N° 1191

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 mars 2025.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE ([1])  CHARGÉE D’EXAMINER
LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,

 

 

de simplification de la vie économique,

par MM. Christophe NAEGELEN et Stéphane Travert,

Rapporteurs

 

 

 

 

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TOME II

COMPTES RENDUS

 

           Voir les numéros :

  Sénat : 550, 634, 635 (2023-2024) et T.A. 8 (2024-2025).

Assemblée nationale : 481 rect.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À la date du 27 mars 2025, la Commission spéciale est composée de :

M. Ian Boucard, président ;

M. Thomas Lam, Mme Annaïg Le Meur, M. Hervé de Lépinau, M. Gérard Leseul, viceprésidents ;

M. Philippe Bolo, M. Charles Fournier, secrétaires ;

M. Christophe Naegelen, M. Stéphane Travert, rapporteurs ;

M. Henri Alfandari, M. Charles Alloncle, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Béatrice Bellamy, Mme Lisa Belluco, M. Ugo Bernalicis, Mme Anne-Laure Blin, M. Nicolas Bonnet, M. Éric Bothorel, Mme Danielle Brulebois, Mme Françoise Buffet, M. Jean-René Cazeneuve, Mme Sophia Chikirou, Mme Josiane Corneloup, M. Jean-François Coulomme, M. Hendrik Davi, M. Jocelyn Dessigny, Mme Sophie Errante, Mme Océane Godard, M. Antoine Golliot, M. Jordan Guitton, M. Pierre Henriet, M. Sébastien Huyghe, Mme Marietta Karamanli, M. Robert Le Bourgeois, Mme Nicole Le Peih, Mme Marie Lebec, Mme Claire Lejeune, M. Guillaume Lepers, M. Laurent Lhardit, M. Eric Liégeon, Mme Delphine Lingemann, M. Aurélien Lopez-Liguori, M. Alexandre Loubet, M. Sylvain Maillard, M. Éric Martineau, M. Emmanuel Maurel, M. Nicolas Meizonnet, Mme Manon Meunier, M. Pierre Meurin, M. Éric Michoux, Mme Louise Morel, Mme Sandrine Nosbé, M. Jacques Oberti, M. Karl Olive, Mme Julie Ozenne, Mme Nathalie Oziol, M. René Pilato, M. Matthias Renault, M. Davy Rimane, M. Vincent Rolland, Mme Anne-Sophie Ronceret, Mme Valérie Rossi, Mme Sophie‑Laurence Roy, M. Emeric Salmon, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. David Taupiac, M. Thierry Tesson, Mme Mélanie Thomin, M. Jean-Luc Warsmann.


SOMMAIRE

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Pages

Comptes rendus des débats

I. TABLES RONDES DES ORGANISATIONS SYNDICALES ET PATRONALES

Réunion du mardi 11 mars 2025 à 16 heures 30

II. Audition de M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification, et de Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire, et discussion générale

Réunion du mercredi 19 mars 2025 à 15 heures

III. EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI

Première réunion du lundi 24 mars 2025 à 15 heures

Deuxième réunion du lundi 24 mars 2025 à 21 heures 30

Première réunion du mardi 25 mars 2025 à 17 heures

Deuxième réunion du mardi 25 mars 2025 à 21 heures 30

Première réunion du mercredi 26 mars 2025 à 15 heures

Deuxième réunion du mercredi 26 mars 2025 à 21 heures 30

Réunion du jeudi 27 mars 2025 à 9 heures

 


   Comptes rendus des débats

I.   TABLES RONDES DES ORGANISATIONS SYNDICALES ET PATRONALES

Lors de sa réunion du mardi 11 mars 2025, la Commission spéciale auditionne les syndicats de salariés lors d’une première table ronde, puis les organisations patronales lors d’une seconde table ronde.

Réunion du mardi 11 mars 2025 à 16 heures 30

Lien vidéo : https://assnat.fr/dgYVYL

M. le président Ian Boucard. Je suis très heureux de vous retrouver pour la suite de nos travaux de cette commission spéciale sur le projet de loi de simplification de la vie économique. Nous reprenons aujourd'hui avec deux tables rondes, la première réunissant les organisations syndicales, puis la seconde les organisations patronales.

Je vous informe que nous procéderons à l’audition des ministres, qui vaudra discussion générale, mercredi prochain à 15 heures.

Je vous rappelle que nous avons tenu notre réunion constitutive le 7 novembre dernier, peu après le dépôt du projet de loi qui avait été adopté par le Sénat. La censure du gouvernement nous a cependant conduits, comme l'Assemblée dans son ensemble, à ajourner nos travaux. Nous nous retrouvons quelques mois plus tard, avec un programme dense, puisque nous examinerons le projet de loi en séance la semaine du 7 avril.

Pour l’heure, nous sommes ravis d’accueillir : pour la CGT, M.  Thomas Vacheron, secrétaire confédéral et Mme Delphine Colin, conseillère confédérale ; pour Force ouvrière ; M. Patrick Privat, trésorier confédéral et Mme Brussia Marton, assistante confédérale ; pour la CFE-CGC : M. Nicolas Blanc, secrétaire national à la transition économique. La CFDT n’a pas pu participer à cette table ronde et a adressé une contribution écrite.

Mesdames et Messieurs, vous aviez souligné lors de votre audition par les sénateurs que la simplification ne pouvait se faire dans l'urgence et qu’elle devait faire l'objet d'un réel travail de concertation et d'expertise. C'est dans cet esprit que nous souhaitons vous entendre à la fois sur le projet de loi initial du gouvernement, mais également sur les modifications qui ont été introduites par le Sénat.

Après votre intervention, je donnerai la parole à l'un de nos deux rapporteurs, M. Christophe Naegelen en charge des titres Ier à VI du projet de loi.

J'excuse notre autre rapporteur M. Stéphane Travert qui est, pour le moment, retenu dans l'hémicycle et qui espère venir nous rejoindre. Nous entendrons ensuite un orateur par groupe pour une durée de trois minutes, puis les députés qui souhaiteraient vous poser une question pourront le faire pour une durée d'une minute.

Je vous cède la parole immédiatement pour un propos introductif, en commençant par Mme Delphine Colin ou M. Thomas Vacheron pour la CGT.

M. Thomas Vacheron, secrétaire confédéral de la CGT. Merci, Mesdames et Messieurs les députés, pour cet échange extrêmement important puisque vous recevez ici les organisations syndicales, représentant les salariés. Ces derniers rassemblent une proportion de 90% des actifs : l’essentiel des travailleuses et travailleurs de ce pays, ce sont les salariés.

Je note une différence entre le tout premier projet de loi dit « de simplification », qui visait au départ à « rendre des heures aux Français », faisant immédiatement suite au projet de loi de réforme des retraites ; on aurait pu trouver la boutade rigolote si elle n’était pas dramatique, puisque nous sommes toujours évidemment opposés à la réforme des retraites.

Je sais que parmi vous, il y a aussi des chefs d'entreprise, souvent de petites entreprises, qui sont confrontés à la distorsion de concurrence entre les grands groupes très profitables et les petites entreprises.

J’en reviens au projet de loi de simplification, sur lequel nous souhaitons relever plusieurs éléments.

Le premier concerne le rejet par le Sénat des articles 2 et 3 d’habilitation à légiférer par voie d’ordonnances, qui nous interrogeaient énormément, dans un moment où celles-ci sont trop utilisées et toujours dans le même dessein. Il y avait là un risque de confusion entre « autorisation » et « déclaration », puisque l’ordonnance envisagée aurait eu pour but de remplacer dans diverses procédures administratives la demande d'autorisation par une simple déclaration. Au moment de l’élaboration de ce projet de loi, nous avions fait part, avec mes collègues, de notre inquiétude au regard du temps de travail des salariés : avec un régime de déclaration, il pourrait y avoir des possibilités d'aller au-delà des 48h heures maximum en France.

Deuxième élément : l’article 7 sur la simplification du bulletin de paie, que nous espérons définitivement rejeté, et ne pas voir revenir par la fenêtre ou par quelque moyen que ce soit, car c’est une ligne rouge pour toutes les organisations syndicales.

À ce propos, l’absence de mention, sur le bulletin de paie simplifié présenté dans les éléments de communication du ministère, de la convention collective dont relève le salarié pourrait paraître anecdotique… Mais la convention collective protège et ne pas reprendre ces lignes sur la fiche de paie c'est en réalité, pour demain, enlever les droits des salariés !

On le sait, tout le monde regarde en bas à droite de la fiche de paye. Le salaire net c'est celui qui permet de vivre au quotidien, au mois le mois, au jour le jour même, puisque la question du pouvoir d'achat est devenue une préoccupation de premier ordre pour nos concitoyens. Les lignes au-dessus, on les comprend moins sauf lorsqu’on est confronté au chômage, à la maladie, aux accidents de travail, aux congés paternité ou maternité, ou à la retraite justement.

Nous sommes donc très opposés à tout retour du bulletin de paie dit « simplifié », car c’est une ineptie aussi bien du point de vue des salariés que de la gestion de l'entreprise pour laquelle cela rajouterait de la complexité au lieu de simplifier.

Voilà les deux lignes rouges sur lesquelles nous avions déjà alerté députés et sénateurs avant la motion de censure.

Troisième élément, il y a trois ou quatre articles sur le reste du projet de loi qui nous préoccupent fortement, et nous avons déjà formulé des alertes très précises sur ces sujets.

C’est le cas de l'article 6, qui concerne la suppression de l'information des salariés en cas de cession d'entreprise. À l’heure où des plans de licenciement risquent de faire perdre leur emploi à des centaines de milliers de salariés, il faut tout mettre en œuvre pour maintenir les entreprises et favoriser leur reprise par les salariés, en évitant ainsi les licenciements et la disparition d'outils industriels. C’est vrai pour SCOP-Ti, dans les Bouches-du-Rhône, pour toutes les SCOP en général et plus largement pour beaucoup d’entreprises en situation de liquidation. Réduire, comme c’est envisagé, le temps dont disposent les salariés pour élaborer une solution de reprise constituerait un scandale.

Nous nous interrogeons sur l'article 8, qui rehausse les seuils. À quoi cela sert-il ? À quel moment rehausser les seuils permet-il de favoriser la reprise d'entreprise, la pérennité des entreprises, le fait qu'elles ne soient pas vassales des grands groupes ? Finalement, à part favoriser ces derniers, nous ne voyons aucun élément positif dans une telle mesure.

Il y a aussi l'article 8bis, issu des débats sénatoriaux, qui concerne la sous-traitance. C’est un sujet extrêmement important pour la France car nous sommes le pays d'Europe qui a le plus recours à la sous-traitance. Cela induit des situations catastrophiques pour les salariés, qui sont maltraités et mal payés du fait de la course au profit induite par la sous-traitance en cascade. Quel est l'intérêt de favoriser le recours à la sous-traitance, dans ces conditions ? De notre point de vue, il faut au contraire limiter la sous-traitance et renforcer la responsabilité du donneur d'ordre.

On ne voit pas non plus en quoi l'article 10, qui amoindrit les sanctions pénales, contribuerait à un meilleur respect du droit du travail. Lorsqu’on prend une voiture, il faut avoir le permis de conduire et respecter le code de la route. Lorsqu’on prend une entreprise, ce n’est pas en facilitant les licenciements qu'on les empêche. De la même manière, ce n'est pas en enlevant des sanctions qu'on protège les salariés.

Je veux enfin évoquer les articles 4bis et 28bis. Le premier relève les seuils des marchés publics. Ces marchés publics, et plus généralement les investissements que font l'État, les collectivités territoriales, constituent des leviers extrêmement puissants pour réindustrialiser, protéger, donner un avenir. Et donc avoir de la transparence sur les marchés publics, plutôt que d’en relever les seuils, avec des critères de conditionnalité sociaux et environnementaux, est extrêmement important pour permettre à notre pays, auquel on est attaché, d'aller dans le bon sens, sur un meilleur chemin, vers le bien commun.

Le second article est plus anecdotique mais nous interroge : quel est l'intérêt de sous-traiter le recensement plutôt que de le laisser aux agents de la fonction publique territoriale, qui assurent un maillage du territoire et font un travail formidable ?

Nous le disons : nous sommes pour simplifier, mais certains éléments de ce projet de loi sont sources de complexification. Ce n’est pas déréguler qu'il faut, mais au contraire réguler pour maintenir la République, la démocratie avec une perspective sociale et environnementale, à l'inverse de ce qui est proposé actuellement.

M. Patrick Privat, trésorier confédéral de la CGT-FO. Je veux d'abord prendre un instant pour me présenter. Si j'exerce les fonctions de trésorier à la Confédération, j'ai aussi d'autres mandats dans le secteur de la protection sociale. Je suis administrateur de la Caisse nationale de l'Urssaf, où je suis en charge des questions de DSN (déclaration sociale nominative) et de la simplification.

La simplification nous y sommes attachés à Force ouvrière, mais cette simplification ne peut pas se faire contre les salariés. Dire que l’on va utiliser les ordonnances, et ne pas utiliser l'article L. 1 du code du travail qui prévoit une concertation, une négociation interprofessionnelle, pour tout ce qui concerne l'entreprise, me semble incompréhensible.

Les entreprises, ce ne sont pas uniquement les employeurs. Elles sont aussi constituées des salariés et de leurs représentants. Passer uniquement par voie d'ordonnance pour conduire des réformes, ça serait aller trop vite en la matière. Dans votre questionnaire, vous nous avez interrogés pour savoir si nous avions été consultés en amont sur ces questions-là ; non, nous ne l’avons pas été !

Je veux revenir sur un autre aspect également qui a été souligné par Thomas Vacheron, s’agissant de la question des délais : lorsqu’une entreprise est en difficulté, je ne vois pas en quoi limiter le délai va simplifier et l’aider. Je pense, par exemple, à Duralex avec qui on a pu monter une Scop : si on avait eu des délais très courts pour pouvoir constituer le dossier et permettre à l'entreprise de continuer, nous n’y serions pas arrivés. Aujourd'hui, cette entreprise continue à vivre.

On nous reparle également de la simplification de la fiche de paie. Modestement, je veux témoigner de mon expérience en la matière  en tant que trésorier de la Confédération Force ouvrière, je supervise 150 paies par mois. Je l'avais dit au Sénat, et je le redis ici avec force, ce n’est pas une simplification souhaitable. C'est une labellisation de la fiche de paie vers laquelle il faut aller, ce qui n'est pas du tout la même chose.

Des fiches de paie, j'en ai consulté des milliers, il y a de tout. Celles de l'État sont à peu près bien faites et lisibles. Dans la fonction publique hospitalière, leur contenu et leur présentation commencent déjà à varier. Dans la fonction publique territoriale, l’on trouve autant de modèles que de collectivités et dans le privé, vous avez aussi des choses très différentes.

Pour les paies du secteur privé, on peut exiger des éditeurs de paie, dans le cadre du GIP-NDS, d'avoir une norme bien précise. Voilà où est l'enjeu. Ce n’est pas en mettant quatre lignes sur un bulletin de paie que les salariés seront plus satisfaits ! Bien entendu les salariés regardent le salaire net qu'ils perçoivent, après prélèvement de l’impôt à la source. Mais, entre le salaire brut et le net, il y a des cotisations et des contributions sociales qui servent à financer notre modèle de protection sociale : à vouloir trop agréger les choses, on y comprendra encore moins.

Je rappelle aussi que, lors de leurs contrôles les inspecteurs de l’Urssaf demandent l'intégralité des lignes des bulletins de paie ; c'est-à-dire qu’ils demandent des bulletins de paie détaillés et certainement pas simplifiés. Si l’on demande aux entreprises, demain, d'avoir une nouvelle paie encore plus simplifiée, cela va leur coûter parce qu’elles devront se doter de nouveaux outils de paie, mais il faudra quand même qu’elles puissent continuer à produire le bulletin détaillé pour les contrôles, donc tout cela ne servira à rien.

Dans le secteur privé, trois éditeurs de logiciels de paie couvrent 90% du marché. Dans ces conditions, une démarche de labellisation doit pouvoir, me semble-t-il, être facilement engagée. Pour les collectivités territoriales, j'entends bien que c'est plus compliqué. Au passage, je relève que les collectivités territoriales et la fonction publique hospitalière n'ont pas été capables de passer à la DSN en même temps que les entreprises du privé. Cela a été fait, en décalé, beaucoup plus tard.

Enfin, je voulais, à titre plus personnel, m’étonner que le projet de loi envisage de relever le seuil de recours aux marchés publics de 40 000 euros à 100.000 euros. C'est l'art et la manière de donner le marché à un copain, de façon beaucoup plus simplifiée, sans contrôle ; il y a danger dans cette manière de faire.

M. Nicolas Blanc, secrétaire national à la transition économique de la CFECGC. Je m'inscris dans la continuité des propos qui ont été tenus.

Je vais commencer par le bulletin de paie simplifié. Je travaille dans une grande entreprise, au sein de laquelle il y a ce que l'on appelle des « bilans sociaux individualisés », qui permettent justement d'expliquer la rémunération point par point. Je pense que c'est plutôt cette logique de pédagogie qu’il faut privilégier, au lieu d’essayer de simplifier à outrance, tout en conservant un cadre réglementaire qui soit stable et qui permette aux entreprises de travailler dans des conditions correctes.

Je veux aussi rappeler le précédent du rapport parlementaire intitulé « rendre des heures aux Français », rapport qui avait inquiété nos organisations, tant les propositions qu’il formulait se faisaient au détriment des salariés, de leur représentation et du dialogue social.

Un autre exemple assez inquiétant est celui de la question des seuils sociaux auxquels nous sommes très attachés. Je pense que c'est important, car le dialogue social s’organise sur cette base-là ; relever ces seuils constituerait une forme, non plus de simplification, mais d’appauvrissement de la représentation du personnel, des salariés. Pour nous, ce serait une remise en cause inadmissible du dialogue social.

Pour revenir à votre première question sur l’article 2, des allers-retours avec le gouvernement ont eu lieu, parce qu'il y a un certain nombre de points sur lesquels nous étions d’accord. Certaines obligations pourraient être simplifiées : je pense à celles concernant la déclaration de l’inspection du travail sur le portage salarial, une obligation très peu utilisée. Ce sont des choses que l’on peut comprendre, une démarche dans laquelle on peut facilement s’inscrire compte tenu de son ampleur limitée.

Je veux enfin insister sur le risque d’introduire des cavaliers législatifs en multipliant les propositions de simplification qui finalement mélangeraient un peu tout. Nous serons très vigilants à ce que celles-ci ne se fassent pas au détriment du dialogue social.

M. le président Ian Boucard. Merci à tous pour vos propos introductifs, je passe la parole à notre rapporteur Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Merci Monsieur le Président, Mesdames messieurs, merci pour vos différentes prises de parole.

Je vais commencer de manière très simple, pour dire qu'il y a des points sur lesquels, en tant que rapporteur, je suis entièrement d'accord avec vous. Sur l'article 2, le recours aux ordonnances, s’apparente pour nous autres parlementaires, à une façon d’escamoter le Parlement. C'est d’ailleurs pour cela que le Sénat a supprimé cet article, et, dans les discussions avec le gouvernement, nous sommes convenus d’inscrire plutôt « dans le dur » du projet de loi, afin de pouvoir en débattre, les dispositions qui devaient initialement passer par ordonnance.

Le deuxième point concerne l’article 7 sur le bulletin de paie. Là aussi, non seulement nous sommes d’accord avec vous, mais nos collègues sénateurs ont déjà supprimé cette disposition qui ne figure donc plus dans le projet de loi dont nous débattons.

Vous avez eu raison de souligner que les entreprises sont composées avant tout de salariés. Ces salariés sont soucieux que leur entreprise puisse se développer, continuer à être à être profitable et, dans ce cadre-là, ils peuvent avoir des idées sur les entraves à supprimer et sur les améliorations qui seraient bénéfiques pour les salariés. Sur la base de telles remontées de terrain, quelles seraient les modifications à apporter dans les autorisations qui sont demandées aux entreprises ?

Si ma question n’était pas assez claire, je peux essayer de l’illustrer : dans le cadre de son développement, une entreprise a besoin de solliciter des autorisations auprès d'administrations : préfecture, DREAL, ABF, DDT : avez-vous des remontées de terrain sur d’éventuels blocages administratifs, et si oui lesquels ?

M. le président Ian Boucard. Merci monsieur le rapporteur. Pour vous répondre, Monsieur Vacheron ?

M. Thomas Vacheron. C'est une très bonne question et je vous remercie, Monsieur le député, de nous donner l’occasion de nous exprimer. Je m’étonne néanmoins que, comme dans le questionnaire qui nous a été envoyé pour préparer cette audition, vous évoquiez les articles 2 et 7, dont je croyais qu’ils ne figuraient plus dans le projet de loi.

Je veux d’abord rappeler qu’une entreprise appartient à celles et ceux qui travaillent et qui y sont souvent très attachés. Aujourd'hui pourtant, on parle de perte de sens au travail, parce que les rémunérations sont trop faibles, parce que l'intensification du travail participe à la perte de sens.

L'endroit où il y a le moins de démocratie dans la République, c'est de fait dans l'entreprise. La question n’est pas tant celle des qualités ou des défauts des employeurs mais du simple fait qu’il n'y a pas de contre-pouvoir ou d’élément de régulation dans l’entreprise : dès lors, les mauvais choix qui y sont faits de manière unilatérale accélèrent, amplifient la désorganisation de l'entreprise.

C’est pourquoi, depuis 1945, les comités d'entreprise garantissent que les travailleurs et travailleuses disposent de représentants qui participent à l'activité de l'entreprise. Si nous avons eu une industrie de pointe, ce n’est pas dû au hasard : il y a un lien entre la possibilité pour les salariés de participer à la vie de l'entreprise, à ses choix, et la performance de celle-ci.

À l'inverse, au cours de la dernière décennie, la loi dite « El Khomri » ou encore les ordonnances dites « Pénicaud » ont profondément désorganisé la représentation des salariés dans les entreprises. Que nous disent ces derniers ? Il y avait des dispositions qui permettaient aux salariés d'être mieux représentés, avec plus d'élus, des délégués du personnel pour les problèmes individuels et collectifs, un comité d'entreprise compétent sur la gestion de l'entreprise et des CHSCT qui prenaient en compte la question des accidents au travail.

Je rappelle qu’aujourd'hui la France n’est pas simplement championne d'Europe de versement de dividendes, elle est aussi championne d’Europe des accidents du travail et des morts au travail.

Je veux m’associer aux remarques qui ont été faites sur la question de la sous-traitance.

Il faut comprendre quelque chose : comment est-il admissible que le processus de production, selon qu'il est celui du sous-traitant ou du donneur d'ordre, repose sur des conditions de travail et des salaires complètement différents, alors que le produit manufacturé auquel il aboutit est le même ? La raison en est que la sous-traitance permanente n'a d'utilité que pour maltraiter les salariés en limitant leurs droits et leurs salaires. C'est pourquoi nous vous demandons de réguler et de limiter le nombre de sous-traitances.

Mon collègue parlait également de marchés publics plus tôt. L’abaissement de ces seuils pose effectivement question en lui-même, mais il est inquiétant aussi car il pourrait permettre indirectement de faciliter le recours à la sous-traitance ?

Enfin, vous évoquiez la simplification et la diminution des seuils ; il y a un seuil qui nous vous en proposons de passer de 1000 à 50 salariés, c’est celui de la loi Florange permettant la reprise d’une entreprise. Cela permettrait concrètement de sauver davantage d’emplois dans un moment où nous en avons besoin.

M. le président Ian Boucard. Merci monsieur Vacheron. Je vous précise que si les articles 2 et 7 sont évoqués dans le questionnaire qui vous a été envoyé par les rapporteurs c'est que parce qu’ils étaient dans le texte de loi initial avant d’être supprimés par le Sénat, il n'est donc pas exclu que quelqu'un veuille les réintroduire dans le projet de loi en commission ou en séance, sans que cela ne constitue évidemment un cavalier législatif. Monsieur Privat, souhaitez-vous compléter ?

M. Patrick Privat. Oui, mais vous avez bien fait de préciser ce point. C'est aussi pour cela que nous avons insisté sur ces deux articles.

Le fait d’augmenter les seuils de représentation du personnel aboutit à supprimer des représentants du personnel et à ôter des prérogatives à certaines instances. La suppression du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) par les ordonnances Pénicaud a été une énorme bêtise car le comité social et économique (CSE) est plus éloigné du terrain et ne peut pas jouer le même rôle d’interface entre les salariés et l’employeur.

Je vais prendre un exemple très précis, celui des visites de chantier. Nous avons vécu un moment important lors JO et des Paralympiques. Toutes les organisations syndicales étaient membres du comité d'organisation et avaient la possibilité de rentrer sur les chantiers afin de vérifier ce qu’il s’y passait. Ce n’était pas anodin, et cela a permis d’éviter qu'il y ait des accidents.

Vous m’avez également interrogé sur les démarches qui pourraient gêner les entreprises. La confiance n’exclut pas le contrôle, et il faut de temps en temps se donner les moyens de contrôler. En droit du travail, sans représentation du personnel, la situation peut vite dégénérer. Il en est de même concernant les ruptures conventionnelles : s’il n’y a pas de contrôle s’agissant des ruptures conventionnelles individuelles ou collectives, je crains le pire. Cela rendra facile la suppression d’emplois, sans aucune garantie que les salariés qui perdront leurs emplois se voient compenser à hauteur de leurs droits réels.

Si l’on multiplie les dérogations de manière permanente à la durée légale du travail, au travail de nuit, à la présence de la médecine du travail, à l’obligation de reclassement, on met en danger les salariés.

Voilà pourquoi nous tenons à avoir une vraie représentation des salariés dans l’entreprise.

M. le président Ian Boucard. Merci. Monsieur Blanc, je vous engage à réduire le temps de réponse afin de pouvoir entendre l’ensemble de l’expression politique des groupes dans le délai imparti.

M. Nicolas Blanc. Pour répondre directement à votre question, avons-nous été sollicités dans le cadre de mesures permettant de rendre plus rapides la reprise d’entreprise, ou dans la vie d’un projet de repris ? Non. Nous sommes très peu sollicités : j’étais secrétaire du CSE central d’un grand groupe, je peux vous dire qu’au niveau de la gestion de projet, nous ne sommes pas dans la cogestion. Il y a, en revanche, un échange de vues, c’est-à-dire que l’on nous tient au courant des différents points de vue, cela fait partie de la vie d’un projet, ce qui prend du temps. Ce que vous n’évoquez pas, en revanche, c’est qu’en cas de fusion-acquisition dans un grand groupe, la validation par la Commission européenne s’agissant du contrôle des concentrations de groupes, a lieu au bout d’un délai de 6 mois. L’on ne l’évoque pas assez, or c’est un « risque projet », c’est central dans l’anticipation d’un projet, l’on sait qu’on aura un temps certain nécessaire à l’application de cette réglementation. C’est donc un temps nécessairement pris, une réflexion qui se tient dans des délais incompressibles de six mois qui retardent de manière certaine le processus.

Cela est lié aux discussions qui ont lieu avec le gouvernement dans le cas de l’article 2, qui soulève la question du paritarisme, et ce dans un certain nombre d'organismes, de formations. Dans la note transmise, à notre sens il n’y avait pas de difficultés, cela allait dans le sens d’une simplification administrative qui paraissait évidente ; des échanges ont eu lieu et c’était validé. Nous sommes aussi dans une logique de simplification des choses inutiles, particulièrement s’agissant des doublons qui étaient le point saillant de la question.

Enfin, je voulais revenir sur l’article 6. Je pense que, oui, il faut laisser un temps d’information aux salariés s’agissant des reprises d’entreprises. Le ministère de l'économie nous accompagne, avec ses équipes, afin d’assurer un tuilage des entreprises. Il faut laisser la possibilité d’un tel dialogue : les salariés sont attachés à leur entreprise et essayent de trouver des solutions.

M. le président Ian Boucard. Merci. Monsieur le rapporteur ?

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Oui, de manière très courte, je ne suis pas tout à fait d’accord. S’il existe un tuilage réalisé par le ministère de l’économie, il ne concerne pas les entreprises de moins de 50 salariés. Dans le cas des plus grosses entreprises, le délai de prévenance pour les salariés est le même, comme le prévoit l’article 6.

Ma première question, mais je m’étais sans doute mal exprimé, était de demander quelles étaient les améliorations possibles hors du code du travail. J’ai compris des propos de M. Blanc que vous n’aviez pas de remontées de terrain sur le sujet.

Ma deuxième question sera très rapide : l’article 8 bis ouvre une possibilité de résiliation d’un contrat de sous-traitance lorsque le sous-traitant est en redressement judiciaire au terme d’un délai. Le délai passe d’un mois dans le droit commun à quinze jours ; j’aurais voulu avoir votre avis : cela vous semble-t-il raisonnable ? Je suis assez partagé sur le sujet, cela voudrait dire que l’on contribue à enterrer encore plus facilement une entreprise déjà en difficulté.

M. le président Ian Boucard. Monsieur Vacheron ?

M. Thomas Vacheron. Très rapidement, je veux insister sur un élément important pour nous, qui est celui des délais de paiement excessifs de l’État et des commanditaires publiques. La problématique de fond reste celle de la sous-traitance, mais cela a déjà été évoqué.

Deuxième exemple, lorsqu’on évoque les dérogations au code du travail, je rappelle l’assouplissement du régime des heures supplémentaires qui peuvent être payées qu’à 10% supplémentaires, au lieu de 25 %, depuis la loi El-Khomri. Cela a créé un ajustement à la baisse, les entreprises recourant à cette nouvelle faculté afin de rester concurrentielles.

M. Patrick Privat. Je réponds à la question portant sur la réduction du délai d’un mois à quinze jours : il me semble qu’une entreprise qui se soigne est préférable à une entreprise qui meurt, qu’elle soit contractante ou cocontractante. À ce titre, le délai de quinze jours paraît insuffisant et il faut laisser davantage de souplesse, c’est une règle de base en matière de recouvrement.

Une question qui n’est pas abordée, mais qui figurait dans votre questionnaire, est celle de la création du Haut conseil à la simplification des entreprises. Je note que nous n’y sommes pas représentés. Je suis pour la simplification, mais j’aimerais que, comme s’agissant du Conseil national de l’industrie, nos organisations syndicales y soient représentées. La simplification ne saurait se faire toute seule, ni de manière dirigiste.

M. Nicolas Blanc. S’agissant des délais, nous n’avons pas eu le temps de les étudier ; nous vous répondrons par écrit.

Sur la proposition de créer un Haut conseil à la simplification, sous réserve des décrets d’application, la question se pose des prérogatives réelles de ce conseil.

M. le président Ian Boucard. Merci. J’en viens aux orateurs des groupes, pour une durée maximale de trois minutes.

M. Thierry Tesson (RN). Je remercie les représentants des syndicats des salariés, de leur présence pour évoquer un sujet essentiel, celui de la simplification de la vie économique. Nous savons tous que ces normes, ces contraintes, ont un coût qui pèse bien évidemment sur l'emploi, que l’on doit tous défendre. De fait, c’est l’objectif affiché de cette loi.

L’excès de normes crée une complexité qui devient absolument envahissante, notamment du fait de la surtransposition de directives européennes. L’on pourrait citer la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), les criètres environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), les zones faibles émissions (ZFE), etc… autant d’acronymes obscurs qui masquent une réalité : celle du frein à l’activité économique. Lorsqu’on la regarde de près, cette loi dite « de simplification » s’apparente davantage à un texte fourre-tout, un amas d’exceptions qui ne procède à aucune suppression de norme. Pire, et cela vient d'être évoqué à l'instant, il prévoit même la création d'une structure dont le bon sens devrait conduire à la suppression, un Haut conseil de la simplification. Le Rassemblement national sera évidemment contre cette invention.

Cette loi ne sera en aucun cas un choc de simplification, ce que l’on peut évidemment regretter.

Je reprends la question du rapporteur, messieurs Vacheron et Privat, sur les propositions que vous pouvez amener, s’agissant de la simplification. J’entends que vous défendez les salariés, c’est donc peut-être plus compliqué de simplifier la vie économique et de supprimer des normes. Nous attendons de vous, défendeurs des salariés et acteurs du dialogue social auquel nous sommes nous aussi attachés, un message concernant ces enjeux de simplification dont notre pays a besoin.

Quelles sont, selon vous, les mesures essentielles et prioritaires en matière de simplification afin de préserver l’emploi dans notre pays, qui est la clé de tout ?

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Mesdames, messieurs les représentants des syndicats des salariés, merci d'être présents aujourd'hui à cette table ronde.

L'année 2024 en France a été marquée par un record de défaillances d'entreprise : 65 764 entreprises sont entrées en redressement ou en liquidation judiciaire pendant l'année 2024, et actuellement en 2025 c'est plus de 300 000 emplois, directs ou indirects, qui sont menacés au travers de 300 plans de licenciement.

Ce projet de loi qui vise à simplifier la vie des entreprises en supprimant la bureaucratie, et en les soulageant de la recherche administrative, n'a de simple que le nom. Très technique, fourre-tout cela a été dit, parfois anecdotique. Derrière une simplification de façade s’ouvrent une nouvelle fois des brèches dans les droits sociaux et dans le droit de l'environnement, avec par exemple la réduction des exigences de compensation des atteintes à la biodiversité, l'exclusion des projets industriels et des data centers de l'objectif ZAN (zéro artificialisation nette), la simplification du bulletin de paie, certes supprimée par le Sénat mais qui pourrait être réintroduite, ou encore la réduction, voire la suppression du délai d'information préalable obligatoire des salariés lorsqu'est envisagée la vente d'une entreprise de moins de 50 salariés.

Il s’agit de véritables régressions, de nouvelles attaques aux droits de l'environnement et aux droits des salariés. Il est nécessaire de supprimer de telles régressions et nous proposerons, en plus, des amendements visant à prévenir les plans sociaux, à favoriser la reprise d'entreprise par les salariés et à faire face à la crise climatique.

Nous savons tous que ce projet de loi est vivement soutenu par le Medef. Que pensez-vous de ce soutien ? S'agit-il là d'un projet de loi avec de véritables avancées pour les salariés ?

Enfin, une question portant sur l'article 27. Dans ce texte, métamorphosé par le Sénat, est prévue la création d’un Haut conseil à simplification pour les entreprises. Ce Haut conseil, aux pouvoirs exorbitants, aurait compétence pour se prononcer sur des normes affectant les entreprises dans tous les domaines, et serait placé sous la houlette des organisations patronales, en l’absence des représentants du monde du travail, des organisations syndicales. Quel est votre avis sur ce haut conseil ? Je vous remercie.

M. Jean-Pierre Taite (DR). Un grand merci pour vos interventions. Je suis un peu perdu. Ayant moi-même créé deux petites entreprises de moins de 15 salariés, j’ai toujours eu le sentiment d’avoir besoin de simplification et je souhaitais, pour cette raison, participer à cette commission aux côtés de Ian Boucard, dans la logique défendue également par le président de la droite républicaine, Laurent Wauquiez.

Vous êtes issus de grosses entreprises. Aussi, j’attendais de vous des propositions de simplification, mais vous avez plutôt avancé des arguments contraires. Au vu de votre expérience de représentants syndicaux, comment peut-on simplifier ?

M. Gérard Leseul (SOC). Merci à nos invités d'avoir répondu aux questionnaires des rapporteurs et de continuer de répondre à nos questions.

Je partage votre point de vue, nous ne pouvons envisager l’entreprise sans ses principaux acteurs, à savoir les salariés, c’est une évidence. Nous ne pouvons envisager l’entreprise sans interlocuteurs reconnus, rompus à la discussion et connaissant les différents rouages de l’entreprise. D’ailleurs, Claude Bébéar, grand patron tutélaire des entreprises françaises, l’avait bien compris : il avait mis en place un chèque syndical afin de faciliter l’adhésion des salariés à un syndicat de leur choix afin d’organiser, faciliter la représentation et la création d’interlocuteurs afin de négocier. Je viens aussi de l’entreprise, à la fois TPE, entreprise associative, mais aussi des grands groupes, où j’ai été confronté à la mise en place de différentes normes environnementales, sociales, que nous connaissons.

Je ne vous interroge pas sur la CSRD, que nous aurons peut-être l’occasion d’aborder plus tard ; je rejoindrai mes collègues car au-delà de nos divergences politiques, je suis demandeur de deux mesures de simplification. Je serai moins ambitieux que mon collègue en n’en demandant que deux, deux mesures de simplification que nous pourrions porter au débat. Je vous remercie.

M. le président Ian Boucard. Merci. Je donne la parole aux représentants des organisations syndicales pour répondre.

M. Thomas Vacheron. Je vais vous faire deux propositions concrètes et immédiates pour améliorer la situation.

La première concerne les marchés publics. Elle consiste à introduire des critères de conditionnalité, sociaux et environnementaux, pour le « made in France » ou le « made in Europe ». Concrètement, il y a des milliards d’euros de commande publique : aujourd'hui les habits de l'armée sont fabriqués à l'autre bout de la planète dans des conditions de travail scandaleuses, alors qu’il s’agit d’un marché public. La question n’est pas de tout relocaliser, mais de produire ici ce qui est consommé ici. La commande publique doit flécher, l’enjeu est gigantesque, y compris s’agissant des TPE-PME.

Deuxième proposition : la question des aides publiques aux entreprises privées. La première dépense publique consiste dans les aides aux entreprises privées, directes ou indirectes via les exonérations fiscales ou sociales, qui sont captées quasi-exclusivement par les grands groupes.

Ces aides sont également captées par la sous-traitance en cascade, que j’ai évoquée plus tôt. Je soulevais tout à l’heure l’exemple des heures supplémentaires, la même logique s’applique concernant les exonérations : lorsqu’il existe une aide publique, le donneur d’ordre communique à son sous-traitant qu’il sait à quel montant ce dernier a droit, et lui demande de manière systématique de lui rendre celui-ci à l’occasion de la passation du marché. À cet égard, notre position est de privilégier la transparence et la conditionnalité, afin de protéger les TPE-PME qui forment le maillage de notre pays ; il n’y a pas de service public sans industrie.

M. Patrick Privat. Très rapidement, comme mesure de simplification, nous proposons que l’on revoie les exonérations de cotisations, qui représentent 80 milliards d'euros. Ces exonérations rendent l’établissement des fiches de paie infiniment plus complexe, il faut donc revoir ce dispositif et simplifier, afin de permettre d’éviter l’optimisation sociale et fiscale.

Deuxième proposition, la labellisation des fiches de paie. Une telle labellisation, pour le public comme pour le privé, permettrait une présentation unique, comprise de tout le monde.

M. Nicolas Blanc. Je vais vous répondre directement. S’agissant des mesures de simplification, nous en avions déjà proposées dans le cadre de la loi « partage de la valeur » : je pense à l’épargne salariale, sur laquelle le texte portait et qu’il faut encore développer.

Je vais dire un mot de CSRD, qui a permis aux entreprises qui en ont anticipé les effets de se distinguer d’autres grands groupes, notamment en matière de transparence et de RSE. Pour l’entreprise de demain ces avantages sont un gage d’attractivité. Je pense donc que certaines normes, comme celles-ci, peuvent être source non pas de complexité, mais d’avantages concurrentiels et comparatifs.

M. le président Ian Boucard. Comme il nous reste une minute, je redonne la parole à M. Leseul.

M. Gérard Leseul (SOC). Justement, sur ces sujets-là, j’aurais été intéressé d’avoir votre point de vue. Vos organisations se saisissent-elles des reportages extra financiers ? Est-ce un élément de dialogue interne à l’entreprise ?

M. Nicolas Blanc. Je réponds rapidement. Bien sûr, nous formons à ces enjeux nos administrateurs, dans les conseils d’administration où ils siègent. Aujourd’hui, la comptabilité extra-financière est un élément essentiel de l’appréhension de l’entreprise, que nous avons essayé d’accompagner.

Enfin, j’évoque un dernier point sur les marchés publics, et plus particulièrement sur les critères environnementaux. Ces enjeux sont présents partout : aux Etats-Unis, l’Inflation Reduction Act a servi à relancer la commande publique ; il nous faut avoir cette volonté-là. L’effort récemment annoncé en matière de défense passera par des marchés publics ; il est indispensable que le recours accru aux marchés publics reste sous contrôle et soit, par conséquent, encadré par une règlementation adéquate.

M. le président Ian Boucard. Il me reste à vous remercier pour la qualité de vos réponses, et d'avoir préparé cette audition avec les questionnaires adressés.

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*     *

 

M. le président Ian Boucard. Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux par la table ronde des organisations d’employeurs. Nous accueillons cet après-midi : M. Patrick Martin, président du Mouvement des entreprises de France (Medef), accompagné de M. Stéphane Dahmani, directeur adjoint du pôle économie et de Mme Élizabeth Vital Durand, responsable du pôle Affaires publiques ; M. Dominique Chargé, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), accompagné de M. Lionel Vignaud, directeur des Affaires économiques, juridiques et fiscales et de M. Adrien Dufour, responsable des affaires publiques ; enfin, M. Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P) et Mme Thérèse Notte, responsable des relations parlementaires.

Mesdames, Messieurs, nous souhaitons vous entendre – comme nous l’avons fait tout à l’heure avec les organisations syndicales – à la fois sur le projet de loi initial du Gouvernement et sur les modifications introduites au Sénat. Je vais d’abord vous céder la parole pour un exposé liminaire de quelques minutes. Nous en viendrons ensuite aux questions l’un de nos deux rapporteurs, Christophe Naegelen puis à celles des orateurs de groupe et et nous conclurons par les questions individuelles des collègues. Je tiens à excuser notre co-rapporteur Stéphane Travert, qui est retenu pour le moment dans l'hémicycle et qui espère pouvoir nous rejoindre.

Je vous propose de commencer tout de suite la table ronde par le Medef.

M. Patrick Martin, président du MEDEF. Je vous remercie de nous accueillir pour échanger sur ce projet de loi de simplification auquel nous sommes particulièrement attachés et qu'il nous tarde de voir aboutir…

Je tiens d’abord à rappeler que le Medef réunit 200 000 entreprises. Cela signifie que nous représentons tous les secteurs d'activité, toutes les tailles d'entreprises et ce, dans tous les territoires. Le sujet qui nous réunit, celui de la simplification, est un enjeu évident – en tout cas de notre point de vue – dans un contexte international qui exige un niveau de compétitivité et d'attractivité chaque jour plus élevé. Je fais naturellement référence aux offensives que mènent en particulier les États-Unis et la Chine.

Je voudrais m'exprimer devant vous, bien sûr, en tant que président du Medef mais également en tant que praticien. J’ai vécu en tant que chef d’entreprise des situations qu'il vous appartient de prendre en compte et de régler autant que possible.

À titre d'illustration, j'ai engagé il y a quelques années à Brive-la-Gaillarde, en Corrèze, un important investissement, de l’ordre de 35 millions d'euros. J'ai été confronté à toutes sortes de problématiques : ce que j’appelle « l’enquête faune et flore - quatre saisons », les fouilles archéologiques… Tout cela a duré jusqu’au moment où le préfet – je crois en outrepassant ses droits, en tout cas dans la situation de l’époque –, a pris les choses en main et a mis un petit peu d'ordre entre les différentes administrations, pour que le projet avance vite et bien.

J'ai mené des projets dans l’Ain, dans le Rhône et en Mayenne portant sur des bâtiments identiques, pour les mêmes montants d'investissement. Et à chaque fois, nous avons été soumis à des traitements différents…Il y a donc un problème de cohérence dans l’application territoriale de notre droit !

Enfin, je voudrais insister sur l’intensification de la compétition internationale et sur la sensibilité des enjeux de complexité ou de simplification aux yeux des chefs d'entreprises, ainsi qu’à ceux des investisseurs. J’ai envoyé aux États-Unis une mission qui s'est penchée sur l'état général du pays et ses projets – assez inquiétants à bien des égards –. Elle a rencontré en particulier les chefs d'entreprises américains qui ont déjà investi en France ou qui, pour certains d'entre eux, imaginaient d’investir en France. Je vous le confirme : l’enjeu de la simplification est très discriminant ! Pour ma part, j’étais à Bruxelles il y a quinze jours auprès de la Commission européenne. Les enjeux liés à la « directive omnibus » sont également extrêmement prégnants dans nos esprits. Je vais me rendre en Chine dans dix jours avec le ministre des Affaires étrangères et je sais que, là-bas aussi, ces enjeux de simplification, de fluidité, de rapidité dans l'exécution sont pris en compte – probablement de manière plus efficace que dans d’autres pays, malgré la lourdeur de l'administration chinoise.

Par conséquent, c'est un enjeu extrêmement important que vous êtes amenés à traiter. Et nous vous apporterons un soutien résolu.

Je voudrais par ailleurs insister sur le sujet essentiel de la prévisibilité et de la lisibilité du droit. Il est quand même malencontreux que notre propre État soit lui-même conduit à déroger à ses propres règles, c'est à dire à prendre acte du fait qu'elles sont inapplicables, en tout cas trop lourdes, trop complexes et trop bavardes. Je fais référence évidemment aux dispositifs dérogatoires qui ont pu être mis en œuvre, par exemple pour le chantier de Notre-Dame ou pour Mayotte, Comme cela avait pu être le cas dans le passé l'implantation d’’usines Toyota ou celle d’Eurodisney.

Je reviens sur Mayotte. J'étais chez le ministre Manuel Valls il y a quelques jours pour parler des chantiers de reconstruction. Le ministre lui-même a été interloqué parce que la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) refuse de déroger aux procédures en matière d’environnement et, en particulier, veut que les délais d'instruction des dossiers soient ceux de droit commun malgré une situation qui relève en tous points de l’urgence. On marche un petit peu sur la tête, si vous me passez l’expression !

C'est dans cet esprit que le Medef a énoncé une dizaine de propositions. Nous proposons, par exemple, d’encadrer strictement les délais d'instruction des demandes d'autorisation environnementale ; de mettre en place un guichet unique pour celles d'urbanisme ; d’encadrer les délais de jugement des contentieux environnementaux, afin que le juge administratif statue dans un délai de dix mois.Je conclus sur ce point à travers quelques illustrations. Quand je parle de prévisibilité et de stabilité, c'est un enjeu essentiel de sécurité pour les chefs d'entreprise. Il est important, par exemple, que lorsqu’une loi est votée, ses décrets d'application soient pris dans des délais raisonnables.

Je vous cite deux exemples que, pour ma part, je trouve assez choquants. Il s'est écoulé deux ans entre la publication de la loi dite « partage de la valeur » – elle reprenait fidèlement d'ailleurs l’accord national interprofessionnel signé entre partenaires sociaux – et la date à laquelle le dernier décret d'application – qui était extrêmement sensible – a été pris.

Il a été pris – si je ne me trompe pas – à la veille des dernières élections législatives. Et j'ai beaucoup insisté auprès de l'exécutif pour qu’il le soit… Un autre accord national interprofessionnel sur un autre sujet sensible, celui des accidents du travail et des maladies professionnelles, a été transcrit dans la loi – si je ne me trompe pas – il y a trois ans. Or, aujourd’hui, certains décrets d’application restent à prendre sur des enjeux extrêmement importants, qui permettraient d'optimiser le fonctionnement des services de santé au travail. Dieu sait si c'est un enjeu sensible…. Je crois qu'il est important que, une fois que la loi est votée, elle soit respectée.

Le lendemain de mon élection à la présidence du Medef, je me suis rendu en Ille-et-Vilaine, sur le site de l’entreprise Le Duff. L’entreprise projetait un investissement de 150 millions d'euros, avec à la clé 500 emplois directs et 500 emplois indirects. Toutes les procédures administratives étaient purgées. Et puis, des opposants de toute nature se sont mis en travers de la route de ce projet. Monsieur Le Duff, le dirigeant du groupe éponyme breton – solidement ancré dans son territoire – y a renoncé.

Je pense aussi – c'est une actualité plus récente – à ce qui se passe autour de l’autoroute A69 qui, en termes d'aménagement du territoire, sur le plan économique d'économie et à bien d'autres égards encore, est un enjeu important. Mais peu importe finalement ce que l'on pense de ce sujet : à partir du moment où le projet est validé, une annulation ultérieure constitue une source d’instabilité, donc d’incompréhension pour tous les acteurs économiques.

Il est donc important que dans l'élaboration des textes normatifs, il y ait au préalable des études d’impact sérieuses, réelles et exhaustives, y compris – si je puis me permettre – en ce qui concerne un amendement.

Je vais vous citer un dernier exemple ou contre-exemple qui remonter à la loi dite « climat et résilience ». À l'époque, le Medef avait identifié des risques et mis en garde, en particulier contre l’application du zéro artificialisation nette (ZAN) ou des zones à faibles émission (ZFE). Ces avertissements n'ont pas été pris en compte ! On voit ce qu'il advient quelques années plus tard quand il s'agit de mettre en œuvre ces dispositions… Je le répète : il importe de réaliser en amont des études d'impact sérieuses et en aval, une application rigoureuse et stable de la loi autant que possible.

M. Dominique Chargé, vice-président de la CPME. Je vous remercie beaucoup de nous donner la parole dans le cadre de cet échange sur une loi à laquelle nous sommes, nous aussi, évidemment très attachés.

La CPME représente 240 000 entreprises implantées dans l'ensemble du pays. Ce sont des entreprises qui irriguent l'économie et le modèle social de nos territoires. J’ai fait moi aussi, à plusieurs reprises, dans le domaine de l'agriculture et de l'agroalimentaire notamment, des appels à la simplification auprès des différents ministres concernés.

Dans une enquête que nous avons réalisée auprès des adhérents de la CPME, 28 % dirigeants de petites et moyennes entreprises (PME) ont déclaré passer aujourd'hui plus de deux jours par semaine à des tâches administratives. Je tiens quand même à vous le dire parce que c'est un sujet d'importance et que la charge administrative ne fait qu’augmenter.

Entre 2003 et 2023, plus de 1 000 lois ont été promulguées, soit plus de 50 lois par an impactant l’activité des entreprises et leurs dirigeants. Nous faisons face à ce que j'appelle une embolie des normes qui crée – comme l’a dit Patrick Martin – un problème d'appropriation, d'instabilité dans la décision, d'instabilité économique et surtout une source d’insécurité juridique pour les chefs d'entreprise car ils peuvent difficilement appréhender l'ensemble de ces évolutions du droit.

Enfin, se pose la question de la sécurité juridique et donc, au-delà, celle des charges administratives générées par cette embolie normative. Le coût annuel que représente cet excès de normes en France serait de 3 % du PIB, soit près plus de 80 milliards d'euros. La France se classait en 2021 au 82ᵉ rang mondial du World Economic Forum pour le fardeau de la réglementation, très loin derrière les États-Unis et, plus près de nous, de l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Italie et même de la Pologne ou de la Suède, qui sont pourtant des états appliquant beaucoup de normes.

En réalité, ce qui pèse aujourd'hui sur les entreprises, quand on a une question, c'est l'absence de réponse immédiate et les délais nécessaires à l’administration pour en apporter – beaucoup trop longs –, ainsi que l’absence de contact direct au sein des administrations pour résoudre les difficultés. Ce sont les deux sujets évoqués très fréquemment par les chefs d'entreprise confrontés à cette complexité administrative. Et pourtant, la France sait faire des choses intéressantes : pendant la crise de la Covid-19, chacun a pu constater notre capacité à nous adapter aux circonstances, à pouvoir prendre des décisions rapidement et à pouvoir les mettre en œuvre.

La France sait aussi se réformer. Je ne prendrai qu’un seul exemple avec le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, dont nous avions tous prédit que ce serait un échec et qui est, au contraire, un formidable succès ! C’est dire que la France sait se réformer et que l’administration peut aussi faire preuve de beaucoup d'agilité.

Il y a pourtant eu des initiatives prises pour réduire la charge administrative des entreprises. Aujourd’hui, elles s’empilent ! On en a eu un en 2013, en 2018, 2019 et 2020.

Ce qui importe dans ces différents dispositifs, c’est l’établissement d'une relation de confiance. La reconnaissance du droit à l’erreur fait partie des mesures de simplification, dont l’application comporte une obligation de moyens et pas forcément une obligation de résultats.

Je voudrais aussi insister sur le principe du silence de l'administration qui vaut approbation. L’évolution de la réglementation s’accélère et aboutit à plusieurs milliers de procédures à connaître. Cependant, il existe des exceptions aussi nombreuses et, par conséquent, on ne sait plus ce qui relève de la règle et ce qui relève de l’exception : c’est problématique dès lors que l'on cherche à simplifier... Pour en venir plus concrètement au texte qui nous occupe, je veux vous dire que la CPME s’est engagée très tôt, avec les quatre-vingts propositions que nous vous avons remises l'année dernière. Nous nous sommes positionnés sur un certain nombre de sujets que l'on retrouve dans le projet de loi, tel qu'il est rédigé aujourd'hui.

Nous sommes donc favorables, évidemment, à la plupart des dispositions qui y figuraient initialement et à celles qui ont été ajoutées, même si certaines pourraient encore être améliorées. Évidemment, la proposition phare à laquelle nous avons beaucoup participé est celle du « test PME » sur lequel je vais revenir dans un instant – si vous le permettez.

Je veux également citer les mesures qui facilitent la commande publique ou la suppression préalable d'information des salariés en cas de cession de leur entreprise. Je vais y revenir car si le texte abandonne l’amende ou la peine d'emprisonnement, il fait passer la sanction de l'amende de 7 500 euros à 200 000 euros, soit une multiplication par 26. Il ne faudrait pas que l’augmentation de cette amende nous fasse regretter la peine de prison…

M. le président Ian Boucard. La liberté n'a pas de prix, M. Chargé ! Je comprends sans doute l'esprit des sénateurs au moment de faire cet amendement.

M. Dominique Chargé. Pardon, cette évolution ne concerne pas la suppression de la procédure préalable d'information des salariés ! La suppression de la peine d'emprisonnement est prévue pour la non-déclaration au registre des bénéficiaires effectifs…

Un point important pour nous, c'est de faciliter l'essor des grands projets industriels, en facilitant le déroulement des procédures. Mais le projet de loi reste quand même trop restrictif pour les grands projets, parce qu'il concerne seulement les data centers ou les éoliennes en mer. Nous aimerions que les dispositions du projet de loi puissent être élargies et permettent de traiter les enjeux des secteurs de l’énergie, du médicament ou encore de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Il faut favoriser la levée des contraintes –notamment celle du respect du ZAN – et régler les questions portant sur les délais d'instruction et la gestion des recours qui aboutissent à décourager les entrepreneurs. En ce qui concerne aussi toutes les normes relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), il faut aussi réaliser des simplifications et favoriser l'accélération des procédures.

La refonte du bulletin de paye prévue à l’article 7 du projet de loi a été supprimée parce que le dispositif n'apportait absolument aucune simplification – ou seulement pour le salarié. Il s’agit d’une mesure qui créait de la complexité pour l'entrepreneur.

L'article 16 du projet de loi déroge à l’obligation d'allotissement pour certains marchés publics – ce qui nous paraît constituer un problème, en tout cas pour les PME : l'allotissement permet de souscrire à certaines portions de marchés publics, alors que soumissionner de manière globale, c'est plus difficile. Par conséquent, je vous invite à y regarder de plus près et à rétablir le principe de l‘allotissement, notamment pour les gros marchés publics. S’agissant des locaux à usage commerciaux, certains de nos adhérents estiment que la définition donnée à l’article 24 A est trop restrictive : elle pourrait être élargie à des lieux où on reçoit de la clientèle de manière de manière temporaire ou en des occasions ponctuelles.

En ce qui concerne les formulaires Cerfa – nous en avons recensé 1800 –, les deux tiers, doivent être remplis à la main puis soit scannés soit postés. Pourtant, 80 % des informations qui sont demandées par ce biais sont déjà des informations connues ou produites par l'administration même. Nous proposons plutôt de créer un coffre-fort numérique qui donne vraiment les moyens d'appliquer le principe « dites-nous-le une fois pour toutes ». C'est quelque chose d'important !

Dans le registre des choses que l'on fait et qui sont probablement ou qui pourraient être très allégées, les entreprises remplissent 15 millions de déclarations d’arrêts maladie alors que les organismes de sécurité sociale sont déjà prévenus. Il en va de même pour les 26 millions d'attestations de chômage que les entreprises établissent chaque année. Je pense que l'on pourrait simplifier tout cela.

J'en viens au dernier point : le « test PME », aussi qualifié, de manière plus générale, de « test entreprises ».

L’appellation du « test PME » a été modifiée et le projet de loi adopté par le Sénat crée désormais un Haut conseil à la simplification pour les entreprises. De notre point de vue, ce n’est pas tout à fait l'esprit dans lequel nous l'avions imaginé et même testé, avec un essai sur l’application de la directive CSRD. Dans ce cadre, nous avons sollicité quatorze entreprises et nous les avons mis en rapport avec l’administration compétente, à savoir la direction générale des Entreprises, afin de réaliser, une évaluation concrète, in situ, de ce qu'étaient les conséquences de l’application de nouvelles normes réglementaires dans les entreprises, à la fois sur le plan du temps passé, du coût et, évidemment, des contraintes.

De notre point de vue, si l'on veut conserver un test efficace et conforme à la manière dont nous l’avions défini, il faut que l’évaluation implique à un moment des entrepreneurs et des entreprises pour faire une étude d'impact. C’est pourquoi nous proposons que le Haut Conseil chargé de réaliser le test PME soit aussi habilité à suivre l’exécution de l'étude d'impact, afin que l’administration n’ait pas la tentation d’obtenir le résultat qu'elle souhaite dans le cadre de cette étude et que celle-ci prenne bien en compte les commentaires et les avis des entreprises.

Nous souhaitons aussi que lorsque le Haut Conseil émet un avis non suivi par le Gouvernement, et que le Parlement décide de passer également outre, ces décisions soient systématiquement motivées. Nous pensons par ailleurs que la saisine du Haut Conseil doit pouvoir être effectuée par les chefs d'entreprises, par le biais de leurs interprofessions, de sorte de conférer une efficacité maximale au « test PME ».

Voilà en peu de mots les points sur lesquels je voulais vous interpeller.

M. le président Ian Boucard. Merci, Monsieur Chargé. Nous aurons l'occasion – j'en suis sûr – de revenir sur l'idée du test entreprise, certains groupes ayant déjà pris position contre tout à l'heure. Je passe la parole à Monsieur Picon pour l’U2P.

M. Michel Picon, président de l’U2P. L'U2P représente l'ensemble des très petites entreprises (TPE) de ce pays, à savoir celles de moins de dix salariés. La moyenne du nombre de salariés dans nos entreprises est plus proche de quatre. Inutile de vous dire que les questions de complexité et de temps administratif se posent dans ces petites structures, au détriment de la vie familiale la plupart du temps. Je pense par exemple à une infirmière qui doit prendre deux heures chaque jour pour codifier l'ensemble des actes qu’elle pratique et ce genre vaut pour beaucoup d'autres professions.

L'U2P porte évidemment un très grand intérêt au projet de loi et aux dispositions qu'il contient. Je ne vais pas les lister toutes ! Nous avons formulé 130 propositions émanant de l'ensemble de nos secteurs puisque notre organisation couvre le champ de l’artisanat, le champ du commerce et le champ des professions libérales.

Bien entendu, je retiens le dispositif du « test entreprise » mais si vous me le permettez, il conviendrait aussi d’envisager un « test TPE » car ce qui peut très bien marcher dans une structure de 50 ou 80 personnes, dotée d’un directeur des affaires financières et d’un directeur du personnel, peut ne pas du tout fonctionner dans une petite entreprise de huit ou neuf salariés. J’attire donc votre attention sur le fait que ce « test entreprise » doit être un peu multiforme et prendre en compte l’application des normes dans une TPE. Oui, l'insécurité juridique dans les TPE est vraiment extrêmement préoccupante ! On voit des gens qui se retrouvent en difficulté, poursuivis alors qu'ils n'avaient pas l'intention de se mettre en infraction. Tout cela à cause de la complexité croissante des règles auxquelles ils sont soumis.

Comment ne pas aborder les deux nouvelles dispositions qui vont s'appliquer aux entreprises ? Celle du guichet unique par exemple, qui existe déjà mais qui pose des difficultés. Si nous l'avions testé, peut être aurions-nous perdu un peu moins de temps… Nous sommes très inquiets également de ce qui va se passer avec la facturation électronique alors que l’État nous avait promis une plateforme publique mise à disposition des entreprises. On nous dit aujourd’hui qu'il faudra que chacun se débrouille. Est-ce que ça va marcher ? Là encore, le test et la réflexion préalables nous paraissent devoir être renforcés.

Et puis, bien évidemment, il y a tous les toutes les dispositions environnementales qui pèsent sur les entreprises. Nos petites entreprises sont souvent sous-traitantes de grands groupes. Mais comme Patrick Martin l’indiquait tout à l'heure, lorsque des grandes entreprises ne peuvent pas développer leurs chantiers, eh bien c'est autant de petites entreprises en sous-traitance qui sont bloquées et qui sont en difficulté !

Voilà ce que je voulais vous vous dire à titre liminaire. Nous sommes très heureux que ce texte arrive enfin devant cette assemblée. Nous l'attendions ! Pour nous, ce n'est pas un aboutissement car nous avons conscience que le chantier est immense. On ne vide pas la mer avec une petite cuillère à café, mais presque !

M. le président Ian Boucard. Je vais passer maintenant la parole à notre rapporteur sur la première partie du texte, Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Monsieur Martin, vous parliez de cohérence et d’application du droit dans votre propos liminaire. Pourriez-vous nous citer deux ou trois exemples des incohérences que vous auriez vous-même expérimentées ? À quel niveau se situaient-elles ?

Deuxièmement, quelles démarches précisément pourraient être modifiées pour faciliter la vie des entreprises et leur développement ? Je pense notamment à des procédures qui pourraient passer d’autorisations à de la déclaration, ou des autorisations qui pourraient passer de l’avis conforme à un avis simple. Comment simplifier concrètement ?

Monsieur Chargé, à l’inverse vous parliez d’embolies normatives et donc je voudrais aller un peu plus dans le détail. Concrètement, quelles sont-elles ? Qu’est ce qui pourrait être supprimé, parmi ce qui est aujourd’hui demandé aux entreprises, pour faciliter la vie des chefs d’entreprise ?

J’avais demandé l’envoi d’un questionnaire aux adhérents de vos trois organisations de mon département, mais les réponses manquaient de concret. Aujourd’hui, je suis assez content de toutes les propositions qui ont été avancées.

Dernière question pour Monsieur Picon, au sujet des TPE que vous représentez, concernées par la sous-traitance plutôt à la fin de la chaîne, pensez-vous qu’il faudrait limiter encore plus la sous-traitance, à un ou deux échelons peut-être ?

M. le président Ian Boucard. Merci, Monsieur le rapporteur. Je vous invite tous à faire des réponses les plus concises possible pour que le dialogue puisse circuler, que l’ensemble des groupes puisse s’exprimer et qu’on ait un débat très constructif.

M. Patrick Martin. En matière d’incohérence, je reviens d’un mot sur l’impérieuse nécessité d’être cohérent au sein de l’Union européenne. Je pense qu’il faut que nous nous interdisions tout ce qui, de près ou de loin, ressemble à des sur-transpositions, ou au moins, de manière plus tactique, que l’on ne soit pas toujours les meilleurs élèves de la classe en se précipitant pour transposer des directives alors que d’autres pays tardent à le faire. Je pense notamment à la directive dite « CSRD », en rappelant qu’il y a dix-sept pays de l’Union européenne et pas des moindres – l’Allemagne, en particulier – qui ne l’ont toujours pas transposée. En matière d’incohérences, j’évoquais tout à l’heure les gros investissements que mon entreprise familiale a engagés dans différents départements ; ce sont exactement les quatre mêmes : 35 000 mètres carrés de construction et 170 emplois dans chaque cas. Parfois, on nous a imposé l’étude « Faune flore, quatre saisons », parfois non. Dans certains cas, les préfets ont pris les choses en main, ont coordonné les différentes administrations pour réduire les délais, y compris celles qui, à ma connaissance, ne relèvent pas de leur autorité hiérarchique. Dans d’autres cas, ils ne l’ont pas fait, ce qui crée donc un aléa extrêmement préjudiciable. J’évoquais tout à l’heure le projet que nous avons mené à bien à Brive, grâce au préfet et au maire : à un moment donné, pour tout vous dire, j’étais sur le point de renoncer à ce projet-là.

Il faut donc une cohérence par rapport aux pays voisins et une cohérence à l’intérieur même de notre pays, d’un territoire à l’autre. À cet égard, le rôle donné aux préfets me paraît très déterminant. Il y a toutes sortes de préfets – on les respecte tous par définition – mais en règle générale, les préfets sont des gens soucieux d’opérationnalité.

M. Dominique Chargé. Je vous ai cité dans mon propos préalable ce qu’était aujourd’hui la logique des Cerfa : nous sommes toujours contraints de les remplir et de les adresser, alors que les administrations disposent déjà de ces informations.

Je vous ai cité aussi les 15 millions de déclarations d’arrêts maladie, les 26 millions d’attestations d’assurance chômage. Je relevais aussi le temps passé à l’appropriation des évolutions de la réglementation, celles environnementale et fiscale par exemple. C’est du temps passé à décrypter de la complexité. Dès lors qu’on a un projet d’extension ou de modernisation, en somme de transformation de son entreprise, on a une complexité administrative en France. Dans le secteur que je connais le mieux, on dit qu’il faut en France trois, quatre, cinq ans pour faire aboutir un projet, là où il faut entre 18 mois et deux ans en Allemagne par exemple. Ces délais sont liés à la complexité, au temps de gestion administrative dans notre pays.

Au-delà de cette complexité administrative, nous faisons aussi tous face à des recours, notamment autour des questions environnementales. Je pense qu’il y a une réflexion à conduire autour du traitement de ces recours, en tout cas des délais qui leur sont applicables et de leur récurrence : on doit trouver une solution pour faire en sorte que nous puissions mettre un terme à un moment donné à l’instruction d’un dossier, après son acceptation et sa validation administrative.

De surcroît, les entreprises passent beaucoup de temps, et de plus en plus, sur les rapports financiers et extra financiers, ou sur les obligations issues de la loi dite « loi Sapin 2 ».

M. Michel Picon. Monsieur le Président, vous me questionnez sur la sous-traitance. Nous pensons que deux étages de sous-traitance doivent être suffisants, sans quoi on aboutit à une dilution de la valeur créée.

Je vais prendre deux exemples pour illustrer un petit peu mon propos, un qui est dans le bâtiment et l’autre qui est dans l’alimentaire.

Dans le bâtiment, on m’indique qu’il faut faire une première déclaration concernant les informations exigées avant de commencer des travaux, par exemple au sujet des réseaux d’électricité ou d’éclairage public. Tout cela est du bon sens. Mais dans le même temps, il faut faire une seconde demande pour l’occupation du domaine public. Pourquoi en faire deux alors qu’une seule permettrait de simplifier la vie des entreprises ?

Dans l’alimentaire, il existe une déclaration qui doit être faite lors de l’enregistrement d’un commerce alimentaire. Mais si votre activité vous amène à manipuler des denrées alimentaires d’origine animale – c’est le cas d’un boucher, d’un poissonnier, d’un fromager –, alors il faut faire deux déclarations à deux administrations différentes.

Je souhaiterais aussi attirer votre attention sur l’article 6. À l’U2P, nous considérons que l’information préalable des salariés lors de la cession de leur entreprise est pour nos petites entreprises impossible, parce que dans une petite structure, lorsque le boulanger commence à dire qu’il va partir et qu’il doit en informer ses cinq salariés, les clients prennent leurs habitudes ailleurs. Par conséquent nous sommes vraiment très opposés à cette disposition très problématique dans nos petites entreprises, et nous demandons le maintien de la suppression adoptée par le Sénat.

S’agissant du bulletin de salaire, ce n’est pas le nombre de lignes qui pose question, c’est la difficulté de la lecture du bulletin de salaire que les différentes exonérations rendent complexe. Je ne veux pas dire par là qu’il faut remettre en cause les exonérations, bien évidemment, mais en s’attaquant au nombre de lignes, on prend le risque que tous les matins, le salarié vienne vous voir en vous demandant « Combien payé-je pour ma complémentaire santé ? Quelle est la participation de l’employeur ? Quelle est ma participation ? Cela n’est plus marqué sur mon bulletin de salaire », cela ne fait pas gagner du temps. C’est la raison pour laquelle nous espérons que cette disposition ne sera pas reprise.

M. le président Ian Boucard. Nous passons à l’expression des groupes pour une durée de trois minutes. Je commence avec Monsieur Gérard Leseul pour le groupe Socialistes et apparentés.

M. Gérard Leseul (SOC). La balle est dans le camp du législateur qui légifère sur tout et n’importe quoi, disiez-vous récemment, monsieur Martin, dans la presse. Et tout à l’heure, vous avez pris comme exemple la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique comme loi excessive. Comment envisagez-vous, vous qui êtes représentant du Medef, la question assurantielle des entreprises et notamment des entreprises ayant des ICPE, qui sont aussi menacées à moyen terme par la montée des eaux, notamment dans la vallée de Seine où je suis élu comme parlementaire ?

N’étant pas certain que le projet de loi aboutisse dans sa totalité, quelles seraient pour chacun de vous les deux mesures que vous souhaiteriez absolument conserver de ce texte ?

Enfin, nous avons auditionné tout à l’heure les syndicats de salariés. Êtes-vous favorables à la participation des représentants des salariés au Haut Conseil à la simplification des entreprises, prévu par l’article 27 du projet de loi ?

M. Thierry Tesson (RN).  Effectivement, cette simplification de la vie économique des entreprises renvoie en fait – cela a été dit à de nombreuses reprises – à la réduction des normes qui leur sont imposées. Or, à l’heure où les entreprises françaises sont en proie à une concurrence étrangère parfois déloyale du fait de ces normes et parfois même d’un protectionnisme assumé, l’Union européenne ne cesse de s’enfoncer dans son obsession normative et ses objectifs dogmatiques de décarbonation. Le nombre de défaillances d’entreprises atteint un niveau record et nous voyons arriver une vague de fermetures de sites et de plans de sauvegarde catastrophiques pour le pays.Face à cette situation dramatique, voici le projet de loi qui nous est proposé. Ce texte est très imparfait. Il est même impossible à résumer. Il ne procède à aucune suppression de normes quand on y regarde de près. Je n’évoque même pas l’ébouriffante invention d’un Haut conseil, alors même qu’on essaie de réduire tous ces comités et agences pour simplifier la vie économique.

Les entreprises françaises ont besoin de souffle et de souplesse pour retrouver de la compétitivité, laquelle passe par le desserrement de ce carcan normatif. Les entrepreneurs que vous êtes ont besoin de liberté pour créer, innover, se développer. Comme le proposait le Rassemblement National lors de la campagne des élections législatives, il est impératif de lancer des États généraux de la simplification afin de s’attaquer en profondeur aux stocks de normes tout en préservant la sécurité juridique des entreprises et des salariés.

Nous attendons de vous, représentants des entreprises françaises, créateurs des richesses primaires du pays, un message de clarté et, pourquoi pas, de patriotisme pour aider à la simplification dont notre pays a besoin.

Nous soutiendrons vos contributions respectives pour proposer des mesures de simplification, surtout si elles contribuent au renforcement de notre souveraineté nationale. Cela implique que la France s’affranchisse des injonctions européennes et de la logique mortifère de sur-transposition.

Nous ne pouvons pas nous contenter de simples reports de calendrier en matière d’objectifs de décarbonation. Nous devons mettre un coup d’arrêt aux obligations découlant du Pacte vert pour l’Europe. Au-delà de votre regard sur les mesures contenues dans ce projet de loi très compliqué, êtes-vous prêts à soutenir une véritable politique d’allégement des normes où ne primerait qu’un seul intérêt, celui des entreprises françaises ? Êtes-vous donc prêts à renoncer à la logique de sanctions et de subventions du Pacte vert pour l’Europe pour vous avancer avec une autre boussole, celle de la protection de nos intérêts stratégiques nationaux ?

Mme Danielle Brulebois (EPR). Je suis députée du Jura et je peux vous dire que vos organisations font un travail important pour soutenir et accompagner nos entreprises.

D’ailleurs, elles ont fait remonter des propositions très importantes sur ce projet de loi ; la simplification est la première préoccupation. Je parle bien sûr du fardeau normatif, avec un flux français qui s’ajoute au flux européen, qui s’ajoutent au stock législatif et qui ne fait que s’accroître.

Je pense que nous parlementaires devons faire aussi notre examen de conscience. Vous avez demandé un test PME sur les projets de loi : je pense qu’il faut qu’il s’applique aussi aux propositions de loi et aux amendements, parce qu’un simple amendement peut avoir des conséquences très importantes. Je pense qu’il faudrait aussi qu’on applique ce test PME au niveau européen, et donc je partage votre souci de lutte contre la sur-transposition des textes européens. En France, j’ai travaillé plusieurs fois sur les projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne et je peux vous dire que je me bats constamment pour qu’on ne sur-transpose pas. Malheureusement, on l’a fait sur la CSRD. Aujourd’hui, pour entreprendre en France, il faut être très courageux. On l’a dit, les délais sont très longs par rapport aux concurrents européens. De plus, nos entreprises ont un gros souci actuellement : le coût de l’énergie. Je pense qu’on les décourage encore davantage avec des réglementations. J’ai dans le Jura, par exemple, une entreprise qui s’appelle Smoby, qui doit s’agrandir et créer des emplois. C’est un investisseur allemand. S’il ne peut pas grandir, il va s’en aller ailleurs. Ce sont 600 emplois qui risquent de s’en aller pour trois hectares. À cela s’ajoutent les réglementations des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) qui sont parfois très pointilleuses : on trouve au dernier moment un batracien et alors qu’on avait tous les toutes les autorisations environnementales le projet recule.

Par conséquent, j’espère que cette loi de simplification va clarifier les choses et les améliorer. Mais je pense qu’il faut être très vigilant parce qu’on a déjà fait des lois de simplification et on voit que les choses n’ont pas beaucoup avancé, donc nous comptons sur vous pour nous soutenir !

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Mesdames et Messieurs les représentants des organisations patronales, si j’osais une petite provocation humoristique, je dirais qu’en vous entendant, on se demanderait s’il ne faudrait pas mettre des critères de pénibilité pour la retraite des chefs d’entreprise tellement vous avez l’air écrasés par ce fardeau administratif qui n’est en fait que la défense de l’intérêt général, notamment écologique et social, de notre pays.

Dans le rapport sur la perte de souveraineté industrielle que je viens de rédiger avec deux de mes collègues, nous identifions les difficultés véritables de l’économie française : le prix de l’électricité, la concurrence déloyale et l’absence de protectionnisme sur un certain nombre de filières stratégiques, l’absence de visibilité d’un certain nombre de filières et des va-et-vient législatifs et réglementaires qui ne sont pas compatibles avec l’exigence de rentabilité à court terme de certains, notamment dans les plus grandes entreprises, de vos actionnaires ; enfin, il faut citer la faible part laissée aux salariés dans l’orientation des entreprises. À ce sujet, je voudrais vous entendre sur la modification qu’a apportée le Sénat sur l’information des salariés en cas de cession de l’entreprise, alors que nous croyons au contraire que c’est une manière de favoriser la reprise par les salariés d’un certain nombre d’entreprises, notamment lorsqu’un chef d’entreprise part à la retraite et que c’est là une manière de conserver l’outil de travail et le savoir-faire.

Concernant la simplification, vous avez évoqué un indicateur du Forum économique mondial qui dirait que la France est un enfer bureaucratique. Je voudrais vous citer une officine gauchiste qui s’appelle l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et qui, dans son indicateur de régulation des marchés et des charges administratives et réglementaires dit que la France est mieux placée que la moyenne des pays de l’OCDE, mieux placée que l’Allemagne, mieux placée que les États-Unis.

Il y a donc manifestement un parti pris dans les sources que vous citez, que nous ne retrouvons pas dans l’OCDE.

Mais puisque vous voulez parler de simplification, alors parlons-en. Pourquoi ne pas faire 100 % de couverture maladie par la sécurité sociale plutôt que d’avoir des complémentaires santé ? Peut-être que vos entreprises adhérentes dans le secteur de l’assurance n’y seraient pas favorables. Peut-être qu’il faudrait revenir à un monopole sur l’électricité, mais pas sûr, là encore, que les fournisseurs alternatifs y soient favorables. Peut-être qu’on pourrait revenir sur les dérogations que vous avez vous-mêmes exigées et qui ont complexifié beaucoup le droit du travail.

Je peux vous accorder un point, monsieur Martin, sur le chantier de l’A69. Oui, il est absurde d’arrêter un chantier quand il a commencé. Mais il est encore plus absurde de commencer un chantier qui est illégal. Et donc le chantier de l’A69 n’aurait jamais dû commencer. Voilà peut-être une simplification. Respecter la loi, c’est souvent s’éviter aussi des problèmes.

Un grand nombre d’entreprises se sont engagées dans le respect de la réglementation, dans les reporting extra-financiers, elles se sont même parfois transformées en entreprises à mission. Elles veulent être vertueuses et en quelque sorte, la simplification risque d’aboutir à une dérégulation qui donnerait une prime aux mauvais élèves, et pas aux entreprises les plus vertueuses.

Je ne suis pas sûr que la « trumpisation » soit l’avenir de l’économie et du patronat français.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Je suis présidente du groupe d’études Artisanat, commerce et métiers d’art, ce qui peut expliquer que ma préoccupation se soit très largement portée sur la question de la complexité administrative.

Nos entreprises ont besoin qu’on les accompagne et non qu’on les bride. Il faut que nous, en tant que responsables politiques, libérions les énergies qui sont déployées dans vos entreprises, à commencer par celle du chef d’entreprise qui a mis un euro ou plus de sa poche pour innover, pour se lancer dans une entreprise sans véritablement savoir de quoi le lendemain serait fait.

Nous devons aussi penser à l’ensemble des salariés qui participent, grâce à leur travail, à leur mérite aussi, à cette aventure collective qu’est l’entreprise. Donc oui, il faut libérer les énergies à la fois des contraintes administratives, mais aussi des contraintes fiscales.

On le voit bien sur le terrain et les chefs d’entreprise nous le disent : à la multiplication des tâches inutiles et des dossiers répétitifs – j’ai souvent tendance à dire que la France devient le pays des CERFA – s’ajoute une dématérialisation parfois à outrance, qui n’est pas toujours très pertinente en raison de la perte de contact avec nos administrations qu’elle induit. Il a été rappelé ce qu’étaient qu’aujourd’hui très concrètement la bureaucratie et la technocratie, et le poids qu’elles représentent aussi au quotidien.

Sur les questions agricoles, je suis préoccupée par la politique de l’exception c’est à dire qu’on crée des dispositifs comme le ZAN ou les AFE, et ensuiteon multiplie des exceptions et on n’en finit plus. Il en est de même s’agissant de la question du droit à l’erreur pour les agriculteurs, la loi Essoc a prévu une multiplicité d’exceptions. Où est ce que cela bloque ? À quel niveau on peut arriver à dénouer les difficultés qui vous touchent au quotidien ? C’est aujourd’hui notre objectif, parce qu’on a maintes et maintes fois parlé de simplification. Il s’agit aujourd’hui évidemment de ne pas renforcer le poids des normes, qui est déjà suffisamment important, mais également de vous permettre, de par notre rôle de contrôle de l’exécutif, de dénouer les difficultés que vous pourriez rencontrer auprès de nos administrations.

Mme Béatrice Bellamy (HOR). Je suis députée de la Vendée et comme vous le savez, il s’agit d’un département dynamique avec de très belles industries et en même temps avec un terreau agricole aussi très présent.

Je vais remonter chronologiquement. J’ai eu l’occasion dès le mois de juin de rencontrer toutes les organisations patronales sur mon territoire de la Vendée. C’était juste avant la dissolution. J’ai réitéré l’expérience une deuxième fois avant la censure. Et la troisième fois - jamais deux sans trois -, c’est aujourd’hui. Tant mieux, c’est bon signe ; les choses ont certainement mûri entre-temps et nous avons eu le temps d’y réfléchir pour être le plus opérationnel possible.

Au cours de ces réunions d’échanges, la CPME m’a exprimé ses préoccupations relatives aux services de santé au travail. Cela prend du temps pour les responsables en charge des ressources humaines et crée une complication puisqu’on a l’impression que c’est le patron qui doit tout gérer pour ses salariés. Je viens du privé et j’ai travaillé dans une grande entreprise, j’étais une salariée et en tant que telle j’avais l’habitude aussi de m’autogérer. Je préfère que cela marche dans ce sens-là.

Cela a été exprimé d’ailleurs tout à l’heure: on n’a plus de médecins du travail ou pas suffisamment, et on se retrouve bien souvent face à un service d’infirmiers. Pour autant, est-ce que c’est réellement nécessaire ? Est-ce qu’on ne pourrait pas aussi faire confiance en son médecin généraliste qui, je pense, serait tout à fait apte à délivrer les certificats demandés ?

Quand il y a un arrêt longue durée, en général c’est pour une maladie longue durée ou un congé maternité. Est ce qu’il est nécessaire de retourner demander une visite d’embauche alors que, en général, on n’a pas cessé pendant ces quelques mois d’arrêt de consulter des médecins, qu’ils soient généralistes, spécialistes ou gynécologues si c’est dans le cadre d’une maternité ? Je me demande si une attestation du médecin ne pourrait pas suffire pour une reprise après un arrêt longue durée. En tout cas, ce sont des idées que vous m’avez formulées.

Le MEDEF s’est déclaré favorable à la simplification du code du travail. Pouvez-vous détailler aussi ces points ?

Vous m’avez aussi alerté sur les arrêts de travail et l’augmentation des risques psycho-sociaux : pourquoi, que pouvons-nous faire ? Je pense que ce texte de loi, si on veut qu’il soit utile à vos entreprises, à votre quotidien, doit être nourri par nous de vos besoins et de vos informations.

M. le président Ian Boucard. Merci Madame Bellamy. Je propose de commencer par Monsieur Martin pour les prises de parole en réponse à ces questions.

M. Patrick Martin. Je vais me permettre de réagir pour commencer aux propos de Monsieur le député Leseul. Il ne faut pas qu’il y ait de confusion. Je me suis effectivement ému qu'il y ait une législation foisonnante. Je crois que les chiffres parlent d'eux-mêmes. Quand on voit le nombre de textes qui étaient votés à une époque et qui le sont aujourd'hui, c'est vrai au niveau européen, de la même manière. Nous avons eu en Europe, sous la dernière mandature, douze textes, douze directives par mois applicables aux entreprises. Inutile de vous dire que même les entreprises les mieux outillées ne savent pas suivre ce rythme. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Je voudrais également revenir en particulier sur la loi « Climat et Résilience » qui, à mes yeux, est un cas d'école. Je crois pouvoir dire qu'il y avait consensus sur les objectifs de cette loi. Le Medef était très en soutien des objectifs tels qu'ils avaient été définis par la convention citoyenne. Ce sont les modalités qui posent problème. Je rappelle que cette loi comporte 305 articles, ce qui est déjà une illustration du foisonnement législatif que j’évoquais précédemment.

J’en reviens surtout à ce que je vous disais tout à l'heure sur l'absence d'étude d'impact. Il est assez édifiant qu'une loi à vocation environnementale ne comporte même pas d'étude d'impact environnemental. Nous avons fait chiffrer de manière indépendante et sérieuse le coût de la tonne de CO2 évitée par cette loi. Ce coût est évalué à hauteur de 800 € la tonne de CO2, alors que le prix de marché de la tonne de CO2 était de 80 € à cette époque. Cela signifie qu'au moment où les finances publiques étaient déjà tendues, où les entreprises pouvaient, pour bon nombre d'entre elles, déjà rencontrer des difficultés en termes d'activité et de compétitivité, la collectivité publique a décidé de payer dix fois plus cher que le prix de marché la tonne de CO2 évitée.

S'il n'y a pas eu d'étude d'impact environnementale dans le cadre d'une loi, je le redis, environnementale, il n’y a a fortiori eu aucune étude d'impact, ni économique, ni sociale, ni territoriale. Je me souviens très bien avoir pris la parole sur ce sujet-là pour souligner ces limites. À l’époque, dans le monde politique, c'était totalement inconvenant d'émettre la moindre objection s'agissant de cette loi, qui a d’ailleurs été massivement votée par votre Assemblée. Je crois qu'à l'épreuve des faits, on observe que, y compris dans des territoires qui étaient très volontaires, les dispositifs ont été réduits ou ils n’ont en définitive pas été mis en œuvre, par exemple pour l'installation des ZFE.

Sur le dispositif ZAN aussi, cela était évoqué s'agissant du logement, la loi est allée trop vite, avec des modalités inappropriées. Pour citer un dernier exemple, celui de l'obligation de rénovation thermique des logements. Nous partageons bien évidemment l’objectif poursuivi. On voit néanmoins clairement que cela n'a pas été suffisamment expertisé. Cela a conduit à ce qu'on sorte du marché du logement, déjà incroyablement tendu, bon nombre de logements qui feront encore plus défaut à nos concitoyens. On peut anticiper, là aussi, que les décrets d'application de cette loi seront révisés.

En résumé, mon propos principal est de dire qu’il est intéressant, en amont de l'élaboration de la règle, de prendre le temps de partager avec les acteurs concernés. Il faut prendre en compte autant que possible leurs points de vue pour que nous ayons des lois peut-être moins longues, plus pertinentes et qui atteignent leurs objectifs. Ce n’est malheureusement pas le cas de la loi « Climat et Résilience ».

Je souhaite revenir maintenant d'un mot sur ce qui a été dit sur les accidents du travail et maladies professionnelles. La loi du 22 avril 2024 relative aux congés payés et aux arrêts maladie a fait l'objet de discussions, de tractations et de négociations assez approfondies avec les organisations syndicales. Nous avons réussi à aboutir à un accord. La situation que vous évoquiez tout à l'heure, c’est-à-dire la pénurie de médecins, a parfaitement été prise en compte dans le cadre de cette loi qui prévoit notamment de recourir à la médecine de ville ou aux infirmiers pour procéder à un certain nombre d'examens obligatoires dans bon nombre de cas probablement nécessaires.

En dépit de cet accord, les décrets d'application n’ont toujours pas été adoptés par le ministère de la Santé à trois ans d'intervalle. Alors quand, à bon droit, certaines organisations syndicales ou certains salariés, mais aussi certains chefs d'entreprise, se plaignent des dysfonctionnements de la médecine du travail, une des explications est à rechercher dans l’absence de décrets d'application d'une loi que vous avez pourtant votée. Convenez que c'est un peu surprenant !

M. Dominique Chargé. Je répondrai d’abord au député Leseul qu’au sein de la CPME. Nous ne pouvons pas choisir entre les mesures. Elles sont toutes importantes pour soutenir un processus de simplification massif. En conséquence, je ne peux pas répondre au choix devant lequel vous nous mettez.

Nous sommes très attachés évidemment au test entreprises prévu par l’article 27 du projet de loi. Je souhaite vous dire à ce propos que nous ne sommes pas favorables à la participation des salariés au Haut Conseil, parce que cette instance ne peut pas être le lieu des échanges partenariaux, que nous avons par ailleurs à d'autres endroits, de manière évidemment tout à fait légitime et nécessaire.

Je voudrais répondre également au député Tesson en lui disant que je suis comme vous très attaché à la compétitivité, à la liberté, à la création de richesses, et au patriotisme dans nos choix de consommation. Je ne me sens toutefois pas en capacité de faire un choix entre produire ou protéger l'environnement pour répondre aujourd'hui à ce que sont les urgences climatiques et écologiques. Je pense que nous ne devons pas opposer entreprise et environnement.

Nous ne devons pas davantage opposer compétitivité et transition. Nous devons en effet traiter les deux sujets de pair parce qu’ils sont tous les deux importants. Je considère, à cet égard, que le Pacte vert, européen, que l’on appelle aussi le Green Deal était, dans sa première version, était trop violent, et ne nous donnait pas suffisamment de temps et de moyens pour procéder aux adaptations nécessaires. Nous sommes attachés à ce que sa révision nous donne de la souplesse. Nous ne souhaitons pas modifier la trajectoire et l'objectif visés qui, de notre point de vue, sont tous deux nécessaires mais ne doivent pas être opposés, encore une fois, au processus d'entreprise ou de compétitivité.

Pour répondre à Madame la députée Brulebois, je voudrais dire que nous préférons de loin la méthode Notre-Dame à la méthode utilisée sur le dossier de l’A69. Comme citoyen de Loire-Atlantique, je pourrais aussi vous parler aussi de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et vous faire un très long commentaire sur le déroulement de ce processus référendaire. Si vous voulez dégoûter les citoyens de la démocratie, je vous invite à y recourir plus souvent, mais je pense que tel n’est pas votre objectif.

En définitive, je voudrais simplement vous dire que, évidemment, le test entreprises à l'échelle européenne était probablement une bonne idée et qu'il fallait le porter à ce niveau-là. Sur le processus lié à la directive CSRD, je vous invite à travailler d'ores et déjà aux transpositions que vous seriez amenés à faire, et à éviter toute sur-transposition. Là encore, je pense que nous avons besoin d'une courbe d'apprentissage plus longue et surtout d'un dispositif qui soit plus adapté à l'entreprise.

Monsieur le député Tavel, je partage avec vous le fait que le prix de l'énergie est un élément déterminant de la compétitivité de nos entreprises et que nous avons besoin au sein d'une grande nation comme la France, d'une électricité abondante, décarbonée, donc nucléaire, et pas chère. L'électricité n'est, de mon point de vue, pas un objectif, mais un moyen qui doit être, entre autres, mis à disposition de la compétitivité des entreprises. Je suis attaché à ce que dans la trajectoire aujourd'hui donnée à EDF, qui a un actionnaire unique, nous restions dans cette logique, celle d'avoir une énergie abondante et bon marché pour les entreprises.

Pour répondre à la question sur les blocages, je vous dirai que, de mon point de vue, ce qui bloque en France, c'est la façon dont l'entrepreneur et l'entrepreneuriat sont perçus. On aimerait, lorsqu'on s'adresse à une administration, centrale ou décentralisée, se sentir accueilli, soutenu et encouragé. Quand j’échange avec mes collègues allemands ou ailleurs en Europe, j’observe que les choses sont différentes au sein des autres pays.

M. le président Ian Boucard. Merci Monsieur Chargé. J'en profite pour excuser et remercier Monsieur Martin qui nous a prévenu qu'il devait nous quitter à 19 h 30. Je vous cède la parole Monsieur Picon.

M. Michel Picon. Pour répondre à la question : quelles mesures faudrait-il garder si on ne devait en garder que deux ? Je partage les propos de mon collègue de la CPME, il est difficile de raisonner ainsi. Si je devais néanmoins choisir, je garderai le test « entreprises ». Je pense que cette mesure aurait pu nous éviter un certain nombre de déboires tout au long des vingt dernières années et peut-être avant.

Pour ce qui concerne, par ailleurs, la participation des salariés à ce Haut Conseil, je partage ce qui a été exprimé. Cette instance a vocation à traiter un sujet « entreprises ». Je ne pense donc pas qu’il doive être ouvert aux salariés. Je profite d’ailleurs de nos échanges à ce sujet pour demander que les petites entreprises que nous représentons ici puissent y figurer de manière de manière suffisante, ce qui ne semble pas a priori être le cas pour l’instant. J’insiste, aussi, sur la nécessité d’envisager l'exercice de simplification dans la continuité. Vous avez cité à plusieurs reprises, Mesdames et Messieurs les parlementaires, les différents textes de loi qui ont, au cours des années, entendu simplifier. Ma conviction est que nous devrions traiter cet enjeu chaque année. Cela me semble positif de le faire à travers ce Haut Conseil, afin de tailler dans le dur et de trancher entre ce qui est utile et ce qui ne l’est pas.

Sur le « Dites-le nous une fois », qui a été retoqué par le Sénat, je pense qu’on a déjà fait des progrès. Aujourd’hui, dans nos déclarations sociales, nous ne sommes plus obligés de remplir sept ou huit exemplaires comme on le faisait auparavant. Il faut aller encore plus loin avec l'ensemble des administrations. Il faudrait que les systèmes d'information des différentes administrations soient interopérables et que nous puissions donner l’ensemble des éléments demandés une seule fois.

Enfin, pour répondre à Monsieur Tavel, je dirai simplement que je ne me reconnais pas du tout dans la caricature des entreprises qu’il a décrite. Je vois, pour ma part, au contraire, des gens tous les matins qui se battent, se lèvent à 6 h du matin pour sauver leur entreprise et leurs salariés. Près de 60 000 des nôtres, si je puis dire, sont d’ailleurs partis au tapis l'année dernière. Et ils sont partis, parfois aussi écrasés, démoralisés faute d’écoute au sein de l’administration.

Je conclurais ma prise de parole en terminant sur un mot : la confiance. Je m’adresse à l’administration : faites confiance aux entreprises. Nous ne sommes pas des délinquants, nous ne sommes pas des voyous, nous sommes des gens qui bossons, beaucoup. Mesdames et Messieurs les parlementaires, aidez-nous à faire en sorte qu'on puisse bosser pour produire, pour employer, pour créer de la richesse, et pour qu'elle soit partagée. Ensemble, essayons de faire en sorte qu'on puisse produire plus dans un cadre plus sécurisé, plus juste, plus sûr pour nous, pour nos entreprises !

M. le président Ian Boucard. Merci Monsieur Picon. Je laisse le mot de la fin à Monsieur Chargé.

M. Dominique Chargé. J’aimerais revenir en conclusion sur deux points. En ce qui nous concerne, nous sommes favorables à la suppression de l’information des salariés dans le cadre d'une transmission. Je parle ici d’une transmission d’entreprises dans la situation où il y a un repreneur désigné, connu. Dans le cas contraire, nous n'y sommes pas opposés…

M. le président Ian Boucard. Monsieur Vignaud, vous vouliez apporter une précision ?

M. Lionel Vignaud, directeur des affaires économiques de la CPME. Actuellement le droit d'information préalable de l'information pour les salariés s'applique dans tous les cas. À partir du moment où il y a déjà un repreneur, quel est l'intérêt d'informer les salariés qu'ils peuvent reprendre l'entreprise? À mon sens, cela va plutôt mettre des tensions dans l'entreprise.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je vois pour ma part cette question de la manière inverse. Quand vous avez un repreneur, j’ai du mal à voir la difficulté à devoir informer vos salariés de la situation. En revanche, en l’absence de repreneur, lorsqu’il y a des discussions en cours, des négociations, dans ce cas, pour conclure l’accord et pouvoir faire la vente, je peux comprendre qu’on garde une certaine forme de confidentialité.

M. Dominique Chargé. Je pense qu’on ne se comprend pas sur l'objectif. De notre côté, nous soutenons le fait de ne pas être contraint d'entrer dans une démarche d’information et de travail avec les salariés sur la proposition qui pourrait leur être faite de reprendre l’entreprise. Nous ne voulons pas nous mettre dans cette démarche dès lors qu'on a un repreneur identifié, connu et que cette transmission va se faire. Ça ne veut pas dire qu'on n'informe pas les salariés à un moment donné. Nous nous plaçons plutôt dans une logique visant à mettre éventuellement les salariés en situation de proposer de reprendre cette entreprise ou en tout cas d'entreprendre par eux-mêmes une démarche de reprise de l'entreprise dès lors que nous avons un repreneur connu.

Pour conclure, parce qu'il est déjà tard, je voulais ne pas omettre, parmi les points bloquants, la question du financement des transitions et de la décarbonation, sujet majeur sur lequel nous n'avons eu aucune réponse et il va y avoir un travail à faire. Mais je conviens que cela dépasse le seul champ de la simplification.

M. le président Ian Boucard. Merci Monsieur Chargé. Monsieur Picon, Monsieur Vignaud, Monsieur Dufour et Madame Notte, pour votre présence et pour les éclaircissements que vous avez bien voulu apporter à la commission spéciale. Je clôture donc cette deuxième table ronde et je rappelle aux collègues encore présents que nous nous retrouverons mercredi prochain à 15 h pour l'audition des ministres et la discussion générale du texte. 

II.   Audition de M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification, et de Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire, et discussion générale

Lors de sa réunion du mercredi 19 mars 2025, la Commission spéciale auditionne M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification, et Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire, et procède à la discussion générale sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, de simplification de la vie économique (n° 481 rect.) (MM. Christophe Naegelen et Stéphane Travert, rapporteurs).

Réunion du mercredi 19 mars 2025 à 15 heures

Lien vidéo : https://assnat.fr/7Poiui

M. le président Ian Boucard. Monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, nous vous recevons pour entamer l’examen du projet de loi de simplification de la vie économique. Celui-ci avait été déposé en février 2024 sur le bureau du Sénat, qui l’a examiné aux mois de mai et juin, avant que la dissolution de l’Assemblée conduise le Parlement à ajourner ses travaux. Il aura fallu attendre le 22 octobre pour que les sénateurs le complètent et le votent. Manifestement, le Sénat a fait le choix d’appliquer avec une grande souplesse l’article 45 de la Constitution puisque le texte est passé de vingt-huit à soixante-quatre articles.

M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification. J’ai le plaisir de vous présenter les grandes lignes de ce projet de loi. Nombre d’entre nous savent à quel point la complexité administrative est l’un des principaux irritants pour nos compatriotes. La dissonance entre la réalité de notre production normative et leur attente d’un grand soir de la simplification alimente leur exaspération, voire leur incompréhension.

Ne nous payons pas de mots : notre pays est obèse de sa bureaucratie et croule sous la paperasse administrative. Pendant des années, nous avons suivi de petits régimes minceur et essayé la médecine douce, mais il nous faut désormais cesser de tourner autour du pot et passer à l’étape suivante : une véritable cure de simplification. Nous devons nous attaquer en priorité aux procédures administratives inutilement lourdes, celles qui nous font perdre collectivement du temps et qui complexifient les choses au lieu de les clarifier. Un tiers des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) consacrent en moyenne huit heures par semaine à des tâches administratives, soit une journée de travail d’un salarié. Nous faisons perdre aux chefs d’entreprise un temps précieux, qu’ils pourraient bien plus utilement consacrer à l’innovation, à la croissance de leur activité ou à la formation de leurs salariés.

Au-delà de ce texte, je suis convaincu que la simplification est une nécessité de chaque instant, qui doit répondre aux besoins de tous les usagers, y compris des agents publics investis dans leur mission, qui vivent difficilement ces freins quotidiens.

La simplification est un chantier éminemment interministériel, qui peut vite se transformer en capharnaüm en l’absence d’un chef d’orchestre et d’une partition claire. Il m’appartient de proposer un cadre de coordination et de méthode. Cette partition s’insère dans le grand chantier de refondation de l’action publique lancé par le premier ministre le 21 février dernier. Notre cap est clair : moins de gestion administrative au quotidien pour libérer du temps aux Françaises et aux Français. Le projet de loi de simplification de la vie économique s’inscrit dans cette philosophie générale et dans un combat engagé depuis longtemps pour réduire le poids des normes pesant sur nos entreprises.

Au cours de ces dernières années, sous l’impulsion de différents gouvernements, plusieurs textes ont cherché à simplifier la vie économique : la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite Asap ; la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, dite Essoc, qui prévoit un droit à l’erreur ; la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite Pacte, qui a contribué à réduire le nombre de contraintes ; plus récemment, la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, qui a permis d’accélérer les procédures administratives et de réduire le délai d’implantation des usines.

Comme l’a rappelé le président Ian Boucard, ce texte a déjà une longue histoire : présenté par le ministre Bruno Le Maire en avril 2024, défendu au Sénat par les ministres Olivia Grégoire, Roland Lescure et Marina Ferrari, il y a été adopté en octobre 2024 grâce à l’engagement de Guillaume Kasbarian et d’Antoine Armand. Afin de passer l’étape de ce qu’on appelle le dernier kilomètre, il arrive désormais devant cette commission spéciale où Véronique Louwagie et Marc Ferracci, dont je tiens à saluer l’engagement, me relaieront. Ce texte prévoit des mesures concrètes, parfois techniques qui, mises bout à bout, permettront d’accomplir des avancées réellement utiles pour tous. En d’autres termes, nous apporterons une nouvelle brique à l’édifice de la simplification.

Avant de détailler les mesures que nous défendons, permettez-moi d’évoquer ma méthode de travail, qui s’appuie sur le bon sens, la concertation et le dialogue. Avant même que j’occupe les fonctions de ministre de la simplification, ce projet de loi a été préparé en consultant les besoins et les demandes des TPE et des PME, exprimés par plus de 5 000 contributions et 700 000 votes recueillis dans le cadre d’une consultation citoyenne. Il s’appuie également sur les propositions formulées par les fédérations professionnelles dans le cadre d’un dialogue suivi. Enfin, il a bénéficié des apports du rapport piloté par Anne-Cécile Violland, Nadège Havet, Louis Margueritte, Alexis Izard et Philippe Bolo, parlementaires dont je salue l’engagement.

En première lecture, les sénateurs ont fait passer le texte à soixante-quatre articles, l’enrichissant d’éléments intéressants sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir. Je pense notamment au fameux test PME, issu des travaux d’Olivier Rietmann, président de la délégation sénatoriale aux entreprises, que je recevrai bientôt au ministère pour examiner le caractère opérationnel de ce dispositif.

Depuis le vote du texte au Sénat, nous avons connu quelques turbulences politiques, qui impliquent de rétablir une relation de confiance avec le Parlement, tâche à laquelle je me suis attelé depuis ma prise de fonction. Parce que la simplification concerne tous les Français, elle intéresse également toutes les forces politiques qui les représentent. Vous le savez, j’accorde beaucoup d’importance aux groupes politiques de cette assemblée – j’en ai présidé un durant deux ans et demi. C’est pourquoi j’ai pris le soin de les recevoir, afin de comprendre leur sensibilité, leurs velléités d’ajout, leurs réserves parfois et leurs interrogations. Il s’agissait de renforcer le texte, de le rendre aussi pertinent que possible et d’éviter qu’il crée de nouvelles complexités pour nos entreprises et nos concitoyens.

Le gouvernement est prêt à certains compromis pour que nous puissions voter ce texte sans en renier l’objectif principal de simplification. Il souhaite également l’alléger de certains ajouts du Sénat qui ne semblent pas apporter la simplification attendue par nos concitoyens. Ce texte ne sera pas le seul à viser cet objectif : il doit inaugurer une démarche vertueuse et continue ayant pour but d’améliorer concrètement le quotidien de nos concitoyens. Je souhaite, avec mes collègues ministres et avec les parlementaires qui le souhaiteront, promouvoir des textes législatifs et réglementaires thématiques pour aller plus loin dans la démarche de simplification, sur tous les pans de l’action des pouvoirs publics.

Venons-en maintenant au cœur du texte, qui repose sur quatre principes essentiels. Premièrement, nous souhaitons diminuer radicalement la charge de travail engendrée par les démarches administratives, afin de répondre à la principale demande exprimée dans les consultations. Cela prend la forme, notamment à l’article 2, de la suppression d’une trentaine de déclarations ou autorisations administratives qui alourdissent la vie des entreprises ou qui sont devenues obsolètes. Plutôt que de passer par voie d’ordonnance, le gouvernement proposera, lors de l’examen en commission, de rétablir cet article et d’inscrire dans le dur plusieurs suppressions de ce type.

Deuxièmement, nous souhaitons changer de paradigme et rétablir une relation de confiance entre l’administration et les entreprises, notamment en renforçant la démarche « Dites-le nous une fois ». Il s’agit de limiter la charge administrative pesant sur les entrepreneurs, de faire de l’administration un véritable partenaire pour leur faciliter la vie et leur proposer un accompagnement amélioré dans leurs démarches. Nous devons également sortir de l’attitude répressive systématique et dépasser la logique du contrôle et de la sanction à tout prix. L’article 10 vise ainsi à adapter certains régimes de sanction en en revoyant le caractère pénal ; pour ce faire il remplace par une amende de 7 500 à 250 000 euros la peine d’emprisonnement de six mois sanctionnant un manquement à certaines obligations de déclaration au registre du commerce et des sociétés.

Troisièmement, nous souhaitons alléger le quotidien des entreprises et des entrepreneurs en mettant fin aux surtranspositions qui pénalisent l’économie et ne bénéficient ni aux Français ni aux consommateurs. Nous proposons une évolution des seuils de marché pour faciliter le recours aux démarches simplifiées pour les TPE et PME, et pour les marchés publics innovants, une mesure garantissant aux jeunes entreprises innovantes 15 à 20 % du montant d’un lot, en dessous des seuils européens.

Enfin, dans la droite ligne de lois précédentes, nous souhaitons continuer de faciliter et d’accélérer les grandes transitions qui permettront à la France de se réindustrialiser et d’améliorer sa compétitivité. Nous proposons de faciliter le développement de l’intelligence artificielle et l’installation des centres de données, indispensables à la souveraineté et à la résilience numérique de la nation. La simplification constitue aussi un moyen de redonner de l’air à nos entreprises et de renforcer notre indépendance. Vous l’aurez compris : avec le retour de ce projet de loi, nous relançons la machine.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. L’économie française, riche et diverse, repose avant tout sur nos entreprises, qui font la fierté de nos territoires : ce sont les TPE, les PME, mais également les grandes entreprises, qui créent de la richesse et des emplois. Elles sont pourtant souvent confrontées à un obstacle majeur qui freine leur développement et leur compétitivité : la norme administrative. La France est un pays d’innovation, mais l’administration y est source de contraintes et de réglementation. Le coût de la norme, estimé à 3 % du PIB, pèse lourdement sur la productivité des entreprises.

