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N° 1522
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 juin 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI,
adoptée par le Sénat, portant programmation nationale et simplification normative
dans le secteur économique de l’énergie (n° 463).
PAR M. Antoine ARMAND
Député
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AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
Par M. Jean-Marie FIÉVET,
Député
Voir les numéros :
Sénat : 555, 642, 643 et T.A. 4 (2024-2025).
Assemblée nationale : 463.
SOMMAIRE
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Pages
Avant-Propos de la commission des affaires économiques
titre ier actualiser la programmation énergétique nationale
Chapitre Ier Fixer une programmation énergétique ambitieuse
Article 11 bis (nouveau) Créer un objectif de réduction de l’empreinte carbone de la France
Chapitre II Adapter la programmation énergétique à l’évolution technologique
Chapitre Ier Simplifier les normes applicables aux projets d’énergie nucléaire
Chapitre II Accroître la participation des collectivités territoriales à la transition énergétique
Chapitre III Simplifier les normes applicables aux projets d’énergies renouvelables
Chapitre IV Accroître la protection des consommateurs dans la transition énergétique
titre III dispositions diverses
Article 25 D Rapport permettant d’évaluer le fonctionnement des parcs éoliens en mer
1. Réunion du lundi 2 juin 2025 à 18 h : discussion générale et examen des articles
2. Réunion du lundi 2 juin 2025 à 21 h 30 : examen des articles (suite)
3. Réunion du mardi 3 juin 2025 à 17 h 30 : examen des articles (suite)
4. Réunion du mardi 3 juin 2025 à 21 h 30 : examen des articles (suite)
5. Réunion du mercredi 4 juin 2025 à 9 h 30 : examen des articles (suite)
6. Réunion du mercredi 4 juin 2025 à 15 h : examen des articles (suite et fin)
Liste des personnes auditionnées
1. Réunion du mardi 27 mai à 9 h 30 : examen pour avis des articles
2. Réunion du mercredi 28 mai à 9 h 30 : examen pour avis des articles (suite)
Avant-Propos de la commission des affaires économiques
La présente proposition de loi s’inscrit dans un contexte singulier. Promulguée en 2019, la loi relative à l’énergie et au climat avait prévu qu’avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, le Parlement vote une loi de programmation quinquennale pour déterminer nos grands objectifs de politique énergétique. Le Gouvernement n’a jamais présenté de projet de loi en ce sens, ni dans les délais impartis, ni même après le 1er juillet 2023.
Cette proposition de loi permet donc de pallier ce manque et d’avoir un débat sur l’avenir de notre mix énergétique, afin de répondre aux enjeux de sécurité d’approvisionnement et à l’urgence écologique. De tels enjeux auraient cependant mérité la réalisation d’une étude d’impact approfondie par le Gouvernement, ce que le dépôt d’une proposition de loi ne permet pas.
La nécessité pour le Parlement de se prononcer sur la politique énergétique pour notre pays répond à une triple nécessité.
Premièrement, la nécessité de renforcer notre souveraineté énergétique et de lutter contre le réchauffement climatique. Les conséquences inexorables du réchauffement climatique de même que l’urgence d’agir contre celui-ci ne sont plus à démontrer.
La France a ratifié l’Accord de Paris de 2015, qui a fixé pour objectif de « contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C » ([1]).
Au niveau de l’Union européenne, le paquet Fit for 55 ou « Ajustement à l’objectif 55 », comporte un ensemble de dispositions législatives pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55 % en 2030 par rapport à 1990, puis atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050.
Au niveau national, les articles L. 100-1 à L. 100-5 du code de l’énergie fixent les grands objectifs de politique énergétique du pays. Parmi ceux-ci figure l’atteinte de la neutralité carbone à horizon 2050, en divisant les émissions de gaz à effet de serre (GES) par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050 (article L. 100‑4).
Ces engagements ne pourront pas être tenus sans décarboner le mix énergétique de la France, qui dépend encore à plus de 60 % d’énergies fossiles. Cette décarbonation est également nécessaire pour renforcer notre souveraineté énergétique, dans la mesure où les énergies fossiles créent des dépendances majeures à l’égard de pays tiers. Les conséquences de la guerre en Ukraine sur les approvisionnements en gaz naturel en 2022 ont illustré avec force cet enjeu. Pour réussir cette décarbonation, la France doit s’appuyer sur trois piliers : l’accélération de la production d’électricité nucléaire, l’accélération de la production d’énergies renouvelables et enfin la sobriété et l’efficacité énergétiques.
Deuxièmement, comme cela a déjà été mentionné, la nécessité de fixer les grandes orientations de politique énergétique par la voie législative. L’article 2 de la loi « énergie-climat » ([2]) a créé un nouvel article L. 100-1 A dans le code de l’énergie, qui prévoit qu’avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, une loi détermine les objectifs et fixe les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique.
C’est cette loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) qui doit servir de guide à l’élaboration des textes réglementaires en matière énergétique, alors que la tentation du Gouvernement a été de procéder à rebours de cette logique. L’article L. 100-1 A du code de l’énergie dispose notamment que la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), la stratégie nationale bas-carbone et le plan national intégré énergie-climat (Pniec) doivent être compatibles avec cette loi de programmation.
Les principaux documents de programmation
en matière énergétique et environnementale
Les objectifs législatifs de politique énergétique et environnementale sont déclinés à travers plusieurs documents.
Définie aux articles L. 141-1 et suivants du code de l’énergie, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est un document réglementaire fixant les modalités d’action des pouvoirs publics pour la gestion des enjeux relatifs à l’énergie. Elle doit comporter au moins six volets, relatifs à la sécurité d’approvisionnement, à l’efficacité énergétique et à la consommation d’énergie, au développement des énergies renouvelables et de récupération, aux réseaux et aux flexibilités, au pouvoir d’achat et aux prix de l’énergie et enfin aux besoins en compétences professionnelles. Elle est élaborée pour deux périodes successives de cinq ans.
La stratégie nationale bas-carbone (SNBC), également d’ordre réglementaire, est définie à l’article L. 222-1 B du code de l’environnement. Elle porte sur les moyens permettant de diminuer les émissions de GES. Elle fixe notamment des budgets carbone par secteur d’activité économique.
Le plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) vise à adapter le territoire aux conséquences du changement climatique. Il doit permettre « d’adapter nos modes de vie, notre économie, nos infrastructures et nos décisions politiques en intégrant le climat futur dans l’ensemble de la planification écologique » ([3]).
L’élaboration d’un plan national intégré énergie-climat (Pniec) est imposée par le droit de l’Union européenne. Tous les dix ans, chaque État membre doit notifier ce plan à la Commission européenne ([4]). Il doit contenir une description des grands objectifs en matière d’énergie et de climat, notamment au regard des cinq domaines de l’Union de l’énergie (sécurité énergétique ; marché intérieur de l’énergie ; efficacité énergétique ; décarbonation de l’économie ; recherche et innovation), ainsi que des moyens pour les atteindre.
Votre rapporteur appelait déjà, dans la recommandation n° 2 du rapport d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, à « se donner une loi de programmation énergie climat sur 30 ans avec des objectifs climatiques, énergétiques et industriels ainsi que les moyens afférents, qui fera l’objet d’un suivi étroit et régulier par le Parlement et les institutions expertes ».
Troisièmement, la nécessité de donner de la visibilité aux acteurs du secteur et de sécuriser les investissements qu’ils envisagent. De nombreuses filières industrielles sont ainsi tributaires de l’adoption d’objectifs de politique énergétique. Elles ont besoin de signaux clairs de la part des décideurs politiques pour investir, éviter les phénomènes de stop and go, etc.
En outre, les appels d’offres de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) permettant d’octroyer des soutiens financiers aux énergies renouvelables, ainsi que la définition des zones d’accélération, ou encore la déclinaison locale des objectifs de politique énergétique dépendent de l’adoption des objectifs de politique énergétique au niveau national.
Faute de publication d’un nouveau texte, c’est aujourd’hui la dernière version de la PPE, publiée en 2020, qui s’applique. Or, elle contient de nombreux objectifs qui ne sont plus d’actualité. L’exemple le plus flagrant est la mention de la fermeture de 14 réacteurs nucléaires à l’horizon 2035.
Un travail important a été engagé ces dernières années en matière de politique énergétique, tant par le Gouvernement que par le Parlement.
Deux lois d’accélération ont été votées par le Parlement en 2023, l’une portant sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables, l’autre sur l’accélération de la production d’énergie nucléaire. En outre, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, de même que celle du Sénat portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050, ont permis de mener des analyses détaillées sur les choix passés, leurs conséquences et les orientations futures à adopter en matière d’énergie.
Le Gouvernement a mené, dès la fin de l’année 2021, un travail important autour de la Stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec), qui regroupe la PPE, la SNBC et le Pnacc. Plusieurs séries de consultations publiques ont été organisées, notamment, entre octobre 2022 et février 2023, une grande consultation citoyenne baptisée « Notre avenir énergétique se décide maintenant », incluant un Forum des jeunesses. Cette consultation a permis de recueillir trente-et-un mille contributions citoyennes. La dernière phase de consultation du public sur le projet de PPE 3 s’est tenue du 7 mars au 5 avril 2025.
Au cours de l’année 2023, plusieurs parlementaires ont par ailleurs été associés à sept groupes de travail créés à l’initiative de Mme Agnès Pannier‑Runacher, alors ministre de la transition énergétique, afin de contribuer à la préparation de la Sfec ([5]). Chacun de ces groupes était piloté par un binôme composé d’un parlementaire et d’un élu local.
Un projet de Pniec a également été transmis à la Commission européenne en novembre 2023, puis actualisé à la mi-2024.
Enfin, le gouvernement en place en 2023 avait travaillé à un avant-projet de loi relatif à la souveraineté énergétique, dont le contenu avait été révélé dans la presse au début de l’année 2024. Il avait cependant été abandonné par le gouvernement qui lui a succédé.
Il convient aussi de mentionner l’important travail de prospective sur l’avenir du mix électrique mené par RTE dans le cadre de son étude Futurs énergétiques 2050, dont elle a publié une actualisation en 2024, cette dernière portant sur des objectifs à l’horizon 2035.
Faute de présentation d’un projet de loi de programmation par le Gouvernement, le sénateur Daniel Gremillet a donc pris l’initiative du dépôt de la présente proposition de loi, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie. Elle s’articule autour de mesures de programmation (articles 1 à 13 bis) et de simplification (articles 14 à 25). Elle a été examinée en mai puis en octobre 2024 au Sénat.
Votre rapporteur salue cette initiative, qui permet au Parlement de définir la politique et les ambitions énergétiques de la France à moyen terme, ainsi que le choix du Gouvernement d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Parallèlement à ce véhicule législatif, le Premier ministre a annoncé, lors de sa déclaration sur la souveraineté énergétique de la France le lundi 28 avril 2025 devant l’Assemblée nationale, la création d’un groupe de travail confié à deux parlementaires : le sénateur Daniel Gremillet et votre rapporteur. Le Premier ministre a également annoncé, à cette occasion, la publication d’ici à la fin de l’été 2025 du décret d’adoption de la PPE.
Sur les articles 11, 16 bis, 22 ter, 22 quater et 22 quinquies de la proposition de loi, la commission des affaires économiques, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur ces articles (avis avec délégation au fond). La commission des affaires économiques, en raison de cette délégation au fond, a suivi les positions prises par cette commission sur ces articles et les amendements qui leur étaient liés. Les commentaires des articles ayant fait l’objet de cette délégation au fond sont intégrés au présent rapport.
Avant-propos de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire,
saisie pour avis
Le principe d’une loi quinquennale sur l’énergie a été créé par la loi « Énergie-Climat », du 8 novembre 2019 ([6]). Depuis lors, l’article L. 100-1 A du code de l’énergie dispose qu’une loi « détermine les objectifs et fixe les priorités d’action de la politique énergétique nationale ». Cette loi doit englober six grands domaines : la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), la réduction de la consommation énergétique, le développement et le stockage des énergies renouvelables, la diversification du mix électrique, la rénovation énergétique des bâtiments et l’autonomie énergétique dans les outre-mer. Elle doit servir de cadre à plusieurs documents réglementaires dont le Gouvernement a engagé la révision : la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et le plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc). L’ensemble de ces trois documents forme aujourd’hui la Stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec).
L’article L. 100-1 A du code de l’énergie impose par ailleurs que cette loi soit adoptée « à compter du 1er juillet 2023 puis tous les cinq ans », tandis que le même article subordonne la compatibilité de la PPE et de la SNBC aux objectifs qu’elle fixe. L’article L. 141-4 précise encore que la PPE doit être publiée dans un délai maximal de douze mois suivant l’adoption de la loi, disposition symétrique à celle qui, à l’article L. 222-1 C du code de l’environnement, encadre la révision de la SNBC. Au niveau territorial, enfin, les objectifs régionaux et les zones d’accélération pour les énergies renouvelables doivent permettre d’atteindre les cibles fixées par le législateur dans le cadre de la programmation nationale (articles L. 141-5-1 et L. 141-5-3 du code de l’énergie).
Or, depuis la loi « Énergie-Climat », la représentation nationale n’a été saisie d’aucune loi de programmation dans le domaine de l’énergie et l’échéance fixée par l’article L. 100-1 A du code de l’énergie – adoption d’une loi quinquennale « à compter du 1ᵉʳ juillet 2023 puis tous les cinq ans » – n’a donc pas été respectée, alors même que ce texte conditionne la révision cohérente de la PPE et de la SNBC, aujourd’hui engagée par le Gouvernement.
L’adoption d’une loi quinquennale sur l’énergie accompagnée de documents réglementaires compatibles n’est pas une simple exigence juridique ; elle doit être aussi l’expression d’une volonté politique. Faute de ce cadre, les collectivités, les filières industrielles et les investisseurs opèrent aujourd’hui dans un contexte d’incertitude qui ralentit l’atteinte des objectifs européens fixés par le paquet « Ajustement à l’objectif 55 » — notamment la neutralité climatique à l’horizon 2050 et la réduction de 55 % des émissions nettes en 2030. En examinant une proposition de loi sénatoriale portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie, le Parlement reprend l’initiative et réaffirme sa compétence de définition des grandes orientations de la politique énergétique.
Il revient donc aujourd’hui à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire (CDDAT) de rétablir, par la voie législative, la boussole stratégique dont notre politique énergétique demeure privée depuis l’échéance – non tenue – du 1er juillet 2023. Faute d’initiative gouvernementale, cette exigence d’une loi de programmation est restée lettre morte, atténuant par ricochet la portée donnée à l’actualisation de la PPE et de la SNBC et l’ensemble du mécanisme réglementaire qui leur est subordonné.
Cette exigence normative répond à une attente forte et convergente des filières industrielles. Le présent texte reçoit en effet un accueil globalement positif, tant du côté du groupe EDF – qui y voit la sécurisation de la relance du programme EPR2 et la perspective des réacteurs à neutrons rapides – que des organisations représentatives des énergies renouvelables, pour lesquelles les objectifs fixés impliqueront plusieurs dizaines de milliards d’euros d’investissements d’ici à 2030. La relance des grands projets nucléaires, le renforcement de la dynamique des énergies renouvelables, l’essor de nouvelles filières comme l’hydrogène et la montée en puissance du stockage de l’énergie et du carbone requièrent en effet un cap clair, gage de crédibilité auprès des collectivités, des investisseurs privés et des filières industrielles concernées.
La présente proposition de loi (n° 463) apporte cette lisibilité en deux mouvements complémentaires. Son titre Ier actualise la programmation énergétique : il relève à 50 % (hors terres et forêts) l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030 ; il consolide la trajectoire nucléaire avec la programmation de 27 gigawatts de nouvelles capacités installées de production à l’horizon 2050 ; il confirme l’engagement d’ici à 2026 d’au moins six réacteurs électronucléaires de grande puissance (EPR2) et de huit réacteurs supplémentaires d’ici à 2030, et prévoit l’essor des petits réacteurs modulaires ; il fixe enfin, pour les énergies renouvelables, des volumes et des jalons compatibles avec le projet de PPE 3, avec un objectif de production de 200 térawattheures d’origine renouvelable en 2030. Le texte prévoit ainsi de porter la « part des énergies décarbonées à 58 % au moins de la consommation finale brute d’énergie en 2030 ».
Outre cette actualisation de la programmation énergétique nationale, le titre II du texte poursuit une simplification des normes applicables aux projets d’énergies nucléaire comme renouvelables : facilitation des investissements dans les sociétés de production d’énergies renouvelables, possibilité d’étendre la contribution au partage territorial de la valeur aux parcs éoliens en mer, modification du régime des concessions hydroélectriques, etc. Ces mesures visent à faciliter la relance de la filière nucléaire et l’essor des filières renouvelables, tout en préservant les exigences environnementales.
Le champ de saisine de la CDDAT, avec « délégation au fond », porte en premier lieu sur l’article 11, qui substitue à l’objectif actuel de 40 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre une cible de réduction de 50 % de ces émissions pour 2030, hors émissions et séquestrations de carbone par les écosystèmes forestiers ou agricoles. Ce relèvement traduit la contribution de la France à l’objectif européen de réduction de 55 % des émissions nettes de GES en 2030. L’article ajoute également aux objectifs de politique énergétique le développement des puits de carbone, en cohérence avec la définition de la neutralité climatique fixée par l’accord de Paris.
L’article 16 bis permet de requalifier des matières radioactives en « stock stratégique » quand existent des perspectives de valorisation dont l’opérabilité n’est pas encore établie. Cet article vise à éviter l’éventuelle classification en déchets des 341 000 tonnes d’uranium appauvri entreposées sur le territoire. Cette catégorie vise à asseoir la dimension stratégique de l’uranium appauvri, qui constituera la matière première des futurs réacteurs de quatrième génération, dont la création est prévue pour la fin du siècle. Cette nouvelle qualification réduit la contrainte temporelle pesant sur la démonstration de valorisation, tout en maintenant la possibilité pour l’autorité administrative de requalifier ces matières en déchets, le cas échéant.
En matière de foncier, l’article 22 ter étend aux installations solaires thermiques et aux dispositifs de stockage l’exemption d’artificialisation dont bénéficie déjà l’énergie photovoltaïque. Alors que la consommation annuelle d’espaces naturels s’établit encore à plus de 22 700 hectares par an, cette disposition préserve la dynamique du « zéro artificialisation nette » (ZAN) tout en garantissant le développement de la filière solaire, en maintenant les conditions selon lesquelles les installations concernées ne doivent pas remettre en cause ni les fonctions écologiques des sols ni le maintien d’une activité agricole.
Les articles 22 quater et 22 quinquies poursuivent quant à eux l’effort de simplification d’instruction des projets. Le premier encadre à douze mois, prolongeables de six mois, l’instruction des nouveaux projets d’énergies renouvelables situés dans les zones d’accélération issues de la loi « Aper » ([7]), et à vingt-quatre mois en dehors de ces zones, alignant de manière incomplète le droit interne sur les dispositions de la nouvelle directive européenne « RED III » ([8]). Le second applique le même principe d’encadrement des délais d’instruction aux opérations de rééquipement des installations d’énergies renouvelables existantes : six mois en zone d’accélération, douze mois hors zone, avec une faculté de prorogation de trois mois.
Par cette architecture, la proposition de loi réaffirme le rôle du Parlement sur les questions énergétiques, rétablit la cohérence entre les objectifs programmatiques et les instruments réglementaires qui en découlent et adresse aux acteurs économiques un signe de stabilité et de confiance. La commission est ainsi invitée, avec l’avis favorable du rapporteur pour avis, à inscrire durablement la transition énergétique française dans le cadre juridique et financier exigé par l’urgence climatique, la souveraineté industrielle et l’équité territoriale.
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titre ier
actualiser la programmation énergétique nationale
Chapitre Ier
Fixer une programmation énergétique ambitieuse
Article 1er A (nouveau)
(article L. 100-1 du code de l’énergie)
Ajout d’un objectif relatif à l’octroi du monopole de la construction et de l’exploitation des réacteurs électronucléaires à l’État et à EDF
Introduit par la commission
Créé en commission, cet article fixe parmi les objectifs de politique énergétique l’octroi du monopole de la construction et de l’exploitation des réacteurs électronucléaires à l’État et à EDF.
I. Le droit en vigueur
La libéralisation du marché européen de l’électricité a été imposée progressivement à compter des années 1990, à travers plusieurs directives successives. Traduites en droit français, celles-ci font des activités de production et de fourniture d’électricité des activités ouvertes à la concurrence, tandis que les activités de distribution et de transport sont, elles, considérées comme régulées car constitutives d’un monopole naturel. Ainsi :
– l’article 3 de la directive (UE) 2019/944 ([9]) dispose que « les États membres veillent à ce qu’il n’existe pas de barrières injustifiées au sein du marché intérieur de l’électricité en ce qui concerne l’entrée sur le marché, le fonctionnement du marché et la sortie du marché, sans préjudice des compétences que les États membres conservent en ce qui concerne les pays tiers » ;
– l’article L. 111-1 du code de l’énergie dispose que « les activités de production, de stockage d’énergie dans le système électrique et de vente aux consommateurs finales ou de fourniture s’exercent au sein des marchés concurrentiels », sous réserve des obligations de service public assignées par le même code.
Dans sa décision n° 2019-791 DC du 7 novembre 2019 sur la loi relative à l’énergie et au climat, le Conseil constitutionnel a souligné qu’EDF disposait d’un « monopole de production de l’électricité nucléaire en France ». Le Conseil a ainsi reconnu un monopole de fait à EDF, ce qui diffère de l’attribution d’un monopole en droit. Les 53 réacteurs du parc historique en service sont en effet exploités par cet opérateur. Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) exploite lui aussi des réacteurs nucléaires à des fins de recherche.
Plusieurs entreprises développent de petits réacteurs modulaires (PRM) ou small modular reactors (SMR). Ces réacteurs électronucléaires de petite taille ont plutôt vocation à approvisionner directement des clients industriels et disposent, selon l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, d’une puissance 10 à 400 fois moins élevée que celle de l’EPR de Flamanville. Dans le cadre de France 2030, plusieurs projets de réacteurs nucléaires innovants ont obtenu des dispositifs de soutien via un appel à projets.
Deux projets de PRM sont aujourd’hui en phase réglementaire auprès de l’ASNR. Au total, celle-ci recense près de 24 projets de PRM à l’étude dans le monde, dont une dizaine en France.
II. le dispositif proposé
L’insertion dans la proposition de loi de l’article 1er A résulte de l’adoption par la commission de l’amendement CE249 de M. Karim Benbrahim (SOC), avec un avis défavorable du rapporteur.
Cet amendement prévoit, parmi les dispositions programmatiques du code de l’énergie, plus précisément à son article L. 100-1, que la politique énergétique confie le monopole de la construction et de l’exploitation des réacteurs électronucléaires « à la puissance publique et à la société Électricité de France ». Le double renvoi à la notion de « puissance publique », elle-même peu précise, et à EDF ne permet pas d’indiquer précisément qui serait véritablement détenteur de ce monopole.
Les auteurs de l’amendement souhaitent notamment que les PRM ne puissent pas être construits ou exploités par d’autres opérateurs qu’EDF, considérant que seul l’opérateur historique dispose du savoir-faire nécessaire en matière de sûreté, de sécurité et de génie atomique. Ils estiment que « les enjeux propres à l’énergie nucléaire impliquent une maîtrise totale par la puissance publique, pour des raisons stratégiques comme démocratiques ».
L’article L. 100-1 du code de l’énergie ne fixe que des orientations très générales de la politique énergétique et non les règles précises de fonctionnement du marché. Ainsi, les sept grands objectifs mentionnés à cet article concernent la compétitivité de l’économie, la sécurité d’approvisionnement, le prix de l’énergie, la préservation de la santé humaine et de l’environnement, la cohésion sociale et territoriale, la précarité énergétique et la contribution à une « Union européenne de l’énergie ».
Surtout, reconnaître en droit un monopole sur la construction et l’exploitation d’énergie nucléaire crée une contradiction avec le droit de l’Union européenne et avec l’article L. 111-1 du code de l’énergie mentionné précédemment. L’ajout d’une telle disposition est donc source d’insécurité juridique pour l’exploitant historique.
Enfin, il peut être rappelé que la construction et l’exploitation de réacteurs électronucléaires se fait sous le contrôle étroit de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, pour les PRM comme pour les réacteurs de grande puissance, garantissant ainsi le respect des exigences liées à la sûreté nucléaire.
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* *
Article 1er
(article L. 100-2 du code de l’énergie)
Consécration de nouveaux principes auxquels l’État doit veiller pour atteindre les objectifs de politique énergétique
Adopté par la commission avec modifications
Cet article consacre plusieurs nouveaux principes auxquels l’État doit veiller pour garantir l’atteinte des objectifs de politique énergétique fixés par le code de l’énergie. Ces nouveaux objectifs concernent tant l’électricité que le gaz et portent sur les coûts de production et les prix pour le consommateur final, l’actionnariat d’EDF et celui d’Engie, la propriété des réseaux de transport et de distribution, la sécurité d’approvisionnement ainsi que les importations et les exportations.
La commission des affaires économiques a adopté l’article premier, en ajoutant des dispositions relatives :
– s’agissant de l’électricité, aux modalités de calcul des tarifs réglementés de vente de l’électricité et à la transformation d’EDF en établissement public industriel et commercial (EPIC) ;
– s’agissant du gaz, au rétablissement des tarifs réglementés de vente du gaz naturel et à la diminution des importations.
I. Le droit en vigueur
A. Les dispositions programmatiques du code de l’énergie
Les objectifs de politique énergétique que la France doit poursuivre sont fixés aux articles L. 100‑1 A à L. 100-5 du code de l’énergie.
Créé par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019, dite loi « Énergie‑climat », l’article L. 100-1 A prévoit que ces objectifs doivent être déterminés par une loi quinquennale, plus communément appelée « loi de programmation énergie‑climat » (LPEC).
L’article L. 100-1 fixe sept objectifs que la politique énergétique doit poursuivre :
– favoriser l’émergence d’une économie compétitive et riche en emplois grâce à la mobilisation de toutes les filières industrielles, notamment celles de la croissance verte ;
– assurer la sécurité d’approvisionnement et réduire la dépendance aux importations ;
– maintenir un prix de l’énergie compétitif et maîtriser les dépenses en énergie des consommateurs ;
– préserver la santé humaine et l’environnement, notamment en luttant contre l’aggravation de l’effet de serre, les risques industriels majeurs et la pollution de l’air et en garantissant la sûreté nucléaire ;
– garantir la cohésion sociale et territoriale en garantissant à tous les ménages un accès « sans coût excessif » à l’énergie au regard de leurs ressources ;
– lutter contre la précarité énergétique ;
– contribuer à la mise en place d’une Union européenne de l’énergie. Celle‑ci doit permettre de garantir la sécurité d’approvisionnement et de construire une économie décarbonée et compétitive, à travers le déploiement des énergies renouvelables (EnR), des interconnexions, la flexibilité du système électrique, le soutien à l’amélioration de l’efficacité des politiques énergétiques et la mise en place d’instruments de coordination des politiques nationales.
L’article L. 100-2 dresse la liste des priorités auxquelles l’État, en lien avec les collectivités territoriales, les entreprises et la société civile, doit veiller pour atteindre les objectifs fixés à l’article L. 100-1. Cette liste comporte actuellement onze priorités, parmi lesquelles figurent notamment :
– la diversification des sources d’approvisionnement énergétique (3°) ;
– l’information et la transparence sur les coûts et les prix des énergies (6°) ;
– assurer des moyens de transport et de stockage de l’énergie adaptés aux besoins (9°).
La dernière modification de l’article L. 100-2 date de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience » : son article 188 ajoute un 11° à cet article L. 100-2 disposant qu’aucune aide de l’État ne peut financer des opérations d’économies d’énergie conduisant à augmenter directement les émissions de gaz à effet de serre (GES), sauf pour des opérations concernant les réseaux de chaleur ou de froid.
L’article L. 100-3 précise les paramètres dont la fiscalité des énergies doit tenir compte.
L’article L. 100-4 fixe différents objectifs chiffrés à atteindre en matière de politique énergétique. Ces objectifs portent tant sur les différentes sources de production d’énergie que sur la consommation d’énergie, ainsi que sur les émissions de gaz à effet de serre. Les commentaires des articles 3 à 11 de la présente proposition de loi permettront de détailler l’ensemble de ces dispositions.
Enfin, l’article L. 100-5 prévoit la remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement sur la stratégie nationale à l’horizon de 2050 pour maîtriser la consommation d’énergie dans le parc national de bâtiments publics ou privés, à usage résidentiel ou tertiaire.
B. La portée normative de ces dispositions de programmation
Les juridictions administratives, ainsi que le Conseil constitutionnel, ont progressivement reconnu une portée normative à certains objectifs de politique énergétique et environnementale.
Dans sa décision Grande‑Synthe ([10]) de 2021, le Conseil d’État enjoint au Gouvernement de prendre toutes mesures utiles pour baisser les émissions de gaz à effet de serre afin de garantir le respect des objectifs fixés en la matière, notamment par l’article L. 100‑4 du code de l’énergie.
Le Conseil constitutionnel a rendu deux décisions importantes concernant la portée normative des dispositions contenues dans certains de ces articles de programmation :
– dans sa décision sur la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 ([11]), il a considéré que les articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-4 du code de l’énergie étaient de nature programmatique ;
– cependant, dans sa décision sur la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat de 2022, le Conseil constitutionnel, rejoignant en cela des jurisprudences précédentes du Conseil d’État, a implicitement reconnu une portée normative à des objectifs chiffrés de politique énergétique mentionnés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie ([12]).
II. Le dispositif proposé
A. Les dispositions initiales de la proposition de loi
L’article premier de la présente proposition de loi ajoute de nouvelles priorités à la liste de celles fixées à l’article L. 100-2 du code de l’énergie, auxquelles l’État doit veiller pour atteindre les objectifs de politique énergétique. Elles concernent à la fois le gaz et l’électricité.
1. Les dispositions relatives à l’électricité
Le 3° bis nouveau de l’article L. 100-2 du code de l’énergie consacre les principes suivants :
– le maintien du principe de péréquation tarifaire. Celui-ci est déjà prévu à l’article L. 121-5 du code de l’énergie, qui dispose que la fourniture d’électricité « concourt à la cohésion sociale, au moyen de la péréquation nationale des tarifs » ;
– la détention par l’État de la totalité des parts du capital du groupe EDF. La loi n° 2024-330 du 11 avril 2024 visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement a déjà inscrit à l’article L. 111-67 du code de l’énergie la détention à 100 % par l’État du capital d’EDF ;
– la propriété publique des réseaux de distribution et de transport d’électricité. Celle-ci est déjà mentionnée, pour les réseaux de distribution, à l’article L. 322-4 du code de l’énergie, qui dispose que les ouvrages de ces réseaux appartiennent aux collectivités territoriales ou à leurs groupements. Pour les réseaux de transport, la propriété publique découle de l’article L. 111-41 du même code, qui rend RTE propriétaire des réseaux de transport, ainsi que de l’article L. 111-42 qui dispose que le capital de cette société « est détenu en totalité par Électricité de France, l’État ou d’autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public » ;
– la sécurité d’approvisionnement en électricité, déjà mentionnée à l’article L. 100-1 du code de l’énergie : « la politique énergétique (…) assure la sécurité d’approvisionnement et réduit la dépendance aux importations » ;
– la recherche d’exportations dans le secteur de l’électricité. Le 7° de l’article L. 100-1 précité dispose que la politique énergétique contribue à la mise en place d’une Union européenne de l’énergie, qui vise notamment à garantir la sécurité d’approvisionnement au moyen du développement des interconnexions physiques.
2. Les dispositions relatives au gaz
Le 3° ter nouveau comporte les principes suivants, relatifs cette fois‑ci au gaz :
– le maintien d’un prix repère de vente de gaz naturel. Ce « prix repère » est un prix indicatif de vente du gaz naturel pour les consommateurs résidentiels, publié chaque mois par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) depuis la disparition complète des tarifs réglementés de vente du gaz naturel (TRVg), en juillet 2023 ([13]). Ce prix, qui porte sur le mois suivant la date de sa publication, reflète, selon la CRE, « une estimation moyenne des coûts supportés par les fournisseurs au titre de la fourniture de gaz naturel pour un client résidentiel » : il a donc vocation à permettre au consommateur de se rendre compte si le prix de son contrat de fourniture de gaz naturel correspond à la moyenne des prix pratiqués sur le marché et lui offre donc un point de repère, rôle joué autrefois par les TRVg. Il est publié sur la base du volontariat par la CRE. Par ailleurs, l’article 24 de la présente proposition de loi crée un nouvel article L. 134‑9‑1 dans le code de l’énergie, précisant que la CRE doit publier chaque mois le prix repère de vente du gaz naturel ;
– la détention par l’État d’une partie du capital du groupe Engie. Cette disposition est déjà prévue à l’article L. 111-68 du code de l’énergie, qui prévoit que l’État dispose d’au moins une action au capital de cette entreprise. De plus, l’article L. 111-69 du même code prévoit la possibilité, pour l’État, de transformer cette action en action spécifique pour préserver les intérêts essentiels de la France dans le secteur de l’énergie. Un décret de 2007 a effectivement conduit à la transformation de cette action en action spécifique ([14]) ;
– la propriété publique des réseaux de distribution de gaz, celle-ci étant déjà prévue à l’article L. 432-4 du code de l’énergie, qui précise que ces réseaux appartiennent aux collectivités territoriales et à leurs groupements. En revanche, le réseau de transport de gaz n’est plus sous propriété publique : cette propriété a été transférée aux gestionnaires de réseau NaTran (ex-GRTgaz) et Teréga par l’article 181 de la loi n° 2001-1276 de finances rectificative pour 2001. Ces entreprises sont à capitaux majoritairement privés ;
– la sécurité d’approvisionnement en gaz. Comme pour l’électricité, cet objectif est déjà mentionné à l’article L. 100-1 du code de l’énergie ;
– la diversification des importations dans ce secteur. Le 2° de l’article L. 100-1 du code de l’énergie évoque déjà la réduction de la dépendance aux importations. L’article L. 141-2 du code de l’énergie prévoit aussi que le volet « Sécurité d’approvisionnement » de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) puisse prévoir la mise en œuvre de dispositions relatives « à la diversification des moyens de production ou des sources d’approvisionnement en énergie ».
Les rapporteurs du Sénat ont souligné les garanties apportées par ces ajouts concernant les participations de l’État dans les principales entreprises des secteurs électrique et gazier, la propriété des réseaux et les mécanismes de protection des consommateurs. Ils ont estimé que la rédaction était sans incidence sur le cadre budgétaire, fiscal ou de régulation, que la consécration de ces principes était cohérente avec le paquet européen « Ajustement à l’objectif 55 » et le plan « REPower EU », et qu’elle ne s’opposait pas aux travaux alors en cours du Gouvernement sur la programmation énergétique – à savoir, le plan national intégré énergie-climat (Pniec) et stratégie française énergie-climat (Sfec).
B. les modifications apportées par le sénat
1. En commission
La commission des affaires économiques du Sénat a adopté quatre amendements :
– deux amendements, proposés par M. Patrick Chaize (LR) et adoptés avec avis favorable du rapporteur, ont concerné les dispositions relatives à l’électricité. Le premier amendement a ajouté l’existence des tarifs réglementés de vente de l’électricité à la liste des priorités auxquelles l’État doit veiller pour mettre en œuvre les objectifs de politique énergétique – l’auteur de l’amendement ayant souligné notamment que l’Union européenne n’admet ce type de tarifs qu’à titre dérogatoire. Le second amendement a clarifié le fait que la propriété des réseaux de distribution relève des communes et non de l’État ;
– deux autres amendements ont porté sur les dispositions relatives au gaz. Le premier, présenté par les rapporteurs, a corrigé une référence concernant le prix repère de vente du gaz naturel publié par la Commission de régulation de l'énergie. Le second, présenté par M. Patrick Chaize et adopté avec avis favorable du rapporteur, a précisé, comme pour l’électricité, que le réseau de distribution de gaz est la propriété des communes et de leurs groupements.
2. En séance publique
En séance publique, le Sénat a adopté deux amendements.
Un amendement, adopté avec des avis favorable de la commission et défavorable du Gouvernement, a ajouté à la rédaction de l’article premier l’« existence de prix stables et abordables de l’électricité reflétant les coûts complets du système de production électrique ». Il a aussi remplacé le terme d’« existence » par celui de « maintien » des TRVe. Le Gouvernement a justifié son avis défavorable en faisant valoir que ces objectifs étaient déjà mentionnés à l’article L. 100-2 du code de l’énergie.
Un autre amendement a été adopté avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement. Il a précisé, s’agissant de la mention de la propriété publique du réseau de transport d’électricité, que celle-ci s’inscrit dans le cadre des dispositions du code de l’énergie réglementant déjà cette propriété (articles L. 111‑19, L. 111-41 et L. 111-42).
III. La position de la commission
A. Les dispositions relatives à l’électricité
La commission a adopté l’amendement CE154 de M. Maxime Laisney (LFI-NFP), avec avis défavorable du rapporteur, qui précise, toujours parmi les priorités auxquelles l’État doit veiller pour la mise en œuvre de sa politique énergétique, que les tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVe) doivent reflèter les coûts de production du système électrique français.
La même phrase mentionne déjà « l’existence de prix stables et abordables de l’électricité reflétant les coûts complets du système de production électrique ». En revanche, les modalités de calcul des TRVe sont précisément fixées aux articles L. 337-4 et suivants du code de l’énergie. Ce calcul est effectué selon une méthode « d’empilement des coûts », qui inclut les éléments suivants :
– jusqu’au 31 décembre 2025, l’addition du prix de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), du coût du complément d’approvisionnement au prix de marché ainsi que de divers autres coûts (commercialisation, acheminement, prix des garanties de capacité et une « rémunération normale de l’activité de fourniture ») ;
– à compter du 1er janvier 2026, les mêmes coûts mais sans l’Arenh, ce dernier dispositif prenant fin au 31 décembre 2025.
Cette formule de calcul permet de garantir la compatibilité des TRVe avec l’existence d’une activité concurrentielle de fourniture d’électricité. La méthode d’établissement des TRVe n’a pas pour objet de refléter les coûts de production du système électrique français : le Gouvernement rappelle, dans son récent rapport d’évaluation des TRVe, que « Le niveau des TRVe reflète, par construction, les coûts supportés par un fournisseur aussi efficace qu’EDF » ([15]). L’adoption de l’amendement CE154 crée donc une incompatibilité entre les dispositions de la partie programmatique du code de l’énergie et celles mentionnées aux articles L. 337-4 et suivants du même code. Cela conduit à fragiliser la définition juridique de ces tarifs, à rebours d’une sécurisation du consommateur final.
La commission a également adopté l’amendement CE160 de M. Matthias Tavel (LFI-NFP), malgré un avis défavorable du rapporteur. Du fait de cette adoption, le texte de la commission précise désormais que pour atteindre les objectifs de politique énergétique, l’État doit veiller à ce que la détention d’EDF par l’État se fasse en vue de la transformation de cette entreprise en établissement public industriel et commercial (EPIC).
EDF disposait du statut d’EPIC avant sa transformation en société anonyme par la loi du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz. Cette transformation était nécessaire pour se conformer au droit de l’Union européenne, qui considère que le statut d’EPIC emporte une présomption de garantie implicite et illimitée de l’État. Un retour au statut d’EPIC déclencherait immédiatement l’ouverture d’une procédure d’infraction par la Commission européenne et va donc à l’encontre des intérêts de l’opérateur historique et, partant, du pays.
Le rapporteur a également rappelé que le statut d’EPIC obèrerait les capacités d’EDF à financer ses investissements, notamment ceux liés au programme du nouveau nucléaire français, en pesant de manière conséquente sur les finances publiques.
La commission a enfin adopté les amendements rédactionnels CE535 et CE536 du rapporteur.
B. Les dispositions relatives au gaz
La commission a adopté l’amendement CE169 de M. Maxime Laisney (LFI-NFP), en dépit d’un avis défavorable du rapporteur. Cette adoption a eu pour effet d’ajouter à la liste des priorités auxquelles l’État doit veiller, pour la mise en œuvre des objectifs de politique énergétique, le rétablissement des tarifs réglementés de vente du gaz (TRVg).
L’article 63 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat a supprimé les TRVg, faisant suite à une décision du Conseil d’État ([16]). Celui-ci a jugé ces tarifs contraires au droit de l’Union européenne, à la différence des TRVe, l’électricité étant reconnue comme un produit de première nécessité par le code de l’énergie. Le Conseil d’État souligne également que la formule de calcul des TRVg ne permettait pas de garantir une stabilité du prix pour le consommateur final, ce qui aurait pu justifier une entrave à la concurrence sur le développement du marché de détail du gaz.
Comme les précédents amendements adoptés à l’article premier, cet amendement est donc frontalement en contradiction avec le droit national et européen.
La commission a aussi adopté l’amendement CE420 de M. Julien Brugerolles (GDR), avec avis favorable du rapporteur, prévoyant que la priorité accordée à la diversification des importations de gaz doit s’accompagner de leur diminution.
La commission a enfin adopté les amendements rédactionnels CE533 et CE534 du rapporteur.
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Article 1er bis
(article L. 100-2 du code de l’énergie)
Garantie d’accès à l’énergie pour les foyers ruraux mal raccordés au réseau
Supprimé par la commission
Cet article prévoit la prise en compte, dans la mise en œuvre de la politique énergétique nationale, des problématiques propres aux foyers, notamment ruraux, qui sont mal raccordés au réseau de chaleur, de gaz ou d’électricité. Il a été supprimé par la commission.
I. L’état du droit
Le contenu global de l’article L. 100-2 du code de l’énergie a déjà été présenté dans le commentaire de l’article premier du présent rapport. Sont ainsi déclinées à cet article onze priorités, avec notamment, au 2°, la garantie d’un accès à l’énergie, « bien de première nécessité », pour les personnes les plus démunies. Surtout, le 5° de l’article L. 100-1 du code de l’énergie dispose que la politique énergétique « garantit la cohésion sociale et territoriale en assurant un droit d’accès de tous les ménages à l’énergie sans coût excessif au regard de leurs ressources ».
Les foyers situés en zone rurale peuvent présenter des difficultés de raccordement au réseau d’électricité, de chaleur ou de gaz plus importantes que les foyers situés en zone urbaine.
Par exemple, d’après une étude Mines Paris Tech pour France Gaz Liquides de 2022 ([17]), parmi les 30 746 communes rurales, 24 523 n’ont pas accès aux réseaux de gaz naturel (soit près de 80 %), ce qui représente plus de 7 millions de logements non raccordés à ce réseau. Par conséquent, les logements ruraux sont dépendants d’énergie hors réseaux.
En outre, les mécanismes de soutien aux chaudières à gaz, y compris à très haute performance énergétique, ont été supprimés des récents dispositifs visant à accélérer la décarbonation des modes de chauffage (à l’instar de MaPrimeRénov’ ([18])). Les ménages en milieu ruraux supportent pourtant un surcoût estimé par EDF à 20 % par rapport à la moyenne nationale des dépenses en énergie ([19]).
II. Le dispositif proposé par le sénat
L’article additionnel 1er bis a été introduit au Sénat par un amendement de M. Michel Canévet (Union Centriste), adopté en séance publique avec avis favorable de la commission et défavorable du Gouvernement.
Lors des débats sénatoriaux, l’auteur de l’amendement avait souligné l’insuffisante prise en compte des spécificités des zones rurales parmi les priorités fixées pour atteindre les objectifs de politique énergétique.
Cette disposition additionnelle vise, par l’introduction d’un 2° bis à l’article L. 100-2 du code de l’énergie, à garantir l’accès à l’énergie pour les foyers, en particulier ruraux, qui ne disposeraient pas de raccordement adapté aux réseaux (chaleur, gaz, électricité) à un coût proportionné par rapport à leurs ressources.
Dans une réponse à une question écrite ([20]), le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a souligné que des solutions moins carbonées que le gaz existent en zone rurale, comme les pompes à chaleur (PAC) aérothermiques et géothermiques, les PAC hybrides, les systèmes solaires combinés ou les chaudières biomasse. Il a également souligné que le dispositif MaPrimeRénov’ encourage la réalisation de travaux améliorant la performance de l’isolation pour réduire les factures énergétiques des ménages. Enfin, le ministère a rappelé à cette occasion que les aides publiques doivent être dirigées vers les équipements les plus performants, afin de limiter la dépendance aux énergies fossiles.
III. La position de la commission
La commission a adopté les amendements identiques de suppression CE538 du rapporteur et CE360 de Mme Julie Laernoes (EcoS).
Le rapporteur a souligné, à l’appui de son amendement de suppression, que l’objectif poursuivi par l’article 1er bis est déjà satisfait par le droit existant, en particulier, comme cela a été rappelé au présent I :
– par le 5° de l’article L. 100-1 du code de l’énergie, qui mentionne déjà la garantie de la cohésion sociale et territoriale parmi les objectifs de la politique énergétique, « en assurant un droit d’accès à tous les ménages à l’énergie sans coût excessif au regard de leurs ressources » ;
– par le 9° de l’article L. 100-2 du même code, qui fixe comme priorité d’assurer des moyens de transport et de stockage de l’énergie adaptés aux besoins.
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Article 2
(article L. 100-2 du code de l’énergie)
Abrogation de l’objectif de croissance de la composante carbone des taxes intérieures sur la consommation d’énergie
Supprimé par la commission
Cet article prévoit d’abroger l’objectif d’augmentation de la composante carbone, communément appelée « taxe carbone », dans les taxes intérieures sur la consommation des énergies. Il a été supprimé par la commission.
I. L’ÉTAT DU DROIT
Parmi les onze moyens de l’État pour mettre en œuvre la politique énergétique déclinés dans l’article L. 100-2 du code de l’énergie, le quatrième place la fiscalité comme un levier à part entière de la politique énergétique. Il dispose que l’État « veille en particulier à […] 4° Procéder à un élargissement progressif de la part carbone, assise sur le contenu en carbone fossile, dans les taxes intérieures de consommation sur les énergies, cette augmentation étant compensée, à due concurrence, par un allègement de la fiscalité pesant sur d’autres produits, travaux ou revenus ».
En d’autres termes, le législateur prévoit une augmentation progressive de la tarification du carbone ou « composante carbone » dans le prix des énergies fossiles, cette augmentation devant être compensée par une baisse d’autres dispositifs fiscaux afin de ne pas peser sur la facture du consommateur.
Introduite par la loi de finances pour 2014, la composante carbone sur les taxes intérieures de consommation a vocation à inciter les consommateurs à se détourner des énergies fossiles, en indexant le prix de l’énergie sur la quantité de carbone émise lors de leur combustion ([21]).
A. LA composante carbone ATTRIBUE UNE fonction incitative À la fiscalitÉ ÉnErgÉtique
Au-delà d’un simple paiement pour les émissions engendrées, la différence de prix liée à la tarification du carbone entre les produits carbonés et non-carbonés doit inciter à un changement de comportement au profit des seconds.
Aussi dénommée « contribution climat-énergie », la composante carbone est une modalité de calcul des trois taxes intérieures de consommation (TIC) sur les énergies carbonées, à l’exception de la TICFE (taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, aujourd’hui appelée accise sur l’électricité), qui n’est pas concernée. Il en ressort que les taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), la taxe intérieure de consommation sur le charbon (TICC) et l’accise sur le gaz naturel (ex-taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel, TICGN) sont pondérées suivant la quantité de CO2 induite par les sources d’énergie sur lesquelles elles sont assises. Initialement fixée à 7 euros en 2014, la tonne de CO2 a progressé les années suivantes, avant d’être stabilisée à 44,60 euros depuis la loi de finances pour 2018.
L’introduction de la « composante carbone » a engendré une augmentation importante du niveau des accises sur l’énergie, faisant de la France le deuxième plus important percepteur européen de recettes fiscales liées à l’énergie en 2021 ([22]).
Tout en modifiant en volume les accises concernées, cet outil a structurellement modifié la tarification de l’énergie en vertu de sa fonction incitative nouvelle. L’introduction de la composante carbone a ainsi entraîné une dissociation importante entre les accises sur les énergies fossiles et celles concernant les sources décarbonées. À titre d’exemple, en 2021, la TICPE représentait près d’un tiers du prix du carburant, tandis que la TICFE ne couvrait que 10 % des prix de l’énergie ([23]).
Toutefois, ce rôle incitatif nouveau des accises sur l’énergie, qui suppose que le consommateur puisse librement adapter sa consommation d’énergies fossiles, se heurte aux réalités du quotidien. Nombre de Français, en particulier dans les zones rurales, n’ont pas d’alternative au moteur thermique ou n’ont pas les moyens de remplacer leur véhicule. Dans ce cadre, la hausse de ces accises au-delà d’un certain seuil n’a pas de pertinence, puisqu’elle n’a pas d’effet incitatif et pénalise injustement certains concitoyens.
B. UNE fiscalitÉ environnementale mise À l’ARRET fin 2018
Le VIII de l’article premier de la loi TECV, ajouté par la loi de finances rectificative pour 2015, quantifie une trajectoire de croissance de la composante carbone jusqu’en 2030 avec un prix de la tonne du carbone devant passer à « 30,50 € en 2017, 39 € en 2018, 47,50 € en 2019, 56 € en 2020 et 100 € en 2030 ».
Le projet de loi de finances pour 2019 avait prévu de rehausser pour sa part les objectifs de cette trajectoire. Toutefois, cette annonce avait été à l’origine du mouvement des Gilets jaunes, en raison de sa répercussion sur le coût du carburant. Depuis lors, la suspension décidée par le Gouvernement a perduré, témoignant tant de la crispation sociale que suscite encore la « taxe carbone ».
En 2019, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) soulignait la plus grande vulnérabilité des ménages modestes habitant en zone rurale ou dans les plus petites unités urbaines à l’égard de la taxe carbone. Celle-ci s’explique par deux facteurs distincts, à savoir le poids relativement plus important des dépenses énergétiques dans le budget de ces foyers et l’absence d’alternative à l’automobile pour les déplacements quotidiens de ces Français ([24]).
En raison de cet effet inégalitaire, la taxe carbone souffre d’un manque d’acceptabilité sociale. Une étude publiée par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques en février 2024 met en avant que seul un tiers des personnes se déclare favorable à une hausse de la taxe carbone sans contrepartie ([25]). Dans l’éventualité où cette augmentation est compensée par une mesure distributive, l’acceptabilité sociale de la taxe carbone demeure inégale suivant le territoire concerné. Les habitants des communes rurales demeurent en effet relativement réticents à cette hausse, sauf si la contrepartie consiste en la création de transports, d’emplois et de services de proximité dans les zones périphériques et rurales.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
L’article 2 de la proposition de loi supprime le 4° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie, qui est une disposition d’ordre programmatique. Cela revient à abroger la trajectoire de hausse de la composante carbone de la fiscalité énergétique qui avait été initialement prévue en 2015 par la loi TECV.
Sans effet sur le niveau de la fiscalité énergétique, il s’agit, d’après les rapporteurs du Sénat, d’un « signal clair » pour les consommateurs d’énergie. Ils soulignent que la commission des affaires économiques du Sénat est convaincue « de la nécessité de veiller à la soutenabilité fiscale, et donc à l’acceptabilité sociale, de la transition énergétique, pour favoriser l’atteinte de ses objectifs ».
À ce titre, les rapporteurs du Sénat estiment cette abrogation d’autant plus utile dans le contexte actuel, alors que l’inflation historique des prix de l’énergie courant 2022 a pénalisé les ménages comme les entreprises et que de nombreux ménages rencontrent des difficultés à s’acquitter de leurs factures d’énergie.
Le Sénat a adopté l’article 2 sans modification.
III. La position de la commission
La commission a adopté les amendements identiques de suppression CE541 du rapporteur, CE7 de Mme Olga Givernet (EPR), CE55 de Mme Cyrielle Chatelain (EcoS), CE221 de Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC), CE422 de M. Julien Brugerolles (GDR) et CE445 de M. Philippe Bolo (Dem). Il a été rappelé l’importance d’une fiscalité incitant à privilégier les énergies décarbonées plutôt que fossiles, accompagnée de mesures de soutien adaptées aux moyens et aux contraintes territoriales des ménages.
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Article 2 bis (nouveau)
(article L. 100-3 du code de l’énergie)
Abrogation des dispositions précisant les différents paramètres dont la fiscalité des énergies doit tenir compte
Introduit par la commission
Créé à l’initiative du rapporteur en commission, l’article 2 bis abroge l’article L. 100-3 du code de l’énergie, qui détaille les différents paramètres dont la fiscalité des énergies doit tenir compte afin de contribuer aux objectifs de politique énergétique.
I. L’état du droit
L’article L. 100-3 du code de l’énergie fait partie des différents articles relatifs aux objectifs de politique énergétique du code de l’énergie (L. 100-1 A à L. 100-5).
Il dispose que pour contribuer aux objectifs de politique énergétique mentionnés à l’article L. 100-1 du code de l’énergie, la fiscalité des énergies :
– doit tenir compte de l’incidence de l’utilisation de ces énergies sur la compétitivité de l’économie, la santé publique, l’environnement et la sécurité d’approvisionnement ;
– doit viser, au regard de ces objectifs, à un traitement « équilibré » des différents types d’énergie.
Il est enfin précisé que la fiscalité des énergies doit tenir compte de la nécessité de rendre les énergies renouvelables compétitives, afin de favoriser leur développement.
Cet article L. 100-3 est issu des dispositions de l’article 8 la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, dite « loi POPE ».
II. Le dispositif proposé
La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a adopté l’amendement CE542 du rapporteur, qui abroge l’article L. 100-3 du code de l’énergie.
Le caractère extrêmement général de cet article ne permet ni de fixer des objectifs de politique énergétique précis, ni d’être exhaustif sur la liste des paramètres que la fiscalité des énergies doit prendre en compte. Il ne mentionne pas clairement la nécessité de favoriser les énergies décarbonées. Enfin, plusieurs dispositions de la partie programmatique du code de l’énergie recoupent déjà les enjeux mentionnés à cet article :
– le 1° de l’article L. 100-1 du code de l’énergie dispose que la politique énergétique « favoriser l’émergence d’une économie compétitive et riche en emplois » ;
– le 2° du même article précise qu’elle « assure la sécurité d’approvisionnement et réduit la dépendance aux importations » ;
– le 3° dudit article dispose qu’elle « préserve la santé humaine et l’environnement » ;
– enfin, le 4° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie indique que l’État doit veiller, dans la mise en œuvre de la politique énergétique, à procéder à un élargissement progressif de la part carbone dans les taxes intérieures de consommation sur les énergies ([26]).
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Article 3
(articles L. 100-2 et L. 100-4 du code de l’énergie)
Définition des objectifs de politique énergétique liés à l’énergie nucléaire et à la décarbonation des mix électrique et énergétique
Rejeté par la commission
S’inscrivant résolument dans le cadre d’une relance du nucléaire, l’article 3 fixe plusieurs objectifs relatifs à la production de cette énergie et au cycle du combustible. Il définit également des objectifs plus généraux relatifs à la décarbonation de la production électrique, d’une part, et énergétique, d’autre part.
Après avoir adopté plusieurs amendements, la commission a finalement rejeté cet article.
I. L’état du droit
A. L’article L. 100-4 du code de l’énergie Précise les grands objectifs de la politique énergétique francaise
L’article L. 100-4 du code de l’énergie fixe plusieurs objectifs chiffrés de politique énergétique pour répondre à l’urgence écologique et climatique, qui portent notamment :
– sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre (1°) ;
– sur la réduction de la consommation énergétique finale (2°) ;
– sur la réduction de la consommation énergétique primaire d’énergies fossiles (3°) ;
– sur l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie (4°) ;
– sur l’attribution de capacités installées d’éoliennes en mer à l’issue de procédures de mise en concurrence (4° ter) ;
– sur la décarbonation des mix énergétique et électrique dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution (8°) ;
– sur le développement de la chaleur et du froid renouvelables (9°) ;
– sur le développement de l’hydrogène renouvelable et bas-carbone (10°) ;
– sur les capacités d’effacement électrique (11°).
D’autres objectifs non-chiffrés sont mentionnés, par exemple concernant le développement de l’hydroélectricité (4° bis), de l’agrivoltaïsme (4° quater), ou encore sur la rénovation énergétique du parc immobilier (7°).
Le 4° de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie dispose également que la loi quinquennale de programmation sur l’énergie et le climat, prévue par l’article L. 100-1 A du code de l’énergie, fixe « les objectifs de diversification du mix de production d’électricité, pour deux périodes successives de cinq ans ».
B. Les objectifs de politique énergétique propres à l’énergie nucléaire
La France dispose d’un important parc de production d’électricité, composé de 57 réacteurs totalisant une puissance installée de 63 gigawatts (GW). En 2024, la production d’électricité nucléaire a été de 361,7 térawattheures (TWh), soit 67,1 % de la production électrique française. C’est le niveau de production le plus élevé depuis la fermeture de la centrale de Fessenheim en 2020 ([27]).
Les autorisations d’exploitation de réacteurs ne sont pas délivrées pour une durée limitée de temps. Des visites décennales ont lieu afin de vérifier leur fonctionnement et que toutes les exigences, en particulier celles liées à la sûreté nucléaire, sont remplies. Le projet de PPE 3 prévoit la poursuite du fonctionnement des réacteurs électronucléaires après 50 ans, puis 60 ans, tant que toutes les exigences de sûreté applicables sont respectées.
Évolution de la production nucléaire en France entre 1995 et 2024
Source : RTE.
En 2015, l’article premier de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dite « loi TECV », avait fixé, au 5° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, un objectif de réduction de la part de l’électricité d’origine nucléaire dans la production totale d’électricité à 50 % à l’horizon 2025.
L’article 187 de cette même loi avait aussi créé l’article L. 311-5-5 du code de l’énergie, qui plafonnait la capacité totale de production électrique à partir d’énergie nucléaire à 63,2 gigawatts (GW). Autrement dit, compte tenu de la capacité installée du parc, cela impliquait que pour toute nouvelle construction de réacteur, il était nécessaire d’en fermer un autre. Cette disposition a entraîné la fermeture de la centrale de Fessenheim.
En 2019, l’article premier de la loi n° 2019-1147 relative à l’énergie et au climat, dite « loi énergie-climat », a repoussé l’atteinte de l’objectif de 50 % d’électricité d’origine nucléaire à l’horizon 2035.
L’article 86 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « climat et résilience », a ajouté un I bis à l’article L. 100-4 du code de l’énergie. Il dispose que, tout en tenant compte des impératifs de sûreté nucléaire, la décision d’arrêt d’exploitation d’un réacteur nucléaire dans le but d’atteindre les objectifs de la politique énergétique nationale doit tenir compte, d’une part, du critère de sécurité d’approvisionnement et, d’autre part, de l’objectif de réduction des émissions de GES associées à la consommation d’énergie. Cette disposition souligne donc l’intérêt du nucléaire pour le mix de production électrique.
Dans le prolongement de la volonté de relance du nucléaire annoncée par le Président de la République lors de son discours de Belfort, en février 2022, l’article premier de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dite loi « accélération du nucléaire », a supprimé cet objectif de réduction de la part du nucléaire dans le mix de production électrique à 50 %.
Cette même loi a abrogé l’article L. 311-5-5 du code de l’énergie, qui plafonnait à 63,2 gigawatts (GW) la capacité installée des installations nucléaires.
Le rapport de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France a largement souligné que cet objectif de 50 % a été maintenu « au mépris de la réalité scientifique et technique ». Votre rapporteur, également rapporteur de cette commission d’enquête, rappelait dans ce cadre que « cet objectif quantitatif, qui prend la forme d’un pourcentage, apparaît dépourvu de sens industriel et s’avère déconnecté d’une réflexion en termes de sécurité d’approvisionnement » ([28]).
La France est désormais engagée dans la construction de 6 EPR2 (sur les sites de Penly, de Gravelines et de Bugey) et dans l’étude de la construction de 8 EPR2 supplémentaires.
La programmation pluriannuelle de l’énergie actuellement en cours (2019‑2028) n’est cependant pas à jour et mentionne toujours l’objectif de réduction de 50 % de la part du nucléaire, impliquant la fermeture de 14 réacteurs dont ceux de Fessenheim, ainsi que la possibilité de fermer deux réacteurs additionnels en 2025‑2026. Ces orientations sont désormais abandonnées, le Président de la République ayant clairement acté la relance du secteur nucléaire lors son discours sur la politique de l’énergie, à Belfort, le 10 février 2022.
Il existe cependant un risque d’« effet falaise » : les dates de mise en service des 52 réacteurs les plus anciens s’échelonnent sur une période d’environ quinze ans. Ces mises en service ayant été réalisées dans les années 1990, cela pourrait conduire à ce qu’un grand nombre de réacteurs ferme au cours d’une période de temps très resserrée. Il est donc nécessaire de prévoir la construction de nouvelles capacités pour garantir le maintien de notre production d’énergie nucléaire et la sécurité d’approvisionnement.
Illustration du risque « d’effet falaise » en cas d’arrêts de nombreux réacteurs en fonctionnement pendant une période relativement brève
Source : Concertation sur la stratégie française énergie-climat, d’après l’étude « Futurs énergétiques 2050 » de RTE.
C. Les objectifs de politique énergétique relatifs àu cycle du combustible et aux réacteurs de quatrième génération
Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) définit le cycle du combustible comme les « différentes étapes d’extraction, fabrication, retraitement puis recyclage du combustible des centrales nucléaires » ([29]). Les enjeux qui s’y rattachent sont donc indissociables de ceux relatifs à la production d’énergie nucléaire. Il est en effet nécessaire de disposer des ressources nécessaires en uranium pour faire fonctionner les centrales, mais aussi des capacités suffisantes pour entreposer, retraiter et recycler les combustibles usés. Pour la partie du combustible usé qui ne peut être recyclée (4 % environ aujourd’hui), il est nécessaire de disposer d’installations de stockage des déchets radioactifs correspondants.
La France a ainsi fait le choix d’un cycle fermé du combustible, c’est‑à‑dire qu’elle traite le combustible usé pour recycler les matières premières qui peuvent être à nouveau réutilisées dans le cycle de production nucléaire.
Le développement de réacteurs nucléaires de quatrième génération permettrait d’accroître considérablement les capacités de recyclage et de multi‑recyclage, comme le souligne le CEA : « En cours de développement, ces réacteurs seraient capables de « multi-recycler » le combustible usé et même d’utiliser presque tout l’uranium appauvri (résidu de la fabrication du combustible) présents sur notre territoire, avec à la clé plusieurs milliers d’années de ressource énergétique. Sur le long terme, ils permettraient d’envisager le recyclage de certains éléments radioactifs à vie longue, réduisant ainsi la toxicité globale des déchets ».
L’article 5 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, dite « loi POPE », abrogé par la loi TECV de 2015, prévoyait des objectifs de recherche liés au cycle de combustible. Il prévoyait notamment :
– le soutien au développement des combustibles nucléaires innovants ;
– le développement « des technologies des réacteurs nucléaires du futur (fission ou fusion), en particulier avec le soutien du programme ITER, et également des technologies nécessaires à une gestion durable des déchets nucléaires ».
L’article 3 de la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs mentionne la poursuite des recherches et des études sur la séparation et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue, en lien avec les dispositions de la loi POPE précédemment mentionnées, ainsi « que sur les réacteurs pilotés par accélérateur dédiés à la transmutation des déchets, afin de disposer, en 2012, d’une évaluation des perspectives industrielles de ces filières et de mettre en exploitation un prototype d’installation avant le 31 décembre 2020 ».
Enfin, l’article 17 de la loi n° 2024-450 du 21 mai 2024 relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire mentionne, parmi les missions de conseil du haut-commissaire à l’énergie atomique, les enjeux relatifs au cycle du combustible.
L’horizon de la fermeture complète du cycle du combustible demeure. Mais il est aujourd’hui nécessaire de marquer un engagement politique clair sur le sujet et d’inscrire un objectif dans la loi. Alors que l’arrêt du projet de démonstrateur industriel de réacteur à neutrons rapides (RNR) ASTRID en 2019 n’a pas envoyé les bons signaux à la filière, il faut désormais donner davantage de visibilité aux porteurs de projets de RNR.
II. Le dispositif proposÉ
A. les dispositions inItiales de la proposition de loi
L’article 3 de la proposition de loi fixe de nouveaux objectifs de politique énergétique en matière d’énergie nucléaire, aux articles L. 100-2 et L. 100-4 du code de l’énergie. Ces objectifs s’inscrivent clairement dans la logique de relance de l’énergie nucléaire.
1. Les objectifs en matière de recherche et d’innovation
L’article 3 ajoute un 7° bis à la rédaction de l’article L. 100-2 du code de l’énergie, ce dernier fixant les grands principes auxquels l’État doit veiller pour l’atteinte des objectifs de politique énergétique. Ce nouvel alinéa a pour objectif de renforcer l’effort de recherche et d’innovation en faveur de l’énergie nucléaire et de l’hydrogène bas-carbone.
La rédaction précise ce sur quoi cet effort de recherche doit porter : les réacteurs européens pressurisés, les petits réacteurs modulaires, les réacteurs de quatrième génération – dont ceux refroidis au sodium –, le projet de réacteur de fusion nucléaire ITER, la fermeture du cycle du combustible, le couplage entre les projets d’énergie nucléaire et d’hydrogène bas-carbone et enfin les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) sur l’hydrogène.
L’article L. 100-2 comporte déjà un objectif général concernant la recherche, au 7° : « impulser une politique de recherche et d’innovation qui favorise l’adaptation des secteurs d’activité à la transition énergétique ».
Le Sénat avait déjà intégré une disposition très semblable à l’article 1er B du projet de loi « accélération du nucléaire » de 2023. Supprimée par l’Assemblée nationale au motif qu’elle était programmatique, alors que le projet de loi se concentrait sur des mesures opérationnelles d’accélération, puis rétablie dans une rédaction légèrement différente en commission mixte paritaire, cette disposition avait finalement été censurée par le Conseil constitutionnel comme étant un « cavalier législatif » (disposition sans lien avec le texte en discussion), contraire au premier alinéa de l’article 45 de la Constitution.
2. Les objectifs en matière de décarbonation des mix électrique et énergétique
Le 2° de l’article 3 ajoute deux dispositions à l’article L. 100-4 du code de l’énergie.
Premièrement, il prévoit le maintien de la part du nucléaire dans la production d’électricité à plus de 60 % à horizon 2030 et un mix de production d’électricité majoritairement nucléaire à l’horizon 2050.
Sans le mentionner comme objectif en tant que tel, le projet de PPE 3 souligne qu’« en 2030, la PPE devrait conduire à une production d’environ […] 360 TWh d’origine nucléaire, soit […] 60 % de la production d’électricité d’origine nucléaire », puis, en 2035, respectivement a minima 360 TWh et 53 %. Une cible de 400 TWh est cependant visée par EDF comme « ambition managériale ».
Par ailleurs, le scénario N03 de l’étude Futurs énergétiques 2050 de RTE, dans sa trajectoire de référence, conduit à un mix électrique à l’horizon 2050 composé à 50 % de nucléaire et, dans sa trajectoire de réindustrialisation profonde, à 43 % de nucléaire ;
Deuxièmement, ce même 2° prévoit la décarbonation du mix électrique à plus de 90 % et celle du mix énergétique à plus de 50 % à l’horizon 2030.
Le mix électrique est aujourd’hui déjà décarboné à plus de 90 % (95 % en 2024 selon le bilan électrique de RTE). Le Plan national intégré énergie-climat (Pniec), dans sa version de juin 2024, prévoit « un bouquet électrique à 96 % décarboné en 2030 (61 % nucléaire, 35 % énergies renouvelables) ».
Quant au mix énergétique, le projet de PPE 3 souligne que l’« objectif est de passer d’un mix énergétique constitué d’environ 60 % d’énergie fossile importée en 2023 à un mix énergétique constitué d’environ 60 % d’énergies bas-carbone en 2030 ».
Comme pour les objectifs fixés en matière de recherche et d’innovation, ces dispositions s’inspirent des dispositions de l’article 1er B du projet de loi d’accélération du nucléaire, supprimées par l’Assemblée nationale lors de l’examen de ce texte du fait de leur caractère programmatique.
3. Les objectifs en matière de capacités nucléaires installées
Il est ajouté, à l’article L. 100-4 du code de l’énergie, un 5° quater portant sur les objectifs de capacités installées de production nucléaire. Au total, l’objectif est de construire 27 GW de nouvelles capacités d’ici 2050, dont au moins 14 réacteurs européens pressurisés et 15 petits réacteurs modulaires. Cet objectif général est décomposé en deux échéances :
– engager la construction de 9,9 GW de capacités installées d’ici à 2026. Ce chiffre correspond à la réalisation de 6 réacteurs de type EPR2. Il est mentionné dans le Pniec ;
– engager la construction de 13 GW de capacités installées et d’un premier prototype de petit réacteur modulaire d’ici 2030.
Enfin, il est précisé qu’avant le dépôt de la prochaine loi de programmation énergie-climat, la construction de 6 réacteurs européens pressurisés additionnels, représentant 9,9 GW de capacités installées, doit également être étudiée.
En cohérence avec les différentes annonces effectuées par le Gouvernement, notamment à l’issue des Conseils de politique nucléaire, le projet de PPE 3 prévoit :
– la construction de six nouveaux réacteurs nucléaires de type EPR2, étant précisé que « L’État confirme son soutien à ce programme et s’inscrit dans la perspective d’une décision finale d’investissement par le conseil d’administration d’EDF en vue de son lancement au plus tard durant l’année 2026 » ;
– une décision, d’ici 2026, sur la réalisation d’un éventuel second palier de 13 GW (correspondant à 8 EPR2) ;
– la réalisation d’un « premier béton » de petit réacteur modulaire (PRM) à eau pressurisée et le lancement d’au moins un prototype de PRM de technologie différente à l’horizon du début de la décennie 2030.
Le scénario N03 de l’étude Futurs énergétiques 2050 prévoit quant à lui 24 GW de nucléaire historique et 27 GW de nouveau nucléaire dans sa trajectoire de référence (14 EPR représentant 23 GW et quelques PRM représentant 4 GW).
Les rapporteurs du Sénat soulignent, dans leur rapport, que les deux paliers proposés par la proposition de loi sont cohérents avec le Pniec, de même qu’avec ceux donnés par l’avant-projet de loi « souveraineté énergétique ». Ils soulignent également les besoins croissants en électricité. Dans l’actualisation de son étude Futurs énergétiques 2050 publiée en 2024, RTE estime la consommation intérieure d’électricité en 2035 entre 580 et 640 TWh dans les scénarios de référence (cette consommation était 475 TWh en 2019) ([30]).
Un 5° quinquies est en outre ajouté à la rédaction de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, relatif au maintien en fonctionnement des installations de production existantes. Il propose de maintenir en fonctionnement toutes les installations de production d’électricité nucléaire existantes, sous réserve des impératifs de sûreté, afin d’atteindre une capacité installée d’au moins 63 GW jusqu’en 2035 et une disponibilité de cette capacité installée de 75 % à l’horizon 2030.
Les rapporteurs du Sénat font référence au Pniec et à la Stratégie française énergie-climat (Sfec) pour justifier cet objectif, cette dernière mentionnant « un objectif de production de 400 TWh, ce qui correspond à un taux de disponibilité de 75 % ». L’avant-projet de loi relatif à la souveraineté énergétique mentionnait également explicitement l’objectif de 63 GW de capacités installées.
Le projet de PPE 3 ne mentionne pas d’objectifs de disponibilité des centrales nucléaires, évoquant cependant que l’amélioration de l’équilibre offre‑demande « sera permise essentiellement par l’augmentation de la disponibilité du nucléaire, même s’il n’est pas attendu qu’elle retrouve son niveau du début des années 2010 ». Ce projet souligne par ailleurs l’objectif de poursuivre l’exploitation des réacteurs en fonctionnement, au-delà de 50 puis de 60 ans, sous réserve des enjeux de sûreté.
Dans l’actualisation de son étude Futurs énergétiques publiée en 2024, RTE estime les capacités installées de production nucléaire entre 60 et 63 GW en 2035, quelle que soit la trajectoire retenue.
4. Les objectifs relatifs au cycle du combustible
Enfin, l’article 3 de la proposition de loi complète l’article L. 100-4 du code de l’énergie en ajoutant trois objectifs relatifs au cycle du combustible :
– le maintien en fonctionnement de toutes les installations nécessaires à la mise en œuvre du traitement et de la valorisation des combustibles usés, sous réserve des enjeux de sûreté ;
– l’objectif de maintenir les usines actuelles de retraitement-recyclage et de les compléter après 2040. C’est aujourd’hui l’usine Orano de La Hague qui permet de retraiter le combustible usé. Le plutonium qui en est issu peut ensuite être assemblé avec de l’uranium appauvri pour créer du combustible MOx. L’uranium extrait du combustible usé peut également être ré-enrichi, puis réutilisé ;
– l’utilisation de 20 % de matières recyclées dans la production d’électricité d’origine nucléaire à l’horizon 2030. Cet objectif avait déjà été introduit dans le projet de loi d’accélération du nucléaire de 2023 par le Sénat, mais supprimé par l’Assemblée nationale au motif que les acteurs n’avaient pas souhaité s’engager à l’époque sur un tel objectif – qui, par ailleurs, était lui aussi de nature programmatique, dans un projet de loi qui ne l’était pas.
Cycle du combustible en France
Source : projet de PPE 3.
L’avant-projet de loi relatif à la souveraineté énergétique proposait le maintien en fonctionnement des installations contribuant au retraitement et à la valorisation des combustibles usés.
Le projet de PPE 3 consacre le maintien de la stratégie de retraitement et de valorisation du combustible et souligne que « Dans la perspective de renouveler les installations de l’aval du cycle nucléaire, la filière nucléaire mènera, d’ici la fin de l’année 2026, sous la supervision de l’État, des travaux visant à définir les scénarios industriels les plus appropriés pour l’avenir du cycle du combustible post-2040, les modalités de financement et le calendrier de décisions associés, en veillant à favoriser la gestion durable des substances radioactives, la sécurité d’approvisionnement et la maîtrise des coûts ». Ce même document évoque par ailleurs « un potentiel de réduction de 10 % du besoin français d’uranium naturel grâce à la filière MOx et de 15 % supplémentaires grâce à la filière URE (uranium recyclé enrichi), soit un total de 25 % de réduction ».
B. les modifications apportÉes par le sÉnat
1. En commission
La commission des affaires économiques du Sénat a adopté un amendement du sénateur Franck Menonville (LR), avec un avis favorable du rapporteur, ajoutant à la liste des projets de recherche et d’innovation devant être soutenus (1° de l’article 3) le projet Cigéo de stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde. Il s’agissait ainsi de rappeler, selon les auteurs de l’amendement, « le rôle essentiel et stratégique du projet dans la relance de la filière nucléaire ».
Elle a également adopté un amendement des rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet, indiquant, en complément de précisions rédactionnelles sur la nature des réacteurs nucléaires visés, que d’ici 2030, c’est une première installation de PRM qui doit être engagée, au lieu d’un premier prototype de ce type de réacteur. Cet amendement a également conduit à préciser dans le texte que la disponibilité visée des réacteurs est une disponibilité moyenne, et à ajuster l’objectif de matières recyclées à utiliser dans le combustible pour les réacteurs nucléaires : au lieu d’un objectif de 20 % à l’horizon 2030, il est désormais prévu un objectif de 10 % en 2030, puis de 20 % à l’horizon 2040, afin de mieux graduer l’effort.
2. En séance publique
Six amendements ont été adoptés lors de l’examen de cet article en séance publique au Sénat.
Un amendement des rapporteurs, adopté par le Sénat avec un avis favorable du Gouvernement, a conduit à préciser, à l’alinéa 3 de l’article, qu’il est question de « renforcer » l’effort de recherche et d’innovation en matière de nucléaire et d’hydrogène bas‑carbone, plutôt que de « poursuivre » un tel effort.
Un deuxième amendement des rapporteurs, adopté par le Sénat malgré un avis défavorable du Gouvernement, a conduit à prévoir le renforcement de la place des réacteurs à neutrons rapides dans la rédaction de l’article 3 :
– en apportant une précision rédactionnelle à ce sujet au troisième alinéa de cet article ;
– en complétant cet article par un nouvel alinéa qui prévoit, à l’article L. 100‑4 du code de l’énergie, un nouvel objectif de soutien spécifique à un programme de développement de ce type de réacteurs de quatrième génération, ainsi qu’à la valorisation des matières nucléaires associées, dans la perspective éventuelle de leur développement à l’échelle industrielle. Les auteurs de l’amendement entendent notamment valoriser les travaux de la commission sénatoriale sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050 ([31]). Celle-ci a appelé à concentrer les moyens de recherches sur les réacteurs à neutrons rapides et, à l’inverse, a émis « un jugement négatif » sur le multirecyclage en REP. Votre rapporteur rappelle avoir, lors de la commission d’enquête sur la souveraineté énergétique, déjà regretté des efforts insuffisants concernant la recherche sur les réacteurs de quatrième génération par rapport à l’option de multirecyclage en REP ([32]).
Un premier amendement du Gouvernement, adopté par le Sénat avec un avis favorable de la commission, a conduit à revoir la rédaction du septième alinéa, qui porte sur le calendrier de construction de nouvelles capacités de production nucléaire :
– en remplaçant le terme « construire au moins » 27 GW de nouvelles capacités nucléaires d’ici 2050 par le terme « tendre vers » ;
– en supprimant, pour la capacité installée à l’horizon 2050, l’expression de l’objectif en nombre de réacteurs construits (fixé par le Sénat à 14 EPR 2 et 15 PRM) et en utilisant par ailleurs les termes plus génériques de « réacteurs électronucléaires de grande puissance » pour qualifier les réacteurs à construire, plutôt que ceux de « réacteurs européens pressurisés » ;
– à la deuxième phrase de l’alinéa, en arrondissant l’objectif de capacités engagées de nucléaire de 9,9 à 10 GW et en précisant que cet objectif correspond à six réacteurs électronucléaires de grande puissance, et que le second palier de 13 GW en concerne huit, auxquels s’ajoute un PRM.
– en rédigeant différemment la dernière phrase portant sur l’étude de capacités additionnelles avant le dépôt de la prochaine LPEC, ce qui a conduit à mentionner là aussi le chiffre de 10 GW (plutôt que 9,9 GW) et à supprimer la précision sur le nombre de réacteurs que cela pourrait représenter.
Un deuxième amendement du Gouvernement, adopté par les sénateurs avec un avis favorable de la commission, a conduit à supprimer l’objectif de disponibilité moyenne des installations de production d’électricité d’origine nucléaire. À l’appui de cette modification, il a été avancé au Sénat que, d’une part, l’intérêt économique conduira l’exploitant à maximiser la disponibilité des réacteurs et que, d’autre part, la disponibilité peut être contrainte par des exigences de sûreté.
Un troisième amendement des rapporteurs a été adopté au Sénat malgré un avis défavorable du Gouvernement. Outre un ajustement rédactionnel, il a précisé que le retraitement et le recyclage des combustibles usés doivent devenir leur principal mode de gestion. Il précise également que la pérennité et le développement des usines de retraitement et de recyclage au-delà de 2040 devront se faire « en définissant des modalités d’organisation et de gestion adaptées ».
Enfin, un troisième amendement du Gouvernement, adopté par les sénateurs avec un avis favorable de la commission, a conduit à donner une nouvelle rédaction à l’alinéa 10 relatif au recyclage des combustibles usés. Outre certaines précisions rédactionnelles, cet amendement a amené à :
– assouplir les objectifs proposés, en évoquant des objectifs de réduction de la consommation d’uranium naturel d’« environ » 10 % à horizon 2030 et 20 % à horizon 2024 grâce à du combustible issu de matières recyclées, et ce par rapport à un scénario d’absence de recyclage ;
– préciser que ces objectifs sont valables sous réserve des impératifs liés à la sûreté nucléaire et « de la prise en compte des besoins pour le long terme ».
Le Gouvernement a souligné que le choix d’une part de matières recyclées relève « d’une optimisation économique et industrielle à laquelle il convient de laisser une latitude suffisante au bénéfice de l’efficacité d’ensemble ». Les exigences de sûreté, mais aussi la situation du marché de l’uranium et l’arbitrage entre consommation présente et future, notamment dans les réacteurs de quatrième génération, sont autant d’éléments à prendre en compte.
III. La position de la commission
A. La mention des financements publics et des énergies renouvelables dans les dispositions relatives au renforcement de la recherche
La commission a adopté l’amendement CE424 de M. Julien Brugerolles (GDR), avec avis favorable du rapporteur, prévoyant que l’effort de recherche et d’innovation en faveur de l’énergie nucléaire et de l’hydrogène bas-carbone doit être significativement renforcé, par des financements publics adaptés.
Elle a également adopté l’amendement CE124 de M. Jean-Luc Fugit (EPR), avec avis de sagesse du rapporteur, prévoyant que cet effort de recherche porte aussi sur l’hydrogène renouvelable et pas uniquement bas-carbone. L’adoption de cet amendement devait conduire à inclure par la même occasion les énergies renouvelables, aux côtés de l’énergie nucléaire, pour ce qui concerne les enjeux de couplage de ces deux types d’énergie avec l’hydrogène.
B. La suppression des objectifs liés à l’énergie nucléaire et décarbonée exprimés en pourcentage du mix de production
L’amendement CE544 du rapporteur, adopté par la commission, devait conduire à supprimer les alinéas 5 et 6 de l’article 3 :
– l’alinéa 5 prévoyait un mix électrique composé à plus de 60 % de nucléaire à l’horizon 2030, puis un mix de production d’électricité majoritairement nucléaire à l’horizon 2050. Ces objectifs, exprimés en pourcentage, ne permettaient pas de donner des objectifs clairs à la filière industrielle, à l’inverse d’un objectif exprimé en capacité installée ou en production. L’important n’est pas d’atteindre une certaine part au sein du mix, que ce soit grâce à l’énergie nucléaire ou aux EnR, mais de décarboner la production d’énergie. Le plafonnement de la production nucléaire à 50 % du mix a été supprimé, et il convient de ne pas retomber dans le même écueil ;
– l’alinéa 6 prévoyait de décarboner le mix électrique à plus de 90 % et le mix énergétique à plus de 50 % à l’horizon 2030. Le mix électrique est déjà décarboné à plus de 90 %. Quant à la décarbonation du mix énergétique, un objectif de réduction de la consommation énergétique primaire à partir des énergies fossiles est déjà fixé par le 3° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie. Il est préférable de conserver cette seule notion, plus claire et précise. En effet, la notion de « mix énergétique » fait référence à la production d’énergie, mais c’est généralement la notion de production primaire d’énergie sur le territoire national qui est utilisée dans les différentes productions statistiques du ministère chargé de l’énergie. Or, celle‑ci n’inclut pas les énergies importées ; la notion de consommation primaire, utilisée au 3° de l’article L. 100-4 de l’énergie, est donc plus satisfaisante à cet égard ([33]).
C. Le maintien en fonctionnement des capacités installées est repositionné en premier dans la présentation des objectifs relatifs au nucléaire
L’adoption en commission de l’amendement CE453 du rapporteur devait simplement permettre de déplacer l’alinéa 8, qui prévoit le maintien en fonctionnement des capacités nucléaires existantes, au début de l’énumération des objectifs de politique énergétique relatifs au nucléaire à l’article L. 100-4 du code de l’énergie. Cet ordre de présentation avait pour intérêt de clarifier la présentation de l’article et d’être davantage en adéquation avec la logique qui sous-tend la relance du nucléaire (maintien des capacités existantes premièrement ; puis développement de nouvelles capacités ; enfin, enjeux relatifs au cycle du combustible).
Un sous-amendement CE562 de Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC) à cet amendement, que la commission a également adopté, devait conduire à préciser qu’il s’agit bien de maintenir une capacité installée de production d’au moins 63 GW plutôt que de l’« atteindre », étant donné que la puissance installée actuelle du parc nucléaire est déjà de 63 GW lorsque l’on y inclut l’EPR de Flamanville.
D. La suppression des échéances intermédiaires fixées pour engager la construction de nouveaux réacteurs nucléaires
L’amendement CE135 de M. Jérôme Nury (LR), adopté avec avis favorable du rapporteur, visait à préciser qu’il fallait tendre vers « au moins » 27 GW de nouvelles capacités nucléaires à l’horizon 2050.
L’amendement CE224 de Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC), adopté avec avis défavorable du rapporteur, amenait à supprimer la deuxième phrase de l’alinéa 7, c’est-à-dire les objectifs intermédiaires de 2026, puis de 2030, pour engager respectivement la construction de 10 GW puis de 13 GW de capacités nucléaires installées. Seul un objectif global à l’horizon de 2050 devait donc être fixé.
E. plusieurs modifications relatives aux dispositions sur le cycle du combustible
À l’alinéa 9, l’amendement CE254 de M. Karim Benbrahim (SOC), adopté avec avis favorable du rapporteur, devait supprimer l’objectif de prioriser le retraitement et le recyclage des combustibles usés parmi les différents modes de gestion de ces derniers, permettant ainsi de ne pas préjuger des choix technologiques de la filière.
L’adoption de l’amendement CE546 du rapporteur devait conduire à supprimer la fin du même alinéa 9. Celui-ci précisait que la pérennisation et le renouvellement des usines de retraitement-recyclage après 2040 devait se faire « en définissant les modalités d’organisation et de gestion adaptées » ; or, une telle précision apparaissait superflue.
L’amendement CE547 du rapporteur a également été adopté. Il devait supprimer, parmi les objectifs liés à la valorisation des combustibles usés, la fixation d’une part précise de matières recyclées à atteindre dans le volume de combustible utilisé pour le fonctionnement des centrales nucléaires, là aussi afin de ne pas préempter les choix technologiques et économiques de la filière.
Enfin, l’adoption de l’amendement CE548 du rapporteur devait permettre de donner une rédaction plus ambitieuse à l’alinéa 11, concernant le développement des réacteurs de quatrième génération. Cette rédaction visait à affirmer la nécessité d’engager la construction d’un démonstrateur de réacteur à neutrons rapides au plus tard en 2030.
F. Le rejet de l’article 3
Après l’adoption de ces différents amendements, la commission a finalement rejeté l’article 3. Ce dernier ne figure donc pas dans le texte adopté par la commission.
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Article 4
(articles L. 100-2 et L. 100-4 du code de l’énergie)
Définition d’objectifs de politique énergétique liés aux réseaux électriques, à la flexibilité, à l’hydrogène et aux technologies de capture et de stockage du dioxyde de carbone
Adopté par la commission avec modifications
Cet article complète les objectifs de politique énergétique en affirmant la nécessité de développer les réseaux de distribution et de transport d’électricité, de favoriser la flexibilité du système électrique et d’encourager les opérations d’autoconsommation.
Il fixe des objectifs chiffrés concernant le développement de l’hydrogène renouvelable et bas-carbone.
