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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er avril 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 1046),
DE M. FRÉDÉRIC VALLETOUX,
relatif à la mise en œuvre du Protocole de l’Organisation mondiale de la Santé
pour « lutter contre le commerce illicite de tabac »,
PAR M. Frédéric VALLETOUX,
Député
La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; M. Laurent MAZAURY, Mmes Manon BOUQUIN, Nathalie OZIOL M. Thierry SOTHER, vice-présidents ; MM. Benoît BITEAU, Maxime MICHELET, secrétaires ; MM. Gabriel AMARD, David AMIEL, Philippe BALLARD, Karim BENBRAHIM, Guillaume BIGOT, Christophe BLANCHET, Nicolas BONNET, Mmes Céline CALVEZ, Colette CAPDEVIELLE, M. François-Xavier CECCOLI, Mmes Sophia CHIKIROU, Nathalie COLIN-OESTERLÉ, MM. Julien DIVE, Nicolas DRAGON, Michel HERBILLON, Mme Mathilde HIGNET, M. Sébastien HUYGHE, Mmes Sylvie JOSSERAND, Marietta KARAMANLI, M. Bastien LACHAUD, Mme Hélène LAPORTE, M. Michel LAUZZANA, Mme Constance LE GRIP, MM. Alexandre LOUBET, Mathieu MARCHIO, Patrice MARTIN, Emmanuel MAUREL, Mmes Yaël MENACHÉ, Danièle OBONO, M. Frédéric PETIT, Mme Anna PIC, M. Pierre PRIBETICH, Mme Isabelle RAUCH, MM. Alexandre SABATOU, Charles SITZENSTUHL, Mmes Michèle TABAROT, Sophie TAILLÉ‑POLIAN, Liliana TANGUY, Sabine THILLAYE, M. Frédéric VALLETOUX, Mme Estelle YOUSSOUFFA.
SOMMAIRE
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Pages
A. la politique française de lutte contre le tabac
1. Les lois de 1976 et de 1991 : les premières mesures légales contre le tabagisme
3. La politique fiscale comme instrument de régulation de la consommation de tabac
B. les avancées apportées par les engagements internationaux et multilatéraux
1. La Convention‑cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (2003)
2. Le protocole de l’OMS (2012)
C. la question du tabac a évoluÉ d’un sujet fiscal À une question de santé publique
1. L’achèvement du marché intérieur a permis de favoriser des mesures d’harmonisation fiscale
1. La consommation transfrontalière met en lumière le besoin de réviser les normes fiscales
3. Des actions complémentaires à la mise en œuvre du protocole sont possibles
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION
PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION
La lutte contre le tabagisme est une politique publique prioritaire des autorités françaises. Avec le Plan Cancer lancé en 2003 par le président Jacques Chirac, la France a réalisé une prise de conscience de l’impact du tabac en termes de santé publique.
Notre pays s’est donc donné les moyens de lutter contre un fléau sanitaire et économique à travers différents plans ces vingt dernières années et, surtout, à travers l’usage d’une fiscalité incitative qui rende le tabac moins désirable. Cette politique a produit des résultats certains en termes de baisse de la consommation de tabac.
Cependant, l’ampleur du commerce parallèle, qui recouvre plusieurs réalités, rend cette politique moins efficace qu’attendue et nécessite de nouvelles mesures fortes, et plus spécifiquement l’application pleine et entière du protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) afin de tarir les flux.
Cet objectif est d’autant plus important que, malgré les résultats positifs incontestables des politiques de prévention, le tabac reste la première cause de mortalité prématurée évitable en France avec 75 000 décès par an, soit 200 décès par jour. Il est ainsi responsable de 44 000 décès par cancer, 8 000 par insuffisance respiratoire et 18 000 par maladies cardiovasculaires.
En sus du coût humain, le tabac engendre également un coût pour nos finances publiques. Selon un rapport de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies de juillet 2023, le coût du tabac sur nos dépenses sociales est évalué à plus de 1,6 milliard d’euros par an et constitue un coût social annuel de 156 milliards d’euros.
L’ampleur persistante du marché parallèle constitue par ailleurs un enjeu capital sur le plan fiscal puisqu’il porte préjudice aux intérêts de notre pays. En plus du coût humain et du poids sur nos finances sociales, le marché parallèle engendre un manque à gagner pour l’État d’environ 3 milliards d’euros et crée une concurrence déloyale pour nos buralistes, souvent le seul acteur de proximité dans nos territoires ruraux.
L’application du protocole de l’OMS afin d’assurer notamment une traçabilité du tabac et mettre en place des quotas de livraison afin de lutter contre le surapprovisionnement des pays voisins de la France, organisé par les cigarettiers eux-mêmes pour contourner nos législations, doit donc être priorité.
L’Union européenne, devra dans ce cadre prendre toute sa part dans le dispositif à la fois dans sa mise en œuvre mais aussi dans la révision de sa législation fiscale.
PREMIÈRE PARTIE : la politique de lutte contre le tabac répond à des objectifs de santé publique et de fiscalité
A. la politique française de lutte contre le tabac
1. Les lois de 1976 et de 1991 : les premières mesures légales contre le tabagisme
« Le tabac tue. » Cette vérité scientifique aujourd’hui incontestée, et appuyée par de multiples études, n’a pas toujours été admise dans l’espace public. Les militaires recevaient ainsi des cartouches de cigarettes gratuites, le « tabac de troupe », dans le but avoué de remonter le moral des soldats à l’occasion des conflits.
Pourtant, dès les années 1940‑1950, parce qu’elles ont mené des études sur les effets de la nicotine, les industries de fabricants de tabac n’ignorent pas les effets nocifs des produits qu’elles vendent.
Le lien entre tabac et cancer du poumon, pour ne prendre qu’un exemple de maladie causée par l’absorption de nicotine, est prouvé scientifiquement par une étude menée par le Medical Research institute (MRI), l’équivalent britannique de l’Institut national de la recherche et de la santé médicale (INSERM).
L’étude est lancée en 1947 sous l’égide du professeur Austin Bradford Hill qui s’adjoint les services du médecin Richard Doll pour étudier les statistiques médicales à la London School of Hygiene and Tropical Medicine. Leurs conclusions publiées en 1950 ne font pas mystère du lien de causalité.
Face au scepticisme rencontré, notamment dans la communauté médicale qui estime que le lien de causalité n’est pas évident, les deux médecins prolongent leur étude initiale par une nouvelle étude en 1951 de large ampleur. Les résultats publiés en 1954 dans le British Medical Journal illustrent alors de façon incontestable le lien de causalité. Ils prouvent en 1956 que les pathologies générées par le tabac dépassent le seul cancer du poumon. Le gouvernement britannique, l’un des premiers à le faire, reconnaît alors en 1957 le lien désormais incontestable entre tabac et cancer du poumon.
Cette reconnaissance par les autorités étatiques des effets nocifs du tabac va très rapidement être admise par l’ensemble de la communauté internationale grâce à la multiplication du nombre d’études documentant les effets négatifs de la consommation de tabac.
La décision d’agir contre le tabac n’allait pas de soi pour les autorités françaises. Les années 1940 avaient été caractérisées par la pénurie du fait de la Seconde guerre mondiale et du rationnement qui s’est poursuivi après la guerre jusqu’à la fin des années 1940. La consommation nationale de tabac se met à progresser fortement passant de 62 000 à 102 000 tonnes entre 1950 et 1976.
C’est le Service d’exploitation industrielle des tabacs et des allumettes (SEITA), service du ministère de l’économie et des finances puis établissement public à vocation industrielle et commerciale, qui encourage et encadre la croissance d’un marché monopolistique à l’abri de toute concurrence.
Par le biais de la fiscalité, le marché du tabac contribue de façon non négligeable au budget de l’État. La part du tabac dans les recettes de l’État oscille alors entre 4 et 5 % dans les années 1950, 4 % dans la décennie suivante puis 3 % à compter des années 1970.
La première mesure légale française de lutte contre le tabagisme s’incarne dans la loi Veil du 9 juillet 1976. Il s’agit du premier grand texte visant explicitement à lutter contre les méfaits du tabagisme. Elle fait suite aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé et aux vœux de l’Académie de médecine de 1972. Avec vingt années de retard sur la science, la loi intervient enfin sur le marché des tabacs.
La loi s’attaque principalement à la publicité, prévoit des interdictions de fumer dans certains lieux à usage collectif et impose l’inscription de la mention « Abus dangereux » sur les paquets de cigarettes. La loi impose également aux fabricants de mentionner la composition du produit vendu, et donc sa dangerosité. Il convient toutefois de noter que l’adoption de ce texte est survenue onze ans après que les États-Unis ont apposé des avertissements de santé sur les paquets en 1965. Cette loi a permis de stabiliser la consommation de tabac jusque-là en augmentation.
Au niveau européen, la réflexion fait également son chemin puis les institutions européennes, au cours des années 1970 et 1980, agissent à leur tour contre le tabagisme à travers des propositions, résolutions ([1]) et directives sur le sujet.
La lutte contre le tabagisme s’incarne aussi à travers les mobilisations de la société civile à l’image du Comité national contre le tabagisme (CNCT), reconnu d’utilité collective par décret en mars 1977 alors que la Loi Veil entre en vigueur (1er juillet 1977).
Les effets de la loi et des organisations civiles produisent leurs effets comme l’illustre un sondage de la SOFRES (1976) selon lequel 59 % des Français considèrent la campagne antitabac « très nécessaire ». Et les répercussions sur le nombre de fumeurs sont concrètes : la proportion de fumeurs masculins passe de 76 % à 42 % entre 1967 et 1991 ([2]). Du côté du public féminin, le succès est moins patent, la proportion de fumeuses passant de 32 % à 35 % sur les mêmes dates.
Un nouveau temps de la politique publique anti tabagique survient à la fin des années 1980. Le chef du service de pneumologie de l’hôpital Saint-Louis Albert Hirsch remet à la ministre déléguée à la santé Michèle Barzach un rapport dont les conclusions sont reprises dans la presse. Le tabac est considéré comme responsable de la mort de 53 000 Français soit 10 % des décès recensés cette année-là.
Le rapport du professeur est implacable, il dénonce ainsi un « désastre sanitaire et social ». De plus, il indique que « l’État doit prioritairement se préoccuper du maintien de la santé des citoyens ». La thématique du tabagisme passif commence, par ailleurs, à devenir un sujet du débat public.
Au début de l’année 1989, le ministre de la santé Claude Evin missionne un groupe de médecins pour rédiger des propositions concernant la lutte contre le tabac et l’alcool. En dépit d’un immense lobbying, notamment via l’Amicale parlementaire Tabac, un projet de loi est déposé par le gouvernement dont l’exposé des motifs annonce un tournant de politique publique en faveur d’une approche plus radicale : « Ne pas fumer est la norme, fumer ne peut être que dérogatoire à cette norme et délimité dans des conditions précises. »
La loi Evin entrée en vigueur en 1991 complète et vient modifier certaines des dispositions de la loi Veil. Elle modifie considérablement la norme sociale en matière de tabagisme et provoque une baisse de la consommation de tabac. Le dispositif législatif est ainsi étoffé :
L’intérêt porté aux conséquences économiques et sociales du tabagisme pour la collectivité a légitimé le durcissement législatif permis par la loi de 1991. Ainsi, le directeur de recherche socio-économique à l’École nationale des Ponts et Chaussées Michel Le Net évalue ainsi en 1994 le coût du tabagisme pour la seule année 1990 à 138 milliards de francs. Une nouvelle étude publiée en 1997 évoque un coût social de 65 milliards de francs pour cette année-là.
Les effets de la loi Evin sont notables puisque la consommation de tabac entre 1991 et 2008 passe de 98 000 tonnes à 55.000 tonnes. L’inflation très forte de 1991 en est également responsable. Le tabac est d’ailleurs retiré de l’indice du prix à la consommation en 1991.
Pendant longtemps l’État a pratiqué une politique publique schizophrénique en matière de tabac : la SEITA, sous l’égide du ministère de l’économie et des finances, a été encouragée à prospérer pour accroître les recettes fiscales quand dans le même temps, le ministère de la santé mettait en œuvre de mesures visant restreindre la consommation du produit en raison de son coût social. La privatisation de l’organisme de la SEITA, en 1995, met fin à cette situation contradictoire faisant basculer pleinement la politique publique vers la lutte contre le tabagisme.
2. La lutte contre le tabagisme devient un impératif de santé publique : Plans Cancer et Programmes nationaux de lutte contre le tabac
Le Président de la République Jacques Chirac fait de la lutte contre le tabagisme un impératif politique à décliner en programme à partir de 2003 lorsqu’il annonce un Plan Cancer déclarant « la guerre au tabac » à l’occasion de la semaine nationale de lutte contre le cancer.
Le premier Plan Cancer couvre la période 2003‑2007 et voit la création d’un Institut national du cancer (INCa). Ce premier plan marque le début des hausses répétées du prix du tabac (+42 % entre 2002 et 2004) pour en dissuader l’accès.
Une loi de santé publique voit le jour en 2004 avec deux objectifs spécifiquement liés au tabac. Il s’agit d’une part d’abaisser le nombre de fumeurs quotidiens (en particulier chez les jeunes et les catégories sociales à forte prévalence) et d’autre part de réduire le tabagisme passif dans les lieux de loisir et l’environnement professionnel (tout en le faisant disparaître totalement dans les établissements scolaires).
Un Plan Cancer II est mis en place pour la période 2009‑2013 avec de nouvelles mesures tels que l’apposition des avertissements sanitaires illustrés sur les paquets de cigarettes (arrêté du 15 avril 2010), le renforcement de la politique d’aide au sevrage tabagique (augmentation des montants de remboursement des substituts nicotiniques) et le renforcement de la protection des mineurs face au tabagisme avec l’extension de l’interdiction de vente aux moins de 18 ans en 2009 (contre moins de 16 ans précédemment). Un troisième plan Cancer sera également mis en place pour la période 2014‑2019.
À partir de 2014, des programmes de campagnes publiques dédiés à la lutte contre le tabagisme voient le jour sous la forme du Programme national de réduction du tabagisme (PNLT). Le premier (2014‑2019) vise à faire baisser la proportion de fumeurs de 10 % en 5 ans et s’articule autour de trois priorités : protéger les jeunes et éviter l’entrée dans le tabac, aider les fumeurs à s’arrêter et agir sur l’économie du tabac.
Le programme national de lutte contre le tabac couvrant la période 2018‑2022 amplifie les mesures du précédent visant à protéger prioritairement les jeunes et à lutter contre les inégalités sociales en soutenant les personnes les plus vulnérables.
Les objectifs sont :
Outre l’interdiction de fumer dans tous les lieux fermés et couverts recevant du public depuis le 1er janvier 2007, de nouvelles mesures ont vu le jour. Ainsi, depuis avril 2011 des visuels choc (photos en couleur) figurent sur les paquets de tabac pour avertir sur les conséquences de sa consommation. Depuis 2016, des avertissements sanitaires sont apposés sur les paquets (avec obligation de photographie depuis 2016). Enfin, ces derniers doivent être vendus dans un paquet neutre depuis le 1er janvier 2017.
3. La politique fiscale comme instrument de régulation de la consommation de tabac
Avant de constituer un fléau sanitaire et social, le tabac a été à ses origines un produit de taxation privilégié par l’État lui permettant d’abonder son budget en générant des recettes. En effet, la vente au détail des produits de tabac fait l’objet d’un monopole détenu par la puissance publique.
L’origine de ce monopole se trouve dans l’idée qu’il s’agit d’un « vice », pour reprendre les mots du chimiste Jean-Augustin Barral – dont il convient de limiter la consommation. Si la fabrication de produits de tabac manufacturés ne ressort plus uniquement de l’État, il en garde le monopole s’agissant de la vente au détail, en confiant celle-ci au réseau des buralistes (article 568 du code général des impôts, CGI).
Cette organisation de vente du tabac est assez spécifique puisque seuls trois autres pays (Espagne, Italie et Autriche) l’ont adopté. Les débitants de tabac deviennent ainsi des préposés de l’administration des douanes et droits indirects et sont liés à celle-ci par un contrat de gérance. Ce système est accompagné d’une prohibition stricte de la vente et de l’achat à distance des produits du tabac (art. 568 ter du CGI). L’État est en mesure d’agir sur la consommation en utilisant le levier de la fiscalité du tabac tirant ainsi vers le haut le prix du produit.