Ce projet de loi, enrichi par le Sénat, apporte une réponse ambitieuse et nécessaire à ce problème. Je remercie Éric Lombard de la confiance qu’il me porte pour défendre ce texte avec mes collègues Laurent Marcangeli pour les sujets transversaux et Marc Ferracci pour les sujets industriels. Permettez-moi de commencer par vous exposer les trois grands objectifs de ce texte : la réduction du coût de la norme ; le rétablissement de la confiance au cœur de la relation entre l’administration et les entreprises ; la rationalisation comme impératif de compétitivité.

Chaque entreprise, que ce soit une PME ou un grand groupe, doit faire face à une multitude de règles administratives, fiscales, sociales et environnementales. Si elles sont indispensables pour garantir la justice, la sécurité et l’équité, ces règles représentent trop souvent un poids, surtout lorsqu’elles sont inadaptées à la réalité du terrain. Les entreprises passent près de trente-deux heures par mois en moyenne à remplir des documents, des déclarations ou à répondre à des demandes administratives ; autant de temps qu’elles ne consacrent pas à leur cœur de métier, à leur développement ou à l’innovation. À cela s’ajoute le coût direct des erreurs ou des retards dans les déclarations, qui peuvent entraîner des amendes ou des sanctions. Ces ressources pourraient être mieux employées : c’est une perte nette pour notre économie. Les TPE et les PME sont particulièrement concernées : en raison de leur taille et de leurs moyens limités, elles ne peuvent embaucher des équipes juridiques ou administratives dédiées et sont donc obligées d’effectuer des tâches administratives souvent complexes, peu claires et qui empiètent sur leur productivité ; leur développement en est ralenti.

C’est pour cette raison que l’article 27 promeut une mesure forte : le test PME, qui vise à évaluer qualitativement et quantitativement le coût de la norme, matérialisant ainsi son impact réel pour chaque entreprise. Grâce à ce dispositif, les producteurs de normes, en particulier les administrations, seront à même d’amorcer un changement de méthode. En s’astreignant à justifier les coûts financiers de leurs demandes et à mesurer le temps passé à les traiter par rapport aux objectifs visés, les administrations prendront conscience de leur impact sur les acteurs économiques.

La norme a également un impact psychologique sur les entrepreneurs : elle crée un climat d’incertitude et de complexité, voire d’insécurité, en particulier lorsque les règles changent fréquemment ou que les démarches sont perçues comme opaques. Cette incertitude nuit à l’esprit d’entreprise et dissuade certains entrepreneurs d’investir ou de se lancer dans de nouveaux projets, alors que l’innovation et l’audace sont les moteurs de notre économie.

Le deuxième objectif de ce texte consiste à restaurer la confiance entre l’administration et les entreprises, dont les relations sont parfois marquées par un sentiment de méfiance et de distance. Il est impératif que l’administration devienne un véritable partenaire qui soutient, aide et accompagne les entrepreneurs dans leur développement. L'objectif n’est pas de multiplier les contraintes, mais de favoriser un environnement où les entreprises peuvent se concentrer sur leur cœur de métier sans craindre constamment les obstacles administratifs. Une administration plus simple, plus transparente et plus prévisible permettra aux entreprises de se projeter dans l’avenir.

La simplification des procédures de la commande publique, prévue à l’article 4, y contribuera concrètement, tout comme les mesures prévues à l’article 15 visant à simplifier l’implantation des centres de données indispensables au déploiement de la stratégie nationale en matière d’intelligence artificielle. En simplifiant les procédures administratives d’implantation, en accélérant le raccordement au réseau électrique et en adaptant les documents d’urbanisme, nous donnons aux entreprises l’assurance qu’elles peuvent s’implanter rapidement en France tout en respectant les règles environnementales. Le climat de confiance ainsi créé leur permettra de se développer sans se heurter à des obstacles administratifs insurmontables.

Le troisième objectif vise à prescrire la rationalisation comme impératif de compétitivité. Une norme, souvent perçue comme un frein à la compétitivité et à l’innovation, ne participe pas à améliorer la croissance. La rationalisation est donc essentielle pour rendre la réglementation plus lisible, plus compréhensible et mieux adaptée aux besoins réels des entreprises. Prenons l’exemple des règles d’aménagement des commerces : les commerçants font face à des procédures complexes lorsqu’ils veulent effectuer des travaux d’aménagement ou de rénovation dans leurs locaux. Cette contrainte administrative, bien qu’elle soit motivée par des considérations de sécurité ou d’urbanisme, peut empêcher la réalisation de certains projets. Les articles 25 et 26 visent à simplifier ces procédures et à permettre une plus grande souplesse dans l’adaptation des espaces de travail aux évolutions de l’activité.

L’article 13 vise à simplifier, pour les petites entreprises, la gestion des comptes bancaires qui peut rapidement entraîner des coûts très contraignants. En alignant leurs obligations avec celles des particuliers, nous permettrons aux dirigeants d’entreprises de se concentrer sur leur développement plutôt que sur des tâches administratives chronophages.

Il arrive également que des entreprises se retrouvent prises au piège d’un contrat d’assurance dont elles n’ont pas réellement besoin ou qu’elles souhaitent résilier ; elles se heurtent alors à des obstacles bureaucratiques. L’article 14 propose une simplification des démarches de résiliation des contrats d’assurance, qui leur permettra de gérer plus efficacement leur trésorerie sans se perdre dans des procédures complexes.

En matière de trésorerie, l’article 24 comporte des avancées notables pour les commerçants : le principe du paiement mensuel des loyers sur demande du preneur et l’encadrement des dépôts de garanties leur permettent d’être plus flexibles et d’avoir une meilleure maîtrise de leurs besoins en fonds de roulement. Près de 2 milliards d’euros de trésorerie seront ainsi libérés. Ces avancées doivent beaucoup aux travaux du Conseil national du commerce (CNC), que je tiens à remercier.

Ce projet de loi de simplification est un texte de modernisation et de transformation. Sans promettre le grand soir, il est ambitieux et promeut des mesures concrètes et très attendues pour améliorer la vie des entreprises. En réduisant le coût de la norme, en simplifiant les démarches administratives et en rétablissant la confiance entre les entreprises et l’administration, nous aspirons à poser les bases d’une économie plus dynamique et plus compétitive. La simplification est un impératif économique pour libérer le potentiel de nos entreprises.

La méthode appliquée par M. Bruno Le Maire et Mme Olivia Grégoire pour élaborer ce projet de loi était celle d’une coconstruction avec les parlementaires – permettez-moi, à mon tour, de remercier Anne-Cécile Violland, Nadège Havet, Louis Margueritte, Alexis Izard et Philippe Bolo pour leurs travaux –, sur de larges consultations et sur les apports de nombreuses organisations professionnelles et syndicales. Depuis près de trois mois, notre gouvernement a repris cette méthode ; j’ai amorcé un tour de France de la simplification et lors de mes nombreux déplacements, je suis allée à la rencontre de commerçants, d’artisans, de salariés et de dirigeants de PME. Au cours de nos discussions, je leur ai demandé d’illustrer par des exemples précis les blocages et les cas de complexité administrative qui empoisonnent leur quotidien. Grâce à ces retours du terrain, nous avons rapidement apporté des modifications réglementaires en matière de commande publique, par décret : dispense de publicité et de mise en concurrence pour les travaux inférieurs à 100 000 euros ; abaissement des retenues de garantie de 5 % à 3 % du montant initial, ce qui est favorable à la trésorerie des PME ; augmentation de 10 % à 20 % de la part d’exécution minimale confiée à une PME pour certains marchés globaux, afin de faciliter leur accès à la commande publique.

Ainsi, nous avons pu agir rapidement pour alimenter ce projet de loi. C’est pourquoi nous avons décidé de ne pas réintroduire les trois demandes d’habilitation à légiférer par ordonnance figurant dans le projet de loi initial et supprimées par le Sénat. Lors de l’examen du texte, nous vous proposerons à l’article 2 des dispositions concrètes instaurant des démarches simplifiées telles que la transformation de procédures d’autorisation en déclarations, ce qui permettra de restituer des heures précieuses aux chefs d’entreprise. Afin de prolonger cette dynamique, nous visons la suppression, d’ici à la fin de l’année, de plus de 200 formulaires Cerfa relevant des ministères économiques et financiers.

M. le président Ian Boucard. Permettez-moi de remercier M. Marcangeli d’avoir associé l’ensemble des groupes à sa démarche et d’avoir reçu les membres de la commission spéciale, leur permettant de travailler efficacement de concert.

M. Christophe Naegelen, rapporteur pour les titres Ier à VI. La simplification de la vie économique est réclamée par tous les acteurs économiques de nos territoires. Objectivement, l’ambition inscrite dans le titre de ce projet de loi ne correspond pas tout à fait à son contenu, puisque de nombreuses mesures de simplification administrative relèvent de décisions réglementaires, comme la suppression à venir des 200 formulaires Cerfa évoquée par Mme la ministre déléguée. Les entreprises attendent qu’on facilite leur travail au quotidien.

L’article 1er vise à supprimer plusieurs commissions et agences, qui ont cessé de se réunir ou qui font doublon avec d’autres entités ; elles représentent un coût et imposent des contraintes à certaines de nos entreprises. Monsieur le ministre, souhaitez-vous en compléter la liste ?

L’article 4, auquel le Sénat a ajouté plusieurs alinéas, porte sur la commande publique. Celle-ci est majoritairement organisée par des organismes privés, qui se disent satisfaits de ce fonctionnement. J’aimerais donc comprendre quelles sont les intentions du gouvernement en créant une plateforme publique pour participer à cette organisation. Cette plateforme ne risque-t-elle pas de créer une concurrence déloyale pour ces acteurs privés, en obligeant les établissements publics à l’utiliser? En quoi l’évolution proposée est-elle pertinente ? Pourquoi le gouvernement veut-il investir et quel sera le montant nécessaire au développement de cette plateforme ? Les administrations auront-elles l’obligation de l’utiliser ou pourront-elles opter pour la plateforme correspondant le mieux à leurs besoins ? Comment la démarche « Dites-le nous une fois » est-elle amenée à évoluer pour simplifier encore l’accès à la commande publique ? Quels sont les vecteurs et le calendrier envisagés pour mener à bien cette évolution ?

Les relations des PME avec les banques et les assurances sont particulièrement complexes : non seulement le coût de ces services a parfois un impact assez fort sur leur compte de résultat, mais les démarches peuvent être complexes. De plus, la résiliation des contrats peut mettre les PME en difficulté, les laissant sans solution. Quelle est la position du gouvernement sur les articles 13 et 14, qui traitent de ces relations entre de très grands groupes et de très petites entreprises ?

M. Stéphane Travert, rapporteur pour les titres VII à XII. La simplification des procédures dans différents secteurs clés de notre économie est un enjeu crucial. Dans un monde où l’innovation et la rapidité sont devenues des impératifs, il est essentiel de repenser nos processus administratifs et réglementaires pour les rendre plus fluides et plus efficaces. Les entreprises, quelle que soit leur taille, doivent pouvoir se concentrer sur leur cœur de métier sans être entravées par des démarches complexes et chronophages.

En matière d’urbanisme, les procédures d’obtention de permis de construire ou d’autorisation d’aménagements urbains sont souvent longues et fastidieuses. Cette complexité peut freiner les initiatives locales et retarder les projets essentiels pour le développement économique et social de nos territoires et de nos villes. Simplifier ces démarches permettrait non seulement d’accélérer ces projets, mais aussi d’en réduire les coûts et d’encourager l’innovation dans le secteur de la construction.

Dans le domaine de la téléphonie, les opérateurs doivent souvent naviguer à travers un labyrinthe de régulations pour déployer de nouvelles infrastructures ou lancer de nouveaux services. Cette situation peut ralentir l’adoption de technologies avancées pourtant cruciales pour notre compétitivité économique et pour répondre aux besoins croissants de connectivité. La simplification des procédures permettrait aux opérateurs de se concentrer sur l’amélioration de la qualité du service rendu et sur l’innovation technologique.

Les centres de données à usages commerciaux jouent un rôle croissant dans notre économie numérique. Les procédures administratives et les contraintes réglementaires constituent parfois des obstacles majeurs à leur développement ; les simplifier permettrait de faciliter l’implantation de nouveaux centres de données, d’en réduire les coûts opérationnels et d’en améliorer l’efficacité énergétique.

La simplification des procédures est absolument cruciale : elle est non seulement une nécessité mais aussi une opportunité pour stimuler la croissance économique – qui n’est pas un gros mot –, encourager l’innovation et améliorer la compétitivité – qui n’est pas non plus un gros mot. Il est temps d’agir pour créer un environnement plus favorable.

Madame la ministre déléguée, vous avez exprimé votre intention de favoriser l’implantation de centres de données, par le biais de l’article 15. Pourrions-nous étendre ces mesures à d’autres activités industrielles, notamment logistiques ? Quelle analyse faites-vous de l’article 15 bis, qui vise à instaurer un tarif réduit de l’accise sur l’électricité pour les centres de stockage de données numériques ? Il semble dépourvu de portée normative, dans la mesure où un tel tarif est déjà prévu.

J’aimerais connaître également la position du gouvernement sur l’article 16 prévoyant une dérogation aux obligations d’allotissement et de paiement direct pour certains projets d’infrastructures. Quels effets attendez-vous de l’article 17 pour mesurer les effets de la couverture du territoire en matière de téléphonie mobile ? Le gouvernement entend-il apporter d’autres simplifications en matière de recherche ou de santé, en lien avec les articles 22 et 22 bis ?

Quelle est la position du gouvernement sur l’ajout du Sénat portant création du Haut Conseil à la simplification pour les entreprises ? Cette création a-t-elle des implications sur la conduite du dialogue social à l’échelle nationale ? Comment peut-on formuler une procédure d’évaluation préalable conforme à l’esprit du test PME que vous avez présenté ? La circulaire du 17 février 2011 relative à la simplification des normes pour les entreprises et les collectivités territoriales est-elle encore appliquée ? Dans l’affirmative, quels sont les obstacles à son efficacité ?

Pourriez-vous présenter les positions que pourrait défendre la France dans la révision de la directive européenne CSRD relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises ? Quelles modifications conviendrait-il d’apporter à ce dispositif concernant le champ des entreprises assujetties et l’objet des données devant être consolidées et publiées ? Comment peut-on établir, dans la conception et l’application du droit de l’Union européenne, une procédure d’évaluation préalable inspirée du concept du test PME, que nous souhaitons tous faire évoluer et évaluer ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Le gouvernement travaille encore sur la liste prévue à l’article 1er. Nous allons proposer une nouvelle version comportant une quinzaine de comités : le Conseil stratégique de la recherche, le Conseil supérieur de l’aviation civile, le Comité national de la gestion des risques en forêt ou le Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle. Trois critères guideront le débat : la redondance avec d’autres services ou organismes ; l’activité effective ; l’impact de la suppression sur la lisibilité de l’action publique. Des choses ont déjà été faites, puisque, depuis 2010, le nombre de comités que d’aucuns appelaient Théodule est passé de 799 à 313. Ce n’est pas tant la question du coût de ces organismes, qui n’est pas faramineux, qui nous intéresse, mais celle de la lisibilité de l’action publique. Nous n’allons pas y aller à l’aveugle, même si les tronçonneuses et les haches sont à la mode. En tant que ministre de la République française, je ne vais pas aller chercher mon inspiration ailleurs. Nous agirons sans craindre de bousculer un certain nombre d’habitudes.

Monsieur Travert, j’ai comme vous été surpris par la création, au Sénat, du Haut Conseil à la simplification pour les entreprises. Sans doute pourrons-nous réfléchir à une autre manière de travailler sur ce sujet. Existe-t-il des organismes que l’on pourrait transformer en un conseil de la simplification ? S’agissant de sa composition, il me semblerait inapproprié que le monde de l’entreprise n’y soit pas représenté, ainsi que ses salariés, dont le regard est très important. Faute de mieux, nous pourrons envisager ce Haut Conseil, qui ne me semble toutefois pas indispensable.

Le principe du « Dites-le nous une fois » me tient particulièrement à cœur. L’idée, qui avait été défendue dans la discussion de politique générale, c’est de changer de paradigme, afin de mettre davantage l’administration au service de l’administré, l’entreprise en l’occurrence, en réduisant les formalités.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’article 4 a trait à la commande publique, au sujet de laquelle les entreprises nous alertent régulièrement. En 2023, elle représente 170 milliards d’euros et près de 250 000 contrats initiaux se répartissant ainsi : 60 % de PME, un peu plus de 20 % d’ETI et près de 20 % de grandes entreprises. Le dispositif est lourd, notamment pour les PME. À partir de 2018, la dématérialisation de la procédure de passation des contrats a été généralisée. Il reste deux méthodes pour définir le profil d’acheteurs : certains sont présents sur le site internet dédié, d’autres sur des profils privés. En 2012 a été créée la plateforme des achats de l’État (Place), utilisable gratuitement. En 2024, elle a permis à 2 400 acheteurs de répondre aux appels d’offres. L’article 4 vise à rendre obligatoire le recours au profil d’acheteur unique dématérialisé. Le Sénat a prévu pour cela la date de 2028. Nous proposerons de revenir à 2030, pour laisser aux acheteurs et à l’État le temps de se préparer. Cette adaptation coûterait 8,5 millions d’euros. La dispense de publicité et de mise en concurrence préalables pour les marchés publics de travaux inférieurs à 100 000 euros hors taxe sera pérennisée. Le plafond de cette dispense pour les marchés publics innovants ira jusqu’à 143 000 euros hors taxe.

Concernant les droits des entreprises en matière bancaire et assurantielle, l’article 13 garantit que la clôture d’un compte de dépôt sera gratuite pour les particuliers comme pour les petites entreprises. L’article 14 décline trois objectifs : améliorer l’information délivrée aux entreprises lors de la réalisation unilatérale d’un contrat par un assureur ; permettre aux entreprises de procéder à la résiliation à tout moment de certains contrats d’assurance ; encadrer les délais d’indemnisation des assurés dans le cadre des dommages aux biens, afin d’accélérer les procédures. Le Sénat a introduit un délai de résiliation minimal de six mois pour les collectivités locales, une mesure à laquelle nous sommes opposés puisqu’elle va à l’encontre des efforts faits pour renforcer l’attractivité du marché de l’assurance des collectivités. Une autre mesure a étendu à tous les contrats la nécessité pour l’assureur de motiver la résiliation, une disposition à laquelle nous sommes favorables. Nous sommes également favorables à celle qui fixe deux nouveaux délais : le premier, dans lequel l’assureur est tenu de proposer une indemnisation, une réparation en nature ou de motiver un éventuel refus de prise en charge du sinistre ; le deuxième, dans lequel il doit verser l’indemnisation ou missionner l’entreprise de réparation. Cela permettra de limiter le délai entre la date de déclaration du sinistre et celle de l’indemnisation.

Les articles 15, 15 bis et 16 sont du ressort de Marc Ferracci. Je peux d’ores et déjà vous dire que, à ce stade de la réflexion, le gouvernement ne prévoit pas d’ouvrir les data centers aux plateformes logistiques. Nous envisageons de supprimer la disposition introduite par le Sénat à l’article 15 bis. Quant à l’article 16, je laisserai Marc Ferracci vous répondre au cours de l’examen du texte.

Le test PME prévu à l’article 27 est très attendu par l’ensemble du monde économique. Si chaque projet de loi dispose d’une étude d’impact, l’évaluation ne présente jamais d’éléments chiffrés des coûts directs et indirects pour les entreprises. Qui plus est, celui-ci n’est jamais confronté à la réalité de la vie de l’entreprise, qui n’est pas consultée avant l’adoption du texte. Nous n’avons aucun indicateur de l’effet des textes sur celle-ci. Les tests PME existent dans plusieurs pays : en Allemagne depuis 2016, en Suisse depuis 1998, en Irlande depuis 2024. Le plus souvent, ils sont effectués par des organismes indépendants qui ont trois missions : déterminer le périmètre de matérialité, soit à partir de quand le test s’impose ; mesurer l’impact chiffré des coûts directs et indirects générés par la norme, d’après des données communiquées par les entreprises, qui sont au cœur du dispositif ; définir les mesures d’évaluation ou de correction, le cas échéant, à l’image de ce que fait le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) pour les collectivités. Il peut émettre quatre sortes d’avis : des avis positifs, réservés, de report et négatifs.

Pour organiser le mode opératoire de ce test PME, deux possibilités se présentent. La première serait de passer par la voie réglementaire, en considérant le test comme une modalité de l’étude d’impact. Il y a déjà eu une circulaire, monsieur Travert, mais elle n’a pas franchi toutes les étapes. La deuxième modalité serait d’emprunter la voie législative, que nous avons prévue mais qui n’est possible que si la nouvelle instance comprend des parlementaires, ce qu’a fait le Sénat. Une instance composée de personnalités qualifiées et de représentants des PME peut être créée par voie réglementaire. Il appartiendra aux parlementaires de travailler sur cette question pour décider s’il est plus pertinent de créer une nouvelle commission ou de confier cette fonction à un acteur existant.

M. le président Ian Boucard. Nous passons aux orateurs des groupes.

M. Thierry Tesson (RN). Le sujet du projet de loi est crucial. Dans un contexte budgétaire contraint et une activité économique atone, la relance de l’activité économique et industrielle doit être une priorité absolue. Or la France est étouffée par une surcharge normative, qui freine nos concitoyens et paralyse nos entreprises. Quelques chiffres : 400 000 normes applicables, 1 786 décrets réglementaires adoptés en 2022. Rien que pour l’échelon national, ce sont plus de 44 millions de mots ! Le Rassemblement national avait accueilli avec enthousiasme l’annonce d’une volonté de simplification, une nécessité pour nos TPE-PME et nos entrepreneurs, qui sont particulièrement vulnérables face à cette complexité administrative.

De même, dans une optique de réindustrialisation, le poids des normes est un handicap majeur pour nos entreprises. Les contraintes environnementales imposées par l’Union européenne et la soumission des pouvoirs publics français à ces dernières en sont les principales responsables. Plus particulièrement, l’expansion déraisonnée du code de l’écologie et de l’urbanisme freine toute croissance et empêche l’expansion des activités nécessaires à notre souveraineté et à notre prospérité.

Pourtant, force est de constater que le projet de loi présenté ici est décevant. Je ne vous en rends pas responsables car vous héritez du travail de vos prédécesseurs. Mais ce texte est un fourre-tout sans ambition ni cohérence. Là où l’on attendait un véritable choc de simplification, il n’y a que des mesures disparates et insuffisantes. Pis, certains articles vont même à contre-courant de l’objectif affiché : l’article 27 institue un Haut Conseil à la simplification, autant dire une nouvelle usine à gaz.

Le texte comporte de nombreuses mesures facilitant le déploiement des énergies renouvelables comme l’éolien ou le photovoltaïque. Au-delà de ces objectifs écologistes, où sont les mesures de simplification pour les secteurs stratégiques de notre pays – le nucléaire, l’industrie de défense, les technologies de rupture ou la chimie ? Ce projet de loi de simplification fortement coloré en vert nous apparaît inacceptable en l’état et incohérent compte tenu des besoins essentiels de nos entreprises et de nos filières industrielles. Alors qu’il devait être un point de départ pour d’autres lois, quelles mesures concrètes comptez-vous prendre à l’avenir pour relever enfin le défi de la simplification ?

Mme Anne-Laure Blin (DR). C’est peu dire que la simplification est fort attendue sur le terrain. Notre groupe attend une révision approfondie des comités et des commissions existants et une simplification massive des actes administratifs. Les nombreux comités Théodule doivent être supprimés, selon une méthode simple : regarder leur intérêt, leur efficacité, le coût engendré et s’il existe des doublons qui empêchent leur fonctionnement, de manière à rendre plus lisibles le rôle et l’action des opérateurs de l’État.

Il est aussi impératif que les actes administratifs soient simplifiés. L’obligation pour les chefs d’entreprise, pour les Français plus largement, de fournir plusieurs fois le même document pour différentes procédures est un exemple flagrant de technocratie et d’inefficacité bureaucratique.

Vous êtes très attachés, comme nous, au système du « Dites-le nous une fois » que nous voulons véritablement opérationnel. Madame la ministre déléguée, vous avez évoqué la suppression bienvenue de 200 formulaires Cerfa. Au-delà même de votre ministère, il convient d’envisager plus largement leur réduction.

Pour garantir que les nouvelles réglementations ne pénalisent pas indûment les petites et les moyennes entreprises, nous sommes favorables à l’instauration d’un test PME ou plus exactement d’un test TPE-PME, parce que la législation doit toujours veiller à ne pas entraver les initiatives entrepreneuriales. On pourrait aussi envisager que le ministre nous présente les décrets qui seront publiés à la suite de l’adoption d’un texte.

Nous nous interrogeons tout de même, comme d’autres collègues et nos rapporteurs, sur la forme qu’a prise l’article 27, qui risque de remettre en cause l’efficacité voulue pour le test PME.

En réalité, ce que nous attendons et ce que les entrepreneurs attendent, c’est un assouplissement des normes qui pèsent aujourd’hui sur l’activité économique. Cela veut dire qu’il faut faire des choix, notamment revenir sur des réglementations qui entravent le quotidien, comme le ZAN – zéro artificialisation nette –, les ZFE – zones à faibles émissions – ou encore les avis des ABF – architectes des bâtiments de France. Nous attendons des propositions et des arbitrages très clairs de la part du gouvernement.

Mme Marie Lebec (EPR). Trop de paperasse, trop compliqué, trop de temps perdu ! Ces constats, nous les entendons tous les jours. Chefs d’entreprise, commerçants, autoentrepreneurs, citoyens : personne n’échappe aux lourdeurs administratives qui freinent notre économie. Le constat est sans appel : nous devons simplifier la vie de nos acteurs économiques. Depuis 2017, nous avons engagé un travail conséquent avec la loi Essoc de 2018, qui a instauré le droit à l’erreur, permettant aux entreprises de rectifier une faute commise de bonne foi sans sanction. La loi Pacte de 2019 a poursuivi dans cette dynamique, en supprimant l’exigence du Kbis et en harmonisant les seuils d’effectifs. Plus récemment, la loi relative à l’industrie verte de 2023 a facilité la transition écologique des entreprises, en allégeant les procédures environnementales et en accélérant la réhabilitation des friches industrielles.

Aujourd’hui, nous franchissons une nouvelle étape décisive. Le projet de loi de simplification de la vie économique s’inscrit pleinement dans cette continuité et constitue un pilier de notre stratégie soutenant le programme de stabilité et de croissance présenté par la France à l’Union européenne. Le constat reste préoccupant. Nos entreprises sont accablées par plus de 400 000 règles, par un code du travail qui n’a cessé de s’alourdir et des démarches administratives souvent décourageantes. Résultat : 82 % des entreprises estiment que la complexité administrative est un frein à leur activité et une sur deux renonce à des aides faute de pouvoir en gérer les formalités.

Ce projet de loi s’appuie sur des faits : un rapport du Sénat qui chiffre l’impact des normes à 84 milliards d’euros, soit 3 % du PIB ; une consultation citoyenne de 30 000 participants ; le plan « Rendre des heures aux Français » qui propose des mesures pragmatiques pour libérer le temps et l’énergie de ceux qui entreprennent et innovent. Le message est clair : il faut simplifier les démarches, fluidifier l’accès aux aides et alléger les transmissions d’entreprise. L’excès de normes freine la compétitivité.

Simplifier par la loi est un défi immense mais essentiel, et nous devons nous y atteler. Simplifier, ce n’est pas juste rayer quelques lignes dans un texte ou alléger une procédure. C’est repenser en profondeur notre manière d’administrer notre économie. Ce texte est une avancée majeure, mais il doit aussi être un point de départ. Il devrait être enrichi par le travail parlementaire et suivi de réformes ambitieuses pour réinventer notre modèle administratif et libérer pleinement nos entreprises. Quelles mesures envisagez-vous, monsieur le ministre, pour aller plus loin dans la réforme de l’État et garantir son efficacité à long terme ?

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Ce projet de loi de simplification de la vie économique, qui fait partie de vos priorités, est de la poudre de perlimpinpin, pour reprendre une vieille expression remise au goût du jour par M. Emmanuel Macron. Ce texte est votre priorité, monsieur le ministre, et celle du Medef, puisque la moitié au moins de ses propositions, issues de son projet de loi pour accélérer l’économie française, y est reprise. Hier matin, sur votre initiative, avec mes collègues du groupe LFI-NFP, nous vous avons rencontré, monsieur le ministre, afin d’échanger sur ce texte. Ce rendez-vous nous a permis de confirmer que, même pour le gouvernement et même pour vous, le ministre de la simplification, il n’a rien de simple, que ce soit sur la forme ou sur le fond. Pourtant, il y a des choses à dire sur le fond en matière de reculs sociaux et environnementaux, sous couvert de simplifier la vie économique.

À une semaine du début de l’examen du texte en commission, votre objectif est d’élaguer le projet de loi, d’enlever les potentiels durcissements du Sénat et de passer par d’autres véhicules législatifs pour certaines mesures, telles que le test PME. Nous espérons que la répartition des articles entre plusieurs ministres permettra de vrais débats construits sur le fond, car nous nous apprêtons à débattre sur un texte composé de pas moins de soixante-quatre articles, très techniques, très fourre-tout. Il faudra prendre le temps de tout étudier. Pourtant, pour accélérer le processus, vous avez proposé d’appliquer une procédure de législation en commission sur certains articles, ce que nous avons évidemment refusé. La liberté d’amender est importante et il est nécessaire que ce texte soit étudié dans son entièreté en séance.

Le texte n’est donc simple qu’en façade. Les TPE-PME sont en fait peu concernées, contrairement à ce que vous laissez entendre. Quant aux acteurs économiques que sont aussi les salariés et les organisations syndicales qui les représentent, ils sont absents d’un texte qui traite de la vie des entreprises.

En revanche, il ouvre une nouvelle fois des brèches dans les droits sociaux et le droit de l’environnement : entrave à la reprise d’entreprises par les salariés en supprimant leur information préalable en cas de cession d’entreprise ; limitation de la transparence des marchés publics ; régression sur l’objectif zéro artificialisation nette pour les implantations industrielles ; mesures pour que des situations comme l’annulation de l’autorisation de l’A69 ne se reproduisent pas ; création d’un Haut Conseil à la simplification pour les entreprises sans les organisations syndicales ni les salariés, qui n’est ni plus ni moins que l’institutionnalisation d’une nouvelle instance de lobbying aux pouvoirs exorbitants.

Monsieur le ministre, vous avez prévenu que ce texte ne serait pas le grand soir de la simplification. Allez-vous réussir à éviter que ce soit le grand soir d’un détricotage du droit de l’environnement et des droits sociaux ? Qu’avez-vous décidé et arbitré hier après-midi ? Prévoyez-vous bien de revenir à la version initiale de certains articles, tels que l’article 6 ou l’article 15 ? Allez-vous faire passer certaines mesures par des propositions de lois parallèles ? Si oui, lesquelles ?

M. Gérard Leseul (SOC). L’examen de ce texte nécessitera une grande vigilance pour que simplification ne rime pas avec dérégulation. Tout d’abord, face au besoin de simplifier que le groupe Socialistes et apparentés peut partager pour nos concitoyens, nos entreprises, nos collectivités, il ne peut y avoir de compromis sur la préservation des garanties sociales et environnementales. À cet égard, nous nous opposerons à toute tentative de détricotage de la loi littoral ou du ZAN.

En ce qui concerne les procédures d’urbanisme et les enquêtes environnementales qui leur sont liées, nous souhaiterions plutôt travailler à une simplification sérieuse, ainsi qu’à une sécurisation des procédures de consultation et d’autorisation pour assurer une meilleure sécurité juridique aux projets et éviter le phénomène du stop and go fortement délétère pour l’implication des investisseurs publics et privés. Évitons aussi les mauvaises solutions et que de pseudo-simplifications ne viennent en réalité compliquer l’activité des entreprises. L’exemple de la simplification de la feuille de paie est à ce titre évocateur et nous vous remercions de ne pas réintroduire l’ancien article 7.

Dans un contexte géopolitique bouleversé, il est essentiel que la simplification privilégie les intérêts vitaux plutôt que commerciaux et que cette simplification ne vienne pas ouvrir notre territoire aux prédations étrangères. Nous devons assurément préserver nos intérêts nationaux. Si l’installation de centres de données, les data centers, est essentielle pour assurer notre pleine souveraineté, nous devons veiller à ne pas offrir le marché aux géants états-uniens qui, compte tenu des clauses américaines d’extraterritorialité, ne sont pas en mesure de garantir la protection de nos données.

Nous souhaitons aussi ouvrir le débat sur un meilleur partage de la valeur, une meilleure concertation avec les administrations, ainsi qu’au sein même des entreprises et au niveau des territoires. Cette condition nous semble essentielle pour assurer l’acceptabilité des projets et rendre leur réalisation plus rapide. En tant que coprésident du groupe d’études sur l’économie sociale, je souhaite souligner l’incohérence qu’il y a à réduire le délai d’information préalable des salariés dans le cadre de la vente d’un fonds de commerce ou de la cession d’une entreprise, alors que votre propre feuille de route, madame la ministre déléguée, vise à renforcer la reprise d’une entreprise par ses salariés. Cette réduction du délai d’information est vraiment une très mauvaise idée.

Si le Haut Conseil à la simplification venait à être créé ou rattaché à une autre instance, je souhaite vivement que les représentants salariés y soient pleinement associés.

Enfin, plusieurs points méritent encore, selon nous, une attention particulière. Le recours aux ordonnances pour effectuer des simplifications sur plusieurs plans n’est pas souhaitable, afin d’assurer le débat et le travail parlementaire de qualité auxquels vous êtes attachés. Enfin, nous constatons avec une vive déception que la France renonce globalement aux objectifs ambitieux de transparence de la CSRD, la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, alors même qu’elle était, avec l’Union européenne, à la pointe de ce combat.

Mme Julie Ozenne (EcoS). Nous débattons d’un texte qui se veut ambitieux. Qui pourrait s’opposer à une administration plus lisible, plus efficace, plus accessible ? Derrière chaque mesure de simplification économique, il y a un lobbyiste. Derrière chaque réduction des contraintes réglementaires, il y a des intérêts économiques qui ont su se faire entendre plus fort que d’autres. Or une simplification qui affaiblit nos droits sociaux et environnementaux n’est pas une avancée, c’est une régression. Ce projet de loi n’est pas une simplification équilibrée. C’est un texte de fond de tiroir, qui empile des mesures disparates, sans cohérence, touchant autant de secteurs qu’il impose de reculs en matière environnementale et sociale.

L’article 6 supprime les droits d’information des salariés en cas de cession d’entreprise. Qui cette décision favorise-t-elle ? Les travailleurs ou les fonds d’investissement ?

L’article 10 supprime le délit d’entrave à l’audit extra-financier des entreprises. Alors que la transparence financière est un pilier européen, ce texte affaiblit ainsi le contrôle des impacts environnementaux et sociaux des grandes entreprises. L’article 15 qualifie les centres de données de projets d’intérêt national majeur. Résultat : les procédures environnementales sont contournées au profit des géants du numérique. Les articles 18 et 19 réduisent les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité. Nous passerions d’une obligation de résultat à un système permissif et à des pertes nettes intermédiaires. Tout cela s’inscrit dans une tendance dangereuse déjà à l’œuvre au niveau européen avec la directive omnibus qui affaiblit des piliers comme la directive CSRD. La simplification sert de prétexte à un recul normatif.

Ce texte ne vise pas à faciliter la vie de tous les acteurs économiques car il oublie l’économie sociale et solidaire (ESS), les associations, les porteurs de projets à impact positif sur le plan social ou environnemental. Il sert avant tout les intérêts des influents au détriment des protections collectives. Aucune mesure ne facilite la vie des salariés. Au contraire, leurs droits sont rognés, notamment par les mesures prévues à l’article 6. La simplification doit être équitable et pas à sens unique.

Nous assistons à une montée de la culture de « l’accélérisme », qui privilégie la rapidité, quitte à contourner la participation publique, à orienter les études d’impact et à supprimer les contraintes d’expertises. Mais, à vouloir aller trop vite, on finit par perdre du temps. La réforme du code minier, décidée sans débat national structuré, en est un exemple flagrant.

Enfin, rappelons une évidence : simplifier ne signifie pas supprimer. Or les mesures prévues s’accompagnent souvent d’une réduction des moyens administratifs, comme dans le cas de la Commission nationale du débat public (CNDP). Qui va accompagner les acteurs économiques si les services compétents sont démantelés ? Nous proposons que toute suppression de postes administratifs soit compensée par des moyens dédiés. Une simplification réussie demande des ressources et non pas un État affaibli. Nous ne pouvons cautionner ce texte qui favorise les grandes entreprises au détriment des protections sociales et environnementales. Nous voulons une simplification équilibrée qui profite à tous et non un cheval de Troie de la dérégulation.

M. Philippe Bolo (Dem). Pas une journée ne se passe sans que l’on ait à constater combien la complexité administrative est devenue omniprésente. Le phénomène, bien qu’évoqué à de nombreuses reprises, persiste et se renforce. L’enchevêtrement des normes et la lourdeur administrative deviennent insupportables pour les entreprises. Leur ras-le-bol face aux tracasseries administratives de toute nature est une réalité régulièrement exprimée. Ces complexités leur font perdre du temps et de l’énergie, les détournent de leur cœur de métier : la production, leurs salariés et leurs clients.

La simplification est donc devenue une priorité absolue. L’excès de normes pénalise notre pays. Chaque jour, des millions d’acteurs économiques se débattent dans des démarches qui semblent ne jamais devoir finir. Et cette complexité administrative est coûteuse : le Sénat l’a évaluée à 84 milliards d’euros par an, ce qui est colossal et représente une charge inacceptable quand on connaît les contraintes budgétaires de la France. Simplifier n’étant pas simple quand il s’agit d’activités économiques aussi diverses que la boulangerie, l’artisanat ou l’industrie, nous devons veiller à produire un texte qui ne soit pas déceptif. Les entreprises devront constater ses effets en termes de gain de temps, ce qui leur permettra de se réconcilier avec l’administration.

Ce texte n’est qu’une étape, tant la simplification est un travail de longue haleine. Cette préoccupation devrait être présente dans chaque loi que nous adoptons. En tant que parlementaires, nous devons aussi veiller à ne pas ajouter de la complexité par le biais de nos amendements. Simplifier passe par un renforcement de notre mission de contrôle : l’évaluation des lois doit considérer leurs effets directs et indirects, positifs et négatifs, attendus et inattendus, afin d’identifier les simplifications à leur apporter. Enfin, la simplification doit également cibler les collectivités territoriales, les associations et chaque citoyen. La tâche est immense mais indispensable. D’autres rendez-vous de simplification devront être inscrits au calendrier de notre assemblée.

Dans la perspective de nos débats, je suis allé avec plusieurs collègues à la rencontre de chefs d’entreprise pour recueillir leurs demandes de simplification. Il en ressort que les mesures à prendre ne sont pas toutes d’ordre législatif : 70 % des demandes recueillies auprès d’une centaine de chefs d’entreprise concernent leurs relations avec les administrations, ce qui relève essentiellement de mesures réglementaires. Ils se plaignent notamment de la complexité des procédures, de l’absence d’interlocuteurs, de délais incompréhensibles, de la répétition des démarches et des formulaires. Comment allez-vous vous emparer concrètement de ces demandes de simplifications réglementaires ? Comment allez-vous nous en informer, afin que nous puissions contrôler que votre intention est bien d’aller au-delà du texte en débat et de prendre les mesures réglementaires attendues ?

Le groupe Les Démocrates soutient l’ambition de simplification, mais notre travail doit apporter des évolutions tangibles que chaque entreprise pourra constater. Il ne s’agit plus de faire des promesses, mais de produire les résultats attendus – notre groupe s’y emploiera par le biais d’amendements.

M. Henri Alfandari (HOR). Tout d’abord, je tiens à me réjouir de l’inscription à l’ordre du jour de ce projet de loi attendu, dont l’examen a été interrompu par la censure irresponsable du gouvernement de Michel Barnier, en décembre dernier. Ce texte témoigne de la volonté claire et déterminée du gouvernement d’avancer rapidement afin de mener à bien cette réforme indispensable pour le libérer notre potentiel économique, simplifier les démarches administratives et rendre notre cadre législatif plus agile. C’est une étape importante pour améliorer notre compétitivité, encourager l’innovation et renforcer la croissance en simplifiant la vie des entrepreneurs, des salariés et des citoyens. Sachant à quel point la complexité administrative peut freiner les initiatives et créer des obstacles, nous estimons que ce projet de loi va résolument dans la bonne direction.

L’article 1er supprime les commissions administratives consultatives inactives ou inefficaces, mesure à la fois utile et nécessaire pour nos finances publiques et pour l’efficience de l’État. À cet égard, chers collègues, je me permets de rappeler qu’il nous incombe de ne pas complexifier quand il s’agit de simplifier. Afin de simplifier la relation entre les entreprises et l’administration, le texte prévoit aussi de rationaliser les démarches et formalités administratives et de renforcer le principe du silence valant acceptation, qui souffre de trop nombreuses dérogations depuis son entrée en vigueur en 2013. Il est grand temps de garantir son efficacité et de permettre aux entreprises de bénéficier d’une plus grande lisibilité dans leurs démarches. Monsieur le ministre, nous soutenons votre volonté de mettre en valeur la qualité du travail des agents dans leurs missions au service de nos concitoyens.

Enfin, je souhaite insister sur l’importance des mesures destinées à faciliter l’implantation et le déploiement des industries stratégiques pour notre pays. C’est essentiel pour renforcer notre souveraineté économique, pérenniser notre réindustrialisation et soutenir notre compétitivité à l’échelle internationale. Pour l’avenir de notre économie, il est crucial d’avancer sur ces points.

Le groupe Horizons & apparentés soutiendra ce projet de loi tout en proposant plusieurs amendements visant à l’enrichir. Notre démarche s’inscrira dans une dynamique constructive, en vue d’aboutir à un texte à la hauteur des défis auxquels nous faisons face. Nous savons que s’il constitue l’un des axes majeurs de la refondation de l’action publique, ce texte n’est que l’un des nombreux chantiers que vous souhaitez engager. Nous connaissons votre détermination à agir pour améliorer l’efficacité de l’action publique et simplifier l’administration. Quelles autres initiatives et actions allez-vous conduire pour alléger les procédures administratives et renforcer la confiance des citoyens et des entreprises envers nos institutions ?

M. Jean-Luc Warsmann (LIOT). Avant tout, je tenais à apporter tout mon soutien à la démarche qui nous unit aujourd’hui. Tout en assistant à nos débats, je me suis laissé aller à faire une recherche sur Google, associant mon nom à la notion de simplification, et j’ai vu apparaître de nombreux articles.

Je voulais vous parler de quatre sujets, dont les deux premiers, à ce stade de mon travail, ne me semblent pas du ressort législatif.

Premier sujet : simplifier le droit de l’urbanisme pour permettre d’étendre les bâtiments économiques aux limites de parcelles dans toutes les zones d’activité du pays. Il paraît absurde d’imposer une distance par rapport à la voirie alors que l’on pourrait construire le bâtiment jusqu’à la limite de propriété, ce qui présenterait de nombreux avantages : densification économique ; précieux mètres carrés supplémentaires pour les entreprises ; augmentation de la fiscalité pour les collectivités locales. À mon avis, monsieur le ministre, vous avez la main : il vous suffit de rédiger une disposition selon laquelle sont réputées non écrites toutes les clauses qui imposent des reculs.

Deuxième sujet : le photovoltaïque en toiture. Dans ce domaine, on est dans la schizophrénie. Il est évidemment de l’intérêt général de développer cette énergie, de le faire sur les toitures des bâtiments économiques, de manière collective dans des zones d’activité, et d’encourager l’autoconsommation. Or nos règles d’urbanisme s’y opposent, y compris dans le domaine de l’agriculture où les fonctionnaires concernés seraient partants pour une simplification. Je vous suggère de permettre ces installations par simple déclaration sur le mode suivant : « Je déclare que je vais mettre des panneaux photovoltaïques sur ma toiture. » On économiserait ainsi du temps de fonctionnaires d’État et territoriaux.

Sur les deux derniers sujets, qui relèvent du législatif, je prépare des amendements. Le premier a trait aux délais de paiement par les collectivités publiques, domaine où il existe une forte marge de progression. Vos cabinets pourront peut-être m’aider à concevoir un système qui avantage les collectivités qui paient dans le délai imparti, et qui pénalise celles qui le dépassent – un acompte de 1 % dans un cas et une pénalité de 1 % dans l’autre, par exemple. À un moment où l’économie se tend vraiment, il faut que les acheteurs publics soient très respectueux des délais. Enfin, je pense que les locaux de sociétés placées en liquidation judiciaire sont remis sur le marché de manière beaucoup trop tardive.

M. Emmanuel Maurel (GDR). Contrairement aux collègues enthousiastes qui le voient comme une sorte d’étape décisive, je ne suis pas vraiment convaincu par ce texte. C’est un fourre-tout, largement complexifié par les sénateurs qui prétendent pourtant vouloir simplifier. Certaines options politiques, présentées comme relevant du bon sens, sont largement discutables. Contrairement à ce que vous dites, madame Louwagie, ce ne sont pas les entreprises françaises qui consacrent le plus de temps aux tâches administratives en Europe, mais les entreprises italiennes et espagnoles. Cela n’empêche pas l’Italie d’afficher une croissance robuste.

Je vous sais gré, monsieur Marcangeli, d’être moins caricatural que votre prédécesseur qui entretenait une sorte de fantasme argentin. Vous êtes néanmoins obligés de sacrifier à la rhétorique convenue qui veut que l’État soit obèse de son administration. Je ne crois pas que cela soit vrai, même s’il y a des choses à simplifier et à fluidifier. Vous reprenez les chiffres du Medef, estimant que la complexité administrative coûterait entre 60 et 80 milliards d’euros à la vie économique. D’où vient cette étude ? Quelle est sa méthodologie ? En tout cas, ce n’est pas en simplifiant quelques procédures que vous aurez plus innovations, de croissance et de salariés formés, comme vous le souhaitez. Il vaudrait mieux entreprendre de vraies politiques de relance et d’innovation en mettant le paquet sur la recherche.

Mon premier amendement aura pour objet de simplifier l’intitulé du projet de loi, que je trouve un peu ambitieux. Ce texte va fluidifier un peu la vie économique, mais ce n’est pas le grand soir ! Pour le dire crûment, c’est un texte qui ne casse pas trois pattes à un canard. En revanche, il risque de casser des choses importantes. La gauche va revenir sur l’article 6, par exemple, car les sénateurs ont supprimé l’obligation d’informer les salariés lors de la vente d’un fonds de commerce ou d’une entreprise. Pour nous, cette suppression – d’ailleurs inefficace – représente une ligne rouge.

Nous voulons aussi déposer des amendements sur le Haut Conseil à la simplification pour les entreprises. Il est un peu cocasse de proposer la création d’une nouvelle structure tout en expliquant qu’il existe de nombreuses agences surnuméraires. En outre, sa composition est problématique : des représentants des entreprises, un représentant du Conseil d’État, deux parlementaires… et zéro représentant des salariés. On tombe dans une forme de caricature navrante, je pense que nous allons vous en convaincre.

Un aspect, évoqué par Mme Louwagie, me semble important pour la vie économique et nos entreprises : relever les seuils de commande publique. Sur ce point, nous vous soutiendrons, d’autant plus que notre seuil est plus bas que la moyenne européenne. Pour conclure, je tiens à rappeler que toute simplification n’est pas bonne, notamment en matière de droits des salariés. C’était une très mauvaise idée de supprimer les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), et nous allons y revenir par le biais d’amendements.

M. Charles Alloncle (UDR). Nous étions le pays du cartésianisme et des Lumières, celui du mètre et du code civil ; nous ne sommes plus que le pays des sigles, des déclarations et des commissions. La norme est partout, la liberté nulle part. Que vous ayez à visser une ampoule au bureau, à construire un cabanon sur votre terrain, ou que vous pensiez tout simplement vivre de votre activité professionnelle librement, l’État se mêle de tout, partout, tout le temps. Notre bureaucratie est la seule exception culturelle qu’aucun pays au monde ne nous envie quand bien même nous continuons, année après année, à la cultiver jalousement. Nos voisins, eux, ont pris leur destin en main. Les Argentins démarrent la tronçonneuse, les Américains jonglent entre le scalpel et le bulldozer, et vous, vous y allez à l’économe, en nous servant un texte sans souffle, sans ambition et même, il faut bien le dire, sans aucune forme de courage.

Ce projet de loi est une occasion manquée pour trois raisons principales. D’abord, vous renoncez à attaquer la bureaucratie. Vous aviez pourtant l’embarras du choix : 484 opérateurs d’État, 701 organismes d’administration centrale – 140 milliards d’euros que l’on dilapide chaque année. Vos prédécesseurs se sont contentés de quelques comités consultatifs pour à peine quelques millions d’euros d’économies. Ensuite, au lieu d’aller droit au but, vous accouchez d’un texte fourre-tout qui ne tranche rien. Il n’y a rien sur le code du commerce, sur les contrôles abusifs, sur l’Urssaf et les entreprises. Ce texte n’est qu’un prétexte, un cheval de Troie pour certaines des lubies de la technostructure, pour ces éoliennes qui mutilent nos paysages et sapent notre souveraineté. Cet agenda énergétique déguisé n’a rien à voir avec la simplification de la vie économique. Troisième raison : au lieu de simplifier, vous avez parfois complexifié. Ce Haut Conseil à la simplification pour les entreprises est un nouveau symptôme de la propension à créer des usines à gaz remplies d’administrateurs administrant qui expérimentent, qui rédigent des rapports, qui rendent des avis, qui créent des comités de suivi, mais qui, à la fin, ne décident malheureusement de rien.

Alors, il est temps d’ouvrir ce texte à nos propositions. Il est temps de briser les chaînes qui entravent les initiatives et les ambitions. Il est temps de faire ce que vous n’avez pas osé, c’est-à-dire couper, simplifier et libérer. Les Français ne mendient pas des réformes de façade, ils exigent des actes forts. Ayez ce courage car, demain, on ne jugera pas les intentions mais ceux qui auront osé changer le destin de notre pays.

Mme Sophie Errante (NI). Députée et chef d’entreprise dans la vie normale, je pense que les gens, qu’ils soient dans le privé ou la fonction publique, veulent comprendre le sens de ce qu’ils font, de ce que l’on exige d’eux.

La loi Essoc, sur laquelle nous avons passé beaucoup de temps, ne se contente pas de régir le droit à l’erreur. Son titre Ier, qui se réfère à une administration de conseil et de service, instaure un changement paradigme. La relation de l’administration avec l’usager s’inscrit dans le schéma suivant : conseiller et donner des règles claires ; accompagner quand la procédure est complexe ; contrôler ; sanctionner le cas échéant.

Les chefs d’entreprise demandent à rester dans cette logique qui a produit des effets positifs, même si l’on a plutôt tendance à parler de ce qui ne va pas. Ils alertent aussi sur l’arrêt de dispositifs qui donnaient satisfaction, tel que État’LIN, le laboratoire d’innovation publique de l’État. Il serait dommage, sous prétexte de simplification, de mettre fin à des actions, concernant notamment les relations entre les préfectures et les chefs d’entreprise, qui ont mis beaucoup de temps à voir le jour et qui portent leurs fruits.

Quoi qu’il en soit, il est très important de dire clairement ce que l’on attend des uns et des autres. Chaque demande de nouveau document doit être justifiée. Si l’administration ne peut pas le justifier, c’est que le document n’a pas lieu d’être. Mais il ne faut pas laisser croire que tout est inutile : sur un bulletin de salaire, par exemple, chaque ligne a une justification – nous en avons supprimé certaines qui étaient redondantes.

M. Laurent Marcangeli, ministre. On n’est pas obligé de tomber dans le simplisme quand on parle de simplification. Jean-Luc Warsmann, auteur de nombreuses lois sur ce thème, en sait quelque chose : s’il faut tellement y revenir, c’est sans doute qu’il est sans doute plus compliqué de simplifier que l’on veut le croire. Nous nous attaquons à cet Everest avec beaucoup d’humilité – je crois pouvoir le dire aussi au nom de Véronique Louwagie, avec laquelle je partage une culture parlementaire et une longue expérience d’élus locaux.

La taille des codes en tout genre atteste en effet une surcharge normative, monsieur Tesson. Et le projet ne pourra qu’être assez déceptif : quand ils entendent le mot « simplification », nos concitoyens ne pensent pas qu’à leur entreprise mais imaginent une simplification générale dans la vie de la société. Il faudra, en effet, aller aussi en direction des collectivités territoriales, du monde associatif et de chaque citoyenne et citoyen. À Bourges, où je me suis rendu cette semaine, le département expérimente l’accueil de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) dans les maisons France Services. Quand on sait à quel point il est compliqué pour nos compatriotes de vivre la découverte d’un handicap, avec ce que cela suppose comme démarches et formalités, on se dit qu’il y a beaucoup à faire en matière de simplification, hors du monde de l’entreprise.

Ce texte ne marque pas la fin de l’histoire. Voilà ce que je peux dire aux nombreux orateurs qui ont évoqué la suite. Dans les semaines à venir, je vais proposer une méthode visant à envisager la simplification de la vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens, en utilisant divers moyens. La balle sera notamment dans le camp des parlementaires puisque certains de ces moyens seront d’ordre législatif. Je m’engage ainsi à étudier de manière précise chaque initiative prise par l’une ou l’un d’entre vous, visant à apporter des éléments de simplification à la vie de nos compatriotes. L’idée est que le gouvernement soutienne la proposition pour qu’elle puisse aller à son terme. Ces propositions pourraient être examinées à la faveur de niches parlementaires, de semaines transpartisanes ou, rêvons un peu, de semaines de la simplification regroupant l’examen de plusieurs textes. Parfois, il faut se contenter d’aller à l’essentiel.

Monsieur Maurel, je n’ai pas parlé d’obésité de l’administration, mais de bureaucratie. Or la bureaucratie n’est pas l’administration, mais le résultat d’une surcharge de normes bavardes, parfois contradictoires et ressenties comme agressives vis-à-vis de nos concitoyens. L’administration, qui n’est d’ailleurs pas responsable de cette surcharge, je la défends. À qui la faute si cette bureaucratie existe ? C’est la nôtre et celle du gouvernement. La plupart des comités sont d’ailleurs créés sur initiative parlementaire.

Pour tenir le cap de la simplification, comme vous êtes nombreux à le demander, on peut aussi utiliser la voie réglementaire. Dans ce cas, le gouvernement pourra rendre compte au Parlement de l’application de ces mesures réglementaires par le biais de rapports, de comités de suivi, d’auditions devant les commissions concernées. Si le bureau de l’Assemblée décidait de créer une commission ad hoc, je n’y verrais aucun inconvénient à titre personnel.

Il faudrait aussi veiller ne pas tout mélanger. Quand on mélange tout, la confusion s’installe et on finit par ne plus rien comprendre. Les opérateurs et les comités, ce n’est pas la même chose. Les universités, par exemple, sont des opérateurs.

Madame Nosbé, vous portez un regard négatif et suspicieux sur ce projet de loi. Nous n’avions pas proposé de recourir à la procédure de législation en commission (Plec) sur certaines mesures pour confisquer le débat : nous renonçons d’ailleurs aux ordonnances pour vous donner la parole. Ayant été président de groupe pendant deux ans et demi, j’ai vu le sort réservé à la plupart de ces procédures. Nous n’aurions proposé une Plec que pour des sujets ne faisant pas l’ombre d’une contestation sur l’ensemble des bancs – par exemple, la suppression d’ajouts sénatoriaux conduisant à alourdir le texte.

Monsieur Bolo, je vous le répète, ce texte n’est pas la fin de l’histoire. Le gouvernement va inverser la charge dans de nombreuses démarches. Nous considérons que ce n’est pas forcément à nos concitoyens, nos entreprises et nos associations d’assumer le poids d’une bureaucratie parfois étouffante. Nous allons en débattre et examiner des amendements. Cela étant, il faudrait faire en sorte que ce texte, déjà un peu épaissi par nos collègues sénateurs, ne devienne pas lui-même une forme de monstre après son passage à l’Assemblée nationale, ce qui réduirait son efficacité. Ne gâchons pas les gains que ce texte peut apporter.

Enfin, les surtranspositions de textes européens devront aussi être abordées dans le cadre de cet échange entre le gouvernement et le Parlement. Nous devons créer ensemble cette nouvelle méthode de travail. J’espère que nos débats se passeront de la meilleure des manières.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Vous semblez tous d’accord sur l’état des lieux et sur la nécessité de simplifier, même si certains d’entre vous jugent que le texte n’est pas à la hauteur de la situation. En tout cas, il est le fruit d’une large concertation engagée par Bruno Le Maire, Thomas Cazenave, Olivia Grégoire, Roland Lescure et Marina Ferrari. Les 33 000 participants ont exprimé 730 000 votes et fait 5 300 propositions. Cette consultation a donné lieu à un plan d’action présenté au printemps 2024, comprenant douze chantiers et cinquante mesures dont certaines ont nourri ce projet de loi.

Le plan d’action comporte des mesures législatives ou réglementaires, mais aussi des modifications de modes opérationnels de mise en œuvre, notamment en ce qui concerne les Cerfa, évoqués par Mme Blin. Il existe 1 800 Cerfa, dont 500 sont issus du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Parmi ces derniers, nous envisageons d’en supprimer 150 avant la fin de l’année, avec l’objectif d’en supprimer 80 % d’ici à la fin de 2026 et 100 % d’ici à la fin de 2030.

Monsieur Leseul et madame Nosbé, vous avez insisté sur l’article 6 concernant l’information des salariés. Tel que rédigé dans le projet de loi initial, cet article maintenait le délai d’information obligatoire et préalable des salariés, d’une durée d’un mois, en cas de vente d’un fonds de commerce ou d’une entreprise de moins de cinquante salariés. Ce délai a été supprimé au Sénat. Nous proposons de le rétablir car il nous semble un bon compromis pour allier deux contraintes : ne pas trop retarder la conclusion d’une vente au risque de la compromettre ; donner aux salariés la possibilité d’être informés et de pouvoir réagir.

Monsieur Leseul, le test PME pourra être effectué dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire. Je souhaite que l’utilisation de cet outil se répande dans tous les secteurs de l’économie, la conventionnelle comme la sociale et solidaire.

Nous débattrons de l’application de la directive CSRD lors de l’examen de l’article 10 du texte. Il importe de ne pas surtransposer le droit de l’Union européenne dans le droit interne : nous sommes plusieurs à être conscients de cet écueil, mais cette lucidité n’est pas toujours suffisante pour l’éviter. L’article 10 prévoit, comme la norme européenne, une sanction en cas d’absence de déclaration au registre du commerce et des sociétés (RCS) ou de transmission de mauvaises informations relatives aux bénéficiaires effectifs. Nous ne souhaitons absolument pas renier les principes et les valeurs sur lesquels est fondée la directive CSRD, nous voulons simplement améliorer le droit applicable pour en accroître l’efficacité et préserver la compétitivité des entreprises.

Monsieur Warsmann, vous avez posé des questions très précises, dont nous débattrons lors de l’examen des articles. Les aspects relatifs à l’urbanisme que vous avez pointés sont intéressants et relèvent, pour certains d’entre eux, du pouvoir réglementaire. Ils pourront se greffer à d’autres textes de simplification qu’a évoqués mon collègue Laurent Marcangeli, notamment celui sur le logement et l’urbanisme.

La préoccupation attachée aux délais de paiement revient régulièrement dans les propos des représentants des collectivités territoriales et des entreprises : nous pourrons aborder cette question car le respect de ces délais contribue à simplifier la vie des entreprises, dont la trésorerie constitue un sujet d’inquiétude important. Je retiens votre idée même si je doute que le texte offre une accroche aux collectivités territoriales sur ce plan. Néanmoins, de nombreux efforts ont été consentis dans les délais de paiement des collectivités, le problème se situant actuellement davantage dans les hôpitaux.

La complexité des liquidations judiciaires peut expliquer la longueur des délais, en l’occurrence celui de la remise sur le marché des locaux.

Madame Lebec, le texte ne traite pas du droit du travail. Vous avez été plusieurs à souligner que le Sénat avait déjà beaucoup accru le volume du projet de loi, dont nous ne souhaitons donc pas étendre exagérément le périmètre. Vous pourrez néanmoins nourrir le texte et y insérer des mesures correspondant à sa philosophie.

M. le président Ian Boucard. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). L’article 18 du projet de loi vise, sous prétexte de simplification, à délayer les compensations pour atteinte à la biodiversité et même à supprimer l’obligation de résultat. M. Roland Lescure, alors ministre, avait ouvert la porte à une nouvelle rédaction de cet article à l’Assemblée nationale : qu’en est-il ?

La destruction d’habitats sans déplacement des espèces revient à tuer ces dernières. D’après une étude des chercheurs du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), seul un tiers des mesures compensatoires sont réellement déployées et la plupart d’entre elles sont appliquées sur des terrains peu dégradés et ont donc une utilité très minime. Si l’obligation de résultat disparaît, que restera-t-il ? Supprimez le droit environnemental s’il vous dérange, ce sera plus franc ! Nous examinons le texte au moment où se produit la sixième extinction de masse des espèces, laquelle ne cesse de s’accélérer ; or c’est notre espèce qui est responsable de ce phénomène, principalement par la destruction des habitats causée par l’artificialisation des terres. Le droit environnemental ne peut pas être une variable d’ajustement.

M. Thomas Lam (HOR). Certains collègues ont évoqué un manque d’ambition, mais la méthode brutale n’est pas forcément la plus souhaitable : dans les entreprises, on parle souvent de conduite du changement et les évolutions progressives n’empêchent pas d’être ambitieux.

Fort de mon expérience d’élu local et d’entrepreneur, j’ai dressé un état des lieux des problèmes quotidiens que rencontrent les collectivités territoriales et les PME sur le terrain : le groupe Horizons & indépendants déposera des amendements qui traduiront ces constats et viseront à leur apporter des réponses.

La tronçonneuse n’est pas un outil adapté car il tranche de manière grossière. Je vous proposerai plutôt d’utiliser un scalpel, instrument à même d’opérer des coupes précises et efficaces.

M. Robert Le Bourgeois (RN). La simplification, pour quoi faire ? Quand on explique les mesures principales du projet de loi aux chefs d’entreprise, les réactions sont limpides et très sceptiques sur leur efficacité. Ils demandent même de geler le texte et de cesser de toucher à tout. Ils pointent en outre le fait que certaines mesures ne simplifieront pas la vie des chefs d’entreprise mais celle de leurs avocats et des bureaux d’études ou cabinets de conseil auxquels ils ont délégué les missions visées par le texte, tant celles-ci sont devenues complexes, instables et illisibles.

Un immense marché de la norme s’est développé pour répondre aux injonctions toujours plus nombreuses d’une bureaucratie devenue un peu folle. Les bureaux d’études, les juristes, les ingénieurs et les experts en tout genre coûtent une fortune aux entreprises : je ne leur jette absolument pas la pierre, car un marché s’est créé. Il faut néanmoins comprendre que ces compétences ne produisent pas de valeur : elles sont perdues et gâchées au service d’impératifs normatifs dont nous pouvons sérieusement questionner le bien-fondé. Nous souhaiterions libérer les compétences. Dans cette optique, pouvez-vous évaluer le marché de la norme et les compétences qu’il monopolise ?

Mme Julie Ozenne (EcoS). Vous souhaitez supprimer par décret la compétence de la CNDP sur les projets industriels. Ce changement porterait atteinte au débat démocratique et serait contraire à l’article 7 de la Charte de l’environnement, laquelle a valeur constitutionnelle.

Presque toutes les contributions ayant nourri la concertation sur le projet de décret ont critiqué le texte. Le Conseil d'État a-t-il rendu un avis sur celui-ci ? Si tel est le cas, quel est-il et comptez-vous le respecter ?

Mme Anne-Sophie Ronceret (EPR). L’article 17 du projet de loi vise à faciliter le déploiement des antennes de téléphonie mobile par l’assouplissement des règles de leur implantation. La commune de Bullion, située dans ma circonscription, rencontre depuis 2021 des difficultés pour installer une antenne-relais dans le cadre du programme du New Deal mobile.

Malgré la réalisation d’études préalables et la prise en compte des contraintes topographiques du village et de ses hameaux, seuls deux sites font consensus pour installer l’antenne, mais ils sont situés respectivement dans une forêt de protection et dans un cône de vue. Au-delà des enjeux techniques et environnementaux, cette antenne répond à un impératif de sécurité pour les habitants et pour la commune qui se trouve dans une zone blanche.

Je suis certaine que ce cas n’est pas isolé. Pensez-vous que les dispositions de l’article 17 concilieront davantage le besoin de couverture mobile avec la nécessaire prise en compte des spécificités locales, notamment dans les communes situées dans des zones protégées ? Comment garantir que les préoccupations légitimes des habitants et des collectivités territoriales soient mieux prises en compte dans le choix des implantations ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Nous mesurons, en vous écoutant, la difficulté de simplifier sans déréguler, car il est important de pouvoir contrôler. Il n’est pas prévu de revenir sur l’article 18 car il offre une simplification – j’évoquerai toutefois la question avec mon collègue Marc Ferracci, qui est compétent sur cette partie du texte.

Madame Ronceret, le cas que vous évoquez s’observe dans d’autres communes. L’article 17 vise à faciliter le déploiement du très haut débit mobile dans tout le territoire. Il faudrait faire preuve de discernement pour apprécier certains cas atypiques. Nous reviendrons sur la question lors de l’examen des articles du texte.

Le coût de la norme pèse sur notre économie à hauteur d’une fourchette comprise entre 60 milliards et 80 milliards d’euros. Il faut simplifier pour améliorer la compétitivité des entreprises : les normes doivent être efficaces pour que les chefs d’entreprise puissent se concentrer sur leur cœur de métier. Monsieur Lam, il faut en effet privilégier le scalpel, car je ne crois pas au grand soir de la simplification. Je privilégie une multiplicité d’axes d’intervention car cette approche me paraît mieux à même d’améliorer la situation et de simplifier. Nous avons la volonté et l’ambition d’agir, en lien avec les parlementaires, pour travailler, au-delà de ce texte, à la simplification réglementaire et opérationnelle.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Madame Ozenne, je ne dispose pas, ici, de l’avis du Conseil d'État sur la CNDP, donc je ne puis vous répondre.


III.   EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI

Lors de ses réunions des lundi 24, mardi 25, mercredi 26 et jeudi 27 mars 2025, la Commission spéciale examine les articles du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, de simplification de la vie économique (n° 481 rect.) (MM. Christophe Naegelen et Stéphane Travert, rapporteurs).

Première réunion du lundi 24 mars 2025 à 15 heures

Lien vidéo : https://assnat.fr/d0ziri

M. le président Ian Boucard. Je salue la présence de M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique et de la simplification, qui participera à nos travaux avant de passer le relais à ses collègues Véroniques Louwagie, ministre chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire, à partir de l’article 4, puis Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, à partir de l’article 15.

Plus de 1 500 amendements ont été déposés, dont près de 400 ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution car ils ne présentaient aucun lien, même indirect, avec les dispositions contenues dans le texte. J’ai ainsi écarté tous les amendements qui tendaient à modifier le cadre des relations contractuelles entre un employeur et ses salariés, et, plus généralement, tous ceux qui tendaient à réformer le droit du travail, ainsi que ceux de nature exclusivement fiscale, ceux qui modifiaient les règles applicables à certains ordres professionnels, qui assouplissaient les règles de protection des espèces ou qui réformaient le droit des sociétés. Le président de la commission des finances, Éric Coquerel, a déclaré plusieurs autres amendements irrecevables au titre de l’article 40.

Enfin, comme il est d’usage dans d’autres commissions, j’ai fait regrouper à la fin les nombreux amendements tendant à demander au gouvernement la remise d’un rapport. Cela nous obligera, collectivement, à faire preuve de discernement dans nos demandes.

Compte tenu du grand nombre d’amendements à examiner, je vous invite à faire preuve de brièveté.

titre ier
simplifier l’organisation de l’administration

Article 1er (chapitre préliminaire du titre II du livre Ier, art. L. 145-1, L. 146-1 et L. 147-1 du code de la recherche ; titre IV du livre IV de la sixième partie du code des transports ; art. L. 326-6 et L. 326-7 du code général de la fonction publique ; art. L. 351-1 du code forestier ; art. 60-1 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises) : Suppression d’instances consultatives

Amendement de suppression CS206 de Mme Sandrine Nosbé

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Cet article est très problématique. Par exemple, la suppression du Comité national de la gestion des risques en forêt est d’autant plus surprenante que ces risques iront croissant. Il en va de même de la suppression du Conseil stratégique de la recherche au motif, d’après le gouvernement – suivi par la droite sénatoriale –, que le Conseil présidentiel de la science assure un rôle similaire. Or, contrairement à la première institution, aucun parlementaire ne siège dans la seconde, rattachée à l’Élysée.

En supprimant des organes où siègent des parlementaires – c’est le cas de la plupart de ceux visés par l’article 1er –, vous empêchez ces derniers de jouer leur rôle, pourtant fondamental, de contrôle de l’action du gouvernement.

M. Christophe Naegelen, rapporteur pour les titres Ier à VI. Avis défavorable. Le texte vise à rationaliser le foisonnement des structures, source de complications pour les Français au quotidien, en supprimant notamment celles qui ne se sont pas réunies depuis un certain temps.

M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification. L’objectif du texte est précisément de nous amener à nous interroger sur la pertinence d’un certain nombre d’organes. Avis défavorable.

M. Charles Fournier (EcoS). Considérant que la suppression de certaines structures pourrait être justifiée, nous étions initialement défavorables à la suppression de l’article. Mais là, on assiste au concours Lépine de la suppression, parfois sans aucune justification. Même si tous les amendements ne seront probablement pas adoptés, nous avons l’impression qu’on y va à la tronçonneuse, parfois à l’aveugle et parfois, au contraire, de manière très ciblée.

Il nous semblerait plus pertinent d’évaluer sérieusement précisément chacun de ces organismes avant de décider lesquels méritent d’être supprimés. Certains ne fonctionnent pas parce qu’on ne s’en sert pas, ou qu’on n’a pas voulu qu’ils continuent de fonctionner.

Nous soutiendrons donc cet amendement.

M. Henri Alfandari (HOR). Certaines suppressions sont aveugles, d’autres pas : débattons-en plutôt que de supprimer l’article, car cela nous empêcherait de modifier le fonctionnement de certains organismes et de simplifier réellement le paysage institutionnel.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1012 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi (EcoS). Pour bien commencer, je vous propose une belle simplification, utile et source d’économies. Par cet amendement nous proposons de supprimer le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), que 90 % des scientifiques estiment bureaucratique et inutile, voire nocif. Directeur de recherche, j’ai eu l’occasion d’être évalué dans mon rôle de responsable d’équipe, mais aussi de participer à l’évaluation d’autres laboratoires : le processus d’évaluation fait perdre un temps fou aux scientifiques, déstabilise les collectifs et génère beaucoup de souffrance au travail. Pire : en faisant primer la compétition sur la coopération et en poussant les laboratoires à publier n’importe quoi, il menace le bon fonctionnement de la science. Rappelons que les chercheurs sont en permanence évalués par leurs pairs, à travers le processus de publication et par leurs institutions.

Les avis du HCERES sont de plus en plus contestés par la communauté scientifique elle-même : le 3 mars, la vingt-deuxième section du CNU (Conseil national des universités) s’est indignée contre les avis défavorables délivrés par le HCERES à plus de 25 % des formations de la vague E – essentiellement en sociologie, comme par hasard –, des évaluations qu’elle juge vexatoires, déconnectées de la réalité des établissements, et sourdes au sous-financement structurel de ces filières. Les modalités de l’évaluation des formations et des unités de recherche doivent redevenir la prérogative des établissements et des universités.

La suppression du HCERES, dont le principe avait été adopté en commission des finances lors de l’examen du projet de loi de finances, aurait permis d’économiser 24 millions d’euros en 2024.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable. Non seulement les avis du HCERES sont de plus en plus contestés par la communauté scientifique, mais, en plus, sa mission peut très bien être assurée par un autre organe – en l’espèce, par les établissements et universités. C’est l’un des critères qui guideront mes avis sur les différents amendements.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Heureusement que l’amendement de suppression précédent n’a pas été adopté : il nous aurait privés de ce débat !

J’entends vos critiques sur le HCERES, mais je suis défavorable à sa suppression pour deux raisons. Tout d’abord, les parlementaires réclament continuellement des évaluations sur la qualité de notre système d’enseignement supérieur, et le HCERES répond à cette demande ; ensuite, ses rapports, gages d’un dialogue sérieux et transparent, sont cruciaux dans le cadre de la contractualisation entre l’État et les établissements. Ce n’est donc pas un comité Théodule, et sa suppression entraînerait inévitablement la création d’un organe similaire.

Néanmoins, compte tenu de votre expertise, je suis prêt à travailler avec vous sur ce sujet.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). En tant qu’ancienne chercheuse, je ne peux que valider l’analyse de mon collègue Davi, dont nous soutiendrons l’amendement. Le HCERES favorise la compétition, à la fois entre les chercheurs et entre les établissements, alors que la recherche devrait s’inscrire avant tout dans une logique d’intérêt général.

Je pense que nous touchons là à l’une des limites du texte : la notion de simplification est très floue, et la volonté de supprimer telle ou telle structure dépend de la vision et des conceptions politiques de chacun. Je nous invite donc, collectivement, à justifier le plus précisément possible les raisons qui sous-tendent nos amendements.

M. Hendrik Davi (EcoS). La création du HCERES est récente : il a remplacé l’Agence de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) mais, avant, les universités assuraient elles-mêmes l’évaluation des formations, et les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) celle de leurs unités. Il y a d’ailleurs un dysfonctionnement global, car les évaluations du HCERES, en plus d’être souvent nocives, sont rarement suivies d’effet. Le CNRS (Centre national de la recherche scientifique), par exemple, est souverain dans la gestion de ses laboratoires, quand bien même ceux-ci auraient fait l’objet d’une mauvaise évaluation par le HCERES.

Il faut donc supprimer cet organisme.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS1478 de Mme Marie Lebec

Mme Marie Lebec (EPR). Avant de proposer la suppression d’autres structures pour simplifier le paysage institutionnel et la prise de décision publique, commençons par nous interroger sur la pertinence des organismes extraparlementaires : c’est l’objet de mon amendement.

Il faudrait également que l’Assemblée nationale mette à jour la liste de ces organismes qui figure sur son site internet, car certains, qui ont dépassé l’objet même de leur création, n’ont plus d’intérêt.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Si je souscris au principe général, cet amendement tend à abroger l’article L. 2102-7 du code des transports, qui précise la composition du conseil d’administration de la SNCF. C’est un peu délicat ! Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Nous devons effectivement nous interroger sur la pertinence de certains organismes. Mais, pour ne pas y aller tous azimuts, j’aimerais que l’on procède avec méthode : prenons le temps d’examiner dans le détail les propositions de suppression, structure par structure, plutôt que de procéder par paquets. Je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous nous opposerons à cet amendement qui procède à des suppressions sans discernement. Je ne suis même pas certain que les auteurs de l’amendement connaissent les organes qu’ils proposent de supprimer ! Nous avons pu, par exemple, apprécier l’expertise du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) lorsque le député de la commission du développement durable qui y siège a rendu compte, à plusieurs reprises, de ses missions. Et le Conseil supérieur de la coopération ? L’un des auteurs de cet amendement sait-il au moins à quoi il sert ? Je suis sûr non.

Mme Anne-Laure Blin (DR). C’est bien la preuve qu’il ne sert à rien !

M. Gérard Leseul (SOC). J’en ai été membre. C’est un conseil sectoriel, qui joue le rôle d’interface entre les entreprises coopératives et les pouvoirs publics sur l’ensemble des sujets d’ordre législatif ou réglementaire en matière de coopération.

Je ne comprends pas la logique de liste à la Prévert d’un tel amendement.

Mme Marie Lebec (EPR). Il s’agissait d’éviter d’emboliser les débats avec des milliers d’amendements.

Il me semble de bon ton que l’Assemblée nationale s’interroge sur les organismes dans lesquels elle demande à ses membres de siéger. Sans remettre en cause la qualité de son travail, je ne suis pas sûre que tout le monde sache très bien en quoi consiste l’activité du Conseil consultatif de la garde nationale – et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Monsieur le ministre, je ne cherchais pas à tailler à la hache dans les organismes extraparlementaires : pour établir cette liste, nous nous sommes appuyés sur plusieurs critères, comme la fréquence des réunions.

Cette précision faite, je vais retirer mon amendement pour que nous puissions avancer dans les débats.

L’amendement est retiré.

Amendement CS470 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Pour notre part nous nous sommes fondés sur trois critères : l’efficacité, le coût pour les finances publiques et l’existence éventuelle d’une autre structure assurant les mêmes missions.

Par cet amendement je propose la suppression de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France), qui gère les investissements dans les infrastructures de transport. Ses frais de fonctionnement s’élèvent à 800 000 euros, pour seulement 5 équivalents temps plein (ETP) et un conseil d’administration qui se réunit rarement. Cet organisme est si étroitement subordonné à la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) que, dans un rapport de 2024, la Cour des comptes estimait qu’il n’était qu’une caisse de financement destinée à contourner la législation budgétaire. La Cour recommandait de supprimer l’Afitf et de réintégrer ses crédits dans le budget général de l’État.

Notre amendement répond donc à l’objectif de rationalisation du texte et contribue à rendre le fonctionnement des organismes de l’État plus lisible.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. La Cour des comptes se montre effectivement très critique à l’égard de l’Afit France, soulignant que « près de vingt ans après sa création la valeur de l’agence s’avère toujours aussi discutable. […] Elle demeure dans une position d’étroite subordination vis-à-vis de la DGITM […] ce qui la maintient dans un rôle de caisse de financement ». C’est typiquement le genre d’agence qui sclérose le système plus qu’autre chose. Avis favorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Permettez-moi d’expliquer la philosophie qui présidera aux avis du gouvernement sur tous ces amendements.

L’article 1er vise à supprimer certains organismes : cette liste n’est pas négociable. Vous proposez d’en supprimer d’autres. Notons, tout d’abord, que mises bout à bout, toutes les suppressions que vous proposez ne permettraient pas des économies substantielles – 800 000 euros en ce qui concerne l’Afit France, ce n’est pas énorme. Par ailleurs, ne mélangeons pas commissions, comités, opérateurs de l’État, comme tendent à le faire certains amendements, car toutes ces structures ne se valent pas.

En outre, le Sénat a déjà durci l’article 1er, qui sera encore renforcé par la proposition de loi de la sénatrice Nathalie Goulet, adoptée en première lecture à la Chambre haute il y a quelques semaines. Au reste, n’oublions pas qu’un premier effort de rationalisation a déjà permis de diminuer le nombre de commissions diverses, passé de 799 en 2010 à seulement 313 aujourd’hui – une diminution significative, vous en conviendrez.

L’avis du gouvernement s’est fondé sur trois critères cumulatifs : des missions redondantes avec celles d’autres organes, une activité nulle – ou presque –, les conséquences de la suppression sur la lisibilité de l’action publique. En l’espèce, l’Afit France a été créée pour flécher des recettes vers les projets de transport, afin de garantir souplesse et réactivité pour suivre les orientations arrêtées par les parlementaires. Quant au nombre restreint d’agents qui y travaillent, je le vois sous un angle plutôt positif : chacun d’eux gère l’équivalent de 1 milliard d’euros de crédits, ce qui est gage d’efficacité. La prochaine Conférence de financement des mobilités sera l’occasion de définir de nouvelles priorités et, au besoin, de faire évoluer la gouvernance des projets.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Pour notre part, nous y sommes favorables : à la commission du développement durable, chargée d’émettre un avis sur la nomination du président du conseil d’administration d’Afit France, on entend souvent dire que cette structure est une sorte de cabinet parallèle qui permet d’opérer des choix supplémentaires, privant les parlementaires d’une partie de leur pouvoir en matière d’orientation du financement des infrastructures de transport. C’est pourtant un rôle fondamental, en particulier en période de transition écologique : en tant que parlementaires, nous devons réfléchir à une réorientation des budgets destinés à financer nos infrastructures.

Je sais que nos camarades du groupe Écologiste et social ont une position un peu différente. Puisque nous parlons de la méthode, pourrions-nous déroger à la règle contraignante du « un pour, un contre », monsieur le président ?

M. le président Ian Boucard. Nous allons faire une exception.

M. Charles Fournier (EcoS). Monsieur le ministre, me confirmez-vous que les trois critères fondant vos avis doivent être cumulatifs ? Les amendements du gouvernement n’obéissent pas tous à cette condition : tantôt, vous proposez de supprimer un organisme parce qu’il ne se réunit pas ; tantôt, vous invoquez la lisibilité de l’action publique. Ce n’est pas clair, et c’est une partie du problème. Nous devons affiner l’analyse et nous assurer que les suppressions sont bien justifiées au regard des trois critères que vous avez retenus.

M. Gérard Leseul (SOC). Avec cet amendement, les 2 milliards de taxes affectées à l’Afit France – notamment la taxe d’aménagement, la contribution volontaire exceptionnelle des sociétés concessionnaires d’autoroutes, assise sur la durée des concessions, et la redevance domaniale, calculée sur l’emprise des autoroutes concédées – iraient abonder le budget général de l’État, sans garantie qu’ils continuent à financer les transports. Nous ne soutiendrons donc pas cet amendement.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Ce texte est attendu depuis très longtemps : permettra-t-il de faire un grand ménage dans le millefeuille administratif, qui rend le fonctionnement de l’État incompréhensible et peu efficace ? Il constitue l’occasion de faire le point et de réorienter certaines dépenses critiquées par la Cour des comptes elle-même. Si l’on se réfère à votre méthode, il me semble que vous auriez pu être favorable à mon amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS1387 de M. Christophe Naegelen

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Puisque chacun a exposé sa méthode, permettez-moi de présenter la mienne.

Le coût n’a pas été un critère prépondérant pour moi : toute économie est bonne à prendre – j’ai toujours appris que les petits ruisseaux faisaient les grandes rivières. En revanche, je me suis attaché à la fréquence des réunions – un organe qui ne se réunit qu’une à deux fois par an n’est peut-être pas indispensable – et à l’existence d’autres organismes pouvant assurer les mêmes missions.

Au regard de ces deux critères, je propose de supprimer le Conseil national de la forêt et du bois (CNFB), qui s’est réuni une fois en 2021, deux fois en 2022 et en 2023, et dont les missions pourraient être assurées par d’autres instances beaucoup plus opérationnelles, comme l’Office national des forêts (ONF) et les commissions régionales de la forêt et du bois. En outre, les politiques forestières sont déjà bien encadrées par des dispositifs législatifs et administratifs.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS180 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Je me suis brièvement demandé si le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) n’était pas la même chose que le haut-commissariat à l’enfance. Il s’agit en réalité d’un doublon dont les missions sont également redondantes avec celles du comité interministériel à l’enfance et celles des services des ministères chargés de la famille et de la protection de l’enfance.

Le HCFEA compte 230 membres et a pour mission de formuler des propositions et des avis. Certes, il lui arrive de se réunir, mais son coût de fonctionnement est estimé à 800 000 euros par an, soit environ 30 000 euros par réunion et, comme l’a dit M. le rapporteur, les petits ruisseaux font les grandes rivières. En raison de sa production faible, mais surtout de son statut de doublon administratif, je propose sa suppression.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je m’en remets à la sagesse de la commission. Je ne suis pas convaincu qu’il faille supprimer le HCFEA, dont l’activité est intense : vingt-sept réunions en 2023, vingt-neuf réunions en 2022. J’émettrai en revanche un avis favorable à l’amendement proposant de supprimer le Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), qui fait doublon avec le nouveau haut-commissariat à l’enfance.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même avis.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous nous opposerons à cet amendement. Il suffit de consulter les sections « rapports » et « réunions » du site du HCFEA pour constater que celui-ci fournit un travail, à moins de considérer toute prise de position sur les sujets de l’enfance et du grand âge permettant de nourrir les débats parlementaires comme dérisoire et inutile. Les oppositions se nourrissent de ce type de rapport. Le débat démocratique n’est pas matériellement gratuit : si nous voulons qu’il se déroule dans de bonnes conditions, il faut consacrer des moyens publics à ce genre d’instance.

L’amendement suivant propose de supprimer le CNPE. C’est un cas exemplaire de coupe à l’aveugle. Si on n’a ni l’un ni l’autre, il est certain qu’il n’y aura plus de doublon !

Mme Anne-Laure Blin (DR). Je vous rassure, vous pourrez toujours vous rabattre sur le haut-commissariat à l’enfance. L’idée n’est pas de couper toute discussion de fond, mais de rationaliser le millefeuille administratif de l’État. Quand M. Leseul a demandé qui connaissait le Conseil supérieur de la coopération, aucun de nous n’a répondu. Si l’on ne sait pas à quoi servent les institutions, à quoi bon les garder ? Malgré ses contributions, le HCFEA fait doublon. Il serait plus utile de rassembler les structures.

J’ai effectivement déposé un autre amendement pour supprimer le CNPE. La commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance, dont je suis membre, montre que le système actuel ne marche pas. Il est nécessaire de s’interroger sur l’efficacité de toutes ces institutions qui existent sans améliorer la situation.

Mme Olivia Grégoire (EPR). M. le ministre a énoncé les trois conditions cumulatives auxquelles il est envisageable de le supprimer une structure : si elle vivote, si elle est redondante, si elle n’a pas d’impact sur la visibilité de l’action publique. C’est pourquoi nous voterons pour l’amendement de Mme Blin.

Toutefois, à l’aune de cette doctrine, je me permets de questionner l’avis défavorable qui a été donné à l’amendement précédent de ma collègue Lebec. Le Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié (Copiesas) est parfaitement redondant avec les médiateurs nommés à Bercy ; la fréquence de ses réunions n’est indiquée nulle part ; quant à l’impact sur la visibilité de l’action publique, il est loin d’être évident. Si une doctrine est choisie, il faut s’y tenir. Je suis par ailleurs étonnée par l’argument du nombre de réunions : on peut parfaitement se réunir pour ne rien faire.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS93 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Cet amendement vise à supprimer le Conseil national de la protection de l’enfance. Le CNPE est chargé d’émettre des avis et de formuler des propositions relatives à la protection de l’enfance. Toutefois, ses compétences chevauchent celles du haut-commissariat à l’enfance, créé le 5 mars dernier et rattaché au ministère de l’enfance, à la tête duquel a été nommée une ancienne collègue battue aux élections législatives. Il existe par ailleurs un comité interministériel à l’enfance qui comprend d’éminentes personnalités chargées de donner leur avis sur ces sujets. Enfin, le secrétariat du CNPE est assuré par le groupement d’intérêt public France enfance protégée, lequel a lui-même un rôle à jouer.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable car il s’agit réellement d’un doublon avec le nouveau haut-commissariat à l’enfance. Si j’ai donné un avis défavorable à l’amendement mentionné par Mme Grégoire, c’est parce qu’il proposait aussi de supprimer le Conseil d’orientation des infrastructures.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Ces organismes ne sont pas de même nature. Contrairement au haut-commissariat à l’enfance, le CNPE est un organe indépendant du gouvernement qui exerce un rôle de conseil et comprend une soixantaine de membres – représentants des conseils départementaux, des services de l’État, de professionnels et d’associations et d’organismes de formation. Il me semble que sa suppression, ajoutée à celle du HCFEA, risque de faire beaucoup. Les associations de protection de l’enfance pourraient en tirer des interprétations malheureuses.

M. Charles Fournier (EcoS). Il ne faut pas confondre les structures indépendantes et les comités interministériels sous prétexte que leurs noms se ressemblent. On crie au doublon ou au triplon pour justifier leur suppression à l’aveugle en disant : « On verra après ! » Cette méthode n’est pas sérieuse et elle est plus idéologique qu’efficace. Parfois, on respecte un critère, parfois deux, parfois les trois. Pourquoi donner un avis favorable à l’amendement précédent et défavorable à celui-ci ? La commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance montre à quel point le secteur est en difficulté. Nous avons plus que jamais besoin de regards indépendants.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Je siège à la commission d’enquête dont vous parlez et je sais combien les sujets liés à l’enfance sont difficiles à appréhender. Il ne s’agit pas d’avancer à la tronçonneuse, mais de mieux accompagner le personnel du secteur et de recentrer les moyens sur les sujets de préoccupation, comme l’adoption ou les enfants placés. Si chacun se réunit dans son coin, il est impossible d’avancer. C’est ce que permet ce texte.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. J’ai donné un avis défavorable à l’amendement précédent car le HCFEA se réunit plusieurs fois par an. Il faut s’intéresser aux missions : celle du CNPE, comme celle du haut-commissariat à l’enfance, est de proposer des orientations au gouvernement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS305 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Cet amendement vise à supprimer le fonds national d’aide à la pierre (Fnap). Ce fonds, composé de quinze membres et chargé de mutualiser les ressources de programmation de ces aides avec les bailleurs sociaux et les collectivités locales, est un véritable comité Théodule, puisque d’autres institutions sont également chargées de gérer ces crédits, notamment l’Agence nationale de l’habitat (Anah) et l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). L’amendement vise donc à supprimer le Fnap.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable. Un autre acteur, comme l’ANCT ou l’Anah, serait capable de faire ce travail. Je félicite Mme Blin pour ce travail en profondeur, même si je ne suis pas d’accord avec tous ses amendements.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Les missions du Fnap, celles de l’Anah et celles de l’ANCT ne se superposent pas. Ces trois opérateurs remplissent des missions bien distinctes au profit de bénéficiaires différents : le Fnap attribue des aides à la production de logements locatifs sociaux tandis que l’Anah attribue des aides à la rénovation de logements privés et que l’ANCT, pour sa part, attribue des aides aux collectivités territoriales. Il n’y a donc pas de triplon. Par ailleurs, la suppression du Fnap n’engendrerait aucune économie. Avis défavorable.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Monsieur le ministre, j’ai l’impression que vous jouez à plouf-plouf pour choisir quels organismes garder ou supprimer. On supprime le CNPE mais on garde le HFCEA au motif que ce dernier donnerait des conseils au gouvernement, contrairement au CNPE, alors que ces deux instances contribuent au débat public.

Si l’on voulait simplifier le millefeuille administratif, on supprimerait les organes qui gênent la vie des entreprises et des citoyens. Ici, on supprime des structures qui contribuent au débat démocratique en publiant des rapports rédigés par des professionnels sur des thématiques que nous ne maîtrisons pas tous. Nous sommes trop peu éclairés pour savoir si les organismes que nous supprimons sont utiles ou non. Personnellement, je ne donnerai pas mon avis sur la suppression du Fnap, car je ne connais pas assez le sujet.

M. Matthias Renault (RN). Nous voyons avec délectation se multiplier les propositions de suppression de divers opérateurs et commissions. Nous serons donc favorables à l’amendement. J’irai même plus loin : sans recréer l’historique délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (Datar), ne faudrait-il pas recentraliser la politique du logement ? Nous sommes non seulement pour la réinternalisation du FNAP, mais aussi pour celle de l’Anah et de l’ANCT.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Il y a méprise, madame Meunier : tout à l’heure, j’ai donné un avis défavorable aux deux amendements. Cela vous dérange peut-être d’être d’accord avec le gouvernement, mais j’ai argumenté chacun de mes avis. Je n’ai pas le sentiment d’avoir joué à plouf-plouf.

On pourrait effectivement envisager des regroupements ou des fusions, mais les amendements examinés proposent une suppression pure et simple. Ce n’est pas la même chose.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1484 de Mme Marie Lebec

Mme Marie Lebec (EPR). Mon amendement vise à supprimer la Commission nationale pour l’élimination des mines antipersonnel (Cnema) et le Conseil supérieur de la réserve militaire.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable. J’ai moi-même proposé, séparément, la suppression de ces deux instances. La suppression de la Cnema s’inscrit dans une logique de rationalisation des structures consultatives redondantes. Quant aux missions consultatives du Conseil supérieur de la réserve militaire, elles peuvent être assurées par des structures existantes, notamment par le délégué interarmées aux réserves.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis favorable.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Chaque amendement est l’occasion de découvrir des pans entiers du débat public. La Cnema a peut-être moins de pertinence au plan national, mais elle a un intérêt fondamental pour le respect du droit international humanitaire au moment où les mines antipersonnel sont en train d’être réintroduites dans certains pays au mépris de la convention d’Ottawa. Il faut lui donner les moyens de faire part de ses conclusions à un public plus large. Encore une fois, on propose une série de suppressions à l’aveugle.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CS1368, CS877, CS1282, CS1336, CS1370, CS1272 et CS1340 tombent.

Amendement CS154 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Le Conseil d’évaluation de l’école (CEE), chargé d’évaluer l’organisation et les résultats des politiques éducatives, compte quatorze membres. Il se réunit à peine trois fois par an pour des frais de fonctionnement de près de 20 000 euros, soit 6 000 euros par réunion, et fait doublon avec le Conseil supérieur de l’éducation, qui dispose des mêmes prérogatives. Je propose donc sa suppression.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Le CEE se réunit plus de six fois par an et, même s’il fait doublon avec le Conseil supérieur de l’éducation, il rend des rapports. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1371 de M. Christophe Naegelen, CS587 de M. Pierre Meurin, CS722 de Mme Anne-Laure Blin, CS1271 de M. Philippe Bolo, CS1341 du gouvernement et CS1485 de Mme Marie Lebec

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Le Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle ne s’est pas réuni depuis 2021. Compte tenu de la doctrine que je me suis fixée, il n’y a pas d’intérêt à le conserver.

M. Thierry Tesson (RN). Selon les indicateurs qui nous sont parvenus, la dernière réunion de cette instance remonte à 2021. Il convient donc de la supprimer.

Mme Anne-Laure Blin (DR). En 2021, une seule réunion : 80 000 euros.

M. Philippe Bolo (Dem). Tout a été dit.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Je propose également la suppression de ce Haut Conseil.

Mme Marie Lebec (EPR). Mon amendement a le même objet.

M. Charles Fournier (EcoS). Nous sommes défavorables à cette suppression. Les trois critères du rapporteur ne sont pas cumulés : en l’occurrence, le Haut Conseil est la seule instance existante dans le domaine de l’éducation artistique et culturelle. Par ailleurs, il ne faut pas se fier uniquement au dernier compte rendu publié sur internet pour déterminer si une structure se réunit ou non : un article de Télérama montre que cette instance est active auprès des collectivités et qu’elle est bien utile. Il serait regrettable de la supprimer. Malheureusement, seules quelques voix se sont élevées pour la défendre au Sénat.

Mme Olivia Grégoire (EPR). La remarque de notre collègue est intéressante : ce n’est pas parce qu’aucune actualité n’est publiée sur le site web que l’instance ne travaille pas. Mais comment faire quand un organisme que nous avons essayé de contacter ne donne aucune information sur la date de la prochaine réunion, ne publie aucun compte rendu et ne répond pas au téléphone, comme cela m’est arrivé pour le Conseil national du commerce ? Nous avons peu de moyens pour investiguer.

M. le ministre a indiqué, à juste titre, qu’il pouvait être utile de proposer des regroupements quand la suppression sèche d’une instance n’était pas adaptée. Tous les amendements que j’ai déposés en ce sens ont été déclarés irrecevables. Pourrions-nous soumettre des propositions en séance publique sans que nos amendements soient considérés comme des cavaliers législatifs ?

M. Christophe Naegelen (LIOT). Le jaune budgétaire indique une seule réunion depuis 2021, qui a coûté 80 000 euros. Si le Haut Conseil à l’éducation artistique et culturelle est indispensable, c’est un indispensable dont nous n’avons pas eu besoin.

La commission adopte les amendements.

Amendement CS430 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Le médiateur national de l’énergie (MNE) est chargé de recommander des solutions aux litiges dans le secteur de l’énergie et de participer à l’information des consommateurs. Il emploie 46 agents et ses frais de fonctionnement se montent à 5,3 millions d’euros. En 2023, le MNE se plaignait que son budget ne lui permettait pas de répondre à ses missions. Actuellement, seuls 28 % des dossiers recevables sont clos dans le délai réglementaire de 90 jours et le délai moyen d’examen des dossiers est de 137 jours. Le taux de litige était de 67 pour 100 000 contrats résiduels en 2023 et le taux de saisine est de 40 pour 100 000.

Le MNE fait doublon avec le Centre de médiation et d’arbitrage de Paris et avec les services de médiation interne des fournisseurs d’énergie, comme Engie ou EDF. Je propose donc sa suppression.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Avis défavorable. Le médiateur national de l’énergie s’est réuni à de multiples reprises et il a clairement démontré son utilité lors de la crise énergétique.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même avis.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous sommes fortement défavorables à cet amendement à une période où l’accès des Français à l’énergie est loin d’être simple. Peu après mon élection, j’ai reçu une lettre de sollicitation d’un habitant de ma circonscription concernant le chèque énergie. C’est avec l’aide du médiateur national de l’énergie que j’ai pu lui fournir des explications.

Il est factuellement faux de dire que le MNE est inutile. Comme pour toutes les instances dont vous proposez la suppression, vous invisibilisez des pans entiers de son action et prétendez ensuite qu’il ne sert à rien. La question que nous devrions nous poser est la suivante : comment faire pour qu’il fonctionne mieux ? Le médiateur national de l’énergie a peut-être raison de demander plus de moyens pour faire fonctionner son institution. Elle est d’ailleurs loin de faire doublon avec les deux instances que vous avez mentionnées, puisque la première concerne un périmètre géographique réduit, tandis que l’autre n’est pas un acteur public, ce qui change fondamentalement le rapport des citoyens à la médiation proposée – à moins de penser que le public et le privé, c’est un peu la même chose, ce qui semble souvent être la logique du texte.

M. Philippe Bolo (Dem). Il ne faut pas supprimer le médiateur national de l’énergie. Son rapport annuel d’activité met en effet en évidence les mauvaises pratiques commerciales de certains fournisseurs d’énergie. En outre, il publie un comparatif des prix de l’énergie qui aide les consommateurs à faire le meilleur choix pour leur contrat d’énergie.

M. Gérard Leseul (SOC). L’existence même d’une instance de médiation permet de renforcer la démocratie et la confiance que nos concitoyens peuvent avoir, en tant que consommateurs, dans l’ensemble du système énergétique.

La médiation est ce qui permet d’avoir confiance dans un système. Il ne faut donc pas la confondre avec un conseil ou un comité. Les médiations internes des entreprises privées ou celle de la ville de Paris existent et sont utilisées. C’est une bonne chose, mais cette instance supérieure permet à nos concitoyens consommateurs de demander des comptes et nous ne pouvons que nous féliciter qu’il y soit peu fait recours.

Mme Olivia Grégoire (EPR). Autant je suis réservée quant à l’utilité du Conseil national du commerce – je ne l’ai jamais vu au cours des deux ans et demi pendant lesquels j’ai été ministre des PME, du commerce et de l’artisanat –, autant je constate combien le rôle du Médiateur national de l’énergie a été important au cours de ces deux dernières années. Je salue le travail de Mme Blin, mais je suis en désaccord avec son amendement.

J’ajoute que le taux de satisfaction du médiateur est de 87 % et que le taux de recommandation est de 90 %. Ses propositions de réforme du marché de l’énergie sont remarquables. Les équipes du médiateur réalisent un vrai travail.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Si l’accès au médiateur de l’énergie était si évident, nos concitoyens ne viendraient pas nous trouver, ce qui nous oblige à saisir nous-mêmes le médiateur. Ce manque de transparence et de lisibilité, qui touche d’autres opérateurs, mais également la lenteur du traitement des dossiers, m’ont conduit à déposer cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS338 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). La Commission supérieure nationale du personnel des industries électriques et gazières se réunit deux fois par an. Ses trente-huit membres exercent leur fonction par délégation de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) et les délèguent à nouveau à six sous-commissions. Ses réunions se déroulent dans des locaux prêtés par le ministère chargé de l’énergie, ce qui relève d’une sorte de financement caché, et elle n’a rien publié depuis mai 2023.

La suppression de cette commission va donc dans le sens de la simplification du millefeuille administratif.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il s’agit bien d’un millefeuille administratif puisque la CNNCEFP peut remplir les missions de cette commission. Avis favorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis défavorable.

M. Charles Fournier (EcoS). De nombreuses structures fonctionnent avec une plénière et des sous-commissions. Je ne vois pas en quoi cela constitue un millefeuille administratif.

Nous pourrions créer une délégation parlementaire à la simplification afin que députés et sénateurs puissent prendre le temps de regarder ces structures en continu plutôt que de prendre des décisions reposant sur des éléments fragiles.

M. Matthias Renault (RN). J’observe que ceux défendent les commissions dont on propose la suppression ne défendent pas les missions de ces dernières. Je n’ai entendu personne expliquer ce que fait cette commission et en quoi elle est utile.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je n’ai pas dit que l’existence de six sous-commissions faisait de cette commission un millefeuille administratif : j’ai simplement dit que ses missions pouvaient être confiées à une autre commission.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS585 de M. Pierre Meurin et CS720 de Mme Anne-Laure Blin (discussion commune)

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous allons examiner une série d’amendements touchant à des organismes importants – Commission nationale du débat public (CNDP), Agence de la transition écologique (Ademe) et Office français de la biodiversité (OFB). Nous demandons une discussion plus longue sur ces amendements, car ils peuvent être très lourds de conséquences pour la vie démocratique de notre pays.

M. le président Ian Boucard. C’est prévu.

M. Pierre Meurin (RN). Cela fait plus de deux ans que j’essaye de supprimer la CNDP et j’ai d’ailleurs déposé une proposition de loi ce sens. Cet amendement propose sa suppression pure et simple, après un certain délai nécessaire à l’achèvement des projets en cours.

Cette commission porte mal son nom. Seules les associations écologistes, qui ont pour seul objectif de bloquer les projets de grande envergure, la connaissent et elle s’est illustrée par des rapports contre le nucléaire et en faveur des éoliennes ou des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Elle n’est donc pas une commission du débat public, mais un incubateur pour toutes les associations écologistes.

L’intervention de ma collègue est symptomatique de la défense par l’extrême gauche de toutes ces commissions qui alourdissent la démarche des porteurs de projet. La CNDP pose ainsi beaucoup de difficultés au développement de l’activité économique, de nombreux industriels me l’ont dit. Mes collègues de gauche se sont trompés de commission : celle-ci vise à simplifier la vie économique, allez donc débattre dans une commission spéciale de complexification.

Mme Anne-Laure Blin (DR). La CNDP est un véritable gouffre financier avec un budget annuel de 10 millions d’euros, dont 4 millions de frais de fonctionnement pour indemniser les vingt-cinq membres d’une équipe permanente, auxquels il faut ajouter la rémunération de 350 collaborateurs. Nous ne disposons que des chiffres de 2023 et nous attendons ceux de 2024 avant le mois de juin.

Surtout, la CNDP est contre-productive, puisqu’elle alourdit le poids administratif pour les porteurs de projet.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable à l’amendement de M. Meurin, car il prévoit un délai avant la suppression.

Le bilan de cette autorité indépendante, qui dispose d’un budget conséquent, est particulièrement modeste. Cette faible productivité interroge d’autant plus que la commission n’est que marginalement identifiée par nos concitoyens, ce qui limite fortement sa légitimité démocratique. Son rôle dans les processus de concertation environnementale s’est en outre révélé largement insuffisant pour désamorcer les tensions liées à plusieurs projets sensibles, comme Notre-Dame-des-Landes ou Sainte-Soline.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Les ministres en charge, notamment la ministre Olivia Grégoire, avaient choisi d’augmenter les seuils de saisine de la commission, notamment pour les projets industriels. Cette mesure a été mise en œuvre par voie réglementaire, mais elle a été censurée au motif qu’elle relèvait du domaine législatif.

Je comprends les arguments en faveur de la suppression, mais je vous demande de retirer ces amendements afin que nous puissions trouver un juste équilibre sur la partie concernant les projets industriels. Nous en discuterons à l’occasion de l’examen de l’article 15 et en séance.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Nous pouvons accorder ce temps au gouvernement afin qu’il nous apporte des éléments de réponse.

Je retire l’amendement.

M. Charles Fournier (EcoS). J’ai été membre de la CNDP et je constate combien certains propos sont caricaturaux. Elle réunit des acteurs comme le Medef ou la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et les associations environnementales y sont minoritaires.

La CNDP contraint les porteurs de projet à apporter des éclaircissements, qui seront versés au dossier par le garant du débat. Elle a ainsi contribué à l’abandon du projet Montagne d’or, un projet mal ficelé et monté au mépris de tous.

Sa fonction n’est pas d’empêcher le débat, mais de le rendre possible. Pour de nombreux débats, comme ceux sur un projet de ligne à grande vitesse traversant un territoire, les salles sont pleines et des personnes pour et contre s’y réunissent.

