à l’infirmière et au pompier qui touchent la prime Ségur et qui, de ce fait, dépasseront le plafond.
M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Vous avez compris que j’étais ouvert et à l’écoute : ce texte est un point de départ. Au cœur d’une crise du logement, du bâtiment et du budget, qui nous empêche de faire grandir un parc social qui est déjà le plus grand d’Europe, il est légitime de se demander comment améliorer le sort de personnes qui attendent depuis plusieurs années un logement social et qui le méritent – ne seraient-elles que quelques dizaines de milliers chaque année. En supprimant l’article, souhaitez-vous réellement protéger des personnes qui possèdent un patrimoine immobilier conséquent ? Même si elles restent des exceptions, cela permettrait de libérer chaque année des dizaines de milliers de logements.
J’ai lu avec intérêt ce qu’a écrit Thomas Piketty dans son Capital au XXIe siècle sur la concentration du capital et du patrimoine immobilier. Les baby-boomers nés en 1945 ont quatre-vingt ans cette année. La vie étant ce qu’elle est, entre 3,5 et 4,5 millions de propriétaires de leur résidence principale vont décéder dans les prochaines années. Or entre quatre cent mille et six cent mille de leurs descendants vivent dans le parc HLM. Cela signifie que, en moyenne, pendant les dix prochaines années, entre quarante mille et soixante mille locataires du parc HLM hériteront chaque année de la résidence principale de leurs parents – sans doute modeste, peut-être à l’autre bout de la France. Cela ne justifie-t-il pas d’examiner la situation selon une perspective dynamique ? Chers collègues qui luttez contre la concentration du patrimoine, nous avons l’occasion de la corriger et de faire appliquer correctement l’un des critères d’attribution d’un logement HLM : débattons-en ! Comment peut-on être de gauche et rejeter une telle mesure ?
Monsieur Echaniz, je vous admire depuis que je vous ai découvert, le jour où vous avez repris dans l’hémicycle les mots d’Olivier Dussopt pour le mettre face à ses contradictions. De la même façon, je vais citer l’ancienne ministre Emmanuelle Cosse, qui, en juin 2016, était venue défendre dans l’hémicycle la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté en tant que ministre du logement : « Nous avons abaissé le seuil de dépassement des plafonds de ressources et réduit le délai pour quitter un logement à dix-huit mois contre trois ans. Cela ne vise pas à punir mais à libérer des logements pour ceux qui en ont le plus besoin, tout en préservant la diversité dans nos immeubles. Le supplément de loyer de solidarité déjà existant sera maintenu pour inciter ceux dont les revenus ont fortement augmenté à rejoindre le parc privé. Une personne seule qui gagne 3 300 euros en région ou 3 800 euros en région parisienne est-elle une personne modeste qui doit à tout prix rester dans son logement social ? » Madame Cosse, que nous avons entendue en audition, ne défend plus la même position aujourd’hui. Donnez-nous la chance de débattre ! Avis défavorable.
M. Frédéric Falcon (RN). Monsieur le rapporteur, avec tout le respect que je vous dois, cette proposition de loi est une imposture. Le bilan gouvernemental est catastrophique en matière de logement et vous essayez de nous faire croire que vous allez réussir à gérer la pénurie en libérant quelques dizaines de milliers de logements, alors que dix millions de Français vivent dans le parc social. C’est dérisoire. Nous aurions préféré que ce temps parlementaire soit pris pour débattre d’une grande loi de relance du logement. Dans le meilleur des mondes, votre proposition de loi aurait été acceptable mais, étant donné la pénurie de logements, vous aurez beau imposer tout un tas de contraintes aux locataires du parc social, ils ne le quitteront pas pour autant. Néanmoins, nous voulons débattre et voterons donc contre les amendements de suppression.
M. François Ruffin (EcoS). Monsieur le rapporteur, tout ce que vous dites pourrait être audible si, pendant huit ans, les gouvernements et le Président de la République avaient tout fait pour construire des logements sociaux et non pas pour mettre des bâtons dans les roues de leurs organismes.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 1er est supprimé et les autres amendements tombent.