Il établit également des objectifs chiffrés en matière de développement des technologies de captage et de stockage du dioxyde de carbone.
La commission des affaires économiques a adopté cet article, en supprimant les dispositions relatives à l’autoconsommation, en redéfinissant celles relatives à l’hydrogène et en rétablissant un objectif chiffré d’effacement de consommation.
I. L’état du droit
A. Le développement des réseaux et de la flexibilité, enjeux majeurs du mix électrique de demain
1. Le réseau électrique
En complément de la relance de la production d’énergie nucléaire, le développement des énergies renouvelables (EnR) est indispensable à l’atteinte de nos objectifs de politique énergétique et pour répondre à l’électrification croissante des usages. Leur trajectoire de développement est abordée en détail dans le commentaire de l’article 5 de la présente proposition de loi.
Les EnR sont cependant géographiquement plus diffuses que les installations de production nucléaires ou thermiques et produisent de manière intermittente (hors hydroélectricité), ce qui nécessite d’adapter les réseaux électriques – de transport comme de distribution ([34]) – en conséquence. Cette adaptation est également rendue nécessaire, pour les réseaux de transport, dans une perspective de réindustrialisation de notre économie, afin de garantir des infrastructures suffisantes autour des grandes zones industrielles.
Plusieurs dispositions du code de l’énergie mentionnent l’importance des réseaux électriques :
– dans la partie programmatique du code de l’énergie, le 9° de l’article L. 100-2 souligne la nécessité d’assurer des moyens de transport et de stockage de l’énergie adaptés aux besoins ;
– l’article L. 121-2 dispose que le service public de l’électricité « assure les missions de développement équilibré de l’approvisionnement en électricité, de développement et d’exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité […] ». Les articles L. 121-3 et L. 121-4 détaillent cette mission, qui comporte notamment la réalisation des objectifs définis par la programmation pluriannuelle de l’énergie en la matière, l’approvisionnement des zones non interconnectées, la desserte de l’ensemble du territoire ainsi que le raccordement et l’accès des consommateurs.
2. La flexibilité du système électrique
Le projet de PPE 3 définit la flexibilité système électrique comme « la capacité du système électrique à s’adapter à la variabilité des modes de production et de consommation et à la disponibilité du réseau, selon les échéances pertinentes du marché ». C’est un levier essentiel pour le passage des pointes de consommation. Il repose sur des outils liés à la fois à l’offre et à la demande d’électricité.
Du côté de l’offre, l’un des piliers essentiels de la flexibilité est la capacité de stockage de l’électricité, alors que cette dernière n’est aujourd’hui que très peu stockable à grande échelle.
L’hydroélectricité représente en cela un atout majeur : les barrages de lacs représentent un moyen de production pilotable stratégique. Le développement des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) est également un outil de flexibilité : ces ouvrages permettent de turbiner de l’eau lorsque le système en a le plus besoin, puis reconstituent leurs réserves en eau grâce à un système de pompage en heures creuses.
D’autres moyens de stockage sont également en train de se développer, en particulier les batteries et le stockage grâce à l’hydrogène.
Du côté de la demande, les outils de flexibilité reposent sur la capacité à interrompre ponctuellement ou à déplacer dans le temps certaines consommations. Cela peut se traduire par des incitations tarifaires (avec par exemple des contrats de fourniture de type heures pleines/heures creuses). L’effacement de consommation permet ainsi de réduire provisoirement la demande en électricité. Il existe notamment un mécanisme d’effacement spécifique, rémunéré, par le biais duquel certaines entités, en particulier des industriels, acceptent de baisser temporairement, sur demande du gestionnaire de réseau, leur consommation électrique en cas de tension sur le système. Ce mécanisme a récemment été révisé par l’article 19 de la loi de finances pour 2025, qui a plus généralement réformé le mécanisme de capacité.
Le code de l’énergie comporte plusieurs dispositions soulignant le rôle central de la flexibilité du système électrique :
– l’article L. 100-1 A dispose que la LPEC doit notamment fixer des objectifs de stockage des énergies renouvelables, ainsi que pour l’hydrogène renouvelable et bas-carbone, pour deux périodes successives de cinq ans ;
– comme déjà mentionné supra, le 9° de l’article L. 100-2 inscrit, parmi les principes auxquels l’État doit veiller pour la mise en œuvre des objectifs de politique énergétique, d’assurer « des moyens de transport et de stockage de l’énergie adaptés aux besoins » ;
– le 4° bis de l’article L. 100-4, qui fixe les objectifs de politique énergétique à atteindre en matière d’hydroélectricité, mentionne notamment la nécessité de favoriser le stockage de l’électricité ;
– le 11° du même article prévoit de « favoriser le pilotage de la production électrique, avec pour objectif l’atteinte de capacités installées d’effacements d’au moins 6,5 gigawatts en 2028 ».
B. L’hydrogène offre un potentiel de stockage de l’électricité et une alternative aux carburants fossiles
L’hydrogène est un vecteur permettant de stocker, de transporter et d’utiliser de l’énergie. On distingue l’hydrogène fabriqué à partir de sources d’énergie fossile (hydrocarbures) – ce qui représente aujourd’hui 95 % de la production d’hydrogène ([35]) – de l’hydrogène fabriqué à partir de sources d’énergie renouvelables ou bas-carbone, notamment par électrolyse de l’eau.
L’hydrogène bas-carbone est défini à l’article L. 811-1 du code de l’énergie comme l’hydrogène dont le procédé engendre des émissions inférieures ou égales à un seuil fixé par arrêté, sans être produit à partir de sources renouvelables. Cette définition doit donc permettre d’inclure l’hydrogène produit à partir d’électricité d’origine nucléaire, bien que certains éléments de définition ne soient pas encore stabilisés au niveau de l’Union européenne, en particulier pour l’hydrogène vendu dans le cadre d’un contrat de gré à gré (PPA ou power purchase agreement) ([36]).
L’hydrogène représente un potentiel intéressant pour stocker de l’électricité, mais aussi car il peut être utilisé comme carburant. Il peut également être injecté dans les réseaux existants, notamment dans les réseaux gaziers. Cela nécessite cependant une adaptation de ces réseaux.
L’article L. 100-1 A du code de l’énergie prévoit que la LPEC fixe les objectifs de développement et de stockage pour l’hydrogène renouvelable et bas‑carbone, pour deux périodes successives de cinq ans.
L’article premier de la loi « énergie climat » de 2019 avait créé un nouveau 10° à l’article L. 100-4 du même code, qui fixe comme objectif de développer l’hydrogène bas-carbone et renouvelable, tant pour les usages industriels et énergétiques que pour la mobilité, afin d’atteindre 20 % à 40 % des consommations totales d’hydrogène et d’hydrogène industriel à l’horizon 2030.
Le Gouvernement a actualisé en avril 2025 sa Stratégie nationale de l’hydrogène décarboné, en abaissant les objectifs de développement précédemment fixés (voir II infra).
C. les technologies de capture et de stockage de carbone peuvent jouer un rôle dans l’atteinte de la neutralité carbone
Les technologies de capture, de valorisation et de stockage du dioxyde de carbone (CO2), aussi appelées CCUS, sont l’un des leviers à disposition pour garantir l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050, objectif fixé au 1° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie.
En effet, neutralité carbone ne veut pas dire plus aucune émission, mais bien, comme cela est défini au même alinéa, un « équilibre, sur le territoire national, entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre ». Les technologies CCUS sont complémentaires des puits de carbone naturel (forêts).
Ces technologies CCUS visent à capturer le CO2 émis par un processus industriel afin soit de l’injecter et de le stocker dans des formations géologiques adaptées, soit de l’utiliser comme ressource dans la fabrication de produits ([37]).
Le Gouvernement a publié, en juillet 2024, un état des lieux et des perspectives de déploiement du CCUS en France. Au niveau de l’UE, la possibilité de recourir au stockage du carbone est déjà prévue par le système d’échange de quotas d’émissions (SEQE-UE) et par le Net Zero Industry Act.
II. Le dispositif proposé
L’article 4 de la proposition de loi fixe des objectifs de politique énergétique portant sur trois aspects principaux : le développement des réseaux et des flexibilités, le développement de l’hydrogène et enfin les objectifs de capture et de stockage du carbone.
A. les dispositions initiales de la proposition de loi
1. Les objectifs relatifs aux réseaux et à la flexibilité du système électrique
L’article 4 ajoute deux alinéas à l’article L. 100-2 du code de l’énergie, qui fixe les priorités auxquelles l’État doit veiller pour l’atteinte des objectifs de politique énergétique :
– le premier porte sur le développement des réseaux de distribution et de transport d’électricité, afin d’intégrer le développement de la production d’électricité décarbonée, nucléaire comme renouvelable, et d’accompagner l’électrification des usages (9° bis nouveau de l’article L. 100-2). Cela devra se faire en veillant à l’accélération des délais et à l’abaissement des coûts. Le schéma décennal de développement du réseau (SDDR) de RTE prévoit un besoin d’investissement dans le réseau de transport de 100 milliards d’euros (Md€) environ d’ici 2040. Pour le réseau de distribution, Enedis a prévu d’investir 96 Md€ entre 2022 et 2040 ;
– le second encourage à optimiser le système électrique, à favoriser la flexibilité tant de l’offre que de la demande et à développer le stockage de l’électricité, notamment hydraulique, par batterie ou par électrolyse (9° ter nouveau de l’article L. 100-2).
L’article 4 ajoute également un 10° ter nouveau à l’alinéa L. 100-4 du code de l’énergie relatif aux capacités de stockage par batteries stationnaires ou embarquées. Cet objectif est fixé à 1 GW au moins à l’horizon 2030 et à 3 GW à l’horizon 2035.
Les rapporteurs du Sénat ont relevé que les objectifs du code de l’énergie sont assez peu diserts sur les enjeux de flexibilité.
Le projet de PPE 3 comporte un volet sur le réseau électrique et les flexibilités, qui comporte plusieurs actions prioritaires :
– réaliser les adaptations nécessaires sur le réseau et poursuivre la planification à long terme au travers du SDDR (pour le réseau de transport) et du plan de développement de réseau (pour le réseau de distribution). Cela doit notamment passer par la révision des schémas régionaux de raccordement et la révision des modalités des files d’attente de raccordement. Plusieurs enjeux majeurs doivent être pris en compte : l’adaptation du réseau aux conséquences du changement climatique, le développement des flexibilités, le renforcement du réseau 400 kV d’ici 2035 pour éviter les congestions, mais aussi la soutenabilité des investissements envisagés, notamment par leur financement via le tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (TURPE) et la contribution au raccordement ;
– renforcer les outils permettant d’ajuster le réseau à une part croissante de production non pilotable : le renforcement des flexibilités, tant du côté de l’offre que de la demande, sont des outils fondamentaux pour atteindre cet objectif ;
– concernant plus spécifiquement les flexibilités, poursuivre les analyses en cours pour identifier les objectifs et les mesures correspondantes. Du côté de la demande, des travaux de la CRE sont en cours pour définir le placement optimal des heures creuses dans le cadre des prochains TURPE. Les offres tarifaires valorisant la flexibilité des usages ont également vocation à être développées, de même que les incitations économiques ou même des obligations réglementaires pour les équipements les plus stratégiques en la matière (chauffe-eau, chauffage et climatisation, bornes de recharge des véhicules électriques).
Enfin, il est prévu de développer au minimum 1,7 GW de STEP supplémentaires d’ici 2035 (voir, infra, le commentaire de l’article 5).
2. Les objectifs relatifs à l’hydrogène
Les objectifs relatifs à l’hydrogène sont spécifiés aux alinéas 5 à 8 de l’article 3.
En premier lieu, il est fixé l’objectif d’atteindre 33 % d’hydrogène renouvelable dans la consommation d’hydrogène industriel et 77 % d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone dans la consommation totale d’hydrogène à l’horizon 2030 (2° a) de l’article 4).
Les pourcentages retenus (33 % et 77 %) résultent, selon les rapporteurs du Sénat, de la prise en compte des dispositions de la directive dite « REDIII » sur les énergies renouvelables ([38]). Son article 22 bis dispose que les États membres veillent à ce que les carburants renouvelables d’origine non biologique (qui correspondent, dans les faits, à des carburants synthétisés à partir d’hydrogène renouvelable, par électrolyse de l’eau) représentent au moins 42 % de l’hydrogène dans l’industrie d’ici à 2030 et 60 % d’ici à 2035. Toutefois, l’article 22 ter permet de moduler cette contribution à la baisse de 20 %, sous réserve de deux conditions cumulatives :
– l’État doit être « en bonne voie » de s’acquitter de l’objectif de part d’EnR dans la consommation finale brute d’énergie de l’UE en 2030. Cette part a été fixée à 42,5 % par la directive REDIII ;
– la part de l’hydrogène ou de ses dérivés produite à partir de combustibles fossiles qui est consommée dans cet État membre ne doit pas être supérieure à 23 % en 2030 et à 20 % en 2035.
Le Sénat a donc proposé de se saisir de cette exception :
– pour remplir cette dernière condition, le texte fixe ainsi un objectif de 77 % d’hydrogène non fossile horizon 2030 (ce qui correspond à une part maximale de 23 % d’hydrogène produit à partir de sources fossiles) ;
– par conséquent, il transcrit dans la loi l’objectif de la directive REDIII de 42 % de carburants renouvelables d’origine non biologique, minoré de 20 %, aboutissant de ce fait à un taux de 33 %.
Le b) du 2° de l’article 4 fixe ensuite l’objectif de disposer de capacités installées de production d’au moins 6,5 GW d’hydrogène décarboné produit par électrolyse en 2030 et de 10 GW à l’horizon 2035.
Le Sénat avait déjà introduit un objectif de 6,5 GW de capacités à horizon 2030 dans la loi d’accélération du nucléaire en 2023, mais cette disposition avait été censurée par le Conseil constitutionnel comme étant un « cavalier législatif » car contraire au premier alinéa de l’article 45 de la Constitution.
Les chiffres retenus se fondent à la fois sur les conclusions d’un rapport sénatorial ([39]) et sur le Pniec, qui mentionnait l’objectif d’installer 6,5 GW d’électrolyseurs en 2030 et de répondre à un besoin de 10 GW en 2035.
Cependant, le projet de PPE 3 et la dernière actualisation de la Stratégie hydrogène du Gouvernement ont revu ces ambitions à la baisse et visent désormais jusqu’à 4,5 GW en 2030 et jusqu’à 8 GW en 2035. La Stratégie nationale révisée souligne que le déploiement du marché de l’hydrogène a été moins rapide qu’attendu, en particulier pour ce qui concerne la phase d’industrialisation et le déploiement des premiers projets. Il est argumenté que « ce décalage est notamment lié aux enjeux de maturité des technologies d’électrolyse, au coût de production qui reste élevé, et à la mise en œuvre progressive du cadre appliqué au secteur ».
3. Les objectifs relatifs à la capture et au stockage du carbone
La version initiale de la proposition de loi a fixé comme objectif un recours annuel aux technologies CCUS d’au moins 4 mégatonnes à l’horizon 2030 et d’au moins 15 mégatonnes à l’horizon 2050. Le Sénat a justifié ces objectifs par les chiffres de la stratégie CCUS de 2023, ainsi que par ceux de la Stratégie française énergie-climat (Sfec) de l’époque et du Plan national intégré énergie-climat (Pniec). Le Pniec prévoyait un recours au CCUS dans le secteur industriel dès 2027, pour atteindre 4 à 8,5 mégatonnes de CO2 par an à l’horizon 2030, puis entre 30 et 50 mégatonnes de CO2 par an en 2050.
Le projet de SNBC 3 prévoit un volume capté dans l’industrie de l’ordre de 7 mégatonnes de CO2 en 2030, la quasi-totalité de ce volume étant stocké dans des formations géologiques. La fraction résiduelle restante serait utilisée pour la production de e‑carburants ou dans des procédés industriels.
La dernière actualisation de la Stratégie CCUS à l’été 2024 prévoit un objectif de captation de 4 à 8 mégatonnes de CO2 par an à l’horizon 2030 et de 12 à 20 mégatonnes de CO2 par an à l’horizon 2040.
B. les modifications apportées par le sénat
1. En commission
Lors de l’examen de l’article 4 de la proposition de loi au Sénat, la commission des affaires économiques a adopté un amendement des rapporteurs visant à préciser à son alinéa 3 que l’objectif d’abaissement des coûts du réseau électrique est un abaissement des coûts unitaires, les coûts globaux des réseaux étant, quant à eux, amenés à croître (voir les besoins d’investissement mentionnés précédemment).
2. En séance publique
Lors de l’examen du texte en séance, les sénateurs ont adopté un amendement de M. Daniel Gremillet (LR), faisant l’objet d’un avis favorable de la commission et du Gouvernement, qui a conduit à compléter l’alinéa 3 de l’article, relatif aux réseaux, en y mentionnant la nécessité d’adapter les réseaux aux effets du changement climatique et de garantir leur cybersécurité.
Par ailleurs, à la suite de l’adoption d’un amendement des rapporteurs qui avait reçu un avis favorable du Gouvernement, il a été ajouté au même alinéa que le développement des réseaux électriques doit se faire en veillant à la planification des infrastructures, pour éviter leur dispersion. Les rapporteurs du Sénat ont ainsi souhaité reprendre les orientations de la commission d’enquête sénatoriale sur les prix de l’électricité ([40]).
L’adoption par les sénateurs d’un autre amendement des rapporteurs, qui a fait l’objet d’un avis de sagesse du Gouvernement, a conduit à ajouter un alinéa à l’article L. 100-4 du code de l’énergie. Il s’agissait ici d’encourager les opérations d’autoconsommation individuelles et collectives, tant en électricité qu’en gaz, sans préjudice de la propriété publique et de l’équilibre financier des réseaux de distribution, toujours en lien avec les recommandations de la commission d’enquête susmentionnée ([41]).
L’adoption par les sénateurs d’amendements identiques de M. Bernard Buis (RDPI) et du Gouvernement, ayant fait l’objet d’un avis favorable de la commission, a modifié la rédaction du 10° ter nouveau ajouté à l’article L. 100-4 du code de l’énergie, qui concerne le développement des flexibilités. Cette modification a consisté à supprimer les objectifs chiffrés de stockage par batterie, un objectif général de développement des flexibilités leur étant préféré pour assurer la sécurité d’approvisionnement et optimiser le fonctionnement du système électrique. La modulation de l’offre et de la demande, ainsi que le stockage sont désormais mentionnés au sein de cet article. Les exposés sommaires de ces amendements sénatoriaux rappelaient que RTE évalue les besoins de flexibilités entre 28 et 64 GW à l’horizon 2050.
Le Sénat a également adopté un amendement du rapporteur pour avis M. Didier Mandelli (LR), qui avait reçu un avis favorable de la commission mais un avis défavorable du Gouvernement, visant à encadrer le recours aux technologies CCUS, en précisant qu’elles doivent être utilisées uniquement pour stocker les émissions de CO2 associées aux usages pour lesquels il n’existe pas de technologie ou d’alternative permettant de réduire ces émissions, ou bien dans des situations transitoires. L’auteur de l’amendement souhaitait ainsi éviter que le recours aux technologies CCUS ne se fasse au détriment de la décarbonation énergétique et de l’amélioration de l’efficacité énergétique. À l’appui de son avis défavorable, le Gouvernement avait relevé que la mention des situations transitoires « risque de limiter le développement d’alternative technologique et de créer des effets de verrouillage » ([42]).
Enfin, l’adoption par le Sénat d’un troisième amendement du Gouvernement, qui avait fait l’objet d’un avis favorable de la commission, a supprimé le 11° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, qui fixe un objectif d’atteindre au moins 6,5 GW de capacités installées d’effacement en 2028. Le Gouvernement a justifié cette suppression par les objectifs de flexibilité estimés par RTE déjà mentionnés, ainsi que par les nouvelles dispositions de la réforme du marché de l’électricité.
III. La position de la commission
À l’alinéa 3, portant sur la priorité à accorder au développement des réseaux électriques, l’adoption de l’amendement CE10 de Mme Olga Givernet (EPR), avec avis favorable du rapporteur, a permis d’indiquer qu’il convient de « favoriser » l’électrification des usages, plutôt que de les accompagner.
Au même alinéa, l’adoption de l’amendement CE549 du rapporteur a conduit à substituer à la priorité d’abaissement des coûts unitaires des réseaux celle d’optimisation des investissements. Outre l’imprécision de la première notion, les coûts liés aux réseaux ne devraient pas connaître de baisse, en particulier compte tenu des besoins d’électrification et des tensions d’approvisionnement pour certains matériels électriques.
La commission a aussi supprimé l’alinéa 5, fixant une priorité relative aux opérations d’autoconsommation, par l’adoption des amendements identiques CE551 du rapporteur et CE494 de M. Maxime Amblard (RN). L’ajout spécifique d’une telle priorité ne semble pas nécessaire, les enjeux d’optimisation du système électrique et de développement des flexibilités permettant d’englober ce sujet.
Elle a aussi adopté, avec un avis favorable du rapporteur, l’amendement CE324 de M. Jean-Luc Fugit (EPR), qui propose une nouvelle rédaction des alinéas relatifs à l’hydrogène, incluant des objectifs plus cohérents avec la mise à jour de la stratégie nationale en la matière et avec la réalité du développement de la filière. Il est prévu l’atteinte de capacités installées de production d’au moins 4,5 GW d’hydrogène décarboné produit par électrolyse à l’horizon 2030 et d’au moins 8 GW à l’horizon 2035.
Concernant le développement des flexibilités, la commission a adopté l’amendement CE554 du rapporteur, rétablissant un objectif d’effacement d’environ 6,5 GW à l’horizon 2030.
Enfin, concernant le déploiement des technologies de capture, de stockage et de valorisation du CO2 :
– les amendements identiques CE14 de Mme Danielle Brulebois (EPR) et CE105 de M. Jean-Luc Fugit (EPR), adoptés avec avis favorable du rapporteur, ont ajouté la mention de l’utilisation du CO2 aux côtés de celles de sa capture et de son stockage ;
– l’amendement CE278 de M. Maxime Laisney (LFI-NFP) a supprimé la mention du recours aux technologies CCUS dans des situations transitoires, afin, selon l’auteur de l’amendement, d’éviter de « faciliter le recours à ces technologies plutôt que d’inciter à la sobriété ».
La commission a également adopté deux amendements rédactionnels CE553 et CE540 du rapporteur.
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* *
Article 5
(article L. 100-4 du code de l’énergie)
Définition des objectifs de politique énergétique liés à la production et à la consommation d’énergie décarbonée
Adopté avec modifications
L’article 5 fixe plusieurs objectifs de politique énergétique relatifs à la production et à la consommation d’énergie décarbonée. Il détermine notamment les volumes minimum de production d’électricité d’origine renouvelable, d’une part, et nucléaire, d’autre part, à atteindre d’ici 2030.
Il prévoit également plusieurs objectifs spécifiques relatifs à des catégories de consommation énergétique : électricité, chaleur, gaz, carburants.
Des objectifs relatifs à certaines catégories d’énergie renouvelable sont aussi prévus : volume d’appels d’offres pour l’éolien en mer, ainsi que pour l’énergie photovoltaïque.
Comme cela a été rappelé dans les commentaires d’article précédents, l’article L. 100-4 fixe plusieurs objectifs chiffrés de politique énergétique à atteindre, sur des échelles de temps s’échelonnant entre 2020 et 2050. Un certain nombre de ces échelles sont donc manifestement obsolètes.
Ces objectifs chiffrés ont été créés pour la première par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dite « loi TECV ».
A. Les objectifs de l’article L. 100-4 du code de l’énergie modifés par l’article 5
Le 4° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie fixe la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie, à l’horizon de 2020 et 2030. Cette part est fixée respectivement à 23 % et à 33 %. Ces objectifs ont été fixés par la loi TECV de 2015. La loi « énergie-climat » de 2019 a cependant rehaussé l’objectif de 2030 de 32 % à 33 % et a précisé que les taux mentionnés étaient des minimas à atteindre.
La consommation finale brute d’énergie est définie comme « la consommation des produits énergétiques fournis à des fins énergétiques à l’industrie, aux transports (y compris transport aérien international), aux ménages, aux services, y compris aux services publics, à l’agriculture, à la sylviculture et à la pêche. À cela s’ajoutent la consommation d’électricité et de chaleur par la branche énergie pour la production d’électricité, de chaleur et de carburants destinés aux transports, et les pertes sur les réseaux pour la production et le transport d’électricité et de chaleur » ([43]).
Selon la dernière version des indicateurs de suivi de la PPE datant de janvier 2025 ([44]), la part d’EnR dans la consommation finale d’énergie a atteint 19,2 % en 2020 : la France n’a donc pas tenu son objectif. Cette part était de 22,3 % en 2023.
Le même 4° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie précise la part d’EnR à atteindre dans la production d’électricité et dans la consommation de chaleur, de gaz et de carburant à l’horizon 2030. À cette échéance, les EnR devront représenter au moins :
– 40 % de la production d’électricité ;
– 38 % de la consommation finale de chaleur ;
– 15 % de la consommation finale de carburant ;
– 10 % de la consommation de gaz, celle-ci étant entendue comme incluant la consommation de gaz renouvelable et de gaz bas-carbone.
Ces quatre objectifs n’ont pas été modifiés depuis la loi TECV de 2015.
Part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie
Source : Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Par ailleurs, le gaz d’origine renouvelable représentait 2,2 % de la consommation de gaz en France continentale en 2023. 9,1 TWh PCS de biogaz ont été injectés dans les réseaux la même année ([45]).
Les 4° bis et 4° ter de l’article L. 100-4 du code de l’énergie ont été ajoutés par la loi « énergie-climat » de 2019.
Le 4° bis vise à encourager la production d’énergie hydraulique, sans pour autant fixer d’objectif chiffré. En 2023, l’hydroélectricité représentait 25,8 GW de puissance installée en France continentale et a permis de produire 58,8 TWh, ce qui représente environ 12 % de la production électrique totale. Le décret d’adoption de la PPE de 2020 ([46]) fixait comme objectif d’engager d’ici à 2027 des projets de stockage sous forme de STEP afin de développer 1,5 GW de capacités entre 2030 et 2035.
Le 4° ter doit permettre de favoriser la production d’électricité issue des éoliennes en mer, avec l’objectif de porter progressivement le rythme d’attribution des capacités installées de production par procédure de mise en concurrence à 1 GW par an d’ici à 2024.
Pour l’éolien en mer, le premier appel d’offres a été lancé en 2011 et a permis d’attribuer un peu moins de 2 GW de capacités. Trois parcs sur quatre issus de ce premier appel d’offres sont aujourd’hui en service. Nous en sommes aujourd’hui au dixième appel d’offres ([47]).
capacités attribuées lors des appels d’offres pour l’éolien en mer
Année |
Numéro de l’appel d’offres |
Capacité attribuée |
2011 |
AO1 |
1 624 MW (divisés en 4 parcs) |
2013 |
AO2 |
984 MW (divisés en 2 parcs) |
2016 |
AO3 |
600 MW |
2021 |
AO4 |
1 000 MW |
AO5 |
250 MW |
|
2022 |
AO6 |
500 MW (divisés en 2 parcs) |
AO7 |
1 000 à 1 200 MW |
|
AO8 |
1 500 MW |
|
2024 |
AO9 |
2 300 à 2 900 MW (extension de 4 parcs existants) |
Le dixième appel d’offres (AO10) doit permettre d’attribuer 8 à 10 GW de capacités supplémentaires. Il est prévu pour la fin de l’année 2025. Sans PPE, les services ministériels soulignent qu’il serait juridiquement impossible de réaliser un tel appel d’offres, et qu’« une telle décision représenterait une baisse de charge très significative pour la filière industrielle de l’éolien en mer, pouvant engendrer des fermetures de sites industriels et l’abandon d’investissements ».
Aucun objectif chiffré n’est actuellement fixé à l’article L. 100-4 du code de l’énergie concernant la production photovoltaïque ou pour l’éolien terrestre. Néanmoins, le décret d’adoption de la PPE 2019-2028 fixait des objectifs de puissance installée :
– de 24,1 GW d’éolien terrestre en 2023 et de 33,2 à 34,7 GW en 2028 ;
– de 20,1 GW d’installations fonctionnant à partir de l’énergie radiative du soleil en 2023, et de 35,1 à 44 GW pour ces mêmes installations en 2028.
B. Les objectifs de l’article L. 100-4 du code de l’énergie non modifiés par l’article 5 de la proposition de loi
Certains des objectifs de politique énergétique mentionnés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie ne sont pas modifiés par l’article 5 de la proposition de loi dans sa version adoptée par le Sénat, mais le sont par d’autres articles de celle-ci. Tel est le cas :
– du 1° de l’article, relatif à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, modifié par l’article 11 ;
– du 2° de l’article, relatif à la réduction de la consommation énergétique finale, modifié par l’article 8 ;
– du 3° de l’article, relatif à la baisse de la consommation énergétique primaire d’énergies fossiles, également modifié par l’article 8 ;
– du 7° de l’article, relatif aux objectifs de rénovation énergétique, modifié par l’article 9 ;
– du 8° de l’article, relatif aux mix énergétique dans les outre-mer, modifié par l’article 10 ;
– du 10° de l’article, relatif aux objectifs en matière d’hydrogène bas-carbone et renouvelable, modifié par l’article 4 ;
– du 11° de l’article, relatif à l’effacement électrique, supprimé par le même article 4.
D’autres objectifs ne sont pas modifiés par la proposition de loi. Il s’agit :
– du 4° quater, qui vise à encourager la production d’électricité issue d’installations agrivoltaïques (sans fixer d’objectif chiffré) ;
– du 6°, sur l’atteinte des objectifs de réduction de la pollution prévus par le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques ;
– du 9°, qui vise à multiplier par cinq la quantité de chaleur et de froid renouvelables et de récupération livrée par les réseaux à horizon 2030 (le point de départ n’étant pas défini, mais la disposition a été votée dans la loi TECV de 2015).
II. Le dispositif proposé
A. les dispositions initiales de la proposition de loi
L’article 5 révise plusieurs objectifs de politique énergétique de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, de manière complémentaire avec les révisions ou ajouts d’objectifs effectués aux articles 3, 4, 8, 9, 10 et 11 de la proposition de loi.
1. Les objectifs relatifs à la part d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie
L’article 5 modifie tout d’abord le 4° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, qui porte pour l’essentiel sur la part d’énergies renouvelables à atteindre dans la consommation finale d’énergie.
Il substitue aux objectifs de part d’EnR dans la consommation finale brute d’énergie de 23 % en 2020 et de 33 % en 2030 un objectif global de production d’énergies décarbonées de 58 % au moins l’horizon 2030 (1° a) de l’article 5).
Le choix de raisonner en termes d’énergies décarbonées, qui incluent à la fois les EnR et l’énergie nucléaire, plutôt qu’en part d’EnR, est un choix marqué de la France vis-à-vis de l’Union européenne, rappelé dans le Pniec. Ce dernier souligne ainsi que « la priorité est de tenir les objectifs de sortie des énergies fossiles, à travers une réduction importante des consommations d’énergie et le développement de tous les vecteurs énergétiques décarbonés ». Ce plan rappelle également que le mix électrique de la France est déjà décarboné à plus de 90 %. Le projet de PPE 3 s’inscrit dans la même logique.
La part de 58 % d’énergies décarbonées dans la consommation finale brute d’énergie correspond à celle indiquée dans le Pniec.
La directive européenne dite « RED III » ([48]) fixe cependant un objectif spécifique à la part d’EnR dans la consommation finale brute d’énergie. L’objectif global fixé pour les pays de l’UE est de 42,5 % en 2030, en s’efforçant toutefois collectivement de porter cette part à 45 %.
2. La chaleur et le froid
L’article 5 rehausse la part d’EnR à atteindre dans la consommation finale de chaleur de 38 % à 45 %, en précisant que cette part porte à la fois sur la consommation finale de chaleur et de froid (1° a) de l’article). Les rapporteurs du Sénat s’appuient ainsi sur les chiffres du Pniec et de l’avant-projet de loi relatif à la souveraineté énergétique. Ces deux documents mentionnent en effet un objectif de 45 % de chaleur et de froid renouvelables en 2030 et de 55 % en 2035.
Quant au projet de PPE 3, il mentionne l’objectif de production de 276 TWh de chaleur renouvelable et de récupération, ainsi que de 2 TWh de froid renouvelable et de récupération livré par les réseaux.
L’article 5 propose également un objectif de production en volume d’au moins 297 TWh pour la chaleur et le froid renouvelables (b) du 1° de l’article).
3. Le gaz renouvelable
La part d’EnR dans la consommation finale de gaz est augmentée de 10 % à 20 % à l’horizon 2030. Ces chiffres sont proposés d’après ceux mentionnés dans le Pniec qui, dans sa version de juin 2024, propose un objectif d’injection de 15 % de gaz renouvelables en 2030 dans le réseau, soit 44 TWh par an. L’objectif de production annuelle de biogaz serait de 50 TWh.
Le projet de PPE 3 fixe également un objectif de production en volume de 50 TWh pouvoir calorifique supérieur (PCS), dont 44 TWh injectés dans les réseaux de gaz naturel, « ce qui pourrait représenter environ 15 % de la consommation de gaz de réseau ».
La proposition de loi mentionne également un objectif de 60 TWh de production de biogaz.
4. La production d’électricité à partir de sources renouvelables
L’objectif d’une production d’électricité issue à 40 % de sources renouvelables en 2030 est laissé inchangé par la version initiale de l’article 5.
5. Les carburants renouvelables
L’objectif d’une consommation finale de carburant composée d’au moins 15 % d’EnR est également laissé inchangé par la version initiale de l’article 5.
Le b) du 1° de l’article fixe cependant un objectif de production de biocarburants de 50 TWh à l’horizon 2030. Le Pniec estime la production nationale de biocarburants à 50 TWh environ en métropole, en 2030 et 2035. Le besoin en 2030 de biocarburants et de bioliquides est estimé à 48 TWh en métropole, selon la même source.
Le projet de PPE 3 fixe un objectif d’utilisation de biocarburants pour le transport à 55 TWh pour 2030 et entre 70 et 90 TWh, transport et hors transport, pour 2035. Pour le premier objectif, cela représente une augmentation de 45 % par rapport à 2023.
6. L’hydroélectricité
Le 2° de l’article 5 modifie les objectifs relatifs à l’hydroélectricité, en ajoutant un objectif chiffré au 4° bis de l’article L. 100-4 du code de l’énergie : atteindre 29 GW de capacités installées à l’horizon 2035, dont au moins 1,7 GW de stations de transfert d’énergie par pompage (STEP).
Les rapporteurs du Sénat s’appuient sur les chiffres du Pniec et de la Sfec disponibles au moment de l’examen de la proposition de loi. La dernière version du Pniec fait mention de 28,5 GW installés et de 1,7 GW de STEP supplémentaires d’ici 2035. Le projet de Sfec évoquait les mêmes objectifs.
Le projet de PPE3 évoque 28,7 GW de puissance installée totale en 2035, STEP comprises (avec un objectif intermédiaire de 26,3 GW en 2030), ce qui représente une production de 54 TWh. Cela représenterait donc une hausse totale de la puissance installée d’un peu moins de 3 GW par rapport à 2023.
RTE évoquait, dans son étude Futurs énergétiques, une augmentation de 4 GW des capacités hydroélectriques d’ici 2050, dont 3 GW de STEP et 1 GW d’autres ouvrages.
7. L’éolien en mer
Enfin, concernant les objectifs relatifs à l’éolien en mer, au 4° ter de l’article L. 100‑4 du code de l’énergie (3° de l’article 5), la mention de l’échéance de 2024 pour porter le rythme d’attribution des appels d’offres à 1 GW par an est supprimée. Cet objectif d’attribution d’1 GW par an est ainsi maintenu, sans limite de durée.
Il est ajouté une phrase précisant que les installations flottantes doivent être privilégiées par rapport à l’éolien posé, et que l’ensemble (posé et flottant) doit respecter les exigences de sécurité des installations électriques, de conciliation avec les activités économiques ou récréatives, de qualités des paysages et de préservation de la biodiversité.
B. les modifications apportÉes par le sÉnat
1. En commission
Cet article a d’abord été modifié au Sénat par l’adoption de trois amendements en commission des affaires économiques.
Le premier, présenté par les rapporteurs, visait à distinguer entre les objectifs de production de chaleur renouvelable, d’une part, et de froid renouvelable, d’autre part, en les fixant respectivement à au moins 297 TWh et 2 TWh.
L’adoption de cet amendement a également conduit à ajouter une précision sur les capacités des STEP, afin de les exprimer en puissance cumulée installée totale et non en puissance installée à construire.
Enfin, cette modification a conduit à ajouter un objectif de développement d’1 GW de capacité d’hydroliennes d’ici 2030 et de 5 GW d’ici 2050. Le projet de PPE3 indique qu’un appel d’offres de 250 MW sera lancé au Raz Blanchard (Manche) et devrait être attribué d’ici 2030. Il est également précisé que des appels d’offres complémentaires pourraient être lancés « selon les résultats du premier appel d’offres et l’évolution des coûts de la technologie ».
Un deuxième amendement, présenté par le rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, M. Didier Mandelli (LR), et adopté avec un avis favorable du rapporteur, a ajouté un objectif relatif à la production photovoltaïque, visant à atteindre une capacité installée d’au moins 50 GW horizon 2030, en s’appuyant sur les chiffres de la Sfec de l’époque. Celle-ci visait à atteindre un objectif de 54 à 60 GW installés d’ici à 2030 et 75 à 100 GW à l’horizon 2035, pour des productions respectives de 75 TWh et 93 TWh.
Le projet de PPE 3 vise à atteindre un objectif de 54 GW de capacités installées à l’horizon 2030, soit environ 66 TWh de production, et 65 à 90 GW en 2035 (soit de 92 à 110 TWh de production). Les ambitions pour 2035 ont été revues à la baisse en raison des retours sur la consultation organisée autour de la Sfec. Ainsi, il est indiqué que certaines parties prenantes jugeaient l’objectif trop ambitieux compte tenu du retard pris dans l’électrification des usages. Le Gouvernement souligne également que le bilan prévisionnel 2035 de RTE « propose une trajectoire haute à 90 GW en 2035 (rythme porté à 7 GW/an) et une trajectoire basse à 65 GW (rythme maintenu à 4 GW/an) ». À la suite de la consultation, une ventilation des capacités entre les différents types d’installations a également été proposée ([49]).
Enfin, les sénateurs ont adopté en commission un autre amendement du même auteur, qui avait fait l’objet d’un avis favorable du rapporteur, conduisant à ajouter un alinéa visant à privilégier, pour les installations éoliennes terrestres, le renouvellement d’installations existantes (aussi appelé repowering) plutôt que l’implantation de nouveaux équipements.
Le projet de PPE 3 prévoit le maintien du rythme d’augmentation de la capacité installée à environ +1,5 GW par an, « en veillant à une répartition plus équilibrée sur le territoire et en investissant dans le repowering ». L’objectif est d’atteindre 33 GW installés à l’horizon 2030, soit une production de 72 TWh, puis 40 à 45 GW en 2035 (soit une production de 91 à 103 TWh).
2. En séance publique
a. L’ajout d’un objectif global de production en volume d’électricité décarbonée
Les sénateurs ont adopté, lors de l’examen de cet article en séance, des amendements identiques de M. Bernard Buis (RDPI) et du Gouvernement, ayant reçu un avis de sagesse de la commission, qui suppriment l’objectif de l’article L. 100-4 du code de l’énergie visant à ce que les énergies renouvelables représentent 40 % de la production d’électricité. Cette suppression est cohérente avec le souhait de raisonner selon une logique de décarbonation globale du mix électrique, plutôt que de chercher uniquement à atteindre une certaine part d’EnR dans ce mix.
Ces amendements fixent également un objectif global de volume de production d’électricité décarbonée d’au moins 560 TWh en 2030, dont :
– au moins 200 TWh d’énergies renouvelables. Le projet de PPE 3 prévoit une production de 66 TWh d’énergie photovoltaïque, de 72 TWh d’énergie provenant d’éoliennes terrestres, de 14 TWh d’énergie provenant d’éoliennes en mer et de 54 TWh d’hydroélectricité, soit un total de 206 TWh ;
– au moins 360 TWh de nucléaire au périmètre de la métropole continentale. Cela correspond au chiffre du projet de PPE 3 (avec un objectif complémentaire de 400 TWh en « ambition managériale » d’EDF) et à 57 réacteurs en service.
b. La modification des différents objectifs relatifs à la production de chaleur, de biocarburants et de biogaz
Les sénateurs ont également adopté en séance des amendements identiques de M. Bernard Buis et du Gouvernement, ayant reçu un avis favorable de la commission, qui fixaient à 15 % la part de biogaz à atteindre dans le gaz injecté dans les réseaux en 2030, plutôt que 20 % de biogaz dans la consommation finale de gaz. Le projet de PPE 3 vise un objectif de production de 50 TWh, dont 44 TWh injectés dans les réseaux de gaz naturel, « ce qui pourrait représenter environ 15 % de la consommation de gaz de réseau ». L’exposé sommaire des amendements évoquait un objectif « ambitieux et réaliste ».
L’adoption par le Sénat de ces amendements a par ailleurs conduit à supprimer la mention du froid renouvelable dans la rédaction de l’article 5.
Ces modifications sénatoriales ont également eu pour effet de recalibrer les différents objectifs en volume de chaleur, de biocarburants et de biogaz à l’horizon 2030 :
– la production de chaleur renouvelable et de récupération devra atteindre au moins 297 TWh (le texte issu de la commission mentionnait un objectif 297 TWh pour la chaleur et le froid renouvelables). Le projet de PPE 3 prévoit 276 TWh de chaleur renouvelable et de récupération ;
– la production de biocarburants devra atteindre environ 48 TWh, contre au moins 50 TWh dans le texte de la commission. Le projet de PPE 3 mentionne un objectif de 55 TWh dans le transport ;
– la production de biogaz devra atteindre 50 TWh, dont au moins 44 TWh injectés dans les réseaux, contre 60 TWh dans le texte de la commission. Ces nouveaux objectifs correspondent à ceux inscrits dans le projet de PPE 3.
c. La suppression de la priorité donnée à l’éolien flottant pour les installations éoliennes en mer
Le Sénat a également adopté un amendement du Gouvernement, ayant fait l’objet d’un avis de sagesse de la commission, portant sur les objectifs relatifs à l’éolien en mer.
Cet amendement a conduit à supprimer la priorité accordée aux installations d’éoliennes flottantes plutôt que posées. Le Gouvernement a rappelé que l’éolien posé est à ce jour la technologie la plus mature, alors que les premiers parcs commerciaux d’éoliennes flottantes commencent tout juste à être développés.
Cette modification a également permis d’aboutir à une rédaction plus concise des différentes exigences et conciliations auxquelles veiller pour l’implantation de telles installations de production.
d. La suppression des objectifs chiffrés relatifs au déploiement des hydroliennes
L’adoption par les sénateurs d’un autre amendement du Gouvernement, ayant fait l’objet d’un avis de sagesse des rapporteurs, a conduit à supprimer les objectifs chiffrés sur les hydroliennes et à proposer une rédaction plus prudente concernant cette technologie, mentionnant l’exploration du potentiel de production électrique associé.
e. La suppression de la priorité donnée au renouvellement des installations existantes pour l’éolien terrestre
Le Sénat a également adopté un amendement du Gouvernement, faisant l’objet d’un avis de sagesse de la commission, qui supprime la priorité accordée au renouvellement des installations existantes plutôt qu’à l’implantation de nouvelles installations pour l’éolien terrestre. Les deux types d’installations (nouvelles et renouvelées) sont ainsi mises sur le même plan dans la nouvelle rédaction. Le Gouvernement a souligné que, même dans le cas où l’on renouvellerait tous les parcs actuellement en service et où l’on augmentait leur capacité de 50 %, « la puissance installée resterait en deçà des objectifs de la PPE actuelle pour 2028 ».
f. L’ajout d’un objectif relatif à la préservation de la ressource en eau
Enfin, le Sénat a adopté en séance un amendement de M. Gilbert-Luc Devinaz (SER), ayant reçu un avis favorable de la commission et un avis de sagesse du Gouvernement, qui a conduit à ajouter à l’article L. 100-4 du code de l’énergie un objectif de préservation de la ressource en eau, sans préjudice du fonctionnement des installations de production d’électricité.
L’auteur de l’amendement a fait valoir au Sénat que de nombreux moyens de production électriques (nucléaire, hydroélectricité, production de biomasse, etc.) engendrent des conséquences notables sur cette ressource.
III. la position de la commission
La commission a adopté l’amendement CE555 du rapporteur visant à donner une nouvelle rédaction aux alinéas 2 à 8 de l’article 5 de la proposition de loi. Cette modification conduit ainsi à réécrire le 4° de l’article L. 100‑4 du code de l’énergie :
– en maintenant l’objectif, voté par le Sénat, de consommer au moins 58 % d’énergie décarbonée dans la consommation finale brute d’énergie en 2030, ainsi que la suppression des proportions d’EnR à atteindre dans les consommations finales de chaleur, de carburant et de gaz ;
– en maintenant les objectifs de consommation finale brute en puissance à l’horizon 2030 adoptés par le Sénat pour l’électricité décarbonée en métropole (560 TWh), la chaleur renouvelable et de récupération (297 TWh) ainsi que le biogaz injecté dans les réseaux (44 TWh) ;
– en supprimant en outre la dernière phrase du 4°, qui précise que la consommation de gaz inclut celle de gaz bas carbone.
La commission a ensuite adopté une série d’amendements qui fixent ou précisent des objectifs de consommation finale brute d’énergies issues de différentes sources renouvelables. Le rapporteur aurait cependant préféré supprimer tout objectif chiffré propre à chaque filière, estimant qu’il revient à la PPE de définir ces objectifs avec précision. Sauf mention contraire, tous les amendements mentionnés ci-après ont ainsi reçu un avis défavorable de sa part.
Les amendements identiques CE25 de M. Didier Le Gac (EPR), CE128 de M. Jean-Luc Fugit (EPR) et CE512 de Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC) modifient la rédaction du 4° ter de l’article L. 100‑4 du code de l’énergie afin de poursuivre le développement des projets éoliens en mer dans l’objectif d’atteindre une capacité de puissance installée de 18 GW d’ici 2035. Afin d’atteindre un tel objectif, il est précisé qu’il est possible de procéder à une procédure de mise en concurrence permettant de dépasser les objectifs fixés par la PPE en vigueur. Cette dérogation a spécifiquement pour objet de permettre le lancement de l’AO10 (voir supra).
Les amendements identiques CE92 de M. Charles Fournier (EcoS) et CE108 de M. Jean-Luc Fugit (EPR) fixent comme objectif de poursuivre le déploiement des éoliennes en mer en « recourant aux solutions technologiques les plus appropriées » et en s’adaptant aux caractéristiques des zones prioritaires définies pour l’implantation de telles installations.
Les amendements identiques CE27 de M. Didier Le Gac (EPR), CE130 de M. Jean-Luc Fugit (EPR) et CE516 de Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC) rétablissement un objectif chiffré pour le développement des hydroliennes, avec l’ambition d’atteindre une capacité de puissance installée de 250 MGW d’ici 2035 et 5 GW d’ici 2050.
L’amendement CE95 de M. Sébastien Humbert (RN) supprime l’objectif d’atteindre au moins 50 GW de capacités installées en photovoltaïque à l’horizon 2030 et précise à la place que l’objectif de développement de l’énergie photovoltaïque doit se faire « en préservant le foncier agricole disponible ». En outre, l’amendement CE229 de Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC) vise à soutenir en priorité « les projets en toiture des bâtiments, sur ombrières, sur les délaissés et carrières et sur les surfaces déjà artificialisées ».
S’agissant de l’exploitation de l’énergie éolienne terrestre, l’amendement CE41 de M. Joël Bruneau (LIOT), adopté avec avis de sagesse du rapporteur, précise qu’il est nécessaire de veiller à la planification et à la répartition territoriale des installations.
La commission a également adopté l’amendement CE66 de Mme Louise Morel (Dem), créant un nouvel objectif relatif à la production et la consommation de chaleur à partir de biomasse solide, tout en veillant à maintenir la durabilité de l’exploitation de la forêt française. Le projet de PPE3 souligne la contribution de la biomasse solide à la décarbonation. Il relève également qu’elle doit être exploitée de manière durable et que son usage « doit donc être optimisé via l’utilisation d’appareils à haut rendement, et la recherche de solutions alternatives lorsqu’elles sont pertinentes ». Un groupement d’intérêt scientifique (GIS) devrait offrir un appui technique à l’État précisément pour améliorer les connaissances en matière d’offre et de demande de la biomasse et aider à hiérarchiser les usages de celle‑ci.
Un nouvel objectif visant à explorer le potentiel des énergies marines et fluviales a été créé par l’adoption de l’amendement CE119 de M. Jean-Luc Fugit (EPR). Le projet de PPE3 n’évoque pas spécifiquement les énergies marines et fluviales hormis les éoliennes en mer et les hydroliennes, indiquant simplement comme objectif de « continuer à suivre le potentiel, le coût et la faisabilité des autres énergies renouvelables marines (dont l’énergie osmotique et l’énergie houlomotrice ».
Enfin, la commission a adopté l’amendement CE461 de M. Joël Bruneau (LIOT), avec avis favorable du rapporteur, soulignant la nécessité de développer des capacités de récupération de chaleur en géothermie profonde, notamment dans les collectivités d’outre-mer. Le projet de PPE3 fixe un objectif de production de 6 TWh en 2030, puis entre 8 et 10 TWh en 2035. Le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a par ailleurs rendu un rapport, en février 2025, sur le potentiel de la géothermie des territoires ultramarins français, évoquant « des perspectives de développement non négligeables » ([50]).
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Article 6
(article L. 641-6 du code de l’énergie)
Définition d’un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports
Adopté par la commission avec modifications
Cet article modifie les objectifs énergétiques définis à l’article L. 641‑6 du code de l’énergie relatifs au secteur des transports en transposant les objectifs fixés par la directive européenne dite « RED III ».
I. L’État du droit
Le premier alinéa de l’article L. 641-6 du code de l’énergie fixe des objectifs énergétiques dans le domaine des transports issus de la transposition, en 2021, de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil relative à la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, dite « RED II ». Les objectifs de cette directive s’inscrivent dans le cadre du pacte vert pour l’Europe qui vise la neutralité climatique en 2050.
La directive RED II impose notamment aux États membres d’atteindre au moins 14 % de part d’énergies renouvelables dans les transports d’ici 2030, avec un sous-objectif de 3,5 % pour les biocarburants avancés. Ces objectifs étaient essentiellement quantitatifs, et ne prenaient pas pleinement en compte l’effet différencié de chaque source d’énergie sur les émissions de gaz à effet de serre (GES).
Le premier alinéa de l’article L. 641‑1 précité fixe ainsi l’objectif d’utiliser 10 % d’énergies renouvelables dans la consommation de tous les modes de transport à l’horizon 2020, et 15 % à l’horizon 2030.
Le seuil fixé pour 2020 a été atteint principalement grâce à l’incorporation de biocarburants dans les carburants fossiles.
II. Le dispositif proposÉ
A. LA PROPOSITION DE LOI INITIALE
1. L’apparente cohérence du choix de favoriser l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre
La directive RED III ([51]) de 2023 rehausse l’ambition climatique européenne et introduit une approche plus flexible et plus fine pour le secteur des transports.
En particulier, l’article 25 de la directive modifiée impose aux États membres que la quantité d’électricité et de carburants, issue de sources renouvelables et fournie au secteur des transports, permette l’atteinte d’un des deux objectifs d’ici 2030 suivants :
– une réduction d’au moins 14,5 % de l’intensité des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur des transports ;
– une part minimale de 29 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie des transports.
Ces deux objectifs répondent à des logiques distinctes.
L’approche proposant une réduction d’intensité des émissions de GES est davantage qualitative, axée sur les émissions réelles évitées et plus exigeante sur la performance environnementale des carburants. L’approche visant à augmenter la part d’énergies renouvelables est quantitative, plus simple à mesurer.
Dans le contexte français, il apparaît plus réaliste d’opter pour l’objectif de réduction des émissions de GES d’ici 2030, celui-ci étant le seul retenu dans le cadre de cette proposition de loi et dans le projet de stratégie française sur l’énergie et le climat (Sfec). En revanche, le projet de plan national intégré en matière d’énergie et de climat (Pniec), présenté à la Commission européenne le 11 novembre 2023, comportait les deux objectifs.
L’importance du nucléaire dans le mix énergétique français plaide en effet pour développer une stratégie d’électrification des transports, alimentés en partie grâce à de l’électricité d’origine nucléaire. L’objectif d’utiliser 29 % d’énergies renouvelables dans la consommation des différents modes de transport limiterait la possibilité d’électrifier le réseau à partir d’énergie nucléaire et nécessiterait une augmentation importante du taux d’incorporation moyen de biocarburants.
N’étant plus conforme au droit de l’UE, l’objectif d’utiliser 15 % d’énergies renouvelables dans la consommation des transports, figurant aujourd’hui à l’article L. 641‑6 du code de l’énergie, serait supprimé.
L’option de réduction de 14,5 % de l’intensité des émissions de GES présente, enfin, un intérêt stratégique majeur à moyen et long terme : elle incite la France à développer des carburants de nouvelle génération (hydrogène renouvelable, électro-carburant – synthétisés à partir d’électricité décarbonée) et permet une meilleure efficacité climatique réelle.
2. Le choix des pays européens voisins
Les travaux de votre rapporteur n’ont pas permis d’établir à ce stade un bilan exhaustif des stratégies mises en œuvre par les différents pays.
D’après la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) ([52]), la majorité des États membres ont choisi l’objectif en réduction d’intensité des émissions des GES. Il semblerait toutefois que des pays comme les Pays-Bas ou la Belgique, qui disposent d’une forte part d’énergies renouvelables dans leur mix énergétique et électrique, pourraient choisir l’option relative à la hausse de la part d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique des transports.
3. La conversion de cet objectif de consommation en valeur absolue
Même si la France compte essentiellement sur sa production d’électricité d’origine nucléaire pour électrifier le secteur des transports, l’atteinte de l’objectif fixé par cette proposition de loi ne peut faire l’économie du développement de la production et de l’utilisation de biocarburants.
Le projet de PPE 3 prévoit ainsi une augmentation de la consommation de biocarburants dans les transports de 38 TWh en 2023 à 55 TWh en 2030. Cette augmentation a été calculée pour répondre au critère retenu dans le cadre de l’article 6 de cette proposition de loi.
Il apparaît cependant que cette augmentation est relativement ambitieuse. D’après la DGEC, l’objectif resterait atteignable, car des augmentations plus rapides auraient été observées par le passé. Cette augmentation devra cependant reposer en partie, du moins de manière transitoire, sur une augmentation des importations de biocarburants ou de matières premières nécessaires à leur fabrication.
B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT
Lors de son examen au Sénat, l’article 6 a été adopté sans modification, en commission comme en séance.
III. la position de la commission
La commission a adopté l’amendement CE139 de Jérôme Nury qui étend le périmètre des énergies à prendre en compte pour l’atteinte de l’objectif à l’ensemble des énergies « bas-carbone », au lieu des seules énergies « renouvelables ». Ainsi, l’article fixe l’objectif que l’électricité et le carburant d’origine bas-carbone, utilisés dans le secteur des transports, conduisent à une réduction de l’intensité des émissions de gaz à effet de serre de 30 % d’ici 2030.
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Article 7
(articles L. 641-6 et L. 661-1-1 du code de l’énergie)
Intégration d’objectifs relatifs aux carburants renouvelables d’origine non biologique
Adopté par la commission sans modification
L’article 7 vise à intégrer les carburants renouvelables d’origine non biologique aux côtés des biocarburants conventionnels et à mettre à jour les objectifs d’utilisation de ces carburants dans le secteur des transports.
I. L’État du droit
À la suite de son premier alinéa (voir commentaire de l’article 6), l’article L. 641‑6 du code de l’énergie définit, dans son deuxième alinéa, une série d’objectifs relatifs à l’utilisation de biocarburants et de biogaz avancés produits à partir d’énergies renouvelables dans le secteur des transports. Ces objectifs sont issus de la transposition de différentes directives européennes relatives aux énergies renouvelables et au secteur des transports.
Pour mémoire, les biocarburants sont des carburants de substitution obtenus à partir de biomasse (matière première d’origine végétale, animale ou issue de déchets). Ils sont destinés à être utilisés dans les transports, principalement sous forme d’additifs ou de compléments aux carburants fossiles. Il s’agit principalement d’éthanol. De même, le biogaz, parfois appelé gaz vert ou biométhane, se définit par opposition au gaz naturel, issu de l’exploitation des hydrocarbures. Il s’obtient principalement par méthanisation, à savoir un procédé naturel de dégradation de la matière.
Il est ainsi prévu que la part réservée aux énergies renouvelables dans la consommation totale des transports comporte une part minimale de biocarburants ou de biogaz avancés. Cette part minimale est fixée dans la loi à 0,2 % en 2022, 1 % en 2025 et 3,5 % en 2030.
En parallèle, l’article L. 661-1-1 du code de l’énergie dispose que la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) « fixe un objectif d’incorporation de biocarburants avancés dans la consommation finale d’énergie du secteur des transports ». La loi précise en outre que la PPE prévoit les mesures permettant d’atteindre l’objectif qu’elle fixe, et dresse la liste des biocarburants conventionnels et des biocarburants avancés, « ces derniers étant constitués des biocarburants qui doivent être produits à partir de matières premières qui ne compromettent pas la vocation alimentaire d’une terre et ne comportent pas ou peu de risques de changements indirects dans l’affectation des sols ».
En France, les biocarburants consommés restent aujourd’hui principalement issus de cultures pouvant être en concurrence avec l’alimentation. S’agissant par exemple du biodiesel, la part de biocarburants conventionnels représente 83 % (en majorité du colza) de la consommation finale, contre 17 % pour la part de biodiesel avancé (issu de graisses animales ou d’huiles usagées) ([53]). S’agissant des bioessences, la part du biocarburant conventionnelle est de 75 % (provenant pour moitié du maïs), contre 25 % pour la part de biodiesel avancé.
II. Le dispositif proposÉ
A. la proposition de loi initiale
1. L’incorporation des carburants renouvelables d’origine non biologique
De même que l’article 6, l’article 7 vise à mettre à jour les dispositions législatives en vigueur au regard des dernières évolutions de la réglementation européenne. Son principal apport est d’incorporer les carburants renouvelables d’origine non biologique aux biocarburants conventionnels et avancés dans la définition des objectifs de consommation du secteur des transports.
Leur mention est ainsi ajoutée, au côté des biocarburants et biogaz, à la fois au deuxième alinéa de l’article L. 641‑6 et à l’article L. 661‑1‑1 du code de l’énergie, dans la définition des objectifs d’utilisation d’énergies renouvelables au sein de la consommation du secteur des transports.
Pour mémoire, ces carburants sont définis par la directive RED III comme suit : « carburants et combustibles liquides et gazeux dont le contenu énergétique provient de sources renouvelables autres que la biomasse ». Il s’agit donc aujourd’hui quasi exclusivement de carburants et combustibles synthétisés à partir de l’hydrogène électrolytique (voir commentaire de l’article 4). Des projets de recherche existent pour tâcher de développer d’autres technologies (voir ci-après).
2. La conformité des nouveaux objectifs fixés au droit européen
Dans un premier temps, afin de tirer les conséquences du renforcement des objectifs fixés au niveau européen et relatifs à l’emploi des énergies renouvelables dans le secteur des transports (voir commentaire de l’article 6), l’objectif fixé au deuxième alinéa de l’article L. 641‑6 du code de l’énergie, pour 2030, passe de 3 % à 5 %.
Ensuite, est ajoutée l’obligation de recourir à au moins 1 % de carburants renouvelables d’origine non biologique.
La modification et l’ajout de ces objectifs permettent leur mise en conformité avec ceux fixés par la directive RED modifiée. Les deux objectifs transposés à l’article 6 de la proposition de loi sont en effet accompagnés d’un autre objectif contraignant, à savoir le recours à 5,5 % d’énergies renouvelables avancées, dont au moins 1 % de carburants renouvelables d’origine non biologique, tels que l’hydrogène ou les carburants de synthèse, d’ici 2030.
La distinction des carburants renouvelables selon leur origine, biologique ou non, est par ailleurs cohérente avec les attentes de la directive (UE) 2023/1804, dite « Afir », sur le déploiement des infrastructures pour carburants alternatifs. Cette directement fixe par exemple des objectifs relatifs à l’implantation de stations d’avitaillement en gaz naturel véhicule renouvelables (BioGNV) pour les axes routiers ou maritimes.
3. Les facteurs de réussite pour l’atteinte de ces objectifs
D’après l’Ademe ([54]), les unités de production de biocarburants existants ou en projet pourraient répondre à l’objectif de biocarburants avancés à horizon 2030. En termes d’unités de production de biocarburants avancés, il existe aujourd’hui deux raffineries Total qui ont été converties en bioraffineries : l’une située à La Mède, qui produit 500 kilotonnes de biodiesel avancé par an ; l’autre située à Grandpuits et qui prévoit de produire 210 kilotonnes de biokérosène avancé à partir de 2025 (puis 285 kilotonnes par an à partir de 2027). Il existe en outre une usine de production à partir de biomasse ligneuse qui est au stade des études d’ingénierie (projet Biotjet) et qui devrait produire, à partir de 2030, du biokerosène avancé pour répondre aux attentes en matière de production de carburant d’aviation durable (production d’environ 80 kilotonnes par an).
S’agissant des carburants renouvelables d’origine non biologique, le plan France 2030 a financé 3 études d’ingénierie pour de futures usines de production d’électro-kérosène, de façon à atteindre une capacité de production de 200 kilotonnes par an à l’horizon 2030. D’autres projets en attente de développement continuent par ailleurs d’être suivis et accompagnés par l’Ademe.
B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT
Lors de son examen au Sénat, l’article 7 a été adopté sans modification, en commission comme en séance.
III. La position de la commission
La commission a adopté cet article sans modification.
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Article 8
(articles L. 100-4 et L. 311-5-3 du code de l’énergie et ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020)
Renforcement des objectifs de réduction de la consommation d’énergie et interdiction de la production d’électricité à partir de charbon
Adopté par la commission sans modification
Cet article vise à conforter l’objectif général de sortie des énergies fossiles :
- il ajuste et renforce les objectifs fixés à l’article L. 100‑4 du code de l’énergie relatifs à la consommation finale d’énergie et à la consommation d’énergies fossiles ;
- il met en place un cadre pour interdire la production d’électricité à partir de centrales à charbon à partir du 1er janvier 2027.
Dans l’objectif de réduire la dépendance aux énergies fossiles, cet article vise à réduire leur consommation (A) et à interdire la production d’énergies issues de centrales à charbon (B).
Comme vu à travers le commentaire des articles 4 et 5, l’article L. 100-4 du code de l’énergie fixe les objectifs chiffrés de la politique énergétique, issus en grande partie d’engagements européens et internationaux, notamment la Convention cadre des Nations-Unies pour le changement climatique et l’Accord de Paris. À ce titre, il relève de la catégorie des lois de programmation de l’article 34 de la Constitution.
En matière d’objectifs de réduction de la consommation énergétique, le 2° de l’article L. 100‑4 du code de l’énergie distingue la consommation énergétique totale de la consommation d’énergies fossiles, visée au 3° du même article.
La réduction de la consommation finale de l’énergie apparaît indispensable pour atteindre les objectifs climatiques, car elle permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de sécuriser notre capacité à répondre aux besoins d’énergie décarbonée. Elle permet également d’améliorer notre indépendance énergétique.
Pour ces raisons, le 2° de l’article L. 100‑4, issu de sa modification par la loi Énergie-Climat du 8 novembre 2019, prévoit de réduire de 50 % la consommation finale d’énergie à l’horizon 2050 et fixe comme étapes intermédiaires une réduction de celle-ci d’environ 7 % en 2023 et de 20 % en 2020.
Depuis la loi Énergie-Climat de 2019, le 3° de l’article L. 100‑4 du code de l’énergie fixe l’objectif de « réduire la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à (…) 2012, en modulant cet objectif par énergie fossile en fonction du facteur d’émissions de gaz à effet de serre de chacun ».
Il convient de noter que le Conseil d’État a conféré à cet objectif une portée normative (CE, 19 nov. 2020 et 1er juillet 2021, Commune de Grande-Synthe). Dès lors, le Gouvernement est tenu d’adopter des décisions de nature à réaliser ces objectifs. Un manquement peut ainsi engager la responsabilité de l’État et justifier une injonction sous astreinte. Dans ses décisions Commune de Grande-Synthe, le Conseil d’État a ainsi enjoint au Gouvernement de prendre des mesures supplémentaires pour assurer le respect du rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Pour autant, ce caractère contraignant n’interdit pas, en soi, l’autorisation ponctuelle de projets émetteurs de gaz à effet de serre lorsqu’ils répondent à des impératifs majeurs tels que la sécurité d’approvisionnement (CE, 5 février 2024, France Nature Environnement).
S’agissant de la trajectoire suivie par la consommation d’énergies fossiles ces dernières décennies, il apparaît que le mix énergétique s’est transformé légèrement : les énergies renouvelables progressent au détriment des énergies fossiles, à un rythme toutefois peu soutenu au regard de l’ensemble du mix énergétique. La consommation de gaz naturel est relativement stable (voir figure ci-après).
Consommation primaire par source d’énergie
Source : PPE 3
La consommation énergétique primaire d’énergies fossiles (hors usages non-énergétiques et consommation de charbon pour la filière fonte) a ainsi diminué entre 2012 et 2023 de 23 % (de 1 232 TWh à 944 TWh – sur le périmètre de la métropole).
La fermeture des centrales à charbon, prévue par la loi Énergie-climat de 2019, est nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques fixés par la France et l’Union européenne.
Or, la sortie du charbon n’a pas été aussi aisée que prévu. La fermeture des quatre dernières centrales à charbon, initialement prévue pour le début de l’année 2022, a dû être reportée en raison des menaces pesant sur la sécurité d’approvisionnement du pays, liées à la guerre russe en Ukraine et à l’indisponibilité importante du parc nucléaire cette année-là.
Afin d’accompagner les territoires concernés et de garantir une certaine justice sociale, le Parlement a récemment adopté la loi n° 2025-336 du 14 avril 2025 visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement.
Cette loi a pour objet de sécuriser le projet de conversion de la centrale à charbon Émile Huchet, située à Saint-Avold, vers un fonctionnement au gaz naturel et au biogaz, dont les émissions seront moindres par rapport à celles résultant de l’utilisation du charbon. Elle ne permet cependant pas de garantir la fin définitive de l’exploitation de ces centrales à charbon.
La directive européenne sur l’efficacité énergétique (DEE) ([55]), révisée le 20 septembre 2023 dans le cadre du paquet « Fit for 55 », fixe un nouvel objectif de réduction de la consommation d’énergie d’ici 2030. La France devra ainsi limiter sa consommation d’énergie finale à 1 243 TWh à cette échéance, selon le périmètre défini par la directive DEE, ce qui représente une baisse d’environ 29 % par rapport à 2012.
En conséquence, l’article 8 de la proposition de loi prévoit de passer de 20 % à 30 % l’objectif de réduction de la consommation énergétique finale d’ici 2030 par rapport à 2012.
Entre 2012 et 2023, la consommation finale d’énergie en France a déjà reculé de 14,1 %, soit une réduction moyenne de 22 TWh par an. Pour atteindre l’objectif de 2030, il convient de presque doubler ce rythme sur la période 2024-2030, avec une baisse annuelle de 38 TWh. En effet, la consommation s’élevait encore à 1 509 TWh en 2023, ce qui implique un effort supplémentaire conséquent pour respecter les engagements européens.
Cet objectif, bien que cohérent avec l’objectif de long terme – maintenu – d’atteindre une réduction de 50 % de la consommation d’ici 2050 apparaît donc très ambitieux.
Source : PPE 3
Comme indiqué dans la programmation pluriannuelle de l’énergie soumise à consultation (PPE 3), « des leviers complémentaires devront être identifiés et actionnés pour sécuriser l’atteinte des objectifs de réduction des consommations d’énergie ».
L’article 8 de la proposition de loi propose de remplacer l’objectif de baisser la consommation des énergies fossiles de 40 %, par un objectif de 45 %, d’ici 2030 par rapport à 2012.
Cet objectif apparait cohérent avec les objectifs de porter à 58 % la part de l’énergie décarbonée dans le mix en 2030 (voir commentaire de l’article 5). Il s’articule par ailleurs logiquement avec le scénario de référence des projets de la stratégie nationale bas carbone 3 (SNBC 3) et la programmation pluriannuelle énergétique 3 (PPE 3), qui fixe un cap à suivre pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre de la France de 50 % en 2030 par rapport à 1990 (voir tableau ci-après).
Projections de la consommation primaire d’énergies fossiles (TWh) en métropole
Par ailleurs, selon le scénario provisoire de la stratégie française énergie-climat, la consommation primaire d’énergies fossiles diminue environ de moitié entre 2010 et 2035.
L’atteinte de ces objectifs reste dépendante de la mise en œuvre de nombreuses mesures et orientations dans tous les secteurs d’activité, celles-ci étant présentées en détail dans la SNBC.
La proposition de loi prévoit, à son article 8, l’interdiction d’octroyer une autorisation d’exploitation pour toute installation de production d’électricité à partir de charbon, à compter du 1er janvier 2027, sauf en cas de « menaces graves sur la sécurité d’approvisionnement en électricité ».
Ce même article 8 modifie, en outre, l’ordonnance n° 2020‑921 du 29 juillet 2020 portant diverses mesures d’accompagnement des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon, afin d’inclure dans le champ d’application des dispositions de cette ordonnance les salariés des entreprises qui fermeront du fait de l’application de cet article 8.
Pour tenir compte des plans de conversion en cours de discussion, cet amendement a été modifié en commission et en séance au Sénat (voir ci-après).
B. LES MODIFICATIONS APPORTÉes par le sÉnat
1. Une mineure atténuation des objectifs de réduction de la consommation finale énergétique et de la consommation primaire des énergies fossiles
En séance, le Sénat a adopté l’amendement présenté par le rapporteur Alain Cadec au nom de la commission des affaires économiques, avec avis favorable du Gouvernement, afin d’atténuer la portée des objectifs intermédiaires modifiés à l’article 8. Plutôt que d’indiquer simplement le taux à atteindre en 2030, les 2° et 3° de l’article L. 100‑4 du code de l’énergie prévoient ainsi respectivement une réduction de la consommation « à hauteur de 30 % » et « à hauteur de 45 % » par rapport à 2012.
2. Le renforcement et la précision des conditions limitant la portée de l’interdiction de production des centrales à charbon
En commission, le Sénat a adopté, d’une part, un amendement présenté par notre collègue M. Fabien Gay, qui ajoute une condition liée à la conversion des centrales à charbon vers des combustibles bas-carbone, pour permettre le maintien de l’exploitation de ces centrales après 2027. Le sénateur entendait en particulier permettre de défendre le projet de conversion « Ecocombust » de la centrale du site de Cordemais. EDF a cependant annoncé, depuis lors, avoir renoncé à ce projet.
D’autre part, la commission a adopté un amendement des rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet visant à supprimer le qualificatif « grave » dans l’expression « menaces graves d’approvisionnement électrique ».
Enfin, en séance, le Sénat a adopté un amendement de notre collègue Mme Catherine Belrhiti, contre l’avis du Gouvernement mais avec avis favorable de la commission, qui vise à légèrement modifier la condition ajoutée en commission. Ainsi, seuls les plans de conversions portés par l’exploitant seraient désormais susceptibles de porter dérogation à l’interdiction énoncée par l’article 8.
III. la position de la commission
La commission a adopté cet article sans modification.
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Article 9
(article L. 100-4 du code de l’énergie)
Création d’objectifs spécifiques et chiffrés applicables à la rénovation des bâtiments
Adopté avec modifications
Cet article vise à établir des objectifs spécifiques et chiffrés applicables à la rénovation des bâtiments dans la définition des objectifs généraux de la politique énergétique nationale figurant à l’article L. 100-4 du code de l’énergie.
D’une part, il inscrit dans la loi des cibles tendant à la réalisation annuelle de 900 000 rénovations d’ampleur, dont 200 000 rénovations globale globale.
D’autre part, il fixe un objectif concernant le niveau annuel d’économies d’énergie réalisées chaque année dans une fourchette comprise entre 1 250 et 2 500 térawattheures.
A. DES INSTRUMENTS LÉGISLATIFS RELATIVEMENT CIRCONSCRITS
1. Des dispositions générales ne fournissant pas d’objectifs chiffrés
Le cadre législatif de la programmation pluriannuelle de l’énergie ne comporte pas de manière générale de quantification de l’effort à fournir.
Il en va ainsi en ce qui concerne les dispositions définissant le contenu de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie (LPEC). Le 5° du I de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie prévoit que le texte doit fixer les objectifs portant sur la rénovation énergétique dans le secteur du bâtiment, pour deux périodes successives de cinq ans, avec l’objectif de disposer à l’horizon 2050 d’un parc de bâtiments sobres en énergie et faiblement émetteurs de gaz à effet de serre.
La déclinaison des objectifs de la LPEC se borne également à consacrer des lignes directrices. Le 7° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie consacre ainsi l’objectif « De disposer d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments sont rénovés en fonction des normes " bâtiment basse consommation " ou assimilées, à l’horizon 2050, en menant une politique de rénovation thermique des logements concernant majoritairement les ménages aux revenus modestes ».
L’article L. 100-1 A du code de l’énergie impose également la compatibilité des objectifs de la loi de programmation pluriannuelle avec quatre documents d’orientation essentiels pour la politique de lutte et d’adaptation aux dérèglements climatiques, à savoir :
– la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ;
– la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), le plan national intégré en matière d’énergie et de climat (Pniec) ;
– la stratégie de rénovation à long terme.
2. Des outils de soutien au développement des économies d’énergie dans le secteur du bâtiment
En dehors de la trajectoire et des exigences fixées par la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 ([56]) afin d’améliorer la performance énergétique des bâtiments, les politiques publiques tendant à orienter et stimuler l’effort de rénovation reposent notamment sur deux instruments.
● Institués par la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 ([57]) , les certificats d’économies d’énergie (C2E) peuvent être présentés comme un mécanisme de nature extra-budgétaire destiné à inciter des acteurs (fournisseurs d’énergies, entreprises de travaux) à réaliser des travaux susceptibles d’aboutir à des économies d’énergie. Ce mécanisme repose sur des obligations que les débiteurs peuvent remplir par l’obtention d’un certificat, en contrepartie de la réalisation d’opérations d’économies d’énergie auprès des particuliers ou d’entreprises. Les obligations sont fixées pour une période de cinq ans. Pour la cinquième période d’application des C2E (soit du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2025), leur volume a été porté de 2 500 TWh cumac à 3 100 TWh cumac, par un décret du 27 octobre 2022.
● Créé par la loi de finances initiale pour 2020 ([58]), le dispositif MaPrimeRénov’ (MPR) vise à financer les travaux et les dépenses en faveur de la rénovation énergétique des logements. Remplaçant le crédit d’impôt pour la transition énergétique, il consiste en une prime versée sous certaines conditions tenant notamment à l’objet et à la réalisation des travaux. D’après les derniers chiffres disponibles, 532 875 primes ont été versées en 2022 et 416 776 l’ont été en 2023.
B. des objectifs inscrits dans des documents programmatiques engageant les pouvoirs publics
● Présenté à la Commission européenne en novembre 2023, le projet de plan national intégré en matière d’énergie et de climat (Pniec) fixe un objectif de 400 000 rénovations performantes pour les maisons individuelles et de 200 000 logements collectifs pour le parc privé par an d’ici 2030.
Il ne comporte aucun chiffrage relatif aux C2E, en raison de la publication récente de la directive efficacité énergétique révisée (2023/1791/UE). Les travaux en cours doivent permettre de fixer le montant des obligations correspondantes pour la sixième période (P6), qui correspond aux années 2026 – 2030, ainsi que les actions permettant de poursuivre l’évolution et l’amélioration du dispositif des certificats d’économie d’énergie.
● Le projet de stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec) table sur 200 000 rénovations d’ampleur dès 2024 et 900 000 rénovations d’ampleur par an à l’horizon 2030. S’agissant des C2E, ce projet propose, sur les périodes 2026 à 2030 et 2031 à 2035, une obligation minimale de 1 250 TWhc, maximale de 2 500 TWhc, et en moyenne de 1 600 TWhc par an.
II. Le dispositif proposÉ par le sÉnat : des objectifs spÉcifiques et plus exigeants pour la rÉnovation des bÂtiments parmi les objectifs gÉnÉraux de la politique ÉnergÉtique
L’article 9 de la proposition de loi vise à préciser et renforcer les objectifs de la politique énergétique nationale en matière de rénovation des bâtiments et à fixer une cible en ce qui concerne le niveau des économies d’énergie soutenues par le dispositif des certificats d’économies d’énergies.
A. les dispositions initiales de la proposition de loi
1. L’inscription d’une cible chiffrée pour la réalisation de rénovations d’ampleur et de rénovations globales dans le parc immobilier en 2030
● Le 1° de l’article 9 assigne aux politiques publiques l’objectif de tendre vers 900 000 rénovations d’ampleur réalisées annuellement, dont 200 000 rénovations globales à horizon 2030. À cet effet, il complète le 7° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, qui définit les orientations de la politique énergétique nationale en ce qui concerne l’état du parc immobilier à l’horizon 2050. La mesure revient à quantifier l’effort nécessaire pour que les bâtiments soient rénovés en fonction des normes « bâtiment basse consommation » ou assimilés à cette échéance.
Il fait expressément reposer la réalisation de cet objectif sur la prime de transition énergétique attribuée par l’Anah pour le compte de l’État, dans les conditions fixées par l’article 15 de la loi de finances initiale pour 2020 ([59]).
● En revanche, le dispositif n’apporte pas de précision quant à l’objet ou aux caractéristiques d’une « rénovation d’ampleur ». De fait, il n’existe aucune définition juridique de cette notion. D’après les éléments fournis par l’Ademe, il s’agit d’un terme utilisé par l’Anah dans ses dispositifs d’aide afin de qualifier les rénovations énergétiques qui conduisent à réaliser plusieurs catégories de travaux et permettent le gain d’au minimum deux classes énergétiques.
● Au-delà de la formalisation d’un objectif chiffré, la question se pose de la pertinence de la cible au regard du volume annuel des rénovations.
Ainsi que l’a souligné l’Ademe dans ses réponses à votre rapporteur, les scénarios Transition(s) 2050 portent sur des fourchettes de rythme annuel moyen de rénovation introduites qui sont compris, selon le scénario, entre 500 000 et 700 000 par an en moyenne sur la période 2015-2050. Or, il convient de rappeler que si l’on a pu observer une croissance des rénovations dite d’ampleur de 28 % entre 2023 et 2024, leur nombre se limite à respectivement 72 000 et 92 000.
2. La fixation d’un niveau annuel d’économie d’énergie
Le 2° de l’article 9 de la proposition de loi propose de viser des niveaux annuels d’économies d’énergie compris entre 1 250 et 2 500 terawattheures cumulés (TWhc) de 2026 à 2030 et de 2031 à 2035. À cet effet, il insère un nouvel item (7°bis) parmi les objectifs généraux de la politique énergétique fixés par l’article L. 100-4 du code de l’énergie.
En outre, le texte tend à mobiliser le soutien apporté par le mécanisme des certificats d’économies d’énergie (mentionné à l’article L. 221-1 du code de l’énergie).
● Ainsi que le donnent à penser les analyses recueillies par votre rapporteur, la fourchette proposée pour le niveau des économies d’énergie présente un caractère assez volontariste. D’après les informations communiquées par le Gouvernement, le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie envisage ainsi, suivant les scénarii, des économies d’énergies de l’ordre 825 TWhc à 1 750 TWhc pour une sixième période d’une durée envisagée de 5 années.
B. les modifications apportÉes par le sÉnat
Lors de l’examen de cet article en commission des affaires économiques, les sénateurs ont adopté un amendement des rapporteurs visant seulement à préciser l’unité de mesure utilisable pour quantifier les obligations afférentes aux certifications d’économies d’énergie. Ils ont ainsi modifié le 2° de l’article 9, afin de faire référence aux térawattheures cumulés actualisés.
Aucune autre modification n’a ensuite été apportée à cet article lors de son examen en séance par les sénateurs.
III. la position de la commission
A. sur l’objectif relatif aux rÉnovations énergétiques rÉalisÉes dans le secteur du bâtiment
Tout en entérinant le principe d’une quantification, à l’initiative de votre rapporteur et des membres du groupe écologiste et social ([60]), la commission a entendu étayer la définition de la cible fixée par la proposition de loi quant au nombre et à la qualité des rénovations devant être réalisées dans le secteur du bâtiment.
Réécrivant intégralement le 1° de l’article 9, le texte issu des travaux de la commission vise « la réalisation de 380 000 rénovations énergétiques performantes, au sens de l’article L. 111‑1 du code de la construction et de l’habitation, correspondant à une réduction moyenne de la consommation d’au moins 75 kilowattheures d’énergie thermique par mètre carré et par an, en cohérence avec la trajectoire de référence définie par le gestionnaire du réseau de transport d’électricité mentionné à l’article L. 321‑6 du présent code, et mesurées par un diagnostic de performance énergétique défini à l’article L. 126‑26 du code de la construction et de l’habitation ».
Au-delà des appréciations divergentes entourant la manière de chiffrer le nombre des rénovations, les modifications apportées marquent la volonté commune des commissaires de garantir la sécurité juridique et la proportionnalité de la cible insérée parmi les objectifs généraux de la politique énergétique nationale énoncés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie. Par rapport au dispositif établi par le Sénat, la définition repose sur les gains de performance énergétique.
Conformément à la référence expresse à l’article L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation, l’objectif porte sur des rénovations énergétiques donnant lieu à des travaux qui veillent à assurer des conditions satisfaisantes de renouvellement de l’air et respectent les conditions suivantes :
– le classement du bâtiment ou de la partie de bâtiment en classe A ou B au sens de l’article L. 173-1-1 ;
– l’étude des six postes de travaux de rénovation énergétique suivants : l’isolation des murs, l’isolation des planchers bas, l’isolation de la toiture, le remplacement des menuiseries extérieures, la ventilation, la production de chauffage et d’eau chaude sanitaire ainsi que les interfaces associées.
Peuvent prétendre à la qualification de rénovations performantes les rénovations énergétiques portant sur un bâtiment ou d’une partie de bâtiment à usage d’habitation. En l’absence de toute spécification contraire, entrent également dans la comptabilisation des travaux participant à la réalisation de l’objectif les rénovations considérées comme performantes, malgré des gains de consommation d’énergie limités du fait des caractéristiques particulières des bâtiments susceptibles de limiter l’efficacité des travaux ([61]).
Le second élément de définition de l’objectif réside dans l’exigence d’une réduction moyenne de la consommation d’énergie thermique d’au moins 75 kilowattheures par mètre carré et par an. Ainsi qu’il ressort de l’exposé des motifs du sous-amendement CE640, le choix de ce critère de performance – plutôt que de celui du saut de deux classes définies à l’article L. 173-1-1 du code de l’énergie – vise l’atteinte d’une performance minimale équivalente à celle des bâtiments de la classe C.
B. SUR LA FIXATION DU NIVEAU ANNUEL D’Économies d’Énergie permises grâce aux certificats d’économies d’Énergie
Tel que modifié par la commission à l’initiative de votre rapporteur ([62]), le 2° de l’article 9 assigne pour objectif d’atteindre, avec le concours des certificats d’économies d’énergie (C2E), des niveaux annuels d’économies d’énergie compris :
– entre 825 et 1 750 térawattheures cumulés actualisés de 2026 à 2030 ;
– et entre 825 et 2 250 térawattheures cumulés actualisés de 2031 à 2035.
Par rapport à la projection retenue par le Sénat (soit des économies d’énergie comprises entre 1 250 et 2 500 térawattheures cumulés actualisés de 2026 à 2030 et de 2031 à 2035), il est proposé de retenir une cible plus proportionnée, qui s’appuie sur les projections établies par le Gouvernement pour la sixième période des C2E et tient compte des obstacles qui empêchent le plein développement du dispositif.
Néanmoins, à l’invitation de votre rapporteur, la commission a résolu de ne pas supprimer la mention du rôle des certificats dans l’atteinte de l’objectif, en considération des pistes de réflexion pouvant améliorer les conditions de délivrance des certificats et de la nécessité d’inscrire leur évolution dans le cadre de la programmation de la politique énergétique.
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Article 10
(article L. 100-4 du code de l’énergie)
Objectifs de politique énergétique dans les collectivités ultramarines relevant de l’article 73 de la Constitution
Adopté avec modifications
Cet article actualise les objectifs de politique énergétique spécifiques aux collectivités ultramarines relevant de l’article 73 de la Constitution. Celles-ci devront parvenir à l’autonomie énergétique à l’horizon 2050 et à un mix de production électrique composé à 100 % d’énergies renouvelables et de récupération à l’horizon 2030.
Il précise également que la Corse est astreinte au même objectif s’agissant de son mix de production électrique, mais à l’horizon 2050.
I. Le droit en vigueur
Le 8° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie fixe comme objectif, pour les collectivités ultramarines régies par l’article 73 de la Constitution – Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte – :
– de parvenir à l’autonomie énergétique à l’horizon 2030 ;
– de parvenir à un mix de production d’électricité composé à 100 % d’énergies renouvelables à la même date.
La dernière actualisation de ces objectifs a été effectuée par l’article 101 de la loi Aper de 2023.
Ces collectivités font partie des zones non interconnectées au réseau électrique métropolitain continental (ZNI) et disposent donc de contraintes d’approvisionnement et de production d’énergie plus importantes. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) souligne ainsi que les coûts de production y sont plus élevés qu’en hexagone. Les mix de production sont encore fondés, pour l’essentiel, sur les énergies fossiles.
Composition des mix électriques dans les zones non interconnectées
Source : CRE.
Afin d’adapter les objectifs de politique énergétique à leurs spécificités, il existe des programmations pluriannuelles de l’énergie spécifiques à chacune de ces zones, en application de l’article L. 141-5 du code de l’énergie.
Les ZNI bénéficient également de la péréquation tarifaire, c’est-à-dire, d’après la définition qu’en donne le Médiateur national de l’énergie, que les coûts fixes de l’électricité sont répartis entre les consommateurs d’une manière identique sur l’ensemble du territoire national. L’article L. 121-5 du code de l’énergie dispose d’ailleurs que la fourniture d’électricité « concourt à la cohésion sociale, au moyen de la péréquation nationale des tarifs ».