Je m’oppose donc très fermement à la suppression de la CNDP.

M. Gérard Leseul (SOC). Dire que la CNDP est aux mains des associations environnementales témoigne d’une méconnaissance complète de son fonctionnement.

Il existe dans ma circonscription un projet de ligne ferroviaire avec tunnel contre lequel seize maires, dont la plupart ne sont pas de mon obédience politique, sont fortement mobilisés. Ils demandent l’appui de la CNDP afin de favoriser l’information et la concertation.

De nombreux citoyens connaissent la CNDP et les possibilités de dialogue qu’elle offre.

M. Pierre Meurin (RN). Ceux qui connaissent la CNDP sont vos proches politisés, qui ont pour seul objectif de ralentir l’activité économique. Aucun vrai citoyen ne la connaît.

Je ne retire pas mon amendement, car la CNDP, qui incube les lobbys écologistes, est un symbole de l’entrave aux projets nucléaires et du développement des éoliennes. Personne n’a réussi à démontrer que cette commission produisait du débat.

Sa suppression permettrait aux finances publiques d’économiser ses 4 millions de frais de fonctionnement. Je rappelle que Mme Jouanno touchait plus de 14 000 euros net par mois lorsqu’elle en était la présidente. Il y a une forme d’indécence dans l’existence même de cette commission.

Monsieur le ministre, je salue votre volonté de modifier les pouvoirs de la CNDP, mais comme nous ne disposons d’aucun élément concret pour le moment – envisagez-vous de déposer un amendement ? –, je maintiens l’amendement.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Monsieur Meurin, il faut donc comprendre que si vous ne connaissez personne qui connaît la CNDP, alors personne ne la connaît. Vos arguments sont de très haut niveau !

Les habitants d’un territoire où un projet industriel risque d’affecter l’air que les enfants respirent et l’eau de la rivière qui y coule la connaissent. Ils sont contents, en tant que citoyens, de disposer d’un espace où ils peuvent s’exprimer. Les gens ont des choses à dire et les élus ont besoin de l’appui de la CNDP pour mener le débat public.

Il arrive que les conclusions d’un débat n’aillent pas dans le sens de votre idéologie, mais c’est l’essence même de la démocratie et du débat public. Ces amendements sont emblématiques d’un certain rapport à la démocratie.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS565 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Cet amendement vise à transférer les missions du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR).

Je rappelle que Mme Voynet, qui est clairement une antinucléaire, souhaite rejoindre cette institution censée défendre notre politique nucléaire.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même avis.

M. Pierre Meurin (RN). Nous soutenons cet amendement avec un militantisme appuyé. Symboliquement, il permettrait de donner une responsabilité de moins à Dominique Voynet, qui a mis fin au projet Superphénix en 1993, participant au scandale de l’affaiblissement par la gauche de notre souveraineté énergétique.

M. Charles Fournier (EcoS). Quelle vision de la démocratie ! Pourquoi ne proposez-vous pas de préciser dans le texte que seules les personnes favorables au nucléaire pourraient intégrer les instances chargées de sa sécurité ?

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS362 de M. Éric Michoux et CS1081 de Mme Anne-Laure Blin (discussion commune)

M. Charles Alloncle (UDR). L’Ademe est un symbole d’une administration coûteuse, avec un coût pour l’État de plus de 1 milliard en 2025, et bureaucratique, avec des effectifs qui ont crû de 25 % au cours des quatre dernières années.

Pas un seul centime de son budget de 3,4 milliards n’a été consacré au nucléaire puisque l’Ademe finance des lobbys profondément antinucléaires. Cet organisme préfère publier des recommandations pour nous dire combien de jours d’affilée il est possible de porter les mêmes sous-vêtements.

Plusieurs rapports ont pointé la dispersion de ses moyens, sa gestion parfois inefficace et une tendance à complexifier les démarches au lieu de les simplifier alors que l’Ademe fait double emploi avec d’autres organismes.

Je me réjouis de voir que l’idée d’une suppression de l’Ademe rencontre un écho croissant.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Monsieur Fournier, l’organe que je proposais de supprimer par le précédent amendement ne s’occupe pas de la sûreté nucléaire.

L’ensemble du groupe Droite républicaine propose par cet amendement de supprimer l’Ademe, qui dispose d’un budget de 4,2 milliards d’euros. Ses coûts de fonctionnement, à la charge du contribuable, s’élèvent à 272 millions et ses ressources humaines ont augmenté de 10 % en un an.

Avec l’argent public, l’Ademe finance des opérations telle que Plante ton slip et des rapports avec des recommandations absurdes sur le nombre de fois qu’un vêtement peut être porté. Grâce à son autonomie financière, il peut également financer des associations ouvertement antinucléaires.

J’ajoute que, pour dans le domaine de la transition écologique, cet organisme fait doublon avec les régions et la Banque des territoires.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. La remise en question de l’Ademe est un sujet qui est au centre des discussions depuis plusieurs mois. Je suis moi-même favorable à un fléchage de ses compétences vers les collectivités. Sans doute sa politique n’est-elle pas en corrélation avec les demandes de nos concitoyens, mais sa suppression pure et simple n’est pas faisable, en raison des actions en cours et des emplois. Une proposition de loi dédiée à sa suppression serait nécessaire.

Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Quand on parle de suppression, il faut distinguer les comités consultatifs, que l’on peut qualifier de quasi-inutiles ou de redondants, des opérateurs. Ceux-ci mènent des politiques publiques et cherchent à apporter plus d’efficacité et lisibilité à ces comités. Ils répondent à des objectifs du gouvernement.

Je rappelle que la commission d’enquête sénatoriale sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État rendra ses conclusions dans quelques mois et que, à la demande du chef du gouvernement, une évaluation – en termes de coûts et d’efficacité – de l’action des ministères et tous leurs composants, dont les agences, est en cours.

En tant qu’élu local, j’ai pu me demander s’il n’existait pas des doublons entre l’Ademe et le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) ou l’ANCT. Certains plaident pour le rapprochement ou la fusion de ces organismes.

La suppression pure et simple de l’Ademe est trop abrupte. Attendons la fin des travaux que j’ai mentionnés pour obtenir plus d’éléments d’appréciation.

Avis défavorable.

M. Charles Fournier (EcoS). J’ai pu mesurer, en tant que vice-président de région, combien l’accompagnement de l’Ademe était précieux. Je ne suis pas forcément favorable à ce que ses compétences soient transférées aux régions sans vision cohérente au niveau national de la politique énergétique.

Évitez les caricatures et veillez à ne pas confondre, dans les chiffres que vous citez, le budget et les dépenses de fonctionnement. J’ajoute que ces amendements de suppression ne proposent aucune alternative à la suppression de l’Ademe

M. Henri Alfandari (HOR). À titre personnel je suis assez ouvert, à terme, à une suppression de l’Ademe. On peut réfléchir à la réintégration des politiques publiques dont elle a la charge à l’État central ou à l’État déconcentré et à l’amélioration de l’alignement des stratégies régionales et nationales, mais on ne peut pas supprimer du jour au lendemain un opérateur responsable du déploiement de plusieurs politiques publiques et qui accompagne les territoires.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Je soutiens l’Ademe. Je rappelle que 92 % des 3,4 milliards du budget de 2024 ont été attribués en aide directe aux projets des collectivités et des particuliers et que l’Ademe apporte un conseil de proximité avec finesse, notamment aux petites collectivités, qui ne disposent pas des moyens d’ingénierie suffisants pour les projets indispensables à la transition énergétique. J’ajoute que l’Ademe ne fait pas doublon avec l’ANCT, qui ne dispose pas des mêmes compétences scientifiques.

Il est vrai qu’on a pu reprocher à l’Ademe ne pas être très proche des élus des territoires, mais son président a manifesté sa volonté d’aller vers les élus pour mieux faire connaître les actions de l’Agence.

M. Charles Alloncle (UDR). Vous considériez, monsieur le ministre, que les économies d’une centaine de millions d’euros proposées dans un précédent amendement n’étaient pas énormes. Avec le présent amendement, nous pourrions véritablement dégraisser. En effet, monsieur Fournier, les chiffres sont parfaitement clairs : le coût de l’Ademe pour l’État avoisine le milliard en 2025 et son budget total est de plus de 3,4 milliards.

Monsieur Alfandari, je n’ai pas bien compris votre raisonnement : vous avez commencé par dire que vous étiez en total accord avec notre proposition de supprimer l’Ademe pour finir en affirmant le contraire. Quels arguments justifient cette position ? S’agit-il de reporter, comme à chaque fois, le moment d’agir ? Je ne suis député que depuis quelques mois mais je constate que, dans cette maison, on ergote et on ne décide jamais. Ce projet de loi nous offre la possibilité de tailler dans le gras. Si vous êtes favorable à la suppression de l’Ademe, votez donc pour l’amendement.

M. Henri Alfandari (HOR). Monsieur Alloncle, j’ai dit que je « pourrais » être favorable à cette suppression, pour des raisons d’efficience. Les crédits de l’agence financent pour l’essentiel non des dépenses de structure mais des projets, ce qui n’a pas de sens. Par ailleurs, elle n’est pas soumise, comme les administrations, à l’obligation de répondre dans des délais précis, ce qui pose problème. Il faut faire confiance à notre État : les missions de l’Agence pourraient lui être confiées, au niveau central ou déconcentré. Cela dit, on ne saurait la supprimer comme ça, sur un coin de table, au risque de déstructurer l’accompagnement qu’elle fournit à nos collectivités et celui qu’elle assure face aux mutations profondes que nous avons besoin d’opérer.

M. Philippe Bolo (Dem). Nous ne pouvons réduire le rôle de l’Ademe à quelques opérations caricaturales, sorties de leur contexte, parfois anciennes. Ses missions, détaillées à l’article L. 131-3 du code de l’environnement, renvoient à des actions d’ampleur auxquelles une nation ayant des ambitions en matière de préservation de l’environnement ne saurait se soustraire. L’Ademe oriente les recherches, apporte des informations, met en œuvre des incitations sur des sujets qui sont loin d’être anecdotiques : la pollution de l’air, la prévention de la production des déchets, le gaspillage alimentaire, la remise en état des sols pollués – qui peut mettre les collectivités territoriales en souffrance quand elles doivent s’y atteler seules –, les nuisances sonores, pour ne citer qu’un échantillon. Je rejoins M. Alfandari pour dire que l’efficience de l’Agence pourrait être améliorée mais nous n’avons pas à supprimer pour supprimer.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Ces amendements montrent que vous ne comptez pas réellement contribuer à cette simplification. Cette proposition de suppression sèche de l’Ademe est emblématique de votre climato-négationnisme. (Exclamations.)

M. le président Ian Boucard. Pas de nuisances sonores dans cette salle, chers collègues.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Vous ne proposez rien pour remplacer cette structure qui est la cheville ouvrière de la bifurcation écologique. Elle joue notamment un rôle essentiel d’accompagnement de nos collectivités territoriales, qui doivent mener à bien d’immenses transformations dans leur fonctionnement. Pour cela, elles ont besoin de l’expertise et du savoir-faire des chercheurs de l’Ademe, qui finance aussi des recherches, notamment des doctorats. À moins de penser que les recherches en matière de transition écologique sont à mettre à la poubelle au nom de la simplification de la vie économique, on ne peut que trouver cet amendement complètement à côté de la plaque.

M. Pierre Meurin (RN). Monsieur le président, Mme Lejeune vient de nous attaquer. Nous demandons une suspension.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Non, monsieur Alloncle, les reports ne sont pas la règle dans cette maison. Certes, on peut regretter que nous prenions parfois notre temps – au regard d’actions plus diligentes dans le secteur privé –, mais toute décision appelle une réflexion sur ses conséquences à court, moyen et long terme. Avec vos amendements, vous comptez supprimer purement et simplement un organisme sans prendre en compte les personnels et les investissements en cours. Une telle suppression soulève des questions beaucoup trop complexes pour qu’on y procède par un simple amendement. Cela appellerait une proposition de loi à part entière ou, du moins, une discussion dans un autre cadre.

Certes, monsieur Bolo, on ne saurait réduire l’Ademe à certaines de ses opérations, mais reconnaissez qu’elles peuvent être de nature à la décrédibiliser auprès du grand public.

Je reste sur mon avis défavorable, en réaffirmant la nécessité de travailler à quelque chose de plus construit.

M. le président Ian Boucard. Monsieur Meurin, nous travaillons depuis quinze heures dans un climat que j’estime extrêmement positif. Je m’efforce de donner la parole à chacune et à chacun. Mme Lejeune vous a suspectés d’être climato-sceptiques ; de votre côté, vous avez parlé d’écolos bobos. Je propose que chacun évite ce genre de qualificatifs mais, dans tous les cas, rien ne sert de s’énerver. Nous sommes tous favorables à la liberté d’expression tant que nous restons dans le cadre de la loi et que nous ne nous injurions pas.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS704 de Mme Anne-Laure Blin.

Mme Josiane Corneloup (DR). Nous demandons de supprimer l’Office français de la biodiversité (OFB) puis de rétablir les organismes qui le précédaient – l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et l’Agence française pour la biodiversité –, comme le préconise le sénateur Laurent Duplomb à l’article 27 de sa proposition de loi tendant à répondre à la crise agricole.

L’OFB représente chaque année un coût de 659 millions d’euros pour un total de 3 000 agents. Il est décrié pour ses méthodes punitives, auxquelles j’ai été confrontée très récemment dans mon département. Il lui est reproché, en outre, de tenir trop peu compte des réalités du terrain.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’OFB est un opérateur public de référence. Certes, il suscite régulièrement des désaccords mais le supprimer reviendrait à mettre à bas l’un des piliers institutionnels de l’action publique environnementale. Je ne vois pas en quoi rétablir les organismes antérieurs, de la fusion desquels il est issu, irait dans le sens de la simplification. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Je rappelle une fois encore le champ de l’article 1er : la suppression des comités et instances consultatives devenus inutiles et redondants. Or vous visez un opérateur. Cela n’interdit pas de débattre de l’existence de telles structures. À cet égard, les travaux de la commission d’enquête du Sénat sur les agences, les opérateurs et les organismes consultatifs seront particulièrement instructifs.

L’action de l’OFB a pu soulever des polémiques, je ne le nie pas, et je n’ignore pas davantage les graves tensions qui existent entre l’Office et le monde agricole. Récemment encore, des questions ont été posées à ce sujet à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, Annie Genevard, qui tente de trouver un équilibre entre la liberté que nous devons à nos agriculteurs et la protection de l’environnement. Toutefois, je crains que le remède que vous proposez ne soit pire que le mal. Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable.

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous sommes bien évidemment contre la suppression de l’OFB de l’utilité duquel je vous donnerai deux exemples. En tant que membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), j’ai travaillé à une note scientifique sur les espèces exotiques envahissantes. Dans ce cadre, j’ai pu constater le travail remarquable que mènent les agents de l’OFB dans les aéroports, en collaboration avec les services des douanes, pour contrôler les trafics d’espèces animales, vectrices potentielles de zoonoses.

Mon deuxième exemple porte sur nos forêts, que l’explosion du gibier expose à un problème de régénération. Certes, les chasseurs ont leur utilité – l’écologue spécialiste de la forêt que je suis n’en disconvient pas –, mais nous avons aussi besoin de plans de chasse bien conçus grâce à l’expertise d’une structure comme l’OFB, qui réfléchit à une gestion écologique de l’environnement. L’OFB joue un rôle majeur et ses moyens devraient être renforcés, ce que nous demandons à chaque projet de loi de finances. Le supprimer serait une absurdité.

Mme Anne-Laure Blin (DR). L’OFB est un symbole de la judiciarisation de la protection de l’environnement. Il est bon de le rappeler alors que viennent d’être censurées des dispositions de la loi d’orientation agricole consacrant la bonne foi présumée de nos agriculteurs, confrontés à des normes de plus en plus rigoureuses et à des contrôles renforcés.

L’OFB pose des problèmes spécifiques. Certains de ses agents sont même allés jusqu’à comparer les agriculteurs à des dealers qui refuseraient de se faire contrôler, propos particulièrement choquants diffusés lors d’une matinale de radio. Plusieurs voix sur le terrain appellent à un changement d’esprit de l’OFB, et nous avons de très bonnes raisons de demander sa suppression dans le cadre de ce projet de loi consacré à la simplification de la vie économique. Nos agriculteurs sont des acteurs de la vie économique et il ne faudrait pas qu’un opérateur de l’État les empêche de faire fonctionner leurs exploitations, parce qu’ils sont souvent injustement critiqués pour leurs modes de production et la façon dont ils exercent leur profession.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). L’OFB mériterait un débat dépassionné qui nous permettrait de réfléchir ensemble à la façon de l’améliorer. Nous pourrions ainsi nous interroger sur le nombre des contrôles effectués, sur leur fréquence tout comme sur le port d’armes dans les exploitations ainsi que sur les tensions entre agents et agriculteurs, qui engendrent des risques de part et d’autre. Proposer sa suppression pure et simple revient à dire qu’il ne sert à rien. Or ce n’est pas le cas : il contrôle la bonne application du droit de l’environnement dans les exploitations agricoles et les forêts, notamment pendant la chasse, mais aussi son respect par les citoyennes et les citoyens.

J’ajoute qu’il y a, au sein de l’Office, un mal-être que nous nous devons prendre en compte en tant que parlementaires. Chose peu connue : il y a beaucoup de suicides parmi ses agents. J’entends certains s’exclamer en évoquant les suicides chez les agriculteurs, mais ceux qui me connaissent savent que je travaille aussi sur cette question à laquelle nous devons toutes et tous être attentifs. L’un des premiers suicides a eu lieu dans mon département, la Haute-Vienne, peu après la fusion. Le manque d’effectifs et de moyens a entraîné une perte de sens au travail. Le courrier absolument scandaleux envoyé par Laurent Wauquiez est indigne de notre mandat de parlementaire : une telle prise de position ne peut qu’accroître les tensions dans les exploitations et les risques encourus par les agriculteurs et les agents de l’OFB.

M. Matthias Renault (RN). Nous sommes bien évidemment favorables à l’amendement de nos collègues de la Droite républicaine. Nous avions d’ailleurs déjà proposé la suppression de l’OFB lors de l’examen du projet de loi de finances. Pour cet opérateur comme pour d’autres, ces demandes de suppression n’impliquent pas de rayer d’un trait de plume l’intégralité des missions et les agents qui les exercent. Nous n’avons pas à reporter cette décision : nous sommes dans le bon lieu pour la prendre. Si la volonté du législateur est de supprimer telle ou telle structure, supprimons-la maintenant et regardons ensuite les choses dans le détail.

S’agissant des missions mêmes de l’OFB, beaucoup a été dit, y compris au sein de notre assemblée. Des dérives ont été constatées : les agents sont armés et certains se comportent comme des shérifs du monde rural, et nous devons aussi nous interroger sur le rôle de l’État dans la vie quotidienne des personnes qui y vivent – agriculteurs, chasseurs, pêcheurs, particuliers qui jardinent. Ne va-t-il pas trop loin avec ses normes foisonnantes ? Ne devrait-il pas se recentrer sur ses missions essentielles ?

M. Gérard Leseul (SOC). Nous voterons contre cet amendement. Nous avons absolument besoin de cet opérateur de l’État dont les missions consistent à faire connaître la biodiversité mais aussi à protéger l’ensemble de notre société face aux pratiques illégales. Parmi ses agents, 1 700 exercent un rôle de police environnementale en luttant contre le braconnage, contre les pollutions, contre diverses atteintes aux milieux naturels et aux espèces protégées. J’ai du mal à comprendre que certains parmi vous ne soutiennent pas cette mission de police.

M. Philippe Bolo (Dem). L’article 1er implique en effet de faire la distinction entre opérateurs de l’État et autres structures. Par ailleurs, je ne vois pas comment on pourrait se passer dans notre pays de ces missions essentielles de police administrative et judiciaire relative à l’eau, à la faune, à la flore, à la chasse et à la pêche qu’exerce l’OFB au bénéfice des territoires et de l’intérêt général.

M. Charles Alloncle (UDR). À l’UDR, nous avons déjà proposé de supprimer l’OFB lors du salon de l’agriculture, pour des raisons qui ont été rappelées. Comme Matthias Renault, je m’interroge sur les arguments qui, chaque fois, sont invoqués contre les amendements visant à supprimer un organisme inutile. Il faudra qu’on m’explique où l’on peut voter les lois ou décider des suppressions dont nous parlons, si ce n’est à l’Assemblée nationale.

Une mission flash en vue d’une meilleure compréhension des contrôles exercés par l’OFB sur les exploitants agricoles et d’une amélioration des relations entre l’OFB et le monde agricole vient de rendre ses conclusions : l’état de crispation dans le monde agricole est tel qu’elle préconise de créer un équivalent de l’IGPN (Inspection générale de la police nationale) au sein de l’OFB, notamment pour contrôler les éventuels manquements de ses agents. Allez sur le terrain, écoutez les agriculteurs : ils n’en peuvent plus. Vous serez convaincus de voter pour cet amendement.

M. Henri Alfandari (HOR). J’ai bien entendu l’invitation de nos collègues du groupe LFI à dépassionner le débat et j’aimerais savoir s’ils se montreraient ouverts à la proposition suivante : recentrer l’OFB sur des missions d’expertise, de conseil et d’accompagnement et confier les missions de contrôle, d’investigation et de police aux brigades vertes de gendarmerie.

Mme Josiane Corneloup (DR). Précision importante, notre amendement ne vise pas une suppression sèche de l’OFB : il entend rétablir les organismes antérieurs. Nous sommes bien sûr attachés à la biodiversité, à la gestion de la forêt, à sa régénération. C’est parce que nos agriculteurs, nos chasseurs et nos pêcheurs nous l’ont demandé que nous défendons cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS708 de M. Nicolas Meizonnet

M. Thierry Tesson (RN). Nous demandons la suppression du Conseil national de la transition écologique (CNTE). Il n’a pas de pouvoir décisionnel et ses recommandations ne sont pas contraignantes : son rôle est purement consultatif. Par ailleurs, il fait doublon avec des structures existantes : des hauts conseils, des conseils et même des commissions parlementaires pourraient parfaitement remplir son rôle.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Le CNTE est une instance de dialogue dont les compétences recouvrent celles du Commissariat général au développement durable (CGDD), notamment en matière d’avis sur les projets de réforme en lien avec le développement durable. Je donne donc un avis favorable à cette suppression de doublon.

Monsieur Alloncle, nous sommes dans la bonne maison pour définir plus précisément les futurs contours de l’OFB. Nous pourrions notamment réfléchir à la possibilité d’éclater ses missions en confiant la police judiciaire de l’environnement aux brigades vertes, comme l’a proposé M. Alfandari.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Les arguments avancés renvoient à une réflexion que devrait mener le ministère de la transition écologique sur les organismes chargés des mêmes missions. Cela dit, je suis défavorable à cet amendement : le CNTE est l’unique instance consultative nationale en matière de climat, de transition écologique et de développement durable. Elle guide notre action en ces domaines et s’inscrit dans la mise en œuvre de l’article 7 de charte de l’environnement, qui fait partie du bloc constitutionnel.

M. Charles Fournier (EcoS). Des organismes placés auprès de chaque ministère ont vocation à consulter la société civile sur les textes de loi et les politiques publiques, organismes qui ont toute leur utilité. Pourquoi supprimer celui-ci et pas les autres ? Pourquoi ne pas supprimer plutôt le Cese (Conseil économique, social et environnemental) ? Nous voyons bien que vous ciblez certaines politiques : simplifier, pour vous, c’est supprimer ce qui vous pose problème et qui, pourtant, fait sens. En outre, vous semblez confondre le CNTE, composé de représentants de la société civile dans sa diversité, avec le Haut Conseil pour le climat (HCC), composé de scientifiques.

M. le président Ian Boucard. Monsieur Fournier, la suppression du Cese relève d’un projet de loi constitutionnelle.

M. Pierre Meurin (RN). Nous aimerions beaucoup supprimer le Cese, monsieur Fournier, mais le présent texte n’est en effet pas le bon véhicule pour le faire. En travaillant sur ce projet de loi, nous avons découvert un nombre incalculable d’agences, de comités, de conseils à supprimer mais il y en a tant que nous ne les avons pas tous pris en compte dans nos amendements. Toutefois, nous pourrions les répertorier pour présenter en séance un amendement de 150 pages les visant tous. Pourquoi conserver le CNTE alors qu’il existe un ministère de la transition écologique et de nombreux moyens dédiés à ces politiques ? Les procédures mises en place ne servent strictement à rien quand il s’agit de mobiliser des ressources pour prendre une décision publique. Supprimons-le avant de supprimer tous les autres et espérons que nous parviendrons à dégraisser le mammouth.

M. le président Ian Boucard. Je vois que vous faites référence à une expression de Claude Allègre…

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS709 de M. Nicolas Meizonnet

M. Antoine Golliot (RN). Cet amendement s’inscrit parfaitement dans le champ de l’article 1er, qui couvre les structures consultatives. Il s’agit en effet de supprimer le Comité national de la biodiversité (CNB) ainsi que le Comité national de protection de la nature (CNPN), instances consultatives chargées de donner des avis sur les politiques publiques relatives à la biodiversité. Leurs missions se superposent avec d’autres organismes comme l’OFB ou le Cese. Dépourvues de pouvoir décisionnel, elles n’exercent qu’une influence marginale, d’autant que nombre de décisions portant sur la biodiversité sont déjà prises à l’échelon européen ou international. Comme toute commission administrative, le CNB et le CNPN mobilisent des moyens financiers et humains pour leur fonctionnement qu’il serait bon de dégager dans un contexte de rationalisation de la dépense publique.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. À la différence du CNTE, le CNB et le CNPN fournissent des expertises scientifiques et techniques sur lesquelles il est nécessaire de s’appuyer. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même avis.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Je m’appuie souvent sur le CNB et sur le CNPN pour étudier les textes de loi relatifs à la biodiversité, malheureusement trop peu nombreux. De manière générale, les travaux de ces deux instances enrichissent le débat public.

Nous avons intégré à peu près correctement les enjeux climatiques dans nos politiques publiques mais, en matière de biodiversité, nous devons absolument passer la vitesse supérieure. Vous avez cherché à supprimer tous les organismes qui œuvrent en ce domaine fondamental, d’ailleurs indispensable à une agriculture productive puisque la perte de biodiversité explique, avec le changement climatique, les pertes de rendements, qu’il s’agisse des sols morts ou de la chute des pollinisateurs. Sans le CNB et le CNPN nous ne serions plus aussi bien éclairés sur les risques pour la biodiversité, dont, me semble-t-il, il n’y a pas que des spécialistes dans cette salle…

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1388 de M. Christophe Naegelen

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le Comité national de l’initiative française pour les récifs coralliens. Membre d’un groupe très attaché aux territoires ultramarins, j’ai d’abord été tenté de préserver cette instance ; mais elle ne s’est réunie qu’une fois en 2022 et une autre en 2023. En outre, ses missions peuvent être pleinement reprises par d’autres structures comme les comités régionaux de la biodiversité, les agences de l’eau, les directions de l’environnement outre-mer ou encore l’OFB.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Sagesse.

M. Charles Fournier (EcoS). Pourquoi, au lieu de nous proposer d’agir à l’aveugle, ne précisez-vous pas les missions qui pourraient être reprises par d’autres structures ? De plus, nous n’avons aucune garantie que la solution retenue sera moins chère et source de simplification.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS710 de M. Nicolas Meizonnet

M. Matthias Renault (RN). Cet amendement vise à supprimer l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc).

Au niveau mondial, le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) produit des rapports fournis sur l’observation du réchauffement climatique. À l’échelon local, les collectivités territoriales font appel à de l’expertise pour mesurer les effets du réchauffement, pour le retrait du trait de côte par exemple. Mais j’ai du mal à identifier les missions exactes de l’Onerc. Je rappelle qu’il existe un Haut Conseil pour le climat, une Inspection générale de l’environnement et du développement durable, qui a pris la suite du Conseil général de l’environnement et du développement durable, et une direction générale de l’énergie et du climat (DGEC).

En cherchant les publications de l’Onerc, je suis tombé sur un rapport publié en 2022, assez long, qui n’était pas inintéressant mais se contentait d’agréger des données et des études extérieures. Je ne vois donc pas bien la valeur ajoutée de cet organisme.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Sagesse. Certes, l’action de l’Onerc peut être considérée comme redondante avec celle d’autres institutions qui surveillent et analysent les impacts du réchauffement climatique, mais il assure aussi la liaison avec le Giec et d’autres organismes.

M. Laurent Marcangeli, ministre. L’objectif que vous visez, monsieur le député, est peu ou prou atteint car l’Onerc a été supprimé en 2023 : ses missions sont désormais prises en charge par les agents de la DGEC. Les effets du changement climatique sont de plus en plus visibles et exigent un renforcement de la protection de nos concitoyens face aux risques nouveaux. Dans ce contexte, votre proposition peut surprendre. Le plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc), dont le gouvernement vient de publier la troisième version, est en mesure de répondre à ce défi. L’Ademe n’assure pas le suivi du Pnacc, contrairement à ce qu’indique l’exposé sommaire de votre amendement. Je vous propose de le retirer ; à défaut, j’y serais défavorable.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Si nous adoptions tous les amendements qui sont proposés par un certain arc politique pour supprimer les organismes traitant de la transition écologique et des causes et de l’impact du réchauffement climatique, nous ne disposerions plus de l’expertise ni de l’information nécessaires à la conduite des politiques publiques dans ce domaine. Lorsqu’elles ont besoin d’expertise, les collectivités locales recourent à l’Ademe. L’Onerc, lui, travaille spécifiquement sur les effets du réchauffement climatique. Il compile tous les faits survenant dans les territoires, comme le recul du trait de côte, afin que le législateur ait une vue d’ensemble et puisse décider en conséquence. Il faut absolument s’opposer à cet amendement.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Quelle place accordez-vous donc au Giec, auquel vous faites référence à longueur de temps ? C’est cet organisme, auquel la France participe, qui fournit l’essentiel des éléments et des analyses scientifiques sur lesquels nous travaillons.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS871 de M. Henri Alfandari, CS1288 de M. Philippe Bolo et CS1486 de Mme Marie Lebec

M. Xavier Roseren (HOR). L’amendement CS871 vise à supprimer la Commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs. D’abord, son activité est souvent redondante avec celle de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) et de la Commission nationale d’évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs. Ensuite, ses recommandations ont un faible impact, car elles sont consultatives. Enfin, les évaluations d’EDF, d’Orano, voire du CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) sont très fiables.

M. Philippe Bolo (Dem). Cette commission est effectivement redondante avec les structures citées par M. Roseren.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je vous demande de retirer vos amendements au profit de mon CS1363 et de l’amendement identique du gouvernement qui viennent juste après, dont la rédaction me paraît meilleure. En effet, nous proposons d’abroger deux dispositifs législatifs afférents, et non un seul.

M. Laurent Marcangeli, ministre. La rédaction des amendements suivants est en effet plus précise et plus complète ; elle permettrait de supprimer toutes les occurrences de cette commission, que nous voulons nous aussi voir disparaître.

Les amendements sont retirés.

Amendements identiques CS1363 de M. Christophe Naegelen et CS1330 du gouvernement

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Ce sont les amendements que je viens d’évoquer.

M. Charles Fournier (EcoS). Vous prétendez toujours que les missions des organismes que vous voulez supprimer seront reprises par d’autres, mais c’est sujet à caution. En l’occurrence, le démantèlement demeure un problème épineux, y compris pour les partisans du nucléaire. Il exige une évaluation des coûts, dont personne ne sait dire exactement à combien ils s’élèveront – je parle ici des réacteurs qui ont été fermés. La question des déchets est tout aussi problématique et le sera encore davantage demain. Nous nous opposerons à ces amendements.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous avons récemment décidé, au terme d’un débat douloureux, de fusionner l’ASN et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire pour créer l’ASNR, laquelle n’a pas réellement en charge les questions du démantèlement et des déchets. Faisons très attention, car nous sommes en train de détricoter les institutions qui fondaient la confiance des Français dans le système nucléaire.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques CS1380 de M. Christophe Naegelen et CS327 de Mme Anne-Laure Blin

M. Christophe Naegelen, rapporteur. La Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), bien qu’instituée pour favoriser la coordination des actions internationales des collectivités territoriales, a une activité limitée, une influence marginale sur la conduite des politiques publiques et une faible visibilité institutionnelle. Ses fonctions de concertation et de suivi peuvent être pleinement assumées par les services du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, en lien avec les associations d’élus.

Mme Anne-Laure Blin (DR). La CNCD a pour mission d’établir et de tenir à jour un état de l’action extérieure des collectivités territoriales. Toutefois, elle n’a actualisé aucune donnée depuis 2021, ses locaux sont gracieusement prêtés par l’administration et ses frais de fonctionnement s’élèvent à 32 000 euros, notamment pour des réunions tenues en région Occitanie. Compte tenu de sa faible activité et de l’existence de la délégation pour les collectivités territoriales et la société civile, qui met en œuvre à l’étranger, en concertation avec les ambassades, des stratégies géographiques de développement des collectivités territoriales françaises, je vous propose de supprimer cet organisme.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS177 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Cet amendement vise à supprimer le Comité des finances locales (CFL), qui fixe l’évolution de certaines parts de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et peut être consulté sur toutes les dispositions à caractère financier concernant les collectivités locales. En effet, il tient très peu de réunions et constitue un doublon évident de la Cour des comptes, qui publie un rapport annuel sur la situation financière des collectivités territoriales. La Cour des comptes peut approfondir ses analyses sur la DGF. L’État doit se réformer pour réaliser des économies et recentrer ses actions.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Vous dites que la Cour des comptes pourrait suppléer le CFL, mais elle axe ses travaux sur des dispositions très générales tandis que le Comité va beaucoup plus dans le détail. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même avis.

M. Charles Fournier (EcoS). Le CFL ne se livre pas du tout au même exercice que la Cour des comptes ; il a pour vocation, notamment, d’examiner le coût des transferts de compétences et leur couverture par la DGF. Cet organe joue donc un rôle essentiel. Je suis étonné que des élus impliqués dans la vie des collectivités puissent considérer que le fait de porter un regard précis sur le niveau des dotations, leur mode de calcul et leur répartition ne présente pas d’utilité. Il faut s’opposer à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS175 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). L’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) produit des rapports et des études, et collecte des données. Il constitue lui aussi un doublon manifeste de la Cour des comptes, qui publie un rapport annuel sur la situation financière des collectivités territoriales. Cet observatoire tire d’ailleurs une partie de ses informations de la DGFIP (direction générale des finances publiques) et de l’Insee : c’est dire qu’il présente peu de valeur ajoutée. Il compte seize membres et ne tient que sept réunions par an, pour un coût de fonctionnement annuel de 316 000 euros, soit 45 000 euros par réunion. Dans un esprit de rationalisation du millefeuille administratif et afin d’économiser les deniers publics, nous pourrions envisager de le supprimer.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je suis d’accord pour que l’on demande à cet organisme de faire des efforts de rationalisation et d’économie, comme tout un chacun, mais je ne suis pas partisan de le supprimer car il assume une mission spécifique d’observation de la soutenabilité des finances locales. Un certain nombre d’élus locaux, dans ma circonscription, lui portent une appréciation plutôt favorable. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même avis.

M. Gérard Leseul (SOC). Je suis en profond désaccord avec cet amendement. Les éléments statistiques publiés par l’Observatoire répondent à un réel besoin. Vous confondez dans votre argumentaire, comme dans le précédent, le rôle de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes et celui d’organismes qui permettent d’acquérir une connaissance plus fine de certaines questions et, partant, d’améliorer la gestion publique.

M. Matthias Renault (RN). Nous soutenons la suppression de l’OFGL. Les trois sources de données auxquelles il puise, comme la Cour des comptes, sont la DGFIP, l’Insee et la direction générale des collectivités locales. Dire que l’OFGL est indispensable revient, en quelque sorte, à critiquer le rapport annuel de la Cour des comptes sur les finances locales. Soit on considère que ce rapport est insuffisant – et il faudrait dire sur quels points –, soit on considère que l’OFGL est superfétatoire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1382 de M. Christophe Naegelen

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je suis un défenseur de la montagne – et pas uniquement du massif vosgien – mais force est de constater que le Conseil national de la montagne (CNM) ne s’est pas réuni au cours des trois dernières années. Je propose de le supprimer, dans un but de clarification et d’efficience du paysage institutionnel, sachant que d’autres canaux peuvent être empruntés pour instaurer un dialogue entre l’État, les élus locaux et les acteurs économiques des zones de montagne.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Sagesse.

M. Gérard Leseul (SOC). Je suggère au rapporteur de réécrire son amendement en vue de la séance en précisant comment ces sujets seront traités et au sein de quelles autres instances ils seront examinés. Cela me semblerait plus sage qu’une suppression sèche.

M. Matthias Renault (RN). Le CNM est un héritage de la loi « montagne ». Il y avait à l’époque une certaine volonté d’affichage. En réalité, c’est d’abord avec les maires des stations de ski et Domaines skiables de France que l’on discute de l’avenir de la montagne. Si vous jugez le CNM indispensable, il faudrait nous dire quelle a été son activité au cours des deux ou trois dernières années.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il serait plus juste de se référer à l’Anem (Association nationale des élus de la montagne) plutôt qu’aux stations de ski.

Monsieur Leseul, au contraire de plusieurs autres organismes dont nous parlons, le CNM ne s’est pas réuni, ou peut-être une fois, depuis trois ans : on aura beau redéfinir ses missions, il ne se passera pas grand-chose de plus.

M. Xavier Roseren (HOR). L’Anem, dont j’occupe la vice-présidence, s’oppose catégoriquement à la suppression du CNM. Annie Genevard avait présidé ce conseil, qui s’est bel et bien réuni. C’est une structure plus que nécessaire pour débattre de questions spécifiques à la montagne.

M. Charles Fournier (EcoS). Je partage ce que vient de dire M. Roseren. J’ajoute, monsieur Renault, que la montagne ne se réduit pas au ski : les agriculteurs, dont vous vous présentez souvent les grands amis, apprécieront sans nul doute cette vision des choses.

En outre, il faut arrêter de prétendre, comme on le lit dans des exposés sommaires, qu’un organisme est inutile parce qu’il est essentiellement consultatif : si le CNM était doté de pouvoirs décisionnels, vous lui reprocheriez de s’opposer aux décisions des élus ! Les organismes de ce type sont consultatifs car ils sont là pour éclairer les élus et leur éviter de prendre des décisions à l’emporte-pièce. Ne confondons pas simplisme et simplification.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Mme Genevard présidait l’Anem, qui accomplit un travail remarquable. Nous parlons ici du CNM, qui n’a rien à voir. Je suis tout à fait conscient des spécificités des zones de montagne et de la nécessité de les défendre, mais confondre l’Anem et le CNM est peut-être le signe qu’il y a une instance de trop. L’Anem accomplit un véritable travail au quotidien, ce qui n’est pas le cas du CNM.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CS525 de M. Ian Boucard et CS1024 de M. Philippe Juvin, et amendement CS859 de M. Henri Alfandari (discussion commune)

M. le président Ian Boucard. Les coûts de fonctionnement de l’ensemble des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (Ceser) s’élèvent à 50 à 60 millions d’euros par an. Ils produisent des rapports peu consultés par les élus : de ce point de vue, leur utilité est quasiment nulle. En outre, ils sont accusés, souvent à juste titre, de consolider des corporatismes et de servir de tremplin, voire de lieu de recasage de personnalités politiques ou syndicales ayant perdu les élections. Nous proposons de supprimer ces instances, ce qui n’empêchera pas les régions, si elles le souhaitent, de continuer à recourir à un conseil consultatif, par exemple sous la forme d’un comité citoyen, comme on en rencontre en particulier dans les agglomérations.

Mme Anne-Laure Blin (DR). L’amendement CS1024 vise à mettre fin à l’obligation pesant sur les régions de se doter de Ceser, lesquels composent le millefeuille consultatif inefficient qui grève nos finances publiques. Laisser la possibilité aux régions de se doter de tels organes paraît cohérent.

M. Henri Alfandari (HOR). Je défends mon amendement CS859 mais je soutiens également les amendements précédents, deux chances valant mieux qu’une. Nous ne touchons pas au Cese national, qui est inscrit dans la Constitution – notre proposition de suppression des Ceser tend au contraire à le conforter. Les Ceser constituent des structures redondantes au fonctionnement assez lourd. Nos concitoyens nous reprochent souvent de nous occuper de nous-mêmes et pas assez d’eux ; de ce point de vue, les places offertes au sein des Ceser peuvent poser question. En outre, ces structures ont un coût important, alors qu’il nous faut renforcer l’efficacité de l’action publique. Enfin, le Cese a les moyens d’obtenir les informations nécessaires à la réalisation de ses travaux. Il est vraiment temps de supprimer les Ceser.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Dans ma région, le Ceser travaille et fournit des avis qui peuvent se révéler utiles pour la prise de décision politique, notamment concernant la collectivité de Corse. Par ailleurs, le mandat des conseillers s’achèvera en 2030 ; la suppression de l’instance en cours de mandat pourrait se traduire par un contentieux. Avis défavorable.

M. Charles Fournier (EcoS). Pour avoir été élu régional, je peux vous dire que, dans le Val de Loire aussi, le Ceser travaille. Les travaux de cette instance sont utiles lorsqu’ils s’inscrivent dans le temps long. Ses avis sur les délibérations du conseil régional présentent moins d’intérêt car ils sont souvent publiés à un moment où la délibération est déjà ficelée.

Il pourrait être intéressant de revoir les missions des Ceser, en renforçant en particulier leur vision de long terme, dont on a cruellement besoin. Je veux bien qu’il y ait du recasage en leur sein, ce qui est un phénomène assez répandu, mais ils sont surtout un lieu de représentation de la société civile – de façon très ouverte puisque, par exemple, dans ma région, une association anti-éoliennes y siège.

La suppression des Ceser ne renforcerait pas les moyens du Cese : si tel était le cas, on ne réaliserait d’ailleurs aucune économie. Nous avons besoin d’avoir, à l’échelon régional, un organe existant au niveau national. Quand on a fait la décentralisation, on ne considère pas que tout doit être recentré !

M. Matthias Renault (RN). Nous soutenons évidemment ces amendements de suppression des Ceser : c’est une mesure que nous défendons systématiquement depuis de nombreuses années, en particulier au sein des conseils régionaux. L’utilité des Ceser, qui coûtent 50 millions, reste en effet à démontrer, sauf en matière de recasage. On peut obtenir de l’information financière et des évaluations des politiques publiques locales auprès des chambres régionales des comptes. Il est regrettable que le gouvernement ne soutienne pas ces amendements.

M. Gérard Leseul (SOC). Je remercie M. le ministre d’avoir rappelé que les Ceser travaillent et produisent des avis. Ce sont des organismes de consultation et de discussion, qui n’ont rien à voir avec les chambres régionales des comptes. Les promoteurs de ce type d’amendements opèrent une confusion systématique entre les autorités régionales ou nationales et les organes de consultation. Dans toutes nos régions, les Ceser forment des espaces de dialogue, d’expertise, de rencontres entre membres de la société civile, et permettent d’éclairer la décision politique. Ce sont des lieux d’anticipation où l’on peut, le cas échéant, réfléchir à une programmation pour les années à venir et qui produisent de nombreux travaux de grande qualité. Je ne comprends pas pourquoi vous voulez supprimer ce qui contribue à l’expression d’une société civile organisée et, plus généralement, de nos concitoyens. C’est une forme de démocratie participative qui s’exerce par le biais de la représentation des corps constitués. Nous sommes résolument opposés à ces amendements.

Mme Olivia Grégoire (EPR). Avec 1 million d’euros, l’année dernière, j’ai pu faire partir en vacances 2 500 gamins des quartiers, en tant que ministre déléguée au tourisme. Avec 50 millions, ce serait 125 000 jeunes. Oui, le Cese contribue à la réflexion et produit des avis de qualité. En revanche, nous n’avons pas tous la même expérience des Ceser. Depuis mon entrée à l’Assemblée, il y a huit ans, je n’ai pas eu le sentiment d’être particulièrement éclairée par les travaux du Ceser d’Île-de-France.

Je ne reprendrai pas à mon compte, en revanche, l’argument lié au recyclage des élus ayant perdu les élections : ce seul critère conduirait à supprimer pléthore d’organismes !

M. le président Ian Boucard. Je présenterai d’ailleurs un amendement visant à mettre fin à la présence de parlementaires au sein d’un certain nombre d’instances : c’est parfois la seule chose qui empêche de les supprimer.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement CS859 tombe.

La réunion est suspendue de dix-sept heures cinquante-cinq à dix-huit heures quinze.

Amendement CS462 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert (EPR). Le service universel postal garantit l’accès à des services postaux de qualité partout dans le territoire. Il est chargé de quatre missions : distribuer le courrier six jours sur sept ; garantir l’accessibilité bancaire ; assurer un maillage territorial, constitué de 17 000 points de contact ; et distribuer la presse. En janvier 2011, La Poste a été désignée pour en être le prestataire durant quinze ans, soit jusqu’au 31 décembre 2025. Étant donné l’importance du service universel postal, il est essentiel de prévoir pour la suite le moyen d’ajuster rapidement la durée du mandat, afin de s’adapter aux nouveaux usages et aux évolutions de la directive européenne afférente, tout en assurant la continuité du service. Le présent amendement vise donc à prolonger les missions du service universel postal, en précisant que la durée de la prestation sera fixée par décret.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CS767 de Mme Marie Lebec, CS776 de M. Jocelyn Dessigny et CS1292 de M. Philippe Bolo ; amendement CS1337 du gouvernement (discussion commune)

M. Sylvain Maillard (EPR). L’amendement CS767 vise à supprimer la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP), afin de simplifier le paysage institutionnel. L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et le Conseil national du numérique (CNNUM) remplissent déjà les missions de régulation et de conseil, rendant la CSNP obsolète.

M. Thierry Tesson (RN). À chaque instance consultative qu’il est question de supprimer, nous nous demandons qui reprendra ses missions. Moi, je me demande toujours pourquoi, lors de sa création, on ne s’est pas posé la question des doublons. Oui, l’Arcep et le CNNUM exercent déjà les missions de la CSNP.

M. Laurent Marcangeli, ministre. La rédaction des amendements identiques est proche de celle du gouvernement. Avis favorable sur tous.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Stéphane Travert (EPR). En vertu de la doctrine que nous suivons, il convient de se demander si la Commission supérieure du numérique et des postes travaille. En 2024, elle a organisé quatre-vingt-dix-huit auditions, des réunions de groupes de travail et neuf séances plénières ; elle a rendu neuf avis ; ses membres ont participé à des colloques et à des salons thématiques majeurs, lors desquels ils sont intervenus à quatorze reprises. Depuis le 1er janvier 2025, trois séances plénières se sont tenues, notamment pour auditionner Mme Laure de La Raudière, présidente de l’Arcep, Philippe Wahl, président-directeur général de La Poste, et Gilles Brégant, directeur général de l’Agence nationale des fréquences (ANFR). Plusieurs auditions de membres du gouvernement sont en cours. Combien coûte la CSNP ? Ses effectifs se montent à 2 équivalents temps plein : une secrétaire générale et un secrétaire général adjoint, rémunérés par le ministère chargé de l’économie et des finances. En 2024, le montant total des crédits de fonctionnement consommés atteignait 11 022 euros ; le plafond a été fixé à 14 000 euros. Pour être transparent, je précise que, comme plusieurs autres parlementaires, je suis membre de la CSNP – pour ma part, depuis 2019. J’atteste son utilité, qu’il s’agisse de contrôler l’exécution des missions de service public de La Poste ou de participer à leur évolution, notamment dans le domaine du numérique.

Mme Anne-Laure Blin (DR). L’Arcep et la CSNP ont précisément les mêmes missions. Je propose pour ma part, dans l’amendement CS64 qui viendra à peine plus loin, de les fusionner, afin de mettre en commun l’ensemble des moyens alloués à la régulation des communications électroniques, aux postes et à la distribution de la presse.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement CS1337 tombe.

Amendement CS303 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). L’amendement CS303 vise à supprimer l’ANFR. Celle-ci assure la planification, la gestion et le contrôle de l’utilisation du domaine public des fréquences radioélectriques. Elle emploie près de 300 agents et ses frais de fonctionnement atteignent presque 60 millions par an. Le rapport d’activité pour 2023 est faible – elle aurait testé quatre-vingt-deux téléphones. Enfin elle est un millefeuille administratif, avec neuf pôles divisés en vingt-six sous-pôles eux-mêmes parfois divisés en sous-sous-pôles, qui fait doublon avec l’Arcep et, dans certains domaines, avec le ministère chargé des affaires étrangères.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS64 de Mme Anne-Laure Blin

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même avis.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Tout de même, je comprends que vous refusiez la suppression sèche de la CSNP, mais ne serait-il pas cohérent de la fusionner avec l’Arcep ?

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Tout est envisageable. M. Travert a présenté les nombreuses activités de la CSNP. L’Arcep pourrait reprendre une partie de ses missions, mais tous les travaux de la CSNP ne relèvent pas de ses compétences. Par exemple, l’Arcep rend des avis sur les textes législatifs et réglementaires relatifs au numérique, mais non sur ceux qui concernent les postes. Sagesse.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Les deux instances sont différentes. Les services postaux n’entrent pas directement dans le périmètre de l’Arcep. Pas plus tard que ce matin, j’ai accueilli dans ma permanence des délégués de La Poste, surpris par l’annonce de la suppression de la CSNP. Celle-ci est très active, puisqu’elle rend presque chaque mois des rapports ou des avis. Par ailleurs, vous dénoncez des doublons, mais il y a des différences de composition entre les deux instances. La CSNP compte sept députés et sept sénateurs : les parlementaires y contrôlent l’action du gouvernement et les avis rendus se distinguent de ceux d’une instance dont les membres ont été nommés par le gouvernement. Il n’y a donc pas de doublon. Je vous invite à maintenir la CSNP ainsi que les autres instances comparables.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1079 de Mme Anne-Laure Blin, CS1286 de M. Philippe Bolo et CS1487 de Mme Marie Lebec ; amendements identiques CS1333 du gouvernement et CS1366 de M. Christophe Naegelen (discussion commune)

Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement CS1079 vise à supprimer la Commission des droits des artistes-interprètes et des producteurs. Composée de neuf membres, elle est chargée de déterminer les modes et les bases de rémunération des artistes-interprètes en cas de blocage des négociations entre salariés et employeurs du secteur de l’audiovisuel – sauf que le conseil de prud’hommes est déjà compétent pour résoudre les litiges concernés. Preuve de son inutilité, elle ne s’est pas réunie depuis 2021. La convention collective nationale des artistes-interprètes rend son intervention superflue. Cette redondance administrative complexifie inutilement les procédures.

Mme Marie Lebec (EPR). Pour les mêmes raisons que précédemment, je défends la suppression de cette commission.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Le dispositif de l’amendement CS1333 est plus complet que ceux des trois précédents. Je vous suggère donc de vous y rallier.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Mon amendement et celui du gouvernement sont effectivement plus complets, puisqu’ils portent sur deux dispositions législatives au lieu d’une. Demande de retrait.

Les amendements CS1079, CS1286 et CS1487 sont retirés.

La commission adopte les amendements CS1333 et CS1366.

Amendement CS723 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Cet amendement tend à supprimer la Commission supérieure de codification (CSC). Celle-ci vise à clarifier le droit et à codifier la production réglementaire, notamment. Malheureusement, son activité est faible : onze avis seulement en 2022, et des rapports annuels remis en juin de l’année suivante. Ses frais de fonctionnement approchent les 70 000 euros par an, dont une part significative sert à indemniser ses membres. Or la Commission fait doublon avec le Conseil national d’évaluation des normes, qui rend également des avis, même si son périmètre n’est pas identique. Je propose donc de rattacher les missions de la première au second, par souci de rationalisation.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable. La Commission supérieure de codification joue un rôle de simplification : en codifiant ce que nous votons, elle prévient l’inflation législative.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même avis.

M. Matthias Renault (RN). Une fois n’est pas coutume, nous sommes réservés sur cette proposition. La CSC a contribué à codifier l’ensemble de notre droit, avec un gain de lisibilité. Ses membres ne se substituent ni au législateur, ni au pouvoir réglementaire et travaillent à droit constant ou semi-constant.

On peut se demander si cette tâche relève de l’administration ou s’il faut la traiter au niveau politique, en travaillant à droit non constant et en arbitrant entre les différents textes de loi. Cette question s’est posée dès les années 1950, avec l’instauration d’une commission « de la hache », puis d’une « de la guillotine » : elles ont conclu qu’il fallait remonter à un niveau plus politique. Mais en l’état, l’activité de la CSC est à saluer.

Mme Anne-Laure Blin (DR). J’entends vos arguments, mais la question reste de savoir comment faire fonctionner en même temps la CSC et le Conseil national d’évaluation des normes. N’y en a-t-il pas un de trop ? Ne pourrait-on confier l’évaluation des normes réglementaires à une seule structure ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1379 de M. Christophe Naegelen

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Le présent amendement vise à remplacer les comités ministériels de transaction par un comité unique, placé auprès du premier ministre. En centralisant les décisions, cette réforme simplifierait les procédures administratives et éviterait la dispersion des avis, tout en maintenant une instance à même de garantir la sécurité juridique des transactions afin de gérer au mieux les litiges dans l’administration.

Le dispositif de cet amendement est issu de la proposition de loi tendant à supprimer certains comités de la sénatrice Nathalie Goulet.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CS1372 de M. Christophe Naegelen et CS1343 du gouvernement ; amendements identiques CS311 de Mme Anne-Laure Blin, CS866 de M. Henri Alfandari et CS1289 de M. Philippe Bolo (discussion commune)

M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’amendement CS1372 vise à supprimer l’Observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers (Oenaf), inactif depuis 2016 et redondant avec d’autres structures.

Mme Anne-Laure Blin (DR). L’Oenaf assiste les collectivités territoriales, mais il ne s’est pas réuni depuis 2016. De plus, il fait évidemment doublon avec le Conseil supérieur de la forêt et du bois. Il ne dispose pas de site internet propre et sa feuille de route est quasi inexistante, alors qu’il aurait dû en fournir une.

La commission adopte les amendements CS1372 et CS1343.

En conséquence, les amendements CS311, CS866 et CS1289 tombent, ainsi que l’amendement CS1489 de Mme Marie Lebec.

Amendement CS170 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Le présent amendement tend à supprimer l’Observatoire de l’alimentation. Non seulement il est redondant, mais il impose des démarches aux producteurs et aux acteurs de l’agroalimentaire. Sa disparition clarifiera les choses. Et ses équipes appartiennent à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement et à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail : la coordination scientifique et technique existe.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CS867 de M. Henri Alfandari, CS1270 de M. Philippe Bolo et CS1342 du gouvernement

M. Henri Alfandari (HOR). Il s’agit de supprimer l’instance de concertation du plan d’action national en vue de la réduction des émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote liées aux usages d’engrais azotés minéraux (Panea).

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte les amendements.

Amendements identiques CS1362 de M. Christophe Naegelen, CS875 de M. Henri Alfandari, CS1281 de M. Philippe Bolo et CS1329 du gouvernement

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Le Comité national d’expertise de l’innovation pédagogique a une activité marginale ; sa visibilité institutionnelle est très faible. Il n’ajoute pas de valeur significative au pilotage des politiques éducatives. Les missions qui lui avaient été confiées – accompagnement, évaluation et promotion de l’innovation – sont désormais assumées par d’autres entités opérationnelles, notamment les rectorats, le Conseil scientifique de l’éducation nationale et les cellules académiques recherche, développement, innovation, expérimentation. Le supprimer permettrait de recentrer l’action publique, dans un souci de cohérence, d’efficacité et de simplification du paysage administratif de l’éducation.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques CS1364 de M. Christophe Naegelen et CS1331 du gouvernement ; amendements identiques CS873 de M. Henri Alfandari et CS1285 de M. Philippe Bolo ; amendement CS1490 de Mme Marie Lebec (discussion commune)

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Mon amendement vise à supprimer la commission des conseillers en génétique, chargée d’émettre un avis préalable à certaines décisions administratives. Les instances ordinales et les services du ministère chargé de la santé assurent pleinement les missions de contrôle scientifique, de validation académique et de régulation professionnelle dans le champ de la génétique. Son utilité est donc désormais limitée et son maintien complexifie la procédure.

La commission adopte les amendements CS1364 et CS1331.

En conséquence, les amendements CS873, CS1285 et CS1490 tombent.

Amendement CS98 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Le présent amendement vise à supprimer la Conférence nationale de santé (CNS), qui fait doublon avec d’autres institutions de conseil en matière de politiques publiques de santé, comme le Conseil stratégique de l’innovation en santé, la direction générale de la santé, Santé publique France et la Haute Autorité de santé (HAS). Son coût de fonctionnement est assez élevé : 234 000 euros pour seulement deux avis rendus – 117 000 euros par avis !

M. Christophe Naegelen, rapporteur. La HAS et la CNS n’ont pas le même objet : le premier est un organisme scientifique, la seconde plutôt une plateforme de dialogue des professionnels de santé. Néanmoins j’entends vos arguments. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Une réflexion est en cours dans le domaine de la santé, avec une perspective de simplification. Un effort en ce sens est nécessaire, mais les instances que vous citez ont des objets distincts. Dans ce contexte, je ne donne pas un avis favorable à cet amendement.

M. Gérard Leseul (SOC). Je suis très défavorable à cet amendement. Les organismes cités ont une composition et des fonctions différentes, et les avis qu’ils rendent ne sont pas de même nature.

De manière générale, je trouve que les argumentaires visant à justifier les propositions de suppression sont très légers : pas d’informations précises sur les fonctions ni sur les effectifs, à peine sur le budget – celui de la CNS est d’ailleurs très faible… Bref, nous légiférons à la légère. Je suis dépité.

M. Charles Alloncle (UDR). Il suffit, pour tous ces organismes dont personne ici n’a l’air de saisir l’utilité, que vous justifiiez leur importance, que vous défendiez leur pertinence ! Personne ne vous en empêche. Mais les arguments de fond manquent : voilà pourquoi nous les supprimons. S’agissant d’un texte visant à simplifier, c’est ce que les Français attendent de nous.

M. Gérard Leseul (SOC). On nous demande de légiférer non pas à l’aveugle, mais avec intelligence. Vous proposez de supprimer des organismes dont vous ignorez tout des missions et des travaux. Pour ma part, je plaide humblement que je ne connais pas tous ceux dont il est question ici, mais je trouve votre façon de faire délirante.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS97 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Désolée, mes chers collègues : nous avons travaillé sur ce texte de simplification, et nous avons identifié des organismes dont l’utilité pour les Français n’est pas probante. Il ne tient qu’à vous de présenter des éléments pour leur défense. Moi, ce que j’entends sur le terrain, c’est qu’on ne comprend plus rien au fonctionnement de l’État et qu’il est devenu impossible de savoir qui décide de quoi.

L’amendement CS97 vise à supprimer le Conseil national du syndrome immunodéficitaire acquis et des hépatites virales chroniques. Il est inactif depuis 2021, son site internet ne mentionne pas de rapport d’activité récent et sa dernière publication sur les réseaux sociaux annonce son départ de X.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis défavorable.

M. Charles Fournier (EcoS). Pour chaque structure que nous connaissons, dans chaque domaine où la concertation nous a paru essentielle, nous avons essayé d’argumenter. Évidemment, nous ne les connaissons pas toutes – non plus que vous d’ailleurs. Vos deux seuls arguments sont qu’une structure coûte cher et qu’elle ne se réunit pas souvent – sans avoir d’ailleurs vérifié précisément. Votre approche consistant à diviser le budget par le nombre d’avis pour annoncer un coût est un peu légère ! Vous vous opposez à toute concertation, vous contentant de tout renvoyer aux services de l’État. Jamais vous ne vous demandez si la structure examinée est utile ou si elle a du sens.

M. Hervé de Lépinau (RN). Je préside la commission d’examen des pratiques commerciales, dont le Sénat a envisagé la suppression : nous avons justifié la pertinence de son maintien, et elle ne fait plus l’objet d’un débat aujourd’hui. De manière générale, une institution utile réagit à l’annonce de sa suppression. Monsieur le ministre, vous pourriez nous indiquer si celles que nous évoquons vous ont écrit pour défendre leur existence.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avant l’examen par le Parlement de ce projet de loi ou de la proposition de loi de la sénatrice Nathalie Goulet se sont tenues des réunions interministérielles, lors desquelles chaque ministère a émis un avis sur le maintien ou la suppression des organismes dont il a la tutelle. Je vous garantis que les réunions portant sur l’article 1er du projet de loi ont été particulièrement riches.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1365 de M. Christophe Naegelen, CS872 de M. Henri Alfandari, CS1287 de M. Philippe Bolo et CS1332 du gouvernement

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer les commissions municipales des débits de boissons, qui donnent un avis consultatif sur l’octroi d’autorisations ou sur la régulation de l’implantation des établissements. Elles ont progressivement perdu tout pouvoir de décision.

M. Gérard Leseul (SOC). Il y a quelques jours, nous avons voté la proposition de loi visant à simplifier l’ouverture des débits de boissons en zone rurale : en séance, nous avons adopté un amendement visant à soumettre le transfert de licence à l’autorisation du maire, mais aujourd’hui nous voulons supprimer les commissions municipales des débits de boissons ? Cela n’a aucun sens ! Je voterai contre ces amendements.

La commission adopte les amendements.

Amendements CS329 et CS465 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Ces amendements visent à supprimer le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) et la Haute Autorité de santé, qui font doublon avec la Conférence nationale de santé et Santé publique France – je tiens les précisions à la disposition de M. Fournier. La volonté du gouvernement de rationaliser le paysage administratif, que nous soutenons, est timide.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable, car ces organismes n’ont pas le même objet. Dans le cadre de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, dont je suis le rapporteur, nous auditionnerons la HAS ; le HCSP, quant à lui, est chargé de l’élaboration, du suivi annuel et de l’évaluation pluriannuelle de la stratégie nationale de santé. Il a montré plus d’une fois son utilité lors des crises sanitaires.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis défavorable.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). La composition et les périmètres de ces organismes sont différents. Selon l’exposé sommaire de l’amendement CS329, le HCSP ferait doublon avec les autorités régionales de santé (ARS), mais elles n’ont pas du tout les mêmes missions. Les chercheurs du HCSP peuvent avoir un avis différent de l’ARS, qui applique les décisions du ministère de la santé au niveau territorial. C’est grâce à l’existence de divers points de vue émanant d’instances différentes que le débat est démocratique. Ces organismes doivent être préservés afin que le débat public reste de qualité et que les décisions politiques soient éclairées.

M. Matthias Renault (RN). Le jaune budgétaire relatif aux opérateurs de l’État présente plus de 300 entités ainsi que leur coût de fonctionnement. Ce projet de loi est le bon véhicule pour proposer d’en supprimer certaines – nous l’avions fait pour 80 d’entre elles lors de l’examen du budget.

Le HCSP fait évidemment doublon, au moins avec la HAS. Lors de la crise du covid, cette dernière a été le seul organisme à avoir une production un peu intéressante. Santé publique France s’est mal tirée de beaucoup de choses, dont les commandes de masques, et la seule conclusion à tirer de l’action des ARS a été de recommander leur suppression.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS1369 de M. Christophe Naegelen, CS183 de Mme Anne-Laure Blin, CS869 de M. Henri Alfandari, CS1293 de M. Philippe Bolo, CS1338 du gouvernement et CS1492 de Mme Marie Lebec

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Ils visent à supprimer la conférence de prévention étudiante, dont les missions, certes légitimes, sont aujourd’hui couvertes par d’autres dispositifs, notamment les services de santé universitaire.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Pour revenir sur la discussion précédente, je trouve que le fonctionnement des ARS n’a rien de démocratique, madame Lejeune : ce ne sont pas des politiques qui y prennent les décisions mais des fonctionnaires. Je suis du côté des Français, vous êtes du côté de l’administration. Je constate sur le terrain que la situation sanitaire est catastrophique, qu’il existe de nombreux déserts médicaux, notamment dans les zones rurales, et que ces instances technocratiques non seulement ne favorisent pas le débat démocratique, mais complexifient le paysage administratif.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous avons justement besoin tant des ARS, qui sont composées de fonctionnaires, que d’instances dont les travaux de recherche permettent d’éclairer les décisions, dans le cadre du débat public. Or vous amalgamez les deux.

La commission adopte les amendements.

Amendement CS322 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Il vise à supprimer l’Agence nationale du sport (ANS), qui a pour mission louable d’améliorer la performance des équipes de France lors d’événements internationaux et l’accès à la pratique sportive.

Cette agence, composée de six pôles eux-mêmes divisés en de multiples sous-pôles, est une illustration du millefeuille administratif. Or il existe un ministère chargé des sports et de nombreuses collectivités qui promeuvent la pratique du sport. Dans un objectif de rationalisation, nous souhaitons confier les missions de l’ANS au ministère chargé des sports.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable. L’ANS est nécessaire pour ce qui est de la haute performance au niveau national. Néanmoins, ses délégations départementales et régionales pourraient être supprimées, et leur budget, alloué aux collectivités.

M. le président Ian Boucard. Je suis parfaitement d’accord avec M. le rapporteur.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis défavorable.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Je suis abasourdie : tous ces organismes d’experts alourdiraient donc les décisions publiques ? L’avis des ministères serait suffisant, nous dit Mme Blin, vu qu’ils travaillent sur les mêmes sujets que ces organismes ? Pardon, mais je ne compte pas me fier uniquement à l’avis des ministères. Je suis bien heureuse qu’il existe des organismes donnant des avis d’experts, notamment en matière de santé. Mme Blin est peut-être experte en matière d’épidémies, de sport et d’agriculture, mais ce n’est pas mon cas. Ces instances sont nécessaires au débat public et les supprimer serait dangereux.

M. Matthias Renault (RN). La suppression de l’ANS est un serpent de mer. Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2025, j’avais déjà déposé un amendement en ce sens.

L’ANS, groupement d’intérêt public, est le successeur du Centre national pour le développement du sport. Son seul intérêt est de percevoir des financements privés, notamment des droits de diffusion de manifestations sportives ou des produits de jeux.

Selon le rapport de la Cour des comptes de 2022 « L’Agence nationale du sport et la nouvelle gouvernance du sport », l’ANS fait doublon tant avec la direction des sports que le réseau de sport à haut niveau, géré au niveau national par l’Insep (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance) et au niveau régional par les centres de ressources, d’expertise et de performance sportive.

Mme Anne-Laure Blin (DR). En tant que parlementaire, nous contrôlons l’action du gouvernement, notamment l’application des mesures votées dans l’hémicycle. À ce titre, rencontrons les fédérations sportives, elles pourront nous éclairer sur leur volonté ! Il existe de grands acteurs dans le domaine du sport, notamment parmi les fédérations sportives, qui peuvent accompagner les sportifs et les associations locales.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1383 de M. Christophe Naegelen

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il s’agit de supprimer la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives, dont la majorité des missions ont été transférées. Elle instruisait les affaires et recueillait les observations des intéressés afin d’éclairer le premier ministre dans l’exercice de son pouvoir de police. Son utilité est remise en cause car elle est rarement saisie : elle ne s’est pas réunie depuis 2022. Cet amendement reprend une disposition de la proposition de loi de la sénatrice Nathalie Goulet.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis défavorable, la réorganisation de cette structure est en cours.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cette commission a toute son utilité dans un contexte où le ministre de l’intérieur vient d’annoncer la dissolution de plusieurs groupes de supporters. Si elle n’a pas été saisie depuis 2022, c’est que les circonstances n’étaient pas réunies. En supprimant tous les organismes susceptibles de contrebalancer des décisions prises de manière verticale, tel un arrêté du ministre de l’intérieur, nous nous engageons sur une pente dangereuse en matière de contrôle de l’action du gouvernement.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Justement, depuis 2022, le ministre de l’intérieur a pris des décisions de dissolution de groupes de hooligans sans avoir besoin de cette commission.

M. Matthias Renault (RN). Je suis favorable à cette suppression. La décision de dissoudre une association ou un groupement de fait de supporters est instruite par la direction des libertés publiques et des affaires publiques du ministère de l’intérieur, puis prise par décret, avec possibilité de recours devant le Conseil d’État. La seule utilité de l’avis de cette commission serait de dissuader le premier ministre de prendre un décret de dissolution : ni la direction des libertés publiques, ni le Conseil d’État ne s’en saisiront par la suite.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS765 de Mme Marie Lebec

Mme Marie Lebec (EPR). Il vise à supprimer le comité consultatif auprès du conseil d’administration de l’établissement public d’aménagement de Paris-Saclay : les deux font doublon.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement CS306 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Il vise à supprimer les observatoires d’analyse et d’appui au dialogue social et à la négociation, financés par les départements, qui font doublon avec les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets), les directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) et d’autres services départementaux – les services de l’État qui ont pour mission de fournir des éléments d’information dans ce domaine sont nombreux.

Selon un bilan établi par la Dreets de la région Grand Est, deux actions principales seront conduites en 2025, l’une dans le département de la Marne et l’autre dans celui du Bas-Rhin. Toutefois, au niveau national, le bilan de ces observatoires est faible. Leurs sites internet font l’objet d’à peine 10 000 visites.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable. Ces organismes font doublon avec de nombreux autres.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis défavorable.

M. Emmanuel Maurel (GDR). Je suis absolument défavorable à cet amendement. Tout à l’heure, Mme Blin s’est autoproclamée représentante des Français mais avec cet amendement, elle ne se place pas du côté des partenaires sociaux. Ces observatoires réunissent des représentants des employeurs et des salariés. Ils sont utiles : ils établissent un bilan annuel du dialogue social, peuvent apporter une expertise juridique et être saisis par les organisations syndicales. Le dialogue social est suffisamment malmené dans notre pays pour ne pas en rajouter une couche.

M. Gérard Leseul (SOC). On nage en pleine confusion. Il est absurde de comparer des directions administratives comme les Dreets et les DDETS avec un observatoire qui regroupe des partenaires sociaux et des citoyens, et qui n’a pas les mêmes missions.

Par ailleurs, ne détricotons pas le peu de dialogue social qui subsiste dans notre société.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Où s’exerce le dialogue social, si ce n’est dans l’entreprise, entre les salariés et le chef d’entreprise ? Dès lors, en quoi un observatoire le favoriserait-il, quand bien même il serait dédié au dialogue social ?

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1367 de M. Christophe Naegelen, CS870 de M. Henri Alfandari, CS1002 de Mme Marie Lebec, CS1290 de M. Philippe Bolo et CS1335 du gouvernement

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il vise à supprimer la Commission nationale de conciliation des conflits collectifs de travail. Créée pour intervenir en matière de conflits collectifs au travail, son activité a décliné au profit des procédures de médiation et de négociation déployées au niveau local et sectoriel.

La commission adopte les amendements.

Amendement CS301 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Il vise à supprimer le Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT) et ses comités régionaux (CROCT), qui participent à l’élaboration des orientations des politiques publiques dans les domaines de la santé et de la sécurité au travail. Ces missions sont déjà dévolues à des services ministériels et départementaux. Depuis 2022, le COCT a produit peu d’études et aucun bilan de ses activités. Cet organisme rencontre clairement des difficultés pour accomplir sa mission d’accompagnement des professionnels.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même avis.

M. Emmanuel Maurel (GDR). Contrairement à ce que vous avez dit tout à l’heure, le dialogue social ne se limite pas à l’entreprise : il peut être mené dans les branches, dans des observatoires ou au niveau national.

Les conditions de travail et la santé au travail, qui sont des sujets centraux, se sont considérablement dégradées ces dernières années. Par démagogie, vous essayez de détricoter des instances utiles dans ce domaine. Vous n’êtes vraiment pas du côté des salariés.

Mme Anne-Laure Blin (DR). N’essayez pas de faire croire que je suis opposée à de bonnes conditions de travail pour les salariés alors qu’il s’agit de remettre en cause l’existence d’un comité Théodule ! Donnez-moi un argument qui démontre que le COCT a contribué à améliorer les conditions de travail des salariés.

M. Emmanuel Maurel (GDR). Donnez-moi un argument qui démontre que ces structures ne contribuent pas à l’amélioration de leurs conditions de travail.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS300 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Je mets au défi M. Maurel d’expliquer la différence entre l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) et les organismes dont nous venons de parler. Cette agence, qui soutient des projets d’amélioration des conditions de travail, fait doublon avec France Travail, les départements, le Cese, le COCT et les CROCT ; elle fournit également le même type de données que l’Insee. Tout cela pour une subvention de 19 millions de l’État, et un coût de fonctionnement qui s’élève à 38 millions d’euros.

Cet opérateur n’établit pas de bilan d’activité, ses antennes régionales en dressent rarement. Cet argent public pourrait financer l’amélioration des conditions de travail des salariés. Ce gros gaspillage ne va pas dans le sens de l’intérêt des salariés.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même avis.

M. Charles Fournier (EcoS). En ma qualité d’ancien membre de l’Anact, qui est un organisme paritaire, je peux attester du travail d’accompagnement des entreprises qu’elle accomplit sur des sujets aussi importants que les conditions de travail et la qualité de vie au travail, l’égalité femmes-hommes ou la transition numérique.

Le dialogue social ne passe pas que par les entreprises, mais aussi par une mutualisation de leur accompagnement. Je conteste profondément votre analyse fondée uniquement sur le coût. L’ensemble des partenaires sociaux qui siègent dans ces organismes apprécieront qu’on les considère comme inutiles alors que leur intérêt est évident. C’est déplorable.

M. Matthias Renault (RN). Nous soutiendrons cet amendement – nous avions déposé le même pour l’examen du budget. Nous avons du mal à comprendre les missions assignées à l’Anact, à part la gestion du fonds pour l’amélioration des conditions de travail, qui ne fait pas l’objet d’une évaluation très précise.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS321 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Cet amendement de bon sens vise à supprimer France compétences, qui promeut « le développement des compétences et l’acquisition des certifications professionnelles ». Les charges de personnel et de fonctionnement de cet organisme, dont l’efficacité reste à démontrer, s’élèvent respectivement à 10 et à 76 millions d’euros. Cet argent pourrait être alloué aux opérateurs de compétences (Opco) et à France Travail, avec lesquels elle fait doublon, afin d’aider les salariés à trouver un travail dans les entreprises qui manquent de personnel.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable : France compétences peut être remplacée par les Opco.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Cet acteur central du financement et de la régulation de la formation professionnelle gère 11,6 milliards d’euros de fonds chaque année. Il a pour mission de financer les principaux dispositifs de formation ; de garantir l’adéquation des certifications professionnelles avec les besoins économiques et sociaux ; et de réguler la formation professionnelle et l’apprentissage pour garantir leur qualité et leur efficacité. Vous ne proposez pas de transférer ses compétences, mais simplement de le supprimer : avis défavorable.

M. Matthias Renault (RN). Nous voterons pour cet amendement. Il existe un vrai débat de fond sur le rapprochement entre France Travail et France compétences, que j’avais déjà proposé de fusionner lors de l’examen du budget. Dans un article du Monde du 16 octobre, Bruno Coquet, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques, avait expliqué que cette fusion ne se justifiait à aucun point de vue en termes opérationnels et donnait à voir une méconnaissance du fonctionnement de ces opérateurs. Je verse au débat cette critique acerbe dont j’ai fait l’objet, qui pourrait s’étendre aux collègues de partis dits de gouvernement qui proposent la même chose, mais je continue à penser qu’il faudra trancher cette question.

M. Sylvain Maillard (EPR). France Compétences et France Travail ont deux activités totalement différentes. France Compétences travaille, par exemple, sur le coût des contrats des apprentis, afin de déterminer les montants à rembourser, ce qui n’a rien à voir avec ce que fait France Travail. À part le mot « France », les deux n’ont rien de commun. Il faut évidemment maintenir France Compétences, et sûrement renforcer ses équipes qui travaillent très dur.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1381 de M. Christophe Naegelen et CS184 de Mme Anne-Laure Blin

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Le Comité des usagers du réseau routier national, institué pour recueillir leurs avis sur la gestion du réseau, n’a connu qu’une activité extrêmement limitée et ne s’est pas imposé comme un levier structurant de la concertation publique dans le champ des infrastructures. Ses missions consultatives peuvent être intégralement reprises dans le cadre d’autres dispositifs, qu’il s’agisse des consultations locales, des enquêtes publiques ou des concertations pilotées par les services du ministère chargé des transports.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Ce comité est composé, notamment, de représentants d’associations de défense des consommateurs, d’organisateurs des transports, d’automobilistes, de motocyclistes et de protection de l’environnement, ainsi que de parlementaires. Une commission sénatoriale a recommandé en 2020 de renforcer la transparence des concessions autoroutières en soulignant l’importance de cette instance. À l’approche du renouvellement des concessions autoroutières, la supprimer compromettrait la transparence et le dialogue nécessaires. Une réforme serait plus appropriée qu’une suppression. Par conséquent, avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS150 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Le Comité du secret statistique veille normalement au respect des règles dans ce domaine, ce qui fait doublon avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés, chargée d’exercer des fonctions de régulation en matière de données personnelles. C’est pourquoi je vous propose de supprimer ce comité.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS1488 de Mme Marie Lebec

Mme Marie Lebec (EPR). Pour les mêmes raisons que précédemment, je demande la suppression du Conseil supérieur de la coopération.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même avis.

M. Gérard Leseul (SOC). Encore un amendement qui n’a aucun sens. Le Conseil supérieur de la coopération réunit des représentants de l’ensemble des secteurs de la coopération, qui sont organisés en sociétés coopératives HLM, de production ou encore de travailleurs. Il se réunit lorsqu’on a besoin, pour des raisons réglementaires ou législatives, d’avoir l’avis des acteurs de la coopération. Ce sont des « techniciens » qui y siègent. Par ailleurs, la loi oblige à passer devant le bureau du Conseil supérieur de la coopération pour toute demande de sortie du statut coopératif. Une entreprise sous ce statut ne peut en sortir qu’après avoir sollicité son avis, après quoi la décision est prise par le ministre.

Vous voulez supprimer des instances qui fonctionnent. Bien sûr, les statistiques ne font peut-être pas état de beaucoup de réunions, mais le Conseil se réunit en tant que de besoin. Prenez le temps de regarder comment fonctionnent les choses.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1386 de M. Christophe Naegelen

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Si l’octroi d’une garantie de l’État pour certaines expositions temporaires d’œuvres d’art constitue un enjeu stratégique, nécessitant un contrôle rigoureux, la pertinence d’une commission spécifique apparaît limitée compte tenu des dispositifs de suivi qui existent par ailleurs au sein des administrations compétentes, notamment celles chargées des finances et de l’économie. La suppression de cette commission permettrait d’alléger les procédures administratives et de confier l’instruction des demandes aux services ministériels.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS724 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Cet amendement du groupe de la Droite républicaine vise à supprimer la commission de médiation relative à la perception de la taxe fiscale sur les spectacles, qui est censée faciliter le dialogue entre les organismes de spectacles, les collectivités territoriales et l’administration fiscale, mais qui ne s’est pas réunie depuis 2021. Une médiation qui devait lui être confiée s’est déroulée sans son concours. Pour le reste, elle n’a même pas de site internet. Nous ne voyons donc pas l’intérêt de son maintien.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS95 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Le Conseil de normalisation des comptes publics est chargé de donner des avis sur la comptabilité de l’État et de proposer des mesures concernant les comptes publics. Eu égard à l’endettement de notre pays, il n’a pas forcément été très efficace. Comme il existe par ailleurs un programme d’évaluation des normes de comptabilité publique, cette instance n’a pas lieu d’être.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS769 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Cet amendement, également soutenu par l’ensemble de mon groupe, vise à supprimer l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM), établissement public qui vise à garantir au nom de l’État l’application des droits sociaux des anciens agents des entreprises minières ou ardoisières ayant cessé leur activité ou de leurs ayants droit. Cette agence, qui a un budget de 274 millions d’euros pour un total de 256 agents, constitue un doublon par rapport à la Caisse des dépôts et le régime général de la sécurité sociale. Il semble donc cohérent de la supprimer.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Certes, la baisse des effectifs du régime minier conduit à repenser la question et certainement à supprimer cette agence à l’avenir. Des travaux ont été menés, qui envisagent de le faire en 2030. En attendant, comme il existe encore des bénéficiaires de ce régime, avis défavorable.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Le régime du droit minier est très spécifique. Il n’y a pas de doublon avec la Caisse des dépôts ou le régime général de la sécurité sociale. La situation des anciens mineurs qui sont soumis à ce régime est très particulière, comme pourront vous l’expliquer les responsables de l’ANGDM si vous prenez le temps de les entendre, comme je l’ai fait. Des milliers de personnes sont encore concernées par ce régime : nous ne pouvons pas les lâcher dans la nature de cette façon. Prenez le temps d’étudier les choses, cette décision va toucher la vie des gens.

M. Matthias Renault (RN). Il ne s’agit absolument pas de lâcher ou non la prise en charge de ces personnes. C’est une pure question de gestion : un rapport de la Cour des comptes, du 19 février 2024, préconisait de fermer cette agence et de transférer la gestion des prestations à la Caisse des dépôts et au régime général. Pas besoin de faire de la démagogie.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS96 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie est également un doublon, notamment par rapport au Conseil stratégique de l’innovation en santé. Il mérite donc d’être supprimé.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même avis.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CS1376 de M. Christophe Naegelen, CS874 de M. Henri Alfandari, CS1284 de M. Philippe Bolo et CS1345 du gouvernement

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il s’agit de supprimer la Commission de concertation du commerce, qui a été remplacée par le Conseil national du commerce, doté d’une légitimité renouvelée et d’un périmètre d’intervention plus adapté aux enjeux du secteur. Je propose d’abroger une base législative devenue obsolète, afin d’assurer la cohérence juridique du dispositif.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Cette commission a été supprimée par décret en 2023 et remplacée par le Conseil national du commerce. Il est effectivement cohérent d’abroger une base législative qui n’a plus de raison d’être.

La commission adopte les amendements.

Amendement CS162 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). La Commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires (CCSCEN) ne s’est pas réunie depuis 2022, alors que de nouveaux membres continuent d’être nommés, par exemple par un arrêté du 10 mars. Je propose de la supprimer. Puisque certains essaient de faire de la petite politique, je répète que ma démarche ne vise qu’à rationaliser le paysage administratif : la suppression de cette commission n’aura absolument aucun impact sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires du programme français, dont est chargé une autre instance, le Civen (Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires. Il serait naturel de rattacher les compétences de cette commission au Civen.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Défavorable.

M. Matthias Renault (RN). Nous voterons pour cet amendement qui n’aura pas de conséquences en matière d’indemnisation. Le fait qu’il s’agit d’une commission administrative permet de ne pas fouiller le sujet. L’excellente commission d’enquête qui a été créée permet d’aller beaucoup plus en profondeur qu’une commission un peu fantôme, qui n’émet des avis que certaines années. Du point de vue des victimes des essais nucléaires, notamment en Polynésie française, mieux vaut une commission d’enquête en bonne et due forme.

M. Charles Fournier (EcoS). Justement : puisqu’il existe une commission d’enquête, attendons de connaître ses conclusions. Une commission d’enquête ne travaille pas dans le temps long et celle qui est en cours redonnera sans doute un peu de vigueur à la CCSCEN.

Il est nécessaire de consulter celles et ceux qui sont concernés par la question. La consultation n’est pas inutile : on entend dire depuis le début de l’après-midi que cela ne sert à rien, que cela fait perdre du temps, mais ce qui en fait perdre, c’est plutôt de ne pas consulter. En supprimant toutes ces commissions, on prend le risque que les gens ne soient jamais écoutés.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1374 de M. Christophe Naegelen, CS868 de M. Henri Alfandari, CS1294 de M. Philippe Bolo, CS1339 du gouvernement et CS1496 de Mme Marie Lebec

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il s’agit de supprimer le Conseil d’orientation stratégique de l’Institut français, qui a été créé pour accompagner les grandes orientations de l’action culturelle extérieure de la France. Ce conseil ne s’est pas réuni depuis plusieurs années et son rôle est demeuré marginal dans la définition des priorités stratégiques, qui relèvent actuellement d’un pilotage direct du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et de la direction générale de l’Institut français.

La commission adopte les amendements.

Amendement CS172 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Expertise France est une émanation de l’Agence française de développement qui fournit une expertise concernant des missions d’ingénierie et la mise en place de projets à la demande de pays partenaires. Un rapport a souligné que son chiffre d’affaires, de 390 millions d’euros, qui permet tout juste d’atteindre l’équilibre, est très dépendant de la commande publique. Une subvention indirecte est en fait versée à Expertise France, puisqu’une partie importante de ses mandataires sont des organismes publics français et européens. On assiste à une dérive inquiétante, car les budgets doivent à chaque fois être complétés par un fonds de soutien de l’État afin que les projets soient réalisés et que l’équilibre budgétaire soit atteint. Expertise France est par ailleurs un doublon de Civipol, opérateur de coopération technique internationale placé sous la tutelle du ministère de l’intérieur qui intervient sur des thématiques de sécurité et a les mêmes objectifs qu’Expertise France. Leurs compétences étant proches, il convient de mettre fin au doublon, dans une logique de rationalisation.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1373 de M. Christophe Naegelen et CS1334 du gouvernement ; amendements identiques CS876 de M. Henri Alfandari, CS1283 de M. Philippe Bolo et CS1498 de Mme Marie Lebec (discussion commune)

M. Christophe Naegelen, rapporteur. La Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement a été fragilisée dès 2016 par l’abrogation de la base légale lui permettant de recueillir des alertes, puis rendue redondante par le décret n° 2022-1284, qui a désigné les autorités compétentes pour recevoir les signalements dans le cadre de la nouvelle législation relative aux lanceurs d’alerte. Le maintien d’une commission aux attributions désormais résiduelles entretient une confusion institutionnelle qui nuit à la lisibilité du dispositif de protection et crée une insécurité juridique pour les parties prenantes.

La commission adopte les amendements CS1373 et CS1334.

En conséquence, les amendements CS876, CS1283 et CS1498 tombent.

Amendement CS706 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Cet amendement du groupe Droite républicaine vise à supprimer l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV) – c’est un serpent de mer. L’ONPV fournit des statistiques sur les résidents des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), afin de mesurer les inégalités et de contribuer à l’évaluation de la politique de la ville. Il existe clairement un doublon administratif, compte tenu de l’existence non seulement de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), mais aussi du Conseil national des villes et du comité interministériel des villes, ce dernier occupant une place bien plus pertinente, puisqu’il administre le système d’information géographique de la politique de la ville – et je ne parle même pas du travail essentiel de compilation de données et de statistiques qui est fait par l’Insee. S’agissant de la lutte contre les discriminations et les inégalités entre les hommes et les femmes, la mission de l’Observatoire est déjà remplie par le ministère dédié. Quant à l’établissement du rapport annuel sur l’évolution des QPV, il peut tout à fait être réalisé par le comité interministériel des villes.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Demande de retrait au profit de mon amendement CS1375.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Sagesse.

M. Gérard Leseul (SOC). Cet observatoire produit, cela vient d’être évoqué, un rapport annuel, mais aussi de nombreuses études thématiques – huit l’année dernière, ce qui est dans la moyenne des dix dernières années. Il travaille et il est utile. Je ne vois pas en quoi il serait bon de le supprimer.

M. le président Ian Boucard. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec M. Leseul. J’ai été vice-président de ma communauté d’agglomération, chargé de la politique de la ville, et je confirme que cet observatoire était loin d’être le plus inutile.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Je vais retirer mon amendement au profit de celui du rapporteur, qui prévoit, si je comprends bien, une migration de l’Observatoire vers l’ANCT, ce qui me paraît une bonne chose.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS766 de Mme Marie Lebec, CS1375 de M. Christophe Naegelen et CS865 de M. Henri Alfandari

M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’ONPV a été institué pour produire des données et contribuer à l’évaluation des politiques publiques en matière urbaine. Vous avez souligné, monsieur le président, à quel point il était important, mais force est de constater qu’il ne s’est réuni qu’une fois en 2021, pas du tout en 2022 et deux fois en 2023. Ses coûts de fonctionnement sont élevés – jusqu’à 29 500 euros par réunion – sans qu’un impact opérationnel tangible ait pu être démontré. Enfin, ses missions d’analyse, de suivi et de production statistique sont largement redondantes avec celles assurées par l’ANCT, le Conseil national des villes et les services statistiques ministériels. La suppression de l’ONPV permettrait non seulement de rationaliser l’architecture administrative dans le champ de la politique de la ville, mais aussi d’améliorer la lisibilité et l’efficacité de l’action publique en concentrant les responsabilités en matière d’évaluation entre les mains d’organismes actifs et bien identifiés. C’est pourquoi je vous propose d’intégrer cet observatoire au sein de l’ANCT – il ne s’agit donc pas d’une suppression sèche.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Sagesse.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous avons beaucoup d’estime pour le travail de l’ANCT, mais son périmètre n’est pas exactement le même que celui de l’ONPV : l’ANCT est plus largement compétente pour l’aménagement du territoire, y compris dans les zones rurales. Je suis donc défavorable à l’intégration de l’Observatoire au sein de l’ANCT.

M. Matthias Renault (RN). Nous voterons cet amendement, même si c’est un peu à regret puisque nous souhaitons aussi la suppression de l’ANCT. Une partie de l’activité de l’Observatoire relève du programme budgétaire 147 : si l’on veut davantage d’explications sur l’impact de la politique de la ville, il suffirait donc que le bleu budgétaire soit plus fourni. La partie statistique de son activité, elle, pourrait être prise en charge par l’Insee ou la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, qui sont les deux grands services statistiques en France.

La commission adopte les amendements.

Amendements CS310 de Mme Anne-Laure Blin et CS1179 de Mme Valérie Rossi (discussion commune)

Mme Anne-Laure Blin (DR). Il s’agit ici de l’économie sociale et solidaire (ESS) et comme je sais que M. Hamon nous observe, je le salue. L’économie sociale et solidaire a fait l’objet, en 2014, d’une loi qui a créé un certain nombre de comités : le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, ESS France et les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (Cress). Je ne remets absolument pas en cause ce secteur, qui existait avant la loi de 2014. En revanche, ces organismes, qui revêtent des formes juridiques diverses, mais non exclusives les unes des autres, ne méritent d’être ainsi scindés et d’avoir chacun leur propre organisation. Le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, qui est chargé d’émettre des avis consultatifs sur les dispositions législatives et réglementaires concernant ce secteur, fait clairement doublon avec le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et avec la Chambre française de l’économie sociale et solidaire, qui assure le suivi de l’accès au financement des entreprises de l’ESS. Seuls trois avis ont été rendus par le Conseil supérieur, que je vous propose de supprimer.

M. Gérard Leseul (SOC). L’amendement CS1179 vise plutôt à fluidifier l’organisation de ces deux conseils, en prévoyant que les modifications de leur fonctionnement feront désormais l’objet de décrets simples. Je conteste l’argumentation de notre collègue, mais j’aurai l’occasion d’y revenir si vous le voulez bien.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement de Mme Blin, mais j’émettrai un avis contraire au sujet de son amendement CS163, que nous examinerons ensuite, qui vise à supprimer aussi ESS France. L’économie sociale et solidaire est importante et doit conserver sa tête de pont, ESS France. Si l’amendement CS310 de Mme Blin n’était pas adopté, je serais favorable à celui défendu par M. Leseul.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Ces amendements illustrent deux manières de voir les choses. Celui de Mme Blin propose de tailler en pièces le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire : nous nous sommes habitués, de sa part, à cette manière de faire. L’autre amendement tend au contraire à fluidifier les modes de fonctionnement pour réaliser un rapprochement. Avis défavorable au premier amendement et favorable au second.

M. Charles Fournier (EcoS). On ne peut pas confondre le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire avec le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, car ses fonctions sont bien plus larges : je ne comprends pas comment Mme Blin peut faire une telle réduction. Par ailleurs, des conseils du même type ont été créés pour différentes politiques publiques afin de procéder à des consultations avant certaines décisions.

Le rôle du Conseil supérieur est également très différent de celui des Cress, que vous voulez supprimer par ailleurs. Ces dernières visent à accompagner les acteurs de l’économie sociale et solidaire dans les territoires. L’ensemble de ces instances est nécessaire et je suis donc très opposé à leur suppression. En revanche, je suis plutôt favorable à l’amendement défendu par M. Leseul, car il permettrait d’améliorer l’articulation et la lisibilité des dispositifs.

M. Gérard Leseul (SOC). Je suis atterré par l’argumentation développée par Mme Blin, qui repose sur une confusion totale. Je ne sais pas si c’est volontaire ou non, mais vous ne pouvez absolument pas mettre sur le même plan le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire. Ce dernier ne s’occupe pas de l’égalité hommes-femmes, ou alors d’une manière presque marginale : le cœur de son activité est de réunir l’ensemble des structures faîtières des associations, coopératives, mutuelles, fondations, fonds de dotation et entreprises dites sociales pour leur permettre de discuter ensemble des statuts juridiques ou de l’incidence de la législation et de la réglementation sur le secteur, qui pèse, je le rappelle, 10 % de l’emploi en France.

Le Conseil supérieur de l’ESS a récemment remis un rapport très fourni, copiloté par Frédéric Tiberghien, ex-conseiller d’État et ancien délégué interministériel à l’économie sociale, sur l’évaluation de la loi Hamon de 2014. Son expertise est précieuse et appréciée par l’ensemble du secteur. Je ne comprends pas que vous vouliez supprimer des choses qui fonctionnent. Je m’oppose vigoureusement à votre amendement.

La commission rejette l’amendement CS310.

Elle adopte l’amendement CS1179.

Amendements CS163 et CS333 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Après ce réquisitoire, j’imagine que vous aurez grand mal à argumenter en faveur d’ESS France, puisque le Conseil supérieur de l’économie sociale et sociale doit assurer l’alchimie entre l’ensemble des opérateurs du secteur.

En réalité, et c’est pour cela qu’il suit nos débats, M. Hamon a créé en 2014 les structures qu’il préside aujourd’hui. La production d’ESS France, à part des positions idéologiques publiées sur ses interfaces, n’a pas réellement d’intérêt : des critiques du projet de loi de finances pour 2025, qualifié d’inconscient, l’annonce qu’ESS France quitte le réseau social X en raison de désaccords profonds avec cette plateforme, la satisfaction que la proposition de loi tendant à supprimer des comités Théodule ne touche pas le Conseil supérieur de l’ESS… Dans ses tribunes, M. Hamon critique également le choix fait par un certain nombre d’élus de diminuer les moyens de l’Agence française de développement et qualifie notre régime politique de « présidentialisme morbide ».

Je n’ai absolument aucun problème avec les acteurs de ce secteur, qui jouent un rôle très important et que je rencontre très fréquemment dans ma circonscription. Il n’en va pas de même s’agissant d’organisations dont le seul but est de véhiculer de l’idéologie et des avis politiques, au détriment de ceux qu’elles prétendent représenter. ESS France, je l’affirme ici, n’a absolument pas sa place dans le paysage économique. C’est pourquoi je demande sa suppression.

L’amendement CS333 qui suivra concerne quant à lui les Cress, calquées sur le modèle des chambres de commerce et d’industrie (CCI), qui sont chargées de mettre en valeur l’économie sociale et solidaire.

Les CCI apportent une réelle plus-value en matière économique. Dès lors, pourquoi traiter séparément l’économie sociale et solidaire ? La coordination est censée être faite par ESS France, mais en pratique celle-ci confie cette tâche au comité des régions. Les Cress n’étant pas les seules structures à assurer des missions d’accompagnement, il n’est pas opportun de leur attribuer autant de financements publics. C’est la raison pour laquelle je propose de les supprimer.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Au Sénat, Nathalie Goulet avait proposé exactement la même chose et ma collègue Véronique Louwagie avait souhaité que ces instances soient maintenues.

M. Gérard Leseul (SOC). Là encore, la confusion est totale.

Votre amendement CS163 propose de supprimer ESS France alors qu’il s’agit d’une association qui a été créée librement et avec laquelle l’État a conclu une convention. Son financement est assuré seulement de manière partielle par la puissance publique.

Cette association présente l’intérêt de rassembler l’ensemble des acteurs de l’économie sociale. Sa différence essentielle avec le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire réside dans le fait que celui-ci est composé pour moitié de représentants des différentes familles d’acteurs de l’ESS et pour moitié de représentants de l’État – auxquels s’ajoutent des parlementaires du Sénat et de l’Assemblée nationale.

ESS France – qui est une association, comme l’est le Medef – a pour objet uniquement de travailler sur ce qui représente un intérêt commun pour les coopératives, les mutuelles et les associations.

Vous avez attaqué à plusieurs reprises Benoît Hamon, président d’ESS France, parce qu’il a critiqué le budget 2025 et quitté le réseau X. Mais M. Hamon préside cette association depuis six mois, au titre de représentant du secteur associatif. Le président précédent était issu du secteur coopératif, et le précédent encore du secteur mutualiste, car une alternance démocratique est organisée au sein d’ESS France. Pourquoi vous immiscer dans une association qui fonctionne bien et qui s’administre librement ?

Avec votre amendement CS333, vous voulez supprimer les Cress sous prétexte que les chambres consulaires feraient déjà le travail. Mais essayez donc de demander à une chambre de commerce et d’industrie comment faire pour créer une association œuvrant dans l’ESS ! C’est absurde.

M. Matthias Renault (RN). Nous soutiendrons ces deux amendements.

Soyons clairs, nous n’appelons pas à dissoudre des associations : la liberté d’association a valeur constitutionnelle. En revanche, nous voulons assécher leur financement public et supprimer les dispositions de la loi Hamon de 2014 qui définissent leurs missions. C’est d’ailleurs une loi bavarde, car fixer des objectifs à une association ne relève pas du domaine législatif – sauf s’il s’agit d’une mission de service public très précise ; or, en l’occurrence, les objectifs fixés sont assez généraux.

Il ne faut pas confondre le secteur économique de l’ESS avec l’ensemble de la bureaucratie qui le représente. C’est bien évidemment cette dernière qui est visée.

M. Charles Fournier (EcoS). Il y a manifestement une confusion entre le secteur de l’ESS et les instances qui le représentent et accompagnent son développement. Mme Blin a bien dit qu’elle voulait les supprimer parce qu’elles expriment des opinions avec lesquelles elle n’est pas d’accord ; en revanche, elle ne s’en prend pas aux chambres d’agriculture par exemple. C’est donc une approche très idéologique.

En outre, les chiffres qui figurent dans l’exposé sommaire sont faux. Le budget d’ESS France n’est pas de 15 millions d’euros mais de 2 millions – dont 500 000 euros de subventions. Votre argument est fallacieux.

S’en prendre aux représentants de l’ESS, c’est s’en prendre à ce secteur. Supprimer les Cress conduirait à affaiblir l’ensemble du dispositif et des acteurs grâce auxquels l’entreprise Duralex, par exemple, a pu récemment être reprise en société coopérative. Ces acteurs assurent un service utile et nous nous opposons donc fortement à ces amendements.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS333 de Mme Anne-Laure Blin. 

Deuxième réunion du lundi 24 mars 2025 à 21 heures 30

Lien vidéo : https://assnat.fr/1o8gQt

M. le président Ian Boucard. Nous poursuivons l’examen des amendements du projet de loi de simplification de la vie économique.

Article 1er (suite) (chapitre préliminaire du titre II du livre Ier, articles L. 145-1, L. 146-1 et L. 147-1 du code de la recherche ; titre IV du livre IV de la sixième partie du code des transports ; articles L. 326-6 et L. 326-7 du code général de la fonction publique ; article L. 351-1 du code forestier ; article 60-1 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises) : Suppression d’instances consultatives

Amendement CS1500 de Mme Marie Lebec

Mme Marie Lebec (EPR). Nous souhaitons supprimer la commission qui avait été chargée de proposer des mesures d’indemnisation aux personnes dont la maladie est causée par les essais nucléaires. Composée de trois députés, trois sénateurs et six personnalités qualifiées, elle devait se prononcer dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer. Cette loi ayant été promulguée en 2017, la mission de cette commission est caduque.

M. Christophe Naegelen, rapporteur pour les titres Ier à VI. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification. Même avis.

M. Gérard Leseul (SOC). Je n’ai pas saisi le nom de la commission en question. Je pourrais par ailleurs qualifier cet amendement de grossier, sachant que nos collègues d’outre-mer sont absents.

Mme Marie Lebec (EPR). Je ne me prononce pas sur l’utilité de cette commission, je constate simplement que sa mission est arrivée à échéance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1501 de Mme Marie Lebec

Mme Marie Lebec (EPR). Cet amendement procède du même esprit que le précédent, puisqu’il vise à mettre fin à la présence de parlementaires dans les comités d’éthique et de rémunération des Jeux olympiques de 2024, voire à supprimer ces comités.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Ces comités ont perdu leur objet. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS1385 de M. Christophe Naegelen

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je le retire en raison d’un problème de rédaction.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1504 de Mme Marie Lebec

Mme Marie Lebec (EPR). Nous proposons de supprimer le comité de contrôle et de liaison covid-19 ; il était chargé d’associer la société civile et le Parlement aux opérations de lutte contre la propagation de l’épidémie par le suivi des contacts, ainsi qu’au déploiement des systèmes d’information prévus à cet effet. Sa mission est, là aussi, caduque.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même avis.

M. Gérard Leseul (SOC). Si ce comité et les précédents n’ont plus de raison d’être, ils disparaissent de facto. Dès lors, quel est l’intérêt de ces amendements ?

M. Charles Fournier (EcoS). Je suis un peu perdu, car l’exposé sommaire des amendements de Mme Lebec ne mentionne pas les comités qu’elle cite dans ses présentations.

M. le président Ian Boucard. Mme Lebec avait initialement déposé un unique amendement visant à supprimer un grand nombre de comités, mais les services l’ont découpé en plusieurs amendements sans pouvoir en modifier l’exposé des motifs.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS335 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Le Conseil national de la médiation (CNM) est une instance consultative placée auprès du ministre de la justice, dont le secrétariat est assuré par le bureau de l’accès au droit et de la médiation : cela prouve que le ministère a les moyens de remplir les missions de cette instance. Par ailleurs, des médiateurs locaux, dont le rôle est précieux, résolvent déjà de nombreuses situations conflictuelles. Il convient donc de supprimer le CNM.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même avis.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Vous souhaitez, là encore, supprimer une instance active, d’utilité publique, qui fait paraître des avis et des rapports – le dernier date de février 2025. Loin d’être un doublon, comme l’indique votre exposé sommaire, il produit de l’expertise et de l’information.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Je n’ai pas dit qu’il faisait doublon, mais que certains de ses moyens étaient fournis par le bureau de l’accès au droit et de la médiation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS361 de M. Charles Alloncle

M. Charles Alloncle (UDR). Le Cerema, Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement – généralement, plus il y a de lettres, plus c’est suspect – nous coûte environ 200 millions d’euros chaque année – une paille pour nos amis de gauche et d’extrême gauche ! Il fait doublon avec d’autres organismes publics : l’Agence de la transition écologique (Ademe), l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Sa mission la plus substantielle, le portage des politiques d’urbanisme, pourrait être reprise par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ou par les collectivités. Ses missions d’expertise pourraient être assurées par des bureaux d’études privés, ce qui coûterait beaucoup moins cher en définitive. Pour contrer un reproche récurrent, vous noterez que nous ne nous contentons pas de supprimer des organismes mais proposons des solutions plus efficaces.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. La direction du Cerema, que j’ai rencontrée récemment, est prête à réfléchir à une fusion avec des organismes ayant des compétences proches des siennes. En outre, le Cerema n’est pas très coûteux. Il présente l’intérêt d’être ouvert aux collectivités territoriales : elles sont plus de 1 000 à y adhérer, soit 16 régions, 86 départements, 428 groupements de collectivités et 465 communes. C’est la preuve que le changement de gouvernance du Cerema opéré depuis 2022 a contribué à le rapprocher fortement des territoires, et qu’il intervient en complément et non en concurrence des structures existantes. Il est devenu un établissement de référence en matière d’expertise technique dans de nombreux domaines : infrastructures de transport, environnement et risques, mer et littoral, ingénierie et aménagement territoriaux, bâtiments, mobilité. Avis défavorable.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Le BRGM contribue au développement des énergies géologiques, tandis que l’Ademe attribue des fonds aux territoires pour accompagner la transition énergétique. Quant à l’IGN, il élabore des données géographiques et des cartes que vous utilisez peut-être, comme moi, dans vos circonscriptions. Le Cerema, pour sa part, produit des expertises sur la biodiversité et l’aménagement du territoire en concertation avec les collectivités, qu’il accompagne. Ces quatre organismes ont des missions bien distinctes, toutes fondamentales. La moindre des choses, quand on participe au débat parlementaire, est de savoir de quoi on parle ; vous nous démontrez que vous ne maîtrisez pas le sujet. Vous enclenchez même un cercle vicieux, car à force de supprimer des organismes, vous serez de moins en moins éclairés.