Après l’article 1er
Amendement CE71 de M. Frédéric Weber
M. Patrice Martin (RN). La pression sur le logement social est une réalité nationale. Dans beaucoup de communes, les demandes explosent, les délais s’allongent et ce sont toujours les plus modestes qui en paient le prix. Dans ce contexte, il est de notre responsabilité de faire en sorte que les logements sociaux soient occupés par ceux qui y ont droit. Il ne s’agit pas d’imposer une nouvelle obligation aux collectivités mais de leur donner la possibilité, si elles le souhaitent, de renforcer les contrôles, notamment pour lutter contre les pratiques de sous-location illégale, d’inoccupation prolongée ou encore de revoir le maintien dans le parc des ménages qui ne remplissent plus les critères d’éligibilité. Les données de l’Agence nationale du contrôle du logement social confirment cette tendance inquiétante : la rotation dans le parc social ralentit d’année en année. Nous devons lutter contre les pratiques frauduleuses qui sapent la confiance des Français dans la politique du logement social.
M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Sur la forme, l’amendement ne précise pas le type de contrôle que vous envisagez : s’agit-il d’un contrôle sur pièces ou sur place ? Quand pourrait-il être réalisé ? Par qui ? Il faudrait également prévoir une procédure d’assermentation. Le respect du domicile, au titre du droit à la propriété privée, constitue un principe fondamental de notre droit qui ne peut être remis en cause que dans un cadre juridique très précis.
Sur le fond, les collectivités échangent déjà régulièrement avec les bailleurs. Par exemple, lorsqu’un maire apprend qu’un logement social sert de pied-à-terre pour une personne qui réside à l’étranger ou fait l’objet d’une sous-location, il a tout le loisir d’en informer le bailleur qui pourra mener les contrôles adaptés. Le maire et le bailleur ont notamment la possibilité d’échanger au moment de la Caleol. L’amendement étant satisfait, j’émets un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 2 (articles L. 441-2-1, L. 441-2-9, L. 441-3, L. 441-3-1 [abrogé], L. 442-5 et L. 452-4 du code de la construction et de l’habitation) : Seuil de déclenchement du supplément de loyer de solidarité et renforcement des échanges entre le GIP SNE et l’administration fiscale
Amendements de suppression CE26 de Mme Cyrielle Chatelain, CE34 de M. Thomas Portes, CE57 de M. Harold Huwart et CE104 de M. Inaki Echaniz
M. Inaki Echaniz (SOC). Les coûts de recouvrement du SLS risquent d’être très fréquemment supérieurs au montant collecté et d’alourdir la charge des bailleurs.
M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Vous dites vouloir utiliser différemment notre temps parlementaire. Pourtant, parmi les diverses niches auxquelles nous avons été conviés, je n’ai pas vu beaucoup de propositions de loi qui parlaient du logement social, de modifier la loi SRU ou de trouver les moyens de financer plus de constructions. Cette proposition de loi permet de défendre une certaine idée de la justice sociale.
En tentant de rejeter ce texte, vous avez décidé de protéger ceux des locataires du parc HLM qui sont dans une situation financière confortable ou qui ont une, deux ou trois propriétés voire plus. Qu’est-ce qui justifie de telles contradictions ? Comment allez-vous les expliquer aux 2,8 millions de personnes qui attendent un logement HLM ? Même si nous n’arrivions à libérer que quelques dizaines de milliers de logements par an, nous changerions la vie de quelques dizaines de milliers de familles. Des mères célibataires, des pères célibataires, des travailleurs gagnant le Smic remplaceraient des personnes qui font partie des 25 % les mieux payées, qui possèdent des logements adaptés, qui sont propriétaires d’un hébergement laissé vacant en attendant leurs congés d’été. Et vous, vous luttez contre un tel projet ? Si c’est cela être de gauche, je suis content de ne pas l’être.
Avis défavorable.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 2 est supprimé et les autres amendements tombent.
Après l’article 2
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE72 de M. Frédéric Weber.
Article 3 : Gage financier
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE23 de M. Frédéric Falcon.