Sollicitée par votre rapporteur, la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) souligne que l’objectif d’autonomie énergétique à l’horizon 2030 pour les collectivités ultramarines relevant de l’article 73 de la Constitution est irréaliste, étant donné que « les transports représentent dans ces territoires environ 60 % de l’énergie consommée ». En revanche, l’atteinte de l’objectif d’un mix électrique composé à 100 % d’énergies renouvelables en 2030 semble envisageable, en recourant à l’importation de pellets de bois ou de bioliquides.
La CRE souligne également que, pour ces collectivités, l’atteinte de l’autonomie énergétique à l’horizon 2030 n’est pas réaliste compte tenu de la situation des projets en cours et de l’état actuel des mix électriques.
II. Le dispositif proposÉ
A. Les dispositions initiales de la proposition de loi
L’article 10 de la proposition de loi, dans sa rédaction initiale, modifie le 8° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie sur deux points :
– il reporte l’objectif d’autonomie énergétique dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution de 2030 à 2050 ;
– il précise que l’objectif de parvenir à un mix de production 100 % électrique s’applique aussi à la Corse, mais à l’horizon 2050.
Les rapporteurs du Sénat constatent que le Pniec prévoyait la décarbonation du mix électrique à plus de 99 % dès 2030 dans les ZNI et que l’avant-projet de loi « souveraineté énergétique » prévoyait, pour les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, les mêmes objectifs que ceux présentés par la proposition de loi.
B. les modifications apportées par le sénat
La commission des affaires économiques du Sénat a adopté un amendement de M. Franck Menonville, avec avis favorable des rapporteurs, substituant le terme de « tendre vers » à celui de « parvenir » pour l’atteinte des objectifs précités.
En séance publique, le Sénat a adopté deux amendements :
– un amendement de M. Yannick Jadot, adopté avec un double avis de sagesse des rapporteurs et du Gouvernement, revenant sur la modification introduite par l’amendement précité de la commission. Le Sénat a donc rétabli l’emploi du terme « parvenir » à la rédaction du 8° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, considérant que l’emploi du terme « tendre vers » affaiblissait la portée de l’objectif ;
– un amendement de M. Claude Kern, adopté avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement, qui ajoute les énergies de récupération à celles pouvant composer le mix électrique des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, en plus des énergies renouvelables à l’horizon 2030. L’auteur de l’amendement y a souligné que « La valorisation énergétique des déchets, la récupération de la chaleur fatale générée par les sites industriels, les datacenters, ou encore le traitement des eaux usées sont autant de leviers qui contribuent à « transformer » les ressources locales de nos territoires en une énergie locale décarbonée ».
III. LA POSITION DE LA COMMISSION
● La commission a adopté l’article 10 de la proposition de loi, moyennant une formulation plus nuancée de l’objectif relatif à l’autonomie énergétique dans les départements d’outre-mer à l’horizon 2030 énoncé au 8° du I de l’article L. 100-4 de l’article L. 100-4 du code de l’énergie.
Par l’adoption d’un amendement de M. Romain Daubié ayant reçu un avis favorable de votre rapporteur ([63]), elle a rétabli le 1° A de l’article 9, afin de préciser que la réalisation de cet objectif impliquait de « tendre vers », plutôt que de « parvenir à ». Le texte reprend ainsi la rédaction adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat, sur laquelle les sénateurs étaient revenus en séance publique avec un avis de sagesse des rapporteurs et du Gouvernement.
● En soi, la modification apportée au début du 8° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie n’atténue pas la portée des objectifs de la politique énergétique nationale s’agissant de l’autonomie énergétique et de la part exclusive des énergies renouvelables au sein du mix de production d’électricité dans les collectivités ultramarines. Ainsi qu’il ressort des votes ayant conduit au rejet d’une proposition tendant à avancer les échéances prévues pour sa réalisation ([64]), il existe une communauté de vue entre commissaires pour estimer que la loi doit tracer une perspective crédible au regard de la situation des outre-mer et laisser suffisamment de latitude pour l’atteindre.
Accessoirement, le texte de la commission concourt à une certaine harmonisation des termes employés, afin d’exprimer les exigences qui s’attachent aux objectifs de la politique énergétique nationale. Ainsi que l’a indiqué votre rapporteur au cours de l’examen de la proposition de loi, une telle démarche de précision terminologique mériterait d’être menée à l’échelle de l’ensemble du code, de sorte de ne créer aucune incertitude quant à l’importance accordée par le législateur à la réalisation des objectifs qu’il consacre.
*
* *
Article 11
Relèvement de 40 à 50 % – hors terres et forêts – de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030, figurant parmi les objectifs énergétiques chiffrés mentionnés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie
Adopté par la commission avec modifications
La commission des affaires économiques, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur cet article (avis avec délégation au fond).
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire (CDDAT) s’est prononcée en faveur de l’adoption avec modifications de cet article. La commission des affaires économiques, en raison de cette délégation au fond, a suivi cette position.
Le présent article relève de 40 % à 50 % l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030. Cet objectif traduit l’engagement de la France pour atteindre les objectifs de baisse des émissions nettes de 55 % en 2030 fixé par la « loi européenne sur le climat » du 30 juin 2021 ([65]).
Le présent article précise que cette trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne prend pas en compte l’absorption d’émissions par les terres et forêts. Il s’agit ici d’une clarification rédactionnelle : l’article L. 100-4 du code de l’énergie prévoit déjà une trajectoire de réduction des émissions brutes.
Enfin, l’article procède à une reformulation du même article L. 100-4, qui ne mentionne plus l’objectif de « réduire », mais de « tendre vers une réduction » des émissions. La CDDAT est revenue sur l’objectif de réduction.
I. L’État du droit
A. la trajectoire de réduction des Émissions de gaz à effet de serre vise à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris
L’accord de Paris, adopté lors de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21) à Paris le 12 décembre 2015, engage les 196 États signataires à contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 ° Celsius (C) par rapport aux niveaux préindustriels et à poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5 °C.
Pour atteindre cet objectif, les États doivent plafonner, puis réduire, les émissions de gaz à effet de serre, afin de parvenir à « un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre » ([66]) au cours de la deuxième partie du XXIe siècle.
Distinction entre émissions brutes et émissions nettes
De manière analogue à l’accord de Paris et à la loi européenne sur le climat précitée, l’article L. 100-4 du code de l’énergie définit la neutralité carbone comme « un équilibre, sur le territoire national, entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre, tel que mentionné à l’article 4 de l’accord de Paris ratifié le 5 octobre 2016 ».
Aux termes de cette définition, la neutralité climatique est définie comme l’équilibre entre deux variables :
– les émissions anthropiques par les sources, qui correspondent aux gaz à effet de serre émis par l’homme, aussi dénommées les émissions brutes, ou émissions hors secteur « utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie » dit « UTCATF ») ;
– les absorptions par les puits de carbone définies par le règlement « UTCATF » ([67]), révisé en 2023 ([68]) ;
L’addition de ces deux variables constitue les émissions nettes de gaz à effet de serre. L’objectif de réduction de 55 % des émissions dans l’UE en 2030, ainsi que la neutralité carbone en 2050, sont calculés en émissions nettes.
En revanche, les objectifs nationaux de réduction des émissions, mentionnés au présent article, sont comptabilisés en émissions brutes.
Dès 2008, l’Union européenne (UE) a fixé un objectif contraignant de réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre en 2020 par rapport aux niveaux de 1990 ([69]).
Lors du Conseil européen des 23 et 24 octobre 2014, cet objectif est rehaussé à 40 % en 2030 par rapport à 1990, et constitue la contribution de l’Union européenne à la négociation de l’accord de Paris.
Depuis l’adoption formelle de cet accord, le 12 décembre 2015, le Conseil européen et le Parlement européen se prononcent en faveur d’une législation européenne inscrivant ses stipulations dans le droit européen. Les conclusions du Conseil européen des 22 et 23 juin 2017 invitent la Commission et le Conseil à examiner tous les moyens d’atteindre les objectifs climatiques. Ce rappel est renouvelé en mars 2018, demandant une proposition de stratégie pour réduire les émissions de gaz à effet de serre à long terme, conformément à l’accord de Paris, d’ici le premier trimestre 2019. Le Parlement européen, dans sa résolution du 4 octobre 2017, exhorte enfin la Commission à préparer avant la COP24 une stratégie visant la neutralité carbone à la moitié du siècle.
À la suite de ces réflexions, le « Pacte vert pour l’Europe », publié le 11 décembre 2019, prévoit une législation européenne pour inscrire la neutralité climatique d’ici 2050 dans la loi. À cette fin, la « loi européenne sur le climat » du 30 juin 2021 ([70]) a établi un cadre pour parvenir à la neutralité climatique en 2050. Pour parvenir à ce résultat, l’article 4 prévoit deux sous-objectifs intermédiaires de réduction des émissions de gaz à effet de serre :
– à horizon 2030, un objectif de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre de 55 % par rapport à 1990.
– à horizon 2040, un « objectif en matière de climat » que la Commission est tenue de présenter au plus tard dans les six mois suivants le premier bilan mondial visé par l’article 14 de l’accord de Paris.
B. le code de l’Énergie dÉcline les objectifs climatiques europÉenS À l’Échelle nationale
En France, la loi dite « croissance verte » du 17 août 2015 ([71]) fixe à l’article L. 100-4 du code de l’énergie l’objectif de réduire les émissions brutes de gaz à effet de serre de 40 % en 2030 par rapport aux niveaux de 1990 et de diviser ces émissions par quatre en 2050 par rapport aux niveaux de 1990.
Afin que cet objectif soit atteint, la loi du 17 août 2015 crée deux outils de pilotage national : la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) :
1. La stratégie nationale bas carbone
Définie à l’article L. 222-1 B du code de l’environnement, la stratégie nationale bas carbone (SNBC) « définit la marche à suivre pour conduire la politique d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions soutenables sur le plan économique à moyen et long termes afin d’atteindre les objectifs définis par la loi prévue à l’article L. 100-1 A du code de l’énergie ». Sur la base de l’objectif de réduction des émissions fixé par la loi, l’article L. 222-1 A du code de l’environnement prévoit que la SNBC fixe par décret des plafonds sectoriels d’émissions de GES pour des périodes de cinq ans, intitulés « budgets carbone ». L’article L. 222-1 B du code de l’environnement prévoit en outre que la SNBC a vocation à être déclinée dans toutes les politiques publiques, nationales et locales : « l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics respectifs prennent en compte la stratégie bas carbone dans leurs documents de planification et de programmation qui ont des incidences significatives sur les émissions de gaz à effet de serre ». En outre, la SNBC fournit des orientations sectorielles de politiques publiques pour respecter les budgets carbone.
Le décret n° 2015-1491 du 18 novembre 2015 fixe les trois premiers budgets carbone de la SNBC 1 pour les périodes 2015-2018, 2019-2023 et 2024‑2028. Révisé en 2019, le premier budget carbone 2015-2018 s’élevait à 442 millions de tonnes équivalent CO2 (MtéqCO2), hors secteur UTCATF. En application de l’article D. 222-1-B du code de l’environnement, un ajustement technique provisoire des budgets carbone a été réalisé en 2019, pour prendre en compte l’inventaire national des émissions annuelles de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques en France produit par le centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa). Selon l’évaluation de la SNBC 1 ([72]) , le premier budget carbone n’a pas été respecté. Les plafonds d’émissions ont été dépassés de 65 MtéqCO2 cumulés sur la période 2015-2018, qui correspond à un écart de l’ordre de 14 % sur l’ensemble de la période. Hors UTCATF, les émissions ont diminué de – 1,1 % par an en moyenne entre 2015 et 2018 (par rapport à la période 2011-2014), ce qui est inférieur à la décroissance visée par la SNBC 1, qui s’élevait à – 1,9 % par an.
Budgets carbone fixés par la SNBC 1
(hors UTCATF)
(en MtéqCO2)
Période |
2015-2018 |
2019-2023 |
2024-2028 |
Objectif fixé par décret du 18 novembre 2015 |
442 |
399 |
358 |
Objectif ajusté en 2019 |
441 |
398 |
357 |
Le décret n° 2020-457 du 21 avril 2020 prévoit les trois budgets carbone nationaux de la SNBC 2, couvrant les périodes 2019-2023, 2024-2028 et 2029‑2033. La SNBC 2 prend en compte l’objectif de neutralité carbone en 2050 fixé par la loi « Énergie-Climat » ([73]). L’ajustement technique des budgets carbone est réalisé en 2023 par le Citepa. Dans son baromètre du 28 mars 2025, le Citepa estime que le budget carbone 2019-2023 « est en voie d’être respecté ».
Budgets carbone fixés par la SNBC 2
(hors UTCATF)
(en MtéqCO2)
Période |
2019-2023 |
2024-2028 |
2029-2033 |
Objectif fixé par décret du 21 avril 2020 |
422 |
359 |
300 |
Objectif ajusté en 2023 |
420 |
357 |
299 |
La SNBC 3 modifiera les budgets carbone pour les périodes 2024-2028 et 2029-2033 et fixera le budget carbone pour la période 2034-2038. Le projet de SNBC 3 a fait l’objet d’une consultation publique du 4 novembre au 16 décembre 2024. Les premières orientations de la SNBC 3 fixent un objectif de réduction des émissions de GES brutes de 50 % en 2030 par rapport à 1990, comme proposé par le présent article.
2. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)
Encadrée par l’article L. 141-1 du code de l’énergie et fixée par décret, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) « définit les modalités d’action des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des formes d’énergies sur le territoire métropolitain continental », afin d’atteindre les objectifs mentionnés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie.
La PPE constitue le volet énergétique de la politique climatique de la France. L’article L. 100-1 A du code de l’énergie prévoit en effet que la PPE est compatible avec une loi quinquennale déterminant les objectifs et fixant les priorités d’action de la politique énergétique « pour répondre à l’urgence climatique » et fixant à ce titre des « objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour trois périodes successives de cinq ans ». Enfin, la PPE doit être compatible avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés dans le budget carbone et avec la SNBC.
II. Le dispositif proposÉ
A. Les dispositions de la proposition de loi initiale
L’article 11 relève de 40 % à 50 % l’objectif de baisse d’émissions brutes de gaz à effet de serre à horizon 2030 figurant à l’article L. 100-4 du code de l’énergie. Ce relèvement inscrirait dans la loi l’effort nécessaire pour atteindre l’objectif, fixé au niveau européen, de réduire les émissions nettes de GES de 55 % en 2050.
L’objectif européen de réduction de 55 % des émissions nettes en 2030 est construit en tenant compte de trois secteurs :
– le secteur couvert par le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne – SEQE-UE –, qui constitue la majorité des émissions du secteur de l’industrie et de l’énergie. Fixé à 43 %, l’objectif européen de baisse des émissions du secteur pour 2030 est modifié en 2023 ([74]) pour atteindre une baisse de 62 % par rapport aux niveaux de 2005.
– le secteur issu du règlement relatif au partage de l’effort, dit secteur ESR (« effort sharing reduction ») ([75]) , fixe des objectifs nationaux de réduction des émissions des secteurs non concernés par le marché carbone européen. Ce secteur est majoritairement constitué du transport routier, du chauffage des bâtiments, de l’agriculture et de la gestion des déchets. En 2023 ([76]), le règlement révisé a rehaussé l’objectif de réduction de la France de 37 % à 47,5 % pour 2030 par rapport aux niveaux de 2005.
– le secteur « utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie » (UTCATF) est constitué des flux de CO2 entre les réservoirs terrestres (biomasse, sols) et l’atmosphère. Ce secteur peut constituer un puits (émissions négatives) ou une source (émissions positives) d’émissions de CO2. Le règlement du 19 avril 2023 ([77]) fixe un objectif européen d’absorption nette de CO2 de 310 MtéqCO2 en 2030 dans le secteur UTCATF, soit 15 % de plus que le précédent objectif fixé en 2018 ([78]). Le règlement fixe à la France l’objectif d’une augmentation du puits de carbone de 6,693 MtéqCO2 en 2030 par rapport à la moyenne des années 2016 à 2018.
L’objectif national de réduction de 50 % des émissions brutes de GES résulte de la combinaison des objectifs des trois secteurs précités, comme le mentionne la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), dans sa réponse au questionnaire du rapporteur pour avis : « la combinaison de l’objectif français révisé pour le secteur ESR, des réductions escomptées dans les secteurs couverts par SEQE-UE, ainsi que des estimations, selon les inventaires actuels, de la cible française du règlement UTCATF conduit à un objectif national brut (hors émissions et absorptions associées à l’usage des terres et à la foresterie) en 2030 de l’ordre de -50 % (soit environ 270 Mt) par rapport à 1990 (539 Mt) et de l’ordre de -55 % en net (en prenant en compte les émissions et absorptions associées à l’usage des terres et à la foresterie) ».
Cette analyse est confirmée par le Haut Conseil pour le Climat (HCC), qui affirme dans son rapport annuel 2023 ([79]) qu’au « vu des émissions françaises couvertes par le SEQE, l’effort global de la France se situe aux alentours de - 50 % par rapport à 1990 pour les émissions brutes hors UTCATF et de - 54 % avec UTCATF ».
Le plan national intégré énergie-climat (Pniec), dont la version actualisée a été transmise par le Gouvernement à la Commission européenne en juin 2024, ainsi que le document publié en novembre 2024 présentant les « grandes orientations de la SNBC 3 » mentionnent déjà l’objectif national brut de réduction d’émissions de 50 % en 2030 par rapport à 1990.
L’article 11 précise que la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne prend pas en compte les puits de carbone (secteur UTCATF).
En l’état actuel du droit, l’objectif en vigueur de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030 exclut d’ores et déjà le secteur UTCATF. Néanmoins, l’article L. 100-4 du code de l’énergie ne mentionne pas explicitement les émissions « brutes » ou « hors secteur de l’utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie ». Le présent article procède ainsi à une clarification rédactionnelle en prévoyant que l’objectif de baisse des émissions exclut « les émissions et absorptions associées à l’usage des terres et à la foresterie ».
Si les puits de carbone sont exclus de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, il est important de rappeler que d’autres objectifs spécifiques de baisse d’émissions leur sont assignés. Tout d’abord, la neutralité carbone, issue de l’accord de Paris et reprise par la loi européenne pour le climat ([80]) et par l’article L. 100-4 du code de l’énergie, est définie comme un équilibre entre les baisses des émissions et l’augmentation des absorptions par les puits de carbone. Aussi, l’objectif de 5 % de réduction des émissions en 2030 est compté en émissions nettes de GES. Au même titre que pour les objectifs de réduction des émissions des secteurs ETS et ESR, le règlement du 19 avril 2023 ([81]) fixe un objectif européen d’absorption nette de CO2 de 310 MtéqCO2 en 2030 dans le secteur UTCATF, soit 15 % de plus que le précédent objectif fixé en 2018 ([82]). Le règlement fixe à la France l’objectif d’une augmentation du puits de carbone de 6,693 MtéqCO2 en 2030 par rapport à la moyenne des années 2016 à 2018. Au niveau national, la SNBC fixe un budget carbone au secteur UTCATF :
Budgets carbone du secteur UTCATF fixés
par la SNBC 2
Période |
2019-2023 |
2024-2028 |
2029-2033 |
Objectif du décret du 21 avril 2020 |
– 39 |
– 38 |
– 42 |
Selon les dernières estimations du Citepa ([83]), le secteur UTCATF a absorbé 21 MtéqCO2 de moins que ce qui était fixé par l’objectif de la SNBC 2. La DGEC mentionne à ce titre, dans les réponses fournies au questionnaire du rapporteur pour avis, que « l’impact du changement climatique et des perturbations naturelles – feux, sécheresses, épidémie de scolytes ([84]), etc. – explique l’essentiel de la chute du puits de carbone forestier) ».
En outre, s’agissant de la comptabilisation des puits de carbone dans l’objectif climatique global, le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) et la DGEC, auditionnés par le rapporteur pour avis, mentionnent les difficultés inhérentes à l’inscription d’un objectif incluant le secteur des puits de carbone. En effet, les chiffres relatifs à la forêt mettent plus de temps à être consolidés, et le travail de récupération des données implique de déployer des moyens plus importants que la comptabilisation des émissions des autres secteurs. Par exemple, s’agissant de la modélisation des objectifs de SNBC 2, le SGPE mentionne que les chiffres provisoires du Citepa de 2018 sur le puits forestier étaient « bien supérieurs » aux chiffres définitifs arrêtés quelques années plus tard, minorés notamment par l’impact des épisodes de sécheresses et des épidémies de scolytes.
Plusieurs politiques publiques permettent de soutenir la capacité de stockage dans le puits de carbone forestier, mais aussi dans le puits de carbone des produits bois à longue durée de vie :
Des fonds ont été alloués au renouvellement forestier : 150 millions d’euros ont été engagés pour cet objectif dans le cadre du plan France Relance en 2021-2022 (dont 120 millions d’euros pour la forêt privée), et autour de 110 millions d’euros y ont été affectés dans le cadre du Plan France 2030 pour des projets déposés en 2023 et 2024.
Différents appels à projets ont récemment soutenu les usages matériels du bois dans la construction, permettant de renforcer le puits de carbone des produits bois :
– l’appel à projets « Industrialisation de produits et systèmes constructifs bois et autres biosourcés » a permis de soutenir une soixantaine de projets industriels, pour un montant de 187 millions d’euros en 2023 ;
– l’appel à projets « Soutien à l’innovation dans la construction, matériaux bois, biosourcés et géosourcés » a conduit à financer des projets de recherche et de développement à hauteur de 13 millions d’euros en 2023 ;
– l’appel à projets « Industrialisation performante des produits bois » (IPPB), reconduit en 2025, a déjà permis d’octroyer 76 millions d’euros en 2024 à la valorisation de la ressource en bois et l’optimisation des procédés de transformation, en donnant la priorité aux usages à longue durée de vie, maximisant ainsi le stockage de carbone.
Par ailleurs, le label bas carbone (LBC) a permis de financer, par des fonds privés, des projets forestiers permettant de stocker 3,5 Mt CO2eq depuis sa création en 2018.
B. Les modifications adoptÉes par le sÉnat
1. L’examen en commission
a. Commission des affaires économiques, saisie au fond
L’amendement COM-40, présenté par nos collègues Alain Cadec (LR) et Patrick Chauvet (UC), rapporteurs de la commission des affaires économiques, procède à une reformulation du premier alinéa du I de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, qui ne mentionne plus l’objectif de « réduire », mais de « tendre vers une réduction » des émissions de gaz à effet de serre. L’article 1er de l’avant-projet de loi relatif à la souveraineté énergétique utilisait également cette formulation. Cet amendement a été adopté par la commission des affaires économiques.
Le rapporteur pour avis est défavorable à une telle formulation qui minorerait la portée juridique de cet objectif. En effet, « tendre vers une réduction » affecte la dimension contraignante de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre tel que défini à l’article L. 100-4 du code de l’énergie, ce qui serait dommageable pour l’atteinte des objectifs climatiques de la France, à plusieurs titres.
Premièrement, une formulation plus souple méconnaîtrait les dispositions du droit européen en matière climatique. En effet, l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, défini par la loi européenne sur le climat précitée, est formulé de manière contraignante et constitue un objectif fixe. Son article 4 dispose en effet que « l’objectif contraignant de l’Union en matière de climat pour 2030 consiste en une réduction, dans l’Union, des émissions nettes de gaz à effet de serre (émissions après déduction des absorptions) d’au moins 55 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990 ». Par souci de cohérence avec les textes européens, il convient d’adopter une terminologie de même nature, et donc de préférer le terme de « réduire » plutôt que « tendre vers une réduction de ».
Deuxièmement, l’objectif de réduction des émissions de GES constitue la référence des documents programmatiques de nature réglementaire, visant à mettre en œuvre les mesures nécessaires pour l’atteindre. En effet, l’article L. 100-4 du code de l’énergie dispose que « la trajectoire [de réduction des émissions de gaz à effet de serre] est précisée dans les budgets carbone mentionnés à l’article L. 222‑A du code de l’environnement ». Formuler l’objectif de réduction des émissions en des termes incitatifs pourrait nuire à la portée des budgets carbone et à la mise en œuvre des SNBC.
Enfin, le rapporteur pour avis note que cette formulation serait incohérente avec les autres objectifs chiffrés de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, qui prévoient tous des objectifs contraignants stricts. Par exemple, le 2° de l’article prévoit de « réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence de 2012 », et le 3° prévoit « de réduire la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 40 % en 2030 par rapport à l’année de référence de 2012 ». Intégrer un objectif programmatique, sans cible contraignante, au premier rang des « objectifs de la politique énergétique nationale », définis à l’article L. 100-4 du code de l’énergie, nuirait à la cohérence des objectifs climatiques de la France.
Par voie de conséquence, le rapporteur pour avis souhaite rétablir la formulation en vigueur, c’est-à-dire le terme « réduire », pour définir les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030.
b. Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, saisie pour avis
L’avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat alerte sur la nécessité de ne pas perdre de vue les deux leviers nécessaires pour atteindre l’objectif européen de réduction des 55 % d’émissions nettes en 2030 : la réduction des émissions, et l’amélioration des puits de carbone.
2. L’examen en séance publique
L’amendement n° 173, présenté par les rapporteurs Alain Cadec (LR) et Patrick Chauvet (UC), rapporteurs de la commission des affaires économiques du Sénat, précise le périmètre mentionné par l’objectif d’émissions brutes visé au présent article. Aux termes de cet amendement, sont exclues de la comptabilisation de cet objectif non seulement les émissions (émissions positives), mais aussi les absorptions de gaz à effet de serre par les puits de carbone (émissions négatives). Cet amendement rédactionnel vise à clarifier que l’ensemble des émissions des puits de carbone, qu’elles soient positives ou négatives, sont exclues du périmètre de l’objectif fixé par l’article 11 de la proposition de loi. Cet amendement a reçu un double avis favorable de la commission et du Gouvernement.
L’amendement n° 6 précité a été adopté en séance publique avec avis favorable de la commission et contre l’avis du Gouvernement. Cet amendement vise à intégrer aux objectifs énergétiques l’impératif de « favoriser l’absorption des émissions de gaz à effet de serre par les puits de gaz à effet de serre ». Cet amendement reprend l’article premier de la loi européenne sur le climat, qui mentionne les réductions brutes et les puits de carbone comme moyens d’atteindre la neutralité climatique en 2050.
Après examen par le Sénat, la première phrase du 1° du I de l’article 11 disposerait que pour répondre à l’urgence écologique et climatique, la politique énergétique a pour objectifs de « tendre vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 50 % entre 1990 et 2030, en excluant les émissions et absorptions associées à l’usage des terres et à la foresterie, de favoriser l’absorption des émissions de gaz à effet de serre par les puits de gaz à effet de serre, et d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050 ».
III. Les travaux de la commission
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté un amendement du rapporteur pour avis (CD86), ainsi que plusieurs amendements identiques (CD32 de Clémence Guetté – LFI-NFP ; CD42 de Fabrice Roussel – SOC ; CD75 de Nicolas Bonnet – EcoS), afin de rétablir dans le code de l’énergie précité la portée contraignante de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le texte adopté par la commission dispose donc que la politique énergétique a pour objectifs de « réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50 % entre 1990 et 2030, en excluant les émissions et absorptions associées à l’usage des terres et à la foresterie, de favoriser l’absorption des émissions de gaz à effet de serre par les puits de gaz à effet de serre, et d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050 ».
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Article 11 bis (nouveau)
Créer un objectif de réduction de l’empreinte carbone de la France
Introduit par la commission
La commission des affaires économiques, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur cet article.
L’article 11 bis, créé par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, vise à intégrer aux objectifs de la politique énergétique nationale la réduction de l’empreinte carbone, considérant que plus de la moitié des émissions induites par les consommations de la France se font en dehors de son territoire et qu’elles doivent à ce titre être réduites pour atteindre la neutralité carbone en 2050, conformément aux recommandations du Haut conseil pour le climat (HCC).
La commission des affaires économiques a adopté cet article.
L’empreinte carbone représente selon l’INSEE ([85]) la quantité de gaz à effet de serre (GES) induite par la demande finale intérieure d’un pays. Elle comptabilise aussi bien les biens et services produits sur le territoire national que les biens et services importés.
L’empreinte carbone est donc composée :
– des émissions directes de GES des ménages ;
– des émissions de GES issues de la production intérieure de biens et services destinés à la demande intérieure ;
– des émissions de GES associées aux biens et services importés, pour usage final des ménages ou pour les consommations intermédiaires des entreprises pour produire les biens et services destinés à la demande intérieure.
L’empreinte carbone exclut cependant les émissions liées aux biens et services produits en France et exportés à l’étranger.
Selon l’estimation provisoire issue du projet de SNBC 3 ([86]), l’empreinte carbone de la France s’élève à 623 MtéqCO2, soit l’équivalent d’environ 9 tonnes équivalent CO2 par habitant. Elle est composée à 44 % d’émissions intérieures et à 56 % d’émissions importées. Depuis les années 2010, le niveau de l’empreinte carbone globale décroît, après avoir fortement augmenté entre 1995 et le milieu des années 2000. L’augmentation de la population réduit en outre le niveau de l’empreinte carbone rapportée au nombre des habitants, qui a baissé de 18 % entre 1995 et 2022.
Pour la première fois, la SNBC 3 comportera des budgets carbones indicatifs relatifs à l’empreinte carbone, actuellement en cours de modélisation par le ministère de la transition écologique.
Par ailleurs, le projet de SNBC 3 rappelle que la réduction de l’empreinte carbone dépend de plusieurs facteurs :
– la modération de la demande individuelle :
– la décarbonation de la production nationale, tirant parti du mix électrique bas-carbone et d’investissements publics ;
– le cadre réglementaire européen permettant de décarboner les importations, à l’image du mécanisme d’aménagement carbone aux frontières (MACF).
Néanmoins, l’objectif de réduction des émissions brutes de GES figurant à l’article L. 100-4 du code de l’énergie, n’intègre pas la réduction de l’empreinte carbone. Aussi, l’objectif de neutralité carbone en 2050, est calculé à partir des émissions territoriales de notre pays. Pourtant, les émissions importées, non comptabilisées dans ces objectifs, constituent plus de la moitié – 56 %– de l’empreinte carbone française ([87]) .
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté l’amendement CD35, présenté par M. Maxime Laisney (LFI-NFP), insérant un article 11 bis, qui intègre la réduction de l’empreinte carbone aux objectifs de la politique énergétique nationale. L’empreinte carbone est définie comme « la quantité de gaz à effet de serre induite par la demande finale intérieure de la France ».
Chapitre II
Adapter la programmation énergétique à l’évolution technologique
Article 12
(article L. 100-1 A du code de l’énergie)
Report de la date d’entrée en vigueur et actualisation des objectifs de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie
Supprimé par la commission
Cet article vise à assurer l’application effective et la cohérence des dispositions de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie au regard de l’évolution des orientations des politiques publiques en la matière. Il apporte trois modifications à l’article L. 100-1 du code de l’énergie :
– Il repousse au 1er janvier 2025 l’échéance à laquelle la loi quinquennale devait entrer en vigueur ;
– Il étoffe les objectifs relatifs à la réduction des émissions de gaz à effet de serre en y intégrant le développement des dispositifs de captage et de stockage du CO2. Il inclut les carburants renouvelables d’origine non biologique pour la réalisation des objectifs de développement et de stockage des énergies renouvelables ;
– Il consacre la construction de réacteurs électronucléaires et de petits réacteurs modulaires comme un moyen d’atteindre les objectifs de diversification du mix de production d’électricité.
A. UN cadre lÉgislatif À Établir pour parfaire le dispositif d’orientation et de planification de la politique de l’Énergie
1. Une loi de programmation pluriannuelle prévue dans les textes mais pas encore discutée devant le Parlement
● Comme cela a été rappelé dans l’avant-propos, le principe d’une loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat trouve son origine dans les dispositions de l’article 2 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019, dite loi « Énergie-climat » ([88]).
L’article L. 100-1 A du code de l’énergie dispose ainsi que cette loi de programmation a pour objet la détermination des objectifs et des priorités d'action de la politique énergétique nationale. Il lui incombe de fixer des objectifs relatifs à :
1° La réduction des émissions de gaz à effet de serre pour trois périodes successives de cinq ans ;
2° La réduction de la consommation énergétique finale et, notamment, la réduction de la consommation énergétique primaire fossile, par énergie fossile, pour deux périodes successives de cinq ans, ainsi que les niveaux maximal et minimal des obligations d’économies d’énergie, pour une période de cinq ans ;
3° Le développement et le stockage des énergies renouvelables, pour l'électricité, la chaleur, le carburant, le gaz ainsi que l'hydrogène renouvelable et bas-carbone, pour deux périodes successives de cinq ans ([89]) ;
4° La diversification du mix de production d’électricité, pour deux périodes successives de cinq ans ;
5° la rénovation énergétique dans le secteur du bâtiment, pour deux périodes successives de cinq ans, avec l’objectif de disposer à l’horizon 2050 d’un parc de bâtiments sobres en énergie et faiblement émetteurs de gaz à effet de serre ;
6° L’autonomie énergétique dans les départements d’outre-mer ;
7° La programmation des moyens financiers nécessaires à l'atteinte des objectifs de la loi de programmation de l’énergie, mentionnés aux 1° à 6° ci-dessus.
L’article L. 100-1 A précité impose également la compatibilité des objectifs de la loi de programmation pluriannuelle avec quatre documents d’orientation essentiels pour la politique de lutte et d’adaptation aux dérèglements climatiques, à savoir :
– la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ;
– la stratégie nationale bas-carbone (SNBC),
– le plan national intégré en matière d’énergie et de climat (Pniec) ;
– la stratégie de rénovation à long terme.
● Depuis sa création par la loi Énergie-climat, l’article L. 100-1 A prévoit le vote de la loi de programmation avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans à compter de cette date. Le dispositif comporte, en outre, la transmission chaque année au Parlement d’une stratégie pluriannuelle qui définit les financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale.
S’il a adopté de nombreuses mesures qui donnent aux politiques publiques des axes et des moyens pour le développement des énergies renouvelables ([90]) et la mise en place d’un « nouveau nucléaire » ([91]), le Parlement n’a, à ce jour, été saisi d’aucun texte susceptible de revêtir le caractère d’une loi de programmation, au sens de la loi Énergie-climat.
2. La programmation pluriannuelle de l’énergie : un outil de pilotage avant tout opérationnel en cours de renouvellement
● La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), prévue par les articles L. 141-1 à L. 141-5 du code de l’énergie, est fixée par décret. Elle a vocation à offrir une déclinaison opérationnelle aux objectifs généraux fixés par la loi en matière de politique énergétique. Elle couvre deux périodes successives de cinq ans.
Elle définit les modalités d'action des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des formes d'énergie sur le territoire métropolitain continental, afin d'atteindre les objectifs définis aux articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-4 du même code ainsi que par la loi prévue à l'article L. 100-1 A.
L’article L. 141-2 du même code prévoit que la PPE comporte des volets relatifs :
– à la sécurité d'approvisionnement ;
– à l’amélioration de l'efficacité énergétique et à la baisse de la consommation d'énergie primaire, en particulier fossile ;
– au développement de l’exploitation des énergies renouvelables et de récupération ;
– au développement équilibré des réseaux et du stockage, à la transformation des énergies et au pilotage de la demande d'énergie ;
– à la préservation du pouvoir d'achat des consommateurs et de la compétitivité des prix de l'énergie ;
– à l’évaluation des besoins de compétences professionnelles dans le domaine de l'énergie et à l’adaptation des formations à ces besoins.
Des programmations pluriannuelles spécifiques sont prévues pour les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental (voir le commentaire de l’article 10).
● Pour ce qui concerne la France continentale, la PPE en cours repose sur les dispositions du décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 ([92]) et couvre la période 2019-2028. Un projet de nouvelle PPE a été mis en consultation le 7 mars 2025.
B. des enjeux et obligations nouveaux pour la politique Énérgétique
1. Une nécessaire intégration des évolutions relatives aux conditions de production
● En dehors des enjeux de l’adaptation aux effets des dérèglements climatiques, les politiques publiques se trouvent confrontées à la nécessité d’appréhender les changements technologiques susceptibles d’affecter l’offre et la consommation d’énergie.
Il en va ainsi dans le domaine de l’électricité d’origine nucléaire, le vieillissement du parc des centrales et les arbitrages en matière de mix énergétique conduisant à s’interroger sur l’évolution de certaines installations de production et de distribution. En conséquence des décisions prises à la suite du discours prononcé par le Président de la République à Belfort, le 10 février 2022, le Gouvernement a relancé un cycle de construction de nouveaux réacteurs dont le design reprend celui de l’EPR. Le programme comporte également la possibilité de développer de petits réacteurs modulaires (ou SMR).
Sur le plan de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, le développement de procédés techniques permettant l’exploitation des énergies renouvelables et le stockage du dioxyde de carbone ouvre de nouvelles perspectives. La question se pose ainsi d’une industrialisation du recours à l’hydrogène renouvelable ou bas-carbone, ainsi de la conception et de la consommation des biocarburants liquides et des carburants renouvelables d’origine non biologique destinés au secteur des transports.
2. Un approfondissement des objectifs fixés en droit national et en droit européen
La France et l’Union européenne se trouvent actuellement engagées dans la mise en œuvre du paquet « Ajustement à l’objectif 55 » présenté en juillet 2021 par la Commission européenne. La mise en œuvre de ce programme a donné lieu à l’édiction d’un ensemble de directives et de règlements qui fixent des principes et des objectifs contraignants. Parmi les textes composant ce paquet figurent notamment la directive « Énergies renouvelables » du 18 octobre 2023 ([93]), le règlement RefuelUE aviation du 18 octobre 2023 ([94]) ou encore le règlement FuelEUMaritime du 13 septembre 2023 ([95]).
En ce qui concerne le développement des dispositifs de captage et de stockage, il convient de signaler la proposition de règlement « Net Zero Industry Act » (NZIA) qui ambitionne le développement, d’ici à 2030, d’une capacité d’injection annuelle d’au moins 50 millions de tonnes de CO2 dans les sites de stockage situés sur le territoire de l’Union européenne, dans les zones économiques exclusives (ZEE) ou sur le plateau continental.
II. Le dispositif proposÉ par le sÉnat : une mise À jour du dispositif de la loi de programmation pluriannuelle de l’Énergie
L’article 12 de la proposition de loi vise à assurer l’application de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie instituée par l’article 100-1 A du code de l’énergie, en actualisant les conditions de son entrée en vigueur et en étoffant la définition de certains de ses objectifs, au regard des engagements pris par les pouvoirs publics et des engagements européens.
A. les dispositions initiales de la proposition de loi
1. Un report de l’échéance prévue pour l’entrée en vigueur de la loi quinquennale
Le 1° de l’article 12 de la proposition de loi repousse du 1er juillet 2023 au 1er octobre 2024 l’échéance à laquelle doit être promulguée et mise en œuvre la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie prévue par la loi Énergie-climat. En conséquence, il modifie la date fixée au premier alinéa du I de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie, depuis les dispositions introduites par la loi Énergie-climat.
Ainsi qu’il ressort de l’exposé des motifs de la proposition de loi, l’objectif poursuivi par la mesure est de créer les conditions d’une entrée en vigueur de la prochaine loi de programmation d’ici à 2029.
2. Un approfondissement des exigences et conditions de réalisation des objectifs fixés dans le cadre de la loi quinquennale
● Le 2° de l’article 12 de la proposition de loi adjoint à l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre celui du déploiement de dispositifs de captage et de stockage du dioxyde de carbone. À cet effet, il complète les mentions du 1° du I de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie.
Ainsi, la proposition de loi donne un fondement législatif à un objectif donnant lieu à inscription de cibles chiffrées dans plusieurs documents d’orientation, comme le plan national intégré en matière d’énergie et de climat (Pniec), la stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec) et la stratégie Capture, stockage et utilisation du carbone (CSUC).
● Le 3° de l’article 12 de la proposition de loi étend le champ des objectifs de développement et de stockage des énergies renouvelables devant figurer dans la loi quinquennale, en y ajoutant les carburants renouvelables d’origine non biologique. À cet effet, il complète le 3° du I de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie.
Au sens de l’article L. 282-1 du code de l’énergie, cette notion de « carburant renouvelable d’origine non biologique » correspond aux carburants liquides ou gazeux utilisés dans le secteur des transports, autres que les biocarburants ou le biogaz, dont le contenu énergétique provient de sources renouvelables autres que la biomasse. Ainsi que le montrent les travaux des rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet ([96]), la mesure participe de la volonté de tenir compte, dans la programmation de la politique énergétique, des obligations découlant des règlements et directives issus du paquet « Ajustement à l’objectif 55 » de 2021.
● Le 4° de l’article 12 de la proposition de loi renouvelle le champ des objectifs de la loi de programmation portant sur le mix énergétique. En conséquence, il enrichit la définition contenue au 4° de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie.
Le a) du 4°ajoute ainsi l’exigence de décarbonation à celle de diversification des sources d’énergies produites pour couvrir les besoins du pays. Le concept de décarbonation autorise l’usage de l’ensemble des énergies n’émettant pas ou peu de dioxyde de carbone au cours de leur production : son emploi vise à ne pas opposer le développement de l’usage des énergies renouvelables au recours à l’énergie nucléaire, comme l’expliquent les rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet ([97]).
En conséquence, le b) du 4° fait de la construction de réacteurs électronucléaires et de petits réacteurs nucléaires une partie intégrante de la réalisation de l’objectif nouvellement consacré de décarbonation du mix énergétique. Le texte ajoute une mention expresse de ces équipements et de la technologie nucléaire au 4° du I de l’article L. 100-1 A. Suivant la définition de l’Agence internationale de l’énergie atomique, les « réacteurs modulaires » correspondent à des installations dont la production d’énergie repose sur la fission nucléaire et dont la capacité réacteurs peut aller jusqu’à 300 mégawattheures. Leurs systèmes et composants peuvent être assemblés en usine et transportés unitairement vers un site pour montage.
Ainsi, la proposition de loi tend à faire pleinement de la mise en œuvre de la politique du « nouveau nucléaire » un objet en soi de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie.
B. les modifications apportÉes par le sÉnat
Dans l’ensemble, les amendements adoptés par le Sénat en commission et en séance publique se bornent à apporter des précisions au dispositif initial de l’article, sans changer fondamentalement la portée des mesures introduites dans le dispositif de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie.
1. En commission
La commission des affaires économiques du Sénat a entendu seulement préciser la périodicité de la programmation en ce qui concerne le déploiement de dispositifs de captage et de stockage du dioxyde de carbone. Elle a ainsi adopté un amendement des rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet prévoyant l’organisation de la programmation sur trois périodes successives de cinq ans. La durée de cette période correspond à celle retenue par l’article L. 100-1 A du code de l’énergie pour la réalisation des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
2. En séance publique
a. Un report de la date d’entrée en vigueur de la loi quinquennale
● Le Sénat a souhaité fixer au 1er janvier 2025 l’échéance à laquelle devait être promulguée la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie.
Cette modification résulte de l’adoption, avec avis favorable du Gouvernement, d’un amendement des rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet, qui revient sur l’option retenue dans la rédaction initiale du texte examiné en commission (1er octobre 2024). D’après l’exposé des motifs de l’amendement, il s’agit de prendre en considération les délais subis dans l’examen de la proposition de loi.
● Le lien établi entre la promulgation du texte et l’échéance fixée par l’article L. 100-1 A conduit à considérer le texte du Sénat comme étant la loi de programmation quinquennale elle-même, telle qu’instituée par la loi Énergie-climat.
Or, ainsi que le montre l’examen du projet de loi sur la simplification de la vie économique par l’Assemblée nationale ([98]), il existe, parmi les groupes parlementaires, des appréciations divergentes quant à la manière de remplir les exigences de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie. Sur la seule question de l’échéance à laquelle entrerait en vigueur le texte, certains députés préconisent une date rétroactive (telle que le 1er janvier 2025) tandis que d’autres proposent de viser le 1er juillet 2026.
Par ailleurs, rien n’assure que cette date permette de dissiper les incertitudes qui peuvent entourer la légalité de la programmation pluriannuelle de l’énergie, compte tenu des délais séparant la date d’entrée en vigueur du texte législatif et celle de la publication des actes réglementaires.
b. Une précision quant aux exigences inhérentes à l’objectif de déploiement de dispositifs de stockage du dioxyde de carbone
Par l’adoption, contre l’avis du Gouvernement, d’un amendement de M. Didier Mandelli ([99]), le Sénat a établi que le déploiement de dispositifs de captage et de stockage du carbone avait pour finalité de pallier l’absence de technologie ou d’alternative permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans certains usages, ou pour régler des situations transitoires. Cet élément de définition correspond aux dispositions introduites par l’article 4 de la proposition de loi au I de l’article L. 100-4 du code de l’énergie.
Cet ajout tend à donner un caractère subsidiaire au recours à cette technologie en le réservant à certains usages ou activités. Ainsi qu’il ressortait de l’exposé des motifs de l’amendement et sans créer formellement une hiérarchie entre objectifs, il manifeste la volonté du Sénat que, dans la réalisation des objectifs de la loi de programmation, la priorité soit accordée à la décarbonation et à l’amélioration de l’efficacité énergétiques.
III. la position de la commission
● Par l’adoption d’amendements identiques de votre rapporteur et des représentants de trois groupes parlementaires ([100]), la commission a supprimé l’article 12 de la proposition de loi.
Cette décision ne reflète pas une communauté de vue mais répond à des motifs propres à chaque banc de l’hémicycle. Elle manifeste ainsi, selon le cas, :
– la volonté de maintenir l’échéance prévue à l’article L. 100-1 A du code de l’énergie pour l’entrée en vigueur de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie, certains groupes considérant tout report comme un recul et une excuse donnée au Gouvernement pour son attentisme ;
– le rejet de toute mention susceptible aux yeux de certains groupes de légitimer la place de la production d’électricité nucléaire dans le mix énergétique et la relance d’un programme de construction de réacteurs ;
– l’opposition au déploiement des dispositifs de captage et de stockage du dioxyde de carbone.
Pour sa part – et sans partager les réserves ou oppositions exprimées à propos de la relance du programme nucléaire –, votre rapporteur estime que les mentions apportées au dispositif de l’article L. 100‑1 du code de l’énergie ne contribuent pas à améliorer la qualité de la programmation. De surcroît, elles pourraient inutilement contraindre les choix de politiques publiques, dans un contexte le secteur de l’énergie connait des évolutions rapides au plan technologique.
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Article 13
(articles L. 141-1, L. 141-2 et L. 141-4 du code de l’énergie)
Fixation, au sein de la programmation pluriannuelle de l’énergie, d’objectifs explicites relatifs à la production nucléaire, à la production d’hydrogène, et au développement des carburants renouvelables et des dispositifs de captage de carbone
Supprimé par la commission
L’article 13 de la proposition de loi vise à actualiser le champ des objectifs assignés par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) au regard de la place pouvant être accordée à certaines énergies dans la définition du mix énergétique et à l’évolution des politiques publiques.
À cet effet, il complète les dispositions du code de l’énergie qui définissent le contenu de la PPE et sa présentation, en y incluant des prescriptions expresses relatives au développement de la production nucléaire, de la production d’hydrogène renouvelable ou bas carbone, ainsi qu’à l’usage du carburant de synthèse et au déploiement de dispositifs de captage du dioxyde de carbone.
A. une déclinaison opérationnelle des objectifs généraux de la politique ÉNERGÉTIQUE
Les dispositions législatives encadrant l’élaboration et le contenu de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ont déjà été présentées dans le commentaire de l’article 12 de la présente proposition de loi.
Il peut être rappelé que la PPE comporte des volets qui fixent des objectifs et des mesures portant sur quatre problématiques essentielles :
1° la sécurité d’approvisionnement : le premier volet de la PPE définit les critères de sûreté du système énergétique, notamment le critère de défaillance mentionné à l’article L. 141-7 de ce code pour l’électricité ; il précise les mesures mises en œuvre pour garantir la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel, en identifiant les mesures de soutien nécessaires pour accélérer et développer les projets de production de biogaz et de toute autre forme de gaz renouvelable ou bas-carbone ; il peut aussi prévoir la mise en œuvre de dispositions spécifiques, comme la diversification des moyens de production ou des sources d’approvisionnement d’énergie, pour se prémunir des risques systémiques ; il précise également les besoins d’importation d’énergies fossiles, d’uranium et de biomasse, ainsi que les échanges transfrontaliers d’électricité prévus dans le cadre de l’approvisionnement ;
2° l’amélioration de l’efficacité énergétique et la baisse de la consommation d’énergie primaire, en particulier fossile : le second volet de la PPE détermine les priorités à établir selon les usages afin d’atteindre ces objectifs ; il contient une feuille de route pour la rénovation énergétique des bâtiments ;
3° le développement de l’exploitation des énergies renouvelables et de récupération : le troisième volet de la PPE a pour objet de quantifier les gisements d’énergies renouvelables valorisables par filière, ainsi que de préciser les modalités de mise en œuvre des objectifs de la loi de programmation pluriannuelle pour les installations hydrauliques; il comporte également une évaluation du potentiel des installations agrivoltaïques ainsi que de la production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone ;
4° le développement équilibré des réseaux, du stockage et de la transformation des énergies et du pilotage de la demande d’énergie pour favoriser notamment la production locale d’énergie, le développement des réseaux intelligents et l’autoproduction : le quatrième volet de la PPE vise à identifier des interactions entre les réseaux d’électricité, de gaz et de chaleur aux différentes échelles pour en optimiser le fonctionnement et les coûts ; il traite de la mise en œuvre des objectifs de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie applicables aux stations de transfert d’électricité par pompage.
Par ailleurs, les cinquièmes et sixième volets de la PPE portent respectivement sur :
– la préservation du pouvoir d’achat des consommateurs et de la compétitivité des prix de l’énergie ;
– l’évaluation des besoins de compétences professionnelles dans le domaine de l’énergie et l’adaptation des formations à ces besoins.
B. une programmation pluriannuelle de l’Énergie appelÉe à une actualisation et un approfondissement de ses objectifs
La PPE est actuellement en cours de révision, le dernier projet de PPE 3 ayant été soumis à la consultation du public début mars 2025 (voir supra).
Son évolution est en effet nécessaire, afin d’y intégrer les évolutions relatives aux conditions de production et aux engagements de la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
● La politique énergétique tend aujourd’hui à accorder une importance nouvelle à des technologies et modes de production susceptibles de répondre aux défis de la lutte contre les dérèglements climatiques et à la nécessité de satisfaire les besoins de notre société en une énergie décarbonnée.
Comme précédemment indiqué, dans le domaine de la production d’énergie, outre l’accélération du développement des énergies renouvelables, les nouvelles orientations fixées par les pouvoirs publics reposent sur de nouveaux investissements destinés à maintenir et renouveler les capacités de production d’électricité d’origine nucléaire ([101]).
La redéfinition du mix énergétique comporte également un effort portant sur l’industrialisation des procédés de l’hydrogène bas-carbone et de l’hydrogène renouvelable, à l’échelle de l’Union européenne comme au plan national.
Aux termes de la stratégie proposée par la Commission européenne en juillet 2020 ([102]) , l’Union se donne pour objectif d’assurer le développement de l’hydrogène propre et d’assurer son rôle comme un pilier d’un système énergétique climatiquement neutre d’ici 2050. La « stratégie REPower EU pour une énergie plus abordable, sûre et durable » ([103]) publiée en 2022 ambitionne de porter la production d’hydrogène renouvelable dans l’Union européenne de 10 mégatonne à 20 mégatonne par an d’ici 2030.
Le « règlement AFIR » du 13 septembre 2023 ([104]) fixe ainsi des objectifs nationaux obligatoires pour que les États membres de l’Union européenne (UE) puissent déployer des infrastructures de carburants alternatifs accessibles au public (notamment pour l’électricité et l’hydrogène) pour les véhicules routiers, les navires amarrés à quai et les aéronefs en stationnement, avec une attention particulière pour les réseaux transeuropéens.
À l’échelle nationale, l’attention portée au développement de l’hydrogène bas-carbone et renouvelable se matérialise d’abord par l’établissement d’un statut juridique. Au sens de l’article L. 811-1 du code de l’énergie, l’hydrogène renouvelable désigne l’hydrogène produit soit par électrolyse en utilisant de l’électricité issue de sources d’énergies renouvelables telles que définies à l’article L. 211-2 de ce code, soit par toute une autre technologie utilisant exclusivement une ou plusieurs de ces mêmes sources d’énergies renouvelables et n’entrant pas en conflit avec d’autres usages permettant leur valorisation directe. Dans tous les cas, son procédé de production émet, par kilogramme d’hydrogène produit, une quantité d’équivalents dioxyde de carbone inférieure ou égale à un seuil. La qualification d’« hydrogène bas-carbone » s’applique à l’hydrogène dont le procédé de production engendre des émissions inférieures ou égales au seuil retenu pour la qualification d’hydrogène renouvelable, sans pouvoir, pour autant, recevoir cette dernière qualification, faute d’en remplir les autres critères.
La production d’hydrogène renouvelable ou d’hydrogène bas-carbone par électrolyse de l’eau bénéficie aujourd’hui d’un soutien public, notamment dans le cadre des procédures destinées à assurer l’atteinte des objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (sur le fondement des articles L. 812-1 à L. 812-10 du code de l’énergie).
● S’agissant de la réduction des gaz à effets de serre, le développement des procédés techniques permettant le stockage du dioxyde de carbone ou l’usage des carburants de synthèse constitue un nouvel axe des politiques publiques.
Au sens de l’article L. 282-1 du code de l’énergie, cette notion correspond aux carburants liquides ou gazeux utilisés dans le secteur des transports, autres que les biocarburants ou le biogaz, dont le contenu énergétique provient de sources renouvelables autres que la biomasse.
Dans le cadre de la mise en œuvre du paquet « Ajustement à l’objectif 55 », l’Union européenne a ainsi adopté plusieurs directives et règlements destinés à stimuler le développement de l’usage des carburants synthétiques durables. S’agissant du captage et du stockage du dioxyde de carbone, les documents programmatiques qui orientent la politique de l’énergie en France fixent des objectifs en termes de volumes captés de CO2 ([105]). La stratégie Capture, stockage et utilisation du carbone (CSUC) évalue le potentiel de captage et de stockage à 4 à 8 MtCO2 captés par an à horizon 2030 et entre 15 et 20 MtCO2 à l’horizon 2050.
II. Le dispositif proposÉ par le sÉnat : de nouveaux objectifs affirmÉs au sein de la programmation pluriannuelle de l’Énergie en faveur du recours À certaines technologies
L’article 13 de la proposition de loi vise à assurer au plan opérationnel la déclinaison des objectifs généraux que le Sénat entend voir figurer dans la prochaine loi de programmation pluriannuelle de l’énergie. Ainsi, il consacre dans les volets de la programmation pluriannuelle de l’énergie, ainsi que dans sa présentation, de nouveaux items et de nouvelles prescriptions portant sur le développement de la production et de l’usage de l’énergie nucléaire, de l’hydrogène bas-carbone, des carburants renouvelable d’origine non biologique et des dispositifs de captage et de stockage du dioxyde de carbone.
A. les dispositions initiales de la proposition de loi
L’article 13 de la proposition de loi complète les dispositions des articles L. 141-1, L. 141-2 et L. 141-4 du code de l’énergie, qui définissent le champ des questions traitées par la PPE, ainsi que les obligations que doit remplir le Gouvernement pour en assurer la publicité.
1. Un enrichissement de la synthèse de la PPE en conséquence de l’élargissement de ses volets
● Le 1° de l’article 13 prévoit l’insertion d’un exposé de la politique du Gouvernement en faveur de l’énergie nucléaire et de l’hydrogène bas-carbone dans la synthèse de la PPE. À cet effet, il complète les mentions de la dernière phrase de l’article L. 141-1 du code de l’énergie relatives au champ couvert par ce document destiné au public. En l’absence de toute précision, la formalisation de ces développements supplémentaires obéira aux mêmes règles que celles déterminant le contenu de la synthèse.
● La mesure proposée tire les conséquences de l’élargissement du champ de la loi de programmation pluriannuelle, ainsi que de la PPE elle-même. En soi, elle peut contribuer à améliorer la publicité des politiques publiques.
Toutefois, les compléments apportés à la synthèse de la PPE ne revêtent qu’un caractère partiel au regard du champ que couvrirait la PPE, puisqu’en l’état, le 1° de l’article 13 n’impose pas que la synthèse traite des carburants renouvelables d’origine non biologique et des dispositifs de captage et de stockage du dioxyde de carbone.
Par ailleurs, l’ajout des objectifs et des prescriptions portant sur l’énergie nucléaire et l’hydrogène bas-carbone pose sans doute la question de l’opportunité d’intégrer, au sein de la synthèse, un exposé de la stratégie française pour l’énergie et le climat, obligation formalisée par l’article 13 bis de la proposition de loi.
2. Des objectifs explicites relatifs au nucléaire, à l’hydrogène, aux carburants renouvelables, au captage et stockage de dioxyde de carbone
Le 2° de l’article 13 étend l’objet des prescriptions devant figurer dans la programmation pluriannuelle, en intégrant dans son champ les énergies et technologies dont la loi de programmation pluriannuelle devrait assurer le développement, aux termes des autres dispositions de la proposition de loi.
● Le a) du 2° emporte ainsi l’obligation nouvelle de fixer, dans le volet de la PPE portant sur la sécurité d’approvisionnement, les modalités de mise en œuvre d’objectifs relatifs à l’électricité d’origine nucléaire. À cet effet, il complète les dispositions du 1° de l’article L. 141-2 du code de l’énergie en renvoyant aux exigences insérées après le 5° du I de l’article L. 100-4 du code de l’énergie par l’article 3 de la proposition de loi. Celles-ci fixent des orientations et des cibles en ce qui concerne la part du nucléaire dans la production d’électricité, le niveau de décarbonation du mix énergétique, la création de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire, les équipements de retraitement et de valorisation des combustibles usés, ou encore le lancement d’un programme sur le développement de réacteurs de quatrième génération ([106]).
● Le b) du 2° inclut, dans le volet de la PPE consacré au développement de l’exploitation des énergies renouvelables et de récupération, l’usage des carburants renouvelables d’origine non biologique et le déploiement des dispositifs de captage et de stockage du dioxyde de carbone. En ajoutant leur mention à la dernière phrase du 3° de l’article L. 141-2 du code de l’énergie, la proposition de loi impose une évaluation du potentiel de ce produit et de ce procédé, au regard de l’objectif qui sous-tend l’ensemble des actions prévues par le troisième volet de la programmation. En soi, cela n’implique pas d’exigences spécifiques en termes de capacités de production ou d’usage de ces carburants ou techniques.
La disposition constitue une transposition de l’élargissement de objectifs de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie opéré par le 3° de l’article 12 de la proposition de loi en matière de développement et de stockage des énergies. Il contribue à une mise en cohérence des documents de la programmation de la politique énergétique, tels que modifiés par le Sénat.
3. Une actualisation du contenu de la présentation de la PPE au Parlement
● Le 3° de l’article 13 de la proposition de loi prévoit un exposé au Parlement de la politique suivie par le Gouvernement en faveur de l’énergie nucléaire et de l’hydrogène bas-carbone. À cet effet, il complète le dernier alinéa du III de l’article L. 141-4 du code de l’énergie, qui pose le principe d’une présentation de la PPE aux assemblées. Ainsi, la disposition tire les conséquences de l’inscription de nouveaux objectifs au sein de la programmation.
En l’absence de toute précision, l’exposé de la politique du Gouvernement en ce qui concerne le développement de la production et de l’exploitation de ces deux énergies peut prendre la même forme que celle prévalant pour la présentation de la PPE. Ainsi, l’obligation formalisée par le droit en vigueur n’implique pas une déclaration devant l’une ou l’autre des assemblées donnant lieu à un débat et éventuellement suivi d’un vote, tel que l’article 50-1 de la Constitution en donne la possibilité.
● Si la transparence des politiques publiques et l’information du Parlement constituent des principes essentiels, l’opportunité de la précision apportée en ce qui concerne le contenu de la présentation de la PPE apparait discutable.
Dans son principe, le respect de l’obligation établie par l’article L. 141-4 du code de l’énergie suppose en effet la communication aux assemblées d’informations sur l’ensemble de ses volets et, par conséquent, sur la politique menée par le Gouvernement dans l’ensemble des secteurs de la politique énergétique couverts par la programmation. En réalité, la mesure préconisée le Sénat manifeste davantage la volonté de consacrer l’importance singulière devant être accordée au développement de la production d’énergie nucléaire et à l’hydrogène bas-carbone qu’elle ne répond à une nécessité pratique.
B. les modifications apportÉes par le sÉnat
L’article 13 de la proposition de loi a été adopté au Sénat sans changement, les sénateurs faisant le choix de maintenir la mesure dans sa rédaction originelle en commission puis en séance publique.
1. En commission
La commission des Affaires économiques a rejeté un amendement de suppression présenté par M. Yannick Jadot et plusieurs membres du groupe écologiste - solidarité et territoires.
2. En séance publique
Le Sénat a écarté la suppression de l’article proposée par un amendement de M. Yannick Jadot et plusieurs membres du groupe écologiste - solidarité et territoires. Il a également refusé d’apporter les modifications proposées par un amendement du même auteur qui visaient à insérer, dans le volet de la PPE relatif à la sécurité d’approvisionnement, une évaluation complète des coûts supposés de la production d’électricité d’origine nucléaire.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION
● Par l’adoption de quatre amendements identiques, dont l’amendement de votre rapporteur ([107]), la commission a supprimé l’article 13 de la proposition de loi. De la part des trois groupes ayant déposé les amendements de suppression, cette décision apparait motivée par deux grandes considérations :
– premièrement, le rejet de dispositions qui offriraient un fondement à une relance de la production d’électricité d’origine nucléaire considérée comme une fuite en avant ou préjudiciable au développement des énergies renouvelables ;
– deuxièmement, le caractère redondant des mentions insérées au regard des objectifs déjà énoncés à l’article 3 de la proposition de loi en ce qui concerne l’énergie nucléaire.
● Du point de vue de votre rapporteur, l’opportunité de la précision apportée en ce qui concerne le contenu de la présentation de la PPE apparait discutable au vu des obligations déjà établies par le droit en vigueur.
S’agissant de la synthèse de la PPE prévue par l’article L. 141-1 du code de l’énergie, la loi prévoit déjà que la synthèse doit être pédagogique et accessible au public. En ce qui concerne la présentation de la PPE par le Gouvernement, le respect de l’obligation établie par l’article L. 141-4 du code de l’énergie suppose la communication aux assemblées d’informations sur l’ensemble de ses volets et, par conséquent, sur la politique menée par le Gouvernement dans l’ensemble des secteurs de la politique énergétique couverts par la programmation.
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Article 13 bis
(article L. 141-1 du code de l’énergie)
Exposé de la stratégie française pour l’énergie et le climat dans la synthèse de la programmation pluriannuelle de l’énergie
Supprimé par la commission
Cet article vise à ce que la synthèse de la programmation pluriannuelle de l’énergie destinée au public comporte une présentation de la stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec). À cet effet, il complète les dispositions de l’article L. 141-1 du code de l’énergie afin d’inclure au sein de cette synthèse un « exposé » relatif à la Sfec.
A. DES POLITIQUES PUBLIQUES ordonnées par des instruments sectoriels
En l’état du droit, les orientations et objectifs fixés par les pouvoirs publics en matière de lutte contre les dérèglements climatiques et de politique énergétique figurent aujourd’hui dans trois grands documents.
● Instituée par la loi pour la croissance verte du 17 août 2015 ([108]), la stratégie nationale bas carbone (SNBC) a pour objet la définition des mesures nécessaires à la réduction des gaz à effets de serre et à l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050. Aux termes de l’article L. 222-1-B du code de l’environnement, elle prend la forme d’un décret qui, par ailleurs, répartit le budget carbone pour une période de cinq ans par grands secteurs, notamment ceux pour lesquels la France a pris des engagements européens ou internationaux. La SNBC doit prendre en compte les spécificités du secteur agricole.
● Dispositif mis en place depuis 2011, le plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) vise à prévoir les actions nécessaires afin de faire face aux impacts visibles et attendus des dérèglements climatiques (canicules, inondations, sécheresses, érosion côtière, incendies de forêt, perte de biodiversité, etc.). Le troisième Pnacc regroupe ainsi 200 actions qui correspondent à 5 axes majeurs de l’action publique : la protection de la population ; la résilience des territoires, des infrastructures et des services essentiels ; l’adaptation des activités humaines (économiques, alimentaires et énergétiques) ; la protection du patrimoine naturel et culturel ; la mobilisation des forces vives de la Nation afin de réussir l’adaptation au changement climatique.
La dernière phrase de l’article L. 141-1 du code de l’énergie prévoit que la PPE doit faire l’objet d’une « synthèse pédagogique accessible au public ».
B. la stratégie française SUR L’Énergie et le climat, un cadre programmatique des politiques publiques
● Instituée en 2015, la stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec) se présente comme un outil de planification destiné à ordonner l’ensemble des documents programmatiques. Elle fait l’objet d’une révision tous les cinq ans et se matérialise par des textes adoptés par décret.
Son établissement complète la mise en œuvre de l’obligation faite aux États membres par le droit de l’Union européenne de formaliser un plan national intégré en matière d’énergie et de climat (Pniec) ([109]). La Sfec doit tenir compte des objectifs du paquet « Ajustement à l’objectif 55 ».
Elle est ainsi constituée par :
– la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie prévue par l’article L. 100-1 A du code de l’énergie ;
– la programmation pluriannuelle de l’énergie, formalisée par les documents prévus aux articles L. 141-1 à L. 141-5 du code de l’énergie ;
– la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ;
– le plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc).
● La SNB3 couvre la période 2025-2035. Un document préparatoire a été publié par le Gouvernement en novembre 2024 et a fait l’objet d’une concertation publique et de groupes de travail. Une synthèse des avis devait être publiée à l’issue des concertations.
II. Le dispositif proposÉ par le SÉnat : une mesure de publicitÉ censÉe assurer la cohérence de la sfiec
● La création de l’article 13 bis résulte de l’adoption par le Sénat – avec un avis favorable de la commission et une demande de retrait du Gouvernement – d’un amendement du sénateur Franck Montaugé et plusieurs des membres du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Le texte prévoit que la synthèse de la PPE destinée au public doit comporter un exposé de la stratégie française pour l’énergie et le climat mise en œuvre par le Gouvernement pour les atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. À cet effet, il complète la dernière phrase de l’article L. 141-1 du code de l’énergie qui, en l’état, se borne à indiquer que la synthèse de la PPE doit posséder un caractère « pédagogique ».
● Ainsi qu’il ressortait de l’exposé des motifs de l’amendement à l’origine de l’article additionnel, la mesure vise à créer les conditions d’une intégration des objectifs et chiffres de la Sfec, s’agissant notamment de l’électricité produite à partir d’énergie renouvelable. Il s’agirait, par ce biais, de garantir la conformité de la PPE à cette stratégie.
Pour autant, l’ajout de développements supplémentaires au sein de la synthèse de la PPE ne présente pas une réelle portée opérationnelle au regard de cet objectif.
D’une part, l’exposé de la Sfec n’affecte en rien la détermination des orientations et objectifs de la PPE, puisque la synthèse prévue par l’article L. 141-1 du code de l’énergie constitue une annexe et ne possède pas en soi une portée programmatique. Dès lors, rien n’assure qu’elle contribue à la cohérence des documents de la PPE et de la Sfec.
D’autre part, la Sfec donne lieu à des concertations et à l’établissement de documents de nature à en assurer la publicité. Aussi, il peut être considéré que l’introduction d’un exposé au sein de la synthèse de la PPE ne contribuerait pas à améliorer la connaissance du public et pourrait, au contraire, nuire à la pédagogie autour de la déclinaison opérationnelle de la loi de programmation pluriannuelle.
III. la position de la commission
Par l’adoption de deux amendements identiques, dont celui présenté par votre rapporteur ([110]), la commission a supprimé l’article 13 bis de la proposition de loi, ses membres souscrivant à l’analyse suivant laquelle le droit en vigueur comportait déjà des dispositions de nature à assurer la publicité de la Sfec et la complétude du contenu de la PPE.
Ainsi que l’a souligné de votre rapporteur, la mesure proposée par le Sénat comporte en outre le risque, au contraire, d’alourdir la lecture d’un document dont la loi exige qu’il soit compréhensible et pédagogique.
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titre ii
Poursuivre une simplification idoine des normes applicables aux projets d’Énergie et d’hydrogÈne, nuclÉaires comme renouvelables
Chapitre Ier
Simplifier les normes applicables aux projets d’énergie nucléaire
Article 14
(articles 7 et 14 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes)
Renforcement de certaines mesures de la loi d’accélération du nucléaire
de 2023
Supprimé par la commission
Cet article modifie trois dispositions de la loi d’accélération du nucléaire du 22 juin 2023 :
– il allonge la durée d’application des dispositions dérogatoires de cette loi de 20 à 27 ans, soit jusqu’en 2050 ;
– les petits réacteurs modulaires n’auront plus besoin d’être implantés à proximité d’une autre installation nucléaire de base pour bénéficier des dispositions d’accélération de cette loi ;
– il prévoit que la concession d’utilisation du domaine public maritime nécessaire à la réalisation d’un réacteur nucléaire puisse être conclue pour une durée maximale de cinquante ans, contre trente ans en droit commun.
A. Les dispositions de la loi d’accÉlÉration du nuclÉaire
Le titre II de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dite « loi d’accélération du nucléaire », a pour objectif de faciliter la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Il a ainsi traduit la volonté de relance de cette filière, annoncée par le Président de la République lors du discours de Belfort, en février 2022. Cette loi avait été précédée d’une loi ayant pour objectif d’accélérer la production d’énergies renouvelables, dite loi « Aper », promulguée en mars 2023 ([111]).
Les dispositions contenues dans la loi d’accélération du nucléaire permettent pour l’essentiel de simplifier les procédures d’urbanisme applicables, mais aussi de débuter la réalisation de certains travaux avant la délivrance de l’autorisation de création de la centrale, à l’exception de ceux liés à l’îlot nucléaire.
Ces dispositions dérogatoires sont encadrées dans le temps comme dans leur périmètre géographique d’application. Ainsi, l’article 7 de la loi d’accélération du nucléaire prévoit qu’elles s’appliquent uniquement :
– aux installations nucléaires de base (INB) dont la demande d’autorisation de création est déposée au cours des 20 ans suivant la promulgation de la loi, soit jusqu’en 2043 ;
– aux seuls réacteurs électronucléaires, dont les petits réacteurs modulaires, situés à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une INB existante. Un décret est venu préciser cette notion de proximité immédiate, qui varie de 500 mètres pour une installation située sur le territoire d’une commune littorale à 5 km, voire, à titre dérogatoire et sous réserve de certaines conditions liées notamment au nombre de personnes vivant à proximité, jusqu’au périmètre du plan particulier d’intervention déjà existant ([112]).
Les principales mesures de simplification prévues par cette loi sont résumées dans le tableau ci-après.
Principales mesures prévues par la loi d’accélération du nucléaire de 2023
N° article |
Objet |
8 |
Mise en compatibilité simplifiée des documents d’urbanisme avec un projet de réalisation d’un réacteur électronucléaire grâce à la qualification de projet d’intérêt général (PIG) |
9 |
Dispense d’autorisation d’urbanisme pour la réalisation de réacteurs électronucléaires, la conformité aux règles d’urbanisme étant vérifiée dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale ou d’autorisation de création du réacteur Absence de décompte de l’artificialisation des sols ou de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers dans les objectifs locaux et régionaux du « zéro artificialisation nette » (ZAN) |
11 |
Réalisation anticipée des travaux de réalisation d’un réacteur électronucléaire dès l’autorisation environnementale, hors ceux liés à l’îlot nucléaire |
12 |
Reconnaissance d’une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) à la réalisation d’un réacteur électronucléaire |
13 |
Dérogations aux dispositions de la loi « Littoral » pour la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires |
14 |
Possibilité de délivrer la concession d’utilisation du domaine public maritime à l’issue de l’enquête publique et sans déclaration d’utilité publique préalable |
15 |
Application de la procédure d’expropriation avec prise de possession immédiate à la construction de réacteurs électronucléaires |
16 |
Pouvoirs de régularisation reconnus au juge administratif en matière de contentieux des procédures applicables aux projets de construction de réacteurs électronucléaires |
Il est également prévu que ces dispositions d’accélération puissent s’appliquer, par arrêté ministériel, aux installations d’entreposage de combustibles usés.
Dans sa décision sur la loi d’accélération du nucléaire de 2023, le Conseil constitutionnel n’a pas remis en cause la durée d’application de ces dispositions ([113]). Il a rappelé qu’en adoptant des mesures destinées à accélérer la construction de réacteurs électronucléaires, le législateur a « entendu créer les conditions qui permettraient d’augmenter les capacités de production d’énergie nucléaire afin notamment de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il a ainsi mis en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l’indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique, et poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement ».
B. Les autres dispositions d’accÉlÉration du nuclÉaire intervenues depuis la loi de 2023
1. Les dispositions relatives à la commande publique de la loi « sûreté nucléaire » de 2024
Le chapitre Ier du titre II de la loi n° 2024-450 du 21 mai 2024 relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire, dite loi « sûreté nucléaire », contient des dispositions en matière de commande publique permettant de faciliter les projets de construction de réacteurs nucléaires, mais aussi d’installations nucléaires de recherche, de sites d’entreposage, ou la réalisation d’opérations de démantèlement et de réhabilitation de sites nucléaires.
Il permet notamment de déroger à l’obligation d’allotissement des marchés publics ainsi qu’à la durée maximale des accords-cadres. Il facilite également le recours à des avenants pour modifier un marché public pour de tels projets, sans qu’une mise en concurrence soit nécessaire.
2. Les dispositions facilitant l’aménagement de sites liés aux chantiers nucléaires dans la proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement
L’article 3 bis de la proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement ([114]), adoptée par l’Assemblée nationale et en cours d’examen au Sénat, vise à compléter la loi d’accélération du nucléaire par un nouvel article 9-1. Celui-ci permet de dispenser de toute formalité d’urbanisme les constructions, installations et aménagements présentant un caractère temporaire et qui sont soit directement liés à la réalisation d’un réacteur électronucléaire, soit nécessaires au logement, à l’hébergement et aux déplacements des personnes qui travaillent sur le chantier. Il crée donc, pour ces seuls chantiers nucléaires, un régime de permis d’aménager précaire, qui s’inspire du permis de construire précaire ([115]).
Les projets susmentionnés doivent cependant être soumis à l’accord préalable du préfet de département et ne peuvent être installés pour plus de dix ans. Ils sont également soumis, lorsque cela est estimé nécessaire compte tenu de la sensibilité du terrain d’assiette, à la constitution de garanties financières pour assurer la remise en état du terrain lors de la fin du chantier. Enfin, ce régime de permis d’aménager ne peut pas être utilisé dans certaines zones particulièrement sensibles, définies par les plans de prévention.
II. Le dispositif proposÉ
A. les dispositions initiales de la proposition de loi
La proposition de loi du Sénat renforce certaines des dispositions dérogatoires au droit commun de la loi d’accélération du nucléaire de 2023, dans le but de faciliter la construction de réacteurs électronucléaires.
1. L’allongement de la durée d’application des dispositions d’accélération de la loi de 2023 de 20 à 27 ans
En premier lieu, l’article 14 allonge de 20 à 27 ans la durée d’application des mesures dérogatoires de la loi d’accélération du nucléaire de 2023 (1° a) de l’article), qui courront donc jusqu’en 2050.
Le Sénat justifie cet allongement par le fait que l’article 3 de la proposition de loi marque clairement la relance du nucléaire et qu’il permettra de disposer de davantage de visibilité.
Lors de l’examen de la loi d’accélération du nucléaire en 2023, le Sénat avait déjà adopté un amendement, en séance publique, allongeant ce délai à 27 ans ([116]). Cette durée avait cependant été ramenée à 20 ans lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale.
Les dispositions dérogatoires s’appliqueraient pour les demandes d’autorisation de création d’INB déposées durant cette période de 27 ans. Cela signifie donc qu’une telle disposition laisse une grande latitude à la mise en place du programme de relance du nucléaire décidée par le Gouvernement, dans la mesure où la demande d’autorisation de création d’un réacteur est déposée assez tôt dans le processus de construction : par exemple, celle pour les futurs EPR2 de Penly a été déposée par EDF en juin 2023.
2. La suppression du critère d’implantation à proximité d’une INB existante pour les projets de SMR souhaitant bénéficier des meures d’accélération
L’article 14 supprime la nécessité pour les petits réacteurs modulaires (PRM, également appelés Small Modular Reactors ou SMR) d’être implantés à proximité d’une INB existante pour bénéficier des mesures de la loi d’accélération du nucléaire de 2023 (1° b de l’article). Autrement dit, tous les PRM, quel que soit leur lieu d’implantation, bénéficieront des mesures d’accélération de la loi – les réacteurs nucléaires « classiques » demeurant, eux, soumis à ce critère de proximité.
Le rapport du Sénat sur la proposition de loi souligne qu’une telle suppression du critère de proximité pour les PRM répondrait mieux aux besoins de ces réacteurs et permet « de mieux intégrer l’innovation au cadre légal ».
On peut cependant faire observer qu’à date, la première demande d’autorisation de création d’un petit réacteur modulaire date de mai 2024. Sur la dizaine de projets de petits réacteurs modulaires recensés par l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), seuls deux sont en phase réglementaire, c’est-à-dire en phase de pré-instruction ou d’instruction de la demande d’autorisation de création ([117]).
3. L’allongement de la durée de la convention d’utilisation du domaine public maritime à 50 ans
Certains réacteurs électronucléaires ont vocation à être implantés en bord de mer (Penly, Gravelines) et pourraient donc nécessiter de se voir délivrer une convention d’occupation du domaine public maritime (CUDPM) ([118]).
Aujourd’hui, la durée maximale d’une CUDPM est fixée par voie réglementaire à 30 ans ([119]). Une exception est cependant prévue pour les CUDPM relatives aux éoliennes en mer et à leurs ouvrages de raccordement, pour lesquelles la durée maximale est portée à 50 ans.
Le rapport d’application sur la loi d’accélération du nucléaire des députés Maud Bregeon et Sébastien Jumel avait souligné l’intérêt d’étudier un allongement de 30 à 50 ans de la durée des CUDPM pour les réacteurs nucléaires, compte tenu de la durée de fonctionnement de ces installations, qui est bien supérieure à 30 ans ([120]).
B. les modifications apportÉes par le sÉnat
Lors de l’examen de la proposition de loi par les sénateurs en commission des affaires économiques, un amendement des rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet a été adopté, afin d’étendre la durée d’application des mesures d’accélération de la loi de 2023 de 20 à 27 ans pour les projets d’installation d’entreposage de combustibles nucléaires (1° bis de l’article). Un arrêté ministériel est toujours nécessaire pour que les mesures d’accélération de la loi nucléaire puissent s’appliquer à de telles installations.
Aucun amendement n’a ensuite été adopté par le Sénat en séance publique sur cet article.
III. La position de la commission
La commission a adopté les amendements de suppression CE557 du rapporteur, CE208 de Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP), CE247 de M. Karim Benbrahim (SOC) et CE393 de Mme Julie Laernoes (EcoS).
Sans contester la légitimité de certaines propositions présentées par voie d’amendement, votre rapporteur a défendu la suppression de l’ensemble des articles du titre II de la proposition de loi, afin de se concentrer sur les dispositions programmatiques contenues dans le titre I. La priorité est en effet de disposer d’une loi de programmation. Les débats sur ce seul sujet sont déjà denses et resserrer le champ du texte doit permettre de donner à ces débats toute la place qu’ils méritent, tout en augmentant les chances de parvenir à un texte commun avec le Sénat.
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Article 15
(articles 7, 9, 12 et 13 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes)
Application au projet Iter de certaines mesures de simplification de la loi « accélération du nucléaire »
Supprimé par la commission
Cet article propose d’appliquer au projet de réacteur expérimental de fusion thermonucléaire Iter certaines des dispositions de la loi d’accélération du nucléaire de 2023, relatives à la dispense des formalités d’urbanisme, à l’absence de prise en compte de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers et artificialisés induite par ce projet dans l’atteinte des objectifs locaux et régionaux de réduction de l’artificialisation des sols, à l’octroi de la raison impérative d’intérêt public majeur et à la dérogation aux dispositions de la loi « Littoral ».
A. Les dispositions de la loi d’accÉlÉration du nuclÉaire
Les dispositions de la loi d’accélération du nucléaire de 2023 ont déjà été présentées dans le cadre du commentaire de l’article 14 de la proposition de loi.
Ces dispositions d’accélération s’appliquent aux réacteurs électronucléaires, y compris les petits réacteurs modulaires. Elles peuvent également s’appliquer aux installations d’entreposage de combustible usé par arrêté interministériel.
B. le projet iter
Le projet de création d’un réacteur expérimental de fusion thermonucléaire, dénommé Iter (pour International Thermonuclear Experimental Reactor), est un projet dont les premières racines datent de 1985 ([121]). Son objectif est de parvenir à démontrer, à travers la construction puis le fonctionnement d’un réacteur expérimental – un tokamak – que la fusion peut être utilisée comme source d’énergie à grande échelle afin de produire de l’électricité. La fusion consiste à faire réagir des isotopes de l’hydrogène (deutérium et tritium), ce qui conduit à libérer de très importantes quantités d’énergie.
Les membres d’Iter sont la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée, la Russie, les États-Unis et les États membres de l’Union européenne, soit 33 pays au total. Un accord constitutif a été signé entre les membres en 2006.
La construction du réacteur a débuté en 2012. L’autorisation de création associée a été délivrée en 2012. Le réacteur est implanté sur un site de 42 hectares dans le département des Bouches-du-Rhône, à Saint-Paul-lès-Durance. L’Europe assume 45,6 % du coût de construction du réacteur.
L’assemblage du tokamak proprement dit a commencé en 2020. En 2024, une nouvelle feuille de route pour la suite du chantier a été présentée. Le début de l’exploitation du réacteur est prévu pour 2034, l’intensité magnétique maximale devant être atteinte en 2036 et la phase d’exploitation deutérium-tritium en 2039.
Le projet a régulièrement fait l’objet d’interrogations, compte tenu des nombreux retards et surcoûts. Ainsi, à l’été 2024, un retard d’au moins huit ans était annoncé, de même qu’un surcoût minimal de 5 milliards d’euros (Md€). Le coût était auparavant déjà estimé entre 20 et 40 Md€ ([122]).
Il peut être relevé que le titre V de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche prévoit des dispositions visant à faciliter la réalisation du projet Iter. Certaines sont d’ailleurs similaires à celles de la loi d’accélération du nucléaire de 2023 : il en va ainsi de la faculté de recourir à la procédure d’expropriation avec prise de possession immédiate, prévue à l’article 39 de la loi de 2006 et à l’article 15 de la loi nucléaire de 2023.
II. Le dispositif proposÉ
A. les dispositions initiales de la proposition de loi
L’article 15 de la proposition de loi applique au projet Iter certaines des dispositions prévues par la loi d’accélération du nucléaire de 2023, à savoir :
– le I de l’article 9 de cette loi, qui permet de dispenser la réalisation de ce projet des autorisations d’urbanisme associées, la conformité à ces règles devant être vérifiée lors de l’instruction de l’autorisation environnementale ou de l’autorisation de création ;
– le premier alinéa du II du même article 9, qui dispose que, pour l’application des dispositions financières en matière d’aménagement, l’exploitant du réacteur doit être regardé comme titulaire d’une autorisation de construire ;
– le IV de cet article 9, qui dispose que l’artificialisation des sols ou la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) résultant du projet n’est pas décomptée des objectifs locaux et régionaux du « zéro artificialisation nette » (ZAN). Le projet Iter est déjà inscrit à l’annexe II de l’arrêté ([123]) recensant les projets d’envergure nationale ou européenne (PENE) présentant un intérêt général majeur. Cette annexe dresse une liste indicative de projets qui pourraient bénéficier d’un décompte au niveau national, plutôt que local, de la consommation d’Enaf induite en application de la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux ;
– l’article 12 de cette loi, qui octroie aux projets de réacteurs électronucléaires une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM). La RIIPM facilite l’octroi de la dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées et à leur habitat ;
– et, enfin, son article 13, qui permet de déroger aux dispositions de la loi « Littoral », celle-ci restreignant les possibilités d’urbanisation dans de telles zones (construction obligatoirement en continuité de l’existant, interdiction de construction sur une bande littorale de cent mètres en dehors des espaces déjà urbanisés). Le projet Iter n’est cependant pas situé dans une zone soumise à la loi « Littoral ».
Ces dispositions s’appliqueraient donc à la réalisation du projet Iter, défini comme « l’ensemble des constructions, des aménagements, des équipements, des installations et des travaux liés à sa création ou à sa mise en service ainsi que ses ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité ». Telles que rédigées, les dispositions s’appliqueraient sans limite de durée, alors que, pour les réacteurs électronucléaires et les installations d’entreposage de combustibles usés, elles sont limitées aux autorisations de créations déposées dans les vingt ans suivant la promulgation de la loi.
Selon le rapport du Sénat sur la proposition de loi, les dispositions de l’article 15 répondraient à des besoins formulés par l’organisation Iter elle-même.
B. les modifications apportÉes par le sÉnat
Lors des débats au Sénat, aucun amendement n’a été adopté par la commission des affaires économiques sur cet article.
En revanche, en séance, un amendement rédactionnel des rapporteurs a été adopté, malgré une demande de retrait du Gouvernement.
III. La position de la commission
La commission a adopté les amendements identiques de suppression CE611 du rapporteur, CE220 de Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC), CE275 de M. Maxime Laisney (LFI-NFP) et CE394 de Mme Julie Laernoes (EcoloS), par cohérence avec la suppression de l’ensemble des dispositions de simplification contenues dans le titre II de la présente proposition de loi.
En outre, les dispositions de la loi « Accélération du nucléaire » ont été essentiellement conçues pour faciliter les étapes administratives préalables à la délivrance de l’autorisation environnementale et de l’autorisation de création. L’autorisation de création du réacteur Iter ayant été délivrée dès 2012, l’application de certaines de ces dispositions n’apparaît donc pas critique pour sécuriser l’avancement du chantier d’un tel projet.
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Article 16
(articles L. 1333-13-12, L. 1333-13-13, L. 1333-13-14 et L. 1333-13-18 du code de la défense)
Renforcement des sanctions applicables aux délits d’intrusion sur les sites nucléaires
Supprimé par la commission
Reprenant les dispositions d’un article adopté dans la loi d’accélération du nucléaire de 2023 mais censuré comme « cavalier législatif » par le Conseil constitutionnel, l’article 16 renforce les sanctions applicables en cas de délit d’intrusion sur un site nucléaire, tant pour les personnes physiques que morales.
Les dispositions de cet article reprennent les dispositions de l’article 26 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dite « loi d’accélération du nucléaire », article qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel. Les développements ci-après reprennent très largement ceux du rapport de notre collègue Maud Bregeon sur cette loi de 2023 ([124]).