M. Matthias Renault (RN). Nous soutenons cet excellent amendement, d’autant que le périmètre du Cerema recouvre en partie ceux de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) et de l’Ademe. Il fut un temps où une grande direction de l’État centralisait les missions de tous ces organismes, la Datar – délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale. Il faudrait peut-être la reconstituer en fusionnant les opérateurs et autres commissions chargés du logement et de l’aménagement du territoire.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Je défends le Cerema, qui est lui-même issu de la fusion de onze organismes ministériels en 2014. Il jouit d’un fort ancrage territorial et dispense une expertise technique très utile, en particulier aux départements ruraux. Le conseil départemental du Jura, par exemple, fait régulièrement appel à lui pour surveiller l’état de ses ponts. Les communes y recourent également.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS586 de M. Pierre Meurin

M. Matthias Renault (RN). Il vise à supprimer la Commission d’enrichissement de la langue française créée en 1996. Notre pays est doté depuis le XVIIe siècle d’une institution qui remplit déjà cette fonction, l’Académie française. Elle a l’avantage de l’antériorité – or dans la science des organisations, l’antériorité est un motif de survie.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je ne saisis pas bien la différence entre cette instance et l’Académie française. Je m’en remets à la sagesse de la commission spéciale.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis défavorable.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cet organisme est chargé de franciser les termes techniques, majoritairement anglais, qui apparaissent dans le domaine scientifique et industriel. Il a l’avantage d’être beaucoup plus réactif que l’Académie française, puisqu’il rend des rapports annuels. Ces deux instances sont donc complémentaires et peuvent cohabiter sans difficulté – mais le Rassemblement national préfère peut-être que l’on continue d’employer des anglicismes à tout bout de champ ?

M. Charles Alloncle (UDR). Cette commission, qui ne compte pas moins de 400 membres répartis en 19 groupes, se réunit deux fois par mois pour examiner les nouveaux termes qui apparaissent dans notre langue : c’est exactement le rôle de l’Académie française. Voilà un nouvel exemple de bureaucratie et de comité Théodule.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS884 de M. Charles Fournier

M. Charles Fournier (EcoS). Nous sollicitons un rapport sur l’opportunité de rapprocher les nombreuses structures administratives chargées de la planification, notamment écologique : le haut-commissariat au plan – dont nous aimerions connaître les travaux et les conclusions –, France Stratégie, le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) et le secrétariat général pour l’investissement (SGPI), qui pilote le plan France 2030 – car la planification consiste à fixer des objectifs, mais aussi à leur associer des moyens.

Loin d’un retour à la Datar d’antan, cette nouvelle instance rattachée au premier ministre serait chargée de conseiller et d’orienter la puissance publique sur l’enjeu déterminant de la planification écologique, qui touche tous les domaines d’activité. Nous y gagnerions en simplicité et en efficacité.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Une telle fusion créerait certes une grosse entité, mais contribuerait à une meilleure lisibilité institutionnelle. Avis favorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. J’y suis défavorable à ce stade, étant précisé que l’exercice de refondation de l’action publique lancé le 21 février 2025 pourrait aboutir, à terme, à l’organisation que vous proposez.

M. Henri Alfandari (HOR). Je voterai cet amendement, même si je regrette à titre personnel qu’il se contente de demander un rapport : la fusion proposée a toute sa pertinence.

M. Matthias Renault (RN). Nous le voterons également, à défaut d’amendements de suppression de certaines entités en question – nous y reviendrons en séance. C’est l’occasion de faire la publicité du rapport que notre collègue, le sénateur Christopher Szczurek, a consacré aux services rattachés au premier ministre, en particulier au haut-commissariat au plan. Michel Barnier avait promis de supprimer ce dernier dans son discours de politique générale, et il serait intéressant de connaître la position du gouvernement sur ce sujet.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS842 de M. Éric Michoux

M. Éric Michoux (UDR). Nous demandons au gouvernement un rapport sur les conseils ad hoc créés par les présidents de la République successifs, notamment entre 2012 et 2017, qui échappent à tout contrôle du Parlement : pourquoi ont-ils été mis en place, à quoi ont-ils servi et combien ont-ils coûté ? Qu’en est-il, plus particulièrement, du conseil stratégique de la dépense publique institué par le président François Hollande ?

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Le projet de loi prévoit déjà un tel rapport pour la période 2017-2023. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Si vous voulez un travail impartial, ne demandez pas un rapport au gouvernement mais organisez plutôt une commission d’enquête parlementaire. Avis défavorable.

M. Gérard Leseul (SOC). Contrairement à ce que M. Michoux vient d’exposer, son amendement sollicite un rapport pour la seule période 2012-2017. J’y vois une certaine malice, et je m’y opposerai.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendement CS1483 du gouvernement

M. Laurent Marcangeli, ministre. Nous proposons qu’à compter de la publication de la présente loi, les commissions et les instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du premier ministre ou d’un ministre aient une durée de vie de trois ans.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il paraît pertinent que toute nouvelle commission s’éteigne au terme de trois ans, sauf si elle a prouvé son utilité. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement. L’article 1er bis est ainsi rédigé.

Amendements CS330 et CS331 de M. Matthias Renault (discussion commune)

M. Matthias Renault (RN). Ces amendements-balais visent à supprimer des autorités administratives indépendantes – 8 pour le premier, 6 pour le second –, en vue de les fusionner ou de réinternaliser leurs missions. Dans le même esprit, je présenterai après l’article 27 un amendement-balai visant la suppression de soixante-neuf opérateurs.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Ce ne sont pas des amendements-balais, c’est la laveuse complète ! Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS726 et CS774 de M. Thomas Lam (discussion commune)

M. Thomas Lam (HOR). Nous proposons la suppression automatique des commissions et instances consultatives ou délibératives qui ne se sont pas réunies depuis deux ans, voire un an.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement CS726, qui porte sur un délai de deux ans, mais défavorable au second : pour diverses raisons, il peut y avoir une année sans réunion au sein d’une instance.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Une telle suppression automatique risquerait d’avoir un effet pervers. Sa mise en place nécessiterait en outre l’adoption d’un décret en Conseil d’État, à rebours de l’objectif d’allégement du droit visé par le présent texte. À défaut du retrait de ces amendements, j’émets un avis défavorable.

Je vous invite à en rester à l’amendement du gouvernement que vous venez d’adopter : il vise à supprimer automatiquement les comités après trois ans, sauf justification de l’utilité de chacun d’entre eux.

Les amendements sont retirés.

Amendement CS727 de M. Thierry Benoit

Mme Béatrice Bellamy (HOR). Dans un souci de rationalisation et de simplification, cet amendement vise à fusionner la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) avec la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS).

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Cette fusion apportera aussi plus de lisibilité. Avis favorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Chacune de ces commissions intervient sur un champ distinct. Leur composition est en outre adaptée à leurs attributions respectives. De nombreux agriculteurs siègent au sein de la CDPENAF, ce qui n’est pas le cas dans la CDNPS. En outre, la concentration de la charge de l’ensemble des consultations sur une seule et même commission ne fluidifierait pas l’instruction des projets ; au contraire, elle rallongerait les délais. Avis de sagesse.

Mme Julie Ozenne (EcoS). Notre groupe s’opposera à cet amendement. Je siège en CDPENAF ; les sujets que l’on y traite, comme les plans locaux d’urbanisme (PLU), n’ont rien à voir avec ceux traités par la CDNPS. En outre, l’examen des dossiers que nous traitons demande du temps et ne serait en rien fluidifié par une fusion.

M. Henri Alfandari (HOR). Pour avoir siégé en CDNPS, je puis témoigner que ces commissions sont régulièrement saisies de dossiers similaires. Néanmoins, M. le ministre a raison s’agissant de leurs membres. Je suis favorable à ce que l’on vote cet amendement, à condition de prêter attention à la question des nominations.

La commission adopte l’amendement. L’article 1er ter est ainsi rédigé.


titre ii
simplifier les dÉmarches administratives
des entreprises

Article 2 (supprimé) : Habilitation à alléger les contraintes pesant sur les entreprises et les professionnels

Amendement CS1424 du gouvernement

M. Laurent Marcangeli, ministre. Revenant sur la suppression de l’article 2 par le Sénat, cet amendement a pour objet d’inscrire dans le texte les différentes mesures d’allégement de formalités administratives qu’il était initialement envisagé de prendre par ordonnances. Il s’agit notamment de réduire ou de supprimer, dans des domaines divers, des mesures d’autorisation ou de déclaration.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. J’aurais été défavorable à l’article 2 tel qu’il était initialement rédigé car les ordonnances privent le Parlement d’une partie de son pouvoir législatif.

Je suis en revanche favorable à cette proposition de réécriture et aux mesures qu’elle inscrit dans le texte : suppression de certains régimes d’autorisation ou de déclaration préalable, allégement des obligations déclaratives et d’enregistrement, déjudiciarisation et simplification procédurale, décentralisation ou suppression de compétences normatives locales, harmonisation technique de codes, modernisation numérique et renforcement de garanties sociales ciblées.

M. Henri Alfandari (HOR). Cet amendement va clairement dans le sens de la simplification ; il permettra notamment de supprimer des lourdeurs qui pèsent sur le quotidien des entreprises. J’y suis favorable.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Telles que réécrites, ces dispositions restent beaucoup trop larges pour pouvoir être prises par ordonnance. Certains sujets techniques ont une dimension politique.

M. le président Ian Boucard. Il n’est plus question d’ordonnances : les dispositions sont directement intégrées dans le texte.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Nous proposons effectivement d’inscrire les mesures « en dur » et de mettre ainsi le Parlement devant ses responsabilités. Cet article vise à supprimer des formalités parfois ubuesques qui freinent les initiatives, comme la fixation par les maires de la date des vendanges – il paraît évident que les vignerons sont mieux placés pour la déterminer ! D’autres formalités seront allégées, par exemple pour obtenir l’agrément d’entreprise solidaire d’utilité sociale (Esus).

M. Charles Fournier (EcoS). Rien n’est précisé s’agissant de la simplification de la procédure d’obtention de cet agrément. En outre, certains critères me semblent devoir être conservés. J’aimerais que vous dissipiez le flou à ce sujet, afin que nous puissions nous positionner.

Mme Anne-Laure Blin (DR). J’ai moi aussi besoin d’un éclaircissement. Il me semble que les mesures prévues au XI existaient déjà en droit positif. Si tel n’est pas le cas, qu’est-il prévu de modifier, s’agissant des créances, dans le cadre des procédures de sauvegarde des groupements d’employeurs ?

M. Gérard Leseul (SOC). Je vous remercie, monsieur le ministre, pour les précisions que vous nous avez apportées quant à l’objectif visé. Nous manquons néanmoins d’un éclairage sur la portée des modifications que vous proposez – s’agissant, par exemple, de l’obligation de notification préalable à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) pesant sur les établissements de crédit étrangers et les entreprises d’investissement avant l’ouverture d’un bureau en France. En l’absence d’étude d’impact, nous ne mesurons pas les incidences de votre proposition.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Au risque de décevoir non seulement les plus ambitieux en matière de simplification – dont je pense faire partie – mais aussi ceux qui craignent que l’on aille trop loin, je voudrais souligner que ce texte n’est pas le Grand soir ! Les allégements prévus dans le champ d’application de l’article sont à la fois techniques et très sectoriels.

S’agissant des employeurs, il est proposé de supprimer l’obligation d’information de l’inspection du travail en cas de constitution d’un groupement d’employeurs appliquant la même convention collective, ainsi que l’obligation de déclaration préalable à la création d’une entreprise de portage salarial.

Notre pays a tout de même soixante-quatorze codes juridiques, correspondant à 111 000 pages de droit ! Le présent article ne permettra certes pas une simplification très poussée, mais il prévoit tout de même la suppression de procédures particulièrement lourdes.

Alors que le Parlement devait initialement être dépouillé de certaines de ses prérogatives par le recours aux ordonnances, le gouvernement lui laisse aujourd’hui la main. Il me semble donc souhaitable de voter le présent amendement, d’autant que nous pourrons encore travailler ensemble sur des évolutions d’ici le passage du texte en séance.

La commission adopte l’amendement et l’article 2 est ainsi rétabli.

Après l’article 2

Amendement CS773 de M. Christophe Naegelen

M. Christophe Naegelen, rapporteur. La nécessité d’obtenir un avis conforme d’un architecte des bâtiments de France (ABF) pour la réalisation de certains travaux suscite parfois l’incompréhension des élus locaux, qui connaissent mieux les réalités du territoire. Sans nier l’importance du travail de l’ABF, ni son expertise technique, je propose qu’un avis simple soit requis et non plus un avis conforme. En démocratie, ce sont les représentants du peuple qui doivent avoir le dernier mot, en l’occurrence les collectivités.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Pour avoir été maire d’une ville pendant huit ans, j’ai conscience des obstacles à la décentralisation et à la libre administration des collectivités territoriales. Rappelons que les ABF émettent 200 000 conseils par an, préalablement à leurs avis, et que 7 % seulement de ceux-ci sont défavorables. Il est important qu’ils puissent continuer à refuser les projets susceptibles de porter gravement atteinte à l’intérêt public – même si je connais peu d’édiles qui puissent chercher à détruire le patrimoine de leur commune. Cette faculté de refus permet par ailleurs d’instaurer un dialogue avec les porteurs de projets, en vue d’aboutir à un avis favorable dans la majorité des cas. J’émets donc un avis défavorable à l’amendement.

M. Charles Fournier (EcoS). Vous proposez de transformer un avis contraignant en avis simple, monsieur le rapporteur, alors que vous nous expliquez depuis tout à l’heure que les avis consultatifs ne servent pas à grand-chose ! Le fait que l’on ne soit plus obligé de tenir compte de l’avis des ABF me semble problématique. En outre, la mesure que vous proposez serait trop générale : l’avis conforme mériterait sans doute d’être interrogé, mais sur quelques sujets circonscrits.

M. le ministre affirme qu’il ne connaît pas de maires qui ne chercheraient pas à protéger le patrimoine de leur commune. Je ne suis pas tout à fait d’accord : si les ABF ont été mis en place, c’est qu’il était nécessaire de protéger le patrimoine face à des promoteurs immobiliers dont ce n’est pas la vocation et qui, parfois, emportent la décision. Je m’opposerai à cet amendement.

M. Pierre Meurin (RN). Nous connaissons tous les difficultés soulevées par les ABF dans certains projets. Cet amendement, trop radical, mettrait cependant notre patrimoine en situation d’insécurité juridique. S’il était adopté, le risque serait que des éoliennes puissent être construites à 500 mètres des Hospices de Beaune – j’exagère à peine ! Notre groupe s’y opposera : nous sommes favorables à une simplification des procédures et non à la suppression de l’avis conforme.

Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous regrettiez que ce texte ne soit pas le Grand soir que vous espériez. Nous avons en effet le sentiment que vous vous ennuyez. Vos avis sont-ils réellement les vôtres ou ceux du gouvernement ? Quel est votre avis personnel sur ce projet de loi ?

M. Guillaume Lepers (DR). Je suis choqué d’entendre que l’on ne pourrait pas faire confiance aux maires. Faisons-leur confiance au contraire, et nous éviterons de bloquer des centaines de projets : lorsque j’étais élu local, j’en ai vu de très nombreux prendre des années de retard à cause des interventions parfois ubuesques des ABF. Aucun maire ne souhaite la dégradation de son patrimoine. Il faut absolument que cet amendement soit adopté.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Je vous rassure, je ne m’ennuie pas ! Pardonnez-moi si je ne suis pas très démonstratif mais je suis très heureux d’être avec vous et d’avoir cette discussion intéressante – même si l’honnêteté intellectuelle m’oblige à dire que nous pouvons aller beaucoup loin dans la simplification. J’ajouterai même, à titre personnel, que nous le devons.

Peut-être serez-vous un jour amenés à constater qu’un gouvernement est un collectif et qu’il faut suivre les arbitrages rendus, quand bien même on ne les approuve pas totalement. Il en va de même, je crois, dans l’ensemble des partis politiques. Je considère néanmoins que ce que nous avons fait jusqu’à présent va globalement dans le bon sens, que ce texte apporte des améliorations dans nombre de domaines.

Celui qu’il faut regarder avec suspicion, c’est celui qui vient vous dire que tout ce qu’il fait est parfait. Encore une fois : je suis très heureux, et même plus encore, d’être en votre compagnie !

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Le plaisir est presque partagé, au vu de l’avis que vous avez donné sur mon amendement !

Je n’ai jamais dit qu’un avis consultatif ne servait pas à grand-chose. À chaque fois que j’ai défendu la suppression d’un comité, je me suis fondé sur le nombre de ses réunions. C’est ainsi que j’ai cherché à trier le bon grain de l’ivraie et que j’ai étudié l’opportunité de fusions ou de transferts de compétences.

J’entends néanmoins les différents arguments qui m’ont été opposés. Cet amendement vise à appeler l’attention sur les blocages que subissent un grand nombre de projets, au sujet desquels je suis régulièrement interpellé dans ma circonscription. Je pense par exemple à l’avis défavorable rendu récemment par un ABF au sujet du projet d’isolation d’une maison, au motif que celle-ci se trouve dans le périmètre d’un château – qui n’existe plus et dont il ne reste que quelques murs ! Ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres. Je ne jette pas la pierre aux architectes, car ils ne connaissent pas nos territoires, mais je suggère de faire confiance aux élus locaux. La majorité des maires habitent dans leur territoire et ne souhaitent pas le voir dégradé !

Je vais retravailler mon amendement dans la perspective de l’examen du texte en séance, afin d’en restreindre le champ. Peut-être pourrait-on demander son avis au préfet du département plutôt qu’au préfet de région, en cas de recours ? En attendant je le retire, tout comme je retire l’amendement suivant CS835.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Parce que je suis persuadé que nous pouvons faire mieux, je m’engage à prendre contact avec le ministère de la culture pour proposer des avancées d’ici à l’examen du texte en séance publique.

Les amendements CS773 et CS835 sont retirés.

Amendement CS1268 de M. Christophe Naegelen et amendements identiques CS22 de Mme Danielle Brulebois, CS105 de Mme Anne-Laure Blin et CS1029 de Mme Josiane Corneloup (discussion commune)

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Cet amendement vise à repousser d’un an l’entrée en vigueur de la facturation électronique.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Mon amendement vise, quant à lui, à repousser d’un an deux échéances qui concernent les plus petites entreprises : au 1er septembre 2027, l’obligation pour toutes les entreprises de réceptionner des factures dématérialisées ; au 1er septembre 2028, l’obligation pour les PME et les microentreprises d’émettre des factures dématérialisées.

Pour les petites entreprises, en particulier pour les 3,7 millions d’entreprises de proximité, la promesse d’accéder à une plateforme publique de facturation gratuite conditionnait l’acceptabilité de cette réforme imposée. Elles vont finalement devoir choisir une plateforme partenaire, ce qui occasionnera une démarche complexe et coûteuse. Rappelons qu’aucune évaluation chiffrée sérieuse des conséquences réelles de l’absence de plateforme publique gratuite n’a été conduite.

Mme Anne-Laure Blin (DR). En octobre dernier, le directeur général adjoint des finances publiques a annoncé que « des arbitrages avaient été rendus » et que le respect des échéances de 2026 et 2027 demeurait un objectif atteignable, sans modification notable de la réforme. En revanche, il a annoncé qu’il serait nécessaire de « réorienter le projet vers une solution simplifiée et moins coûteuse ».

Si le portail public de facturation permettra d’accompagner les petites entreprises vers la facturation électronique, la mesure risque néanmoins d’être coûteuse pour les plus petites d’entre elles. C’est pourquoi il convient de reporter l’échéance de cette obligation à 2027 pour l’ensemble des entreprises et à 2028 pour les PME et les microentreprises.

Mme Josiane Corneloup (DR). Il s’agit de simplifier l’accès des 3,7 millions d’entreprises de proximité au portail public gratuit en reportant d’une année son application.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Le déploiement de cette réforme sera une source de gains et de synergies pour les entreprises. La simplification des échanges, devenus plus fluides, s’accompagnera d’un suivi des délais de paiement. Le report d’un an des échéances du projet de généralisation de la facturation électronique ne me semble donc pas souhaitable. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Pierre Meurin (RN). Nous voterons ces amendements, qui visent à réduire des pesanteurs administratives pour les plus petites entreprises. Permettez-moi de remercier le rapporteur de son attention : il est rare qu’un rapporteur retire ses propres amendements après avoir entendu les arguments des députés.

Monsieur le ministre, je vous présente mes excuses, je n’avais pas l’intention d’être désagréable. Je tenais à sonder votre état d’esprit sur ce projet de loi, mais ma question était sans doute un peu trop frontale. Je suis néanmoins très heureux d’entendre que vous auriez souhaité aller plus loin et j’ai bien conscience de la nécessité de faire des compromis avec le gouvernement actuel.

La commission adopte l’amendement CS1268. L’article 2 bis A est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CS22, CS105 et CS1029 tombent.

Amendements identiques CS14 de M. Vincent Rolland, CS24 de Mme Danielle Brulebois et CS104 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Danielle Brulebois (EPR). Mon amendement vise à ouvrir le droit, pour les entreprises de moins de 50 salariés, à un crédit d’impôt équivalent au montant des dépenses engagées pour adhérer à une plateforme de dématérialisation immatriculée auprès de l’administration fiscale.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Compte tenu de l’adoption du précédent amendement reportant l’application de la réforme pour les plus petites entreprises, le CS104 n’a plus lieu d’être : je le retire.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable, puisque ces amendements me semblent apporter de la complexité, alors que le texte vise la simplification. J’avais déposé un amendement tendant à maintenir la gratuité de la facturation électronique ; il a malheureusement été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

Dans un contexte financier difficile pour les commerçants et les artisans, je regrette que le recours à la facturation électronique, qui constituera pour eux une charge supplémentaire, leur soit imposé. Il est impératif que le gouvernement rétablisse la gratuité de ce service – la plateforme Chorus, actuellement utilisée par les PME, est gratuite.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis défavorable.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Je souscris à vos propos, monsieur le rapporteur : j’ai retiré mon amendement visant à créer un crédit d’impôt, qui apporterait de la complexité.

Nous venons de voter pour le report d’un an de l’utilisation de ces plateformes, mais garantissez-vous, monsieur le ministre, que les services qu’elles proposeront aux très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) seront gratuits ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Je ne peux pas vous le garantir ; un changement est intervenu par rapport à ce qui avait été annoncé précédemment. Je vous invite à interroger à ce sujet les ministres rattachés à Bercy.

L’amendement CS104 est retiré.

La commission rejette les amendements CS14 et CS24.

Article 2 bis (nouveau) (art. 238 bis et 1729 B du code général des impôts et art. L. 232-1 du code de commerce) : Simplification des formalités déclaratives pour le bénéfice de la réduction d’impôt au titre du mécénat d’entreprise

Amendement CS207 de suppression de Mme Sandrine Nosbé

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). L’article 2 bis, introduit par le Sénat, supprime l’obligation faite aux entreprises réalisant plus de 10 000 euros de dons de déclarer le montant, la date, l’identité du bénéficiaire et les éventuelles contreparties de chaque don. Nous considérons qu’il affaiblirait l’encadrement et la traçabilité du mécénat d’entreprise et nous en demandons la suppression.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable. Sanctionnons sévèrement les entreprises si elles ne respectent pas la loi, mais faisons-leur confiance de prime abord.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis favorable.

M. Gérard Leseul (SOC). Dans les entreprises existe souvent une porosité entre le mécénat et le sponsoring ; la distinction n’est pas évidente. Il est préférable de conserver la déclaration faite auprès des services fiscaux, afin que ces derniers disposent des informations suffisantes pour opérer un éventuel contrôle. C’est pourquoi nous soutenons cet amendement de suppression de l’article 2 bis, qui tend à remplacer cette déclaration par une simple inscription dans le rapport de gestion.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 bis est supprimé et les amendements CS794 de Mme Lisa Belluco, CS1124 de M. Nicolas Bonnet, ainsi que les amendements identiques CS282 de M. Christophe Naegelen, CS477 de Mme Nicole Le Peih et CS1127 de M. Nicolas Bonnet tombent.

Article 2 ter (nouveau) (art. 279-0 bis du code général des impôts) : Simplification des formalités déclaratives pour le bénéfice du taux réduit de TVA à 10 % applicable aux travaux réalisés dans des locaux d’habitation achevés depuis plus de deux ans

Amendements identiques de suppression CS283 de M. Christophe Naegelen, CS484 de M. Thierry Tesson et CS1184 de Mme Océane Godard.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Le 2° de l’article 41 de la loi de finances pour 2025 reprend dans leur intégralité les dispositions de l’article 2 ter, désormais sans objet. Je propose donc la suppression de celui-ci.

M. Thierry Tesson (RN). L’adoption de l’article 2 ter créerait d’importants risques de fraude. C’est pourquoi nous sommes favorables à sa suppression.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 2 ter est supprimé.

Article 2 quater (nouveau) (art. 278-0 bis A du code général des impôts) : Simplification des formalités déclaratives pour le bénéfice du taux réduit de TVA à 5,5 % applicable aux travaux d'amélioration de la qualité énergétique réalisés dans des locaux d’habitation achevés depuis plus de deux ans

Amendements identiques de suppression CS284 de M. Christophe Naegelen, CS485 de M. Thierry Tesson et CS1185 de M. Jacques Oberti

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Mêmes arguments que pour l’article précédent.

M. Thierry Tesson (RN). Comme pour l’article 2 ter, nous voulons supprimer tout risque de fraude.

M. Gérard Leseul (SOC). Notre amendement vise à supprimer cet article, dès lors que son objet a été réalisé par la loi de finances pour 2025.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 2 quater est supprimé.

Article 2 quinquies (nouveau) (art. L. 212-2 du code des relations entre le public et l’administration) : Simplification des procédures relatives aux décisions prononcées par les services de la publicité foncière

La commission adopte l’article 2 quinquies non modifié.

Article 3 (supprimé) : Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour développer les rescrits sectoriels et la « cristallisation » des normes applicables aux entreprises

La commission maintient la suppression de l’article 3.

Article 3 bis A (nouveau) (art. L. 18 du livre des procédures fiscales) : Application du principe « silence vaut acceptation » à la procédure du rescrit-valeur dans le cadre d'une donation d'entreprise

Amendement CS208 de suppression de Mme Claire Lejeune

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). L’article 3 bis A vise à appliquer au rescrit-valeur en matière de donation d’entreprise le principe d’accord tacite selon lequel le « silence de l’administration vaut accord ». Nous y sommes fermement opposés.

Actuellement, pour obtenir un rescrit-valeur, il faut en adresser la demande à la DGFIP et proposer une valeur ; le silence de l’administration ne vaut pas accord.

Cet article propose de fixer à trois mois le délai à l’issue duquel cet accord tacite s’appliquerait. Alors que les effectifs de la DGFIP sont insuffisants pour effectuer correctement le travail qui lui incombe, l’adoption de cet article ajouterait une pression supplémentaire ; des valeurs seraient validées sans que l’administration fiscale ait pu donner un accord explicite.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je l’ai déjà évoqué à plusieurs reprises : nous devons adopter un état d’esprit de confiance à l’égard des acteurs économiques.

Dans le cadre d’une transmission d’entreprise, un expert est sollicité  pour le calcul de la valorisation ; l’entreprise envoie ensuite à l’administration fiscale la valeur ainsi calculée, qu’elle considère comme juste. L’administration, qui a accès à toutes les informations nécessaires pour calculer une valorisation, donne, ou non, son accord. En cas de désaccord, une discussion s’engagera entre les services de la DGFIP et l’entreprise. Il me semble pertinent que l’entreprise concernée effectue un premier travail de valorisation.

Quant au délai proposé, trois mois me semblent suffisants pour calculer une valorisation d’entreprise et répondre à une demande de rescrit-valeur. Avis défavorable à cet amendement de suppression.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Le dispositif a fait l’objet de nombreux débats, dans l’administration bien sûr, mais aussi dans le cadre de réunions interministérielles.

Il est difficile de nier la complexité des méthodes d’évaluation de la valeur des entreprises. Les rescrits-valeur nécessitent une expertise technique approfondie et l’évaluation des cas les plus compliqués peut prendre plus de trois mois. L’instruction des dossiers les plus complexes comporte aussi une phase d’échange de vues, que l’article 3 bis A est susceptible de remettre en cause, entraînant la dégradation de la sécurité juridique accordée au demandeur. En effet, l’administration pourrait être tentée de répondre négativement ou d’assortir sa réponse de mentions de réserve et de conditions, ce qui va à l’encontre de l’objectif recherché. En d’autres termes, elle répondrait négativement de manière pavlovienne, pour se couvrir, se privant d’une instruction rigoureuse.

Pour toutes ces raisons, je suis favorable à cet amendement de suppression.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Le principe selon lequel « le silence de l’administration vaut accord » est fondamental et devrait être généralisé : il est l’une des clés de la simplification attendue par les chefs d’entreprise, tant les délais imposés par l’administration entravent le fonctionnement des entreprises.

Réduire le délai à l’issue duquel l’accord de l’administration est considéré comme acquis permettrait d’accélérer les démarches. En outre, ce principe donne à l’administration un rôle proactif : c’est à elle d’examiner un dossier et non au chef d’entreprise d’attendre passivement que l’administration veuille bien donner son accord.

Il serait judicieux de centraliser certaines missions relevant des administrations, afin de doter celles-ci des moyens nécessaires.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Il est nécessaire d’opposer une expertise publique à l’expertise sollicitée par l’entreprise, à laquelle on ne peut accorder une confiance a priori, notamment lorsque les dossiers sont complexes et demandent plus de trois mois d’analyse.

La DGFIP n’ayant pas les moyens de remplir ses missions actuelles, que se passerait-il si cet article était adopté ? Les entreprises sollicitant un rescrit-valeur recevraient rapidement un avis négatif, parce que l’administration serait obligée de se protéger de situations où des valeurs seraient arrêtées sans que l’expertise publique ait pu contrebalancer l’expertise fournie par l’entreprise.

Non seulement l’article 3 bis A ne sécurise en rien les démarches des entreprises demandant un rescrit-valeur, mais il fait courir le risque de cristalliser des valeurs en dehors de l’expertise publique.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Les arguments de M. le ministre et de Mme Lejeune sont pertinents s’agissant de certains types d’entreprises : en effet, calculer la valorisation d’une holding comptant plusieurs sociétés prendrait plus de trois mois.

Monsieur le ministre, le gouvernement serait-il favorable à un amendement, déposé d’ici à l’examen en séance publique, qui exempterait de ce délai certains types d’entreprises – à définir ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Philosophiquement, je souscris à la simplification des procédures, notamment pour la transmission d’entreprises familiales. Le dispositif, tel qu’il figure à l’article 3 bis A, ne vise aucun type d’entreprises en particulier. Sous réserve qu’il soit possible de créer des mécanismes ciblant certaines catégories d’entreprises, je suis prêt à reprendre la rédaction de l’article.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 bis A est supprimé et les amendements identiques CS805 de Mme Lisa Belluco et CS1186 de M. Laurent Lhardit, ainsi que les amendements CS757 de M. Guillaume Lepers, CS807 de Mme Lisa Belluco et CS1471 de M. Christophe Naegelen tombent.

Article 3 bis B (nouveau) (art. L. 80 B du livre des procédures fiscales) : Conséquences de l’application du principe « silence vaut acceptation » aux procédures de rescrit-valeur dans le cadre des donations d'entreprises

Amendement de suppression CS213 de Mme Claire Lejeune

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). L’article 3 bis B vise à tirer les conséquences de l’application du principe d’accord tacite au rescrit-valeur en matière de donation d’entreprise prévue à l’article 3 bis A que nous venons de supprimer.

Il faut donc également supprimer cet article. En effet, les administrations fiscales n’auraient pas les moyens de tenir les délais demandés. Cette mesure entraverait les contrôles fiscaux.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Par cohérence avec la suppression de l’article 3 bis A, et au vu des éléments avancés par Mme Lejeune et le ministre, avis favorable à l’amendement.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis favorable.

M. Gérard Leseul (SOC). Monsieur le ministre, puisque vous êtes prêt à travailler sur un amendement réservant l’application du principe d’accord tacite à certaines entreprises, j’appelle votre attention sur nos amendements aux articles 3 bis A et 3 bis B visant à porter le délai d’application de ce principe à six mois. Ce délai serait plus raisonnable que celui de trois mois.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 bis B est supprimé et les amendements identiques CS808 de Mme Lisa Belluco et CS1187 de M. Gérard Leseul, ainsi que les amendements CS1472 et CS1473 de M. Christophe Naegelen, tombent.

Après l’article 3 bis B

Amendement CS1300 de Mme Olivia Grégoire

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable. Les exceptions prévues à cet amendement permettront d’éviter des fraudes.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Je demande le retrait de l’amendement, pour qu’il soit retravaillé en vue de la séance publique. À défaut, avis défavorable.

La commission adopte l’amendement. L’article 3 bis C est ainsi rédigé.

Article 3 bis (nouveau) (art. L. 114-3, L. 114-5, L. 231-5, L. 231-6, L. 232-2, L. 232-3, L. 552-3, L. 562-3, L. 572-1, L. 552-6, L. 562-6 et L. 573-2 du code des relations entre le public et l’administration) : Assurer l’efficacité et l’effectivité du principe : « Le silence gardé par l’administration vaut acceptation »

Amendement CS811 de Mme Lisa Belluco

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous contestons la généralisation du principe « silence vaut accord ». Si nous n’augmentons pas les effectifs de l’administration, ça ne marchera pas.

Par cet amendement, nous demandons donc que, dans un délai de quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remette un rapport au Parlement concernant les besoins en effectifs et en moyens matériels dans les différentes administrations afin de pouvoir généraliser le principe du silence vaut accord sans dégrader la qualité d’appréciation de l’administration.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Par principe, je suis défavorable aux demandes de rapport. Depuis sept ans que je suis député, beaucoup ont été adoptées. Il faudrait désormais un rapport sur le nombre de députés qui ont lu ces rapports – j’ai bien peur qu’ils ne restent au fond d’un tiroir.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis défavorable.

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous avons besoin de connaître les moyens dont l’administration dispose, pour évaluer les besoins. En tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi de finances, j’ai interrogé l’administration financière sur les universités. Les fonctionnaires concernés m’ont avoué qu’ils n’étaient que quatre dans leur équipe, soit un effectif insuffisant pour traiter mes questions.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS1432 de M. Christophe Naegelen et CS1346 du gouvernement (discussion commune)

M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’amendement CS1432 vise à harmoniser le mode de décompte du délai, dans tous les cas où le silence de l'administration vaut décision. Le délai courrait à partir de la saisine de l’administration compétente, et non plus de celle initialement saisie. Sinon, l'administration compétente serait privée du temps nécessaire à l’examen du dossier, et, il serait trop facile de la contourner en saisissant la mauvaise administration.

M. Laurent Marcangeli, ministre. L’amendement CS1346 vise à modifier plusieurs dispositions du code des relations entre le public et l’administration organisant les dispositifs « silence vaut acceptation » et « silence vaut rejet », afin de garantir l’équilibre entre une action publique efficiente et la satisfaction de l’usager. Il faut éviter qu’une décision implicite d’acceptation soit prise sans même que l’administration ait été matériellement en mesure d’examiner la demande à partir des informations et pièces requises, car cela irait à rebours de l’intérêt public.

Quant à l’amendement du rapporteur, j’y suis défavorable.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Monsieur le rapporteur, je comprends votre objectif, mais je crains que votre amendement ne complexifie les choses pour les usagers. Prévoyez-vous un délai durant lequel l'administration devra notifier qu’elle a été mal saisie ? On a vu à l’article 1er combien il est parfois difficile de se retrouver dans les méandres administratifs.

Dans la décision qu’il a rendue la semaine dernière sur la loi d'orientation agricole, le Conseil constitutionnel a jugé inintelligible une phrase aussi simple que « Lorsqu’il est constaté un manquement reposant sur une norme qui entre en contradiction avec une autre norme, l’exploitation agricole ne peut être sanctionnée. ». J’ai fait le test auprès des agriculteurs de ma circonscription : les Français comprennent des phrases que ne comprend pas le Conseil constitutionnel !

Les Français ne savent déjà plus à quel saint se vouer et vers quelle administration se tourner. Même si vous partez d’une bonne intention, votre amendement créera une situation kafkaïenne, en introduisant un deuxième délai à l’issue duquel le silence ne vaudrait plus acceptation.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Ce que vous décrivez, c’est plutôt le contenu de l’amendement CS1346 défendu par M. le ministre, auquel je suis défavorable.

Je fais confiance aux entreprises et je pars souvent du principe qu’il faut faire confiance aux acteurs locaux et aux maires. Ici, c’est aux administrations qu’il faut faire confiance. Elles ne compliqueront pas les choses de manière intentionnelle. Les fonctionnaires ne se lèvent pas le matin en se demandant qui emmerder.

Certaines directives ne sont pas assez claires et l’organisation de certains méandres administratifs est compliquée à comprendre. Néanmoins, le particulier ou l’entreprise qui formule une demande doit au moins se renseigner pour trouver le bon interlocuteur dans l’administration.

Il serait trop facile de pouvoir bénéficier du principe « silence vaut acceptation » après avoir envoyé au hasard sa demande à la préfecture. Chaque administration a des compétences différentes. Il est de la responsabilité du demandeur de contacter celle qui est compétente.

La commission rejette l’amendement CS1432 et adopte l’amendement CS1346.

En conséquence, les amendements CS1433, CS1474 et CS1475 de M. Christophe Naegelen, rapporteur, tombent.

Amendement CS588 de M. Pierre Meurin

M. Pierre Meurin (RN). Je ne suis pas satisfait de la rédaction actuelle de mon amendement, qui porte sur les délais prévisionnels d’instruction. Je souhaite connaître l’avis du rapporteur et du ministre avant de le retirer.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable. L’administration doit traiter les dossiers avec promptitude, ce qui est incompatible avec l’obligation de fournir systématiquement, même pour les personnes qui ne l’auraient pas demandé, une estimation du temps qu’elle consacrera à sa réponse. Votre amendement sera indirectement satisfait par l’extension du principe « silence vaut acceptation ».

M. Laurent Marcangeli, ministre. Oui, monsieur Meurin, dans sa rédaction actuelle, l’amendement est difficile à comprendre. En outre, il ajoute une charge supplémentaire pour l’administration, sans offrir de garantie véritable à l’administré. Il risque ainsi de créer des confusions et des contentieux. Enfin, rien n’interdit au demandeur de solliciter un délai prévisionnel au service instructeur, sans que cela figure dans la loi. Demande de retrait.

M. Pierre Meurin (RN). Je le retire. À vrai dire, je cherche une bonne solution pour empêcher les projets éoliens tout en permettant les autres projets industriels.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS1476 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.

La commission adopte l’article 3 bis modifié.

Après l’article 3 bis

Amendement CS677 de M. Robert Le Bourgeois

M. Robert Le Bourgeois (RN). Cet amendement vise à garantir la mise à disposition, auprès du public concerné, du numéro de téléphone et du courriel du service chargé d’instruire une demande ou de traiter une affaire.

Dans certaines circonstances, contacter l’administration, c’est se heurter à un mur. Il faut fluidifier les relations entre les usagers et l’administration, en responsabilisant celle-ci.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. C’est un amendement intéressant. Spontanément, j’aurais eu envie d’émettre un avis favorable. Toutefois, je crains que si l’administration donne un numéro de téléphone, elle ne subisse le harcèlement téléphonique des demandeurs les plus pressés. En outre, le temps passé par les fonctionnaires à répondre au téléphone est perdu pour l'instruction du dossier. Avis de sagesse – pour ne pas dire défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis défavorable.

M. Pierre Meurin (RN). Je découvre cet amendement, qui est formidable. Avec la dématérialisation, les usagers se plaignent de ne pas pouvoir appeler l’administration. Il n’est pas question de harcèlement ; obtenir des explications est un besoin élémentaire. Cela permettrait de créer des emplois d’opérateur téléphonique.

L’amendement devrait être retravaillé de manière transpartisane en vue de l’examen du texte en séance publique. C’est à la fois une question de simplification de la vie économique et de lutte contre les déserts numériques, notamment pour les personnes âgées qui souhaitent avoir quelqu’un au bout du fil. Nous retisserons ainsi du lien social.

Mme Anne-Laure Blin (DR). L’amendement, qui est simple, répond à une question essentielle. Nos concitoyens se plaignent de ne pouvoir contacter les administrations. En tant que parlementaires, nous recevons parfois de la part de l’administration des courriers signés d’un simple matricule – sans indication de nom, de prénom, ni de moyen de contact.

C’est une question de bon sens : les usagers doivent disposer d’un moyen de contact direct. Les Français doivent se sentir considérés face à une administration qui donne parfois une image déshumanisante.

M. le président Ian Boucard. Je précise, monsieur Le Bourgeois, que vous pouvez remercier le président de la commission des finances d’avoir déclaré votre amendement recevable, car nous étions persuadés qu’il ne passerait pas le filtre de l’article 40 de la Constitution.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. C’était justement l’un de mes arguments : soit il faut aller plus loin, en demandant la création d’ETP (équivalents temps plein) afin de permettre à l'administration de répondre au téléphone – mais ce serait irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution –, soit il faut renoncer à cette demande. Tous nos concitoyens se plaignent déjà de la longueur du délai de traitement des demandes. Si nous demandons en plus aux agents instructeurs de répondre au téléphone, les délais seront encore plus longs.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Vous venez de voter en faveur de la suppression d’instances telles que l’Ademe, qui réservent des ETP à la réponse aux mails et aux appels téléphoniques, dans le cadre du suivi des projets. Vous ne pouvez maintenant demander à des administrations de prendre ces tâches en charge !

La commission adopte l’amendement. L’article 3 ter est ainsi rédigé.

Amendement CS698 de M. Robert Le Bourgeois

M. Robert Le Bourgeois (RN). Le présent amendement vise à imposer un délai de quinze jours à une administration indûment saisie pour transmettre la demande à l’administration compétente. Il s’agit, encore une fois, d’abattre le « mur » de l’administration, de gagner du temps, d’éviter les administrations boîte aux lettres – il en existe.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Je comprends l’intérêt du mécanisme, mais le délai demandé est trop strict. Il doit donc être retravaillé. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1347 du gouvernement

M. Laurent Marcangeli, ministre. L’amendement vise à élargir le champ de l'administration proactive. Ainsi, l’administration ira plus largement vers le public, particulièrement les entreprises, pour leur communiquer des informations et leur rappeler les démarches à mener.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement. L’article 3 quater est ainsi rédigé.

Amendement CS1306 de Mme Olivia Grégoire

Mme Marie Lebec (EPR). Dans le cadre des réformes visant à moderniser la relation entre l’État et les entreprises, et dans la continuité de la loi dite Essoc de 2018, qui a instauré le droit à l’erreur, nous proposons de créer un examen de conformité sociale. Celui-ci permettrait aux entreprises de soumettre leurs pratiques sociales à un contrôle préventif, réalisé par un prestataire agréé, afin de garantir le respect des obligations en matière de cotisations sociales, de conditions de travail et de conventions collectives. Il leur offrirait une double sécurité : tout d'abord, une certitude quant à leur conformité aux normes sociales ; ensuite, une réduction significative des risques de faire l’objet d’un contrôle ultérieur par l’administration. En effet, une fois l’audit réalisé et les éventuelles anomalies corrigées, les entreprises bénéficieraient d’une diminution des risques de sanction en cas de contrôle administratif, notamment en cas de respect des recommandations de l’auditeur.

Ce mécanisme favoriserait une approche proactive de la conformité, réduisant ainsi les litiges sociaux et renforçant la confiance des entreprises vis-à-vis des autorités publiques.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Si l’amendement visait à prévoir des contrôles préventifs de l’administration, je l’aurais soutenu. Mais il confie ces contrôles à un tiers. J’y suis donc défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Cet amendement vise à étendre le mécanisme d’examen de conformité en vigueur dans la sphère fiscale au champ social, dans l’objectif, louable, de sécuriser les entreprises, notamment les plus petites d’entre elles, quant à l’application d’un droit souvent complexe, et de limiter le risque qu’elles soient sanctionnées en cas de contrôle par l’Urssaf ou les caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA).

Toutefois, les organismes de recouvrement de la sphère sociale ont également développé dans le sillage de la loi Essoc différents offres et services qui répondent au même objectif, notamment les déclarations sociales nominatives des entreprises qui font l’objet d’un contrôle automatisé dès leur dépôt, afin que le déclarant puisse corriger d’éventuelles erreurs au plus tôt. Les Urssaf proposent également des visites conseil aux entreprises de moins de onze salariés ayant réalisé leur première embauche depuis moins de dix-huit mois ou aux employeurs souhaitant être accompagnés dans l’instauration d’un nouveau dispositif pouvant affecter leurs déclarations et cotisations. Enfin, les Urssaf et les caisses de la MSA, comme les services fiscaux, délivrent des rescrits aux cotisants qui souhaitent sécuriser leur pratique sur un point de droit spécifique. Tous ces services sont gratuits, ce qui ne serait pas le cas de l’examen de conformité sociale réalisée par un tiers. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous sommes défavorables à cet amendement. Les sanctions ne devraient pas être allégées à l’issue de l’examen de conformité sociale proposé. Surtout, la délégation de ce contrôle à des prestataires agréés, sur lesquels nous n’aurions pas véritablement de prise, pose problème. Elle créerait une inégalité entre les entreprises qui auront les moyens de faire appel à ces prestataires et celles qui ne le pourront pas.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1093 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). Le principe « silence vaut accord » permet l’acceptation tacite des demandes administratives en cas d’absence de réponse dans un délai de deux mois. Pour accroître la transparence de ce dispositif, permettre l’égal accès de tous les citoyens à l’information et l’exercice du droit de recours, nous demandons que les décisions ainsi prises fassent l’objet d’une obligation de publicité.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable. Votre amendement est déjà satisfait par l’article L. 232-2 du code des relations entre le public et l’administration.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1266 de M. Philippe Bolo

M. Philippe Bolo (Dem). Certes, les enquêtes obligatoires fournissent des données utiles à la connaissance de l’activité économique, mais elles constituent une charge importante pour les entreprises, notamment pour les TPE-PME et quand elles se répètent.

L’amendement vise à limiter le nombre d’enquêtes auxquelles les entreprises sont soumises à une par an. Cet équilibre permettrait de préserver tant la collecte de données utiles au diagnostic et à la connaissance de l’activité économique que le temps des entreprises.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable. Cet amendement va dans le bon sens. Les exceptions que vous prévoyez sont bienvenues.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Le droit en vigueur assure d’ores et déjà le respect des principes visés par l’amendement.

Par ailleurs, une circulaire du 16 octobre 2015 dispense les entreprises de moins de dix salariés d’avoir à répondre à plus d’une enquête obligatoire dans l’année, sauf en cas d’obligation européenne. De plus, le comité consultatif prévu au 5° de l’amendement apparaît sans objet, car les organisations représentatives d’entreprises siègent déjà au sein du Conseil national de l’information statistique. Votre amendement va même à rebours des efforts de réduction de la comitologie, notamment prévus à l’article 1er du présent texte.

Enfin, imposer un plafonnement rigide au nombre d’enquêtes obligatoires introduirait des contraintes méthodologiques majeures. Une telle limitation arbitraire compromettrait la qualité statistique et, in fine, la production de données nécessaires au pilotage des politiques publiques. Avis défavorable.

M. le président Ian Boucard. Pour ma part, monsieur Bolo, je suis favorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS526 de M. Ian Boucard et CS1315 de Mme Olivia Grégoire

M. Guillaume Lepers (DR). Les chefs d’entreprise ne reçoivent généralement aucune attestation lorsqu’ils remplissent des formalités obligatoires, si bien qu’il peut leur être difficile de prouver à des tiers qu’ils sont bien en conformité avec leurs obligations. Afin d’améliorer leur sécurité juridique, nous proposons donc que leur soit adressé systématiquement un certificat opposable attestant qu’ils sont en règle.

Mme Annaïg Le Meur (EPR). Effectivement, les chefs d’entreprise qui remplissent des formalités ne reçoivent bien souvent aucune notification montrant qu’ils sont en règle. Un tel document serait pourtant utile.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je comprends votre objectif, mais je ne pense pas qu’il soit nécessaire de délivrer systématiquement des certificats de conformité administrative, y compris à des chefs d’entreprise qui ne l’auraient pas demandé : cela créerait de la paperasse et des coûts supplémentaires, et le temps qu’y passeraient les agents ne pourrait pas être consacré à d’autres tâches. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même avis.

M. Pierre Meurin (RN). En quoi ce certificat consisterait-il ? Qui le délivrerait, et pour quelles démarches ? Si tout chef d’entreprise doit effectivement remplir les formalités qui s’imposent à lui, ne soyons pas plus royalistes que le roi : imposer à l’administration d’envoyer un certificat de conformité pour chaque démarche effectuée créerait une embolie de courriels pour toutes les parties concernées.

M. Charles Fournier (EcoS). Nous avons examiné de nombreux amendements tendant à créer des obligations pour l’administration et à la soumettre à des exigences de plus en plus fortes – mettre un numéro de téléphone à disposition, prévoir une personne derrière un guichet, envoyer un certificat de conformité, et j’en passe. Pourtant, dans le même temps, on veut réduire les moyens de l’administration au nom de la simplification – à une époque, on voulait même supprimer un poste de fonctionnaire sur deux. On ne peut pas demander toujours plus à l’administration tout en la privant de moyens. Je m’oppose donc à ce type d’amendements.

M. le président Ian Boucard. Il me semble que nos fonctionnaires sont suffisamment compétents pour pouvoir, une fois l’examen d’un dossier terminé, envoyer un certificat attestant que la démarche a été faite. Les exigences envers les chefs d’entreprise sont également nombreuses. Certains m’expliquent par exemple que l’Urssaf leur demande de lui communiquer le montant des cotisations qu’ils lui ont versées en 2024, une information dont elle dispose évidemment déjà. Ce qu’on demande aux chefs d’entreprise, on peut le demander à notre administration, qui est une des plus performantes au monde.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS650 de M. Robert Le Bourgeois

M. Robert Le Bourgeois (RN). Nous souhaitons donner une orientation claire à un projet de loi dont l’ambition n’est, à ce stade, pas à la hauteur des attentes du monde économique, en y mentionnant explicitement l’accès dématérialisé aux administrations, la bonne foi des acteurs économiques, la promotion par l’État de la règle selon laquelle le silence vaut acceptation et du principe du « Dites-le nous une fois », ou encore la simplicité et l’intelligibilité de l’application de la norme.

Nous devons créer une économie de la confiance envers les chefs d’entreprise et les élus locaux, qui sont parfaitement légitimes à trancher pour réduire les normes dans leur collectivité, et de cesser de considérer que le législateur doit tout contrôler.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Vos objectifs sont louables, mais votre amendement est dépourvu de toute portée normative. Or, comme le Conseil d’État le soulignait dès 1991, « quand la loi bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite ». Il me semble préférable de prendre des mesures concrètes plutôt que de faire de grandes déclarations. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Vous proposez en effet un dispositif purement déclaratif. Le Conseil constitutionnel ayant pour habitude de censurer les textes frappés d’incompétence négative, j’émets un avis défavorable.

M. Robert Le Bourgeois (RN). J’entends vos arguments. Je retire cet amendement, que nous retravaillerons d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1276 de Mme Louise Morel

Mme Louise Morel (Dem). Nous proposons de permettre aux entreprises qui le souhaitent de dématérialiser les réunions de CSE (comité social et économique), les assemblées générales, les conseils d’administration, ou encore les réunions des instances représentatives du personnel. Cette mesure de bon sens, purement facultative, répondrait à une demande des TPE-PME (très petites, petites et moyennes entreprises) et de certains salariés, en leur apportant de la souplesse dans leur organisation au quotidien.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je ne suis pas certain que le législateur doive s’immiscer dans la vie de « toutes les organisations privées et publiques » et leur imposer des règles aussi contraignantes. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même avis. La souplesse existe déjà et doit être laissée à la main des partenaires sociaux, qui sont les plus à même de déterminer, en fonction des contextes et des particularités de l’entreprise concernée, les meilleures conditions d’exercice du dialogue social.

La commission rejette l’amendement.

  TITRE III
FACILITER L’ACCès DE toutes les entreprises à la commande publique

Article 4 (art. L. 2132-2, L. 2651-1, L. 2651-2, L. 2661-1, L. 2661-2, L. 2671-1, L. 2671-2, L. 2681-1, L. 2681-2, L. 3122-4, L. 3351-1, L. 3351-2, L. 3361-1, L. 3361-2, L. 3371-1, L. 3371-2, L. 3381-1, L. 3381-2 du code de la commande publique) : Obligation pour certaines personnes publiques de recourir au profil acheteur dématérialisé de l’État (Place)

Amendement de suppression CS5 de M. Hervé de Lépinau

M. Hervé de Lépinau (RN). La plateforme des achats de l’État (Place) est un outil intéressant, d’ailleurs déjà utilisé pour les marchés publics relatifs à l’État et aux administrations publiques. L’article 4 vise à l’étendre aux collectivités.

Or ceux d’entre nous qui sont élus locaux et qui connaissent le monde des affaires savent qu’il existe déjà, à l’échelle régionale, des plateformes spécifiques aux marchés publics des collectivités territoriales, qui sont l’émanation des journaux d’annonces légales. Cette presse spécialisée apporte un véritable service et présente au moins deux mérites : elle colle réellement au terrain, et elle diffuse des informations plus larges que la simple publication du libellé du marché – sur une réforme fiscale, sur la manière d’optimiser ses déclarations comptables, etc.

Il paraîtrait donc dangereux de confier son activité à un opérateur unique, particulièrement si ce dernier est géré par l’État, dont on sait qu’il ne maintient pas toujours ses systèmes informatiques correctement – j’ai eu l’occasion d’en souffrir en tant qu’avocat. En la matière, il importe de respecter le principe de subsidiarité.

Enfin – et c’est peut-être encore plus préoccupant –, l’opérateur amené à gérer l’ensemble de ces données est canadien. Nos données de santé et celles de l’éducation nationale sont déjà confiées à Microsoft, quand celles de l’IA (intelligence artificielle) de défense risquent de partir chez Hewlett Packard. La souveraineté numérique est pourtant un enjeu d’importance. Cet article risque de lui porter encore davantage atteinte.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. J’ai eu l’occasion, au cours des auditions et de la discussion générale, de dire ce que je pense de la plateforme Place. J’avais d’ailleurs déposé un amendement similaire au vôtre. J’émets néanmoins un avis défavorable, au profit de l’amendement CS1190 de Mme Rossi, qui vise à reporter au 31 décembre 2030 la date butoir d’entrée en vigueur de l’article 4. Ce délai permettra peut-être de remédier aux faiblesses de la plateforme ; à défaut, nous aurions le temps, d’ici-là, d’adopter un autre texte afin de supprimer cette disposition. Laissons du temps au temps et continuons à travailler sur ces sujets.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. L’article 4 tend à rendre la plateforme Place obligatoire pour tous les établissements publics de l’État, les hôpitaux et les organismes de sécurité sociale. La généralisation de cette offre de services, qui fonctionne bien pour l’État, sera génératrice de simplification, puisqu’elle permettra aux entreprises d’utiliser un seul profil d’acheteur pour répondre aux commandes des acteurs publics concernés. Elle permettra aussi à l’État de réaliser des économies.

L’extension aux collectivités sera quant à elle facultative : aucune obligation n’est prévue, ce qui est d’ailleurs parfaitement normal au vu du principe de libre administration des collectivités territoriales. Les plus petites d’entre elles seront probablement intéressées, dans la mesure où cet outil est gratuit.

En outre, le projet de loi prévoit d’étendre le profil d’acheteur Place pour la publication des consultations, mais pas pour celle des avis d’appel public à la concurrence, qui pourront continuer à paraître dans la presse quotidienne régionale.

Enfin, la sécurité des données est effectivement un enjeu essentiel. La plateforme Place, en tant que système d’information du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, est fortement sécurisée. Sur les cinq prestataires contribuant à sa maintenance et à son fonctionnement, quatre sont français. L’hébergement des données est assuré par une société française, dans des centres situés à Roubaix et à Strasbourg.

Je suis donc défavorable à cet amendement. En revanche, je soutiendrai moi aussi celui déposé par Mme Rossi, qui prévoit de reporter la date d’entrée en application de l’article de 2028 à 2030, ce qui laissera suffisamment de temps pour adapter le dispositif.

M. Hervé de Lépinau (RN). J’ai la faiblesse de penser que ce qui est facultatif aujourd’hui deviendra obligatoire demain. Vous avez évoqué le principe d’autonomie des collectivités. Nous avons bien vu comment il a été traité en matière budgétaire et fiscale au cours des vingt dernières années : il a pris de sacrés coups dans les dents.

Par ailleurs, je ne partage pas votre optimisme quant à la souveraineté numérique. Le principal acteur français dans ce domaine, Atos, voit tous les marchés publics lui passer sous le nez, le dernier en date étant donc celui relatif à la construction de l’architecture de l’IA de défense. Le président de la République aime vanter les mérites de l’intelligence artificielle et de la souveraineté numérique ; je l’invite à passer de la parole aux actes. Même si la gestion de la plateforme Place est principalement assurée par des opérateurs français, il suffit d’y faire entrer un étranger pour que les problèmes se profilent, surtout s’il est anglo-saxon et, a fortiori, américain. Chacun sait en effet que toutes les informations stratégiques traitées par ces acteurs tombent sous le coup de la réglementation américaine de contrôle des exportations en matière de défense (ITAR) et que la maintenance des systèmes, même si elle est prévue dans un contrat, peut se trouver interrompue du jour au lendemain.

Rien n’empêcherait l’administration, si nous supprimions l’article 4, d’en proposer une nouvelle version assortie de garanties beaucoup plus fortes sur ces points.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS909 de M. Charles Fournier

M. Charles Fournier (EcoS). Nous souhaitons que soit clairement mentionnée la nécessité de respecter le principe de l’allotissement des marchés publics, qui vise à les rendre accessibles aux plus petites entreprises.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Ce principe est déjà encadré et garanti par le code de la commande publique. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’amendement étant effectivement satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Les amendements en discussion commune CS1030 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CS937 de Mme Julie Ozenne sont retirés.

Amendement CS1110 de M. Aurélien Lopez-Liguori

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis de sagesse sur cet amendement qui vise à confier la gestion de Place à un opérateur impérativement français ou européen.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis défavorable.

M. Pierre Meurin (RN). J’avais déposé un amendement, déclaré irrecevable pour des raisons de forme, visant à imposer que le siège social de l’entreprise chargée du fonctionnement de la plateforme soit situé sur le sol français. Dans une question posée au gouvernement le 3 décembre dernier, notre collègue Alexandre Sabatou faisait en effet état de deux risques majeurs liés à la configuration actuelle : la fuite d’information relatives aux offres et aux entreprises candidates – en cas de guerre économique, celles-ci seraient clairement désavantagées – et l’installation d’une backdoor, d’un accès dérobé à toutes les données de la plateforme par des utilisateurs illégitimes, qui poserait évidemment un problème de confidentialité, de sécurité et de souveraineté. Il y aurait donc lieu de remettre à plat l’article 4 et de le retravailler avant son examen en séance.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS1190 de Mme Valérie Rossi et CS1021 de Mme Marie Lebec (discussion commune)

M. Gérard Leseul (SOC). La ministre déléguée et le rapporteur ont soutenu par avance cet amendement qui vise effectivement à reporter l’entrée en vigueur de l’article 4 à 2030, pour que les investissements nécessaires puissent être réalisés.

Je profite de votre présence, madame la ministre déléguée, non seulement pour vous remercier de venir passer quinze minutes avec nous, mais aussi pour vous rassurer : nous avons tenu bon et avons assuré le maintien du Conseil supérieur de la coopération et du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, auxquels je vous sais attachée. Malheureusement, les Ceser (conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux) ont été supprimés, ce qui me semble une folie. J’espère ardemment que nous reviendrons sur cette décision en séance.

Mme Marie Lebec (EPR). Le rapporteur et la ministre déléguée ayant annoncé qu’ils soutenaient l’amendement de Mme Rossi, qui va à rebours du mien, je retire celui-ci au profit du CS1190.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable. J’en suis d’autant plus ravi que M. Leseul est présent depuis 15 heures et qu’il s’agit du premier avis favorable qu’il recueille !

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis favorable également.

J’ai bien suivi, monsieur Leseul, les débats de cet après-midi sur les points que vous avez évoqués.

L’amendement CS1021 est retiré.

La commission adopte l’amendement CS1190.

Elle adopte l’article 4 modifié.

Après l’article 4

Amendement CS453 de M. Paul-André Colombani

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Cet excellent amendement vise à créer un registre national des entreprises sécurisées, conditionnant l’accès aux marchés publics à une inscription préalable pour certains secteurs à risque.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1377 du gouvernement

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Cet amendement technique vise à étendre le périmètre des marchés globaux de performance énergétique à paiement différé aux opérations d’autoconsommation individuelle. Il est également proposé de proroger de cinq ans ce dispositif, qui fonctionne bien. Il s’agit ainsi d’aménager le cadre juridique applicable aux acteurs publics dans le cadre de la rénovation des bâtiments publics.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement. L’article 4 bis A est ainsi rédigé.

Première réunion du mardi 25 mars 2025 à 17 heures

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Article 4 bis (nouveau) : Pérennisation du relèvement du seuil en dessous duquel un acheteur peut passer un marché de travaux sans publicité ni mise en concurrence

Amendement CS1008 de M. Emmanuel Maurel

M. Emmanuel Maurel (GDR). Cet amendement vise à simplifier le droit applicable aux acheteurs publics en fixant un seuil de publicité et de mise en concurrence, pour les marchés de maîtrise d’œuvre, à 100 000 euros hors taxes. Cet allègement des procédures favorisera les opportunités économiques pour les acteurs de la filière du bâtiment et travaux publics, qui sont en grande majorité des PME.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Les marchés de maîtrise d’œuvre sont d’une nature spécifique et régis par des dispositions particulières du code de la commande publique et de la loi relative à la maîtrise d’œuvre publique. Je ne suis donc pas certain qu’on puisse les faire bénéficier d’une dérogation pour la mise en concurrence sans prendre un risque juridique au regard du droit européen. En outre, ils sont historiquement passés suivant des procédures de concours, ce qui implique de fait une mise en concurrence. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Les marchés de maîtrise d’œuvre sont des marchés publics de services et non de travaux. Les règles de publicité et de mise en concurrence traduisent des dispositifs constitutionnels qui gouvernent la commande publique en matière d’égalité de traitement des candidats, de liberté d’accès et de transparence – ces principes s’appliquant en deçà des seuils européens. La dispense envisagée pourrait soulever un risque élevé de censure constitutionnelle, dans la mesure où le cadre applicable à ces marchés serait fragilisé juridiquement. Le gouvernement émet donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS745 de M. Robert Le Bourgeois

M. Robert Le Bourgeois (RN). L’article 4 bis va dans le bon sens en facilitant l’ouverture des marchés mais emporte des risques de concurrence déloyale, en particulier dans les zones frontalières. Il nous paraît opportun de préciser que ses dispositions sont réservées aux entreprises françaises.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS1164 de M. Charles Alloncle

M. Charles Alloncle (UDR). Les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) ont beaucoup de mal à accéder aux marchés publics alors qu’elles constituent le cœur du tissu entrepreneurial : 97 % des entreprises en France réalisent moins de 3 millions d’euros de chiffre d’affaires ou comptent moins de 10 salariés. Pour leur permettre de se réapproprier la commande publique, cet amendement vise à porter à 150 000 euros hors taxes le seuil de publicité et de mise en concurrence des marchés publics. Cela semble difficile à refuser dans la mesure où, pour les marchés de fournitures et de services des collectivités, ce seuil est fixé à 214 000 euros – et 408 000 euros en matière de défense et de sécurité.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable : les seuils français sont largement inférieurs à ceux qui existent en droit européen.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Le seuil de 100 000 euros constitue déjà une dérogation par rapport au seuil habituel de 40 000 euros. Il est introduit pour la première fois dans la loi et semble satisfaire les professionnels. Avis défavorable.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Notre groupe s’oppose à cet amendement qui ne tient compte que de l’avis de l’entreprise. Pour ma part, en tant qu’élu, je vois plutôt que le seuil proposé représente quasiment 10 % du budget de ma commune ! Il faut prendre en compte aussi l’intérêt du contribuable et des collectivités locales. Des dépenses atteignant de tels montants doivent être débattues en conseil municipal, y compris au sein des plus petites collectivités, et nécessitent une mise en concurrence.

M. Charles Alloncle (UDR). Justement, cet amendement permettrait de simplifier les délibérations au sein des conseils municipaux.

M. Henri Alfandari (HOR). Un seuil de 150 000 euros serait-il conforme aux seuils européens ? Car de toute façon, un maire est obligé de mettre les entreprises en concurrence et de rendre compte des décisions qu’il prend dans le cadre de ses délégations.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Pour qu’il y ait une véritable mise en concurrence, il faut justement qu’il y ait publicité et que les réponses des entreprises fassent l’objet d’un débat. Nous sommes opposés à ce que le seuil augmente dans de telles proportions, au détriment de la mise en concurrence et, de ce fait, de la baisse du coût des prestations.

M. Gérard Leseul (SOC). À titre personnel, je suis opposé à la hausse de ce montant. Lors des auditions, de petites entreprises ont expliqué qu’un seuil à 100 000 euros serait délicat pour elles, et qu’à 150 000 euros il leur serait totalement défavorable. Il faut que l’ensemble des marchés fassent l’objet d’une publication, afin que les petites entreprises puissent y concourir.

M. Charles Fournier (EcoS). Certaines collectivités pourraient souhaiter que les marchés de services soient également facilités. Je pense néanmoins qu’en remontant le seuil, on ouvre la voie à des hausses régulières qui finiront par affaiblir la capacité collective à faire des choix. Notre groupe s’opposera donc à cet amendement, même si le sujet mérite d’être débattu.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Le seuil européen est fixé à 143 000 euros pour les marchés de fournitures et de services passés par des pouvoirs adjudicateurs centraux et s’élève à 5 millions pour les marchés de travaux. L’Italie a mis en place une dérogation à hauteur de 150 000 euros. C’est ce qui a fondé mon avis favorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Le seuil de 100 000 euros est déjà supérieur au seuil moyen des autres États membres de l’Union européenne, qui est de l’ordre de 85 000 euros.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS968 de M. Guillaume Lepers

M. Guillaume Lepers (DR). L’article 4 bis, en remontant le seuil de publicité et de mise en concurrence des marchés de travaux, va permettre à de nombreuses entreprises, en particulier petites et moyennes, d’accéder à la commande publique. Le projet de loi omet cependant de prendre en compte l’inflation, alors que, d’une base 100 à l’été 2021, l’indice du coût de la construction est passé à 120 au premier trimestre 2024 selon l’Insee. Je propose donc de prévoir une revalorisation du plafond tous les trois ans, par décret, sur la base de cet indice.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Vous soulevez une excellente question. Toutefois, il est toujours préférable de se référer à des chiffres précis, exprimés de la même façon que les seuils européens, qu’à des chiffres amenés à évoluer. Pourquoi, par ailleurs, avoir choisi une fréquence de trois ans et pas une autre ? Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’idée est bonne, car les seuils perdent de leur pertinence en quelques années, mais il n’est pas possible de réévaluer par voie réglementaire un seuil fixé par la loi. Se pose aussi la question de la pertinence de l’indice choisi, par rapport à d’autres. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1111 de M. Aurélien Lopez-Liguori

M. Thierry Tesson (RN). Pour favoriser les entreprises nationales et éviter toute concurrence étrangère déloyale, cet amendement vise à préciser que les acheteurs publics choisissent une entreprise locale.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1412 de M. Christophe Naegelen et CS818 de Mme Lisa Belluco

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il s’agit de reporter l’entrée en vigueur de l’article 4 bis à l’année 2026, afin de tenir compte du retard pris par le présent projet de loi.

M. Charles Fournier (EcoS). La dissolution a entravé le cheminement du texte et les entreprises ont été relativement secouées au cours de cette période : il nous semble utile de leur accorder un délai supplémentaire.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’article 4 bis modifié.

Article 4 ter (nouveau) (art. L. 2172-3 du code de la commande publique) : Extension du périmètre des achats innovants aux travaux, fournitures et services vertueux en matière énergétique et environnementale

Amendement de suppression CS1408 de M. Christophe Naegelen

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Cet article, introduit par le Sénat, facilite le recours au dispositif « Achats innovants » créé en 2018. Il élargit à cet effet le périmètre de la notion d’innovation en y intégrant notamment les travaux, fournitures et services qui tiennent compte de leurs incidences énergétiques et environnementales. Si l’objectif est louable, la rédaction retenue fragiliserait le recours à cet outil de la commande publique. Je propose donc la suppression de cet article.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 4 ter est supprimé et les amendements CS1134 de M. Nicolas Bonnet et CS853 de M. Éric Michoux tombent.

Après l’article 4 ter

Amendement CS1359 du gouvernement

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Le présent amendement donne la possibilité aux acheteurs de réserver 15 % du montant total des lots d’un marché public portant sur des travaux, fournitures ou services innovants et dont la valeur estimée est inférieure à 143 000 euros hors taxes, aux jeunes entreprises innovantes (JEI). Le dispositif JEI vise à aider les start-up françaises dans un contexte général de décrochage de l’Union européenne en matière d’innovation.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement. L’article 4 quater A est ainsi rédigé.

Amendement CS1358 du gouvernement

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence préalable pour les achats innovants est actuellement fixé à 100 000 euros hors taxes. Nous proposons de le porter à 143 000 euros, c’est-à-dire au niveau du seuil de procédure formalisée applicable aux marchés de fournitures et de services passés par les pouvoirs adjudicateurs centraux. Le but, de nouveau, est de soutenir l’innovation.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable.

M. Emmanuel Maurel (GDR). Que sont les achats innovants ? Et pourquoi avoir refusé mon amendement précédent sur les marchés de services, alors que le vôtre porte aussi dessus ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Cet amendement crée un dispositif dérogatoire. En matière de commande publique, les seuils nationaux sont fixés au-dessous des seuils européens et nous ne pouvons prévoir des dérogations que pour des situations relativement ciblées. C’est le cas ici pour les achats à des JEI.

M. Gérard Leseul (SOC). Votre définition de l’innovation n’est pas très convaincante. Par ailleurs, pour en revenir à l’amendement précédent, rien ne précise que les start-up qu’il vise sont spécialement européennes ou françaises.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Le caractère flou de la notion d’achats innovants est problématique, surtout s’il s’agit de relever les seuils et donc d’affaiblir la transparence autour de la passation des marchés. Nous avons besoin d’explications plus précises.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. La notion d’achats innovants est définie dans le code de la commande publique.

La commission adopte l’amendement. L’article 4 quater B est ainsi rédigé.

Article 4 quater (nouveau) (art. L. 2141-2-1 du code de la commande publique [nouveau]) : Exclusion de la procédure de passation des marchés publics des entreprises n’ayant pas respecté l’obligation de dépôt de leurs comptes annuels

Amendements de suppression CS1409 de M. Christophe Naegelen, CS142 de Mme Danielle Brulebois, CS394 de Mme Josiane Corneloup, CS597 de M. Pierre Meurin, CS1112 de M. Aurélien Lopez-Liguori et CS1155 de Mme Béatrice Bellamy

M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’article 4 quater introduit un nouvel article au sein du code de la commande publique afin d’exclure de la procédure de passation des marchés publics les entreprises n’ayant pas rempli l’obligation de dépôt de leurs comptes annuels au greffe du tribunal de commerce compétent.

Cette disposition n’est pas souhaitable pour plusieurs raisons. En premier lieu, certains acteurs que nous avons sollicités ont estimé qu’elle constituerait un obstacle supplémentaire. En second lieu, le régime des interdictions de soumissionner comprend déjà de très nombreuses restrictions dont certaines, facultatives, sont laissées à l’appréciation de l’acheteur : en l’espèce, pourquoi ne pas laisser le donneur d’ordre juger ? Ensuite, l’existence de dispositions spécifiques réprimant le non-respect de l’obligation pour les sociétés de déposer annuellement leurs comptes ne plaide pas en faveur d’une contrainte supplémentaire.

Il ne s’agit pas de confier des marchés publics aux entreprises qui ne respectent pas la loi mais de ne pas ajouter une disposition superfétatoire.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Cet article ne va pas du tout dans le sens d’une simplification. Les entreprises doivent déjà remplir des dossiers à répétition, ne rajoutons pas à la complexité du système. L’article 4 quater pourrait conduire des entreprises de qualité à être exclues des marchés publics, alors que les collectivités locales ont déjà du mal à obtenir des réponses à leurs appels d’offres. Les entreprises qui ne déposent pas leurs comptes ne sont pas nécessairement en difficulté financière et ne cherchent pas forcément à frauder. De surcroît, les acheteurs publics peuvent demander aux candidats des informations sur leur santé financière.

Mme Josiane Corneloup (DR). J’adhère à tous ces arguments. L’introduction de ce type de sanction paraît en effet injustifiée et contre-productive.

M. Pierre Meurin (RN). Il me semble que les pouvoirs adjudicateurs sont attentifs à la santé financière des entreprises et qu’ils ne font pas appel à celles qui sont insolvables ou ne sont pas en état d’intervenir.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Exclure d’office une entreprise qui n’a pas déposé ses comptes au cours des deux derniers exercices ne simplifie en rien la vie économique. Cela revient à pénaliser des entreprises déjà en difficulté, notamment des TPE-PME. Ces dernières peuvent connaître de simples retards administratifs, sachant qui plus est que la transmission des comptes est souvent réalisée par les experts-comptables : pourquoi les pénaliser ? Enfin, de nombreuses dispositions existent déjà en droit pour garantir la fiabilité des candidats aux marchés publics.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. La mesure inscrite à l’article 4 quater pourrait avoir un effet discriminatoire, car toutes les sociétés ne sont pas obligées de déposer leurs comptes. Elle ferait peser sur les entreprises françaises une obligation à laquelle ne seraient pas soumises les entreprises européennes. Elle complexifierait également le processus pour les acheteurs. Enfin, ces derniers peuvent prévoir une disposition semblable s’ils le souhaitent. Pour toutes ces raisons, le gouvernement donne un avis favorable à ces amendements de suppression.

M. Charles Fournier (EcoS). Cet article vient d’un amendement défendu au Sénat par le groupe communiste. Il ne concerne que les entreprises qui ont l’obligation de publier leurs comptes et qui ne l’ont pas fait deux années de suite. Il y a là un enjeu de transparence, non seulement dans les marchés mais dans la vie des entreprises – d’ailleurs, la non-publication engage le chef d’entreprise, pas l’expert-comptable. Vous êtes souvent prompts à demander des sanctions : en l’espèce aussi, la loi doit s’appliquer à tous, y compris aux entreprises. Rien n’empêche, pour éviter toute inégalité dans le marché, d’exiger aussi les comptes de celles qui ne sont pas soumises à une obligation de publication.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Notre groupe s’oppose à la suppression de cet article. Dans sa sagesse – pour une fois – le Sénat a pris la défense des collectivités territoriales. Si des travaux sont confiés à une entreprise dont la santé financière n’est pas garantie, c’est leur bon achèvement qui peut être compromis. Les collectivités territoriales doivent avoir cette garantie de la pérennité de la fourniture des services ou des biens concernés.

M. Gérard Leseul (SOC). Je peux comprendre le dépôt de cet amendement libéral, mais je ne comprends pas votre avis favorable, madame la ministre. Déposer ses comptes au greffe du tribunal de commerce dans un délai d’un mois après l’arrêté des comptes, c’est une obligation légale : l’entreprise qui s’y soustrait est passible d’une amende, et le tribunal peut d’ailleurs s’autosaisir dans ce domaine. Les auteurs de l’amendement voudraient donc que l’on ne pénalise pas une entreprise qui ne respecterait pas la loi ! C’est incroyable. Nous avons besoin de transparence.

M. Jean-Pierre Taite (DR). Il me semble que déposer ses comptes est une obligation pour les sociétés à responsabilité limitée (SARL), les sociétés par actions simplifiées (SAS), les sociétés anonymes (SA) ainsi que certaines microentreprises. J’ai toujours déposé les comptes des deux entreprises que j’ai eues. J’aimerais savoir quelles sont les entreprises qui font du commerce et qui ne sont pas soumises à cette obligation.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’article concerne les entreprises qui ont l’obligation de déposer leurs comptes. Or la loi prévoit déjà que celles qui ne le font pas sont passibles d’une contravention de cinquième classe, punie par une amende pénale. En outre, le donneur d’ordre a la possibilité, dans le cadre d’un marché public, de demander des informations financières au soumissionnaire. C’est la raison pour laquelle je demande la suppression de cet article.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’obligation de dépôt des comptes annuels n’est aucunement remise en cause et les sanctions en cas de non-respect sont maintenues. Je répète que la disposition prévue serait discriminatoire, à l’égard par exemple des sociétés en nom collectif, qui ont des activités commerciales et qui ne sont pas soumises à l’obligation de dépôt. J’ajoute que, dans la mesure où celle-ci n’existe pas non plus dans les autres pays européens, le dispositif pénaliserait les entreprises françaises.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. J’insiste sur le fait que nous ne remettons en cause ni l’obligation de dépôt des comptes, ni la sanction. Pour le reste, imaginez une jeune entreprise qui a déposé ses premiers comptes au bout de dix-huit mois au lieu de douze, comme elle en le droit : elle sera exclue de toute possibilité d’obtenir un marché public jusqu’à son trentième mois d’existence, puisqu’il faut avoir déposé deux fois ses comptes. Ne dites pas que cela ne peut pas arriver.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 4 quater est supprimé et les amendements CS353 de Mme Eva Sas et CS916 de M. Charles Fournier tombent.

Article 4 quinquies (nouveau) (art. L. 2151-2 du code de la commande publique [nouveau]) : Autorisation des variantes au sein des marchés publics soumis à une procédure formalisée

Amendements de suppression CS1410 de M. Christophe Naegelen, CS323 de Mme Danielle Brulebois et CS1192 de M. Jacques Oberti

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Le recours aux variantes dans les marchés publics est utile. Néanmoins, cet article, tel que rédigé, fragiliserait sur le plan juridique tout acheteur public qui appliquerait le nouveau régime créé. En outre, les dispositions concernées sont de nature réglementaire et non législative.

Les acteurs auditionnés y sont défavorables : le recours aux variantes risque de porter atteinte aux principes de transparence et de juste concurrence entre les offres proposées sur un marché donné.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Il convient effectivement de supprimer le principe d’autorisation générale des variantes dans les marchés publics passés selon une procédure formalisée ou une procédure adaptée.

Les variantes, qui sont des offres techniques présentées par l’entreprise candidate qui s’écartent des exigences techniques prévues dans le cahier des charges, rendent la comparaison des offres beaucoup plus difficile pour le maître d’ouvrage public et faussent le libre jeu de la concurrence. Alors qu’il est essentiel de donner confiance aux TPE et aux PME dans les règles de la commande publique, cette disposition complexifierait les démarches, notamment accomplies par les TPE du bâtiment, et porterait atteinte au principe de transparence dans la commande publique.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. En application du droit de l’Union européenne, les variantes sont interdites dans les procédures formalisées passées par des acheteurs, sauf mention contraire dans l’avis de marché ou dans l’invitation à confirmer l’intérêt. Elles sont autorisées dans les procédures adaptées. Avis favorable.

M. Pierre Meurin (RN). Je ne comprends pour quelle raison on supprimerait cet article. En quoi est-il négatif qu’une entreprise puisse présenter une variante ? Une collectivité peut toujours la refuser, mais elle peut aussi être convaincue par une variante à laquelle elle n’avait pas pensé – l’entreprise a également un rôle de conseil –, a fortiori dans le cadre d’une procédure adaptée. C’est une mesure de flexibilité et de simplification.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Que l’on soit ou non d’accord avec cet argument, cet article est contraire au droit européen.

Par ailleurs, les grosses entreprises seraient avantagées car elles ont davantage les moyens de proposer des variantes que les petits artisans. C’est pourquoi la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment est fortement défavorable à cet article.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 4 quinquies est supprimé.

Article 4 sexies (nouveau) (art. L. 2152-7 et L. 3124-5 du code de la commande publique) : Extension du recours au partenariat public-privé institutionnalisé

Amendement de suppression CS640 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous sommes opposés aux partenariats public-privé institutionnalisés (PPPI).

Selon un rapport de la Cour des comptes européenne de mars 2018, ces partenariats public-privé sont, pour la plupart, inefficaces et extrêmement coûteux pour le partenaire public. Ils induisent une distorsion de concurrence, au détriment des PME et des TPE. En l’état du droit et de la pratique, la Cour des comptes européenne recommande de cesser de recourir aux PPP dans l’Union européenne. Entre 2000 et 2014, elle a recensé de nombreux retards de construction et une forte augmentation des coûts : « En tout, sept des neuf projets achevés (dont le coût total s’élevait à 7,8 milliards d’euros) ont accusé un retard, compris entre deux et 52 mois. »

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Les PPPI sont des outils pertinents pour faciliter la réalisation de certains projets, notamment des grands projets ou des projets complexes – grandes opérations d’aménagement ou de construction de logements par exemple –, grâce à un cofinancement du public et du privé et à la création d’une structure de gouvernance conjointe. Avis défavorable.

M. Matthias Renault (RN). Nous voterons contre cet amendement. L’article concerne les PPPI, qui, en droit français, impliquent la création d’une société d’économie mixte dont le capital est détenu à la fois par une personne publique et une personne de droit privé.

De manière générale, on tire à boulets rouges sur les PPP. Mais la pratique dépend des projets, des sociétés qui sont choisies et des termes du contrat. À très long terme, certains peuvent être déséquilibrés au détriment de la puissance publique – l’indexation des loyers peut être intéressante durant les quinze premières années puis devenir incontrôlable, par exemple. Il revient à la personne publique de bien négocier le PPP dans le cadre d’une vision à long terme.

M. Charles Fournier (EcoS). Nous exprimons une forte défiance à l’égard des PPP : ils créent une relation asymétrique entre l’organisme public et l’opérateur privé, que les PPPI tentent de corriger. L’article 4 sexies ouvre le recours au PPPI à l’ensemble des marchés. Néanmoins, toutes dispositions encadrant les PPP ne s’appliqueront pas aux PPPI, ce qui pose un problème. Nous souhaitons donc la suppression de cet article.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1378 du gouvernement

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Il vise à permettre à un tiers investisseur d’apporter les capitaux nécessaires aux investissements réalisés par la société de projet titulaire du marché public ou de la concession dont il sera actionnaire.

Ce dispositif permettra de mobiliser des financements, notamment provenant de la Caisse des dépôts et consignations, pour faciliter la réalisation de projets sans que le tiers investisseur soit contraint de créer un groupement avec l’opérateur économique chargé de l’exécution matérielle des prestations. Cet amendement assouplit les conditions juridiques afin de faciliter la participation de la Caisse des dépôts.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 4 sexies modifié.

Article 4 septies (nouveau) (art. L. 2171-6-2 du code de la commande publique) : Création d’une nouvelle catégorie de marchés globaux

Amendements de suppression CS324 de Mme Danielle Brulebois et CS1193 de Mme Mélanie Thomin

Mme Danielle Brulebois (EPR). Cet article permet de déroger d’une manière beaucoup trop large et injustifiée au principe d’allotissement pour une catégorie de travaux dont le périmètre n’est pas clairement défini.

L’allotissement, qui consiste à diviser les marchés publics en plusieurs lots, est un outil essentiel pour garantir l’accès au marché des TPE. Il permet de créer un écosystème où les petites entreprises locales travaillent ensemble. Cet article va donc à l’encontre de l’esprit du projet de loi, qui vise à redonner du souffle aux TPE en assainissant certaines réglementations trop complexes.

En l’absence d’allotissement, les entreprises artisanales du bâtiment, qui représentent 97 % des entreprises du secteur et maillent les territoires, seraient privées de travail.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés est favorable au principe d’allotissement, essentiel au maillage et à l’équilibre économique des territoires.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Sagesse.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Le principe de l’allotissement n’est aucunement remis en cause. La nouvelle forme de marché global qu’ouvre l’article 4 septies permettra aux collectivités publiques et aux bailleurs sociaux d’améliorer l’offre de logements. Ils pourront en confier la maîtrise d’ouvrage à l’opérateur privé sans contraintes malvenues ni risques relatifs à la réalisation du programme. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Ce sont les grands groupes qui ont inspiré cet article : ils ont intérêt à ce que les marchés publics ne comportent qu’un seul et unique lot. Mais pour rester dans l’esprit du projet de loi, qui prétend dynamiser et simplifier la vie économique, il convient de s’intéresser aux petites entreprises. Le principe des lots permet de faire vivre le tissu économique local. Quiconque est pour le développement économique des petites entreprises locales doit voter la suppression de cet article.

Mme Mélanie Thomin (SOC). La simplification de la vie des entreprises doit se faire à la faveur des territoires, et non des grands groupes qui se développent de manière centralisée. Le principe d’allotissement doit donc être préservé.

M. Jean-Pierre Taite (DR). Je n’ai pas compris : est-ce l’amendement ou l’article qui vise à supprimer le principe de l’allotissement ? Je souhaite le conserver.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’article crée une nouvelle catégorie de marché global. Les marchés ne comportant qu’un seul lot sont plus intéressants pour les bailleurs – la gestion est plus facile –, tandis que les marchés composés de plusieurs lots le sont davantage pour les petits artisans.

M. Charles Fournier (EcoS). Cet article favorisera les très grandes entreprises au détriment des petites. Nous souhaitons préserver le principe de l’allotissement.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 4 septies est supprimé.

Article 4 octies (nouveau) (art. L. 2182-1 du code de la commande publique [nouveau]) : Création d’une durée maximum de notification d’un marché public opposable aux acheteurs publics

Amendement de suppression CS1411 de M. Christophe Naegelen

M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’article 4 octies prévoit que la durée maximale entre le moment où l’acheteur public retient un opérateur économique candidat et la notification qu’il lui adresse ne peut excéder un an. Au-delà, l’opérateur économique concerné est autorisé à ne plus donner suite à la notification.

En dépit de cette intention louable, cet article risque de dissuader les acheteurs publics de notifier rapidement le marché à l’entreprise retenue. Qui plus est, cette durée d’un an pourrait logiquement allonger les délais.

En outre, à la lumière des auditions menées, la rédaction est sujette à interprétation.

Enfin, certains délais de notification ne sont pas imputables à la mauvaise volonté des acheteurs publics, mais sont plutôt liés au respect de diverses demandes d’autorisation.

Pour ces raisons, évitons de consacrer un tel délai au sein de la loi.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Un tel délai dans la loi n’est pas pertinent : ce serait de la loi bavarde. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 4 octies est supprimé.

Article 4 nonies (nouveau) (art. L. 2193-1 du code de la commande publique) : Application exclusive des règles de sous-traitance aux marchés de travaux pour lesquels l’acheteur a conservé la maîtrise d’ouvrage

La commission adopte l’article 4 nonies non modifié.

Article 4 decies (nouveau) (art. L. 2512-5 du code de la commande publique) : Assouplissement des règles applicables à l’exécution d’un marché public de vente en l’état futur d’achèvement

La commission adopte l’article 4 decies non modifié.

Article 4 undecies (nouveau) : Expérimentation outre-mer de la faculté de réserver certains marchés publics à des TPE/PME ou à des artisans locaux

Amendements CS1194 de M. Gérard Leseul et CS836 de Mme Anne StambachTerrenoir (discussion commune)

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). L’amendement CS1194 vise à renforcer l’ambition de cet article, adopté à l’initiative du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain au Sénat, qui tend à favoriser le développement, dans les territoires ultramarins, d’un écosystème d’opérateurs locaux capables d’accéder pleinement à la commande publique.

Cet amendement reprend les dispositions de l’article 20 de la loi d’urgence pour Mayotte du 24 février 2025, qui avaient fait l’objet d’un large soutien de la part de l’Assemblée et qui visaient à assurer aux Mahorais un plein accès de leurs entreprises locales aux travaux de reconstruction de l’île. Ce dispositif, qui a trouvé un équilibre au cours des débats, pourrait utilement être étendu à l’ensemble des territoires ultramarins, du moins à titre expérimental.

Les acheteurs pourraient ainsi réserver jusqu’à 30 % du montant des marchés dont la valeur hors taxes estimée est inférieure aux seuils européens applicables aux microentreprises, aux petites et moyennes entreprises ainsi qu’aux artisans répondant aux critères prévus dans le code de l’artisanat.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous souhaitons également renforcer l’ambition de cet article en proposant que, dans les collectivités d’outre-mer, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, les marchés publics dont le montant estimé est supérieur à 500 000 euros hors taxes prévoient une part minimale d’exécution du contrat, fixée à 20 %, confiée à des petites et moyennes entreprises locales ou à des artisans locaux.

Les deux amendements sont complémentaires, nous devrions les fusionner en vue de la séance.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable sur ces deux amendements. Le seuil de 20 % prévu dans la rédaction initiale est raisonnable. Dans le cadre des achats innovants, les acheteurs peuvent passer des marchés sans publicité ni mise en concurrence, à condition que la valeur de l’ensemble des lots n’excède pas 20 % du montant total du marché. Prévoir un seuil supérieur serait contraire au droit européen et porterait atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis défavorable sur ces deux amendements. Le code de la commande publique prévoit que les titulaires de marchés globaux ou de marchés de partenariat, auxquels les PME ont difficilement accès, doivent s’engager à confier 20 % du montant prévisionnel du contrat à des PME ou à des artisans. L’amendement CS836 vise à rendre obligatoire la part minimale de 20 % en lieu et place de la faculté prévue à l’article 4 undecies. Cette disposition porterait atteinte à la liberté contractuelle et paraît disproportionnée vu les marchés concernés.

Néanmoins, l’amendement CS1194 avait l’avantage de donner une définition précise des entreprises locales ou des artisans locaux, qui sont des entreprises dont le siège social est établi dans un de ces territoires au 31 décembre 2024.

M. Matthias Renault (RN). Nous voterons en faveur de ces amendements.

Il s’agit de soumettre l’attribution des marchés publics en outre-mer au principe de préférence locale, ce qui constitue une dérogation au droit de l’Union européenne – nous la réclamons, au même titre que la préférence nationale.

Tant mieux si les députés de la Droite républicaine, qui ont longtemps soutenu l’application du droit de l’Union européenne, ont évolué sur ce point. Nous serions heureux que ces dispositifs soient adoptés dans la mesure où, depuis des années, nous défendons la préférence locale ou nationale dans les marchés publics.

M. Gérard Leseul (SOC). Madame la ministre déléguée, vous avez déjà fait un pas vers notre amendement. Nous souhaiterions que vous le souteniez pleinement.

À défaut de ce soutien, que proposez-vous pour favoriser l’accès des TPE et des PME locales aux marchés de travaux dans les départements et collectivités d’outre-mer ? Nous avons besoin d’un dispositif particulier. Il y a de nombreuses années, l’accès des coopératives à la commande publique était favorisé par le dispositif du quart réservataire.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Ces amendements ont l’inconvénient de fixer une obligation, ce qui limite la liberté contractuelle. Ils ne sont pas nécessaires, car dans le système actuel, l’acheteur a toujours la possibilité de fixer un seuil s’il le souhaite.

Pour répondre à votre question, monsieur Leseul, un décret du 30 décembre 2024 a porté de 10 à 20 % la part de sous-traitance obligatoire confiée aux PME et aux artisans pour favoriser le recours aux PME.

La commission adopte l’amendement CS1194.

En conséquence, l’amendement CS836 tombe, de même que l’amendement CS289 de Mme Anne-Laure Blin.

La commission adopte l’article 4 undecies modifié.

Après l’article 4 undecies

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS1099 de Mme Julie Ozenne.

Article 5 (supprimé) (art. L. 6, L. 1451‑1, L. 1461‑1, L. 1471‑1, L. 1481‑1, L. 2194-1, L. 2194-2, L. 2195-3, L. 2197-1, L. 2197-2 [supprimé], L. 2197-3, L. 2197-4, L. 2521-4, L. 2521‑4, L. 2651‑1, L. 2651‑2, L. 2661‑1, L. 2661‑2, L. 2661‑6, L. 2671‑1, L. 2671‑2, L. 2671‑6, L. 2681‑1, L. 2681‑2, L. 3135-1, L. 3135-2, L. 3136-3, L. 3137-1, L. 3137-2 [supprimé], L. 3221-6, L. 3351‑1, L. 3361‑1, L. 3361‑3, L. 3371‑1, L. 3371‑3, L. 3381‑1 du code de la commande publique, art. 2 de la loi n° 2001‑1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier [supprimé]) : Unification du contentieux de la commande publique devant le juge administratif

Amendement CS1392 du gouvernement

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Il vise à rétablir l’article 5, supprimé par le Sénat, qui unifie le contentieux de la commande publique au profit du juge administratif.

Aujourd’hui, tant le juge administratif que le juge pénal sont compétents en matière de commande publique. Les entreprises titulaires du contrat ont du mal à percevoir les subtilités de ce dualisme juridictionnel. Je précise que les contrats qui relèvent de la compétence du juge judiciaire sont déjà soumis aux règles de la commande publique. Par ailleurs, le juge administratif paraît être le juge naturel de la commande publique. Cette simplification garantira une interprétation et une application uniformes des règles de la commande publique, ce qui renforcera la sécurité juridique.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable. Lors des auditions, l’ensemble des acteurs ont expliqué que cette modification ne présentait aucun intérêt. En outre, dans son avis sur le texte, le Conseil d’État a considéré que cette réforme d’ampleur aurait des conséquences jurisprudentielles non négligeables et placerait les acteurs concernés, notamment les bailleurs sociaux, dans l’incertitude.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cette mesure est trop lourde de conséquences, notamment jurisprudentielles, pour être introduite par voie d’amendement. Nous craignons aussi qu’elle induise une surcharge de travail pour les juges administratifs, qui sont soumis à de nombreuses contraintes et qui n’ont pas les moyens de traiter tous les contentieux. Elle mériterait au moins une étude d’impact approfondie, qui évaluerait la charge de travail et les conséquences jurisprudentielles.

Mme Sophie-Laurence Roy (RN). Pour le gouvernement, l’article 5 simplifie les choses alors que, pour le Sénat et les acteurs concernés, il les complexifie. Quant au Conseil d’État, il a du mal à trancher : à défaut d’être pour ou contre, il est réservé.

Il y aura à tout le moins des difficultés d’adaptation, car il ne s’agit pas seulement d’unifier la compétence des juridictions mais de changer la nature des marchés, qui deviendraient tous des contrats administratifs. Toutes les entreprises qui fonctionnaient en contrats de droit privé vont devoir se mettre aux règles de la commande publique. Autre problème, on dénombre 42 tribunaux administratifs contre 160 tribunaux judiciaires. Cela étant, une fois que les acteurs connaîtront les nouvelles règles, il est possible que les choses deviennent plus simples.

Il nous semble donc indispensable d’approfondir la question. Pourquoi le gouvernement tient-il rétablir cet article, pourquoi le Sénat l’a-t-il supprimé, pourquoi les entreprises n’en veulent-elles pas ? En attendant, nous nous abstiendrons.

M. Charles Fournier (EcoS). Nous nous opposons au rétablissement de cet article. Les établissements publics locaux ou les bailleurs, par exemple, ne pourraient plus recourir au droit privé, ce qui leur compliquerait la vie. Il n’y a aucune évaluation non plus des conséquences de cette disposition sur le régime de la garantie décennale, des avances ou des pénalités. Au lieu de simplifier, on complexifie.

Mme Sophie Errante (NI). Je partage les arguments de M. Fournier. Je suis contre le rétablissement de l’article 5, que personne ne défend, à l’exception de Mme la ministre.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Personne ne peut nier qu’il s’agit d’une mesure de simplification, face à un contentieux de la commande publique réparti entre le juge judiciaire et le juge administratif. Par ailleurs, le droit administratif n’est absolument pas moins protecteur. En outre, les délais de jugement sont plus courts devant la juridiction administrative. Certes, la charge de travail du juge administratif s’en trouvera alourdie, mais cela contribuera à l’effort de déjudiciarisation du gouvernement et allégera la charge du juge judiciaire.

J’entends vos inquiétudes, car cette unification prendra du temps. Néanmoins, à terme, cette mesure de simplification améliorera la visibilité et simplifiera le quotidien des uns et des autres sans pour autant réduire leurs droits.

La commission rejette l’amendement.

Elle maintient la suppression de l’article 5.

TITRE IV
SIMPLIFIER LES OBLIGATIONS PESANT SUR L’ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DES ENTREPRISES

Chapitre Ier
Simplifier les obligations d’information

Article 6 (Art. L. 141-23, L. 141-24, L. 141-25, L. 141-26, L. 141-27 ; L. 141-28, L. 141-29, L. 141-30, L. 141-31, L. 141-32 ; L. 23-10-1, L. 23-10-2 L. 23-10-3, L. 23-10-4, L. 23-10-5, L. 23-10-6 ; L. 23-10-7, L. 23-10-8, L. 23-10-9, L. 23-10-10, L. 23-10-11, L. 23-10-12 du code de commerce) : Réduction du délai d’information préalable des salariés en cas de vente d’un fonds de commerce et de cessions de parts de sociétés commerciales

Amendements de suppression CS214 de Mme Sandrine Nosbé, CS435 de M. Emmanuel Maurel, CS486 de M. Thierry Tesson , CS599 de M. Pierre Meurin , CS917 de M. Charles Fournier et CS1199 de M. Gérard Leseul

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). La suppression de l’obligation d’information préalable des salariés en cas de cession d’entreprise les prive de la possibilité de présenter une offre de rachat, ce qui est plus que  malvenu dans un contexte de multiplication des plans sociaux. Alors que, selon l’estimation de CCI France, il y aurait 350 000 entreprises à reprendre dans les dix prochaines années, la capacité de reprise par les salariés est déjà très contrainte par les délais. Les salariés ont besoin de plus de temps pour monter un dossier, prétendre au crédit d’impôt pour leur plan de financement, a fortiori au sein de petites entreprises. Il convient donc au contraire de favoriser la reprise d’entreprises par les salariés pour préserver les emplois, les savoir-faire et les outils de production sur nos territoires, notamment en renforçant l’information préalable des salariés en cas de vente et en leur conférant un droit de préemption.

M. Emmanuel Maurel (GDR). Je ne vois pas en quoi la suppression de l’information des salariés, dispositif issu de la loi Hamon relative à l’économie sociale et solidaire, contribuera à simplifier la vie des entreprises et des salariés. En 2024, le Conseil d’État a rendu un avis sur le projet de loi dans lequel il affirme ne voir aucune difficulté particulière tenant à l’obligation d’information préalable des salariés, notant qu’il n’était pas établi que cette obligation compromettait des projets de vente. Je ne sais pas d’où sort cette suppression et ce qu’elle fait dans le projet de loi. Des salariés utilisent ce dispositif d’information, ce qui est bon et sain.

M. Thierry Tesson (RN). L’article 6 constitue en réalité un recul majeur en matière de transparence et de droits des salariés. Pour les membres du groupe Rassemblement national, il est important que les salariés soient informés de l’avenir de leur entreprise et ce droit ne peut être remis en cause. Par ailleurs la suppression de leur information n’est pas une véritable simplification pour le repreneur : au contraire, son application risque de générer des tensions accrues entre les salariés et les nouveaux employeurs, fragilisant ainsi le climat social de l’entreprise.

M. Pierre Meurin (RN). C’est bien de simplifier, mais il ne faut pas le faire comme des bourrins ! Il est excessif de supprimer l’obligation d’information des salariés. Dans ma circonscription, l’usine Solvay ferme : 72 salariés doivent pouvoir s’organiser pour payer leur crédit immobilier et chercher un boulot. Qu’ils puissent être informés dans un délai raisonnable n’est tout de même pas mal !

L’obligation d’information permet aussi de donner aux salariés l’option de la reprise de l’entreprise, comme cela a été le cas pour Duralex, dont 228 salariés se sont constitués en société coopérative de production pour que les Français continuent à bénéficier de cette verrerie. Nous devrions tous adopter cet amendement de suppression., Au Rassemblement national, nous défendons les entreprises mais nous défendons aussi les salariés.

M. Charles Fournier (EcoS). La réduction du délai est contre-productive et nous y sommes tout à fait opposés. La simplification de la vie économique ne doit pas être seulement pour les chefs d’entreprise, mais aussi pour les salariés ! En l’occurrence, il s’agit de leur laisser le temps d’imaginer une reprise. Tout le monde s’est félicité de la reprise de Duralex, mais il en existe de nombreux autres exemples.

Il serait intéressant de se demander ce qui faciliterait la vie des salariés, qui sont eux aussi confrontés à de la paperasse et à des contraintes dans l’entreprise. Sur les 350 000 entreprises qui risquent de devoir être reprises dans les dix prochaines années, 10 % à 15 % pourraient l’être en interne. Or, cela exige du temps ! L’un de nos amendements qui suit vise à allonger le délai, au lieu de le réduire. Selon ESS France – qui a heureusement échappé à la suppression à l’article 1er du projet de loi –, il faut environ six mois de délai pour organiser la reprise d’une entreprise. Voilà une mesure qui simplifierait la reprise et donc la vie économique et qu’il faut encourager !

M. Gérard Leseul (SOC). Madame la ministre déléguée, cet article va totalement à l’encontre de l’ambition que vous avez affichée, dans votre feuille de route pour l’économie sociale, de faciliter la transmission et la reprise des entreprises par les salariés. Comme l’a dit M. Fournier, quelle que soit sa forme, lorsque l’entreprise va changer de capitaine, les salariés ont besoin de temps pour envisager sa reprise ou sa transmission. Je soutiendrai d’ailleurs l’amendement de M. Fournier visant à allonger le délai. Pour l’heure, nous sommes favorables à la suppression de l’article.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. J’entends les arguments avancés – à l’exception de ceux de M. Meurin, dont les deux exemples ne conviennent pas car l’article ne concerne que les entreprises de moins de 50 salariés et qui n’ont pas de comité d’entreprise. J’ai déposé un amendement qui sera examiné juste après, car les mesures adoptées par le Sénat me semblaient excessives. Il conviendrait de revenir au délai prévu dans la version initiale du texte, plus court que celui en vigueur mais plus long que dans l’amendement du Sénat, qui réduisait tout à néant. J’émets donc un avis de sagesse par cohérence mais j’entends les arguments des uns et des autres !

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Ces amendements visent à rétablir le dispositif tel qu’il existait, avec un délai d’information préalable des salariés de deux mois. En l’état, l’article ne prévoit plus du tout de délai alors que le projet de loi initial prévoyait un mois.

Il faut prendre en compte deux dimensions. Tout d’abord, les fédérations nous ont rapporté que, parfois, le délai de deux mois appliqué à des entreprises de moins de 50 salariés peut compromettre la vente ou la cession en dissuadant de potentiels acquéreurs. En revanche, ne prévoir aucun délaine va pas du tout dans le sens de l’information des salariés qui doit exister : les salariés doivent avoir la possibilité de reprendre l’entreprise.

Monsieur Fournier, votre argument va à l’encontre de votre amendement : s’il faut vraiment six mois, alors que le délai soit d’un mois ou de deux ne change pas grand-chose. Lorsqu’une démarche de cette nature aboutit, c’est que des dispositions ont été convenues bien plus à l’avance entre le chef d’entreprise et les salariés. Avis défavorable, donc, à votre amendement et favorable à celui du rapporteur, car un délai d’un mois me paraît intéressant pour ne pas mettre en difficulté les potentiels acquéreurs et le cédant dans le cadre d’une cession, ainsi que pour permettre l’information des salariés.

M. Charles Fournier (EcoS). Ramener le délai de deux mois à un seul ne change guère les choses, mais cela dégrade la situation pour les salariés. Je ne comprends pas l’argument. Il n’est pas vrai qu’un délai plus long empêcherait une vente et je regrette que le seul article du texte qui concerne les salariés soit destiné à réduire le délai qui leur est laissé pour travailler à la reprise de leur entreprise en interne, qui est une bonne solution. Je propose donc, avec la suppression de l’article, de revenir au délai légal, même si ce n’est pas encore satisfaisant. En tout cas, un délai d’un mois, c’est du gagne-petit et je n’en vois pas l’intérêt.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). C’est un problème récurrent de ce projet de loi : on nous présente comme des mesures de bon sens et de simplification des dispositifs qui sont en réalité déséquilibrés et en défaveur des salariés. Notre vocation de  législateur, chargé de défendre l’intérêt général, implique de prendre en compte divers facteurs plutôt que d’écouter seulement les fédérations d’entreprises. Les droits acquis pour les salariés sont des avancées et toute norme n’est pas une mauvaise chose. Ce serait une régression sociale massive pour les salariés que de commencer à réduire un dispositif déjà insuffisant en l’état. Quant à la simplification que cet article apporterait, on ne la voit guère !

Mme Anne-Laure Blin (DR). Ce projet de loi de simplification veut réaffirmer la confiance que nous plaçons en nos chefs d’entreprise. Nous parlons d’entreprises  de taille relativement modeste, souvent familiales et créées par des gens qui y ont mis leur épargne et leur travail pour faire progresser tout un pan de l’économie, et qui ne veulent pas abandonner en rase campagne les gens qu’ils ont embauchés. S’ils veulent céder leur entreprise, ils veulent aussi assurer la suite pour leurs salariés et la préparer avec eux. Ne jetez pas systématiquement la suspicion sur les chefs d’entreprise parce qu’ils cèdent leur exploitation !