La hausse du prix du tabac a constitué sans nul doute l’instrument le plus efficace pour réduire la consommation du produit, tout en apportant de substantielles recettes à la puissance publique. Ce constat résulte d’études scientifiques et se trouve appuyé par l’article 6 de la convention cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac : « les mesures financières et fiscales sont un moyen efficace et important de réduire la consommation de tabac pour diverses catégories de population, en particulier les jeunes. »
En France, le prix du tabac est librement fixé par les fabricants et fait l’objet d’une homologation par l’administration douanière. Les fabricants et importateurs proposent un prix de vente au détail de leurs produits.
La fixation du prix du tabac repose ainsi sur trois composantes. En premier lieu, il existe la marge du buraliste, habituellement comprise entre 8 et 10 % du coût total à laquelle s’ajoute la marge du fabricant qui s’élève à 15 % environ.
Les taxes étatiques représentent la part la plus importante du prix du tabac puisqu’elles se situent entre 75 et 80 % du prix de vente des cigarettes (40 % pour les cigares). Le buraliste est soumis à une fiscalité variant en fonction du prix de vente en détail et comprenant deux taxes : l’accise sur les tabacs et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Le gouvernement les détermine dans le cadre des lois budgétaires, et les augmente ainsi régulièrement pour dissuader la consommation de tabac.
Les produits de tabac sont soumis à un droit de consommation représentant une accise due mensuellement par les fournisseurs et recouvrée par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) composé de deux éléments :
- un droit spécifique, exprimé en valeur absolue en euros par milliers d’unités ou milliers de grammes (selon le mode de consommation du produit) ;
- un droit proportionnel, exprimé en fonction du prix de vente.
Un minimum de perception est exigible, signifiant ainsi que le montant du droit de consommation ne peut être inférieur à un montant plancher. Si la somme du taux de l’accise et du tarif est inférieure au minimum de perception, c’est alors ce dernier qui s’applique.
Les ventes des débitants de tabac, ainsi que les remises qui leur sont accordées, ne sont pas assujetties à la TVA. Le taux de la TVA, intégré dans le prix de vente au détail, s’élève à 16,66 %. Par ailleurs, chaque gérant d’un débit de tabac en France continentale bénéficie d’une remise de 10,19 % sur la vente au détail de toutes les sortes de tabac. En Corse, cette remise est de 11,323 %.
Une fois fixé, le prix du tabac est uniforme sur tout le territoire métropolitain. Les détaillants, comme les buralistes, sont tenus de vendre au prix homologué, sous peine de sanctions.
Droit de consommation des produits de tabac en France métropolitaine continentale au 1er janvier 2025
Catégorie de produit |
Composantes du droit de consommation |
Taux et montant |
Cigarettes |
Taux proportionnel |
55 % |
Part spécifique pour mille unités (en euros) |
72,7 |
|
Minimum de perception pour mille unités (en euros) |
378,8 |
|
Cigares et cigarillos |
Taux proportionnel |
36,3 % |
Part spécifique pour mille unités (en euros) |
55,7 |
|
Minimum de perception pour mille unités |
302, 6 |
|
Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes |
Taux proportionnel |
49,1 % |
Part spécifique pour mille unités (en euros) |
104,2 |
|
Minimum de perception pour mille unités (en euros) |
355,8 |
|
Autres tabacs à fumer |
Taux proportionnel |
51,4 % |
Part spécifique pour mille unités (en euros) |
35,9 |
|
Minimum de perception pour mille unités (en euros) |
152,4 |
|
Tabac à priser |
Taux proportionnel |
58,1 % |
Tabacs à mâcher |
Taux proportionnel |
40,7 % |
Source : Article 575 A du code général des impôts.
Ventes de cigarettes
et prix annuel moyen du paquet de cigarettes de la marque la plus vendue*
(en millions d’unités et en euros)
* Deux rehaussements du droit de consommation sur les tabacs manufacturés ont été opérés en mars 2020 et novembre 2020. Le prix du paquet de la marque la plus vendue a donc atteint 10,50 euros en fin d’année, ce qui explique un prix annuel moyen s’établissant à 9,95 euros en 2020.
Source : Observatoire français des drogues et des toxicomanies, Tabagisme et arrêt du tabac en 2020, mars 2021.
Le prix du paquet de cigarette a depuis franchi de nouveaux paliers : 11,50 € en 2023 et 12,50 € en 2024 et 13 € prévu en 2026.
Ainsi, pour un paquet de cigarettes à 13 €, le minimum de perception s’établit à 7,58 €, auxquels s’ajoutent 2,17 € de TVA ce qui pousse le montant des prélèvements fiscaux à 9,75 €. C’est donc l’État qui reste le grand bénéficiaire de la hausse des prix du tabac.
Depuis le 1er janvier 2023, l’augmentation des prix du tabac est directement liée à la nouvelle fiscalité instaurée par les autorités publiques. En vertu des dispositions de la loi de financement de la Sécurité sociale, le gouvernement ajuste le prix des cigarettes en fonction du taux d’inflation de l’année précédente et non plus de l’année n‑2.
Plusieurs hausses sont programmées à différents moments de l’année 2025. Une hausse est intervenue le 1er février et une autre le 1er mars. Le gouvernement compte poursuivre sa politique d’augmentation progressive des prix du tabac avec comme objectif d’atteindre un prix moyen de 13 € par paquet en 2026.
L’évolution du prix du paquet de cigarettes sur deux décennies est particulièrement riche d’enseignements puisque le paquet coûtait 3 € en moyenne en 2000, 5 € en 2004 lorsque le président Chirac lance sa politique de hausse massive des prix et 10 € en 2020.
L’augmentation des prix devrait se poursuivre avec une hausse moyenne de 5 % sur dix ans. La France fixerait ainsi un tarif de 20 € d’ici dix ans et même 26,40 € en 2040.
Cette politique anti tabagique - par le biais de l’instrument fiscal - a eu des effets inattendus en raison de sa réussite, à savoir, un manque à gagner fiscal de plus en plus important.
La direction de la Sécurité sociale du ministère de la santé escomptait en 2023 des recettes supplémentaires de plus de 210 millions d’euros grâce à l’augmentation fiscale sur le TVA. À la fin de l’année, les recettes de l’État accusaient une perte de 260 millions d’euros du fait du succès de la politique antitabac.
De même en 2024, le manque à gagner par rapport aux prévisions fiscales a atteint les 400 millions d’euros (132 milliards d’euros escomptés contre 12,8 milliards d’euros réalisés). Le nombre de paquets de cigarettes vendus par les buralistes a atteint 1.3 milliard soit 200 millions de moins qu’en 2023.
Cette trajectoire de baisse de la consommation de tabac est ininterrompue depuis près de trente ans et c’est néanmoins la première fois que le recul atteint un nombre à deux chiffres (-12 %). Il est vrai que cette répercussion se constate dans le nombre de fumeurs : 29 % en 2015 pour 23 % en 2025.
Cette baisse bien plus importante qu’attendue a eu une incidence non négligeable sur les recettes de l’État qui pouvaient compter pendant des décennies sur les droits de consommation sur le tabac pour abonder les finances de la Sécurité sociale. Un manque à gagner se traduit en conséquence par un déficit plus important. Depuis l’année 2020 – qui a vu deux confinements survenir et les ventes des buralistes rebondir – les recettes fiscales ont baissé de 10 %.
En 2025, les ventes sont également en forte baisse avec un chiffre de -15 % pour les mois de janvier et février par rapport à 2024. Le manque à gagner par rapport aux projections figurant dans la loi de finances pourrait atteindre cette année le milliard d’euros.
B. les avancées apportées par les engagements internationaux et multilatéraux
1. La Convention‑cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (2003)
La décision d’établir une convention-cadre pour la lutte anti‑tabac procède d’un double constat réalisé dans les années 1990. L’importante progression du nombre de morts liés au tabagisme ainsi que la globalisation toujours plus importante de l’industrie du tabac ont été les deux facteurs décisifs.
L’OMS estimait ainsi qu’en 1998 plus de 3,5 millions de morts étaient causés par le tabac et que, sans action menée contre ce phénomène, ce chiffre atteindrait les 10 millions à l’horizon 2030, dont 70 % des morts se situant dans les pays en voie de développement.
De là est venue l’idée d’un traité international afin de disposer d’une plateforme pour l’engagement, la coopération et l’action multilatérale contre la montée et la propagation de la consommation de tabac.
Les négociations lancées en 1999 aboutirent le 21 mai 2003 avec l’adoption à l’unanimité par l’Assemblée mondiale de la santé du premier traité international négocié sous l’égide de l’OMS : la Convention cadre pour la lutte antitabac (CCLAT).
Entrée en vigueur en 2005, la CCLAT a été ratifiée par 172 parties (pays ou entités comme l’Union européenne). Fondée sur des données factuelles, elle contient un panel de mesures variées et complémentaires s’appuyant sur une double stratégie de contrôle de l’offre de produits du tabac et de réduction de la demande. Son champ couvre notamment les ingrédients, le conditionnement, la fiscalité, le commerce, la publicité mais également les avertissements sanitaires, la protection contre l’exposition à la fumée, la lutte contre le commerce illicite des produits du tabac ou l’aide à l’arrêt. La participation de la société civile (experts scientifiques et organisations non gouvernementales) est nécessaire pour atteindre les objectifs de la Convention. La France a signé le traité le 16 juin 2003 et a été le premier État européen à le ratifier, le 19 octobre 2004.
La mise en œuvre de la CCLAT passe par des « lignes directrices » qui déclinent et explicitent les articles sous forme de recommandations aux Parties. La Conférence des Parties (COP), qui rassemble l’ensemble des États ou entités signataires, est habilitée à adopter ces lignes directrices, des protocoles, des annexes ou des amendements, à superviser leur mise en application, sur la base de rapports du secrétariat et de travaux d’experts internationaux.
Au niveau européen, des mesures relatives au contrôle du tabac existaient antérieurement à la CCLAT, notamment avec la directive 2001/37/CE sur l’étiquetage et la composition des produits du tabac et la directive 2003/33/CE sur la publicité en faveur du tabac. Mais c’est du fait même de cette compétence partagée entre l’Union européenne et les États membres que la CCLAT a été signée en 2003 et ratifiée en 2005. De ce fait, et compte tenu du principe de subsidiarité, c’est sous la double voix de la présidence de l’Union européenne et de la Commission que l’UE et ses États membres s’expriment et adoptent les décisions au sein de la COP. Néanmoins, ce sont les États membres qui sont comptables de la mise en œuvre de la CCLAT et des lignes directrices dans leurs pays respectifs.
2. Le protocole de l’OMS (2012)
La décision d’établir un nouveau texte international résulte de l’ampleur croissante du commerce illicite dont l’Organisation mondiale des douanes (OMD) estimait dans un rapport de l’année 2013 que jusqu’à 10 % des cigarettes fumées dans le monde seraient issues du commerce parallèle.
À l’échelle internationale les principaux pays de provenance du tabac de contrebande se situaient dans l’est de l’Europe (Ukraine, Biélorussie, Russie) et en Asie (Chine, Vietnam, Malaisie et Singapour).
La définition du commerce illicite du tabac figure dans l’article 1er du protocole : « toute pratique ou conduite interdite par la loi, relative à la production, l’expédition, la réception, la possession, la distribution, la vente ou l’achat, y compris toute pratique ou conduite destinée à faciliter une telle activité. »
La contrebande peut ainsi concerner des produits du tabac authentiques, des cigarettes contrefaites, mais aussi des marques non autorisées sur leur lieu de mise à la consommation.
Un nouveau type de contrebande est par ailleurs apparu au début des années 2000 avec le phénomène dit des « cheap whites ». Il s’agit de cigarettes de marque produites légalement dans certains pays par des fabricants indépendants, mais introduites ou vendues illégalement sur d’autres marchés où elles ne sont pas autorisées.
L’observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) indiquait, dans un rapport daté de juillet 2011, que ces cigarettes représentaient près de 45 % du marché de cigarettes au Royaume-Uni et en Allemagne.
En France, la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) estime que le marché de la contrebande est principalement alimenté par des « illicit whites », des cigarettes sans existence légale.
À l’échelle de l’Union européenne, la forte croissance des « illicit whites » a été fulgurante puisque 2 600 tonnes étaient saisies en 2007 contre 19 600 tonnes en 2013, la contrebande de produits authentiques reculant de 58 000 tonnes à 35 600 tonnes.
En outre, l’existence d’un différentiel important de prix entre la France et les pays limitrophes pour un même paquet de cigarettes conduit au développement des achats transfrontaliers.
Le commerce illicite de tabac est jugé responsable d’une perte fiscale de plus de 40 milliards d’euros à l’échelle mondiale.
Le protocole de 2012 s’appuie sur la Convention cadre de 2003 puisqu’il repose sur l’article 15 de celle-ci ainsi que sur son article 33 qui ouvre la possibilité d’adopter des protocoles.
Les travaux menant à l’adoption du protocole ont débuté en 2008 avec la première réunion de l’organe intergouvernemental de négociation (OIN) chargé de rédiger un projet de protocole afin de consacrer un instrument plus contraignant à la lutte contre le commerce illicite du tabac.
La technicité du sujet et l’ambition de réglementer le contrôle douanier ont conduit à de longs échanges avant de trouver des points de compromis entre les Parties.
L’article 4 du protocole établit les obligations générales à la charge des parties :
– adopter et appliquer des mesures efficaces pour contrôler la chaîne logistique des marchandises, définie à l’article 1er comme comprenant notamment la fabrication de produits du tabac et de matériel de fabrication, ainsi que leur importation ou exportation ;
– renforcer l’efficacité des autorités et services compétents au plan national en matière de lutte contre le commerce illicite des produits du tabac ;
– intensifier les coopérations internationales, notamment en matière d’échange d’informations, d’assistance technique, d’appui financier et de renforcement des capacités ;
– coopérer plus étroitement dans la détection et la répression des actes illicites établis en vertu du protocole.
Le point 2 de l’article 4 demande aux parties de veiller à la plus grande transparence possible en ce qui concerne toute interaction avec l’industrie du tabac.
Le cœur du protocole est constitué des mesures relatives au contrôle de la chaîne logistique (articles 6 à 13), aux infractions (articles 14 à 19) et à la coopération internationale (articles 20 à 31).
L’article 6 du protocole demande à chaque Partie de soumettre à une licence ou une autorisation, ou un système de contrôle équivalent, les activités de fabrication des produits du tabac et de matériel de fabrication, ainsi que leur importation et exportation.
L’article 7 impose à tout acteur de la chaîne logistique une obligation de vérification diligente avant et pendant toute relation d’affaires.
Il faudra notamment veiller à :
– identifier le client en rassemblant un certain nombre d’informations, qui peuvent notamment comprendre la vérification des antécédents judiciaires et les coordonnées des comptes bancaires qu’il est prévu d’utiliser pour les transactions ;
– contrôler les ventes pour s’assurer que les quantités sont proportionnées à la demande sur le marché de destination ;
– signaler tout élément attestant que le client violerait ses propres obligations.
L’article 8 demande aux Parties d’instaurer, dans un délai de cinq ans suivant l’entrée en vigueur du protocole, un régime mondial de suivi et de traçabilité. Il reposera sur des systèmes nationaux et/ou régionaux, qui n’ont pas vocation à être identiques mais interopérables, et sur un point focal mondial pour l’échange d’informations.
Chaque Partie doit exiger l’apposition de marques d’identification uniques, sécurisées et indélébiles (telles que des codes ou des timbres) sur tous les paquets, toutes les cartouches et tous les conditionnements extérieurs de cigarettes (et sur les autres produits du tabac dans un délai de 10 ans).
Afin que les mouvements des produits puissent être reconstitués, l’article 8 précise que le système de suivi et de traçabilité devra permettre de rendre disponibles les informations suivantes : la date et le lieu de fabrication ; l’unité de fabrication ; la machine utilisée ; l’équipe de production ou l’heure de fabrication ; le nom du premier acheteur qui n’est pas affilié au fabricant, le numéro de facture, le numéro de commande et l’état de paiement ; le marché sur lequel le produit est destiné à être vendu au détail ; la description du produit ; l’entreposage et l’expédition du produit ; l’identité de tout acheteur ultérieur connu ; l’itinéraire prévu, la date d’expédition, la destination, le point de départ et le destinataire.