I. l’État du droit
L’article L. 591-1 du code de l’environnement dispose que la sécurité nucléaire inclut, outre la sûreté nucléaire, la radioprotection et les actions de sécurité civile en cas d’incident, « la prévention et la lutte contre les actes de malveillance ». Dès lors, la lutte contre les intrusions sur les sites nucléaires est une composante à part entière de la sécurité nucléaire.
Les articles L. 1333-13-12 à L. 1333-13-18 du code de la défense détaillent les sanctions pénales applicables en cas d’intrusion sur des sites nucléaires, à la fois pour les installations nucléaires intéressant la dissuasion et pour les établissements et installations civiles abritant des matières nucléaires.
Les délits sanctionnés par ces articles du code de la défense sont les suivants, les peines correspondantes étant récapitulées dans un tableau présenté au II du présent commentaire d’article :
– article L. 1333-13-12 : s’introduire sans autorisation de l’autorité compétente à l’intérieur d’un site nucléaire ;
– article L. 1333-13-13 : encourager ou inciter quelqu’un à s’introduire sans autorisation de l’autorité compétente à l’intérieur d’un site nucléaire, lorsque cela est suivi d’effet ou lorsque cela n’est pas suivi d’effet – mais, dans ce dernier cas, « en raison de circonstances indépendantes de la volonté de leur auteur » ;
– article L. 1333-13-14 : aggravation des sanctions pénales applicables à l’intrusion sur un site nucléaire lorsqu’elle est commise en réunion, lorsque la personne prend indûment la qualité d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou lorsqu’elle est précédée ou accompagnée d’actes de destruction, de dégradation ou de détérioration. Une aggravation des sanctions est prévue lorsqu’il y a cumul de deux de ces circonstances ;
– article L. 1333-13-15 : aggravation des sanctions pénales applicables à l’intrusion sur un site nucléaire s’il y a usage ou menace d’une arme ou qu’elle est commise en bande organisée ;
– article L. 1333-13-16 : la tentative de commettre l’un des délits prévus aux articles L. 1333-13-12 à L. 1333-13-15 précédemment mentionnés est punie des mêmes peines ;
– article L. 1333-13-17 : peines complémentaires encourues par les personnes physiques coupables de l’une des infractions définies aux trois articles précédents ;
– article L. 1333-13-18 : lorsque les infractions définies aux articles L. 1333‑13-12 à L. 1333-13-15 sont commises par une personne morale, celle-ci peut encourir des peines complémentaires de confiscation, d’une part, et d’affichage ou de diffusion de la peine prononcée, d’autre part.
À l’occasion des travaux sur le rapport de la loi d’accélération du nucléaire de 2023, les services ministériels avaient indiqué qu’en pratique, soit les peines n’étaient pas appliquées, le caractère non-malveillant des intrusions étant retenu par le juge, soit que les peines prononcées étaient très inférieures aux maxima encourus.
II. Le dispositif proposÉ
L’article 16 de la proposition de loi propose de renforcer les peines applicables en cas d’intrusion sur les sites nucléaires. Il reprend la rédaction de l’article 26 de la loi d’accélération du nucléaire de 2023, article introduit en première lecture par le Sénat ([125]).
L’Assemblée nationale avait également adopté cet article dans une version modifiée : un amendement de la rapporteure Maud Bregeon ([126]) avait en effet ajusté l’augmentation des amendes et des peines d’emprisonnement soutenues par le Sénat, certaines modifications proposées n’étant manifestement pas proportionnées à l’objectif poursuivi ([127]).
La rédaction de l’article 16 reprend le point d’équilibre trouvé en commission mixte paritaire sur la loi d’accélération du nucléaire de 2023, qui avait conservé la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale à l’exception de la possibilité de dissolution de la personne morale concernée. Le tableau ci-dessous récapitule les sanctions pénales applicables en l’état actuel du droit et telles qu’elles seraient issues du présent article :
Alinéa art. 16 |
Délit visé par le code de la défense |
Sanction en vigueur |
Sanction proposée (évolution) |
2 |
Art. L. 1333-13-12 |
1 an de prison |
2 ans de prison (x2) 30 000 € d’amende (x2) |
3 |
2e alinéa de l’art. L. 1333-13-13 (fait d’encourager quelqu’un à s’introduire sur un site nucléaire, mais non suivi d’effet en raison de circonstances indépendantes de la volonté de l’auteur) |
6 mois de prison |
1 an de prison (x2) |
5 |
Art. L. 1333-13-14 |
3 ans de prison |
5 ans de prison (x1,6) |
6 |
Cumul de deux des trois points mentionnés à l’article L. 1333-13-14 |
5 ans de prison |
7 ans de prison (x1,4) |
7 |
Art. L. 1333-13-15 (durcissement des sanctions contre l’intrusion lorsqu’elle est commise avec usage ou menace d’une arme ou lorsqu’elle est commise en bande organisée) |
7 ans de prison |
10 ans de prison (x1,4) |
8 |
Art. L. 1333-13-18 (panel des sanctions complémentaires encourues lorsque l’infraction est commise par une personne morale) |
Possibilité : |
Ajout de la possibilité d’interdire de percevoir des aides publiques pendant 5 ans |
Cet article 26 avait été censuré par le Conseil constitutionnel au titre du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution comme étant un « cavalier législatif », c’est-à-dire des dispositions ne présentant pas de lien, même indirect, avec le texte initial. Il ne s’agissait donc pas d’une censure portant sur le fond de ces dispositions.
Le Sénat a souhaité réintégrer cet article censuré dans le cadre de la présente proposition de loi. Les rapporteurs du Sénat soulignent qu’il avait déjà reçu l’aval du Parlement et que la relance du nucléaire « nécessite d’être portée par des normes de sécurité et de sûreté renforcées ».
Cet article n’a pas été modifié lors de son examen au Sénat.
III. La position de la commission
La commission a adopté les amendements identiques de suppression CE606 du rapporteur, CE248 de M. Karim Benbrahim (SOC), CE287 de Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP) et CE394 de Mme Julie Laernoes (EcoS), par cohérence avec la suppression de l’ensemble des articles du texte ne se rapportant pas à des enjeux programmatiques.
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Article 16 bis
Possibilité de requalification par l’autorité administrative de matières radioactives en stocks stratégiques
Supprimé par la commission
La commission des affaires économiques, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur cet article (avis avec délégation au fond). Celle-ci s’est prononcée en faveur de la suppression de cet article et la commission des affaires économiques a, en raison de cette délégation au fond, suivi cette position.
L’article 16 bis de la proposition de loi, introduit en séance publique au Sénat, crée une catégorie de substances radioactives intitulée « stock stratégique », afin d’éviter l’éventuel classement de l’uranium appauvri en tant que déchet radioactif et de reconnaître son caractère stratégique dans la politique énergétique française.
I. L’État du droit
A. la classification des substances radioactives
Aux termes de l’article L. 542-1-1 du code de l’environnement, il existe deux types de substances radioactives :
– les matières radioactives, pour lesquelles une utilisation ultérieure est prévue ou envisagée, le cas échéant, après traitement ;
– les déchets radioactifs, pour lesquels aucune utilisation ultérieure n’est prévue ou envisagée ou qui ont été requalifiés comme tels par l’autorité administrative.
Si une substance radioactive est classée comme déchet par l’autorité administrative, le propriétaire de la substance est responsable de sa gestion durable, dans le respect de la protection de la santé des personnes, de la sécurité et de l’environnement, en application de l’article L. 542-1 du code de l’environnement. En cas de défaillance de leurs producteurs ou de leurs détenteurs, l’État est responsable en dernier ressort des substances lorsqu’elles ont été produites sur le territoire national et peut charger l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) d’en assurer la gestion.
Aux termes de l’article L. 542-13-2 du code de l’environnement, les propriétaires de matières radioactives, à l’exclusion des matières nucléaires nécessaires à la défense, informent les ministres chargés de l’énergie et de la sûreté nucléaire des procédés de valorisation qu’ils envisagent ou, s’ils ont déjà fourni ces éléments, des changements envisagés.
Des matières radioactives peuvent être requalifiées en déchets radioactifs si les perspectives de valorisation de ces matières « ne sont pas suffisamment établies » ([128]). Cette décision est prise par l’autorité administrative, après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). L’autorité administrative peut également annuler cette requalification dans les mêmes formes.
Comme l’affirme M. Jean-Luc Lachaume, ancien membre du collège des commissaires de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), lors d’une audition par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) le 3 décembre 2020, « la définition d’une matière valorisable n’est pas très précise, donc éminemment sujette à interprétation ». L’expertise de l’ASN, puis de l’ASNR, ainsi que les Plans nationaux de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) successifs permettent d’affiner sa définition.
Ainsi, dans un avis du 8 octobre 2020 ([129]), l’ASN propose le cadre d’analyse suivant :
– la valorisation d’une matière radioactive peut être considérée comme plausible si l’existence d’une filière industrielle est réaliste à un horizon d’une trentaine d’années ;
– pour toute perspective plus lointaine, il est nécessaire d’anticiper, d’une part, les besoins d’entreposage sur les durées correspondantes, plus longues qu’une trentaine d’années, dans des conditions sûres, et, d’autre part, la gestion possible de la matière radioactive en tant que déchet ;
– en tout état de cause, l’absence de perspective d’utilisation à l’horizon d’une centaine d’années doit conduire à requalifier la substance en déchet.
Le cinquième Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) comprend trois mesures visant à fournir un cadre d’évaluation au Gouvernement dans le cadre d’une éventuelle requalification d’une matière en déchet.
L’action MAT.1 prévoit que les producteurs de matières radioactives fournissent des plans qui détaillent les actions mises en œuvre et envisagées pour valoriser les matières radioactives produites. Ces documents doivent obligatoirement contenir des calendriers consolidés, des jalons décisionnels ainsi que des mesures de suivi qui sont annuellement actualisés. Ces documents sont communiqués au ministère chargé de l’énergie. Le plan dispose par ailleurs que ces actions doivent faire preuve de cohérence avec les orientations définies par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Un rapport de mise en œuvre de ces plans est remis un an avant l’échéance du PNGMDR, dans le but d’éclairer la concertation du public dans le cadre du prochain PNGMDR. Ces plans ont vocation à être publiés, dans le respect du secret industriel et commercial. Cette action est une obligation réglementaire mentionnée à l’article D. 542-82 du code de l’environnement, en application de l’article L. 542‑13-2 précité.
Le cinquième PNGMDR détaille les thèmes devant être traités par les plans relatifs à l’uranium appauvri (Uapp) :
– les conditions économiques de rentabilité du réenrichissement de l’uranium appauvri ;
– les conséquences énergétiques et environnementales du réenrichissement ;
– les volumes produits ;
– les débouchés envisageables ;
– les actions entreprises en vue de développer des voies de valorisation de l’uranium très appauvri ;
– les perspectives sur la disponibilité des capacités d’entreposage au regard des perspectives de croissance des stocks ;
– la part de matières issues de contrats avec des clients étrangers.
L’action MAT.2 prévoit que le Gouvernement soutient la recherche pour la valorisation des matières radioactives, par l’intermédiaire des programmes d’investissement d’avenir (PIA) et du Plan France Relance. La réutilisation de l’uranium appauvri est explicitement mentionnée par le PNGMDR comme l’un des objectifs de cette action.
Enfin, l’action MAT.3 prévoit que l’Andra poursuit l’étude des enjeux de gestion des matières en cas de requalification comme déchets. À ce titre, elle définit des scénarios de stockage adéquats. Les matières ciblées par l’Andra pour ces scénarios de stockage sont l’uranium appauvri, l’uranium de retraitement et les matières thorifères.
B. l’uranium appauvri est considÉRÉ comme une matiÈre radioactive
Aux termes de l’article 3 de l’arrêté du 23 février 2017, résultant du décret n° 2017-231 du 23 février 2017 pris pour application de l’article L. 542-1-2 du code de l’environnement et établissant les prescriptions du PNGMDR, l’uranium appauvri est considéré comme une matière radioactive.
L’ASNR définit l’uranium appauvri comme de « l’uranium dont la teneur en isotope 235, le seul fissile, est inférieure à son niveau naturel (0,72 % en masse). Il est principalement obtenu, d’une part en tant que co-produit d’une opération d’enrichissement (autour de 0,3 % de 235U), d’autre part en tant que sous-produit (1 % de 235U) d’un traitement de combustible usé après passage en réacteur ».
Selon la dernière mise à jour de l’Inventaire national des matières et déchets radioactifs établi par l’Andra ([130]) , la France compte 341 000 tonnes d’uranium appauvri sur son territoire à fin 2023, soit 10 000 tonnes de plus qu’en 2022. Les quantités d’uranium appauvri sont essentiellement détenues par société française du cycle du combustible nucléaire Orano.
Aujourd’hui, l’uranium appauvri peut être valorisé par deux procédés :
– l’emballage de protection radiologique de l’uranium de retraitement : actuellement, l’uranium appauvri est valorisé comme protection radiologique autour d’entreposage d’uranium de retraitement. L’uranium de retraitement est l’uranium récupéré dans l’usine de retraitement de La Hague après utilisation du combustible. L’uranium de retraitement est séparé du plutonium de retraitement et des déchets. L’uranium appauvri est utilisé pour protéger l’uranium de retraitement et le thorium (autre substance faiblement radioactive) ;
– la matrice des combustibles MOx : le combustible MOx est fabriqué à partir du plutonium retraité. Il est stabilisé dans une matrice d’uranium appauvri, ce qui permet d’avoir un combustible réutilisable. La fabrication de MOx utilise de l’ordre de 100 à 150 tonnes par an d’uranium appauvri.
Hormis ces perspectives de valorisation existantes, l’uranium appauvri pourrait être utilisé en étant réenrichi. L’uranium appauvri serait alors réintégré aux installations d’enrichissement, pour fabriquer de l’uranium réenrichi à la même teneur que l’uranium enrichi utilisé pour les réacteurs (de l’ordre de 5 % en uranium 235). À ce stade, l’industrialisation du procédé de réenrichissement n’est pas rentable au regard du coût de l’importation d’uranium naturel. En revanche, la dimension stratégique de l’uranium appauvri réside dans la possibilité de l’utiliser comme combustible en cas de crise d’approvisionnement en uranium naturel.
À plus long terme, l’uranium appauvri serait également utilisé en tant que support dans ces futurs combustibles et, à plus long terme, en support des combustibles des réacteurs à neutrons rapides (RNR). Le projet de PPE 3 soumis à concertation en novembre 2024 prévoit à ce titre le développement, à horizon de la fin du siècle au plus tard, d’un parc de RNR.
II. Le dispositif proposÉ
L’article 16 bis est issu d’un amendement portant article additionnel déposé par M. Stéphane Piednoir (LR) lors de l’examen en séance publique au Sénat. Il a reçu un avis favorable de la commission des affaires économiques et une demande de retrait du Gouvernement.
Cet amendement vise à créer une nouvelle catégorie de substance radioactive, intitulé « stock stratégique ». Aux termes de cet article, « l’autorité administrative peut également requalifier ces matières radioactives en stock stratégique quand existent des perspectives de valorisation dont l’opérabilité n’est pas encore établie ».
L’article vise à souligner la dimension stratégique de l’uranium appauvri pour asseoir son caractère de matière, en cohérence avec les dispositions du projet de la PPE 3. L’existence d’une catégorie de « stock stratégique » permettrait ainsi d’éviter la classification en déchet par l’autorité administrative en assouplissant la contrainte temporelle des perspectives de valorisation, ainsi qu’en reconnaissant l’intérêt stratégique de certaines matières.
Le rapporteur pour avis est défavorable au présent article, pour deux raisons.
D’une part, la portée juridique de la catégorie de « stocks stratégiques » n’est pas établie. La DGEC mentionne à ce titre que le régime juridique des substances radioactives – distinguant les matières et les déchets en fonction de leurs perspectives d’utilisation – en vigueur opère une séparation claire et suffisante. À ce titre, la dimension stratégique d’une matière pourrait être intégrée à l’appréciation des perspectives de valorisation mentionnées par l’article L. 542‑12‑3 du code de l’environnement. En outre, créer une nouvelle catégorie n’exonère pas les substances concernées d’être requalifiées en matières ou en déchets. Le ministre chargé de l’énergie, après consultation de l’ASNR, peut prononcer une telle requalification. Il paraît à ce titre peu probable que l’introduction de la notion de « stock stratégique » modifie sur le fond un avis que l’ASNR pourrait être amenée à donner sur un projet de décision de requalification. Comme l’écrit l’ASNR en réponse au questionnaire envoyé par le rapporteur pour avis, « les enjeux, notamment en termes de sûreté, seraient les mêmes pour des matières ou pour un stock stratégique, puisque leur gestion serait la même (un entreposage de long terme) et que c’est précisément le mode de gestion qui distingue matières et déchets, plus que leurs caractéristiques intrinsèques ».
D’autre part, les perspectives actuelles de valorisation de l’uranium appauvri, qui restent relativement réduites par rapport à l’augmentation continue du stock, invitent à la prudence. Dans son avis du 8 octobre 2020 ([131]) , l’ASN estimait « indispensable qu’une quantité substantielle d’uranium appauvri soit requalifiée, dès à présent, en déchet radioactif ». Cet avis était motivé d’une part par les efforts de recherche et de développement nécessaires à sa valorisation, ainsi que par le fait qu’à ce stade, aucune garantie sur les quantités potentiellement concernées n’avait été apportée. Dans les réponses au questionnaire envoyé par le rapporteur pour avis, l’ASNR considère aujourd’hui « qu’indépendamment de facteurs géostratégiques hors du champ de compétence de l’ASNR, les facteurs techniques ayant conduit au positionnement de l’ASNR dans son avis du 8 octobre 2020 n’ont pas évolué » :
– les perspectives d’augmentation du stock d’uranium appauvri sont durablement stables. Selon l’Inventaire national de l’Andra ([132]), ce stock s’établira à 471 000 tonnes en 2030 et 569 000 tonnes en 2040, pour un stock de 324 000 tonnes fin 2020 ;
– le statut de matière radioactive permet d’ores et déjà de remplir le critère de la perspective de valorisation économique par la production de combustible Mox ;
– le réenrichissement de l’uranium appauvri produirait d’autres stocks d’uranium appauvri, en quantités proches, et la réduction globale des volumes d’uranium appauvri qui résulterait du réenrichissement serait donc limitée ;
– les scénarii de multi-recyclage des matières radioactives permettant l’utilisation d’uranium montrent que le stock d’uranium appauvri croît jusqu’au déploiement d’un parc composé exclusivement de réacteurs à neutrons rapides (RNR), représentant alors l’équivalent de plusieurs millénaires de fonctionnement d’un tel parc.
– l’utilisation de l’uranium appauvri à d’autres fins que la production électronucléaire nécessite encore des efforts importants de recherche et développement et paraît largement incertaine à ce jour, a fortiori pour des quantités telles que celles qui existent présentement et dans le futur.
Par conséquent, le rapporteur pour avis souhaite conserver la rédaction actuelle de l’article L. 542-12-3 du code de l’environnement, et défend un amendement de suppression de l’article 16 bis de la proposition de loi.
III. Les travaux de la commission
La commission a adopté un amendement du rapporteur (CD88), ainsi que plusieurs amendements identiques, de suppression du présent article, dans la mesure où la catégorie de « stock stratégique » ne semble pas être pertinente, au regard de la faible proportion d’uranium appauvri faisant aujourd’hui l’objet d’une valorisation, en comparaison avec l’augmentation constante du stock actuel. En outre, la mise en fonctionnement des premiers réacteurs à neutrons rapides, dont l’uranium appauvri pourrait constituer un combustible, demeure prévue à moyen-long terme (« pour la fin du siècle au plus tard »), selon le projet de PPE 3 ([133]) . Dès lors, il semble inopportun de créer la catégorie de « stock stratégique » ; d’autant plus qu’elle n’exonèrerait pas l’uranium appauvri d’une possible requalification en déchet radioactif par l’autorité administrative, après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR).
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Chapitre II
Accroître la participation des collectivités territoriales à la transition énergétique
Article 17
(articles L. 2253-1, L. 3231-6 et L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales)
Renforcement des soutiens financiers des collectivités territoriales aux entreprises productrices d’énergie renouvelable ou d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone
Supprimé par la commission
Cet article tend à conforter la capacité des collectivités territoriales à apporter un concours financier aux entreprises dont l’objet social est la production d’énergie renouvelable ou d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone.
D’une part, il étend le champ des sociétés commerciales pouvant recevoir une avance en compte courant d’une durée de sept ans en y incluant celles qui assurent une production d’hydrogène renouvelable ou d’hydrogène bas-carbone bénéficiant d’un soutien public. D’autre part, il consacre la possibilité d’une participation conjointe des communes et de leurs groupements au capital d’entreprises productrices.
I. Le droit en vigueur : des concours financiers aux entreprises productrices d’énergies renouvelables relativement encadrés
Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019, dite loi « Énergie-climat » ([134]), les collectivités territoriales disposent de la faculté d’apporter un soutien financier aux sociétés anonymes (SA) et aux sociétés par actions simplifiée (SAS) dont l’objet social porte sur la production d’énergies renouvelables et d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone. Cette aide peut revêtir deux formes : le versement d’avances en compte courant et des prises de participation au capital social de ces entreprises.
Même si les lois du 22 août 2021, dite loi « Climat et résilience » ([135]) et du 21 février 2022, dite loi « 3 DS » ([136]), ont entendu faciliter le recours à de tels instruments, leur mise en œuvre effective n’en demeure pas moins suspendue à des exigences assez strictes et prêtant parfois à interprétation, du fait de leur caractère dérogatoire aux principes qui régissent les finances publiques locales.
A. des avances en compte courant conÇues comme des instruments d’intervention ponctuelle
Une « avance en compte courant » désigne des fonds apportés par un ou plusieurs associés afin de répondre à des besoins de trésorerie d’une société commerciale. Elle s’assimile à un prêt et confère à l’associé ou au dirigeant prêteur la qualité de créancier social. Les modalités de rémunération et de remboursement procèdent des statuts de l’entreprise ou d’une convention de compte courant conclue entre l’associé et l’entreprise.
Les collectivités territoriales peuvent apporter de tels fonds aux sociétés de production d’énergie renouvelable sur le fondement des articles L. 2253-1 (applicable aux communes et à leurs groupements), L. 3231-6 (pour les départements) et L. 4211-1 (relatif aux compétences des régions) du code général des collectivités territoriales (CGCT). Ces dispositions subordonnent l’octroi d’avances en compte courant à une participation directe au capital des sociétés, ainsi qu’au respect des principes de droit commun consacrés par l’article L. 1522-5 du CGCT, assortis de plusieurs dérogations.
La loi impose ainsi la signature d’une convention expresse entre la collectivité territoriale ou le groupement actionnaire, d'une part, et la société d'économie mixte locale, d’autre part. Le document doit prévoir, à peine de nullité :
1° La nature, l'objet et la durée de l'apport ;
2° Le montant et les conditions de remboursement, éventuellement de rémunération ou de transformation en augmentation de capital, dudit apport.
Au-delà d’un apport de fonds au prix du marché, le droit en vigueur encadre le recours aux avances en compte courant sur deux plans.
1. Un concours financier nécessairement temporaire
En vertu du quatrième alinéa de l’article L. 1522-5 du code général des collectivités territoriales, les avances en courant ne peuvent être consenties par des collectivités territoriales que pour une durée maximale de deux ans, renouvelable une fois. Le texte exige, à expiration de cette échéance, soit un remboursement des fonds apportés, soit leur transformation en augmentation de capital. Il interdit l’octroi de toute nouvelle avance par une même collectivité ou un même groupement avant le remboursement des fonds ou leur incorporation au capital. Il précise en outre qu’une avance ne peut avoir pour objet de rembourser une autre avance.
Dans le cas des sociétés productrices d’énergie renouvelable, les articles L. 2253-1, L. 3231-6 et L. 4211-1 du CGCT autorisent, par dérogation, des avances en compte courant d’une durée de sept ans, renouvelable une fois. La loi réserve toutefois cette mesure exorbitante du droit commun aux installations bénéficiant des mécanismes de soutien public destinés à pallier l’insuffisance des capacités de production au regard des objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en ce qui concerne l’électricité d’origine renouvelable et le biogaz. Cette mesure s’applique ainsi à la production pouvant donner lieu :
– au versement d’un complément de rémunération pour toute ou partie de l’électricité produite, en exécution des contrats d’achat et des contrats conclus avec l’autorité administrative après mise en concurrence (sur le fondement de l’article L. 311-12 du code de l’énergie) ;
– à la mise en œuvre de l’obligation d’achat de l’électricité par Électricité de France (EDF) ou les entreprises locales de distribution (en application de l’article L. 314-1 du code de l’énergie) ;
– à la perception d’un complément de rémunération avec EDF pour les installations implantées sur le territoire métropolitain continental (article L. 314-18 du code de l’énergie) ;
– à la dispense d’une autorisation pour la vente de biogaz injecté dans le réseau de gaz naturel (article L. 446-2 du code de l’énergie) ;
– à la conclusion d’un contrat d’achat de biogaz, dans le cadre d’un appel d’offres organisé par l’autorité administrative (dans les conditions fixées par l’article L. 446-5 du code de l’énergie) ;
– à un complément de rémunération en exécution des contrats accordés aux lauréats des procédures d’appel à projets et d’appel d’offres organisés par l’autorité administrative (en application, respectivement, des articles L. 446-14 et L. 446-15 du code de l’énergie).
2. Un plafonnement des fonds apportés aux sociétés
● Par principe, l’article L. 1522-5 du code général des collectivités territoriales exclut toute avance en compte courant à une société :
– si le montant de l’ensemble des avances déjà consenties à d’autres entreprises excède, avec cette nouvelle avance, 5 % des recettes réelles de la section de fonctionnement du budget des collectivités ou des groupements ;
– si, du fait des pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres de la société d'économie mixte sont devenus inférieurs à la moitié du capital social.
En outre, le texte dispose que la transformation d’une avance en augmentation de capital ne peut avoir pour effet de porter la participation des collectivités ou des groupements à plus de 15 % du capital social de l’entreprise.
● En ce qui concerne les sociétés commerciales productrices d’énergie renouvelable, les articles L. 2253-1, L. 3231-6 et L. 4211-1 du CGCT portent le plafond du montant global des avances pouvant être consenties à 15 % des recettes réelles de la section de fonctionnement du budget de chaque commune, de chaque département ou de leurs groupements attributaires ([137]). Cette disposition dérogatoire ne vaut que pour les SA et les SAS dont la production reçoit un soutien public dans le cadre des procédures destinées à atteindre les objectifs de la PPE et précédemment mentionnées.
La loi précise que les avances consenties postérieurement à toutes les sociétés dont les collectivités et leurs groupements sont actionnaires ne peuvent avoir pour effet de porter leur montant total au-delà du seuil de 15 %.
B. des participations tributaires de l’appréciation d’un interet à agir local
1. Une exception aux principes restreignant la participation publique locale au capital social d’entreprises
● La prise de participation des collectivités et de leurs groupements au capital de sociétés commerciales productrices d’énergie repose sur une dérogation établie par les articles L. 2253-1, L. 3231-6 et L. 4211-1 du CGCT (applicables respectivement aux communes et à leurs groupements, aux départements et aux régions).
Par principe, la loi exclut toute participation des communes et de leurs groupements au capital d’une société commerciale ou de tout autre organisme lucratif n’ayant pas objet d’exploiter les services communaux ou des activités d’intérêt général. La jurisprudence administrative donne à la notion « d’organisme à but lucratif » une acception assez large et englobante. Il ressort en effet de plusieurs jugements et arrêts que la prohibition s’applique à toutes les structures permettant de dégager des bénéfices ou des économies pour leurs membres ([138]).
En dehors d’autorisations prévues par décret en Conseil d’État, ce principe de non-intervention dans la marche de structures économiques privées connait pour seul tempérament la capacité reconnue aux collectivités :
– de créer et disposer d’une part significative du capital de sociétés d’économie mixte (SEM) ;
– de prendre des participations au sein d’entreprises qui, à raison de leur activité, contribuent à la réalisation d’un objectif d’intérêt général, dans des circonstances limitativement définies ([139]) ;
– de détenir des obligations de sociétés chargées d’exploiter des services publics industriels et commerciaux communaux (en application de l’alinéa 2 de l’article L. 2253-2 CGCT).
● S’agissant des sociétés de production d’énergie renouvelable ou d’hydrogène, l’implantation géographique de leurs installations constitue une condition sine qua non à la possibilité d’un investissement. Ainsi, le troisième alinéa de l’article L. 2253-1 du CGCT exige que ces dernières se trouvent :
– sur le territoire de la commune ou du groupement qui prend des parts au capital ;
– ou sur le territoire d’une commune limitrophe (pour la commune) ou d’un groupement limitrophe (pour le groupement) ;
En outre, cet alinéa précise que l’acquisition de ces actions peut être réalisée au moyen de la prise de participations au capital de sociétés commerciales ayant pour seul objet de détenir des actions de ces sociétés.
2. Une prise de participation des communes tributaire des conditions d’exercice de la compétence « Énergie »
a. Un possible morcellement entre les communes et les EPCI
Le droit en vigueur n’offre pas une définition d’ensemble des champs de politique publique que recouvre la compétence « Énergie » exercée par les collectivités ou leurs groupements. En cette matière, relèvent ainsi des communes :
– la concession des réseaux de distribution d’électricité et de gaz (article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales) ;
– l’aménagement et l’exploitation d’installations de production d’électricité (article L. 2224-32 du code général des collectivités territoriales) ;
– la création et l’entretien d’infrastructures de charge de véhicules électriques ou d’avitaillement en gaz ou en hydrogène de véhicules ou navires (article L. 2224-37 du code général des collectivités territoriales) ;
– la création et l’exploitation d’un réseau public de chaleur ou d’énergie (article L. 2224-38 du code général des collectivités territoriales).
À l’échelle intercommunale, la capacité d’intervention des établissements publics de coopération intercommunale dépend des compétences accordées par la loi et/ou des transferts consentis par les communes membres.
Ainsi, l’article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales reconnait aux communautés d’agglomération le droit à une compétence facultative en matière de soutien aux actions de maîtrise de la demande d’énergie.
L’article L. 5215-20 du même code attribue aux communautés urbaines la compétence de plein droit en matière de gestion des services d’intérêt collectif ayant pour objet : la contribution à la transition énergétique ; la création, l’aménagement, l’entretien et la gestion de réseaux de chaleur ou de froid urbains ; les concessions de la distribution publique d’électricité et de gaz ; la création et l’entretien des infrastructures de charge de véhicules électriques.
En outre, l’article L. 5211-17 du code général des collectivités territoriales autorise, à tout moment, les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale à lui confier tout ou partie des compétences dont le transfert n’est pas prévu par la loi ou par la décision institutive de l’établissement.
Ainsi que le montre cette énumération, la compétence « Énergie » revêt un caractère « sécable » : les compétences que les établissements publics de coopération intercommunale peuvent exercer en application de la loi ne portent que sur des domaines circonscrits et où les communes peuvent conserver un champ d’intervention, dont l’étendue procède des transferts consentis par délibération.
b. Des principes généraux du droit de nature à restreindre les interventions conjointes entre collectivités et groupements
Les rapports entre communes et établissements publics de coopération intercommunale sont régis par deux principes qui, fondamentalement, visent à prévenir une concurrence dans l’exercice des compétences.
● En premier lieu, le principe de spécialité impose que les personnes publiques autres que l’État ne peuvent assumer que les responsabilités et activités pour lesquelles elles ont été créées.
Il fait obstacle à ce que les établissements publics de coopération intercommunale – à l’instar d’autres établissements publics – exercent d’autres compétences que celles explicitement transférées par la loi ou par les communes membres et qui figurent dans leurs statuts, suivant un principe de spécialité fonctionnelle. Le principe de spécialité territoriale implique que l’établissement ne puisse intervenir qu’à l’intérieur de son périmètre géographique.
Il convient ici de rappeler que, d’une part, les transferts de compétence d’une commune à un établissement public de coopération intercommunale ne peuvent être réalisés que sur le fondement d’une décision expresse de la commune, intervenue dans les formes et suivant les procédures fixées par la loi : ces transferts ne peuvent, en aucun cas, résulter d’une simple pratique ou d’une décision implicite. D’autre part, les compétences concernées doivent faire l’objet d’une définition précise dans les statuts de l’établissement public de coopération intercommunale : à défaut, l’arrêté préfectoral prononçant le transfert de compétences risque l’annulation par le juge administratif ([140]).
Les juridictions administratives semblent se référer volontiers aux statuts des établissements publics de coopération intercommunale concernés et se livrent à une interprétation stricte de la définition des compétences transférées ([141]).
● En second lieu, le principe d’exclusivité interdit à une commune d’exercer tout ou partie de la compétence transférée à un établissement public de coopération intercommunale. Le respect de ce principe conduit à exclure concrètement toute intervention juridique, opérationnelle ou financière dans les matières expressément confiées à l’établissement : seul ce dernier possède la qualité pour agir en ces domaines. La création de l’établissement public de coopération intercommunale emporte donc un dessaisissement immédiat et total des communes pour ce qui concerne les compétences transférées.
Il s’agit là d’une solution établie par la jurisprudence administrative ([142]) qui, désormais, trouve un fondement supplémentaire dans les dispositions du code général des collectivités territoriales qui définissent les compétences des établissements.
Les articles L. 5214-16, L. 5216-5 et L. 5215-20 du même code habilitent ainsi, respectivement, les communautés de communes, les communautés d’agglomération et les communautés urbaines à exercer les attributions qu’ils énumèrent « au lieu et place des communes membres ».
II. Le dispositif proposÉ par le SÉnat
Adopté par le Sénat sans modification par rapport à la rédaction initiale de la proposition de loi, l’article 17 vise à étayer la capacité reconnue aux collectivités territoriales et à leurs groupements de participer, à titre subsidiaire, au capital de sociétés commerciales productrices d’énergie renouvelable.
1. Un élargissement du champ des énergies pouvant donner lieu au versement d’une avance en compte courant d’une durée prolongée
L’alinéa 2 de l’article 17 étend à la production d’hydrogène renouvelable ou d’hydrogène bas-carbone par électrolyse de l’eau les dispositions autorisant l’octroi d’une avance en compte courant, renouvelable une fois. À cet effet, il inclut l’article L. 812-1 du code de l’énergie parmi les références aux énergies pouvant prétendre au bénéfice de la dérogation établie au troisième alinéa de l’article L. 2253-1, à la cinquième phrase de l’article L. 3231-6 et à la dernière phrase du 14° de l’article L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales.
L’extension de la faculté accordée aux communes, à leurs groupements, aux départements et aux régions ne vaut que pour les productions d’hydrogène :
– dont les caractéristiques répondent aux définitions formalisées par l’article L. 811-1 du code de l’énergie ;
– qui reçoivent un soutien public dans le cadre des procédures visant à assurer la réalisation de l’objectif relatif au développement de l’hydrogène bas-carbone et de ses usages dans les domaines industriel, énergétique et de la mobilité (10° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie) : organisé par les articles L. 812-2 à L. 812-10 du même code, ce soutien peut prendre la forme soit d’une aide au fonctionnement, soit de la combinaison d’une aide financière à l’investissement et d’une aide au fonctionnement, après mise en concurrence et signature d’un contrat avec l’autorité administrative.
En l’absence de toute précision contraire, les communes, les départements et leurs groupements demeurent soumis aux conditions relatives au plafonnement des avances en courant à 15 % des recettes réelles de la section de fonctionnement. La proposition de loi ne remet pas davantage en cause les prescriptions de l’article L. 1522-1 du code de l’énergie que le droit en vigueur n’écarte pas expressément.
2. L’affirmation de la possibilité, pour les communes et leurs groupements, d’être présents au sein d’une même société productrice d’ENR
L’alinéa 3 de l’article 17 consacre la capacité des communes et des établissements publics de coopération intercommunale de souscrire et de détenir simultanément des parts du capital social d’une même société productrice d’énergie renouvelable. À cet effet, le texte complète le troisième alinéa de l’article L. 2253-1 du code général des collectivités territoriales, qui définit les conditions de cette dérogation en y insérant une phrase établissant la licéité de cette participation conjointe.
Ce faisant, il tend à écarter l’application les principes de spécialité et d’exclusivité.
La présence des communes et de leurs groupements au capital de sociétés demeure conditionnée au respect des exigences portant sur la localisation des installations. En l’occurrence, le troisième alinéa de l’article L. 2253-1 du CGCT réserve la possibilité d’un tel investissement aux entreprises implantées sur le territoire de la commune ou du groupement, sur le territoire d’une commune limitrophe de la commune participant au capital ou, pour le groupement, sur le territoire d’un groupement limitrophe.
Ainsi qu’il ressort des travaux des rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet ([143]), l’article 17 participe d’une position constante du Sénat, réitérée en dernier lieu lors de l’examen de la loi du 10 mars 2023, dite loi « Aper » ([144]). Pour autant, l’intervention conjointe des communes et des établissements publics de coopération intercommunale auxquels elles appartiennent au capital de sociétés commerciales ne va pas de soi.
D’une part, en l’absence de tout aménagement de la répartition des compétences entre EPCI et communes, la mesure met en cause l’application de principes conçus afin de prévenir une concurrence dans l’exercice des compétences. Comme précédemment indiqué, il s’agit, en premier lieu, du principe de spécialité qui interdit aux EPCI d’exercer d’autres compétences que celles explicitement transférées par la loi ou par les communes membres. En second lieu, le principe d’exclusivité interdit à une commune d’exercer tout ou partie de la compétence transférée à un établissement public de coopération intercommunale : le respect de ce principe conduit à exclure concrètement toute intervention juridique, opérationnelle ou financière dans les matières expressément confiées à l’établissement.
D'autre part, l'intérêt de soutenir le développement de la production d'énergie renouvelable ne doit pas conduire à sous-estimer un risque : celui d'exposer les collectivités aux aléas qui entourent une prise de participation dans une activité industrielle et commerciale. Une intervention conjointe augmenterait les immobilisations financières, alors que les communes peuvent parfaitement accroitre leur effort par l'intermédiaire de l'établissement public de coopération intercommunale.
III. la position de la commission
Par l’adoption de trois amendements identiques (CE609 de votre rapporteur, CE237 de Mme Marie-Noëlle Battistel et des membres du groupe socialistes et apparentés et CE396 de Mme Julie Laernoes et des membres du groupe écologiste et social), la commission a supprimé l’article 17 de la proposition de loi.
Au soutien de leurs initiatives, les auteurs des amendements ont mis en avant deux raisons principales :
– de la part du groupe écologiste et social, une opposition à la participation des collectivités territoriales et de leurs groupements à des sociétés productrices d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone, fondée sur la crainte d’un détournement des dispositifs publics et des dynamiques locales au profit de technologies jugées peu vertueuses sur le plan climatique, peu matures, extrêmement coûteuse et à faible pertinence territoriale ;
– de la part de votre rapporteur et du groupe Socialistes et apparentés, la volonté de n’établir, dans le cadre de la proposition de loi, que des dispositions relatives à la programmation de l’énergie.
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Article 17 bis
(article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales)
Délégation aux autorités organisatrices de la distribution d’électricité de compétences relatives au développement des énergies renouvelables et rôle de coordination de ces autorités
Supprimé par la commission
Cet article vise à faciliter l’exercice, par les autorités organisatrices de la distribution d’électricité autres que les communes et leurs groupements, des compétences attribuées aux collectivités territoriales aux fins de soutien à la production d’énergies renouvelables et à la maîtrise de l’énergie.
Ces autorités pourraient ainsi, d’une part, réaliser les actions d’aménagement et d’exploitation de certaines installations porteuses d’économies d’énergie et de réduction des pollutions atmosphériques et, d’autre part, assumer les rôles de coordinateur de la transition énergétique et d’acteur de la maîtrise de la consommation d’énergie.
I. Le droit en vigueur : un rôle central des collectivitÉs territoriales dans la gestion des réseaux d’ÉlectricitÉ et des compétences croissantes dans la transition ÉnergÉtique
En dépit des transformations induites par la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 ([145]) dans la gestion effective des infrastructures de production et de distribution, les collectivités territoriales et leurs groupements conservent des prérogatives essentielles dans le développement et la maintenance des réseaux publics d’électricité et de gaz. Conformément aux dispositions de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ([146]), renforcées par les lois du 8 novembre 2019, dite loi « Énergie-climat » ([147]), et du 22 août 2021, dite loi « Climat et résilience » ([148]), ce domaine de compétences comporte désormais, à titre subsidiaire, le soutien au développement d’installations de production d’énergie renouvelable (EnR) et de maitrise de l’énergie.
A. DES RESPOnsabilitÉs Éminentes dans la dÉsignation des gestionnaires et le contrôle des réseaux
1. Des autorités concédantes de la gestion des réseaux d’électricité
● Ce statut découle des dispositions du I de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales (auquel renvoie l’article L. 432-1 du code de l’énergie). Il accorde aux communes et aux départements, ainsi qu’aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), la compétence :
– de négocier et de conclure des contrats de concession de la distribution publique d’électricité ;
– d’exercer le contrôle du bon accomplissement des missions de service public, telles que définies par les cahiers des charges des concessions.
Le troisième alinéa de l’article L. 2224-31 du code de l’énergie fait obligation aux organismes de distribution d’électricité et de gaz de tenir à la disposition de chacune des autorités concédantes les informations d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique utiles à l’exercice de leurs compétences.
● Possèdent la qualité d’autorités concédantes les communes, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), la Métropole de Lyon ainsi que les départements.
En application de la loi du 27 janvier 2014, dite loi « Maptam » ([149]), la concession de la distribution publique d’électricité et de gaz relève des compétences transférées aux métropoles, ainsi qu’aux métropoles de Lyon, d’Aix-Marseille-Provence et aux communautés urbaines.
2. Des autorités organisatrices des réseaux publics de distribution d’électricité
Les « autorités organisatrices des réseaux publics de distribution d’énergie » (Aode) désignent les collectivités territoriales ou groupements de collectivités propriétaires des réseaux de distribution d’électricité, de gaz et de froid et responsables, de par la loi, de la structuration des réseaux publics, de la distribution et de la fourniture d’énergie.
S’agissant de la distribution d’électricité, le IV de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales (CGCT) confère ce statut :
– à la commune ou à l’établissement public de coopération auquel elle a transféré cette compétence ;
– au département, s’il exerçait cette compétence à la date de promulgation de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ([150]) ;
– éventuellement, à un syndicat de communes ou un syndicat mixte : dans cette hypothèse, celui-ci exerce la fonction d’autorité organisatrice sur l’ensemble du territoire départemental ou sur un ensemble de territoires départementaux contigus.
En application de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, les compétences reconnues aux autorités organisatrices de réseaux de distribution d’électricité comportent, principalement :
– la maîtrise d’ouvrage des travaux de développement des réseaux publics de distribution d’électricité : sur le fondement des articles L. 322-6 et L. 432-5 du code de l’énergie, les Aode peuvent faire exécuter à leur charge, en tout ou en partie, les travaux de premier établissement, d’extension, de renforcement et de perfectionnement des ouvrages de distribution ; l’article L. 2224-31 du CGCT leur donne le droit de percevoir des aides pour le financement de certains travaux ;
– la maîtrise d’ouvrage de travaux sur les ouvrages ruraux du réseau public de distribution de l’électricité visant à l’insertion des énergies renouvelables sur le réseau et le développement de services de flexibilité : à ce titre, elles peuvent percevoir une aide pour le financement d’une partie des travaux ;
– la réalisation ou la délégation d’actions relatives aux économies d’énergie des consommateurs finals d’électricité (ou de gaz), ayant pour objet ou pour effet d’éviter et de différer l’extension ou le renforcement des réseaux publics de distribution relevant de leur compétence : à ce titre, les Aode peuvent prétendre à des aides ;
– la réalisation d’opérations exceptionnelles en lien avec le réseau public d’électricité, qui concourent à la transition énergétique, qui présentent un caractère innovant et qui répondent à un besoin local spécifique ;
– la conduite, dans les communes rurales, d’opérations de maîtrise de la demande d’électricité, de production d’électricité par les énergies renouvelables, ainsi que d’actions concourant à l’atteinte des objectifs généraux de la politique énergétique (fixés par les articles L. 100-1 à L. 100-4 du code de l’énergie) ;
– le concours au déploiement des installations de production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone (au sens de l’article L. 811-1 du code de l’énergie) implantées sur leur territoire.
B. une capacitÉ d’action croissante en matière de transition énergétique
En conséquence d’un élargissement progressif de leur champ de compétences, le droit en vigueur habilite les collectivités territoriales et leurs groupements, indépendamment de leur statut d’autorité organisatrice, à mener des actions ayant pour objet le développement de la production d’énergies renouvelables et la sobriété énergétique. En l’état du droit, leur champ d’intervention résulte, pour l’essentiel, des modifications apportées par la loi pour la croissance verte du 17 août 2015 ([151]), la loi Énergie-climat et la loi Climat et résilience et il porte sur deux domaines.
1. En matière de soutien aux installations productrices d’énergies
L’article L. 2224-32 du code général des collectivités territoriales confère aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale la faculté d’aménager, d’exploiter ainsi que de faire aménager ou de faire exploiter des infrastructures limitativement énumérées et produisant des énergies dont l’usage concourt à la transition énergétique. La loi autorise ainsi les collectivités et leurs groupements à soutenir la construction :
– d’installations hydroélectriques ;
– d’installations utilisant les autres énergies renouvelables au sens de l’article L. 211-2 du code de l’énergie (à savoir l’énergie éolienne, l’énergie solaire thermique ou photovoltaïque, l’énergie géothermique, l’énergie ambiante, l’énergie marémotrice, houlomotrice ou osmotique et les autres énergies marines, l’énergie hydroélectrique, la biomasse, les gaz de décharge, les gaz des stations d'épuration d'eaux usées et le biogaz) ;
– d’installations de valorisation énergétique des déchets ménagers ou assimilés (mentionnés aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du CGCT ([152])) ;
– d’installations de production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone (au sens de l’article L. 811-1 du code de l’énergie) ;
– d’installations de cogénération ou de récupération d’énergie provenant d’installations visant l’alimentation d’un réseau de chaleur ([153]).
Cette compétence ne peut être exercée par les communes que sur leur territoire et par les EPCI sur le territoire des communes membres. Aux termes de l’article L. 2224-32 du CGCT, l’intervention des collectivités territoriales et des EPCI suppose que les nouvelles installations se traduisent par une économie d’énergie et une réduction des pollutions atmosphériques.
2. En matière de maîtrise de la consommation d’énergie
● En premier lieu, l’article L. 2224-34 du code général des collectivités territoriales permet aux EPCI et à la métropole de Lyon de jouer le rôle de « coordinateurs de la transition énergétique », sous réserve de l’adoption du plan climat-air-énergie territorial (PCAET) ([154]). Cette fonction formalisée par la loi consiste à animer et à coordonner, sur leur territoire, des actions dans le domaine de l’énergie, en cohérence avec les objectifs du PCAET et avec le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie (ou le schéma régional en tenant lieu).
● En second lieu, cet article accorde aux collectivités et à leurs groupements le droit de réaliser des actions aux fins d’économie d’énergie et ayant pour objets :
– la maîtrise de la demande d’énergie des consommateurs finals desservis en gaz, en chaleur ou en basse tension pour l’électricité ;
– la maîtrise de la demande d’énergie des consommateurs en situation de précarité énergétique : cette action peut comporter la prise en charge, en tout ou partie, de travaux d’isolation, de régulation thermique ou de régulation de la consommation d’énergie ou l’acquisition d’équipements domestiques à faible consommation (par le biais de conventions avec les consommateurs concernés) ;
– la prise en charge des études et de tout ou partie des travaux nécessaires à l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments qui sont la propriété des personnes publiques pouvant réaliser les actions mentionnées par ce même article L. 2224-34 (par le biais d’une convention).
Les personnes publiques compétentes désignées par le texte sont :
– les EPCI et la métropole de Lyon, sous réserve de l’adoption du PCAET précité ;
– les autre EPCI ayant adopté un PCAET à titre facultatif et les syndicats exerçant la compétence d’autorité organisatrice d’un réseau public de distribution (pour l’ensemble d’un territoire départemental ou sur des territoires départementaux contigus).
II. Le dispositif proposÉ par le SÉnat : un élargissement du champ d’intervention des autorités organisatrices des réseaux publics de distribution d’électricitÉ
L’article 17 bis de la présente proposition de loi trouve son origine dans l’adoption, par la commission des affaires économiques du Sénat, de l’amendement COM-22 de notre collègue Patrick Chaize – avec l’avis favorable des rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet.
Il vise à faciliter l’exercice, par les autorités organisatrices de la distribution d’électricité (Aode) autres que les communes et leurs groupements, des compétences attribuées aux collectivités territoriales aux fins de soutien à la production des énergies renouvelables et à la maîtrise de l’énergie.
À cet effet et par l’ajout d’un alinéa à l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, il reconnait expressément aux collectivités territoriales la faculté de déléguer aux Aode la réalisation d’actions dans deux domaines : en premier lieu, le développement des installations de production des énergies renouvelables, de récupération ou d’hydrogène ; en second lieu, la maîtrise de l’énergie.
A. de nouvelles actions pouvant être confiÉes aux aode dans les domaines touchant À LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
● Par la mention de l’article L. 2224-32 du code général des collectivités territoriales, l’article 17 bis de la proposition de loi formalise le droit des autorités organisatrices, par délégation, d’aménager et d’exploiter ou de faire aménager et d’exploiter :
– des installations produisant de l’hydroélectricité ;
– des installations utilisant les autres énergies renouvelables définies à l’article L. 211-2 du code de l’énergie ;
– des installations de valorisation énergétique des déchets ménagers et assimilées (mentionnées aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code de l’énergie) ;
– des installations de production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone (défini par l’article L. 811-1 du code de l’énergie) ;
– des installations de cogénération ou de récupération d’énergie provenant d’installations visant l’alimentation d’un réseau de chaleur.
À l’aménagement et à l’exploitation de ces catégories d’infrastructures, peut s’ajouter l’exploitation des installations conservées par les collectivités territoriales après l’entrée en vigueur de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz.
● Par la référence à l’article L. 2224-34 du code général des collectivités territoriales, l’article 17 bis autorise à déléguer aux Aode :
– la qualité de coordinateurs de la transition énergétique par les EPCI et la métropole de Lyon ;
– la réalisation d’actions ayant pour objet la maîtrise de la demande d’énergie des consommateurs finals desservis en gaz, en chaleur ou en basse tension pour l’électricité et l’accompagnement des actions tendant à la maitrise de l’énergie sur leur territoire, actions relevant des EPCI, de la Métropole de Lyon et des syndicats exerçant la compétence d’autorité organisatrice de la distribution d’électricité.
En l’absence de toute autre modification des dispositions en vigueur, la délégation des actions pouvant être réalisées par les coordinateurs de la transition énergétique ne peut être toutefois valablement réalisée que sous réserve du respect par la collectivité délégante des conditions exigées par la loi, à savoir l’adoption d’un plan climat-air-énergie territorial et le respect de leur champ de compétence territoriale.
B. une sécurisation nécessaire des délégations entre collectivitÉs territoriales et autoritÉs organisatrices ?
Ainsi que le révèle l’exposé des motifs de l’amendement à l’origine de la disposition, l’objectif véritable de l’article 17 bis de la proposition de loi consiste à « permettre aux syndicats d’énergie d’intervenir pour le compte de leurs communes en toute sécurité juridique, tout en laissant à celles-ci la possibilité de réaliser elles-mêmes certaines actions de maîtrise de l’énergie et de production d’énergies renouvelables. »
De fait, l’expression « autorité organisatrice d’un réseau public de distribution » insérée à l’article L. 2224-31 du CGCT revêt un caractère général de nature à permettre une délégation de compétences à l’ensemble des structures pouvant prétendre à cette qualification aux termes de la loi. En outre, la dérogation expresse à l’article L. 1111-8 du CGCT, qui autorise des délégations de compétence entre collectivités territoriales d’un même échelon ou à un EPCI à fiscalité propre, donne la possibilité de s’affranchir des limites inhérentes aux exigences relatives à l’appartenance à une même catégorie de collectivité ou au statut des établissements publics intercommunaux. En effet, les syndicats de communes ou les syndicats mixtes ne relèvent ni d’un échelon territorial, ni d’une structure de l’intercommunalité.
Néanmoins, la question de la portée exacte de l’article 17 bis de la proposition de loi peut être posée.
D’une part, ni les travaux du Sénat, ni les éléments recueillis par votre rapporteur ne permettent de caractériser la généralité de situations dans lesquelles les syndicats d’énergie se trouveraient dans l’impossibilité de réaliser, par délégation des collectivités territoriales, des actions portant sur le développement des énergies renouvelables et la maitrise de la consommation d’énergie.
D’autre part, le libellé de l’article 17 bis n’apporte pas de précisions quant à la capacité propre des syndicats d’énergie à assumer un rôle dans ces deux domaines. Dès lors que l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales accorde le statut d’Aode aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale, dès lors que les articles L. 2224-32 et L. 2224-34 du même code leur attribuent la responsabilité des actions de soutien aux énergies renouvelables et de maîtrise de l’énergie, on ne comprend pas en quoi consisterait la délégation, ni quelle structure locale pourrait en bénéficier. À défaut de dispositions explicites, le texte pourrait introduire une confusion dans la notion même d’autorité organisatrice.
Dans ces conditions, le dispositif proposé par le Sénat mériterait, à tout le moins, des précisions.
III. la position de la commission
Par l’adoption de deux amendements identiques, dont celui de votre rapporteur, la commission a supprimé l’article 17 bis de la proposition de loi.
Ainsi que l’y invitait votre rapporteur et suivant une analyse appliquée à l’ensemble des dispositions du titre II de la proposition de loi, elle a considéré que la délégation aux Aode de compétences relatives au développement des énergies renouvelables et à la maitrise de l’énergie ne constituait ni une mesure de simplification, ni une disposition d’ordre programmatique. Dès lors et indépendamment du bien-fondé des mesures proposées, cette disposition ne trouve pas sa place dans un texte qui doit être prioritairement consacré à la fixation de lignes directrices et d’objectifs pour la politique énergétique.
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Article 18
(articles L. 314‑41 et L. 812‑3‑1 [nouveau] du code de l’énergie)
Élargissement aux projets d’éoliennes en mer et d’hydrogène du dispositif de partage territorial de la valeur
Supprimé par la commission
Cet article élargit le dispositif de partage territorial de la valeur, défini à l’article L. 314‑41 du code de l’énergie, aux projets d’éolienne en mer.
Il crée ensuite un dispositif similaire, à l’article L. 812‑3‑1 du même code, pour les projets d’hydrogène.
I. L’État du droit
Le partage des bénéfices engendrés par les infrastructures de production d’énergie renouvelable avec les territoires qui les accueillent est l’un des moyens les plus efficaces pour favoriser l’adhésion des populations locales et des communes aux projets.
Les entreprises du secteur énergétique participent déjà au financement des collectivités territoriales, notamment par le biais de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) — une taxe instaurée par la loi de finances de 2010 au bénéfice des collectivités locales — en plus des impôts locaux habituels, à l’instar des entreprises des secteurs ferroviaires et des télécommunications.
Les recettes sont, en règle générale, partagées à parts égales entre la commune d’implantation et le département dans lequel elle se situe. Toutefois, à partir du 1er janvier 2023, pour les implantations réalisées à compter de cette date, cette répartition se fait selon les quotités suivantes : 20 % en faveur des communes, 50 % en faveur des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d’implantation et 30 % pour les départements.
Afin de favoriser l’acceptation locale des projets d’installations d’énergie renouvelable, l’article 93 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, relative à la production d’énergies renouvelables (connue sous le nom de loi Aper), désormais inscrit à l’article L. 314-41 du code de l’énergie pour l’électricité, a instauré un mécanisme supplémentaire de partage territorial de la valeur. Ce dispositif s’applique aux projets sélectionnés soit dans le cadre d’une procédure de mise en concurrence organisée par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), dans le but d’atteindre les objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie (voir l’article L. 311-10 du même code), soit par le biais d’appels à projets portant sur des installations de production d’électricité à partir de sources renouvelables innovantes (voir l’article L. 314-29 du même code).
L’essentiel de ces contributions s’ajoutera aux recettes de l’IFER, mais ne sera plus simplement versé aux budgets des collectivités concernées, qui en disposent à leur gré. Elles devront être affectées au financement de projets traitant de problématiques énergétiques ou environnementales, à savoir :
– des projets portés par la commune ou par l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI) d’implantation de l’installation en faveur de la transition énergétique, de la sauvegarde ou de la protection de la biodiversité ou de l’adaptation au changement climatique, tels que la rénovation énergétique, l’efficacité énergétique, la mobilité la moins consommatrice et la moins polluante ou des mesures en faveur des ménages afin de lutter contre la précarité énergétique ;
– des projets de protection ou de sauvegarde de la biodiversité.
L’article L. 314-41 du code de l’énergie précise également les modalités de répartition des contributions entre les types de projets et les collectivités bénéficiaires : 85 % des sommes versées par le porteur de projet doivent être alloués à des initiatives portées par la commune accueillant l’installation, tandis que les 15 % restants doivent obligatoirement financer des actions en faveur de la préservation ou de la protection de la biodiversité.
La commune a la possibilité de transférer une part de cette contribution à son EPCI, mais elle doit en conserver au moins 80 %.
Les modalités d’application de cet article devaient être précisées par un décret pris après consultation de la CRE. À ce jour, aucun décret n’a pas encore été publié.
II. Le dispositif proposÉ
A. les dispositions initiales de la proposition de loi
L’article 18 vise à élargir le champ d’application de la contribution au partage territorial de la valeur à deux types de sources ou vecteurs énergétiques actuellement exclus : l’éolien en mer, d’une part, et les productions d’énergie à base d’hydrogène, d’autre part.
Premièrement, cet article propose d’inclure de manière explicite les projets d’éolien en mer dans le champ de l’article L. 314-41 du code de l’énergie. Il ne sera donc plus possible pour le Gouvernement de les écarter par voie réglementaire comme le proposait le projet de décret soumis à consultation. La redistribution s’appliquerait aux installations situées dans les eaux intérieures ou la mer territoriale, au bénéfice des communes ou groupements de communes depuis lesquels ces infrastructures sont visibles.
Deuxièmement, l’article prévoit d’intégrer les projets liés à la production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone — qui n’étaient pas encore concernés au moment de la mise en place du mécanisme — à travers un nouvel article L. 812‑3‑1 du code de l’énergie. Ce dernier reprendrait les mêmes règles que celles en vigueur pour les projets d’électricité et de gaz renouvelables, définies respectivement aux articles L. 314-41 et L. 446-59 du même code. En particulier, l’application du mécanisme est conditionnée à une notification préalable auprès de la Commission européenne, ce qui permet d’éviter tout conflit avec le droit européen et toute application rétroactive aux projets déjà en cours.
B. les modifications apportÉes par le sÉnat
Lors de l’examen du texte au Sénat, celui-ci a adopté un amendement du Gouvernement visant à transformer en simple possibilité l’obligation de financement prévue à cet article, au titre du dispositif de partage de la valeur, pour l’éolien en mer territoriale et pour l’hydrogène bas-carbone.
Cet amendement était motivé, en ce qui concerne l’éolien en mer territoriale, par l’existence de la taxe sur les éoliennes maritimes, qui permet déjà des retombées fiscales (article 1519 C du code général des impôts). À cet égard, le dispositif proposé à cet article créerait donc potentiellement un doublon.
Quant aux projets de production d’hydrogène décarboné, ils ne semblent pas se prêter de manière simple et pertinente au partage territorial de la valeur. En effet, ces projets sont avant tout des projets de production industrielle d’une molécule, l’hydrogène, qui sert de nombreux usages, industriels ou de mobilité lourde. Par rapport aux cas des éoliennes ou panneaux photovoltaïques, l’ancrage territorial de tels projets de production d’hydrogène paraît moins aisé. Par ailleurs, les questions de concurrence des usages sur un espace territorial donné (à l’instar des terres agricoles ou de la mer), ou d’implantation paysagère, sont a priori posées avec moins d’acuité. Ces constats expliquent sans doute l’avis relativement réservé donné par le Gouvernement lors de la discussion de cette disposition.
III. LA position de la commission
La commission a adopté l’amendement de suppression CE612 du rapporteur, par cohérence avec la suppression de l’ensemble des articles du texte ne se rapportant pas à des enjeux programmatiques.
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Article 18 bis
(articles L. 332‑6, L. 332‑15 et L. 332‑17 [nouveau] du code de l’urbanisme)
Mise en cohérence du code de l’urbanisme avec le code de l’énergie au sujet du coût du raccordement au réseau public de transport de l’électricité
Supprimé par la commission
Cet article vise à mettre en cohérence le code de l’urbanisme avec le code de l’énergie au regard du coût du raccordement au réseau public de transport de l’électricité.
I. L’État du droit
A. Une clarification LONGTEMPS ATTENDUE du partage des coÛTS DE RACCORDEMENT
Pour encourager les collectivités territoriales à accompagner le développement des énergies renouvelables, l’article 29 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, dite loi « Aper » ([155]), a modifié les règles de financement du raccordement électrique. Il a supprimé la participation financière de la collectivité compétente en matière d’urbanisme pour l’extension du réseau située en dehors du terrain concerné par le projet.
Désormais, cette charge financière est transférée au porteur du projet, conformément à l’article L. 342-21 du code de l’énergie, qui prévoit que le demandeur assume l’intégralité des coûts dus au gestionnaire de réseau.
Par ailleurs, l’article 26 de la même loi autorise le Gouvernement à prendre des ordonnances pour préciser les modalités de répartition des frais de raccordement, que ce soit entre les bénéficiaires de la contribution ou via le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (Turpe).
Une ordonnance en date du 23 août 2023 ([156]) a permis d’apporter ces clarifications. Toutefois, cette habilitation était limitée au code de l’énergie, à la suite d’un amendement du Sénat, et n’autorisait pas les ajustements nécessaires dans le code de l’urbanisme. Cette absence de coordination entre les deux codes risquait de créer des incohérences juridiques, comme l’a souligné la Commission de régulation de l’énergie ([157]), et pouvait donner lieu à des litiges.
B. UNE CLARIFICATION APPORTÉE PAR la loi du 30 avril 2025
La loi n° 2025-391 du 30 avril 2025, relative à l’adaptation du droit français au droit de l’Union européenne dans divers domaines, dite loi « Ddadue », clarifie les règles liées au financement du raccordement des installations d’énergie renouvelable.
Son article 24 apporte des modifications au code de l’urbanisme afin de l’harmoniser avec les dispositions introduites dans le code de l’énergie par la loi Aper de 2023 :
– il complète l’article L. 332-6 en y ajoutant l’obligation, pour les bénéficiaires d’autorisation de construire, de verser une contribution aux frais de raccordement au réseau public d’électricité ;
– il supprime, à l’article L. 332-15, toute mention d’une participation financière de la collectivité chargée de l’urbanisme au raccordement électrique des projets ;
– il introduit une nouvelle section, qui formalise l’assujettissement à cette contribution financière de la personne titulaire de l’autorisation d’urbanisme (article L. 332-17).
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ par le SÉnat
L’article 18 bis a été créé par l’adoption par le Sénat, en séance publique, de l’amendement de nos collègues Patrick Chaize, Didier Mandelli et Daniel Gremillet. Cet amendement, soutenu par la commission et le Gouvernement, proposait un dispositif similaire à celui de la loi Ddadue et il a été adopté avant que ne commencent les discussions sur cette loi.
Compte tenu de l’absence de différences, autres que légistiques et formelles, entre les deux dispositifs, votre rapporteur proposera la suppression de l’article 18 bis, dont les dispositions ont déjà été adoptées.
III. LA position de la commission
La commission a adopté l’amendement de suppression CE613 du rapporteur, par cohérence avec la suppression de l’ensemble des articles du texte ne se rapportant pas à des enjeux programmatiques.
Par ailleurs, des dispositions similaires avaient déjà été adoptées dans la loi Ddadue du 30 avril 2025.
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Chapitre III
Simplifier les normes applicables aux projets d’énergies renouvelables
Article 19
(article L. 314 A du code de l’énergie)
Prise en compte du bilan carbone des projets d’installations hydroélectriques souhaitant bénéficier d’une obligation d’achat dans le cadre d’un guichet ouvert
Supprimé par la commission
Cet article prévoit la prise en compte du bilan carbone d’un projet d’installation hydroélectrique sous régime d’autorisation s’il souhaite bénéficier d’une obligation d’achat dans le cadre d’un guichet ouvert.
I. L’état du droit
A. le régime de soutien à la petite hydroélectricité
Plusieurs dispositifs de soutien financier à la production d’énergie à partir de sources renouvelables existent. Leurs modalités d’octroi varient selon deux aspects principaux :
– les soutiens peuvent être attribués sous la forme d’un guichet ouvert (article L. 311-10 du code de l’énergie) – c’est-à-dire qu’ils sont octroyés à tout producteur qui en fait la demande – ou à l’issue d’une procédure de mise en concurrence (article L. 314-1 du même code) ;
– ils peuvent prendre la forme d’une obligation d’achat – c’est-à-dire que l’énergie produite est rachetée par l’État, via EDF, à un tarif fixé à l’avance – ou celle d’un complément de rémunération. Dans ce dernier cas, un prix-cible de vente est fixé : si le prix de marché est inférieur à celui-ci, l’État verse un soutien complémentaire au producteur pour atteindre ce prix. À l’inverse, si le prix de marché est plus élevé que ce prix-cible, le producteur doit reverser la différence à l’État.
Les installations hydroélectriques sous régime d’autorisation, c’est-à-dire celles disposant d’une puissance installée inférieure ou égale à 4,5 MW (les autres étant exploitées sous le régime de la concession), sont éligibles à de tels dispositifs de soutien, ces derniers variant selon la puissance de l’installation considérée.
Pour les installations de plus de 1 MW, il existe des procédures de mise en concurrence organisées par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), permettant ensuite de disposer d’une obligation d’achat ou d’un complément de rémunération.
Pour les installations de moins de 1 MW, c’est un mécanisme de guichet ouvert qui s’applique. Pour les projets neufs, l’obligation d’achat est possible pour les installations d’une puissance inférieure à 500 kW, le complément de rémunération pour les installations d’une puissance de moins de 1 MW ([158]). Pour les installations existantes, seul le complément de rémunération est accessible, sous réserve de l’engagement du producteur à réaliser un programme d’investissements.
Un arrêté tarifaire de 2016, récemment modifié en 2024, détaille ces dispositions. Le caractère nouveau ou non de l’installation est notamment pris en compte pour l’octroi des différents mécanismes de soutien ([159]).
B. la prise en compte du bilan carbone de l’installation dans l’attribution des soutiens publics aux enr
L’article 30 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019, dite loi « Énergie‑climat », prévoit la prise en compte du bilan carbone dans l’octroi des dispositifs de soutien financier dans le cadre des procédures de mise en concurrence, tant pour l’électricité renouvelable (article L. 314-1 A du code de l’énergie) que pour le gaz renouvelable (article L. 446-1 A du même code, recodifié depuis à l’article L. 446‑1).
Ce bilan carbone doit au moins inclure l’analyse de l’étape du cycle de vie jugée la plus pertinente. La prise en compte du bilan carbone peut prendre la forme d’une bonification attribuée aux projets les plus performants.
L’article 89 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, dite loi « Aper », a ajouté l’étape de l’extraction à la liste des étapes du cycle de vie pouvant être prises en compte et a précisé, pour chaque étape (extraction, fabrication, transport, utilisation, fin de vie), les critères pouvant être appréciés. L’article 81 de la même loi a étendu la prise en compte du bilan carbone aux procédures de mise en concurrence applicables aux projets d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone.
II. Le dispositif proposé
A. les dispositions initiales de la proposition de loi
L’article 19 propose d’étendre le critère du bilan carbone aux projets d’installations hydroélectriques souhaitant bénéficier d’une obligation d’achat et qui ne font pas l’objet d’une procédure concurrentielle, mais peuvent bénéficier d’un guichet ouvert. Les installations bénéficiant d’un complément de rémunération via un mécanisme de guichet ouvert ne sont pas incluses dans le périmètre de l’article.
Les rapporteurs de la commission des affaires économiques du Sénat se sont appuyés notamment sur les conclusions d’un rapport remis par le Gouvernement au Parlement, en application de l’article 90 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, dite loi « Climat et résilience », portant sur l’opportunité d’étendre le critère du bilan carbone aux dispositifs de soutien à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables attribués en guichet ouvert.
Ce rapport souligne qu’aujourd’hui, aucun critère sur le bilan carbone n’est défini dans l’arrêté tarifaire pour les installations nouvelles ou rénovées d’une puissance inférieure à 1 MW – soit celles éligibles à un soutien en guichet ouvert.
Il rappelle également que la filière hydraulique émet peu de gaz à effet de serre (GES) lors de la production.
Le rapport indique que la demande d’un bilan carbone pourrait permettre de disposer de données plus précises sur les émissions indirectes et conduire les producteurs « à s’interroger sur l’impact carbone des différentes composantes de leur projet ».
Les rapporteurs du Sénat font ainsi valoir que l’article 19 permettra de s’assurer que les projets sont peu émetteurs de gaz à effet de serre et de ne pas les déavantager par rapport à des concurrents extra-européens.
B. les modifications apportées par le sénat
1. En commission
Aucun amendement n’a été adopté par la commission des affaires économiques sur cet article.
2. En séance publique
En séance, un amendement des rapporteurs a été adopté, avec avis de sagesse du Gouvernement. Il précise que les dispositions ne s’appliquent qu’aux installations d’une puissance supérieure à 150 kW sous obligation d’achat, à compter du 1er janvier 2025.
III. La position de la commission
La commission a adopté les amendements identiques de suppression CE530 du rapporteur et CE239 de Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC), par cohérence avec la suppression de l’ensemble des dispositions qui ne sont pas d’ordre programmatique.
Il peut être également relevé que l’application d’un tel bilan carbone pour des installations très peu émettrices de gaz à effet de serre apparaît à rebours de l’objectif de simplification poursuivi par le titre II de la proposition de loi. De plus, la nouvelle réglementation européenne sur les aides d’État, applicable à compter de 2026, autorisera les obligations d’achat uniquement pour les installations d’une puissance installée de moins de 200 kW. Cela conduirait donc à ce que les dispositions de cet article s’appliquent uniquement aux installations d’une puissance comprise entre 150 kW et 200 kW, soit un très faible nombre.
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Article 20
(articles L. 511-6-2 du code de l’énergie et L. 214-18 du code de l’environnement)
Faciliter les augmentations temporaires de puissance et les dérogations temporaires aux débits minimaux pour les ouvrages hydroélectriques
Supprimé par la commission
Cet article assouplit les dérogations au droit commun accordées aux exploitants d’ouvrages hydroélectriques en cas de menace sur la sécurité d’approvisionnement :
– pour les augmentations de puissance temporaire des ouvrages hydroélectriques concédés, une menace simple sur la sécurité d’approvisionnement suffirait à déclencher la mesure. De plus, le suivi actuellement prescrit par l’autorité administrative pour constater les répercussions sur l’environnement aquatique dans ce cadre est supprimé ;
– pour la dérogation aux débits minimaux à laisser à l’aval de l’ouvrage, seule une menace simple serait également requise. L’affectation obligatoire de 80 % des bénéfices nets tirés du surplus généré par cette dérogation à des opérations de compensation écologique est supprimée.
I. L’état du droit
A. Le régime encadrant les augmentations de puissance des installations concédées
Les ouvrages hydroélectriques d’une puissance installée supérieure à 4,5 MW sont exploités sous le régime de la concession et ceux d’une puissance inférieure ou égale à ce seuil sous le régime de l’autorisation.
Les contrats de concession hydroélectrique sont soumis à l’obligation de mise en concurrence prévue par la directive du 26 février 2014, dite directive « Concessions » ([160]), transposée en droit français dans le code de la commande publique. La France refuse cependant de mettre en concurrence ses concessions arrivant à échéance (voir le commentaire de l’article 21 de la présente proposition de loi).
Il n’en demeure pas moins qu’en l’état actuel du droit, les modifications à un contrat de concession sans remise en concurrence sont très strictement encadrées, en application de l’article 43 de la directive précitée, repris à l’article L. 3135-1 du code de la commande publique. En particulier, aucune modification substantielle d’un tel contrat n’est admise sans mise en concurrence.
Deux articles du code de l’énergie encadrent les augmentations de puissance des ouvrages hydroélectriques qu’il est possible d’effectuer sans procédure de mise en concurrence.
L’article L. 511-6-1 autorise des augmentations de puissance uniquement lorsqu’elles ne sont pas substantielles ou qu’elles sont de faible montant, cette dernière faculté sur le montant ayant été ajoutée par l’article 74 de la loi Aper.
L’article L. 511-6-2 autorise de telles augmentations de puissance à titre temporaire. Il a été créé par le même article 74 de la loi Aper. Cette disposition peut être mobilisée lorsqu’il existe une menace grave sur la sécurité d’approvisionnement et elle permet à l’autorité administrative de faire droit à une demande d’augmentation de puissance dès lors qu’un dossier de déclaration a été déposé auprès d’elle. Des mesures d’information et de suivi de cette augmentation de puissance temporaire sont prévues :
– le comité de suivi de l’exécution de la concession (ou, le cas échéant, la commission locale de l’eau) doit en être informé ;
– un suivi des conséquences sur l’environnement aquatique de l’augmentation de puissance est prescrit par l’autorité administrative au concessionnaire.
B. Le régime encadrant les débits réservés
L’article L. 214-18 du code de l’environnement, issu de la loi n° 2006‑1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, dite loi « Lema », prévoit que toute exploitation d’un ouvrage hydroélectrique doit garantir le maintien d’un débit d’eau suffisant à l’aval de celui-ci. Cela permet de concilier production électrique et maintien de la continuité écologique. En règle générale, ce débit minimal ne doit pas être inférieur à un dixième du module du cours d’eau.
Ce même article L. 214-18 prévoit toutefois plusieurs dérogations à cette règle, en particulier pour les cours d’eau présentant un fonctionnement atypique, pour moduler le débit minimal en fonction de la période de l’année ou encore pour fixer temporairement des débits minimaux inférieurs à la norme pour les cours d’eau soumis à un étiage naturel exceptionnel.
À l’initiative du Sénat, l’article 72 de la loi Aper a ajouté une autre possibilité de déroger exceptionnellement et temporairement à ces débits minimaux lorsqu’il existe une menace grave sur la sécurité d’approvisionnement en électricité. Ces dérogations doivent faire l’objet d’un suivi systématique des impacts environnementaux associés. De plus, au moins 80 % des bénéfices nets tirés de la production électrique supplémentaire générée par l’augmentation de débit doit être affectée à des opérations de compensation écologique.
II. Le dispositif proposé
A. les dispositions initiales de la proposition de loi
L’article 20 de la proposition de loi propose d’assouplir les conditions à remplir par les exploitants d’ouvrages hydroélectriques pour réaliser une augmentation de puissance temporaire d’un ouvrage concédé, d’une part, et pour déroger temporairement aux débits minimaux des cours d’eau, d’autre part.
Concernant les augmentations temporaires de puissance (I de l’article), il est proposé que celles-ci puissent être déclenchées en cas de simple menace pesant sur la sécurité d’approvisionnement en électricité, et non en cas de menace grave. L’obligation de mise en place de mesures de suivi des conséquences de cette augmentation sur l’environnement aquatique est supprimée.
Concernant la dérogation temporaire aux débits minimaux (II de l’article), de la même manière, l’article 20 prévoit qu’elle puisse être déclenchée en cas de simple menace sur la sécurité d’approvisionnement, et non en cas de menace grave. L’obligation d’affecter au moins 80 % des bénéfices nets générés par cette augmentation de puissance à des opérations de compensation écologique est également supprimée.
Les rapporteurs du Sénat soulignent qu’à leur sens, la suppression du caractère « grave » de la menace sur la sécurité d’approvisionnement pour déclencher l’une ou l’autre de ces deux mesures permettra une plus grande réactivité. Ils relèvent également qu’un contrôle de l’autorité administrative demeure, ce qui permettra de garantir la compatibilité de ces mesures dérogatoires avec les enjeux environnementaux.
Ils soulignent enfin que la suppression des autres dispositions (mesures de suivi, fléchage des revenus supplémentaires) permet de réduire la charge administrative, tant pour les exploitants que pour les services déconcentrés concernés.
B. les modifications apportées par le sénat
Aucun amendement n’a été adopté par le Sénat sur cet article, ni en commission, ni en séance.
III. La position de la commission
La commission a adopté les amendements identiques de suppression CE529 du rapporteur, CE240 de Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC), CE317 de M. Matthias Tavel (LFI-NFP), CE397 de Mme Julie Laernoes (EcoS) et CE431 de M. Brugerolles (GDR), par cohérence avec la suppression de l’ensemble des dispositions qui ne sont pas d’ordre programmatique.
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Article 21
Expérimentation du passage en régime d’autorisation pour les concessions hydroélectriques prorogées sous le régime des délais glissants
Supprimé par la commission
Cet article instaure une expérimentation de trois ans durant laquelle les ouvrages hydroélectriques concédés et actuellement exploités sous le régime des « délais glissants », pourraient être exploités sous le régime de l’autorisation. Le régime des délais glissants est utilisé pour les ouvrages concédés dont l’exploitation a été prorogée au-delà de la durée initiale du contrat de concession, en attendant la désignation d’un nouvel exploitant.
I. L’état du droit
A. La mise en concurrence des concessions hydroélectriques : une obligation imposée par l’union européenne mais unanimement rejetée en France
1. Les principales caractéristiques du régime de concession des ouvrages hydroélectriques
Comme cela a été rappelé dans les commentaires des articles 19 et 20 de la présente proposition de loi, les installations hydroélectriques d’une puissance installée supérieure à 4,5 MW sont exploitées sous le régime de la concession, en application de l’article L. 511-5 du code de l’énergie. Celles d’une puissance inférieure ou égale à ce seuil relèvent du régime de l’autorisation.
Le régime de l’autorisation applicable est fondé sur des dispositions relevant du code de l’environnement et qui encadrent les installations, ouvrages, travaux et activités ayant un impact sur l’eau (Iota). Les installations sont soumises à un certain nombre de prescriptions prévues par l’acte d’autorisation. L’article L. 531-4 du code de l’énergie dispose par ailleurs que des redevances domaniales trouvent à s’appliquer, pour les installations établies sur les cours d’eau du domaine public. Les autorisations d’exploiter sont délivrées pour une durée qui ne peut excéder 75 ans ([161]).
Le régime de la concession soumet l’exploitant au respect d’un cahier des charges. La durée de la concession ne peut pas non plus dépasser 75 ans ([162]). Par ailleurs, les articles L. 523-1 à L. 523-3 du code de l’énergie fixent les principales modalités de calcul et de répartition du produit de la redevance proportionnelle à laquelle l’exploitant est assujetti. Ces modalités varient selon que la concession hydroélectrique est ancienne, nouvelle ou renouvelée. Une fraction du produit de la redevance est répartie entre les collectivités territoriales.
Le parc hydroélectrique français regroupe environ 340 installations concédées, représentant 25,9 GW de puissance installée. Elles sont exploitées pour l’essentiel par EDF (70 % de la production hydroélectrique nationale), par la Compagnie nationale du Rhône (CNR, 25 %) et par la Société hydro-électrique du Midi (SHEM), filiale du groupe Engie (3 %).
Les contrats de concession ont été mis en place au fur et à mesure de la construction des grands ouvrages hydroélectriques français au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Ils arrivent donc progressivement à échéance : 61 concessions devraient être échues d’ici au 31 décembre 2025 et la moitié des concessions devraient être échues entre 2035 et 2039 ([163]).
La concession d’aménagement du Rhône, détenue par la CNR, dispose d’un statut particulier, du fait de la triple mission qui lui a été confiée par la loi ([164]) : utilisation de la puissance hydraulique, navigation et enfin irrigation, assainissement et autres emplois agricoles. Elle a pu être prolongée jusqu’en 2041 grâce au vote de la loi n° 2022-271 du 28 février 2022 relative à l'aménagement du Rhône.
2. Refusant la mise en concurrence de ses concessions hydroélectriques à leur échéance, la France est visée par deux procédures précontentieuses lancées par la Commission européenne
La question des modalités de renouvellement des concessions hydroélectriques fait l’objet, depuis plus de vingt ans, d’un différend entre la France et l’Union européenne.
Le droit de l’Union européenne, transposé dans le code de la commande publique, impose la mise en concurrence des contrats de concession lorsqu’ils arrivent à échéance. Cette obligation découle en particulier de la directive « Concessions » de 2014 ([165]).
Cependant, la France ne souhaite pas mettre en concurrence ses concessions hydroélectriques. Ce refus fait aujourd’hui l’objet d’une rare unanimité au sein de la classe politique française (voir B du présent I sur les raisons justifiant ce refus).
À défaut de mise en concurrence, la France proroge ses concessions hydroélectriques arrivées à échéance dans le cadre du régime dit des « délais glissants ». Ce régime est prévu à la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 521-16 du code de l’énergie. Il permet de proroger l’exploitation de l’ouvrage concédé à défaut de mise en place d’une nouvelle concession et jusqu’à la date à laquelle celle‑ci est mise en place. En application de l’article L. 523-3 du code de l’énergie, ces concessions exploitées sous le régime des délais glissants sont par ailleurs assujetties à une redevance spécifique.
L’absence de mise en concurrence des ouvrages hydroélectriques français a conduit la Commission européenne à ouvrir deux procédures précontentieuses à l’encontre de notre pays :
– une procédure de la direction générale de concurrence (DG COMP) datant de 2015, portant sur l’octroi et le maintien d’une position dominante à EDF en matière d’exploitation des ouvrages hydroélectriques ;
– une procédure de la direction générale du marché intérieur, de l’industrie, de l’entrepreneuriat et des PME (DG GROW), en date de 2019, qui porte sur le non-respect tant du droit primaire de l’Union (articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, relatifs à la liberté d’établissement) que de la directive Concessions.
Cette situation est source d’insécurité juridique pour les exploitants. Elle ne permet pas de réaliser des investissements cruciaux pour la réussite de la transition énergétique, par exemple la construction de stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) adossées à des ouvrages existants. Celles-ci sont pourtant le principal instrument de stockage de l’électricité à grande échelle à ce jour. Plus généralement, l’hydroélectricité est un actif flexible, pilotable et décarboné : il présente donc des atouts cruciaux pour la souveraineté énergétique française.
B. une récente mission d’information parlementaire vient de proposer plusieurs pistes pour lever les précontentieux avec la commission européenne
Pour tenter de lever ces deux procédures précontentieuses et sécuriser l’avenir des ouvrages hydroélectriques français, tout en évitant la mise en concurrence, la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a créé – brièvement avant la dissolution, puis à l’automne 2024 – une mission d’information consacrée aux modes de gestion et d’exploitation des installations hydroélectriques. Celle-ci était conduite par nos collègues rapporteurs Marie‑Noëlle Battistel et Philippe Bolo et disposait d’une composition transpartisane.
Après sept mois de travaux, les rapporteurs ont présenté leurs conclusions à la commission, le mardi 13 mai 2025 ([166]).
Le rapport souligne l’impérieux besoin de mettre fin aux procédures précontentieuses pour effectuer les investissements attendus dans le secteur hydroélectrique et sortir de l’incertitude. De nombreux arguments sont évoqués à l’appui du refus de la mise en concurrence : la nécessité de préserver un fonctionnement par vallée et par bassin versant, impliquant un nombre réduit d’exploitants, pour optimiser la gestion de la ressource en eau ; la nécessité de préserver le dialogue de qualité construit entre les exploitations et les collectivités concernant cette gestion ; la sécurité d’approvisionnement ; l’expertise technique et le savoir‑faire des équipes ou encore la maîtrise des coûts de production et de fourniture.
Les rapporteurs analysent ensuite les avantages et les inconvénients des trois solutions qui pourraient permettre de mettre fin aux procédures précontentieuses lancées par la Commission européenne :
– le passage au régime de la « quasi-régie ». Explicitement prévue à l’article 17 de la directive Concessions, la quasi-régie offre des garanties juridiques. Mais les exploitants historiques et les organisations syndicales représentatives du personnel y sont opposées, notamment compte tenu de l’étanchéité qu’elle impliquerait avec le reste des activités d’EDF. De plus, le modèle économique de la quasi-régie, qui repose sur une activité unique par ailleurs fortement tributaire du réchauffement climatique, pourrait être insuffisamment solide. La majorité des membres de la mission d’information ont donc choisi d’écarter cette option ;
– le passage d’un régime de concession à un régime d’autorisation. Celui-ci permettrait d’écarter l’application de la directive Concessions et il correspond au mode d’exploitation des autres installations de production d’électricité. Il pose cependant la question centrale de la nécessité de céder les ouvrages à l’exploitant. Si les ouvrages étaient cédés, des garanties fortes devraient être apportées sur la possibilité de les céder ultérieurement à un tiers, en leur appliquant un régime de quasi-domanialité publique ;
– enfin, la révision de la directive Concessions elle-même, fortement soutenue par les rapporteurs. Réviser cette directive pour exclure l’hydroélectricité de son champ d’application se justifie pleinement par tous les arguments invoqués à l’appui du refus de la mise en concurrence. L’hydroélectricité ne peut être considérée comme un bien marchand comme les autres. Présentée comme une solution « sans regret », les rapporteurs soulignent toutefois que son issue est incertaine, car elle dépend de la décision finale de la Commission européenne de réviser la directive et nécessite de rallier à la cause de la France d’autres États membres de l’Union européenne.
Au total, la quasi-régie étant exclue, les rapporteurs souhaitent approfondir en parallèle les deux dernières solutions, à savoir le passage à un régime d’autorisation et la révision de la directive Concessions. Ils relèvent également que l’une comme l’autre de ces solutions pourrait ne pas être suffisante pour lever le précontentieux de 2015, qui porte sur la position dominante d’EDF. Si cela s’avérait nécessaire et à des conditions strictement encadrées, les rapporteurs proposent donc qu’un mécanisme de contreparties soit étudié : il consisterait à mettre une partie du productible issu de l’exploitation des ouvrages hydroélectriques à disposition d’opérateurs tiers, selon des modalités qui restent à préciser.
II. Le dispositif proposé
A. les dispositions initiales de la proposition de loi
L’article 21 de la proposition de loi crée une expérimentation, comme le permet l’article 37-1 de la Constitution.
Cette expérimentation offrirait la faculté d’exploiter sous le régime de l’autorisation les concessions hydroélectriques échues et prorogées en délais glissants (I de l’article). Celles-ci seraient assujetties au même régime que celui actuellement applicable aux installations hydroélectriques de moins de 4,5 MW. Le passage au régime d’autorisation serait soumis à un accord entre l’État et le concessionnaire.