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 6 est supprimé et les amendements CS1434 de M. Christophe Naegelen, CS1149 de M. Hendrik Davi, CS262 de Mme Sandrine Nosbé, CS319, CS1357 et CS318de Mme Claire Lejeune, CS918 de M. Charles Fournier et CS317 de Mme Claire Lejeune tombent.

Après l’article 6

Amendement CS674 de Mme Claire Lejeune

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable ! L’idée d’un fonds dédié à la reprise d’entreprises est plutôt intéressante, mais la disposition n’est pas normative. Ce serait dommage de faire du texte une loi bavarde…

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’idée est bonne, car la question du financement se pose à chaque fois qu’il est question de reprise de l’entreprise par les salariés. Il existe toutefois déjà des dispositifs, portés notamment par BPIFrance, la Banque publique d’investissement.

M. Gérard Leseul (SOC). Il existe déjà, en effet, des dispositifs, mais il serait utile de disposer d’un vrai fonds dédié à la reprise d’entreprises – qui pourrait être géré par BPIFrance, par France Active ou par d’autres organismes de la sphère publique de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). À défaut d’être pleinement abouti, l’amendement porte au moins une saine ambition et mériterait d’être adopté ou réécrit pour la séance.

M. Charles Fournier (EcoS). Je soutiens cet amendement. Malheureusement, les dispositifs de BPIFrance ne répondent pas à cette préoccupation, ou du moins pas à la hauteur des besoins. Madame la ministre, comment pourrions-nous travailler à la création d’un fonds destiné à faciliter la reprise par les salariés ? Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises la question, notamment dans le débat sur le projet de loi de finances, mais à chaque fois, les amendements ont été rejetés et nous n’avons pas travaillé à une solution. Pourtant, des réponses opérationnelles sont très attendues, notamment par les acteurs de l’économie sociale et solidaire.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). L’amendement vise à créer un fonds spécifique, qui serait présenté comme tel aux salariés. En effet, il ne faut pas seulement les informer sur la possibilité d’une reprise, mais aussi leur donner les outils pour que cette reprise soit matériellement possible – en l’état, ils sont souvent obligés de puiser dans leur propre épargne et dans leurs indemnités de licenciement. Les dispositions prévues par BPIFrance ne sont ni suffisantes, ni assez spécifiques pour constituer un véritable soutien aux initiatives de reprise des entreprises par les salariés. Il a déjà été souvent rappelé qu’un très grand nombre d’entreprises seront prochainement en situation de faillite, ce qui donnera aux salariés la possibilité de les reprendre. Il peut être d’intérêt général de créer les conditions matérielles qui rendront cela faisable le plus simplement possible.

M. Jean-Pierre Taite (DR). Nous voterons contre cet amendement, au nom de l’équité qui doit exister, pour la reprise de l’entreprise, entre les salariés et les autres repreneurs possibles. N’importe quel créateur ou repreneur d’entreprise y met souvent de ses propres fonds. Du reste, les entreprises sont suivies par des organismes bancaires et doivent établir des bilans prévisionnels viables et crédibles.

M. Henri Alfandari (HOR). Rien n’empêche BPIFrance ou la CDC d’accompagner des gens. Mais il faut faire attention à ne pas jeter dans l’entrepreneuriat  des gens qui ne sont pas forcément faits pour cela, car cela peut mal finir pour eux ! Ce n’est pas forcément un cadeau : un chef d’entreprise doit savoir faire tourner des équipes et des plans, ce qui ne s’improvise pas du jour au lendemain. La reprise par les salariés est parfois possible et je ne suis pas opposé à ce que nous réfléchissions à des fonds permettant d’accompagner des actions stratégiques pour notre souveraineté, comme dans le cas d’Arkema. Nous disposons d’outils pour le faire si nous le voulons.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Un amendement dont la rédaction commence par « La nation se fixe pour objectif » invite à réfléchir sur  sa nature…

La commission rejette l’amendement.

Article 6 bis (nouveau) (art. L. 210-2-1 [nouveau]) : Information obligatoire et clause de reconduction tacite pour la prorogation des sociétés commerciales

Amendements de suppression CS1304 de M. Christophe Naegelen, CS339 de Mme Anne-Laure Blin et CS600 M. Matthias Renault

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Cet article, ajouté par le Sénat, complexifie la vie économique plus qu’il ne la simplifie. En effet, alors que la durée de vie d’une entreprise est de 99 ans, il prévoit que les entreprises doivent être prévenues un an à l’avance qu’elles vont arriver en fin de vie…C’est pour cela que j’en demande la suppression.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Nous sommes ici pour simplifier, et non pour complexifier. Cet article complexifie et donc nous en en demandons la suppression.

M. Matthias Renault (RN). Même argument. La question est de savoir ce qui se passe lorsque la durée de vie arrive à expiration – actuellement, pas grand-chose. Renforcer l’information créerait un risque pour les chefs d’entreprise.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 6 bis est supprimé.

Après l’article 6 bis

Amendement CS1310 de M. Philippe Bolo

M. Philippe Bolo (Dem). La loi permet aujourd’hui, sous conditions, au conseil d’administration (CA) des sociétés anonymes et des sociétés commerciales de se réunir en visioconférence mais cette mesure de souplesse et de simplification n’a pas été étendue aux SARL. L’amendement propose donc de le leur permettre – en d’autres termes, que les admirateurs d’une SARL participant à distance à une réunion de leur CA puissent être comptabilisés dans le calcul du quorum et des votes.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable. C’est une mesure plutôt bienvenue, qui participe à la simplification du fonctionnement des entreprises.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’amendement est très intéressant car la situation s’est présentée durant la crise sanitaire. Mais les dispositions applicables diffèrent selon que l’entreprise est une SARL ou une autre forme de société. Il conviendrait par ailleurs de supprimer, dans la rédaction de l’amendement, la référence au « règlement intérieur ». Il faudrait réécrire l’amendement en la supprimant et en ne renvoyant qu’aux statuts.

L’amendement est retiré.

Article 7 (supprimé) (art. L. 3243-2 du code du travail) : Simplifier la présentation des bulletins de paie

Amendement CS1277 de Mme Louise Morel

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’idée est louable, mais le recueil de la signature pose problème. Avis défavorable.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Il est, au contraire, très important que les salariés puissent comprendre de quoi est constituée leur rémunération – tant pis si cela prend cinquante-cinq lignes. Il faut pouvoir comprendre quels sont les ingrédients de la valorisation du travail. Face à la fausse simplification qu’apporte l’article, nous tenons à l’aspect pédagogique de la fiche de paie, qui permet de conscientiser les salariés.

L’amendement est retiré.

La commission maintient la suppression de l’article 7.

Chapitre II
Alléger les contraintes qui pèsent sur la croissance des entreprises

Article 8 (art. L. 430-2 du code de commerce) : Revalorisation des seuils de notification des concentrations d’entreprises auprès de l’Autorité de la concurrence

Amendements de suppression CS217 de Mme Claire Lejeune, CS1014 de M. Emmanuel Maurel et CS1200 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). L’article 8 rehausse les seuils généraux et ceux applicables aux magasins de commerce de détail à partir desquels des entreprises doivent notifier leurs projets d’opérations de concentration auprès de l’Autorité de la concurrence. Il est important de respecter cette autorité, dont le travail permet justement d’éviter que des concentrations soient réalisées en douce.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Défavorable.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Le contrôle des opérations de concentration est un élément de transparence très important pour notre vie économique. Je sais que cet article est censé être une mesure technique pour suivre l’inflation, mais il n’est pas possible de réajuster systématiquement les seuils sur l’inflation, à moins de changer la loi chaque année. Il faut donner à l’Autorité de la concurrence davantage de moyens, notamment en personnel, pour lui permettre de bien suivre toutes les notifications qui lui sont adressées, dont le nombre augmente. Elle compte aujourd’hui 208 agents pour des opérations et des sanctions d’un montant de 1,4 milliard d’euros.

M. Charles Fournier (EcoS). Nous nous opposons à cet article. En quoi le relèvement des seuils et l’affaiblissement des protections en matière de concurrence, qui ne sont une facilitation que pour les chefs d’entreprise, constituent-ils une simplification ? C’est là, d’ailleurs, l’ambiguïté constante de votre texte.

M. Matthias Renault (RN). Nous sommes pour ces amendements de suppression, qui sont finalement très libéraux : l’Autorité de la concurrence est, dans tout le monde anglo-saxon, celle qui est le plus fortement défendue car elle veille à favoriser une concurrence pure et parfaite et à éviter les distorsions dues à des fusions parfois artificielles. Je ne vois donc pas quelle simplification apporter l’article. Il faut, au demeurant, augmenter les moyens de cette autorité, dont les 200 agents rapportent 1 à 2 milliards d’euros par an et qui est donc l’une des rares administrations qui rapportent aux finances publiques.

M. Emmanuel Maurel (GDR). Cet amendement ne vise en rien à sacraliser les décisions l’Autorité de la concurrence, mais à s’interroger sur la simplification apportée par cet article. Compte tenu des chiffres d’affaires dont nous parlons, qui sont généralement de plusieurs millions d’euros, il ne concerne pas des PME, mais presque exclusivement des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et des très grandes entreprises. Par ailleurs, si les projets de concentration ont augmenté, ce n’est pas à cause des seuils ni de l’inflation. Enfin, sur les 2 500 projets de concentration notifiés à l’Autorité de la concurrence, on ne dénombre que deux interdictions, soit 0,007 %. Nous ne voyons donc pas bien le sens de cet article, que nous proposons, dans un esprit constructif et de simplification, de supprimer.

M. Charles Alloncle (UDR). À la différence de M. Renault, je pense que l’article apporte une simplification, puisque tout relèvement de seuil se traduit par des démarches, de la paperasse et des obligations en moins pour les services juridiques de nos entreprises.

Pour reprendre une plaisanterie très juste, les États-Unis ont les Gafam, la Chine les BATX, et nous… le RGPD ! Autrement dit, nous avons des réglementations, mais pas de champions technologiques français et européens. L’UDR est favorable à tout ce qui peut encourager à la concentration pour faire émerger des champions, avoir du poids et exister face aux géants numériques et technologiques, en nous libérant d’un certain nombre d’obligations. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je propose, avec l’amendement CS1165, qui suit, un relèvement des seuils à 100 % au lieu de 66 %.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Ces seuils n’ont pas été relevés depuis 2004, c’est-à-dire depuis vingt ans. Or, sur cette période, les flux et la valeur de nos entreprises ont changé.

Il ressort de l’analyse effectuée que 378 opérations de concentration n’auraient pas été notifiées à l’Autorité de la concurrence entre 2018 et 2022 – ce qui est peu –, dont 309 ont abouti à une décision simplifiée. L’impact en nombre d’opérations n’est donc pas important.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS1165 de M. Charles Alloncle et CS1100 de M. Emmanuel Maurel (discussion commune)

M. Charles Alloncle (UDR). Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer l’amendement CS1165 vise à porter le seuil de 66 % à 100 %.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS744 de M. David Taupiac

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Cet amendement entend doter l’Autorité de la concurrence de la capacité à se saisir de certaines opérations de concentration inférieures aux seuils usuels dans les secteurs stratégiques et innovants.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’introduction de cette disposition dans le code de commerce n’est pas forcément une mesure de simplification, puisqu’elle ajoute un mécanisme de contrôle des entreprises. Par ailleurs l’Autorité de la concurrence a mené une consultation qui s’est clôturée le 16 février dernier et dont nous n’avons pas encore le retour. Je demande donc plutôt le retrait de l’amendement, afin de pouvoir profiter des éléments que nous fournira cette consultation pour objectiver des données. À défaut, avis défavorable.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Disposerons-nous de ces éléments d’ici à l’examen du texte en séance publique ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je ne pense pas. En tout cas, je ne peux pas vous le garantir.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Monsieur le rapporteur, vous êtes en charge d’un texte de simplification de la vie économique. Or à l’évidence, cette disposition la complexifie.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Nous sommes opposés à cet amendement, qui va à l’encontre de l’objectif de simplification. Qui plus est, l’exemple du numérique est mal choisi car c’est précisément un secteur qui a besoin de concentration, comme le disait tout à l’heure Charles Alloncle. MM. Breton et Macron expliquent que nous devons créer des Google et des Amazon européens mais, avec les règles de concentration actuelles, c’est impossible. Une autosaisine de l’Autorité de la concurrence va à l’encontre de tous les objectifs que nous devons nous donner, en particulier pour le numérique.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Madame Blin, je suis rapporteur, mais aussi député d’un groupe parlementaire. Ce n’est pas en tant que rapporteur que j’ai pris la parole, mais pour défendre un amendement de M. Taupiac.

Monsieur Lopez-Liguori, Mme la ministre a rappelé qu’il n’y a pas eu de réévaluation depuis vingt ans. J’étais favorable à cette réévaluation, qu’il convenait toutefois de limiter au maximum dans certains secteurs stratégiques.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 8 non modifié.

Article 8 bis (nouveau) (art. L. 631-14 du code de commerce) : Possibilité de résiliation anticipée des contrats de sous-traitance par l’entrepreneur lorsque le sous-traitant est en redressement judiciaire

Amendements de suppression CS1418 de M. Christophe Naegelen et CS219 de Mme Claire Lejeune

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je propose de supprimer cet article pour plusieurs raisons. La réduction du délai d’option contribue à diminuer les chances de redressement des entreprises sous-traitantes, alors que la loi prévoit déjà la possibilité de résilier des contrats de manière anticipée, à la demande de l’administrateur et sur décision du juge-commissaire.

Cet article pose en outre un problème de cohérence, car il vise seulement les procédures de redressement et ne concerne pas celles de sauvegarde.

Enfin, contrairement à ce qui a été dit au Sénat, l’administrateur sommé de prendre position sur la poursuite du contrat de sous-traitance ne pourra pas pourvoir au remplacement du sous-traitant défaillant.

Je propose donc de supprimer cet article qui met un coup de pelle à quelqu’un qui est déjà à terre au lieu de l’aider à se relever.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). En ramenant à quinze jours le délai de mise en demeure, on va fragiliser davantage des sous-traitants, qui sont souvent des petites entreprises. L’avantage en matière de simplification est inférieur aux dommages auxquels on expose ces entreprises. C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet article.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis favorable.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Ce n’est pas parce qu’une entreprise est placée en redressement judiciaire qu’elle ne peut pas honorer ses engagements contractuels. Cet article ne ferait que la fragiliser davantage alors qu’elle fait face à une situation difficile. Nous voterons donc pour ces amendements de bon sens.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 8 bis est supprimé.

TITRE V
FACILITER ET SÉCURISER LE RÈGLEMENT DES LITIGES

Chapitre Ier
Élargir les dispositifs non-juridictionnels de règlement des litiges

Article 9 (art. L. 421-1, L. 421-2 [nouveau], L. 552‑12, L. 562‑12 et L. 575‑1 du code des relations entre le public et l’administration, art. L. 217‑7‑1 du code de la sécurité sociale, art. L. 146‑10 du code de l’action sociale et des familles, art. L. 127‑4 du code des assurances, art. L. 224‑4 du code de la mutualité) : Généraliser les dispositifs de médiation à destination du public au sein de l’administration

Amendement de suppression CS220 de Mme Sandrine Nosbé

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Les personnes physiques et les personnes morales de droit privé peuvent engager une procédure de conciliation ou de médiation afin de régler à l’amiable un différend avec l’administration avant l’engagement d’une procédure juridictionnelle. En outre, le juge administratif peut décider de lui-même de recourir aux services d’un médiateur après l’enregistrement d’un recours.

Nous sommes en principe favorables aux modes alternatifs de règlement de litiges, mais il faut rester vigilants car le médiateur n’est pas un juge. De plus, à la différence de la conciliation, la médiation est payante. Faute d’aide publique, seules les parties qui peuvent se le permettre pourraient donc y avoir recours.

En réalité, cet article ne rend pas la médiation plus accessible pour les personnes physiques et les petites entreprises.

Enfin, depuis 2011, le Défenseur des droits peut être saisi au titre de ses prérogatives en matière de médiation et est compétent pour les litiges opposant les administrations aux entreprises. Or il n’est pas mentionné, alors même qu’il constitue l’instance de médiation la plus importante et, surtout, qu’il présente des garanties d’indépendance sans équivalent.

Cet article crée un véritable déséquilibre entre les différentes formes de médiation. C’est la raison pour laquelle nous en demandons la suppression.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Demande de retrait au profit des amendements CS246, CS265 et CS1201 à venir, qui précisent l’articulation entre le dispositif de cet article et les compétences du Défenseur des droits. Ces amendements étendent par ailleurs le principe d’interruption des délais de recours contentieux lorsque le Défenseur des droits intervient en médiation.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Le recours à la médiation est plébiscité parce qu’il est rapide et garantit la confidentialité, mais c’est au détriment de la transparence et de la sécurité procédurale. C’est d’autant plus un problème que l’on peut recourir à la médiation dans des domaines extrêmement sensibles.

Il n’est pas du tout certain que la médiation fasse progresser la simplification, comme l’a montré le juriste Arnaud Gossement dans son très bon article sur le droit de l’environnement, intitulé « La médiation au risque de la complexité ». Ce dispositif pourrait donc avoir des effets négatifs sur la simplification de la vie économique.

M. Charles Fournier (EcoS). Nous sommes plutôt en désaccord avec l’amendement de suppression. La médiation est une procédure utile, mais elle mériterait d’être mieux encadrée grâce à une loi spécifique – ne serait-ce que pour préciser les conditions de nomination et d’indépendance du médiateur ainsi que ses pouvoirs.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS246 de Mme Louise Morel, CS265 de Mme Manon Meunier et CS1201 de Mme Marietta Karamanli

Mme Louise Morel (Dem). Cet amendement propose de mieux encadrer la médiation en précisant le rôle du Défenseur des droits.

D’une part, la mise à disposition d’un médiateur par l’administration ne doit pas être exclusive de la faculté de saisir le Défenseur des droits, prévue dans la loi organique et par le code des relations du public avec l’administration.

D’autre part, l’effet interruptif de la médiation sur les délais de recours contentieux doit s’appliquer quel que soit le médiateur sollicité par le public pour tenter de résoudre son différend avec l’administration.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous nous étonnons en effet que ce projet ne mentionne pas le Défenseur des droits, et la titulaire de cette fonction nous a alertés sur les risques de déséquilibre que faisait courir l’article 9.

Nous proposons donc de mentionner cette autorité afin que chacun puisse bénéficier de la médiation qu’elle peut offrir, avec des garanties procédurales au moins équivalentes à celles dont bénéficient celles qui ont recours à d’autres dispositifs de médiation.

Mme Valérie Rossi (SOC). L’amendement CS1201 vise à assurer la coordination entre les fonctions assignées par la Constitution au Défenseur des droits, autorité administrative indépendante essentielle, et les dispositions du présent article – dont nous soutenons les objectifs.

Du fait de sa compétence généraliste, le Défenseur des droits doit offrir aux personnes qui le saisissent des garanties procédurales au moins équivalentes à celles dont bénéficient celles qui ont recours à d’autres dispositifs de médiation. La mise à disposition d’un médiateur par l’administration ne doit pas empêcher de saisir le Défenseur des droits.

De même, l’effet interruptif de la médiation sur les délais de recours contentieux doit s’appliquer quel que soit le médiateur sollicité pour résoudre le différend avec l’administration.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’amendement de précision CS1427 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.

Amendements identiques CS48 de M. Fabrice Brun et CS216 de M. Vincent Rolland

Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement CS48 vise à promouvoir le recours au règlement amiable des différends entre les entreprises et les administrations, qui n’est pas encore suffisamment développé.

Actuellement, lorsque l’État passe un marché public et rencontre une difficulté en cours d’exécution avec l’entreprise titulaire, un comité ministériel de transaction peut rendre un avis, sur le principe du recours à la transaction et sur son montant. Cet avis est obligatoire lorsque le litige dépasse 500 000 euros. Ce dispositif prévu par la loi pour un État au service d’une société de confiance (loi dite « Essoc ») rend en pratique les transactions souvent impossibles.

Cet amendement vise donc à supprimer ces comités pour relancer le règlement amiable des différends, objectif initial de cette réforme, offrant ainsi aux parties prenantes l’opportunité de s’engager dans un processus de coopération sans recourir aux tribunaux.

M. Vincent Rolland (DR). Cet amendement s’inscrit parfaitement dans l’esprit du texte. Il vise à alléger les procédures, notamment judiciaires, et à favoriser les modes de règlement amiable des différends.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Lors des auditions, cette modification a été soutenue par la Fédération nationale des travaux publics.

Je ne suis pas en mesure d’évaluer à quel point la suppression de l’avis du comité ministériel de transaction conduirait à affaiblir les capacités d’expertise de l’État. Je ne suis pas certain que cette suppression soit une mesure de simplification. Au contraire, elle pourrait inciter les administrations à ne plus recourir à la transaction. Sagesse.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Le comité ministériel de transaction présente un double intérêt. Tout d’abord, il assure une instruction rigoureuse et approfondie de tous les dossiers portant sur un montant supérieur à 500 000 euros, lesquels donnent lieu à un avis écrit et signé. Ensuite, lorsque le signataire d’une transaction suit cet avis, sa responsabilité personnelle ne peut pas être engagée. C’est donc une protection.

La suppression de ce comité accroîtrait la complexité en limitant les garanties dont on peut bénéficier lorsque l’on s’engage dans une démarche de transaction. Son avis ne se substitue pas à la transaction, mais il permet d’apporter des éléments étayés qui la rendent possible. Avis défavorable.

M. Gérard Leseul (SOC). Voilà un comité peu connu qui n’a pas été supprimé lors de la folle soirée d’hier…

La commission rejette les amendements.

Elle adopte les amendements de coordination CS1428, CS1429 et CS1426 ainsi que l’amendement rédactionnel CS1469 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.

La commission adopte l’article 9 modifié.

Après l’article 9

Amendement CS1171 de M. Charles Alloncle

M. Charles Alloncle (UDR). Nous sommes tous d’accord avec la ministre déléguée pour dire que ce projet n’est pas le grand soir de la simplification. Il n’y a pas grand-chose pour lutter contre la bureaucratie et pour diminuer le stock de normes.

J’ai consulté beaucoup de chefs d’entreprise dans ma circonscription et tous m’ont alerté sur une question que nous n’avons pas abordée : celle des rapports avec l’Urssaf, qu’ils jugent beaucoup trop rigide et répressive, et absolument pas encline à accompagner et conseiller – contrairement à la direction générale des finances publiques qui, de ce point de vue, fait plutôt du bon travail.

Le pic des défaillances d’entreprises n’est pas encore arrivé : on atteindra probablement les 68 000 l’année prochaine. Beaucoup de TPE-PME en sont victimes pour des raisons de lissage de trésorerie et de délais de paiement, et l’Urssaf vient les pénaliser encore plus.

Cet amendement propose d’aider les entreprises de moins de 50 salariés en prévoyant une phase de médiation préalable de trente jours, en cas de retard ou d’irrégularité de paiement des charges sociales. Je pense que cela peut rétablir un lien de confiance entre l’Urssaf et les TPE-PME utile dans un contexte d’augmentation du nombre de défaillances. Cela constituerait également une mesure de simplification, objet du présent texte.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il existe déjà un dispositif de médiation au sein de l’Urssaf. Son activité est importante, avec 12 361 demandes en 2023, en forte augmentation par rapport à 2022, et le taux de réussite est de 87 % pour les médiations recevables.

Le délai moyen d’analyse de la recevabilité des dossiers est de trois jours et celui de traitement des demandes recevables est de trente-deux jours, ce qui est très correct.

En outre, votre amendement prévoit une saisine systématique, ce qui ne va pas dans le sens de la simplification.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Les relations entre l’Urssaf et les entreprises se sont beaucoup fluidifiées. L’instauration de cette phase de médiation obligatoire ne paraît pas nécessaire puisque la loi Essoc comprend déjà un certain nombre de mesures relatives au recouvrement des cotisations sociales.

Ensuite, depuis 2020, un redevable qui dépasse la date de paiement de ses cotisations dispose de trente jours pour s’en acquitter ou pour demander un délai de paiement. S’il le respecte, les majorations de retard ne sont pas applicables – dès lors qu’il s’agit du premier retard de paiement depuis vingt-quatre mois et que le montant des majorations ne dépasse pas 3 925 euros.

Enfin, les cotisants peuvent toujours solliciter un délai de paiement.

Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Taite (DR). Il est en effet possible de discuter avec l’Urssaf et des aménagements sont prévus en cas de difficultés de paiement. Nous voterons contre cet amendement.

M. Charles Alloncle (UDR). Madame la ministre déléguée, monsieur le rapporteur, ce projet étant en quelque sorte l’acte I de la simplification, que prévoyez-vous par la suite pour apaiser les relations tendues entre l’Urssaf et les TPE-PME ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Ces relations se sont améliorées et fluidifiées depuis plusieurs années, et je ne suis pas la seule à le constater. L’Urssaf est véritablement entrée dans une culture de confiance et de discussion. J’invite donc les entreprises qui rencontrent des difficultés à saisir les Urssaf et à solliciter des délais de paiement. Je vous assure qu’ils sont accordés.

La commission rejette l’amendement.

Article 10 (art. L. 574-5 du code monétaire et financier, art. L. 821-6 et L. 822-40 du code de commerce) : Modification de dispositions pénales applicables aux chefs d’entreprise

Amendements de suppression CS221 de Mme Manon Meunier et CS820 de Mme Lisa Belluco

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous ne comprenons pas ce qui motive cet article, en particulier s’agissant de la suppression du délit d’entrave à l’audit de durabilité. Si l’on supprime ce délit et que l’on empêche ainsi le commissaire enquêteur d’accéder à des informations nécessaires à son travail, ces audits deviendront complètement inefficaces. Or l’un de leurs objectifs est de favoriser les investissements en faveur des entreprises qui respectent l’environnement, la biodiversité et des valeurs sociales. Vous allez désorienter les investisseurs. Le Conseil d’État a en outre pointé l’insuffisance de l’étude d’impact fournie par le gouvernement.

Par ailleurs, en revenant sur une mesure qui vient d’être transcrite dans notre droit, on ajoute de la complexité.

J’insiste sur le fait que l’audit de durabilité concerne uniquement les entreprises dont le bilan est supérieur à 25 millions d’euros ou dont le chiffre d’affaires dépasse 50 millions, ou celles qui ont un effectif moyen de plus de 250 salariés. Ce ne sont pas du tout des TPE-PME.

Si l’on veut que les entreprises s’engagent dans la transition écologique, il faut maintenir des audits de durabilité efficaces.

Mme Julie Ozenne (EcoS). Notre groupe s’oppose à cet article pour trois raisons.

Premièrement, remplacer la peine de prison par une amende en cas de manquement aux obligations de déclaration des bénéficiaires effectifs n’est pas acceptable. Pour des raisons fiscales, pénales et judiciaires, nous avons besoin de savoir qui est derrière une société, et nous devons donc sanctionner les personnes qui font obstacle à cette transparence.

Deuxièmement, l’amende qui remplacerait la peine de prison est certes élevée, mais il faut la rendre plus dissuasive en la proportionnant à la taille de l’entreprise.

Troisièmement, cet article supprime le délit d’entrave qui consiste à porter atteinte à la mise en place et au bon de déroulement d’une mission d’audit de durabilité. Des personnes qui refuseraient de dire quelles sont les conséquences sociales et environnementales de l’activité de leur entreprise ne seraient plus sanctionnées. Dès lors, qu’est-ce qui inciterait les autres à faire ce travail ?

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable. Sur les cinq affaires qui ont donné lieu à des condamnations entre 2019 et 2022, aucune peine de prison n’a été prononcée. Supprimer la peine d’emprisonnement en cas de non-déclaration des bénéficiaires effectifs est justifié, car une telle sanction est disproportionnée et inadaptée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’article a deux objets. D’une part, il supprime la peine de prison en cas de manquement aux obligations déclaratives relatives aux bénéficiaires effectifs. D’autre part, il abroge le délit d’entrave qui consiste à faire obstruction aux vérifications ou aux contrôles des auditeurs de durabilité.

Le gouvernement est favorable à la suppression de la peine de prison, mais il souhaite que le montant des amendes soit réévalué. Avis défavorable.

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous sommes évidemment favorables à la suppression de cet article.

Comme cela a été souligné lors des débats sur la répression du trafic de drogue, il est évident que prévoir une peine de prison a un effet dissuasif et décourage les gens de faire des choses répréhensibles. Si peu de peines d’emprisonnement ont été prononcées pour sanctionner des non-déclarations, cela ne signifie pas pour autant que le dispositif n’est pas dissuasif. Remplacer la peine de prison par une amende qui, en outre, n’est pas proportionnée reviendrait en fait à supprimer le délit.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS822 de Mme Lisa Belluco, CS533 de M. Ian Boucard, CS49 de M. Fabrice Brun, CS717 de M. Nicolas Meizonnet, CS276 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CS1140 de M. Nicolas Bonnet (discussion commune)

M. Charles Fournier (EcoS). Hendrik Davi a bien montré l’incohérence de certaines argumentations. Nous parlons de grandes entreprises qui commettent des délits d’entrave et qui ne respectent pas leurs obligations. Si l’on veut vraiment supprimer la peine d’emprisonnement, il faut au moins s’assurer que l’amende sera proportionnée, sans quoi elle sera totalement inefficace. Ce n’est peut-être pas la meilleure des voies, mais l’amendement CS822 propose de tenir compte du chiffre d’affaires de l’entreprise pour fixer le montant de l’amende.

M. Guillaume Lepers (DR). L’amendement CS533 vise à maintenir le régime de sanctions financières actuellement applicable aux chefs d’entreprise en cas d’absence de transmission ou de transmission erronée des informations relatives aux bénéficiaires effectifs.

L’article 10 prévoit en effet de porter l’amende de 7 500 à 200 000 euros, soit une multiplication par 26. Cette hausse est disproportionnée, notamment lorsque les erreurs sont involontaires. Il convient de revenir à un dispositif plus équilibré.

M. Fabrice Brun (DR). Mon amendement propose de modifier le régime de sanctions pénales auxquelles peuvent être soumis les chefs d’entreprise en réduisant le montant de l’amende prévue en cas de défaut de mention du bénéficiaire effectif.

M. Thierry Tesson (RN). Notre groupe considère que le montant prévu pour l’amende est trop élevé, notamment lorsqu’il s’agit d’entreprises dont la situation économique n’est pas favorable. Aussi l’amendement CS717 propose-t-il de ramener ce montant à 50 000 euros.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Puisque la peine de prison serait supprimée, notre amendement de repli propose d’augmenter l’amende afin de la rendre suffisamment dissuasive.

Le texte du gouvernement prévoyait 250 000 euros, montant qui a été ramené à 200 000 euros par la droite sénatoriale. Nous proposons de le porter à 300 000 euros, faute de quoi l’on fera encore un cadeau aux grandes entreprises.

Je rappelle que l’obligation de mentionner les bénéficiaires effectifs fait partie des mesures destinées à lutter contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme, ce qui n’est pas rien. L’argument selon lequel on punirait de simples oublis dus à la méconnaissance des normes est fallacieux, car ce type d’erreur est la plupart du temps régularisé si l’on en fait la demande au tribunal de commerce. En outre, la loi Essoc a institué un droit à l’erreur qui permet aux entreprises de ne pas risquer de sanction lors du premier manquement à une obligation déclarative.

Selon les données disponibles en 2020, lorsque ce délit est constaté, les amendes sont en moyenne comprises entre 400 et 510 euros – des montants ridicules étant donné les enjeux. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’augmenter l’amende.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Initialement, le projet de loi prévoyait une amende de 250 000 euros pour une personne physique et le quintuple pour une personne morale. Ce montant avait été déterminé à la suite de comparaisons internationales s’appuyant notamment sur les travaux du Groupe d’action financière (GAFI), qui est une organisation intergouvernementale de surveillance du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.

Le Sénat a ramené ce montant à 200 000 euros pour deux raisons. D’une part, le montant initial paraissait trop élevé au regard de certaines autres peines prévues par le code monétaire et financier. D’autre part, le seul autre pays avec le Luxembourg qui ne prévoit pas de peine d’emprisonnement est l’Autriche, et l’amende y est fixée à 200 000 euros.

Je suis donc favorable à la suppression de la peine d’emprisonnement et au maintien d’une amende de 200 000 euros, qui est suffisamment dissuasive.

Avis défavorable à l’ensemble des amendements.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Ces amendements proposent des montants d’amende très différents, allant de 7 500 euros à un pourcentage du chiffre d’affaires.

Je suis favorable à la suppression de la peine d’emprisonnement, mais il faut maintenir une sanction pour les cas où l’obligation ne serait pas respectée. Je rappelle que le chiffre qui sera inscrit est un maximum, et qu’il appartiendra au juge de fixer le montant précis.

Je suis favorable à l’amendement CS1140 qui rétablit le montant de l’amende à 250 000 euros, ce qui est un juste équilibre. Avis défavorable à tous les autres amendements.

La commission rejette successivement les amendements CS822, CS533, CS49, CS717 et CS276.

Elle adopte l’amendement CS1140.

Amendement CS50 de M. Fabrice Brun

M. Fabrice Brun (DR). Il vise à préciser le critère d’inexactitude en ajoutant les mots « de façon volontaire », pour améliorer la protection des dirigeants d’entreprise et mieux cibler les manquements.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il est déjà satisfait par l’article 121‑3 du code pénal, selon lequel « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Même avis. Tout délit est intentionnel. Les irrégularités et les erreurs ne sont pas constitutives d’un délit.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement de coordination CS1430 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.

Amendement CS266 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Par cet amendement de repli, nous proposons de rétablir le délit d’entrave à l’audit de durabilité, que l’article 10 tend  à supprimer. Nous avons bien compris que les sanctions seront maintenues, mais cela ne compense pas la suppression du délit d’entrave à la réalisation de l’audit de durabilité. Sanctionner celui qui ne fournit pas cet audit est une chose, sanctionner le délit consistant à y faire entrave en est une autre.

Nous voulons que les travaux des commissaires se déroulent dans de bonnes conditions. Nous voulons notamment qu’ils aient accès à tous les documents nécessaires à la rédaction de leur rapport, afin que celui-ci soit aussi exhaustif et éclairant que possible pour les investisseurs potentiels.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis défavorable. L’ordonnance du 12 mars dernier modifiant le régime des nullités en droit des sociétés prévoit des sanctions alternatives. Je suis fermement opposée à la pénalisation des situations visées.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Supprimer le délit d’entrave à l’audit de durabilité est grave. Dorénavant, lorsqu’un commissaire aux comptes ou un auditeur indépendant demandera à une entreprise de prouver ses déclarations en matière de risques sociaux – conditions de travail, respect des droits – ou environnementaux – pollution, atteinte à la biodiversité –, il n’aura tout simplement pas accès à de nombreux documents.

Cette disposition soulève la question des motivations réelles du présent projet de loi. Ses défenseurs prétendent que la simplification annoncée bénéficie aux TPE, mais il s’agit en réalité d’un cadeau supplémentaire aux très grandes entreprises. Elles sont en effet les seules soumises aux obligations déclaratives introduites par la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD), obligations dont fait partie l’audit de durabilité.

Dorénavant, les plus gros pollueurs pourront polluer tranquillement tout en refusant de fournir les documents adéquats. C’est un vrai problème. Au demeurant, le Conseil d’État considère que l’étude d’impact du projet de loi est insuffisante sur ce point, en raison notamment du caractère récent de l’audit de durabilité. Ayons la sagesse de l’écouter.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS718 de M. Nicolas Meizonnet

M. Thierry Tesson (RN). Il vise à supprimer l’obligation d’examen de la déclaration de performance extra-financière (DPEF) par un organisme tiers indépendant. La directive CSRD ne demande pas le recours à un cabinet d’audit. Une fois encore, la France surtranspose une directive européenne, ce qui en l’espèce a pour effet d’exposer les entreprises à de lourdes sanctions. Le contrôle des DPEF pourrait être confié à l’État.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Le dispositif de l’amendement ne correspond pas à son exposé sommaire : il tend à supprimer des précisions relatives au contenu du plan de vigilance que doivent adopter certaines entreprises. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Les dispositions relatives à la DPEF ont évolué depuis le 31 janvier 2025. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1305 de Mme Olivia Grégoire

Mme Annaïg Le Meur (EPR). Il vise à supprimer la peine d’emprisonnement de six mois prévue pour un chef d’entreprise qui aurait omis de soumettre à l’approbation de l’assemblée générale ordinaire les comptes annuels et le rapport de gestion. Cette sanction nous semble disproportionnée et dissuasive, notamment dans les TPE-PME, en matière de prise de responsabilités et d’appétence pour l’entrepreneuriat.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Sagesse.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Vous proposez de supprimer les peines d’emprisonnement pour défaut de convocation et de soumission des comptes à l’assemblée générale, tout en conservant les amendes afférentes, dont le montant est plafonné à 9 000 euros. Vous maintenez aussi la caractérisation pénale des faits, qui restent délictuels. Je pense que l’on pourrait aller plus loin et faire complètement disparaître ce caractère pénal, qui induit une inscription au casier judiciaire. Sagesse.

M. Gérard Leseul (SOC). En somme, ne pas déposer ses comptes au greffe est passible d’une amende de 1 500 euros, et ne pas convoquer l’assemblée générale d’approbation des comptes d’une amende de 9 000 euros. Soyons sérieux ! Nous avons besoin de transparence. Les actionnaires ont besoin de transparence, les sociétaires ont besoin de transparence, les clients ont besoin de transparence, les fournisseurs ont besoin de transparence, les services fiscaux ont besoin de transparence. Nous avons besoin de comptes régulièrement approuvés en assemblée générale et déposés au greffe.

Toutes les dispositions que nous examinons depuis le début de cette réunion visent à minimiser les contraintes. Pourtant, vous avez reconnu que de nombreuses entreprises ne déposent pas leurs comptes au greffe. Un minimum de coercition est nécessaire, ce qui suppose des amendes suffisamment importantes pour qui ne respecte pas la loi.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS1307 de Mme Olivia Grégoire

Mme Annaïg Le Meur (EPR). Dans le même esprit, il vise à supprimer la peine de deux ans d’emprisonnement si les documents relatifs au rapport de gestion comportent des omissions.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Sagesse.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Sagesse.

M. Charles Fournier (EcoS). Inscrire des peines d’emprisonnement dans la loi a un effet dissuasif. Personne n’a jamais été emprisonné pour avoir omis des documents relatifs au rapport de gestion, mais en supprimer la possibilité en cas d’omission volontaire démontre qu’il y a deux poids, deux mesures. Selon les sujets, on alourdit les peines ou on dépénalise. J’ignore qui a demandé une telle modification, dont je ne vois pas l’intérêt du point de vue de la simplification.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Les chefs d’entreprise assument de plus en plus de responsabilités, et encourent de plus en plus de sanctions prévues à leur encontre par le code pénal. Il est nécessaire de réfléchir à une large dépénalisation, d’autant qu’en l’espèce, les omissions peuvent être totalement involontaires.

De surcroît, ces sanctions introduisent une distorsion de concurrence entre les grandes entreprises, qui le plus souvent ont des services chargés de ces démarches, et les TPE-PME, voire les ETI, qui n’en ont pas.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CS86 de M. Vincent Rolland, CS181 de Mme Josiane Corneloup, CS292 de Mme Anne-Laure Blin, CS750 de M. Guillaume Lepers, CS1066 de M. Sébastien Huyghe et CS1312 de Mme Olivia Grégoire

M. Vincent Rolland (DR). L’une des dispositions de l’ordonnance de transposition du 6 décembre 2023 surtranspose la directive CSRD. Celle-ci prévoit la désignation d’un vérificateur de durabilité, quand l’ordonnance en pénalise l’absence. Nous proposons de supprimer cette disposition.

Mme Josiane Corneloup (DR). C’est une démarche de simplification des normes applicables aux entreprises.

Mme Anne-Laure Blin (DR). La surtransposition des textes européens est un vrai problème.

M. Guillaume Lepers (DR). L’idée est également de ne pas faire de surtransposition.

M. Sébastien Huyghe (EPR). La directive CSRD ne prévoit effectivement aucune sanction pénale.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis favorable.

M. Gérard Leseul (SOC). Apparemment, nos collègues ont découvert un mot magique : surtransposition.

Vous appelez surtransposition chaque disposition adoptée pour rendre applicable une mesure visée par vos amendements de détricotage. Il ne s’agit pas d’une surtransposition, mais d’une disposition adoptée dans le but de faire appliquer la loi, parce que nous considérons qu’elle doit l’être de cette façon. « Surtransposition » n’est pas un gros mot.

La commission adopte les amendements.

Amendement CS1313 de Mme Olivia Grégoire

Mme Annaïg Le Meur (EPR). La menace de sanctions pénales est particulièrement pesante pour les entrepreneurs, qui ne sont pas toujours informés des normes en vigueur. Le présent amendement vise à supprimer la sanction d’emprisonnement en cas d’omission de la désignation d’un organisme tiers indépendant qui devrait certifier les informations en matière de durabilité.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je suggère un retrait au profit des amendements identiques CS87, CS179, CS298, CS1067 et CS1321.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Demande de retrait également.

L’amendement est retiré.

Amendement CS923 de M. Charles Fournier

M. Hendrik Davi (EcoS). Cet amendement vise à conserver la sanction pénale relative à une absence ou une insuffisance de la déclaration des bénéficiaires effectifs au registre du commerce et des sociétés. D’après des informations publiées hier par Mediapart et aujourd’hui par Marsactu, ArcelorMittal s’est rendu coupable de manquements délictueux en matière de pollution à Fos-sur-mer. Ces enquêtes ont pu être menées car l’accès aux documents est prévu par la loi. La menace de sanction pénale, incluant la possibilité d’être emprisonné, permet d’obtenir des informations.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur et du gouvernement, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS1202 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement de repli remplace, s’agissant des délités d’entrave à l’audit de durabilité, la peine d’emprisonnement et l’amende de 75 000 euros par une seule amende de 750 000 euros, soit un montant réellement dissuasif.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur et du gouvernement, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS87 de M. Vincent Rolland, CS179 de Mme Josiane Corneloup, CS298 de Mme Anne-Laure Blin, CS1067 de M. Sébastien Huyghe et CS1321 de M. Nicolas Meizonnet

M. Vincent Rolland (DR). L’ordonnance de transposition de la directive CSRD introduit un délit d’entrave aux vérifications de durabilité, puni de peines d’emprisonnement et d’une amende. Le texte européen ne prévoit rien de tel. Nous proposons de supprimer cette disposition.

Mme Josiane Corneloup (DR). C’est une démarche de simplification des normes pour les entreprises.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Nous luttons contre les surtranspositions dont j’informe notre collègue Leseul qu’elles ont fait perdre 70 % de parts de marché à notre agriculture, notamment en augmentant les charges et en rendant coût de la main-d’œuvre trois fois plus élevé que ce qu’il est en Pologne et 1,5 fois que ce qu’il est en Espagne. Les surtranpositions, cela sape nos filières.

M. Thierry Tesson (RN). Nous nous opposons nous aussi aux surtranspositions.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis favorable.

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous ne voterons pas ces amendements. Ce débat sur les surtranspositions est surréaliste. Rien n’interdit au législateur français d’aller plus loin que les directives européennes pour protéger les citoyens. On ne peut pas placer toutes les transpositions de textes européens sur le même plan. Il faut les analyser au cas par cas, non les ranger toutes sous le vocable « surtransposition ».

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’amendement de coordination CS1431 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.

Amendement CS1280 de Mme Olivia Grégoire

M. Stéphane Travert (EPR). Cet amendement supprime la peine  d’emprisonnement visant l’absence de remise du formulaire type de rétractation ou la fourniture d’un formulaire non conforme.

Suivant l’avis favorable du rapporteur et du gouvernement, la commission adopte l’amendement.

Amendement CS1299 de Mme Olivia Grégoire

M. Stéphane Travert (EPR). Selon le code de la consommation, le professionnel doit proposer au consommateur un délai de rétractation et, à défaut, il peut être condamné à une peine d’emprisonnement de deux ans. Cette peine nous semble disproportionnée et particulièrement préjudiciable aux TPE-PME. Nous proposons de la supprimer, en conservant l’amende.

Suivant l’avis favorable du rapporteur et du gouvernement, la commission adopte l’amendement.

Amendement CS785 de M. Thomas Lam

Mme Béatrice Bellamy (HOR). L’article 10 vise à adapter les régimes de sanctions pénales applicables aux chefs d’entreprise en dépénalisant certaines infractions. Il ne distingue pas les erreurs involontaires des actes délibérés. En précisant que seules les erreurs commises de façon volontaire seront sanctionnées, le présent amendement améliore la protection des dirigeants d’entreprise contre des pénalités excessives et cible les fraudes intentionnelles.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je rappelle les dispositions de l’article 121-3 du code pénal : « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Demande de retrait ou avis défavorable, car votre amendement est satisfait.

L’amendement est retiré.

Amendements CS1317, CS1318, CS1320 et CS1319 de Mme Olivia Grégoire

Mme Annaïg Le Meur (EPR). L’amendement CS1317 vise à supprimer la peine d’emprisonnement de cinq ans prévue si un chef d’entreprise fait procéder à des traitements de données à caractère personnel sans respecter les formalités préalables de mise en œuvre.

Le CS1318 vise à supprimer les peines d’emprisonnement prévues en cas de non-respect de la réglementation relative aux données personnelles s’il résulte d’une imprudence ou d’une négligence.

Le CS1320 vise à supprimer les peines d’emprisonnement prévues si un chef d’entreprise se soustrait à ses obligations relatives à la convocation des parties à la négociation sur la rémunération, le temps de travail, la valeur ajoutée dans les entreprises et l’égalité professionnelle.

Enfin, l’amendement CS1319 vise à supprimer la peine d’emprisonnement en cas d’atteinte ou de tentative d’atteinte à la constitution ou à la libre désignation des membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

Dans tous ces amendements, les amendes sont conservées.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je donne un avis défavorable aux deux premiers amendements. La répression des délits relatifs au traitement des données à caractère personnel s’inscrit dans le cadre du règlement général sur la protection des données (RGPD). De surcroît, elle ne vise pas uniquement les chefs d’entreprise, mais quiconque prête son concours à la violation des règles applicables en la matière.

Je suggère le retrait des amendements CS1320 et CS1319, ou émettrai un avis défavorable. Les dispositions relatives au dialogue social au sein de l’entreprise exigent la consultation des partenaires sociaux.

Mme Annaïg Le Meur (EPR). S’il est vrai que la répression des délits relatifs au traitement des données à caractère personnel s’inscrit dans le cadre du RGPD, son application aux entreprises, notamment aux TPE-PME, exige de la flexibilité. J’espère que les peines prononcées tiennent compte de la situation des chefs d’entreprise, parfois isolés dans leur pratique.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’article 10 modifié.

Après l’article 10

Amendement CS1295 de Mme Louise Morel

Mme Louise Morel (Dem). Il s’agit de créer un article relatif aux sociétés par actions simplifiées unipersonnelles (Sasu). L’article L. 561‑45‑1 du code monétaire et financier impose à de nombreuses entités l’obligation de déclarer leurs bénéficiaires effectifs afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Or les Sasu les identifient à leur création, puisque l’identité de l’associé unique figure dans leurs statuts et dans les registres légaux. Il nous semble donc opportun de simplifier le code monétaire et financier en exonérant les Sasu de cette obligation.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis défavorable. Le dirigeant d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ou d’une Sasu peut ne pas être l’associé unique, seul dans ce cas à connaître son identité. Par ailleurs, les obligations déclaratives relatives aux bénéficiaires effectifs relèvent du droit européen.

La commission rejette l’amendement.

Deuxième réunion du mardi 25 mars 2025 à 21 heures 30

Lien vidéo : https://assnat.fr/tHHV8C

Chapitre II
Simplifier et clarifier certaines formes de contrats (Division supprimée)

Avant l’article 11

Amendements identiques CS325 de Mme Danielle Brulebois et CS1203 de M. Laurent Lhardit

Mme Danielle Brulebois (EPR). L’amendement vise à faciliter la création des groupements momentanés d’entreprises (GME) – une organisation particulièrement adaptée aux petites entreprises – pour les marchés privés de moins de 100 000 euros. Actuellement, chaque entreprise du groupement est responsable devant le maître d’ouvrage dans les conditions et limites posées par les articles 1792 et suivants du code civil. Afin de lever ce frein, je propose de définir une absence de solidarité juridique entre cotraitants dans les contrats de travaux de moins de 100 000 euros en GME.

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement, travaillé avec la Capeb (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment), est identique à celui de Mme Brulebois.

M. Christophe Naegelen, rapporteur pour les titres Ier à VI. Demande de retrait, puisque vous proposez de rétablir le titre du chapitre II, qui a été vidé de son contenu.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Il nous faut en effet développer ce dispositif, qui permet le regroupement d’entreprises artisanales pour répondre à des offres. Les entreprises et les fédérations du bâtiment attendent cette amélioration. Avis favorable, même s’il y a, semble-t-il, un problème de forme.

La commission rejette les amendements.

Article 11 (supprimé) : Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour simplifier le droit des contrats spéciaux

La commission maintient la suppression de l’article 11.

Chapitre III
Simplifier et accélérer les procédures judiciaires

Avant l’article 12

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS1436 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.

Article 12 (art. L. 222-2-1, L. 222-5 et L. 511-2 du code de justice administrative) : Dispositions applicables aux magistrats honoraires et aux juges des référés

Amendement de suppression CS228 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Cet article vise à accélérer le traitement de certains contentieux devant les juridictions administratives, notamment le traitement des requêtes et des référés, sans traiter le problème de fond du manque de moyens. D’une part, il ouvre plus largement la possibilité pour les magistrats administratifs d’exercer les fonctions de juges des référés, en supprimant une condition de grade. L’avis du syndicat de la juridiction administrative (SJA) est sans appel : ce dispositif a été jugé comme un « palliatif insuffisant à la hausse tendancielle du contentieux que connaissent les juridictions administratives ».

D’autre part, cet article élargit considérablement les missions que peuvent exercer les magistrats honoraires au sein des tribunaux administratifs. Leur disponibilité étant très variable, cela ne peut constituer un modèle pérenne. Or aucun encadrement temporel n’est prévu.

Tout cela révèle une gestion précaire de la pénurie de fonctionnaires. Pour rappel, en 2022, la France ne comptait que 11,2 magistrats pour 100 000 habitants, contre une médiane de 17,6 pour les pays membres du Conseil de l’Europe. Nous demandons une réelle augmentation des effectifs, d’au moins le double des magistrats déjà en poste.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je ne conteste pas la nécessité de renforcer les moyens dans les juridictions administratives, mais l’article 12 permet utilement aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d’appel de traiter un nombre plus important de requêtes, au fond ou en référé, et de demandes d’exécution de décisions administratives. Il étend pour cela les fonctions que peuvent exercer les magistrats honoraires et supprime la condition de grade pour exercer les fonctions de juge des référés. Vous dites vous-même que le syndicat de la juridiction administrative l’a trouvé insuffisant et non pas mauvais. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’article 12 vise à encourager un mode d’organisation plus fluide des juridictions administratives, en permettant notamment aux magistrats honoraires de pallier des vacances ou des empêchements d’un membre du tribunal. Certes, ce n’est peut-être pas un modèle pérenne mais cela permettra de faciliter le fonctionnement de la justice. Cette mesure avait d’ailleurs été prévue dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (LOPJ).

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS823 de Mme Lisa Belluco

M. Hendrik Davi (EcoS). On voit bien la logique de cet article : pour pallier le manque de magistrats, il permet aux magistrats honoraires de faire le travail. Notre amendement vise à limiter cette possibilité, le temps de recruter de nouveaux magistrats. On ne voudrait pas que cette rustine soit un argument pour ne rien faire.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Une date butoir complexifierait l’organisation et le fonctionnement des juridictions administratives. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis défavorable. Les magistrats honoraires n’ont pas vocation à remplacer les magistrats.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS728 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous proposons de fixer un nombre maximal de magistrats honoraires susceptibles d’être appelés à exercer des fonctions juridictionnelles dans chaque juridiction. Les considérer comme une force d’appoint ne peut pas être une solution pérenne. En dix ans, le nombre d’entrées devant les quarante-deux tribunaux administratifs a augmenté de 46 %, quand le nombre des magistrats n’a progressé que de 4 %. La LOPJ avait pour objectif le recrutement de 10 000 postes d’ici à la fin 2027, dont 1 500 magistrats et 1 500 greffiers, soit en moyenne 300 ETP (équivalents temps plein) de magistrats et 300 de greffiers par an. Or le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 prévoit seulement 125 ETP pour les magistrats et 145 pour les greffiers.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Fixer par décret un nombre maximum de magistrats honoraires susceptibles d’exercer des fonctions juridictionnelles ne ferait que complexifier le dispositif. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS733 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous proposons d’instaurer une date butoir au 1er janvier 2027, afin de favoriser parallèlement le recrutement du personnel de justice.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Une date butoir va complexifier et non simplifier. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 12 non modifié.

Après l’article 12

Amendement CS788 de M. Henri Alfandari

M. Henri Alfandari (HOR). L’amendement vise à limiter les possibilités de recours contre une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation des sols aux seules personnes, collectivités territoriales et associations pouvant justifier d’un impact direct sur les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien concerné. Ce droit s’appliquerait uniquement dans le cas où elles détiennent ou occupent régulièrement ce bien ou qu’elles bénéficient d’une promesse de vente, d’un bail ou d’un contrat préliminaire. Il n’y a aucune raison que des gens viennent de l’autre bout de la France se prononcer sur un projet dont l’impact est local. L’amendement ne remet en rien en cause les droits des gens.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Cette restriction est déjà en vigueur pour les personnes physiques et les sociétés. L’extension aux personnes morales et publiques, dont l’État, n’est pas justifiée dans la mesure où leur intérêt à agir se détermine légitimement en fonction des intérêts publics qu’ils garantissent. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Pierre Meurin (RN). Monsieur le rapporteur, pourquoi êtes-vous défavorable à cet amendement qui nous semble très intéressant et que nous allons voter ?

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous sommes bien évidemment contre cet amendement. Assurément, cela simplifie les choses d’empêcher tous les recours des associations qui protègent l’environnement ! On n’a pas besoin d’habiter juste à côté d’une forêt pour faire un recours contre une coupe rase. C’est le rôle même des associations.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’intention est claire ; la rédaction l’est moins. Elle se borne à suggérer que toute personne physique ou morale peut agir en justice lorsque le projet contesté porte atteinte aux conditions de jouissance d’un bien qu’elle détient, sans limiter ce droit à ces seules situations. Cela limite excessivement le droit au recours de ces personnes, notamment celui des associations.

La commission adopte l’amendement. L’article 12 bis A est ainsi rédigé.

Article 12 bis (nouveau) (art. L. 600-7 du code de l’urbanisme) : Définition du recours abusif en matière de contentieux de l’urbanisme

Amendements de suppression CS1419 de M. Christophe Naegelen, CS230 de Mme Manon Meunier, CS826 de Mme Lisa Belluco et CS927 de M. Charles Fournier

M. Christophe Naegelen, rapporteur. La définition du recours abusif en matière de contentieux de l’urbanisme proposée par cet article est trop rigide et peu opérante. Aussi, je propose de le supprimer pour trois raisons. Premièrement, c’est en fonction des circonstances particulières de chaque affaire que le juge doit pouvoir apprécier le caractère abusif du recours. Deuxièmement, l’irrecevabilité d’un recours ne traduit pas nécessairement un comportement abusif : un recours irrecevable peut être tout à fait légitime sur le fond. Le code de l’urbanisme prévoit, par exemple, qu’un recours contre une autorisation d’urbanisme doit être notifié à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation sous peine d’irrecevabilité. À l’inverse, des recours recevables peuvent avoir pour seul objectif d’empêcher la réalisation d’un projet d’urbanisme. Troisièmement, la rédaction paraît ambiguë, comme en témoignent les amendements.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous sommes d’accord avec M. le rapporteur. La possibilité pour les personnes physiques et morales d’agir contre ces permis est déjà fortement limitée : l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme dispose que, exception faite des associations et du préfet, les particuliers doivent justifier que le projet attaqué « est de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance » de leur bien. Cet article, introduit par la droite sénatoriale, prive le juge d’une marge de manœuvre considérable. La notion de recours abusif est déjà largement précisée par la jurisprudence. Nous n’avons pas besoin d’aller aussi loin dans la loi, à moins de vouloir favoriser la construction de projets industriels et commerciaux injustifiés.

M. Charles Fournier (EcoS). Nous n’avons que trop vu ces derniers temps des textes qui tentaient de réduire les possibilités de recours sur des projets. À peine l’encre de l’article 15 de la loi d’orientation agricole, vivement critiqué par le Conseil d’État, est-elle sèche que l’on imagine d’aller encore plus loin. Cet article n’a fait l’objet ni d’une étude d’impact ni d’une mission d’information. Texte après texte, on continue de museler les citoyens et les citoyennes souhaitant s’opposer à des projets.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Si je partage l’objectif de limiter les recours abusifs dans le domaine de l’urbanisme, la définition inscrite à l’article 12 bis aurait pour effet de restreindre l’appréciation que le juge peut avoir de la situation. Avis favorable sur les amendements de suppression.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 12 bis est supprimé et les amendements CS828 de Mme Lisa Belluco, CS79 de M. Pierre Cordier, CS144 de Mme Danielle Brulebois, CS375 de M. Corentin Le Fur, CS396 de Mme Josiane Corneloup, CS406 de Mme Valérie BazinMalgras, CS416 de Mme Frédérique Meunier, CS1238 de Mme Béatrice Bellamy et CS277 de Mme Anne Stambach-Terrenoir tombent.

TITRE VI
ALIGNER LES DROITS DES TRÈS PETITES ENTREPRISES SUR CEUX DES PARTICULIERS

Article 13 (art. L. 312-1-7 et L. 314-7 du code monétaire et financier, art. L. 210-4 du code de commerce) : Aligner le droit des très petites entreprises sur celui des particuliers en matière bancaire

Amendement CS1326 de M. Christophe Naegelen

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je vous propose de prévoir l’harmonisation de la dénomination des prestations bancaires pour l’ensemble des clients, à partir du 1er juillet 2027. En effet, chaque banque a ses dénominations propres, ce qui rend la comparaison du coût des services très compliquée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis favorable, dans la mesure où cet amendement contribue à une plus grande transparence des frais des services bancaires.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CS928 de M. Charles Fournier et CS1508 du gouvernement

M. Charles Fournier (EcoS). L’amendement vise à réintroduire la disposition qui prévoyait, avant la première lecture au Sénat, que les établissements de crédit doivent également envoyer gratuitement un relevé annuel des frais bancaires à leurs clients microentreprises. Les très petites entreprises (TPE) critiquent cette absence de transparence et réclament une visibilité des frais bancaires.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte les amendements.

Amendement CS1511 du gouvernement

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’amendement vise à supprimer une disposition adoptée par le Sénat visant à obliger les établissements à motiver le refus de dépôt du capital social. Celle-ci ne nous semble pas utile.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendements CS1512 du gouvernement et CS839 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Il est laissé un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi pour faire entrer en vigueur le dispositif d’envoi gratuit d’un relevé annuel des frais bancaires acquittés par les TPE, afin que les établissements puissent se conformer à cette nouvelle obligation.

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous proposons de fixer une date, au 1er janvier 2026.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle dissolution qui nous empêcherait de nous réunir avant une CMP (commission mixte paritaire) potentiellement conclusive. Attendre la promulgation de la loi me semble plus raisonnable. Avis favorable sur l’amendement CS1512 ; défavorable sur l’amendement CS839.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Étant donné que d’ici à la fin de l’année, il peut se produire autant de censures que de 49.3, il vaut mieux voter l’amendement CS839, d’autant que les banques sont capables de produire des facturations du jour au lendemain.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Il faut laisser le temps aux organismes financiers d’organiser leur système informatique pour élaborer ce relevé annuel qui sera envoyé au mois de janvier.

La commission adopte l’amendement CS1512.

En conséquence, l’amendement CS839 tombe.

La commission adopte l’article 13 modifié.

Article 14 (art. L. 113-12-1, L. 113-15-2-1 [nouveau], L. 121-18 [nouveau] et L. 194-1 du code des assurances) : Encadrement des relations entre les prestataires de services d’assurance et les assurés

Amendement CS1003 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). Actuellement, une collectivité peut voir son contrat d’assurance résilié unilatéralement. Elle n’a que deux mois pour relancer une procédure, ce qui est trop court au regard de la complexité du cahier des charges et du marché très tendu de l’assurance publique. L’amendement vise à étendre à six mois le délai de prévenance pour l’ensemble des acheteurs publics. C’est un filet de sécurité, sans coût pour l’État, et un outil de bonne gestion publique.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis défavorable. Étendre à tous les acheteurs publics ce délai de résiliation de six mois risquerait d’entraîner des résiliations par anticipation et une augmentation des primes d’assurance voire de décourager les assureurs de répondre à des appels d’offres, ce qui viendrait tendre davantage le marché.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS1439 et CS1440 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.

Amendement CS314 de Mme Claire Lejeune

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous proposons d’exclure le risque climatique des motifs possibles de rupture unilatérale de contrat de la part de l’assureur. Le dérèglement climatique est bien réel. Les entreprises le savent, les collectivités aussi, ainsi que les assureurs, qui tendent à se désengager. Cela a été le cas pour les communes de Vitry-en-Artois et d’Aytré en décembre 2023. Alors que 23 000 communes ont été déclarées à risque d’inondation, 37 % des TPE-PME craignent de ne plus pouvoir s’assurer à cause des risques climatiques. Notre amendement permettra de mettre les assureurs face à leurs responsabilités vis-à-vis de la prise en charge du risque climatique.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Des réflexions ont été menées : le rapport de la mission Langreney sur l’assurabilité des risques climatiques proposait notamment de renforcer le régime catastrophe naturelle (Cat nat). Encadrer trop strictement les conditions de résiliation des contrats d’assurance n’est pas une bonne solution. Cela conduira mécaniquement les assureurs à anticiper et à ne contracter qu’avec les assurés qui présentent le moins de risques. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Votre disposition serait contraire au principe de liberté contractuelle. Par ailleurs, le lien avec l’aggravation du risque climatique n’est pas une notion juridique suffisamment précise, ce qui pourrait conduire à des difficultés d’interprétation. Qui plus est, l’article auquel vous faites référence dans le code des assurances porte sur les personnes physiques, alors que vous souhaitez cibler les collectivités. Enfin, il est toujours possible de saisir le bureau central de tarification pour les assurances obligatoires. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Taite (DR). Je suis favorable à cet amendement. Lorsque j’étais maire, j’ai vécu cette situation : après un épisode de grêle qui a ravagé la ville, l’assureur n’a plus voulu nous assurer à cause des dégâts subis par les bâtiments communaux, et cela a été la croix et la bannière pour trouver une nouvelle assurance. De nombreux maires ont aussi vécu cela en cas d’orages de grêle ou d’inondations, comme dans la commune du Coteau, dans la Loire, où cela a pris des mois.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS336 de Mme Danielle Brulebois

Mme Danielle Brulebois (EPR). Il s’agit de préciser le contenu de l’avis d’échéance envoyé chaque année par l’assureur dans le cadre des contrats d’assurance affinitaire à reconduction tacite. Cette information, qui incombe à l’assureur, doit rappeler l’objet de l’assurance, le numéro de contrat, le libellé du prélèvement et le montant des primes à venir, et alerter l’assuré quant à la nécessité de résilier le contrat si le bien ou le service principal n’a plus d’objet, en rappelant les conditions de résiliation.

Bien que, la plupart du temps, la souscription de contrats d’assurance affinitaire ne pose pas de problème pour les entreprises, des modifications sont nécessaires pour éviter des dérives bien réelles, même si elles ne sont le fait que d’un très petit nombre d’assureurs. Le 17 décembre dernier, la trente et unième chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris a ainsi prononcé une peine d’une sévérité inédite à l’encontre d’un groupe spécialisé dans la distribution de contrats d’assurance affinitaire – en l’espèce, des contrats proposés en complément de l’achat d’un appareil électronique. Ces contrats étaient renouvelés par tacite reconduction, en profitant de la négligence – et, parfois, de la naïveté – du client. Il s’agissait d’une vaste escroquerie, certaines personnes ayant pu se voir prélever des sommes énormes, jusqu’à 30 000 euros en trois ou quatre ans, par exemple, pour un achat de 30 euros, et sans recours possible puisque la tacite reconduction était prévue. Il est donc absolument nécessaire d’encadrer ces procédés, certaines personnes ayant subi des prélèvements alors qu’elles n’avaient pas signé d’avenant. Il y a là un réel problème.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’amendement est, comme vous le relevez vous-même, en grande partie satisfait. Cependant le dispositif est presque trop précis pour être inscrit tel quel dans la loi. Sagesse.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Préciser, à ce stade, le contenu de l’avis d’échéance et les modalités d’envoi – sous format papier et électronique – est une disposition plus réglementaire que législative. Je demande donc le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable.

M. Henri Alfandari (HOR). Vous parlez des arnaques commises par la Sfam à la faveur de ventes de téléphones par la Fnac. Il y a eu vol de données et utilisation frauduleuse d’Iban (numéros internationaux de compte bancaire), qui ont permis de prélever des sommes d’argent à nos concitoyens sans aucune défense possible. Bien qu’une partie du problème puisse être réglée au niveau réglementaire, cet amendement – dont je rappelle qu’il avait fait l’objet, au Sénat, d’un avis de sagesse de la part de Mme Olivia Grégoire, alors ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme – y contribue aussi et nous ferions bien de l’adopter, quitte à le corriger d’ici à l’examen du texte dans l’hémicycle. Nos concitoyens ont besoin d’être pris en charge dans ce domaine.

M. Gérard Leseul (SOC). Bien que cet amendement ne simplifie guère la vie des entreprises et qu’il soit un peu bavard et trop précis, nous le soutiendrons, car il apporte une certaine clarté et pourrait être amélioré ultérieurement.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CS33 de Mme Danielle Brulebois, CS1441 de M. Christophe Naegelen et CS313 de Mme Claire Lejeune (discussion commune)

Mme Danielle Brulebois (EPR). L’amendement CS33 vise à préciser les entreprises concernées par le dispositif, dans l’objectif de toucher les plus petites. Je rappelle en effet qu’il n’existe pas vraiment de définition des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) dans le code des assurances. D’autre part, cette précision ne relève pas de la loi mais du règlement, le Conseil d’État ayant confirmé qu’un renvoi à un tel décret sans précision surfacique était pertinent. Par ailleurs, afin de préserver un objectif d’adaptabilité du droit, il serait utile de ne pas contraindre le pouvoir réglementaire au recours à un paramètre surfacique si cela devait se révéler inadapté ou faire l’objet de modifications ultérieures.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’amendement CS1441 vise à étendre le droit de résiliation infra-annuel des contrats d’assurance à l’ensemble des entreprises, et non seulement aux très petites, auxquelles le projet de loi le réserve, les définissant non pas en fonction de seuils de nombre de salariés ou de chiffre d’affaires, mais par référence à un seuil de surface. De plus, un tel seuil devrait être adapté en fonction des secteurs d’activité, ce qui me semble complexe, peu lisible et insatisfaisant.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). L’amendement CS313 vise à préserver la portée de l’alinéa 8. En effet, les parlementaires n’auraient, par définition, pas de prise sur la définition d’une liste établie par décret en Conseil d’État, qui pourrait vider de son sens le présent article, protecteur pour les petites entreprises et les petites collectivités dans leurs rapports avec les assureurs – les grandes entreprises ayant, quant à elles, beaucoup plus de moyens pour gérer les contrats d’assurance.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis favorable sur l’amendement de Mme Brulebois, qui propose de substituer au critère surfacique une série de critères définis par la voie réglementaire.

Avis défavorable, en revanche, sur celui du rapporteur, qui vise à étendre la résiliation infra-annuelle à l’ensemble des entreprises, car on peut légitimement supposer que les grandes entreprises disposent déjà des moyens humains nécessaires pour suivre un calendrier de résiliation des contrats d’assurance qu’elles ont souscrits.

Avis défavorable également sur l’amendement de Mme Lejeune, qui tend à empêcher des exceptions à l’extension du droit à la résiliation infra-annuelle aux petites entreprises en supprimant la notion d’un décret qui exclurait du champ de cette mesure certains types de contrats. Or l’objet de ce décret est de prendre en compte l’impact de la mesure sur les entreprises saisonnières, qui peuvent ne travailler que six mois sur douze.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Puisque les choses sont claires et que le périmètre est assez bien balisé, pourquoi ne pas l’écrire ainsi, au lieu de renvoyer à une liste établie par le Conseil d’État ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Il nous faut travailler avec les compagnies d’assurances et les acteurs qui figurent sur cette liste mais, à l’heure actuelle, nous ne sommes pas prêts pour répondre à une liste qui serait clairement définie.

La commission adopte l’amendement CS33.

En conséquence, les amendements CS1441 et CS313 tombent.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS1442, CS1443 et CS1444 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.

Amendement CS1507 du gouvernement

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Il vise à rétablir certaines dispositions initiales prévues à l’article 14 du projet de loi, notamment en revenant sur la réduction à quatre mois des délais d’indemnisation des assureurs pour les procédures avec expertise et à un mois pour les procédures sans expertise, délais trop exigeants pour les assureurs, notamment pour les indemnisations les plus complexes. Il faut laisser du temps à l’ensemble des acteurs pour leur permettre d’agir. Il est donc préférable de rétablir les délais de six mois pour les procédures avec expertise et de deux mois pour les procédures sans expertise. Les délais doivent être raisonnables pour permettre de faire face à des cas complexes.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1445 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.

Amendement CS1513 du gouvernement

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Il tend à rétablir certaines dispositions initiales de l’article 14 du projet de loi, notamment en supprimant la fixation dans la loi du délai maximal de versement de l’indemnité et du délai maximal de missionnement d’une entreprise de réparation, laissant au pouvoir réglementaire le soin de préciser ces modalités, comme le prévoyait le texte initial. Il faut en effet fixer des délais acceptables aux différents acteurs.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1446 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.

Amendement CS1454 de M. Christophe Naegelen

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il vise à ce que l’expert désigné dans le cadre d’un sinistre transmette son rapport définitif non seulement à l’assureur, mais aussi à l’assuré. Cela ne crée en effet aucune charge supplémentaire mais permet de renforcer la transparence de l’information et les droits des assurés, qui peuvent réagir, par exemple en cas d’erreur de l’assureur.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1447 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.

Amendement CS1448 de M. Christophe Naegelen et sous-amendement CS1510 du gouvernement

M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’amendement vise à confier au collège de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), dans le cadre de ses fonctions de police, plutôt qu’à sa commission des sanctions, le pouvoir de prononcer une injonction assortie d’une astreinte journalière en cas de méconnaissance par un assureur de ses obligations, afin d’éviter de complexifier l’existant.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Le sous-amendement élargit ce pouvoir, avec l’objectif de donner une portée générale au pouvoir d’injonction sous astreinte du collège de l’ACPR, afin de veiller à l’efficacité et à l’autorité de son action de supervision. Cela permet d’étendre son pouvoir et de lui donner plus de force.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable au sous-amendement.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS1452, CS1449, CS1450, CS1470 et CS1451 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.

Contre l’avis du rapporteur, elle adopte l’amendement CS34 de Mme Danielle Brulebois.

La commission adopte l’article 14 modifié.

Après l’article 14

Amendement CS791 de M. Thomas Lam

M. Thomas Lam (HOR). Il vise à ce que le consommateur soit informé de son droit de faire procéder à une contre-expertise en cas de sinistre, ce qui n’est pas toujours le cas, puisque l’expertise est mandatée par l’assureur.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Si les deux experts n’arrivent pas aux mêmes conclusions, plusieurs solutions sont possibles et le contrat peut prévoir la désignation d’un troisième expert pour les départager. L’assureur et l’assuré peuvent entrer en négociation, en médiation et même en contentieux. L’amendement, qui prévoit la prise en charge de la contre-expertise par l’assureur si elle est plus favorable à l’assuré, fera peser sur les assureurs un coût supplémentaire qui se répercutera mécaniquement sur les primes d’assurance sans pour autant préciser comment concilier deux avis contradictoires.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’amendement comporte deux points. Je suis favorable au premier, qui consiste à obliger l’assureur à informer l’assuré de son droit de demander une contre-expertise à ses frais. Le deuxième, en revanche, qui prévoit le remboursement par l’assureur des frais de contre-expertise si cette dernière conclut à une indemnisation plus élevée, se traduira par une hausse des primes d’assurance qui pourrait déstabiliser les citoyens les plus fragiles. Je vous propose donc de retirer votre amendement et de le retravailler en vue de l’examen du texte en séance publique.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1174 de M. Charles Alloncle

M. Charles Alloncle (UDR). Il vise à favoriser la concurrence en matière de contrats de prévoyance. Jusqu’en 2019, en effet, une entreprise ne pouvait pas changer de contrats de complémentaire pour ses salariés et, à partir de cette date, où la loi a été modifiée, elle ne le pouvait que dans certains cas, peu nombreux – maladie, maternité ou accident –, et donc pas pour les risques d’incapacité, d’invalidité ou de décès. Les acteurs en place se frottent les mains, car les prix sont prohibitifs – des études montrent par exemple que, pour les garanties décès, les marges sont supérieures de 40 % à la moyenne. Les prix montent donc, pour les employeurs comme pour les salariés.

L’amendement vise à aligner les régimes pour tous les cas de prévoyance complémentaire, sans plus les distinguer selon les motifs. Cette mesure, qui va évidemment dans le sens de la simplification, contribuera aussi directement à faire baisser les prix pour les salariés et pour les entreprises, et rendra le marché plus liquide en permettant à de nouveaux acteurs de concurrencer les grosses compagnies d’assurances qui trustent le marché. Cela éclairera considérablement les choix des responsables juridiques des entreprises.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable. Une étude d’impact ou une consultation préalable des acteurs aurait été nécessaire, car cette mesure aura des conséquences très importantes sur le marché des contrats de prévoyance complémentaires.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Même avis que le rapporteur, pour les mêmes raisons.

M. Charles Alloncle (UDR). Je ne comprends pas bien ces arguments car ce changement avait été opéré, pour d’autres motifs, en juillet 2019, et il s’agit ici d’aller au bout de cette démarche d’harmonisation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS841 de Mme Lisa Belluco

M. Charles Fournier (EcoS). Il vise à ce que les franchises d’assurance ne s’appliquent qu’une seule fois lorsque plusieurs aléas naturels se succèdent. Cette mesure de simplification est évidemment utile pour les entreprises.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Nous pourrions être d’accord sur le fond, mais la proposition, qui se réfère aux « aléas naturels » en général, manque de clarté et pourrait donner lieu à des incompréhensions et à des incertitudes juridiques pour les sinistrés. Il serait préférable de viser plus précisément des « aléas de même nature ». Compte tenu de ces incertitudes, je demande le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS1453 de M. Christophe Naegelen et CS845 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

M. Christophe Naegelen, rapporteur. En créant le bureau central de tarification (BCT), le législateur entendait faire respecter l’obligation d’assurance de responsabilité civile automobile : toute personne physique ou morale assujettie à cette obligation qui, ayant sollicité la souscription d’un tel contrat auprès d’une entreprise d’assurances, s’était vu opposer un refus, pouvait saisir le BCT. Il existe actuellement six domaines d’assurances obligatoires dans lesquels la saisine du BCT est possible.

L’amendement CS1453 tend à imposer à l’assureur qui refuse la souscription d’un contrat d’assurance obligatoire d’indiquer à l’assuré qu’il peut saisir le BCT compétent et que celui-ci est tenu de statuer dans un délai d’un mois sur les demandes qui lui sont adressées.

M. Hendrik Davi (EcoS). On peut certes, face au refus d’une compagnie d’assurances d’accorder un contrat couvrant, entre autres, le risque de catastrophe naturelle, saisir le bureau central de tarification, mais celui-ci rend rarement des avis, car il est peu saisi, les requérants peinant à prouver que le refus est lié à ce motif, que les assurances n’explicitent pas nécessairement.

L’amendement CS845 vise donc à instaurer une présomption de refus d’assurer pour motif d’exposition aux catastrophes naturelles dans les zones exposées, afin de rendre effectif le droit à être assuré et à former un recours.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Pour ce qui concerne l’amendement CS1453, il est bon que les assurés soient informés de la possibilité de saisir le bureau central de tarification. En revanche, le délai maximum d’un mois pour statuer sur les demandes me paraît insuffisant car l’instruction des dossiers nécessite fréquemment l’envoi des pièces complémentaires. Je demande donc le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable.

Quant à l’amendement CS845, l’avis est défavorable. L’extension du champ d’intervention du bureau central de tarification par l’instauration d’un principe de présomption simple de refus d’assurance en zone d’aléas climatiques soulève des difficultés techniques.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il serait possible d’adopter aujourd’hui l’amendement CS1453, puis de déposer, lors de l’examen du texte en séance publique, un amendement visant à allonger le délai.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’avis du gouvernement reste défavorable.

La commission adopte l’amendement CS1453. L’article 14 bis est ainsi rédigé.

En conséquence, l’amendement CS845 tombe.

Amendement CS278 de Mme Sandrine Nosbé

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Il vise à faire bénéficier les travailleurs indépendants et les autoentrepreneurs du plafonnement des frais d’incidents bancaires. En effet, les travailleurs ubérisés sont particulièrement exposés à ces frais par le paiement régulier de petites sommes et par l’incertitude de leur situation. Il est d’autant plus nécessaire de protéger ces professionnels de frais souvent exorbitants qu’ils font déjà face à des difficultés financières plus fréquentes et à des contrats et conditions de travail plus précaires que la moyenne.

Ces frais bancaires, particulièrement injustes, peuvent représenter en moyenne un tiers de la facture annuelle totale. Les plus modestes se voient ponctionner des centaines d’euros par an, à quoi s’ajoute la pratique très contestable du minimum forfaitaire d’intérêts débiteurs, c’est-à-dire des frais appliqués en cas de découvert, quelle qu’en soit l’ampleur.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

La réunion, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.

TITRE VII
FACILITER L’ESSOR DE PROJETS INDUSTRIELS ET D’INFRASTRUCTURES

Avant l’article 15

Amendement CS275 de M. Vincent Rolland

M. Vincent Rolland (DR). Il vise à ce que l’aménagement d’un domaine skiable soit considéré comme une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) dès lors que les retombées économiques et sociales de ce domaine sont manifestes. Depuis la transposition à l’article L. 411-2 du code de l’environnement, une raison impérative d’intérêt public majeur est requise lorsqu’un projet porte atteinte, de près ou de loin, à un habitat d’espèce protégée, ce qui place les communes touristiques ayant un domaine skiable dans une situation juridiquement délicate. En effet, ces dernières années, l’absence, aux yeux du juge, de raison impérative d’intérêt public majeur a empêché la réalisation de plusieurs projets structurants en montagne.

L’amendement vise donc à lier la raison impérative d’intérêt public majeur à l’aménagement du domaine skiable, selon la réflexion déjà menée par les pouvoirs publics à propos de la production hydroélectrique, du nucléaire ou de l’agriculture, afin de protéger les communes ayant un domaine skiable. Il est proposé d’apprécier la RIIPM liée au domaine skiable selon l’impact manifeste que celui-ci peut avoir sur le territoire, au niveau local comme à ceux de la vallée ou du massif, et sur son économie.

M. Stéphane Travert, rapporteur pour les titres VII à XII. Avis défavorable, car cette reconnaissance affaiblirait la protection des espaces naturels sensibles et contournerait l’examen rigoureux au cas par cas exigé aujourd’hui par le droit environnemental européen et national.

M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie. Même avis.

M. Charles Fournier (EcoS). Je suis très défavorable à cet amendement, qui porterait une atteinte supplémentaire aux mesures de protection des espèces. Par ailleurs, le premier des trois critères de la RIIPM est en effet l’étude au cas par cas. Je rappelle, enfin, que le domaine skiable est en danger et que toutes les atteintes à la biodiversité contribueront précisément à son effondrement. Considérer qu’il serait automatiquement d’intérêt public majeur est une très mauvaise idée : il faut appliquer la règle actuelle.

M. Vincent Rolland (DR). Jusqu’à preuve du contraire, les domaines skiables de certaines vallées ont un intérêt majeur, et pour des décennies encore, sur les plans économique et social pour fixer des femmes et des hommes qui souhaitent vivre sur place. Il convient donc de soutenir cette activité.

La commission rejette l’amendement.

Article 15 (sous‑section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code de l’urbanisme ; art. L. 300-6-2 du code de l’urbanisme, L. 122-1-1 et L. 126-1 du code de l’environnement, art. 27 de la loi n° 2023‑175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables) : Faciliter l’implantation de centres de données de dimension industrielle

Amendements de suppression CS642 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CS1133 de M. Charles Fournier

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous voulons supprimer l’article 15, qui entraîne une régression majeure de nos objectifs de réduction de l’artificialisation des sols.

D’abord, il prévoit d’attribuer aux centres de données la qualification de projet d’intérêt national majeur (PINM). Les exigences applicables à leur implantation en matière d’environnement et d’urbanisme seront donc réduites, sans lien avec les besoins et les exigences de la bifurcation agroécologique. Ce statut attribue à l’État la mise en compatibilité des documents de planification et d’urbanisme, sur la base desquels le préfet délivre le permis de construire. Surtout, il inclut la reconnaissance anticipée de la RIIPM, qui est l’une des conditions nécessaires à l’obtention d’une dérogation « espèces protégées ».

Ensuite, l’article 15 prévoit, en raison de l’adoption d’un amendement par le Sénat, d’exempter les PINM du décompte des enveloppes d’artificialisation pour la période 2021‑2031. L’implantation des centres de données ne sera donc pas considérée comme une artificialisation des sols et échappera à l’objectif contraignant, prévu par la loi « climat et résilience », de réduire de 50 % l’artificialisation brute des sols sur la période 2021-2031 par rapport à la période 2011-2021.

D’après le rapport La France s’adapte – Vivre à +4°C, publié par Météo-France il y a quelques jours, la France se réchauffe plus vite que les autres pays et connaîtra de plus en plus d’épisodes de pluies intenses tels que ceux récemment observés à Valence, à Mayotte et à La Réunion. Or c’est l’artificialisation des sols qui transforme des pluies torrentielles en inondations meurtrières, en réduisant la capacité d’absorption des terres.

Ce texte, qui prétend simplifier, compliquera les conditions de vie de nos enfants.

M. Charles Fournier (EcoS). Le statut de PINM créé par la loi « industrie verte » fait de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) un panier percé, dès lors que tout projet ou presque est considéré comme étant d’intérêt national majeur. Les centres de données le sont, mais pas les hôpitaux. Texte après texte, selon une logique incompréhensible, nous introduisons des exceptions privant le ZAN de toute efficacité, ce qui est bien l’intention.

L’amendement CS1154 vise aussi à supprimer l’article 15, au motif que les centres de données, qu’il s’agit de qualifier de PINM, stockent aussi des données des Gafam, ce qui bat en brèche l’affirmation selon laquelle ils relèvent de la souveraineté nationale. Par ailleurs, les faire bénéficier d’une telle exception tue dans l’œuf toute protection de la biodiversité et de nos espaces naturels et agricoles. Nous nous y opposons fermement.

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’objectif de l’article 15 est simple. Il s’agit de simplifier et d’accélérer la réalisation de projets industriels et d’infrastructures essentiels pour la transition énergétique et le développement numérique. Nous proposons des dispositions ambitieuses pour soutenir des PINM qui dynamiseront la transition énergétique tout en garantissant l’égalité numérique sur tout le territoire. Les Gafam ne seront pas les seuls à utiliser les centres de données. Les PME, partout sur le territoire, ont besoin de stocker leurs données.

Par ailleurs, en simplifiant l’implantation des centres de données, nous nous donnons les moyens d’assurer notre compétitivité – ce n’est pas un gros mot. Nous renforçons la transparence et l’optimisation des infrastructures de télécommunication, en portant une attention toute particulière aux zones rurales et littorales pour garantir les couvertures nécessaires à notre époque.

Supprimer l’article 15 compromettrait l’attractivité de la France pour ses investissements d’intérêt national. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis. Les centres de données permettent aux entreprises, notamment aux PME et aux ETI (entreprises de taille intermédiaire), de s’approprier les algorithmes d’intelligence artificielle (IA), qui sont une condition majeure de la croissance de la productivité dans les années à venir. J’ai visité des centres de données et discuté avec des dirigeants de PME, lesquels n’envisagent pas de déposer leurs données et de faire tourner des algorithmes d’IA sans disposer de garanties de sécurité. La première d’entre elles est l’implantation des centres de données sur notre sol, qui offre aux entreprises une réassurance en matière d’utilisation de leurs données. Dans la guerre de l’IA, qui durera plusieurs années, cet élément est crucial.

M. Éric Bothorel (EPR). Dans un contexte géopolitique où certains acteurs industriels actifs au sein de l’administration américaine menacent certains pays de les priver des services qu’ils ont eux-mêmes déployés, il serait irresponsable de ne pas considérer l’implantation des centres de données, qui comporte des enjeux d’hébergement, de puissance de calcul et de soutien à l’économie en général et à l’IA en particulier, comme présentant un intérêt national majeur. Outre sa dimension économique, elle est au cœur des enjeux de souveraineté.

Nul ne peut ignorer la situation géopolitique complexe dans laquelle nous nous trouvons. L’administration américaine n’hésitera pas à nous priver des services que les acteurs américains ont eu tant de peine à déployer sur notre continent. Soyons à même de réarmer notre pays en consolidant ses capacités de calcul, d’hébergement et de soutien l’IA. Nous en avons la pleine et entière responsabilité.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Il est surprenant de ne pas prendre les précautions les plus élémentaires avant d’autoriser des projets terriblement énergivores et émetteurs de CO2, ce qu’il s’agissait précisément d’éviter lorsque nous avons adopté la loi « accélération du nucléaire », et responsables d’une artificialisation massive des sols en raison des surfaces phénoménales qu’ils occupent. Nos amendements ne visent pas à empêcher l’implantation des centres de données sur notre territoire, mais à faire en sorte que celle-ci ne déroge pas aux règles élémentaires de prudence et tienne compte de l’environnement au sein duquel ils se développeront. Je suis toujours surpris de constater que, dès qu’il s’agit de faire du business, on ne prend pas la moindre précaution.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). L’article 15 vise à faciliter l’implantation des centres de données en France. La gauche veut le supprimer. Or nous en avons besoin pour renforcer notre souveraineté et notre puissance de calcul.

Toutefois, en matière de souveraineté, stocker les données en France ne suffit pas. D’après les spécialistes du cloud, notamment ceux de Microsoft, nul ne sait dans quel serveur se trouvent les données qui y sont stockées. Nous pensons les stocker en France, mais elles circulent aux États-Unis, en Inde, au Royaume-Uni ou ailleurs. Nous défendrons des amendements à ce sujet.

M. Hendrik Davi (EcoS). Les industriels ont besoin de perspectives claires. Concernant les centres de données, rien ne serait pire pour eux qu’un développement un peu anarchique suivi d’un retour en arrière sous la contrainte, en raison des sérieux problèmes qu’ils posent en matière écologique et énergétique. Les besoins en eau pour leur refroidissement sont considérables et entraînent déjà des conflits d’usage.

Aux Pays-Bas, en 2021, les autorités, constatant qu’un centre de données avait consommé 84 millions de litres en pleine sécheresse, ont décrété un moratoire. En Irlande, les centres de données consomment près de 18 % de la consommation électrique du pays. D’après certaines estimations, cette proportion pourrait atteindre 70 % en 2030. En 2022, l’opérateur électrique public a imposé un moratoire sur leur installation près de Dublin. La construction des centres de données doit être prise au sérieux, ce qui suppose de la planifier. Rien ne sert d’accorder des dérogations et d’encourager leur construction.

Par ailleurs, notre société doit se demander s’il est raisonnable de conserver une montagne de données personnelles, souvent à l’insu de notre plein gré, en vue de les monétiser. Nous devons avoir ce débat et, pour qu’il soit serein, il faut éviter de déréguler n’importe comment.

La commission rejette les amendements.

L’amendement CS847 de Mme Lisa Belluco est retiré.

Amendement CS1389 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il s’agit de supprimer l’obligation d’auditionner le pétitionnaire lors des examens des demandes d’autorisation d’urbanisme et en agrivoltaïsme à laquelle est soumise la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). Cette obligation ralentit les procédures sans valeur ajoutée particulière. Le président de la CDPENAF conservera la possibilité de convoquer une audition. Il s’agit d’une mesure pragmatique de simplification n’affaiblissant aucune des garanties demandées au pétitionnaire.

M. Marc Ferracci, ministre. Avis favorable car cela s’inscrit pleinement dans la philosophie de ce texte.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CS886 et CS883 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

M. Charles Fournier (EcoS). La loi « climat et résilience » est malheureusement incomplète en matière de protection des sols. Elle fixe deux objectifs aux échéances de 2031 et de 2050. Il s’agit d’aller plus loin en fixant un objectif de zéro artificialisation brute des sols en 2060.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il n’est pas opportun d’ouvrir le débat sur l’évolution du cadre d’artificialisation. Nous l’aurons très bientôt lors de l’examen de la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace), que le Sénat vient d’adopter. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS1390 de M. Stéphane Travert et CS1351 du gouvernement

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il s’agit de supprimer les alinéas 2 et 3. La question de l’implantation des centres de données peut être traitée dans le cadre des schémas de cohérence territoriale (Scot), notamment s’ils intègrent un plan climat-air-énergie territorial (PCAET) ou abordent les enjeux énergétiques et d’organisation spatiale. La disposition visée est redondante et n’ajoute aucune valeur normative. Il n’est pas nécessaire de modifier le cadre juridique en vigueur.

M. Marc Ferracci, ministre. Il s’agit en effet de supprimer la possibilité offerte au Scot de prévoir des orientations stratégiques d’implantation des centres de données. Les élus locaux disposent des outils leur permettant de développer sur leur territoire une stratégie d’implantation des centres de données. L’ajout d’un article dans le code de l’urbanisme est inutile.

Mme Mélanie Thomin (SOC). D’après France Datacenter, la question de savoir comment les centres de données organisent leur répartition territoriale, notamment du point de vue de son équilibre, demeure en suspens. La logique qui prime est celle de la compétitivité. Elle les amène à privilégier, pour leur implantation, l’axe reliant Marseille à l’Île-de-France. Son dynamisme économique en fait le grand axe de la circulation des données dans notre pays.

En matière de répartition régionale, les centres de données n’ont pas la même logique que celle qui sous-tend ces deux amendements. Le président de la République a annoncé la création d’une trentaine de centres de données dans le pays. Quelle sera la logique qui présidera à leur implantation ? Tiendra-t-elle compte de leur juste répartition territoriale ?

M. Marc Ferracci, ministre. Leur implantation suivra une logique d’attractivité, de compétitivité, de souveraineté et d’efficacité. Les sites identifiés lors de l’annonce, lors du sommet de l’IA, d’un investissement de 109 milliards d’euros satisfont à des critères de proximité avec des sources de production d’électricité et de capacité de raccordement rapide.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CS1096 de M. Hendrik Davi, CS382 de M. David Taupiac et CS1205 de M. Laurent Lhardit tombent.

Amendement CS1049 de M. Sébastien Huyghe

M. Sébastien Huyghe (EPR). Il est proposé de rendre applicables de plein droit les dérogations visant à encourager les projets à forte valeur environnementale, plutôt que d’obliger les porteurs de projets à les solliciter une à une. Le code de l’urbanisme regorge de telles dérogations, en pratique rarement accordées et sources de contentieux. Il s’agit de favoriser les projets alignés avec nos objectifs en matière de biodiversité et de transition bas-carbone, tout en garantissant la libre administration des collectivités, qui conserveront la possibilité de les écarter par délibération motivée. Cette mesure de simplification et d’efficacité vise à accélérer le déploiement de la SNB (stratégie nationale pour la biodiversité) et de la SNBC (stratégie nationale bas-carbone).

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis défavorable. L’amendement, dont l’objectif est compréhensible, a peu de rapport avec l’objet du texte et introduit une réforme de fond du régime des dérogations prévues par le code de l’urbanisme. Nous aurons ce débat lors de l’examen de la proposition de loi dite « Trace ».

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis. Le gouvernement souscrit à l’objectif mais considère qu’il relève d’un autre texte de loi.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS759 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement sans doute un peu bancal, que je retirerai, soulève une question majeure, que j’ai abordée avec les représentants de France Datacenter : la hauteur des bâtiments. Ils sont conscients de la nécessité de limiter, à tout le moins d’équilibrer leur emprise foncière et d’assurer l’insertion de leurs bâtiments dans l’environnement urbain. Je suggère d’y travailler d’ici l’examen du texte en séance publique.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je souscris à l’esprit de l’amendement et en suggère le retrait au profit de l’amendement CS496, mieux rédigé et dont je suis cosignataire.

L’amendement est retiré.

Amendements CS1050 et CS1051 de M. Sébastien Huyghe

M. Sébastien Huyghe (EPR). Les amendements CS1050, CS1051, CS1052, CS1053, CS1054 et CS1055 procèdent tous de la même logique que l’amendement CS1049, qui malheureusement n’a pas été adopté, consistant à inverser la logique ayant amené à multiplier les dérogations dans le code de l’urbanisme. Il s’agit d’en faire la règle, non sans permettre aux collectivités d’y recourir par délibération motivée. Dès lors que le gouvernement souscrit à l’objectif mais pas au vecteur retenu pour l’atteindre, j’accepterai de retirer ces amendements s’il prend l’engagement d’ouvrir le débat dans le cadre de l’examen d’un autre texte.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Nous suggérons le retrait des amendements, qui prévoient des modifications en matière d’équilibre des compétences locales et de protection du patrimoine bâti. Nous aborderons ces sujets lors de l’examen d’un autre texte de loi.

Les amendements CS1050 et CS1051 sont retirés.

Amendement CS496 de M. Éric Bothorel

M. Éric Bothorel (EPR). Cet amendement vise à offrir à l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire, s’agissant des PINM, la faculté de déroger aux règles du plan local d’urbanisme (PLU) relatives à la hauteur.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Avis favorable. Cet amendement facilitera l’implantation des centres de données, qui peut être ralentie pour des raisons d’emprise au sol, de hauteur, d’implantation et d’aspect extérieur des bâtiments.

M. Hendrik Davi (EcoS). La question de l’artificialisation des sols est majeure. Chaque année, la France perd de 20 000 à 30 000 hectares d’espaces naturels agricoles et forestiers. Ce phénomène progresse à un rythme quatre fois plus élevé que l’augmentation de la population.

Construire les centres de données en hauteur est une fausse bonne idée. La plupart s’implantent dans les ports et les zones urbaines, où se trouvent de nombreuses friches industrielles qui pourraient les accueillir, ce qui soit dit en passant les affranchirait aussi des contraintes relatives aux abords des monuments historiques. Nous ne voterons pas l’amendement, d’autant qu’il s’applique à tous les PINM et non seulement les centres de données, ce qui constitue à nos yeux une dérogation trop large.

M. Gérard Leseul (SOC). Je ne suis pas certain que l’amendement réponde à la question soulevée par notre collègue Thomin. Les limites à l’autorisation d’urbanisme sont renvoyées à un décret en Conseil d’État, ce qui nous semble insuffisant s’agissant d’une mesure dérogatoire. Il faut à tout le moins prévoir des limites dans la loi. Cet amendement est peut-être mieux rédigé que l’amendement CS759, il n’en est pas moins imprécis.

La commission adopte l’amendement.

Les amendements CS1052, CS1053, CS1054 et CS1055 de M. Sébastien Huyghe sont retirés.

Amendement CS536 de M. Ian Boucard, amendements identiques CS428 de M. Nicolas Ray, CS476 de M. Jean Terlier et CS832 de M. Guillaume Lepers (discussion commune)

M. le président Ian Boucard. L’amendement CS536 vise à élargir la définition des PINM en incluant non seulement les projets industriels mais aussi les projets d’infrastructure, afin de reconnaître leur importance stratégique pour la transition écologique et la souveraineté nationale. Cette reconnaissance faciliterait leur mise en œuvre en leur accordant un statut prioritaire, ce qui est crucial pour soutenir le développement économique et environnemental de notre pays.

M. Jean Terlier (EPR). Inclure les infrastructures dans les PINM relève du bon sens. Dans le Tarn, l’A69, déclarée d’utilité publique sur la base d’une enquête publique, fait malheureusement l’objet d’une contestation au motif qu’elle ne présenterait aucun intérêt public majeur. Les amendements en discussion commune ne régleront certes pas le problème, mais visent à faire en sorte que la raison d’intérêt public majeur soit appréciée par le juge administratif dès la déclaration d’utilité publique. L’ordonnancement de la justice administrative et la faculté de contestation des projets ont tout à y gagner.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Nous sommes sensibles à de tels amendements. Toutefois, l’extension de la présomption de raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) aux projets d’infrastructure affaiblirait l’exigence de justification au cas par cas, qui est essentielle dans le cadre des dérogations, notamment des dérogations « espèces protégées ». De surcroît, l’amendement augmente le risque juridique en matière de contentieux, en fragilisant l’équilibre entre développement et protection de la biodiversité. L’évolution proposée est insuffisamment encadrée. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Les amendements visent à élargir aux infrastructures non seulement le statut de PINM mais aussi la faculté de mutualisation de la consommation d’espaces naturels à l’échelle régionale ou intercommunale qu’emportent les aménagements, équipements et logements directement liés aux projets d’envergure nationale ou européenne.

La raison d’être du statut dérogatoire attaché aux PINM est de permettre l’accélération de projets ayant un impact économique majeur et surtout soumis à la concurrence internationale. Il s’agit d’accompagner la réindustrialisation française. Seuls six projets en ont bénéficié à ce jour. Ce statut n’a pas vocation à accompagner la construction d’infrastructures.

S’agissant de l’extension de la mutualisation de la consommation d’espace, elle fera l’objet d’une proposition de loi spécifique. Avis défavorable.

M. Charles Fournier (EcoS). En fin de compte, qu’est-ce qui n’est pas d’intérêt national majeur ? De jour en jour, ce statut englobe les projets industriels, les projets d’infrastructure, les centres de données – tout, en somme. La logique dans laquelle s’inscrit le statut de PINM suppose de maintenir l’étude des projets au cas par cas.

À force de l’accorder automatiquement, il ne restera rien qui ne soit d’intérêt national majeur, sauf peut-être le conseil économique, social et environnemental régional (Ceser), qu’il faudrait alors supprimer ! La mise en œuvre de cette notion pose un problème. Dès l’examen de la loi « industrie verte », nous avons mis en garde contre le risque de son interprétation extensive. C’est exactement ce qui se passe.

M. le président Ian Boucard. Mon département, le Territoire de Belfort, s’est fortement désindustrialisé, mais a mieux résisté que d’autres grâce à de bonnes idées et à une diversification dans les domaines de l’hydrogène ou de la logistique – que vos amis veulent d’ailleurs interdire dans le département, monsieur Fournier.

Le ministre l’a dit, seuls six projets ont été reconnus d’intérêt national majeur en cinq ans. Cela signifie qu’on ne souhaitait pas réellement réindustrialiser notre pays. Avec ce projet de loi de simplification de la vie économique, émerge une opposition idéologique entre les tenants d’une réindustrialisation, afin que les gens puissent encore avoir un boulot, et les partisans, que je respecte parfaitement, de la décroissance. Par ces amendements, M. Ray, M. Terlier, M. Lepers et moi-même montrons que nous appartenons à la première catégorie. Je m’exprime ici non en tant que président de la commission spéciale, mais comme simple député.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Il ne serait pas sérieux d’accorder d’office une présomption de raison impérative d’intérêt public majeur aux projets de grande infrastructure, notamment routière, qui plus est au nom de la transition écologique.

Certains de ces amendements interviennent en réaction au fiasco de l’autoroute A69, mais au lieu d’en tirer les leçons, on persiste et signe ! Il s’agit d’un cas typique de projet pensé dans les années 1990, sans aucune étude des solutions alternatives, comme celle, toute simple, de réaménagement de la route nationale – que l’autoroute viendrait doubler de manière absurde. On a préféré se lancer en dépit de l’avis négatif de toutes les instances indépendantes et on s’étonne maintenant qu’il n’y ait en réalité pas de RIIPM.

En quarante ans, la surface artificialisée de France métropolitaine a été presque multipliée par deux. Nos sols sont parmi les plus artificialisés d’Europe, sachant que nous disposons aussi du réseau routier le plus dense. Nous ne pouvons donc continuer de faciliter de tels projets de grande infrastructure routière sans de plus amples réflexions sur leurs conséquences climatiques ou en matière de biodiversité.

Comme l’a dit Charles Fournier, tout va devenir d’intérêt public majeur, ce qui permettra de détruire la biodiversité et ne pas nous soucier des zones humides, ni de l’étendue des terres agricoles, car c’est de cela aussi dont il est question. Météo-France prédit des sécheresses inédites dans les années à venir : nous ne pouvons continuer de penser comme dans les années 1990, tout comme nous ne pouvons accorder un RIIPM aux projets de grandes infrastructures.

M. Jean Terlier (EPR). Ces propos sont ubuesques. En Haute-Garonne, d’où Mme Stambach-Terrenoir est originaire, on se déplace facilement et on dispose du tramway ou du métro. À l’inverse, dans un territoire rural comme le mien, où la voiture est nécessaire, l’enjeu est de désenclaver le bassin d’emploi, qui concerne 80 000 personnes, afin que ces dernières bénéficient d’un équitable accès aux services de santé, aux services publics et à l’activité économique. Nous ne demandons rien de plus. Considérer les projets d’infrastructure de la même manière que les projets industriels redonnerait de l’attractivité aux territoires ruraux, ce qui ne serait que justice.

Nous ne remettons pas en cause la philosophie de la RIIPM : nous estimons simplement que nous ne pouvons pas attendre trente ans avant que les projets aboutissent. Nous avons besoin de procédures administratives cohérentes et d’éviter ce que connaît actuellement le Sud du Tarn, à savoir la remise en cause, par une juridiction administrative du premier degré, d’une déclaration d’utilité publique validée par une décision du Conseil d’État en 2021. Je répète que c’est incohérent et irrespectueux des habitants de cette région et par extension des territoires ruraux, qui ne demandent rien d’autre que l’égalité des chances en matière de développement économique.

La commission adopte l’amendement CS536.

En conséquence, les amendements CS428, CS476 et CS832 tombent.

Amendement CS1161 de M. Nicolas Bonnet

M. Hendrik Davi (EcoS). L’amendement CS1158, qui devait être examiné avant celui-ci, visait à supprimer toute possibilité de décréter un projet de centre de données d’intérêt national majeur. Le CS1161 est un amendement de repli tendant à ce que la potentielle importance pour la souveraineté nationale s’apprécie au regard du caractère public des données hébergées. Si le centre envisagé a vocation à héberger des données d’Apple ou de Google, son intérêt national majeur n’est pas vérifié.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis défavorable. Si l’hébergement des données publiques constitue un enjeu crucial de souveraineté numérique, ce ne saurait être le seul critère d’appréciation de l’intérêt du projet.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Affirmer que les données ne participent de notre souveraineté que si elles sont publiques ou si elles appartiennent aux administrations, c’est méconnaître le caractère souverain d’une donnée. En effet, des entreprises privées telles que Dassault ou Capgemini disposent de données extrêmement sensibles, relatives, par exemple, à la santé, et ont besoin de les stocker de manière sûre et souveraine en France, sans pour autant être liées à une administration ou à un service public. Cet amendement n’a donc pas de sens.

M. Hendrik Davi (EcoS). L’amendement concerne aussi les entités de droit privé ou de droit public poursuivant une mission de service public ; son champ est donc assez large. J’ajoute que nous avons vraiment besoin d’acquérir une souveraineté numérique et d’éviter d’avoir à nous appuyer sur des entreprises comme Google et Apple car, dans l’hypothèse d’une guerre économique, l’accès à leurs centres de données pourrait nous être coupé. Il convient donc de réfléchir à une mission de service public relative aux données, ce qui n’est pas un gros mot.