Les éléments enregistrés devront être accessibles sur demande auprès du point focal mondial, au moyen d’une interface électronique sécurisée.
Le protocole permet à chaque Partie d’exiger de l’industrie du tabac la prise en charge de toutes les dépenses découlant de la mise en œuvre du dispositif de suivi et de traçabilité.
L’article 9 complète ces mesures en prévoyant la tenue de registres par les acteurs de la chaîne logistique du tabac, ces registres devant être conservés pendant au moins quatre ans et mis à la disposition des autorités compétentes.
Pour pouvoir entrer en vigueur, le protocole a nécessité quarante ratifications. La France l’a ratifié en 2015, l’Union européenne en 2016 mais l’entrée en vigueur n’a pu survenir qu’en 2018, ce qui illustre la complexité et la longueur du processus.
C. la question du tabac a évoluÉ d’un sujet fiscal À une question de santé publique
1. L’achèvement du marché intérieur a permis de favoriser des mesures d’harmonisation fiscale
L’objectif du marché intérieur, également appelé marché unique (anciennement marché commun), désigne un espace sans frontières intérieures dans lequel les personnes, les marchandises, les services et les capitaux circulent librement.
La construction du marché commun est au fondement de la construction européenne puisque le traité de Paris (1951) devenue Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) a été sa première réalisation à travers la mise en commun des ressources énergétiques.
Le marché a progressé au fur et à mesure des années et de l’avancée de la construction européenne : Traité de Rome de 1957 visant l’établissement d’un marché commun, union douanière réalisée en 1968 pour faire disparaître les droits de douane entre pays européen, Acte unique européen de 1986 prévoyant l’achèvement du marché intérieur et relançant la libre circulation des services et capitaux et enfin naissance du marché intérieur le 1er janvier 1993.
Au regard de la construction du marché intérieur européen, il allait de soi que la question des droits d’accises devienne un enjeu européen. Cette question fut l’objet de la directive 92/12/CEE du 25 février 1992 relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, entrée en vigueur le 1er janvier 1993 au moment de l'avènement du marché unique.
La directive prévoit que les huiles minérales, les boissons alcooliques et les tabacs manufacturés sont soumis à l’accise. Elle fut abrogée et remplacée par la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d’accise.
La directive de 2008 a également été révisée et a depuis été remplacée par la directive (UE) 2020/262 du Conseil du 19 décembre 2019 qui organise la refonte du régime général d’accise. Elle est entrée pleinement en vigueur le 13 février 2023 dernier.
S’agissant du tabac, c’est désormais la directive 2011/64/UE du Conseil du 21 juin 2011 qui précise la structure et les taux des accises applicables sur le tabac manufacturé et qui s’applique depuis le 1er janvier 2011.
Encadrement européen des droits d’accise sur les produits du tabac
au 1er janvier 2025
Catégorie de produit |
Droit proportionnel |
Droit spécifique |
Minimum de perception |
Cigarettes |
Pas d’obligation particulière fixée |
Doit être compris entre 7,5 % et 76,5 % du montant de la charge fiscale totale résultant du droit d’accise et de la TVA. |
Au moins 60 % du prix moyen pondéré de vente au détail des cigarettes. Le minimum doit être supérieur ou égal à 90 euros pour 1 000 cigarettes. Les États membres qui perçoivent une accise d’au moins 115 euros par 1 000 cigarettes n’ont pas besoin de respecter l’exigence de 60 %. |
Cigares et Cigarillos |
Pas d’obligation particulière fixée |
Pas d’obligation particulière fixée |
Au moins 5 % du prix de vente au détail, toutes taxes comprises, ou 12 euros par 1 000 unités ou par kg |
Tabac fine coupe à rouler |
Pas d’obligation particulière fixée |
Pas d’obligation particulière fixée |
Au moins 50 % du prix moyen pondéré de vente, ou 60 euros par kg |
Autres tabacs à fumer |
Pas d’obligation particulière fixée |
Pas d’obligation particulière fixée |
Au moins 20 % du prix de vente au détail, toute taxe comprise, ou 22 euros par kg |
Si la question des droits d’accises est désormais régie par des textes européens, il convient de rappeler que la fiscalité nécessite un vote à l’unanimité au Conseil pour modifier toute disposition législative.
En vue de réduire les écarts entre les pays, des dispositions européennes ont été adoptées en matière de structure fiscale des produits du tabac et de niveau de taxation. Les règles diffèrent selon les produits.
La directive de 2011 n’intègre cependant pas les dispositions de l’article 6 de la CCLAT et doit donc faire l’objet d’une révision pour poursuivre des objectifs de réduction de la consommation de tabac.
Ainsi, l’Union européenne tout comme la France met en œuvre une fiscalité incitative visant à réduire la consommation de tabac. Il était cependant nécessaire de disposer d’un texte consacré à la question du tabac sous l’angle de la politique de santé pour agir véritablement sur les comportements.
2. La lutte contre le tabagisme est devenue une priorité européenne avec la directive sur la production de tabac de 2014 : contrer le commerce illicite et promouvoir des objectifs de santé publique
L’Union européenne, dans la lignée des réflexions internationales menées sous l’égide l’OMS, a perçu le danger que constituait le commerce illicite de tabac. Ainsi, des accords de coopération juridiquement contraignants ont été conclus avec quatre des principaux fabricants mondiaux de tabac (Philip Morris International, Japan Tobacco International, British American Tobacco et impérial Tobacco Limited).
En 2004, un accord a été conclu avec Philip Morris et en 2007 un autre avec Japan Tobacco International. Il importe de souligner que la conclusion de ces accords fait suite à des procédures judiciaires lancées par l’Union devant la Cour de Justice de l’Union européenne, considérant qu’un faisceau d’indices démontrait l’implication des fabricants de tabac dans l’approvisionnement du commerce parallèle par leur politique commerciale.
Ces accords ne se sont cependant pas inscrits dans la durée puisque le Parlement a fini par rejeter leur renouvellement considérant que l’investissement financier consenti par les fabricants en échange des poursuites judiciaires était insuffisant. Plus encore, l’opacité caractérisant ces accords a entretenu un voile de mystère sur leur contenu peu susceptible d’apaiser les législateurs sur les contreparties de ces accords.
S’agissant de l’origine géographique du commerce parallèle, un plan d’action de lutte contre la contrebande le long de la frontière orientale de l’Union a été présenté par la Commission européenne en 2011.
Face aux pertes financières annuelles pour l’Union (10 milliards d’euros), la Commission a décidé d’agir. La communication de la Commission de 2013, précédemment citée, reconnaît la difficulté d’évaluer l’ampleur du commerce illicite. Une étude financée par l’Union estimait en 2007 que ce dernier représentait 8,5 % de la consommation globale.
Les données produites par le cabinet de conseil KPMG, qui réalise depuis 2006 une étude annuelle sur le commerce illicite du tabac, vont dans le même sens tout en indiquant une croissance (2007 : 8,4 % ; 2008 : 8,6 % ; 2009 : 8,9 % ; 2010 : 9,9 % ; 2011 : 10,4 % ; 2012 : 11,1 %) de 30 % entre 2007 et 2013.
La communication de la Commission identifie quatre facteurs contribuant au commerce illicite : fortes incitations et vides juridiques, mesures de contrôles de la chaîne d’approvisionnement mal adaptées à la menace, autorités de répression confrontées à des défis généraux, et enfin faibles dissuasions.
L’écart de prix entre les États membres est particulièrement élevé (4 € par paquet de cigarettes entre les pays taxant le plus et ceux taxant le moins). Sur la frontière orientale de l’Union, les prix pratiqués sont huit fois plus bas. Même si un rapprochement des prix est intervenu, les écarts restent conséquents.
Les règles applicables sont particulièrement complexes du fait des spécificités de la législation fiscale. Les problèmes de classification et de définition de certains produits aggravent le problème. Il persiste par ailleurs des vides juridiques s’agissant des seuils d’exonération.
Concernant les mesures de contrôle de la chaîne d’approvisionnement, elles demeurent insuffisantes pour pallier le trafic illicite. Ainsi, les opérateurs économiques participant de la chaîne d’approvisionnement n’étaient pas tenus – au moment de la publication de la Communication de 2013 – d’effectuer des vérifications diligentes. Les exigences sont donc insuffisantes.
La complexité sur le volet répressif est également importante. Gardes-frontières, police, autorités fiscales et douanières constituent les protagonistes principaux de la lutte contre l’illégalité tabagière.
L’Union étant une union douanière bénéficie d’interconnexions entre services douaniers des États membres permettant l’échange d’informations et des formes de coopération administrative. Néanmoins, l’ampleur du trafic et plus encore l’implication de réseaux criminels puissants transfrontières complexifie la tâche des autorités répressives.
La collaboration de plusieurs entités répressives européennes mérite d’être soulignée : l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union (FRONTEX), l’Organisme européen de lutte contre la fraude (OLAF), l’Office européen de police (EUROPOL) ou encore EUROJUST.
L’OLAF a pu souligner combien la corruption au sein des autorités de répression pouvait être nocive à la lutte contre le commerce illicite de tabac.
En outre, les sanctions imposées par les États membres demeurent insuffisamment dissuasives. Les risques encourus par les trafiquants demeurent limités puisque la variabilité des sanctions infligées pour la contrebande de tabac entre États membres garantit à certains une relative impunité.
Fort de ce constat, la Commission préconisait dans la communication une harmonisation des droits d’accises dans l’Union tout en reconnaissant la très grande difficulté de le réaliser, une meilleure définition des produits tabagiques sur la base de constats objectifs, l’élaboration de lignes directrices techniques pour distinguer la zone grise entre contrebande et importation légitime et enfin la réduction des incitations auprès des consommateurs par une communication sur les effets nocifs du trafic illicite (perte fiscale, réseaux criminels impliqués, produits non-conformes aux standards sanitaires).
Cette communication a permis de lancer une nouvelle initiative législative sous la forme d’une directive sur les produits de tabac. Cette dernière est entrée en vigueur le 19 mai 2014 et se trouve applicable dans les pays de l’Union depuis le 20 mai 2016. Elle établit des règles concernant la fabrication, la présentation et la vente du tabac et de ses produits dérivés.
Plus particulièrement, la directive :
- oblige l’industrie du tabac à indiquer aux États membres de l’Union les ingrédients utilisés dans les produits ;
- exige la présence d’avertissements relatifs à la santé sur le tabac et ses produits dérivés devant couvrir 65 % des faces avant et arrières des paquets de cigarettes et de tabac à rouler ;
- fixe des dimensions minimales pour la taille des avertissements ;
- interdit les éléments publicitaires ou trompeurs sur les produits ;
- introduit un système d’identification et de traçabilité dans toute l’Union pour lutter contre le commerce illégal de produits du tabac ;
- autorise les États membres à interdire la vente en ligne de tabac ;
- établit des exigences de sécurité de qualité et d’information pour les cigarettes électroniques ;
- oblige les fabricants et les importateurs à informer les États membres de l’Union de tout nouveau type de produit du tabac avant sa mise sur le marché européen.
La directive a constitué un saut qualitatif important pour l’Union en fixant de nouvelles normes beaucoup plus exigeantes que précédemment pour les fabricants de tabac. Il convient de noter que le lobbying des industries du tabac a été particulièrement conséquent afin d’éviter un vote positif du projet de directive.
Au demeurant, la directive a rapidement souligné un certain manque d’ambitions. Alors même que l’Australie mettait en place dès 2012 des paquets neutres - caractérisés par la standardisation des couleurs et des textes – l’Union n’a pas fait ce choix dans la directive de 2014. La France a cependant imposé le paquet neutre avec la Loi de modernisation du système de santé, votée en 2016, à compter du 1er janvier 2017. Le nombre de fumeurs trouvant le paquet attractif est ainsi passé de 52,5 % à 15,7 % entre 2016 et 2017 selon l’Agence nationale de santé publique.
DEUXIEME PARTIE : l’ampleur persistante du commerce parallÉle de tabac rend indispensable la rÉvision des dispositifs de lutte contre ce dernier
A. La pandémie de Covid-19 a conforté le constat de la nécessaire révision des directives sur les droitS d’accises
1. La consommation transfrontalière met en lumière le besoin de réviser les normes fiscales
La survenue de la pandémie de Covid_19 à la fin de l’année 2019 a conduit les autorités françaises à décréter un confinement strict pour une durée de douze semaines entre les mois de mars et mai 2020.
Les sorties à l’extérieur du domicile étaient particulièrement réglementées :
- trajet entre le domicile et le travail ;
- déplacement pour des achats de fournitures nécessaires à l'activité professionnelle ;
- déplacement pour des achats de première nécessité dans les commerces autorisés à rester ouverts (courses alimentaires, etc.) ;
- déplacement pour des motifs de santé ;
- déplacement pour des motifs familiaux impérieux (assistance à des personnes vulnérables, garde d'enfants par exemple) ;
- déplacement bref, proche du domicile, pour une activité physique individuelle ou pour les besoins des animaux de compagnie (promener son chien, etc.).
Étant donné cette limitation de déplacement, les activités de contrebande en ont été particulièrement affectées et les réseaux limités dans leur capacité d’action. En outre, les achats transfrontaliers particulièrement soutenus n’ont pu être réalisés durant cette période.
Lors du confinement, l’activité des buralistes a été maintenue en vertu des dispositions des arrêtés des 14 et 17 mars 2020 reconnaissant le tabac comme produit de première nécessité. La limitation des déplacements, la réduction du trafic aérien – limitant les possibilités de s’approvisionner au duty free – et la fermeture des frontières terrestres a rendu l’activité de contrebande quasi inexistante.
Les saisies réalisées par les services de douane durant cette période ont confirmé cette très forte limitation des activités du marché parallèle : sur les 15 524 saisies réalisées durant l’année 2020 (265 tonnes de tabac), seules 903 (29 tonnes de tabac) ont été effectuées durant le premier confinement ([3]).
L’expérience du confinement a ainsi constitué un test unique et en grandeur nature de l’impact des activités de contrebande de tabac lorsqu’elles ne peuvent s’opérer et que les consommateurs doivent en conséquence se reporter vers les buralistes.
Cette reconfiguration substantielle des canaux d’approvisionnement de tabac a brièvement restauré le monopole des buralistes. Il a ainsi été permis d’analyser la consommation réelle de tabac et d’évaluer, surtout, l’ampleur du commerce parallèle.
Les données produites par la DGDDI et l’OFDT état au niveau national indiquent :
- une baisse des ventes de tabac de 3,41 % pour la période du confinement par rapport à la même période en 2019 ;
- la hausse des ventes de tabac de 2,77 % pour la période de fermeture des frontières intra-européennes par rapport à la même période en 2019 ;
- une hausse des ventes de tabac de 5,5 % pour le deuxième trimestre 2020 par rapport au deuxième trimestre 2019.
La baisse des ventes observées relève de la tendance générale de baisse de la consommation de tabac depuis trente ans et tient notamment à la hausse programmée et régulière des prix du tabac : +0,50 € en mars 2019, +0,50 € en novembre 2019 et +0,50 € en mars 2020.
Les ventes de cigarettes manufacturées réalisées en 2020 sont en retrait de 9,1 % par rapport à janvier et février 2019. Tous produits confondus, les ventes de tabac, en mars 2020, sont inférieures de 8 % par rapport à mars 2019.
Au mois d’avril 2020, les ventes ont augmenté de manière particulièrement marquée par rapport au mois précédent et en hausse par rapport aux ventes du mois d’avril 2019. La baisse des volumes durant la période du confinement résulte donc vraisemblablement d’un temps d’adaptation des comportements, apparu après le début du confinement, auquel a succédé un effet de rattrapage des volumes mis à la consommation à compter du mois d’avril 2020.
Il convient d’observer, cependant, que les ventes de tabac sur le territoire national ont évolué de façon inégale.
Ainsi, entre les mois d’avril et juin 2020, les ventes dans les départements frontaliers ont été supérieures de 22 % par rapport aux ventes effectuées sur la même période l’année précédente, contre 2,4 % dans les départements non frontaliers.
Il convient d’observer que les ventes de tabac dans les départements non frontaliers représentent 16 % des volumes totaux de ventes réalisées en France continentale, ceci expliquant la hausse de 5,5 % des volumes de ventes au deuxième trimestre 2020.