M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Dans la mesure où la loi a été vidée de son contenu, cet article de gage, contre lequel je voterai, n’a aucun sens.
La commission adopte l’article 3 non modifié.
Après l’article 3
Amendement CE38 de Mme Cyrielle Chatelain
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). J’invite la commission à adopter cet excellent amendement, qui donnera corps à la proposition de loi.
Contre l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.
Titre
Amendement CE51 de M. François Piquemal
M. François Piquemal (LFI-NFP). Nous proposons de renommer ainsi le texte : « Proposition de loi visant à déstabiliser le logement social et à caricaturer ses locataires en assistés ».
M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Sans surprise, avis défavorable.
M. Inaki Echaniz (SOC). Pour ceux qui s’offusquent de ne pas avoir de débat, je vous donne rendez-vous demain soir : le groupe Horizons a demandé un débat sur la politique du logement. Ce sera l’occasion pour vous, monsieur le rapporteur, d’aller plus loin dans votre argumentaire et, pour nous, de vous répondre sur le fond.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements CE102 de M. Inaki Echaniz et CE111 de M. Stéphane Vojetta tombent.
M. Stéphane Vojetta, rapporteur. Habituellement, le rejet sans examen est réservé à la séance et nous tirons profit des réunions en commission, un peu moins théâtrales et scénarisées, pour avoir des débats constructifs. Malheureusement, cela n’a pas été le cas aujourd’hui, malgré des sujets dignes d’être débattus. Je ne puis que constater que vous avez rejeté la main tendue et que vous refusez d’étudier des dispositions qui auraient pu, dans une certaine mesure, assurer une meilleure rotation au sein du parc HLM pour une plus grande justice sociale. Le texte étant désormais vide et inopérant, je vous propose de le rejeter.
La commission rejette l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
liste des personnes auditionnÉes
Par ordre chronologique
ANCOLS
M. Serge Bossini, directeur général
Direction générale des Finances publiques (DGFIP)
M. Olivier Touvenin, chef de service de la gestion fiscale
DHUP
M. Vincent Montrieux, adjoint au directeur
GIP SNE
Mme Marianne Louis, présidente
Mme Maryline Conry, directrice
Association des maires de France
Mme Charlotte Libert, maire de Vincennes et co-présidente du groupe de travail « Logement »
USH*
Mme Emmanuelle Cosse, présidente
M. Antoine Galewski, directeur des relations institutionnelles et parlementaires
M. Christophe Canu, responsable du pôle études économiques et financière - direction des études
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.
([1]) Voir commentaire de l’article 2.
([2]) Voir, par exemple, l’article R. 441-16-2 du code de la construction et de l’habitation relatif à l’exercice du droit au logement opposable.
([3]) Voir article R. 351-5-1 du code de la construction et de l’habitation, créé par le décret n° 2016-1385 précité : « Lorsque la valeur du patrimoine est supérieure à 30 000 euros, seul le patrimoine n’ayant pas produit, au cours de l'année civile de référence, de revenus retenus pour l’établissement de l’impôt sur le revenu au titre des revenus nets catégoriels visés à l’article R. 351-5 est pris en compte pour le calcul de l’aide. Ce patrimoine est considéré comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de sa valeur locative s’il s’agit d’immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s’il s’agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux ».
([4]) Conformément au b du 1° de l’article L. 342-14 du code de la construction et de l’habitation, la sanction pécuniaire en cas de non application du supplément de loyer de solidarité est prononcée dans les limites prévues par la convention conclue avec l’État avec un plafond équivalent à 100 % du montant des sommes exigibles au titre du SLS.
([5]) Cf. b) du 5° du I de l’article 1er.
([6]) Le plafond maximal de renversement est fixé à 100 % par l’article L. 452-4 du code de la construction et de l'habitation et le taux de 85 % est fixé par voie réglementaire.
([7]) Voir article L. 342-5 du code de la construction et de l’habitation.
([8]) Ancols, Application du SLS dans le parc social, Évolutions à la suite de la loi « Égalité et citoyenneté » et facteurs explicatifs de la mobilité des ménages soumis au SLS, mars 2021.