M. Éric Bothorel (EPR). Je peine à vous suivre, monsieur Davi. Vous venez de vous opposer à l’installation de centres de données au motif qu’ils prendraient trop de place, mais vous reprenez ici l’argumentaire que j’ai moi-même développé tout à l’heure selon lequel si Google et Apple nous ferment l’accès à centres de données, nous nous retrouverons démunis. Il n’existe pas de données Apple ou de données Google : il y a des données appartenant aux Français qui sont exploitées par ces sociétés, ou encore, pour prendre un autre exemple, par Microsoft dans le cadre du Health Data Hub. Le caractère souverain d’une donnée ne s’apprécie pas selon son mode d’hébergement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1113 de M. Aurélien Lopez-Liguori

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Si nous adhérons à l’idée d’étendre le dispositif relatif aux projets d’intérêt national majeur aux centres de données stratégiques, nous craignons que la présente rédaction de l’article 15 exclue certaines infrastructures. Vous ne visez en effet que les centres de données d’envergure, puissants et stratégiques, laissant de côté les infrastructures de taille plus modeste mais dont l’utilité peut toutefois être critique pour notre souveraineté numérique. Le edge computing, par exemple, qui repose sur de petits centres de données décentralisés, est indispensable au traitement des données en temps réel, dont ont besoin les véhicules autonomes, l’internet des objets ou encore certaines applications industrielles stratégiques. Il faut donc être cohérent. La souveraineté numérique ne repose pas que sur des mastodontes du cloud, c’est-à-dire sur d’immenses centres de données, mais sur un écosystème auquel participent de plus petites infrastructures qui, elles aussi, doivent pouvoir être reconnues d’intérêt national majeur.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet amendement affaiblirait les garanties prévues par le texte. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Aux arguments que j’ai énoncés, j’ajoute celui de la souveraineté industrielle. OVHcloud mise à part, les entreprises capables de créer des infrastructures géantes sont à 95 % extraeuropéennes. En excluant les petits centres de données du dispositif, vous empêcherez le développement de nouveaux entrants et même d’entreprises qui ont pignon sur rue mais qui n’ont pas les reins assez solides pour créer des mastodontes de la donnée. C’est problématique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS440 de Mme Anne Le Hénanff

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la mention des critères d’investissement et de puissance installée dans l’appréciation des projets de centre de données, mais ces critères permettent justement d’objectiver leur caractère stratégique. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS725 de Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Eu égard au développement de l’intelligence artificielle, cet amendement de précision vise à soutenir des projets de centres de données de taille plus modeste, mais portés par des entreprises françaises ou européennes. En effet, les plus grands centres appartiennent quasi exclusivement à des acteurs extraeuropéens, soumis à l’extraterritorialité du droit américain.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je partage l’objectif légitime de renforcer notre souveraineté numérique et de soutenir l’émergence d’un écosystème national ou européen dans ce domaine stratégique. Cependant, le critère de contribution au développement d’un tel écosystème soulève des questions d’interprétation et de sécurité juridique. Il appartiendra au pouvoir réglementaire d’apprécier au cas par cas les critères pertinents. Je m’en remets à la sagesse de la commission spéciale.

M. Marc Ferracci, ministre. Cet amendement est satisfait, le texte permettant déjà d’octroyer le statut de PINM au titre d’une contribution à la souveraineté nationale. De plus, le gouvernement tient à assurer que les niveaux de puissance indiqués dans l’étude d’impact ou évoqués lors du sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle ne constituent en aucun cas des minima pour obtenir ce statut. Il est selon moi nécessaire de conserver les critères d’investissement et de puissance pour circonscrire le statut, qui permet de déroger à certaines règles et qui doit donc être utilisé de manière proportionnée.

Je demande le retrait de l’amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je le maintiens et remercie le rapporteur pour son avis. L’amendement est peut-être satisfait, mais préciser que nous favorisons des projets européens me semble important dans le contexte actuel.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS1114 de M. Aurélien Lopez-Liguori

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Pour qu’un centre de données soit considéré comme un projet industriel d’intérêt national majeur, il faut que soit reconnue son importance pour la souveraineté nationale, la transition numérique ou la transition écologique. Nous estimons que ce dernier critère est une erreur. En effet, nous parlons ici d’infrastructures critiques essentielles pour l’intelligence artificielle, le cloud, l’industrie, la recherche ou la cybersécurité, lesquelles garantissent notre puissance de calcul et desquelles dépend par conséquent notre souveraineté. Le rôle premier des centres de données n’est pas de participer à la transition écologique ; aussi ne devraient-ils pas, comme le sous-entend l’article 15, être soumis à des obligations ou à des incitations d’investissement dans l’éolien et plus généralement dans les énergies intermittentes, au détriment des besoins stratégiques. Ce faisant, nous rendrions les centres de données dépendants d’un système énergétique instable et coûteux.

Par surcroît, ces centres sont d’ores et déjà soumis à des normes écologiques, notamment au titre de la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France (dite « loi Reen »). Nous devons assumer un choix clair selon lequel la souveraineté numérique prime. Si nous voulons que la France reste dans la course, nous devons garantir à ces infrastructures une énergie fiable et compétitive, en donnant la priorité au nucléaire. En somme, nous proposons de supprimer la mention de la transition écologique.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Depuis une dizaine d’années, la transition écologique constitue un pilier absolument essentiel et indissociable de notre politique industrielle et numérique. Supprimer cette référence reviendrait à nier, dans tous les projets, l’exigence environnementale, qui est également attendue par les infrastructures stratégiques elles-mêmes, y compris les centres de données. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis, étant précisé que les critères d’éligibilité au statut de PINM ne sont pas cumulatifs. L’importance pour la transition écologique n’est donc pas le seul à refléter les priorités de l’intérêt national. De plus, les centres de données intègrent déjà les enjeux de la transition écologique et énergétique, avec des dispositifs de recyclage de la chaleur émise par les serveurs pour le chauffage, par exemple, de bâtiments publics situés à proximité. Cette préoccupation est compatible avec leur activité.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cet amendement est caricatural. Si vous vous intéressiez vraiment à la transition écologique, vous verriez rapidement le lien avec les enjeux de souveraineté et de stratégie auxquels nous sommes confrontés en tant que décideurs publics. Vous déliez le débat économique des questions matérielles relatives à la transition écologique qui le sous-tendent : c’est absurde. Cela n’a aucune rationalité, ni politique, ni scientifique. C’est hors-sol et climatosceptique.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS475 de M. Stéphane Travert, CS88 de M. Vincent Rolland, CS351 de M. Éric Michoux, CS483 de Mme Anne-Laure Blin et CS1068 de M. Sébastien Huyghe

M. Stéphane Travert, rapporteur. Ces amendements sont rédactionnels. Ils ne visent qu’à apporter une précision.

M. Sébastien Huyghe (EPR). Ils visent à garantir un cadre clair, transparent et équitable pour la qualification des centres de données en tant que projets d’intérêt national majeur. Ces infrastructures étant essentielles à la transition numérique, à la souveraineté technologique et à la transition écologique, il est indispensable d’assurer un traitement homogène des demandes, en précisant que les critères d’éligibilité, définis par décret en Conseil d’État, devront être techniques, objectifs et non discriminatoires. De cette manière, nous sécuriserons le processus, renforcerons la transparence et éviterons toute appréciation arbitraire.

M. Marc Ferracci, ministre. Ces amendements sont satisfaits, l’alinéa 13 du présent article prévoyant déjà qu’un décret en Conseil d’État définira les critères d’éligibilité au statut de PINM. Celui-ci est accordé au cas par cas, les dossiers étant examinés de manière attentive. D’ailleurs, seuls six projets l’ont obtenu jusqu’à présent. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Le caractère non discriminatoire des critères d’éligibilité ne figure pas dans le texte, raison pour laquelle nous souhaitons apporter cette précision.

La commission adopte les amendements.

Amendement CS943 de M. Charles Fournier

M. Charles Fournier (EcoS). Loin d’être une perte de temps, un débat public peut être porteur de simplification, en permettant de lever des difficultés et d’éviter d’éventuels recours. Nous proposons donc de confier à la Commission nationale du débat public (CNDP) – dont certains aimeraient limiter la portée – le soin d’organiser un débat visant à définir quelles catégories de centres de données pourraient être d’intérêt national majeur. Chacun pourrait ainsi être éclairé et se positionner, car les choses ne sont pas évidentes. On ne dit pas, entre autres, combien de centres de données pourraient être installés, ni quels critères précis serviront notre ambition écologique.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je suis d’accord : même s’il faut veiller à ne pas rigidifier excessivement les procédures, les enjeux environnementaux et démocratiques liés aux centres de données justifient l’organisation d’un débat approfondi. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Marc Ferracci, ministre. Avis défavorable. Cet amendement, qui alourdirait les procédures, va à l’encontre de la philosophie du texte et donc de la logique de simplification.

M. Charles Fournier (EcoS). Je m’inquiète que tout débat soit vu comme un alourdissement des procédures. À vous écouter, il ne faudrait plus débattre et valider par principe la valeur des projets.

Contrairement à vous, j’estime qu’un débat permettrait à chacun de se positionner en répondant aux interrogations et donc d’éviter que le public découvre les projets trop tard. De plus, il s’agirait d’un seul et unique débat sur les centres de données et non de débats projet par projet. Pour de nombreuses personnes, cette question n’a rien d’une évidence. Quand on voit débarquer un projet dont on n’a jamais entendu parler au préalable, cela pose un problème. Je suis en désaccord avec l’idée selon laquelle ce serait une perte de temps.

M. le président Ian Boucard. Je crois que nous prouvons depuis hier 15 heures que débattre n’est pas une perte de temps !

M. Marc Ferracci, ministre. Accordons-nous au moins sur le fait qu’un débat public allongerait les délais.

M. Charles Fournier (EcoS). Je ne propose pas des débats projet par projet.

M. Marc Ferracci, ministre. J’ai bien compris. J’appelle néanmoins votre attention sur le fait que le porteur du projet, qu’il soit ou non reconnu d’intérêt national majeur, peut organiser un débat s’il l’estime nécessaire à son appropriation et à son acceptation sociale. Certaines entreprises se livrent d’ailleurs de manière spontanée à cet exercice. Je répète qu’en faire une obligation pour la qualification des projets de centres de données allongerait les délais, raison pour laquelle je maintiens mon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1083 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi (EcoS). Cet amendement vise à ce qu’un projet de centre de données ne puisse être qualifié de PINM que s’il n’engendre pas une artificialisation des sols. Nous perdons entre 20 000 et 30 000 hectares par an. Or la souveraineté en matière alimentaire est essentielle : nous le constatons de manière croissante. Nous ne produirons pas davantage de produits agricoles sans disposer des terres suffisantes.

Quant au débat public, je considère également qu’il ne s’agit pas d’une perte de temps. En effet, il vaut souvent mieux nous mettre d’accord sur un projet plutôt que d’être ensuite contraints d’y renoncer alors qu’il a déjà été lancé.

Pour avoir discuté avec Enedis des différents besoins en électricité, ceux des centres de données sont importants. Or, au vu de l’évolution des consommations, il sera nécessaire, à un moment ou à un autre, de couper l’électricité en journée à des particuliers. Et ce n’est pas la relance du nucléaire qui changera la donne, dans la mesure où il n’y aura pas de nouvelle production d’énergie par ce biais avant vingt ans. La question du partage de l’énergie entre les particuliers, les centres de données et les autres postes de consommation mériterait donc un débat démocratique. S’il n’est pas mené sérieusement, un mouvement comme celui des gilets jaunes aura lieu.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Si la préservation des sols est un objectif fondamental, une interdiction de principe pour ce motif serait contraire à la logique même du statut de PINM. Une telle rigidité compromettrait la faisabilité de certains projets stratégiques, sans qu’il soit tenu compte de leur localisation, de leur nature, ni des mesures compensatoires habituellement prévues. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS410 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Cet amendement s’inspire du rapport d’information publié il y a un an sur l’adaptation des politiques de l’eau au défi climatique, et plus particulièrement de sa recommandation n° 13, qui engage à tenir compte de l’état de la ressource en eau sur le territoire concerné avant d’autoriser l’installation d’un projet industriel. Dans la mesure où les centres de données ont besoin d’eau pour assurer leur refroidissement, je propose que l’autorité administrative puisse refuser l’octroi d’un permis de construire en cas de tensions structurelles sur la ressource en eau.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet amendement introduirait une faculté d’appréciation très utile à l’autorité administrative dans les territoires confrontés à un stress hydrique très important ou à une pression durable sur la ressource en eau. Il concilierait développement numérique et responsabilité environnementale ; j’y suis favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Je confirme la nécessité de tenir compte de la consommation d’eau des centres de données. Celle-ci est forte et peut être source de tensions, particulièrement en période de sécheresse. Il me semble toutefois que l’amendement est satisfait, le code de l’urbanisme prévoyant déjà la possibilité de refuser un projet ou de l’assortir de prescriptions particulières « s’il est de nature à porter atteinte à la sécurité ou à la salubrité publique ». J’en demande donc le retrait, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Nous soutiendrons cet amendement. Dans la vallée du Rhône, le réchauffement climatique met en péril les glaciers dans des proportions telles que le débit du fleuve s’en trouve modifié. Or le Rhône est nécessaire au refroidissement de certaines de nos centrales nucléaires. Vous voyez donc combien la ressource en eau, qui est la plus vitale de toutes, doit être sanctuarisée. Il ne faut pas la mettre en péril pour couler du béton et construire des machines qui chauffent beaucoup.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS1207 de M. Laurent Lhardit

M. Laurent Lhardit (SOC). Cet amendement vise à compléter notre souveraineté en matière de centres de données en excluant du statut de PINM les projets proposés par des sociétés soumises à une législation étrangère comportant une portée extraterritoriale – législation qui contraint ces entreprises à capter des données si leurs autorités nationales en font la demande, dans le but de les utiliser comme outil de guerre économique. Je pense notamment au Cloud Act de 2018, qui permet aux autorités judiciaires américaines d’imposer à leurs entreprises technologiques de transmettre toute donnée stockée sur leurs serveurs, même lorsqu’ils se situent à l’étranger.

Dit autrement, je propose d’exclure du bénéfice du statut de PINM les projets de sociétés extraeuropéennes n’apportant pas de garantie de protection et de souveraineté des données.

M. Stéphane Travert, rapporteur. J’adhère à l’objectif de souveraineté numérique, mais cet amendement présente certaines difficultés majeures, la protection des données relevant du règlement général sur la protection des données (RGPD), donc de la régulation européenne, et non du régime des projets d’intérêt national majeur. Mon avis est donc défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

M. Laurent Lhardit (SOC). Mon amendement s’appuie justement sur les dispositions du RGPD.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Il s’agit d’un excellent amendement. Stocker les données dans un centre situé sur le territoire national ne suffit pas. Des entreprises comme Microsoft ou Google sont soumises au Cloud Act et donc à l’extraterritorialité du droit américain. Et la logique serait la même si nous recourrions à des entreprises chinoises, eu égard à la loi sur le renseignement en vigueur dans ce pays. Si nous voulons faire émerger des géants européens du numérique, nous devons nous protéger contre cette extraterritorialité, sachant que, ce faisant, nous ouvrirons un marché et susciterons des investissements.

La commission adopte l’amendement.

Première réunion du mercredi 26 mars 2025 à 15 heures

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M. Charles Fournier (EcoS). Cet amendement vise à conditionner l’implantation de data centers, et plus généralement d’industries, à la présence d’une ressource en eau en quantité et en qualité suffisantes. Seule 5 % de l’eau est utilisée à des fins industrielles, mais certains procédés en nécessitent énormément, à l’instar de la fabrication de semi-conducteurs qui, à elle seule, pourrait consommer environ 10 % de la consommation d’eau de la métropole de Tours et 20 % de celle de Grenoble. De la même manière, Google a admis avoir prélevé 28 milliards de litres d’eau en 2023, dont deux tiers d’eau potable, pour refroidir ses centres de données. Alors que la question du partage de l’eau se pose avec une acuité particulière, il serait de bon ton de soumettre l’autorisation des projets à la condition que la ressource en eau soit disponible.

M. Stéphane Travert, rapporteur pour les titres VII à XII. Hier, nous avons adopté l’amendement CS410 de M. Taupiac, qui avait le même objet. Le vôtre étant ainsi satisfait, j’en demande le retrait, sinon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1170 de M. Charles Alloncle

M. Charles Alloncle (UDR). Nous l’avons dit hier, les projets d’intérêt national majeur (PINM) sont des véhicules très intéressants pour lutter contre la bureaucratie, les lourdeurs, la paperasse, les chaînes de décision interminables. Ils concernent déjà les infrastructures liées à la transition écologique, mais d’autres vecteurs de transformation économique pourraient en bénéficier : les centres de données, la santé, ou encore les transports. Le présent amendement vise donc à élargir l’éligibilité à ce statut à tous les projets d’investissement privé supérieurs à 100 millions d’euros, sous réserve qu’ils contribuent effectivement au développement économique. Une telle mesure participerait de la logique de simplification qui nous anime et pourrait être soutenue par tous.

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’importance financière d’un projet ne peut justifier à elle seule la reconnaissance de son intérêt national majeur. Nous souhaitons réserver ce statut aux seuls projets répondant à des objectifs stratégiques clairement identifiés, tels que la transition écologique et la souveraineté nationale. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie. Même avis. J’ajoute que le seuil de 100 millions d’euros aurait pour conséquence de ne retenir quasiment que des projets étrangers, ce qui serait contradictoire avec l’amendement CS1207, adopté hier soir et visant à exclure les projets ne garantissant pas la souveraineté des données. Je reviendrai sur ce dispositif, car j’ai des doutes sur son application, mais je répète que le présent amendement entrerait en contradiction avec lui.

M. Charles Fournier (EcoS). Je repose la même question qu’hier soir : qu’est-ce qui ne sera pas, demain, reconnu d’intérêt national majeur ? En l’espèce, j’adhère bien sûr aux propos du rapporteur : le coût du projet ne saurait constituer un élément déterminant. Dans le cas contraire, tout projet onéreux deviendrait d’intérêt national majeur, ce qui, d’ailleurs, serait aussi contradictoire avec la nécessité de maîtriser nos dépenses publiques. Nous sommes donc opposés à cet amendement.

Je le répète : hormis les projets d’équipements publics, qui ne peuvent obtenir le statut de PINM, de nombreuses activités industrielles seront désormais concernées, comme les centrales nucléaires ou les data centers, au point que la notion d’intérêt national majeur est progressivement abîmée et vidée de son sens.

M. Charles Alloncle (UDR). Oui, monsieur Fournier, les centrales nucléaires et les centres de données sont des PINM ; on ne peut pas le nier.

Monsieur le rapporteur, au fond, j’ai l’impression que seuls les projets d’éoliennes ou liés à la transition écologique pourront être reconnus d’intérêt national majeur. Mon amendement vise donc à jeter un pavé dans la mare et à élargir ce statut à d’autres secteurs. Je propose ici un critère économique, mais d’autres pourraient aussi être retenus.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement CS537 de M. Ian Boucard

M. le président Ian Boucard. Eu égard à l’adoption, hier soir, de l’amendement CS410 de M. Taupiac, auquel je me suis converti, je retire celui-ci.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1208 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Je me félicite du retrait de ce dernier amendement, car son adoption aurait fait tomber celui-ci, qui vise à préciser, à l’alinéa 13, que l’autorité administrative compétente tient également compte des enjeux liés à la résilience du stockage des données stratégiques. En effet, la prudence nous engage à éviter la concentration des centres de données sur un même site ou dans une même zone géographique ; il y va de la conservation et de la souveraineté de nos données.

M. Stéphane Travert, rapporteur. En effet, il eût été dommage que cet amendement tombât, car il complète utilement les critères existants sans les alourdir. Avis favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. À l’inverse du rapporteur, mon avis est défavorable, car la résilience du stockage des données n’est pas l’objet du présent article. D’autres vecteurs existent, à l’image du label SecNumCloud, pour assurer la sécurité des données. Je rappelle en outre que les critères d’éligibilité au statut de PINM seront définis par un décret en Conseil d’État.

M. Frédéric-Pierre Vos (RN). J’approuve pleinement les propos du ministre et précise que l’emplacement des centres de données dépend de la présence de câbles électriques et d’infrastructures de communication filaires. Nous ne jouons pas ici une partie de Monopoly : l’installation de ces infrastructures dépend du réseau préexistant. Leur répartition sur l’ensemble du territoire est impossible, car nous ne disposons pas partout de ces câbles.

M. Laurent Lhardit (SOC). Nos réflexions techniques au sujet des data centers nous conduisent à envisager leur installation au sein d’une même zone géographique, mais en des lieux suffisamment éclatés pour qu’ils ne constituent pas un objectif militaire facile à atteindre. Il revient au gouvernement de prendre certaines décisions stratégiques concernant cette technologie qui évolue très vite.

Par ailleurs, j’ai récemment étudié un projet de centres de données fonctionnant grâce au refroidissement par circulation d’eau plutôt que grâce au refroidissement traditionnel à l’air, ce qui limite fortement la taille des installations et permet leur éparpillement sur le territoire.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CS1349 du gouvernement, CS151 de M. Xavier Roseren, CS497 de M. Éric Bothorel et CS1115 de M. Aurélien Lopez-Liguori

M. Marc Ferracci, ministre. Ces amendements visent à ce que le décret en Conseil d’État n’inclue pas d’indicateurs chiffrés sur l’efficacité des centres de données, indicateurs relatifs, entre autres, à la consommation d’électricité et d’eau. De telles mesures sont déjà prévues par la loi de 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France (dite « loi Reen »), et seraient en outre difficiles à réaliser en amont des projets.

M. Xavier Roseren (HOR). La disposition que ces amendements tendent à supprimer a été introduite par le Sénat. Or l’efficacité énergétique et la consommation d’eau sont impossibles à mesurer en amont de la construction : elles ne peuvent l’être qu’une fois le centre de données ouvert. J’ajoute que les centres de grande envergure entrent dans le champ de la loi Reen, qui tient compte avec précision de ces enjeux environnementaux.

M. Éric Bothorel (EPR). Plusieurs études récentes, de l’Agence de la transition écologique (Ademe) ou encore de Green IT, ont montré que les data centers ne représentent qu’une part marginale de l’empreinte environnementale du numérique, dont la part principale provient des terminaux et télévisions – de l’ordre de 60 à 90 % contre 0,2 à 3 % pour les centres de données – du fait de la consommation de terres rares, d’eau et d’énergie nécessaires à leur fabrication.

Quant à l’implantation géographique de ces infrastructures, j’encourage tout le monde à nous rejoindre pour faciliter l’atterrage des câbles sous-marins sur notre littoral. En modifiant notre droit, nous pourrons éviter la concentration des data centers.

M. Thierry Tesson (RN). Mes collègues l’ont dit, ces amendements visent à supprimer une disposition introduite par le Sénat, qui ajoute une contrainte et n’a pas sa place dans un texte dont le but est précisément de placer l’intérêt national majeur et la souveraineté nationale avant toutes les autres considérations.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis favorable.

M. Nicolas Bonnet (EcoS). Il me semble que l’intérêt général majeur est avant tout de préserver la ressource en eau. À cet égard, dans la hiérarchie des usages, viennent dans l’ordre : la consommation des populations, la préservation de la biodiversité et l’usage de l’industrie, à commencer par l’agriculture. Il est essentiel d’en tenir compte dans le développement des data centers, qui n’ont pas besoin d’être implantés à des endroits spécifiques. Nous nous connectons tous les jours à internet grâce à des infrastructures souvent situées à des centaines, voire des milliers de kilomètres de nous.

Les centres des données ne fonctionneront pas s’il n’y a pas assez d’eau. N’allons pas privilégier leur refroidissement aux dépens de la consommation alimentaire.

Les amendements sont adoptés.

Amendement CS944 de M. Charles Fournier

M. Charles Fournier (EcoS). Parmi les indicateurs de l’importance particulière pour la transition écologique, nous proposons d’ajouter celui de récupération et de réutilisation de la chaleur, eu égard à l’importante quantité émise par les centres de données.

M. Stéphane Travert, rapporteur. La récupération de la chaleur perdue constitue effectivement un levier d’efficacité énergétique, mais retenir un tel critère de manière systématique nous conduirait à écarter certains projets structurants quoiqu’inadaptés à cet enjeu. Nous devons inciter et non prescrire la valorisation de la production de chaleur. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. Charles Fournier (EcoS). Les enjeux relatifs à la consommation d’énergie, aux émissions de gaz à effet de serre ou encore à la ressource en eau invitent à ne plus raisonner comme avant et à être plus exigeants. Certes, cela suppose davantage de contraintes, mais c’est parce que nous n’avons pas fait ce qu’il fallait jusqu’à présent. Demeurer dans une logique incitative ne me semble pas entendable : nous avons besoin de projets vertueux, ce qui commence dès leur conception. Si la récupération de la chaleur est optionnelle, il est évident que, pour des raisons de coût, elle sera souvent ignorée.

M. Henri Alfandari (HOR). Je ne voterai pas cet amendement, mais l’idée qui le sous-tend est plutôt bonne. S’il faut éviter d’ajouter une complexité, ce critère devrait tout de même être considéré dans notre examen des projets. Eu égard à ce que nous devons faire en matière de transition écologique, il convient de viser l’optimum.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1044 de M. Sébastien Huyghe

M. Sébastien Huyghe (EPR). Le code de l’urbanisme regorge de dérogations facultatives censées encourager les projets à forte valeur environnementale. Cependant, dans les faits, ces dérogations ne sont que rarement accordées et deviennent sources de contentieux. Ainsi, dans la lignée des amendements que j’ai défendus hier soir, je propose d’inverser la logique. Plutôt que solliciter un à un ces dispositifs, les porteurs de projet en bénéficieraient de plein droit, à moins que les collectivités concernées n’en décident autrement, par le biais d’une délibération motivée. Il s’agit d’une mesure de bon sens.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je partage le bon sens de votre proposition, mais elle n’a pas sa place dans ce projet de loi. Je vous renverrai plutôt vers un texte relatif à l’urbanisme, ou encore à la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace), pourvu qu’il soit possible d’y trouver un lien.

M. Marc Ferracci, ministre. Comme le rapporteur, je partage la philosophie de l’amendement, mais je lui donne un avis défavorable, pour la même raison.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1043 de M. Sébastien Huyghe

M. Sébastien Huyghe (EPR). Cet amendement étant du même ordre que le précédent, dois-je comprendre qu’il recevra le même avis ?

M. Stéphane Travert, rapporteur. Oui.

L’amendement est retiré.

Amendement CS852 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). L’objet de cet amendement est de revenir sur les reculs en matière de consultation du public qui ont été entérinés dans la loi de 2023 relative à l’industrie verte. En effet, ce texte, à l’instar de la loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires et de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (dite « loi Aper »), a allégé le droit de l’environnement, comme si son respect n’était pas un impératif. Depuis lors, la consultation des citoyens est empêchée ou amoindrie. Vous ne faites visiblement pas confiance à la démocratie. Tout doit être imposé du haut, mais en l’absence d’une consultation réelle des acteurs et des citoyens, le sens des projets ne sera pas compris, ceux-ci risquant donc d’être d’autant plus contestés. Les nouvelles dispositions légales n’ont même fait qu’exacerber les tensions et ralentir les processus. C’est pourquoi je propose d’y renoncer.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Nous ne connaissons pas encore le bilan de la loi relative à l’industrie verte. De plus, il ne me semble pas souhaitable de remettre en cause l’équilibre trouvé à l’époque par un amendement au présent projet de loi. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis. Il me semble également prématuré de remettre en cause des dispositions dont nous n’avons pas encore mesuré l’efficacité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS855 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). Dans la continuité de mon amendement précédent, celui-ci vise à ce que la commission nationale du débat public (CNDP) soit saisie de tous les projets industriels dits d’intérêt national majeur. Dans la mesure où ils seront d’envergure, il est souhaitable que le public soit informé et éclairé en amont.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet amendement ne vise pas à supprimer de disposition particulière et il me semble légitime que les projets d’envergure fassent l’objet d’un débat public, conformément aux attributions de la CNDP. Le tout est de ne pas rigidifier démesurément les procédures au détriment de l’efficacité des projets que nous appelons de nos vœux. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Marc Ferracci, ministre. Mon avis est défavorable, car une telle mesure rallongerait immanquablement les délais de réalisation des projets, ce qui irait à l’encontre de la simplification que vous visons avec ce texte. De plus, la saisine de la CNDP demeurera possible pour les porteurs de projet, certains faisant spontanément ce choix pour s’assurer de l’acceptabilité sociale de leur projet. Il n’est pas opportun d’emboliser le processus par une saisine systématique.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Vous le dites vous-même, l’organisation d’un débat public par la CNDP permet d’améliorer l’acceptabilité sociale des projets.

M. Marc Ferracci, ministre. Parfois.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Souvent ! Quand le débat est impartial et éclairé, ce que permet la CNDP, tout le monde est informé comme il se doit et peut donner son avis. Dans le cas contraire, je répète que les processus tendent à ralentir et à susciter recours et tensions.

M. Éric Bothorel (EPR). Pour la clarté de nos débats, n’aurions-nous pas supprimé la CNDP lors d’un débat précédent ?

M. le président Ian Boucard. C’est une provocation ! (Sourires.)

M. Marc Ferracci, ministre. J’ai du mal à comprendre l’argument selon lequel un débat organisé par la CNDP est de nature à accélérer la réalisation d’un projet au motif qu’il éviterait des recours ultérieurs. Si tel est le cas, les porteurs de projet eux-mêmes en prendront l’initiative, puisque c’est leur intérêt. Je maintiens donc que cet amendement n’est pas bienvenu.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1176 de M. Nicolas Bonnet

M. Nicolas Bonnet (EcoS). Cet amendement vise à remettre un peu de démocratie participative et d’intelligence collective dans nos décisions. Nous avons décrété que nous pouvions nous passer d’enquêtes publiques, c’est-à-dire conduites par un commissaire enquêteur indépendant, au profit de simples consultations publiques. Or il nous semble essentiel de préserver une étape exigeante de discussion avec la population. Les élus ne sont pas les seuls détenteurs de l’intérêt général : c’est en dialogue avec nos concitoyens que nous pouvons le définir. Nous proposons donc de rétablir le principe des enquêtes publiques s’agissant des data centers.

M. Stéphane Travert, rapporteur. La distinction entre consultation et enquête publique mérite d’être interrogée, particulièrement en ce qui concerne les projets ayant un fort impact territorial et environnemental. Une enquête publique, conduite par un commissaire enquêteur, est toujours de nature à renforcer la transparence, mais aussi l’acceptabilité locale des projets. Comme précédemment, je m’en remets donc à la sagesse de la commission.

M. Marc Ferracci, ministre. Mon avis est défavorable, pour les mêmes raisons qu’à l’amendement précédent. La consultation du public est plus souple que l’enquête publique, ce qui s’inscrit dans la logique de simplification du présent texte. Elle permet d’associer la population – ce à quoi vous êtes tous sensibles – et de collecter les avis par différents canaux, dont la voie électronique, ce qui est de nature à renforcer la participation du public.

J’ajoute que c’est une disposition récente. Là encore, il conviendrait donc d’attendre d’en connaître le bilan avant d’éventuellement revenir au dispositif antérieur.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Je vous invite, si ce n’est déjà fait, à consulter le rapport d’information de notre collègue Loïc Prud’homme sur la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau. Ce rapport indique que si ces conflits sont de plus en plus nombreux autour des usages agricoles, c’est avant tout en raison d’un manque de transparence et d’espace de concertation entre les différentes parties prenantes. Ainsi, en limitant voire en supprimant le débat public, nous risquons d’encore accroître le nombre de conflits. Ce n’est pas ainsi que nous pourrons accélérer et simplifier les choses. À l’inverse, j’estime qu’un débat public serait enrichissant pour tout le monde.

M. Marc Ferracci, ministre. Je m’étonne de ces arguments. L’exposé sommaire de l’amendement indique à raison qu’une enquête publique est accompagnée d’un commissaire enquêteur, tandis qu’une consultation met tous les documents à la disposition du public. Au fond, c’est faire peu confiance aux citoyens que de considérer qu’ils ont besoin d’être encadrés d’une manière assez paternaliste dans leur appréhension des éléments. Nous avons ici une divergence de philosophie qui me conforte dans mon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS942 de M. Charles Fournier

M. Charles Fournier (EcoS). L’amendement vise à articuler le document d’orientation et d’objectifs, mentionné à l’alinéa 3 du présent article, avec les missions des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET). En effet, il nous semble que les choix d’implantation de data centers doivent tenir compte des documents de planification et des documents stratégiques locaux.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS854 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Par cet amendement, nous proposons la suppression de l’alinéa 26, qui prévoit la possibilité de reconnaître par anticipation à un projet de centre de données une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM). Dans la mesure où la RIIPM sera acquise en amont et non plus au moment de la demande de dérogation « espèces protégées », une telle disposition facilitera leur destruction.

Ce faisant, nous allons encore renforcer la politique du fait accompli, inhérente à notre droit environnemental. On accorde des dérogations, mais à cause d’un défaut d’évaluation ou de contentieux ultérieurs, et des projets sont ensuite annulés ou déclarés illégaux, comme ce fut le cas récemment de l’autoroute A69. Or les dégâts sont faits, parfois même de manière irréversible.

Nous vivons la sixième extinction des espèces et assistons à un effondrement massif de la biodiversité. Les espèces protégées ne sont que la pointe émergée de l’iceberg ; un point de repère. Lorsque nous autorisons la destruction d’espèces protégées, c’est tout un écosystème qui est déséquilibré, sinon totalement détruit. Faciliter les dérogations simplifie bien sûr les installations, mais cette démarche est dangereuse à long terme, et je ne comprends pas que nous n’en tenions pas compte davantage.

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’amendement affaiblirait la cohérence du régime des PINM. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1352 du gouvernement

M. Marc Ferracci, ministre. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 29, ajouté par le Sénat, qui rend éligible au dispositif prévu à l’article 27 de la loi Aper les projets industriels permettant la réduction des émissions de gaz à effet de serre biogéniques. Cet article de la loi Aper donne accès à certaines dérogations administratives pour le raccordement électrique de projets de décarbonation de sites fortement émetteurs. Son objectif est ainsi de réduire les émissions de CO2 issues de la combustion d’énergies fossiles. Or nous estimons que ces importantes dérogations doivent demeurer strictement réservées aux projets concourant à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation. Les étendre aux installations émettant du CO2 biogénique n’est donc pas souhaitable, d’autant que ces émissions ne sont comptabilisées et valorisées dans le système communautaire d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (ETS).

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement CS1348 du gouvernement

M. Marc Ferracci, ministre. Il vise à supprimer les alinéas 33 à 35, introduits par le Sénat, qui prévoient le raccordement en fibre optique des centres de données. Un tel raccordement est essentiel à leur bon fonctionnement, mais le dispositif prévu n’est pas suffisamment opérant pour être maintenu en l’état.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Nous avons besoin d’un dispositif stable, cohérent et robuste. Je suis donc évidemment favorable à la suppression de ces alinéas.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS945 de M. Charles Fournier

M. Charles Fournier (EcoS). Selon une étude de l’Ademe et de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), les centres de données représentent pas moins de 8,7 % de la consommation électrique française ; c’est loin d’être négligeable. Pour nous aligner sur les objectifs européens, nous proposons de porter leur obligation de s’approvisionner en énergies renouvelables de l’objectif européen de 42,5 % à 45 %.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Ce niveau me paraît trop élevé : c’est la garantie que le dispositif ne fonctionnera pas. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

M. Charles Fournier (EcoS). Quel niveau vous paraîtrait acceptable ?

M. Stéphane Travert, rapporteur. Ma réponse est tirée de l’expérience. Ma région a voulu implanter des bornes de recharge alimentées en électricité non nucléaire, mais le dispositif s’est avéré peu pertinent et peu fiable, à tel point que nous avons dû le retirer. L’opération a eu un coût élevé. Dans le même esprit, il me semble prématuré d’imposer 45 % d’approvisionnement en énergies renouvelables aux centres de données. Peut-être y parviendrons-nous plus tard, mais il faut prendre le temps de la transition.

M. Charles Fournier (EcoS). Vos propos valent aussi pour le nucléaire, qui n’est pas près d’alimenter le surcroît de besoins en électricité qui s’annonce. Vous devriez appliquer dans ce texte le « en même temps » qui vous est cher.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS460 de Mme Constance de Pélichy, CS574 de Mme Sandrine Le Feur, CS858 de Mme Lisa Belluco, CS1210 de Mme Mélanie Thomin et CS1350 du gouvernement

Mme Lisa Belluco (EcoS). Nous proposons de supprimer les alinéas 36 à 40 de l’article 15, qui précisent que les centres de données ne sont pas comptabilisés dans l’objectif zéro artificialisation nette, le ZAN. À force d’allonger la liste des exemptions au ZAN, il finira par disparaître. Il est inopportun d’en exclure les centres de données, comme bien d’autres acteurs économiques.

Mme Valérie Rossi (SOC). Cette exemption, introduite par le Sénat, ne respecte pas l’équilibre prévu par les lois « climat et résilience » et « industrie verte ». Elle paraît même incohérente, puisque les centres de données s’installent dans des sites déjà bien desservis, afin de bénéficier d’un accès aux réseaux de communication et à l’alimentation électrique. Il convient donc de la supprimer.

M. Marc Ferracci, ministre. Ces amendements ont une visée identique mais des motivations assez différentes. Vous connaissez mon engagement en faveur de l’exemption des contraintes liées à l’artificialisation des sols pour les projets industriels – les annonces faites en ce sens par le précédent gouvernement ont été réitérées par le premier ministre. La disposition ajoutée par le Sénat entre en conflit avec un projet que je défends, avec le ministre François Rebsamen, dans le cadre de la proposition de loi Trace déposée par les sénateurs Jean-Baptiste Blanc et Ghislain Cambier. C’est pourquoi je propose de la supprimer.

L’industrie ne représente que 5 % des projets tombant sous le coup de la règle du ZAN. Même si nous doublions cette empreinte – ce qui serait, à mon avis, souhaitable pour le pays –, nous ne remettrions pas en cause l’objectif de limitation de l’artificialisation des sols auquel nous restons attachés. Ce sujet doit être traité dans un autre cadre que le présent projet de loi.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis favorable.

M. Frédéric-Pierre Vos (RN). Il faut retirer les implantations industrielles du décompte du ZAN, comme il faut en retirer tous les projets d’intérêt général. Le ZAN est une bombe à fragmentation. Alors que le code de l’urbanisme a enflé de 60 % depuis la loi SRU de 2000, la loi « climat et résilience », qui introduit le ZAN, a parachevé la destruction totale de ce que nous avons imaginé depuis les années 1980 en matière d’urbanisme. Il faut supprimer toutes les mesures en rapport avec le ZAN ; c’est pourquoi nous voterons ces amendements.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CS806 de M. Ian Boucard, CS425 de M. Corentin Le Fur, CS441 de Mme Anne Le Hénanff, CS881 et CS879 de Mme Lisa Belluco, CS851 de Mme Anne Stambach-Terrenoir, CS862 de Mme Lisa Belluco, CS37 et CS36 de Mme Danielle Brulebois, CS837, CS695 et CS790 de M. Ian Boucard et CS863 de Mme Lisa Belluco tombent.

Amendement CS783 de M. Ian Boucard

M. le président Ian Boucard. Cet amendement de repli du groupe Droite Républicaine, inspiré par la proposition de loi Trace du Sénat, vise à permettre aux collectivités d’ouvrir à l’urbanisation, dans leurs documents d’urbanisme modifiés, des surfaces dépassant jusqu’à 30 % l’objectif local de consommation maximale d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf).

M. Stéphane Travert, rapporteur. Le ZAN ne relève pas du présent projet de loi. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Nous pouvons être encore plus ambitieux pour protéger les projets industriels, mais ce débat doit avoir lieu dans le cadre de la proposition de loi Trace. Avis défavorable.

M. Vincent Rolland (DR). Comme d’autres, j’ai déposé des amendements qui n’ont pas passé le seuil de la recevabilité. Ici, M. Boucard défend un amendement – auquel nous sommes favorables, car il vise à résoudre des difficultés concrètes dans les territoires ruraux – qui a été jugé recevable mais dont vous estimez, comme celui que Sébastien Huyghe a défendu tout à l’heure, qu’il ne relève pas du présent texte. Comment s’explique la différence entre un amendement irrecevable et un amendement recevable mais qui n’a pas sa place dans le texte ?

M. Pierre Meurin (RN). Je regrette que nous n’examinions que cet amendement de repli, et que l’excellent amendement du président Boucard visant à supprimer le ZAN soit tombé. Les élus, en particulier des zones rurales, vous le diront : le ZAN est une plaie. Ils sont tous vent debout contre ce dispositif. Notre rôle – à condition d’être suffisamment enracinés dans nos territoires – est de les entendre. La vision matérialiste consistant à marchander des surfaces artificialisées ne fonctionne pas et empêche les élus ruraux de créer de l’activité et des logements dans leurs communes. Il en est de même pour les zones à faibles émissions (ZFE) : qui fait l’ange fait la bête ! Arrêtons avec ces fausses bonnes idées.

M. Hendrik Davi (EcoS). Je suis plutôt favorable, pour ma part, au zéro artificialisation brute – j’en discutais avec une chercheuse spécialiste des sols qui essaie de défendre cette idée à l’échelle européenne. Cette question est centrale. En France, les surfaces artificialisées occupent un espace considérable et posent de vrais problèmes dans certaines régions, notamment dans le Sud où l’étalement urbain est dramatique. Cette situation met en péril la biodiversité dans les zones naturelles, mais aussi les surfaces agricoles ; en définitive, c’est notre souveraineté alimentaire qui est menacée. Dans le monde actuel, celui de Trump, Poutine et consorts, il faut préserver coûte que coûte les terres agricoles. Nous devrons certes trouver des solutions pour développer le logement social sans artificialiser les sols, mais je ne peux pas entendre que ceux qui, en général, refusent de construire des logements sociaux fassent du logement un argument contre le ZAN.

M. Guillaume Lepers (DR). Nous sommes en pleine technocratie à la française. Vous nous parlez de vastes zones urbaines, quand nous parlons de la situation dramatique des territoires ruraux, qui se vident au profit des métropoles. Implanter une petite usine pour créer de l’emploi, aménager quelques maisons… on nous interdit tout ! Si l’idée de base parisienne est bonne, la conséquence est catastrophique pour le développement des territoires ruraux. Certains élus nationaux sont totalement déconnectés. Venez faire un « Vis ma vie » dans nos territoires : vous verrez à quel point les élus locaux se cassent la tête pour créer quelques emplois et développer quelques entreprises. On n’est pas à Paris ! Certains discours me rendent fou, car ils s’attaquent profondément à notre ruralité.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Je suis une élue d’un territoire rural, la Haute-Vienne. Sachez que parmi les défenseurs du ZAN figure le syndicat des Jeunes Agriculteurs, qui milite pour un mécanisme de protection des terres agricoles. Rappelons que 50 000 à 60 000 hectares sont artificialisés chaque année, et que les surfaces agricoles sont les premières touchées. Nous devons nous demander comment répartir la charge entre les communes rurales et les grandes métropoles, qui ont grignoté du terrain et en ont profité ces dernières années. Pour autant, nous ne pouvons pas échapper à la question de la préservation des terres agricoles. Puisque vous vous placez du côté des élus ruraux, vous devez aussi relayer la voix des agriculteurs et agricultrices, qui s’opposent à la poursuite de l’artificialisation. Ce n’est pas une lubie écologiste mais une question fondamentale de souveraineté alimentaire et de vitalité des territoires ruraux, à laquelle l’agriculture contribue.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Ne nous méprenons pas : ce n’est pas parce que nous repoussons l’amendement du président Boucard qu’il n’est pas pertinent. Je refuse les procès en sorcellerie contre les urbains qui n’y connaîtraient rien. La presqu’île du Cotentin, où je vis, est confrontée au problème du zéro artificialisation nette dans ses projets de développement du territoire. Nous allons lancer le grand projet de recyclage Aval du futur avec les groupes Orano et EDF, qui créera 17 000 emplois, et nous nous interrogeons sur la manière dont nous construirons les infrastructures et accueillerons ces nouveaux travailleurs.

Cela étant dit, le texte que nous examinons vise à simplifier la vie économique. Simplifions aussi la vie parlementaire : vous aurez tout loisir de débattre du ZAN à l’occasion de la proposition de loi Trace.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS899 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). Nous attendons toujours le rapport sur les leviers fiscaux à activer afin d’atteindre nos objectifs de sobriété foncière, que le gouvernement est tenu de remettre au Parlement en vertu de la loi de 2023.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

M. Marc Ferracci, ministre. Votre amendement sera bientôt satisfait puisqu’une mission d’information de l’Assemblée nationale traite en partie de ces aspects et rendra prochainement ses conclusions ; surtout, une mission d’inspection sur la fiscalité et la sobriété foncière a été annoncée par les ministres Agnès Pannier-Runacher et François Rebsamen pour préparer le rapport que vous évoquez. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Hendrik Davi (EcoS). Je vous engage à lire l’excellent rapport du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) sur la consommation d’espace de 2009 à 2023, qui analyse très précisément l’artificialisation dans les zones rurales, périurbaines, etc. Je saisis cette occasion pour faire la publicité de cet organisme que nos chers collègues voulaient supprimer – je comprends maintenant pourquoi !

L’amendement est retiré.

Amendement CS35 de Mme Danielle Brulebois

Mme Danielle Brulebois (EPR). Cet amendement d’appel vise à prévoir une dérogation au ZAN pour les projets industriels créateurs d’emplois. Nous voulons réindustrialiser les territoires, relocaliser les usines et attirer des investisseurs étrangers pour garantir des emplois à nos concitoyens – c’est la première des mesures sociales, et c’est ce qui crée de la richesse pour notre pays. Il convient donc de trouver une solution pour les projets qui n’ont pas une taille suffisant à les reconnaître d’intérêt national majeur. C’est le cas d’un projet de l’entreprise Smoby, qui emploie 600 salariés dans le Jura et qui voudrait s’agrandir et créer quarante emplois supplémentaires mais en est empêchée par le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI). De même, une trentaine de sites « clés en main France 2030 » ne peuvent pas s’implanter à cause du ZAN.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je vous remercie pour cet amendement d’appel intéressant, mais la dérogation au ZAN pour les projets industriels créateurs d’emplois relève de la proposition de loi Trace. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Je remercie également Danielle Brulebois pour cet amendement qui illustre les difficultés que fait parfois peser le ZAN sur les projets industriels. Le projet d’extension de Smoby dans le Jura est l’un des exemples qui nous ont incités, avec François Rebsamen, à réfléchir à des exemptions au ZAN. Nous en parlerons dans le cadre de la proposition de loi Trace. Soyez assurée de notre détermination à avancer sur ce sujet. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 15 modifié.

M. le président Ian Boucard. Je vous indique que je suis saisi par des députés du groupe Rassemblement national représentant un dixième des membres de la commission spéciale d’une demande de scrutin sur le vote des amendements identiques CS583 et CS1506 qui seront examinés tout à l’heure après l’article 15 bis. Je constate que les députés demandeurs sont effectivement présents. Ce scrutin est de droit, en application de l’article 44 du règlement.

Après l’article 15

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS436 de Mme Anne Le Hénanff.

Amendement CS803 de M. Henri Alfandari

M. Henri Alfandari (HOR). Il s’agit de clarifier les cas dans lesquels un projet satisfait à la condition de raison impérative d’intérêt public majeur. Issue de la directive « Habitats », la RIIPM reste floue et sujette à appréciation au cas par cas par les juridictions. Elle a trait à la fois au code de l’environnement, au code de l’urbanisme et au code de l’énergie, et présente donc une insécurité juridique – songez à l’A69. Nous proposons de l’intégrer à la déclaration d’utilité publique (DUP) et de la coordonner avec les autres dispositifs qualifiant l’intérêt des projets.

Quand on décide de lancer un projet, qu’il est reconnu d’intérêt national majeur et qu’il fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique, la RIIPM doit lui être automatiquement accordée.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cette proposition peut paraître de bon sens mais introduit un risque de contentieux et d’illégalité. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Alors que la RIIPM devrait rester une exception justifiée par l’intérêt général majeur, vous voulez en faire une généralité. Cela pose des problèmes écologiques au regard de la préservation des terres agricoles et de l’artificialisation des sols, sans compter que cela risque d’accroître les conflits d’usage. Il arrive, par exemple, que le tracé d’une nouvelle route traverse des exploitations agricoles et oblige les agriculteurs à faire des tours et des détours pour se rendre d’un bout à l’autre de leurs terres. Outre qu’ils renforceront les conflits démocratiques, ces projets dérogeront aux impératifs de transition écologique qui devraient tous nous préoccuper, car il y va de notre avenir et de celui de nos enfants. L’intérêt général supérieur de la population, des usagers des terres agricoles et des générations futures devrait compter autant que les intérêts financiers des projets d’infrastructures. Les territoires ruraux ont avant tout besoin que l’on développe des services publics en leur sein, pour ne plus être des cités-dortoirs. Or quand on crée une autoroute, on développe surtout les deux pôles qu’elle dessert en oubliant les zones rurales qu’elle traverse.

M. Henri Alfandari (HOR). Je ne partage pas votre avis concernant le risque d’illégalité du dispositif que nous proposons. Rappelons que la RIIPM a été instaurée pour les énergies renouvelables. Il ne s’agit jamais que de l’ouvrir aux projets entrant dans les catégories de la déclaration d’utilité publique, de l’intérêt national majeur ou de l’intérêt majeur, qui participent de l’intérêt général, ont fait l’objet d’enquêtes environnementales et de consultations du public. La RIIPM doit être accordée en fin de processus, car l’État ne peut pas passer son temps à se déjuger.

La commission adopte l’amendement. L’article 15 bis A est ainsi rédigé.

Amendement CS1048 de M. Sébastien Huyghe

M. Sébastien Huyghe (EPR). Les refus de permis de construire sont de plus en plus motivés par des raisons étrangères aux règles d’urbanisme, ce qui conduit les pétitionnaires à déposer des recours devant le juge. Nous proposons de renforcer le contrôle de légalité de ces refus, en imposant leur transmission systématique au préfet.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. L’exercice du contrôle de légalité en matière de permis de construire s’étend déjà à l’ensemble des décisions individuelles prises par le maire, y compris les refus. Votre amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.

La commission adopte l’amendement. L’article 15 bis B est ainsi rédigé.

Amendement CS1028 de M. Henri Alfandari

M. Henri Alfandari (HOR). Nous souhaitons que la demande d’autorisation environnementale d’un projet qualifié d’intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique ne donne pas lieu à la réalisation d’une évaluation environnementale préalable. Cette disposition avait été en partie intégrée au projet de loi « industrie verte », à la faveur d’un amendement ayant reçu un avis favorable du rapporteur et du gouvernement, mais a été supprimée par la commission mixte paritaire (CMP).

Oui, il y a urgence climatique ; oui, il faut lancer des projets qui contribuent à la décarbonation dans un délai très court – nous avons peu de temps pour agir ; mais vu la vitesse à laquelle avancent les projets dans notre pays, nous aurons du mal à répondre à nos obligations. Parallèlement au ZAN, qui met fin aux bêtises post-années 1950, nous devons créer un régime qui permette d’agir efficacement au XXIe siècle.

Conformément au droit européen, le régime que nous proposons prévoit une évaluation environnementale continue. Le porteur de projet devra adresser à l’autorité environnementale un dossier détaillant les impacts environnementaux de l’opération pendant toute sa durée de vie, jusqu’à sa disparition. Il devra également mettre en place une revue d’amélioration continue des processus. Il obtiendra alors, le cas échéant, l’autorisation environnementale et le permis de construire. Le public sera informé tout au long de la vie du projet, de même que les parlementaires. Puisque nous manquons d’éléments scientifiques pour prendre nos décisions, cela nous fera du bien à tous de connaître de ces données.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je comprends vos arguments, mais votre amendement semble présenter un risque d’inconstitutionnalité. Je m’en remets à la sagesse de la commission spéciale.

M. Marc Ferracci, ministre. Je suis également sensible aux motivations de l’amendement, mais j’y vois un risque d’inconventionnalité – même si vous vous prévalez d’une directive européenne.

Vous souhaitez créer un nouveau cas de dispense d’évaluation environnementale préalable pour les PINM, en application de la directive de 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement. Or cette directive ne prévoit une telle dérogation que dans des cas exceptionnels, pour des projets spécifiques, lorsque la réalisation d’une évaluation environnementale entraînerait une atteinte à leur finalité. Il faut donc que le projet présente un caractère d’urgence. Au regard de ces éléments, la dispense que vous proposez risque d’être inconventionnelle. Je souhaite que vous retiriez votre amendement afin que nous en discutions et que nous levions cette incertitude avant la séance.

M. Henri Alfandari (HOR). Je préfère que nous adoptions l’amendement dès maintenant, quitte à le corriger en séance. Les discussions que nous avons eues avec les administrations ont écarté tout risque d’inconventionnalité. Le vrai risque est d’ordre constitutionnel – je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi d’orientation agricole, particulièrement en ce qui concerne les exemptions prévues pour la pisciculture. Le nœud du problème réside dans la capacité de l’autorité environnementale à intervenir sur le projet tout au long de sa durée de vie.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Soyons clairs : vous avez beau prévoir des conditions annexes, l’essence de votre amendement consiste en une dérogation – une immense dérogation, très périlleuse, à l’obligation faite aux projets industriels de réaliser une évaluation environnementale préalable. Il est pourtant essentiel de vérifier en amont, avant sa réalisation, qu’un projet industriel n’aura pas un impact environnemental trop important par rapport à son intérêt économique. Il serait très grave de valider une telle exemption, alors que le législateur doit garantir le respect du droit de l’environnement et protéger les équilibres écosystémiques.

M. Marc Ferracci, ministre. Monsieur Alfandari, vos arguments confortent ma demande de retrait et de réécriture de votre amendement en vue de l’examen du texte en séance publique. Si le risque d’inconstitutionnalité se substitue au risque d’inconventionnalité, il n’en est pas moins important.

M. Henri Alfandari (HOR). Le risque d’inconstitutionnalité, que j’ai évoqué par honnêteté, peut en réalité être écarté. Par ailleurs, je considère que cet amendement est bien écrit et fonctionnel.

Madame Lejeune, vous l’avez mal lu : afin de prévoir une évaluation environnementale continue, il faut, pour des raisons purement légistiques, déroger à l’évaluation environnementale existante, mais il ne s’agit en aucun cas de supprimer l’évaluation des impacts environnementaux d’un projet.

La commission adopte l’amendement. L’article 15 bis C est ainsi rédigé.

Amendement CS732 de M. Ian Boucard

Mme Anne-Laure Blin (DR). La dimension nationale du ZAN pose problème : Paris ne peut imposer un décompte aux territoires ruraux sans tenir compte de leurs spécificités. Cet amendement de repli vise à fixer à l’échelle régionale, intercommunale et communale les objectifs, plus ou moins ambitieux, de réduction de l’artificialisation.

Le ZAN a des effets pervers, y compris en milieu rural : on refuse aux agriculteurs l’agrandissement de leurs exploitations agricoles, même lorsqu’il s’agit de serres, à cause de la modalité actuelle de décompte des espaces concernés. L’aménagement proposé par cet amendement correspond à une vision pragmatique promue par les élus ruraux, qui sont les premiers défenseurs des territoires ruraux et des espaces agricoles.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Comme précédemment, je vous renvoie au prochain examen de la proposition de loi Trace, qui donnera lieu à de passionnants débats.

M. Marc Ferracci, ministre. Même argument et même avis. Le repli n’est pas une défaite en rase campagne : nous traiterons ces sujets lors de l’examen de cette proposition de loi.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Je m’attendais à cet argument, mais il me semble peu probant. Nous avons la possibilité d’alléger les contraintes pesant sur les entrepreneurs et les agriculteurs dans ce texte : pourquoi la reporter aux calendes grecques, en l’occurrence à l’examen d’une proposition de loi examinée au Sénat ? Soyons réalistes : la durée de nos mandats étant plus ou moins limitée, faisons œuvre utile dès maintenant, avec des mesures concrètes et pragmatiques !

M. Stéphane Travert, rapporteur. Nous pouvons aussi nous inscrire dans une forme de longévité électorale : certains d’entre nous en attestent.

Il ne serait pas judicieux que le ZAN soit traité pour partie dans le présent projet de loi et pour partie dans la proposition de loi Trace. Pour simplifier la vie parlementaire, il nous semble préférable de regrouper l’examen des mesures relatives au ZAN.

M. Marc Ferracci, ministre. La proposition de loi Trace a déjà été examinée et adoptée au Sénat. Nous devons faire preuve de cohérence dans le traitement de l’artificialisation, afin d’apporter de la lisibilité aux investisseurs désireux de se lancer dans des projets industriels. Adopter aujourd’hui une disposition qui serait contrebalancée dans quelques semaines par un amendement à la proposition de loi Trace, n’apporterait que de la confusion.

La commission adopte l’amendement. L’article 15 bis D est ainsi rédigé.

Amendement CS906 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). Puisque nous faisons de ce projet de loi un énième texte sur le ZAN, qui semble intéresser tout le monde, poursuivons dans cette veine. Dans la loi de juillet 2023, nous avons créé une enveloppe de 12 500 hectares réservée aux projets d’envergure nationale et européenne ; les projets industriels proposés par le gouvernement représentent déjà 11 870 hectares.

Nous proposons par cet amendement d’organiser un débat annuel au Parlement pour suivre l’évolution de la consommation de cette enveloppe.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis défavorable, je vous renvoie de nouveau à l’examen de la proposition de loi Trace.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS152 de M. Xavier Roseren

M. Xavier Roseren (HOR). Il vise à étendre aux entreprises le principe « Dites-le nous une fois » déjà appliqué aux particuliers, afin de leur éviter de transmettre plusieurs fois les mêmes informations, notamment environnementales, à différentes administrations. Cette répétition engendre des charges administratives inutiles et nuit à la compétitivité. Il est temps que l’État joue pleinement son rôle de facilitateur en garantissant un partage fluide et sécurisé des données.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Demande de retrait puisque votre amendement, tout à fait légitime, est déjà satisfait.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. le président Ian Boucard. Les services du premier ministre nous ont indiqué avoir voulu inscrire dans ce projet de loi précisément ce que propose cet amendement, ce qui laisse à penser que ce principe n’est pas toujours appliqué, bien qu’il figure dans le droit.

Pouvez-vous nous dire si le gouvernement envisage de déposer un amendement en ce sens en vue de l’examen du texte en séance publique ?

M. Marc Ferracci, ministre. Je n’ai pas d’information à ce sujet. Le principe Dites-le nous une fois figure à l’article L. 113-12 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), qui concerne les démarches des personnes physiques et des entreprises.

M. Xavier Roseren (HOR). Malheureusement, dans le CRPA, ce principe est limité aux personnes physiques et n’est pas explicitement étendu aux entreprises ; de plus, il ne s’applique pas aux obligations environnementales et de reporting extrafinancier. Ce principe a certes été évoqué devant le Conseil national de l’industrie par Philippe Vrignault, adjoint au directeur du programme éponyme, mais il ne figure pas dans la loi. Cet amendement vise à combler ce manque.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Une fois n’est pas coutume, je soutiens pleinement cet amendement parce qu’il répond à une très forte demande du terrain.

La semaine dernière, les représentants de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) dans mon département, que je rencontrais pour parler de la simplification de la vie économique, m’ont expliqué qu’à chaque demande de certification RGE (reconnu garant de l’environnement), ils doivent fournir les mêmes documents, pourtant inchangés, au détriment de la qualité de leur travail. Ce qui est pesant pour toutes les entreprises l’est d’autant plus pour des artisans, qui ne peuvent consacrer suffisamment de ressources humaines à ces démarches administratives.

Permettez-moi donc d’insister sur l’intérêt d’une véritable application du principe Dites-le nous une fois aux entreprises comme aux particuliers.

La commission adopte l’amendement. L’article 15 bis E est ainsi rédigé.

Article 15 bis (nouveau) : Tarif réduit de l’accise sur l’électricité des centres de stockage des données numériques

Amendements de suppression identiques CS287 de M. Stéphane Travert, CS231 de Mme Manon Meunier, CS439 de Mme Anne Le Hénanff, CS466 de M. David Taupiac, CS694 de Mme Marie Lebec, CS931 de Mme Lisa Belluco, CS1211 de M. Gérard Leseul et CS1242 de M. Nicolas Bonnet

M. Stéphane Travert, rapporteur. La normativité juridique de l’article 15 bis n’est pas établie, dans la mesure où il vise à créer un dispositif qui existe déjà.

Les représentants du secteur des centres de stockage des données numériques, que nous avons reçus en audition, ont reconnu que cet article créerait une complexité inutile. Conformément à la démarche de simplification qui nous anime, je vous propose donc de le supprimer.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Cet article a pour but de créer une coordination juridique établissant que l’électricité consommée pour les besoins des centres de stockage des données numériques relève d’un tarif réduit. Nous y sommes opposés compte tenu de la consommation énergétique de ces centres et proposons à l’inverse que l’énergie fasse l’objet d’une tarification progressive pour lutter contre les mésusages. C’est pourquoi notre amendement vise à supprimer l’article 15 bis.

M. David Taupiac (LIOT). Cet article est inutile puisque les centres de données bénéficient déjà d’une taxe réduite.

Mme Marie Lebec (EPR). En effet, cet article n’a pas lieu d’être.

M. Gérard Leseul (SOC). Compte tenu de leur rentabilité, les centres de données n’ont pas besoin de tarifs préférentiels.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’article 15 bis est supprimé et les amendements CS908 et CS930 de Mme Lisa Belluco tombent.

Après l’article 15 bis

Amendements identiques CS1506 de M. Ian Boucard et CS583 de M. Pierre Meurin, amendement CS326 de Mme Anne-Laure Blin, amendements identiques CS543 de M. Ian Boucard et CS611 de M. Pierre Meurin, amendements identiques CS1108 de M. Ian Boucard et CS589 de M. Pierre Meurin, amendements CS591 et CS590 de M. Pierre Meurin (discussion commune)

M. le président Ian Boucard. Par l’amendement CS1506, le groupe Droite Républicaine et son président Laurent Wauquiez proposent de supprimer les zones à faibles émissions mobilité (ZFE), créées pour améliorer la qualité de l’air. Bien que cet objectif soit louable, leurs importants impacts sociaux et économiques justifient leur abrogation. La création des ZFE a exacerbé les inégalités sociales en pénalisant les ménages à revenus modestes, contraints de choisir entre dépenser d’importantes sommes pour acheter un nouveau véhicule propre ou renoncer à se déplacer.

Les conséquences pour les petites entreprises sont significatives ; les artisans et les petits commerçants sont particulièrement touchés, puisqu’ils utilisent des véhicules utilitaires souvent plus polluants que les véhicules particuliers. Compte tenu du faible nombre de solutions alternatives propres adaptées à leurs besoins spécifiques, l’obligation de s’adapter aux ZFE menace la viabilité financière de ces entreprises et pourrait conduire à des suppressions d’emplois.

Enfin, les défis en matière de mobilité ne doivent pas être négligés : les ZFE nécessitent un réseau de transports en commun efficace et bien développé, ce qui n’est pas toujours le cas dans les zones périurbaines.

M. Pierre Meurin (RN). Vous avez d’intéressantes sources d’inspiration, monsieur le président.

M. le président Ian Boucard. En l’occurrence, une proposition de loi défendue par M. Alexandre Portier il y a deux ans.

M. Pierre Meurin (RN). Je mène le combat contre les ZFE depuis quatre ans. Inutiles pour améliorer la qualité de l’air, elles ont provoqué une profonde blessure sociale, un séparatisme territorial qui a repoussé les Français des zones rurales loin des services publics et des zones d’activités – centres de santé, bassins d’emploi, commerces de proximité, etc.

En 2026, une fois les radars à lecture automatique des plaques d’immatriculation mis en service, 15 millions d’automobilistes propriétaires d’une voiture interdite de centre-ville risqueront une amende de 68 euros au seul motif qu’ils sont pauvres. Pourtant, les particules fines issues de l’abrasion des pneus d’un SUV électrique polluent beaucoup plus que les émissions du pot d’échappement d’un petit véhicule citadin classé Crit’Air 4.

Rien ne va avec les ZFE et tout le monde reconnaît qu’elles sont une absurdité. Je connais vos réserves, chers collègues : les vôtres, monsieur Leseul, détaillées dans le cadre de votre mission flash ; celles des députés du bloc central, avec lesquels j’ai beaucoup discuté ; celles de La France insoumise, qui a déposé un texte visant à instaurer un moratoire en attendant le développement de réseaux suffisants de transports en commun ; celles des Républicains, qui souhaitent également un moratoire de cinq ans.

Dépassons nos clivages partisans et votons ces amendements identiques, pour mettre un terme à cette dinguerie et éviter une révolte sociale.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Parce que nous en mesurons les effets collatéraux, nous ne pouvons laisser les ZFE perdurer. Elles sont une mesure de ségrégation des habitants des zones rurales et des travailleurs. Les professionnels nous ont alertés sur leurs effets pervers : elles découragent l’accès aux zones d’activités des grandes agglomérations et, comble de l’ironie, retardent les chantiers de rénovation énergétique.

L’INSEE a dénombré les véhicules antérieurs à 2011, classés Crit’Air 4 ou 5, qui ne peuvent pénétrer dans les ZFE, empêchant de nombreux professionnels d’y exercer leur activité. La création des ZFE est une mesure d’écologie punitive et contraignante, dont l’impact sur la qualité de l’air est très limité, voire inexistant. Parce que nous refusons que les Français soient à la fois matraqués fiscalement et contraints dans leurs déplacements, nous demandons par l’amendement CS326 l’abrogation des ZFE.

M. Guillaume Lepers (DR). Les ZFE sont à l’origine d’inégalités sociales qui pénalisent les ménages à revenus modestes, ainsi que les artisans et les commerçants qui dépendent de leurs véhicules utilitaires pour accéder aux chantiers dans les agglomérations. Elles provoquent également des inégalités territoriales, en privant nos concitoyens vivant en zone rurale de l’accès aux services publics présents dans les centres-villes.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Cet amendement de repli CS611 vise à créer un moratoire de cinq ans sur les ZFE à compter de la promulgation du présent texte de loi.

Les ZFE provoquent l’exclusion sociale de toute une classe populaire en interdisant purement et simplement aux personnes qui ne peuvent changer de véhicule de se rendre sur leur lieu de travail. Je ne suis pas certain que tout le monde se rende bien compte de l’impact social des ZFE, qui sont une dinguerie écologiste reflétant une idéologie punitive. C’est une mesure de bobos écolos des grandes villes contre la ruralité – artisans, infirmières, aides à domicile, etc., qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler. Il faut absolument mettre un terme aux ZFE.

M. le président Ian Boucard. On a le droit de se tromper lorsqu’on rédige une loi et je ne crois pas que les promoteurs des ZFE aient eu une intention punitive. L’objectif des ZFE est tout à fait louable, mais l’application de la loi, couplée à un accompagnement insuffisant de nos concitoyens pour renouveler leur véhicule, n’a pas porté ses fruits et conduit à une ségrégation sociale.

Il est inacceptable que les grandes métropoles ne soient plus accessibles aux plus précaires de nos concitoyens et à certains professionnels. C’est pourquoi l’amendement CS1108 vise à suspendre l’application des ZFE pour une durée de cinq ans, afin que les mesures d’accompagnement initialement imaginées par le législateur soient appliquées. Les ZFE pourront alors remplir leurs objectifs d’amélioration de la qualité de l’air, sans entraver la liberté de circulation de chacun.

M. Pierre Meurin (RN). Je suis d’accord avec vous, l’objectif initial de la création des ZFE est louable et je ne critique en aucun cas ceux qui avaient imaginé qu’elles amélioreraient la qualité de l’air.

Toutefois, l’expérience montre qu’elles ne servent à rien : en vingt ans, les émissions de particules fines ont diminué de 60 % et celles de monoxyde et de dioxyde d’azote de 25 %, sans que les ZFE y soient pour quoi que ce soit. L’amélioration de la qualité de l’air résulte du renouvellement du parc automobile et des progrès technologiques, en particulier concernant les véhicules diesel – les filtres à particules, les vannes EGR (Exhaust Gas Recirculation) ou encore l’Adblue.

Aucune étude n’a démontré que les ZFE permettent d’améliorer la qualité de l’air. Elles servent en réalité un objectif d’exclusion totale des voitures des villes, ce qui constituerait l’unique manière d’éradiquer la pollution automobile ; or c’est totalement irréaliste, voire dystopique. C’est pourquoi l’amendement de repli CS589 vise à demander un moratoire de cinq ans sur les ZFE.

Afin de préserver le contrat social, il est impossible de continuer à dire aux Français les plus pauvres qu’ils polluent les plus riches. Je connais les réticences de chacun d’entre vous à l’égard des ZFE ; nous devrions pouvoir trouver un accord.

M. Matthias Renault (RN). L’amendement CS591 est aussi un amendement de repli, dans l’hypothèse où nous ne saisirions pas l’occasion de supprimer, purement et simplement, les ZFE. Ces dernières provoquent une ségrégation sociale qui dégage les habitants de la France rurale et périphérique des grandes villes. Elles disent aux pauvres qu’on ne veut pas d’eux dans les centres-villes ; elles en chassent ceux qui n’ont pas les moyens de s’acheter une belle voiture pour travailler, aller voir leurs proches ou accéder aux services publics essentiels comme l’hôpital.

Les ZFE remettent en cause non seulement le contrat social, mais aussi la liberté de circulation, qui a valeur constitutionnelle. Il est totalement inadmissible que des hommes politiques ou des fonctionnaires s’arrogent la légitimité et le droit de créer arbitrairement des périmètres dans lesquels certains citoyens ne peuvent plus circuler. Il est temps de mettre fin à cette situation en supprimant les ZFE, avant que la verbalisation n’entre en vigueur.

M. Hervé de Lépinau (RN). Ce dernier amendement de repli a pour but d’instaurer une expérimentation de trois ans visant à suspendre certaines ZFE.

En contrepartie de l’interdiction des ZFE que nous appelons de nos vœux, il faut accentuer nos efforts visant à améliorer la qualité de l’air. À ce titre, nous avons proposé de rendre obligatoire le décalaminage des moteurs et des colonnes d’échappement des véhicules diesel tous les 100 000 kilomètres. Cette obligation aurait trois effets : l’amélioration du rendement du moteur, la diminution de la pollution entraînée par la baisse de la consommation et l’extension de la longévité des véhicules.

Certes, l’industrie automobile ne souhaite sans doute pas l’allongement de la vie des véhicules, mais c’est pourtant essentiel pour les Français qui se sont endettés afin d’acheter leur véhicule et qui font face à des difficultés financières.

M. Stéphane Travert, rapporteur. J’entends votre souhait de débattre des ZFE, compte tenu des difficultés qu’elles causent aux plus précaires de nos concitoyens et aux artisans, qui n’ont plus accès aux centres-villes faute d’avoir pu renouveler leurs véhicules. Il n’existe pas encore de véhicules utilitaires électriques, bien que certains constructeurs aient commencé à y travailler.

À titre personnel, je suis favorable à une trajectoire de progrès pour l’instauration des ZFE, qui serait élaborée dans les métropoles plutôt qu’à l’échelle nationale. Des aides sont disponibles, bien qu’elles ne suffisent pas toujours à acquérir des véhicules électriques, et il nous faut poursuivre nos efforts de renouvellement du parc automobile. Je suis d’accord avec certaines de vos critiques, mais il n’en demeure pas moins que l’une de nos priorités demeure la lutte contre la pollution de l’air et le dérèglement climatique.

En tant que rapporteur de ce texte et dans un souci de cohérence, il me semble que ce véhicule législatif n’est pas le bon pour ouvrir le débat sur les ZFE. L’objectif de ce texte étant la simplification, il n’est pas pertinent de modifier une réglementation que bon nombre de nos concitoyens n’ont pas encore appliquée. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Ce débat est important, bien qu’il ne s’inscrive pas pleinement dans les objectifs du présent projet de loi.

Un consensus sur les objectifs des ZFE se dégage : limiter les émissions polluantes et améliorer la santé publique. Je ne partage pas l’idée selon laquelle la baisse des émissions se ferait naturellement ; des expériences, menées notamment à l’étranger, ont montré que les ZFE avaient des effets sur la réduction des émissions.

La complexité du sujet exige que nous prenions du recul, en évaluant les contraintes que font peser les ZFE sur l’accès aux centres-villes, éventuellement à l’emploi, mais aussi leurs effets sur la santé publique. C’est pourquoi je demande le retrait de ces amendements : sans un bilan documenté, chiffré et indépendant, les décisions politiques ne sont pas suffisamment éclairées. S’ils ne sont pas retirés, avis défavorable.

M. Charles Fournier (EcoS). La qualité de l’air, qui a trop longtemps été délaissée, est un sujet crucial, qui mériterait un texte de loi à part entière ; vous en conviendrez aisément si vos propos sont sincères. Rappelons que la pollution de l’air est responsable de 40 000 morts par an.

Les ZFE sont une réponse très imparfaite, bien qu’elles s’attaquent aux zones concentrant les émissions de gaz à effet de serre. Les personnes les plus vulnérables économiquement sont aussi les plus exposées à la pollution de l’air.

Je suis surpris d’entendre la liberté de circulation être utilisée comme argument : il n’est précisé nulle part qu’elle doit s’exercer uniquement en voiture. Les transports en commun sont l’une des principales réponses aux problèmes de mobilité ; malheureusement, ils ne sont pas à la hauteur des besoins, ni en ville ni dans les zones rurales.

Il faudrait modifier le titre du texte que nous examinons : plutôt qu’un projet de loi de simplification, c’est un projet de loi d’élimination de tout ce qui dérange ou dont on ne veut plus, comme le code de l’environnement, le chantier de l’A69, le ZAN, les ZFE ou encore les mesures contre le plomb.

La manière dont les ZFE sont appliquées ne fonctionne pas, mais les supprimer dans ce texte serait contradictoire avec son objectif de simplification.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Nous sommes tous d’accord sur le constat. Oui, la pollution de l’air génère 48 000 décès prématurés par an et plus de 30 000 cas d’asthme infantile. Oui, les ZFE ont un impact fort : plus de 3 000 décès évités à Paris et à Lyon. Mais il faut revoir la méthode. Si nous voulons que les ZFE fonctionnent, il faut améliorer leur acceptabilité aux yeux de nos concitoyens et éviter de créer des zones d’exclusion sociale.

Les gens n’achètent pas de voitures électriques car elles sont trop chères. On peut avoir un véhicule classé Crit’Air 3 ou plus, immatriculé avant 2011, qui consomme et pollue peu, et ne pas avoir les moyens de le changer. Que fait-on quand on habite un territoire rural et qu’il faut se rendre en ville pour travailler ? Choisir entre payer une amende ou perdre son emploi ? C’est la double peine pour les gens qui n’ont pas les moyens. Les mesures draconiennes imposées d’en haut ne fonctionnent pas. Nous devons instaurer un moratoire en attendant de trouver des solutions.

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Les ZFE ont été créées sans aucun développement des moyens de transport autres que la voiture individuelle, faute de planification et de financement des liaisons interurbaines, à défaut des transports du quotidien. Le plan vélo et mobilités actives 2023-2027a été abandonné par le gouvernement. Les services express régionaux métropolitains (SERM), créés en 2023, ne sont toujours pas financés.

Surtout, les ZFE aggravent la précarité, alors que 15 millions de personnes sont déjà dans une situation de mobilité précaire. Les principaux touchés sont ceux qui dépendent de leur voiture pour aller travailler. Je suis régulièrement interpellée par des habitants de ma circonscription qui me disent qu’ils ne sont pas contre les ZFE en principe, mais qu’ils n’ont pas d’autre moyen de transport. 38 % des personnes les plus précaires possèdent un véhicule dont la classe Crit’Air est ciblée par les ZFE, contre 10 % des plus riches. Dans leur application actuelle, les ZFE excluent donc les plus précaires des centres-villes.

Cependant, les supprimer sans prévoir aucune autre solution est un problème. Chaque année, 40 000 personnes meurent en France en raison de la mauvaise qualité de l’air et de la présence de particules fines. Les polluants atmosphériques sont responsables de nombreuses maladies chroniques, cardiovasculaires et respiratoires qui touchent tous les Français. Le secteur des transports est responsable à lui seul de 53 % des oxydes d’azote et de 15 % des particules fines émis en France en 2021.

Nous appelons à la suspension localisée des ZFE, à la refonte de la vignette Crit’Air pour prendre en compte le poids du véhicule et au développement de moyens de transport alternatifs, mais nous sommes contre la suppression des ZFE. Nous nous abstiendrons sur ces amendements.

M. Henri Alfandari (HOR). L’objectif est simple : lutter contre les émissions de particules fines, lesquelles proviennent essentiellement, pour les véhicules, de l’abrasion des pneus – Michelin a d’ailleurs développé un pneu dont l’abrasion est moindre – et, surtout, du chauffage au bois, à 55 %. Si nous voulons limiter les émissions de particules fines, il faut en priorité réglementer les inserts.

Prenons l’exemple d’une personne âgée de 57 ans, qui devra travailler jusqu’à 67 ans pour toucher une retraite à taux plein. Sa voiture ne lui permet pas d’entrer dans la ZFE. Elle a renoncé à acheter une voiture neuve, se rabat sur une voiture d’occasion, fait une demande d’emprunt à sa banque, laquelle lui demande le calcul prévisionnel de sa retraite, en calcule le reste à vivre et lui refuse l’emprunt. Cette personne voudrait se mettre en conformité, mais elle ne le peut pas. Nous ne pouvons pas laisser de nombreuses personnes dans l’impasse. Nos concitoyens ont besoin d’utiliser leur véhicule maintenant. Nous pourrons réfléchir ensuite au meilleur moyen de limiter les émissions de particules fines.

M. Éric Michoux (UDR). On a parlé d’entraves à la liberté de déplacement et d’assignation à résidence, toutes choses qui laissent penser que cette loi est anticonstitutionnelle. Je voudrais, pour ma part, évoquer un autre argument, à savoir que 15 millions de voitures ne pourront plus circuler et ne vaudront donc plus rien. Cela représente une perte financière importante : à 10 000 euros le véhicule en moyenne, multiplié par une décote de 4 000 à 5 000 euros, cela fait 60 milliards d’euros dont seront spoliés nos administrés. L’un de mes amis, en Bresse, me demandait si on allait lui rembourser sa voiture, d’une valeur de 10 000 euros, qu’il ne peut plus vendre. A-t-on l’intention de dédommager, ou du moins de trouver une solution pour ces gens qui vont perdre beaucoup d’argent ? L’UDR est contre les ZFE. On ne peut pas imposer aux gens une mesure qui les spolie de plusieurs milliards d’euros.

M. Pierre Meurin (RN). Je tente un dernier exercice de conviction à l’intention de nos collègues de gauche. Si vous avez un tant soit peu une fibre sociale, vous ne pouvez pas ne pas voter cet amendement. M. Carrière a déposé une proposition de loi proposant un moratoire sur les ZFE tant qu’il n’y aura pas de transports en commun pour tous et vous avez quasiment la même position que notre groupe sur les SERM, à savoir qu’il n’y aura pas de transports pour tous avant vingt ou trente ans. Or, dans trente ans, il n’y aura plus de véhicule Crit’Air 3. Votre proposition revient donc à supprimer les ZFE !

On sait bien que le système Crit’Air ne fonctionne pas ; vous le reconnaissez vous-même. Quittons les postures politiciennes, supprimons les ZFE et inventons demain un dispositif intelligent. Si vous votez contre l'amendement, ce sera une blessure politique pour vous.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Monsieur le ministre, comment pouvez-vous nous faire l’affront de nous demander de retirer nos amendements ? Nous attendons du gouvernement qu’il prenne ses responsabilités. Si nous sommes ici, c’est pour vous rapporter précisément ce que nos concitoyens nous disent. Vous dites ne pas croire au renouvellement naturel de l’air, mais croyez-vous davantage au renouvellement naturel du parc automobile ? Au rythme actuel, il prendra vingt ans. Nos concitoyens n’ont clairement pas les moyens d’acheter de nouveaux véhicules. Nous ne pouvons pas nous voiler la face devant la réalité.

De même, comment nos collègues de gauche peuvent-ils imaginer qu’il sera un jour possible de proposer des transports en commun partout sur le territoire national ? Tout à l’heure, sur le ton de l’humour, j’ai invité mon collègue Philippe Bolo à me rendre visite en transports en commun, chez nous, à la campagne. Il n’y en aura jamais suffisamment. Là encore, c’est une question de pragmatisme.

Nos concitoyens se contrefichent d’un énième véhicule législatif. Nous devons adoucir les conséquences des ZFE, au moins par un moratoire, idéalement par leur suppression, pour répondre à l’attente qu’ils ont clairement exprimée. Ils ne veulent plus de ces mesures de ségrégation.

M. Christophe Naegelen (LIOT). L’objectif de mieux vivre, de mieux respirer et de préserver l’environnement devrait être partagé par tous. Néanmoins, la réalité s’impose : les ZFE suscitent un ras-le-bol collectif car elles ont été trop vite et mal faites. Elles créent une exclusion sociale en privant d’accès aux centres-villes ceux qui n’ont pas les moyens de changer de voiture. Les artisans qui travaillent avec un véhicule utilitaire sont les premiers à dire qu’ils n’ont plus les moyens d’intervenir dans certaines grandes villes. Il serait plus logique d’admettre qu’une erreur a été faite, de les supprimer et de travailler à un autre dispositif qui fera consensus.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Chacun ici est d’accord pour dire qu’il y a un problème dans la mise en œuvre des ZFE et que les inégalités créées n’ont pas été compensées par des politiques d’accompagnement suffisantes. Il y a quelque chose à revoir, et vite.

Cependant, je vous demande de ne pas y aller à la hache en votant leur suppression pure et simple. Nous devrions plutôt travailler rapidement à formuler une proposition qui respecte le principe selon lequel il ne doit pas y avoir d’interdiction sans solution. L’excellent rapport de la mission d’information flash de M. Leseul contenait plusieurs recommandations : redimensionner les ZFE pour mieux coller à la réalité du terrain, revoir les vignettes Crit’Air en incluant des critères de poids, accompagner le développement industriel de la filière du rétrofit et interdire les flux de transit dans certaines villes. Tout cela rendrait les ZFE opérationnelles.

Je rappelle que la pollution de l’air ne touche pas que Paris et l’Île-de-France. Dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, la quasi-totalité des établissements scolaires est exposée à une pollution de l’air dépassant les seuils fixés par l’Organisation mondiale de la santé, ce qui met la santé des enfants en danger. Nous devons prendre le sujet à bras-le-corps.

M. Gérard Leseul (SOC). Il est évident que les ZFE posent problème. Je l’ai écrit dans un rapport, il y a plus de deux ans, sur un texte que je n’avais pas voté mais que j’ai souhaité accompagner eu égard à la pollution atmosphérique et aux décès liés aux maladies respiratoires.

Le problème essentiel des ZFE est dû à l’inconséquence de l’État : pas de réelle communication nationale, pas de pédagogie, pas d’accompagnement social, des aides mal ciblées et insuffisantes pour les populations moyennes et fragiles, pas de suivi ni de financement des SERM pour encourager la mobilité collective. La conférence qui devait se tenir régulièrement sur le sujet depuis la mission d’information flash que j’ai conduite avec Bruno Millienne ne s’est pas réunie depuis quasiment un an. L’absence de concertation avec les collectivités territoriales, avec les ministères et avec les représentants du Parlement n’est pas raisonnable.

Cela ne justifie pas pour autant le discours anxiogène de certains orateurs, dont les arguments ne sont pas conformes à la vérité scientifique. Il est évident que les ZFE ont un effet positif sur la santé. Par ailleurs, nous savons que les véhicules électriques émettent malgré tout moins de CO2. Enfin, les émissions de particules fines sont dues aux pneumatiques, et non au système de freinage.

Il est évident que l’État doit reprendre l’initiative en matière de transport et vous avez eu raison de soulever la question des ZFE. Pour ma part, je ne voterai pas ces amendements de suppression.

Je vous rappelle que sur le vote de ces amendements j’ai été saisi d’une demande de scrutin. Je vais donc procéder à l’appel nominal des membres de la commission pour recueillir votre vote.

Votent pour :

M. Henri Alfandari ; M. Charles Alloncle ; Mme Béatrice Bellamy ; Mme Anne-Laure Blin ; M. Ian Boucard ; Mme Danielle Brulebois ; M. Jocelyn Dessigny ; M. Antoine Golliot ; M. Sébastien Huyghe ; M. Thomas Lam ; Mme Marie Lebec ; M. Robert Le Bourgeois ; M. Guillaume Lepers ; M. Hervé de Lépinau ; M. Eric Liégeon ; M. Aurélien Lopez-Liguori ; M. Pierre Meurin ; M. Éric Michoux ; M. Christophe Naegelen ; M. Karl Olive ; M. Matthias Renault ; Mme Anne-Sophie Ronceret ; Mme Sophie-Laurence Roy ; M. Emeric Salmon ; M. Emmanuel Taché de la Pagerie et M. Thierry Tesson.

Votent contre :

Mme Lisa Belluco ; M. Nicolas Bonnet ; M. Éric Bothorel ; M. Charles Fournier ; Mme Annaïg Le Meur ; Mme Nicole Le Peih ; M. Gérard Leseul ; Mme Julie Ozenne ; M. Xavier Roseren ; Mme Valérie Rossi et M. David Taupiac.

S’abstiennent :

M. Philippe Bolo ; Mme Françoise Buffet ; M. Hendrik Davi ; Mme Claire Lejeune ; Mme Manon Meunier ; Mme Sandrine Nosbé ; Mme Anne Stambach-Terrenoir ; Mme Mélanie Thomin et M. Stéphane Travert.

Les résultats du scrutin sont donc les suivants :

Nombre de votants : 37

Nombre de suffrages exprimés : 37

Majorité absolue : 19

Pour l’adoption : 26

Contre l’adoption : 11

Abstentions : 9

La commission adopte donc les amendements identiques CS1506 et CS583. L’article 15 ter est ainsi rédigé.

En conséquence, les autres amendements CS326 de Mme Anne-Laure Blin, CS543 de M. Ian Boucard, CS611 de M. Pierre Meurin, CS1108 de M. Ian Boucard, CS589, CS591 et CS590 de M. Pierre Meurin en discussion commune tombent, de même que les amendements CS761 de M. Corentin Le Fur, CS632 de M. Pierre Meurin et CS935 de M. Robert Le Bourgeois.

Amendement CS622 de Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Mélanie Thomin (SOC). Les projections concernant les pénuries d’eau à l’horizon 2040 sont préoccupantes, avec un déficit hydrique national estimé entre 2 et 4 milliards de mètres cubes par an. Les régions les plus fortement touchées connaîtront des déficits pouvant atteindre 50 % des ressources actuelles. Sachant que les centres de données consomment de très grandes quantités d’eau douce, à la fois pour produire l’électricité et pour refroidir les équipements informatiques, l’installation de milliers de mètres carrés supplémentaires ne pourra qu’amplifier ces difficultés. Aux Pays-Bas, le gouvernement a instauré un moratoire sur la construction des centres de données. L'amendement vise à interdire la délivrance de permis de construire pour des centres de données dans des zones soumises à des tensions structurelles sur l’eau.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je vous renvoie à l’excellent amendement CS410 de David Taupiac, que nous avons adopté hier soir. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CS1239 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous ne pouvons pas autoriser le développement anarchique des centres de données. Cela n’aiderait pas les industriels : dans des pays comme l’Irlande ou les Pays-Bas, le législateur a fini par décréter des moratoires. Ces centres posent des problèmes en termes de consommation électrique, de consommation d’eau, d’artificialisation des terres et de constitution d’îlots de chaleur à proximité des habitations, ce qui n’est pas une mince affaire dans le Sud. L'amendement ne propose donc pas d’interdire la construction de tous les centres de données, car nous en avons besoin, mais à instaurer un moratoire sur ceux dont la taille est supérieure à 2 000 mètres carrés et dont la puissance dépasse 2 mégawatts, afin de laisser le temps au débat public de déterminer le meilleur moyen de garantir notre souveraineté numérique.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Le moratoire que vous proposez bloquerait des projets d’intérêt stratégique pour la transition numérique que nous appelons de nos vœux, sans garantie d’efficacité environnementale. Il existe déjà des outils de régulation ciblés, proportionnés et territorialisés qui peuvent être renforcés sans recourir à une suspension généralisée. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

M. Hendrik Davi (EcoS). Il existe déjà cinq centres de données à Marseille et douze autres sont en projet. Les citoyens sont très mobilisés sur la question. Vous parlez de dispositifs d’encadrement, mais le projet de loi dans son ensemble vise à simplifier l’installation des centres de données.

M. Éric Bothorel (EPR). Un moratoire de deux ans, sur le modèle de celui que vous avez proposé sur la 5G, serait irresponsable. Notre pays serait totalement déclassé par ces moratoires successifs.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CS438 de Mme Anne Le Hénanff

M. Henri Alfandari (HOR). L’amendement propose de simplifier la vie des opérateurs de centres de données en les soumettant à un reporting unique dont les modalités et celles du partage des informations entre autorités et administrations françaises seront fixées par décret.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il faudra s’assurer que cette centralisation ne fragilisera ni la qualité des données collectées, ni la capacité de contrôle des autorités compétentes. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Marc Ferracci, ministre. L’objectif de simplification des démarches de reporting et des procédures administratives applicables aux entreprises correspond à l’esprit du texte. Néanmoins, je vous demanderai de retirer l'amendement pour en retravailler la rédaction en vue de la séance publique.

M. Henri Alfandari (HOR). Je demanderai à Anne Le Hénanff de se rapprocher du rapporteur pour proposer une nouvelle rédaction.

L'amendement est retiré.

Article 16 : Dérogation à l’obligation d’allotissement des marchés de travaux, de fournitures ou de services et au paiement direct pour les projets d’éolien en mer

Amendements de suppression CS153 de Mme Danielle Brulebois, CS418 de Mme Frédérique Meunier, CS487 de M. Thierry Tesson et CS1175 de Mme Béatrice Bellamy

Mme Danielle Brulebois (EPR). Les dérogations à l’allotissement des marchés seraient préjudiciables aux petites entreprises, qui ont besoin de ce dispositif pour accéder aux marchés publics. Les TPE et PME ont un savoir-faire d’excellence et sont tout à fait capables d’exécuter ce genre de travaux.

M. Thierry Tesson (RN). Le Rassemblement national est opposé à l’article 16, qui prévoit l’élargissement des cas de dérogation au principe d’allotissement pour certaines infrastructures liées à la transition énergétique ainsi que la possibilité pour les sous-traitants de renoncer au paiement direct lorsqu’ils y trouvent un intérêt.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je n'y suis pas favorable. L’article 16 apporte globalement un avantage en matière d'accélération des projets éoliens en mer. Tel que rédigé, il me paraît équilibré, avec un seuil qui sera suffisamment haut pour trouver un équilibre entre PME et grands groupes. Le projet de loi a pour objectif d'accélérer ce type de projets en simplifiant certaines contraintes. L’article 16 y participe utilement.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS946 de M. Charles Fournier.

Amendement CS1213 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). L'amendement vise à rétablir la rédaction initiale du 2° de l’alinéa 3 dans la rédaction suivante : « Le sous-traitant direct de son titulaire peut, par dérogation aux dispositions de l’article L. 2193-11 du même code, renoncer expressément au bénéfice du paiement direct. » Il a été rédigé en lien avec le Syndicat des énergies renouvelables.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis favorable. Il faudra néanmoins compléter l'amendement en séance publique.

L’amendement prévoit de rétablir la dérogation à la règle du paiement direct dans une logique de réduction des délais de paiement des sous-traitants. Toutefois, il ne fait que donner la possibilité de renoncer au paiement direct. Le sous-traitant peut le conserver s’il juge ce régime plus favorable pour son entreprise.

La difficulté tient au fait que l’amendement ne rétablit pas le dernier alinéa de l’article initialement déposé, lequel prévoyait que « les dispositions des articles 12 et 14 de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance sont applicables à ces sous-traitants ». Il résultait d’une recommandation du Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi. En effet, ces deux articles apportent des garanties complémentaires importantes aux sous-traitants.

M. Marc Ferracci, ministre. Demande de retrait en vue de la séance publique. Je suis toutefois favorable aux objectifs de l'amendement.

M. Gérard Leseul (SOC). S’il est adopté, je m’engage à déposer un amendement de complément en séance publique.

M. Marc Ferracci, ministre. Compte tenu de cet engagement, je donne un avis favorable à l'amendement.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte l’article 16 modifié.

Après l’article 16

Amendement CS949 de M. Charles Fournier

Mme Lisa Belluco (EcoS). Cet amendement tend à définir un délai de cinq mois entre la date limite de dépôt des candidatures et la date limite de notification du cahier des charges final pour les procédures de mise en concurrence en matière de construction et d’exploitation d’installations de production d’énergies renouvelables en mer et de leurs ouvrages de raccordement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS950 de M. Charles Fournier

Mme Lisa Belluco (EcoS). Il vise à faciliter l’accès des lauréats des appels d’offres à l’intégralité des informations environnementales nécessaires à la réalisation de l’étude d’impact jointe à leur demande d’autorisation.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS947 de M. Charles Fournier

Mme Lisa Belluco (EcoS). Issu du groupe écologiste du Sénat, cet amendement vise à introduire plus de souplesse dans la participation des PME et ETI dans les réponses aux appels d’offres des projets d’éolien en mer.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS948 de M. Charles Fournier

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet amendement propose une rédaction équilibrée. J’y suis donc favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Cet amendement vise à limiter à douze mois au maximum les délais d’instruction et de délivrance des autorisations relatives à l’éolien en mer, à compter du dépôt des demandes complètes. Mais si l’instruction n’était pas terminée dans les temps, l’autorisation serait tacitement refusée : je ne pense pas que ce soit l’objectif recherché. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1302 de Mme Louise Morel

M. Philippe Bolo (Dem). Quiconque discute avec des chefs d’entreprise connaît les difficultés générées par l’instabilité réglementaire. Pour y pallier, cet amendement prévoit que l’instruction d’un dossier est réalisée en fonction de l’état du droit au jour de la demande, toute modification réglementaire intervenant en cours d’instruction n’étant pas prise en considération.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je souscris au principe, mais la rédaction de l’amendement est imprécise. Je vous invite donc à le retirer et à le retravailler d’ici à l’examen en séance.

M. Marc Ferracci, ministre. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Philippe Bolo (Dem). Nous allons le réécrire en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

La réunion est suspendue de dix-sept heures trente à dix-sept heures cinquante.

Article 16 bis (nouveau) (art. L. 181-28-1 du code de l’environnement) : Modalités d’actualisation d’une étude d’impact pour les projets éoliens en mer

Amendements de suppression CS1393 de M. Stéphane Travert et CS892 de M. Robert Le Bourgeois

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet article prévoit que l’étude d’impact des projets faisant l’objet d’autorisations successives, comme c’est le cas des projets éoliens en mer, est valable pour l’ensemble du projet. Non seulement cet objectif est déjà satisfait par le droit actuel, mais en plus, cette disposition pourrait empêcher d’autres types de projet d’en bénéficier.

M. Robert Le Bourgeois (RN). Les projets composés de plusieurs phases échelonnées dans le temps ne doivent être autorisés que sur la base d’une étude d’impact précise, d’autant que l’éolien en mer suscite un très fort rejet des populations du littoral – c’est notamment le cas à Fécamp et à Saint-Valery-en-Caux. Nous proposons donc de nous en tenir au droit en vigueur.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 16 bis est supprimé.

Article 17 (art. L. 424-5 du code de l’urbanisme ; art. L. 34-9-1-1 du code des postes et des communications électroniques) : Modification des procédures relatives au déploiement du très haut débit mobile

Amendement de suppression CS243 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). L’article 17 autorise les communes littorales à déroger, à titre expérimental, à l’application du principe de continuité du bâti pour installer des antennes relais. Or nous nous opposons à la multiplication des dérogations à la loi « littoral ».

M. Stéphane Travert, rapporteur. Élu d’un territoire rural, la presqu’île du Cotentin, je ne peux que témoigner du besoin pressant de couverture mobile dans les territoires ruraux, où de nombreux habitants et entreprises sont encore en zone blanche. Nous devons accélérer la mise aux normes et l’accessibilité numérique pour les citoyens et entreprises. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. L’article 17 vise surtout à prévenir les zones blanches et à maintenir une bonne couverture mobile dans l’ensemble du territoire. Je suis donc défavorable à sa suppression.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Élu d’une région littorale, je sais combien les zones blanches nuisent à l’activité économique – notamment aux pêcheurs – et aux services de secours. En outre, c’est une entrave au droit à la connexion des citoyens. Il est inadmissible qu’aujourd’hui, certains pans du territoire ne soient pas couverts par le réseau au nom de la loi « littoral ».

Nous devons faire un effort particulier sur le déploiement de la 5G : actuellement, seuls 30 % à 40 % du territoire sont couverts, alors que la Corée du Sud a atteint 95 % de couverture, et l’Inde près de 70 % en seulement deux ans. Pour une nation occidentale censée être avancée sur ces questions, on est à la ramasse ! Il faut trouver des solutions pour couvrir les zones blanches, et les dispositions prévues à l’article 17 en font partie.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS45 de M. Fabrice Brun et CS498 de M. Éric Bothorel

Mme Josiane Corneloup (DR). L’article 222 de la loi dite « Elan » prévoyait une dérogation au droit de l’autorité administrative de retirer ses décisions d’autorisation relatives à l’établissement d’antennes de téléphonie mobile, jusqu’au 31 décembre 2022. Les opérateurs de télécommunication ont ainsi pu déployer leurs réseaux mobiles sans attendre l’expiration du délai de trois mois.

L’entrée en vigueur de cette mesure a permis d’améliorer la situation sur le terrain – diminution des cas de retrait, démarrage anticipé des travaux. Cet amendement vise donc à rétablir la rédaction initiale de l’alinéa 1, qui tendait à la pérenniser.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Les opérateurs téléphoniques ont effectivement besoin de clarté et de stabilité.

La commission adopte les amendements.

Amendement CS1394 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir la rédaction initiale du IV de l’article 17, qui conditionnait l’acquisition d’un terrain destiné à accueillir une infrastructure de téléphonie mobile à une obligation d’information préalable du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent et à la production d’une attestation formalisant l’engagement de l’opérateur mobile d’exploiter l’infrastructure concernée. Cela permettra de mieux articuler les impératifs d’aménagement numérique du territoire, de protection des prérogatives locales et de bonne gestion du foncier.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CS40 de M. Fabrice Brun, CS232 de Mme Virginie Duby-Muller, CS442 de Mme Anne Le Hénanff, CS499 de M. Éric Bothorel, CS513 de M. Jean-Pierre Vigier, CS638 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CS751 de Mme Mélanie Thomin, CS1217 de M. Gérard Le Seul et CS203 de M. Sylvain Maillard tombent.

Amendements identiques CS932 de Mme Lisa Belluco, CS951 de M. Charles Fournier et CS1218 de M. Gérard Leseul

M. Nicolas Bonnet (EcoS). La loi « Elan » interdisait, à titre expérimental, le retrait des décisions d’urbanisme autorisant l’implantation d’antennes de téléphonie mobile. Aujourd’hui nombreuses, elles assurent une couverture satisfaisante du territoire. Cet amendement vise donc à supprimer la prolongation du dispositif expérimental.

M. Gérard Leseul (SOC). L’introduction de cette mesure au Sénat vise une nouvelle fois à détricoter progressivement la loi « littoral », déjà fort mise à mal par les dispositions de la loi « Elan ». Nous nous y opposons.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Pour ma part, j’entends au contraire pérenniser cette expérimentation. Partant, avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS479 de M. Stéphane Travert, CS41 de M. Fabrice Brun, CS500 de M. Éric Bothorel et CS1117 de M. Aurélien Lopez-Liguori

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’amélioration et l’accélération de la couverture mobile dans les communes littorales constituent une nécessité stratégique pour la continuité du service public numérique et l’attractivité économique résidentielle de ces territoires.

Les besoins en connectivité exacerbés par l’afflux saisonnier de population imposent un dimensionnement adapté des infrastructures mobiles pour garantir un accès équitable aux services numériques, conditions sine qua non du développement local et de la compétitivité des acteurs économiques.

Or l’application stricte de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, issu de la loi « littoral », empêche l’implantation de nouvelles antennes relais en dehors des espaces déjà urbanisés, compromettant ainsi les objectifs du New Deal mobile. Cette contrainte juridique confirmée par le Conseil d’État engendre une carence structurelle dans la couverture mobile, notamment dans les communes où l’habitat est dispersé ou dans les territoires dont la géographie exige des implantations discontinues. Pour concilier préservation du littoral et aménagement numérique du territoire, il faut adapter la réglementation.

Mme Josiane Corneloup (DR). Cet amendement vise à autoriser l’installation de pylônes de téléphonie mobile en dehors des espaces urbanisés, dans des conditions strictement encadrées, lorsque l’intérêt général le justifie – par exemple, pour garantir un accès équitable aux services numériques et répondre aux exigences du New Deal mobile.

M. Éric Bothorel (EPR). Dans ma circonscription de Lannion-Paimpol, on connaît bien les difficultés rencontrées par les opérateurs pour déployer les infrastructures permettant de transporter les données et la voix.

L’expérimentation prévue par le Sénat reste insuffisante pour limiter les risques liés à la partie industrielle. Cet amendement prévoit donc un encadrement strict mais de nature à faciliter le déploiement des infrastructures mobiles, essentielles à la sécurité de nos concitoyens.

Récemment, chacun a pu mesurer, avec le cas de Mayotte, combien il était nécessaire de redéployer rapidement des infrastructures numériques, quitte pour cela à déroger à la loi. N’attendons pas des drames pour rattraper notre retard et continuer à déployer nos capacités mobiles.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Les opérateurs font face à des injonctions contradictoires : l’État leur enjoint de respecter leurs obligations en matière de couverture mobile, mais les dispositions de la loi « littoral » les en empêchent. Il en résulte une mauvaise couverture de certaines zones, empêchant les professionnels du tourisme, de la pêche, du commerce de travailler correctement et privant les habitants et les touristes d’un service essentiel – car je rappelle que la loi pour une République numérique a instauré un droit à la connexion. Pire : les zones blanches mettent en difficulté les services de secours des zones littorales.

Près de 200 projets d’antennes relais sont bloqués, 600 autres n’ont même pas été déposés en raison des limitations liées à la loi « littoral ». La couverture mobile n’est pas un luxe : à l’ère du numérique, c’est une nécessité.

Il faut en finir avec la demi-mesure : l’expérimentation, c’est la solution de ceux qui n’ont pas envie de trancher. Nous ne pouvons pas attendre de nos entreprises qu’elles investissent en dépit du flou juridique : il faut lever les blocages.

M. Marc Ferracci, ministre. Fort des préconisations formulées dans le rapport des députés Bothorel et Nury, le gouvernement a déjà fait évoluer sa position sur cette question au Sénat. Cette fois, il me semble de bon ton de m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CS42 de M. Fabrice Brun, CS234 de Mme Virginie Duby-Muller, CS444 de Mme Anne Le Hénnanf, CS508 de M. JeanPierre Vigier, CS1118 et CS1116 de M. Aurélien Lopez-Liguori, CS43 de M. Fabrice Brun, CS235 de Mme Virginie Duby-Muller, CS445 de Mme Anne Le Hénnanf, CS510 de M. Jean-Pierre Vigier, CS657de Mme Marie-Noëlle Battistel et CS1119 de M. Aurélien Lopez-Liguori à l’article 17 tombent.

La commission adopte l’article 17 modifié.

Après l’article 17

Amendement CS501 de M. Éric Bothorel et sous-amendement CS1514 de M. Stéphane Travert, amendements identiques CS44 de M. Fabrice Brun et CS409 de Mme Louise Morel, et amendement CS756 de Mme Mélanie Thomin (discussion commune)

M. Stéphane Travert, rapporteur. Alors que la réussite du New Deal mobile repose sur le respect d’engagements calendaires fermes pour assurer l’égalité d’accès au réseau dans tous les territoires, il faut assurer la cohérence entre les autorisations administratives et la mise en service technique des infrastructures. Or le délai de raccordement au réseau électrique, qui prend en moyenne neuf mois, ne répond pas aux exigences opérationnelles du programme et constitue l’un des principaux goulets d’étranglement du déploiement.

En calquant le régime applicable à ces antennes relais sur celui prévu par l’ordonnance du 23 août 2023 pour les énergies renouvelables – un mois pour la convention, cinq mois pour le raccordement, indemnisations financières en cas de dépassement –, cet amendement, qui s’inscrit dans une logique de symétrie normative, vise à rendre le déploiement plus efficace.

Le sous-amendement précise qu’il peut être dérogé à ce délai en cas de circonstances exceptionnelles.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement traduit la quatrième recommandation formulée dans le rapport d’information sur le bilan et les perspectives du New Deal mobile. Nos collègues Bothorel et Nury y plaident en faveur de l’introduction, dans le code de l’énergie, d’un délai maximal pour le raccordement des antennes relais à compter de l’acceptation de la convention de raccordement.

Malgré les efforts pour simplifier et accélérer les raccordements électriques des installations de communication, les opérateurs télécoms constatent un délai moyen de près de neuf mois entre la demande de raccordement à Enedis et le raccordement effectif. En pratique, les stations du dispositif de couverture ciblée se trouvent majoritairement dans les zones rurales, où les raccordements nécessitent fréquemment une double maîtrise d’ouvrage. Je suis régulièrement alertée sur ce sujet dans ma circonscription.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je demande le retrait de tous les amendements au profit de l’amendement de M. Bothorel, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Je suis pour ma part favorable au sous-amendement et à l’amendement de M. Bothorel sous-amendé ; je demande le retrait de tous les autres amendements.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé. L’article 17 bis est ainsi rédigé.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendement CS1151 de M. Éric Bothorel

M. Stéphane Travert, rapporteur. Favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Sagesse.

La commission adopte l’amendement. L’article 17 ter est ainsi rédigé.