Sur la façade Nord-Est, frontalière avec l’Allemagne et le Luxembourg, les volumes de vente ont augmenté de 44,6 % durant la durée du confinement par rapport à la même période en 2019. Sur la façade nord, frontalière avec la Belgique, la hausse atteint 28,8 %. Enfin, sur la façade Sud-Ouest, frontalière avec l’Espagne et Andorre, la hausse est de 44,5 %.
Il existe une exception, sur la frontière franco-suisse pour laquelle les ventes n’ont progressé que de 2,6 %.
Au niveau départemental, les évolutions de vente peuvent dépasser 70 %.
Il convient toutefois de noter une diminution des ventes dans les départements non frontaliers en raison de l’absence de tourisme, des mouvements de population durant le confinement et de la fermeture de certains débits de tabac.
À cet égard, Paris est un cas d’école puisque les ventes y ont baissé de 35,5 % durant le premier confinement par rapport à la même période en 2019. Le départ de nombreux parisiens et la fermeture de certains débits expliquent cette situation.
Variation des ventes de tabac en France métropolitaine continentale, tous produits confondus, en 2019 et 2020 ([4])
(en tonnes et en jours de livraison non constants)
La situation atypique produite par le confinement a contredit les estimations initiales de baisse des ventes entraînant une hausse soutenue des recettes fiscales issues des droits d’accises sur le tabac.
En France continentale, les ventes de tabac se sont élevées à 46 041 tonnes en 2020, soit une baisse 0.5 % par rapport à 2019. Ce résultat surprenant compte tenu de la hausse des ventes précédemment indiquée tient au fait que la hausse des ventes se limite à des périodes déterminées.
Les périodes en question concernent le deuxième trimestre 2020, le mois de juillet 2020 (reprise lente des habitudes antérieures au confinement dans les départements frontaliers mais pas dans les départements non-frontaliers) et octobre 2020 (ajustement des ventes en raison des effets attendus de la hausse de fiscalité programmée).
Le deuxième trimestre 2020, la période du confinement, constitue ainsi une période de commerce monopolistique pour les ventes de tabac. À l’inverse, durant le deuxième confinement les frontières intra-européennes sont restées ouvertes. Les ventes intervenues au quatrième trimestre 2020 sont en baisse de 6 % par rapport à la même période en 2019, soulignant la pérennité des achats transfrontaliers durant cette période.
En définitive, l’ampleur de la baisse des ventes de tabac observée sur l’année 2020 est largement inférieure aux projections réalisées par les services du ministère de l’économie et des finances reposant sur la trajectoire fiscale des produits du tabac.
Variation des ventes totales de tabac par département au 2ème trimestre 2020 par rapport au 2ème trimestre 2019, en jours de livraison constants
Source OFDT, tabagisme et arrêt du tabac en 2020, mars 2021, op. cit.
Sur le plan fiscal, il a résulté de cette situation un niveau de perception de droits d’accise bien plus important qu’attendu. Ainsi, le rendement des droits de consommation imputable aux ventes en France continentale s’est élevé à 14,3 milliards d’euros soit 1,7 milliard d’euros de plus que l’année précédente.
L’identification du surcroît de recettes dû au seul confinement et à la fermeture des frontières n’est pas évidente.
La commission des comptes de la Sécurité sociale anticipait un rendement des droits de consommation s’élevant à 13,9 milliards d’euros pour 2020 (un niveau inférieur de 0,4 milliard d’euros à l’exécution). Dans ce cadre, elle évaluait la part du surplus imputable à « des mises à la consommation plus fortes qu’attendues à compter du confinement mis en place en lien avec l’épidémie du covid-19 » à 0,7 milliard d’euros.
Rendement du droit de consommation et de la TVA sur les ventes de tabac effectuées en France continentale en 2019 et 2020
(en milliards d’euros)
|
2019 |
2020 |
Évolution |
Droit de consommation (DCT) collecté |
12,60 |
14,34 |
+ 1,74 (+ 13,82 %) |
Dont DCT collecté entre le 17 mars |
3,18 |
3,77 |
+ 0,59 (+ 18,35 %) |
TVA collectée |
3,24 |
3,64 |
+ 0,41 (+ 12,6 %) |
Total |
15,84 |
17,99 |
+ 2,15 (+ 13,57 %) |
Source : DGDDI.
Néanmoins, la DGDDI a indiqué aux rapporteurs de la « mission d’information relative à l’évolution de la consommation de tabac et du rendement de la fiscalité applicable aux produits du tabac pendant le confinement
et aux enseignements pouvant en être tirés » qu’entre le 17 mars 2020 et le 14 juin 2020, 3,77 milliards d’euros ont été perçus au titre des droits de consommation, contre 3,18 milliards pour la même période en 2019. Cette hausse correspond à un surplus de recettes de 585,1 millions d’euros (+ 18,35 %). Au sein de cette hausse, une partie est liée à l’augmentation du prix de paquet de cigarettes intervenue en novembre 2019 et en mars 2020.
La question de l’évaluation précise de la part du commerce parallèle demeure un sujet épineux et doit pouvoir être évalué. Cette question sera évoquée ultérieurement.
2. La jurisprudence du Conseil d’État souligne l’équilibre impossible recherché par la législation actuellement en vigueur
Il est possible pour un particulier européen de se procurer du tabac dans un État de l’Union européenne pour sa consommation personnelle. Les droits d’accises sont alors exigibles uniquement dans l’État membre où les produits sont acquis et non dans l’État d’importation.
Depuis le 13 février 2023, la directive 2020/262/UE est entrée en vigueur et vient remplacer la précédente directive de 2008 relative aux droits d’accises exigibles sur les produits tabagiques, ainsi que nous le soulignions précédemment.
Aux termes de l’article 32 de la directive de 2020, paragraphe 3 point a), les États membres ont la possibilité de fixer des seuils indicatifs de preuve d’une utilisation personnelle des produits importés par les particuliers à un autre État au sein de l’Union. Ces seuils ne peuvent être inférieurs, pour les tabacs manufacturés, à : 800 cigarettes, 400 cigarillos (unité d’un poids maximal de 3 grammes), 200 cigares, et 1 kg de tabac à fumer. Ces seuils n’ont pas été révisés par la directive 2020/262 et restent identiques à ceux précédemment présents dans la directive de 2008.
En droit interne, selon l’article L.311-12 du Code des impositions sur les biens et services (CIBS), il revient au Gouvernement de prendre un décret fixant les critères pris en compte afin de déterminer l’usage personnel ou commercial des produits tabagiques acquis dans un autre État membre de l’Union européenne que la France.
Le droit français posait une présomption d’utilisation commerciale du tabac importé lorsque les quantités litigieuses étaient supérieures aux seuils fixés par le CIBS. Or, jusqu’au 29 mars 2024, l’article 575 I CIBS imposait des seuils indicatifs inférieurs aux seuils prévus par la Directive 2020/262, ce qui était en contradiction avec le droit européen.
Faisant droit au recours d’un étudiant consommateur de tabac, le Conseil d’État a reconnu l’incompatibilité des seuils indicatifs fixés avec la directive établissant le régime général d’accise. Le 29 septembre 2023, le Conseil d’État a alors enjoint le Gouvernement à prendre un décret pour faire cesser l’incompatibilité du droit français avec le droit européen en matière d’importation de produits tabagiques manufacturés ([5]).
Suite à la décision du Conseil d’État, le Gouvernement disposait de six mois pour prendre un décret visant alternativement à fixer des seuils indicatifs respectant les prescriptions de la directive 2020/242/UE, ou à fixer des critères d’appréciation de l’usage personnel des produits tabagiques importés par les particuliers sans faire usage des seuils indicatifs. Le décret pris le 27 mars 2024 par le Gouvernement retient des critères qualitatifs sans faire référence aux seuils indicatifs. Ainsi, le décret 2024-276 du 27 mars 2024, et entré en vigueur le 29 du même mois, fixe désormais 12 critères qualitatifs visant à identifier la nature de l’utilisation faite des produits importés par les particuliers :
Pour l'application de l'article L. 311-19 du code des impositions sur les biens et services, les éléments pris en compte pour établir si les produits acquis par un particulier dans un autre État membre de l'Union européenne et qu'il transporte sur le territoire de taxation le sont pour ses besoins propres sont les suivants :
« 1° Le statut commercial du détenteur des produits ;
« 2° Les motifs pour lesquels il détient ces produits ;
« 3° L'activité économique du détenteur, au sens de l'article L. 111-1 du code des impositions sur les biens et services ;
« 4° Le lieu où se trouvent ces produits ou, en cas de transport, leur emplacement dans le véhicule ;
« 5° Le mode de transport utilisé ;
« 6° Tout document ayant un lien avec ces produits ;
« 7° La nature des produits ;
« 8° La quantité de produits ;
« 9° Le mode de conditionnement des produits ;
« 10° L'existence sur les produits ou leur conditionnement d'un signe désignant, même implicitement, un destinataire autre que le détenteur ;
« 11° Toute trace d'un échange relatif à ces produits et impliquant le détenteur ;
« 12° La destination du détenteur lorsqu'elle diffère de son lieu de résidence habituelle. » ([6])
Face à cette situation, le législateur français est privé de recours en raison de plusieurs contraintes législatives que la jurisprudence européenne a imposé.
L’article 30 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) proscrit l’imposition de « droits de douane à l’importation et à l’exportation, ou les taxes d’effet équivalent à des droits de douane (TEE) entre les États membres ». La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) entend le concept de TEE comme des « mesures qui, présentées sous d’autres appellations ou introduites par le biais d’autres procédés, aboutiraient aux mêmes résultats discriminatoires ou protecteurs ». Par conséquent, le droit européen interdit toutes mesures qui pourraient conduire à une politique économique protectionniste entre États membres.
Dans la même logique, le droit européen interdit aux États membres de l’Union de prendre toute mesure susceptible d’entraver la libre circulation des marchandises par des procédés autres que pécuniaires. Ainsi, l’article 34 TFUE interdit l’imposition de quotas d’importation sur les marchandises circulant au sein du marché intérieur, ou toute mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives (MEE). La notion de MEE a été dégagée par la CJUE dans les années 1970 et a depuis fait l’objet d’une jurisprudence stricte et restrictive à l’endroit de toute tentative de contournement du principe de libre circulation des marchandises.
L’article 36 du TFUE prévoie certaines dérogations à l’article 34 TFUE par l’invocation d’un motif justificatif non économique d’illicéité. Figurent parmi les motifs pouvant être invoqués afin d’adopter des MEE les motifs de santé publique et de protection de la santé humaine. Toutefois, la simple invocation de ces motifs ne peut suffire. Quatre conditions cumulatives doivent être réunies : l’absence de discrimination arbitraire, l’absence de restriction déguisée au commerce, l’absence d’harmonisation complète, et le respect du principe de proportionnalité.
La situation actuelle présente donc une impasse puisque le législateur français, en dépit des douze critères mentionnés dans le décret du 27 mars 2024, est lié par des seuils quantitatifs en dessous desquels il ne peut fixer de contraintes supplémentaires.
B. la mise en place de quotas de livraison de tabac et la révision de la législation européenne sont nécessaires pour garantir une stabilité fiscale et empêcher la concurrence déloyale
1. L’ampleur du marché parallèle amoindrit les recettes et provoque une perte considérable pour les buralistes
La pandémie de Covid-19 a involontairement offert la possibilité d’évaluer le marché parallèle, ainsi que nous le soulignions précédemment. Les données issues de la mission d’information Woerth-Park ont permis de dresser un constat s’approchant au mieux de la réalité.
Sur la base d’hypothèses testées, les deux rapporteurs présument que la consommation de tabac sur le marché parallèle atteindrait entre 14 et 17 % de la consommation totale, ce qui représenterait 16 à 20 % des volumes de tabacs achetés au sein du réseau des buralistes.
Il convient d’indiquer qu’il s’agit de chiffres « lissés » car lorsque la distinction est faite entre cigarettes manufacturées et tabac à rouler, l’écart est particulièrement prononcé : 9 à 12 % de cigarettes manufacturées issues du marché parallèle (soit 10 à 13 % des ventes de cigarettes manufacturées dans le réseau des buralistes) contre 29 à 32 % de tabac à rouler issu du commerce illicite (soit 40 à 43 % des ventes réalisées chez les buralistes).
Si l’ampleur du marché parallèle au niveau national s’élève à un sixième des produits de tabac, le cas des départements frontaliers est lui nettement différent.
Les calculs effectués par la mission d’information indiquent un marché parallèle à hauteur de 27 % soit près d’un tiers des ventes réalisées par les buralistes.
En matière fiscale, la perte pour l’État du fait du commerce illicite est ainsi déclinée : 1,1 à 1,5 milliard de pertes issues du droit de consommation pour les cigarettes manufacturées, 811 à 894 millions d’euros de pertes issues du droit de consommation pour le tabac à rouler et 2,4 à 3 milliards d’euros de TVA perdues pour les deux types de produits de tabac.
En ajoutant les autres produits dérivés du tabac (35 à 45 millions d’euros de droits de la consommation et 27 à 31 millions d’euros pour la TVA), l’ampleur de la perte de recettes fiscales atteint pour les administrations publiques 2,46 à 3,04 milliards d’euros.
L’ampleur des ventes non réalisées dans le réseau des buralistes, mise en évidence par les données exposées, illustre l’impact nocif considérable du commerce illicite sur les buralistes. Il s’agit purement et simplement d’une concurrence déloyale.
La rémunération perçue par les buralistes résulte d’une remise consentie par les fournisseurs sur le montant total des livraisons effectuées. Le taux de remise brute accordée aux débitants, fixé par le code général des impôts ([7]), s’élève à 9,94 % en 2021. Les ventes de tabac représentent ainsi une composante essentielle du chiffre d’affaires des buralistes.
Le chiffre d’affaires moyen du tabac pour un tabac-presse, selon les données de la Confédération des buralistes, s’établit entre 50 et 80 % du chiffre d’affaires total. Pour un bar-tabac, le taux se situe entre 30 et 60 %.
L’augmentation du prix du tabac a donc un effet contraire pour le buraliste : elle augmente sa rémunération tout en contribuant à la baisse des volumes vendus.
Le réseau des buralistes n’a cessé de connaître une érosion entraînant une réduction du nombre de débits en raison notamment de la désertification rurale.
En effet, les hausses importantes de prix du tabac, lors du lancement du Plan Cancer, ont eu des effets immédiats sur le nombre de débits de buralistes. Elles ont fait baisser le nombre de fumeurs mais également entraîné une progression du marché parallèle. La Confédération des buralistes a ainsi indiqué aux rapporteurs de la mission d’information Woerth-Park que sur les 1 745 fermetures de débits comptabilisées depuis 2010, 28 % ont eu lieu dans le Nord-Pas‑de‑Calais.
Actuellement, il y a plus de 23 500 buralistes, 41 % d’entre eux sont situés dans des communes de moins de 3 500 habitants et 50 % des Français se rendent dans un bureau de tabac au moins une fois par mois.
Ils sont donc un maillon essentiel du tissu commercial et la fermeture de débits est néfaste en termes d’emplois, d’autant plus dans le cas de zones isolées ou désertifiées. Les débits produisent du service à la personne et de la cohésion sociale. Si le manque à gagner pour l’État dû au commerce illicite est de 3 milliards d’euros, pour les buralistes il s’élève à 250 millions d’euros.
Évolution du nombre de buralistes en France continentale et en Corse
Source : Confédération des buralistes.
Conscient de l’impact positif du réseau des buralistes, l’État a signé avec la confédération des buralistes un protocole d’accord en 2018 (jusqu’en 2021). Il s’articule avec les mesures étatiques de lutte contre le tabagisme (Plan Cancer de 2004, PNLT 2018‑22) en leur permettant de diversifier leurs activités et de se transformer en commerces de proximité, indispensables à la vitalité et à l’animation des territoires.
Le protocole a été reconduit en janvier 2023 pour prolonger sur les cinq prochaines années des aides d’État aux buralistes pour un montant de 290 millions d’euros. Les aides tiennent compte des missions de service public qu’effectuent de plus en plus les buralistes à l’instar du paiement des impôts et des amendes depuis juillet 2020.
Classification du réseau des buralistes en fonction des activités exercées
Source : Confédération des buralistes.
Il est hautement souhaitable que l’État poursuive à la fois l’octroi d’aides ainsi que la possibilité d’effectuer des missions de service public pour permettre à ce maillon territorial indispensable de continuer d’exister et de se pérenniser. Dans la mesure où l’État a accordé un monopole aux débitants de tabac il se doit de leur donner les moyens de faire exister leurs activités. Il en va aussi de la crédibilité de la parole publique.