Ces concessions basculées en régime d’autorisation seraient assujetties au régime de redevance prévu à l’article L. 523-2 du code de l’énergie, qui s’applique aux nouvelles concessions ou aux concessions renouvelées.
L’expérimentation serait conduite par le ministre chargé de l’énergie (II de l’article).
Un décret en Conseil d’État doit préciser les contours de l’expérimentation (III de l’article), en particulier concernant les modalités de gestion de la ressource en eau et celles du transfert éventuel des ouvrages aux exploitants. La date d’entrée en vigueur doit être fixée par décret et ne peut intervenir plus d’un mois après que la Commission européenne aura jugé l’expérimentation conforme au droit de l’Union européenne (IV et VI de l’article).
Un bilan de l’expérimentation devra être remis au Parlement six mois avant la fin de celle-ci (V).
Les rapporteurs du Sénat relèvent, en tout état de cause, que « le caractère expérimental du dispositif n’offre pas de solution définitive à ce contentieux », mais ils voient dans cet article une « accroche législative » permettant à la représentation nationale de s’emparer du débat, d’accélérer le dialogue sur le sujet et d’obtenir de plus amples informations sur les intentions du Gouvernement.
B. les modifications apportées par le sénat
Aucun amendement n’a été adopté par le Sénat sur cet article, ni en commission, ni en séance.
III. La position de la commission
La commission a adopté les amendements identiques de suppression CE528 du rapporteur, CE82 de Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC), CE331 de Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP) et CE449 de M. Philippe Bolo (Dem).
Ces amendements ont été notamment justifiés par une volonté de supprimer l’ensemble des dispositions ne revêtant pas un caractère programmatique. Il a, par ailleurs, a été rappelé la nécessité d’approfondir les conclusions du rapport d’information de nos collègues Marie-Noëlle Battistel et Philippe Bolo et de traiter l’enjeu du régime juridique des concessions hydroélectriques dans un vecteur législatif ad hoc. De plus, le passage éventuel au régime d’autorisation entraîne des changements structurants pour les exploitants, qui ne peuvent s’envisager que dans le temps long : une expérimentation ne leur apporterait pas la sécurité juridique qu’ils sont en droit d’attendre et serait manifestement impraticable.
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Article 22
(article L. 461-1 du code de l’urbanisme)
Extension du droit de visite des installations photovoltaïques sur terres agricoles
Supprimé par la commission
Cet article vise à étendre le pouvoir de l’administration de visiter les installations solaires en zones agricoles, pastorales ou forestières jusqu’au terme de leur autorisation – à l’instar de ce qu’a permis la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025.
I. Le droit en vigueur : le contrôle des implantations photovoltaïques dans les espaces agricoles
A. Des installations trÈs encadrÉes
Les articles L. 111-27 à L. 111-29 du code de l’urbanisme énumèrent les différents types d’installations de production d’énergie photovoltaïque pouvant être implantés dans des zones agricoles, naturelles ou forestières, à savoir :
– les ouvrages qui remplissent les conditions de l’agrivoltaïsme définies à l’article L. 314-36 du code de l’énergie, et notamment celle de contribuer « durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole » (article L. 111-27) ;
– les serres, hangars et ombrières équipés en panneaux solaires, dont l’installation n’est admise que si elle répond à « une nécessité liée à l’exercice effectif d’une activité agricole, pastorale ou forestière significative » (article L. 111-28) ;
– les installations photovoltaïques au sol reconnues comme « compatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière » (article L. 111-29).
Dans le premier cas, l’exploitation agricole doit rester l’activité principale sur le terrain d’implantation. Dans le troisième cas, les terrains pourraient faire l’objet d’une activité agricole, pastorale ou forestière, mais ils sont réputés incultes ou n’ont pas été exploités pendant un certain nombre d’années ; des implantations photovoltaïques au sol sont alors possibles à condition qu’elles restent compatibles avec l’exercice ultérieur d’une de ces activités.
Ces installations doivent répondre à un certain nombre de critères inscrits dans les codes de l’urbanisme et de l’énergie par l’article 54 de la loi n° 2023‑175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, afin de concilier le développement de ces capacités de production d’énergie renouvelable avec la priorité donnée à la production alimentaire et forestière.
B. Un droit de visite récemment renforcÉ
Les enjeux tenant au maintien d’une véritable exploitation agricole ou forestière ou à la préservation du potentiel exploitable des terrains où les panneaux solaires sont implantés justifient de contrôler, dans la durée, le respect des critères d’admissibilité de ces installations.
Celles-ci sont en effet autorisées pour une durée pouvant atteindre quarante ans ; et il est possible de proroger l’autorisation de dix ans renouvelables si elles présentent encore un rendement significatif (article R. 111‑58 du code de l’urbanisme).
Plusieurs modalités de contrôle sont prévues :
– le contrôle de l’installation agrivoltaïque intervient ex ante, lors de la demande d’autorisation du projet, et ex post, à l’occasion des contrôles de suivi du respect des critères d’admissibilité, prévus par l’article R. 314-121 du code de l’énergie. Ces contrôles doivent avoir lieu tous les cinq ans pour les installations utilisant une technologie éprouvée, tous les trois ans pour les autres installations si le taux de couverture de la parcelle d’implantation est inférieur à 40 %, ou sinon tous les ans ;
– les installations photovoltaïques au sol « compatibles » sont également soumises à des contrôles spécifiques : l’article R. 463-1 du code de l’urbanisme prévoit un contrôle préalable à leur mise en service, puis un contrôle du respect des conditions de compatibilité intervient six ans après l’achèvement des travaux ;
– l’article L. 461-1 du code de l’urbanisme permet, par ailleurs, aux préfets et à leurs agents de visiter, de façon inopinée, les installations et de se faire communiquer tous documents se rapportant à leur réalisation.
L’article 24 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, dite loi « Ddadue », a étendu ce droit de visite et de communication à « toute la durée de [l’]exploitation [des ouvrages mentionnés aux articles L. 111-27 à L. 111-29], dans la limite d'une durée de six ans après la fin de celle-ci ou jusqu'à l'échéance de leur autorisation ».
Cela permet notamment de vérifier l’aboutissement des travaux de démantèlement des installations et de remise en état du terrain.
II. Le droit proposÉ par le SÉnat : Une extension similaire du droit de visite
Adopté par le Sénat avant que ne soit promulguée la loi Ddadue, le présent article 22 propose également d’étendre le droit de visite et de communication, conféré à l’administration par l’article L. 461-1 du code de l’urbanisme, à toute la durée de l’autorisation (d’implanter et d’exploiter) mentionnée à l’article L. 111‑32 du même code, qui a été délivrée aux installations photovoltaïques mentionnées aux articles L. 111-27 à L. 111-29.
La version initiale de l’article 22 se limitait aux installations mentionnées aux articles L. 111-27 à L. 111-28. Mais le Sénat a adopté en séance publique, avec l’avis favorable du Gouvernement, l’amendement des rapporteurs de sa commission des affaires économiques, nos collègues Alain Cadec et Patrick Chauvet, qui a élargi sa portée aux installations « compatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière » mentionnées à l’article L. 111-29.
Le dispositif de l’article L. 461-1 du code de l’urbanisme issu de la loi Ddadue permet aussi d’exercer ces contrôles pendant toute la durée de l’autorisation accordée à ces installations photovoltaïques, à moins que leur exploitation n’ait pris fin avant ; les contrôles sont alors maintenus jusqu’à six ans après.
L’Assemblée nationale et le Sénat ont, chacun, validé ces dispositions, qui n’ont pas davantage suscité de discussion en commission mixte paritaire. Il n’y a aucune raison de revenir dessus. Votre rapporteur proposera donc la suppression de cet article 22.
III. la position de la commission
La commission a adopté les amendements identiques de suppression CE561 du rapporteur et CE266 de M. Karim Benbrahim et ses collègues (SOC), par cohérence avec la suppression de l’ensemble des articles du texte ne se rapportant pas à des enjeux programmatiques.
Par ailleurs, des dispositions similaires avaient déjà été adoptées dans la loi Ddadue du 30 avril 2025.
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Article 22 bis
(article L. 321-13 du code de l’énergie)
Élargissement du périmètre des obligés du mécanisme d’ajustement
Supprimé par la commission
Cet article vise à étendre l’obligation de participer au mécanisme d’ajustement du système électrique aux installations de production d’électricité raccordées aux réseaux publics de distribution, et à ouvrir leur participation aux ajustements à la baisse comme à la hausse – à l’instar de la réforme actée par la loi Ddadue.
I. Le droit en vigueur : le pÉrimÈtre des obligÉs du mÉcanisme d’ajustement a ÉtÉ Élargi par la loi Ddadue
Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, Réseau de transport d’électricité (RTE), a pour mission, notamment, d’assurer l’équilibre des flux sur les réseaux publics, entre les volumes injectés et les volumes prélevés.
Le mécanisme d’ajustement, prévu à l’article L. 321-10 du code de l’énergie, est l’un des principaux outils à sa disposition. Il réunit les producteurs et les consommateurs d’énergie, ainsi que des intermédiaires comme les agrégateurs d’effacement. Le mécanisme se concrétise par des propositions d’ajustement (à la hausse ou à la baisse pour le producteur, à la baisse pour le consommateur), que RTE peut activer lorsqu’il l’estime nécessaire.
L’article L. 321-13 du code de l’énergie oblige certains acteurs à participer à ce mécanisme. Longtemps, seules les installations de production raccordées au réseau de transport d’électricité étaient tenues de mettre à disposition leur puissance non utilisée et techniquement disponible et ce, uniquement pour un ajustement à la hausse de leurs injections.
Mais le développement des énergies renouvelables augmentant l’irrégularité des injections, il est apparu nécessaire de renforcer les moyens d’action de RTE et d’impliquer davantage les producteurs d’énergie renouvelable, qui se raccordent en majorité au réseau public de distribution.
L’article 18 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, dite loi Ddadue, a ainsi élargi le périmètre des obligés aux installations de production d’électricité raccordées aux réseaux publics de distribution, d’une part, et rendu obligatoire leur participation à un ajustement à la baisse (en réduisant leur production en cas de surproduction générale) comme à la hausse.
II. Le droit proposÉ par le SÉnat : Un Élargissement trÈs semblable
Le présent article 22 bis, introduit au Sénat en séance publique par un amendement de M. Daniel Gremillet (Les Républicains), vise également à étendre l’obligation de participer au mécanisme d’ajustement aux installations de production d’électricité raccordées aux réseaux publics de distribution et à prévoir que cette participation puisse se faire à la baisse autant qu’à la hausse.
La version de l’article L. 321-13 issue de la loi Ddadue, adoptée ultérieurement, ne diffère de l’article 22 bis que sur la définition du seuil de puissance rendant cette participation obligatoire :
– le présent article 22 bis prévoit que ce seuil ne peut être inférieur à 12 MW de puissance installée (derrière le point de raccordement au réseau), quand les nouvelles dispositions en vigueur précisent qu’il « ne peut être inférieur à dix mégawatts et peut dépendre du type d'énergie utilisée » (pour produire de l’électricité) ;
– et si l’article 22 bis renvoie la fixation du seuil à un décret, la version de l’article L. 321-13 issue de la loi du 30 avril 2025 ne mentionne aucun texte réglementaire précis, mais prévoit que le seuil est fixé « selon les règles mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 321-10 », ce qui suppose son approbation par la Commission de régulation de l’énergie.
La version adoptée dans le cadre de la loi Ddadue résultait d’une évolution apportée par le Sénat lui-même, qui a été acceptée sans réserve par l’Assemblée nationale en commission mixte paritaire. Il n’y a aucune raison de revenir dessus. Votre rapporteur proposera donc la suppression de l’article 22 bis.
III. la position de la commission
La commission a adopté les amendements identiques de suppression CE561 du rapporteur et CE266 de M. Karim Benbrahim et ses collègues (SOC), par cohérence avec la suppression de l’ensemble des articles du texte ne se rapportant pas à des enjeux programmatiques.
Par ailleurs, des dispositions similaires avaient déjà été adoptées dans la loi Ddadue du 30 avril 2025.
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Article 22 ter
Exemption du décompte de l’artificialisation des sols des installations de stockage d’énergie solaire et de production de solaire thermique
Adopté par la commission avec modifications
La commission des affaires économiques, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur cet article (avis avec délégation au fond).
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est prononcée en faveur de l’adoption avec modifications de cet article. La commission des affaires économiques a, en raison de cette délégation au fond, suivi cette position.
L’article 22 ter de la proposition de loi, introduit en séance publique au Sénat, vise à étendre l’exemption dont bénéficient les installations de production d’énergie solaire photovoltaïque en matière d’artificialisation des sols aux installations de production d’énergie solaire thermique et aux installations de stockage de ces deux énergies renouvelables. La commission a supprimé l’exemption applicable aux seules installations de stockage au motif que ces installations conduisent par nature à artificialiser les sols et ne permettent pas de répondre aux critères posés par la loi de non-atteinte aux fonctions écologiques des sols.
I. L’État du droit
A. La lutte contre l’artificialisation des sols
● Le constat de l’artificialisation des sols en France métropolitaine est posé en des termes simples : entre début 2012 et fin 2021, plus de 227 000 hectares (0,4 % du territoire national) d’espaces naturels, agricoles ou forestiers (ENAF) ont été consommés en France hors Mayotte ; l’espace urbanisé a ainsi augmenté de 6,3 %. Le développement de l’habitat représente à lui seul 63 % de ces changements d’usage, et l’activité économique 23 %. Les infrastructures (routes et chemin de fer) représentent quant à elles 7 % de la consommation d’espace. Enfin, l’usage de 5 % de la surface consommée entre début 2012 et fin 2021 n’est pas connu ([167]).
Dans ce contexte, l’article 191 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience » ([168]), issue des recommandations de la Convention citoyenne pour le climat, a fixé deux objectifs :
– un objectif d’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050, c’est-à-dire qu’à compter de cette date, toute artificialisation devra faire l’objet d’une renaturation d’une surface équivalente ;
– un objectif intermédiaire de réduction de la moitié du rythme de la consommation d’ENAF pour la période 2021-2031, par rapport à la période de référence fixée à 2011-2021.
L’article 192 de la loi « Climat et résilience », codifiée à l’article L. 101‑2-1 du code de l’urbanisme, définit l’artificialisation comme « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage » et la renaturation comme « des actions ou des opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé ». L’artificialisation nette des sols est ainsi définie comme le solde entre ces deux notions sur un périmètre et une période donnée. Cette définition ne trouvera toutefois une application concrète qu’à compter de 2031, dans la mesure où l’objectif intermédiaire applicable pour la première décennie ne fixe pas un rythme d’artificialisation mais de réduction de la consommation d’ENAF.
Pour permettre la mise en œuvre de ces objectifs sur le terrain, l’article 194 de la loi « Climat et résilience » précise que ces objectifs sont appliqués de manière différenciée et territorialisée par le biais des différents documents de planification et d’urbanisme. En effet, pour mettre en œuvre les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols, la loi a retenu une application par le biais des outils de planification urbaine, à savoir les schémas régionaux (SRADDET), les schémas de cohérence territoriale (SCoT), les plans locaux d’urbanisme communaux ou intercommunaux (PLU (i)) et les cartes communales.
● Pour faciliter la mise en œuvre du zéro artificialisation nette (ZAN), la loi a également prévu plusieurs mesures d’assouplissement, sans revenir pour autant sur les objectifs initiaux :
– la comptabilisation au niveau national de la consommation d’ENAF par les projets d’envergure nationale ou européenne (PENE) qui présentent un intérêt national majeur, dont la liste, définie par arrêté après avis des régions, peut être mise à jour à tout moment en fonction des besoins identifiés sur le territoire. Il s’agit ainsi de permettre que la consommation de ces projets ne pèse pas sur les trajectoires de réduction de l’artificialisation des sols fixées par les documents de planification et d’urbanisme locaux. Cette consommation est ainsi prise en compte, pour la première tranche de dix années, dans le cadre d’un forfait national fixé à hauteur de 12 500 hectares pour l’ensemble du pays, dont 10 000 hectares sont mutualisés entre les régions couvertes par un SRADDET. En cas de dépassement du forfait, le surcroît de consommation ne pourra pas être imputé sur l’enveloppe des collectivités territoriales ou de leurs groupements ;
– la possibilité de qualifier de projets d’envergure régionale (PER) ou de projets d’intérêt intercommunal les aménagements, les équipements et les logements directement liés à la réalisation d’un PENE qui présente un intérêt général majeur, auxquels cas l’artificialisation des sols ou la consommation d’ENAF qui en résulte est prise en compte de manière mutualisée à l’échelle régionale ou intercommunale ;
– la mise en place, au bénéfice des petites communes et des communes rurales, d’une garantie de surface minimale appelée « garantie communale ». Ce dispositif prévoit que toute commune qui est, soit couverte par un PLU, par un document en tenant lieu ou par une carte communale, soit qui a entamé les démarches pour s’en doter avant le 22 août 2026, ne peut être privée, en raison de la déclinaison des objectifs du ZAN dans les documents de planification et d’urbanisme, d’une surface minimale de consommation d’ENAF. Cette surface minimale a été fixée à 1 hectare pour la période 2021-2031. Les communes nouvelles dont l’arrêté de création a été pris après le 1er janvier 2011 peuvent bénéficier d’une majoration de surface de 0,5 hectare pour chaque commune déléguée, dans une limite de 2 hectares. Cette surface peut être mutualisée à l’échelle intercommunale à la demande du maire, après avis de la conférence des maires de l’EPCI ou, à défaut, du bureau de l’EPCI concerné si l’ensemble des maires des communes membres en fait partie.
Par ailleurs, il doit être précisé que l’article 15 adopté en séance publique en première lecture à l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi simplification de la vie économique prévoit à ce jour d’une nouvelle exemption du décompte de l’artificialisation des sols pour toutes les implantations industrielles et les projets d’intérêt national ou local majeur. Il prévoit également la création d’une nouvelle enveloppe nationale de 10 000 hectares pour les projets industriels ainsi que les besoins en aménagements et en logements connexes ([169]).
Définition des projets d’envergure nationale ou européenne à
l’article 194 de la loi « Climat et résilience »
Peuvent être considérés comme des projets d’envergure nationale ou européenne :
a) Les travaux ou les opérations qui sont ou peuvent être, en raison de leur nature ou de leur importance, déclarés d’utilité publique par décret en Conseil d’État ou par arrêté ministériel. Pour les infrastructures fluviales sont concernés les travaux ou les opérations qui sont réalisés sur le domaine public de l’État ou de ses opérateurs ;
b) Les travaux ou les opérations de construction de lignes ferroviaires à grande vitesse et leurs débranchements ;
c) Les projets industriels d’intérêt majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique ainsi que ceux qui participent directement aux chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable ;
d) Les actions ou les opérations d’aménagement qui sont réalisées par un grand port maritime ou fluviomaritime de l’État ou pour son compte, et qui sont conformes aux orientations prévues dans son projet stratégique pour sa circonscription ainsi que celles réalisées par le port autonome de Strasbourg ;
e) Les opérations intéressant la défense ou la sécurité nationales ;
f) Les opérations de construction ou de réhabilitation d’un établissement pénitentiaire qui sont réalisées par l’Agence publique pour l’immobilier de la justice ;
g) Les actions ou les opérations de construction ou d’aménagement réalisées par l’État ou, pour son compte, par l’un de ses établissements publics ou, le cas échéant, par un concessionnaire, dans le périmètre d’une opération d’intérêt national ;
h) La réalisation d’un réacteur électronucléaire ;
i) Les opérations de construction ou d’aménagement de postes électriques de tension supérieure ou égale à 220 kilovolts.
Source : article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
B. Les exemptions en faveur de la production d’Énergie photovoltaïque
L’article 194 précité dispose, pour la première tranche de réduction de consommation d’ENAF pour 2021-2031, qu’un « espace naturel ou agricole occupé par une installation de production d’énergie photovoltaïque n’est pas comptabilisé dans la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers dès lors que les modalités de cette installation permettent qu’elle n’affecte pas durablement les fonctions écologiques du sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ainsi que son potentiel agronomique et, le cas échéant, que l’installation n’est pas incompatible avec l’exercice d’une activité agricole ou pastorale sur le terrain sur lequel elle est implantée ».
En effet, lors de l’examen au Sénat de la loi dite « Climat et résilience », plusieurs amendements identiques ont été adoptés, avec un avis favorable du Gouvernement et du rapporteur, afin de « permettre de ne pas comptabiliser les installations d’énergie renouvelable qui ont une incidence marginale sur les fonctions écologiques des sols agricoles ou naturels » ([170]) dans la mise en œuvre des dispositions de lutte contre l’artificialisation des sols.
Il s’agissait, selon les auteurs des amendements, de prendre en compte les spécificités de « certaines installations de production d’énergie renouvelable » qui « n’ont qu’une incidence marginale sur les fonctions écologiques du sol, par exemple dans le cas de panneaux photovoltaïques reposant sur des piquets directement plantés dans le sol naturel ». De plus, dans cet exemple, les auteurs des amendements estimaient que « l’installation photovoltaïque est complètement réversible à l’issue de son exploitation ». L’objectif était ainsi de concilier les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et de développement des énergies renouvelables, en s’assurant, d’une part, « de prendre en compte l’impact sur les sols des installations d’énergies renouvelables » et, d’autre part, « de ne pas retarder le développement des énergies renouvelables alors que les difficultés d’accès au foncier représentent aujourd’hui l’un des principaux freins à leur développement ».
● Le décret du 29 décembre 2023 est venu préciser les modalités d’application de cette exemption en définissant les critères que doivent respecter les installations de production d’énergie photovoltaïque pour ne pas être comptabilisées dans le calcul de la consommation d’espace ([171]). Ainsi, les modalités de cette installation doivent permettre de garantir :
– la réversibilité de l’installation ;
– le maintien, sur le lieu de l’installation, du couvert végétal correspondant à la nature du sol et, le cas échéant, des habitats naturels préexistants sur le site d’implantation, sur toute la durée de l’exploitation, ainsi que de la perméabilité du sol au niveau des voies d’accès ;
– sur les espaces à vocation agricole, le maintien d’une activité agricole ou pastorale significative sur le terrain sur lequel elle est implantée, en tenant compte de l’impact du projet sur les activités qui y sont effectivement exercées ou, en l’absence d’activité agricole ou pastorale effective, qui auraient vocation à s’y développer.
Un arrêté du 29 décembre 2023 ([172]) des ministres chargés de l’urbanisme, de l’énergie et de l’agriculture précise les modalités d’implantation et les caractéristiques techniques, notamment l’espacement entre les panneaux et la hauteur de ceux-ci, qui permettent de garantir que les conditions prévues par la loi sont satisfaites.
CaractÉristiques techniques des installations de production
d’Énergie photovoltaïque Éligibles
Caractéristiques techniques des installations de production d’énergie photovoltaïque |
Valeurs ou seuils d’exemption du calcul de la consommation |
Hauteur des panneaux photovoltaïques |
1,10 mètre minimum au point bas |
Densité et taux de recouvrement du sol par les panneaux photovoltaïques |
Espacement entre deux rangées de panneaux photovoltaïques distinctes au moins égal à deux mètres. Les deux mètres sont mesurés du bord des panneaux d’une rangée au bord des panneaux de la rangée suivante et non pas d’un pieu d’ancrage à l’autre. |
Type d’ancrage au sol |
Pieu en bois ou en métal, sans exclure la possibilité de scellements « béton » < 1 m2, sur des espaces très localisés, justifiés par les caractéristiques géotechniques du sol ou des conditions climatiques extrêmes. |
Type de clôture autour de l’installation |
Grillage non occultant ou clôture à claire-voie, sans base linéaire maçonnée |
Voies d’accès aux panneaux internes à l’installation et aux autres plateformes techniques |
Absence de revêtement ou mise en place d’un revêtement drainant ou perméable |
Source : arrêté du 29 décembre 2023 définissant les caractéristiques techniques des installations de production d’énergie photovoltaïque exemptées de prise en compte dans le calcul de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers.
Enfin, ce principe dérogatoire a été étendu au calcul de l’artificialisation des sols applicable à compter de 2031 par le décret n° 2023-1096 du 27 novembre 2023 relatif à l’évaluation et au suivi de l’artificialisation des sols, en précisant que peuvent être considérées comme des surfaces non artificialisées, les surfaces sur lesquelles sont implantées des installations de production d’énergie solaire photovoltaïque qui respectent les critères fixés par le décret du 29 décembre 2023.
À ce jour, la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) indique que 62 dossiers ont été déposés pour un total de 267 hectares de surface d’installations déclarées, parmi lesquelles 263 hectares bénéficient de l’exemption. Parmi les 62 dossiers, 41 dossiers ont une date d’installation effective située entre 2021 et 2023, les 21 restants ont une date d’installation déclarée entre 2024 et 2027.
II. Le dispositif proposÉ
Le développement de la chaleur renouvelable est un volet majeur de la stratégie nationale bas carbone (SNBC). En France, la chaleur représente près de la moitié de la consommation finale énergétique et reste majoritairement produite par des énergies fossiles fortement émettrices de gaz à effet de serre. L’atteinte des objectifs nationaux de développement de la chaleur renouvelable nécessite d’examiner attentivement les contraintes au déploiement des installations de production de chaleur issue d’énergies renouvelables, dès lors que ces installations n’affectent pas durablement les fonctions écologiques du sol. L’objectif fixé dans le cadre de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3) de 10 térawattheures de chaleur solaire thermique à l’horizon 2035 s’appuie ainsi sur une cible d’environ 5 térawattheures pour de grandes installations solaires thermiques (GIST), contre environ 0,03 térawattheure aujourd’hui.
À cette fin, le Sénat a adopté, lors de l’examen de la proposition de loi en séance publique, un amendement ([173]) portant article additionnel visant à modifier l’article 194 de la loi dite « Climat et résilience », afin d’élargir « l’exemption dont bénéficie le solaire photovoltaïque en matière d’artificialisation des sols à l’énergie solaire thermique ». Il s’agit, selon les auteurs de l’amendement « d’une mesure de simplification – en ce qu’elle permettra de ne plus distinguer les différents usages de l’énergie solaire – appelée de ses vœux par tous les acteurs de la filière, au premier rang desquelles les collectivités ».
Cette mesure semble d’autant plus justifiée, comme le souligne le Syndicat des énergies renouvelables (SER) dans sa réponse écrite au rapporteur pour avis, que « techniquement, les structures et les ancrages permettant de poser les capteurs solaires thermiques sont absolument similaires à celles permettant de poser les capteurs solaires photovoltaïques. Il est donc tout à fait possible pour les porteurs de projets solaires thermiques de respecter les critères techniques d’exemptions, notamment les exigences d’espacement et de hauteur prévus par la réglementation pour les panneaux photovoltaïques ».
La différence de traitement entre solaire thermique et solaire photovoltaïque semble donc uniquement juridique et largement discutable. Le SER estime ainsi que « l’exemption des installations solaires thermiques de la comptabilisation d’espaces naturels et agricoles permettrait d’accélérer le développement des réseaux urbains de chaleur solaire et de garantir une trajectoire de réduction des émissions compatibles avec les engagements climatiques de la France ».
En revanche, la mesure adoptée par le Sénat va au-delà de l’exposé des motifs de l’amendement et de l’intention exprimés lors des débats, dans la mesure où le dispositif proposé étend également l’exemption aux installations de stockage d’énergie solaire photovoltaïque et solaire thermique, et non seulement aux installations de production de ces deux énergies.
Cet amendement a été adopté en dépit d’un avis défavorable du Gouvernement, qui estimait :
– que la grande majorité des grandes installations solaires thermiques (GIST) sont alimentées par des centrales à capteurs plans (jusqu’à 100 degrés Celsius) ou à concentration (jusqu’à 300 degrés Celsius) et couvrent principalement les besoins en chaleur basse ou moyenne température de réseaux de chaleur urbains ou de sites industriels. La chaleur se transportant plus difficilement que l’électricité, ces grands parcs solaires thermiques doivent nécessairement être placés proche des sources de consommation : la plupart des sites sont ainsi situés sur des sites dégradés, non agricoles, situés à proximité des agglomérations (friche, ancienne carrière, etc.) ;
– que les installations de stockage de ces énergies ne peuvent être comprises dans l’exemption, dans la mesure où les caractéristiques techniques de ces constructions artificialisent par nature les sols et ne permettent pas de répondre aux critères de la loi de non-atteinte durable aux fonctions écologiques du sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, et de maintien d’une activité agricole.
En considérant les objectifs très ambitieux du projet de PPE 3 pour les GIST, la DGEC estime qu’il est possible d’estimer la surface totale considérée par la nouvelle exemption entre 700 et 1 000 hectares au total à l’horizon 2035 pour l’énergie solaire thermique.
III. Les travaux de la commission
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté un amendement du rapporteur pour avis (CD87) afin de limiter l’exemption en matière d’artificialisation des sols, dont bénéficient aujourd’hui les installations de production d’énergie solaire photovoltaïque, aux seules installations de production d’énergie solaire thermique, et non pas aux installations de stockage de ces deux énergies renouvelables.
La commission a en effet estimé que les installations de stockage de l’énergie solaire conduisent par nature à artificialiser les sols et ne permettent pas de répondre aux critères de la loi de non-atteinte durable aux fonctions écologiques du sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, et de maintien d’une activité agricole.
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Article 22 quater
(article L. 181-9 du code de l’environnement)
Encadrement de la durée d’instruction des autorisations environnementales pour les projets d’installations d’énergies renouvelables
Supprimé par la commission
La commission des affaires économiques, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur cet article (avis avec délégation au fond). Celle-ci s’est prononcée en faveur de la suppression de cet article et la commission des affaires économiques a, en raison de cette délégation au fond, suivi cette position.
L’article 22 quater de la proposition de loi, introduit en séance publique au Sénat, encadre la durée de la procédure d’instruction des autorisations environnementales pour les projets de construction d’installations de production d’énergies renouvelables terrestres. Il s’agirait ainsi de transposer la directive « RED III » en prévoyant que la durée maximale d’instruction de l’autorisation environnementale des projets d’énergie renouvelable est de 12 mois à compter de la réception d’un dossier complet et régulier pour les projets situés en zones d’accélération et de 24 mois pour les projets situés à l’extérieur de ces zones.
I. L’État du droit
A. L’instruction des autorisations environnementales depuis la loi « industrie verte » de 2023
● Le régime de l’autorisation environnementale est défini par le chapitre unique Autorisation environnementale du titre VIII Procédures administratives du livre Ier du code de l’environnement, composé des articles L. 181-1 à L. 181-32. Il s’agit d’un outil de simplification permettant de rassembler, en une seule procédure d’autorisation, pour un même projet, plusieurs procédures relevant de législations distinctes et liées à des enjeux environnementaux.
L’article L. 181-1 du code de l’environnement définit le champ d’application de ce régime, qui concerne les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) susceptibles de présenter des dangers pour l’environnement et la santé. Les porteurs de projets d’installation de production d’énergies renouvelables doivent ainsi effectuer une demande d’autorisation environnementale lorsque ces derniers présentent un danger pour l’environnement ou pour la santé, ce qui est généralement le cas pour les projets éoliens et les projets de méthaniseurs. En revanche, la demande d’autorisation environnementale s’applique uniquement aux installations au sol d’une puissance égale ou supérieure à 1 mégawatt crête, excluant de fait la plupart des projets concernés.
NomeNclature des projets d’Énergie renouvelable
soumis à une évaluation environnementale
Catégories de projet |
Projets soumis à une évaluation environnementale |
Projets soumis à un examen au cas par cas |
Installation terrestre de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent |
Comprenant au moins un aérogénérateur dont la hauteur du mât et de la nacelle au-dessus du sol est supérieure ou égale à 50 m ou lorsque la puissance installée est supérieure à 20 MW |
Toute autre installation |
Installations destinées à la production d’énergie hydroélectrique |
Installations d’une puissance maximale brute totale supérieure à 4,5 MW |
Nouvelles installations d’une puissance maximale brute totale inférieure ou égale à 4,50 MW
Augmentation de puissance de plus de 20 % des installations existantes |
Installations photovoltaïques de production d’électricité (hormis celles sur toitures, ainsi que celles sur ombrières situées sur des aires de stationnement) |
Installations d’une puissance égale ou supérieure à 1 MWc, à l’exception des installations sur ombrières |
Installations d’une puissance égale ou supérieure à 300 kWc |
Installation en mer de production d’énergie |
Éolienne en mer |
Toute autre installation |
Source : tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement.
● Avant la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, la procédure de délivrance des autorisations environnementales comportait trois phases : une phase d’examen de la demande, comprenant le recueil des avis obligatoires, notamment celui de l’autorité environnementale, ainsi que la réponse du pétitionnaire, puis une phase d’enquête publique sur un dossier comprenant ces avis et réponse et, enfin, une phase de décision. L’ensemble de ces trois phases composait le délai théorique de la procédure d’autorisation environnementale qui était de neuf mois.
Depuis la loi relative à l’industrie verte, l’article L. 181-9 du code de l’environnement dispose que l’instruction d’une demande d’autorisation environnementale comporte désormais deux phases distinctes :
– une phase d’examen et de consultation, au cours de laquelle les services de l’État procèdent à l’instruction du dossier complet de demande de l’autorisation environnementale, parallèlement à la réalisation des consultations obligatoires des différentes instances (par exemple les communes, l’autorité environnementale, le comité scientifique régional de protection de la nature, etc.) et à la participation du public ;
– une phase de décision, où un arrêté préfectoral octroie ou non l’autorisation environnementale.
Ainsi, depuis la loi relative à l’industrie verte, l’instruction du dossier de demande d’autorisation environnementale par les services de l’État s’effectue parallèlement aux consultations obligatoires des différents organismes et instances compétents, aux consultations des conseils municipaux et autres collectivités locales intéressées et à la participation du public. Il s’agit ainsi de réduire les délais d’instruction des demandes d’autorisation environnementale en parallélisant la phrase d’examen et la phase de consultation.
Les zones d’accélération de production
d’énergies renouvelables
La directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, modifiée par la directive (UE) 2023/2413 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023, définit les énergies renouvelables comme « une énergie produite à partir de sources non fossiles renouvelables ». Elle impose la création de « zones d’accélération des énergies renouvelables » définies comme « une zone spécifique, terrestre, maritime ou d’eaux intérieures, qu’un État membre a désignée comme étant particulièrement adaptée pour accueillir des installations d’énergie renouvelable à partir de sources renouvelables, autres que des installations de combustion de biomasse ».
Ces dispositions sont transposées en droit français :
– à l’article L. 211-2 du code de l’énergie qui dispose que « l’énergie produite à partir de sources renouvelables, ou “énergie renouvelable”, est une énergie produite à partir de sources non fossiles renouvelables, à savoir l’énergie éolienne, l’énergie solaire thermique ou photovoltaïque, l’énergie géothermique, l’énergie ambiante, l’énergie marémotrice, houlomotrice ou osmotique et les autres énergies marines, l’énergie hydroélectrique, la biomasse, les gaz de décharge, les gaz des stations d’épuration d’eaux usées et le biogaz ».
– à l’article L. 141-5-3 du code de l’énergie, créé par l’article 15 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, qui dispose que sont définies des « zones d’accélération pour l’implantation d’installations terrestres de production d’énergies renouvelables » qui « présentent un potentiel permettant d’accélérer la production d’énergies renouvelables » tout « en tenant compte de la nécessaire diversification des énergies renouvelables en fonction des potentiels du territoire concerné et de la puissance d’énergies renouvelables déjà installée ». Ces zones sont un outil de planification territoriale qui permet aux communes, après concertation avec leurs administrés, d’identifier des zones prioritaires pour l’implantation des infrastructures d’énergies renouvelables et des zones d’exclusion, c’est-à-dire des secteurs où l’implantation de certaines installations de production d’énergies renouvelables est interdite.
B. L’encadrement des dÉlais d’instruction dans le domaine des Énergies renouvelables
1. La directive dite « RED III » encadre la durée totale d’octroi de permis dans le domaine des énergies renouvelables
La directive dite « RED III » a inséré en octobre 2023 trois nouveaux articles 16, 16 bis et 16 ter au sein de la directive 2018/2001 qui encadre désormais au niveau européen les délais d’octroi de permis administratifs pertinents pour la construction, le rééquipement et le fonctionnement des installations d’énergie renouvelable ([174]).
● La directive prévoit pour les installations d’énergie renouvelable situées dans des zones d’accélération des énergies renouvelables :
– un délai de 30 jours suivant la réception d’une demande d’un permis pour constater le caractère complet de la demande ou, si le demandeur n’a pas envoyé toutes les informations nécessaires au traitement de la demande, inviter ce dernier à présenter une demande complète. La date à laquelle l’autorité compétente constate le caractère complet de la demande constitue la date de début de la procédure d’octroi de permis ;
– un délai de 12 mois pour la procédure d’octroi de permis pour les projets d’énergie renouvelable terrestre ;
– un délai de 24 mois pour la procédure d’octroi de permis pour les projets d’énergie renouvelable en mer ;
– un délai de 6 mois pour la procédure d’octroi de permis pour les projets de rééquipement des centrales électriques utilisant des sources d’énergie renouvelable terrestre, pour les nouvelles installations d’une puissance électrique inférieure à 150 kilowatts, pour le stockage sur place de l’énergie, y compris les installations électriques et thermiques, ainsi que pour leur raccordement au réseau.
Dans des circonstances extraordinaires dûment justifiées, les États membres peuvent prolonger le délai de 6 mois de 3 mois au maximum, et les délais de 12 mois et 24 mois de 6 mois au maximum.
● En revanche, pour les installations d’énergie renouvelable situées en dehors des zones d’accélération des énergies renouvelables, la directive prévoit :
– un délai de 45 jours suivant la réception d’une demande d’un permis pour constater le caractère complet de la demande ;
– un délai de 24 mois pour la procédure d’octroi de permis pour les projets d’énergie renouvelable terrestre ;
– un délai de 36 mois pour la procédure d’octroi de permis pour les projets d’énergie renouvelable en mer ;
– un délai de 12 mois pour la procédure d’octroi de permis pour les projets de rééquipement des centrales électriques utilisant des sources d’énergie renouvelable terrestre, pour les nouvelles installations d’une puissance électrique inférieure à 150 kilowatts, pour le stockage sur place de l’énergie, y compris les installations électriques et thermiques, ainsi que pour leur raccordement au réseau.
Dans des circonstances extraordinaires dûment justifiées, les États membres peuvent prolonger le délai de 12 mois de 3 mois au maximum, et les délais de 24 mois et 36 mois de 6 mois au maximum.
La France avait jusqu’au 21 mai 2025 pour mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives permettant de transposer le contenu de cette directive.
2. Le droit français encadre la durée des différentes phases d’instruction de l’autorisation environnementale
Dans ce contexte, la durée globale de l’instruction d’une autorisation environnementale ne fait pas l’objet en France d’un encadrement particulier pour les projets d’installations d’énergie renouvelable. En revanche, les durées des différentes phases d’instruction de la demande d’autorisation environnementale font l’objet d’un encadrement, le plus souvent de nature réglementaire :
– pour la phase d’examen, il est prévu que l’ensemble des autorités, organismes et services de l’État dont l’avis ou la contribution sont requis doivent transmettre ces derniers dans un délai de 45 jours à compter de la saisine de ces instances par le préfet (article R. 181-33 du code de l’environnement). Les avis sont réputés favorables au-delà du délai dans lequel ils auraient dû être rendus. Ce délai est toutefois porté à 2 mois pour certaines consultations obligatoires (collectivités territoriales, conseil scientifique régional du patrimoine naturel, etc.) ;
– pour la phase de consultation, la loi relative à l’industrie verte a mis en place une nouvelle procédure de consultation du public, hybride entre l’enquête publique et la participation du public par voie électronique (PPVE), d’une durée de 3 mois (article L. 180-10-1 du code de l’environnement), à laquelle il convient d’ajouter 3 semaines pour la remise des conclusions et du rapport du commissaire enquêteur. Dès réception du dossier de demande d’autorisation environnementale, donc avant même le début de l’examen de cette demande, l’autorité administrative doit saisir le président du tribunal administratif compétent en vue de la désignation d’un commissaire enquêteur chargé de la consultation du public. La durée de la consultation du public dure ensuite 3 mois au maximum, le dossier est mis à disposition du public et les contributions sont réceptionnées par voie postale ou électronique. Le commissaire enquêteur doit toutefois organiser deux réunions publiques au début et à la fin de la période de consultation, en présence du porteur de projet, et remettre son rapport et ses conclusions motivées à l’autorité administrative, dans un délai de 3 semaines après la clôture de la consultation du public ;
– pour la phase de décision, le préfet statue sur la demande d’autorisation environnementale dans les 2 mois à compter du jour de l’envoi par le préfet au pétitionnaire du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur (article R. 181-41 du code de l’environnement). Le silence gardé par le préfet à l’issue de ce délai pour statuer sur la demande d’autorisation environnementale vaut décision implicite de rejet (article R. 181-42 du même code).
Au total, avec le parallélisme des phases d’examen et de consultation, la durée d’instruction théorique des demandes d’autorisation environnementale est entre 6 et 9 mois une fois le dossier reconnu complet et régulier. Il doit être toutefois noté que lorsque l’instruction fait apparaître que le dossier n’est pas complet ou régulier, ou ne comporte pas les éléments suffisants pour en commencer ou en poursuivre l’examen, le préfet invite le demandeur à le compléter dans un délai qu’il fixe (les délais d’instruction sont alors suspendus).
Par ailleurs, il existe des délais intercalaires entre les différentes phases de la procédure d’instruction, également responsables d’écarts parfois importants entre le délai théorique et le délai réel. Ainsi, au cours de son audition par le rapporteur pour avis, le SER a indiqué qu’en pratique, pour les nouveaux projets éoliens, et selon les derniers retours d’expérience, « il faut en réalité compter une durée moyenne d’instruction des projets de 2,5 ans, la durée totale oscillant entre 1,5 et 4 ans ». De même, pour les centrales solaires au sol, le délai d’instruction global des projets complexes est « entre 8 et 12 mois ». Le syndicat estime ainsi que « la durée de ces procédures affecte considérablement la compétitivité des projets » dans le domaine des énergies renouvelables, « dans la mesure où la mobilisation de capital humain pendant une longue durée d’instruction augmente les coûts pour les développeurs ».
La DGEC indique de son côté que les délais moyens d’instruction pour les éoliennes terrestres constatés fin 2024 sont de 22 mois hors délais de suspensions (demandes de compléments ou recours). En ce qui concerne les installations de méthanisation, les délais d’instruction (hors délais de suspension) sont de 19 mois pour les projets relevant de l’autorisation environnementale.
Pour cette raison, l’article 7 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables avait mis en place des délais plus brefs dans les zones d’accélération pour l’implantation d’installations terrestres de production d’énergies renouvelables. L’article L. 181-9 du code de l’environnement disposait ainsi que, pour les projets d’installations de production d’énergies renouvelables et dans la stricte limite de ces zones d’accélération, la durée maximale de la phase d’examen était de 3 mois à compter de la date d’accusé de réception du dossier. Elle pouvait être portée à quatre mois sur décision motivée de l’autorité compétente. Ces délais ont toutefois été supprimés par l’article 4 de la loi relative à l’industrie verte qui a procédé au parallélisme des phases d’examen et de consultation.
II. Le dispositif proposÉ par le SÉnat
Le Sénat a adopté, lors de l’examen de la proposition de loi en séance publique, un amendement ([175]) portant article additionnel visant à modifier l’article L. 181-9 du code de l’environnement relatif à la procédure d’instruction de l’autorisation environnementale, afin d’encadrer le délai d’instruction maximal de cette dernière pour les installations de production d’énergies renouvelables.
Il s’agit, selon l’auteur de l’amendement, de transposer strictement en droit français les articles 16 bis et 16 ter de la directive « RED III » en prévoyant que la durée maximale d’instruction de l’autorisation environnementale des projets d’énergie renouvelable est de 12 mois à compter de la réception d’un dossier complet pour les projets situés en zones d’accélération et de 24 mois pour les projets situés à l’extérieur de ces zones. Les zones retenues pour l’application de la mesure sont les zones d’accélération pour implantation d’installations terrestres de production d’énergie renouvelable, définies par l’article L. 141-5-3 du code de l’énergie et créées par la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
Il est également prévu, conformément à la directive « RED III », la possibilité de prolonger de 6 mois la durée d’instruction des projets en cas de circonstances exceptionnelles dûment justifiées pour les projets situés à l’intérieur ou à l’extérieur de ces zones.
Cet amendement a été adopté en dépit d’un avis défavorable du Gouvernement qui estimait que :
– la rigidité de la rédaction conduirait l’administration à rejeter les projets même pour quelques jours de retard, ce qui mettrait en difficulté un grand nombre de dossiers potentiellement viables. En particulier, la mesure conduirait l’administration à ne plus pouvoir demander des compléments utiles durant la phase d’examen, conduisant à rejeter un grand nombre de dossiers incomplets ou irréguliers, et entraînant une perte de temps pour les porteurs de projets, un renforcement des risques de contentieux et une obligation de redéposer des dossiers complets ;
– les zones d’accélération au sens la directive « RED III » n’ont pas encore fait l’objet de transposition : en effet, le zonage introduit par le législateur au travers de la loi Aper prévoit un mécanisme de planification ascendante des énergies renouvelables sur le territoire et permet aux communes, si elles le souhaitent, d’identifier des zones d’accélération des énergies renouvelables sur leur territoire communal. Il s’agit de zones préférentielles pour voir des projets d’énergies renouvelables se développer, qui résultent d’une intention politique de la commune et sont sans incidence directe sur l’instruction du dossier d’autorisation d’urbanisme ou environnementale par les services de l’État. Elles concernent toutes les énergies renouvelables terrestres sur l’ensemble du territoire. À l’inverse, les zones introduites par la directive « RED III » prennent la forme d’un plan et programme, et sont donc soumises à une évaluation environnementale stratégique, ce qui permet ensuite aux projets de développement sur ces zones de bénéficier, sous certaines conditions, d’une exemption d’évaluation environnementale et d’un délai réduit d’instruction ;
– la création d’une sous-catégorie d’autorisation environnementale pour les seules installations de production d’énergie renouvelable complexifie le droit applicable, à rebours des objectifs de simplification recherchés par ailleurs par la proposition de loi ;
– la loi industrie verte encadre déjà suffisamment la durée de la procédure d’instruction des autorisations environnementales pour satisfaire aux exigences de la directive « RED III » : la durée théorique totale est désormais entre 6 et 9 mois pour les autorisations environnementales. Les délais imposés par cet article ne tiennent ainsi pas compte des bénéfices associés à la nouvelle procédure « industrie verte », applicable aux dossiers déposés depuis le 23 octobre 2024, qui permettra notamment de raccourcir les délais en engageant la phase de consultation en parallèle de l’instruction, que le projet relève ou non des énergies renouvelables et qu’il soit ou non situé dans ou en dehors des zones d’accélérations.
Sur ce dernier point, le SER relève dans sa réponse écrite au rapporteur pour avis que « prévoir une durée de 24 mois en dehors des zones d’accélération, telle que prévue actuellement par l’article 22 quater, a peu de sens dans la mesure où c’est à peu près la réalité moyenne des projets aujourd’hui ». Il préconise ainsi plutôt « de mettre en cohérence l’article 22 quater avec le délai théorique prévu dans le cadre de la réforme de la loi industrie verte, entrée en vigueur en octobre 2024, et qui pose une durée théorique d’instruction de 9 mois, que le projet soit à l’intérieur ou à l’extérieur d’une zone d’accélération ». Cette durée est « plus ambitieuse que ce que propose le droit européen, et la transposition de la directive ne doit pas brider cette ambition ».
De la même manière, la DGEC indique dans sa réponse écrite qu’une « transposition littérale des articles 16 bis et 16 ter de RED III n’est pas nécessaire dans la mesure où la nouvelle procédure “industrie verte” permet déjà d’instruire (…) les demandes d’autorisations environnementales dans les délais requis par la directive RED III, que le projet relève ou non des énergies renouvelables et qu’il soit ou non situé dans ou en dehors des zones d’accélérations ».
Cet amendement avait par ailleurs déjà fait l’objet d’une adoption au Sénat lors de l’examen en séance de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes. Il a toutefois été supprimé, d’un commun accord entre le Sénat et l’Assemblée nationale, lors de l’élaboration du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion (article 26 ter).
III. Les travaux de la commission
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté un amendement du rapporteur pour avis (CD89) de suppression du présent article, en estimant qu’il introduisait un encadrement rigide des délais d’instruction des demandes d’autorisation environnementale pour les projets d’énergies renouvelables et que les dispositions issues de la loi dite « industrie verte » permettent déjà de satisfaire aux exigences de durée d’instruction posées par la directive « RED III ».
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Article 22 quinquies
(article L. 181-14 du code de l’environnement)
Encadrement de la durée d’instruction des autorisations environnementales pour les projets de rééquipement des installations d’énergies renouvelables
Supprimé par la commission
La commission des affaires économiques, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur cet article (avis avec délégation au fond). Celle-ci s’est prononcée en faveur de la suppression de cet article et la commission des affaires économiques a, en raison de cette délégation au fond, suivi cette position.
L’article 22 quinquies de la proposition de loi, introduit en séance publique au Sénat, encadre la durée de la procédure d’instruction des autorisations environnementales pour les projets de rééquipement d’installations de production d’énergies renouvelables. Il s’agirait ainsi de transposer la directive « RED III » en prévoyant que la durée maximale d’instruction de l’autorisation environnementale des projets de rééquipement d’énergie renouvelable est de 6 mois à compter de la réception d’un dossier complet pour les projets situés en zones d’accélération et de 12 mois pour les projets situés à l’extérieur de ces zones.
I. L’État du droit
● Le régime de l’autorisation environnementale est défini par le chapitre unique Autorisation environnementale du titre VIII Procédures administratives du livre Ier du code de l’environnement, composé des articles L. 181-1 à L. 181-32. Il s’agit d’un outil de simplification permettant de rassembler, en une seule procédure d’autorisation, pour un même projet, plusieurs procédures relevant de législations distinctes et liées à des enjeux environnementaux.
L’article L. 181-1 du code de l’environnement définit le champ d’application de ce régime, qui concerne les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) susceptibles de présenter des dangers pour l’environnement et la santé. Les porteurs de projets d’installation de production d’énergies renouvelables doivent ainsi effectuer une demande d’autorisation environnementale. L’article L. 181-14 du code de l’environnement précise qu’il en est de même pour « toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l’autorisation environnementale ». Ainsi, si la modification envisagée apparaît comme étant substantielle, l’exploitant est tenu d’obtenir une nouvelle autorisation. Inversement, si la modification envisagée de l’installation est de nature à entraîner un changement notable, l’exploitant est tenu uniquement d’en informer le préfet, afin que ce dernier puisse prendre éventuellement des prescriptions complémentaires après analyse des dangers présentés par la modification.
L’article R. 181-46 du code de l’environnement précise qu’est regardée comme substantielle la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui « en constitue une extension devant faire l’objet d’une nouvelle évaluation environnementale », qui « atteint des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté » ou qui « est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts » environnementaux.
Ces dispositions s’appliquent tout particulièrement aux projets de rééquipement d’une installation d’énergie renouvelable. Cette notion de rééquipement est définie par l’article 2 de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables comme « la rénovation des centrales électriques produisant de l’énergie renouvelable, notamment le remplacement total ou partiel des installations ou des systèmes et des équipements d’exploitation, dans le but d’en modifier la capacité ou d’augmenter l’efficacité ou la capacité de l’installation ».
Dans ce contexte, l’instruction du 25 juillet 2018 relative à l’appréciation des projets de renouvellement des parcs éoliens terrestres ([176]) fournit ainsi des éléments d’appréciation du caractère substantiel de la modification d’un projet dans le cas particulier du renouvellement d’un parc éolien. Ainsi, un projet de rééquipement nécessitera systématiquement une nouvelle autorisation environnementale lorsqu’une « augmentation de plus de 50 % de la hauteur d’une des éoliennes » est envisagée et, au cas par cas, « sur une augmentation de la hauteur des éoliennes comprise entre 10 % et 50 % ». En revanche, un renouvellement d’éoliennes par d’autres éoliennes de dimension identique et au même emplacement ne nécessite pas de nouvelle autorisation environnementale, mais un simple porter à connaissance du préfet. La DGEC a indiqué au rapporteur pour avis que cette instruction fait actuellement l’objet de travaux de révision afin de faire évoluer les seuils d’appréciation permettant de juger du caractère substantiel de la modification du parc éolien.
● La directive dite « RED III » a inséré en octobre 2023 trois nouveaux articles 16, 16 bis et 16 ter au sein de la directive (UE) 2018/2001 du 11 décembre 2018 qui encadre désormais au niveau européen les délais d’octroi de permis administratifs pertinents pour la construction, le rééquipement et le fonctionnement des installations d’énergie renouvelable ([177]). La directive ainsi modifiée prévoit :
– pour les installations d’énergie renouvelable situées dans des zones d’accélération des énergies renouvelables, un délai de 6 mois pour la procédure d’octroi de permis pour les projets de rééquipement des centrales électriques utilisant des sources d’énergie renouvelable terrestre ;
– pour les installations d’énergie renouvelable situées en dehors des zones d’accélération des énergies renouvelables, un délai de 12 mois pour la procédure d’octroi de permis pour les projets de rééquipement des centrales électriques utilisant des sources d’énergie renouvelable terrestre.
Par ailleurs, la directive dite « RED III » insère un nouvel article 16 quater au sein de la directive (UE) 2018/2001 du 11 décembre 2018 qui introduit des mesures d’accélération de la procédure d’octroi de permis pour le rééquipement des installations d’énergies renouvelables :
– lorsque le rééquipement d’une centrale électrique basée sur une énergie renouvelable n’entraîne pas un accroissement de la capacité de plus de 15 %, les États membres veillent à ce que les procédures d’octroi de permis relatives au raccordement au réseau de transport ou de distribution ne dépassent pas 3 mois à compter de la demande adressée à l’entité concernée ;
– lorsque le rééquipement d’une centrale électrique basée sur une énergie renouvelable est soumis à une évaluation de ses incidences sur l’environnement, cette évaluation se limite aux incidences potentielles découlant d’une modification ou d’une extension par rapport au projet initial ;
– lorsque le rééquipement d’installations solaires n’implique pas l’utilisation d’espace supplémentaire et est conforme aux mesures d’atténuation des incidences sur l’environnement applicables, établies pour l’installation solaire d’origine, le projet est exempté de toute obligation d’évaluation de ses incidences sur l’environnement.
En la matière, il doit être noté que l’article 9 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables disposait qu’en « cas de rééquipement d’une installation de production d’énergies renouvelables, les incidences que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement sont appréciées au regard des incidences notables potentielles résultant de la modification ou de l’extension par rapport au projet initial ». Cette mesure a toutefois cessé de s’appliquer depuis le 10 septembre 2024.
II. Le dispositif proposÉ
Le Sénat a adopté, lors de l’examen de la proposition de loi en séance publique, un amendement ([178]) portant article additionnel visant à modifier l’article L. 181-14 du code de l’environnement relatif à la procédure d’instruction pour le renouvellement d’une autorisation environnementale, afin d’encadrer le délai d’instruction maximal de cette dernière pour les projets de rééquipement des installations de production d’énergies renouvelables.
Il s’agit, selon l’auteur de l’amendement, de transposer strictement en droit français les articles 16 bis et 16 ter de la directive « RED III » en prévoyant que la durée maximale d’instruction de l’autorisation environnementale des projets de rééquipement des installations d’énergie renouvelable est de 6 mois à compter de la réception d’un dossier complet pour les projets situés en zones d’accélération et de 12 mois pour les projets situés à l’extérieur de ces zones.
Les zones retenues pour l’application de la mesure sont les zones d’accélération pour implantation d’installations terrestres de production d’énergie renouvelable, définies par l’article L. 141-5-3 du code de l’énergie et créées par la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
Il est également prévu, conformément à la directive « RED III », la possibilité de prolonger de 3 mois la durée d’instruction des projets en cas de circonstances exceptionnelles dûment justifiées pour les projets situés à l’intérieur ou à l’extérieur de ces zones.
Cet amendement a été adopté en dépit d’un avis défavorable du Gouvernement, pour des raisons similaires à celles évoquées lors de l’examen de l’article 22 quater. Il peut toutefois être ajouté que très peu de projets de renouvellement de parcs éoliens terrestres ont nécessité l’obtention d’une nouvelle autorisation environnementale depuis 2020. Selon les informations transmises par la DGEC, « 85 % des projets de renouvellement sont autorisés au travers d’un porter à connaissance » (modification notable ne nécessitant pas l’obtention d’une nouvelle autorisation environnementale) et « 91 % des projets de renouvellement présentant une augmentation de la hauteur des éoliennes comprise entre 10 % et 50 %, pour lesquels le caractère substantiel ou notable de la modification est apprécié au cas par cas sur la base des éléments d’appréciation transmis dans le cadre du dossier de modification, font in fine l’objet d’un simple porter à connaissance ».
Cet amendement avait par ailleurs déjà fait l’objet d’une adoption au Sénat lors de l’examen en séance de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes. Il a toutefois été supprimé, d’un commun accord entre le Sénat et l’Assemblée nationale, lors de l’élaboration du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion (article 26 quater).
III. Les travaux de la commission
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté un amendement de suppression du rapporteur pour avis (CD90) (amendement identique CD16 de M. Sébastien Humbert, RN), dans la mesure où cet article présente des fragilités similaires à celles soulevées à l’article 22 quater, en introduisant un encadrement rigide des délais d’instruction des demandes d’autorisation environnementale dans le cadre des opérations de rééquipement des installations de production d’énergie renouvelable.
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Chapitre IV
Accroître la protection des consommateurs dans la transition énergétique
Article 23
(articles L. 111-3, L. 131-1, L. 131-2, L. 131-2-1, L. 131-2-2 [nouveau], L. 134-2, L. 134-19, L. 134‑25, L. 134-28, L. 134-29 et L. 134-30 du code de l’énergie)
Attribution à la Commission de régulation de l’énergie de compétences en matière de régulation et développement de l’offre d’hydrogène et de transport et stockage du dioxyde de carbone
Supprimé par la commission
Cet article vise à étendre les missions de régulation et de contrôle confiées à la Commission de régulation de l’énergie aux activités de transport et de distribution d’hydrogène, ainsi que de captage, transport et stockage du dioxyde de carbone.
À cet effet, le texte intègre les fournisseurs et des infrastructures de ces deux secteurs dans le champ d’application des dispositions du code de l’énergie qui définissent les quatre domaines de compétence de la Commission : surveillance du bon fonctionnement des marchés de l’énergie et respect des obligations légales incombant aux opérateurs ; développement des installations de production ; encadrement réglementaire des missions des gestionnaires des installations et des exploitants ; et règlement des différends et application de sanctions en cas de méconnaissance des décisions et/ou des obligations des opérateurs.
I. L’État du droit : un rôle de la cre appelÉ À Évoluer face aux nouveaux besoins de régulation des secteurs de l’HYDROGÈNE et du captage et stockage du co2
A. UN champ de compÉtences ne permettant pas d’encadrer la marche de ces secteurs
1. Des capacités d’intervention portant sur l’électricité et le gaz
● Autorité administrative indépendante instituée par la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ([179]), la Commission de régulation de l’énergie (CRE) exerce des missions de régulation visant à contribuer au bon fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz.
En vertu de l’article L. 132-1 du code de l’énergie, le fonctionnement de la CRE repose sur deux instances :
– le collège de la CRE (article L. 132-2 du code de l’énergie) ;
– le comité de règlement des différends et des sanctions (Cordis) (article L. 132-3 du code de l’énergie).
● Les missions assumées par la CRE ont pour objet d’assurer ([180]) :
– l’application des principes généraux régissant le secteur de l’énergie et, en particulier, les conditions d’accès aux réseaux de transport et de distribution d’électricité et de gaz naturel, ainsi qu’aux installations de gaz naturel liquéfié et de stockage souterrain de gaz naturel ;
– l’application des normes du droit européen ;
– le respect des obligations s’imposant aux gestionnaires et propriétaires de réseaux de transport et de distribution d’électricité et de gaz naturel, aux propriétaires et gestionnaires d’installations de gaz naturel liquéfié ou de stockage souterrain de gaz naturel, ainsi qu’aux entreprises opérant dans les secteurs de l’électricité et du gaz ;
– l’effectivité des mesures de protection des consommateurs.
2. Un pouvoir de sanction presque inexistant sur les opérateurs de ces domaines d’activité
Dans l’accomplissement de ses missions et outre l’exercice de fonctions consultatives ([181]), la CRE dispose de prérogatives et de pouvoirs correspondant à deux grands champs de compétences attribués par le législateur :
– le règlement des différends, sur le fondement des articles L. 134-19 à L. 134-24 du code de l’énergie ([182]), entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité ou de réseaux fermés de distribution d'électricité, entre les opérateurs et les utilisateurs des ouvrages de transport et de distribution de gaz naturel, entre les exploitants et les utilisateurs des installations de stockage de gaz naturel ou entre les exploitants et les utilisateurs des installations de gaz naturel liquéfié, ainsi qu’entre les exploitants et les utilisateurs des installations de transport et de stockage géologique de dioxyde de carbone.
– l’exercice du pouvoir de sanction en cas de manquements, dans le cadre des procédures établies par les articles L. 134-25 à L. 134-34 du code de l’énergie ([183]).
Les propriétaires, exploitants, gestionnaires et utilisateurs de réseaux de transport et de distribution, de terminaux ou d’installations d’hydrogène ne figurent donc pas parmi les acteurs dont les différends peuvent être portés devant la CRE. Le droit en vigueur ne lui reconnait pas davantage de compétences pour la régulation des marchés et le contrôle des infrastructures de captage, de transport et de stockage de dioxyde de carbone, même si ces acteurs peuvent faire l’objet de sanction par le Coredis pour certains manquements touchant aux principes généraux du droit de l’énergie.
B. des enjeux et obligations nouveaux pour la politique Énergétique
1. Un nouveau soutien des collectivités publiques au développement de l’hydrogène et au captage du CO2
L’hydrogène et les activités du secteur du captage, de la séquestration ou de l’utilisation du carbone (CSUC) se voient accorder une importance croissance dans la redéfinition du mix énergétique. L’intérêt porté par les pouvoirs publics nationaux et l’Union européenne se traduit par l’établissement de mécanismes financiers ou de cadres normatifs destinés au développement de la production et de l’exploitation de l’hydrogène bas-carbone et de l’hydrogène renouvelable et au déploiement des infrastructures de captage et de stockage du CO2 ([184]).
2. L’affirmation de nouvelles exigences en termes de régulation
En dehors des mesures tendant à la stimulation des activités nécessaires au développement de la production et l’exploitation de l’hydrogène et au déploiement de la captation de CO2, l’Union européenne et les États membres tendent à affermir le cadre juridique applicable à la gestion des réseaux.
● Cette volonté transparait notamment dans le secteur de l’hydrogène, avec l’adoption du quatrième paquet « Gaz naturel et hydrogène ».
Formé d’une directive ([185]) d’un règlement ([186]) en date du 13 juin 2024, ce corpus normatif organise la régulation du secteur de l’hydrogène, qui repose notamment sur le principe d’une séparation effective entre la gestion des réseaux d’hydrogène et les activités de production et de fourniture d’hydrogène. Par cette mesure, l’Union européenne vise à prévenir le risque de discrimination de la part des entreprises verticalement intégrées à l’encontre de leurs concurrents en matière d’accès au réseau et d’investissements. De fait, les caractéristiques de tels réseaux créent assez naturellement les conditions d’un monopole.
En outre, le quatrième paquet « Gaz naturel et hydrogène » impose aux États membres de désigner une autorité de régulation afin d’exercer la compétence de certification des gestionnaires de réseaux de transport d’hydrogène.
S’agissant du secteur CSUC, la transparence et le libre accès aux infrastructures de transport et de stockage du dioxyde de carbone demeurent des principes qui prévalent en droit européen, notamment sur le fondement de la directive 2009/31/CE du 5 juin 2009 ([187]).
II. Le dispositif proposÉ par le sÉnat : une EXTENSION des missions de la commission de rÉgulation de l’Énergie aux secteurs de l’hydrogène et DU CSUC
L’article 23 de la proposition de loi vise à permettre à la Commission de régulation de l’énergie d’exercer ses missions de régulation sur les activités de transport et de distribution d’hydrogène, ainsi que sur celles de captage, transport et stockage du dioxyde de carbone. À cet effet, le texte octroie à la Commission des compétences à l’égard des fournisseurs, des gestionnaires et des exploitants de ces secteurs en les mentionnant parmi les opérateurs assujettis à ses pouvoirs de contrôle et de sanction.
A. les dispositions initiales de la proposition de loi
1. Une compétence de la CRE confortée dans la surveillance des contrats de fourniture d’énergie
Le 1° AA de l’article 23 de la présente proposition de loi confère à la surveillance des contrats de fourniture d’énergie le caractère d’une compétence de plein droit de la CRE, dont l’exercice n’est pas subordonné à l’existence de l’une des procédures instituées par la loi afin de pallier l’insuffisance des capacités de production d’énergie au regard des objectifs de la PPE ([188]). En conséquence de la modification réalisée au second alinéa de l’article L. 131-2 du code de l’énergie, la mise en œuvre des procédures de mise en concurrence auxquelles l’autorité administrative peut recourir ne constitue plus une condition nécessaire mais devient une circonstance particulière.
Ainsi, dans les secteurs de l’électricité renouvelable, du biogaz, du gaz renouvelable et du gaz bas-carbone, le texte autorise la CRE à surveiller les transactions effectuées en exécution de deux types de contrats :
– les contrats de revente aux consommateurs finals ou aux gestionnaires de réseaux pour leurs pertes par les fournisseurs d’électricité (mentionnés au 2° du I de l’article L. 333-1 du code de l’énergie) ;
– les contrats de vente directe à long terme de biogaz, de gaz renouvelable ou de gaz bas-carbone au sens des articles L. 445-1 ou L. 447-1 du code de l’énergie (mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 443-1 du même code).
Une telle disposition présente l’intérêt de renforcer le pouvoir de régulation de la Commission de régulation de l'énergie, même si elle ne répond pas directement à l’objectif premier de l’article 23, à savoir l’affermissement d’une capacité d’intervention dans le secteur de l’hydrogène et dans celui du captage et du stockage du CO2.
2. Un rôle nouveau dans le développement des infrastructures d’hydrogène et de captage et du stockage de CO2
● Le 2° de l’article 23 de la proposition de loi intègre la participation au développement de l’ensemble des infrastructures de production d’hydrogène parmi les missions de plein exercice de la CRE. En effet, dans la modification du libellé de l’article L. 131-2-1 du code de l’énergie, le a) retire le caractère facultatif du concours que le CRE peut apporter ; le b) accole une mention qui renvoie à l’ensemble des catégories d’hydrogène définies à l’article L. 811-1 du code de l’énergie, ce qui inclut l’hydrogène carboné et l’hydrogène coproduit lors d’un processus industriel et autoconsommé.
● Le 3° de l’article 23 établit le principe d’un concours de la CRE au développement des installations de captage, de transport et de stockage du dioxyde de carbone. À cet effet, il insère dans le code de l’énergie un nouvel article L. 131-2-2, reprenant la définition de la mission de la commission en ce qui concerne les infrastructures d’hydrogène.
● La rédaction de l’article 23, pas plus que les travaux du Sénat, ne permettent d’établir la portée exacte de ces dispositions. Si leur formulation revêt un caractère impératif, il peut être considéré que le texte ne crée pas une obligation de moyen ou de résultat, mais qu’il offre un fondement légal à une intervention de la CRE dans la limite de ses compétences. Au cours de ses travaux, la commission des affaires économiques du Sénat n’a pas exprimé d’appréciation quant aux inconvénients éventuels d’une telle mission.
B. les modifications apportÉes par le sÉnat
Dans l’ensemble, les amendements adoptés en commission et en séance publique ont visé à étendre la capacité d’intervention de la CRE à l’égard des opérateurs et des infrastructures des secteurs de l’hydrogène, de la captation et du stockage du dioxyde de carbone, en les intégrant dans le champ d’application de l’ensemble des compétences que la loi accorde à la CRE.
1. En commission
Les modifications apportées au dispositif de l’article 23 résultent de l’adoption par la commission des affaires économiques d’un amendement présenté par les rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet.
a. La formalisation d’une mission de régulation des marchés et de contrôle du respect des obligations du droit de l’énergie
● Le 1°A inséré à l’article 23 propose d’inclure les activités de fourniture d’hydrogène et celles portant sur le captage, le transport et le stockage géologique du dioxyde de carbone dans le champ des marchés au bon fonctionnement desquels la CRE doit concourir. À cette effet, le a) insère la mention de ces secteurs dans le champ de la mission générale de régulation des marchés de l’énergie définie au premier alinéa de l’article L. 131-1 du code de l’énergie.
Par un même procédé, le b) du 1°A établit la compétence de la CRE à l’égard des opérateurs pour assurer l’application des principes encadrant le marché et leurs activités.
D’une part, il accorde à la Commission la capacité juridique de prévenir des entraves au développement de la concurrence que pourraient provoquer les conditions d’accès aux réseaux de transport et de distribution, compte tenu des caractéristiques des énergies et des activités (en complétant le deuxième alinéa de l’article L. 131-1 du code de l’énergie)
D’autre part, il assujettit les opérateurs du secteur de l’hydrogène, ainsi que du secteur de la captation et du stockage du CO2, aux obligations qui incombent aux gestionnaires et propriétaires de réseaux de transport et de distribution, ainsi qu’aux entreprises des secteurs de l’énergie, et dont la CRE doit assurer le respect. Le contrôle de la commission peut donc porter sur l’application :
– des principes généraux régissant les secteurs de l’énergie et fixés par le titre Ier du livre Ier du code de l’énergie, tels que la distinction des activités, l’organisation des activités de transport ou les principes relatifs aux réseaux ;
– les règles définissant des obligations de service public et les garanties destinées à la protection des consommateurs (titre II du livre Ier du code de l’énergie) ;
– les dispositions relatives à la production d’électricité et à la production de gaz (livres III et IV du même code).
● Ces mesures peuvent être considérées comme un approfondissement des missions existantes de la CRE. Elles apparaissent en ligne avec l’affirmation de nouvelles exigences de régulation en droit européen, notamment sur le fondement de la mise en œuvre du quatrième paquet « Gaz naturel et hydrogène » adopté en 2024.
Même si le captage, le transport et le stockage géologique de dioxyde de carbone possèdent des caractéristiques similaires à celles de l’exploitation du gaz et l’électricité, il conviendrait toutefois de s’assurer que les principes et règles dont la CRE doit assurer le respect ne nécessitent pas la formalisation de dispositions qui soient propres à ce secteur.
b. L’attribution d’une fonction normative en matière de gestion des réseaux et des installations des secteurs de l’hydrogène et du CCUS
Le 4° de l’article 23 de la proposition de loi accorde à la CRE la compétence de préciser, par décision publiée au Journal officiel, les règles concernant les missions des gestionnaires et exploitants des infrastructures, selon le cas, de transport et de distribution d’hydrogène, de captage et de stockage du dioxyde de carbone.
Du fait des compléments apportés aux dispositions de l’article L. 134-2 du code de l’énergie, le pouvoir normatif de la commission s’appliquerait désormais aux missions :
– des gestionnaires des réseaux de transport et de distribution d’hydrogène en matière d’exploitation et de développement de ces réseaux (a) du 4° complétant le 1° de l’article L. 134-2 précité) ;
– des opérateurs de terminaux d’hydrogène et des opérateurs de stockage souterrain d’hydrogène (b) du 4° complétant le 2° de l’article L. 134-2) ;
– des exploitants de réseaux de transport géologique de dioxyde de carbone, en matière d’exploitation et de développement de ces installations (c) du 4° ajoutant un 7° à l’article L. 134-2 précité) ;
– des exploitants d’installations de stockage géologique de dioxyde de carbone (c) du 4° ajoutant un 7° à l’article L. 134-2 précité).
c. L’intégration des questions touchant aux secteurs de l’hydrogène et de la CCUS dans le champ des fonctions consultatives de la CRE
Le 5° inséré à l’article 23 de la proposition de loi soumet à la consultation préalable de la CRE les projets de dispositions à caractère réglementaire portant sur :
– l’accès aux réseaux publics de transport et de distribution d’hydrogène, ainsi qu’aux terminaux d’hydrogène ;
– l’utilisation des installations de stockage souterrain d’hydrogène ;
– l’accès aux réseaux de transport et aux installations de stockage géologique de dioxyde de carbone.
Cette extension de la fonction consultative de la commission procède des mentions relatives à ces secteurs introduites à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 134‑10 du code de l’énergie. En dehors des questions traitées, la mesure n’affecte en rien les modalités déterminant actuellement cette procédure : elle ne fait que tirer les conséquences, dans le domaine consultatif, de l’évolution de l’office de la CRE.
Accessoirement, on remarquera que, de fait, la réécriture globale du premier alinéa de l’article L. 134-10 du code de l’énergie aboutit à la suppression de la base légale du décret en Conseil d’État qui définissait les obligations respectives d’Électricité de France (EDF) et des opérateurs bénéficiaires dans le cadre de la mise en œuvre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique. Cette modification ne porte pas à conséquence, dans la mesure où elle anticipe l’extinction de ce mécanisme.
d. L’institution d’un droit à l’information et de contrôle à l’égard des opérateurs d’hydrogène
● Le 6° de l’article 23 de la proposition de loi reconnait à la Commission de régulation de l'énergie la capacité juridique de recueillir toutes les informations nécessaires à l’accomplissement de ses missions auprès des opérateurs du secteur de l’hydrogène. En conséquence des mentions introduites à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 134-18 du code de l’énergie, ce droit peut être exercé à l’égard :
– des opérateurs des ouvrages de transport ou de distribution d’hydrogène (a) du 6° de l’article 23) ;
– des opérateurs de stockage souterrain d’hydrogène, ainsi que des exploitants de terminaux d’hydrogène (b) du 6° de l’article 23).
En l’absence de toute disposition contraire relative à l’application du second alinéa de l’article L. 134-18 du code de l’énergie, il peut être estimé que la CRE dispose également de la faculté de faire contrôler, aux frais des entreprises et dans une mesure proportionnée à l'objectif poursuivi et à la taille de l'entreprise concernée, les informations qu'elle recueille dans le cadre de ses missions.
● Cette mesure participe de l’extension des missions de régulation de la commission dans le champ des activités de transport et de distribution d’hydrogène. En revanche, les travaux des rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet et les débats au Sénat ne permettent pas d’établir si l’absence de mention relative au CSUS procède d’un choix délibéré.
e. L’application des procédures de règlement des différends et de sanction
● le 7° de l’article 23 de la proposition de loi établit la compétence du Comité de règlement des différends et des sanctions (Cordis) de la CRE pour examiner et statuer sur les litiges pouvant opposer les acteurs du secteur du transport et de la distribution d’hydrogène. À cet effet, il complète les dispositions de l’article L. 134-19 du code de l’énergie qui établit la liste des gestionnaires, des exploitants et des utilisateurs habilités à saisir le comité. Pourraient ainsi porter leurs différends devant le Cordis :
– les opérateurs et les utilisateurs des ouvrages de transport et de distribution d’hydrogène (a) du 7°, introduisant un 2° bis à l’article L. 134-19 du code de l’énergie) ;
– les exploitants et les utilisateurs des terminaux d’hydrogène (b) du 7°, complétant le 3° de l’article L. 134-19 du code de l’énergie) ;
– les exploitants et les utilisateurs des installations de stockage d’hydrogène (c) du 7° insérant un 3° bis à l’article L. 134-19 du code de l’énergie).
En l’absence de toute mention supplémentaire, l’objet des différends pouvant relever du Cordis correspond à ceux pouvant opposer les acteurs des autres secteurs de l’énergie relevant de sa compétence (définis au second alinéa de l’article).
Le d) du 7° de l’article 23 de la proposition de loi permet la saisine du comité à propos de différends portant sur le respect des règles d’indépendance fixées à la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre premier du code de l’énergie.
La proposition de loi ne mentionne pas les acteurs du secteur du CSUC, puisqu’ils figurent déjà au 4° de l’article L. 134-19 du code de l’énergie.
● Le 8° de l’article 23 de la proposition de loi ouvre une saisine du Cordis destinée à la mise en œuvre de la procédure de sanction en cas de manquement aux principes et obligations fixés par les titres Ier et II du livre Ier, ainsi que les livres III et IV du code de l’énergie. En conséquence des ajouts opérés au premier alinéa de l’article L. 134-25 du code de l’énergie par le a), l’action devant le comité peut être engagée par les mêmes acteurs qui peuvent le saisir dans le cadre d’une procédure de règlement des différends.
Le b) du 8° de l’article 23 donne au Cordis la faculté de sanctionner les manquements répétés qu’il pourrait constater de la part d’un gestionnaire du réseau public de transport d’hydrogène. Aux termes du second alinéa de l’article L. 134-25 du code de l’énergie, les manquements passibles de sanctions peuvent tenir à la méconnaissance ou à la violation des règles d’indépendance mentionnées aux sections 1 et 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de l’énergie, à l'obligation annuelle d'actualisation du schéma décennal de développement du réseau mentionné à l'article L. 321-6 du même code ou du plan décennal de développement du réseau mentionné à l'article L. 431-6 ou encore au refus de réaliser un investissement prévu dans ce schéma ou dans ce plan.
● Les 9° à 11° de l’article 23 de la proposition de loi habilitent le Cordis à prononcer les sanctions prévues en cas :
– de non-application dans les délais requis d’une décision prise par le comité dans le cadre d’une procédure de règlement des différends ou d’une décision ordonnant des mesures conservatoires (nécessaires face à une atteinte grave et immédiate aux règles régissant l'accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnés à l'article L. 134-19 ou à leur utilisation) [en complétant l’article L. 134-28 du code de l’énergie] ;
– de manquement à l’obligation de communication de documents et d’informations, à celle de donner accès à la comptabilité et aux informations économiques, financières et sociales ou encore à celle de répondre à une demande d’information de l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (en complétant l’article L. 134-29 du code de l’énergie) ;
– de manquement persistant d’un gestionnaire de réseau de transport aux règles d’indépendance et, plus particulièrement, en cas de comportement discriminatoire répété au bénéfice de l’entreprise verticalement intégrée à laquelle il appartient (en complétant l’article L. 134-30 du code de l’énergie).
2. En séance publique
Le Sénat a institué une procédure de certification qui conditionne l’obtention d’un agrément permettant l’exercice des fonctions de gestionnaire de réseau de transport d’hydrogène. Cette mesure résulte de l’adoption d’un amendement présenté par les rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet et ayant recueilli l’avis favorable du Gouvernement.
Objet du nouveau 1°AA de l’article 23 qui complète l’article L. 111-23, la mesure établit une obligation similaire à celle dont le respect s’impose pour l’obtention de l’agrément en tant que gestionnaire d’un réseau de transport d’électricité ou de gaz.
En l’absence de mention contraire, la CRE dispose de la faculté de demander à une société gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène de prendre, dans le délai qu’elle fixe, des mesures d’ordre organisationnel et destinées à garantir son indépendance.
● La nouvelle compétence accordée à la CRE contribue à la mise en œuvre des dispositifs de régulation prévus par le quatrième paquet « Gaz naturel et hydrogène » adopté en 2024 : elle constitue donc une extension de la procédure applicable aux autres secteurs de l’énergie.
III. la position de la commission
Par l’adoption de deux amendements identiques, dont celui de votre rapporteur ([189]), la commission a supprimé l’article 23 de la proposition de loi.
Ainsi que l’y invitait votre rapporteur et suivant une analyse appliquée à l’ensemble des dispositions du titre II de la proposition de loi –, elle a considéré que l’attribution à la CRE de compétences en matière de régulation et développement de l’offre d’hydrogène, ainsi que de transport et stockage du dioxyde de carbone, ne constituait ni une mesure de simplification, ni une disposition d’ordre programmatique. Dès lors – et indépendamment du bien-fondé des mesures qu’elle contient –, cette disposition ne trouve pas sa place dans un texte qui doit être prioritairement consacré à la fixation de lignes directrices et d’objectifs pour la politique énergétique.
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Article 24
(articles L. 122-3, L. 131-1, L. 134-9-1 [nouveau], L. 332-5, L. 332-8 [nouveau] du code de l’énergie et articles L. 224-2-1, L. 224-3, L. 224-10 et L. 224‑12 du code de la consommation)
Renforcement de la protection des consommateurs d’électricité et de gaz naturel par la comparaison des offres et l’approfondissement des obligations des fournisseurs en matière d’informations précontractuelles
Supprimé par la commission
Cet article vise à renforcer la protection des consommateurs d’électricité et de gaz naturel en renforçant la lisibilité des offres proposées par les opérateurs de marché et en étayant les obligations des fournisseurs d’énergie dans l’exécution des contrats.
L’article complète les codes de l’énergie et de la consommation sur plusieurs points : renforcement du comparateur d’offres du médiateur national de l’énergie ; établissement de nouvelles obligations relatives à la définition des offres et approfondissement du pouvoir de sanction de la Commission de régulation de l’énergie ; modalités d’évolution des clauses contractuelles sur les prix.
I. L’État du droit : unE PROTECTION DES CONSOMMATEURS PERFECTIBLE DANS LEs SECTEURs DE L’ÉLECTRICITÉ et du gaz ?
A. UN DISPOSITif de rÉgulation déjà dÉveloppÉ
1. Des capacités d’intervention de la CRE portant sur l’électricité et le gaz
● Autorité administrative indépendante instituée par la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ([190]), la Commission de régulation de l’énergie (CRE) exerce des missions de régulation visant à contribuer au bon fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz.
● Les missions assumées par la CRE ont pour objet d’assurer ([191]) :
– l’application des principes généraux régissant le secteur de l’énergie et, en particulier, les conditions d’accès aux réseaux de transport et de distribution d’électricité et de gaz naturel, ainsi qu’aux installations de gaz naturel liquéfié et de stockage souterrain de gaz naturel ;
– l’application des normes du droit européen ;
– le respect des obligations s’imposant aux gestionnaires et propriétaires de réseaux de transport et de distribution d’électricité et de gaz naturel, aux propriétaires et gestionnaires d’installations de gaz naturel liquéfié ou de stockage souterrain de gaz naturel, ainsi qu’aux entreprises opérant dans les secteurs de l’électricité et du gaz ;
– l’effectivité des mesures de protection des consommateurs.
La Commission de régulation de l'énergie dispose ainsi de compétences destinées à lui permettre :
– d’assurer la surveillance du bon fonctionnement des marchés de l’énergie (article L. 131-1 du code de l’énergie) : il lui incombe notamment de veiller à ce que les conditions d’accès aux réseaux de transport et de distribution d’électricité et de gaz naturel n’entravent pas le développement de la concurrence ;
– de préciser les conditions d’exercice des missions des propriétaires, des gestionnaires et des exploitants de réseaux et d’installations, ainsi que les conditions d’utilisation des réseaux (article L. 134-2 du code de l’énergie) ;
– d’exercer une fonction consultative sur les textes de portée réglementaire touchant aux réseaux de transport et de distribution (article L. 134-10 du code de l’énergie).
● La CRE dispose de pouvoirs de conciliation et de sanction en rapport avec les missions confiées par le législateur :
– le règlement des différends, sur le fondement des articles L. 134-19 à L. 134-24 du code de l’énergie ([192]).
– la répression des manquements, dans le cadre des procédures établies par les articles L. 134-25 à L. 134-34 du code de l’énergie ([193]).
2. L’office du médiateur national de l’énergie
Autorité publique indépendante, dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière ([194]), le médiateur national de l’énergie a pour mission de recommander des solutions aux litiges entre les personnes physiques ou morales et les entreprises du secteur de l'énergie et de participer à l'information des consommateurs d'énergie sur leurs droits.
Sa mission de médiation porte sur l’exécution des contrats conclus par un consommateur non professionnel ou par un consommateur professionnel appartenant à la catégorie des microentreprises mentionnée à l'article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, y compris les contrats comportant des stipulations afférentes à des opérations d'autoconsommation individuelle.
En application de l’article L. 122-3 du code de l’énergie, il entre dans les compétences du médiateur de proposer gratuitement au public un accès en ligne à un comparateur des offres de fourniture de gaz naturel et d'électricité destinées aux clients domestiques et non domestiques dont la consommation annuelle de référence de gaz naturel est inférieure à 300 000 kilowattheures ou qui souscrivent une puissance électrique inférieure ou égale à 36 kilovoltampères.
3. Un cadre juridique destiné à assurer la protection du consommateur
● En dehors des principes établis afin d’assurer le bon fonctionnement du marché et la continuité de la fourniture en énergie, la protection des clients des fournisseurs d’énergie repose sur un corpus juridique encadrant leurs rapports avec les fournisseurs, notamment dans les secteurs du gaz et de l’électricité. Il procède notamment de l’application des règles et exigences consacrées au sein du code de la consommation.
Celui-ci régit en particulier les conditions de formation et d’exécution des contrats entre fournisseurs et consommateurs, avec des prescriptions assez exigeantes au titre :
– des informations précontractuelles et de la définition des offres, en particulier en ce qui concerne la fixation des prix ;
– des conditions pré-requises à la modification des stipulations contractuelles des offres, la loi fixant une obligation d’accessibilité et d’intelligibilité des documents ;
– de l’établissement des factures portant sur la consommation d’énergie ;
– des modalités et délais de résiliation.
De ce point de vue, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, dite loi « Climat et résilience » ([195]) et celle du 16 août 2022, dite loi « Pouvoir d’achat » ([196]) ont encore renforcé les garanties apportées aux consommateurs dans l’exécution des contrats de fourniture d’énergie.
B. DES PRATIQUES POUVANT AMOINDRIR LA PORTÉE DES DISPOSITIFS NORMATIFS ET DE RÉGULATION
Ainsi que le montrent les éléments recueillis par votre rapporteur, le fonctionnement et les évolutions des offres d’énergie soulèvent deux enjeux au regard des objectifs qui sous-tendent la protection des consommateurs.
1. L’accessibilité et la lisibilité des offres de fourniture d’énergie
Suivant les analyses convergentes de la commission de régulation de l’énergie et du médiateur national de l’énergie, la diversité des offres énergétiques et des pratiques commerciales contribue à une certaine complexité. Pour les consommateurs, il en résulte souvent une difficulté à appréhender la consistance des services auxquels ils souscrivent et la portée de leurs engagements à l’égard de leurs fournisseurs. Le problème se pose tout particulièrement sur trois plans :
– les conditions de fixation et d’indexation des prix ;
– les modalités de renouvellement des contrats ;
– les conséquences de la résiliation des contrats.
Les efforts de standardisation des offres présentent des limites du fait d’une mise en œuvre assez inégale, par les fournisseurs, des lignes directrices non-contraignantes édictées par les autorités de régulation.