Amendement CS46 de M. Fabrice Brun

Mme Josiane Corneloup (DR). Les transformateurs d’antenne relais de téléphonie – en haute ou basse tension – sont d’ores et déjà inclus dans la catégorie des ouvrages de stockage d’électricité mentionnés dans l’article 46 de la loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture. L’amendement tend donc à supprimer du texte cette expression redondante.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Défavorable.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). L’article 46 a été censuré par le Conseil constitutionnel.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Effectivement, cet amendement a été rendu inopérant par la décision du Conseil constitutionnel.

L’amendement est retiré.

Amendement CS938 de Mme Lisa Belluco

M. Hendrik Davi (EcoS). Cet excellent amendement de ma collègue Belluco vise à définir une stratégie en faveur de la sobriété énergétique.

La sobriété numérique revêt plusieurs enjeux.

Tout d’abord, l’économie de l’attention. Les Gafam et plateformes de réseaux sociaux ont développé de nombreux services visant à récolter nos données. Or vous connaissez la formule : « Quand c’est gratuit, nous sommes le produit ». On ne peut pas continuer à alimenter cette course au développement sans s’interroger sur ses conséquences et l’utilité de ces produits. Nous devons en particulier nous assurer que les progrès du numérique sont un facteur de développement pour nos enfants, et qu’ils ne deviennent pas esclaves de produits inutiles.

Ensuite, le développement de l’intelligence artificielle générative. Bien que très utile, on constate jour après jour la nécessité de mieux le contrôler.

Enfin, la fracture numérique. Si l’accélération numérique bénéficiera à une partie de la population, certains en seront totalement exclus.

M. Stéphane Travert, rapporteur. La place croissante de la téléphonie et du numérique appelle effectivement des progrès en matière de sobriété énergétique. Cet amendement est très intéressant, mais il n’a pas de lien avec la simplification. Partant, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 18 (art. L. 163-1 du code de l’environnement) : Simplification de la mise en œuvre des mesures de compensation

Amendements de suppression CS244 de Mme Manon Meunier, CS940 de Mme Lisa Belluco, CS957 de M. Charles Fournier et CS1224 de M. Gérard Leseul

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Alors que la séquence « éviter, réduire, compenser » (ERC) a déjà tendance à être réduite à la seule compensation, voilà que cet article rendrait cette dernière complètement inopérante en accordant aux porteurs de projets un délai pour l’application des mesures compensatoires. La compensation est pourtant fondamentale – même si la droite n’est sensible à la protection des espèces que lorsqu’il s’agit de s’opposer à un projet éolien ! Prenons l’exemple d’une mare abritant des espèces protégées : il sera évidemment impossible de déplacer ces espèces sur le site de compensation si celui-ci n’est réalisé qu’après le projet.

Malheureusement, les questions écologiques perdent peu à peu de leur énergie, surtout dans le bloc central, qui cherche à revenir sur des nombreuses mesures adoptées ces huit dernières années – ZFE (zone à faibles émissions), ZAN (objectif zéro artificialisation nette). Mais la biodiversité conditionne la survie des espèces, à commencer par la nôtre. Il est donc fondamental de maintenir une compensation effective et fonctionnelle pour pallier les atteintes à la biodiversité.

M. Hendrik Davi (EcoS). Sous couvert d’un démarrage plus rapide des projets, la compensation va encore être affaiblie. Pourtant, chaque nouveau projet conduit à une artificialisation des terres et entraîne des conséquences sur la biodiversité. Revenir sur la compensation n’est absolument pas une mesure de simplification.

M. Stéphane Travert, rapporteur. La protection de la biodiversité reste l’un des fils rouges du travail parlementaire et de l’action gouvernementale.

Je comprends vos préoccupations et votre volonté de préserver la biodiversité, mais cet article, introduit par voie d’amendement au Sénat, n’abolit ni l’exigence de compensation ni l’objectif de non-perte nette inscrits dans le droit positif. Il prévoit uniquement, en cas de contraintes foncières, de complexités techniques ou de phasages opérationnels dûment justifiés, que les mesures compensatoires puissent être différées. Cela ne remet nullement en cause leur caractère obligatoire et leur finalité écologique. Il s’agit d’ajustements pragmatiques qui n’affaiblissent pas les principes de la séquence ERC. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Cet article introduit de la souplesse pour ne pas retarder l’installation des projets industriels, mais il ne remet en cause ni le principe de la séquence ERC ni, de façon plus générale, les principes fondamentaux et les exigences écologiques que nous visons.

Avis défavorable

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Introduire un délai rend toute compensation inefficace. Je comprends que vous souhaitiez accélérer, mais la nature demande du temps long. Il n’est en outre pas possible de stocker les espèces qui doivent être déplacées. Comment faire ?

La commission rejette les amendements.

Amendement CS941 de Mme Lisa Belluco

Mme Julie Ozenne (EcoS). L’article 7 de la loi relative à l’industrie verte prévoit la possibilité de réaliser des opérations de restauration et de développement de la biodiversité sur des sites naturels agréés par l’autorité administrative. La réalisation de ces opérations donne lieu à l’attribution d’unités de restauration et de renaturation, qui peuvent être vendues à toute personne soumise à une obligation de compensation.

Ce mécanisme, qui obéit à une logique de marchandisation du vivant, est problématique car il est fondé sur un gain écologique attendu, sans garantie de résultat équivalent à la perte des habitats, des espèces et des fonctionnalités écologiques. La vente anticipée d’unités de compensation sans identification claire ni constatation de gains écologiques n’est pas satisfaisante. Ces dispositions facilitent le déploiement de projets industriels au mépris du vivant. Nous proposons donc de supprimer cette dérégulation de la compensation.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Le déploiement de ces sites commence à peine. Il est donc difficile à ce stade de les évaluer. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS316 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous proposons de supprimer l’alinéa 2, qui annule l’obligation de résultat des mesures compensatoires, prévue dans la version initiale du texte, et qui permet de décaler les mesures de compensation dans le temps.

Les espèces protégées doivent être déplacées immédiatement pour ne pas être détruites et, avec elles, tout l’écosystème qu’elles soutiennent. Quelles solutions proposez-vous quand ce n’est pas possible ?

En supprimant l’obligation de résultat, vous réduisez l’effectivité du dispositif à néant. Or des études montrent qu’à peine un tiers des mesures compensatoires sont réellement mises en place et que leur gain biologique est très faible car elles sont souvent mises en place sur des terrains peu abîmés.

Je le répète, même si cela fait ricaner certains : nous vivons la sixième extinction. Le renforcement des mécanismes de compensation est un impératif scientifique qui devrait également être un impératif politique.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Supprimer cet alinéa revient à refuser toute possibilité d’adaptation dans la mise en œuvre des mesures compensatoires. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1004 de Mme Manon Meunier et CS1227 de M. Gérard Leseul.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Cet amendement de « super-repli » propose que, dans le cas où les mesures ne peuvent être mises en œuvre immédiatement, les sommes correspondantes à la compensation prévue soient consignées auprès de la Caisse des dépôts avant le début des atteintes.

Cela ne permettra pas malheureusement de réparer les atteintes à la biodiversité. Or il faut des siècles pour reconstruire ce qu’on détruit très rapidement. Les haies centenaires ne rendent ainsi pas du tout les mêmes services qu’une biodiversité jeune. Sans compensation effective, de très nombreuses espèces protégées, emblématiques de notre pays et faisant donc partie de son patrimoine, disparaîtront.

M. Gérard Leseul (SOC). Rendre la consignation obligatoire n’est pas une garantie absolue, mais c’est dissuasif.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Les modifications que nous souhaitons apporter à l’article 18 maintiennent des mesures de compensation. Elles sont nécessaires, mais l’ajout d’une obligation de résultat stricto sensu soulève des difficultés d’application. L’autorité environnementale encadre déjà rigoureusement les activités.

Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Les amendements sont déjà satisfaits puisque l’autorité administrative peut imposer au maître d’ouvrage la consignation d’une garantie financière en cas de doute sur ses capacités ou sa volonté de mettre en œuvre les mesures de compensation.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS1005 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Encore un amendement de super-repli : le délai de mise en œuvre des mesures de compensation est une très mauvaise idée, mais s’il doit être concédé, il est nécessaire que les sommes qui y sont dédiées soient consignées auprès de la CDC afin d’éviter que les causes de l’adoption d’un délai soient financières. Les porteurs de projet doivent pouvoir élaborer à l’avance un plan de financement du projet, y compris des mesures de compensation.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Prenons l’exemple du faucon pèlerin, qui niche sur des falaises. S’il doit être déplacé, il faudra trouver une autre falaise et, éventuellement, l’adapter. En attendant, où sera le faucon ? Au ministère de l’écologie ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS958 de M. Charles Fournier et amendements identiques CS955 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CS1226 de M. Gérard Leseul (discussion commune)

Mme Julie Ozenne (EcoS). Cet amendement vise à supprimer la temporalité et les délais introduits par l’article 18, qui marque un recul clair et annoncé des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité.

Des conditions stables sont nécessaires pour les écosystèmes afin d’assurer leur pérennité. Demander à des spécimens d’une espèce protégée d’attendre un délai raisonnable jusqu’au début des travaux de compensation est absurde. Sans protection, les espèces disparaîtront et cela sera irréversible.

Au-delà des espèces, ce report aurait un effet social et économique négatif à l'échelle du territoire d’implantation du projet industriel, car permettre des dommages temporaires à l’environnement, c’est permettre des dommages temporaires au tissu économique et social des populations qui en dépendent. Les activités humaines dépendent des services gratuits rendus par la nature. Autoriser un délai à la compensation, c’est mettre en péril ou affaiblir certaines des fonctions supports des vies humaines.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Décaler dans le temps la réalisation des mesures de compensation n’a aucun sens : on ne peut pas appliquer une logique comptable et économique à des écosystèmes vivants. Les espèces animales et végétales dépendent de conditions de vie qui doivent être satisfaites en continu. On ne peut pas leur demander d’attendre patiemment la fin des travaux de compensation.

De telles dispositions vont aggraver l’effondrement de la biodiversité et, par conséquent, la baisse des rendements en agriculture, qui dépend du support des écosystèmes. La simplification que vous proposez va créer des complications pour l’avenir.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Ces amendements, en supprimant les délais, vident l’article de sa substance. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS1166 de M. Charles Alloncle

M. Charles Alloncle (UDR). Cet amendement rédactionnel vise à assouplir la rédaction de l’article 18 pour renforcer la sécurité juridique, notamment des activités des maîtres d’ouvrage.

L’idée de la compensation, comme beaucoup d’idées des écologistes, est bonne, mais son application est rigide et ajoute encore de la lourdeur. Nous proposons donc de supprimer l’objectif extrêmement ambitieux d’absence de « perte nette, voire de gain de biodiversité » et d’accorder la possibilité d’étaler la compensation dans des délais raisonnables et dans des conditions moins strictes.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet amendement, qui n’est pas rédactionnel, promeut une libéralisation totale du régime de la compensation, à l’opposé des mesures proposées par Mmes Meunier et Stambach-Terrenoir. Entre les deux, je préfère suivre le chemin tracé par l’article 18. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Je m’inscris dans le chemin proposé par le rapporteur.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Je me permets de donner un conseil de simplification à notre collègue du Rassemblement national : déposez donc un amendement proposant de supprimer toutes les mesures de compensation. Ainsi, vous afficherez clairement votre scepticisme à l’égard de la sixième extinction de masse que nous traversons.

M. le président Ian Boucard. Je précise que M. Alloncle appartient au groupe UDR. Je crois qu’il y tient.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1395 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet amendement renforce l’exigence de rigueur écologique dans la mise en œuvre des mesures compensatoires en rappelant que, même en cas de décalage temporel justifié, les porteurs de projets demeurent tenus d’atteindre une absence de perte nette de biodiversité, voire un gain, au terme du délai autorisé. En supprimant la référence à des « difficultés à mobiliser du foncier », il évite d’entériner une incertitude foncière pouvant fragiliser juridiquement l’autorisation elle-même, tout en garantissant que les mesures compensatoires reposent sur des bases solides de protection de la biodiversité et des milieux, et de relocalisation des espèces qui pourraient être menacées.

M. Marc Ferracci, ministre. Avis favorable à cet amendement qui permet de lever toute ambiguïté pour les porteurs de projets.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS959 de M. Charles Fournier et sous-amendement CS1517 de M. Stéphane Travert

Mme Julie Ozenne (EcoS). Le code de l'environnement définit depuis 2016 la manière dont les atteintes à la biodiversité occasionnées par les nouveaux projets doivent être évitées, réduites ou surtout compensées.

Aujourd’hui, la mise en œuvre de la séquence n’est toujours pas satisfaisante et les acteurs économiques peinent à respecter leurs obligations d’évitement et de réduction et s’engagent bien trop tard dans la compensation. Si un délai est introduit, il devrait uniquement être défini par des critères dépendant avant tout des impératifs écologiques et de l’impact d’un délai sur la biodiversité, car le vivant a besoin d’une continuité des éléments qui conditionnent son existence.

Cet amendement vise donc à supprimer l’introduction d’une temporalité dans la compensation des atteintes à la biodiversité.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Le sous-amendement est rédactionnel et correspond à une demande de l’administration. Il vise à préciser quelle sera l’autorité chargée, pour chacun des projets, de confirmer le délai raisonnable sur le plan écologique.

Avis favorable à l’amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.

M. Marc Ferracci, ministre. En cohérence avec l’adoption de l’amendement CS1395, la procédure d'appréciation du délai raisonnable fera l’objet d’un décret en Conseil d’État. Le sous-amendement n’est donc pas opportun. J’y suis défavorable, ainsi qu’à l’amendement.

M. Hendrik Davi (EcoS). Dans quelles conditions l’autorité en charge pourrait ne pas être une autorité environnementale ?

M. Marc Ferracci, ministre. L’avis est rendu par une autorité environnementale et l’autorisation est donnée par l’autorité préfectorale.

M. le président Ian Boucard. Comme c’est déjà le cas actuellement.

La commission adopte le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

En conséquence, les amendements identiques CS960 de M. Charles Fournier et CS989 de Mme Manon Meunier tombent.

Amendements identiques CS933 rectifié de Mme Manon Meunier et CS1225 rectifié de M. Gérard Leseul

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous souhaitons réintroduire l’obligation de résultat, qui est nécessaire à l’effectivité des mesures de compensation, qui sont déjà largement sous-utilisées et inefficaces. On constate en effet que les sites choisis sont déjà favorables à l’accueil des espèces. Pour faire une véritable compensation, il faudrait désartificialiser des zones.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous ne comprenons pas pourquoi l’obligation de résultat a été supprimée. Il faut la rétablir.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Le droit en vigueur impose déjà des mesures de compensation efficaces, proportionnées, mesurables, avec des engagements de moyens et une trajectoire de performance dans la durée.

La formulation d’une obligation de résultat dans les termes proposés, sans cadre juridique, pourrait affaiblir la mise en œuvre effective des politiques de compensation et créer une insécurité juridique, et donc accroître le risque de contentieux.

Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). M. Roland Lescure, qui a défendu en tant que ministre le texte devant le Sénat, avait indiqué qu’il était prévu de retravailler la rédaction d’ici le passage à l’Assemblée nationale afin de confirmer qu’il existe bien une obligation de résultat, tout en garantissant la souplesse introduite par cet article en termes de temporalité. Sauf erreur de ma part, je ne vois pas d’amendement du gouvernement en ce sens.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS961 rectifié de M. Charles Fournier et CS1001 rectifié de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Julie Ozenne (EcoS). Cet amendement de repli vise à conditionner le délai raisonnable introduit par l’article 18 sur les conditions de compensation des atteintes à la biodiversité à la préservation des espèces protégées et à la protection de la biodiversité.

L’introduction d’un délai raisonnable enlève les garanties nécessaires à l’effectivité de la mise en œuvre des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité. Des conditions écologiques favorables et pérennes sont nécessaires pour les écosystèmes. Il est insensé de demander à des spécimens d’une espèce protégée d’attendre un délai raisonnable jusqu’au début des travaux de compensation. Elles disparaîtront de façon irréversible dès le début des atteintes à leur environnement.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Cet amendement d’hyper-repli permettrait de limiter les cas où il y aurait le plus de pertes. J’espère que vous voudrez bien concéder ce garde-fou à la biodiversité.

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’amendement CS959 que nous avons adopté prévoit déjà un encadrement au délai raisonnable. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’article 18 modifié.

Après l’article 18

Amendements CS603 de M. Pierre Meurin

M. Thierry Tesson (RN). L’amendement CS603 propose que l’administration fournisse un délai prévisionnel d’instruction afin de donner une meilleure visibilité aux acteurs économiques sur des délais qui peuvent parfois être très longs.

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’amendement CS215 a ma préférence car sa rédaction est plus précise.

M. Thierry Tesson (RN). Je le retire, ainsi que le suivant, l’amendement CS602, qui fait doublon.

Les amendements CS603 et CS602 sont retirés.

Amendements identiques CS229 de Mme Danielle Brulebois, CS607 de M. Pierre Meurin et CS1076 de M. Sébastien Huyghe

Mme Danielle Brulebois (EPR). La réforme introduite par la loi relative à l’industrie verte fait de la participation du public par voie électronique (PPVE) prévue par l’article L. 181-10-1 du code de l’environnement le droit commun de la consultation du public en matière d’autorisation environnementale et cela même lorsque l’étude au cas par cas conclut qu’une évaluation environnementale n’est pas nécessaire et qu’une simple étude d’incidence suffit. En conséquence, la procédure de participation du public pour étude d’incidence s’étale désormais, et d’une façon très souvent disproportionnée au regard du projet, sur trois mois et requiert un commissaire enquêteur alors que la PPVE de l’article L. 123-19 du code de l’environnement ne demande qu’un mois, sans exigence de commissaire enquêteur.

Dans une logique de simplification, cet amendement aménage donc l’article L. 181-10 pour permettre, sauf avis motivé de l’autorité environnementale, de conserver pour les études d’incidence la procédure de l’article L. 123-19.

M. Thierry Tesson (RN). Notre amendement suit la même logique que celle présentée par Mme Brulebois.

M. Sébastien Huyghe (EPR). Cet amendement vise à simplifier la réalisation des projets industriels en rétablissant une procédure plus souple pour la participation du public à l'évaluation environnementale tout en garantissant un équilibre entre efficacité et transparence.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Ces amendements n’atteignent pas le but poursuivi de simplification puisqu’ils reviendraient à soumettre les projets à faible incidence environnementale à une procédure de consultation plus exigeante que celle dont feraient l’objet les projets à plus forte incidence. C’est paradoxal.

Avis défavorable.

M. Sébastien Huyghe (EPR). Il y a sans doute un paradoxe, mais plutôt que de ne pas simplifier au prétexte que certains projets ne le seraient pas, je propose que nous déposions pour la séance des amendements simplifiant la procédure pour ces autres projets.

La commission adopte les amendements. L’article 18 bis A est ainsi rédigé.

Amendements identiques CS215 de Mme Danielle Brulebois, CS605 de M. Pierre Meurin et CS1074 de M. Sébastien Huyghe

Mme Danielle Brulebois (EPR). Il vise à sécuriser les acteurs économiques en leur communiquant un délai maximal pour l’instruction de leur dossier de demande d’autorisation environnementale.

En pratique, ce délai peut être extrêmement long – de trois à cinq ans pour les autorisations de carrière par exemple –, souvent faute de moyens des services instructeurs. En outre, les services de l’État signifient rarement au pétitionnaire la complétude du dossier, ce qui maintient celui-ci dans l’incertitude.

Il convient donc de trouver un moyen de préserver la qualité des procédures de consultation du public tout en assurant davantage de sécurité juridique aux pétitionnaires, dont on oublie qu’il s’agit souvent de TPE-PME qui n’ont pas forcément les moyens de faire face à une aussi longue incertitude.

M. Thierry Tesson (RN). Nous voulons permettre aux acteurs qui déposent une demande d’autorisation environnementale de disposer d’un délai prévisionnel maximal d’instruction, afin qu’ils bénéficient d’une plus grande visibilité pour entreprendre leur projet.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Retrait ou avis défavorable : l’amendement que nous venons d’adopter complète le dispositif que nous souhaitons mettre en œuvre.

M. Sébastien Huyghe (EPR). Dans le cadre de la simplification du droit minier, il me semble nécessaire de compléter l’amendement que nous venons d’adopter. Je maintiens cet amendement.

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous pouvons comprendre cette volonté de réduire les durées d’instruction, mais les services de l’État n’ont pas les moyens de traiter les dossiers dans les temps. Que ceux qui veulent que ça aille plus vite s’engagent à demander les moyens correspondant lors de l’examen du projet de loi de finances(PLF). Pour se protéger, les services de l’État pourraient donner des avis défavorables dans la précipitation, ce qui serait contraire à l’effet recherché.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Convaincue par les explications de mes collègues, je vais maintenir mon amendement.

M. Thierry Tesson (RN). Je vais aussi faire confiance à M. Huyghe et maintenir mon amendement.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Les carrières posent peut-être un problème spécifique comme l’indique M. Huyghe. Je propose que vous retiriez vos amendements et que nous complétions la rédaction d’ici à la séance.

M. Sébastien Huyghe (EPR). Je préfère que l’on adopte les amendements d’abord et que nous regardions ensuite.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS212 de Mme Danielle Brulebois, CS604 de M. Pierre Meurin et CS1073 de M. Sébastien Huyghe

Mme Danielle Brulebois (EPR). Cet amendement constitue à la fois une mesure de bonne gestion des gisements car il encourage les industriels à une exploitation raisonnée dans le temps, et de simplification administrative destinée à alléger la charge des services instructeurs.

Il étend pour ce faire aux autorisations de carrières le principe du code minier, clair et de bon sens, selon lequel la durée d’une autorisation de carrière doit être proportionnée à la capacité du gisement, ou, pour reprendre les termes du code minier, aux « possibilités du gisement ». La notion existe donc déjà dans les textes de loi applicables aux autorisations de carrières puisqu’aux termes de l’article L. 173-5 du code minier, tout titulaire d’une autorisation d’amodiation de titre minier peut, après mise en demeure, se voir retirer son titre ou son autorisation, notamment en cas « d’absence ou insuffisance prolongée d’exploitation manifestement contraire aux possibilités du gisement ou à l’intérêt des consommateurs et non justifiées par l’état du marché ».

La disposition proposée n’est pas plus imprécise que ne le sont les articles L. 173-5 et L. 161-1 du code minier, d’autant que les possibilités du gisement sont mesurées, objectivées et connues dès la première demande d’autorisation. Elle ne revient pas sur le marqueur de trente ans, bien que cette limite, sans équivalent en Europe, ait peu de portée, puisque dans la pratique les autorisations de carrières sont bien souvent accordées pour une durée variant de dix à vingt ans, et exceptionnellement de vingt-cinq ans.

En revanche, dans le même objectif d’encourager l’exploitation raisonnée, durable et optimale du gisement, constatant que cette limite à trente ans crée un effet de seuil et peut imposer le dépôt de dossiers successifs, y compris pour obtenir un renouvellement d’autorisation sur de très courtes durées, la disposition proposée ouvre, comme cela est possible aux termes du droit européen, la possibilité pour le préfet d’une procédure de renouvellement simplifiée, en sollicitant l’avis de la collectivité et en exigeant une mise à jour de l’étude d’impact.

M. Thierry Tesson (RN). Cet amendement, relatif aux carrières, vise à donner une durée d’autorisation proportionnelle à la capacité du gisement et au rythme de son exploitation. Dans la loi sur la restauration de Notre-Dame de Paris, la seule dérogation qui a été accordée concernait l’ouverture de carrières. Notre proposition est une mesure de bon sens qui revient à protéger les entreprises et prévoit aussi que le renouvellement puisse être fait de manière simplifiée une fois atteinte la limite des trente années d’exploitation.

M. Sébastien Huyghe (EPR). J’apporterai une petite précision : il s’agit là encore de prévenir toute incitation pour le carrier à hâter son exploitation comme il pourrait être tenté de le faire face à une échéance butoir trop proche. Il est préférable d’allonger les durées d’autorisation d’exploitation.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Monsieur Huyghe, c’est peut-être à cet endroit que vous pourriez ajouter la précision que vous souhaitiez précédemment. Il est proposé une articulation assez pragmatique qui concilie l’exigence de bonne gestion environnementale et la simplification administrative, en alignant la durée des autorisations de carrière sur celles des gisements exploités. On promeut ainsi une exploitation planifiée, proportionnée et conforme à l’intérêt général – dans nos territoires, de nombreux projets économiques peuvent s’en trouver facilités. Avis favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Ces amendements n’apportent pas réellement de simplification par rapport au cadre existant. D’une part, le code de l’environnement oblige les carriers à respecter l’environnement, mais aussi les contraintes et obligations nécessaires à la bonne utilisation du gisement et à sa conservation, ce qui signifie que la durée d’exploitation est estimée d’emblée dans le dossier de demande d’autorisation. Votre demande est donc satisfaite sur ce point. En outre, il est déjà possible de prolonger l’exploitation au-delà de trente ans si nécessaire. Il faut pour cela que le carrier porte à la connaissance du préfet les modifications qu’il veut effectuer, ce qui peut conduire à des adaptations légères des règles. Le cadre des droits existants répond aux objectifs de vos amendements. J’en demande donc le retrait ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.

La commission adopte les amendements. L’article 18 bis B est ainsi rédigé.

Article 18 bis (nouveau) (art. 27 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables) : Extension de la dispense d’évaluation environnementale

Amendement de suppression CS1396 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet article étend la dispense d’évaluation environnementale bénéficiant aux projets de raccordement d’installations industrielles ou d’installations de production ou de stockage d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone, prévue par l’article 27 de la loi n° 2023‑175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi « Aper », aux procédures de mise en compatibilité des documents d’urbanisme nécessaires à la mise en œuvre de ces projets. J’en demande la suppression.

M. Marc Ferracci, ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 18 bis est supprimé.

Après l’article 18 bis

Amendement CS1353 du gouvernement

M. Marc Ferracci, ministre. Il s’agit d’étendre le dispositif de concertation simplifiée, introduit par la loi Aper, à l’ensemble des projets d’ouvrages de transport d’électricité. La loi Aper a créé une dérogation ciblée en matière de concertation préalable du public, afin d’accélérer la réalisation des projets de raccordement au réseau électrique. Ce dispositif, actionné à deux reprises, a permis de réduire les délais administratifs liés à la concertation préalable du public, tout en garantissant un bon déroulement de celle-ci. Il est en cohérence avec les exigences de la charte de l’environnement en matière de participation au public. Cet amendement représente donc une véritable mesure de simplification et d’accélération.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement. L’article 18 ter est ainsi rédigé.

Article 19 (art. L. 114-2, L. 142-2-1, L. 152-2, L. 163-11, L. 252-1, L. 611-1-2, L. 611-2-3 et L. 621-22 du code minier) : Modernisation du droit minier à des fins d’accélération de la transition énergétique

Amendements de suppression CS645 de Mme Claire Lejeune, CS952 de Mme Lisa Belluco et CS969 de M. Charles Fournier

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cet article 19 revient sur des réformes du code minier qui permettaient de mieux concilier l’extraction minière et le respect d’obligations environnementales cruciales. Une fois de plus, je veux vous alerter sur les régressions majeures de ce projet de loi, que nous entérinons très vite et avec une grande légèreté. C’est systématiquement l’environnement qui est sacrifié dans cette pseudo-simplification.

Cet article tend à limiter les prérogatives de l’Office national des forêts (ONF) qui, jusqu’à présent, peut refuser des titres miniers pour des raisons environnementales. Il supprime également l’avis du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies dans certains cas. Il facilite la conversion des installations d’exploration et d’exploitation vers des activités de stockage géologique de dioxyde de carbone. Or l’Agence de la transition écologique (Ademe) estime que cette technologie est encore coûteuse, énergivore et qu’elle comporte des risques environnementaux et sanitaires. Il faudrait se donner du temps et réfléchir au lieu de vouloir valider les projets miniers d’une manière de plus en plus rapide.

Nous vous invitons donc à supprimer cet article qui fragilise très grandement la dimension environnementale du code minier.

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous voulons en effet supprimer cet article qui vise à assouplir le code minier pour favoriser l’exploitation de ressources du sous-sol, au détriment des précautions environnementales essentielles, notamment à l’égard des forêts. Si on ne demande plus l’avis de l’ONF, on met en danger les plans de gestion et la préservation des îlots de vieillissement, et on peut se retrouver avec des mines en pleine forêt, ce qui risque de ne pas être très bien accepté par la population. Il n’est pas raisonnable de simplifier au point de prendre des risques vis-à-vis des écosystèmes. Nous avons certes besoin de ressources du sous-sol, notamment pour développer les énergies renouvelables. Mais, comme dans le cas des centres de données, il va falloir poser le débat de manière démocratique, distinguer le nécessaire de l’accessoire, et établir un cadre. On ne peut pas le faire à la va-vite, au détour de ce projet de loi sur la simplification de la vie économique.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Nous n’agissons pas dans la précipitation : nos débats sont de bon niveau, il me semble. Cet article 19 s’inscrit dans une démarche de simplification du droit minier sans sacrifier l’ambition environnementale – la nécessité de protéger les espèces et la biodiversité est l’un de nos fils conducteurs. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Cet article équilibré ne remet absolument pas en cause les principes de protection de l’environnement et de la biodiversité. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS1010 de Mme Claire Lejeune

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Il s’agit de renforcer le pouvoir des communautés autochtones dans le cadre des projets miniers. L’une des constantes de ce texte est de priver les gens qui vont parfois subir les effets des projets – industriels, miniers ou autres – de toute possibilité de s’exprimer, de réagir à la dégradation de leurs conditions de vie et de leur santé. Cet amendement cible plus particulièrement les communautés autochtones qui peuvent se voir imposer tel ou tel projet minier.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je suis totalement en accord avec cet amendement. Pour l’acceptabilité sociale, environnementale et populaire d’un projet, une large concertation est nécessaire. Lorsque j’étais au gouvernement, nous avons eu à gérer le conflit autour du projet minier « Montagne d’or » en Guyane. Si les populations autochtones vivant sur le site avaient été consultées, le projet n’aurait peut-être pas été rejeté comme il l’a été.

Cet amendement tend aussi à réparer une asymétrie juridique persistante dans l’encadrement des titres miniers dans les territoires autochtones d’outre-mer, dans les communautés amérindiennes. Ces communautés doivent avoir un droit de regard équivalent à celui des titulaires privés de concessions agricoles ou minières. L’amendement inscrit le respect du principe de non-discrimination des droits coutumiers et des usages de subsistance dans la procédure d’attribution des titres J’ai la conviction personnelle que celles et ceux qui vivent sur ces territoires doivent être consultés avant le lancement des projets. Avis favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Je suis évidemment très favorable à la démarche de cet amendement qui insiste sur la nécessité de consulter les communautés autochtones sur tout octroi de concession minière ou d’autorisation d’exploitation. Mais j’observe que le code minier le prévoit déjà dans son article L. 621-9 qui dispose : « Tout projet de décision d’octroi d’une concession ou d’une autorisation d’exploitation est soumis, dans un zonage déterminé par décret en Conseil d’État, à l’avis du grand conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinenges. » Cet amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.

M. Hendrik Davi (EcoS). Le projet interrompu de la Montagne d’or éclaire notre débat sur la simplification. L’échec est programmé quand on se lance dans des projets non écologiques et qui s’opposent aux communautés locales. En Guyane comme partout ailleurs sur le territoire, il faut prendre le temps de dialoguer avec les populations concernées et de mesurer les effets écologiques des projets.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je suis totalement en phase avec le rapporteur. Monsieur le ministre, vous nous dites que c’est déjà dans le code minier. Je pense que deux précautions valent mieux qu’une, car, à force d’alléger les textes, on ne sait plus trop ce qu’il en reste. Nous devrions adopter cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS970 de M. Charles Fournier

Mme Julie Ozenne (EcoS). Cet amendement vise à remplacer la consultation dématérialisée du public en matière de demande d’octroi, de prolongation ou d’extension d’un permis exclusif de recherches, par une consultation publique classique. Celle-ci a pour objet d’assurer l’information et la participation du public, ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers, lors de l’élaboration des décisions susceptibles d’affecter l’environnement.

Il paraît en effet nécessaire de pouvoir associer plus étroitement la société civile à ces décisions qui ont un impact non négligeable sur la qualité de vie et l’environnement. Tous les citoyens, associations et entreprises pourront ainsi se prononcer sur l’opportunité et l’utilité que représente un projet industriel pour la bifurcation écologique et la réindustrialisation de la France.

Si l’extraction minière en France est un sujet majeur qui doit être abordé, des décisions structurantes pour notre avenir ne doivent pas être prises au détour d’un texte de simplification. Il faut donc prévoir d’associer de manière ambitieuse le public sur ce sujet et permettre vraiment aux citoyens et citoyennes de donner leur avis sur des projets industriels.

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’adoption de cet amendement introduirait beaucoup de lourdeur dans la procédure. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement de clarification juridique CS1399 de M. Stéphane Travert, rapporteur.

Amendement CS922 de M. Charles Fournier

Mme Lisa Belluco (EcoS). Il s’agit de supprimer les alinéas 7 à 10 qui permettent d’accélérer les procédures d’attribution ou de refus des permis exclusifs de recherche (PER) des mines. Ils permettent aussi la prolongation exceptionnelle d’un permis « en cas de circonstances exceptionnelles liées à des aléas de la recherche minière indépendants du titulaire du titre, entravant la mise en œuvre du programme de travaux ». On pourrait évoquer de tels aléas pour la quasi-totalité des PER en cours puisque ceux-ci ont souvent été ralentis par l’épidémie de Covid. La formulation floue des circonstances exceptionnelles indépendantes du titulaire ouvre donc la voie à de trop nombreuses et trop simples prolongations de PER. En conséquence, nous proposons de supprimer ces dispositions injustifiées et peu claires.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS971 de M. Charles Fournier

Mme Lisa Belluco (EcoS). Il s’agit d’impliquer les citoyens par le biais d’une participation du public aux conditions fixées par l’article L. 123-19-2 du code de l’environnement dans la validation des prolongations de PER des mines. À défaut d’empêcher les prolongations trop faciles, nous proposons d’impliquer davantage les citoyens.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS972 de M. Charles Fournier

Mme Lisa Belluco (EcoS). Encore moins contraignant : nous proposons d’impliquer les citoyens dans la validation des prolongations des PER des mines par le biais d’une consultation du public, les modalités de cette consultation étant fixées par décret.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Si les considérations de transparence sont légitimes, une telle consultation alourdirait vraiment la procédure. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS973 de M. Charles Fournier

Amendement CS1397 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. C’est un amendement à la fois de cohérence et de correction d’une erreur matérielle.

M. Marc Ferracci, ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS1402 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il introduit un nouvel article au sein du code minier et procède à une clarification juridique. S’agissant du régime applicable aux actes de géothermie de minime importance, il vise à lever une ambiguïté qui résultait d’un chevauchement entre les dispositions du code minier et celle du code de l’environnement.

M. Marc Ferracci, ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS953 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). Il s’agit d’un amendement d’appel. Après l’incendie de l’usine Lubrizol de Rouen, le gouvernement s’était engagé à augmenter de 50 % le nombre des inspecteurs des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Or cette augmentation n’est pas visible. Des crédits ont été votés pour le recrutement de trente nouveaux inspecteurs en 2021 et de vingt nouveaux inspecteurs en 2022. Dans une enquête publiée le 26 septembre 2022, Libération révèle que ces recrutements n’auraient pas été effectués et que le nombre d’inspecteurs aurait même diminué entre 2019 et 2021, passant de 1590 à 1529 équivalents temps plein (ETP).

Avoir assez d’inspecteurs est aussi un enjeu de simplification – ou en tout cas d’accélération – puisqu’ils s’assurent que les normes sont respectées et peuvent accompagner les industriels dans leurs démarches et dans le traitement de leur dossier. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner le nombre exact d’inspecteurs et d’inspectrice des ICPE à ce jour ? Quels sont les engagements du gouvernement dans la perspective du prochain PLF ? Que comptez-vous faire pour lever les freins au recrutement de nouveaux inspecteurs et de nouvelles inspectrices ?

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je vois bien la portée symbolique de votre amendement : la suppression de l’alinéa 21 ne va pas donner de moyens supplémentaires permettant de créer des postes d’inspecteur des ICPE. C’est lors de l’examen du PLF que vous pourrez défendre ces demandes de moyens, que je peux d’ailleurs comprendre. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Les inspecteurs des ICPE sont notamment chargés de la police des mines. Fin 2023, ce corps d’inspection était composé de 1 568 inspecteurs. En 2024, le gouvernement a augmenté ces effectifs d’une centaine. Cette augmentation, je le précise, ne s’est pas réalisée par redéploiement d’agents du ministère de l’environnement : il s’agit donc d’un recrutement exceptionnel, effectué dans le contexte budgétaire que vous connaissez. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS954 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). Nous voulons apporter la précision suivante : même si les inspecteurs des ICPE ne peuvent pas se rendre sur site entre 21 heures et 6 heures pour réaliser leurs travaux, ils peuvent quand même le faire en cas d’exercice ou d’incident. La formulation nous semblait un peu floue et risquait d’empêcher toute intervention, même indispensable, sachant qu’en temps normal ces inspecteurs ne travaillent pas de nuit.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cette précision est bienvenue : elle lève une ambiguïté pouvant nuire à la continuité des missions de contrôle, de prévention et d’intervention, notamment sur les ICPE. Avis favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Si je comprends et partage votre préoccupation, il me semble cependant qu’elle est prise en compte dans le projet de loi : ce nouvel article fixe les modalités d’accès aux locaux et installations pour ce qui concerne la recherche ou le constat d’infractions pénales. En d’autres termes, il est déjà possible d’avoir accès aux locaux et installations. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1398 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il renforce la logique de simplification de l’article 19 qui unifie les démarches relatives à l’occupation du domaine public ou privé de l’État et l’exploitation minière en Guyane. En outre, il sécurise les aspects domaniaux en encadrant la redevance due, sans affaiblir les exigences environnementales et de protection de la biodiversité.

M. Marc Ferracci, ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS1400 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il s’inscrit dans une logique de simplification et de cohérence, et il sécurise juridiquement les procédures en assurant le maintien des exigences de consultation du public.

M. Marc Ferracci, ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 19 modifié.

Après l’article 19

Amendement CS464 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il s’agit d’aligner la durée maximale de renouvellement des concessions minières sur celle des autorisations d’exploitation et de la fixer à trente ans, ce qui permet de sécuriser les investissements et d’éviter des décalages administratifs artificiels et préjudiciables au modèle économique qui en découle.

M. Marc Ferracci, ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement. L’article 19 bis est ainsi rédigé.

Amendement CS714 de M. Nicolas Meizonnet

M. Antoine Golliot (RN). L’objectif de cet amendement est de revenir sur les principales mesures de la loi du 30 décembre 2017, dite loi Hulot, mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement. Cette loi, qui met un terme au renouvellement des concessions, prévoit la fin définitive des exploitations de gaz et de pétrole d’ici à 2040 et interdit la délivrance de nouveaux permis de recherche d’hydrocarbures.

Il nous semble important de poursuivre et de pérenniser ces extractions, même si elles sont marginales : le pétrole et le gaz extraits représentent respectivement 1 % et 0,1 % de la consommation française. Il reste absurde d’interdire toute extraction puisque ces énergies fossiles se trouvent à proximité et qu’elles n’engendrent pas les mêmes coûts que les importations massives de ces produits en termes de logistique et d’émissions de CO2. Nous vous proposons d’adopter cet amendement de bon sens.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Quand j’ai lu l’amendement, je suis un peu tombé de l’armoire. Nous examinons un projet de loi simplification. Je respecte les positions des uns et des autres, mais il est proposé ici un revirement total de la politique menée depuis une quinzaine d’années sur le territoire national, avec une trajectoire de décarbonation de notre économie. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

M. Hendrik Davi (EcoS). Le bon sens de tous les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) les conduit à demander de laisser les énergies fossiles là où elles sont, c’est-à-dire dans le sol. Pour l’instant, on ne peut pas le faire complètement. De là à relancer l’exploitation des énergies fossiles ! Cela relève d’un contresens historique hallucinant. C’est tout sauf du bon sens, je vous le jure.

M. Antoine Golliot (RN). Il y a quand même de formidables opportunités en France, en termes d’extraction de matières premières, notamment d’hydrogène. Il vaut mieux exploiter nos matières premières que d’en importer, même si ces extractions sont marginales par rapport à la consommation.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS222 de Mme Danielle Brulebois et CS606 de M. Pierre Meurin

Mme Danielle Brulebois (EPR). Cet amendement vise à simplifier la procédure applicable aux projets d’exploitation de carrière, qui sont soumis à autorisation environnementale et à une obligation de renaturation, en facilitant la mise en compatibilité des PLU (plan local d’urbanisme).

Le schéma régional des carrières, qui fait l’objet d’une étude d’impact, s’impose au Scot (schéma de cohérence territoriale) et au PLU puisque l’activité des carrières est nécessaire tant à la construction de logements qu’à l’entretien et à la réalisation d’infrastructures. La mise en compatibilité du Scot et du PLU s’apparente à un parcours du combattant pour un élu local.

Pour y remédier, l’amendement permet de recourir à la procédure de mise en compatibilité intégrée, qui s’applique déjà à d’autres secteurs. Il est prévu une évaluation dans un délai de cinq ans.

M. Thierry Tesson (RN). Il s’agit également de faciliter, pour les maires qui le souhaitent, la mise en compatibilité du PLU avec un projet d’exploitation de carrière, sans remettre en cause les garde-fous habituels.

L’ouverture d’une carrière est un processus très compliqué que les petites communes, dépourvues de moyens administratifs, ne peuvent pas assumer.

Les carrières produisent des matières premières indispensables à de nombreux secteurs : outre la pierre, la santé, le bâtiment, l’automobile, l’aéronautique, l’agroalimentaire, la papeterie.

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’amendement propose un outil facultatif, qui a déjà été éprouvé dans d’autres secteurs, pour simplifier la mise en compatibilité des PLU avec les projets d’exploitation de carrière dès lors qu’ils sont compatibles avec les Scot.

Le respect de la compétence communale et du cadre environnemental justifie un avis de sagesse.

M. Marc Ferracci, ministre. Je partage le souci d’accélérer la réalisation des projets de carrière.

Il me semble néanmoins que ce sujet mérite d’être abordé dans le cadre d’une réflexion globale sur le droit de l’urbanisme et l’aménagement afin de préserver la cohérence et la sécurité juridique des différents outils. C’est le travail que mène actuellement le gouvernement dans la perspective d’un texte législatif. Je vous demande donc de retirer l’amendement.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS478 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’amendement a pour objet d’inscrire l’ONF à l’annexe III de la loi relative à la démocratisation du secteur public (DSP) afin de préserver son mode de gouvernance actuel, adapté à ses missions spécifiques et à sa situation hybride entre le droit public et le droit privé. Cela évite une réorganisation complexe de son conseil d’administration qui pourrait fragiliser demain le fonctionnement de l’établissement.

Cette mesure de stabilité et de simplification est bénéfique aussi bien pour l’ONF que pour l’ensemble de ses partenaires économiques.

Je saisis l’occasion de rendre hommage aux agents de l’ONF qui font un travail remarquable dans l’ensemble du pays en protégeant nos massifs forestiers ou boisés.

M. le président Ian Boucard. L’ensemble de la commission se joint à votre hommage.

M. Marc Ferracci, ministre. Le gouvernement également. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement. L’article 19 ter est ainsi rédigé.

Article 20 (art. L.152-5 du code de l’urbanisme) : Dérogation aux règles d’urbanisme pour l’installation de systèmes de production d’énergie renouvelable

Amendement de suppression CS488 de M. Thierry Tesson

M. Thierry Tesson (RN). L’article autorise des dérogations aux PLU pour l’installation de certains systèmes de production d’énergies renouvelables. Nous craignons que ces dérogations ne deviennent systématiques, avec le risque que notre patrimoine soit dénaturé.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS1404 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. Afin de lever une incertitude juridique, l’amendement vise à réaffirmer la prévalence des obligations nationales en matière de transition énergétique sur les règles locales d’urbanisme.

Cette rédaction permet de sécuriser les projets de solarisation des parkings extérieurs en empêchant que des contraintes issues des PLU tels que les règles d’emprise au sol ou de hauteur ne les rendent inopérants ou économiquement non viables.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 20 modifié.

Après l’article 20

Amendement CS711 de M. Nicolas Meizonnet

M. Thierry Tesson (RN). L’amendement tend à simplifier les règles applicables à la construction ou aux rénovations lourdes pour les bâtiments de plus de 500 mètres carrés à usage commercial, industriel, artisanal ou de bureaux. Celles-ci imposent actuellement d’installer sur leur toiture des systèmes de production d’énergies renouvelables.

Nous souhaitons alléger les contraintes auxquelles sont soumises les entreprises du BTP (bâtiment et travaux publics). Alors que le secteur connaît déjà de grandes difficultés, ces règles ralentissent la construction neuve.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je suggère à nos collègues du Rassemblement national de déposer un amendement visant à abroger purement et simplement la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables et la loi « climat et résilience ». Nous gagnerions du temps.

Amendement après amendement, vous cherchez à détricoter tout le travail que nous avons fait depuis deux ans, travail marqué par l’exigence et l’équilibre.

M. Antoine Golliot (RN). Nous défendons la liberté. On ne peut pas imposer des solutions technologiques pour la construction ou la rénovation des bâtiments.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement CS1137 de Mme Mélanie Thomin. L’article 20 bis AA est ainsi rédigé.

Amendement CS979 de M. Charles Fournier

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il s’agit d’un amendement consacré au cool roofing et qui n’allonge pas les procédures de consultation, donc avis favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Défavorable. L’amendement vise à réduire les délais de procédure pour les projets de production d’énergies renouvelables. Or la loi relative à l’industrie verte a réformé les modalités d’instruction des demandes d’autorisation environnementale pour accélérer le traitement des dossiers. Nous n’avons pas suffisamment de recul pour juger de son efficience avant de décider éventuellement de la modifier.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS529 de M. Ian Boucard

M. le président Ian Boucard. Pour garantir une réponse rapide de l’administration, l’amendement vise à encadrer strictement les délais d’instruction des demandes d’autorisation environnementale, y compris l’approbation des études de danger pour les installations classées pour la protection de l’environnement incluant les sites Seveso. Les modalités d’application seront définies par décret en Conseil d’État.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Sagesse. Le sujet mérite d’être débattu, notamment quant à la compatibilité de cette contrainte avec la complexité de certains projets.

M. Marc Ferracci, ministre. Les délais que vous proposez correspondent peu ou prou aux délais fixés par la loi relative à l’industrie verte : les consultations durent trois mois, la phase de décision dure en principe deux à trois mois à compter du moment où le dossier est déclaré complet et régulier.

Le fait d’inscrire un délai strict risque de créer de l’insécurité juridique, l’absence de réponse pouvant valoir refus tacite. C’est la raison pour laquelle je demande le retrait sinon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS402 de M. Nicolas Ray, CS469 de M. Jean Terlier et CS824 de M. Guillaume Lepers

Mme Anne-Laure Blin (DR). Il s’agit d’un amendement important.

Malgré les déclarations d’utilité publique, certains projets peuvent être arrêtés par les juridictions administratives, qui annulent les autorisations environnementales pour défaut de raison impérative d’intérêt public majeur.

Tout le monde voit de quoi je veux parler. Dernièrement le tribunal administratif de Toulouse a annulé le projet d’autoroute A69, stoppant des travaux déjà très largement engagés.

Afin de garantir la sécurité juridique, l’amendement vise à définir avec précision la notion de raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM).

M. Jean Terlier (EPR). J’invite ceux pour qui la mésaventure de l’A69 n’est pas traumatisante à venir dans le Tarn voir le chantier. Après avoir été réalisé aux deux tiers, celui-ci a été abandonné, laissant sur le carreau 900 salariés du concessionnaire et plusieurs milliers de sous-traitants. Faites preuve d’un peu de décence vis-à-vis de ces gens.

L’amendement vise à faire coïncider la déclaration d’utilité publique (DUP) et la reconnaissance de RIIPM, ce afin d’éviter le désastre auquel nous assistons.

En 2021, la DUP relative à l’A69 a été validée par le Conseil d’État. Quatre ans plus tard, une juridiction de premier degré de l’ordre administratif se prononce sur l’autorisation environnementale. Comment faire en sorte que le contentieux sur la première purge prime celui sur la seconde ? Il ne s’agit pas de supprimer la possibilité de recours contre la RIIPM mais de l’examiner concomitamment à ceux contre la DUP afin de mettre fin à l’échelonnement des procédures administratives, lequel nuit au chantier de l’autoroute A69 mais aussi à tous les projets d’infrastructure dans les années à venir.

M. Guillaume Lepers (DR). Cet amendement est très important pour la suite. J’invite tout le monde à le voter.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis de sagesse.

M. Marc Ferracci, ministre. Monsieur Terlier, je partage en grande partie vos constats et, à titre personnel, je soutiens le chantier de l’autoroute A69.

Néanmoins, l’amendement crée non pas un mécanisme de reconnaissance anticipée, comme il en existe déjà pour les projets d’intérêt national majeur, mais une présomption de reconnaissance. Or cette présomption est source d’insécurité juridique forte. En effet, le Conseil constitutionnel ne l’a accepté que pour des dispositions ayant un objet à valeur constitutionnelle de protection de l’environnement en matière d’énergies renouvelables et de production nucléaire, suivant des critères très précis. C’est la raison pour laquelle mon avis sera défavorable.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Je remercie M. le ministre pour sa sagesse.

Vous envisagez de modifier profondément la loi à cause de ce qu’il faut bien appeler un énorme raté. Malgré les avis négatifs et l’absence de raison d’intérêt public majeur, qui étaient connus de tous, le chantier de l’A69 a avancé. Puisque la justice a déclaré le projet illégal, vous vous dites maintenant qu’il faut changer la loi. J’appelle tout le monde à la raison et à la responsabilité. Ces amendements sont tout sauf nécessaires.

M. Jean Terlier (EPR). Je rappelle la procédure : la DUP est précédée d’une enquête publique qui dure plusieurs mois, au cours desquels une concertation avec les populations est organisée selon des modalités juridiques précises.

Le projet d’autoroute A69, sur lequel la concertation a bien eu lieu, est soutenu par tout un territoire, par des élus locaux de sensibilités diverses, qui souhaitent tous désenclaver un bassin d’emplois de plus de 80 000 personnes.

L’amendement n’a pas pour but d’étouffer le contentieux sur la RIIPM. L’idée est de considérer que la DUP, acte administratif qui peut être contesté, vaut reconnaissance de RIIPM.

La décision rendue par le tribunal administratif de Toulouse sur l’autorisation environnementale, fondée sur l’absence de RIIPM, est venue remettre en cause la DUP validée quatre ans auparavant par le Conseil d’État. En alignant les deux actes administratifs comme le propose l’amendement, on éviterait la déconvenue actuelle. Les recours peuvent viser aussi bien la DUP que l’autorisation environnementale mais ils sont examinés concomitamment pour éviter l’échelonnement des procédures. Une fois que le contentieux est purgé, il l’est pour les deux actes administratifs et les travaux peuvent commencer sans risque d’être interrompus à la suite d’une annulation par le tribunal. La DUP donne de fait la possibilité à l’État de commencer les travaux.

M. Arnaud Bonnet (EcoS). Je ne peux m’empêcher de penser que nous légiférons dans la précipitation.

Une DUP n’oblige absolument pas à commencer les travaux, elle permet de le faire. Tant que tous les contentieux ne sont pas purgés, je ne saurais trop conseiller aux décideurs d’attendre. Si vous cherchez des responsables, tournez-vous vers ceux qui ont lancé le chantier alors que tous les recours n’étaient pas épuisés. Ce sont eux qui ont engagé des dépenses importantes et détruit une bonne partie de la nature. Si des gens sont aujourd’hui contraints d’arrêter de travailler, la responsabilité en incombe à ceux qui n’ont pas attendu que tous les feux soient au vert. Il suffit d’avoir un petit peu de patience.

Nous légiférons pour l’avenir sur des cas généraux. Mais aujourd’hui, une fois que la DUP est faite, les travaux peuvent commencer à condition d’attendre que les recours soient purgés. Il suffit d’être raisonnable et de ne pas jouer à la roulette russe avec les décisions des tribunaux.

M. Marc Ferracci, ministre. Je vous invite à retirer les amendements, qui sont porteurs d’insécurité juridique. Le gouvernement est prêt à les retravailler afin d’aboutir à une rédaction dans laquelle la DUP peut reconnaître la RIIPM.

M. Jean Terlier (EPR). Je ne mets pas en doute votre bonne foi, monsieur le ministre. Mais l’enjeu est si important pour le territoire et les habitants que je représente mais aussi pour les collègues qui pourraient être concernés par des projets similaires dans leurs circonscriptions à l’avenir. J’entends la volonté du gouvernement de retravailler mais pour l’instant, je ne retire pas mon amendement.

La commission adopte les amendements. L’article 20 bis AB est ainsi rédigé.

Amendement CS964 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). L’amendement vise à autoriser l’installation, dans des espaces agricoles naturels ou forestiers, d’habitations réversibles et démontables pour l’usage des agriculteurs ou des exploitants agricoles.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il s’agit, d’une part, d’une réponse pragmatique aux besoins de certains exploitants agricoles de modèles d’habitat alternatifs et sobres ; d’autre part, d’une simplification utile du droit de l’urbanisme en milieu rural, qui ne remet pas en cause les équilibres fonciers ni les impératifs de préservation paysagère. J’y suis donc favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Je suis partagé. Ces habitations, même démontables, ne sont pas anodines pour la préservation des espaces agricoles. Néanmoins, j’entends les arguments du rapporteur. J’émets donc un avis de sagesse.

La commission adopte l’amendement. Le 1° de l’article 20 bis AC est ainsi rédigé.

Amendements identiques CS390 de Mme Josiane Corneloup, CS414 de Mme Frédérique Meunier, CS977 de M. Charles Fournier et CS1056 de M. Sébastien Huyghe

Mme Josiane Corneloup (DR). L’article 20 prévoit des dispositions afin de contribuer notamment au déploiement des pompes à chaleur air/eau collectives et des énergies renouvelables implantées sur les bâtiments. Mais l’exposé des motifs souligne que les limites de gabarit et de hauteur imposées par les PLU peuvent se révéler bloquantes. D’autres procédés innovants et vertueux se heurtent aux mêmes freins.

Il est donc proposé d’introduire dans le code de l’urbanisme des possibilités de dérogation aux règles de densité, de gabarit ou de hauteur.

M. Sébastien Huyghe (EPR). Je voudrais profiter de la défense de cet amendement pour me plaindre des conditions dans lesquelles nous travaillons. J’ai dû vous quitter pour aller défendre des amendements en commission des lois et malheureusement, le temps de revenir, cinq de mes amendements ont été appelés.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis favorable sur ces amendements.

M. Marc Ferracci, ministre. Défavorable. Votre préoccupation est déjà satisfaite puisque l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme peut accorder un certain nombre de dérogations. En outre, le processus de délibération proposé a pour effet de complexifier la procédure d’instruction des permis de construire, ce qui ne va pas dans le sens du projet de loi.

La commission adopte les amendements. Le 2° et le 3° de l’article 20 bis AC sont ainsi rédigés.

Amendement CS712 de M. Nicolas Meizonnet

M. Antoine Golliot (RN). Depuis le 1er juillet 2023, la législation impose, dans les parcs de stationnement extérieur d’une superficie supérieure à 1 500 mètres carrés, l’installation de panneaux photovoltaïques. Afin de simplifier la vie économique et celle des entreprises, nous souhaitons supprimer cette norme absurde.

La filière des panneaux photovoltaïques en France est famélique, pour ne pas dire inexistante. Les investissements dans les panneaux photovoltaïques pèsent sur notre balance commerciale puisque la plupart d’entre eux proviennent d’importations extra-européennes. Bonjour l’empreinte carbone !

M. Stéphane Travert, rapporteur. Défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Défavorable.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Ce matin, le Rassemblement national s’est fortement opposé à la proposition de loi sur l’agrivoltaïsme, qui consiste à installer des panneaux photovoltaïques sur les terres agricoles.

Si nous voulons développer les panneaux photovoltaïques en France et les entreprises qui les fabriquent, nous devons exploiter le potentiel sur les toitures plutôt que celui des terres agricoles. Il est donc important de maintenir l’obligation pour les entreprises d’installer des panneaux dans des espaces déjà artificialisés. Votre amendement me paraît donc contradictoire avec la position que vous avez défendue ce matin.

Des études montrent que l’agrivoltaïsme entraîne une baisse de la production. Nous devons d’abord trouver un moyen de financer l’agriculture, et donc de la protéger des concurrences internationales, avant de transformer nos agriculteurs en énergéticiens.

La commission rejette l’amendement.

Deuxième réunion du mercredi 26 mars 2025 à 21 heures 30

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Article 20 bis A (nouveau) (art. L. 632-2-1 du code du patrimoine) : Transformation du régime d’avis de l’architecte des bâtiments de France

Amendements de suppression CS1403 de M. Stéphane Travert, CS850 de M. Robert Le Bourgeois et CS1279 de M. Marc Fesneau

M. Stéphane Travert, rapporteur pour les titres VII à XII. Le droit en vigueur garantit déjà la bonne insertion des panneaux photovoltaïques dans les espaces patrimonialement sensibles. L’avis conforme de l’architecte des bâtiments de France (ABF) n’est pas un frein à leur développement dans le territoire.

M. Robert Le Bourgeois (RN). Cet amendement de suppression est une façon de rendre hommage au remarquable travail des ABF en matière de protection du patrimoine. En outre, la filière photovoltaïque française est bien faible : se contenter d’un avis simple de l’ABF ouvrirait encore plus grand la porte aux installations chinoises. Il n’en est pas question.

Mme Louise Morel (Dem). S’en tenir à un avis simple de l’ABF pour l’installation de panneaux photovoltaïques dans les périmètres de protection des sites remarquables nuirait à la protection du patrimoine.

M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie. Avis favorable.

M. Xavier Roseren (HOR). Je n’ai rien contre ces amendements de suppression, mais je regrette qu’ils fassent tomber le CS75 que j’ai déposé plus loin : il vise à protéger les bâtiments contre les vagues de chaleur de l’été en simplifiant l’installation de protections solaires comme les stores, qui peuvent générer un gain de 5 degrés et donc limiter le recours à la climatisation.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Pour notre part, nous pensons qu’il est important de se limiter à un avis simple de l’ABF. Les efforts pour développer les énergies renouvelables ne doivent pas retomber sur les terres agricoles. Les panneaux photovoltaïques en particulier, qui présentent un fort potentiel, doivent avant tout être installés sur les espaces déjà artificialisés – toitures, parkings.

Un habitant de ma circonscription qui souhaitait installer des panneaux sur sa toiture en a été empêché au motif que sa maison se situait dans le périmètre de protection d’une église – même pas immédiatement à proximité. Résultat : il les a finalement installés dans son jardin ! Quel non-sens ! Cela fait une emprise supplémentaire, et cela aurait été plus discret sur le toit.

M. Charles Fournier (EcoS). Certains ont décidément des opinions à géométrie variable : ils sont favorables à un avis simple quand il s’agit d’implanter un centre de données mais pas lorsqu’il s’agit d’une éolienne ou d’une autre infrastructure de production d’énergie renouvelable. C’est étonnant ! Il serait préférable d’être un peu plus constant.

Je pense qu’il faut maintenir l’avis conforme de l’ABF, mais qu’il est nécessaire de faire évoluer la doctrine qui doit guider leurs avis. C’était déjà l’objectif d’une circulaire promise par la ministre Pannier-Runacher lors des débats sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, mais je ne sais pas si elle a suffi à faire évoluer les pratiques.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 20 bis A est supprimé et les amendements CS967 de Mme Lisa Belluco, CS702 de M. Lionel Causse, CS75 de M. Xavier Roseren, CS978 de M. Charles Fournier, CS1246 de M. Karl Olive et CS965 de Mme Lisa Belluco tombent.

Après l’article 20 bis A

Amendement CS1273 de Mme Louise Morel

Mme Louise Morel (Dem). Cet amendement vise à renforcer les garanties procédurales offertes aux demandeurs dans le cadre des recours contre les refus d’autorisation de travaux dans les zones protégées.

En l’état actuel, lorsque le préfet de région est saisi d’un recours contre une décision de refus, le silence de l’administration dans un délai de deux mois vaut rejet implicite. Si elle est garante d’une forme de sécurité juridique, cette disposition présente plusieurs inconvénients : le préfet n’est pas contraint de motiver sa décision, l’efficacité de la médiation est limitée et les porteurs de projets sont placés dans une position d’incertitude et de déséquilibre face à l’administration.

Cet amendement vise donc à inverser le sens du silence administratif, pour que l’absence de réponse vaille acceptation de la demande. Cela permettrait de responsabiliser l’administration, de renforcer les droits des demandeurs, de rendre une éventuelle médiation plus efficace et d’accroître la sécurité juridique.

M. Stéphane Travert, rapporteur. En imposant une décision explicite de l’autorité préfectorale alors que le silence vaut aujourd’hui rejet – souvent sans motivation –, cet amendement rééquilibre utilement la relation entre l’administration et les demandeurs. Avis favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Avis défavorable. Le silence de l’autorité administrative valant rejet d’un recours est un principe général du droit administratif. En outre, dans la grande majorité des cas, les préfets de régions répondent de manière expresse aux recours des pétitionnaires, comme l’ont encore illustré plusieurs exemples récents. Enfin, l’administré peut toujours solliciter la communication des motifs du rejet de son recours, le refus de les communiquer rendant la décision implicite illégale.

La commission adopte l’amendement CS1273. L’article 20 bis B est ainsi rédigé.

Article 20 bis (nouveau) (art. 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets) : Abaissement du seuil de voltage pour la mutualisation de l’artificialisation induite par les postes électriques

Amendements de suppression CS1477 de M. Stéphane Travert, CS575 de Mme Sandrine Le Feur et CS878 de M. Robert Le Bourgeois

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’article 20 bis, introduit par voie d’amendement au Sénat, ne répond pas à un besoin objectif. Il apparaît en effet que la plupart des postes électriques d’une puissance inférieure à 220 kilovolts n’engendrent pas une consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers au sens de la loi « climat et résilience » et ne nécessitent donc pas une imputation sur le forfait national instauré au titre de l’application du ZAN (objectif zéro artificialisation nette) pour les années 2021 à 2031. Si des aménagements s’avéraient nécessaires, il conviendrait toutefois de mener une réflexion globale sur le ZAN et les dispositifs destinés à favoriser la sobriété foncière.

M. Robert Le Bourgeois (RN). Abaisser les seuils à partir desquels les postes électriques peuvent être qualifiés de projet d’envergure nationale ne fera que faciliter encore l’implantation et le raccordement de parcs éoliens, qui suscitent pourtant une opposition croissante de la population.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 20 bis est supprimé.

Après l’article 20 bis

Amendement CS1274 de M. François-Xavier Ceccoli

M. le président Ian Boucard. Cet amendement vise à repousser de 2027 à 2032 l’entrée en vigueur de l’interdiction d’étendre l’urbanisation dans les communes non couvertes par un plan local d’urbanisme ou tout document en tenant lieu, comme une carte communale. Dans de nombreuses communes, l’état d’avancement de la préparation de ces documents ne permettra pas de tenir l’objectif calendaire initial.

En l’état, cette disposition condamne à court terme la majorité des communes de Corse, essentiellement rurales et qui ne disposent pas encore de document d’urbanisme, à refuser d’accorder des droits à bâtir. Pas moins de 80 % d’entre elles, qui sont en outre soumises à la loi « montagne », en seraient particulièrement pénalisées. Cette disposition aurait des conséquences très lourdes pour de très nombreux Corses, qui aspirent simplement à vivre et rester dans leur village.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Malgré tout l’intérêt de cette proposition pour l’île de Beauté, le débat autour des documents d’urbanisme, comme celui autour du ZAN cet après-midi, trouvera davantage sa place dans le cadre de la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux, dite « Trace », qui permettra certainement de trouver des solutions efficaces. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même si vous essayez de me prendre par les sentiments, monsieur le président, mon avis sera également défavorable. Comme le rapporteur, j’espère qu’une solution sera trouvée dans le cadre de la loi « Trace ».

La commission rejette l’amendement.

Article 21 (supprimé) (art. 446-1 du code l’énergie [supprimé]) : Simplification des procédures de mise en concurrence destinées à soutenir le développement de la production de biogaz

La commission maintient la suppression de l’article 21.

Article 21 bis A (nouveau) (art. L. 133-7, L. 134-25, L. 134-25-1, L. 134-26, L. 134-27, L. 134-28, L. 134-29, L. 134-30-1 [nouveau] L. 134-31, L. 134-33 du code de l’énergie) : Simplification des conditions d’exercice des pouvoirs de contrôle, d’enquête ou de sanction de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) ou de son Comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS)

Amendements CS528 de Mme Marie Lebec et CS1413 de M. Stéphane Travert (discussion commune)

Mme Marie Lebec (EPR). Cet amendement apporte des précisions indispensables au projet de réforme des procédures d’enquête et de sanction de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) ; il coordonne différents articles du code de l’énergie.  Enfin, il clarifie et simplifie les dispositions relatives aux enquêtes menées par la CRE afin de faciliter l’exercice de certaines de ses missions.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Mon amendement vise également à conforter le projet de réforme des procédures d’enquête et de sanction de la CRE afin de faciliter l’exercice de certains de ces pouvoirs d’enquête.

M. Marc Ferracci, ministre. Avis favorable aux deux amendements !

La commission adopte l’amendement CS528.

En conséquence, l’amendement CS1413 tombe.

La commission adopte l’article 21 bis A modifié.

Article 21 bis (nouveau) (art. L. 446-60 du code de l’énergie [nouveau]) : Institution d’un fonds de garantie compensant les pertes financières pour les projets de biogaz résultant de l’annulation d’une autorisation environnementale

Amendements de suppression CS1406 de M. Stéphane Travert, CS648 de Mme Claire Lejeune et CS1022 de Mme Lisa Belluco

M. Stéphane Travert, rapporteur. Le fonds de garantie prévu par le Sénat pour compenser les pertes financières occasionnées par les décisions de justice annulant les autorisations environnementales accordées à un projet de développement du biogaz soulève des difficultés, tant dans son principe que dans ses modalités.

Le mécanisme proposé est fragile sur le plan financier, car le caractère facultatif de la participation entraîne une réduction de la base des cotisations permettant de financer l’exercice des missions. En outre, comme l’a souligné le gouvernement, on ne peut exclure qu’il crée un aléa moral et que l’existence d’un tel fonds attire uniquement les porteurs de projets les plus exposés à des recours contentieux.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). L’existence d’un tel fonds est de nature à fragiliser fortement la portée des autorisations environnementales, ainsi que le droit au recours – qui est pourtant fondamental.

Ce fonds reviendrait à créer une sorte d’assurance à destination des acteurs privés, financée par de l’argent public. Mais c’est avant tout à eux de s’assurer de la légalité et de la viabilité de leur projet, notamment au regard des critères environnementaux, avant de l’engager. Le projet d’autoroute A69 en est un bon exemple...

Avec cet article, les entrepreneurs sont certains de retomber sur leurs pattes, puisque l’argent public viendra renflouer leurs caisses en cas d’interdiction par le juge. Cela fragilise le droit et entraîne un très fort déséquilibre entre acteurs publics et acteurs privés.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Cette proposition nous inquiète ! Déjà, pourquoi proposer un fonds uniquement pour les projets de biogaz, et pas pour tous les projets d’énergies renouvelables, voire, plus largement encore, tous les projets qui pourraient être annulés un jour ou l’autre par la justice ?

Ensuite, les porteurs de projets pourraient s’autoriser à déposer des dossiers moins bien ficelés et multiplier les projets bancals dans l’espoir que l’un d’eux soit accepté, puisqu’ils ne risqueraient pas de perdre le moindre sou en cas d’annulation par la justice.

Ce dispositif risque de créer un appel d’air pour des projets moins bien construits, moins bien pensés, potentiellement néfastes pour l’environnement. Ce n’est pas une bonne manière de dépenser l’argent public, qui n’a pas vocation à compenser les risques pris par des acteurs peu scrupuleux !

M. Marc Ferracci, ministre. Favorable !

Mme Anne-Laure Blin (DR). Je ne comprends pas qu’on puisse vouloir supprimer cette disposition. Il s’agit d’éviter que des porteurs de projets subissent un préjudice lorsqu’ils sont injustement attaqués par des professionnels des recours en justice, alors qu’ils ont bel et bien reçu une autorisation environnementale en application du code de l’environnement. Ce fonds permettra de sécuriser les projets dans nos territoires.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Si les projets perdent devant la justice, Madame Blin, c’est précisément parce qu’ils ne sont pas légaux, quand bien même ils ont obtenu l’autorisation environnementale.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Non, seulement parce qu’il existe des professionnels du recours en justice !

Mme Lisa Belluco (EcoS). Les fonctionnaires qui délivrent ces autorisations font très bien leur travail, mais personne n’est infaillible. Si la justice annule une autorisation environnementale, c’est peut-être aussi que le projet n’est pas si bien monté que ça. En tout cas, il devient par définition illégal. Nous, nous sommes à l’aise avec la justice et nous respectons encore la séparation des pouvoirs. La justice fait son travail, et c’est une bonne chose.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 21 bis est supprimé.

Article 21 ter (nouveau) (article 211-2-1 du code de l’énergie) : Intégration des projets de production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone à la catégorie des projets répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur

Amendements de suppression CS245 de Mme Claire Lejeune, CS1016 de Mme Lisa Belluco et CS1407 de M. Stéphane Travert

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). L’extension de la notion de raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) à des installations de production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone – avec toutes les implications liées à la méthanisation – est inquiétante. La multiplication des régimes dérogatoires n’est pas de bonne pratique pour le législateur car elle ne permet pas de trouver un équilibre entre le respect de l’environnement et le soutien à l’activité économique et industrielle.

Mme Lisa Belluco (EcoS). La raison impérative d’intérêt public majeur devrait être évaluée au cas par cas, en fonction de l’intérêt réel de chaque projet au regard de l’intérêt général. La rendre automatique en réduit grandement la portée ! Elle est en fait devenue un levier pour permettre à tout un tas de projets de déroger à la réglementation environnementale. Nous y sommes défavorables.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je soutiens moi aussi la suppression de cet article.

M. Marc Ferracci, ministre. Favorable.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Pour la bonne intelligibilité des débats, je rappelle qu’il s’agit de considérer les projets d’installation de production d’énergies renouvelables, de stockage d’énergie dans le système électrique ou d’installation de production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone comme présentant une raison impérative d’intérêt public majeur. Est-ce vraiment à cela que vous vous opposez ? Ce serait à l’opposé de ce que vous prétendez défendre au quotidien !

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Au contraire, nous sommes très cohérents. D’une manière générale, nous sommes très défavorables au RIIPM, y compris pour les projets d’énergie renouvelables car il crée des exceptions et dérogations à d’autres considérations environnementales – en matière de préservation de la biodiversité, de paysages, de démocratie. Les régimes dérogatoires affaiblissent la justice, les recours environnementaux et le débat public au nom de l’accélération des projets. Certes, la gauche est favorable à la transition énergétique mais elle défend surtout un État de droit fort, qui préserve les recours juridiques et permette le débat public.

M. Charles Fournier (EcoS). Je crois qu’il y a une confusion entre la RIIPM et la notion de projet d’intérêt national majeur, la première étant l’un trois critères permettant de caractériser les seconds.

Aux termes de la loi relative à l’industrie verte, les projets reconnus d’intérêt national majeur peuvent déroger à certaines règles de protection de l’environnement. Retirer la RIIPM des critères à vérifier implique qu’il ne sera plus besoin de se demander si le projet est d’une impérieuse nécessité pour le qualifier de projet d’intérêt national majeur. Cela crée un vrai risque pour la protection des espèces.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Ces amendements restent en complète contradiction avec ce que défendent leurs auteurs au quotidien. Et, contrairement à ce qui a été dit, l’article n’empêche ni le débat démocratique, ni les éventuels recours en cas de difficulté.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 21 ter est supprimé et les amendements identiques CS1141 de Mme Lisa Belluco et CS1235 de M. Gérard Leseul tombent.

Après l’article 21 ter

Amendement CS509 de M. Henri Alfandari et sous-amendement CS1521 de M. Pierre Henriet

M. Henri Alfandari (HOR). Comme vous le savez, nous avons toutes les peines du monde à accoucher d’une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et d’une politique énergétique. Cet amendement vise donc à confier au Parlement la définition d’un objectif de production d’énergies décarbonées en térawattheures (TWh) pour les soixante années à venir. C’est la durée de vie des centrales nucléaires, sur lesquelles reposent l’équilibrage du réseau et la fonction de stockage – sans oublier la contribution de l’hydroélectricité.

Le gouvernement sera ensuite chargé de la déclinaison opérationnelle de cet objectif. Il devra veiller à éviter la discrimination entre les différentes sources d’énergie décarbonée, sous réserve que les coûts liés aux réseaux correspondants et aux fonctions de stockage soient intégrés. Chaque année, le gouvernement présentera aux parlementaires l’état d’avancement des objectifs de productions et les moyens mobilisés pour les atteindre.

Cet amendement permettra de définir une véritable politique de l’énergie et de replacer le Parlement au cœur du débat sur le niveau de production nécessaire pour assurer notre indépendance énergétique et la décarbonation de notre société. Je rappelle que les deux-tiers de nos besoins sont encore couverts par les énergies fossiles. Nous devons trouver le moyen de nous en libérer.

M. Pierre Henriet (HOR). Le sous-amendement prévoit la remise d’un rapport complémentaire tous les cinq ans, transmis à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) et présentant les progrès techniques, les évolutions de la connaissance scientifique et les résultats des évaluations réalisées à l’échelle nationale et internationale. Ce document permettra d’alimenter les débats autour de la PPE et de conforter le rôle de contrôle du Parlement.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je ne vois pas l’utilité d’un rapport complémentaire transmis à l’Opecst. Avis défavorable.

Sur l’amendement, je m’en remets à la sagesse de la commission spéciale. Il est important que la France se dote au plus vite d’un cadre législatif pour établir les orientations et principes de sa politique énergétique à long terme, mais il ne faudrait pas que le dispositif soit entaché d’inconstitutionnalité pour incompétence négative, car l’amendement prévoit le renvoi de nombreuses règles et précisions à un décret en Conseil d’État.

Qu’il soit adopté ou non, il faudra continuer d’y travailler.

M. Marc Ferracci, ministre. Je suis également défavorable au sous-amendement.

Pour le reste, trouver un équilibre entre la nécessaire information du Parlement sur nos choix à long terme en matière énergétique et notre capacité à piloter la politique énergétique de la manière la plus agile possible procède d’une démarche plutôt vertueuse. Mais comme l’a souligné le rapporteur, l’amendement proposé pose des difficultés juridiques. Je vous invite donc à le retirer et à le retravailler, d’autant qu’il faut également prévoir l’articulation du dispositif avec les dispositions du code de l’énergie.

M. Pierre Meurin (RN). Au contraire, je crois qu’il faut adopter cet amendement. Cela nous permettra de débattre enfin en séance publique de la politique énergétique ! Voilà trois ans que nous réclamons une loi de programmation pluriannuelle de l’énergie, et le gouvernement n’est toujours pas fichu de nous en proposer une un tant soit peu convenable. Il y va pourtant de notre souveraineté industrielle et énergétique, et du pouvoir d’achat des Français, dans un contexte de hausse des prix de l’énergie.

Marine Le Pen a souligné cette difficulté, à raison, et indiqué que sa considération à l’égard du gouvernement dépendait des avancées sur ce sujet. Pour notre part, nous voulons lutter contre les énergies intermittentes et défendre un mix d’énergies décarbonées sans les opposer les unes aux autres. Il serait formidable de pouvoir en débattre !

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous sommes tous très frustrés de ne pas avoir pu débattre d’une loi de programmation de l’énergie. Monsieur le ministre, je suis heureuse de vous entendre parler de la place du parlement sur ce sujet, mais il suffisait de respecter la loi de 2019, qui prévoyait un projet de loi énergie-climat avant 2023, pour que ce soit fait…

Faire débattre le parlement d’une PPE ne peut donc être qu’une bonne chose mais je suis plus dubitative sur l’idée de renvoyer à un décret en Conseil d’État pour préciser les modalités d’application de la loi et surtout établir un prix cible du mégawattheure pour les quinze années suivantes. Je ne sais pas si quelqu’un ici est capable de déterminer un prix pour quinze ans, mais avec les fluctuations du marché, je doute que ce soit possible. Peut-être faudrait-il au moins supprimer cette partie de l’amendement.

M. Henri Alfandari (HOR). Je pense qu’il faut voter cet amendement aujourd’hui, tout en prévoyant de reporter en séance l’échéance fixée en l’état au 1er juillet 2026. Quant au prix cible, il ne s’agit pas de fixer un prix cible de vente, mais de se mettre en œuvre pour atteindre un prix cible de production. Peut-être la formulation est-elle mauvaise, et je suis prêt à la corriger, mais je pense que nous pourrons le faire dans l’hémicycle.

M. Hendrik Davi (EcoS). Dans la nouvelle rédaction qu’il propose pour l’article L. 100-1 A du code de l’énergie, cet amendement supprime plusieurs dispositions capitales actuellement censées figurer dans la loi de programmation : les « objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre », les « objectifs de réduction de la consommation énergétique finale », les « objectifs de développement et de stockage des énergies renouvelables pour l’électricité, la chaleur, le carburant, le gaz ainsi que l’hydrogène renouvelable et bas-carbone » et les « objectifs de diversification du mix de production d’électricité ».

Il ne me semble pas très raisonnable de nous soumettre un changement aussi massif au détour d’un amendement et à cette heure avancée : les conditions ne sont pas réunies pour travailler sereinement.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Peut-être pourrions-nous, pour contourner le risque d’inconstitutionnalité de l’amendement, continuer à nous appuyer sur l’existant tout en prévoyant un débat au Parlement à une échéance clairement fixée ?

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé. L’article 21 quater est ainsi rédigé.

L’amendement CS1034 de M. Henri Alfandari est retiré.

Amendement CS1237 de Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Le code de l’énergie permet aux acheteurs publics de conclure des contrats de longue durée pour amortir les investissements à réaliser dans le cadre d’un contrat de vente directe d’électricité. Or, la durée du contrat varie nécessairement selon que l’électricité est produite par une installation existante – donc partiellement amortie – ou par une nouvelle installation.

L’acheteur doit donc être expressément autorisé à faire connaître sa préférence pour l’une ou l’autre configuration dans son appel d’offres, sans quoi il lui sera matériellement impossible de déterminer la durée du marché, donc de lancer la procédure. De nombreuses collectivités attendent cette clarification juridique, qui leur permettra par ailleurs de comparer plus efficacement les offres. Les acheteurs publics ne doivent pas être contraints à mettre en concurrence des projets impliquant des durées de contrat si différentes.

L’inclusion de cette précision dans les appels d’offres contribuerait à l’augmentation des capacités de production d’énergies renouvelables, indispensable à la décarbonation des territoires.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Une circulaire ou un acte réglementaire pourrait tout aussi bien apporter cette clarification si elle est effectivement nécessaire. Demande de retrait. À défaut, avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS914 de M. Charles Fournier, et amendements identiques CS452 de Mme Anne-Laure Blin, CS561 de Mme Françoise Buffet, CS649 de M. Guillaume Lepers et CS433 de Mme Christelle Petex (discussion commune)

M. Charles Fournier (EcoS). La loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite « loi Aper », permet à un producteur et à un consommateur final de négocier des contrats d’approvisionnement de gaz renouvelable (Biogas Purchase Agreement, BPA), mais le code de la commande publique rend difficile la conclusion de tels accords, notamment en incluant des critères de proximité. Nous souhaitons permettre la prise en compte de cette dimension territoriale, comme cela a été fait dans le cadre de la loi Egalim du 30 octobre 2018, afin qu’une collectivité puisse s’approvisionner auprès d’un méthaniseur local.

Cet amendement a été rédigé avec l’Institut national de l’économie circulaire.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Je défends la même idée, mais mon amendement me semble mieux rédigé que celui de M. Fournier, qui comporte une phrase superfétatoire. Il s’agit de favoriser le recours aux contrats d’achat direct de biogaz par les collectivités. Le droit en vigueur rend difficile la contractualisation avec un méthaniseur local et ne permet pas d’inscrire des critères géographiques dans le cahier des charges. La collectivité ayant lancé l’appel d’offres peut ainsi se trouver contrainte de conclure un BPA avec un producteur très éloigné, ce qui ne favorise pas l’appropriation locale des projets ni le partage de la valeur avec les riverains des installations de production de biométhane. Il convient donc de sécuriser juridiquement la commande publique locale.

Mme Françoise Buffet (EPR). Effectivement, les collectivités locales qui souhaitent favoriser un acteur de proximité sont contraintes, pour respecter le code de la commande publique, d’inclure dans le marché public des critères techniques susceptibles de nuire à la sécurité juridique du contrat. Il semblerait préférable de permettre l’intégration de critères géographiques.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cette mesure paraît utile, car elle conforte une évolution du droit de la commande publique qui tend à renforcer la place des critères environnementaux et le recours aux énergies renouvelables.

Il est vrai que la loi « climat et résilience » prévoit que les spécifications techniques des marchés devront intégrer des objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économiques, sociale et environnementale. La « loi Aper » impose par ailleurs, depuis le 1er juillet 2024, d’apprécier l’offre la plus économiquement avantageuse au regard d’autres critères que le seul prix. Toutefois, les dispositions relatives à la prise en compte d’objectifs de développement durable n’entreront en vigueur qu’au 22 août 2026 et, si les lois « Aper » et « climat et résilience » donnent aux personnes publiques une certaine latitude dans l’appréciation des candidatures, elles ne leur permettent pas de prévoir des spécifications qui tendraient à privilégier des offres reposant sur une implantation locale ou une proximité géographique.

Ces amendements ont le mérite de poser un principe clair de nature à conforter le recours à la commande publique pour encourager le développement d’installations de production ou de stockage. J’y suis donc favorable !

M. Marc Ferracci, ministre. Le gouvernement partage votre volonté d’accélérer la conclusion de contrats d’approvisionnement en biogaz dans les territoires. Néanmoins, le droit européen de la commande publique ne permet pas de favoriser un approvisionnement local dans les marchés de fourniture d’énergie.

La « loi Aper » prévoit néanmoins que les collectivités locales puissent, dans leurs marchés publics, cibler de manière privilégiée les projets de méthanisation en autoconsommation collective situés sur leur territoire. Votre objectif me semble ainsi en grande partie atteint. Demande de retrait ou avis défavorable !

La commission rejette l’amendement CS914.

Elle adopte les amendements CS452, CS561, CS649 et CS433. L’article 21 quinquies est ainsi rédigé.

Amendement CS685 de M. Henri Alfandari

M. Henri Alfandari (HOR). L’article L. 446-22 du code de l’énergie limite l’efficacité du mécanisme de préemption des garanties d’origine du biogaz, en introduisant une complexité qui freine son déploiement par les acteurs locaux. Dans de nombreux départements, les communes ont transféré leur compétence en matière d’énergie à des syndicats spécialisés. Or, ni ces syndicats ni les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne sont en mesure d’exercer ce droit de préemption, bien qu’ils soient des acteurs clés des politiques locales de transition énergétique.

Le présent amendement vise donc à étendre explicitement le bénéfice du mécanisme de préemption des garanties d’origine aux EPCI, qu’ils soient à vocation unique ou multiple, et aux syndicats mixtes.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur et du gouvernement, la commission rejette l’amendement.

La réunion est suspendue de vingt-deux heures trente-cinq à vingt-deux heures quarante.

TITRE IX
SIMPLIFIER POUR INNOVER

Article 22 (art. L. 1121-13, L. 1121-16-1 A, L. 1122-1-1, L. 1124-1, L. 1125-14-1, L. 1125-17, L. 1126-13‑1, L. 1126‑16, L. 1121-12, L. 1235-1, L. 1243-3, L. 1243-4, L. 1245‑5‑1, L. 1522-2, L. 1522-6 à L. 1522-8, L. 1542-2, L. 1542-3, L. 1542-5, L. 1542-6, L. 1542-8, L. 1542-10 et L. 1542-12 du code de la santé publique, art. 65, 66, 73, 76 et 125 de la loi n° 78‑17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Faciliter l’innovation issue de la recherche en santé

Amendement de suppression CS247 de Mme Claire Lejeune

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). L’article 22 est emblématique du déséquilibre de ce texte : une grande sensibilité à la liberté des marchés, qui auraient besoin de fluidité et de rapidité, mais aussi une grande légèreté vis-à-vis des libertés et de principes aussi fondamentaux que le droit à la vie privée.

Il s’agit, en l’occurrence, de simplifier le traitement de données de santé à caractère personnel par des promoteurs de recherche, donc leur utilisation à des fins de recherche. L’article assouplit notamment le régime d’autorisation de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés), qui assure pourtant la conformité de ces traitements avec le droit à la vie privée. Alors que la Cnil est la seule habilitée à élaborer les référentiels applicables en la matière, cette capacité serait étendue à des acteurs multiples, y compris privés. Chacun comprend bien les énormes risques qui en résulteraient.

Le texte prévoit aussi de dispenser certaines demandes de l’avis favorable du Cesrees (Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé), qui se prononce sur les projets de transmission de données personnelles. Au détour d’un article, on touche ainsi à des questions fondamentales d’éthique et de droit.

Mesurons la gravité de ce que nous sommes sur le point de voter : les données de santé sont des éléments très sensibles, protégés au titre de l’article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui garantit explicitement la protection des données à caractère personnel.

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’article 22 prévoit deux modifications très attendues par les acteurs de la recherche, notamment publique.

D’une part, il supprime l’obligation de demander l’avis du ministère chargé de la recherche pour importer ou exporter des échantillons biologiques dans le cadre de recherches impliquant la personne humaine. Celles-ci font déjà l’objet de procédures rigoureuses, conduites par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et par les comités de protection des personnes. Le ministère ne réalise aucun contrôle supplémentaire, mais se contente de vérifier que les autorisations ont bien été obtenues. Ce doublon rallonge les délais d’autorisation et désavantage la France par rapport à ses concurrents, notamment américains – même si la recherche américaine est actuellement attaquée par son propre gouvernement. Il est donc souhaitable de lever cette obligation.

D’autre part, l’article encourage le recours aux référentiels de la Cnil en matière de données de santé, pour simplifier les procédures autorisant le traitement des données, mais sans affecter le niveau d’exigence.

Avis défavorable à la suppression de cet article.

M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification. Vous critiquez les évolutions dans le traitement des données de santé que prévoit l’article 22, mais vous oubliez de parler des simplifications essentielles en matière de recherche clinique sur les médicaments qu’il contient également. La Cnil, autorité administrative indépendante dont vous respectez sans doute les positions, en défend d’ailleurs l’esprit. Je suis donc défavorable à cet amendement de suppression.

M. Hendrik Davi (EcoS). Je comprends la volonté de faciliter le travail de l’industrie pharmaceutique et de la recherche publique, mais on touche ici à des questions très sensibles.

L’une d’elles concerne la possibilité de réutiliser des données de patients préalablement recueillies pour constituer le bras de contrôle d’un essai clinique. Cette technique fut exactement celle employée par le professeur Didier Raoult : il a réutilisé des dossiers de patients qui n’avaient pas participé à ses essais sur l’hydroxychloroquine pour les inclure dans ses résultats, qu’il a ensuite publiés. C’est pour cette raison qu’il a été condamné à deux ans d’interdiction d’exercice de la médecine. Je ne sais pas si cette pratique sera permise par cet article, et c’est précisément ce qui m’inquiète : sa rédaction ne permet pas de savoir exactement de quoi il retourne.

S’agissant de l’importation ou de l’exportation de matériel humain, j’entends bien que la suppression de l’avis du ministère de la recherche ne fait pas disparaître les autres contrôles, mais ne court-on pas le risque que plus personne ne s’assure que tous ces contrôles ont bien été effectués, et de perdre la maîtrise sur les produits qui circulent ?

La compétition qui règne dans l’industrie pharmaceutique ne justifie pas de faire n’importe quoi avec des données ou des matériels si sensibles. Encore une fois, nous ne travaillons pas dans de bonnes conditions – c’est un des grands problèmes de ce projet de loi. Je suis donc plutôt favorable à la suppression de l’article. Ces questions mériteraient de faire l’objet d’un débat à part entière.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS731 de M. Éric Bothorel

M. Éric Bothorel (EPR). Cet amendement vise à simplifier le lancement de projets de recherche portant sur un médicament, un dispositif médical (DM) ou un dispositif médical de diagnostic in vitro (DMDIV).

Suivant l’avis du rapporteur et du gouvernement, la commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS1457 et CS1458 de M. Stéphane Travert, rapporteur.

Amendement CS1518 du gouvernement

M. Laurent Marcangeli, ministre. Il s’agit de préciser que les domiciles peuvent également être des lieux de recherche pour les projets portant sur les DM ou les DMDIV. Dans sa rédaction actuelle, le texte ne le prévoit que pour les recherches régies par la loi du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine ainsi que pour les essais cliniques de médicaments. Il s’agit de réparer cet oubli.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement CS636 de M. Cyril Isaac-Sibille

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je propose d’exclure les opérations d’exportation d’échantillons biologiques humains des mesures de simplification prévues par l’article 22 du projet de loi.

Suivant l’avis du rapporteur et du gouvernement, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1466 de M. Stéphane Travert, rapporteur.

Amendement CS505 de M. Éric Bothorel

M. Éric Bothorel (EPR). Je propose de permettre au Health Data Hub d’accéder, par l’intermédiaire de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, aux numéros d’inscription au répertoire (NIR) des personnes inscrites au répertoire national d’identification des personnes physiques, afin de pouvoir apparier les données du catalogue à la base principale, conformément à ses missions légales. Cette opération est pour l’heure difficile en raison d’une mauvaise articulation entre le décret relatif au système national des données de santé et celui relatif au système national de gestion des identifiants.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je connais l’engagement de M. Bothorel sur ces questions et je comprends son souhait d’une meilleure valorisation des données de santé, mais cet amendement aurait des conséquences majeures : il permettrait à la Plateforme des données de santé de traiter directement des NIR non anonymisés. L’interconnexion se fait actuellement par des numéros pseudonymisés.

Vous faites par ailleurs référence à une mauvaise articulation entre deux décrets, ce qui ne relève pas du domaine législatif. Demande de retrait.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Retrait ou avis défavorable.

M. Éric Bothorel (EPR). Je retire mon amendement, en espérant trouver une solution d’ici à la séance car le problème reste entier.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements CS1459 et CS1460, rédactionnels, CS1461, de coordination, et CS1462 et CS1463, rédactionnels, de M. Stéphane Travert, rapporteur.

Amendements CS506, CS503 et CS504 de M. Éric Bothorel

M. Éric Bothorel (EPR). Ces amendements portent sur le délai de mise à disposition, l’accès et le partage des données de santé.

M. Stéphane Travert, rapporteur. S’agissant de l’amendement CS506, l’article 22 prévoit bien que les référentiels de la Cnil peuvent être élaborés « sur proposition du ministre chargé de la santé ou du ministre chargé de la recherche ou d’organismes publics ou privés représentatifs des acteurs concernés ». Cette rédaction me semble satisfaire la demande du rapport Marchand-Arvier consacré à l’utilisation des données de santé. Demande de retrait.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même avis. Les amendements étant satisfaits, j’en demande le retrait. À défaut, avis défavorable.

M. Éric Bothorel (EPR). J’insiste particulièrement sur l’importance de l’amendement CS503.Il y a un écart entre le principe et la réalité. Si nous estimons nécessaire d’inscrire les délais dans la loi, c’est parce qu’ils ne sont pas respectés. Compte tenu de nos engagements, encore récemment confirmés par le président de la République lors du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle, nous ne pouvons pas nous contenter de dispositifs si peu contraignants.

M. Hendrik Davi (EcoS). L’amendement concernant les délais me semble en effet plutôt bienvenu. En revanche, quel serait le « groupement d’intérêt public » concerné par le CS506 ?

M. Éric Bothorel (EPR). Il s’agirait notamment de la Plateforme des données de santé.

La commission rejette l’amendement CS506, adopte l’amendement CS503 et rejette l’amendement CS504.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS1464 et CS1465 de M. Stéphane Travert, rapporteur.

La commission adopte l’article 22 modifié.

Après l’article 22

Amendement CS662 de M. Cyrille Isaac-Sibille

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Depuis l’adoption du règlement européen relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain, les recommandations de bonnes pratiques cliniques ne s’appliquent plus. Il importe de les réintroduire dans le droit national, afin de faciliter les projets de recherche sur les médicaments.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Votre demande est satisfaite par l’adoption de l’amendement CS731 de M. Bothorel. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Je vous propose de retirer votre amendement au profit de celui qui prévoit de simplifier le lancement des projets de recherche en autorisant le contrôle de qualité des essais cliniques à distance, conformément à votre objectif.

L’amendement est retiré.

Amendement CS419 de Mme Marie Lebec

Mme Marie Lebec (EPR). Nous proposons d’améliorer la portabilité des données lorsque les acteurs de santé changent de logiciels de gestion, dont l’usage s’est beaucoup développé au quotidien. La migration des données de santé reste coûteuse, longue et souvent défectueuse : tout n’est pas toujours transféré correctement et il n’existe pas de standard permettant de faciliter l’export et l’import des données, alors que nous avons encadré leur portabilité dans d’autres domaines. Les enjeux d’une telle simplification sont majeurs.

Par l’adoption de cet amendement, nous pouvons ainsi rassurer les professionnels de santé quant aux migrations de données et lever un frein à l’entrée de nouveaux acteurs dans ce secteur. L’amendement garantit à chaque professionnel de santé qu’il pourra conserver les données de ses patients lorsqu’il change de logiciel. Le transfert devra être réalisé dans un délai court, sans frais, de manière exhaustive et dans un format lisible et exploitable. Par ailleurs, une documentation explicative devra être remise. Des travaux de concertation seront menés avec l’ensemble du secteur du logiciel médical sous l’égide de la Délégation au numérique en santé.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Vous souhaitez garantir la portabilité des données des logiciels de gestion des acteurs de santé, pour que ces derniers puissent conserver leurs dossiers patients lorsqu’ils changent de logiciel. C’est une proposition très intéressante mais votre amendement, dans sa rédaction actuelle, va beaucoup trop loin. Son champ ne se limite pas aux logiciels de gestion de la patientèle : un logiciel d’aide à l’identification des cancers par intelligence artificielle pourrait être concerné, par exemple, ce qui ne semble pas correspondre à votre intention. Par conséquent, avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Mon avis est plutôt favorable, mais le dispositif reste à préciser. Nous reverrons cette question en séance.

M. Gérard Leseul (SOC). Le dispositif est surtout trop large, comme l’a dit le rapporteur. J’aimerais que Mme Lebec nous dise, afin que nous comprenions bien ses intentions, en quoi cet amendement lèverait des freins pour de nouveaux entrants.

Mme Marie Lebec (EPR). Le transfert étant complexe et comportant une part de risque – on ne peut pas être absolument certain, en l’absence de standard, que l’intégralité des données sera conservée –, les professionnels de santé sont peu enclins à changer de logiciel, ce qui limite les possibilités des nouveaux acteurs qui souhaiteraient entrer sur le marché des logiciels. J’ai entendu les remarques du rapporteur et du ministre : je propose d’adopter cet amendement, pour sécuriser une évolution en la matière, mais de travailler sur une rédaction plus précise pour la séance.

La commission adopte l’amendement. L’article 22 bis A est ainsi rédigé.

Amendement CS665 de M. Cyrille Isaac-Sibille

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). On connaît l’importance de la collecte des données en vie réelle, lesquelles doivent être de qualité. Je propose que des intervenants extérieurs s’assurent, à la charge du promoteur, de la bonne qualité du recueil des données. Les professionnels de santé n’ont pas forcément le temps de s’en occuper.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je vois dans cet amendement un risque pour la confidentialité et la protection des données, auxquelles l’accès serait élargi. Par ailleurs, il n’est pas certain que les données seraient mieux recueillies si des techniciens d’études cliniques devaient s’en charger. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Le suivi des données en vie réelle est un élément central du dispositif d’accès précoce aux médicaments. Votre amendement pose, en matière de garantie de la confidentialité des données et du secret médical, de nombreuses questions opérationnelles qu’il convient de traiter techniquement avant d’envisager une modification de la loi.

Le gouvernement et les administrations d’État sont très sensibles à la question. Différentes actions ont ainsi été entreprises depuis le lancement du dispositif. Pour aller encore plus loin, les services travailleront à l’amélioration de l’ergonomie et des fonctionnalités des outils, à la mise en place d’une plateforme unique de recueil et au renforcement de l’efficacité du processus de dédommagement entre industriels et établissements de santé.

Pour toutes ces raisons, je vous demande de retirer cet amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Les personnes dont je parle seront soumises au secret professionnel, comme le sont actuellement les attachés de recherche clinique. Ces derniers n’ont pas nécessairement le temps de produire les données de qualité dont nous avons besoin – et tout le problème est bien qu’en l’état, les données en vie réelle ne sont pas exploitables. Il est très important pour la recherche que nous avancions dans ce domaine.

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous avons déjà eu des débats similaires au sein de la commission des affaires sociales. Oui, il faut récolter davantage de données, mais un problème de sécurisation se pose vraiment. Il paraît difficile de multiplier le nombre de professionnels qui y ont accès. Je suis donc défavorable à l’élargissement qui nous est proposé : nous devons approfondir la réflexion.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS660 de M. Cyrille Isaac-Sibille

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’achat de médicaments coûte généralement très cher, et tous les établissements de santé ne disposent pas d’une pharmacie interne. Cet amendement donnera à ceux qui font de la recherche la possibilité de disposer de médicaments à un coût moindre.

M. Stéphane Travert, rapporteur. La mutualisation de certains achats de médicaments est une bonne idée, mais il faudrait veiller à ne pas compliquer le fonctionnement des pharmacies à usage intérieur. Avis favorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Sagesse.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Laissez-moi tout de même partager mon étonnement : en plein projet de loi de simplification de la vie des entreprises, nous sommes en train de parler de données de santé et de gestion des médicaments. Je découvre qu’il existe un business des données de santé, qui porte notamment sur des logiciels. C’est une bonne chose pour les détenteurs des entreprises concernées, mais ce texte est-il le bon cadre pour légiférer sur ces sujets hautement sensibles, qui touchent au secret médical ? Par ailleurs, sans vouloir vous faire offense, monsieur le ministre, je m’étonne que ce soit le ministre de la fonction publique qui nous donne l’avis du gouvernement au sujet de questions relatives aux données de santé. Cela ne me paraît pas correspondre à l’intérêt des patients.

M. le président Ian Boucard. Je précise que c’est le ministre de la simplification qui nous donne ici l’avis du gouvernement, et que des mesures concernant la recherche et les données de santé figuraient dans le texte initialement déposé, début 2024, par le gouvernement. C’est pourquoi j’ai considéré, en tant que président de la commission spéciale, que les amendements de M. Isaac-Sibille étaient recevables au titre de l’article 45 de la Constitution.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Il suffit de lire mon décret d’attribution pour apprendre que je suis le ministre de l’action publique et de la fonction publique, mais aussi de la simplification.

La commission adopte l’amendement. L’article 22 bis B est ainsi rédigé.

Article 22 bis (nouveau) (art. L. 161-37, L. 161-41, L. 162-1-7, L. 162-1-24, L. 162-1-25 [nouveau] du code de la santé publique) : Consécration juridique de la commission interne dédiée à l’évaluation des technologies diagnostiques (CEDiag) au sein de la Haute autorité de santé

La commission adopte l’article 22 bis non modifié.

Article 23 (art. 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Intégrer l’innovation dans le mandat de la Commission nationale de l’informatique et des libertés

Amendement de suppression CS249 de Mme Sandrine Nosbé

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous proposons de supprimer cet article, qui est au mieux inutile et au pire néfaste. Il prévoit d’intégrer les enjeux liés à l’innovation dans les missions de la Cnil, notamment en ce qui concerne l’évaluation publique des conséquences des évolutions technologiques. Considérant que le terme « innovation » était indéfini, le Sénat a ajouté une disposition précisant qu’une des missions de la Cnil serait d’accompagner spécifiquement l’innovation dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA), et encourageant les entreprises à recourir à la Commission.

Les missions confiées à la Cnil par le législateur recouvrent déjà les avancées technologiques et leurs conséquences. La Cnil a été amenée à s’y intéresser, par exemple, au sujet de l’IA et du développement des applications mobiles. Surtout, la Cnil accompagne déjà les entreprises dans le cadre des procédures de demande de conseil, qui se traduisent par environ 1 600 consultations par an. L’étude d’impact ne fournit aucune justification pour l’ajout que prévoit l’article 23, de fait inopérant. Le Conseil d’État, qui a souligné ces éléments dans son avis sur le projet de loi, a proposé par conséquent de ne pas le retenir.

Par ailleurs, permettre aux entreprises de déroger aux règles relatives au droit de communication qui permettent à tout un chacun d’accéder à la plupart des documents administratifs pose un problème évident de transparence. La Cnil a vocation à préserver les libertés individuelles, à l’ère du tout-numérique, en accompagnant et en contrôlant l’usage des données personnelles. De telles dérogations s’appliquent pour des documents assez sensibles pour que leur consultation porte atteinte à la sûreté de l’État, au secret de la défense nationale ou au déroulement de procédures engagées devant les juridictions.

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’article 23 consacre dans la loi la prise en compte par la Cnil des enjeux liés à l’innovation. C’est un apport pertinent qui donnera une orientation très utile au collège de la Cnil, les nouveaux usages de la donnée pouvant entrer en opposition avec les règles prévues par le RGPD (règlement général sur la protection des données). Le Sénat a complété cet article en consacrant la mission d’accompagnement de la Cnil et en protégeant la confidentialité des documents transmis par les entreprises conseillées.

Ces mesures sont vraiment importantes, madame Nosbé. Les acteurs concernés nous l’ont dit lors d’auditions auxquelles vous avez participé. Elles permettront de sécuriser juridiquement les informations transmises par les opérateurs économiques qui sont accompagnés par la Cnil et de préserver une relation de confiance avec les entreprises. Je suis donc défavorable à votre amendement de suppression.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS748 de M. Éric Bothorel

M. Éric Bothorel (EPR). Cet amendement a pour objet de supprimer les dispositions afférentes au mandat de la Cnil en matière de promotion de l’innovation dans le domaine de l’intelligence artificielle, compte tenu de l’avis défavorable du Conseil d’État. Au surplus, les arbitrages du gouvernement en ce qui concerne la désignation des autorités nationales en charge de la mise en œuvre du règlement européen sur l’intelligence artificielle sont en cours. Il convient de ne pas inscrire dans ce texte des orientations prématurées.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je vous demande un retrait : je donnerai un avis favorable aux amendements CS223 et CS224 de M. Terlier, dont vous êtes cosignataire et qui proposent de supprimer les références à l’intelligence artificielle.

L’amendement est retiré.

Amendement CS223 de M. Jean Terlier

M. Jean Terlier (EPR). L’amendement CS223 vise, comme le CS224 qui viendra juste après, à revenir à la rédaction initiale du projet de loi.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CS1263 de M. Nicolas Bonnet tombe.

Amendement CS966 de M. Éric Bothorel

M. Stéphane Travert, rapporteur. Puisqu’il y a été fait précédemment allusion, je serai plutôt favorable au CS224 de M. Terlier.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1167 de M. Charles Alloncle

M. Charles Alloncle (UDR). Il s’agit d’assouplir un peu les missions de la Cnil, qui ont souvent un effet contraignant pour nos entreprises, en particulier les TPE (très petites entreprises) et PME (petites et moyennes entreprises) qui innovent et investissent. Je vous propose de donner la priorité au rôle d’appui de la Cnil à l’innovation. J’ai encore déjeuné avec des chefs d’entreprise qui se font parfois sanctionner par la Cnil sans raison et ne comprennent pas les mécanismes en jeu.

Suivant l’avis du rapporteur et du gouvernement, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur et du gouvernement, elle adopte l’amendement CS224 de M. Jean Terlier.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1467 de M. Stéphane Travert, rapporteur.

Amendement CS1168 de M. Charles Alloncle

M. Charles Alloncle (UDR). J’ai évoqué des chefs d’entreprise qui ont fait l’objet de sanctions assez lourdes de la Cnil. J’ajoute que j’ai également eu du mal à comprendre certaines sanctions de la Cnil à l’encontre de l’entreprise que j’ai créée et gérée au cours des dernières années.

Cet amendement vise simplement à introduire une notion de proportionnalité s’agissant des recommandations et sanctions que la Cnil peut prononcer, afin que la capacité des entreprises, notamment des TPE et PME, soit prise en compte.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Les mesures correctrices qui sont prononcées ne conduisent pas forcément à des amendes : il peut s’agir de rappels à l’ordre ou d’injonctions. Je suis défavorable à cet amendement qui est imprécis et conduirait à des difficultés d’interprétation.