Il convient de souligner qu’un dispositif de soutien exceptionnel contre les baisses anormales de chiffre d’affaires des buralistes a été mis en place ainsi qu’une indemnité de fin d’activité pour les buralistes ne renouvelant pas leur contrat de gérance (débits situés dans un département en difficulté, dans un département frontalier ou dans une commune de moins de 3 500 habitants).
Il est également envisageable d’inclure les buralistes dans le dispositif de transparence des relations d’influence de l’industrie du tabac. L’industrie du tabac n’hésite pas à pratiquer des actions commerciales ou de marketing. En effet, la liste des acteurs visés par les actions d’influence qui font l’objet d’une déclaration obligatoire par les fabricants de tabac est prévue par le code de la santé publique.
Enfin, les services du ministère de l’économie et des finances doivent être employés pour lutter contre la hausse vertigineuse des ventes de tabac par internet, pourtant interdites en France. Une étude confidentielle commandée par British American Tobacco faisait ainsi état de 10 000 mentions de marques de cigarettes répertoriées entre février et juin 2022 sur les réseaux sociaux Facebook et Snapchat donnant lieu à de la vente illégale ([8]).
Les plateformes et fournisseurs d’accès sont des outils d’accélération de la vente parallèle de tabac soulignent les buralistes. La Confédération des buralistes n’écarte d’ailleurs pas la possibilité de lancer une action juridique contre les plateformes numériques afin de les responsabiliser. Une hypothèse d’obligation de moyen à la charge des plateformes, assortie d’une amende civile aux fins de sanctions, est envisagée par la Confédération pour les contraindre à retirer ou rendre inaccessible tout contenu contrevenant manifestement au code général des impôts qui interdit rigoureusement la vente à distance de produits du tabac.
2. Il est nécessaire de mettre en place des quotas de livraison de tabac pour réaliser un exercice de transparence sur l’action de l’industrie du tabac
Lors du débat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour l’année 2025, le 4 novembre 2024, votre rapporteur a eu l’opportunité de faire part au gouvernement de son souhait de voir le Protocole de l’OMS appliqué pleinement au niveau européen. Votre rapporteur a ainsi rappelé que le Protocole visait à réglementer l’approvisionnement de cigarettes et à éviter le phénomène de surapprovisionnement. Le gouvernement, par la voix du ministre chargé du budget, s’est montré favorable à cette proposition.
Comme l’a souligné un collègue à l’occasion des débats du PLFSS, le Luxembourg reçoit sept fois plus de cigarettes que les habitants n’en consomment ; à l’inverse, la France reçoit 31 milliards de cigarettes alors que pour satisfaire la consommation des Français il serait nécessaire d’en livrer 48 milliards.
L’Union européenne est partie du protocole depuis 2016, or l’article 7 de celui-ci stipule :
« Chaque partie, conformément à son droit national et aux objectifs de la Convention‑cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, exige que toutes les personnes physiques et morales prenant part à la chaîne logistique du tabac, des produits du tabac et du matériel de fabrication :
b) Contrôlent les ventes à leurs clients afin de s’assurer que les quantités sont proportionnées à la demande de ces produits sur le marché où ils sont destinés à être vendus ou utilisés. »
La directive de 2014 relative aux produits de tabac ne contient pourtant pas cette disposition et ne prévoit aucun contrôle des quantités livrées. C’est une situation à laquelle il convient de remédier.
Il est indispensable de mettre en place des quotas d’approvisionnement par pays correspondant à la consommation intérieure réelle. Une telle mesure participera à empêcher les stratégies de surapprovisionnement des marchés transfrontaliers par l’industrie du tabac, qui affaiblissent aujourd’hui, en outre, une partie des politiques de santé publiques en France. Une telle disposition fait partie du Protocole contre le commerce illicite, ratifié par la France et l’Union européenne.
Les données chiffrées présentées précédemment, issues de la mission d‘information, ont très bien démontré que les marchés transfrontaliers font l’objet de calculs de la part des fabricants de tabac. L’expérience unique du confinement a prouvé que la perte de revenus – à la fois pour l’État et les buralistes – résulte de ce surapprovisionnement au sein de zones où l’achat de tabac est plus intéressant financièrement pour les consommateurs.
La France a fait le choix d’une politique antitabac ambitieuse depuis le début des années 2000 avec des augmentations successives du prix du tabac. Les résultats sont là en termes de baisse de la consommation et l’objectif d’une génération sans tabac n’est plus une chimère.
La proposition portée par votre rapporteur est équilibrée et propose de faire évoluer les quotas en fonction de la quantité de tabac consommé avec une marge de 5 % pour tenir compte des aléas possibles. Ces quotas seraient réévalués chaque année pour que la politique antitabac ambitieuse de notre pays puisse se poursuivre.
La création d’une plateforme européenne de notification des achats réalisés par les ressortissants d’un autre État membre dépassant les seuils autorisés et renseignée par les débitants de tabac serait le pendant technique de la mise en place des quotas de livraison. Elle permettra d’en vérifier la concrétisation et le respect.
Au-delà des quotas de livraison, votre rapporteur tient à rappeler que le Protocole de l’OMS pour éliminer le commerce illicite des produits de tabac impose la mise en place d’un système de suivi et de traçabilité efficace, ce qui implique nécessairement un contrôle indépendant de l’ensemble de la chaîne logistique depuis la production à la vente au détail. Or, le système actuellement en vigueur n’est pas pleinement indépendant des fabricants. Il convient que donc que la directive européenne des produits du tabac, en particulier son article 15, se conforme au Protocole au nom de l’obligation de transparence.
L’article 15 de la directive enfreint les exigences du Protocole puisqu’il permet à l’industrie de choisir elle-même les entreprises destinées à recueillir les données sur le stockage et les mouvements des produits du tabac. Des entreprises ont été identifiées comme liées aux cigarettiers. De ce fait, les mandataires doivent être pleinement indépendants, et choisis par une instance indépendante, les critères d’indépendance devant être non seulement juridiques et financiers mais également organisationnels.
En outre, l’article 15 de la directive tabac permet aux fabricants de choisir les auditeurs externes mandatés pour les contrôler. Sur cette base, ces auditeurs externes soumettent ensuite un rapport annuel à la Commission européenne. Pour satisfaire aux exigences du Protocole de l’OMS, ces auditeurs doivent être pleinement indépendants, choisis par une instance indépendante, et rendre publics leurs rapports annuels.
Rendre publiques les données du système de suivi et de traçabilité est un impératif pour renseigner et objectiver les pratiques de surapprovisionnement par l’industrie du tabac.
Pour rappel, le suivi et la traçabilité du tabac permettent de déterminer le lieu de production d’un produit du tabac et le suivre jusqu’à son point de vente.
Les produits sont marqués d’un numéro d’identification unique et sécurisé qui permet ensuite de les suivre depuis leur lieu de fabrication jusqu’au détaillant chargé de la vente au consommateur. Chaque acteur de la chaîne logistique, de la production à la distribution, doit renseigner les informations relatives aux déplacements des produits. Il devient alors possible pour chaque produit de remonter jusqu’à l’endroit où il a été fabriqué, mais aussi, si celui-ci intègre le marché illicite, de déterminer à quelle étape du processus cela a eu lieu.
L’article 15 de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) et le Protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac, visent à permettre une réponse internationale coordonnée au commerce illicite du tabac. L’article 8 du Protocole sur le commerce illicite a fixé la date limite du 25 septembre 2023 pour la mise en place d’un système mondial de suivi et de traçabilité des cigarettes par chaque Partie au Protocole.
Pour l’Union européenne la mise en place de ce dispositif s’inscrit dans un contexte spécifique : entre 2004 et 2010 les quatre plus grands industriels du tabac ont accepté de verser 2,15 milliards de dollars à l’UE et ses États membres pour que ceux-ci mettent fin à leurs procédures judiciaires visant à récupérer les droits de douane perdus à cause du commerce illicite.
L’accord avec PMI a été renouvelé en 2016 et les trois autres sont encore en cours. Ces accords permettent aux industriels de faire partie intégrante de la lutte contre le commerce illicite à l’échelle européenne. Pourtant ces accords sont en totale contradiction avec les dispositions du traité de la Convention-cadre de l’OMS, qui recommande dans ses lignes directrices de « rejeter les partenariats ainsi que les accords non contraignants ou sans force exécutoire avec l’industrie du tabac ».
La France, en tant que partie à la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), reconnaît « la nécessité d’être vigilante face aux efforts éventuels de l’industrie du tabac visant à saper ou dénaturer les efforts de lutte antitabac et la nécessité d’être informée des activités de l’industrie du tabac qui ont des répercussions négatives sur les efforts de lutte antitabac ».
L’article 5.3 de la CCLAT dispose que les États doivent veiller à ce que ces politiques de santé publique ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac. De cette disposition découlent diverses obligations visant à supprimer l’ingérence, interdire des pratiques d’influence et rendre transparentes les interactions entre l’industrie et les décideurs publics.
Au regard de l’implication passée et présente de l’industrie du tabac dans l’organisation du commerce illicite, le Protocole de l’OMS sur le commerce illicite préconise en effet un dispositif de traçabilité et de suivi de la chaîne d’approvisionnement rigoureusement indépendant, directement et indirectement, des fabricants de tabac.
Le système de suivi et de traçabilité mis en place au niveau de l’Union européenne demeure, notamment du fait de ces accords encore lié à l’industrie du tabac. Les critères d’indépendance établis par la Commission européenne sont de ce fait insuffisants pour assurer un contrôle sur l’ensemble de la chaîne logistique.
Lors de l’application du système de suivi et de traçabilité pour l’Union européenne, différentes recherches ont montré que l’industrie du tabac a déployé des efforts concertés pour influencer la mise en œuvre et la traçabilité du tabac afin de maximiser leur contrôle sur le système de suivi tout en minimisant l’indépendance de la traçabilité dans l’UE.
Le processus d’application du système de suivi et de traçabilité des cigarettes s’est déroulé en deux phases pour l’UE : la phase législative, au cours de laquelle les exigences législatives en matière de traçabilité ont été incluses dans la directive sur les produits du tabac, adoptée le 3 avril 2014, puis la phase de mise en œuvre, qui a conduit à l’adoption de règlements délégués et de règlements d’exécution en décembre 2017. Le 20 mai 2019, un système de « track and trace » pour les cigarettes et le tabac à rouler a été mis en œuvre dans l’Union européenne, sur la base de ces règlements.
Des inquiétudes ont été exprimées car la disposition finale de la Directive tabac concernant le système de traçabilité donne aux fabricants de tabac une influence considérable sur certains éléments clés du dispositif. Ce dernier est doté d’une gouvernance dite « mixte », l’industrie du tabac ayant des responsabilités clés dans la sélection des fournisseurs de stockage de données et dans la sélection des auditeurs chargés de contrôler les fabricants et les importateurs de produits du tabac.
Afin de disposer d’une telle influence, les industriels du tabac ont opéré collectivement et avec des tiers prétendument indépendants (Inexto pour le marquage des produits en usine ou encore Atos pour les entrepôts secondaires de données) à la fois au niveau des États membres et de l’Union européenne.
La mise en place des quotas de livraison de tabac et la transparence sur la chaine logistique de production du tabac nécessitent la mise en place d’un organisme indépendant d’évaluation des marchés parallèles. L’étude KPMG qui sert de référentiel pose des problèmes méthodologiques. Rappelons qu’elle a été commandée par le fabricant Philip Morris, ce qui pose un évident conflit d’intérêt. L’implication dans l’organisation et la facilitation du commerce illicite de la part de l’industrie du tabac imposent un organisme indépendant des fabricants, mandaté pour fournir une expertise fiable et transparente de l’importance réelle des marchés parallèles.
L’implication de l’industrie du tabac dans le commerce illicite est largement documentée ([9]), c’est une de raisons qui avaient conduit initialement les fabricants à signer des accords avec la Commission européenne au début des années 2000 pour éviter de lourdes et coûteuses procédures contentieuses. Des documents internes de l’industrie du tabac datant des années 1990 ont prouvé cette implication. À l’époque, un tiers des exportations mondiales de cigarettes finissait sur le marché illicite, les industriels approvisionnant certains marchés presque uniquement par ces voies.
Si les industriels du tabac ne peuvent avoir un contrôle total sur leurs produits, le volume même du commerce illicite suggère une certaine participation des industriels à ces activités délictueuses.
En croisant les données de Santé Publique France, de l’Observatoire Français des Drogues et des Tendances addictives ainsi que celles de la DGDDI, l’évaluation du commerce illicite rejoint le chiffre mis en avant par la mission d’information, entre 15 et 20 % du volume des cigarettes consommées en France quand le cabinet KPMG avance le chiffre de 30 % ([10]).
Il convient ici de rappeler les disparités des politiques fiscales de lutte contre le tabac au sein de l’Union européenne – justifiant l’application pleine et entière de l’article 7 du Protocole de l’OMS. Au Luxembourg, en 2020, 85 % des cigarettes vendues légalement ont été consommées hors de ses frontières. En Andorre, 120 tonnes sont nécessaires pour approvisionner le pays : les cigarettiers y livrent pourtant 850 tonnes chaque année.
3. Des actions complémentaires à la mise en œuvre du protocole sont possibles
L’État doit davantage tenir compte des effets produits par la politique fiscale du tabac sur l’évolution du marché noir. Il convient ainsi de développer des outils de suivi de l’état du marché parallèle du tabac et de produire des indicateurs permettant d’anticiper les comportements d’évasion fiscale des consommateurs à chaque nouvelle hausse de la fiscalité du tabac.
À cet égard, une évaluation préalable des projets de loi de financement de la Sécurité sociale comportant une révision d’élasticité tenant compte des reports d’achats vers le marché parallèle serait utile. Elle révélerait les effets réels des politiques fiscales sur l’évolution de la consommation du tabac en France.
Au niveau européen, l’harmonisation de la politique fiscale demeure une nécessité pour réduire les écarts des prix. Les États européens ayant ratifié la CCLT et adopté la directive Tabac devraient développer une politique fiscale en cohérence avec leurs engagements.
Au-delà de cette mise en cohérence, la révision des deux directives relatives au régime des droits d’accises est indispensable. La directive de 2020 - venue remplacer celle de 2008 - relative au régime général d’accise n’a apporté aucune inflexion majeure dans le sens voulu par votre rapporteur.
La France doit continuer de soutenir l’introduction de limites quantitatives obligatoires de circulation intra-européenne du tabac plus strictes que celles prévues à l’article 32 de la directive de 2020.
De plus, les autorités françaises doivent plaider pour harmoniser au mieux-disant la fiscalité des produits du tabac. Les taux minimums doivent être revus et l’harmonisation de la taxation des nouveaux produits doit être poursuivie.
L’importante divergence d’intérêts entre les pays de l’Union est à l’origine du retard considérable pris dans la révision des directives. La nécessaire unanimité pour agir en matière fiscale rend un alignement sur les positions françaises d’autant plus complexe.
Le rehaussement des taux minimas se heurtera à l’opposition des pays pratiquant un niveau de fiscalité plus faible sur les produits du tabac. Néanmoins, la question de l’ajustement des prix du tabac en fonction du niveau de vie constaté dans chaque État membre – piste formulée par la mission d’information – doit être envisagée. Un critère d’accise minimale en fonction du revenu moyen par habitant permettrait de lisser les écarts et de réduire les distorsions.
Il conviendra également d’adapter les droits d’accise aux nouveaux produits du tabac ou apparentés. Les fabricants du tabac sont confrontés à la baisse de la consommation de cigarettes et y répondent en développant des nouveaux produits du tabac, à l’instar du tabac chauffé. Ces mini-cigarettes sont classées dans la catégorie fiscale des autres produits du tabac et donc plus faiblement taxées que les cigarettes classiques. Ainsi, en 2019, 8 % des unités vendues par Philip Morris étaient du tabac chauffé mais cela représentait 19 % de son chiffre d’affaires.
Outre le commerce frontalier concernant les États membres, il convient d’envisager le cas particulier d’Andorre. Les seuils quantitatifs de cartouches de tabac prévus par l’article 32 de la directive de 2020 ne sont pas opposables aux ressortissants européens important des biens soumis à accise en provenance de la Principauté puisque celle-ci n’est pas membre de l’Union.