2. Les conditions d’exécution des contrats de fourniture d’énergie
Le premier enjeu porte sur l’application des stipulations contractuelles relatives au prix.
Suivant les réponses apportées à votre rapporteur, le médiateur national de l’énergie a pu constater, pendant la crise des prix de l’énergie, que plusieurs offres qui étaient proposées par les fournisseurs de gaz et d’électricité ne permettaient pas au consommateur de connaître, au moment où il la consomme, le prix de l’énergie qui allait lui être facturé. Certaines offres étaient, en effet, indexées sur un prix de marché qui n’était connu qu’a posteriori, car l’indice retenu pour la facturation était celui du mois au cours duquel la consommation avait lieu (ou n’était pas communiqué au consommateur, lorsque l’indice, par ailleurs inaccessible pour un consommateur, était connu en début de mois).
Le second enjeu concerne le respect des engagements pris par les fournisseurs d’énergie auprès des consommateurs. Ainsi que le montre la faillite du fournisseur d’électricité Hydroption à la fin de l’année 2021, le risque qu’un opérateur fasse défaut existe bien. Cette éventualité a d’ailleurs conduit les autorités de régulation à s’interroger sur l’opportunité de mettre à la charge des fournisseurs des obligations à caractère prudentiel, avec pour objectifs un bon fonctionnement des marchés et la continuité de l’approvisionnement des consommateurs.
II. Le dispositif proposÉ par le sÉnat : un approfondissement des dispositions de protection des consommateurs d’Électricité et de gaz naturel
L’article 24 de la proposition de loi vise à renforcer la protection des consommateurs d’électricité et de gaz naturel en renforçant la lisibilité des offres proposées par les opérateurs de marché et en étayant les obligations des fournisseurs d’énergie dans l’exécution des contrats, avec notamment pour objectif d’assurer une certaine prévisibilité des prix. À cet effet, il complète et étoffe les principes et les règles établis par le code de l’énergie et le code de la consommation.
A. les dispositions initiales de la proposition de loi
1. L’introduction du critère de prix dans la présentation assurée par le comparateur des offres du médiateur de l’énergie
● Le 1° du I de l’article 24 de la proposition de loi fait obligation au médiateur de l’Énergie de permettre aux consommateurs de distinguer les offres selon les conditions d’indexation des prix de fourniture. À cet effet, il modifie le libellé de la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 122-3 du code de l’énergie.
● La modification apportée à cette disposition fait de l’indexation des prix l’un des deux critères de présentation des offres de fourniture de gaz naturel et d’électricité, avec celui de la part d’énergie renouvelable certifiée. En conséquence du nouveau libellé du premier alinéa, la distinction des offres à caractère dynamique participe au respect de cette obligation mais n’en constitue pas l’objet principal.
Sur un plan pratique, la mesure proposée par le Sénat ne semble toutefois pas induire une évolution sensible du comparateur des offres. D’après les éléments fournis au rapporteur par le médiateur de l’énergie, le service permettrait, depuis sa mise en place, de distinguer les offres en fonction des règles d’évolution des prix.
2. L’exclusion des offres fondées sur l’écrêtement de l’Arenh du champ d’application des règles encadrant la formation et l’exécution des contrats de fourniture d’électricité
Le 2° de l’article 24 de la proposition de loi écarte formellement l’application des règles du droit de la consommation aux contrats de fourniture d’électricité dont le prix résulte de l’application des mécanismes de répartition de l’énergie fournie dans le cadre du mécanisme de l’accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh). À cet effet, il complète les dispositions du premier alinéa de l’article L. 332-2 du code de l’énergie par une phrase qui exclut les contrats particuliers du champ d’application de ce dernier.
La mesure s’applique aux contrats portant sur la fourniture d’une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kilovoltampères, ainsi qu’aux offres correspondantes. Elle crée une exception à l’application des exigences du code de la consommation en ce qui concerne :
– l’adaptation, par les fournisseurs d’électricité, de la communication des contrats et informations aux handicaps des consommateurs (art. L. 224-2 du code de la consommation) ;
– les informations précontractuelles relatives à l’offre de fourniture d’électricité (article L. 224-3 du code de la consommation) ;
– la fourniture des informations prévues à l’article L. 224-3 du code de la consommation et relatives au fournisseur et aux conditions de son offre, telles que le prix, la durée de l’offre, les cas d’interruption et les conditions de responsabilité (article L.224-4 du code de la consommation) ;
– les caractéristiques et les mentions du support de présentation de l’offre ;
– l’encadrement des conditions d’exécution du contrat (articles L. 224-8 à L. 224-12 du code de la consommation) ;
– les délais impartis pour un changement de fournisseur et la résiliation de l’offre souscrite par un client (article L. 224-14 du code de la consommation).
3. Le renforcement des obligations des fournisseurs en cas de modification des conditions contractuelles de leur offre
● Le 1° de l’article 24 renforce les exigences établies par le code de la consommation en ce qui concerne les modalités d’information des consommateurs à propos de l’évolution de l’offre à laquelle ils ont souscrit. À cet effet, il complète ou modifie les dispositions du premier alinéa de l’article L. 224‑10 du code de la consommation.
Le a) porte à trois mois le préavis prévu par la loi avant l’application des modifications des stipulations contractuelles. Cette extension prend la forme d’un allongement du délai séparant la communication aux consommateurs des modifications apportées à l’offre de leur entrée en vigueur (en l’occurrence, un mois).
Le b) exige une communication présentant un caractère loyal, complet et circonstancié des projets de modifications envisagées par le fournisseur d’électricité ou de gaz. Cette obligation s’ajoute aux prescriptions énoncées par la rédaction actuelle de l’article L. 224-10 du code de la consommation en ce qui concerne la transparence et le caractère compréhensible des informations transmises par les fournisseurs. Elle porte sur les modalités de détermination du prix de la fourniture d’énergie, ainsi que sur les raisons, les conditions préalables et la portée de la modification.
Le c) écarte la possibilité d’une modification des conditions d’indexation des prix de la fourniture d’électricité et de gaz par le biais d’un projet de modification des stipulations contractuelles relatives à la détermination des prix.
● Le 2° de l’article 24 fait obligation de préciser, dans la communication d’un projet de modification des clauses contractuelles, que les consommateurs disposent de la faculté de résilier à tout moment l’offre souscrite. Il modifie le second alinéa de l’article L. 224-10 afin de supprimer la mention d’un délai imparti de trois mois (à compter de la réception de la communication) pour bénéficier du droit à une résiliation sans pénalité.
B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT
1. En commission
La commission des affaires économiques du Sénat a entendu préciser et élargir l’objet des mesures de l’article 24 en ce qui concerne la définition des offres et l’information des consommateurs, en adoptant un amendement des rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet.
a. L’exclusion des offres fondées sur l’écrêtement de l’Arenh du champ des contrats à prix fixe
Par une nouvelle rédaction du 2° et l’insertion d’un 3°, la commission a entendu écarter la possibilité de qualifier de « contrat à prix fixe » les contrats de fourniture d’électricité reposant sur l’application des modalités d’écrêtement de l’Arenh. L’affirmation de ce principe donne lieu à l’ajout d’une disposition spécifique aux articles L. 332-1 et L. 332-2-1 du code de l’énergie, qui ainsi complètent la définition du champ d’application des règles du droit de la consommation aux offres d’énergie.
b. L’interdiction d’offres ne permettant pas de connaître le prix de consommation
Le 4° inséré par la commission défend aux fournisseurs d’électricité de communiquer une offre « dont le prix n’est pas connu au moment de la consommation ». Le texte insère ce principe parmi les dispositions de l’article L. 332-5 du code de la consommation qui fixent la teneur des informations que les opérateurs doivent transmettre en ce qui concerne les barèmes de prix et les caractéristiques des offres commerciales auxquelles ces derniers s’appliquent. Il porte sur les obligations régissant les contrats de fourniture d’électricité d’une puissance égale ou inférieure à 36 kilovoltampères.
En outre, le 4° institue l’obligation de mettre à disposition des clients « le prix applicable avant la période de consommation ». Aux termes de l’alinéa introduit par la commission, cette information ne donne pas nécessairement lieu à un formalisme, puisque la disposition ne renvoie pas à une communication personnalisée destinée à chaque client, mais à une diffusion sur un site internet ou sur une application mobile.
c. L’établissement d’une typologie des offres de fourniture d’électricité
Le 1° A du II de l’article 24 pose le principe d’une catégorisation des offres d’électricité selon une typologie fixe par arrêté ministériel, sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie. À cet effet, il complète les règles particulières encadrant la formation et l’exécution des contrats conclus par les fournisseurs d’électricités en droit de la consommation : il insère un nouvel article L. 224-2-1 au sein de ce code.
L’établissement de la typologie incomberait aux ministres chargés de l’énergie et de la consommation. En l’absence de précision, les critères retenus pourraient être ceux correspondant aux grandes catégories d’offre mentionnées par le code de l’énergie. La mesure fait l’objet d’une proposition de la CRE. D’après les éléments communiqués par le médiateur de l’Énergie, elle figure déjà dans des lignes directrices non contraignantes publiées à l’attention des fournisseurs.
d. L’obligation de fournir une fiche harmonisée à l’appui d’une offre de fourniture d’électricité
Le 1° B créé par la commission des affaires économiques du Sénat prévoit que la présentation du fournisseur et des caractéristiques de son offre doit être accompagnée d’une fiche harmonisée destinée à permettre la comparaison des offres de fourniture d’électricité et de gaz naturel. À cet effet, il complète le 17° de l’article L. 224-3 du code de la consommation. Ce faisant, il donne à ce nouveau support un statut analogue aux informations diffusées sur le site internet des fournisseurs.
Le texte renvoie la fixation des modalités de présentation de la fiche à un arrêté conjoint des ministres chargés de la consommation et de l’énergie, pris sur proposition de la CRE. L’arrêté doit concourir à l’établissement d’un modèle harmonisé.
Ainsi que le donnent à penser les éléments fournis par le médiateur de l’énergie, le Gouvernement pourrait s’appuyer les modèles de présentation des offres de fourniture de gaz et d’électricité, qui sont utilisés dans le comparateur d’offres et que les fournisseurs qui ont signé les lignes directrices de la CRE se sont engagés à utiliser.
e. Des compléments d’information destinés à donner aux consommateurs les moyens de mesurer l’impact des modifications apportées aux offres
Le c) inséré au 1° de l’article 24 par la commission impose aux fournisseurs d’intégrer, dans la communication relative au projet de modification de leur offre, une évaluation de ses conséquences sur le coût annuel de l’exécution du contrat. À cet effet, il complète l’article L. 224-10 du code de la consommation qui fixe la teneur et les délais de transmission des informations aux consommateurs avant l’entrée en vigueur des nouvelles stipulations contractuelles.
Le texte fonde la comparaison sur une estimation du montant de la facture annuelle auquel pourraient conduire les modifications de l’offre. Cette information s’ajoute à celles qui doivent être transmises aux consommateurs en application de l’article L. 224-3 du code la consommation. En l’absence de précision, sa formalisation doit obéir aux mêmes règles que celles applicables à la présentation prévue par cette dernière disposition.
f. Une actualisation de l’échéancier des paiements en cas d’évolution d’ampleur de la facture annuelle
La nouvelle rédaction du 2° de l’article 24 impose aux fournisseurs de proposer aux consommateurs la révision anticipée de l’échéancier de leurs paiements si les données de consommation ou l’évolution des prix permettent d’anticiper une évolution d’ampleur de la prochaine facture annuelle. À cet effet, le texte issu des travaux de la commission complète l’article L. 224-12 du code de la consommation qui détermine les formes des factures de fourniture de gaz et d’électricité, ainsi que les modalités et supports de leur communication aux clients.
La détermination des évolutions pouvant justifier la révision anticipée de l’échéancier des paiements doit reposer sur des seuils fixés par un arrêté des ministres chargés de la consommation et de l’énergie. Le texte adopté par la commission se borne à fixer pour objectifs la réduction du montant de la facture de régularisation et un lien étroit entre l’échéancier des paiements et une plus juste estimation de la facture annuelle à venir.
Ainsi que le montrent les éléments recueillis par votre rapporteur, le dispositif s’inspire de propositions du médiateur de l’énergie qui constate l’exercice insuffisant du devoir de conseil consacré par l’article L. 1112-1 du code civil et l’absence fréquente d’actualisation des échéanciers mutualisés.
2. En séance publique
Dans l’ensemble, les modifications adoptées par le Sénat participent de la volonté d’étayer le dispositif de l’article 24, par des ajustements dictés par la prise en considération de la nécessité d’assurer une bonne application des obligations nouvelles instituées par le texte.
a. La publication mensuelle d’un prix repère de vente du gaz naturel
Le 1° bis inséré au I de l’article 24 confie à la commission de régulation de l’énergie le soin de publier chaque mois un prix repère de vente du gaz naturel. L’insertion de cette mesure résulte de l’adoption – avec l’avis favorable du Gouvernement – d’un amendement des rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet complétant les dispositions du code de l’énergie qui définissent les attributions de la CRE par la création d’un article L. 134-9-1.
Le texte fixe pour objectif l’établissement d’un indicateur qui reflète les coûts supportés par un fournisseur efficace de gaz naturel pour un client résidentiel. En l’absence de toute autre précision et de renvoi à un texte réglementaire, les critères susceptibles d’être utilisés pour le calcul du prix repère relèvent de la compétence de la CRE.
Ainsi que le montrent les éléments recueillis auprès de la CRE et du médiateur national de l’énergie, la mesure adoptée par le Sénat formalise une action relativement récente de la CRE, développée dans la perspective de la suppression des tarifs réglementés de vente de gaz.
b. L’institution d’obligations prudentielles à la charge des fournisseurs, sous le contrôle de la Commission de régulation de l’énergie
● En premier lieu, le 5° du I de l’article 24 consacre des obligations prudentielles à la charge des fournisseurs d’électricité ayant notamment pour objet la garantie d’une couverture des offres qu’ils commercialisent. La formalisation de ce principe dans la proposition de loi résulte de l’adoption par le Sénat, avec l’avis favorable de la commission et du Gouvernement, d’un amendement de notre collègue Daniel Grémillet, qui complète les dispositions du code de l’énergie encadrant les contrats et offres de fourniture d’électricité par la création d’un article L. 332-8.
La disposition confie à la CRE le soin de définir les modalités de fixation des obligations prudentielles que doivent remplir les fournisseurs. L’attribution de cette nouvelle compétence étoffe le champ des missions de surveillance du bon fonctionnement du marché de l’électricité, ainsi que la fonction normative exercée par la commission.
Au-delà et suivant les finalités assignées par le dispositif, la mesure doit répondre à l’objectif d’assurer la protection des consommateurs contre les défaillances des fournisseurs, ainsi que la continuité de leur approvisionnement.
● En second lieu, le 5° de l’article 24 institue une procédure de sanction par la CRE des manquements aux obligations prudentielles, sur le fondement du nouvel article L. 332-8 inséré dans le code de l’énergie.
La disposition habilite la commission à imposer un plan de mise en conformité, préalablement au prononcé par le comité de règlement des différends (Cordis), après mise en demeure, de deux types de sanctions :
– des sanctions pécuniaires (telles qu’une astreinte financière) ;
– des sanctions non financières prévues aux articles L. 134-25 à L. 134-34 du code de l’énergie (éventuellement, l’interdiction de signer de nouveaux contrats ou la suspension de l’autorisation de fourniture).
L’engagement de la procédure repose sur la saisine du Cordis ; il comporte une phase initiale permettant aux opérateurs de justifier la non-application de leurs obligations prudentielles.
c. Une application des dispositions de protection du consommateur prévue pour 2025
Le III inséré en séance publique prévoit l’entrée en vigueur des dispositions de l’article 24 au 1er janvier 2025. Le choix de cette échéance résulte de l’adoption par le Sénat, avec un avis de sagesse du Gouvernement, d’un amendement des rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet.
Par ailleurs, le texte écarte toute application rétroactive aux contrats d’électricité ou de gaz naturel en cours à la date de publication de la loi.
Le Sénat a entendu préciser les conditions d’entrée en vigueur du dispositif de l’article 24, en se fondant sur l’hypothèse d’une adoption rapide de la proposition de loi. En l’état, la date retenue pour l’entrée en vigueur des nouvelles garanties apportées aux consommateurs n’en apparait pas moins problématique : en l’absence de certitude quant à la date exacte à laquelle le Parlement pourrait achever son examen, elle ne permet pas d’écarter le risque d’une application rétroactive.
III. la position de la commission
Par l’adoption de deux amendements identiques, dont celui de votre rapporteur ([197]), la commission a supprimé l’article 23 de la proposition de loi.
Ainsi que l’y invitait votre rapporteur et suivant une analyse appliquée à l’ensemble des dispositions du titre II de la proposition de loi –, elle a considéré que l’attribution à la CRE de compétences en matière de régulation et développement de l’offre d’hydrogène, ainsi que de transport et stockage du dioxyde de carbone, ne constituait ni une mesure de simplification, ni une disposition d’ordre programmatique. Dès lors – et indépendamment du bien-fondé des mesures qu’elle contient –, cette disposition ne trouve pas sa place dans un texte qui doit être prioritairement consacré à la fixation de lignes directrices et d’objectifs pour la politique énergétique.
Par ailleurs, les travaux de votre rapporteur montrent que certaines des dispositions proposées, soit correspondent à des pratiques déjà existantes – telles que la publication mensuelle d’un prix repère de vente du gaz naturel par la CRE ou l’établissement de typologies d’offres de fourniture d'électricité – soit s’ajoutent à des prescriptions actuelles du droit en vigueur – à l’exemple des mesures portant sur l’obligation de fournir une fiche harmonisée à l’appui d’une offre de fourniture d’électricité. A minima, la question de la nécessité de nouvelles dispositions législatives peut être posée.
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titre III
dispositions diverses
Article 25 A
(article L. 152-7 du code de l’énergie)
Application de certaines dispositions programmatiques à Wallis-et-Futuna
Adopté par la commission
Cet article, introduit lors de l’examen de la proposition de loi par le Sénat, garantit l’appplication de certaines dispositions de programmation de la présente proposition de loi aux îles Wallis et Futuna.
Issu de l’adoption d’un amendement des rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet en commission des affaires économiques du Sénat, l’article 25 A vise à assurer une coordination juridique permettant d’appliquer les dispositions de l’article L. 100-2 et des 1° à 3° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie aux îles Wallis et Futuna dans leur rédaction résultant de la proposition de loi.
En l’état actuel du droit :
– l’article L. 100-2 du code de l’énergie est applicable aux îles Wallis et Futuna dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (loi TECV), à l’exception du 4° de cet article. Le 4° est supprimé par l’article 2 de la proposition de loi, dans sa rédaction adoptée par le Sénat ;
– les 1° à 3° de l’article L. 100-4 du même code y sont également applicables, dans leur version issue de la loi TECV de 2015.
Cet article a été adopté sans modification par la commission des affaires économiques.
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Article 25 B
Demande de rapport évaluant l’application de la stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec)
Supprimé par la commission
Cet article, introduit lors de l’examen de la proposition de loi par le Sénat, prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement permettant d’évaluer l’application de la stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec).
Introduit par un amendement présenté en séance publique par M. Franck Montaugé (SER), adopté par le Sénat avec un avis favorable de la commission et du Gouvernement, l’article 25 B prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai d’un à compter de la promulgation de la loi, un rapport évaluant l’application de la stratégie française pour l’énergie et le climat, qualifiée dans l’amendement de « feuille de route dont l’ambition est de faire de la France le premier grand pays industriel au monde à sortir de la dépendance aux énergies fossiles ».
Publiée en novembre 2023, la stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec) constitue la feuille de route de la politique énergétique nationale et vise à sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. La Sfec doit permettre d’atteindre les objectifs fixés en matière de politique climatique, de garantir la souveraineté énergétique nationale et de stimuler la compétitivité de l’économie française.
Elle doit se décliner à travers la loi de programmation énergie-climat votée par le Parlement en application de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie – correspondant à l’objet du volet programmatique de la proposition de loi. Ce texte irriguera ensuite la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ainsi que le plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc).
La demande de rapport a donc vocation à faire un état des lieux, un an après la promulgation de la loi, de la déclinaison opérationnelle de cette stratégie.
On peut relever que le Gouvernement publie déjà, tous les ans, des indicateurs de suivi de la PPE ([198]).
La commission a adopté l’amendement de suppression CE527 du rapporteur. Ce dernier a rappelé que le Parlement dispose déjà d’outils qui permettent de contrôler l’application de la loi et la mise en œuvre des documents réglementaires d’application, sur le fondement notamment des dispositions de l’article 145-7 du Règlement de l’Assemblée nationale, qui prévoit :
– dans un délai de six mois suivant l’entrée en vigueur de la loi, la présentation d’un rapport d’application. Ce rapport étudie si les textes réglementaires d’application de la loi ont été pris – dans le cas présent, celait inclurait donc la PPE et la SNBC – et s’ils correspondent aux intentions du législateur ;
– dans un délai de trois ans suivant cette entrée en vigueur, la possibilité de réaliser un rapport d’évaluation de la loi, qui détaille plus précisément les conséquences de sa mise en œuvre.
Le rapporteur a également suggéré de travailler, en vue de la séance publique, à un amendement demandant un unique rapport au Gouvernement regroupant plusieurs des problématiques abordées dans les différents amendements ou articles de la proposition de loi demandant des rapports.
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Article 25 C
Rapport sur la mise en œuvre des mesures liées à la reconversion des centrales de production d’électricité à partir de charbon
Supprimé par la commission
Cet article, introduit lors de l’examen de la proposition de loi par le Sénat, prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport annuel au Parlement sur les mesures prises ou envisagées pour garantir la reconversion des centrales de production d’électricité à partir de charbon.
Introduit par un amendement de la sénatrice Catherine Belrhiti en séance publique, adopté par le Sénat contre l’avis du Gouvernement mais bénéficiant de l’avis favorable de la commission, l’article 25 C prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, puis tous les ans, un rapport exposant les mesures, y compris financières, « pour assurer la pérennité de l’activité industrielle » sur les sites des des centrales de production d’électricité à partir de charbon.
L’article 8 de la proposition de loi prévoit en effet l’arrêt des centrales à charbon d’ici à 2027, sous réserve de la mise en œuvre de projets de reconversion et sauf en cas de menace pour la sécurité d’approvisionnement. Les deux dernières centrales à charbon encore en activité sont concernées : celle de Saint-Avold (Moselle) et celle de Cordemais (Loire-Atlantique).
Leur cessation d’activité est déjà anticipée : EDF, exploitant de la centrale de Cordemais, a annoncé la fermeture de la centrale à horizon 2027. Elle devrait être remplacée par une usine de préfabrication de tuyauteries destinées aux futurs réacteurs nucléaires EPR2. L’exploitant GazelEnergie du site de Saint-Avold a quant à lui présenté un plan de reconversion de la centrale vers un fonctionnement au gaz naturel et au biogaz. L’éligibilité au mécanisme de capacité du site de Saint-Avold a été sécurisée par la promulgation, le 14 avril 2025, de la loi n° 2025-336 visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone, afin de permettre une transition écologique plus juste socialement.
La commission a adopté l’amendement de suppression CE525 du rapporteur. Le rapporteur a souligné que, compte tenu du calendrier d’adoption de la loi, le délai de présentation du rapport n’était pas adapté aux enjeux soulevés, en particulier pour disposer d’éclaircissements sur l’avenir du site de Cordemais.
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Article 25 D
Rapport permettant d’évaluer le fonctionnement des parcs éoliens en mer
Supprimé par la commission
Cet article, introduit lors de l’examen de la proposition de loi par le Sénat, prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement permettant d’évaluer le fonctionnement, le coût et les diverses incidences sur l’environnement et l’activité économique des parcs éoliens en mer.
Introduit par un amendement déposé par les rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet en séance publique, adopté par le Sénat avec un avis de sagesse du Gouvernement, l’article 25 D prévoit que ce dernier remette au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport évaluant le fonctionnement des parcs éoliens en mer.
Ce rapport devra notamment présenter les évolutions de capacité de production de l’éolien en mer, ses coûts globaux, de raccordement et de maintenance, le prix de l’électricité produite, ses conséquences sur l’environnement et sur la pêche, ainsi que sa durabilité technique.
Lors de son discours de Belfort en février 2022, le Président de la République avait annoncé un objectif de 50 parcs éoliens en mer en service, représentant 40 GW installés en 2050. Plus récemment :
– un objectif de 2GW attribués par an à partir de 2025 et de 20 GW attribués en 2030 a été fixé par le pacte entre l’État et la filière de mars 2022 ;
– lors des travaux sur la Stratégie française pour l’énergie et le climat, le Gouvernement a publié, le 12 juin 2023, une trajectoire de déploiement de l’éolien en mer prévoyant la mise en service de 45 GW à horizon 2050 au regard des tensions identifiées sur le système électrique, impliquant un besoin supérieur à celui envisagé initialement ([199]) ;
– enfin, le projet de PPE 3 prévoit 3,6 GW de capacités installées d’éoliennes en mer en 2030 (soit environ 14 TWh de production) et 18 GW en 2050 (soit environ 71 TWh de production).
Selon l’exposé des motifs de l’amendement, il s’agit, par cette évaluation, de suivre l’esprit des conclusions de la commission d’enquête du Sénat portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050. Dans son rapport, cette commission émet notamment de « fortes réserves sur la capacité de développer la technologie flottante à moyen terme » ([200]), ainsi que, plus généralement, sur la capacité à tenir le rythme de déploiement de l’éolien envisagé compte tenu du délai actuel entre l’attribution de l’appel d’offres et la mise en service (10 ans environ). Le rapport souligne également les coûts de raccordements des éoliennes en mer au réseau, « considérables », qui sont financés par le consommateur par le biais du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE).
La commission a adopté les amendements identiques de suppression CE526 du rapporteur, CE244 de Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC) et CE355 de M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Le rapporteur a, de nouveau, proposé de travailler à une unique demande de rapport regroupant plusieurs des thématiques abordées au titre III via les articles de la proposition de loi ou les amendements déposés par les députés.
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Suppression maintenue par la commission
L’article 25, supprimé par le Sénat, visait à gager les dispositions de la proposition de loi, afin d’assurer la recevabilité financière de cette proposition au titre de l’article 40 de la Constitution :
– en créant une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services, pour ce qui concerne les conséquences financières pour l’État ;
– en prévoyant une majoration, à due concurrence, de la dotation globale de fonctionnement pour ce qui concerne les conséquences financières pour les collectivités territoriales.
Le Gouvernement a levé le gage en séance publique en présentant l’amendement n° 188, adopté avec avis favorable du rapporteur, ce qui a conduit à la suppression de cet article, devenu inutile au regard des dispositions de l’article 40 de la Constitution.
La commission a maintenu la suppression de cet article.
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La commission a adopté l’amendement CE454 de M. Karim Benbrahim (SOC), avec avis favorable du rapporteur, qui modifie le titre de la proposition de loi. Celle-ci s’intitule désormais « Proposition de loi portant programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035 », ce qui est plus en adéquation avec la suppression des dispositions de simplification normative du texte.
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Au cours de ses réunions du lundi 2 juin 2025 à 18 h et à 21 h 30, du mardi 3 juin 2025 à 17 h 30 et 21 h 30, et du mercredi 4 juin 2025 à 9 h 30, à 15 h et 21 h 30, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie (n° 463) (M. Antoine Armand, rapporteur).
1. Réunion du lundi 2 juin 2025 à 18 h : discussion générale et examen des articles
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de loi adoptée par le Sénat, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur de l’énergie. Ce texte a été déposé voici un peu plus d’un an par le sénateur Daniel Grémillet et la présidente Dominique Estrosi-Sassone. Nous avons désigné M. Antoine Armand rapporteur.
Le texte adopté par le Sénat le 16 octobre 2024 comporte à présent trente-huit articles, contre vingt-cinq initialement. Il s’agit d’un texte long, qui touche un grand nombre de sujets de la politique énergétique – sans en faire le tour d’ailleurs... Vous avez reçu une note à propos du contrôle de recevabilité exercé sur les amendements au regard de l’article 45 de la Constitution.
Je rappelle que notre commission a délégué au fond à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire les articles 11, 16 bis, 22 ter, 22 quater et 22 quinquies, ainsi que les amendements s’y rapportant. En conséquence, nous n’en débattrons pas et je vous proposerai de les entériner, à la fin de l’examen des autres articles, comme nous l’avons fait récemment dans le cadre de l’examen de la proposition de loi dite « Duplomb ».
Notre commission est saisie sur ce texte de 481 amendements, contre 55 amendements déposés devant la commission du développement durable. C’est la raison pour laquelle nous avons prévu la possibilité de poursuivre nos travaux non seulement demain et après-demain, mais aussi, si nécessaire, vendredi toute la journée. Ce calendrier s’explique par le fait que la journée de jeudi, aura lieu en séance l’examen des textes inscrits à l’ordre du jour de la niche réservée au groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR). Comme pour la niche du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT), nous avons fait en sorte de ne pas examiner la proposition de loi en même temps que ces travaux en séance publique. Je rappelle que l’examen de la proposition de loi en séance publique se déroulera à compter du lundi 16 juin. J’ajoute que, si l’Assemblée devait entamer ce soir l’examen d’amendements à la proposition de loi visant à améliorer l’accès au logement des travailleurs des services publics de M. David Amiel, qui est inscrite en quatrième point à l’ordre du jour de la séance, nous serions conduits à lever un peu plus tôt la réunion de la commission.
Nous avons, enfin, prévu de reprendre l’examen de cette proposition de loi demain, à 17 heures 30, après la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements de notre collègue Romain Daubié. Je précise que six amendements ont, après consultation du président de la commission des finances, été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution du fait de leur incidence financière – ils créaient des charges – et trois au titre de l’article 20 de la Constitution car ils constituaient des injonctions au Gouvernement.
Trente-huit amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45, pour absence de lien avec les dispositions dont nous sommes saisis : ces « cavaliers législatifs » représentent donc moins de 8 % des amendements – ce qui se situe plutôt dans la moyenne des recevabilités des propositions et des projets de loi. N’ont ainsi été déclarés recevables que les amendements présentant un lien explicite avec les objectifs programmatiques de la proposition de loi transmise par le Sénat ou avec les dispositions spécifiques du titre II qui visaient à simplifier les normes pour les projets de production et d’exploitation d’énergies nucléaire et renouvelables, et d’hydrogène.
J’espère pour ma part que de prochains textes législatifs nous permettront d’aborder certains sujets évoqués dans les amendements déclarés irrecevables faute de lien avec la proposition de loi. Je pense par exemple à l’encadrement de l’agrivoltaïsme, à l’obligation d’installer des panneaux solaires sur les toitures de bureaux et de commerces ou aux compétences intercommunales pour la réalisation d’opérations d’autoconsommation. Certains amendements auraient clairement mérité d’avoir leur place dans le cadre d’une loi relative à l’énergie, mais la construction du texte dont nous sommes saisis a conduit à ce qu’ils ne puissent être déclarés recevables. Il ne s’agit donc pas d’une loi globale sur l’énergie, dans la mesure où certains sujets ne figurent pas dans le texte et ne permettent donc pas le dépôt d’amendements.
Cette proposition de loi était néanmoins très attendue, puisqu’elle fixe des orientations programmatiques et stratégiques en ce qui concerne la poursuite de la transition énergétique, la détermination de la part des énergies renouvelables et carbonées ou de production d’énergie nucléaire.
Je rappelle que le Gouvernement envisageait de fixer par simple décret la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Or, nous avons été nombreux, en Conférence des présidents notamment, à insister sur la nécessité pour la PPE de prendre en compte le nouveau cadre législatif, ainsi que les débats et votes relatifs à cette proposition de loi, bien que celle-ci ne couvre pas l’entièreté d’une programmation énergétique.
Je regrette à titre personnel – mais nous sommes sans doute un certain nombre dans ce cas – que nous ne disposions pas d’un vrai projet de loi sur l’énergie nous permettant d’avoir un débat global et d’aborder aussi les questions qui ont été évacuées du fait de l’irrecevabilité des amendements.
M. Antoine Armand, rapporteur. Madame la présidente, je vous remercie d’avoir dégagé un créneau qui convienne à tout le monde pour permettre l’examen de ce texte, dans un ordre du jour parlementaire surchargé. Je partage pleinement votre conclusion. Le débat que nous entamons vise à combler une lacune gouvernementale. La loi prévoit en effet que le Parlement doit être saisi d’un projet de loi avec toutes les exigences entourant l’examen d’un tel texte : une étude d’impact, des consultations préalables et l’inscription à l’ordre du jour selon la procédure qui convient. Cela a toujours été le cas en matière de programmation, bien au-delà de la question énergétique.
Cette lacune avait commencé à être comblée grâce à l’initiative de notre collègue Julie Laernoes, qui avait déposé une proposition de loi qui avait été examinée par notre commission. Tel est à nouveau l’objet de la proposition de loi du sénateur Grémillet, avec toutes les limites d’un tel texte. En tant que députés, il serait toutefois malvenu de notre part de critiquer un collègue parlementaire au motif qu’il aurait déposé une proposition de loi qui ne répondrait pas aux exigences techniques ou de qualité légistique et ne serait pas assorti de l’étude d’impact, comme cela aurait été le cas avec un projet de loi.
Nous attendons depuis fort longtemps d’avoir, en commission des affaires économiques, en commission du développement durable puis en séance, un débat de fond sur la stratégie énergétique du pays, fondé sur des questions techniques, scientifiques, économiques, et non sur la sempiternelle guerre de religion énergétique, dont personne n’a envie et qui conduit à se renvoyer des anathèmes, entre ceux qui pensent que la meilleure manière d’être pro-nucléaire est d’être anti énergies renouvelables et ceux qui pensent l’inverse.
Ce débat peut en outre avoir lieu sans prétendre tout intégrer dans la loi au risque de la rendre bavarde, nécessairement incomplète et imprécise. Je ne crois pas qu’il relève du rôle des parlementaires, a fortiori dans une proposition de loi, de fixer par exemple le rythme annuel de progression de telle ou telle énergie au dixième de gigawatt installé près, sauf à ce que chacun d’entre nous puisse être capable d’expliquer les raisons pour lesquelles il faudrait privilégier, pour l’éolien en mer, le photovoltaïque ou toute autre énergie, un rythme de progression annuel de 1,2 gigawatt par an plutôt que de 1,3. Il existe en France des institutions très nombreuses et très expertes, dont les travaux sont ouverts à la critique, puisque publiés et en libre accès, qui nous permettent d’appréhender ces questions.
Nous disposons également de l’outil que constitue la programmation pluriannuelle de l’énergie. La PPE doit découler de la loi et des grands objectifs que nous allons essayer de définir faute de projet de loi. Elle seule a la faculté de fixer précisément les choses, en abordant des aspects extrêmement importants, comme l’équilibre du réseau électrique, ou encore la capacité à supporter l’intermittence et à mener à bien des grands chantiers industriels tels que ceux du nucléaire.
C’est pourquoi – et je constate que d’autres collègues semblent défendre la même position – je vous proposerai de ne pas entrer dans un niveau de granularité par énergie qui ne peut selon moi être défendu ici, tant techniquement que scientifiquement. Si la proposition de loi est adoptée, nos travaux permettront d’orienter la future PPE.
Pour que la loi soit la moins bavarde possible et ait une chance d’avancer puisque son examen n’a pas été prévu selon la procédure accélérée, il importe que nous fassions collectivement l’effort de nous concentrer sur l’essentiel qui nous préoccupe depuis longtemps, c’est-à-dire la programmation, et de ne pas nous attarder sur les articles non programmatiques, si importants soient-ils, concernant par exemple la protection du consommateur – dont personne ne niera par ailleurs l’importance dans un marché de fourniture d’électricité et d’énergie qui a montré ses limites, avec des comportements de prédation inacceptables. S’il semble très important à ceux qui ont introduit ces dispositions au Sénat et au Gouvernement qu’une protection du consommateur soit rapidement mise en place dans ce domaine, je ne doute pas qu’un projet de loi puisse être rapidement déposé sur le sujet et nous serons tous ravis d’y travailler. Nous avons déjà 481 amendements à examiner ! Si nous parvenons à nous concentrer sur la dimension programmatique, nous aurons déjà effectué un très gros travail.
Un immense travail a déjà été accompli sur la stratégie française énergie climat, la PPE, sur la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et nombre d’autres acronymes – ce qui montre que la simplification reste au niveau du concept et ne se traduit pas encore en réalité normative. Ces travaux sont naturellement importants et doivent nous guider. Toutefois, certains datent de 2024 ou 2023, voire des années antérieures ! Or, des scénarios considérés voilà deux ans avec mépris ou sarcasme – je pense notamment à celui de Réseau de transport d’électricité (RTE) fondé sur la mondialisation contrariée, la fracture géopolitique, le besoin de résilience et une inquiétude portant plutôt sur la sécurité d’approvisionnement que sur la vitesse de décarbonation – sont presque devenus centraux et parfois même jugés optimistes. Nous devons nous interroger sur la consommation d’énergie à un horizon de cinq et dix ans, ainsi que sur notre capacité, d’une part, à atteindre nos objectifs de sobriété et d’efficacité énergétiques et, d’autre part, à mener de grands chantiers industriels dans le temps imparti, avec les chaînes de valeur telles qu’elles sont, qu’ils soient dans le domaine des énergies renouvelables thermiques, renouvelables électriques ou nucléaires. Ne pas reconnaître que la situation a évolué et considérer qu’une PPE écrite voilà un ou deux ans pourrait convenir, alors que le monde a changé plusieurs fois depuis lors, sur le plan des tensions sur les matières premières, en ce qui concerne le libre-échange, le commerce, l’approvisionnement et le prix énergétiques, serait parfaitement t inconcevable.
En résumé, je vous propose de nous concentrer sur les articles programmatiques, d’essayer de nous en tenir au niveau de la loi et de laisser le Gouvernement, si le texte est adopté, adapter la PPE aux exigences législatives, en nous appuyant sur la technique et la science pour mener nos débats. C’est déjà un beau programme de travail !
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Maxime Amblard (RN). Chers collègues, enfin, la représentation nationale va enfin pouvoir débattre de la politique énergétique de notre pays. Il s’agit d’un sujet fondamental, qui conditionne notre souveraineté, notre prospérité et jusqu’à notre confort quotidien. Si le débat a lieu dans cette commission et n’a pas été contourné par un décret silencieux, c’est bien grâce à Marine Le Pen et à la mobilisation des députés du Rassemblement national. Pour nous, l’énergie n’est pas un sujet secondaire ! Elle est la clé de voûte de notre société. Sans énergie, pas d’industrie, pas de transports, pas de soins, pas d’agriculture, pas de chauffage !. Sans énergie, il n’y a ni confort, ni progrès, ni avenir !
Trois visions vont vraisemblablement s’exprimer lors de nos débats.
La première, animée par une idéologie décroissante et une foi aveugle dans le tout-renouvelable, entend restreindre les usages, contraindre les Français et leur faire payer au prix fort une transition punitive.
La deuxième, plus confuse, croit que l’on peut composer un mix énergétique comme on gère un portefeuille boursier, avec un peu de tout, sans hiérarchie, sans cap, en espérant que quelque chose fonctionne.
La troisième enfin, la nôtre, est celle du bon sens, du pragmatisme, de la science ! Le Rassemblement national défend une stratégie fondée sur les réalités physiques et promeut à ce titre un mix énergétique pilotable, décarboné, centralisé, garantissant une énergie abondante, stable et abordable, incluant notamment le nucléaire, l’hydroélectricité, la géothermie, la biomasse, la cogénération et les pompes à chaleur.
Le nucléaire est selon nous la clé de voûte de la puissance énergétique de demain. Notre parc historique doit être soutenu, modernisé, prolongé. Le nouveau parc doit être planifié avec ambition, depuis les réacteurs de troisième génération jusqu’à la fermeture du cycle du combustible et avec le déploiement des réacteurs de quatrième génération, ceux-là mêmes qui garantiront pour des siècles à notre pays une autonomie en matière de combustible, sans avoir à extraire un gramme d’uranium supplémentaire.
L’hydroélectricité, énergie renouvelable par excellence, doit aussi être pleinement mobilisée et développée, grâce notamment à des stations de transfert d’énergie par pompage (Step), indispensables au stockage et à la stabilité de notre réseau.
La biomasse et le biogaz – s’ils sont exploités avec sobriété et intelligence – constituent également une réponse adaptée à nos ressources locales.
La géothermie et le développement des pompes à chaleur permettent enfin de valoriser l’énergie présente dans le sol et dans l’air.
Réussir cette transition suppose par ailleurs d’avoir le courage de dire : « Non ! » Non à la prolifération des énergies intermittentes, qui déstabilisent notre système, alourdissent les factures et ralentissent la décarbonation.
Notre cap est clair : viser un mix énergétique essentiellement décarboné à l’horizon 2050 avec une production annuelle d’au moins 1 400 térawattheures, en considérant les baisses potentielles dues à l’efficacité énergétique, à l’électrification des usages et à la baisse du gaspillage énergétique, ainsi que les augmentations potentielles liées aux effets rebond, à la réindustrialisation, à l’agriculture, à la préservation de l’environnement, à la reforestation, à la dépollution, à notre lutte contre le réchauffement climatique et aux adaptations qui en découlent.
Tous nos amendements procèdent d’une même ambition : doter la France d’une politique énergétique sérieuse, cohérente, fondée sur le réel et tournée vers notre prospérité et notre souveraineté.
M. Antoine Armand, rapporteur. Merci, cher collègue, d’avoir donné un ordre de grandeur sur les besoins, car cette dimension nous inquiète tous ! Même si l’on peut débattre des 1 400 ou 1 200 térawattheures, donner un chiffre permet de s’interroger sur la partie non électrique du mix énergétique. L’électricité représente environ un tiers de ce mix, les deux tiers restants étant composés d’énergies fossiles, essentiellement importées. Lorsque l’on promeut, comme vous et moi, la souveraineté énergétique et la production locale, la décarbonation des deux tiers d’énergies fossiles doit être une priorité absolue. Une partie pourra être électrifiée et alimentée par diverses sources, parmi lesquelles le nucléaire, l’hydroélectricité et d’autres énergies que vous n’avez pas citées. Mais cela ne supprimera pas la question des quelques 500, 700 ou 800 térawattheures d’énergies renouvelables, ou en tout cas décarbonées thermiques, qu’il faudra produire au minimum ! Le sujet mérite d’être abordé. Je suis sûr que vous allez, lors des discussions, me détromper et montrer que vous n’êtes pas opposé à toutes les énergies renouvelables. Je ne doute pas que nous allons trouver, au moins techniquement, des points d’accord sur un très grand nombre de sujets.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Comme je l’ai indiqué le 28 avril dernier lors du débat sur la souveraineté énergétique de la France voulu par le Premier ministre, nous faisons face à un défi majeur : la sortie progressive de notre dépendance aux énergies fossiles. Ce défi – qui dépasse les clivages politiques –, répond à une nécessité écologique en même temps qu’à un impératif économique et de souveraineté. Il comporte également un enjeu de responsabilité envers les générations futures.
La France dispose pour y faire face d’un atout fort, avec un mix électrique décarboné à 95 %, reposant pour deux tiers sur le nucléaire et pour un tiers sur les énergies renouvelables, selon des chiffres de 2024.
Notre consommation énergétique globale reste toutefois dominée à 60 % par les énergies fossiles, raison pour laquelle la baisse des émissions de dioxyde de carbone amorcée ces dernières années doit non seulement se poursuivre, mais s’intensifier. Pour y parvenir, nous ne pouvons nous offrir ni le luxe, ni le temps d’opposer les énergies bas-carbone entre elles. Nous avons en effet l’opportunité de nous appuyer à la fois sur l’énergie nucléaire et sur les énergies renouvelables, électriques comme thermiques, pour construire un mix énergétique pluriel et résilient, dont le développement est largement soutenu par les Français. Une étude Ifop publiée la semaine dernière indique que 56 % d’entre eux estiment que la production d’électricité doit reposer sur un mix entre nucléaire et énergies renouvelables.
La diversification de notre production énergétique s’impose ainsi comme une évidence. Tel est le sens du projet de programmation pluriannuelle de l’énergie, issu d’une large concertation lancée depuis quatre ans. Cette troisième PPE, qui articule développement du nucléaire et des énergies renouvelables, sobriété et efficacité énergétiques, devrait être selon nous publiée le plus rapidement possible pour donner aux filières la visibilité nécessaire à leurs investissements. Sa publication devrait par ailleurs s’accompagner d’une stratégie pluriannuelle de financement, alignée sur les objectifs de chaque filière d’ici à 2035.
Nous considérons que l’examen de la proposition sénatoriale doit nous permettre de préciser notre stratégie énergétique. Notre ligne est claire : poursuivre et massifier le développement des énergies renouvelables, en complément de l’énergie nucléaire qu’il importe également de soutenir fortement. Nous souhaitons ainsi que nos débats confirment les objectifs relatifs au photovoltaïque, traduisent dans la loi le pacte éolien en mer signé par l’État en 2022 et valorisent notamment l’énergie hydrolienne, l’hydrogène et la chaleur renouvelable issue des combustibles solides de récupération (CSR). Nous soutenons également des mesures de simplification afin d’accélérer le déploiement des réacteurs nucléaires et formulons plusieurs propositions de nature à renforcer l’information des consommateurs.
Ce débat sur la stratégie énergétique ne saurait en outre faire l’économie d’une réflexion plus large sur la planification et le financement de notre modèle. En effet, l’électrification des usages, le développement des réseaux, du stockage et de la flexibilité imposent d’effectuer sans délai des choix structurants. C’est la raison pour laquelle nous appelons de nos vœux une loi prospective sur l’énergie. L’enjeu dépasse en effet celui de la simple PPE de 2035 : le véritable enjeu est celui de la sortie progressive des énergies fossiles pour atteindre la neutralité carbone en 2050, au plus tard.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je partage pleinement vos propos et me permets d’insister sur la question du financement, qui m’offre l’opportunité de lancer un appel préalable au Gouvernement, dans la mesure où nous allons avoir une discussion dans le cadre d’un groupe de travail sur la PPE demandé par le Premier ministre. Qu’elle soit ou non adoptée, la loi va fixer des objectifs d’électrification et de décarbonation. Sans perspective, sans trajectoire claire de financement entre ce qui relèvera de l’électrification et ce qui procédera simplement d’un passage des énergies fossiles aux énergies thermiques renouvelables, nos objectifs n’auront aucune chance de se concrétiser. Il sera donc urgent, au moins dans le prochain budget et avec une autre forme législative si le Gouvernement le décide, de disposer d’une visibilité financière sur l’électrification, la décarbonation et les moyens, financements obligatoires ou autres, mis en place pour financer cette transition.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, chers collègues, faute de loi de programmation en bonne et due forme, le Gouvernement bricole en inscrivant cette proposition de loi sénatoriale – sans véritable soutien de ses propres troupes –, M. Bayrou assurant qu’il tiendra compte de son examen pour amender la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie avant sa publication, déjà repoussée à de multiples reprises.
La PPE 3 est très attendue par les acteurs du secteur. Le Haut Conseil pour le climat (HCC) rappelle en effet que la France se réchauffe plus vite que le reste du continent, que le coût et les risques de l’inaction sont exorbitants et que nous avons besoin d’objectifs et de budget suffisants et pérennes.
L’examen de cinq articles par la commission du développement durable a été plutôt rassurant : nous nous sommes retrouvés dans la plupart des amendements adoptés. Après l’article 11, un amendement proposé par LFI visant à réduire notre empreinte carbone, c’est-à-dire nos émissions de gaz à effet de serre importées, a même été adopté.
Il nous est toutefois impossible de voter cette proposition de loi en l’état. Le texte ne comprend en effet quasiment rien sur la sortie des énergies fossiles, qui représentent toujours 60 % de notre mix énergétique et 74 milliards d’euros de déficit commercial. Il préfère parier en lieu et place sur le techno-solutionnisme du captage et du stockage du carbone.
Il ne comporte rien non plus s’agissant de la planification de la sobriété énergétique, qui restera largement subie par les uns et inexistante pour les autres.
On note également, en matière d’efficacité énergétique et pour ne parler que de la rénovation thermique des logements, un nouveau décalage de l’objectif dans le temps.
Concernant enfin les énergies renouvelables – qui sont les seules à pouvoir être déployées avec succès dans les années à venir –, le texte ne dit rien du soutien à apporter aux filières industrielles souveraines et pourvoyeuses d’emplois.
Pire : ce texte veut dissoudre les objectifs spécifiques de déploiement des énergies renouvelables dans un objectif abscons d’énergies décarbonées, pour donner toujours plus de place au nucléaire – alors que ce dernier n’a aucune chance de progresser dans un délai raisonnable. Cette obsession nucléariste est grave, car elle nous expose à six risques systémiques. Nous risquons ainsi, sans soutien apporté aux énergies renouvelables, sans capacité nouvelle – alors que de nombreux réacteurs nucléaires seront à l’arrêt dans les dix ans à venir pour leur visite décennale –, de manquer d’électricité. Dès lors, il nous faudra en importer massivement, ce qui viendra alourdir les factures. Les ménages seront en outre davantage précarisés et ne pourront électrifier leurs usages, restant ainsi dépendants des énergies fossiles. Les entreprises ne pourront pas décarboner leurs procédés de production, ni investir dans la réindustrialisation, et nous ne respecterons pas nos engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Face à cela, le pouvoir sera tenté de prolonger la durée de vie des réacteurs existants, en faisant fi des risques d’accident liés à leur vieillissement.
Nous espérons, lors de ce débat, amener chacun à la raison, faute de quoi nous voterons contre ce texte.
J’espère par ailleurs que nous pourrons mettre fin au très mauvais mécanisme de calcul des factures prévu pour 2026, dont nous n’avons trouvé aucun partisan au cours des nombreuses auditions déjà menées dans le cadre de la mission d’information sur les prix de l’électricité que nous avons lancée avec Philippe Bolo.
M. Antoine Armand, rapporteur. Cher collègue, je ne comprends pas le sens de votre propos sur les prix. On peut le déplorer, mais ce texte n’a vocation à traiter ni des prix de l’énergie, ni des filières industrielles parce qu’il n’en a pas pris le chemin et qu’il n’a pas la forme d’un projet de loi. Nous pourrons avoir ce débat dans le cadre de la PPE. Lorsque l’on se donne, en matière de solaire par exemple, des objectifs de développement du photovoltaïque, que l’on met l’accent sur la possibilité de produire les installations nécessaires en France mais que l’on n’en voit finalement pas la trace, il est légitime de s’interroger sur la réalité de la chose ! On peut également se questionner sur le caractère résilient et souverain du processus.
Je n’ai pas le temps de répondre précisément à l’amorce de procès que vous avez intenté au nucléaire. L’argument que vous avez utilisé est largement démenti par les constats que j’ai pu effectuer dans mes fonctions actuelles et passées : c’est parce que nous disposons du nucléaire que des entreprises continuent à produire en France et choisissent de s’implanter dans notre pays. Cela concerne notamment des entreprises qui investissent et innovent dans des technologies extrêmement consommatrices d’électricité. Croire que le nucléaire, et en particulier l’électricité nucléaire, est un handicap constitue un contresens majeur. Cela est au contraire présenté comme un atout majeur par l’ensemble des acteurs industriels concernés.
M. Karim Benbrahim (SOC). Quel mix énergétique pour réussir la transition écologique ? Comment garantir notre souveraineté énergétique, notamment face aux menaces venant de Russie ? Comment assurer un prix de l’énergie compétitif pour nos entreprises et nos concitoyens ? Voilà quelques-unes des réflexions auxquelles la représentation nationale devrait être pleinement associée.
Le Premier ministre a toutefois déjà annoncé que le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie était prêt. L’examen de cette proposition de loi apparaît donc d’abord comme un gage politique adressé à la droite sénatoriale et au Rassemblement national, ensuite comme un coup supplémentaire porté au respect du travail parlementaire.
Une politique énergétique doit pourtant s’inscrire dans le temps long. L’adoption par la représentation nationale d’une loi de programmation avant la publication d’un décret aurait permis de donner plus de robustesse à l’orientation stratégique prise.
Si le Gouvernement semble faire fi de cette séquence parlementaire, le groupe Socialistes et apparentés l’abordera avec sérieux et responsabilité. Nous défendrons une stratégie énergétique fondée sur trois impératifs : la lutte contre le dérèglement climatique, la garantie de notre souveraineté énergétique et l’accès de toutes et tous à une énergie abordable.
Le texte transmis par le Sénat fait du nucléaire son axe central, de manière dogmatique. Nous nous y opposerons et proposerons une autre vision, structurée autour de quatre axes.
Le premier vise la réduction de nos consommations énergétiques. Cela passe par des politiques ambitieuses de sobriété et d’efficacité énergétiques, combinant l’impérieuse nécessité d’allier transition écologique et justice sociale. Il n’y aura pas de transition écologique sans justice sociale !
Le deuxième axe est le soutien à l’électrification des usages pour sortir de notre dépendance aux énergies carbonées.
Le troisième consiste à soutenir massivement le développement des énergies renouvelables. Dix ans après l’accord de Paris sur le climat, la France demeure largement en retard sur ses objectifs. Nous soutiendrons un développement des énergies renouvelables qui doit s’appuyer sur des filières industrielles françaises et européennes, car la transition énergétique ne pourra se faire sans souveraineté industrielle. Le passage vers un mix 100 % renouvelable pose encore des défis majeurs, tant sur le plan technique, sociétal, qu’économique.
Si l’objectif d’un mix énergétique renouvelable et décarboné doit être réaffirmé, la préparation de la décennie 2040 nécessite encore une part de nucléaire, significativement moins importante qu’actuellement, mais qui ne doit pas compromettre nos ambitions en matière d’énergies renouvelables. Tel est le quatrième axe que nous défendrons !
C’est en se fondant sur ces lignes directrices que nous abordons les débats à venir, afin de construire un mix énergétique à la fois écologique et social, à même de garantir notre souveraineté.
M. Antoine Armand, rapporteur. Monsieur le député, je vous rejoins largement sur plusieurs points. Il importe de mettre l’accent sur la stratégie industrielle. Si tout ne peut pas être inscrit dans la loi, nous devrons être très vigilants pour que la programmation pluriannuelle de l’énergie et le projet de loi de finances concrétisent de manière législative ou réglementaire, par des stratégies de financement, le soutien industriel que l’État et les collectivités publiques en général sont prêts à apporter au projet énergétique, dont il nous revient de définir les grands objectifs. Sans faire de mauvais esprit, il est arrivé ces dernières années que les parlementaires – pas forcément nous, intuitu personae – fixent des objectifs – en pourcentage d’ailleurs plus souvent qu’en térawattheures –, qui n’avaient aucune réalité ou sous-jacent industriel et qui, naturellement, n’ont jamais vu le jour, ou alors sous forme d’appels à projets et de prix garantis qui coûtent, aujourd’hui encore, des milliards d’euros à la France.
M. Henri Alfandari (HOR). Nous débattons enfin d’énergie, question centrale de l’attractivité économique de la France grâce à l’effet prix et de la réalisation de ses objectifs climatiques grâce à la décarbonation du mix énergétique. Le groupe Horizons et indépendants se réjouit que la proposition de loi du sénateur Gremillet nous donne enfin l’occasion de corriger les incohérences de notre politique énergétique et de tracer un chemin ambitieux pour la France.
Nous saluons votre travail, Monsieur le rapporteur, mais nous n’oublions pas, surtout, le constat et les préconisations du rapport de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance de la politique énergétique de la France, dont vous étiez aussi le rapporteur. C’est pourquoi je proposerai deux amendements qui visent à tirer les leçons de ces travaux et qui réécrivent une large partie de la proposition de loi. Je sais que s’ils sont adoptés, chers collègues, ils feront tomber un grand nombre des amendements déposés. Cependant, c’est le moment ou jamais de se saisir de ce sujet et de corriger des points majeurs. Quels sont-ils ?
Pour commencer, la question a été posée de savoir ce qui relève de la loi, du domaine réglementaire ou du décret. Comme vous le savez, c’est la loi qui oriente la prise de décret. Si nous voulons introduire de nouvelles contraintes dans la programmation énergétique, nous devons le faire aux articles L. 100-1 et suivant du code de l’énergie,
Plusieurs d’entre vous ont regretté de ne pas disposer, comme c’est le cas pour un projet de loi, d’une étude d’impact et des consultations préalables. Or, c’est précisément ce qu’il faut faire à intervalles réguliers en matière de politique énergétique, dès lors qu’on y apporte des modifications !
Ensuite, il faut garder de la souplesse, afin de corriger nos erreurs. Nous ne pouvons attendre l’adoption d’une nouvelle loi lorsque les trajectoires dévient et que le pays n’est pas au rendez-vous.
Enfin, il faut rendre compte, non seulement devant les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, mais aussi devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) – car il s’agit bien de choix scientifiques.
Le groupe Horizons saisira donc toutes les occasions pour protéger les Français et permettre à notre pays de trouver les voies de son indépendance énergétique et stratégique.
M. Antoine Armand, rapporteur. Cher collègue, je vous remercie pour vos mots. Je ne peux que vous rejoindre sur la question de la souveraineté et sur la nécessité de dépasser les oppositions classiques en matière d’énergie. Il faut en effet se concentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire fixer des ordres de grandeur : quelle part d’énergie décarbonée devrons-nous atteindre en 2030, en 2035 et en 2050 ? Voilà un domaine dans lequel la transition écologique et la souveraineté nationale vont dans le même sens, pour peu que l’on privilégie d’abord les outils existants, qui sont bel et bien pilotables, industriels et fonctionnels – n’en déplaise à certains –, et qu’on développe ce qui peut l’être, dans la limite des capacités du réseau électrique. Il s’agit, non pas de reproduire je ne sais quelle guerre de religion, mais d’observer ce qui se fait dans les autres pays et ce que les réseaux peuvent absorber avant d’atteindre leurs limites potentielles.
M. Philippe Bolo (Dem). Monsieur le rapporteur, chers collègues, nous voilà enfin réunis pour mener le débat qui nous était promis depuis l’adoption de la programmation pluriannuelle de l’énergie en 2018 ! Depuis deux ans, nous avons été nombreux à le réclamer. Mais la nouvelle PPE devrait être prise par décret. La méthode pose question : alors que certains y voient l’aboutissement d’une large concertation, d’autres déplorent une entorse au processus parlementaire. Quoi qu’il en soit, la proposition de loi du sénateur Gremillet, adoptée au Sénat, nous donne enfin la possibilité de débattre de la programmation énergétique. Au groupe démocrate, nous espérons que nos échanges déboucheront sur des éléments de nature à amender le projet de décret, notamment en matière de programmation, et que nous réussirons à nous extraire de la polarisation habituelle autour de la part du nucléaire et de celle des énergies renouvelables pour trouver des points de consensus importants.
J’en vois au moins quatre : premièrement, la nécessité de réduire notre consommation d’énergie fossile ; deuxièmement le renforcement de notre souveraineté énergétique ; troisièmement, l’importance de considérer les réseaux comme le point de rencontre entre l’offre et la demande électrique – un enjeu insuffisamment pris en compte dans nos débats – ; quatrièmement, la question du prix de l’électricité, car même s’il ne nous appartient pas de le fixer par nous‑mêmes, nous devons faire en sorte qu’il soit abordable, prévisible et stable. Avec mon collègue Maxime Laisney, je travaille, dans le cadre d’une mission d’information de la commission des affaires économiques, sur ce sujet majeur que tout le monde a pu toucher du doigt lors de la crise de 2022-2023. À l’époque, accéder à l’énergie n’était qu’un simple réflexe : il suffisait de brancher une prise ou d’appuyer sur un interrupteur. Durant la crise, chacun a pu mesurer les conséquences de l’augmentation des prix : l’impact sur le pouvoir d’achat pour les ménages ; les difficultés à mener les politiques publiques pour les collectivités territoriales ; les conséquences économiques – on parle souvent des entreprises dites électro-intensives, mais je pourrais également citer tous les boulangers de tous les territoires de France, qui ont connu d’énormes difficultés au moment de renouveler leur contrat d’énergie, alors que les prix atteignaient des niveaux exorbitants. Par conséquent, même si le prix n’est pas au cœur de nos débats, nos orientations doivent être suffisamment rationnelles pour garantir des prix prévisibles, stables et lisibles.
Le groupe Les Démocrates est heureux que le débat ait enfin lieu, même s’il n’a pas la forme attendue initialement. Nous souhaitons une programmation utile pour le climat, la souveraineté énergétique de la France, la fixation des prix, les réseaux et le partage de la valeur dans les territoires. Si nous sommes prêts à accueillir favorablement les évolutions pertinentes, nous resterons vigilants face à celles que nous jugerions inopportunes.
M. Antoine Armand, rapporteur. Merci, cher collègue ! Puisque vous m’y invitez, permettez-moi de dire un mot sur le prix de l’électricité, sujet sur lequel vous menez, avec votre collègue Maxime Laisney, une mission d’information. Plusieurs éléments, pourtant fondamentaux, ne figurent pas dans ce texte. Il y a tout d’abord, la fiscalité : l’électricité continue à être davantage taxée que le gaz. Pourtant, à chaque fois que nous avons essayé de rétablir un équilibre – nos collègues sénateurs l’ont encore tenté à l’automne dernier –, le débat s’est révélé impossible et problématique. À ce titre, le débat que nous aurons sur l’article 2 de la proposition de loi sera sans doute évocateur, et les positions des uns et des autres montreront que, lorsqu’il s’agit de rééquilibrer la fiscalité énergétique en faveur de la décarbonation, c’est moins simple qu’il n’y paraît.
Ensuite, comme dans tout marché, le prix dépend de la quantité produite : à cet égard, développer notre indépendance énergétique et favoriser la production d’énergie décarbonée ne pourra qu’être un facteur positif. Toutefois, il faut souligner un phénomène nouveau – plus national qu’européen –, qui est incompréhensible et insupportable pour nos concitoyens : celui des prix négatifs. Chaque jour, nous produisons un nombre croissant de minutes à prix négatif, qui ne se reflète pas sur la facture des Français. On peut toujours expliquer en quoi ce processus est normal, mais il reste parfaitement insupportable ! C’est pourquoi nous devons élaborer un mix électrique convenable et cohérent.
M. Jérôme Nury (DR). Madame la Présidente, Monsieur le rapporteur, chers collègues, l’énergie est le socle de notre économie, de notre souveraineté, de notre capacité à produire et à innover. Nous n’avons plus le droit à l’erreur, ni à l’idéologie : la France doit faire des choix fondés sur la science et la raison, et non plus sur des dogmes ou des illusions ! Nous avons en main une force que beaucoup nous envient : un mix électrique décarboné et pilotable, fruit de décennies d’investissements dans le nucléaire et l’hydroélectricité.
Pourtant, le décret relatif à la PPE3, tel qu’il était initialement proposé, sacrifiait cet atout en continuant de pousser à marche forcée le développement des énergies électriques intermittentes, au mépris du bon sens économique, technique et écologique. C’est encore le cas, dans une moindre mesure, de ce texte. La France a non pas besoin d’éolien ou de photovoltaïque supplémentaires, mais d’investissements sur le long terme ! Le nier serait terrible pour notre souveraineté et nos finances publiques, voire dangereux pour le bon fonctionnement de notre réseau électrique – nous l’avons constaté lors du black-out survenu récemment en Espagne.
En 2022, nous avons touché du doigt les conséquences du délaissement du nucléaire et du développement massif des énergies électriques intermittentes. La chute de la production nucléaire, combinée à une absence de vent et de soleil, a entraîné des importations records et une explosion des prix pour nos concitoyens et nos entreprises.
Depuis, avec une production nucléaire record de 361 térawattheures en 2024 – qu’il est encore possible d’améliorer –, la surproduction d’électricité intermittente provoque des prix négatifs en spot durant des périodes de plus en plus longues, au cours desquelles l’énergie est vendue à perte. Pourtant, les Français continuent de la payer toujours plus cher !
Nous devons donc entériner une politique énergétique permettant de préserver notre souveraineté et, surtout, de faire en sorte que les prix de l’électricité ne soient plus aussi élevés. Nous proposons une stratégie claire : priorité à l’électrification des usages, à la décarbonation des secteurs les plus consommateurs d’énergies fossiles, au renforcement du nucléaire existant et à sa montée en puissance ! Enfin, nous disons « stop ! » aux subventions déguisées aux énergies intermittentes, qui désorganisent notre réseau et enrichissent des fonds d’investissement au détriment du pouvoir d’achat des Français et de nos entreprises. L’heure n’est plus aux chimères, mais au courage !
La semaine dernière, nous sommes revenus, en séance, sur la suppression des zones à faible émission (ZFE), qui allaient conduire à une division sociale terrible entre les ruraux et les urbains. Poursuivons ce travail et protégeons les Français qui n’ont pas les moyens de payer une électricité chère, alors qu’il est possible d’agir afin d’en limiter la hausse. La France a besoin d’une énergie non pas idéologique, mais compétitive. C’est en ce sens que nous défendrons plusieurs amendements qui visent à améliorer le texte sénatorial dont il convient encore de conforter les objectifs principaux – même s’il va dans la bonne direction.
M. Antoine Armand, rapporteur. Merci, cher collègue ! J’entends et je partage naturellement la nécessité de décarboner, en particulier les secteurs qui consomment le plus d’énergies fossiles, car ils sont polluants et ne permettent pas d’assurer la souveraineté énergétique que nous appelons de nos vœux. Toutefois, ces secteurs représentent deux tiers du mix énergétique. Par conséquent, même si le nucléaire et les énergies renouvelables, telles que l’hydroélectricité, seront à même de combler une partie des besoins, tout ne pourra pas être électrifié ! L’énergie décarbonée qui fait actuellement défaut porte en priorité sur le thermique. Nous avons déjà eu de nombreux débats sur cette question, en matière de transport et de mobilité électrique. Il faudra répondre à cette exigence – c’est d’ailleurs l’une des ambitions de ce texte. Nous devrions pouvoir trouver des convergences sur ce point.
Quant aux défauts de la proposition de loi sénatoriale, je suis à votre disposition pour servir d’intermédiaire avec notre collègue sénateur Daniel Gremillet, mais je crois que vous le connaissez aussi très bien.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cela fait trois ans que ça dure ! Faute d’examiner en temps et en heure un projet de loi de programmation énergétique – qui, faut-il le rappeler, aurait dû être adopté avant le 1er juillet 2023…–, nous examinons, dans un contexte délétère, une proposition de loi à l’objet ambigu. Combien de consultations, de travaux prospectifs et de groupes de travail ont-ils été lancés et pour quels résultats ? La ministre chargée de l’énergie a bien élaboré un projet de programmation, mais il n’a jamais été examiné par le Parlement ! L’idée a même été avancée de contourner l’obstacle et de l’adopter par décret. Or, voilà le Gouvernement contraint de reprendre en urgence une proposition de loi – qui affiche pourtant des priorités totalement contraires à celles de la PPE qu’il a lui-même élaborée –, pour éviter une menace de censure de l’extrême droite... Quelle étrange conception de la planification énergétique et quelle étrange manière de préparer l’avenir !
Disons-le sans tergiverser : cette proposition de loi n’est pas sérieuse ! Elle est bâclée et ne dispose ni d’une étude d’impact, ni de l’avis du Conseil d’État, du Conseil supérieur de l’énergie (CSE) ou du Conseil national de la transition écologique (CNTE). Elle ne traite pas de ce qui nous semble une priorité : la réduction de la part des énergies fossiles et la réduction de la facture qu’elles impliquent, à hauteur d’une centaine de milliards d’euros. Telle qu’elle nous parvient du Sénat, elle constitue un texte politico-religieux, totalement déconnecté des réalités concrètes du terrain ! Elle n’a pour seul objectif que de témoigner de la foi irrationnelle dans le recours aux technologies actuelles et futures du nucléaire, aux antipodes d’une stratégie cohérente de décarbonation de notre économie et au mépris de la réalité du changement climatique : pertes agricoles, fonte des glaciers, inondations, sécheresses et canicules, phénomènes de retrait-gonflement des argiles.
Alors que la France est l’un des pays qui se réchauffe le plus vite au monde, nous ne ferions rien pendant dix ans, dans l’espoir d’une hypothétique mise en service de six réacteurs de type EPR2 avant 2035 ? Et, ce, sans tenir compte du retour d’expérience de Flamanville qui a connu douze ans de retard, nécessité une dépense de plus de 23 milliards d’euros et dont la rentabilité est médiocre – moins de 2 % – ? Ce n’est pas moi qui l’affirme, mais un excellent rapport de la Cour des comptes de janvier dernier... Je vous le demande, est-il raisonnable de privilégier la fuite en avant ?
La programmation pluriannuelle de l’énergie doit fixer un cap sérieux pour les dix prochaines années. Qui peut croire à cet engagement, alors que le Conseil de politique nucléaire affiche déjà un report de plus de trois ans ? Le texte évite soigneusement d’aborder chacune des étapes d’une stratégie de décarbonation et de résilience : sobriété énergétique, déploiement massif des renouvelables, renforcement de la souveraineté énergétique et une plus grande justice en la matière. Il repose sur des hypothèses techno-solutionnistes, totalement déconnectées des réalités techniques, industrielles, scientifiques, économiques et climatiques qui s’imposeront à nous, quel que soit l’enthousiasme avec lequel vous l’adapterez, amendement après amendement.
Cette proposition de loi spécule et rêvasse, au mépris des faits scientifiques et des réalités techniques, sous l’influence de lobbys puissants ! C’est le cas de l’hydrogène vert, dont la production est quasi nulle, cette technologie n’étant pas encore mûre. Le calendrier de ce texte, coïncidence ou non, accompagne les récents reculs du Gouvernement en matière écologique : sur les néonicotinoïdes, sur l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) et sur les zones à faibles émissions (ZFE) – autant de décisions dangereuses pour l’environnement et pour notre santé.
Assurément, ce texte ne peut tenir lieu de cap énergétique ! Construisons plutôt une programmation pluriannuelle de l’énergie crédible. C’est pourquoi nous défendrons des amendements en ce sens, afin de la corriger et de la réorienter.
M. Antoine Armand, rapporteur. Madame Voynet, vous n’étiez pas présente lorsque j’ai moi-même souligné avec autant de modestie que possible les limites de la proposition de loi et qu’elle ne possédait pas toutes les caractéristiques d’une loi de programmation. Sur ce point, je peux vous rejoindre. Toutefois, vous évoquez un texte technico-religieux, bâclé et sans étude d’impact ; vous parlez même d’une proposition de loi qui spécule et qui rêvasse. C’est exactement ce que je pense de la politique énergétique dont votre mouvement est responsable depuis une trentaine d’années ! Ce n’est pas une attaque personnelle, mais un rappel des faits : vous avez présidé à la fermeture du démonstrateur Superphénix qui aurait pu nous permettre de disposer d’un réacteur de quatrième génération ; vous avez tenté de fermer le parc nucléaire existant grâce auquel nous avons de la lumière ce soir et qui permet à la France de rester une puissance industrielle. Tâchons, vous et moi, de ne pas spéculer ni de rêvasser en examinant ce texte !
M. Joël Bruneau (LIOT). Cela a été dit, depuis juillet 2023, nous attendons que le Gouvernement présente une loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat, conformément aux dispositions inscrites dans la loi énergie et climat adoptée en 2019. Sur ce sujet crucial pour l’avenir de notre pays, le monde économique patiente, ou plutôt s’impatiente ! En effet, l’absence de texte programmatique crée une insécurité juridique persistante et dommageable à l’économie. Les filières énergétiques du nucléaire comme des énergies renouvelables ont besoin d’orientations claires et d’une stratégie stable pour mobiliser les investissements nécessaires. Les différents choix opérés en matière énergétique conditionneront – il faut que nous en soyons tous bien conscients – notre capacité non seulement à nous réindustrialiser, mais aussi, plus globalement, à maintenir notre niveau de vie. Les enjeux sont donc à la fois économiques, écologiques et de souveraineté naturellement.
En somme, nous avons besoin urgemment d’une loi de programmation. Or, nous pouvons légitimement douter de l’efficacité de la méthode choisie, puisqu’en reprenant une proposition de loi d’initiative sénatoriale – aussi positive soit-elle –, le Gouvernement nous prive de l’avis du Conseil d’État ainsi que d’autres instances, et d’une étude d’impact. Sur un sujet aussi technique et déterminant, nous ne pouvons que le regretter !
En matière énergétique, nous avons quelques convictions. Il importe tout d’abord de décarboner notre consommation énergétique et de s’attaquer prioritairement à une consommation dont la part des énergies fossiles représente encore 60 %. Pour y parvenir, l’électrification massive des usages est nécessaire, ce qui devrait nous conduire à augmenter à due concurrence la production d’électricité, à moins qu’une sobriété vertueuse, fondée sur l’évolution des comportements et des innovations scientifiques, nous permette de l’éviter – pour l’heure, la sobriété résulte plutôt d’une réduction de l’activité industrielle.
Il faut ensuite que notre mix repose sur les deux piliers complémentaires que sont le nucléaire et les énergies renouvelables, la question étant de quantifier la part de chacune de ces sources d’énergie.
Au-delà de ces certitudes, beaucoup d’interrogations demeurent : quel sera le calendrier raisonnable de la relance du nucléaire ? À quel prix pourrons-nous construire les nouveaux EPR ? Où en sont les négociations européennes sur les conditions et les modalités d’accompagnement de l’État à ce nouveau nucléaire ? Comment garantir l’acceptabilité sociale des énergies renouvelables ? Avons-nous réellement les capacités de stockage et de flexibilité pour faire face à leur caractère intermittent – cette insuffisance chronique explique les difficultés d’équilibrage du réseau. Par ailleurs, l’électrification des usages suivra-t-elle la trajectoire prévue ? La consommation sera-t-elle au rendez-vous ? Et si ce n’est pas le cas, qui paiera la facture correspondant à la différence ?
M. Antoine Armand, rapporteur. Cher collègue, vous posez des questions légitimes, que je partage. Permettez-moi de mentionner un point qui a été peu évoqué jusqu’à présent : celui de la maîtrise de la demande, grâce à la sobriété et à l’efficacité énergétiques. Il faut reconnaître notre incapacité à penser les technologies et les usages de demain pour atteindre la sobriété dans les secteurs résidentiel, tertiaire et industriel, ainsi que notre incapacité – y compris celle de notre propre sensibilité politique – à faire évoluer les critères techniques et physiques en matière de rénovation énergétique. Il faut sortir du tabou du simple geste de rénovation, même s’il fait plaisir car il permet d’afficher des opérations et des progrès. S’il n’aboutit pas à économiser des térawattheures, ni à remédier à la précarité sociale dans laquelle se trouvent certains de nos concitoyens, il ne répondra pas à la réalité des besoins. Nous devrions trouver des convergences sur ce point.
M. Julien Brugerolles (GDR). Monsieur le rapporteur, l’examen de ce texte soulève toujours autant de questions, soyons honnêtes. Quelle est la stratégie du Gouvernement ? La proposition de loi est-elle censée remplacer la loi de programmation prévue tous les cinq ans par le code de l’énergie, ou s’agit-il d’un simple préambule à la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie, annoncée, puis repoussée à la fin de l’été ? Autant de questions, mais toujours pas de réponses claires...
Alors que nous devrions bâtir la politique énergétique de la France dans la transparence, sur la base de données fiables, d’une étude d’impact rigoureuse et de trajectoires scientifiquement étayées, nous sommes contraints de légiférer à vue, par petites touches. Cette opacité n’est pas nouvelle : elle s’explique en partie par les revirements successifs du Président de la République ! Son premier quinquennat a été marqué par une foi inébranlable dans le tout marché, avec une dérégulation et une libéralisation, coûte que coûte, du secteur énergétique. Puis, il a fallu opérer un virage à 180 degrés. Rattrapé par la crise géopolitique, on a soudain redécouvert les vertus de la souveraineté, de l’entreprise publique et des tarifs réglementés. Mieux vaut tard que jamais !
Comme nous l’avons souligné le 28 avril, à l’occasion de la déclaration du Gouvernement sur la souveraineté énergétique de la France, il est difficile de construire une stratégie sans trajectoires de référence, ni objectifs chiffrés s’agissant des émissions, de la consommation et de la production. C’est pourtant le cœur d’une loi de programmation : fixer un cadre, une direction et des ambitions. Or, tout se fait à l’envers ! La SNBC, la PPE, le plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc), le plan national intégré énergie-climat (Pniec), tous les documents censés découler de cette loi sont soit déjà présentés, soit en projet ou dans les tuyaux, alors que le texte fondateur, lui, manque toujours à l’appel. Cherchez l’erreur !
Certes, cette proposition de loi affiche des objectifs que nous partageons : la péréquation tarifaire, les tarifs réglementés, la maîtrise publique des outils de production et de distribution, le maintien de nos capacités de production nucléaire – autant de mesures qu’en tant que députés communistes nous défendons depuis des années, souvent à contre-courant face à la vague libérale.
Toutefois, comment actualiser la programmation énergétique nationale, comme le prévoit le titre Ier, si nous ne savons toujours pas vers quelle trajectoire tendre ? Je pense notamment au retard criant en matière d’électrification des usages ou à la dégradation majeure de nos puits de carbone, qui compromet la mobilisation de la biomasse dans les années à venir.
Enfin, deux grands sujets sont une fois de plus absents dans ce texte. Le premier sujet concerne l’empreinte carbone : les émissions liées à nos importations représentent plus de la moitié des émissions réelles des Français. Le deuxième sujet a trait aux moyens : quels investissements publics, quels financements concrets ? À budget constant, voire en baisse, l’ambition énergétique devient un vœu pieux. Rien non plus sur l’indispensable volonté de maîtriser à long terme les tarifs de l’énergie, en sortant du marché européen, ni sur les risques que ce dernier fait peser sur les factures des usagers.
Monsieur le rapporteur, nous abordons donc ces travaux dans un esprit constructif. Toutefois, tant que ces questions fondamentales n’auront pas trouvé de réponses, il sera difficile – je dirais même très difficile – de redonner à ce débat la cohérence et la portée qu’il mérite.
M. Antoine Armand, rapporteur. Merci, cher collègue ! Je le disais dans mon propos liminaire, je partage vos interrogations et les incohérences que vous signalez. Cela ne doit pas nous empêcher pour autant de travailler, puisque nous avons enfin l’occasion de débattre de ces sujets. Vous avez déposé des amendements qui vont dans le sens d’une cohérence et d’une stratégie industrielle plus importantes, quels que soient les types d’énergies, pourvu qu’elles présentent des caractéristiques techniques compatibles avec les réseaux – je connais l’attachement de votre mouvement au réseau électrique et à sa capacité à assurer les raccordements pour les années à venir et dans les prochaines décennies. Il ne nous reste plus qu’à y travailler ensemble !
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, il aurait fallu non seulement un projet de loi, mais une véritable loi de programmation en matière d’énergie et de climat, assortie d’une étude d’impact. Cette vision globale nous aurait permis d’aborder des sujets comme la fiscalité, la maîtrise publique ou encore la trajectoire financière – ce dont nous sommes privés puisque, sous Emmanuel Macron, dans la Ve République, les budgets sont adoptés en recourant à la procédure du 49.3, sans débat parlementaire. D’ailleurs, vous vous souvenez peut-être que le premier 49.3 est intervenu, en 2022, précisément après des votes portant sur la rénovation thermique et le développement des transports collectifs, ce qui a un lien avec la question énergétique. Et peut-être déposerez-vous une motion de rejet préalable à l’ouverture de la discussion en séance publique, pour continuer d’assurer la mainmise du Sénat ?
Pourtant, Monsieur le rapporteur, vous avez commencé votre carrière ministérielle en maintenant le Rassemblement national à distance. Je suis donc stupéfait de constater que certains de vos amendements vont exactement là où ce parti veut nous conduire, c’est-à-dire vers un sabordage des énergies renouvelables, pour lesquelles vous proposez, ni plus ni moins, de supprimer tout objectif chiffré de développement. La Macronie entend-elle vraiment appliquer le programme du Rassemblement national sur ces questions ?
M. Antoine Armand, rapporteur. Je ne savais pas que le photovoltaïque sur toiture avait une couleur politique, ni que l’uranium enrichi était de droite plutôt que de gauche ! À vous entendre, je finis par le penser – mais ce n’est en tout cas pas votre couleur politique. Au-delà de nos échanges presque sympathiques, je suis sûr que lorsque nous en viendrons à l’examen des amendements, vous ne mettrez pas en avant mon positionnement politique, mais chercherez à déterminer ce qu’il est possible de faire en matière d’hydroélectricité, de photovoltaïque sur toiture ou d’éolien en mer. Au fond, c’est ce qui nous intéresse tous ici.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Antoine Armand s’est livré tout à l’heure à une mise en cause personnelle me concernant. Auditionnée par la commission d’enquête sur la souveraineté énergétique de la France, j’ai, sous serment, répondu à vos questions. J’ai, en effet, au sein d’un gouvernement qui a l’a portée et assumée avec moi, pris la décision de fermer Superphénix en 1997. Cela fait bientôt trente ans ! Les partenaires de la France au sein du consortium européen d’actionnaires Nersa n’ont alors pas protesté ni demandé un dédommagement. Aucun gouvernement – et il y en a eu beaucoup depuis…– n’a souhaité relancer cette filière, sous une forme ou une autre. Par conséquent, si nous voulons continuer à travailler ensemble au sein de cette commission, évitons à l’avenir les attaques personnelles ! Tenons-nous en aux faits et au contenu de la proposition de loi !
M. Antoine Armand, rapporteur. Madame Voynet, votre réponse démontre que ce n’était pas une attaque personnelle ! Je ne vous reproche pas quelque chose que vous n’auriez pas commis, mais précisément ce dont vous êtes à l’origine. D’ailleurs, vous venez de l’assumer, trente ans après, ce qui est plutôt curieux – à titre personnel, j’aurais pris un peu de recul…
Mme Dominique Voynet (EcoS). J’espère que vous n’y reviendrez pas à chaque amendement !
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je constate, sur la base de toutes ces interventions, qu’une grande majorité d’entre nous regrettent fortement l’absence d’un projet de loi de programmation énergétique, qui nous aurait permis d’aborder des sujets qui ne peuvent l’être dans le cadre de ce texte. Je le répète : j’ai dû déclarer un grand nombre d’amendements irrecevables et j’en suis désolée – et plusieurs angles morts demeurent. Certes, nous ne pouvons pas en rejeter la faute sur les sénateurs, mais nous pouvons regretter que le Gouvernement ne nous ait pas présenté un projet de loi de programmation énergétique.
Titre Ier – Actualiser la programmation Énergétique nationale
Chapitre Ier – Fixer une programmation énergétique ambitieuse
Avant l’article 1er
Amendement CE295 de M. Henri Alfandari et sous-amendements CE564, CE565 et CE569 de M. Maxime Amblard, CE601 de M. Jérôme Nury, CE571 de M. Maxime Amblard, CE600 de M. Jérôme Nury, CE572, CE573, CE576, CE577, CE578, CE587 et CE588 de M. Maxime Amblard, CE591 de M. Robert Le Bourgeois, CE593, CE595, CE597 et CE585 de M. Maxime Amblard ; amendement CE550 de M. Antoine Armand et sous-amendements CE574 de Mme Cyrielle Chatelain et CE592 de M. Robert Le Bourgeois (discussion commune)
M. Henri Alfandari (HOR). Cet amendement a pour objectif de stabiliser, dans la durée, la trajectoire énergétique de la France. Nous ne pouvons continuer à changer de pied, d’une législature à l’autre. N’oublions pas que l’énergie repose sur un système industriel qui se prévoit, se finance, s’amortit et s’entretient sur le long terme.
L’idée est de fixer un cap sur soixante ans. Pourquoi une telle échéance ? Cela a été rappelé, tant dans le cadre de la commission d’enquête que dans différents rapports, notre système électrique a été bâti sur l’énergie nucléaire, énergie dense et centralisée, et sur l’hydraulique. Il est donc nécessaire de coordonner ces deux types d’énergie, qui interviennent sur le temps long.
Il faut également sortir de l’obsession qui consiste à stigmatiser le renouvelable et le nucléaire. Nous avons besoin d’une énergie décarbonée, pour supprimer les deux tiers de consommation d’énergies fossiles dont nous sommes dépendants, tant en matière d’importations depuis des pays parfois hostiles que s’agissant des prix de marché. Inutile donc d’opposer les énergies entre elles.
La proposition de loi Gremillet modifie de nombreux articles du code de l’énergie. La structure principale concerne les articles L. 141-1 et suivants pour ce qui est de la programmation pluriannuelle qu’il faut conserver, tandis que les articles L. 100-1 A et suivants conditionnent la prise de décret. C’est ce dernier que le présent amendement vise à modifier, dans un souci de coordination et de simplification.
M. Maxime Amblard (RN). Le sous-amendement CE564 vise à mettre en cohérence l’amendement CE295 avec l’article 2 de la proposition de loi, en supprimant une disposition assimilable à une taxe carbone.
Le sous-amendement CE565 vise à préciser la structuration des filières industrielles de la décarbonation, soit le secteur du nucléaire, l’hydroélectricité, la géothermie, la valorisation de la biomasse, les pompes à chaleur et la rénovation thermique des bâtiments, en veillant à leur compétitivité économique et à leur ancrage territorial.
Le sous-amendement CE569 vise à insérer un objectif de développement des sources d’énergie pilotables et décarbonées, seules capables d’assurer à la fois la stabilité du réseau, la sécurité d’approvisionnement, la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et la minimisation des prix de l’énergie. Il mentionne explicitement le nucléaire, l’hydroélectricité, la géothermie et la biomasse.
M. Jérôme Nury (DR). Dans la mesure où l’amendement CE295 précise qu’il faut atteindre 1 600 térawattheures (TWh) de production d’énergie décarbonée, le sous-amendement CE601 vise à faire passer la part du nucléaire dans la production d’électricité à 70 % à l’horizon 2030. Maintenir une part élevée du nucléaire assure aux Français une électricité compétitive et protège leur pouvoir d’achat, tout en confortant la souveraineté énergétique de la France.
M. Maxime Amblard (RN). Le sous-amendement CE571 vise à mettre en cohérence nos objectifs de déploiement du nucléaire avec l’objectif, fixé par l’amendement CE295, de maintenir 1 600 TWh de production d’énergie finale d’ici à 2050, en prévoyant de tendre vers 130 gigawatts (GW) de capacité installée de production d’électricité nucléaire totale, soit 70 GW de nouvelles capacités à l’horizon 2050, dans le cadre d’une programmation un peu plus précise en plusieurs échéances, afin de garantir le maintien de la production d’énergie finale dont nous avons besoin de façon décarbonée et pilotable.
M. Jérôme Nury (DR). Le sous-amendement CE600 vise à donner une marge d’adaptation en fonction des besoins du système et des évolutions technologiques. Il s’agit de mentionner l’objectif de construction d’au moins 27 GW de nouvelles capacités nucléaires à l’horizon 2050 plutôt que le limiter à un seuil fixe.