M. Laurent Marcangeli, ministre. La Cnil n’a prononcé que 331 mesures correctrices en 2024, à l’issue du traitement de 17 000 plaintes. Avis défavorable.

M. Charles Alloncle (UDR). Le but est que la Cnil fasse preuve de proportionnalité dans ses sanctions. Elle en prononce peu, mais ces sanctions sont en général extrêmement lourdes – elles peuvent s’élever, pour certaines entreprises, à 50 % du bénéfice annuel. Que vous ayez 50 ou 2 000 employés, une sanction de la Cnil est souvent le signal que vous devez baisser le rideau.

M. Hendrik Davi (EcoS). Je suis également défavorable à cet amendement. Compte tenu du développement de l’économie du numérique, les enjeux en matière de données, notamment personnelles, sont de plus en plus importants. Dire que la Cnil doit faire preuve de souplesse ne serait pas un très bon signal. C’est en amont qu’il faut accompagner les TPE et les PME pour éviter qu’elles se retrouvent dans les situations que vous évoquez.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1468 de M. Stéphane Travert, rapporteur.

La commission adopte l’article 23 modifié.

Après l’article 23

Amendement CS517 de M. Éric Bothorel

M. Éric Bothorel (EPR). Lorsqu’elle établit des lignes directrices, des recommandations ou des référentiels destinés à assurer la mise en conformité des traitements de données personnelles, la Cnil n’est pas tenue de mener une étude d’impact ni une concertation préalable avec les acteurs concernés. Cet amendement demande une concertation avant l’établissement de ces lignes directrices et autres actes de droit souple.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis favorable. Cet amendement est souhaité par la Cnil.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même avis.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous sommes défavorables à cet amendement. La protection des données personnelles, ce n’est pas la même chose que la défense des intérêts des entreprises et des marchés. Une concertation préalable créerait un trouble. Nous avons besoin que la Cnil puisse établir ses avis et ses lignes directrices d’une façon autonome par rapport aux intérêts du marché. Dans beaucoup de domaines, les dispositions que nous sommes en train de voter introduisent un flou sur ce qui relève de l’ordre général et public et ce qui relève de l’intérêt des marchés. Or cette distinction doit rester très nette.

M. Sébastien Huyghe (EPR). J’ai été commissaire à la Cnil pour notre assemblée pendant de nombreuses années : ce qui lui est parfois reproché, c’est de prendre des décisions décorrélées de la réalité de la vie économique. Il est très important que la Commission puisse avoir un dialogue avec les acteurs du système économique afin de bien mesurer les enjeux de ses prises de position. Il y a un chemin à trouver entre la protection des données personnelles et la réalité économique. Je suis extrêmement favorable à cet amendement car il permettra de réconcilier deux mondes qui se sont trop ignorés par le passé.

La commission adopte l’amendement. Le a du 1° de l’article 23 bis est ainsi rédigé.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS520 de M. Éric Bothorel.

Amendement CS519 de M. Éric Bothorel

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis favorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Sagesse.

La commission adopte l’amendement. Le b du 1° de l’article 23 bis est ainsi rédigé.

Amendement CS225 de M. Jean Terlier

M. Jean Terlier (EPR). Cet amendement, cosigné par M. Bothorel, est issu d’un rapport qu’il a remis et d’un autre rapport de M. Latombe. Il s’agit d’ouvrir le collège de la Cnil à des entreprises privées. Il est important que la Cnil s’ouvre à elles, afin qu’elles puissent faire valoir leurs préconisations ou leurs souhaits.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cinq personnalités qualifiées siègent actuellement au collège de la Cnil. Elles sont nommées pour leur connaissance du numérique et des questions touchant aux libertés individuelles. On compte ainsi deux chercheurs en informatique, une docteure en médecine, une professeure de droit, spécialiste du droit du numérique et des droits fondamentaux, et une conseillère d’État, spécialiste de la régulation. L’amendement déposé par notre collègue conduirait à remplacer ces profils par des personnalités provenant exclusivement d’entreprises privées.

Peut-être faut-il réfléchir à l’organisation et au fonctionnement du collège de la Cnil, mais cet amendement va trop loin. Les profils actuels des personnalités qualifiées sont plutôt variés, ce qui assure des compétences utiles et complémentaires à la Cnil. Par ailleurs, rien n’interdit que des personnalités qualifiées soient issues du monde de l’entreprise, comme peuvent l’être également les représentants du Conseil économique, social et environnemental à la Cnil – il s’agit actuellement d’une avocate et d’un commissaire aux comptes.

Enfin, la Cnil nous a indiqué qu’il était en pratique assez difficile de trouver de telles personnes, parce que la participation aux réunions du collège exigeait une forte disponibilité.

Sur un plan plus formel, cet amendement conduirait à mettre fin dès maintenant à des mandats en cours de membres d’une autorité administrative indépendante, ce qui est contraire au droit européen.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même si cet amendement a un objectif louable – qu’il y ait davantage de personnes issues du monde de l’entreprise au sein de la Cnil –, il a un côté pervers qui conduirait à rigidifier un peu le mode de désignation de ses membres. Avis défavorable.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Je remercie M. le rapporteur pour son éclairage. Cet amendement va au-delà d’une ouverture au monde des entreprises, puisqu’il impose de choisir les cinq personnalités qualifiées de manière à « représenter les intérêts économiques privés ». Je rappelle que la Cnil est une autorité administrative indépendante, chargée de veiller à la protection des données personnelles, ce qui n’est pas rien. Mais vous voudriez faire passer les intérêts économiques en premier ! Par ailleurs, je ne vois vraiment aucun rapport avec une quelconque simplification. Ce que vous nous proposez est en revanche une atteinte directe aux libertés et droits fondamentaux. Il faut raison garder et rejeter cet amendement.

M. Charles Alloncle (UDR). Je ne comprends pas vraiment les différents arguments invoqués contre cet excellent amendement. Assurer une meilleure représentation du monde de l’entreprise au sein de la Cnil contribuerait à une meilleure compréhension des enjeux du secteur privé. Ce serait donc une simplification. Ensuite, si vous regardez non pas le collège de la Cnil mais tous ceux qui travaillent dans cette institution, vous verrez qu’il s’agit en très grande majorité de juristes. On trouve dans le collège des chercheurs et autres personnes très éloignées de la gestion concrète et des enjeux des entreprises. Même des gens de la Cnil reconnaissent ce manque de représentation. Quant à l’argument selon lequel ce ne serait pas le bon moment pour changer la composition de la Cnil, si l’Assemblée n’est pas à même d’en décider, je ne sais pas quand nous pourrons débattre de cette question.

Mme Julie Ozenne (EcoS). Je vous invite à rejeter cet amendement car il risque de déséquilibrer gravement la composition du collège de la Cnil, institution dont l’indépendance, la crédibilité et l’expertise technique sont absolument essentielles à la protection des libertés publiques à l’ère numérique. En proposant de revoir en profondeur la répartition des sièges au sein du collège de la Cnil, l’amendement menace la diversité des profils qui fait la richesse et l’efficacité de cette institution. Les membres issus du monde académique et de la recherche y jouent un rôle crucial. Ce sont eux qui garantissent l’existence d’une expertise technique de haut niveau, indépendante des intérêts économiques et politiques, et qui permettent à la Cnil de se positionner d’une manière équilibrée sur des enjeux complexes, comme l’intelligence artificielle, les données de santé ou encore les systèmes biométriques.

Des profils issus du monde de l’entreprise sont bien entendu précieux, mais ils sont déjà représentés et en pratique difficiles à recruter à chaque renouvellement car les conflits d’intérêts potentiels sont nombreux. Il ne s’agit pas de réduire la présence de ces personnes mais de préserver un équilibre entre les différentes expertises, juridiques, techniques, économiques et éthiques.

Derrière une apparente volonté de simplification ou de rationalisation, cet amendement risque de fragiliser une des rares autorités administratives indépendantes qui font encore l’objet d’un large consensus dans notre pays – mais cette fragilisation entre peut-être dans vos objectifs.

M. Jean Terlier (EPR). Pour rassurer tout le monde, il ne s’agit évidemment pas de livrer la gouvernance de la Cnil au secteur privé, loin de là : si cet amendement était adopté, les deux tiers des membres de la Commission seraient encore issus du monde académique et des autorités publiques. Ce qui vous est proposé est une simple ouverture au monde économique pour apporter un peu de pluralité.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Nous sommes tous désireux d’ouvrir la Cnil au monde de l’entreprise pour que ce dernier y soit mieux représenté. Des membres de la Cnil ont pu relever lors des travaux préparatoires que l’on se heurterait à quelques difficultés pour trouver des représentants du monde de l’entreprise, pour les raisons que j’ai évoquées.

Monsieur Alloncle, j’entends votre intention, mais le vote de l’amendement entraînerait de facto l’arrêt du mandat actuel des membres de la Cnil, ce qui pose un problème de conformité avec le droit européen, ainsi qu’un certain nombre de difficultés.

La commission adopte l’amendement. Le 2° de l’article 23 bis est ainsi rédigé.

Amendement CS1169 de M. Charles Alloncle

M. Charles Alloncle (UDR). Certes, la Cnil délivre peu de sanctions chaque année, mais le montant des amendes qu’elle prononce est particulièrement élevé et provoque de l’insécurité juridique pour de nombreuses entreprises. Le domaine du traitement des données est totalement nouveau ; les entreprises souffrent de l’absence de définition de l’anonymisation des données par la Cnil – il serait bon de la contraindre à ce travail de définition.

Pour gagner en souplesse, il convient d’étendre le principe de droit à l’erreur introduit dans la loi Essoc de 2018. De nombreux chefs d’entreprise, tous secteurs et toutes tailles confondues, le demandent. La Cnil elle-même n’est pas opposée à cette proposition de bon sens, qui n’est en rien partisane.

M. Stéphane Travert, rapporteur. La Cnil fait preuve de proportionnalité dans le contrôle de l’application du RGPD. Elle prononce d’autres mesures correctrices que des amendes, tels que des rappels à l’ordre et des injonctions. Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1456 de M. Stéphane Travert et CS1006 de M. Éric Bothorel

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je propose de relever le quantum de la sanction simplifiée, afin de mieux appréhender les manquements des grandes entreprises qui sont de gravité limitée et ne présentent pas de difficulté particulière.

M. Éric Bothorel (EPR). La Cnil souhaite pouvoir ajuster le montant de la sanction simplifiée pour les acteurs dont le chiffre d’affaires annuel mondial dépasse 50 millions d’euros, afin de gagner en efficacité.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis favorable.

La commission adopte les amendements. Le 3° de l’article 23 bis est ainsi rédigé.

TITRE X

SIMPLIFIER LE DÉVELOPPEMENT DES COMMERCES

Article 24 A (nouveau) (art. 145-46-1 du code de commerce) : Précision des notions de « local à usage commercial » et de « local à usage artisanal » pour l’exercice du droit de préférence reconnu aux commerçants et artisans en cas de vente

Amendements de suppression CS558 de M. Stéphane Travert et CS250 de Mme Manon Meunier

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet article, qui vise à préciser la définition des locaux à usage commercial et à usage artisanal, doit être supprimé.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Cet article risque de limiter le droit de préférence du locataire dans le cadre de la cession d’un local commercial ou artisanal.

Le droit en vigueur oblige le propriétaire d’un tel local, s’il souhaite le vendre, à informer en premier lieu le locataire, qui a un mois pour décider ou non de l’acheter. Le locataire bénéficie ainsi d’une préférence par défaut. Le non-respect de ce droit entraîne la nullité de la vente.

La droite sénatoriale, arguant de l’incertitude juridique sur la définition des locaux concernés, est revenue sur ce droit de préférence au locataire, qui avait été créé par la loi Pinel du 18 juin 2014 afin de protéger le maintien des TPE commerciales et artisanales dans les centres-villes, en les empêchant d’être mises à la porte du jour au lendemain.

Pour protéger ce droit fondamental des TPE, nous proposons de supprimer cet article.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. En cas de vente d’un local loué, le commerçant locataire dispose d’un droit de préférence qui lui donne la priorité pour l’acheter.

La difficulté porte sur la définition des locaux commerciaux et artisanaux qui entrent dans le champ d’application de ce droit. L’article 24 A, qui vise à la résoudre, résulte de l’adoption d’un amendement du sénateur Hervé Marseille, qui avait posé une question écrite en avril 2021 sur la définition du périmètre des locaux commerciaux et artisanaux, après que les notaires eurent attiré son attention sur cette difficulté juridique.

L’article définit précisément les locaux commerciaux et artisanaux, en incluant dans le champ d’application du droit de préférence les locaux de bureaux à activité commerciale – par exemple, les agences de voyage, classées jusqu’à présent tantôt en locaux commerciaux, tantôt en locaux de bureaux – et les locaux de stockage de marchandises – c’est-à-dire les caves, qui, contrairement au local principal, n’étaient pas forcément incluses dans le périmètre de ce droit. Resteraient exclus du périmètre de ce droit les entrepôts et les locaux à usage de bureaux sans usage commercial.

En supprimant l’article, vous rétabliriez une incertitude juridique dommageable pour l’ensemble des parties prenantes. Avis défavorable.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Ces définitions très précises restreignent le champ du droit de préférence et le pouvoir d’appréciation du juge en cas de recours. En outre, vous avez écarté les entrepôts et les locaux à usage de bureaux mais ces derniers devraient aussi entrer dans le périmètre du droit de préférence.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Cet article ne restreint pas le champ du droit de préférence accordé au locataire ! Il l’étend. En outre, il correspond à l’esprit de la loi Pinel, qui ciblait les locaux commerciaux et artisanaux.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’article 24 A non modifié.

Article 24 (art. L.145-15, L. 145-33 A [nouveau], L. 145-38-1 [nouveau], L. 145-40 du code de commerce) : Droit au paiement mensuel des loyers sur demande du preneur d’un bail commercial et limitation du montant exigé pour le dépôt de garantie

Amendements CS735 de Mme Anne Stambach-Terrenoir, CS459 de M. Stéphane Travert, CS555 de Mme Françoise Buffet et CS827 de Mme Marie Lebec (discussion commune)

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Le présent article va dans le bon sens, en consacrant le droit des preneurs d’un local commercial au paiement mensualisé du loyer. Cela profitera aux TPE, qui sont en difficulté face à la hausse continue des loyers. De fait, le paiement trimestriel des loyers commerciaux crée un surplus de trésorerie estimé à 2 milliards d’euros pour les bailleurs, qui est d’autant plus injustifié que le marché des bailleurs est trusté par quatre grandes foncières commerciales.

Toutefois, le Sénat a modifié cet article pour réserver le droit d’obtenir la mensualisation des loyers aux locataires à jour de leur loyer. Cette précision achève de rendre le dispositif inutile et inégalitaire, puisque ce sont justement les entreprises en difficulté, par exemple les petits commerces de proximité, asphyxiés par le développement des zones commerciales périphériques, qui en ont le plus besoin. L’atonie de la croissance depuis 2023 et l’explosion du montant des charges, liée au bond des prix de l’énergie, ont causé une explosion du nombre de faillites de commerces de proximité, qui a atteint 12 000 au printemps 2024. Les TPE, les PME ainsi que les entreprises de taille intermédiaire sont concernées.

L’amendement CS735 vise donc à permettre aux TPE en difficulté de bénéficier du versement mensuel des loyers.

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’amendement CS459 vise à préciser la condition relative à l’absence d’arriérés à l’égard du bailleur, pour le droit à mensualisation des loyers commerciaux.

Mme Françoise Buffet (EPR). Le protocole d’accord signé le 30 mai 2024 entre les principales organisations représentatives des preneurs et des bailleurs prévoyait l’instauration du règlement mensuel des loyers, charges, impôts et taxes des commerces et des mesures visant à accélérer le recouvrement des impayés.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 24 subordonne le bénéfice de la mensualisation à l'absence d’action du bailleur. Afin de limiter la multiplication des actions dès le premier impayé, l’amendement CS555 vise à revenir à l’esprit et à la lettre du protocole en ouvrant le droit à la mensualisation dès lors qu’il n’existe pas d’arriéré de loyer, charges, taxes et redevances à la date de la demande de mensualisation, que ces retards et impayés aient ou non fait l’objet d’une assignation.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je demande le retrait des autres amendements au profit du mien.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis défavorable à l’amendement CS735. Madame Stambach-Terrenoir, vous voulez supprimer la condition relative à l’absence de loyer impayé pour le bénéfice du droit à la mensualisation des loyers des commerçants et artisans locataires. Or, cela reviendrait à rompre l’équilibre trouvé entre les bailleurs et les preneurs dans l’accord de place signé le 30 mai 2024 sous l’égide d’Olivia Grégoire, alors ministre chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.

Les amendements CS555 et CS827 impliquent que l’absence de loyers ou charges impayés justifiant le refus de mensualisation serait constatée unilatéralement par le bailleur. Cela ne nous paraît pas équilibré.

L’amendement CS459 permet au bailleur de refuser la mensualisation du loyer sans avoir à engager une action en recouvrement des impayés, en constatant simplement qu’il existe un arriéré de paiement, si cet arriéré n’a pas fait l’objet d’une « contestation préalable ». C’est accorder trop de pouvoir au bailleur. En outre, l’expression « contestation préalable » pose des problèmes juridiques d’appréciation. Avis défavorable pour les quatre amendements.

La commission rejette l’amendement CS735 et adopte l’amendement CS459.

En conséquence, les amendements CS555 et CS827 tombent.

Amendement CS1423 du gouvernement

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. De même que l’article 24 A définit les locaux commerciaux et artisanaux pour clarifier l’application de la loi Pinel, nous proposons ici de préciser la définition de ces locaux pour faciliter l’application du droit à la mensualisation du loyer.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CS1422 du gouvernement, CS2 de M. Hervé de Lépinau et CS1037 de M. Sébastien Huyghe

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Cet amendement vise à réintégrer les locaux monovalents dans le champ d’application du droit à la mensualisation du loyer, en supprimant l’alinéa 5 de l’article 24.

M. Hervé de Lépinau (RN). Effectivement, en excluant les locaux monovalents, tels que les hôtels et les cinémas, l’alinéa 5 crée une distorsion. Ces activités ont besoin de trésorerie. La mensualisation donnera à leurs gestionnaires une meilleure visibilité dans la planification du financement de leur activité. Je rappelle que nous cherchons la simplification...

M. Sébastien Huyghe (EPR). La loi impose une caution ou un dépôt de garantie de deux termes de loyers : si le terme est trimestriel, cela correspond à six mois de loyers. C’est une charge trop lourde pour les commerçants ! La mensualisation permettra de ramener la caution à deux mois de loyers et donc d’améliorer la trésorerie des entreprises. Il n’y a pas de raison que les commerces monovalents n’en bénéficient pas.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte les amendements.

Amendements CS569 et CS568 de M. Thomas Cazenave (discussion commune)

M. Stéphane Travert, rapporteur. En exécution d’un bail commercial, le bailleur peut exiger des « garanties de toute nature », mais cette notion est très large, et sa définition peut poser des problèmes juridiques. Ces garanties doivent être mieux encadrées.

Ces deux amendements visent à obliger le bailleur à reverser les sommes correspondant à des garanties de toute nature qui dépassent le plafond du dépôt de garantie fixé par la loi dans un délai de six mois ou à renoncer aux garanties couvrant un montant excédentaire.

Contrairement à l’amendement CS568, l’amendement CS569 vise en outre à étendre cette mesure aux baux en cours d’exécution et aux baux conclus et renouvelés à la date de la promulgation du présent texte.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’accord de place signé le 30 mai 2024 a établi un équilibre entre les bailleurs et les exploitants. Pour améliorer la trésorerie des commerçants, il prévoit que leur loyer sera mensualisé, ce qui représentera un gain global d’environ 2 milliards d’euros. En contrepartie, si le dépôt de garantie est limité à un montant équivalent à trois mois de loyer, cette limite ne vaut que pour le seul dépôt de garantie, sans inclure les autres garanties. Ces amendements contrariant cet équilibre, j’émets un avis défavorable.

La commission adopte l’amendement CS569.

En conséquence, l’amendement CS568 tombe, ainsi que l’amendement CS3 de M. Hervé de Lépinau.

Amendement CS463 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). À vrai dire, cet amendement aurait dû tomber avec l’adoption du CS569, même s’il ne porte pas sur le même alinéa. En effet, il vise également à limiter à un montant équivalent à trois mois de bail l'ensemble des garanties demandées au preneur d’un bail commercial.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Oui, l’amendement est désormais satisfait. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis défavorable.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Si je comprends bien les explications de la ministre tout à l’heure, l’amendement n’est pas tout à fait satisfait. Plutôt que d’en rester à un accord, gravons les choses dans le marbre de la loi.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’accord de place prévoit de limiter le montant du dépôt de garantie à une somme équivalente à trois mois de loyer. Votre amendement vise, lui, à étendre cette limitation à l'ensemble des garanties. C’est rompre l’équilibre trouvé entre les propriétaires et les commerçants.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS838 de Mme Marie Lebec

Mme Marie Lebec (EPR). Les alinéas 8, 9 et 10 du présent article reprennent le protocole d’accord du 30 mai 2024, en prévoyant que le montant du dépôt de garantie doit être plafonné à une somme équivalente à trois mois de loyer.

Les sénateurs ont en outre choisi de limiter dans le temps la restitution du dépôt de garantie, à l’alinéa 11, même si ce n’était pas prévu par le protocole d’accord. Toutefois, la rédaction qu’ils ont adoptée laisse entendre que l'intégralité du dépôt de garantie devra être restituée, même s’il a été appelé pour cause d’impayé de loyer. Nous proposons de compléter l’alinéa 11, afin de ne pas obérer la possibilité d’une compensation éventuelle du dépôt de garantie en cours de bail.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Votre amendement est satisfait. Le texte autorise déjà le bailleur à déduire du montant du dépôt de garantie le montant dues par son locataire pour couvrir les impayés de loyer ou de charges. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur et du gouvernement, la commission rejette l’amendement CS315 de M. René Pilato.

Amendement CS639 de M. Cyrille Isaac-Sibille

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). La taxe foncière est due par le propriétaire. Lorsqu’il loue à des particuliers, il a interdiction de répercuter la taxe foncière sur ces derniers. Je propose d’élargir cette interdiction aux bailleurs de locaux commerciaux.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Votre amendement vise à interdire la refacturation de la taxe foncière à l’exploitant par le propriétaire. La question est disputée. À titre personnel, je pense qu’il est difficile d’intervenir sur la liberté contractuelle, même si la refacturation a l’inconvénient de dessaisir les bailleurs de tout intérêt concernant l’évolution de leur taxe foncière. J’aimerais plutôt aller dans le sens du régime applicable aux exploitations agricoles, où le propriétaire ne peut facturer que la moitié de la taxe foncière à l’exploitant agricole. Il faut travailler sur cette mesure avec les représentants des propriétaires et des exploitants. En attendant, avis défavorable.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Pourquoi ce qui est interdit pour les particuliers ne le serait pas pour les entreprises ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS856 de Mme Marie Lebec

Mme Marie Lebec (EPR). Le protocole d’accord du 30 mai prévoit qu’en contrepartie de la possibilité d’un règlement mensuel des provisions trimestrielles de loyers, il convient de faciliter le recouvrement des loyers impayés, en limitant notamment le maintien dans les lieux des locataires défaillants.

L’accord prévoit ainsi d’une part que le juge ne pourra octroyer de délai de paiement au locataire qu’à la condition que celui-ci soit en mesure de régler sa dette locative, et d’autre part que le délai de restitution des clés au bailleur doit être limité à deux mois, en cas de liquidation judiciaire.

Or, cette dernière obligation n’a pas été intégrée dans le projet de loi. Nous proposons d’y remédier.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Rien n’assure que les délais que vous proposez pour la libération des locaux soient compatibles avec la tâche du liquidateur. En outre, l’obligation de quitter les locaux que vous prévoyez n’intègre pas la possibilité d’un recours contre le jugement qui ouvrirait une procédure de liquidation judiciaire.

Pour la cohérence et l’efficacité du traitement des difficultés des entreprises, il conviendrait de ne pas modifier la procédure de liquidation judiciaire au détour d’un texte relatif à la simplification. Demande de retrait.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Les opérations de liquidation judiciaire sont quelquefois très complexes – il faut notamment distinguer les créanciers chirographaires des créanciers privilégiés et dresser le bilan de l’actif et du passif. Un délai de deux mois serait insuffisant. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 24 modifié.

Après l’article 24

Amendement CS427 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (DR). Depuis le mois de septembre 2021, les cautions des personnes physiques sont protégées dans toutes les procédures – aussi bien celles de conciliation que de règlement amiable agricole, de sauvegarde ou de redressement judiciaire – sauf dans la procédure de mandat ad hoc. Cet amendement, qui répond à une demande des experts-comptables, vise à y remédier, afin de désengorger les procédures de traitement des entreprises en difficulté et de simplifier la vie économique.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. La procédure de mandat ad hoc offre beaucoup de flexibilité. C’est la raison pour laquelle elle fonctionne bien et doit être promue. Votre proposition la rigidifierait trop. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement

Réunion du jeudi 27 mars 2025 à 9 heures

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Article 24 bis (nouveau) (art. L. 145-41 du code de commerce) : Encadrement de la possibilité d’octroi de délais de paiement et de la suspension de la clause résolutoire d’un bail commercial

Amendements de suppression CS251 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CS1135 de Mme Lisa Belluco

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). L’article 24 bis applique aux baux commerciaux l’abjecte loi Kasbarian, qui visait à l’expulsion d’un maximum de locataires en difficulté. Évitons que la mesure ne touche aussi les commerçants en difficulté.

Mme Lisa Belluco (EcoS). L’article rend plus difficiles l’octroi d’un délai de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire, mettant encore davantage en difficulté des commerçants qui le sont déjà et qui ont besoin de temps pour régler leur loyer.

M. Stéphane Travert, rapporteur pour les titres VII à XII. Avis défavorable, car les critères fixés par le code de commerce permettent d’objectiver clairement la situation des demandeurs et d’assurer la poursuite des baux commerciaux dans l’intérêt des deux parties ; il ne s’agit pas d’expulser manu militari des preneurs. L’article paraît aussi pouvoir contribuer à l’apurement des dettes locatives, ce qui peut être très utile lorsqu’un commerce ou une entreprise connaît des difficultés économiques.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. De manière générale, le contrat conclu entre les bailleurs et les locataires contient une clause qui prévoit la résolution de plein droit du contrat en cas d’impayé de loyer et dont l’application suppose l’intervention du juge.

Avis défavorable, pour deux raisons. La première est que l’article 24 bis correspond à l’accord de place conclu entre les bailleurs et les locataires en mai 2024. La seconde est que l’abandon de cette mesure aurait probablement pour effet de déresponsabiliser le preneur en situation d’impayé de loyer et, à l’inverse, de pénaliser le bailleur qui a accepté de louer son local commercial, en particulier lorsqu’il s’agit d’une personne physique pour laquelle les loyers constituent un complément de revenu.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 24 bis est supprimé et l’amendement CS10 de M. Vincent Rolland tombe.

Article 25 (art. L.752-1-3 [nouveau], L. 752-2, L. 752-17, L. 752-21 du code de commerce) : Adaptation du champ des projets soumis à l’autorisation d’exploitation commerciale et encadrement des recours relatifs aux décisions des commissions départementales

Amendement CS1414 de M. Stéphane Travert, amendement de suppression CS255 de Mme Manon Meunier

M. Stéphane Travert, rapporteur. Mon amendement vient plus loin. Il tend à supprimer, avec l’alinéa 17, une disposition nouvelle ajoutée par le Sénat à l’article, faisant obligation à la commission nationale d’aménagement commercial de motiver ses avis et décisions défavorables sur l’absence de conformité à l’ensemble des dispositions du code de commerce.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). L’article 25 réduit les possibilités de contentieux pour des extensions de commerces qui pourraient pourtant être remises en question. Le Conseil d’État lui-même considère discutable que cette disposition puisse entraîner une réduction du contentieux, car « l’on ne peut pas exclure que les irrecevabilités opposées par la Commission nationale d’aménagement commercial suscitent davantage de recours devant le juge administratif ». L’article porte en outre atteinte aux droits des élus locaux. Nous proposons donc de le supprimer.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis défavorable sur votre amendement.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Les réorganisations de cellules commerciales internes à un ensemble commercial sont certes allégées, mais restent encadrées. Les collectivités conservent notamment toutes leurs capacités d’action en matière de création de nouveaux commerces, d’extension de commerces existants et de planification de l’aménagement commercial. L’article 25 a toutefois un véritable objectif de simplification de la procédure. Avis défavorable à l’amendement de suppression.

M. Gérard Leseul (SOC). Ce n’est pas l’interprétation que fait de cet article Intercommunalités de France. Nous soutiendrons donc l’amendement de suppression.

La commission adopte l’amendement CS255.

En conséquence, l’article 25 est supprimé et les amendements CS1415 de M. Stéphane Travert, CS864 de M. Éric Michoux, CS1416 de M. Stéphane Travert, CS51 de M. Fabrice Brun, CS1417 et CS1414 de M. Stéphane Travert, et CS548 de M. Ian Boucard tombent.

Après l’article 25

Amendement CS739 de Mme Manon Meunier

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis défavorable, car les critères ajoutés pour l’examen des projets devant les commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) n’améliorent pas l’exigence ni l’efficacité de cette procédure, mais alourdissent le processus et ne contribuent pas à la simplification visée par le projet de loi.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Défavorable, pour les mêmes raisons.

La commission adopte l’amendement. Le 1° de l’article 25 bis A est ainsi rédigé.

Amendement CS741 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Il vise à modifier les critères qui déterminent les projets soumis à une autorisation d’exploitation commerciale (AEC), en abaissant le seuil de superficie à partir duquel une autorisation est nécessaire afin de pouvoir appliquer cette procédure à la création, par exemple, d’un établissement de restauration rapide d’une surface de plus de 200 mètres carrés ou franchisé par un groupe présent dans plus de vingt communes du territoire national, d’un commerce franchisé par un groupe déjà présent dans plus de vingt communes du territoire national ou d’un entrepôt logistique destiné au commerce électronique.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cela alourdirait la procédure. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Abaisser le seuil n’est en rien une démarche de simplification, car les dossiers soumis à l’autorisation d’exploitation commerciale seront plus nombreux. Cela revient donc à imposer des contraintes supplémentaires. Dans les exemples que vous avez cités, ce qui concerne la restauration et les entrepôts ne relève pas du secteur du commerce, donc pas non plus de l’autorisation d’exploitation commerciale. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement. Le 2° de l’article 25 bis A est ainsi rédigé.

Amendement CS746 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Il vise à abaisser le seuil de superficie à partir duquel la CDAC peut se prononcer lorsque le projet est situé dans un secteur d’intervention d’une opération de revitalisation de territoire (ORT) et n’engendre pas d’artificialisation des sols.

Contre l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement. Le 3° de l’article 25 bis A est ainsi rédigé.

Amendement CS752 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Il tend à introduire l’obligation pour le maire d’une commune de moins de 50 000 habitants de soumettre au conseil municipal ou à l’organe délibérant la proposition de saisir la CDAC pour tout projet de construction d’une surface commerciale comprise entre 200 et 400 mètres carrés.

Il s’agit de renforcer le rôle de nos élus locaux : actuellement, seuls les maires des communes de moins de 20 000 habitants peuvent saisir cette commission. Les élus locaux doivent pouvoir travailler toujours mieux au service de la bifurcation écologique, de la protection des consommateurs et, surtout, du développement et du maintien des commerces de proximité, qui sont en difficulté.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Le droit en vigueur accorde déjà une souplesse bienvenue pour garantir que les CDAC exercent leur mission de manière optimale. En outre, il importe de préserver le pouvoir d’appréciation par les maires des enjeux propres à chaque projet d’ouverture de surfaces commerciales. Ramenons aux territoires ce qui doit l’être. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Premièrement, l’obligation que vous voulez imposer aux maires de communes de moins de 50 000 habitants d’examiner tout projet ne nous paraît pas pertinente ; je défends depuis très longtemps l’idée qu’il faut laisser aux élus une libre administration.

Deuxièmement, cette mesure ne va pas du tout dans le sens de la simplification de la vie économique, puisqu’elle impose une nouvelle obligation qui fragilisera peut-être des projets commerciaux et allongera la durée des procédures, alors que ces opérations ne sont aujourd’hui pas soumises à autorisation.

Enfin, des mesures de protection demeurent : la procédure dérogatoire que l’amendement souhaite étendre est possible pour des projets de création d’équipements commerciaux de 300 à 1 000 mètres carrés, qui ne sont pas soumis à autorisation d’exploitation commerciale.

Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement. Le 4° de l’article 25 bis A est ainsi rédigé.

Amendement CS1080 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Il vise à compléter les critères et paramètres pris en compte par la CDAC pour les projets de création ou d’extension de magasins de commerce de détail dont la surface de vente est supérieure à 1 000 mètres carrés, afin de lutter contre la disparition des petits commerces.

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’introduction de nouveaux critères alourdit inutilement les procédures. Il existe d’autres moyens de favoriser l’évolution et le développement des commerces de centre-ville, comme les dispositifs Action cœur de ville ou Petites Villes de demain, sur lesquels il faut s’appuyer pour recréer les commerces là où ils sont nécessaires. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Il existe déjà treize critères très divers, qui prennent en compte l’ensemble des caractéristiques ; en introduire de nouveaux alourdirait le dossier, d’autant que le vaste panel de critères existants – revitalisation du tissu commercial, animation des centres-villes, taux de vacance commerciale, offre commerciale disponible – permet de bien apprécier le dossier. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement. Le 5° de l’article 25 bis A est ainsi rédigé.

Amendement CS754 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Il vise à préciser et à modifier les conditions d’exercice par la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) de sa mission. Nous suggérons que soit interdite la modification du projet contesté durant son examen et qu’une série d’auditions soient menées avant la délibération.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet amendement alourdit encore la procédure, alors que le droit en vigueur ménage déjà la possibilité de solliciter l’avis des riverains dans le cadre de l’instruction des dossiers. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. J’ajoute que l’actuelle législation ne permet pas au porteur de projet de modifier celui-ci tel qu’il a été présenté à la CDAC et examiné par elle ; les seules modifications autorisées sont mineures. La législation prévoit aussi la présence d’un représentant de la CDAC en commission nationale, cette dernière pouvant en outre entendre toute personne qui en fait la demande. Il est important de lui laisser de la liberté. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement. Le 6° de l’article 25 bis A est ainsi rédigé.

Amendement CS1519 de M. Ian Boucard

M. le président Ian Boucard. Il a pour objet d’adapter et de simplifier l’obligation faite aux gestionnaires de parcs de stationnement de plus de 1 500 mètres carrés de s’équiper, sur au moins la moitié de leur superficie, d’ombrières intégrant un procédé de production d’énergies renouvelables, notamment lorsque des projets de végétalisation par arbre ont été engagés ou que des contraintes techniques ou économiques rendent difficile l’équipement de la moitié de la superficie du parc de stationnement.

L’amendement introduit ainsi la possibilité d’implanter des procédés mixtes d’ombrage – végétalisation par les arbres et ombrières intégrant un procédé de production d’énergies renouvelables en part majoritaire – sans pour autant modifier l’exigence globale, qui reste la couverture d’au moins la moitié du parc de stationnement par des dispositifs d’ombrage.

La conservation d’une part largement majoritaire d’ombrières – 35 % sur le total de 50 % à couvrir – permet de viser les objectifs nationaux figurant notamment dans la programmation pluriannuelle de l’énergie – que notre commission a toutefois supprimée hier… – en matière d’installations d’énergies renouvelables. Dans le même temps, selon une démarche de souplesse et de simplification pour les assujettis, on surmonte l’opposition qui existe dans la rédaction actuelle des textes entre les obligations relatives aux arbres et celles touchant les ombrières ; on valorise ainsi la complémentarité de ces procédés d’ombrage, notamment pour limiter les îlots de chaleur.

Cette mixité permet également aux assujettis de réaliser ces installations d’ombrage dans des conditions économiquement plus acceptables, comme prévu par le législateur, en ajustant, entre 35 % et 50 %, la part d’ombrières intégrant un procédé de production d’énergies renouvelables.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cette mesure complète sans doute utilement les dérogations déjà prévues dans la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite « loi Aper », et qui tiennent aux contraintes techniques et de sécurité, ainsi qu’à celles qui sont liées au patrimoine et aux paysages. Il ressort en effet des auditions que l’application peut susciter des difficultés pratiques pour les entreprises. Il faut néanmoins avancer dans ce sens. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Cet amendement facilitera le respect de l’obligation d’équipement des parkings en panneaux solaires, aujourd’hui difficile, en particulier en recourant à une production locale ou nationale. Il permettra également une mixité entre les réseaux photovoltaïques et le maintien d’arbres, accentuant ainsi fortement l’aspect environnemental de ces équipements, qui contribueront à la végétalisation urbaine – je préfère, pour ma part, les arbres aux ombrières photovoltaïques. Cette mesure permettra également aux exploitants qui, en raison des difficultés de production, peinent à s’équiper en ombrières photovoltaïques de dimensionner la pose de panneaux solaires en fonction de leurs besoins et de s’approvisionner progressivement en panneaux photovoltaïques résilients auprès d’industriels locaux, ce qui, compte tenu du volume nécessaire, n’est pas possible aujourd’hui. Avis favorable.

M. Charles Fournier (EcoS). La loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, qui prévoit la couverture des parkings, prend acte d’un compromis trouvé sur la surface à couvrir. En effet, les arbres ne produisent pas directement de l’énergie, ce qui est l’objectif initial de cette loi. Il faut certes aussi conserver les arbres, et ce n’est pas incompatible. Mais vous introduisez des arbres pour justifier la moindre couverture alors que, dans d’autres situations, vous nous expliquerez que les arbres ne doivent pas empêcher l’implantation de telle ou telle activité économique. C’est incohérent.

Madame la ministre déléguée, vous nous dites préférer les arbres aux ombrières. Pour ma part, j’aime les deux et je souhaite maintenir la proportion de 50 % de panneaux, tout en fixant une obligation de conserver les arbres partout où c’est possible. Nous voterons donc contre l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1520 de M. Ian Boucard

M. le président Ian Boucard. Cet amendement de repli a pour objet d’adapter et de simplifier, pour les assujettis, l’échéancier de l’article 40 de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables pour le rendre compatible avec un approvisionnement résilient et rentable en ombrières intégrant un procédé de production d’énergies renouvelables et, ainsi, avec les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie – que nous avons toutefois, je le répète, supprimée hier.

L’amendement permet aux assujettis détenant des parcs de stationnement de plus de 10 000 mètres carrés de mobiliser le report de délai en cas d’approvisionnement résilient qui avait été introduit par la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, mais selon un calendrier trop serré pour permettre de contractualiser avec les fournisseurs, et, ainsi, de s’équiper d’ici à début 2028. Dans le même temps, les parcs de stationnement compris entre 1 500 et 10 000 mètres carrés pourront bénéficier d’un report de calendrier, par symétrie avec ceux de plus de 10 000 mètres carrés, et, ainsi, s’équiper d’ici à début 2030 en panneaux résilients, qui seraient alors disponibles dans des volumes suffisants.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il importe de ne pas repousser indéfiniment les échéances, sous peine de retirer à la loi tout effet incitatif. De ce point de vue, le dispositif du contrat d’engagement reste aussi à préciser. Sagesse.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Cet amendement est très intéressant pour trois raisons.

Premièrement, il ne tend qu’à modifier d’environ deux ans le calendrier d’application de l’obligation d’équipements en panneaux solaires pour l’ensemble des parcs de stationnement existants de plus de 1 500 mètres carrés, mais ne prévoit aucun changement quant aux assujettis et au niveau d’équipement.

Deuxièmement, cette modification du calendrier permettra un approvisionnement en panneaux solaires résilients auprès d’industriels locaux, nationaux, qui ne sont pas encore prêts aujourd’hui. Monsieur Fournier, la mesure proposée respecte l’obligation d’équipement en la reportant de deux ans – ce qui, certes, peut paraître long, mais qui permettra de se fournir auprès d’industriels locaux.

Troisièmement, cet amendement est parfaitement compatible avec les objectifs fixés par tous les cadres applicables en matière d’énergie, notamment par la loi Aper. Le report ne modifie rien au périmètre ni aux assujettis. Il contribuera à soutenir notre économie et à l’inciter à investir dans ces filières.

La commission rejette l’amendement.

Article 25 bis (nouveau) (art. L. 303-2 du code de la construction et de l’habitation et L. 752-2 du code de commerce) : Précision du périmètre des secteurs d’intervention des opérations de revitalisation de territoire et facilitation du transfert d’autorisations d’exploitation commerciale

Amendement de suppression CS260 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). L’article 25 bis vise à encourager le développement de commerces dans les zones périphériques, notamment en étendant à ces quartiers le périmètre d’intervention des opérations de revitalisation du territoire (ORT), ce qui en dénature complètement l’objectif initial, qui était précisément de revaloriser les espaces urbanisés, c’est-à-dire des centres-villes qui, dans les milieux ruraux, connaissent une désertification croissante.

Afin d’encourager l’implantation de ces commerces, l’article prévoit par ailleurs que le transfert des surfaces de vente de magasins à l’intérieur d’un de ces nouveaux secteurs d’intervention n’est pas soumis à l’obligation d’obtention d’une autorisation d’exploitation commerciale. Loin d’être une simple mesure de simplification administrative, il aura des effets très concrets sur les commerçants des centres-villes, qui seront encore plus asphyxiés par la concurrence des zones périphériques, alors qu’en 2023 déjà, selon les chiffres de Bercy, 72 % des achats en magasin se faisaient dans ces zones commerciales.

Nous sommes tous conscients de l’importance de sauver nos centres-villes, nos quartiers et nos commerces de proximité : supprimons cet article.

M. Stéphane Travert, rapporteur. La suppression de l’article 25 bis ne se justifie pas, car cet article paraît être de nature à conforter l’efficacité des ORT et dote les collectivités territoriales d’outils très utiles pour requalifier la nature des centres-villes. Ce faisant, il complète les aménagements que le projet de loi apporte au régime de l’autorisation d’exploitation commerciale.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Premièrement, cet amendement supprime une mesure de simplification pour les porteurs de projet. Deuxièmement, l’article 25 bis permet déjà, par le dispositif de l’ORT, de simplifier les modalités d’action dans les secteurs périphériques à requalifier ou à améliorer que sont les entrées de ville et les zones commerciales. Troisièmement, le transfert d’AEC n’est autorisé que s’il contribue à l’atteinte des objectifs de l’ORT, lesquels sont définis par les collectivités ; laissons-leur cette liberté. Grâce à cette condition, le transfert est bien encadré : vos craintes ne sont pas fondées. Avis défavorable.

M. Henri Alfandari (HOR). Chers collègues, vous avez raison et tort. Un grand nombre d’urbanistes et de personnes qui travaillent dans nos collectivités considèrent qu’il faut revoir le concept de centralité, notamment dans la ruralité, car la création de nouveaux quartiers et de zones commerciales affecte la notion même de bourg. Votre conception de la centralité est beaucoup trop étriquée par rapport à la réalité des territoires. Je suis donc profondément opposé à votre amendement.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 25 bis est supprimé.

Après l’article 25 bis

Amendement CS890 de M. Charles Fournier

M. Charles Fournier (EcoS). Il tend à apporter une véritable simplification en supprimant l’obligation imposée aux entreprises de fournir une attestation d’engagement à respecter les normes. En effet, cet engagement figure déjà dans le formulaire Cerfa rempli au début de l’opération. Cet amendement a été élaboré avec la Fédération française du bâtiment.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il conviendra de mener une évaluation précise de l’impact de la suppression de ce type de document, mais il s’agit bien d’une simplification. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Ces attestations sont indispensables pour nous assurer que les règles de construction sont respectées et que la qualité des constructions est suffisante. Par ailleurs, le gouvernement a un projet de plateforme de dématérialisation de ces attestations, dont l’ouverture est prévue cette année afin de simplifier les démarches pour les acteurs et de faciliter ainsi la collecte et la valorisation des documents. Dans l’attente de sa création, je vous propose de retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.

M. Gérard Leseul (SOC). Je soutiens pleinement cet amendement de simplification. À l’heure où vous voulez supprimer les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (Ceser), supprimer un document superfétatoire par rapport au Cerfa me semble plutôt de bon sens – même si j’entends bien que nous pourrons revenir sur ces documents dans le cadre d’une simplification plus générale des Cerfa.

M. le président Ian Boucard. Vous avez raison, monsieur Leseul. Du reste, à titre personnel, je suis favorable à la suppression tant des Ceser que du document en question.

La commission adopte l’amendement. L’article 25 ter est ainsi rédigé.

Article 26 (art. L. 122-3 du code de la construction et de l’habitation) : Remplacement par une déclaration de conformité de l’autorisation préalable de travaux exigée pour les commerces de moins de 300 mètres carrés situés dans un centre commercial

Amendements de suppression CS261 de Mme Manon Meunier, CS1126 de M. Charles Fournier et CS1132 de Mme Lisa Belluco

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). L’article propose de transformer, de façon dérogatoire, le régime d’autorisation préalable de travaux en régime de déclaration préalable pour les établissements recevant du public de moins de 300 mètres carrés. Il faut donc vérifier que les établissements recevant du public sont accessibles à tous et conformes aux règles de sécurité contre l’incendie. Pour ce qui concerne l’accessibilité, vingt ans après la loi de février 2005, qui n’est malheureusement toujours pas respectée, le Conseil national consultatif des personnes handicapées émet un avis défavorable, considérant qu’il serait contraire à la loi de 2005 de déclassifier l’accessibilité et de la soumettre uniquement à une déclaration. Nous devrions consacrer des financements au respect de cette loi, au lieu de grignoter des droits d’accessibilité qui nous concernent tous.

M. Charles Fournier (EcoS). Les associations n’ont pas été consultées, ce qui est typique dans ce genre de décisions. Passer d’un régime d’autorisation à un régime déclaratif nous fait courir un risque. Ce n’est pas une simplification utile.

M. Stéphane Travert, rapporteur. La durée de la procédure d’autorisation ne semble pas sans incidence sur l’installation et l’activité des commerçants. L’article 26 vise à assouplir le régime applicable aux magasins situés dans les centres commerciaux sans remettre fondamentalement en cause les garanties offertes par le droit courant. Le seuil de 300 mètres carrés distingue les magasins et les exploitations qui peuvent ne pas faire l’objet d’une visite de réception si les rapports de vérifications techniques les concernant concluent à la conformité des locaux aux dispositions réglementaires. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Le passage d’un régime d’autorisation à un régime de déclaration contribuera à favoriser la modernisation des centres commerciaux, où le taux de vacance commerciale continue à augmenter, atteignant 16 % au 1er janvier 2025, soit une nette augmentation depuis 2020. Si les amendements sont adoptés, les commerçants concernés seront toujours assujettis aux délais administratifs et ne pourront pas ouvrir leur commerce plus rapidement, ce qui constituerait pour eux une difficulté. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS566 de M. Thomas Cazenave

M. Stéphane Travert, rapporteur. Sans mésestimer les enjeux attachés à l’application de mesures aux commerces situés hors des centres commerciaux, le besoin de simplification est identifié – j’en ai pris la mesure sur le terrain. Rien n’interdit de préciser les exigences particulières applicables aux commerces situés hors des centres commerciaux. L’amendement vise à élargir aux commerces situés dans les villes l’éligibilité au régime de déclaration de conformité aux règles d’accessibilité et de sécurité incendie.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’adoption de l’amendement modifierait l’esprit initial de l’article, qui vise certes à simplifier les procédures, mais aussi à garantir le respect des conditions générales en matière de sécurité et d’accessibilité. Le changement de régime est limité aux centres commerciaux équipés d’un système d’extinction adapté au risque incendie.

L’adoption de l’amendement nuirait au respect des règles applicables en matière d’accessibilité et de sécurité incendie par les commerces ainsi inclus dans le dispositif. Nous avons été alertés par le ministère de l’intérieur à ce sujet. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS737 de Mme Marie Lebec

Mme Marie Lebec (EPR). Il vise à étendre le régime de déclaration aux cellules commerciales de moins de 300 mètres carrés situées dans les gares, dans la mesure où elles font l’objet d’un contrôle de l’inspection générale de sécurité incendie de la SNCF, qui, consultée, est favorable à cette évolution.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis favorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis favorable. Ce très bon amendement cible les commerces situés dans les gares, omis dans l’article 26.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je ne comprends pas pourquoi étendre le régime de déclaration des commerces ne pose aucun problème dans les gares et en pose un dans les centres-villes. Je compte sur le débat en séance publique pour m’éclairer sur ce point.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 26 modifié.

Après l’article 26

Amendement CS1509 du gouvernement

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Le code de commerce institue un régime spécifique pour le contrat de gérance-mandat donnant compétence au ministre chargé des petites et moyennes entreprises (PME) pour fixer la commission minimale en l’absence d’accord. Cette procédure administrative préalable est obligatoire avant que les parties saisissent éventuellement la justice.

L’amendement vise à supprimer ce recours pour trois raisons : simplifier le règlement des litiges relatifs à la commission minimale en supprimant une procédure administrative intermédiaire qui n’a pas lieu d’être à l’échelon ministériel ; accélérer le règlement des litiges en permettant aux gérants-mandataires de recourir directement aux modes alternatifs de règlement des litiges ; réduire la charge administrative des services instructeurs.

Ce recours, tombé dans l’oubli, n’est jamais utilisé. En outre, rien ne justifie que le ministre des petites et moyennes entreprises soit saisi d’une matière dont il n’a pas nécessairement à juger.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis favorable.

M. Gérard Leseul (SOC). Si ce recours n’est jamais utilisé, en quoi embolise-t-il les services du ministère ? J’ai du mal à comprendre cette simplification, qui ne semble pas en être une.

Mme Sophie-Laurence Roy (SOC). L’article du code du commerce où figure cette disposition porte sur les relations contractuelles entre personnes privées. Je ne vois pas pourquoi il faudrait demander l’avis de l’administration sur un litige qui les oppose. Il faut adopter l’amendement pour supprimer cette disposition.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Cette procédure administrative préalable n’a pas d’utilité, mais est obligatoire en cas de désaccord sur le montant de la commission minimale pouvant être perçue par les gérants mandataires. Chacun admettra que l’on s’interroge sur la pertinence de l’intervention du ministre et de ses services dans ce domaine. Au surplus, la durée des procédures s’en trouve allongée.

La commission adopte l’amendement. L’article 26 bis A est ainsi rédigé.

Suivant l’avis du rapporteur, elle adopte l’amendement CS813 de Mme Béatrice Bellamy. L’article 26 bis B est ainsi rédigé.

Amendement CS550 de M. Ian Boucard

M. Guillaume Lepers (DR). Il vise à simplifier les démarches administratives applicables à l’ouverture et à la reprise de magasins d’optique et d’audioprothèses en introduisant un numéro d’inscription temporaire au fichier national des professions de santé (FNPS). Ces professionnels doivent attendre plusieurs mois pour obtenir l’inscription définitive, qui est obligatoire pour obtenir un identifiant. Ces délais retardent considérablement l’ouverture des commerces.

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’aménagement des conditions d’inscription au FNPS mérite une évaluation. Il conviendrait plutôt de s’attaquer aux causes du problème. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Si je souscris à l’objectif de simplification visé par l’amendement, je rappelle toutefois que les opticiens doivent en tout état de cause réaliser des démarches auprès de l’assurance maladie pour le remboursement des prestations qu’ils proposent à leurs clients. Par ailleurs, la disposition proposée, dérogatoire et provisoire, risque de rendre encore plus complexe la délivrance d’un identifiant en y ajoutant une étape. Ce sujet mérite réflexion. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement. L’article 26 bis C est ainsi rédigé.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS713 de M. Nicolas Meizonnet.

Article 26 bis (nouveau) : Possibilité de créer une licence de 4e catégorie permettant la consommation de boissons alcoolisées à consommer sur place dans les communes de moins de 3 500 habitants ne disposant pas d’un tel établissement,
pendant une durée de trois ans

Amendements de suppression CS1421 de M. Stéphane Travert et CS1221 de M. Jacques Oberti

M. Stéphane Travert, rapporteur. Notre assemblée ayant récemment adopté la proposition de loi simplifiant l’ouverture des débits de boissons en zone rurale, il convient de supprimer l’article.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’article 26 bis a été introduit par le Sénat. La proposition de loi simplifiant l’ouverture des débits de boissons en zone rurale, rapportée par Guillaume Kasbarian, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet, ne figure pas encore à l’ordre du jour du Sénat. Adopter l’article 26 bis permet de satisfaire rapidement une attente forte des territoires. Avis défavorable.

M. Gérard Leseul (SOC). Dans ces conditions, pourquoi avons-nous passé autant de temps à examiner, en commission et en séance publique, la proposition de loi de M. Kasbarian ? Cette façon de légiférer n’est ni cohérente ni sérieuse. Au nom de la cohérence, je voterai la suppression de l’article 26 bis.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Notre collègue Leseul n’a pas tort. La tripartition de l’Assemblée nationale nous contraint au régime des propositions de loi. Nous dirigeons le pays à coups de propositions de loi – à titre personnel, cela me pose problème.

Il n’en demeure pas moins que les parlementaires travaillent sur des sujets après avoir enquêté et auditionné des acteurs de terrain, élaborent des propositions de loi et en débattent en commission puis dans l’hémicycle. Sans nous opposer à l’article 26 bis, dont nous comprenons le fondement, nous considérons qu’il se juxtapose à notre travail, le privant de clarté et de cohérence.

Je ne doute pas que la proposition de loi de Guillaume Kasbarian sera examinée sans tarder par le Sénat. Au nom de la cohérence et par respect pour nos collègues ayant travaillé d’une façon ou d’une autre à ce texte, nous souhaitons supprimer l’article 26 bis.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Si l’argument fondé sur la juxtaposition de textes est recevable, le Sénat a adopté le présent projet de loi fin mai 2024, avant l’examen et l’adoption par l’Assemblée nationale de la proposition de loi de Guillaume Kasbarian. Sans mésestimer l’importance des travaux qu’il a menés, je rappelle qu’il s’agit d’une forte attente dans les territoires. Il y a tout intérêt à favoriser une entrée en vigueur rapide des dispositions de l’article 26 bis.

M. le président Ian Boucard. Il est vrai que cette mesure est attendue dans les territoires. Il est également vrai que, depuis le début de la présente législature, nous nous sommes contentés de quelques propositions de loi transpartisanes à la portée parfois limitée. Nous aimerions examiner des textes plus étoffés.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 26 bis est supprimé.

Après l’article 26 bis

Amendements identiques CS549 de M. Ian Boucard et CS802 de Mme Anne-Sophie Ronceret

Mme Anne-Sophie Ronceret (EPR). Il s’agit de permettre aux producteurs de spiritueux de vendre directement leurs produits, y compris sur les marchés, afin de supprimer une inégalité entre eux et les producteurs de vin et de bière, qui bénéficient de cette possibilité. Cette situation pénalise nos distilleries et limite leur accès à des débouchés commerciaux essentiels. Une telle mesure de simplification permettrait de réduire les inégalités entre secteurs de production tout en soutenant la compétitivité de nos distilleries.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis favorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Nous souscrivons pleinement au soutien aux producteurs. Toutefois, la disposition proposée est contraire aux politiques de lutte contre l’alcoolisme et de protection de la santé publique. Avis défavorable.

M. Hendrik Davi (EcoS). L’alcool est le premier problème de santé publique en France. Il induit 40 000 décès par an. Il est un facteur aggravant de nombreux comportements, notamment en matière de mortalité routière et de violences conjugales. J’ai d’autant plus de mal à comprendre que le gouvernement s’oppose à cet amendement au nom de la santé publique, à raison, après avoir défendu l’article 26 bis sans considération pour celle-ci.

La commission adopte les amendements. L’article 26 ter est ainsi rédigé.

L’amendement CS1253 de M. François Gernigon est retiré.

Avant l’article 27

Amendements CS1260 de M. Charles Fournier, CS1267 de M. Marc Fesneau et CS552 de M. Ian Boucard (discussion commune)

Mme Lisa Belluco (EcoS). Il s’agit de modifier l’intitulé du titre XI, dans la mesure où nous proposerons de transformer le Haut Conseil à la simplification pour les entreprises en délégation parlementaire à la simplification de la vie économique.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis défavorable. L’intitulé proposé préjuge de la position de la commission spéciale sur l’utilité d’instituer une délégation parlementaire à la simplification de la vie économique et sur la façon d’institutionnaliser une évaluation préalable des normes susceptible d’affecter les entreprises satisfaisant à l’esprit du test PME que nous souhaitons mettre en œuvre.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Le gouvernement émet un avis favorable à l’amendement CS1267, fidèle à l’esprit du projet de loi, et un avis de sagesse sur les amendements CS1260 et CS552.

La commission rejette successivement les amendements.

TITRE XI
CRÉER UN HAUT CONSEIL À LA SIMPLIFICATION POUR LES ENTREPRISES

Article 27 : Création d’un Haut Conseil à la simplification pour les entreprises

Amendements de suppression CS365 de M. Charles Alloncle, CS490 de M. Thierry Tesson, CS817 de M. Thomas Lam, CS991 de M. Charles Fournier, CS1086 de Mme Sandrine Nosbé et CS1097 de M. Emmanuel Maurel

M. Éric Michoux (UDR). L’article 27 procède d’une destruction créatrice toute schumpéterienne. Après avoir passé les trois derniers jours à supprimer de nombreux comités Théodule, nous en créons un ! Nous ne manquons pas de structures vouées à la simplification de la vie des entreprises, au premier rang desquelles les missions d’information du Parlement, le Conseil national de l’industrie (CNI) et la direction générale des entreprises (DGE).

M. Thierry Tesson (RN). Ce qui est surprenant, dans ce projet de loi complexe que nous ne sommes pas les seuls à qualifier de fourre-tout, c’est qu’il a pour mesure phare la création d’un Haut Conseil à la simplification pour les entreprises alors même que nous avons réussi à supprimer plusieurs comités et commissions depuis le début de son examen, notamment grâce à l’article 1er. La première fois que j’ai lu le texte, j’ai cru à une plaisanterie. On prétend simplifier, mais on complique !

M. Thomas Lam (HOR). Il est difficile de dire au grand public que nous simplifions la vie des entreprises si nous adoptons une disposition qui la complique.

M. Nicolas Bonnet (EcoS). Depuis que nous avons commencé à examiner le projet de loi, l’ambiance est à la simplification. Il est contradictoire, après avoir passé au crible la complexité administrative française, parfois en faisant un peu n’importe quoi, de créer une instance supplémentaire.

Au demeurant, nos débats démontrent que, en dépit de désaccords de fond, nous sommes capables de simplifier, sous réserve que ce vocable soit adéquat. Telle est notre responsabilité de parlementaires. Nous pouvons auditionner les entreprises et proposer des dispositions. Il n’est nul besoin de créer une instance pour ce faire.

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Il est contradictoire, dans un texte voué à la simplification, de créer un Haut Conseil dont la seule utilité est en outre de représenter les intérêts des grandes entreprises, tant sa composition, qui ne compte aucun représentant du monde du travail, en fait un Medef bis.

M. le président Ian Boucard. Si l’article est maintenu, je défendrai l’amendement CS553 visant à le réécrire pour inclure un représentant des salariés dans le comité test entreprises.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il est cohérent de demander la suppression du Haut Conseil à la simplification pour les entreprises s’agissant d’un projet de loi de simplification. Toutefois, ce que nous avons à faire, en échangeant avec la ministre déléguée et dans l’attente du travail que nous mènerons en séance publique, c’est définir ensemble ce que nous voulons et, pour cela, parvenir à une réécriture de compromis de l’article 27.

Je pense que personne ici ne conteste la nécessité de créer le test PME et de se doter des outils pour le mener à bien. À titre personnel, je ne suis pas favorable à la création d’un comité, qui alourdira inévitablement les procédures.

Je préférerais confier le test PME au Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), où il bénéficierait d’une structure ad hoc rassemblant l’écosystème des acteurs économiques, des chefs d’entreprise et des représentants des organisations patronales, notamment le Medef et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), aux organisations syndicales représentant les salariés, dont il importe qu’ils soient intégrés à ce dispositif, et aux chambres consulaires – chambres de commerce et d’industrie (CCI) et chambre de métiers et de l’artisanat (CMA). Cela permettrait d’être efficace sans créer une instance – ce qui n’est pas cohérent avec l’objectif visé par l’article 1er et par l’article 2 ni avec la suppression de plusieurs comités et structures.

Nous devons trouver le chemin qui nous mènera à l’instauration du test PME, qui est nécessaire et attendu par les acteurs économiques sur le terrain. Nous devons parvenir à un dispositif souple et agile inséré dans le CNEN.

J’émets un avis défavorable aux amendements pour que nous puissions y travailler.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Nous abordons une disposition importante du projet de loi. Le gouvernement soutient tout à fait la mise en œuvre d’une nouvelle méthode visant à mieux associer les entreprises, principalement les plus petites, à la création de la norme. À l’heure actuelle, l’évaluation de la norme n’est jamais confrontée à la réalité de la vie des entreprises. Aucune consultation préalable de l’entreprise n’est prévue ni mise en œuvre ; quand consultation il y a, c’est après coup, à l’heure du constat. Les études d’impact ne mesurent pas l’effet des textes sur l’entreprise, notamment les coûts directs et indirects susceptibles d’en résulter pour elle.

Une évaluation préalable me semble donc indispensable pour mesurer, évaluer et informer, afin que les décisions soient prises en parfaite connaissance de cause. Nombreux sont les pays qui se sont dotés d’un tel dispositif, qui fonctionne très bien. Le monde économique attend le test PME – sous réserve de son appellation définitive. Je salue le travail mené sur ce point par M. Olivier Rietmann, président de la délégation sénatoriale aux entreprises, avec lequel M. le rapporteur et moi-même avons encore échangé la semaine dernière.

L’article 27 a deux objectifs. D’abord, graver le test PME dans le marbre de la loi. Si le Parlement en décide autrement, je le mettrai en œuvre par voie réglementaire. Mais l’inscrire dans la loi lui donnerait la force de la durée.

Ensuite, l’article vise à assurer la présence de parlementaires au sein du Haut Conseil à la simplification pour les entreprises. Je me permets de rappeler que seule la loi peut prévoir la présence de parlementaires au sein d’une instance donnée. Si nous devons mettre en œuvre le test PME par voie réglementaire, aucun parlementaire n’y sera associé. J’appelle votre attention sur ce point.

Il est également possible, comme l’a suggéré M. le rapporteur et comme le propose également M. Olivier Rietmann, de rattacher le test PME au CNEN, présidé par Gilles Carrez, ancien député. Le CNEN fonctionne très bien. Il est saisi des textes législatifs et réglementaires ayant un impact sur les collectivités territoriales. Il peut émettre des avis favorables ou défavorables, formuler des réserves et reporter l’examen d’un texte. Le test PME s’inscrit dans une démarche analogue.

Je n’émets pas d’avis défavorable aux amendements, dans la mesure où il n’appartient pas au gouvernement de priver les parlementaires de siéger dans une instance. J’émets un avis de sagesse. Je suis disponible pour travailler, avec votre rapporteur et avec les sénateurs, à une rédaction susceptible de satisfaire autant de parlementaires que possible et dont nous pourrions débattre en séance publique.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je ne tiens pas particulièrement à ce que des parlementaires siègent au sein d’un tel organe. Grâce aux missions flash et aux missions d’information, nous sommes déjà en mesure de réaliser des travaux de simplification. Les projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) en matière économique et financière peuvent aussi servir à cet effet. À l’inverse du présent projet de loi, dont le périmètre ne permet pas de prévoir des mesures de simplification agricole – ce que je regrette –, leur champ d’application est très ouvert, pourvu qu’un accord ait été trouvé avec le gouvernement.

C’est dans le cadre de l’examen de projets de loi, de l’organisation d’auditions, du travail en commission, de l’appréhension globale des sujets que l’action des parlementaires prend tout son sens.

Je le répète, mon souhait est de construire un dispositif efficace rattaché au Conseil national d’évaluation des normes.

M. Henri Alfandari (HOR). Je suis en parfait accord avec le rapporteur. Nous sommes à la recherche du bon outil de simplification.

Le problème des tests PME est qu’il s’agit d’un contact a priori, alors que c’est normalement le rôle du gouvernement et du Parlement que de rencontrer l’ensemble des acteurs avant d’élaborer quoi que ce soit – pourquoi ne le faisons-nous pas ? La simplification, elle, passe plutôt par une action a posteriori. Il faut identifier ce qui est à simplifier, comme l’a indiqué Charles Fournier au début de l’examen de l’article 1er, et trouver le véhicule législatif permettant de le faire dans un temps rapide.

Si sommes en désaccord avec le dispositif ici proposé – je rappelle que mon groupe a déposé un amendement de suppression –, l’objectif, lui, est partagé. C’est pourquoi je suivrai l’avis du rapporteur et ne voterai finalement pas ces amendements, sachant que notre amendement CS1153 contient une proposition alternative qui me semble intéressante : créer un office parlementaire sur le modèle de l’Opecst (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques). Nous renforcerions ainsi les prérogatives du Parlement en matière de simplification normative et de contrôle, nous assurerions la transparence de nos travaux auprès du public, nous accroîtrions l’expertise des commissions compétentes et nous nous doterions d’une capacité à agir sur le plan législatif. En bout de chaîne, ce travail serait concrétisé soit par un accord avec le gouvernement dans le cadre d’un projet de loi Ddadue, soit par l’examen d’une proposition de loi ciblée lors d’une semaine transpartisane.

Nous pourrions nous fonder sur cet amendement pour réécrire cet article d’ici à l’examen du texte en séance. Il me semble qu’il existe un consensus pour nous donner les moyens d’identifier les simplifications opportunes. Il ne s’agit pas de détricoter le droit, mais d’être efficace.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Je regretterais que cet article soit supprimé, car j’avais déposé de nombreux amendements, travaillés avec l’Union des entreprises de proximité (U2P), visant à ce que les très petites sociétés soient représentées au sein du Haut Conseil.

Cela étant, je comprends les arguments formulés contre la création de cet organe. D’ailleurs, ce qu’il nous faut, ce n’est pas un « haut » conseil, un comité « supérieur » ou encore un observatoire « national » – on n’en peut plus de ces adjectifs –, mais plutôt, puisque nous faisons quelque chose d’inédit avec les tests PME, une instance nouvelle où siégeraient des représentants d’entreprises, notamment des plus petites. Ce sont elles qui connaissent la vraie vie et qui peuvent évaluer l’impact financier, social et technique des normes que nous produisons.

À cet égard, je ne crois pas que les parlementaires aient leur place dans cette instance, car nous ne pouvons pas être juge et partie. Il faudrait plutôt que nous nous interrogions sur l’empilement des textes, des amendements, des normes que nous votons à longueur de journée et qui les embêtent. Nous devons faire notre examen de conscience et, indépendamment de l’organe relatif aux tests PME, créer à l’Assemblée une commission spéciale pour évaluer les normes, les simplifier et, plus généralement, réfléchir à notre action.

M. Gérard Leseul (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés n’est pas fondamentalement opposé à la création d’un Haut Conseil, dans la mesure où sa mission serait de consulter, de discuter et de négocier.

Je m’étonne tout de même de la composition envisagée et je remercie le président d’avoir indiqué qu’elle devait absolument être revue. Si l’article devait être adopté, je vous proposerais moi-même une nouvelle rédaction d’ici à l’examen du projet de loi en séance. On réinvente l’eau chaude ! Le gouvernement a-t-il envisagé de saisir de cet objectif de simplification le Conseil économique, social et environnemental (Cese) ainsi que ses déclinaisons régionales, les Ceser ? En effet, ces instances accueillent déjà l’ensemble des organisations patronales et de salariés, de tous les statuts juridiques, de toutes les catégories d’entreprise et de tous les secteurs d’activité. Ces lieux de concertation auraient dû être consultés en amont du projet de loi. On réinvente ce qui fonctionne, sachant que vous avez supprimé ce qui existait précédemment.

Pour ma part, je préfère légiférer de manière cohérente. Nous sommes donc plutôt favorables à la suppression de l’article et, à défaut, nous soutiendrons les amendements visant à modifier la composition du Haut Conseil.

M. Sébastien Huyghe (EPR). Si vous me permettez un oxymore : simplifier, c’est compliqué. Et la politique étant souvent faite de symboles, je ne serais pas étonné que nous soyons la risée de nos concitoyens si, dans un projet de loi de simplification, nous créons un nouveau comité, alors que nous nous plaignons d’en avoir trop.

Je soutiens donc la proposition du rapporteur de réorienter un comité existant pour travailler à la simplification. De même, je suis favorable à l’idée, défendue notamment par Éric Woerth, de créer une commission ou un office au sein de notre assemblée pour travailler de manière permanente sur cette question. La simplification des normes législatives, mais aussi réglementaires, qui sont certainement les plus nombreuses, doit être une préoccupation perpétuelle du Parlement.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Je voterai évidemment ces amendements de suppression, la création d’un Haut Conseil à la simplification étant emblématique des problèmes que pose ce projet de loi.

D’abord, cette proposition montre bien l’inanité de la notion de simplification. Nous avons commencé, à l’article 1er, par supprimer des dizaines de commissions et d’instances et nous finissons, à l’article 27, par en créer une nouvelle.

Ensuite, comme beaucoup d’autres, cet article se fonde sur l’idée selon laquelle il y aurait un alignement naturel et systématique entre l’intérêt des entreprises et l’intérêt général. Dans ces conditions, le rôle de l’État serait de supprimer des normes, de fluidifier, de lever des obstacles. Or nous avons un désaccord politique et idéologique sur ce point. Nous considérons en effet que le rôle du législateur, garant de l’intérêt général, est ailleurs. Depuis lundi, nous voyons bien que pour simplifier la vie des entreprises, vous êtes obligés de revenir sur le droit de l’environnement, sur les droits des salariés, sur le devoir de vigilance ou encore sur les instances démocratiques et la concertation publique. Disons-le : il y a parfois un conflit entre les différents intérêts et il peut être nécessaire de mettre les entreprises devant leurs responsabilités. En guise d’illustration, mais les exemples sont nombreux, je vous renvoie au cas récent de Nestlé.

Je note enfin que si vous souhaitez créer un Haut Conseil pour vous assurer que nos lois ne dérangent pas trop les entreprises, vous n’avez rien proposé de pareil pour évaluer l’impact de la réforme des retraites sur la vie de millions de nos concitoyens, ni pour mesurer l’impact des zones à faibles émissions (ZFE) alors que, dans le même temps, rien n’a été fait en faveur des infrastructures de transport en commun et qu’une voiture électrique coûte 35 000 euros.

M. le président Ian Boucard. Je rappellerai simplement l’existence du Conseil d’orientation des retraites (COR), que cette commission spéciale n’a pas supprimé et qui avait fourni une étude d’impact de la réforme des retraites. Je faisais partie de ceux qui avaient voté dans le même sens que votre groupe, madame Lejeune, notamment sur le fondement de ce document.

M. Éric Michoux (UDR). C’est davantage en tant que chef d’entreprise – fonction que j’occupe toujours – que comme député que je m’exprimerai. Il y a une quinzaine d’années, lorsque j’étais président d’un mouvement d’entrepreneurs, un ministre important est venu nous demander ce qu’il devait faire pour nous simplifier la vie. Nous lui avions répondu de ne rien faire, de ne plus bouger, parce qu’à force de toujours changer les choses, on ne s’y retrouvait plus. Or, depuis quinze ans, je peux vous assurer que de nombreuses lois ont été adoptées et qu’elles n’ont pas apporté de simplification. Gardons donc le cap que nous suivons depuis trois jours et continuons de simplifier ; ce message de cohérence sera facile à faire passer auprès des entrepreneurs. Comme l’a résumé Sébastien Huyghe, simplifier, c’est compliqué, mais restons attachés à cette règle : ne recréons rien !

M. Thierry Tesson (RN). Il faut voir ce Haut Conseil à la simplification comme un aveu. C’est très français : comme le disait Georges Clemenceau, quand il y a un problème, on crée une commission. Nous avons essayé, au début de l’examen du texte, de supprimer certaines instances, sans toutefois parvenir à renoncer à toutes. L’opinion a compris que nous mourons de l’excès de règles, de contraintes, de normes. La bonne technique est donc la soustraction, plutôt que l’addition. Or, ainsi que l’ont rappelé plusieurs collègues, l’article crée un Haut Conseil alors que nous essayons d’en réduire le nombre.

Mme Louise Morel (Dem). Le groupe Les Démocrates partage nombre des préoccupations qui viennent d’être exprimées, mais ne votera pas ces amendements de suppression. Nous préférerions vous soumettre notre amendement CS1269, qui vise à revenir à la version initiale de cet article, laquelle ne prévoyait pas la création d’un Haut Conseil à la simplification, que beaucoup refusent, mais introduisait les tests PME, bien davantage souhaités. En adoptant cet amendement, nous conserverions ce second dispositif, sachant que nous pourrions évidemment continuer de travailler à la rédaction de l’article d’ici à l’examen du texte en séance.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. J’ai bien compris que si certains sont favorables aux tests PME, la création d’une nouvelle instance n’a pas votre soutien. Comme Mme Morel vient de l’indiquer, le gouvernement prévoyait initialement de confier à l’administration le soin d’évaluer les conséquences prévisibles pour les PME des projets de loi qui les concernent et d’introduire par voie réglementaire les tests, destinés à éclairer les parlementaires et les ministres dans leurs décisions.

Monsieur Alfandari, la délégation parlementaire et les tests PME sont des dispositifs différents. Le premier aide les parlementaires à évaluer, à contrôler et à décider, tandis que les tests PME sont réalisés par un panel d’entreprises à la disposition des acteurs chargés d’en présenter les résultats, sur le modèle du CNEN, qui présente des avis, mais qui confie aux associations de collectivités territoriales – l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), Départements de France et Régions de France – l’évaluation de l’impact des normes.

Monsieur Leseul, madame Brulebois, sachez que j’avais prévu de donner des avis favorables à l’élargissement de la composition du Haut Conseil.

En tout état de cause, je suis à votre disposition pour continuer de travailler sur les tests PME par voie réglementaire ou législative. Nous pouvons aussi envisager une expérimentation de deux ou trois ans pour nous assurer de la pertinence du dispositif.

Enfin, contrairement à vous, madame Lejeune, je ne crois pas que ces propositions indiquent un alignement de l’intérêt général sur l’intérêt des entreprises. Il s’agit simplement d’éclairer, d’évaluer et de communiquer des éléments aux décideurs.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 27 est supprimé et les amendements CS1259 et CS1258 de M. Charles Fournier, CS1153 de Mme Naïma Moutchou, CS553 de M. Ian Boucard, CS1269 de M. Marc Fesneau, CS1130 de Mme Lisa Belluco, CS25 de Mme Danielle Brulebois, CS450 de M. David Taupiac, CS992 de M. Charles Fournier, CS26 de Mme Danielle Brulebois, CS1220 de M. Gérard Leseul, CS993 de M. Charles Fournier, CS52 de M. Fabrice Brun, CS1219 de M. Gérard Leseul, CS226 de M. Jean Terlier, CS994 de M. Charles Fournier, CS66 de Mme Danielle Brulebois, CS1245 de Mme Olivia Grégoire, CS778 de M. Jocelyn Dessigny, CS27 de Mme Danielle Brulebois, CS411 de Mme Françoise Buffet, CS1036 de M. Sébastien Huyghe, CS28 de Mme Danielle Brulebois, CS29 de Mme Danielle Brulebois, CS30 de Mme Danielle Brulebois, CS1251 de Mme Olivia Grégoire, CS140 de Mme Danielle Brulebois, CS995 de M. Charles Fournier, CS1216 de Mme Valérie Rossi, CS996 de M. Charles Fournier, CS31 et CS82 de Mme Danielle Brulebois, et CS997 de M. Charles Fournier tombent.

Présidence de M. Gérard Leseul, vice-président de la commission spéciale

Après l’article 27

Amendement CS1087 de Mme Anne-Laure Blin

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Même avis.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Cet amendement reprend les dispositions de la proposition de loi du sénateur Duplomb visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, qui va être examinée par notre assemblée : ce n’est pas le lieu d’en discuter – d’autant qu’il n’a pas vraiment de lien avec le présent projet de loi.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS456 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet amendement important vise à renforcer la capacité de l’État à déléguer la mission de contrôle du transport de denrées périssables sous température dirigée. En effet, aucune nouvelle délégation n’a été accordée depuis 2008 et le périmètre de la mission n’a pas été précisé, exposant les ministres chargés de l’agriculture et de la défense, ainsi que leurs représentants, à des risques importants. Depuis cette date, les missions dévolues aux délégataires n’ont cessé d’évoluer, ce qui nécessite de charger des ministères supplémentaires de cette responsabilité. C’est notamment le cas du ministère de la santé, eu égard au rôle joué par le délégataire dans la logistique des vaccins contre la covid-19. Plus généralement, notons que dans l’ensemble des pays européens, c’est le ministère des transports qui est chargé de l’application de l’accord sur le transport des denrées périssables – la réglementation dite ATP. Il convient que nous l’intégrions nous aussi au dispositif compte tenu de la complexification des enjeux logistiques et en raison du renforcement de la réglementation environnementale et du rôle capital joué par la logistique de la chaîne du froid dans ce domaine.

L’amendement a donc pour objet de supprimer les procédures administratives superflues qui freinent l’exécution des missions de l’État. L’actuelle délégation a nécessité plusieurs audits réalisés par des organismes externes, ce qui a engendré des coûts non négligeables.

La chaîne du froid concerne de nombreux secteurs économiques : l’agriculture, la pharmacie, la pêche, l’alimentation, la santé, la défense, l’industrie, le commerce, la sécurité, le transport, la transition énergétique et l’environnement. En simplifiant les procédures et en faisant attribuer les missions de contrôle directement par le premier ministre au nom de l’ensemble du gouvernement, nous assurerons la pérennité de nombreux emplois liés à ces industries.

Je propose donc d’autoriser le premier ministre à confier, par arrêté, cette mission à un organisme tiers : Cemafroid. Des critères précis pour la sélection des candidats et l’attribution des délégations sont prévus, afin de pérenniser le savoir-faire de notre industrie et de garantir la compétence du partenaire sélectionné. De cette manière, nous sécuriserons juridiquement la dévolution des missions de contrôle sur la chaîne du froid.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Il s’agit effectivement d’un amendement important, déjà adopté par l’Assemblée nationale en juin 2024 lors de l’examen de l’article 13 bis du projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole. Il tend à apporter une sécurité juridique sur le statut des biens de retour, afin de nous permettre d’ouvrir plus largement à la concurrence la délégation de service public lors de son renouvellement. Cependant, un contentieux a été engagé en décembre dernier auprès du tribunal administratif de Paris au sujet, justement, de la qualification des biens de retour. Dans l’attente de l’achèvement de cette procédure, je demande le retrait de cet amendement – étant précisé qu’il faut clarifier les choses, j’en suis d’accord.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je sais qu’un contentieux est en cours, mais un flou juridique entoure la logistique de la chaîne du froid depuis 2008. Les opérateurs ont besoin d’investir et d’innover et les salariés sont dans l’expectative. Je souhaite que la France demeure une référence s’agissant des obligations relatives à la chaîne du froid, raison pour laquelle je maintiens cet amendement d’appel important.

La commission adopte l’amendement. L’article 27 bis A est ainsi rédigé.

Amendement CS341 de Mme Béatrice Piron

Mme Béatrice Piron (HOR). Cet amendement vise à adapter nos règles aux évolutions récentes en matière de biocontrôle. Depuis la loi Labbé de 2014 visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national, les jardineries ne commercialisent plus que des produits autorisés en agriculture biologique. Elles demeurent toutefois soumises à une lourde procédure d’agrément, pensée pour les produits phytopharmaceutiques et conventionnels. L’exemption que je propose simplifierait les démarches sans compromettre ni la sécurité ni la traçabilité, étant donné que les produits concernés figurent déjà sur une liste validée par le ministère de l’agriculture. Cette mesure pragmatique de modernisation administrative répondrait aux attentes des professionnels tout en maintenant nos exigences environnementales.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet amendement vise effectivement à alléger les procédures, mais je vous invite à le déposer dans le cadre d’un autre véhicule législatif, plus adapté. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. En application de la réglementation européenne, les produits de biocontrôle, qui ne sont pas nécessairement dénués de tout impact, sont assimilés à des produits phytopharmaceutiques et ne sont donc autorisés qu’à l’issue d’une évaluation complète des risques pour la santé humaine, la santé animale et l’environnement – au même titre, d’ailleurs, que les produits de synthèse. Ainsi, même si, comme le rapporteur, je comprends l’objectif de simplification ici poursuivi, j’émets un avis défavorable.

Mme Béatrice Piron (HOR). Pardonnez-moi, mais je ne comprends pas ces avis. Dans la mesure où il existe une liste des produits autorisés, pourquoi refaire la démarche à chaque ouverture d’établissement ?

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je comprends votre proposition, mais elle n’a pas de lien avec le projet de loi. Je vous engage à déposer cet amendement lorsque nous examinerons la proposition de loi visant à renforcer l’arsenal législatif face à la multiplication d’actions d’entrave à des activités agricoles, cynégétiques, d’abattage ou de commerce de produits d’origine animale. Les produits de biocontrôle seront certainement concernés par ce texte, étant donné que nous discuterons à cette occasion de la séparation des activités de vente et de conseil.

M. Éric Martineau (Dem). Les agriculteurs, eux, doivent disposer d’un Certiphyto même pour l’application de produits de biocontrôle. L’amendement soulève donc une question.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS193 de Mme Françoise Buffet

Mme Françoise Buffet (EPR). Il vise à porter la période probatoire des nouveaux associés coopérateurs d’un à trois ans, afin de leur donner le temps d’expérimenter l’ensemble de la vie coopérative.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS192 de Mme Françoise Buffet

Mme Françoise Buffet (EPR). Travaillé avec la Coopération agricole, cet amendement vise à permettre à toutes les coopératives de tenir leur assemblée générale aussi bien en présentiel que de matière dématérialisée, mais aussi par consultation écrite, afin de simplifier le fonctionnement de la vie coopérative et de la rendre plus attractive. Cet aménagement, qui avait été rendu possible lors de la crise du covid, pourrait être pérennisé.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Si j’émets un avis défavorable à cet amendement, comme au précédent, bien que je les approuve, c’est parce que le périmètre du projet de loi ne permet pas d’y inclure les questions agricoles, ce que je regrette. Il conviendra de reformuler ces propositions lors de l’examen d’un autre texte ou encore d’un projet de loi Ddadue. C’est une question de cohérence.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Comme le rapporteur, je partage l’objectif de cet amendement. La mesure qu’il contient correspond à l’évolution des technologies, du fonctionnement des organisations et des attentes des acteurs. De la même manière, M. Bolo a proposé de dématérialiser les assemblées générales des SARL, ce à quoi je suis favorable, sous réserve d’une réécriture de son amendement.

Il est vrai qu’il ne s’agit pas d’un texte agricole, mais, en tant que ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire, je défends la possibilité de soutenir des mesures qui ont trait à ces domaines. J’émets donc un avis favorable.

Présidence de M. Ian Boucard, président

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous sommes opposés à l’amendement. Le texte n’aborde pas les sujets agricoles, dont nous pourrons débattre dans des cadres plus adaptés ; néanmoins, il ne nous semble pas opportun d’autoriser les coopératives à tenir des assemblées générales exclusivement par consultation écrite. Nous pouvons entendre qu’elles puissent tenir de telles assemblées par des moyens dématérialisés et en présentiel, mais accepter que certaines d’entre elles se fassent uniquement par consultation écrite revient à ôter tout pouvoir aux agriculteurs qui y siègent de s’exprimer et de débattre correctement.

La taille de plus en plus grande des coopératives peut accroître les contraintes pesant sur l’organisation de leurs assemblées générales, mais il faut conserver des espaces de débat pour ne pas dénaturer la raison d’être de ces structures.

M. Gérard Leseul (SOC). Il conviendrait de solliciter le Conseil supérieur de la coopération, que d’aucuns voulaient supprimer, pour recueillir son avis sur cette disposition.

Madame la ministre déléguée, je souhaite que vous présentiez prochainement un texte sur l’économie sociale et solidaire.

Mme Françoise Buffet (EPR). Je le répète, l’amendement a été élaboré avec la Coopération agricole. Il promeut une disposition de facilitation administrative. Il ne porte pas sur le fond des questions agricoles, ni sur l’économie. Cette facilitation administrative est pratiquée dans d’autres domaines, comme l’immobilier.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je suis plutôt favorable au fond de l’amendement, mais ma position de rapporteur me conduisait, dans un souci de cohérence légistique lié à l’absence regrettable dans le texte d’accroche pour les sujets agricoles, à reporter l’étude de cette question à l’examen, très proche, d’autres textes relatifs à l’agriculture, notamment la proposition de loi visant à renforcer l’arsenal législatif face à la multiplication d’actions d’entrave à des activités agricoles, cynégétiques, d’abattage ou de commerce de produits d’origine animale.

Mme la ministre déléguée venant de faire une ouverture en acceptant l’amendement, je révise mon avis et m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement. Le 1° de l’article 27 bis B est ainsi rédigé.

Amendement CS194 de Mme Françoise Buffet

Mme Françoise Buffet (EPR). Son objectif est de mettre l’article L. 524‑2-1 du code rural et de la pêche maritime en conformité sémantique avec le règlement comptable relatif aux comptes annuels des coopératives du 7 mai 2021, qui remplace le terme « provision » par le mot « report ». Cet amendement a également été travaillé avec la Coopération agricole.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je suis favorable à cet amendement de mise en conformité de deux normes.

La commission adopte l’amendement. Le 2° de l’article 27 bis B est ainsi rédigé.

Amendement CS196 de Mme Françoise Buffet

Mme Françoise Buffet (EPR). Il vise à rétablir la cohérence entre les deux alinéas de l’article L. 526-9 du code rural et de la pêche maritime pour tenir compte de la possibilité pour une union, devenue associée unique d’une autre union, de bénéficier de la transmission universelle du patrimoine, au même titre qu’une coopérative.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Vous présentez l’amendement comme une mise en cohérence entre deux dispositions, mais le sujet de la transmission universelle du patrimoine d’une coopérative à une autre est important. Il faudrait effectuer une expertise juridique préalable avant de valider un tel dispositif. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS197 de Mme Françoise Buffet

Mme Françoise Buffet (EPR). L’objectif de l’amendement est de mettre l’article L. 531-1 du code rural et de la pêche maritime, qui précise les articles non applicables aux sociétés d’intérêt collectif agricole, en conformité avec la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, afin de tenir compte de la renumérotation de certains articles de celle-ci.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’avis est défavorable pour les mêmes raisons qu’au précédent amendement. Je propose de réfléchir à ces questions avec le Conseil supérieur de la coopération et je suis à votre disposition pour évoquer tous les sujets relatifs à l’économie sociale et solidaire.

M. Gérard Leseul (SOC). Je ne peux que soutenir votre suggestion : saisissons le Conseil supérieur de la coopération pour vérifier la portée de ces amendements et l’articulation entre leur philosophie, la loi de 1947 et le code rural et de la pêche maritime.

L’amendement est retiré.

L’amendement CS551 de M. Ian Boucard est retiré.

Amendement CS55 de M. Nicolas Ray

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’avis est défavorable.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. En attendant l’examen par l’Assemblée nationale, prochainement, de la proposition de loi des sénateurs Laurent Duplomb et Franck Menonville visant à lever certaines contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS342 de Mme Béatrice Piron

Mme Béatrice Piron (HOR). Les exploitants agricoles sont soumis à de nombreuses obligations de contrôle émanant de divers services de l’État. Cette lourdeur administrative engendre une charge de travail supplémentaire qui perturbe leur activité. La multiplication des contrôles à des périodes différentes de l’année accentue cette pression.

L’amendement vise à regrouper, sauf exception, l’ensemble des contrôles dans une seule journée par an. Cette mesure rationalisera les inspections, améliorera leur efficacité et limitera leur impact sur le fonctionnement des exploitations. Elle favorisera une meilleure coordination entre les services administratifs et offrira une approche plus pragmatique et moins contraignante aux agriculteurs, lesquels sont parfois sollicités jusqu’à dix jours dans l’année, soit deux semaines ouvrées.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Vous avez raison de défendre cette mesure, mais Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, a pris une circulaire limitant les contrôles à une inspection annuelle. Cette circulaire a été transmise aux préfets de manière à rationaliser l’ensemble des contrôles. Il s’agit d’une réponse aux nombreuses manifestations agricoles qui se sont déroulées dans l’ensemble du pays. L’amendement est ainsi satisfait par l’action du gouvernement.

L’amendement est retiré.

Article 27 bis (nouveau) (art. 446-1 du code de l’énergie) : Rapport sur l’impact sur les entreprises de la transposition de la directive dite « CSRD » sur le reporting de durabilité

Amendements de suppression CS563 de M. Stéphane Travert et CS1103 de Mme Julie Ozenne

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’article 27 bis demande au gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les impacts de l’application de l’ordonnance du 6 décembre 2023 relative à la publication et à la certification d’informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement d’entreprise des sociétés commerciales.

Dans un contexte mouvant et d’entrée en vigueur progressive du dispositif actuel, le rapport ne contribuerait pas utilement à l’information du Parlement et ne participerait pas à la simplification de la vie économique, objet du présent projet de loi.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 27 bis est supprimé et l’amendement CS998 de M. Charles Fournier tombe.

Après l’article 27 bis

Amendement CS405 de Mme Louise Morel

Mme Louise Morel (Dem). Il s’agit d’un amendement d’appel. Nous débattons depuis plusieurs jours de la simplification de la vie économique, mais, au-delà des obligations administratives, les changements réguliers des normes législatives et réglementaires suscitent l’agacement des chefs d’entreprise, car ils les font vivre dans une incertitude permanente et dans la crainte de ne pas respecter les règles.

Je me suis rendue il y a quelques semaines dans une chocolaterie familiale située à Wolxheim, dans la circonscription où je suis élue. Ses responsables m’ont interpellée à propos des ajustements permanents auxquels ils doivent procéder sur les étiquetages de produits : ils ont plus que doublé au cours des dix dernières années et concernent désormais les allergènes, l’éventuelle présence d’alcool, la qualité nutritionnelle, les avertissements sur la consommation de produits comprenant tel ou tel composant, etc.

Ces informations sont toutes importantes, mais il est de notre responsabilité de veiller à ce que les règles ne soient pas modifiées en permanence. Voilà pourquoi je propose, à défaut d’une autre accroche dans le texte, la remise d’un rapport sur les effets d’un gel réglementaire sur la productivité et la compétitivité des PME. Il évaluera également les contraintes à prendre en compte pour assurer un équilibre entre stabilité et adaptabilité.

M. le président Ian Boucard. Nous abordons la série d’amendements visant à demander au gouvernement de remettre un rapport au Parlement. Ceux-ci ont été regroupés à la fin du texte. Madame la ministre déléguée et monsieur le rapporteur, je vais vous demander un avis global sur l’ensemble des demandes de rapport.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je vous propose un nouveau concept, celui de la sagesse défavorable. Les demandes de rapport s’adressent au gouvernement, donc c’est à lui de nous renseigner sur sa capacité à rendre les rapports et sur l’utilité de ceux-ci.

Mon expérience m’a appris que les parlementaires ne lisaient pas les rapports qu’ils avaient demandés au gouvernement. Pourtant, ces rapports sont parfois intéressants et éclairants. Si vous nous donniez l’assurance que les rapports seront lus et analysés, nous pourrions revoir notre jugement. Comme je ne suis pas persuadé de la possibilité d’un tel engagement, je maintiens un avis défavorable sur l’ensemble des demandes de rapport.

M. le président Ian Boucard. Il y a trente-cinq demandes de rapport.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. J’entends, madame Morel, votre préoccupation concernant la productivité des PME, mais vous avez bien précisé que vous ne demandiez un rapport que par défaut d’une autre accroche dans le texte.

Il n’est pas possible de donner un avis favorable à trente-cinq demandes de rapport, même si chaque sujet est digne d’intérêt. La rédaction de ces rapports nécessiterait une masse de travail que nous préférons utiliser pour répondre à d’autres attentes. Le gouvernement reste à votre disposition. Sollicitez les rapporteurs spéciaux des projets de loi de finances pour qu’ils adressent des questionnaires aux membres du gouvernement : mon expérience de parlementaire m’a montré que cette voie permettait d’obtenir des réponses.

L’avis est défavorable sur l’ensemble des amendements demandant un rapport.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur et de la ministre déléguée, la commission rejette l’amendement CS593 de M. Pierre Meurin.

Amendement CS367 de M. Charles Alloncle

M. Éric Michoux (UDR). L’administration peut transmettre avec autant de retard qu’elle le souhaite des informations aux entreprises et aux citoyens, mais les entreprises peuvent être sanctionnées si elles s’accordent les mêmes largesses. Le rapport que nous demandons porte sur l’impact économique des retards de l’administration dans le traitement des demandes des entreprises et des citoyens.

Suivant l’avis du rapporteur et de la ministre déléguée, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS819 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). Cet amendement d’appel m’offre l’occasion de poser une question. Des entrepreneurs m’ont signalé que les méthodes de calcul des équivalents temps plein (ETP) annuels différaient d’une administration à l’autre. Cela pose des problèmes pour l’appréhension des seuils, notamment ceux de 50 ou de 11 salariés.

Serait-il possible d’harmoniser les méthodes de calcul afin de clarifier la situation aux yeux des entrepreneurs et d’appliquer au mieux les règles liées au nombre d’ETP ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je vous suggère de poser une question écrite, moyen plus pertinent qu’un rapport d’obtenir une réponse sur un sujet aussi précis.

L’amendement est retiré.

L’amendement CS458 de M. Stéphane Travert, rapporteur, est retiré.

Amendement CS38 de Mme Danielle Brulebois

Mme Danielle Brulebois (EPR). Je partage votre constat : les armoires de l’Assemblée nationale débordent de rapports qui ne sont pas toujours utiles.

Mon amendement d’appel vise à rappeler au gouvernement son engagement de déploiement d’une plateforme de facturation électronique pour les petites entreprises. Les 3,7 millions de petites structures de proximité attendent beaucoup de cet outil, que doit développer la direction générale des finances publiques.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur et de la ministre déléguée, la commission rejette l’amendement CS53 de M. Fabrice Brun.

Amendement CS364 de M. Charles Alloncle

M. Éric Michoux (UDR). Après la « sagesse défavorable » et les rapports non lus du rapporteur, il conviendrait d’inventer la notion de rapports lus pour s’assurer de l’utilité des rapports commandés.

La simplification passe par la disparition d’un nombre très élevé d’agences, mais il faudrait disposer d’un rapport étudiant leur état avant leur suppression.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS332 de M. Matthias Renault

M. Matthias Renault (RN). Le rapport demandé porte sur les économies générées par la suppression de soixante-neuf opérateurs. Je pensais que les amendements visant à supprimer des opérateurs seraient déclarés irrecevables, mais ce n’est pas le cas, ce dont je me réjouis. Nous déposerons soixante-neuf amendements en séance publique pour supprimer des opérateurs sans demander de rapport sur la question.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur et de la ministre déléguée, la commission rejette successivement les amendements CS363, CS366 et CS369 de M. Charles Alloncle et CS373 de M. Éric Michoux.

Les amendements CS1356 et CS934 de Mme Lisa Belluco et CS54 de Mme Danielle Brulebois sont successivement retirés.

Amendement CS252 de Mme Louise Morel

Mme Louise Morel (Dem). Je crois à l’utilité de ce rapport, que je lirai si mes collègues adoptent l’amendement ! Il porte sur la simplification et l’harmonisation des règles relatives à l’installation de panneaux photovoltaïques dans les collectivités territoriales.

J’ai échangé avec des acteurs de la transition énergétique dans la circonscription où je suis élue et il apparaît que chaque commune dispose de ses propres règles. Une harmonisation est nécessaire. Elle entraînerait une simplification que le projet de loi ne prévoit pas, d’où le besoin de disposer d’un rapport sur le sujet pour connaître la position du gouvernement. Il faut que les entreprises qui opèrent dans différentes communes rurales n’aient que le même dossier à remplir et non un dossier différent par commune.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Là aussi, le dépôt d’une question écrite me paraît opportun.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je m’intéresse aux travaux des uns et des autres et il me semble que vous avez déjà étudié la question dans une mission d’information et à l’occasion d’une proposition de loi déposée lors de la précédente législature. Peut-être faudrait-il élaborer un nouveau texte pour harmoniser les règles.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS584 de M. Pierre Meurin

M. Thierry Tesson (RN). Les rapports forment une paperasse qui n’est en effet pas toujours lue, mais il faut comprendre ces demandes de rapport comme une manœuvre désespérée pour demander au gouvernement de rendre compte et de prouver l’utilité de certaines de ses décisions.

Suivant l’avis du rapporteur et de la ministre déléguée, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS692 de M. Robert Le Bourgeois

M. Robert Le Bourgeois (RN). J’insiste sur la nécessité du rapport que je demande. Il entend questionner l’efficacité des éco-organismes. La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite « loi Agec ») a imposé de nouvelles contraintes bureaucratiques. L’efficacité de certains éco-organismes n’est pas toujours démontrée, cette situation suscitant une certaine colère chez les professionnels, notamment les boulangers.

La loi Agec et les principes de la REP (responsabilité élargie des producteurs) ont établi des bonus et des malus. Citeo n’applique que des malus et jamais de bonus. Il y a lieu d’interroger le fonctionnement des éco-organismes.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Un bilan final sera dressé en 2026 et rendu public. Par ailleurs, les inspections générales des ministères chargés de l’environnement, des finances et de l’industrie ont produit un rapport commun et public sur le sujet l’été dernier. Nous disposons donc d’un rapport récent et nous en aurons un nouveau l’année prochaine.

M. Robert Le Bourgeois (RN). Je vous remercie pour votre réponse et pour l’annonce de la réalisation d’un bilan en 2026.

L’amendement est retiré.

Amendement CS896 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous demandons un rapport dressant un état des lieux de l’exécution des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité, notamment leur taux d’application, puis avançant des propositions d’amélioration.

Le projet de loi que nous examinons contient de nombreuses mesures qui diminueront l’effectivité, déjà faible, des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité, comme la destruction d’espèces protégées. Un éclairage est nécessaire sur la question. Dans le dispositif « éviter, réduire, compenser » (ERC), les deux premiers termes ne donnent lieu à pratiquement aucune action, donc on ne fait que compenser les atteintes à une espèce protégée. Dans un tel contexte, le minimum est de s’assurer que les mesures de compensation sont adaptées et réellement déployées.

Une étude récente du Muséum national d’histoire naturelle a montré que seules un tiers des mesures de compensation étaient exécutées. En outre, les opérations de renaturation ont lieu sur des terrains peu dégradés, donc le gain est très faible pour la biodiversité. En France, seuls un habitat sur cinq et une espèce sur quatre sont considérés en bon état de conservation. Il faut absolument agir et, pour cela, nous avons besoin d’un éclairage sur l’exécution des mesures compensatoires dans notre pays.

Suivant l’avis du rapporteur et de la ministre déléguée, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS974 de M. Charles Fournier

Mme Lisa Belluco (EcoS). Le rapport demandé a pour objet d’étudier l’opportunité et les modalités de lancement d’un débat démocratique sur les projets d’extraction minière en France. Nous sommes tous conscients de la nécessité de relocaliser une partie de la production industrielle dans notre pays, mais ce mouvement doit être démocratique et ouvert. Nous proposons d’organiser un grand débat sur l’ouverture de mines.

Suivant l’avis du rapporteur et de la ministre déléguée, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur et de la ministre déléguée, la commission rejette l’amendement CS1275 de Mme Louise Morel.

Amendements identiques CS825 de M. René Pilato et CS913 de M. Charles Fournier

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous souhaitons qu’un rapport soit remis au Parlement sur l’opportunité d’actualiser et de modifier la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, afin d’y intégrer les enjeux liés à l’économie circulaire.

Suivant l’avis du rapporteur et de la ministre déléguée, la commission rejette les amendements.

Amendement CS844 de M. Éric Michoux

M. Éric Michoux (UDR). Le rapport demandé vise à nous éclairer sur l’activité de plus de 300 commissions et instances placées directement auprès du premier ministre ou des ministres. Ces structures se réunissent parfois, mais il arrive qu’elles ne siègent jamais, notamment parce qu’il existe des doublons. Nous souhaiterions disposer d’un état des lieux et d’un diagnostic sur l’utilité de ces 300 commissions et instances différentes.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Dans le jaune budgétaire, annexé à chaque projet de loi de finances, vous trouverez la liste des commissions et des instances consultatives ainsi que le nombre de réunions tenues et le coût de ces structures. Je vous invite à consulter ce document annuel très intéressant.

Suivant l’avis du rapporteur et de la ministre déléguée, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur et de la ministre déléguée, la commission rejette l’amendement CS1173 de M. Charles Alloncle.

TITRE XII
DISPOSITIONS DIVERSES

Article 28 (art. L. 213-6 et L. 532-6-1 du code de l’organisation judiciaire, art. L. 233-1, L. 233-2 [nouveau] et L. 641-1 du code des procédures civiles d’exécution) : Office du juge de l’exécution en matière de saisie-vente de droits incorporels

Amendement CS1515 du gouvernement

M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification. Il a pour objectif de permettre le transfert de plein droit des procédures de contestation au juge de l’exécution.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 28 modifié.

Article 28 bis (nouveau) (art. 156 et 157 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité) : Généralisation de l’expérimentation permettant aux communes et EPCI de faire appel à des prestataires extérieurs pour leurs opérations de recensement de la population

Amendement de suppression CS1420 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. La pérennisation de la possibilité ouverte aux communes ou, le cas échéant, aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de recourir à un opérateur économique pour la réalisation des opérations de recensement a été permise par décret. Je rappelle que La Poste a été retenue comme opérateur.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 28 bis est supprimé.

Article 29 (nouveau) (art. L. 124-2 du code de la construction et de l’habitation) : Correction d’une erreur matérielle lors de la réécriture par ordonnance du code de la construction et de l’habitation

La commission adopte l’article 29 non modifié.

Amendement CS900 de M. Robert Le Bourgeois

M. Robert Le Bourgeois (RN). L’instabilité des codes douaniers, qui peuvent être changés arbitrairement par les agents des douanes, est chronophage pour les entreprises importatrices ou exportatrices. L’État doit veiller à leur stabilité.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je comprends votre préoccupation, mais une telle disposition ne relève pas de ce texte. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS1, CS457 et CS474 de M. Nicolas Ray (discussion commune)

M. Stéphane Travert, rapporteur. Même avis, pour la même raison.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS637 de M. Jocelyn Dessigny.

Amendement CS691 de M. Robert Le Bourgeois

M. Robert Le Bourgeois (RN). Il vise à supprimer la taxe de 0,0079 euro imposée aux commerces de bouche, contraints à un reporting chronophage et à un travail administratif inutile.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je rappelle qu’il ne s’agit pas d’une taxe, mais d’une écocontribution. Appelons un chat un chat.

Les fédérations de boulangers nous ont alertés à ce sujet, mais plutôt que de voter quelques petits amendements sectoriels, nous avons besoin de mener une réflexion sur l’ensemble du périmètre.

Avis défavorable.

M. Laurent Marcangeli, ministre. J’ai suivi, comme tous ici, les revendications de cette profession, mais il faut prendre en compte le cadre juridique global des emballages, notamment le règlement européen relatif aux emballages et aux déchets d’emballage et la charte de l’environnement de 2005. Cet amendement pourrait en outre être qualifié de cavalier législatif.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS987, CS984 et CS986 de M. Charles Fournier

Mme Lisa Belluco (EcoS). Les amendements CS987 et CS986 visent à simplifier la mise sur le marché de produits issus de l’économie circulaire.

Quant à l’amendement CS984, il vise à simplifier le recours au bonus réparation pour en étendre l’utilisation et favoriser là encore l’économie circulaire.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je comprends le sens de vos amendements, mais, là aussi, nous devons avoir une discussion plus large sur les écocontributions.

Avis défavorable.

M. Nicolas Bonnet (EcoS). Quand pourrons-nous avoir cette discussion ? Pour l’agriculture, nous avons la perspective de la proposition de loi Duplomb, mais nous n’en avons aucune pour l’économie circulaire.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Le but est de trouver l’équilibre entre la simplification des obligations des acteurs du réemploi et le maintien d’un financement suffisant pour les filières. C’est l’ambition de ma collègue Agnès Pannier-Runacher. Ces amendements n’ont donc pas leur place dans ce texte.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS1435 du gouvernement

M. Laurent Marcangeli, ministre. L’objet de cet amendement est de supprimer un doublon créant pour les opérateurs de téléphonie une charge administrative supplémentaire inutile en matière d’indicateurs de données environnementales.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement. L’article 30 est ainsi rédigé.

La commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

En conséquence, la commission spéciale vous demande d’adopter le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, de simplification de la vie économique (n° 481 rect.) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.


([1])  La composition de cette commission spéciale figure au verso de la présente page.