Des limites quantitatives particulières sont prévues par les stipulations de l’article 13 de l’accord conclu entre Andorre et la Communauté économique européenne le 28 juin 1990. Ces règles dérogent aux franchises applicables aux importations de produits soumis à accise effectuées en provenance des autres États tiers à l’Union européenne. Ils génèrent des comportements d’évasion fiscale nombreux dans les territoires proches de la frontière.
Il doit être envisagé de modifier la convention conclue avec la Principauté afin de ramener les seuils quantitatifs portant sur les produits bénéficiant d’une franchise de droits a minima au niveau des seuils applicables aux États tiers à l’Union européenne. Pour les résidents frontaliers, il apparaît cohérent de fixer des règles similaires à celles applicables à la frontière franco‑suisse.
La politique commerciale étant une compétence exclusive de l’Union, la renégociation ne peut se faire qu’à l’échelle européenne et sous l’égide de la Commission européenne. Cette procédure impliquant l’ensemble des institutions et des États membres la rend difficilement réalisable à court terme. Néanmoins, la France devrait soutenir la révision de l’accord du 28 juin 1990 et prôner une ouverture des négociations en vue d’aligner les seuils quantitatifs de tabac sur ceux des autres États tiers.
S’agissant des autorités répressives, la France s’est dotée d’un Plan d’action tabac 2023‑2025 visant notamment, via la loi n°2020‑610 du 18 juillet 2023, à donner à la douane des moyens de faire face aux nouvelles menaces et à adapter sa riposte à l’ampleur du marché parallèle.
De nouvelles sources d’information sont exploitées et des moyens supplémentaires techniques sont donnés à la douane pour réaliser son activité de détection du commerce illicite. Des sanctions renforcées ont été mises en place.
Il devrait être envisagé d’introduire dans les directives relatives aux droits d’accises des dispositions pour renforcer les capacités de renseignement des autorités douanières.
Enfin, la révision de la directive tabac alignant les nouveaux produits du tabac sur la fiscalité commune du tabac et l’application d’un système de suivi et de traçabilité de la chaîne logistique du tabac conforme au protocole de l’OMS sont indispensables. Ils sont la condition de la bonne mise en œuvre de l’article 7 du Protocole.
L’ambition de la politique de lutte contre le tabagisme n’a pas faibli ces vingt dernières années et les moyens sanitaires, fiscaux et répressifs mis en œuvre par la France pour lutter contre le marché parallèle en témoignent.
Néanmoins, les conditions de réussite de cette politique publique nécessitent un nouveau saut qualitatif que permet le protocole de l’OMS, ratifié par la France en 2015 et l’Union européenne l’année suivante, et plus singulièrement l’application de son article 7 sur les quotas de livraison de tabac par pays.
La capacité d’entraînement des autorités françaises sera déterminante afin d’impulser un changement de politique au niveau de l’Union pour viser pleinement une harmonisation de la politique fiscale en matière de consommation de tabac et la mise en cohérence des paroles et des actes.
La Commission s’est réunie le 1er avril 2025, sous la présidence de M. Thierry Sother, Vice-président, pour examiner la présente proposition de résolution européenne.
M. Thierry Sother, vice-président. Notre collègue Frédéric Valletoux va nous présenter son rapport par rapport à la proposition de résolution relatif à la mise en œuvre du protocole de l’Organisation Mondiale de la Santé pour « lutter contre le commerce illicite de tabac ».
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Je vous remercie de m’accueillir devant votre commission pour l’examen de cette proposition de résolution européenne. Ce texte vise à renforcer la lutte contre le marché parallèle du tabac, via la mise en œuvre du protocole de l’Organisation mondiale de la Santé, ratifié par l’Union européenne en juin 2016, à la suite d’une procédure de vote à l’unanimité devant le Conseil de l’Union européenne. Si 20 États de l’Union européenne, dont la France, ont ratifié ce protocole, sept États membres ne l’ont toujours pas fait à ce jour. Pourtant, ce protocole permet notamment, et j’y reviendrai dans le détail, d’assurer une meilleure traçabilité du tabac et de mettre en place des quotas de livraison par pays, afin de lutter plus efficacement contre le marché illicite. Face à l’ampleur de ce fléau, il est en effet indispensable de renforcer notre arsenal juridique pour avoir une réponse à la hauteur des enjeux.
Pour mémoire, chers collègues, le tabac et la première cause de mortalité prématurée évitable en France avec 75 000 décès par an, 200 décès par jour.
En sus du coût humain, le tabac engendre un coût pour nos finances publiques. Selon un rapport de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies de juillet 2023, le coût du tabac sur nos dépenses sociales est évalué à plus de 1,6 milliard d’euros par an et représente un coût social annuel de 156 milliards d’euros.
La France a donc engagé dès les années soixante-dix une politique de lutte contre le tabagisme ambitieux. Ainsi, une première législation voit le jour avec la loi portée par Simone Veil en 1976, puis vient la loi de 1991, portée par le ministre Claude Évin qui durcit très fortement la consommation en encadrant la publicité et en augmentant le prix du tabac élément clé de la lutte contre le tabac. C’est le premier plan, lancé en 2003 par le président Jacques Chirac, qui marque un moment clé dans cette politique de santé. Déclarant la guerre au tabac, le président de la République témoigne de son engagement en augmentant le prix du tabac de près de 42 % entre 2002 et 2004. Plusieurs plans qui suivront et à partir de 2014, sous l’impulsion de Marisol Touraine, le tabac fait l’objet d’un plan spécifique appelé « programme national de réduction du tabagisme ».
Les résultats sont sans appel et nous pouvons nous en réjouir. Ainsi la trajectoire de baisse de la consommation de tabac est ininterrompue depuis près de 30 ans. Le recul atteint même pour la première fois un nombre à deux chiffres en 2024, avec un recul de 12 % et qui se poursuit en 2025 avec -15 % pour les mois de janvier et février par rapport à l’année dernière. Cette répercussion se constate dans le nombre de fumeurs : 30 % en 2015 contre 23 % seulement en 2025.
Malgré ses résultats positifs notre politique de prévention est mise à mal par l’essor du marché parallèle du tabac. Ce marché recouvre des réalités différentes : importations de produits du tabac, au-delà des quantités autorisées, produits contrefaites ou marques non autorisées. Malgré les mesures déjà mises en œuvre en France comme au niveau européen sur les 52 milliards de cigarettes fumées en France par an, 16 milliards proviennent du marché parallèle.
Les travaux menés dans le cadre de la commission des finances de notre Assemblée ont permis également d’évaluer l’ampleur de ce marché. En période de confinement, alors qu’il était interdit rappelez-vous de franchir les frontières, les consommateurs se sont repliés sur le réseau national des buralistes, augmentant la consommation dans certaines régions de plus de 40 % et même de plus de 70 % dans certains départements transfrontaliers. Ces chiffres témoignent d’une situation devenue hors de contrôle.
Les industries du tabac organisent elles-mêmes le surapprovisionnement des pays limitrophes de la France, afin de contourner notre politique de hausse du prix du paquet. Prenons deux exemples marquants : au Luxembourg où la consommation domestique est de 600 millions de cigarettes chaque année, les fabricants de tabac y livrent 3 milliards de cigarettes. À Andorre où la consommation domestique était de 120 millions de cigarettes chaque année, en 2015, les fabricants y ont livré 850 millions de cigarettes.
Alors même que la directive européenne sur les produits du tabac proscrit une implication des fabricants dans le suivi de la chaîne logistique, il a été prouvé que cette séparation n’existait pas. Cette situation méconnaît l’exigence u protocole de l’OMS et il est plus que temps d’y mettre fin. Le législateur français a bien tenté de limiter l’importation de tabac mais la jurisprudence du Conseil d’État est venue rappeler que nous ne pouvons agir que dans les limites de la directive sur les droits d’accises fixant les seuils quantitatifs autorisés.
Par ailleurs, la jurisprudence constante de la Cour de Justice de l’Union européenne, nous rappelle que nous ne pouvons entraver la libre circulation des marchandises que pour des motifs précis et à condition de correspondre à certaines situations. En l’état, le droit ne nous permet pas d’aller plus loin et il est donc indispensable de franchir une nouvelle étape. La lutte contre le tabagisme n’est pas simplement une politique française mais aussi un combat mené à l’échelle européenne d’abord, et internationale ensuite.
Nous ne partons pas d’une feuille blanche. Les premières actions étaient initiées comme témoin une directive européenne entrée en vigueur en 2016 qui vient encadrer le commerce du tabac, en fixant des normes et en mettant en œuvre des mesures de traçabilité des produits. De même, au niveau international avec la convention cadre contre le tabac de 2003, et surtout le protocole pour éliminer le commerce illicite de produits du tabac de 2012. Des textes majeurs ont été portés par l’Organisation Mondial de la Santé. Le protocole de 2012, dont il est question aujourd’hui, acte la perte de recettes fiscales pour les États en raison de ce marché parallèle et vise à répondre par des mesures fermes et efficaces permettant à la fois de retracer le parcours des produits du tabac, vendus et de mettre en œuvre des mesures de transparence, à l’égard de l’industrie du tabac. Plus majeur encore est l’article 7 de ce protocole qui ouvre la voie à la mesure que porte le texte que je présente aujourd’hui : des quotas de tabac par pays pour éviter le surapprovisionnement. L’article stipule que les quantités livrées doivent être proportionnées à celle vendues. Ainsi serait mis en œuvre un principe simple : une cigarette doit être fumée là où elle a été achetée. Depuis 2023 avec le dépôt d’une proposition de loi, j’ai soutenu la mise en place de tels quotas. Et lors des dernières discussions budgétaires, nous avons interpellé le gouvernement qui à l’époque par la voix de son ministre Laurent Saint-Martin était très ouvert à cette proposition. Je rappelle que ma proposition ne consiste qu’à appliquer un protocole que nous avons ratifié il y a plus d’une décennie. La cohérence de notre politique de santé publique nécessite que nous franchissions cette nouvelle étape aujourd’hui.
Nous disposons également de mesures complémentaires. En effet la révision des deux directives sur les droits d’assise concernant le tabac est une nécessité et devrait être réalisée pour pouvoir rendre opérationnels les quotas de livraison de tabac. Cette révision interroge d’ailleurs la politique fiscale puisque tout changement nécessite l’unanimité des États membres à l’évidence. Cette façon d’agir devient préjudiciable à tout avancée concrète et en l’espèce une politique de lutte contre le tabagisme et aux effets tangibles et concrets. Il conviendra de renforcer la directive de 2014 sur les produits du tabac pour la rendre plus structurante et faire cesser les immixtions de l’industrie du tabac. Je n’oublie pas la situation d’Andorre dont la concurrence déloyale crée des dysfonctionnements majeurs, c’est un sujet commercial qui devra donc être géré au niveau européen.
Le constat global est celui d’une situation qui ne peut plus durer et pour laquelle nous disposons d’un puissant outil de régulation. Il s’agit d’une question de santé publique essentielle au-delà de ce coût humain et social. Le développement du marché parallèle engendre un manque à gagner pour l’État évalué à environ 3 milliards d’euros par an et porte préjudice à nos buralistes qui se retrouve face et une concurrence déloyale alors même qu’ils sont souvent les derniers commerces de proximité de nos territoires. Nous devrons impérativement nous donner des moyens de poursuivre la politique de lutte contre le tabac, c’est désormais à l’échelle européenne qui combien de porter ce débat c’est la raison pour laquelle je vous invite à voter cette proposition de résolution européenne.
L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.
M. Christophe Blanchet (Dem). Je m’exprime à la fois en tant que député du groupe démocrate et comme président du comité national anti contrefaçon dont j’exerce la fonction depuis six ans. J’ai réalisé deux rapports sur la contrefaçon, et notamment sur le tabac. Le volume des cigarettes de contrebande et de contrefaçon s’élève à 3 milliards d’euros : jusqu’à il y a 3 ans encore, les douanes ne pouvaient pas faire le distinguo, tandis que c’est ce qui leur est demandé depuis.
Trois milliards d’euros, c’est à peu près le montant du marché du narcotrafic. Les différents rapports effectués démontrent que le tabac de contrebande ou contrefait représente un coût humain et un coût pour les finances publiques, mais également trois autres coûts importants.
Le premier, c’est le coût pour le crime organisé. S’il est considéré que 3 milliards d’euros nécessitent la mise en œuvre de lois contre le narcotrafic, il est possible d’imaginer que ce sont les mêmes conséquences, les mêmes buts et les mêmes mafias. Les différents rapports prouvent que les mafias qui organisent le narcotrafic s’orientent vers le tabac parce qu’il y a 10 fois moins d’investissement, 20 fois plus de rentabilité et 20 fois moins de sanctions.
Le deuxième coût, c’est celui de la traite humaine. Les revendeurs de paquets de tabac à 4,50 euros ou 5 euros sont malheureusement trop souvent des personnes immigrées ou d’origine immigrée qui sont exploitées et qui, si elles ne vendent pas leurs paquets, n’auront pas de quoi manger et ne se verront jamais rendre leur passeport.
Le dernier coût, c’est celui du terrorisme. Les frères Kouachi avaient financé leurs attentats grâce à la revente de contrefaçons de tabac. De même, Boko Haram finance ses actions en Afrique grâce notamment à la contrefaçon et à la contrebande de tabac.
On retrouve dans le tabac contrefait de l’urine de souris, de la mort-aux-rats et du ciment. Si nous voulons empêcher les contrefacteurs de fabriquer des cigarettes de tabac, il faudrait tracer le produit de tabac et empêcher que les trafiquants puissent s’approvisionner.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Je vous remercie d’avoir rappelé que le trafic du tabac finance des actions de terrorisme et de banditisme.
Cette proposition de résolution permettra à la France d’envoyer un signal aux autres États membres et à la Commission dans la perspective d’une nouvelle révision des textes encadrant le tabac au niveau européen et de sa volonté de voir mettre en œuvre un certain nombre de principes, notamment de transparence.
Mme Marietta Karamanli (Soc). Cette proposition de résolution européenne a pour objet de demander à l’Union mais aussi au Gouvernement de soutenir activement l’application du protocole pour éliminer le commerce illicite des produits de tabac. C’est le premier protocole à la convention cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac.
Dans le contexte de son élaboration, son objectif est clair : réaction au commerce illicite de produits du tabac qui s’étend au niveau international et qui met gravement en péril la santé publique. Ce commerce illicite rend les produits plus accessibles et plus abordables. Il entretient ainsi l’épidémie du tabagisme et sape les politiques de lutte anti-tabac.
Il entraîne par ailleurs d’importantes pertes fiscales et contribue en même temps à financer des activités criminelles transnationales. L’article 4 du protocole est de ce point de vue très explicite : « les parties au traité adoptent et appliquent des mesures efficaces pour contrôler et réglementer la chaîne logistique, enquêter et engager les poursuites et coopèrent entre elles à cette fin ».
L’Union a ratifié ladite convention, et depuis 2018, il était attendu que soit mis en œuvre un système mondial de traçabilité des produits du tabac. La proposition de résolution se félicite de l’engagement pris par le Gouvernement de prendre des mesures adaptées. Nous pouvons regretter de ne pas disposer d’information sur la manière dont l’Union européenne et les États ont rendu compte périodiquement de la façon dont ils appliquent leurs obligations au titre de ce traité et de ce protocole.
Selon l’ONU, cette démarche, prend la forme d’une reddition de comptes et de rapports soumis tous les deux ans à la conférence des États parties au traité qui doivent faire connaître les raisons des délais nécessaires pour œuvrer plus efficacement. Ceci permettrait de savoir où mettre l’accent pour surmonter les difficultés. En tout état de cause, notre groupe soutiendra cette proposition de résolution mais nous aurions aimé avoir un peu plus d’éléments sur ce qui a été mis en place au sein des autres pays de l’Union.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Ce n’est pas à moi de vous donner plus d’éléments sur la manière dont au niveau mondial ou européen, certains principes sur l’organisation d’un réseau de traçabilité du marché de l’approvisionnement du tabac sont mis en œuvre. Je serais preneur de telles informations. À la veille d’une négociation qui doit s’ouvrir sur un la définition d’un nouveau cadre européen, le fait que la France affirme sa volonté que cette négociation prenne en compte les principes figurant dans ce protocole, permettra sans doute d’aboutir à la transparence que vous évoquez et à une amélioration du contrôle de la chaîne logistique et de la traçabilité des paquets de cigarettes.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Le tabac est un produit toxique et cancérigène dont la consommation est strictement encadrée en France. Il est soumis à une fiscalité spécifique avec des taxes appliquées chez nos buralistes.