M. Maxime Amblard (RN). Le sous-amendement CE572 vise à s’assurer du maintien du parc nucléaire historique et de la prolongation de sa durée de vie, sous réserve de la protection des intérêts mentionnés au premier alinéa de l’article L. 593‑1 du code de l’environnement, en vue de maintenir une capacité installée de production du parc nucléaire historique de 63 GW au moins jusqu’en 2040. Il s’agit d’anticiper l’effet falaise que provoquera la fermeture de réacteurs et d’assurer la continuité de la fourniture d’énergie.
Le sous-amendement CE573 vise à atteindre un facteur de charge du parc nucléaire d’au moins 72 % en 2030 et de 85 % en 2050, en maintenant un facteur d’utilisation pendant la disponibilité d’au moins 94 %. Il s’agit de faire en sorte que le coût de production du nucléaire soit le plus bas possible, la meilleure électricité nucléaire que nous ayons étant celle produite par nos réacteurs. Cela permet d’augmenter la production tout en diminuant le coût de production de l’électricité d’origine nucléaire.
Le sous-amendement CE576 vise, en complément du maintien de la puissance du parc nucléaire historique, à lancer un chantier d’augmentation de la puissance de ses réacteurs, comme le Gouvernement l’a envisagé, jusqu’en 2035, en visant une augmentation de puissance d’au moins 3 GW, soit presque l’équivalent de deux réacteurs de type EPR.
Le sous-amendement CE577 vise à compléter le trente et unième alinéa par les mots « et en développant une filière de production et de retraitement du combustible pour les réacteurs de quatrième génération d’ici 2040 en vue de la fermeture du cycle combustible ».
Le sous-amendement CE578 vise à soutenir un programme scientifique sur le développement des réacteurs de quatrième génération en vue du déploiement industriel d’un parc de tels réacteurs au plus tard à partir de 2040 pour l’installation d’au moins 12 GW d’ici 2050. Cela permettra d’entamer véritablement une politique de fermeture du cycle du combustible nucléaire.
Le sous-amendement CE587 vise à exploiter les gisements restants pour la production d’énergie hydraulique, qui est la meilleure des énergies renouvelables (EnR), en veillant à garantir la sûreté des installations hydrauliques et en favorisant le stockage de l’électricité grâce au développement de stations de transfert d’énergie par pompage.
Le sous-amendement CE588 vise à insérer un objectif concret de développement de la production de chaleur et d’électricité par cogénération à partir de biomasse, assorti de seuils chiffrés. Il s’agit de valoriser, en faisant preuve d’esprit logique et de pragmatisme, une matière renouvelable, disponible, pilotable et décarbonée.
M. Robert Le Bourgeois (RN). Par le biais du sous-amendement CE591, je me fais le porte-voix de mon territoire, en Seine-Maritime. Il y a chez moi, comme sur d’autres territoires du nord de la France, une colère sourde mais bien réelle suscitée par le développement anarchique des EnR, et singulièrement des éoliennes.
Cette colère constitue une véritable bombe à retardement. Nous devons l’entendre et la respecter. Dans ma circonscription, j’ai rencontré une foule de citoyens, d’associations, d’élus absolument démunis et révoltés de voir pousser des éoliennes à une vitesse folle, de ne pas pouvoir s’y opposer et de subir la dénaturation totale de leur environnement.
Derrière cette colère, il y a parfois des motifs très simples, tels que la perte de valeur des biens immobiliers, mais il y a aussi, et peut-être surtout, un sentiment d’injustice criant face aux méthodes de certains promoteurs relevant du harcèlement, voire du chantage. Il me semble donc essentiel de rappeler que les éoliennes sont implantées sur des territoires ruraux jusqu’alors préservés, et que leur acceptation sociale doit être enfin prise en compte.
M. Maxime Amblard (RN). Le sous-amendement CE593 est un sous-amendement de repli en cas de rejet du sous-amendement CE588, dont il ne reprend pas les objectifs chiffrés, mais dont il maintient, par cohérence avec l’amendement CE295, l’exigence de développement de la production de chaleur et d’électricité par cogénération à partir de biomasse. Le sous-amendement CE595 est un sous-amendement de repli conservant certains objectifs chiffrés.
Le sous-amendement CE597 vise à modifier l’objectif de production d’énergie finale d’ici à 2050 de 1 600 à 1 400 TWh par an, soit une diminution d’environ 12 % qui devrait être permise par l’amélioration de l’efficacité énergétique et par l’électrification des usages, sans nous priver de procéder à un certain degré de réindustrialisation, de satisfaire nos besoins énergétiques et de garantir notre confort. Il s’agit d’un objectif raisonnable et raisonné d’efficacité et de sobriété énergétiques évitant l’écueil de la sobriété forcée, qui équivaut à un appauvrissement énergétique.
Le sous-amendement CE585 est un sous-amendement de repli en cas de rejet du sous-amendement CE587, auquel il ajoute des objectifs chiffrés.
M. Antoine Armand, rapporteur. L’amendement CE550 vise à réécrire l’article L. 100-1 du code de l’énergie, qui est, comme il peut arriver à la loi, un peu bavard. Nous pourrions profiter de ce débat pour essayer de clarifier les choses, tant la portée opérationnelle de certaines dispositions échappe à quiconque les lit.
Outre la clarification de l’article, l’amendement vise à préciser que nous n’opposons pas les énergies entre elles, en ne distinguant pas, au sein des énergies décarbonées, entre l’énergie nucléaire et les EnR. Surtout, il vise à permuter le 1° et le 2° de l’article, en fixant comme objectif prioritaire, au sein des objectifs de politique énergétique de la France, notre sécurité d’approvisionnement, qu’il est du devoir d’une nation d’assurer avant tout, comme en attestent largement les difficultés que nous avons eues en la matière au cours des dernières années.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Le sous-amendement CE574 a pour objet d’assurer la cohérence de nos approvisionnements avec la politique étrangère de la France. La France a condamné – elle a bien fait – l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, en violation de la Charte des Nations unies. Cette opération très choquante se poursuit, provoquant de très nombreuses violences, des morts, des blessés, de la torture et des violences sexistes et sexuelles (VSS).
Toutefois, au premier semestre 2024, les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) russe représentaient 31 % des importations françaises et la France restait la première importatrice européenne de gaz russe. L’amendement a pour objet de veiller à ce que cette situation ne perdure pas et à ce que nous soyons plus cohérents si possible.
M. Robert Le Bourgeois (RN). Député d’une circonscription exposée à un véritable risque de mitage, je dois dire et redire toute la colère que je rencontre chaque jour à propos des éoliennes. Au Rassemblement national, nous dénonçons souvent l’écologie punitive, qui défavorise les plus mal lotis. Dans le cas des éoliennes, il s’agit d’une écologie punitive qui défavorise les ruraux, plus exactement les ruraux ayant la malchance, si j’ose dire, de vivre dans un coin où il y a plus de vent qu’ailleurs, ce qui au demeurant reste à prouver.
L’amendement CE550 fait de la cohésion sociale et territoriale l’un des objectifs de notre politique énergétique, ce à quoi je souscris pleinement. Toutefois, il convient, pour l’atteindre, de l’assortir de la prise en compte de l’acceptabilité des projets d’implantations d’installations de production d’électricité, notamment d’éoliennes, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle.
M. Antoine Armand, rapporteur. De nombreuses dispositions de l’amendement CE295 me semblent importantes, notamment la clarification de la loi, la fixation d’objectifs décarbonés clairs et la visibilité offerte, notamment en matière d’énergie nucléaire.
Toutefois, il soulève des difficultés de fond et de forme : certaines filières industrielles ne sont pas mentionnées ; la suppression de la loi « énergie-climat » (LPEC) ; si l’objectif à 60 ans d’une consommation finale de 1 600 TWh me semble être un cap qu’il est vital de viser ensemble, il ne saurait l’être par voie d’amendement.
Par ailleurs, cet amendement vise à réécrire les articles L. 100-1-A, L. 100‑1 et L. 100-4 du code de l’énergie. Or, la proposition de loi, telle qu’elle a été déposée sur le bureau de la présidente de l’Assemblée nationale, modifie ces articles par plusieurs de ses propres articles. L’adoption de l’amendement CE295 pourrait donc nous placer, dans la suite de nos débats, dans des contradictions. J’en suggère donc le retrait et émets à défaut un avis de sagesse.
Les sous-amendements à l’amendement CE295 ne sont pas sans intérêt, mais un sous-amendement n’offre pas un cadre adéquat pour décider, par exemple, que la consommation finale d’énergie pour les soixante prochaines années doit être de 1 400 TWh et non de 1 600 TWh, comme le prévoit l’amendement CE597 de M. Amblard au motif que cet objectif « semble plus cohérent ». Monsieur Amblard, vous avez comme moi le goût de la technique et de la science ; vous conviendrez donc que, sur cette base, de nombreuses autres propositions sont possibles. Cet exemple illustre l’avis défavorable que j’émets sur tous les sous-amendements à l’amendement CE295.
S’agissant des deux sous-amendements à l’amendement CE550, j’en suggère le retrait et émets à défaut un avis défavorable, aucun des deux n’ayant de portée normative. Garantir la cohésion sociale et territoriale inclut la question de l’acceptabilité sociale de la politique énergétique, qui a été clairement et fortement entamée dans certains départements. Quant à la formulation « pays inamicaux », elle me semble vague et doit à tout le moins être précisée pour être opérationnelle.
M. Henri Alfandari (HOR). Je maintiens l’amendement. Il me semble opportunément placé dans nos débats, même si son adoption aurait pour effet de faire tomber les autres amendements portant article additionnel avant l’article 1er. Il procède à une clarification nette des articles L. 100-1-A, L. 100-1 et L. 100-4 du code de l’énergie. Il offre une visibilité à soixante ans en fixant le curseur à 1 600 TWh. Le fixer à 1 400 TWh au nom de la sobriété énergétique telle qu’elle est dessinée par la stratégie nationale bas-carbone et par l’objectif de réduction de 40 % – au lieu de 34 % – de la consommation d’énergies fossiles est tout à fait recevable. Je préférerais que le débat porte sur ce point.
Par ailleurs, l’amendement soulève la question pertinente du combustible destiné aux réacteurs de quatrième génération. Nous finançons le « nouveau nucléaire » pour 2040, mais nous ne commandons pas à Orano le combustible nécessaire, ce qui est complètement incohérent. Il est opportun d’adopter l’amendement CE295. Les sujets abordés par les amendements qui tomberaient en conséquence pourront être abordés en séance publique de manière forte.
M. Charles Fournier (EcoS). L’amendement CE295 vise à réécrire en profondeur la loi. Il supprime notamment la LPEC au profit d’une programmation de l’énergie sur soixante ans : plus de débats ni de discussions, à moins de modifier à nouveau la loi, ce que l’on peut toujours s’amuser à faire !
Quant à l’argument selon lequel il ne faut pas discriminer les énergies entre elles, il est battu en brèche par le fait que l’énergie nucléaire est seule nommée clairement et assortie d’objectifs, notamment celui d’en maintenir la part dans la production d’électricité à plus de 60 %.
La rédaction actuelle des articles L. 100-1-A, L. 100-1 et L. 100-4 du code de l’énergie nous semble meilleure. Elle ne mérite pas d’être remplacée par celle prévue par l’amendement CE295. Se priver d’une loi de programmation, c’est se priver de débat. S’il est utile de regarder loin, il ne faut pas oublier que les trajectoires que nous adoptons sont régulièrement mises à l’épreuve des faits.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous voterons également contre l’amendement CE295. Nous tenons au débat et refusons que la politique énergétique soit gravée dans le marbre pour soixante ans. Monsieur le rapporteur, vous ne l’avez pas dit aujourd’hui, mais vous l’avez dit auparavant : vous souhaitez que les parlementaires n’aient pas à se prononcer sur la politique énergétique, considérant que cette prérogative relève de l’exécutif.
Aucun scénario crédible n’est bâti sur l’hypothèse d’une consommation finale d’énergie de 1 600 TWh, moins encore si elle est décarbonée. Il faut décroître. Tendre vers une diminution des émissions de GES de 40 % est un net recul par rapport à ce qui est prévu actuellement. Maintenir à 60 % la part du nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon 2030 fait fi des décisions de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) en matière de sécurité s’agissant de la prolongation des réacteurs.
Quant à l’objectif de veiller à la préservation de la ressource en eau « sans préjudice du nécessaire fonctionnement des installations de production d’électricité », il équivaut à faire tourner des réacteurs plutôt que réserver l’eau à la consommation humaine. Et puisqu’il s’agit de « maintenir un prix de l’énergie compétitif », je vous invite à renoncer au dispositif post-accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh).
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Notre groupe ne votera pas l’amendement CE295, considérant que la suppression de la LPEC est un problème de fond, en plus d’être un paradoxe, dans la mesure où nous entamons un débat sur la programmation de l’énergie que nous sommes nombreux à avoir appelé de nos vœux. Nous voterons l’amendement CE550.
M. Jérôme Nury (DR). Simplifier et clarifier la loi est souhaitable. Rien n’est gravé dans le marbre pour soixante ans, tout ce que fait une loi pouvant être défait par une autre si un gouvernement un tant soit peu courageux ou en désaccord avec ce que nous votons le décide.
Par ailleurs, ce qui importe est le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en cours de rédaction. Il ira naturellement dans le sens de la rédaction que nous aurons adoptée. Ce qui me pose problème, c’est la part d’électricité d’origine nucléaire, qui me semble insuffisante pour aujourd’hui comme pour demain. Il me semble pertinent de viser 70 %.
Le sous-amendement CE574 est retiré.
La commission rejette successivement les sous-amendements CE564, CE565, CE569, CE601, CE571, CE600, CE572, CE573, CE576, CE577, CE578, CE587, CE588, CE591, CE593, CE595, CE597 et CE585.
Elle rejette l’amendement CE295.
La commission rejette le sous-amendement CE5952.
Elle rejette l’amendement CE550.
Amendement CE159 de Mme Cyrielle Chatelain
Mme Dominique Voynet (EcoS). Notre groupe est préoccupé par le comportement de la France qui, tout en menant une politique d’affirmation forte de sa volonté de mettre en cohérence ses politiques commerciales avec sa politique étrangère, fait affaire avec Rosatom et importe du GNL de Russie.
Le rapporteur m’objectera, à raison, que la formulation « pays inamicaux » n’est pas claire. J’aimerais l’entendre dire, avant de retirer l’amendement, qu’il partage ces préoccupations et qu’il sera éventuellement disponible pour qu’une préoccupation d’ordre éthique soit intégrée dans le texte lors de son examen en séance publique la semaine prochaine.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je partage votre préoccupation éthique et suis disponible pour en discuter d’ici à l’examen du texte séance publique en vue de l’y inscrire. Si l’on se préoccupe de la réduction de l’approvisionnement énergétique en provenance de pays inamicaux, on ne vote pas, comme vous venez de le faire, contre l’inscription dans la loi de la sécurité d’approvisionnement en tant qu’objectif prioritaire.
L’amendement est retiré.
Amendement CE 249 de M. Karim Benbrahim
M. Karim Benbrahim (SOC). Cet amendement a pour objectif de confier le monopole de la construction et de l’exploitation des réacteurs électronucléaires à la puissance publique, plus particulièrement à la société Électricité de France. En effet, dans un contexte géopolitique chahuté, l’indépendance énergétique n’est pas un luxe, ni un jouet. Cette activité hautement sensible mérite de rester sous le contrôle public national. Les enjeux de la sûreté nucléaire justifient que cette activité soit, par ailleurs, sous le contrôle d’une entreprise qui en a l’expérience. À cet égard, la perspective du développement de SMR aiguise l’appétit de start-up privées : alors que nous n’avions jamais été confrontés à l’hypothèse d’une prise de participation d’entreprises privées, nous ne sommes plus totalement à l’abri. Même pour ce qui est de la mise en service des EPR, nous ne sommes pas totalement protégés contre une offensive de financiers, français ou internationaux, s’agissant de nos centres de production électronucléaires. Cet amendement permettra d’y remédier.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je partage votre préoccupation et votre objectif. En l’état, cependant, cet amendement aurait pour conséquence, non pas de garantir opérationnellement l’existence d’un monopole pour la construction et l’exploitation des réacteurs, ce qui est déjà le cas en France et le restera dans les prochaines années, mais de déclencher, sans doute immédiatement, de la part d’entreprises « inamicales », pour reprendre un terme déjà usité dans cette commission, des procédures de contentieux à l’égard d’EDF qui coûteraient des millions d’euros. Par conséquent, demande de retrait ; sinon, avis défavorable au nom des intérêts stratégiques de notre pays.
M. Karim Benbrahim (SOC). Je n’ai pas tout à fait compris votre argument, monsieur le rapporteur. Rien ne garantit aujourd’hui qu’une entreprise privée ne puisse pas contrôler des réacteurs nucléaires. Des entreprises privées développent d’ailleurs des projets, notamment au sujet des SMR.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Vous connaissez la position de La France insoumise : nous pensons qu’il est urgent de planifier notre sortie du nucléaire, mais que, tant qu’il y en a, et quitte à ce qu’il y en ait, il est absolument indispensable qu’il soit géré par un monopole. Cela ne devrait même pas faire l’objet d’un débat dans cette assemblée, quels que soient les réacteurs concernés, y compris demain des SMR. Plus globalement, nous pensons que le monopole et la maîtrise publique sont de bonnes réponses à la crise énergétique actuelle et au besoin de planification à long terme que nous exprimons tous. Nous voterons donc pour cet amendement, même s’il faudrait aller beaucoup plus loin selon nous. J’en profite pour dire un mot de l’exigence qui doit être la nôtre à l’égard des salariés des sous-traitants qui interviennent dans les centrales nucléaires. Ce sont les principales victimes des doses de radiations reçues et, bien souvent, les oubliés de cette politique.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE356 de Mme Julie Laernoes
M. Charles Fournier (EcoS). Il s’agit de sortir de notre dépendance à la Russie pour l’importation de combustible nucléaire, par l’intermédiaire de Rosatom, et d’énergie fossile, notamment le gaz naturel : tant que le conflit en Ukraine continue, nous devons nous en assurer. Cet amendement est plus précis que celui examiné précédemment.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je comprends l’esprit et l’intérêt de cet amendement mais, malheureusement, je ne pense pas qu’il puisse avoir sa place dans une proposition de loi, à moins que cela ne concerne l’intégralité des pays qui se trouvent dans la même situation, s’agissant de toutes les marchandises et de tous les biens et, à chaque fois, pour une durée limitée, ce qui pose un problème, me semble-t-il. Ce serait, selon la rédaction de l’amendement, « tant que dure la guerre d’agression » : je ne sais pas comment la justice administrative et les tribunaux internationaux pourraient en juger. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE358 de Mme Julie Laernoes
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il s’agit de préciser une finalité essentielle de notre politique énergétique, qui est de contribuer à limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré par rapport à l’ère pré-industrielle – c’est assez mal barré, il faut le dire, mais il s’agit de la colonne vertébrale de l’accord de Paris, à l’adoption duquel la France a fortement contribué lors de la COP21, organisée sur notre sol. Il ne serait pas inutile de rappeler dans le code de l’énergie que nos décisions doivent s’aligner avec cet horizon climatique. Nos politiques de production, de consommation et d’investissement doivent être orientées en conséquence.
M. Antoine Armand, rapporteur. Une réflexion concernant la forme, tout d’abord : je me demande si cet amendement n’aurait pas davantage sa place à l’article 11, qui relève de la commission du développement durable. Sur le fond, je partage l’objectif, mais il me semble qu’un problème opérationnel – dont nous pourrons rediscuter d’ici à la séance – se pose de nouveau. Je ne vois pas, en effet, comment pourrait se mesurer la contribution de la France à la réduction des émissions en vue de limiter l’élévation de la température mondiale à 1,5 degré. Faudrait-il plutôt renvoyer à notre contribution nationale dans le cadre de l’accord de Paris ? Sans doute ; en tout cas, je suis très ouvert à un travail sur cet amendement, parce que je trouve qu’il a du sens. Pour le moment, demande de retrait.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Une façon de montrer notre volonté serait de respecter nos engagements dans tous les domaines – nous n’en prenons pas toujours le chemin. Je retire l’amendement compte tenu de votre disponibilité pour dialoguer à ce sujet avant la séance.
L’amendement est retiré.
2. Réunion du lundi 2 juin 2025 à 21 h 30 : examen des articles (suite)
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons à l’article 1er, qui traite de certains objectifs de politique énergétique, des prix de l’énergie, des péréquations tarifaires, de l’actionnariat d’EDF et d’Engie, des réseaux de transport et de distribution, ainsi que de la sécurité d’approvisionnement.
Article 1er (article L. 100-2 du code de l’énergie) : Consécration de nouveaux principes auxquels l’État doit veiller pour atteindre les objectifs de politique énergétique
Amendement CE473 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). Cet amendement vise à modifier le 1° de l’article L. 100‑2 du code de l’énergie afin d’y remplacer la notion de « sobriété énergétique » par celle de « lutte contre le gaspillage énergétique ». En effet, l’expression « sobriété énergétique » est utilisée à tort et à travers, jusqu’à parfois aboutir à une réduction de la consommation finale s’apparentant à un appauvrissement. Il me semble donc plus raisonnable, y compris à des fins de quantification, de parvenir à évaluer le gaspillage évité plutôt que de s’en tenir à une sobriété dogmatique et inopportune pour le consommateur français : la meilleure énergie que nous avons est celle que nous consommons.
M. Antoine Armand, rapporteur. La sobriété fait l’objet d’une définition précise dans de nombreux documents scientifiques et institutionnels. Je réserve donc mon avis sur cet amendement à votre définition du gaspillage énergétique et de sa quantification. Dans l’attente de vos précisions, je demande le retrait de l’amendement.
M. Maxime Amblard (RN). Dans le domaine énergétique comme dans d’autres, le gaspillage est ce qui est utilisé ou consommé, mais qui pourrait être évité en l’absence d’utilité finale.
M. Charles Fournier (EcoS). Au contraire de vous, monsieur Amblard, j’estime qu’il faut conserver la notion de « sobriété », qui n’est pas synonyme d’« appauvrissement ». Certains versent dans l’ébriété énergétique, d’autres ont une consommation très faible ou nulle. La notion de sobriété renvoie à des comportements modérés et à une gestion plus efficace de l’énergie, ce que n’induit pas la lutte contre le gaspillage. Ce mot est le plus approprié, comme de nombreux scientifiques l’ont montré.
M. Antoine Armand, rapporteur. Si la lutte contre le gaspillage correspond à une baisse de la consommation sans impact sur le fonctionnement d’un processus industriel ni sur le confort personnel, alors il me semble, monsieur Amblard, que vous faites référence à l’efficacité énergétique.
Par ailleurs, qu’il s’agisse des ressources ou de la consommation d’énergie, tout montre que nous avons besoin de sobriété. Nous tombons souvent dans un débat consistant à opposer les « techno-solutionnistes », c’est-à-dire ceux qui estiment que la sobriété n’est absolument pas nécessaire, aux partisans de la sobriété, donc de la décroissance. La réalité physique montre que nous aurons besoin de sobriété et d’efficacité énergétiques ainsi que d’une production d’énergie décarbonée. Je suis donc défavorable à cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE470 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). Cet amendement vise à modifier le 3° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie. Il ne me paraît pas souhaitable d’opérer une diversification pour la diversification et de mentionner, parmi les objectifs de la politique énergétique, l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique. En effet, nous sommes plus favorables à l’augmentation de la part des énergies décarbonées qu’à celle des seules énergies renouvelables. Il convient donc de viser une diversification des sources d’approvisionnement et de production énergétiques, tout en laissant inchangé l’objectif de réduction du recours aux énergies fossiles, ce qui requiert le développement prioritaire des sources d’énergie pilotables et décarbonées – au premier rang desquelles les énergies nucléaire, hydraulique, géothermique et de valorisation de la biomasse.
M. Antoine Armand, rapporteur. Cet amendement a une faible portée normative. Avis défavorable.
M. Maxime Amblard (RN). Au risque de vous contredire, je crois que nous sommes tous d’accord ici pour parler des énergies bas-carbone et pas uniquement des renouvelables, afin d’inclure le nucléaire. La portée de cet amendement est donc importante. Chacun défend l’objectif de la réduction de la part des énergies carbonées, donc fossiles, dans le mix énergétique.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Justement, nous ne sommes pas tous d’accord. Nous refusons que les énergies renouvelables soient dissoutes dans l’appellation « énergies décarbonées », qui est particulièrement vague et vise en réalité à ce que l’on arrête de produire des énergies renouvelables pour ne faire que du nucléaire. Voilà ce qui se trouve derrière cet amendement et ceux que le rapporteur défendra tout à l’heure.
Il ne saurait d’ailleurs en être question pour une raison très simple, qui n’a rien de dogmatique : si nous voulons augmenter la production d’électricité dans les dix ans qui viennent, cela ne pourra se faire qu’avec les renouvelables, car il n’y aura pas de « nouveau nucléaire » au cours de cette période.
J’ajoute que le prix des énergies renouvelables est actuellement bien plus compétitif que celui de l’hypothétique nouveau nucléaire – qui produirait une électricité à un prix supérieur à 100 euros le mégawattheure (MWh), nous dit-on.
M. Charles Fournier (EcoS). En ce qui concerne le caractère pilotable ou non des énergies renouvelables, les choses ne sont pas immuables, puisque nous disposons déjà de solutions pour stocker l’énergie et pour prévoir leur production. On entend une petite musique selon laquelle il s’agirait d’énergies « intermittentes » ; je réponds qu’elles sont « variables », ce qui n’est pas exactement la même chose, et qu’elles peuvent être pilotables pourvu que nous investissions dans l’innovation. À l’inverse, lorsqu’une production d’énergie nucléaire s’arrête, son redémarrage n’a rien de simple ; les incidents sont très lourds de conséquences. J’aimerais donc qu’il ne soit pas fait référence au caractère pilotable des énergies car, ce faisant, nous sous-entendons que les renouvelables ne le sont pas et ne le seront jamais.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CE164 de M. Matthias Tavel et CE186 de Mme Clémence Guetté (discussion commune)
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Depuis que l’électricité est une marchandise échangée sur un marché dans un cadre concurrentiel, les prix ont été multipliés par deux. À cet égard, tout le monde s’accorde sur le caractère insoutenable de cette situation, tant pour nos entreprises, qui doivent investir dans la décarbonation, que pour les ménages, qui sont confrontés à des difficultés croissantes, à des impayés, à des réductions de débit, voire à des coupures s’agissant des énergies autres que l’électricité.
Cet amendement vise donc à ajouter aux objectifs de l’État la sortie de l’énergie du marché – c’est-à-dire la démarchandisation de l’énergie – et la gestion de l’énergie comme un bien commun, à l’aune des enjeux climatiques et de souveraineté. Il s’agit pour nous d’une priorité absolue si nous voulons maîtriser le temps long et mener une politique publique de planification en accord, notamment, avec nos objectifs climatiques.
M. René Pilato (LFI-NFP). Le stockage et le pilotage des énergies renouvelables ne peuvent se faire que grâce à un pôle public de l’énergie. L’exemple du blackout en Espagne est parlant : la baisse de la consommation n’avait pas été prévue, si bien que le système a disjoncté et s’est mis en sécurité. Au-delà des tarifs, qui pourraient être les mêmes pour tous, et de l’idéologie, nous serions confrontés à de gros problèmes si nous nous en remettions au privé pour gérer l’énergie, en particulier tant que nous ne serons pas sortis du nucléaire multiforme.
M. Antoine Armand, rapporteur. Sans surprise, je suis défavorable à ces deux amendements.
Sur la forme, leur portée normative est faible : parler d’un « pôle public de l’énergie » ou de la « sortie de l’énergie du marché » n’aurait pas un grand impact.
Sur le fond, nous sommes en désaccord. Il y a évidemment eu, ces dernières années, des failles et des dysfonctionnements de marché, lesquels doivent être corrigés, mais nous avons également connu – je le dis d’autant plus volontiers que vous n’étiez pas aux responsabilités – des faiblesses dans la régulation. Ce n’est pas toujours l’économie de marché qui fonctionne mal, cela peut être aussi l’économie administrée. Au cours des dernières années, l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) a dysfonctionné au moins autant que le marché.
De plus, si vous appelez de vos vœux le développement tous azimuts des énergies renouvelables, thermiques et électriques, je présume que vous n’envisagez pas que l’État ou les pouvoirs publics financent seuls l’intégralité des investissements afférents – ou alors, vous ne croyez pas réellement aux objectifs de développement des renouvelables.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Effectivement, nous sommes en désaccord. Pour ce qui nous concerne, nous nous opposons à la libéralisation de l’énergie depuis qu’il a été procédé à l’ouverture du capital d’EDF et à la privatisation de GDF, toutes deux transformées en sociétés anonymes, et que le Président Nicolas Sarkozy a fait voter la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (Nome). Nous sommes opposés à cette logique, au nom de laquelle la nation se dépossède de ses grands moyens d’action dans un secteur aussi essentiel pour sa souveraineté et sa prospérité.
Au demeurant, il m’avait semblé que vos propres amis avaient fini par se dire qu’il valait mieux reprendre 100 % du capital d’EDF, ce qui validait plutôt nos arguments, même si vous n’êtes pas allés au bout de la logique en retransformant l’entreprise en établissement public.
Nous sommes favorables à la maîtrise publique de l’énergie, au fait de garder ce qui est public et d’entamer la reconquête au fur et à mesure que les occasions se présenteront. Quant au développement des énergies renouvelables, après huit ans de macronisme et au vu des retards accumulés en ce domaine, la moindre des choses, monsieur le rapporteur, serait de faire preuve d’un peu de décence.
M. Julien Brugerolles (GDR). Je soutiens l’amendement de monsieur Tavel. « Failles », « dysfonctionnements », « défaillances de marché » : nous avons là, monsieur le rapporteur, tout un vocabulaire néolibéral qui exprime l’idée selon laquelle l’État aurait simplement pour rôle d’améliorer le fonctionnement du marché, alors que les biens dont on parle sont destinés aux usagers, particuliers comme acteurs économiques, ne sont pas (ou sont peu) stockables, particulièrement en ce qui concerne l’électricité, et requièrent donc une maîtrise publique.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). D’après M. Tavel, il faudrait que nous la « mettions en veilleuse » concernant la production d’énergies renouvelables réalisée depuis sept ans. Soyons sérieux ! L’an dernier, la France a produit le chiffre record de 150 térawattheures (TWh) d’électricité d’origine renouvelable. On ne peut donc pas dire que nous n’avons rien fait quand, dans le même temps, nous avons atteint un niveau de 95 % d’électricité d’origine bas-carbone, c’est-à-dire issue à la fois du nucléaire et, pour 27,8 %, des énergies renouvelables. Ce record de 150 térawattheures, encore fallait-il l’atteindre ! Ne dites pas des choses fausses pour accréditer une thèse.
M. Pascal Lecamp (Dem). Outre les arguments de fond développés par monsieur Fugit et le rapporteur, je conteste le lien que vous établissez, monsieur Tavel, entre nationalisation et maîtrise publique de l’énergie : ces deux notions n’entretiennent pas de relation directe. Si je vous comprends bien, les investissements relatifs à la programmation pluriannuelle de l’énergie ne devraient pas être faits par le secteur privé, mais grâce au budget de l’État, c’est-à-dire par les contribuables, ce qui me semble très dangereux.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je précise que l’amendement CE186 vise à assurer la maîtrise publique de l’énergie au travers d’un pôle public de l’énergie.
M. Maxime Amblard (RN). Nous parlons beaucoup d’investissement, mais ce qui permet d’obtenir une électricité au coût le plus faible, qu’elle provienne du nucléaire ou des renouvelables, c’est un taux d’actualisation le plus bas possible. Or lorsqu’on emprunte sur les marchés financiers ou que l’on fait confiance aux investisseurs privés, ce taux avoisine généralement les 8 %, contre 2 % quand on passe par la puissance publique ou une entité équivalente, comme un fonds souverain. La différence de prix en sortie de turbine de centrale nucléaire ou d’éolienne, suivant que le taux d’actualisation s’élève à 2 % ou à 8 %, va du simple au double. Avoir l’énergie dans le giron public permet donc de ne pas avoir une électricité trop chère.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE471 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). Cet amendement a pour objet de réécrire l’alinéa 2 et donc de modifier le 3° bis de l’article L. 100-2 du code de l’énergie, afin de préciser qu’il convient de viser les coûts du système électrique – ce qui inclut la production, le transport, la distribution et le stockage – les plus bas pour définir les prix de l’électricité. De cette manière, nous aurions une base de raisonnement commune et éviterions certaines batailles de chiffres, ceux-ci n’étant pas toujours comparables. Dans le même esprit que les deux précédents, cet amendement vise à replacer dans le giron public la production, le transport, la distribution et la commercialisation de l’électricité sous la forme d’une entreprise unifiée regroupant EDF, Enedis et Réseau de transport d’électricité (RTE).
M. Antoine Armand, rapporteur. Cet amendement est en effet inspiré par le même principe que les précédents. Même si, eu égard à votre philosophie politique, vous ne serez probablement pas sensible à l’argument, une telle mesure serait évidemment contraire au droit européen. RTE, Enedis et EDF feraient immédiatement face à des contentieux, de la même façon que ces entreprises y seront exposées du fait de l’adoption, cet après-midi, de l’amendement CE249, qui établit le principe du monopole public de la construction et de l’exploitation des réacteurs électronucléaires. J’espère d’ailleurs que nous trouverons une rédaction qui ne mette pas l’opérateur historique en difficulté.
Ensuite, cet amendement serait très défavorable à RTE, qui peut et doit investir dans le réseau. Même en mettant de côté l’investissement dans les énergies renouvelables électriques, RTE a besoin de fonds et d’une structure qui ne soit pas commune avec EDF. Ne serait-ce que pour ces arguments, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CE154 de M. Maxime Laisney et CE156 de M. Matthias Tavel (discussion commune)
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Par cet amendement, nous proposons que le tarif de vente de l’électricité reflète les coûts de production du système électrique français. Je suis bien placé pour évoquer cette question puisqu’en tant que corapporteur de la mission d’information sur le prix de l’électricité, la compétitivité des entreprises et l’action de l’État, j’examine actuellement le fameux mécanisme devant succéder à l’Arenh à partir de janvier prochain. Nous n’avons trouvé aucun partisan de ce dispositif, qui nous expose presque complètement aux mécanismes du marché. Les représentants de RTE, que nous avons auditionnés la semaine dernière, nous ont indiqué que, malgré la réforme du marché européen de l’électricité de l’an dernier, les prix allaient continuer, la plupart du temps, à suivre les marchés du gaz, selon le principe de l’ordre de mérite (merit order).
Évidemment, les factures des Français connaîtraient beaucoup moins de fluctuations si le prix de l’électricité était lié au coût de production, et ce, d’ailleurs, quelle que soit la nature du mix électrique – autrement dit, que nous souhaitions, ou non, de nouvelles productions nucléaires. Dans tous les cas, nous gagnerions en stabilité.
Mme Alma Dufour (LFI-NFP). L’amendement CE156 vise à étendre le tarif réglementé de vente d’électricité (TRVe) à tous les consommateurs, entreprises comprises. C’est une proposition que nous n’aurons de cesse de défendre.
Comme vous le savez, la crise énergétique continue de faire des ravages, aussi bien chez les ménages – un sondage indique qu’une personne sur deux a du mal à payer ses factures d’électricité – que chez les entreprises, qui sont en grande difficulté. Or, concrètement, le système européen nous propose de parier nos économies sur la baisse du prix du gaz, et ce malgré la situation géopolitique – pour ma part, je ne parierais pas ma maison là-dessus.
Le prix de l’électricité pratiqué en Europe et payé par la France est, les trois quarts du temps, indexé sur celui du gaz. Que ce soit ou non contraire au droit européen, il va falloir avancer, sinon la faillite frappera toutes les entreprises et même les ménages.
M. Antoine Armand, rapporteur. L’amendement CE154 est pleinement satisfait puisque le texte prévoit déjà que les prix doivent refléter « les coûts complets du système de production électrique ». Mon avis est donc défavorable pour cette question de forme ; nous sommes d’accord sur le fond.
En ce qui concerne l’amendement CE156 : vous l’avez dit vous-même, madame Dufour, il est contraire au droit européen. Cela n’épuise pas l’argumentation, mais son adoption aurait pour conséquence le déclenchement d’un contentieux, puis la nécessité, pour tous les consommateurs, industriels comme particuliers, qui auraient bénéficié de ce nouveau TRVe, de devoir rembourser les sommes gagnées, avec toutes les difficultés que cela représenterait.
Faut-il aborder cette question au niveau européen et envisager une directive ou une proposition de résolution européenne ? Pourquoi pas. Mais je ne crois pas que cette mesure ait sa place dans cette proposition de loi : le remède serait pire que le mal.
Mme Alma Dufour (LFI-NFP). Je comprends donc que nous sommes prêts à laisser faire faillite toutes les industries françaises, qui sont confrontées à une concurrence européenne sévère, avant de se réveiller. Nous avons déjà vu ce que l’Union européenne était capable de produire en temps de crise, à savoir une directive qui ne change absolument rien. En tant que premier exportateur net d’électricité, notre pays a largement de quoi négocier politiquement le fait de rester dans le marché européen de l’électricité, tout en appliquant un prix national à ses consommateurs. Nous ne cesserons de pousser en ce sens, car c’est la seule voie à emprunter.
M. Karim Benbrahim (SOC). L’amendement de monsieur Laisney vise à ce que les tarifs réglementés de vente reflètent les coûts de production du système électrique français. Il s’agit de faire en sorte que ces tarifs n’englobent pas les superprofits et les superdividendes qui peuvent être réalisés par les producteurs français ou européens. Il n’y a pas, dans cette mesure, de distorsion de concurrence ni d’inquiétude à nourrir vis-à-vis du droit communautaire.
M. Antoine Armand, rapporteur. Ce n’est pas ce que j’ai dit, monsieur Benbrahim. J’ai simplement indiqué que le texte précise déjà que les prix doivent refléter les coûts complets de production. Nous pouvons toujours le dire deux fois, mais ce serait légistiquement inutile.
La commission adopte l’amendement CE154.
En conséquence, l’amendement CE156 tombe.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE535 et CE536 de M. Antoine Armand, rapporteur.
Amendement CE160 de M. Matthias Tavel
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Dans la lignée des amendements CE164 et CE186, celui-ci vise à inscrire l’objectif de la transformation d’EDF en établissement public industriel et commercial (Epic) et, ainsi, à ne pas se satisfaire du simple rachat par l’État de 100 % du capital de l’entreprise, maintenue sous la forme d’une société anonyme. Cette mesure est nécessaire, d’abord, parce que, face aux enjeux à venir, le financement des investissements serait ainsi moins coûteux. Ensuite, qui dit « société anonyme » dit actionnaires et dividendes. En l’occurrence, c’est l’État qui a prélevé 2 milliards d’euros, mais on peut très bien imaginer que, demain, une réouverture du capital offre à d’autres des dividendes ; nous avons vu que le secteur de l’énergie pouvait donner lieu à des superprofits.
M. Antoine Armand, rapporteur. Contrairement à d’autres, voilà un amendement qui a une forte portée normative ! À tel point, d’ailleurs, qu’il excède largement, selon moi, le cadre de la proposition de loi. Nous avions eu cette discussion lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Philippe Brun visant à protéger le groupe EDF d’un démembrement. De nombreux arguments s’opposent, à mon avis, à la transformation de l’entreprise en Epic. Parmi ceux-ci, il y a celui, très important – même si vous n’y serez pas nécessairement sensible –, des investissements qu’EDF va devoir engager non seulement pour la construction de nouvelles installations nucléaires, mais aussi pour la maintenance et le développement des autres énergies. Il faudra, à cet effet, emprunter sur les marchés, à moins de faire porter une charge extraordinairement lourde sur l’État, dont les finances sont dans un état que je n’ai pas besoin de décrire. Ne serait-ce que pour ce motif, mon avis est défavorable.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude », monsieur le rapporteur. Vous avez beau jeu de mettre en avant l’état dégradé des finances publiques, mais pardonnez-moi de vous rappeler que la faute principale en revient à ceux qui dirigent le pays depuis huit ans, c’est-à-dire vos amis et vous.
Par ailleurs, nous souhaitons effectivement que l’État dispose des outils pour mener la politique que les parlementaires décident. On ne peut, d’un côté, voter des lois, dont l’ambition dépasse d’ailleurs souvent la lettre, et, de l’autre, se voir opposer que nous ne pouvons concrétiser cette ambition au motif qu’EDF est une société anonyme, qu’il existe des mécanismes de marché ou encore que le droit européen s’y oppose. Vous avez organisé l’impuissance publique en matière d’énergie ; nous voulons reconstruire cette puissance.
M. Antoine Armand, rapporteur. Au-delà de la transformation interne qu’une telle mesure impliquerait, je répète qu’elle fragiliserait le futur programme nucléaire.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE167 de Mme Anne Stambach-Terrenoir
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Cet amendement d’appel vise à supprimer l’objectif de la recherche d’exportations en matière énergétique. L’an dernier, la France a battu un record en la matière. Je fais partie de ceux qui considèrent que c’est une bonne chose, pourvu que cela s’accompagne d’une décarbonation chez nos voisins et que notre pays ne soit pas le « dindon » d’une organisation européenne au sein de laquelle nous supporterions des coûts que d’autres refusent d’assumer.
Au demeurant, notre position nous confère un pouvoir de négociation à l’égard de partenaires qui voudraient, par exemple, s’opposer à des évolutions du droit que nous défendons concernant la protection des consommateurs, les TRVe ou peut-être, demain, les barrages hydroélectriques. L’organisation européenne de l’énergie ne nous convient pas ; elle ne correspond pas au modèle qu’a suivi la France dans le cadre du développement de son système électrique. Quand donc allons-nous utiliser notre pouvoir de négociation, par exemple pour demander à la Commission européenne d’abandonner immédiatement les précontentieux contre nos barrages hydroélectriques ou pour dire à l’Allemagne que si elle ne veut pas s’associer à cette pression, elle devra se passer de l’électricité produite par les Français ?
M. Antoine Armand, rapporteur. Je perçois dans ce discours des accents offensifs envers nos voisins allemands ; cela donne le sentiment que nous pourrions nous livrer à leur égard à une sorte de chantage à l’électricité.
Vous le savez aussi bien que moi : l’électricité ne se stocke pas, mais elle se transporte. Cette énergie doit donc avoir un débouché quelque part, faute de quoi elle n’est pas produite. Nous ne pouvons pas faire de chantage en amont car, si nous privions les Allemands de notre électricité, cela mettrait notre réseau en difficulté. En effet, la modulation nucléaire est difficile et coûteuse pour le parc, et, contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure, les énergies renouvelables intermittentes ne se pilotent pas comme celles issues d’autres centrales.
Enfin, alors que vous venez de transformer EDF en établissement public, je m’étonne que vous souhaitiez renoncer à des exportations qui lui rapporteraient de l’argent. Je conçois la logique de flagellation et de mutilation sévère de l’économie – après avoir administré l’économie, vous voulez la tuer –, mais je crains que cela n’aille un peu loin. Avis défavorable.
Mme Alma Dufour (LFI-NFP). Il faut comprendre que le réseau n’est pas entièrement interconnecté. Il arrive que les interconnexions existantes ne suffisent pas et que nous nous retrouvions à payer un prix européen nationalisé. C’est dans cette configuration que l’on perçoit à quel point nous sommes les dindons de la farce dans notre relation avec l’Allemagne. Le prix peut en effet varier du simple au double entre celui payé par l’Allemagne quand les interconnexions sont saturées et celui payé par la France.
Vous dites que nous sommes offensifs, mais je rappelle que M. Robert Habeck, ancien ministre allemand de l’économie, a déclaré qu’il en voulait à EDF, car l’entreprise pouvait assurer des prix stables et inférieurs à ceux du marché.
Il va falloir comprendre que le marché européen de l’électricité produit des gagnants et des perdants et que nous appartenons à la seconde catégorie. Dans la mesure où nous sommes le premier exportateur net d’électricité en Europe, nous avons les moyens de négocier quelque chose.
M. Charles Fournier (EcoS). Nous pourrions partager l’objectif consistant à ne pas encourager les exportations et la logique de production, qui impliquent des investissements considérables.
Toutefois, nous ne sommes pas favorables à la logique du repli, du chacun chez soi ; nous lui préférons le principe de solidarité électrique à l’échelle européenne. En 2022, quand la moitié du parc nucléaire français était à l’arrêt, nous avons été heureux de pouvoir récupérer de l’énergie en provenance d’autres pays. Cela étant, nous n’avons pas de désaccord de fond sur l’amendement ; donc, nous nous abstiendrons.
Plutôt que de supprimer l’objectif de la recherche d’exportations, nous proposons, par l’amendement suivant, de lui substituer l’objectif de promotion de la solidarité énergétique à l’échelle européenne. Il s’agit de favoriser la sobriété partagée et la sécurité mutualisée, ce qui implique également la mutualisation des tarifs.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je relève une contradiction manifeste dans vos propos. La seule solution pour parvenir, à terme, à un niveau de 100 % d’énergie électrique d’origine renouvelable est d’accroître considérablement le nombre d’interconnexions électriques et de les étendre, dans le cadre de ce que vous appelez la « solidarité électrique », à l’ensemble du continent européen. Vous ne pouvez donc pas refuser de créer de nouvelles interconnexions et vous plaindre que nous exportions de l’électricité, c’est-à-dire que nous en produisions trop, d’autant que la croissance de la production s’explique principalement, en dehors de la montée en puissance du parc, par le développement des énergies renouvelables.
Il faut faire un choix entre un système complètement européen reposant intégralement sur les énergies renouvelables et un système national caractérisé par une forte prépondérance du nucléaire. Les deux projets ne sont pas compatibles.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE359 de Mme Julie Laernoes
M. Charles Fournier (EcoS). Nous proposons de remplacer la logique d’exportation par celle de « solidarité électrique européenne ». L’objectif consistant à produire toujours davantage – par des réacteurs de type EPR, par exemple – nécessiterait des investissements très lourds. Il faut plutôt ajuster nos productions en fonction d’objectifs de maîtrise de l’énergie.
En 2022, quand la moitié du parc nucléaire était à l’arrêt, nous étions bien contents que la solidarité et les interconnexions existent. Ces dernières sont nécessaires. Il faut développer un système plus robuste et une efficacité collective plutôt que de privilégier une logique de surproduction solitaire.
M. Antoine Armand, rapporteur. Avis défavorable, car la notion de « solidarité électrique européenne » ne veut rien dire. Contrairement aux exportations ou aux interconnexions électriques, elle ne fait l’objet d’aucune définition dans les textes techniques européens ou nationaux et est donc inopérante. On peut certes définir une nouvelle approche du réseau électrique mais mieux vaut consulter préalablement l’ensemble des gestionnaires de réseaux nationaux.
Mme Alma Dufour (LFI-NFP). Demander la fixation d’un prix national n’implique pas d’arrêter les interconnexions : personne ne suggère cela. Avant que la logique de merit order ne fasse son apparition au niveau européen, les États échangeaient de l’électricité selon un système de gré à gré. Nous pourrions rester dans le marché en appliquant un prix national : autrement dit, continuer à échanger avec nos voisins en redéfinissant nos conditions tarifaires.
M. Pascal Lecamp (Dem). Tout à l’heure, monsieur Tavel a affirmé que, dans le cadre des négociations, il fallait « fermer le robinet » de nos exportations vers l’Allemagne pour arriver à obtenir quelque chose de la Commission européenne. Au sein du groupe Les Démocrates, nous sommes très choqués d’entendre que vous souhaitez défaire soixante-dix ans de construction européenne.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE472 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). Dans un contexte d’instabilité géopolitique et de volatilité des prix du gaz, cet amendement vise à garantir l’existence d’un tarif réglementé de vente du gaz naturel. Cela assurerait, jusqu’à ce que l’on puisse se passer de cette réglementation, une prévisibilité des prix qui serait profitable aux ménages et aux industries.
M. Antoine Armand, rapporteur. Le Conseil d’État a déclaré les tarifs réglementés de vente du gaz (TRVg) contraires au droit de l’Union européenne. Nous pourrions reconstruire un dispositif de ce type, mais il ne me semble pas approprié de le faire par voie d’amendement dans une proposition de loi programmatique.
Par ailleurs et contrairement à ce que vous indiquez, les TRVg ne permettaient pas de lisser les prix du gaz dans le temps long, contrairement aux TRVe. Il faudrait donc créer un nouveau dispositif.
M. Maxime Amblard (RN). Oui, il faut construire un nouveau dispositif – je n’ai pas dit qu’il fallait calquer ce TRV sur l’ancien. Il permettrait de stabiliser les prix, ce qui apporterait à nos industries une plus grande visibilité jusqu’à ce que l’on puisse substituer au gaz naturel un gaz peut-être plus renouvelable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE100 de M. Jean-Luc Fugit
M. Jean-Luc Fugit (EPR). L’article 1er vise à garantir « le maintien d’un prix repère de vente de gaz naturel, publié par la Commission de régulation de l’énergie » (CRE). L’amendement a pour objet de supprimer cette mention, qui n’a pas sa place, me semble-t-il, dans cet article programmatique. Nous proposerons une nouvelle rédaction de l’article 24 qui laissera à la CRE la possibilité de publier un prix repère en cas d’évolution importante des prix ou de nécessité particulière. Le prix repère, s’il est utile pour accompagner les contrats des consommateurs, demeure purement indicatif. Il peut prêter à confusion, dans la mesure où les variations mensuelles ne reflètent pas toujours l’évolution des contrats. Cela peut nuire à la lisibilité des factures et troubler nos concitoyens.
M. Antoine Armand, rapporteur. Avis favorable. Cette mention n’est en effet pas à sa place à l’article 1er, qui est programmatique. La modification qui sera proposée à l’article 24 me paraît bienvenue dans la mesure où une publication mensuelle pourrait être source de confusion pour le consommateur.
M. Jérôme Nury (DR). L’argumentation est trop jésuitique pour moi. Vous nous dites qu’il faut un repère mais que cela peut créer de la confusion dans l’esprit des consommateurs et qu’il ne doit pas être obligatoire. Nos concitoyens sont suffisamment éclairés pour comprendre ce qu’est un repère. Il importe que la CRE fixe une ligne directrice pour que chacun sache où en sont les prix.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). L’actualisation mensuelle du prix repère pourrait troubler nos concitoyens, qui risqueraient de le confondre avec le prix du marché. Nous proposons que le prix repère ne soit publié que lorsqu’il convient d’apporter une information nouvelle, en cas de fluctuation importante ou de nécessité particulière. En outre, cette disposition serait plus à sa place à l’article 24, qui concerne la protection des consommateurs.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE169 de M. Maxime Laisney
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous nous sommes abstenus sur l’amendement de monsieur Fugit, car nous nous moquons un peu du tarif de référence. Il faudrait revenir au tarif réglementé de vente du gaz, qui a été supprimé en juillet 2023. Le tarif réglementé de vente d’électricité (TRVe), lui, existe toujours, mais son mode de calcul repose à l’excès sur les mécanismes de marché.
Les familles ont de plus en plus de mal à s’acquitter de leurs factures. Le Médiateur national de l’énergie indique que 30 % des Français ont souffert du froid en 2024 et que les fournisseurs d’énergie sont intervenus auprès d’un million de ménages en 2023, un chiffre en augmentation de près de 50 % par rapport à 2019, ce qui témoigne de l’extension de la précarité.
Vous autres, libéraux, prenez nos concitoyens pour des traders. La très grande majorité d’entre eux ne se lèvent pas, le matin, en consultant les cours de l’électricité et du gaz. Ils veulent simplement être protégés par des tarifs stables.
M. Antoine Armand, rapporteur. Votre amendement est très similaire à celui défendu par monsieur Amblard tout à l’heure. Pour les mêmes raisons, avis défavorable.
M. Maxime Amblard (RN). Oui, notre objectif est le même. Contrairement à nos collègues de La France insoumise, qui font passer leur sectarisme avant l’intérêt des Français, nous voterons en faveur de l’amendement, qui passera certainement grâce à nous.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Notre amendement est tout simplement mieux rédigé que celui du Rassemblement national, comme c’est toujours le cas. Surtout, nous avons toujours défendu la maîtrise publique et les tarifs réglementés de l’énergie. Nous nous sommes opposés à la privatisation de GDF et n’avons jamais cru qu’en matière d’énergie, le libéralisme constituait une solution, contrairement à votre parti, monsieur Amblard, qui s’en vantait à l’époque de Jean-Marie Le Pen.
La commission adopte l’amendement.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous venons donc de rétablir, en très peu de temps, le statut d’établissement public d’EDF et les tarifs réglementés du gaz.
Amendement CE171 de Mme Clémence Guetté
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Je me réjouis de l’adoption de l’amendement précédent. D’ailleurs, nous ne comprenons toujours pas que vous refusiez les tarifs réglementés du gaz, alors qu’on se bat au niveau européen pour maintenir les tarifs réglementés de l’électricité.
Il y a deux ans, l’État a racheté 100 % des actions d’EDF, sans pour autant nationaliser la société. Par le présent amendement, nous proposons qu’il rachète l’intégralité des parts d’Engie afin d’assurer la planification de l’approvisionnement en gaz et de préserver notre souveraineté.
M. Antoine Armand, rapporteur. Nous sommes tous saisis de vertige en voyant les mesures qui ont été adoptées en quelques minutes, sans aucune réflexion sur les conséquences qu’elles sont susceptibles d’avoir. Ce nouvel amendement en est l’illustration.
Alors qu’EDF connaît une transition majeure, la transformation de cette entreprise en établissement public a été votée sans que ni La France insoumise, ni le Rassemblement national n’aient mené de réflexion préalable sur les conséquences financières de cette mesure pour le programme nucléaire et les énergies renouvelables. De même, le rétablissement des tarifs réglementés de vente du gaz aura des conséquences contentieuses gigantesques pour les consommateurs que vous prétendez défendre.
Désormais, vous voulez nationaliser Engie, qui est un leader mondial de l’énergie, sans y avoir davantage réfléchi. Évidemment, vous empêcherez ainsi cette entreprise de poursuivre les activités – critiques pour la France – qu’elle mène dans soixante-dix pays. Les conséquences en matière d’emploi seraient colossales.
Les groupes La France insoumise et Rassemblement national, qui voteront sans doute, ensemble, cet amendement, appelaient depuis longtemps de leurs vœux une programmation dans le domaine de l’énergie. Je ne suis pas sûr que nous rendions service à notre travail de parlementaires en adoptant « par-dessus la jambe » des amendements d’une telle portée, qui méritent des discussions préalables approfondies. Avis défavorable.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Je comprends que vous soyez marri des votes précédents. Certaines de ces dispositions auraient pu être intégrées en amont, si le Gouvernement avait bien voulu organiser une concertation puis déposer un projet de loi, au lieu d’agir comme il le fait.
On ne peut pas vous laisser dire que nous avons adopté « par-dessus la jambe », sans réflexion, des amendements aussi structurants pour le système énergétique, alors que nos projets de transformation d’EDF en établissement public, de rétablissement du tarif réglementé du gaz et de renationalisation de ce qui était hier GDF sont très précis, pensés depuis des années et se fondent sur le bilan désastreux de la libéralisation de l’énergie.
Vous pensez que celle-ci a produit un miracle, que chaque Français peut constater sur sa facture d’électricité ou de gaz ; nous pensons, pour notre part, qu’elle a engendré un désastre et qu’il est temps d’y mettre fin.
La commission rejette l’amendement.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE533 et CE534 de M. Antoine Armand, rapporteur.
Amendement CE420 de M. Julien Brugerolles
M. Julien Brugerolles (GDR). Outre la diversification des importations de gaz naturel, nous devons également viser leur diminution. L’article ne traite pas de la question de la part du gaz naturel dans notre mix énergétique, qui est pourtant centrale.
M. Antoine Armand, rapporteur. Le code de l’énergie énonce cet objectif, me semble-t-il. J’émets toutefois un avis favorable car l’objectif mentionné a sa place dans la proposition de loi. Je serai en revanche défavorable à l’amendement CE537, qui est similaire.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Depuis le début de l’examen du texte, nous insistons sur les nécessités de réduire l’usage des énergies fossiles et de décarboner l’économie, d’autant que nous dépendons, pour une partie de nos importations de gaz, des productions américaines ou russes de gaz de schiste, qui ont un lourd impact climatique. L’objectif ne peut donc pas être uniquement de diversifier nos importations de gaz : il nous faut également en réduire le volume. Nous nous rallions très volontiers à la rédaction proposée par monsieur Brugerolles.
M. Jérôme Nury (DR). L’affichage d’un objectif de diminution des importations de gaz est hypocrite. Il faut bien que certaines énergies apportent une contrepartie à l’intermittence des énergies éolienne et photovoltaïque, dont vous avez prévu le développement au cours des dix prochaines années. La plupart du temps, cette contrepartie est le gaz naturel. Vos objectifs sont bien beaux, mais je ne suis pas sûr que nous ayons les moyens de les tenir.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Les spécialistes parlent de variabilité des énergies renouvelables plutôt que d’intermittence. Les nombreux travaux en cours relatifs à cette question, aussi bien chez RTE qu’à l’Agence de la transition écologique (Ademe) ou à Enedis sont très rassurants concernant le développement de ces énergies.
En outre, dans les dix années qui viennent, la part du nucléaire n’évoluera pas beaucoup, à moins que l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) ne décide de fermer les vieux réacteurs.
Rappelons enfin que nous modulons déjà la production électrique du parc nucléaire, y compris pour des raisons économiques – nous produisons moins quand l’électricité se vend moins cher.
On travaille beaucoup, à l’heure actuelle, sur la question de la flexibilité, y compris de la demande. Quantité de travaux visent à ce que l’on décale les usages et que l’on adapte la consommation à la courbe en cloche de la production quotidienne d’énergie solaire – même si ce ne sera pas toujours possible, évidemment. En tout état de cause, ce n’est pas la peine d’effrayer nos concitoyens.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE183 de Mme Anne Stambach-Terrenoir
M. René Pilato (LFI-NFP). L’extraction du gaz de schiste est interdite en France depuis 2011. Nous demandons de graver dans le marbre de la loi l’objectif d’exclusion des importations de ce gaz. Ce dernier doit être extrait à des profondeurs allant de 1 500 à 3 000 mètres, là où les nappes phréatiques se remplissent par un procédé de filtration nécessitant dix à cinquante ans. Alors que 43 % des eaux du robinet sont polluées, de grâce, ne polluons pas ces nappes phréatiques : pensons à nos enfants et à nos petits-enfants.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je partage votre objectif. Toutefois, je ne sais pas exactement quelle proportion représente le gaz de schiste dans nos importations totales de gaz. Je pense toutefois qu’elle est suffisamment élevée pour que nous ne puissions pas nous en passer l’année prochaine. Je vérifierai cela d’ici à la séance. Si la part en question est très faible, nous pourrions éventuellement faire le choix de l’évolution, de la résilience, de la sévérité ; mais je crois qu’elle est extrêmement élevée, d’autant plus que nous avons réduit, tout à l’heure, nos importations de gaz russe – c’est ce que vous avez souhaité faire, avec vos alliés politiques, même si je sais que vous ne partagiez pas cette position, monsieur Tavel –, ce qui accroît notre dépendance au gaz américain. Avis défavorable, à ce stade, pour des raisons de sécurité d’approvisionnement.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Je ne peux pas vous laisser dire cela. Pour notre part, que le gaz provienne de Russie, des États-Unis, du Qatar ou d’ailleurs, nos exigences sont les mêmes. Ce qui nous importe, c’est le bilan carbone des importations et leur usage. Nous souhaitons leur diminution, car nous pensons qu’il faut sortir des énergies fossiles – y compris, à terme, du gaz naturel, d’où qu’il vienne.
Il faut sortir plus vite encore du gaz de schiste, dont les conditions d’extraction sont particulièrement dommageables pour les écosystèmes, notamment à cause des fuites de méthane. Nous proposons donc d’exclure son importation, même si nous pourrions discuter de la phase d’ajustement, qui ne doit pas durer plus de quelques années. Il serait hypocrite de rejeter ce mode d’extraction chez nous tout en accueillant à bras ouverts le gaz américain qui en est issu.
M. Charles Fournier (EcoS). Il serait problématique de s’affranchir de toute exigence concernant nos importations et de reporter à un horizon lointain la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la décarbonation, au nom de la sécurité d’approvisionnement. Nous devons également agir pour que les autres pays réduisent leur production de gaz de schiste, car celle-ci pose de sérieux problèmes.
Si le gaz de schiste représente une part majoritaire de nos importations de gaz naturel, peut-être pourrions-nous discuter d’un délai avant d’interdire son importation mais il serait déraisonnable d’y renoncer alors que nous avons prohibé l’extraction du gaz de schiste en France. Nous vivons tous sur la même planète.
M. Antoine Armand, rapporteur. D’ici à l’examen du texte en séance publique, nous pourrions réfléchir à une évolution réaliste, sous réserve de la proportion que représente le gaz de schiste dans nos importations de gaz naturel. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE537 de Mme Julie Laernoes
M. Benoît Biteau (EcoS). Le texte fixe un objectif de « diversification » des importations de gaz naturel. Ce n’est pas acceptable car cela revient à justifier l’augmentation de notre dépendance au gaz, notamment au gaz naturel liquéfié (GNL) américain ou russe issu du gaz de schiste, qui a un lourd impact climatique. Nous proposons de clarifier la trajectoire en fixant un objectif de réduction graduelle de nos importations de gaz, ce qui constituerait un signal politique majeur.
Pour respecter nos engagements climatiques, nous devons en effet sortir de l’énergie fossile plutôt que d’en diversifier la provenance, et encourager les alternatives par la sobriété, l’efficacité et le recours aux énergies renouvelables.
En outre, la notion de diversification entretient l’illusion que le gaz naturel serait propre, parce que produit autrement ou ailleurs.
M. Antoine Armand, rapporteur. Nous venons d’adopter l’amendement CE420, dont la rédaction me paraît plus adaptée. Demande de retrait.
L’amendement est retiré.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE178 de M. Nicolas Meizonnet.
La commission adopte l’article 1er modifié.
Après l’article 1er
Amendement CE467 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). Le présent amendement vise à réécrire l’article L. 100-2 du code de l’énergie. La France ne pourra atteindre ses objectifs énergétiques, climatiques et industriels qu’en déployant des moyens cohérents, techniquement réalistes, économiquement soutenables et politiquement souverains. À cette fin, nous proposons plusieurs leviers d’action, regroupés en six axes. Il convient, à notre sens, de recentrer la politique énergétique sur les besoins fondamentaux de la nation, en affirmant le rôle stratégique de l’État dans la garantie d’un accès universel, stable et abordable à l’énergie ; de reprendre le contrôle public et stratégique du système énergétique, en réaffirmant le rôle central de la puissance publique dans la planification et la fourniture d’électricité ou de gaz ; de prioriser le développement des énergies pilotables et bas-carbone – nucléaire, hydraulique, géothermie, biomasse, chaleur nucléaire et cogénération. Il faut également structurer des filières industrielles stratégiques et moderniser les infrastructures ; enfin, il importe de soutenir l’innovation, la formation et la transparence, en renforçant l’engagement de l’État dans la recherche et l’innovation énergétique, notamment dans le nucléaire et l’hydrogène bas-carbone, dans une logique de long terme.
Nous voulons remettre les moyens de la politique énergétique en cohérence avec ses finalités, dans une logique d’efficacité de la décarbonation, d’optimisation des coûts, de minimisation des prix, de maîtrise industrielle et de souveraineté nationale.
M. Antoine Armand, rapporteur. Cet amendement vise à réécrire l’article dans lequel s’inséreront de nombreuses dispositions de la proposition de loi. Pour la clarté des débats et pour éviter de voter des dispositions contradictoires, mieux vaut procéder à une réécriture alinéa par alinéa. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE468 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). Nous proposons de réécrire l’article L. 100-4 du code de l’énergie, afin de refonder la politique énergétique nationale sur des principes de pragmatisme, de souveraineté et de cohérence scientifique. Nos trois impératifs sont de renforcer notre souveraineté énergétique, de réduire durablement notre dépendance aux énergies fossiles et de répondre efficacement à l’urgence climatique et écologique, sans sacrifier la sécurité d’approvisionnement, la compétitivité industrielle et le pouvoir d’achat des Français.
La politique énergétique doit être recentrée sur des piliers robustes, pilotables et décarbonés, en particulier le nucléaire, l’hydroélectricité, la géothermie et la biomasse. Nous ne nions pas l’intérêt de certaines énergies renouvelables, mais nous refusons de construire l’ensemble de notre stratégie sur des ressources intermittentes, dépendantes du vent et du soleil, car ce serait une erreur stratégique et technique.
Notre amendement ne marque pas un renoncement, mais un choix d’efficacité. Il privilégie des filières éprouvées, dont la performance est reconnue, la disponibilité, constante et la décarbonation, réelle.
M. Antoine Armand, rapporteur. Même argument que pour l’amendement précédent. La quasi-totalité des articles de la proposition de loi font référence à l’article 100-4 du code de l’énergie. Si nous le réécrivions intégralement, la clarté de nos débats s’en trouverait compromise.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE133 de M. Jérôme Nury
M. Jérôme Nury (DR). L’amendement vise à préciser que la politique énergétique de la France est fondée prioritairement sur la production d’électricité d’origine nucléaire et hydraulique « dans le respect des exigences de sécurité de l’approvisionnement, de compétitivité, de maîtrise des coûts pour les consommateurs et de préservation de l’environnement ».
M. Antoine Armand, rapporteur. Cette disposition risquerait d’entrer en contradiction avec le code de l’énergie, puisque l’amendement ne l’insère pas en son sein. Je demande donc son retrait afin que nous discutions de son éventuelle insertion dans le code en séance publique.
L’amendement est retiré.
Article 1er bis (article L. 100-2 du code de l’énergie) : Garantie d’accès à l’énergie pour les foyers ruraux mal raccordés au réseau
Amendements de suppression CE538 de M. Antoine Armand et CE360 de Mme Julie Laernoes
M. Antoine Armand, rapporteur. Je propose la suppression de l’article, qui a été introduit par le Sénat en séance publique. Ses dispositions sont déjà satisfaites par le code de l’énergie : le 5° de l’article L. 100-1 prévoit en effet que « la politique énergétique garantit la cohésion sociale et territoriale en assurant un droit d’accès de tous les ménages à l’énergie sans coût excessif au regard de leurs ressources » et le 9° de l’article L. 100-2 fixe comme priorité d’« assurer des moyens de transport et de stockage de l’énergie adaptés aux besoins. ».
Mme Dominique Voynet (EcoS). Plusieurs termes de cet article – « notamment ruraux », « sans coût excessif »… – sont imprécis. La rédaction n’est pas exempte d’ambiguïtés, puisqu’on ne sait pas exactement à quelles énergies l’article se réfère : s’agit-il, par exemple, d’encourager le maintien du raccordement au fioul ou à d’autres énergies fossiles, ou bien de choisir des énergies écologiquement propres et financièrement supportables ?
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Cet article pose le principe d’un traitement différencié des zones rurales en prévoyant le versement d’exonérations. Il aurait pu être utilement réécrit, plutôt que supprimé, pour accompagner les territoires dans le cadre de la sortie du chauffage au fioul. Notre amendement CE218, qui tomberait en cas d’adoption des amendements de suppression, propose ainsi de modifier la rédaction de son alinéa 2 de façon à garantir à chaque foyer, sur l’ensemble du territoire national, « un soutien public à la conversion des modes de chauffage ».
M. Antoine Armand, rapporteur. Je partage votre objectif mais, si une telle disposition devait être adoptée, elle aurait davantage sa place dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 1er bis est supprimé et les autres amendements tombent.
Article 2 (article L. 100-2 du code de l’énergie) : Abrogation de l’objectif de croissance de la composante carbone des taxes intérieures sur la consommation d’énergie
Amendements de suppression CE541 de M. Antoine Armand, CE7 de Mme Olga Givernet, CE55 de Mme Cyrielle Châtelain, CE221 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE422 de M. Julien Brugerolles et CE445 de M. Philippe Bolo
Mme Olga Givernet (EPR). La loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, qui a défini l’objectif de neutralité carbone en 2050 pour répondre à l’urgence climatique et à l’accord de Paris, instaure la sortie progressive des énergies fossiles. En conséquence, la fiscalité des énergies décarbonées doit être plus incitative que celle des énergies fossiles importées. La trajectoire d’élargissement progressif de la part carbone dans les taxes intérieures de consommation sur les énergies, prévue par le 4° de l’article L. 100‑2 du code de l’énergie, doit donc être maintenue.
M. Charles Fournier (EcoS). La fiscalité carbone est l’un des leviers pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. Lorsque la taxe carbone a été mise en œuvre, le Président Emmanuel Macron a commis l’erreur de ne prévoir ni concertation, ni compensation, mais le principe doit être maintenu.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) confirme que les Français ne sont pas hostiles à une taxe carbone, pourvu qu’elle soit accompagnée de mesures de compensation sociale ou territoriale. Il faut donc rétablir cette taxe, supprimée par le Sénat, et l’orienter différemment.
M. Julien Brugerolles (GDR). On peut être opposé à certaines modalités de la taxe carbone mais il faut rétablir cette disposition du code de l’énergie, qui prévoit la compensation à due concurrence de l’augmentation de la fiscalité carbone au profit des usagers.
M. Philippe Bolo (Dem). Ne nous berçons pas d’illusions : nous ne parviendrons pas atteindre nos objectifs de lutte contre le changement climatique sans signal-prix. Il ne nous sera pas possible, en effet, de stocker le carbone émis dans l’atmosphère depuis l’ère préindustrielle. En outre, renoncer à cet outil reviendrait à ignorer le coût de l’inaction, qui pèsera alors sur nos enfants. L’acceptabilité de la hausse de la fiscalité sur les énergies fossiles passe par une juste répartition des efforts de décarbonation en fonction des revenus, des territoires et des responsabilités.
M. Antoine Armand, rapporteur. La fiscalité carbone est un sujet impopulaire et difficile, mais renoncer à son principe et à son nécessaire rééquilibrage serait très dangereux et très démagogique, même si nous devons encore trouver les solutions pour financer une transition plus juste.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Nous partageons l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre – nous n’avons cessé de plaider en ce sens – mais nous avons toujours préféré la réglementation aux taxes. C’est une position républicaine, planificatrice et, surtout, de justice, car la taxe ne pénalise que ceux qui ne peuvent pas la payer ; les plus riches peuvent s’en acquitter sans rien changer à leur mode de vie.
L’augmentation de la taxe carbone sans accompagnement ni compensation finit par faire de l’écologie un produit de luxe, ce qui alimente le rejet de l’exigence de transformation écologique, alors que nous devrions chercher à construire la majorité sociale la plus large possible. Aussi faudrait-il s’attaquer, en premier lieu, aux nombreuses injustices fiscales et sociales – absence de transports en commun dans certaines parties du territoire, leasing social à éclipse concernant les véhicules électriques, aménagement du territoire inexistant, report du paiement du chèque énergie, absence de taxation du kérosène utilisé dans l’aviation, etc.
M. Antoine Armand, rapporteur. Monsieur Tavel, votre argumentation traduit une certaine gêne. Vos critiques sont pertinentes, mais notre débat porte précisément sur les modalités et le champ de la taxation carbone ; notre réflexion prend en compte la taxation du kérosène, par exemple. Il est fondamental que la fiscalité du carbone évolue et que nos dispositifs fiscaux et financiers soient davantage orientés vers la décarbonation. Il est plus facile de dire qu’il ne faut pas bouger, comme vous le faites, au nom des conséquences de ces mesures pour les plus modestes, que de trouver des moyens pour que ces derniers sortent des solutions carbonées. Renoncer au principe de la taxation carbone compromettrait notre capacité à atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Il est irresponsable de défendre des amendements pour dire que l’on ne va pas assez vite en matière de décarbonation tout en s’opposant à l’emploi du levier fiscal. Je vous invite donc à dépasser votre position partisane et à voter en faveur de ces amendements ou, à tout le moins, à vous abstenir.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 2 est supprimé et les amendements CE42 de Mme Olga Givernet, CE126 de M. Jean-Luc Fugit, CE423 de M. Julien Brugerolles, CE250 de M. Karim Benbrahim et CE8 de Mme Olga Givernet tombent.
La réunion est suspendue de vingt-trois heures cinq à vingt-trois heures quarante-cinq.
Après l’article 2
Amendement CE477 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). Le 5° de l’article L 100-2 du code de l’énergie emploie le terme assez flou de « filières industrielles de la croissance verte ». Nous proposons une nouvelle rédaction afin de préciser que l’État doit participer à la structuration de « filières industrielles dans les secteurs du nucléaire, de l’hydroélectricité, de la géothermie, de la valorisation de la biomasse, des pompes à chaleur et de la rénovation thermique des bâtiments, en veillant à leur compétitivité économique et leur ancrage territorial ».
M. Antoine Armand, rapporteur. Je suis d’accord sur le fait que l’expression « filières industrielles de la croissance verte » ne veut pas dire grand-chose. Cela étant, je m’interroge sur les critères que vous avez retenus pour opérer ce choix de filières : à moins que vous ne soyez favorables à leur démantèlement, pourquoi ne pas mentionner les filières de l’hydrogène, des panneaux photovoltaïques et de l’éolien ? Je vous propose de retirer votre amendement, quitte à discuter d’une disposition plus complète en séance ; à défaut, avis défavorable.
M. Charles Fournier (EcoS). En creux, cet amendement affirme qu’il faut déstructurer des filières dans le domaine des énergies renouvelables. Je rappelle que l’éolien en mer représentait à lui seul, en 2023, 8 600 emplois directs – et sans doute un peu plus aujourd’hui. Si l’objectif de structuration des filières peut s’entendre, il ne concernerait, selon vous, que certaines d’entre elles et rien ne nous est dit quant aux moyens d’y parvenir. Il faut donc rejeter cet amendement totalement incomplet.
M. Maxime Amblard (RN). Structurer ne veut pas dire déstructurer : ne nous faites pas dire ce que nous ne disons pas. Conformément à ce que défend le Rassemblement national, les filières choisies sont pilotables et décarbonées.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE478 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). Cet amendement vise, dans une logique pragmatique, à autoriser et à développer l’exploration et l’exploitation des réserves nationales d’hydrocarbures jusqu’à ce que la France puisse se passer économiquement et techniquement de ces énergies fossiles. Cela serait préférable à la pratique hypocrite consistant à importer de telles énergies de pays où l’on ne sait pas forcément dans quelles conditions sanitaires et environnementales elles sont exploitées. Autant valoriser les réserves existantes en France. Les revenus issus de cette exploitation devraient être entièrement consacrés au financement de la transition écologique et à l’effort national de réindustrialisation.
M. Antoine Armand, rapporteur. Cet amendement a au moins le mérite de la clarté : pour vous, la transition énergétique et écologique n’est pas urgente au point d’exiger l’allocation immédiate de moyens à la décarbonation. Si une telle exploitation devait être réautorisée, j’imagine que vous expliqueriez ensuite qu’on ne doit pas l’arrêter compte tenu des investissements réalisés. C’est ce que l’on constate dans des pays en régression écologique qui ne sont ni plus souverains, ni plus sobres énergétiquement. Avis défavorable.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Monsieur Amblard, je suis étonné par votre proposition, qui vise à éviter d’importer de l’énergie fossile de pays étrangers. Il me semble en effet vous avoir entendu proposer, la semaine dernière, dans une interview, d’importer des technologies nucléaires de Corée. J’ai du mal à suivre votre pensée et vous invite à davantage de cohérence sur les questions énergétiques.
M. Benoît Biteau (EcoS). Les propositions de nos collègues du Rassemblement national se distinguent par l’absence d’une approche globale et par des raccourcis simplistes. Vous nous présentez un amendement qui pourrait conduire à ce qu’on aille chercher des gaz de schiste dans notre sous-sol sans imaginer les déséquilibres que cela créerait dans de nombreux domaines tels que la gestion des ressources en eau, la gestion des sous-sols, etc. J’espère qu’on ne vous confiera jamais l’avenir de notre pays.
M. Maxime Amblard (RN). À l’heure actuelle, 40 % de notre mix énergétique final est composé d’énergies fossiles. Je ne vois pas comment nous pourrions nous en passer d’ici à cinq ou dix ans : c’est physiquement impossible. Exploiter notre sous-sol pour éviter d’importer de l’énergie est donc simplement pragmatique.
Monsieur Armand, l’amendement indique noir sur blanc que l’exploitation de ces énergies aura lieu jusqu’à ce que l’on arrive à s’en passer, et qu’elle servira à financer la transition écologique. Ne me faites donc pas dire ce que je n’ai pas dit.
Monsieur Fugit, je n’ai pas eu l’occasion de préciser dans l’interview à laquelle vous faites référence – ce que j’ai fait dans un autre entretien qui sera publié prochainement – qu’EDF passera toujours en priorité et qu’il ne serait donc pas en concurrence avec des réacteurs coréens.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Cet amendement est incohérent : si on réautorise l’exploitation des hydrocarbures en France pour les fermer demain, ce sera un gaspillage d’argent public ; si on les réautorise pour les garder ouverts, ce sera incohérent avec les objectifs climatiques de la France, la préservation de la biodiversité, de la ressource en eau, etc.
Face à la dépendance aux importations d’hydrocarbure, la meilleure solution est de s’en passer grâce à la sobriété, à l’électrification ou par d’autres moyens.
Vous avez évoqué plusieurs fois, avec monsieur Tanguy, votre volonté d’extraire du gaz et du pétrole de schiste en France, mais vous semblez désormais plutôt mal à l’aise avec cela, sans doute parce que cela n’a pas bonne presse dans vos circonscriptions.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE479 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). Cet amendement vise à réécrire le 6° de l’article 100-2 du code de l’énergie pour assurer l’information de tous et la transparence sur les coûts complets de chaque source d’énergie, en prenant en compte tous les éléments du système, à savoir la production, le transport, la distribution et le stockage. Cela permettrait de faire des choix éclairés sur les sources d’énergie à privilégier en prenant en compte l’ensemble des coûts. Lorsqu’on ne dispose que d’une partie des chiffres, on peut parfois faire croire que certaines énergies sont plus vertueuses que d’autres, ce qui n’est pas le cas en réalité.
M. Antoine Armand, rapporteur. Sur le fond, je partage l’objectif de cet amendement. Les coûts complets manquent en effet dans les études relatives aux énergies renouvelables comme à l’énergie nucléaire. Ces données seraient très utiles. Ainsi, pour obtenir le coût réel de certaines énergies renouvelables électriques, en particulier lorsqu’elles sont disséminées, il faut prendre en compte le coût de raccordement et l’impact sur le réseau ; cela permet de constater qu’elles sont plus chères que les prix négatifs auxquels elles s’affichent parfois. Toutefois, je suis gêné par l’emplacement de cette disposition au sein du code de l’énergie et par son niveau de détail. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). On comprend le sous-entendu : les énergies renouvelables coûteraient plus cher, une fois l’ensemble des coûts pris en compte, que l’énergie nucléaire. Or les chiffrages existent. L’étude de RTE « Futurs énergétiques 2050 », publiée en 2021, avait estimé à 10 % à 15 % l’écart entre le scénario le plus nucléarisé et celui où le mix était composé à 100 % d’énergies renouvelables. Il se fondait sur la première estimation par EDF de son programme de six EPR 2, qui était de l’ordre de 52 milliards d’euros. Depuis, son coût a augmenté de 30 % et la Cour des comptes a affirmé qu’il serait multiplié par deux. La comparaison ne sera donc peut-être pas favorable au nucléaire. RTE indiquait également que les investissements dans le réseau se chiffraient à 100 milliards d’euros, pour lui comme pour Enedis, dans les dix à quinze ans à venir. Le montant de ces investissements, nécessaires en raison de la vétusté des réseaux et de l’adaptation au changement climatique, est indépendant de la composition du mix.
M. Maxime Amblard (RN). Cette étude montre que, plus on augmente la part du nucléaire, moins le mix énergétique coûte cher. Concernant les investissements de RTE dans le réseau, près de 60 milliards d’euros devront être consacrés à l’intégration des énergies renouvelables : 38 milliards d’euros, soit l’équivalent du coût de construction de quatre EPR 2, pour les éoliennes en mer et le reste pour les énergies renouvelables intermittentes. Pour Enedis, cette part est de 56 milliards d’euros.
M. Antoine Armand, rapporteur. Monsieur Laisney, vous avez omis de préciser dans quel sens penchait l’écart de 10 % à 15 % que vous avez cité : les scénarios les plus récents de RTE montrent que le mix composé à 100 % d’énergies renouvelables est le plus onéreux.
Si, comme vous le souhaitez, EDF devenait un établissement public, cela aurait des conséquences immédiates – et fatales pour le consommateur – sur le prix de l’électricité et sur la quantité produite. La capacité du parc nucléaire existant est actuellement de 360 TWh. L’ambition d’EDF est d’atteindre une capacité de 400 TWh, ce qui demande une capacité supplémentaire de 40 TWh, soit environ les deux tiers de ce que la programmation pluriannuelle actuelle prévoit au titre de la production d’énergie renouvelable électrique supplémentaire, alors que celle-ci n’est pas disponible à tout moment. Il faut intégrer aux coûts de production et aux coûts du réseau ce qui a déjà été investi dans le nucléaire existant, ce qui renchérit certaines énergies par rapport au nucléaire.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. RTE estimait effectivement en 2021 que les énergies renouvelables seraient 10 % à 15 % plus chères, mais il faut actualiser cette estimation en tenant compte des coûts du nouveau nucléaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE491 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). L’amendement propose de remplacer le terme générique « économies d’énergie » par celui, plus précis et plus concret, de « lutte contre le gaspillage énergétique ».
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement CE542 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Dans une logique de clarification du code de l’énergie, cet amendement a pour objet d’abroger son article L. 100‑3, aux termes duquel : « Pour contribuer aux objectifs définis à l’article L. 100-1, la fiscalité des énergies tient compte de l’incidence de leur utilisation sur la compétitivité de l’économie, la santé publique, l’environnement ainsi que la sécurité d’approvisionnement et vise, au regard de ces objectifs, à un traitement équilibré des différents types d’énergie. Elle tient compte, par ailleurs, de la nécessité de rendre les énergies renouvelables compétitives, afin de favoriser leur développement. ». Cet article n’a aucune portée normative et risque de créer une confusion avec certaines dispositions des articles L. 100-1 et L. 100-2 du même code.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). On peut s’accorder sur le fait que cet article énonce des principes d’une grande généralité, mais on touche du doigt la limite de notre exercice : nous supprimons des dispositions relatives à la fiscalité, mais nous n’avons pas la possibilité d’en ajouter. Nous ne disposons pas des éléments d’information propres à une loi de programmation et sommes privés de débats budgétaires depuis trois ans. La question est donc de savoir dans quel cadre nous pourrons avoir une discussion globale sur la fiscalité. Dans l’attente de cette discussion, il me semble préférable de conserver la rédaction actuelle. Je m’opposerai donc à votre amendement.
La commission adopte l’amendement.
3. Réunion du mardi 3 juin 2025 à 17 h 30 : examen des articles (suite)
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en sommes à l’article 3 et, après avoir examiné 80 amendements, il nous en reste 418 en discussion.
Article 3 (articles L. 100-2 et L. 100-4 du code de l’énergie) : Définition des objectifs de politique énergétique liés à l’énergie nucléaire et à la décarbonation des mix électrique et énergétique
Amendements de suppression CE192 de M. Maxime Laisney, CE296 de M. Henri Alfandari et CE361 de Mme Julie Laernoes
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Avec cet article 3, on arrive au cœur de ce que j’appelle l’obsession nucléariste : la prolongation au-delà du raisonnable du nucléaire existant ; quatorze réacteurs de puissance – pourquoi pas six de plus ? – ; des réacteurs modulaires avancés (AMR) et des petits réacteurs modulaires (SMR) un peu partout sur le territoire.
Il est temps de dire la vérité. On nous dit que les réacteurs existants vont être prolongés jusqu’à 80 ans comme aux États-Unis. C’est faux ! Les États-Unis voudraient prolonger la durée de vie de leurs réacteurs jusqu’à 80 ans, mais, pour le moment, le plus vieux réacteur en service dans le monde a 55 ans et il est en Suisse. Nous n’avons aucun retour d’expérience pour aller au-delà. Pour la France, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) nous dit qu’elle regarde une prolongation jusqu’à 50 ans, peut-être 60 ans, peut-être au-delà pour certains réacteurs, mais pas davantage. On parle de quatorze réacteurs de type EPR 2. Pourquoi par vingt ? Personne n’y croit. J’invite les nucléocrates à lire le rapport publié en janvier par la Cour des comptes qui décrit l’EPR comme une catastrophe partout dans le monde, pas seulement à Flamanville, et qui est très sceptique sur l’avenir de l’EPR 2 dont on n’a toujours pas les plans. S’agissant des petits réacteurs de type SMR ou AMR, si nous avons deux ou trois prototypes en fonctionnement dans les années à venir, ce sera bien le maximum. En tout cas, l’ASNR n’envisage pas un déploiement à l’échelle industrielle pour deux raisons : d’une part, il y a des contraintes industrielles pour développer les usines qui fabriqueraient des modules pour l’amont et l’aval du combustible ; d’autre part, il faut répondre aux enjeux de sûreté et de sécurité, ces réacteurs étant destinés à être installés dans des sites Seveso, avec des habitations à proximité.
Nous ne disons pas qu’il faut fermer toutes les centrales existantes du jour au lendemain, mais qu’il est urgent de planifier la sortie du nucléaire parce que la question des déchets n’est toujours pas réglée, que l’uranium est importé à 100 %, et qu’il existe un risque d’accident – rappelons que l’accident de Fukushima aura causé 2 300 morts. Une chose est sûre : il ne faut pas mettre un centime dans le nouveau nucléaire.
Mme Julie Laernoes (EcoS). L’article 3 cumule tous les délires de la filière du nucléaire, qui n’ont plus leur place de nos jours. Nous travaillons à partir de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui comporte deux périodes successives de cinq ans, et des conclusions des groupes de travail mis en place par Mme Agnès Pannier-Runacher lorsqu’elle était ministre de la transition énergétique. Personne n’imaginant l’ouverture d’une nouvelle centrale avant 2040, le nouveau nucléaire ne jouera donc pas un rôle majeur de décarbonation.
De surcroît, ce texte étant une proposition de loi, il n’a pas donné lieu à une étude d’impact ou à un avis du Conseil d’État. Nous ne disposons d’aucune analyse de soutenabilité financière ou industrielle alors que la filière du nucléaire est en dérive permanente : les retards et les surcoûts s’accumulent. Même les scénarios les plus favorables, dont ceux d’EDF, ne prévoient pas de nouveau réacteur avant 2038.