Pourtant, force est de constater que des marchés parallèles persistent : certains dans les limites prévues par la loi permettent à des particuliers d’acheter du tabac à l’étranger sans taxe pour leur usage personnel. En revanche, d’autres, illégaux, prospèrent en contournant les règles et en alimentant un commerce clandestin qui nuit à la santé publique, à nos finances, et à la sécurité de nos concitoyens.
Le commerce illicite de tabac affaiblit les campagnes de prévention, met en péril les recettes publiques et expose les consommateurs à des produits dont la fabrication et la distribution échappe à tout contrôle sanitaire.
Face à ce fléau, la communauté internationale a pris ses responsabilités. En 2015, la France a ratifié le protocole de l’OMS pour lutter contre le commerce illicite de tabac, suivie par l’Union en 2016.
Toutefois, son application reste incomplète. En effet, des divergences existent entre la directive européenne en vigueur et les exigences du protocole, notamment sur deux points cruciaux. D’une part, la nécessité de garantir que les volumes de tabac mis sur le marché correspondent réellement à la demande légitime. D’autre part, le besoin d’un contrôle strict et indépendant de la traçabilité des produits du tabac.
Actuellement, l’industrie du tabac choisit elle-même les entreprises chargées de suivre les mouvements de ses produits. Ce système constitue une faille que nous devons combler. Il est nécessaire d’instaurer des quotas de livraison par pays pour empêcher toute surproduction destinée à alimenter le marché illicite. De plus, nous devons mettre en place un système de traçabilité réellement indépendant, à l’abri de l’influence des industriels du tabac. C’est une question de cohérence et d’efficacité dans notre lutte contre ce commerce parallèle.
En votant cette proposition de résolution européenne, nous affirmerons notre engagement pour la santé publique, pour la justice fiscale et pour la sécurité de nos concitoyens. Nous envoyons un signal clair : la France et l’Europe ne peuvent plus tolérer ces failles qui alimentent un commerce illégal au détriment de l’intérêt général. C’est pourquoi le groupe Horizon et Indépendants votera en faveur de cette proposition de résolution.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Je remercie Nathalie Colin-Oesterlé pour ses propos. Ce projet est porté par l‘ensemble du groupe Horizon ; je ne suis donc pas surpris par son soutien.
M. Michel Lauzzana (EPR). Nous soutenons pleinement cette proposition de résolution européenne. Le tabac demeure la principale cause de mortalité évitable, responsable d’environ 75 000 décès par an. Des progrès notables ont été enregistrés ces dernières années grâce aux mesures mises en place dans différents programmes nationaux de lutte contre le tabac. Une baisse historique a été constatée. Malheureusement, l’essor du marché parallèle, encouragé et entretenu par les stratégies de l’industrie du tabac, nous pose actuellement problème. Nous devons collectivement redoubler d’efforts.
La proposition de résolution va en ce sens et vise à accélérer la mise en œuvre du protocole de l’OMS pour éliminer le commerce illicite du tabac. Elle constitue un levier essentiel pour renforcer la traçabilité des produits, harmoniser nos actions à l’échelle européenne, dénoncer les concurrences injustes pour les buralistes et mieux lutter contre la contrefaçon ainsi que les circuits illégaux qui alimentent la consommation. Notre vote unanime serait un signe fort pour la prochaine réunion de l’OMS sur ce protocole.
Pour poursuivre le travail que mène notre groupe depuis 2017, nous défendrons plusieurs amendements visant à compléter ce texte. Je pense à l’insertion d’une mention relative aux produits substitutifs, nouveaux vecteurs de dépendance à la nicotine. C’est le cas des puffs, interdites en France mais encore disponibles dans certains pays européens, ou encore des sachets de nicotine. Ces produits sont des pièges sournois et des portes d’entrée vers l’addiction nicotinique, notamment chez les jeunes de 12 à 15 ans.
Ce texte nous paraît donc essentiel et devra être accompagné d’actions fortes, notamment par l’application effective du programme national de lutte contre le tabac 2023-2027. J’ai d’ailleurs interpellé le ministre sur ce sujet, car il me semble actuellement au point mort. Nous devons également obtenir une révision ambitieuse des directives européennes sur le tabac, actuellement bloquée, peut-être sous la pression de l’industrie du tabac.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Je connais votre engagement pour la santé publique et la lutte contre les grands fléaux dont le tabac. Ces amendements viennent compléter le texte et lui apporter plus de précision. Ils rappellent en effet que la lutte contre le tabac concerne les cigarettes, mais pas seulement. L’imagination des fabricants nous oblige à prendre des mesures pour contrer certaines initiatives de marketing ou de conditionnement de la nicotine, visant à séduire de nouveaux consommateurs et à étendre ce fléau.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Le tabagisme cause 73 000 décès par an. C’est la première cause de mortalité prématurée en France. Il est donc urgent de renforcer la lutte contre le tabac. La France compte 27 % de fumeurs, un taux supérieur à la moyenne européenne, qui est de 24 %. L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) a publié une étude comparative sur le tabac en Europe, plaçant la France parmi les pays où les cigarettes sont les plus coûteuses.
Pourtant, le tabagisme reste un marqueur des inégalités sociales : il existe un écart de 12 points de prévalence du tabagisme quotidien entre les plus bas et les plus hauts revenus. Santé publique France explique cette forte proportion de fumeurs parmi les revenus les plus modestes par l’usage de la cigarette comme moyen de gestion du stress et par une difficulté accrue à se projeter dans l’avenir. L’espérance de vie à 35 ans des cadres atteint 48,9 ans, contre 43,6 ans pour les ouvriers. Ces derniers sont donc moins sensibles aux arguments liés aux risques sanitaires à long terme.
Dès lors, nous ne pouvons pas nous limiter à la lutte contre le commerce illicite du tabac sans agir pour réduire sa consommation, en particulier chez les personnes à plus bas revenus. Dans votre proposition, vous avancez que le commerce illicite du tabac représente un manque à gagner de 2,5 à 3 milliards d’euros par an pour l’État. Or, cette lutte ne doit pas être menée dans le but d’augmenter les recettes publiques : la priorité doit être la diminution du nombre de fumeurs, dans l’intérêt général et pour la santé de nos concitoyens. Si l’on souhaite aborder la question financière, il serait pertinent de plaider en faveur de sanctions, notamment financières, à l’encontre des fabricants de tabac qui alimentent le commerce illicite. Ces sanctions pourraient contribuer au financement des politiques de prévention et d’accompagnement à l’arrêt du tabac, qui ont prouvé leur efficacité dans la lutte contre le tabagisme. En effet, si la France doit soutenir l’application du protocole de l’OMS pour lutter contre le commerce illicite du tabac, elle doit également redoubler d’efforts dans la lutte contre le tabagisme.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Je suis d’accord avec vous. Si j’ai cité ces chiffres, ce n’était pas pour en faire l’argument central en faveur de l’adoption de ce protocole, mais comme un élément permettant de mieux comprendre le problème posé par les ventes illicites de tabac. Il s’agit avant tout d’un enjeu de santé publique : notre priorité est de protéger nos concitoyens des méfaits du tabac, dont j’ai rappelé l’ampleur ainsi que le coût social et humain. D’ailleurs, l’Organisation mondiale de la santé n’a pas mis en avant ce protocole par hasard : il s’inscrit pleinement dans cette préoccupation. Sa mise en œuvre est soutenue non seulement par toutes les associations engagées dans la lutte contre le tabagisme et le monde de la santé, mais aussi par les buralistes, qui ont intérêt à retrouver une activité dans un réseau officiel. Contrairement à la France, tous les pays ne disposent pas d’un tel réseau de distribution du tabac.
M. Thierry Sother, vice-président. Je vous propose d’aborder l’examen de la proposition de résolution européenne et des amendements qui ont été déposés.
Amendement n° 4 de M. Michel Lauzzana
M. Michel Lauzzana (EPR). Cet amendement vise à mentionner le programme national de lutte contre le tabac 2023-2027 qui est un peu à l’arrêt pour le moment.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Avis favorable. Ce programme national est au cœur de l’action de notre pays en matière de lutte contre le tabac. Comme il s’agit d’un élément clé de la politique française, il a toute sa place dans cette résolution.
L’amendement n° 4 est adopté.
Amendement n° 1 de M. Michel Lauzzana
Michel Lauzzana (EPR). Cet amendement vise, après l’alinéa 7, à insérer : « considérant que le tabagisme demeure la première cause de mortalité évitable en France, selon Santé publique France ». Dans l’exposé des motifs, il convient de rappeler qu’il s’agit également d’un problème social, comme l’a expliqué notre collègue de la France insoumise. L’exposition au tabac est malheureusement plus forte dans les couches sociales défavorisées. Il est important de souligner que le tabagisme reste la première cause de mortalité évitable en France afin d’encourager et de promouvoir le sevrage tabagique.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Avis favorable.
L’amendement n° 1 rect. est adopté.
Amendement n° 2 de M. Michel Lauzzana.
M. Michel Lauzzana (EPR). Cet amendement vise à prendre en compte les sachets de nicotines ou les billes aromatiques de nicotines. Dans ce domaine, l’industrie est très imaginative et développe des consommables qui pourraient s’apparenter à des produits de substitutions. En réalité, ils ne le sont pas et ont pour conséquence de faire tomber des personnes dans la dépendance à la nicotine. Ces produits nicotiniques doivent être pris en compte dans cette résolution.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Cet élément est mentionné dans le rapport, mais c’est un argument fort en faveur de la révision de la directive au niveau européen.
L’amendement n° 2 est adopté.
Amendement n° 5 de M. Michel Lauzzana.
M. Michel Lauzzana (EPR). Cet amendement vise à ajouter après l’alinéa 10, « considérant que le commerce illicite de tabac alimenté par un marché parallèle échappant à tout cadre de régulation sanitaire et fiscal et que de nombreux éléments factuels et judiciaires démontrent l’implication persistante de certains fabricants dans ces circuits illégaux ».
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Le fait est mentionné dans le rapport, et il est intéressant de le mentionner dans le texte pour illustrer la responsabilité de l’industrie du tabac.
L’amendement n° 5 est adopté.
Amendement n° 3 de M. Michel Lauzzana.
M. Michel Lauzzana (EPR). L’amendement a pour but d’évoquer le sujet des produits de substitutions aux tabacs, tels que les sachets de nicotine ou de billes aromatiques, dont le risque sur la santé, en particulier chez les jeunes, est bien documenté. Malgré la faible toxicité de la nicotine, il existe des cas de surdosage. De plus, la consommation peut aussi causer des cancers locaux, et la nicotine est une entrée dans le monde des addictions. Parmi les jeunes fumeurs de « puffs », ils sont très nombreux à ensuite commencer à fumer du tabac.
M. Christophe Blanchet (Dem). Sans remettre en question le caractère toxique du tabac, il convient de relever que ces produits de substitution sont un moyen pour certaines personnes de sortir de la consommation du tabac. Il n’est pas souhaitable de restreindre la vente de substances qui permettent d’accompagner les fumeurs vers une meilleure santé. Attention à ne pas tout interdire ! Compte tenu des prix actuels d’un paquet de tabac, une quantité non négligeable de consommateurs s’est déportée vers des produits issus de la contrebande ou de la contrefaçon.
M. Michel Lauzzana (EPR). Cette remarque est très juste. La directive européenne est à ce sujet très claire, et la loi d’interdiction des « puffs » n’a pas inclus les substituts qui permettent de sortir de l’addiction du tabac. Pour autant, l’amendement que je présente ne vise pas à interdire tous les produits de substituts nicotiniques.
L’amendement n° 3 est adopté.
Amendement n° 6 de M. Frédéric Valletoux.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Cet amendement porte sur la question de l’introduction des cigarettes étrangères sur notre territoire. Le droit européen permet à un particulier de ramener des quantités importantes sans fiscalité supplémentaire (800 cigarettes, 4 cartouches, 1 kilo de tabac, 400 cigarillos pour sa consommation personnelle). Or, en France, jusqu’en 2024, il n’était pas possible de ramener plus de 200 cigarettes. Pour se mettre en conformité, et ainsi que le Conseil d’État l’avait enjoint par une décision du 29 septembre 2023, notre pays, par un décret entré en vigueur fin mars 2024, a supprimé cette restriction. L’objectif de cet amendement est de revenir sur la situation dommageable résultant du décret et de demander à la Commission européenne de proposer une réforme de la directive établissant un régime général d’assises pour appliquer un nouveau seuil d’une cartouche.
M. Michel Lauzzana (EPR). Comme j’ai l’occasion de le constater, le trafic est très bien organisé en Andorre.
M. Christophe Blanchet (Dem). Nous soutenons cet amendement de bon sens. À l’époque, avec la limitation à 200 cigarettes, les trafics étaient fréquents. Il y a également un travail à faire pour éviter que les ventes de contrebande et de contrefaçon puissent se réaliser via les réseaux sociaux : bien qu’il soit possible de faire un signalement, le produit n’est pas retiré immédiatement. La règle est que la vente de cigarettes doit se faire uniquement chez les buralistes, seuls vendeurs habilités en France.
M. Frédéric Valletoux (HOR). Si la directive européenne autorise la vente de cigarettes sur les plateformes, la France l’a interdite. Continuons le combat.
L’amendement n° 6 est adopté.
L’article unique de la proposition de résolution européenne est adopté.
La proposition de résolution ainsi modifiée est par conséquent adoptée.
M. Frédéric Valletoux (HOR). Je vous remercie pour le soutien à cette initiative. L’adoption de cette résolution donnera plus de force à la négociation européenne qui s’annonce difficile.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu les articles 168 et 169 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu la directive 2011/64/UE du Conseil concernant la structure et les taux des accises applicables aux tabacs manufacturés,
Vu la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac, et la définition d’un plan interministériel de lutte contre le commerce illicite du tabac,
Vu la directive 2020/262 du Conseil du 19 décembre 2019 établissant le régime général d’accise et régissant la circulation des produits soumis aux accises,
Vu le Protocole contre le commerce illicite du tabac, issu de la convention cadre de lutte antitabac de l’Organisation mondiale de la Santé, adopté le 12 novembre 2012,
Affirmant que la lutte contre le commerce parallèle de tabac doit devenir une priorité pour rendre effectifs les politiques de santé publique mises en œuvre contre le tabac ;
Considérant d’une part que, malgré la manifestation par la France de son intention de mettre en œuvre le Protocole de l’Organisation mondiale de la Santé, ratifié officiellement le 30 novembre 2015, celui‑ci n’est pas appliqué ;
Considérant d’autre part que l’Union européenne a ratifié ce Protocole le 24 juin 2016 à la suite d’une procédure de vote devant le Conseil de l’Union européenne à l’unanimité, chacun des vingt‑sept États membres a voté en faveur de la ratification du texte ;
Considérant que dans un souci de cohérence et d’harmonie entre la politique des États membres et celle de l’Union européenne, il est nécessaire que les États membres qui n’ont pas encore ratifié le Protocole le fassent ;
Considérant enfin que la mise en œuvre du Protocole de l’Organisation mondiale de la Santé est une exigence commune des associations de santé publique et des buralistes ;
Invite le Gouvernement à prendre l’initiative de plaider au niveau européen, en amont de l’élaboration de la prochaine directive européenne sur les produits du tabac, l’application pleine et entière du Protocole de l’Organisation mondiale de Santé afin que soient mis en place des quotas de livraison de tabac par pays, fondés sur la consommation domestique ;
Affirme dans un souci d’efficacité de notre politique de lutte contre le tabagisme, en général, et contre le commerce illicite du tabac, en particulier, l’impérieuse nécessité de renforcer les contrôles de la chaîne logistique à travers l’instauration d’un système de suivi et de traçabilité indépendant.
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
1er avril 2025
mise en œuvre du Protocole de l’organisation mondiale de
la santÉ pour lutter contre le commerce illicite de tabac (n° 1046),
|
AMENDEMENT |
No 4 |
présenté par |
M. Michel Lauzzana, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. David Amiel, Mme Liliana Tanguy, Mme Céline Calvez, M. Sébastien Huyghe, M. Jean Laussucq, Mme Constance Le Grip, M. Charles Sitzenstuhl |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 5, insérer un alinéa :
« Vu le programme national de lutte contre le tabac 2023-2027, présenté le 28 novembre 2023. »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Ce programme, présenté par le Gouvernement le 28 novembre 2023, affichait notamment la volonté de conduire une stratégie globale et cohérente, en lien avec l’administration des Douanes, visant à réduire l’accessibilité financière des produits du tabac, notamment par une hausse progressive du prix du paquet, et à renforcer la lutte contre les déports de consommation vers des circuits parallèles, qu’il s’agisse du commerce illicite ou des achats transfrontaliers. Il s’inscrit également dans une dynamique de coopération européenne, avec un objectif d’harmonisation de la fiscalité du tabac au sein de l’Union européenne, afin de limiter les écarts de prix et les pratiques de contournement.
Cet amendement est adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
1er avril 2025
mise en œuvre du Protocole de l’organisation mondiale de
la santÉ pour lutter contre le commerce illicite de tabac (n° 1046),
|
AMENDEMENT |
No 1 rect |
présenté par |
M. Michel Lauzzana, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. David Amiel, Mme Liliana Tanguy, Mme Céline Calvez, M. Sébastien Huyghe, M. Jean Laussucq, Mme Constance Le Grip, M. Charles Sitzenstuhl |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 7, insérer l’alinéa suivant :
« Considérant que le tabagisme demeure la première cause de mortalité évitable en France selon Santé publique France. »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Il est important de rappeler que le tabac demeure, en France, la première cause de mortalité évitable avec environ 75 000 décès chaque année. Si des progrès notables ont été enregistrés ces dernières années – notamment une baisse historique du tabagisme quotidien entre 2016 et 2019, et une diminution marquée chez les adolescents – les niveaux de consommation se sont stabilisés depuis 2019.
Aujourd’hui encore, près de 12 millions de personnes fument en France, dont un quart quotidiennement. Ces chiffres traduisent une persistance forte du tabagisme dans notre société, en particulier au sein des populations les plus vulnérables. Les données montrent que les inégalités sociales demeurent très marquées : les personnes sans diplôme ou ayant un niveau de vie modeste présentent des taux de tabagisme nettement plus élevés. Ainsi, en 2022, 42,3 % des personnes au chômage déclaraient fumer quotidiennement, contre 26,1 % des actifs occupés et 19,1 % des étudiants.
Par ailleurs, bien que la majorité des fumeurs expriment le souhait d’arrêter, les taux de sevrage restent encore insuffisants pour inverser durablement la tendance.
Face à cette situation, la mobilisation collective doit se poursuivre et s’intensifier. Le lancement du nouveau Plan national de lutte contre le tabac vise notamment à construire une génération sans tabac d’ici 2032. Il est donc crucial de renforcer la prévention, d’accompagner les fumeurs vers l’arrêt, et de cibler les actions sur les jeunes et les publics les plus exposés aux inégalités de santé.
Cet amendement est adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
1er avril 2025
mise en œuvre du Protocole de l’organisation mondiale de
la santÉ pour lutter contre le commerce illicite de tabac (n° 1046),
|
AMENDEMENT |
No 2 |
présenté par |
M. Michel Lauzzana, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. David Amiel, Mme Liliana Tanguy, Mme Céline Calvez, M. Sébastien Huyghe, M. Jean Laussucq, Mme Constance Le Grip, M. Charles Sitzenstuhl |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 10, insérer l’alinéa suivant :
« Considérant que les produits de substitution au tabac tels que les sachets de nicotine ou les billes aromatiques présentent également des risques avérés pour la santé, en particulier chez les jeunes. En l’absence de cadre réglementaire spécifique, en particulier à l’échelle européenne, ces produits contenant de la nicotine exposent à des formes de dépendance et à des intoxications parfois sévères ; et que, de surcroît, leur promotion ciblée sur les réseaux sociaux contribue à leur banalisation auprès des mineurs. »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Alors que le tabagisme demeure la première cause de mortalité évitable en France, avec 75 000 décès par an selon Santé publique France, l’émergence de nouveaux produits contenant de la nicotine — tels que les sachets de nicotine (ou nicopods), le snus, les billes aromatiques, ou encore le tabac à chauffer — constitue un défi sanitaire majeur.
Ces produits, parfois présentés comme des alternatives au tabac ou comme des dispositifs de sevrage, ne sont pas sans risques. L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) alerte en particulier sur l’augmentation rapide des cas d’intoxication liés à ces substances, notamment chez les adolescents. Entre 2020 et 2022, les appels aux centres antipoison concernant le snus, les sachets de nicotine ou les billes aromatiques ont fortement progressé, avec des symptômes graves tels que vomissements prolongés, convulsions, troubles de la conscience, voire hypotension nécessitant une prise en charge médicale.
Ces produits, souvent très accessibles et insuffisamment encadrés sur le plan réglementaire, sont massivement promus sur les réseaux sociaux, via des contenus ciblant explicitement les jeunes. Leur apparence banalisée et leur facilité d’usage favorisent une initiation précoce à la nicotine, avec un fort risque de dépendance à moyen et long terme.
Dans ce contexte, il apparaît urgent de renforcer la régulation de ces produits, à l’image du cadre existant pour le tabac, afin de protéger la santé publique et tout particulièrement celle des mineurs. Le présent amendement vise ainsi à combler les lacunes juridiques entourant ces nouveaux vecteurs d’exposition à la nicotine, et à prévenir la diffusion massive de produits qui, bien que parfois perçus comme inoffensifs, participent à entretenir ou initier une addiction nocive.
Cet amendement est adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
1er avril 2025
mise en œuvre du Protocole de l’organisation mondiale de
la santÉ pour lutter contre le commerce illicite de tabac (n° 1046),
|
AMENDEMENT |
No 5 |
présenté par |
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M. Michel Lauzzana |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 10, insérer un alinéa :
« Considérant que le commerce illicite de tabac alimente un marché parallèle échappant à tout cadre de régulation sanitaire et fiscal, et que de nombreux éléments factuels et judiciaires démontrent l’implication persistante de certains fabricants dans ces circuits illégaux ; »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Le commerce illicite de tabac représente une menace majeure pour la santé publique, l’économie et la sécurité. Il prive l’État de recettes fiscales importantes, alimente des circuits parallèles échappant à toute régulation, et compromet les politiques de lutte contre le tabagisme en rendant les produits du tabac plus accessibles, notamment pour les jeunes et les populations précaires.
Depuis plusieurs décennies, des enquêtes indépendantes, des procédures judiciaires et des publications officielles ont mis en lumière des pratiques préoccupantes impliquant certains acteurs de l’industrie du tabac dans l’organisation ou la facilitation de circuits de contrebande. Ces pratiques incluent, entre autres, le surapprovisionnement de marchés spécifiques, la sous-déclaration de volumes exportés ou distribués, ainsi que des stratégies d’implantation dans des pays soumis à des restrictions ou des sanctions.
Le commerce illicite de tabac, loin d’être un phénomène purement criminel ou exogène, peut ainsi s’inscrire dans une logique industrielle :
Certaines enquêtes ont également souligné les liens entre ces circuits de contrebande et des activités criminelles transnationales, voire des réseaux de financement de groupes armés ou terroristes dans certaines régions du monde.
Dans ce contexte, il apparaît indispensable de renforcer les outils de surveillance, de transparence et de régulation, au niveau national comme international. La France, en cohérence avec ses engagements en matière de santé publique, doit jouer un rôle moteur pour prévenir toute influence indue des opérateurs économiques dans les politiques publiques, et soutenir une action coordonnée contre les pratiques illicites, notamment dans les enceintes européennes et multilatérales.
Cet amendement est adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
1er avril 2025
mise en œuvre du Protocole de l’organisation mondiale de
la santÉ pour lutter contre le commerce illicite de tabac (n° 1046),
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AMENDEMENT |
No 3 |
présenté par |
M. Michel Lauzzana, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. David Amiel, Mme Liliana Tanguy, Mme Céline Calvez, M. Sébastien Huyghe, M. Jean Laussucq, Mme Constance Le Grip, M. Charles Sitzenstuhl |
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ARTICLE UNIQUE
À l’alinéa 13, après les mots : « sur les produits du tabac »
Insérer les mots «, ainsi que les produits de substitution au tabac, ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Face à la prolifération de nouveaux produits contenant de la nicotine — tels que les sachets de nicotine, le snus ou les billes aromatiques — dont les risques pour la santé, en particulier chez les jeunes, sont désormais bien documentés par l’Anses, il est urgent d’agir.
Ces produits, souvent non encadrés juridiquement, se développent rapidement via les réseaux sociaux et exposent à une dépendance à la nicotine dès l’adolescence. Ils constituent un angle mort de la régulation européenne actuelle, alors même qu’ils peuvent entraîner des intoxications sévères.
Dans un objectif de santé publique et de protection des mineurs, le présent amendement appelle le gouvernement à porter, au niveau européen, une régulation spécifique et renforcée de ces produits de substitution au tabac.
Cet amendement est adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
1er avril 2025
mise en œuvre du Protocole de l’organisation mondiale de
la santÉ pour lutter contre le commerce illicite de tabac (n° 1046),
|
AMENDEMENT |
No 6 |
présenté par |
M. Frédéric VALLETOUX |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 13, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Demande à la Commission européenne de proposer une réforme de la directive établissant un régime général d’accise consistant en un abaissement significatif des seuils au-delà desquels l’introduction de tabac sur le territoire d’un État membre est considérée comme réalisée à des fins commerciales. Cette démarche devra permettre d’appliquer à nouveau les seuils en vigueur en France jusque mars 2024, notamment celui d’une cartouche s’agissant des cigarettes ; »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Le projet de résolution invite le Gouvernement à plaider en faveur de l’instauration de quotas de livraison de tabac par pays. Une telle mesure serait conforme à nos engagements internationaux et cohérente avec nos objectifs de santé publique.
Toutefois, l’instauration de tels quotas ne serait pas suffisante pour endiguer l’introduction de cigarettes étrangères sur notre territoire. En effet, le droit européen permet à un particulier de ramener des quantités importantes de tabac acquis dans un autre État membre, sans fiscalité supplémentaire et autant de fois qu’il le souhaite. À chaque déplacement dans l’Union, un individu peut ainsi revenir avec pas moins de quatre cartouches de cigarettes, acquises au tarif fiscal de l’État d’acquisition.
Le présent amendement vise à rappeler la nécessité de corriger cette situation inique en complétant le système de quota par un abaissement des seuils. S’agissant des cigarettes, il permettrait de le ramener de quatre cartouches à une seule.
Une telle règle permettrait de revenir sur la situation dommageable résultant du décret du 27 mars 2024 qui, en application d’une décision de justice prise sur la base du droit européen, a procédé à l’évolution inverse de notre droit.
Cet amendement est adopté.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu les articles 168 et 169 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu la directive 2011/64/UE du Conseil concernant la structure et les taux des accises applicables aux tabacs manufacturés,
Vu la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac, et la définition d’un plan interministériel de lutte contre le commerce illicite du tabac,
Vu le programme national de lutte contre le tabac 2023-2027, présenté le 28 novembre 2023.
Vu la directive 2020/262 du Conseil du 19 décembre 2019 établissant le régime général d’accise et régissant la circulation des produits soumis aux accises,
Vu le Protocole contre le commerce illicite du tabac, issu de la convention cadre de lutte antitabac de l’Organisation mondiale de la Santé, adopté le 12 novembre 2012,
Considérant que le tabagisme demeure la première cause de mortalité évitable en France selon Santé publique France.
Affirmant que la lutte contre le commerce parallèle de tabac doit devenir une priorité pour rendre effectifs les politiques de santé publique mises en œuvre contre le tabac ;
Considérant d’une part que, malgré la manifestation par la France de son intention de mettre en œuvre le Protocole de l’Organisation mondiale de la Santé, ratifié officiellement le 30 novembre 2015, celui‑ci n’est pas appliqué ;
Considérant d’autre part que l’Union européenne a ratifié ce Protocole le 24 juin 2016 à la suite d’une procédure de vote devant le Conseil de l’Union européenne à l’unanimité, chacun des vingt‑sept États membres a voté en faveur de la ratification du texte ;
Considérant que les produits de substitution au tabac tels que les sachets de nicotine ou les billes aromatiques présentent également des risques avérés pour la santé, en particulier chez les jeunes. En l’absence de cadre réglementaire spécifique, en particulier à l’échelle européenne, ces produits contenant de la nicotine exposent à des formes de dépendance et à des intoxications parfois sévères ; et que, de surcroît, leur promotion ciblée sur les réseaux sociaux contribue à leur banalisation auprès des mineurs.
Considérant que le commerce illicite de tabac alimente un marché parallèle échappant à tout cadre de régulation sanitaire et fiscal, et que de nombreux éléments factuels et judiciaires démontrent l’implication persistante de certains fabricants dans ces circuits illégaux ;
Considérant que dans un souci de cohérence et d’harmonie entre la politique des États membres et celle de l’Union européenne, il est nécessaire que les États membres qui n’ont pas encore ratifié le Protocole le fassent ;
Considérant enfin que la mise en œuvre du Protocole de l’Organisation mondiale de la Santé est une exigence commune des associations de santé publique et des buralistes ;
Invite le Gouvernement à prendre l’initiative de plaider au niveau européen, en amont de l’élaboration de la prochaine directive européenne sur les produits du tabac ainsi que les produits de substitution au tabac, l’application pleine et entière du Protocole de l’Organisation mondiale de Santé afin que soient mis en place des quotas de livraison de tabac par pays, fondés sur la consommation domestique ;
Demande à la Commission européenne de proposer une réforme de la directive établissant un régime général d’accise consistant en un abaissement significatif des seuils au-delà desquels l’introduction de tabac sur le territoire d’un État membre est considérée comme réalisée à des fins commerciales. Cette démarche devra permettre d’appliquer à nouveau les seuils en vigueur en France jusque mars 2024, notamment celui d’une cartouche s’agissant des cigarettes ;
Affirme dans un souci d’efficacité de notre politique de lutte contre le tabagisme, en général, et contre le commerce illicite du tabac, en particulier, l’impérieuse nécessité de renforcer les contrôles de la chaîne logistique à travers l’instauration d’un système de suivi et de traçabilité indépendant.
([1]) Citons notamment la résolution du Parlement européen du 12 mars 1982 sur la lutte contre le tabagisme (Journal officiel des Communautés européennes, 5 avril 1982) ; la résolution du 12 mai 1986 sur un programme d’action des Communautés européennes en matière de prévention du cancer (Journal officiel des Communautés européennes, 16 juin 1986) ; le plan d’action pour les années 1987 à 1989 dans le cadre du programme « l’Europe contre le cancer » (JO, 26 février 1987) ; la résolution du 18 juillet 1989 sur l’interdiction de fumer dans les lieux accueillant le public (JO, 26 juillet 1989) ; la directive du Conseil des ministres de la Santé du 13 novembre 1989 sur l’harmonisation de l’étiquetage des produits du tabac dans la Communauté européenne (JO, 8 décembre 1989) ; ou encore la directive du Conseil des ministres de la Santé du 17 mai 1990 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant la teneur maximale en goudron des cigarettes (JO, 30 mai 1990).
([2]) Catherine Hill et Agnès Laplanche, Le Tabac en France, les vrais chiffres, Paris, La Documentation française, mai 2004 ; Altadis, 64J36, Brand Review Gallia, 1976
([3]) OFDT, Tabagisme et arrêt du tabac en 2020, mars 2021.
([4]) Source Logista, Rapport d'information déposé par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, en conclusion des travaux d'une mission d'information relative à l’évolution de la consommation de tabac et du rendement de la fiscalité applicable aux produits du tabac pendant le confinement et aux enseignements pouvant en être tirés, n° 4498, déposé le mercredi 29 septembre 2021.
([5]) Conseil d’État, 8e et 3e chambres réunies, 29 septembre 2023, n° 474580
([6]) Article 1 du décret n° 2024-276 du 27 mars 2024 pris pour l'application de l'article L. 311-19 du code des impositions sur les biens et services et fixant les éléments caractérisant le déplacement de produits soumis à accise par un particulier pour ses besoins propres
([7]) Article 56 AJ, CGI, annexe IV.
([8]) Challenges, 19 octobre 2022.
([9]) « Instrumentalisation du commerce illicite par l’industrie du tabac – État des lieux et propositions de leviers d’action, juin 2023, Alliance contre le tabac.
([10]) Étude de 2022