Si nous sommes sérieux et que nous voulons une PPE cohérente, alignée sur les urgences climatiques de cette décennie, il faut supprimer cet article.
M. Antoine Armand, rapporteur. Une telle suppression reviendrait à se priver de débat sur ce qui représente les deux tiers ou les trois quarts de notre approvisionnement en électricité – qui plus est décarbonée. Que la proposition vienne de la France insoumise, cela ne me surprend un peu. Qu’elle vienne des écologistes, qui défendent la décarbonation, cela m’étonne plus ; d’autant que, madame Laernoes, lors du dépôt d’une récente proposition de loi, vous aviez fait un progrès très important par rapport aux positions historiques de votre mouvement concernant le nucléaire existant : vous commenciez à admettre que l’on n’allait peut-être pas éteindre tous les réacteurs nucléaires du jour au lendemain. Ne vous en déplaise, le nucléaire est la première force écologique, la plus grande réussite en termes d’énergie décarbonnée de notre pays et de l’Europe. Votre revirement m’étonne un peu. D’une part, il serait dommage de se priver d’un débat sur le nucléaire, que vous appelez si souvent de vos vœux. D’autre part, il me semble qu’un écologiste ne peut que voter contre la suppression de ces articles.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Si l’objectif est la décarbonation, le nouveau nucléaire n’apportera aucune réponse. Premièrement, il sera hors délai : la première paire d’EPR 2 est annoncée pour 2038 – à supposer qu’il n’y ait aucun retard, contrairement à ce qui s’est passé à Flamanville. On perd donc dix ans si l’on attend cet horizon pour essayer d’atteindre nos objectifs climatiques. Deuxièmement, le coût de l’électricité produite sera vraisemblablement supérieur à 100 euros le mégawattheure (MWh) – en tout cas, c’est le niveau retenu par l’État. Tout est donc réuni pour que nous ayons non pas un programme EPR 2, mais un programme Flamanville 4 avec les mêmes problèmes.
Parlons de la méthode, monsieur le rapporteur. Vous avez déposé des amendements qui suppriment les objectifs chiffrés de développement des énergies renouvelables, que ce soit en puissance installée, en pourcentage de production ou en nombre d’installations. Or, vous proposez ici de conserver des objectifs chiffrés pour le nucléaire. Deux poids, deux mesures. C’est inacceptable. Vous êtes en train de faire ce que le RN rêvait de faire.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Monsieur le rapporteur, les écologistes ont toujours été constants en matière de transition énergétique, de climat et de prévision. Vous pouvez reprendre chacune de nos déclarations. Nous allons être confrontés à un effet falaise car bon nombre de réacteurs ont été construits à la même époque. Il ne sera donc pas possible de maintenir la part du nucléaire dans le mix électrique à 60 %. On ne peut pas prédire ce taux à l’avenir, puisqu’il est soumis aux conditions de sûreté des centrales, ce qui dépend en particulier du vieillissement d’installations qui ne sont normalement pas prévues pour durer au-delà de 40 ans. Emmanuel Macron déclarait d’ailleurs ne pas vouloir mettre tous ses œufs dans le même panier car en cas de défaillances en série, la production d’électricité serait à l’arrêt. En 2022, nous parlions beaucoup et avec inquiétude de la sécurité de notre approvisionnement en électricité. Il s’agit désormais de sécuriser cet approvisionnement en ne le faisant pas totalement dépendre du nucléaire.
M. Maxime Amblard (RN). L’extrême gauche et les écologistes affirment avec la plus grande assurance que la France ne pourra plus faire ce qu’elle a réussi à faire depuis les années 1970 : augmenter sa production d’électricité décarbonée – même si la décarbonation n’était pas l’objectif premier à l’époque. Dès lors, il faudrait nous lancer dans l’aventure du 100 % renouvelable. L’histoire nous donne la preuve que c’est faux. Vous soulevez des arguments de principe, réglementaires ou même faux. Le coût de l’électricité nucléaire n’a rien d’une fatalité, puisqu’il dépend du taux d’actualisation. Vous n’avancez aucun argument physique. Or, ce sont les rapports physiques qui sont immuables, pas les euros et la Cour des comptes.
M. Karim Benbrahim (SOC). Nous sommes opposés à l’article 3 dans sa rédaction actuelle : il place le nucléaire dans une position centrale et excessive dans le mix énergétique, au mépris des réalités financières d’EDF et des capacités industrielles à réaliser ce programme, sans parler de l’effet non mesuré sur le coût final de l’énergie. Néanmoins, nous ne voterons pas pour ces amendements de suppression. Par le biais de l’amendement suivant, nous proposons une vision plus raisonnable, dans laquelle le développement des énergies renouvelables n’est pas condamné pour assurer une primauté au nucléaire. Il s’agit de réaliser un mix énergétique plus équilibré et en cohérence avec les défis à relever en matière d’efficacité économique et de souveraineté industrielle.
M. Antoine Armand, rapporteur. Pour le cas où ce ne serait pas clair pour tout le monde, je précise que l’adoption des amendements de suppression ferait aussi sauter l’amendement visant à maintenir en fonctionnement le parc nucléaire existant, sous réserve des autorisations de l’ASNR, sans que nous ayons le moindre débat sur la sûreté nucléaire. Premièrement, ce serait laisser le code de l’énergie vierge de toute mention du nucléaire, de ce que nous allons en faire au cours des cinq ou dix prochaines années, alors que nous réclamons tous une position quelle qu’elle soit sur le sujet. Deuxièmement, ce serait une régression pour ceux qui défendent le niveau de décarbonation de l’énergie atteint en France. Si je peux comprendre que certains veuillent supprimer certains alinéas, il ne me paraît vraiment pas approprié de vouloir supprimer toute existence du parc nucléaire actuel.
L’amendement CE296 est retiré.
La commission rejette les amendements CE192 et CE361.
Amendement CE246 de M. Karim Benbrahim
M. Karim Benbrahim (SOC). Notre stratégie énergétique doit avant tout reposer sur des objectifs de sobriété et d’efficacité énergétiques, sur un développement massif des énergies renouvelables. Mais s’il faut réaffirmer que l’objectif est de converger vers un mix énergétique 100 % renouvelable, il est nécessaire de maintenir des capacités de production nucléaire, notamment pour garantir la sûreté du système électrique.
Cet amendement de réécriture de l’article propose, d’une part, de prolonger la durée de vie des centrales nucléaires existantes sous contrôle de l’ASNR afin de porter leur durée d’exploitation jusqu’à 60 ans, et, d’autre part, de construire de nouveaux réacteurs nucléaires pour compenser l’arrêt à venir des centrales les plus anciennes dans la mesure où le développement des énergies renouvelables n’a pas été assez rapide au cours des dernières années – sur le plan technique, il est encore difficile d’envisager un mix avec davantage d’énergies renouvelables. Cela étant, nous refusons d’inscrire tout objectif chiffré du développement des SMR, considérant que la dissémination du nucléaire pose des problèmes de sûreté et d’acceptabilité. En résumé, notre amendement prend en compte la capacité financière d’EDF et les moyens d’atteindre un prix de l’énergie accessible.
M. Antoine Armand, rapporteur. Commençons par les points d’accord : le maintien des capacités du parc nucléaire existant, tant que l’ASNR le permet ; le lancement d’un projet de nouveau nucléaire, dont nous pourrons ensuite définir les capacités en gigawatts (GW) ou en réacteurs ; le maintien des installations du combustible afférentes.
Cet amendement comporte cependant deux points de désaccord majeurs qui me conduisent à en demander le retrait et à vous proposer de le retravailler ensemble d’ici à l’examen du texte en séance. À défaut d’un retrait, j’émettrais un avis défavorable.
Premier point de désaccord : vous fixez la durée de vie des réacteurs à 60 ans. Contrairement à ce qu’a dit Julie Laernoes, les réacteurs nucléaires français n’ont pas été prévus pour durer quarante ans. Comme tout outil industriel, ils ont été conçus pour fonctionner le plus longtemps possible, avec l’idée que des pièces fondamentales pourraient nécessiter un changement au bout d’une quarantaine d’années. En réalité, les pièces des réacteurs construits il y a plus de quarante ans ont quasiment toutes été changées, modernisées, adaptées ou réparées, comme dans la plupart des outils industriels. Seules les cuves se changent difficilement – inutile de vous faire un dessin –, mais il est établi qu’elles n’ont pas subi de vieillissement ou de transformation. Nos voisins nord-atlantiques réfléchissent d’ailleurs à prolonger la durée de vie de leurs réacteurs jusqu’à 80 ans.
L’ASNR, qui n’est pas sujette à politisation au grand dam de certains, ne raisonne pas en durée de vie. D’après les textes, les réacteurs obtiennent une autorisation de fonctionnement, sous réserve de vérifications et d’exercices réguliers de la part de l’exploitant, et, tous les dix ans, de la part de l’ASNR. C’est elle le juge de paix. Ce n’est pas vous, madame Laernoes, qui pensez : 40 ans, c’est assez vieux. Ce n’est pas moi, M. Armand, qui me dis : j’aimerais bien les pousser jusqu’à 80 ans. Fort heureusement ! Revenons à la durée de vie de 60 ans, que vous proposez. Est-ce un objectif indicatif ? Est-ce le minimum souhaité ? Vous conviendrez que si un réacteur doit s’arrêter avant pour des questions de sûreté, personne ne s’y opposera. Est-ce à dire qu’à la soixante et unième année, si tout fonctionne et si l’ASNR a donné son feu vert pour continuer, on va se priver d’un tel moyen de production ?
Deuxième point de désaccord : vous prévoyez 29 GW de capacité installée en 2050, ce qui correspond à l’un des scénarios de Réseau de transport d’électricité (RTE) tablant sur la fermeture de certains réacteurs qui auraient atteint un âge limite. Or, comme je viens de le dire, on ne ferme pas un réacteur parce qu’il a 38 ou 42 ou 61 ans, mais parce qu’il ne peut plus fonctionner dans des bonnes conditions de sûreté et d’exploitation. Étant donné les besoins d’énergie, et notamment d’électricité décarbonée, il faut maintenir le parc nucléaire en fonctionnement aussi longtemps que l’ASNR nous autorise à le faire. Sur les plans industriel et écologique, fermer avant l’heure reviendrait à se tirer une balle dans le pied.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Si nous avions supprimé l’article 3, toutes les centrales existantes fermaient du jour au lendemain ? Ne racontez pas des salades, monsieur le rapporteur ! Nous devrions déjà nous assurer que nos présents travaux servent à quelque chose en ce qui concerne la modification de la PPE 3.
En réponse à nos collègues socialistes, j’aimerais aussi revenir sur ce concept de nouveau nucléaire de transition. Lisez le rapport de la Cour des comptes. L’EPR est un fiasco partout dans le monde, pas seulement à Flamanville : les difficultés technologiques et industrielles entraînent systématiquement des retards et de surcoûts. Après douze ans de retard, celui de Flamanville n’alimente encore personne en électricité. Or, il faudrait déjà changer le couvercle et même la cuve – puisque ce n’est pas possible, on va apporter quelques petites modifications en introduisant une pièce supplémentaire dans le fond de la cuve. Nous n’avons toujours pas les plans de l’EPR 2, et nous ne savons pas s’il va mieux fonctionner que l’EPR que nous avons galéré à construire et à mettre en service partout dans le monde. Quant à la corrosion sous contrainte, l’ASNR indiquait encore la semaine dernière que l’on n’en connaît pas la cause et que l’on ignore si elle va se reproduire.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Le groupe Écologiste votera contre cet amendement de réécriture. Je m’étonne de voir mes collègues socialistes de Loire-Atlantique, qui ont manifesté contre de nouvelles centrales nucléaires, approuver la relance de huit centrales – l’article 3 est encore pire dans sa version actuelle, certes, mais je tiens à souligner ce revirement.
Marcel Boiteux, président d’EDF jusqu’en 1979, disait que les centrales avaient été conçues pour 12 000 cycles, un nombre largement dépassé. Rappelons que la moitié du parc a été à l’arrêt en 2022, et cela pourrait se reproduire. En outre, la dissolution de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a affaibli les instances de sûreté, alors que la France est le pays le plus nucléarisé au monde.
M. Karim Benbrahim (SOC). Nous sommes là pour élaborer une loi de programmation et planifier des investissements, pas pour écrire l’avenir ad vitam aeternam. Monsieur le rapporteur, vous n’ignorez pas que la loi de programmation est révisée tous les cinq ans. Nous proposons de prolonger la durée d’exploitation des réacteurs jusqu’à 60 ans. Cette hypothèse doit nous permettre de décider des investissements dans le nucléaire, mais aussi, par voie de conséquence, des investissements dans le développement des énergies renouvelables, afin d’arriver à équilibrer la production et la consommation. Je maintiens l’amendement.
M. Maxime Amblard (RN). Madame Laernoes, je confirme les propos du rapporteur : les réacteurs nucléaires ont été conçus pour fonctionner au moins quarante ans. Arrêter un réacteur au bout de quarante ans, comme dans le cas de Fessenheim, c’est comme jeter votre ordinateur parce que la date de garantie est dépassée. Ce n’est pas très intelligent. N’importe quel physicien travaillant sur le sujet vous le dira.
Quant à vous, monsieur Laisney, je vous invite à ne pas confondre la technologie nucléaire en elle-même et les soucis que nous avons lors de la construction d’un réacteur. Ce type de bijou technologique et industriel nécessite une capacité de production importante que nous avons eue dans les années 1970 et qui s’est dégradée au fil du temps, sous les différents gouvernements de droite, de gauche ou macroniste. Nous en sommes arrivés au point d’avoir des difficultés à mener de grands projets industriels. Est-ce irrémédiable ? Non. Il ne faut donc pas confondre la technologie nucléaire qui fonctionne et nos difficultés à construire des réacteurs. Les Chinois, eux, n’ont pas rencontré ces difficultés et ils ont construit deux EPR en huit ans.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE362 de Mme Julie Laernoes
Mme Julie Laernoes (EcoS). Cet amendement vise à supprimer les alinéas 2 et 3, qui renforcent encore le soutien public à la recherche sur le nucléaire alors que celle-ci a déjà concentré 45 % de l’effort en 2023. Elle a ainsi bénéficié de 1,23 milliard d’euros – en hausse de 40 % par rapport à 2022 –, contre seulement 78 millions pour le solaire et 18 millions pour l’éolien.
Et pour quels résultats ? Encore et toujours plus d’argent public pour de technologies qui enchaînent les échecs depuis des décennies – Superphénix a été abandonné après avoir englouti des milliards, Astrid, le réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle, a été enterré en 2019 faute de viabilité, et le projet de fusion Iter – réacteur thermonucléaire expérimental international –, qui a pris dix ans de retard et dont le budget a été multiplié par cinq, n’apportera rien avant 2080 au mieux – que fait-on, d’ici là ? Sans parler de Cigéo – centre industriel de stockage géologique –, à Bure, toujours inabouti trente ans après son lancement, ou de la prétendue fermeture du cycle, laquelle, loin de permettre un recyclage, produit des déchets encore plus complexes à gérer.
Soutenir ces programmes, c’est prolonger une fuite en avant technologique et financière, alors que l’urgence climatique impose des solutions concrètes, disponibles, sobres, renouvelables et à l’efficacité prouvée.
M. Antoine Armand, rapporteur. La rédaction de l’alinéa 3 n’est certes pas satisfaisante – l’amendement suivant en propose une autre –, mais je suis défavorable à la suppression de l’objectif de recherche dans les technologies décarbonées, car je souhaite que nous décarbonions notre pays et que nous réussissions la transition écologique.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Voilà un point sur lequel nous sommes d’accord, monsieur le rapporteur : cet alinéa a été rédigé par-dessus la jambe, pour reprendre une expression dont vous avez vous-même usé hier. On dirait une liste au Père Noël – une liste qui souffre d’un biais important, puisque n’y figurent que des projets dans le domaine nucléaire. Il y manque, par exemple, des projets liés à la recherche dans le domaine du stockage de l’énergie, quelle qu’en soit l’origine.
En outre, ces projets ne sont pas chiffrés. Le projet Iter a été officiellement estimé à 25 milliards mais, selon un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), personne n’en connaît réellement le coût. Il en va de même de la plupart des projets qui figurent sur cette liste.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Cet alinéa est une liste à la Prévert. Il y a de tout, des choses intéressantes et du n’importe quoi.
Soutenir des projets de recherche comme Iter peut sembler légitime à certains, et ce sujet mériterait au moins qu’on en débatte. Mais enfouir profondément des déchets qui resteront radioactifs et dangereux pendant des dizaines – voire des centaines – de milliers d’années n’est pas très intelligent, car il n’est pas certain que ceux qui les trouveront sauront pourquoi ils ont été enfouis et ce qu’ils doivent en faire. Plutôt que de se débarrasser des matériaux radioactifs – par le passé, on les a largués au large de la Loire-Atlantique, et on les cherche encore –, mieux vaudrait soutenir la recherche pour trouver comment les décontaminer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE222 de Mme Marie-Noëlle Battistel et sous‑amendement CE620 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. L’amendement CE222 réécrit l’alinéa 3 pour recentrer le dispositif sur des projets clairs en matière de recherche. Mon sous-amendement vise à supprimer la référence à Cigéo.
Contrairement à ce que M. Tavel a affirmé avec une certaine légèreté, ce projet n’a pas été décidé du jour au lendemain sans que personne y réfléchisse. Il a fait l’objet de décennies de recherche et de travail avec des experts nationaux et internationaux – y compris des philosophes et des sociologues – s’agissant de la question de la transmission des déchets. Affirmer qu’enfouir les déchets est l’idée la plus bête du monde prouve seulement que vous n’avez sans doute pas lu la moindre ligne du travail sur le stockage en couche géologique profonde mené depuis le plan Messmer, et que vous n’êtes pas capable de faire la différence entre taux de radioactivité et durée de vie des déchets.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Si le projet Cigéo a réellement été pensé dans ses moindres détails, comme vous le prétendez, monsieur le rapporteur, comment justifiez-vous que sa descenderie soit à cheval sur deux départements, sinon par la volonté de partager la valeur ajoutée du chantier ? Cela vous semble‑t‑il vraiment la solution technique la plus raisonnable, la plus responsable et la plus efficace ?
M. Jérôme Nury (DR). Cet amendement tend seulement à maintenir l’effort de recherche et d’innovation en matière de nucléaire, alors que nous sommes nombreux à vouloir l’intensifier. À cet égard, la rédaction initiale, qui permet une approche globale des efforts de recherche pour l’ensemble de la filière grâce à une liste de projets ciblés, me paraît plus appropriée que celle proposée par l’amendement. Nous ne le voterons donc pas, même si le sous-amendement était adopté.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Il y a un an, je suis allé visiter le site de Cigéo : je suis descendu à 500 mètres sous terre, j’ai rencontré des acteurs du projet, des opposants, des riverains.
Premièrement, s’il doit voir le jour dans la Meuse, c’est parce que d’autres, ailleurs, n’en voulaient pas.
Deuxièmement, le concept a évolué : il devait s’agir d’un coffre-fort, et on parle désormais d’organiser la compétition entre la migration des radionucléides et la décroissance radioactive. Bref, la radioactivité finira par remonter à la surface.
Troisièmement, ce projet a entraîné l’expropriation des agriculteurs de certaines parcelles.
Depuis le début, la stratégie du fait accompli s’applique à chaque étape. Il y a un an, j’ai demandé au directeur du projet ce qui se passerait si l’ASNR refusait la demande d’autorisation de création du site. Il m’a répondu : « Si on nous pose des questions, on y répondra. » Tout est dit.
M. Antoine Armand, rapporteur. Madame Voynet, la descenderie – la piste de descente des déchets – est à cheval sur deux départements pour que les deux y soient associés. Si c’est là le seul problème du projet, ce sera la preuve que Cigéo a été bien mieux pensé que vous le dites.
Successivement, la commission adopte le sous-amendement et rejette l’amendement.
Amendement CE424 de M. Julien Brugerolles
M. Julien Brugerolles (GDR). Si je regrette moi aussi l’inventaire à la Prévert de l’alinéa 3, il me semble important de rappeler que le soutien à l’effort de recherche et d’innovation passe par le renforcement des financements publics adaptés, notamment pour éviter les investissements privés – je suis particulièrement inquiet à l’idée que des start-up investissent dans les petits réacteurs modulaires. D’où cet amendement.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je ne sais pas quelle est la portée d’un tel amendement en dehors d’une loi de finances, mais je partage votre objectif. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE212 de M. Matthias Tavel
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Au milieu de cet article consacré exclusivement au nucléaire, cet amendement vise à rappeler qu’il existe d’autres sources d’énergie. Comme toujours, c’est deux poids, deux mesures : des milliards d’euros d’argent public sont investis dans la recherche dans le nucléaire, mais celle dans les énergies renouvelables (EnR) et leur stockage mériteraient un effort au moins équivalent. On n’est même plus dans le « en même temps » macroniste : c’est tout pour le nucléaire, rien pour les EnR !
Complété par les amendements proposés par le rapporteur, ce texte n’est ni plus ni moins qu’une nouvelle proposition de loi d’accélération du nucléaire.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je reconnais à M. Tavel une certaine faconde, mais je rappelle que l’article 3 est consacré au nucléaire. D’autres – notamment l’article 5 – nous offriront l’occasion de discuter des énergies renouvelables. Avis défavorable.
M. Charles Fournier (EcoS). J’ai justement déposé, après l’article 5, des amendements portant article additionnel qui tendent à favoriser et soutenir l’innovation dans les énergies renouvelables. J’imagine que vous émettrez un avis favorable.
Il est un peu simpliste de considérer que les énergies renouvelables appartiennent au passé et que le nucléaire incarne la modernité et la seule perspective pour l’avenir. L’innovation existe aussi en matière d’énergies renouvelables, donc montrons-le : dans mon département, des gens ont inventé des éoliennes mobiles et sans béton. Et il existe encore de nombreuses voies à explorer, comme l’énergie osmotique et l’énergie marémotrice.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous voterons également cet amendement. Il est important d’équilibrer les efforts de recherche, d’autant qu’il reste de nombreuses pistes d’innovation à explorer dans le domaine des énergies renouvelables.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE124 de M. Jean-Luc Fugit
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Afin de refléter la complémentarité des différentes sources d’hydrogène nécessaires pour la transition énergétique, cet amendement vise à élargir l’effort de recherche et d’innovation à l’hydrogène renouvelable.
La Stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France, récemment révisée, souligne l’importance de développer à la fois l’hydrogène bas-carbone et l’hydrogène renouvelable, et la directive européenne RED III – Renewable Energy Directive –, qui devrait être transposée en 2025, fixe des objectifs ambitieux de consommation d’hydrogène renouvelable dans l’industrie. Il est donc essentiel que la programmation énergétique soutienne l’innovation dans ce domaine, comme elle le fait déjà pour les technologies nucléaires.
M. Antoine Armand, rapporteur. Votre proposition complexifie la rédaction de l’article, mais j’en partage l’ambition. Sagesse.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Nucléaire, renouvelable : depuis la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (Aper) et le début de l’examen de cette proposition de loi, tout est noyé dans les termes « décarboné » ou « bas-carbone ». Je tiens donc à saluer l’effort de clarification du collègue Fugit : il existe bien un hydrogène renouvelable, qui n’a rien à voir avec l’hydrogène bas‑carbone, qu’on pourrait opportunément rebaptiser « hydrogène issu du nucléaire ».
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE480 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). L’objectif du Rassemblement national est de réduire l’empreinte carbone de la France sans réduire le niveau de vie des Français. Cela nécessite de décarboner notre mix énergétique, tout en maintenant un niveau de production suffisant pour réindustrialiser, relocaliser la production de valeur ajoutée dans le pays, donc réimporter les émissions exportées avec la mondialisation. Même si certains restent bloqués dans leurs dogmes au détriment de toute raison et, surtout, de la prospérité future de la France et des Français, cela ne saurait se faire sans énergie nucléaire – beaucoup d’énergie nucléaire, donc de combustible.
Pour garantir un nucléaire français durable et autonome, il est crucial de fermer le cycle du combustible et de développer des réacteurs à neutrons rapides – isogénérateurs ou surgénérateurs – permettant de transmuter en matière fissile les 350 000 tonnes d’uranium appauvri stockées dans les entrepôts en France, donc d’exploiter les milliers d’années de réserve de combustible dont nous disposons déjà sans même avoir à creuser.
À la vue de cet intérêt stratégique majeur, il ne semble pas excessif de faire de cet objectif une priorité de la politique énergétique nationale et de l’inscrire explicitement dans la loi.
M. Antoine Armand, rapporteur. Les réacteurs de quatrième génération ont un rôle majeur à jouer dans le développement de l’industrie nucléaire en France, mais je vous invite à retirer votre amendement au profit de mon amendement CE548, plus précis, qui prévoit notamment la construction d’un démonstrateur.
M. Maxime Amblard (RN). Votre amendement ne prévoit pas de faire du développement de ces réacteurs une priorité stratégique pour la France. Je lui préfère ma rédaction.
Mme Julie Laernoes (EcoS). La situation est éloquente : pour le Rassemblement national, la priorité est de développer ce qui a conduit la filière nucléaire dans l’impasse. Voilà quelques années que l’on parle de la quatrième génération, mais, pour l’heure, aucun pays n’a réussi à fermer le cycle de combustible.
Quant aux centrales nucléaires construites en cinquante-six mois, ce sont des centrales chinoises, et non françaises. Votre position est donc incohérente. D’ailleurs, même si les Chinois construisent plus rapidement que nous, ils n’ont pas pour autant fermé le cycle de combustible.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nos collègues du Rassemblement national entretiennent un des mythes de la pensée nucléocrate au motif que c’est de la physique. Vous nous faites rêver en parlant d’exploiter le nucléaire pour des milliers d’années grâce à un combustible déjà disponible mais, pour l’instant, la quatrième génération n’est toujours pas au point. Et il reste le risque d’un accident nucléaire : quand ça nous pète à la figure, c’est aussi de la physique.
M. Maxime Amblard (RN). Vous avez visiblement oublié l’origine du problème. Je me permets de rappeler que se cache ici une ministre qui a sabordé le nucléaire de quatrième génération en arrêtant préventivement Superphénix, alors que nous avions vingt ans d’avance sur le reste du monde, que nous étions sur le point de réussir la transmutation et de fermer le cycle, dans la continuité du plan Messmer.
À cause de votre trahison envers les intérêts de la France, nous avons désormais vingt ans de retard. Mais ce n’est pas une fatalité : on peut encore se donner les moyens de nos ambitions et rattraper les bêtises faites dans le passé.
M. Antoine Armand, rapporteur. Contrairement à ce que certains affirment, un réacteur de quatrième génération a bien fonctionné en France. Surtout, il y en a aujourd’hui en Chine, en Inde et en Russie. Il est malheureux que d’autres pays aient pris de l’avance.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE544 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 5 et 6, qui fixent une part de nucléaire dans le mix énergétique et électrique. La dernière fois que nous avons eu cette bonne idée, elle n’a pas été couronnée de succès – c’était la fameuse loi de 2015, qui tendait à réduire à 50 % la part du nucléaire dans le mix.
Certains verront dans cette suppression une démarche antinucléaire, les autres craindront un objectif caché, mais il ne s’agit pas ici d’être pro ou antinucléaire ; seulement, on ne construit pas un mix énergétique et on ne détermine pas des objectifs industriels en fonction de pourcentages que quiconque ici serait bien en peine de justifier, mais en s’appuyant à la fois sur l’industrie décarbonée existante et sur celle qu’il est possible de développer pour atteindre la résilience énergétique, en particulier électrique.
Commençons par décarboner notre mix, qui repose encore aux deux tiers sur les énergies fossiles, et maintenir autant que possible nos capacités de production électrique existantes – hydroélectricité, nucléaire –, puis développons en complément les énergies renouvelables.
M. Karim Benbrahim (SOC). Je souscris à votre analyse : il vaudrait mieux exprimer les objectifs de production en puissance plutôt qu’en pourcentages. Mais nous débattons d’une loi de programmation : si nous supprimons ces deux alinéas, que nous reste-t-il en termes d’objectifs, sinon celui de tendre vers 27 GW de nouvelles capacités de production électronucléaires installées ?
Nous aurions pu souscrire à la suppression des alinéas 5 et 6 si, parallèlement, vous aviez proposé de réintroduire des objectifs de développement du nucléaire ailleurs dans le texte. Ce n’est pas le cas, nous voterons donc contre cet amendement.
M. Jérôme Nury (DR). Je ne suis pas très à l’aise avec cet amendement : j’ai le sentiment qu’on joue petit bras et qu’on n’ose pas afficher clairement notre ambition de maintenir une filière électronucléaire performante et d’en faire une priorité pour les décennies à venir.
Au reste, supprimer les objectifs de production enverrait un mauvais signal à EDF. Son facteur de charge pourrait être augmenté, mais encore faut-il la mettre au défi de maintenir la part du nucléaire dans le mix à au moins 60 % – voire plus, comme le proposent certains amendements. À travers ces objectifs, affichons clairement notre ambition pour le nucléaire d’ici à 2050.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Mon amendement CE116, qui vient plus loin, est en quelque sorte de repli. Il prévoit de « viser un mix de production d’électricité majoritairement nucléaire à l’horizon 2050 », ce qui laisse une latitude suffisante.
En effet, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, nous souhaitons sortir plus vite des énergies fossiles en nous appuyant à la fois sur la relance de l’énergie nucléaire et sur l’accélération du déploiement des énergies renouvelables. Contrairement à d’autres groupes, nous pensons que ces technologies sont complémentaires.
L’amendement du rapporteur est très intéressant, car les pourcentages et les puissances relèvent davantage du domaine réglementaire. Nous voterons donc pour cet amendement et, s’il n’était pas adopté, nous inviterions à voter pour le CE116.
M. Julien Brugerolles (GDR). Je soutiens également l’amendement du rapporteur. Tout d’abord, nous avons fait l’erreur d’inscrire dans la loi un objectif de 50 % de nucléaire dans la production d’électricité qui était intenable ; ensuite, on observe chaque année des fluctuations de la production d’électricité d’origine nucléaire ou renouvelable, ce dont les objectifs en pourcentage ne tiennent pas compte.
Je suis moi aussi partisan d’un mix associant le nucléaire et les énergies renouvelables, en prévoyant les moyens nécessaires à leur développement. L’amendement qui nous est proposé prend en compte ces objectifs.
M. Maxime Amblard (RN). Je suis partagé. Il est exact que les pourcentages ne signifient pas grand-chose, d’autant que le texte mentionne ensuite des puissances installées, ce qui est beaucoup plus concret. Dans ces conditions, on peut effectivement supprimer l’alinéa 5.
En revanche, je m’interroge davantage sur la suppression des objectifs de décarbonation qui figurent à l’alinéa 6. Ces derniers font l’objet d’un consensus, car nous voulons réduire la dépendance aux énergies fossiles.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Il y a quelque chose que je ne comprends pas, monsieur le rapporteur. Vous proposez de supprimer des pourcentages tout en proposant de conserver l’alinéa 7, qui prévoit des objectifs non seulement en matière de puissance des capacités installées de production d’électricité nucléaire, mais aussi s’agissant du nombre de réacteurs. Or, la PPE sera fondée sur des hypothèses de production d’électricité. Vous dites qu’on ne doit pas faire figurer des pourcentages dans la loi, mais n’importe qui pourra les calculer à partir des puissances fixées par la proposition. Il y a quand même une forme d’hypocrisie dans vos arguments.
Par ailleurs, vous proposez de supprimer l’ensemble des éléments programmatiques concernant les puissances installées pour toutes les énergies renouvelables, alors que vous maintenez ces éléments lorsqu’il s’agit du nucléaire. Pourquoi n’appliquez-vous pas le même raisonnement à toutes les formes de production d’énergie ? Il y a là manifestement une volonté de plaire au Rassemblement national et d’écrire une loi de sabotage des énergies renouvelables. Tout pour le nucléaire, rien pour les énergies renouvelables : voilà votre loi.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je me serai bien passé de ce procès d’intention, même si vous êtes coutumier du fait, monsieur Tavel.
Mais, sans rancune, je vais commencer par vous expliquer ce que vous n’avez pas compris. Cela vient sans doute de ce que vous n’avez pas voulu écouter ce que j’ai dit lors de la présentation du texte. Une loi, surtout de programmation, est destinée à fixer des grands objectifs. Peut-être êtes-vous capable de déterminer au point de pourcentage près quelle sera l’origine de la production d’énergie dans cinq ou dix ans, mais tel n’est pas mon cas. Je n’ai pas l’impression de rendre service à mes électeurs si je leur dis que le nucléaire représentera 62 % de la production d’électricité en 2035, parce que c’est ce qui figure dans la loi et que l’intendance suivra. Je tiens d’ailleurs le même raisonnement pour l’ensemble de la production d’énergie décarbonée, qu’il s’agisse d’énergies renouvelables ou de nucléaire.
Pourquoi conserver dans le texte des objectifs de production en térawattheures (TWh) pour la production d’électricité d’origine nucléaire ? Tout simplement parce que fixer un cadre général pour les appels d’offres destinés à installer des panneaux photovoltaïques sur votre toit n’est pas exactement du même ordre pour la puissance publique que de s’engager dans la construction de réacteurs nucléaires – vous en convenez d’ailleurs, puisque vous estimez qu’il s’agit de projets extrêmement importants qui doivent être débattus au Parlement.
Monsieur Amblard, je propose de supprimer l’alinéa 6 pour une raison simple. D’une part, l’objectif de décarboner le mix électrique à plus de 90 % est déjà atteint. D’autre part, l’objectif qui consiste à décarboner le mix énergétique à plus de 50 % à l’horizon 2030 figure aussi à l’article 8.
Monsieur Nury, je me suis posé la même question que vous. Le texte prévoit de maintenir la part du nucléaire dans la production d’électricité à plus de 60 % à l’horizon 2030. En pratique, un gouvernement pourrait donc décider, à l’avenir, d’arrêter des réacteurs si cette part s’élève à 62 %, alors même que le parc installé permettrait d’atteindre les 75 %. Je n’y suis évidemment pas favorable, mais je donne cet exemple pour montrer que l’inscription d’un pourcentage dans la loi n’est pas une garantie.
Monsieur Benbrahim, l’article 5 fixe à l’industrie un objectif de production d’électricité décarbonée d’au moins 560 TWh, mais aussi un objectif de production nationale de chaleur renouvelable et de récupération.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements CE196 à CE484 tombent.
Amendement CE543 de M. Antoine Armand, sous-amendement CE563 de M. Karim Benbrahim, sous-amendements en discussion commune CE583 de Mme Julie Laernoes et CE562 de Mme Marie-Noëlle Battistel
M. Antoine Armand, rapporteur. Je propose de déplacer l’alinéa 8, qui porte sur le maintien en fonctionnement des installations nucléaires existantes, avant les alinéas relatifs au déploiement de nouvelles capacités nucléaires.
M. Karim Benbrahim (SOC). Le sous-amendement CE563 précise que la prolongation jusqu’à soixante années de la durée d’exploitation du parc électronucléaire historique doit permettre d’atteindre l’objectif de production de 63 GW.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Le sous-amendement CE583 vise à supprimer l’objectif d’atteinte d’une capacité installée de production d’électricité d’origine nucléaire d’au moins 63 GW en 2035. Fixer l’objectif de cette manière revient à entériner la prolongation des réacteurs existants, indépendamment de leur état.
Une telle mesure est discutable tant du point de vue de la sûreté que du point de vue industriel. Des incertitudes techniques entourent la prolongation des réacteurs exploités par EDF et font peser un risque sur la sécurité d’approvisionnement électrique de notre pays. Qu’on se rappelle que la moitié du parc a été mise à l’arrêt en 2022 en raison d’un phénomène de corrosion sous contrainte lié au vieillissement.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Le sous-amendement CE562 vise à tenir compte de la mise en service du réacteur n° 3 de Flamanville, qui a porté la capacité installée du parc à la cible de 63 GW. Il convient désormais de fixer un objectif de maintien de cette capacité, en particulier par la prolongation à soixante années du parc nucléaire historique, sous réserve de l’avis de l’ASNR.
M. Antoine Armand, rapporteur. Nous ne sommes pas forcément en désaccord, monsieur Benbrahim. Considérez-vous que la prolongation jusqu’à soixante années est une limite à ne pas dépasser ? Mon avis sur votre sous-amendement dépendra de votre réponse.
Le sous-amendement de Mme Laernoes est satisfait. Le texte prévoit de maintenir en fonctionnement toutes les installations de production d’électricité d’origine nucléaire, sous réserve de la protection des intérêts mentionnés au premier alinéa de l’article L. 593-1 du code de l’environnement. Il reviendra bien entendu à l’ASNR de décider si l’on continue de faire fonctionner un réacteur. Sous réserve de son autorisation, tous les réacteurs existants pourront fonctionner, ce qui permettrait d’atteindre une puissance de 63 GW.
Avis favorable au sous-amendement CE562, qui améliore la rédaction.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous allons voter pour le sous-amendement de Mme Laernoes et contre le reste.
Notre parc de réacteurs nucléaires a été construit progressivement, et la prolongation des réacteurs occasionnera des visites décennales lorsqu’ils atteindront 40 ou 50 ans. De ce fait, treize réacteurs en moyenne, soit 25 % du parc, seront à l’arrêt pendant plusieurs mois au cours de chacune des dix prochaines années.
Comme l’avait indiqué M. Doroszczuk, dernier président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), « la durée d’exploitation des réacteurs existants ne saurait être la variable d’ajustement d’une politique énergétique mal calibrée ». J’ai bien peur que ce soit le chemin sur lequel vous souhaitez nous emmener.
M. Karim Benbrahim (SOC). Cela fait deux fois que l’on ne se comprend pas, monsieur le rapporteur.
Nous proposons d’inscrire dans cette loi de programmation l’objectif qui consiste à porter à soixante ans la durée d’exploitation des réacteurs nucléaires, sous le contrôle de l’ASNR – et donc de procéder aux investissements nécessaires pour atteindre cet objectif. Cette loi de programmation est destinée à être révisée tous les cinq ans.
Tout en s’appuyant sur l’exploitation des réacteurs pendant soixante ans, il convient de procéder à d’autres investissements, notamment pour développer les énergies renouvelables, afin d’assurer une production répondant aux besoins.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Dans chacun de ses rapports annuels, l’autorité de sûreté rappelle avec constance que les réacteurs existants ont été conçus pour quarante ans. Un certain nombre d’arrêts sont programmés pour leur maintenance et, comme l’a relevé Maxime Laisney, de nombreux réacteurs pourraient ne pas fonctionner simultanément.
Il me paraît plus prudent de s’en tenir à un objectif de maintien en fonctionnement des installations, plutôt que de prévoir de manière dangereuse d’atteindre un objectif de production, quoi qu’il en coûte.
Dans tous les cas, je vous invite à voter le sous-amendement de Julie Laernoes.
M. Antoine Armand, rapporteur. La durée de vie des centrales nucléaires est un sujet important, qui mérite que nous nous y attardions. C’est pourquoi je pose de nouveau la question à M. Benbrahim : la rédaction que vous proposez signifie-t-elle que vous souhaitez l’arrêt des réacteurs au bout de soixante ans, ou bien que leur exploitation reste envisageable passé ce délai ?
M. Karim Benbrahim (SOC). Procédons aux investissements nécessaires pour atteindre une prolongation de soixante ans. L’autorité de sûreté pourra le cas échéant décider qu’il faut arrêter les réacteurs auparavant. Cette loi de programmation sera révisée tous les cinq ans, et nous verrons comment il convient de l’ajuster en fonction des informations disponibles. Mais l’objectif fixé par la loi reste d’atteindre soixante ans.
M. Antoine Armand, rapporteur. Si cela avait été possible, j’aurais sous-amendé en précisant « jusqu’à soixante années au moins » – ce qui correspond à votre souhait, si j’ai bien compris. Je suggère donc le retrait, afin de nous accorder sur une rédaction d’ici à l’examen en séance
M. Karim Benbrahim (SOC). Adoptons plutôt mon sous-amendement et travaillons à une rédaction en vue de la séance.
Successivement, la commission rejette le sous-amendement CE563 ainsi que le sous-amendement CE583 et adopte le sous-amendement CE562.
Elle adopte l’amendement CE543 sous-amendé.
En conséquence, les amendements CE206 à CE255 tombent.
Amendement CE30 de M. Joël Bruneau
M. Joël Bruneau (LIOT). Cet amendement vise à inscrire la continuité du parc nucléaire parmi les objectifs de la politique énergétique nationale, afin d’éviter toute rupture de capacité d’ici à la mise en service des nouveaux EPR, prévue à l’horizon 2038-2040. Dès lors que les conditions de sécurité sont remplies, il est justifié d’effectuer une révision du parc pour permettre une production d’électricité décarbonée et à moindre coût, puisque ces équipements sont amortis.
M. Antoine Armand. Votre amendement est satisfait par l’amendement CE543. Demande de retrait.
L’amendement est retiré.
Amendements identiques CE203 de M. Maxime Laisney et CE 364 de Mme Julie Laernoes
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Cet amendement tend à supprimer l’alinéa 7, qui prévoit la construction de pas moins de vingt nouveaux EPR et le lancement de quatorze d’entre eux d’ici à 2030.
Je ne comprends même pas qu’on puisse écrire une chose pareille dans une loi de programmation après que la Cour des comptes – qui n’est pas un repère d’écologistes ayant un couteau entre les dents – a annoncé dans un rapport que la filière EPR était un fiasco. On ne maîtrise pas la technologie à ce stade. On sait déjà que les chantiers enregistreront des retards phénoménaux, comme on a pu le constater à Flamanville, mais aussi en Finlande et au Royaume-Uni. Les nouveaux réacteurs seraient aux mieux disponibles en 2038, mais ce sera certainement plus tard.
La Cour a relevé que leur coût prévisionnel atteindrait 100 milliards d’euros, soit une augmentation de 30 % en un an. Le coût du mégawattheure issu de ces réacteurs pourrait s’élever à 92,9 euros, ce qui est exorbitant. Autrement dit, ça ne sera même pas rentable.
Les objectifs affichés dans cette proposition sont le reflet d’une confiance délirante dans une technologie qu’on ne maîtrise pas. Ce n’est pas sérieux.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Il faut supprimer l’alinéa 7 si l’on tient à une trajectoire énergétique crédible. Ce texte n’est pas un projet de loi de programmation mais une proposition de loi du Sénat, laquelle n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact.
On assiste à une fuite en avant industrielle complètement déconnectée des réalités techniques, financières et climatiques. Faut-il rappeler que le chantier de l’EPR de Flamanville dure depuis dix-huit ans et que le réacteur n’est toujours pas en service ? Le coût de ce projet est passé de 3,3 à 24 milliards d’euros. Même chose pour la centrale nucléaire d’Hinkley Point, dont la mise en service a été repoussée à 2030, avec un coût qui s’élève à 54 milliards – dont 85 % sont à la charge d’EDF, donc du contribuable français.
En 2021, le coût annoncé des six EPR 2 était de 51,7 milliards. EDF l’estimait à 67,4 milliards à la fin de 2023, avant même la pose d’une première pierre. Et le nouveau PDG de cette entreprise a indiqué qu’il fournirait une nouvelle estimation à la fin de l’année.
On inscrit dans la loi un programme de création de nouveaux réacteurs, alors que l’on n’en connaît ni le coût, ni l’impact. C’est détonant. Si l’on est attaché à la sécurité d’approvisionnement électrique et à un coût de l’énergie raisonnable pour nos concitoyens, il faut supprimer l’alinéa 7.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je constate que l’attention aux finances publiques n’est jamais aussi aiguë que lorsqu’on parle de nucléaire. Vous avez fait, à juste titre, l’éloge des travaux de la Cour des comptes. Comme il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures, vous pourriez également vous référer à ses rapports sur la réforme des retraites, sur le transport sanitaire et sur les dépenses des collectivités locales.
Je suis évidemment défavorable à ces amendements car ils s’opposent à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Nous considérons pour notre part que c’est important.
Vous avez mentionné l’absence d’étude d’impact. Mais RTE a évalué plusieurs scénarios de production d’électricité, dont celui qui figure dans cette proposition. Même si l’on est pour le nucléaire, il faut bien entendu se pencher sur les questions relatives au financement des investissements et de prix de revient de l’énergie produite. Mais, en l’occurrence, il s’agit de choisir une direction importante pour le pays et de pouvoir en débattre en examinant les amendements suivants.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Saluons en effet le travail de la Cour des comptes, qui a remis en cause les chiffres délirants avancés par le Premier ministre au sujet du coût de la réforme des retraites…
Mme Dominique Voynet (EcoS). Monsieur le rapporteur, vous veillez de manière sourcilleuse, nous le savons, à l’efficacité de la dépense publique. Or, s’agissant du nucléaire, nous voyons bien qu’on joue avec l’argent magique, par milliards qui plus est, sans que les frais financiers soient même pris en compte, comme si les centrales pouvaient être opérationnelles du jour au lendemain.
C’est sur le caractère surréaliste de la rédaction du septième alinéa que je veux ici insister. Sans être physiciens nucléaires, nous savons tous faire une règle de trois. Pour tendre d’ici à 2050 vers 27 GW de nouvelles capacités d’origine nucléaire, seraient mobilisés, d’ici à 2026, 10 GW produits par six réacteurs de grande puissance – le calcul est à peu près juste – puis – et là, le compte n’y est pas – 13 GW supplémentaires issus de huit réacteurs électronucléaires de 1 670 MW de puissance et d’un petit réacteur modulaire. Il faut apprendre à compter !
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Je me souviens, monsieur le rapporteur, d’une personnalité peu suspecte d’être antinucléaire, très investie dans les questions énergétiques, ayant utilisé en ma présence l’expression de « Flamanville 4 » au sujet du projet d’EPR 2 afin de dénoncer les risques financiers et technologiques attachés à ce programme. Nous ne pouvons que nous interroger à notre tour sur le caractère hasardeux de ce pari financier et industriel : qu’arrivera-t-il si, aux alentours des années 2040, ces nouveaux réacteurs ne sont pas là pour soutenir notre capacité à produire de l’électricité dont nous avons besoin ?
M. Antoine Armand, rapporteur. Voilà qui est totalement déplacé : M. Tavel fait preuve non seulement d’un manque de courtoisie élémentaire en citant publiquement des propos que j’aurais tenus en privé, mais aussi d’un surcroît de malhonnêteté intellectuelle en les déformant – nos échanges avaient pourtant été excellents jusqu’ici. Je me dois donc de préciser que si j’ai pu employer cette expression, c’est pour signifier que le travail de n’importe quel député de la nation est de s’assurer que la mise en œuvre de ce nouveau programme nucléaire respecte le bon usage des deniers publics afin d’éviter un Flamanville 4, perspective que personne ne souhaite, à moins d’être, comme vous peut-être, animé d’une volonté d’autodestruction nationale. Cela implique donc de poser les bonnes questions au moment de la présentation du schéma financier et des futurs contrats d’allocation de production nucléaire.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE484 de M. Maxime Amblard, amendement CE545 de M. Antoine Armand et sous-amendement CE634 de M. Jérôme Nury, amendement CE223 de Mme Marie-Noëlle Battistel (discussion commune)
M. Maxime Amblard (RN). Il importe de développer massivement le parc nucléaire, non seulement pour produire en abondance une énergie décarbonée abordable – le nucléaire étant, avec l’hydraulique, la source d’énergie décarbonée qui exige le moins de matériaux par quantité d’électricité produite : c’est de la physique –, mais aussi pour anticiper la mise à l’arrêt de réacteurs historiques. Nous proposons donc un ambitieux plan en trois phases pour développer d’ici à 2050 de nouveaux réacteurs. Notre capacité de production s’élèverait à 900 TWh d’électricité décarbonée pilotable et abordable, reposant sur des capacités installées de 130 GW, dont 70 GW grâce à de nouvelles infrastructures.
M. Antoine Armand, rapporteur. Notre amendement réécrit l’alinéa 7 pour mettre en correspondance relance nucléaire et capacités industrielles d’EDF, telles que de récents travaux, notamment ceux de RTE, les ont mises en évidence. La référence à la construction d’au moins 10 GW de nouvelles capacités serait maintenue, en précisant qu’elle devra être engagée au plus tard en 2026, date au‑delà de laquelle serait lancée la construction de 13 GW supplémentaires sans qu’il soit fait mention de l’échéance de 2030 qui ne paraît pas réaliste. C’est un changement important s’agissant des réacteurs, puisqu’on passerait des 6 + 8 en étude aux 6 + 8 en construction.
M. Jérôme Nury (DR). L’amendement du rapporteur n’offre qu’une faible visibilité aux investisseurs et à la filière, notamment au regard de ses besoins de formation. C’est la raison pour laquelle nous voulons détailler le planning : 10 GW au plus tard en 2026 ; 13 GW en 2035 et une dernière tranche de 4 GW d’ici à 2050, ce qui nous permet de retrouver les 27 GW à l’horizon 2050 mentionnés dans la version initiale de la proposition de loi.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Monsieur le rapporteur, la crédibilité financière que vous évoquiez est au cœur de notre amendement de repli : compte tenu des retards constatés depuis dix ans, il nous paraît bon de préciser que le lancement du nouveau programme devra correspondre aux capacités industrielles, financières et humaines d’EDF. Il importera aussi que les prix du nouveau mix soient pertinents afin qu’ils soient les plus bas possible pour les consommateurs.
M. Antoine Armand, rapporteur. Monsieur Amblard, votre objectif de production d’ici à 2050, qui suppose la construction d’une cinquantaine de réacteurs, paraît extrêmement ambitieux au regard des capacités d’EDF, qui sont les seules sur lesquelles nous pourrons nous appuyer puisque, conformément à vos votes, chers collègues, cette société aura le monopole de la construction et de l’exploitation des centrales. Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Monsieur Nury, je suis sensible à vos arguments, mais j’ai un doute sur notre capacité à atteindre l’objectif que vous fixez à partir de 2035 et vous propose d’y revenir en séance. Sagesse, donc.
Madame Battistel, votre amendement évoque la construction de huit réacteurs d’ici à 2050 : cela suppose-t-il que la construction de deux réacteurs viendra s’ajouter à celle des six que la version actuelle du texte prévoit pour 2026 ?
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous entendons dès à présent subordonner le lancement du nouveau programme aux capacités d’EDF.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Mettons qu’il soit techniquement et financièrement possible de construire quarante-deux centrales nucléaires supplémentaires d’ici à 2050 – hypothèse hasardeuse s’agissant d’installations encore au stade du design – et tirons-en des conclusions, car il faut dire les choses comme elles sont au lieu de donner des leçons de physique nucléaire : à terme, cela nous exposerait de nouveau à l’effet falaise dénoncé par tous. Cette logique de stop and go n’a aucun sens !
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). L’objectif fixé par le Rassemblement national est délirant : atteindre 70 GW en vingt-cinq ans alors qu’il nous a fallu quarante ans pour arriver à 63 GW, et cela en s’appuyant sur une technologie coréenne après avoir dépendu d’une technologie américaine, celle de Westinghouse. Élargissons la focale : dans le monde, si l’on met à part la Chine et, dans une moindre mesure, la Russie qui continuent à construire des réacteurs, le nucléaire est à l’arrêt. Le pic de la production se situe vingt ans en arrière : le nucléaire est une énergie du passé. Emmanuel Macron a sans doute oublié que le triplement des capacités nucléaires mondiales, auquel appelait une déclaration commune de la COP28 qu’il a signée, implique un épuisement de l’uranium naturel vers 2060. Votre proposition, monsieur Amblard, se heurte aussi à des limites physiques.
M. Maxime Amblard (RN). Monsieur Laisney, vous démontrez une nouvelle fois votre incapacité à suivre le débat. Notre amendement fait reposer la dernière phase sur des réacteurs de quatrième génération qui permettraient d’exploiter les 350 000 tonnes disponibles d’uranium appauvri, ressource que nous avons déjà réussi à utiliser avec des moyens technologiques et techniques moins avancés.
Une dernière remarque : si je comprends bien, monsieur le rapporteur, votre amendement prévoit un objectif moins ambitieux que celui affiché dans la proposition de loi.
La commission rejette successivement les amendements ainsi que le sous‑amendement.
Amendements CE252 de M. Karim Benbrahim et CE135 de M. Jérôme Nury (discussion commune)
M. Karim Benbrahim (SOC). La proposition de loi sénatoriale, en donnant une place exorbitante au nucléaire, écarte les efforts que nous devons consentir pour réduire notre consommation d’énergie et développer les énergies renouvelables. Pour notre part, nous défendons un mix énergétique équilibré, alliant sobriété et efficacité : il s’appuie sur une part de nucléaire pour accompagner la transition vers un essor des énergies renouvelables et anticipe la fermeture des centrales du parc historique. Cet amendement de repli va en ce sens.
M. Jérôme Nury (DR). Nous souhaitons faire des 27 GW de nouvelles capacités non un plafond, mais un plancher, afin d’afficher une ambition forte pour notre politique nucléaire.
M. Antoine Armand, rapporteur. Monsieur Benbrahim, comme pour les autres amendements de votre groupe, je m’interroge sur ce que recouvrent les termes « à l’horizon 2050 » : cela signifie-t-il que la construction des nouveaux réacteurs doit commencer dès maintenant ?
Sur l’amendement de M. Nury, qui affiche une ambition plus forte sans pour autant contraindre, j’émettrai un avis favorable.
M. Karim Benbrahim (SOC). Nous vous avons déjà répondu, monsieur le rapporteur : nous fixons simplement un objectif pour 2050, considérant que la loi n’a pas à déclencher les investissements et à tout définir.
M. Antoine Armand, rapporteur. J’aimerais revenir sur le vote précédent : en rejetant mon amendement CE545, qui proposait une ambition moindre que la version sénatoriale, le groupe LFI a signifié qu’il souhaitait plus de nucléaire d’ici à 2035.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CE224 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CE462 de M. Joël Bruneau (discussion commune)
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Les petits réacteurs modulaires utilisés actuellement le sont à des fins militaires, dans les sous-marins ou les porte‑avions, et répondent à des exigences de sûreté et de sécurité particulières. Toutefois, dans le domaine civil, il n’existe aucune doctrine d’emploi pour leur future installation : s’agit-il de renforcer les capacités de production du réseau grâce à des chaudières de moindre puissance ou bien d’alimenter de grandes plateformes industrielles ? Il manque aussi une évaluation de leur pertinence économique et industrielle. C’est la raison pour laquelle, dans ce nouvel amendement de repli, nous excluons pour ces SMR toute fixation d’objectifs quantitatifs.
M. Joël Bruneau (LIOT). Nul doute que, parmi la quinzaine de projets de SMR sur lesquels se penchent actuellement plusieurs start-up, certains aboutiront, mais soyons réalistes, ces réacteurs ne pourront être opérationnels d’ici à 2030. Il importe donc de ne pas les mentionner dans l’objectif de construction de nouvelles structures pour 2030.
M. Antoine Armand, rapporteur. Madame Battistel, il me semble que votre amendement aurait dû porter sur la première et non sur la deuxième phrase de l’alinéa 7. Avis défavorable.
Je serai favorable, en revanche, à l’amendement de M. Bruneau. Supprimer cet objectif de construction de SMR de la loi n’empêche nullement les constructeurs de le réaliser. En outre, s’agissant des petits réacteurs, il me semble que nous devons concentrer nos efforts sur le soutien à la construction des réacteurs de quatrième génération, objet de l’un de mes amendements à venir.
La commission adopte l’amendement CE224.
En conséquence, l’amendement CE462 tombe.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je suis stupéfait de ce qui vient de se passer. Madame Battistel, vous avez défendu un amendement visant à supprimer la mention d’un petit réacteur modulaire. Je vous ai indiqué que la phrase visée par l’amendement n’était pas la bonne. Un sous-amendement n’était pas possible, puisqu’il ne pouvait pas porter sur la phrase appropriée. Malgré cela, en votant l’amendement, nous avons supprimé la mention de la construction de nouvelles capacités nucléaires à l’horizon 2030. Il me semble que le scrutin n’est pas sincère, à moins que votre intention n’ait été de supprimer la phrase relative au nouveau nucléaire – mais ce n’est pas ainsi que vous l’avez présentée.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je comprends votre désaccord, monsieur le rapporteur, mais le vote est souverain.
Amendement CE31 de M. Joël Bruneau
M. Joël Bruneau (LIOT). Il s’agit d’obtenir, par le biais d’une loi de programmation, des précisions sur le montant prévisionnel des investissements liés aux nouvelles capacités de production d’électricité d’origine nucléaire.
En dépit du précédent de Flamanville, il serait intéressant qu’EDF chiffre le montant de l’investissement global nécessaire pour atteindre les objectifs que nous inscrivons dans le texte.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je partage votre préoccupation, mais une loi de programmation ne me semble pas être l’outil idoine. Je vous demande donc le retrait de l’amendement.
M. Joël Bruneau (LIOT). Je le retire, mais une estimation plus précise serait bienvenue.
L’amendement est retiré.
Amendement CE253 de M. Karim Benbrahim
M. Karim Benbrahim (SOC). L’adoption de l’amendement de Mme Battistel a permis la suppression de la deuxième phrase de l’alinéa 7, qui prévoyait la construction, à laquelle nous nous opposons, de 23 GW de nouvelles capacités nucléaires.
Cet amendement tend, par cohérence, à supprimer la troisième phrase du même alinéa, qui va encore plus loin en planifiant l’étude de 10 GW de capacités supplémentaires.
M. Antoine Armand, rapporteur. Sans vouloir relancer le débat, l’amendement de Mme Battistel n’a pas été présenté comme vous venez de le faire.
Par votre amendement, vous vous opposez à la simple étude de la construction de nouveaux réacteurs. C’est pour le moins contradictoire de la part de ceux qui ne cessent de réclamer, à raison, une meilleure information sur les coûts et le calendrier.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). C’est votre droit d’être en désaccord avec les votes. En revanche, j’ai relevé, à plusieurs reprises, des remarques particulièrement désobligeantes à l’endroit notamment des collègues de gauche, et ce quel que soit leur avis sur le texte et sur le nucléaire. Il serait bon de revenir à une attitude plus respectueuse à l’égard de l’opposition, à laquelle vous appartiendrez peut-être demain, afin de pouvoir travailler dans des conditions plus sereines.
S’agissant de l’amendement, une étude ne mobilise pas seulement quelques personnes dans un bureau. Elle implique des processus très longs et coûteux – en temps, en énergie, et en deniers publics. Quand on sait le temps qu’il faut à EDF pour chiffrer les six premiers réacteurs électronucléaires de grande puissance, l’étude envisagée sera nécessairement structurante pour l’entreprise. Les forces vives d’EDF seraient mieux employées à autre chose.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. J’invite l’ensemble des collègues à se concentrer sur le fond des débats.
M. Antoine Armand, rapporteur. Il me paraît contradictoire de s’opposer à une étude quand on en réclame à chaque amendement.
Mme Julie Laernoes (EcoS). À moins que le discours de Belfort du Président de la République en tienne lieu, aucune loi n’a entériné la relance du programme nucléaire. Cela n’a pas empêché le Gouvernement de lancer plusieurs études sur le sujet.
Le groupe Écologiste est parfaitement cohérent, monsieur le rapporteur, puisqu’il a défendu la suppression de la totalité de l’alinéa 7, puis la deuxième phrase seulement, puis la troisième.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CE366 de Mme Julie Laernoes et CE209 de M. Maxime Laisney (discussion commune)
Mme Julie Laernoes (EcoS). Pour en finir avec trois mythes et trois choix industriels dépassés, l’amendement vise à supprimer la prolongation des installations de retraitement au-delà de 2040 ; l’objectif de 20 % de combustibles issus de matières recyclées d’ici à 2040 ; la relance des réacteurs à neutrons rapides. Ces options sont non seulement fragiles sur le plan technique, mais aussi totalement délirantes sur le plan financier.
En matière de retraitement, 27 milliards d’euros seraient nécessaires pour prolonger les installations actuelles jusqu’en 2040 et, pour la suite, rien n’est chiffré. Cette stratégie n’a fait l’objet d’aucun débat, alors que tous les autres pays l’ont abandonnée. Même l’ASN a évoqué en 2022 la fin possible de cette exception française. Pourtant, nous continuons par réflexe, additionnant coûts et risques.
Quant au recyclage, c’est une illusion. Le MOx ne s’utilise que dans certaines centrales, ne se recycle qu’une fois et produit des déchets encore plus complexes à gérer.
S’agissant de la relance des réacteurs à neutrons rapides, après le fiasco de Superphénix et l’abandon d’Astrid, pourquoi vouloir injecter des milliards dans une filière instable et non maîtrisée ?
Compte tenu des contraintes budgétaires, il serait préférable de concentrer nos moyens sur des solutions crédibles et utiles à la transition énergétique. Celles que propose le texte ne servent qu’à obérer un débat essentiel : que faire des tonnes de déchets nucléaires que nous ne savons pas traiter et dont nous ignorons les coûts afférents ?
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Il est question ici de retraitement à La Hague, zone la plus nucléarisée au monde, je le rappelle.
M. Macron a décidé seul, dans le secret du Conseil de politique nucléaire, de la construction de nouvelles piscines, qui sera finalement confiée non pas à EDF mais à Orano, sans qu’on en connaisse le coût.
Pourquoi en sommes-nous là ? Parce que les piscines de La Hague arrivent à saturation, laquelle est en partie liée à la difficulté à faire quelque chose du MOx. Selon l’ASNR, il reste neuf mois de fonctionnement du parc nucléaire avant que les piscines ne soient saturées. C’est dire la fragilité du nucléaire sur lequel repose encore l’essentiel de notre production d’électricité.
Le Cotentin a prévu de se mobiliser contre les nouvelles installations à La Hague du 18 au 20 juillet. Je vous y invite.
M. Antoine Armand, rapporteur. Avis défavorable à ces amendements de suppression, qui interdisent de débattre de la rédaction des alinéas.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE488 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). Dans la perspective du développement des réacteurs de quatrième génération, il est nécessaire d’augmenter les capacités de retraitement et de valorisation des combustibles usés.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je ne suis pas opposé à l’amendement, mais il me semble satisfait par la rédaction actuelle. Sagesse, donc.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE254 de M. Karim Benbrahim
M. Karim Benbrahim (SOC). Il s’agit de remettre en cause l’objectif faisant du retraitement et du recyclage des combustibles usés leur principal mode de gestion. Ce choix technologique incombe à la filière.
M. Antoine Armand, rapporteur. Au nom de la neutralité technologique, je suis favorable à l’amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE272 de Mme Anne Stambach-Terrenoir
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Cet amendement de repli vise à exclure l’export de déchets nucléaires.
Notre ligne de conduite doit être de limiter la production de déchets et d’en assurer le traitement dans notre pays, non de les exporter, en particulier les déchets nucléaires dont on connaît la dangerosité.
En outre, le partenariat avec la Russie de M. Poutine et Rosatom pour enrichir l’uranium de retraitement contredit la souveraineté à laquelle nous sommes tous attachés.
M. Antoine Armand, rapporteur. L’amendement n’a pas de sens, puisque la France n’exporte pas de déchets nucléaires, si l’on s’en tient à leur définition. Mon avis est donc défavorable.
M. René Pilato (LFI-NFP). Voici une occasion d’éprouver la cohérence des uns et des autres. Certains ici croient à la transmutation, au recyclage, etc. Je les invite à voter l’amendement.
Mme Louise Morel (Dem). Dans l’esprit de l’amendement, tous les déchets de type nucléaire sont concernés. Puisque vous voulez interdire l’exportation, êtes-vous prêts à allouer des crédits à la construction d’un centre de traitement des déchets en France afin d’assurer notre autonomie dans ce domaine ? Je cherche la cohérence de votre côté.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE215 de M. Maxime Laisney
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Il est proposé de substituer aux mots « retraitement-recyclage » celui de « retraitement ».
Il est un peu osé de parler ici de recyclage : il n’est pas question de papier ou de bouteilles en verre, mais de déchets nucléaires. Ensuite, cette qualification inclut le fameux techno centre de Fessenheim, dans lequel il est envisagé de fabriquer des petites cuillères à partir de déchets nucléaires. Je rappelle qu’il n’existe pas de seuil en deçà duquel l’absence de risque pour la santé humaine est avérée, selon les études épidémiologiques récentes.
L’uranium de retraitement, provenant de La Hague, est obligatoirement envoyé à Rosatom pour être réenrichi puisqu’il n’existe pas d’autres installations capables de le faire dans le monde.
M. Antoine Armand, rapporteur. Le projet de techno centre de Fessenheim concerne des métaux à faible radioactivité, absolument pas des combustibles usés. L’amendement n’est donc pas pertinent.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE546 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. L’amendement vise à supprimer une précision inutile.
La commission adopte l’amendement.
4. Réunion du mardi 3 juin 2025 à 21 h 30 : examen des articles (suite)
Article 3 (suite) (articles L. 100-2 et L. 100-4 du code de l’énergie) : Définition des objectifs de politique énergétique liés à l’énergie nucléaire et à la décarbonation des mix électrique et énergétique
Amendement CE547 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Il vise à supprimer les objectifs chiffrés de réduction de la consommation d’uranium par le recours aux matières recyclées dans les combustibles nucléaires. Nous partageons l’objectif, mais inscrire des pourcentages dans la loi risque d’affaiblir notre capacité à suivre les évolutions technologiques du recyclage, voire du traitement du combustible.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE226 de Mme Marie-Noëlle Battistel
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous proposons de supprimer l’alinéa 11, qui prévoit de soutenir le développement de réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium. Certes, les avantages sont indéniables, tant en matière de cycle du combustible que pour éviter la fusion du réacteur, mais ces réacteurs restent dangereux en raison des propriétés du sodium – risques d’embrasement dans l’air ou de réaction explosive avec l’eau. Par ailleurs, l’électronucléaire étant une énergie de transition, il n’est pas utile de fixer de tels objectifs.
M. Antoine Armand, rapporteur. Le refroidissement au sodium soulève des questions, cependant je suis défavorable à la suppression de toute référence aux réacteurs à neutrons rapides.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE548 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Les nombreuses auditions organisées dans le cadre de l’Opecst, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, et de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France l’ont montré : l’arrêt du surgénérateur Superphénix, à la fin des années 1990, était une grave erreur ; de même, il aurait fallu poursuivre le programme Astrid, consacré à l’étude à et la construction d’un réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle, même en réduisant la voilure.
Je propose donc de réécrire l’alinéa 11 pour y inscrire la décision de construire un démonstrateur de réacteur à neutrons rapides au plus tard en 2030.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements CE12 de Mme Olga Givernet et CE489 de M. Maxime Amblard tombent.
Amendement CE490 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). Je propose de développer également la production de chaleur, soit avec des petits réacteurs calogènes spécifiquement construits, soit en recourant, comme la Suisse, à la cogénération nucléaire, grâce à de futures innovations. Le présent amendement vise à fixer l’objectif de 60 térawattheures par an de chaleur nucléaire en 2050.
M. Antoine Armand, rapporteur. Il faudra sans doute mentionner la fonction calogène, toutefois l’objectif me paraît difficile à atteindre.
M. Maxime Amblard (RN). Je l’ai évalué en discutant avec des représentants de Calogena et en prenant en compte la cogénération nucléaire que permettront les futures installations, à même de valoriser une bonne partie de la chaleur. L’objectif est donc raisonnable.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je regarderai plus précisément ces éléments d’ici à l’examen du texte en séance publique ; en attendant, je confirme mon avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
La commission rejette l’article 3.
Article 4 (articles L. 100-2 et L. 100-4 du code de l’énergie) : Définition d’objectifs de politique énergétique liés aux réseaux électriques, à la flexibilité, à l’hydrogène et aux technologies de capture et de stockage du dioxyde de carbone
La commission adopte l’amendement rédactionnel CE540 de M. Antoine Armand, rapporteur.
Amendements identiques CE281 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CE367 de Mme Julie Laernoes
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). L’alinéa 3 prévoit de développer les réseaux de distribution et de transport d’électricité, afin notamment de les adapter aux effets du changement climatique. L’amendement CE281 vise à supprimer la mention de l’électricité nucléaire, car l’industrie qui la produit n’est pas résiliente : les réacteurs de bord de mer sont menacés par la montée des eaux, ceux de bord de fleuve par la baisse des débits – pour les affluents du Rhône, l’échéance est à 2040. L’Organisation météorologique mondiale (OMM) a annoncé la semaine dernière que nous allions passer le cap de + 1,5 degré entre 2025 et 2029. On voit difficilement comment nous pourrons refroidir les réacteurs, a fortiori ceux de type EPR 2, qui arriveraient vers 2040.
Mme Julie Laernoes (EcoS). S’agissant de stratégie énergétique, la question de l’adaptation des réseaux est primordiale. Ce n’est pas par dogmatisme que nous voulons enlever la référence au nucléaire, mais parce qu’elle est dépassée. Notre réseau électrique a été construit selon un modèle décentralisé. Afin de le décarboner, il faut le rendre plus robuste, non seulement en vue de l’électrification des usages, mais aussi pour l’adapter à accueillir la production d’énergies renouvelables, sans parler des conséquences du changement climatique.
M. Antoine Armand, rapporteur. Avis défavorable. Il faut évidemment inclure le nucléaire dans le futur réseau, puisqu’il aura sa place dans la production.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Puisque nous avons rejeté l’article 3, il n’est plus question de nouvelles capacités de production nucléaire : par cohérence, nous devrions supprimer la mention du nucléaire à l’article 4.
Par ailleurs, le raccordement des nouvelles capacités nucléaires aurait un coût. Réseau de transport d’électricité (RTE) et Enedis ont annoncé 200 milliards d’investissements. Cette somme ne serait pas dépensée à perte pour le raccordement des seules énergies renouvelables, qui ne représenterait que 25 % du coût : les dépenses envisagées sont indispensables pour entretenir, renforcer et moderniser le réseau, qu’il faut adapter au changement climatique, en particulier si nous voulons électrifier les usages.
La commission rejette les amendements.
Amendements CE10 de Mme Olga Givernet et CE120 de M. Jean-Luc Fugit (discussion commune)
M. Jean-Luc Fugit (EPR). L’alinéa 3 prévoit de développer les réseaux afin « d’accompagner l’électrification des usages », or il faut aller plus loin. L’amendement CE10 tend à écrire qu’il faut la favoriser ; le CE120, qu’il faut l’encourager.
Jeudi matin, Daniel Salmon, sénateur du groupe Écologiste, et moi présenterons à l’Opecst notre note scientifique sur les réseaux électriques ; je vous invite à lire cette modeste contribution au débat.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je propose d’adopter le premier des deux amendements et je suggère donc à M. Fugit de retirer le second.
L’amendement CE120 est retiré.
La commission adopte l’amendement CE10.
Amendement CE549 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Il tend à remplacer « l’abaissement des coûts unitaires » par « l’optimisation des investissements ». Il faudrait veiller à diminuer chaque coût ; par ailleurs, la notion de « coût unitaire » est imprécise. Enfin, l’importance du raccordement dans les années à venir ne devrait pas conduire à une baisse de son coût. L’objectif d’optimiser les investissements est plus précis et plus atteignable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE552 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. L’amendement CE552 vise à supprimer l’alinéa 4, qui définit des objectifs très proches de ceux énoncés à l’alinéa 10, mais les inscrit à l’article L. 100-2 du code de l’énergie alors qu’il serait plus approprié de les placer à l’article L. 100-4, comme le prévoit l’alinéa 10. De plus, je défendrai dans un instant l’amendement CE554, qui tend à compéter l’alinéa 10 par un objectif d’effacement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE11 de Mme Olga Givernet
M. Antoine Armand, rapporteur. Je vous invite à retirer l’amendement CE11 au profit de l’amendement CE554.
L’amendement est retiré.
Amendements CE493 et CE492 de M. Maxime Amblard (discussion commune)
M. Maxime Amblard (RN). Ils visent à modifier respectivement l’alinéa 4 et l’alinéa 3, afin de tendre vers une structure en arborescence et non vers un mélange de stockage, de back-up, de production fatale et diffuse et de production déconcentrée : non seulement on ne s’y retrouve plus, mais cela oblige à renforcer le réseau, ce qui coûte un bras. La structure en arborescence assure une production pilotable et concentrée ainsi qu’une consommation fatale et diffuse : c’est l’organisation la plus optimisée, raison pour laquelle le réseau a ainsi été conçu après-guerre.
M. Antoine Armand, rapporteur. Avis défavorable. Faire référence à la structure en arborescence ne permet pas de décrire au mieux les choix que nous devons faire pour le réseau électrique.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CE551 de M. Antoine Armand et CE494 de M. Maxime Amblard
M. Antoine Armand, rapporteur. L’amendement CE551 vise à supprimer l’alinéa 5. En l’état, les dispositions relatives à l’effacement et à la flexibilité suffisent ; en outre, il faut simplifier le code de l’énergie.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Je suis en profond désaccord. On parle d’encourager l’autoconsommation individuelle et collective, mais celle-ci est principalement freinée par le trop faible recours au réseau. La loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables ne favorise pas suffisamment l’autoconsommation. En tant qu’élue locale, j’ai soutenu des projets en ce sens, mais ce fut difficile, alors qu’il faut produire là où l’on consomme, de manière décarbonée et renouvelable. Je ne comprends donc pas pourquoi il faudrait supprimer cet alinéa, qui prévoit d’adapter le réseau en ce sens.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). L’autoconsommation constitue un bon moyen pour gérer l’équilibre entre l’offre et la demande et pour éviter de surdimensionner les capacités de production en vue de supporter les pointes de consommation. Il ne faut pas la supprimer du texte. Néanmoins, il faut que l’autoconsommateur paie les frais de réseau, puisqu’il l’utilise – il achète et il vend –, comme l’ont montré les auditions que Philippe Bolo et moi avons menées dans le cadre de la mission d’information sur le prix de l’électricité.
M. Maxime Amblard (RN). Dans la mesure où la production d’électricité est connectée au réseau, il n’y a pas à proprement parler d’autoconsommation. Il n’y a pas de localisme en matière d’électricité. Si l’autoconsommation augmente, le réseau sera plus sollicité, il faudra le densifier, ce qui augmentera les coûts. Cela va à l’encontre de l’optimisation.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, les amendements CE230 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE333 de M. Vincent Rolland et CE426 de M. Julien Brugerolles tombent.
Amendements CE324 de M. Jean-Luc Fugit, CE141 de M. Nicolas Bonnet et CE495 de M. Maxime Amblard (discussion commune)
M. Jean-Luc Fugit (EPR). L’amendement CE324 tend à rendre les objectifs de capacité installée d’hydrogène cohérents avec la Stratégie nationale de l’hydrogène décarboné révisée, que le Gouvernement a publiée le 16 avril. Celle-ci prévoit de porter les capacités de production à 4,5 gigawatts en 2030 et à 8 en 2035.
Mme Dominique Voynet (EcoS). L’amendement CE141 vise à réécrire l’alinéa 7 en vue de développer la production d’hydrogène bas-carbone et renouvelable, ainsi que de donner la priorité aux usages qui n’ont pas d’autre solution, notamment dans l’industrie. Nous regrettons par ailleurs que les transports, par exemple, ne l’utilisent pas davantage ; toutefois, l’hydrogène bas-carbone est essentiellement nucléaire : il ne faut pas le généraliser à des usages pour lesquels l’intérêt est surtout proclamé – c’est le cas par exemple des villes qui se dotent d’un petit réseau.
M. Maxime Amblard (RN). L’amendement CE495 vise également à réécrire l’alinéa 7 afin de fixer l’objectif de 100 % d’hydrogène bas-carbone en 2035.
M. Antoine Armand, rapporteur. L’hydrogène est spécifique ; il est important que la loi définisse des objectifs en la matière. La stratégie prévoit que la capacité des installations pourra aller jusqu’à 4,5 GW. L’amendement CE324 vise à préciser qu’elle sera d’au moins 4,5 GW. Toutefois, puisque je soutiens cette ambition, j’émets un avis favorable à cet amendement et un avis défavorable aux deux suivants, qui tendent à réserver l’hydrogène à certains usages.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Nous pourrions discuter de la liste des usages réservés, mais il est nécessaire de fixer des priorités : nous n’aurons pas suffisamment d’hydrogène pour tous les emplois possibles. Il serait donc pertinent de le réserver aux consommations industrielles qui n’ont pas de solution alternative, afin qu’elles ne s’en trouvent pas privées parce que d’autres acteurs l’utiliseraient à des fins plus rentables. Une stratégie et une planification sont donc nécessaires pour utiliser au mieux cette ressource qui restera rare.
M. Charles Fournier (EcoS). Il ne faut pas reproduire avec l’hydrogène l’erreur commise par le passé avec le pétrole, en imaginant qu’il pourra tout remplacer, et entrer dans une logique productiviste. Il faut prioriser les usages, en particulier la décarbonation de l’industrie, ainsi éventuellement que les mobilités lourdes, comme le ferroviaire et les bennes à ordures. Enfin, des voies restent à explorer concernant le stockage des énergies renouvelables. Néanmoins, nous devons rester prudents : les investissements sont significatifs et les choix que nous ferons engagent l’avenir. Donc oui à l’hydrogène comme un élément du mix, et non comme une solution universelle.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Les capacités de production d’hydrogène que nous proposons de viser pour 2035 ne sont pas de nature à faire croire que l’hydrogène pourra tout remplacer. J’ajoute que la stratégie donne clairement la priorité à la défossilisation de l’industrie et à celle des mobilités lourdes, fluviale, maritime, ferroviaire et en partie routière, même si, le 28 avril, j’ai regretté à la tribune que cette dernière ne soit pas suffisamment considérée. Il est donc d’autant moins nécessaire d’inscrire des objectifs aussi précis dans la loi qu’il s’agit d’une technologie de rupture, qui connaîtra nécessairement, d’ici à 2035, des évolutions qu’il est trop tôt pour prédire.
La commission adopte l’amendement CE324.
En conséquence, les amendements CE141 et CE495 tombent ainsi que tous les amendements se rapportant aux alinéas 7 à 9.
Amendement CE122 de M. Jean-Luc Fugit
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Il vise à inscrire l’objectif de mettre en service 3 térawattheures (TWh) de capacités de stockage souterrain d’hydrogène et à assurer leur connexion à un réseau d’ici à 2035. Ces infrastructures de transport et de stockage sont essentielles pour garantir un approvisionnement continu. L’hydrogène n’est pas une énergie mais un vecteur énergétique stable ; les industriels ont besoin de ces prévisions. J’ajoute que ces infrastructures contribueront à optimiser les coûts de production et à offrir une flexibilité précieuse pour équilibrer le système électrique.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je comprends vos intentions, mais étant donné la maturité des projets et les incertitudes qui pèsent sur le secteur, il serait plus sage de nous en tenir pour commencer à un objectif en capacité installée. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE123 de M. Jean-Luc Fugit
M. Jean-Luc Fugit (EPR). L’hydrogène renouvelable et bas-carbone est un vecteur incontournable pour la décarbonation de certains secteurs. Le développement de ses usages a fait l’objet d’une modélisation par RTE (Réseau de transport d’électricité) dans le cadre d’un bilan prévisionnel d’ici à 2035. L’inscription d’un objectif en la matière dans la programmation énergétique servira notamment de base pour le cadrage d’un mécanisme incitant à réduire l’intensité carbone des carburants. Mais je crains que M. le rapporteur ne soit un peu sceptique.
M. Antoine Armand, rapporteur. Pas sceptique, mais prudent – c’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). L’Académie des sciences a présenté à l’Opecst un rapport qui pointait un certain scepticisme quant à la possibilité de produire massivement de l’hydrogène, y compris par des électrolyseurs. On peut toujours dire que cela devrait marcher, sur le plan de la physique, mais les dispositifs ne sont pas forcément très performants, parce que très énergivores. Je pense néanmoins que l’hydrogène fait partie des solutions. J’ai à cet égard une question : l’hydrogène bas-carbone comprend-il simplement celui qu’on produit avec de l’électricité d’origine nucléaire ou aussi celui produit à partir d’énergies fossiles mais en utilisant des technologies de captage et de stockage du CO2 ?
Mme Dominique Voynet (EcoS). M. Fugit a expliqué avec force détails qu’il ne fallait pas se cantonner à l’industrie et ainsi insisté sur l’utilisation potentielle de l’hydrogène dans les transports lourds. Pourquoi pas, mais je suis désolée du déséquilibre de cet amendement d’appel, travaillé avec France Hydrogène, qui fixe un objectif de 4,5 % d’hydrogène bas-carbone dans le secteur des transports à l’horizon 2035, mais ne dit pas grand-chose des 95,5 % restants, alors que le texte devrait traiter de l’utilisation massive des énergies fossiles. Vous étiez là, monsieur Fugit, quand l’Académie des sciences nous a dit qu’on ne pouvait raisonnablement utiliser l’hydrogène que dans l’industrie.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Aujourd’hui, a dit l’Académie des sciences. Or, nous sommes en train de tracer des perspectives pour les dix années qui viennent. Nul n’est capable de dire ce qui se passera dans le cas : ne laissons donc pas entendre qu’on n’arrivera pas à faire un usage raisonnable de l’hydrogène pour les mobilités lourdes. Par ailleurs, c’est un vecteur énergétique qui s’ajoute aux autres. Nous croyons à l’addition des solutions et non à des solutions uniques – l’hydrogène est ainsi très complémentaire de l’électrification.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CE553 de M. Antoine Armand, rapporteur.
Amendement CE554 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Il vise à rétablir un objectif d’effacement de la consommation afin d’inciter l’ensemble des acteurs, industries, services et agrégateurs, à proposer des capacités afin de contribuer à la flexibilité générale du système.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Quel est l’ordre de grandeur actuel de l’effacement de la consommation ?
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). C’est une chose de disposer de capacités d’effacement pour absorber un déséquilibre entre l’offre et la demande ; c’en est une autre d’en arriver là parce qu’on n’a pas été assez rapide en ce qui concerne, par exemple, les électrolyseurs pour produire de l’hydrogène lorsque l’offre est abondante. En matière d’effacement, les chiffres ne doivent pas être « en dur ». Idéalement, au lieu de débrancher, il faudrait orienter une partie de la production vers de l’hydrogène ; encore faudrait-il se donner la possibilité de le faire en temps et en heure.
Les capacités d’effacement dont il est question concernent-elles seulement les consommateurs ou aussi les producteurs ?
M. Antoine Armand, rapporteur. On parle en général d’écrêtement quand il s’agit de la production ; l’effacement ne concerne que la consommation.
L’ordre de grandeur était de 3 gigawatts ces dernières années. Il faut évidemment développer nos capacités, parce que c’est à la fois rentable économiquement et bon pour le réseau. Je dis à celles et ceux qui veulent développer au maximum les énergies renouvelables qu’on ne peut pas monter en charge sans développer la flexibilité sur le réseau électrique : l’effacement en fait partie.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE446 de Mme Louise Morel
Mme Louise Morel (Dem). Je tiens à attirer votre attention sur la place du bois dans le mix énergétique. Nous avons débattu du nucléaire, des énergies renouvelables et de l’hydraulique et nous parlerons aussi du biogaz, mais la biomasse solide est toujours absente de nos discussions. Or, ne pas aborder cette question dans le cadre de la programmation de l’énergie serait une erreur. Nous défendrons donc plusieurs amendements à ce sujet.
Beaucoup de nos concitoyens utilisent pour se chauffer la biomasse solide, par exemple des granulés de bois, tout particulièrement dans les régions les plus forestières, qui parfois sont aussi les plus froides. Intégrer une référence à la biomasse solide à l’alinéa 10 de l’article L. 100‑4 du code de l’énergie nous semble donc utile. Nous rendrons notre mix énergétique plus résilient en ne nous bornant pas à mettre en avant le tout-électrique. La biomasse solide est une énergie de stockage qui permet notamment de faire face aux pics hivernaux de demande d’électricité, donc de limiter le risque de black-out, comme en ont connu d’autres pays.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je souscris pleinement à votre ambition au sujet de la biomasse solide, mais cet article n’est pas forcément la meilleure place pour aborder cette question, puisqu’il concerne la flexibilité en matière de consommation ou de stockage d’énergie. Vous avez totalement raison sur le fond, les pellets sont une manière de stocker de l’énergie, mais ils n’offrent pas une flexibilité du même ordre que le reste au sein du réseau. Je vous propose de retirer cet amendement, pour trouver d’ici à la séance où insérer un objectif concernant la biomasse solide.
Mme Louise Morel (Dem). Merci pour ces explications. Je retire l’amendement, mais nous souhaitons vraiment trouver une accroche claire et précise pour la biomasse solide : il faut mentionner toutes les énergies quand il est question de programmation.
L’amendement est retiré.
Amendement CE142 de M. Nicolas Bonnet
M. Charles Fournier (EcoS). Il s’agit de supprimer les objectifs très ambitieux portant sur la captation et le stockage de carbone. Il peut être intéressant d’évoquer dans ce texte les technologies de captation du carbone, mais nous avons des doutes en ce qui concerne le stockage, en particulier géologique. Il présente, en effet, des difficultés absolument colossales et peut poser des questions pour notre avenir. Plus on se fixe des objectifs ambitieux en matière de stockage, plus on laisse à penser qu’on pourrait se dispenser d’une atténuation du changement climatique passant par une réduction des émissions de gaz à effet de serre, qu’il s’agirait de capter et de stocker. Par ailleurs, les objectifs fixés sont considérables, alors que ces technologies sont très consommatrices d’énergie. Pour toutes ces raisons, il ne nous semble pas raisonnable de maintenir l’alinéa 11.
M. Antoine Armand, rapporteur. On peut discuter de l’ampleur des ambitions, mais supprimer toute mention des technologies de captage et de stockage du dioxyde de carbone laisserait entendre qu’il existe une hostilité à leur égard. Avis défavorable.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Nous restons entre deux eaux, tant ce texte comporte d’incohérences, de répétitions et de formulations qui font penser que rien de tout cela n’est très réalisable, bref qu’on est dans l’incantation et dans de mauvais discours pronucléaires. Par ailleurs, le stockage de carbone ne relève pas de l’équilibre énergétique, mais des émissions de gaz à effet de serre, c’est-à-dire du climat. Cet alinéa pourrait faire croire qu’on peut continuer à cramer des énergies fossiles comme des cochons puisqu’une solution technologique magique permettra d’enterrer le CO2, comme les déchets radioactifs à Cigéo. Il faudrait travailler sérieusement pour proposer des dispositifs cohérents, moins bavards et permettant de fixer des objectifs énergétiques. Ce qui nous est proposé n’a pas sa place ici.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). La question de la captation et du stockage de carbone n’a pas grand-chose à voir avec l’équilibre du réseau électrique. Par ailleurs, les objectifs très précis qui sont prévus sont totalement disproportionnés par rapport à ce que nous pourrions raisonnablement être en mesure de faire et d’accepter. Il ne faut pas se contenter de l’idée qu’on pourra capter le carbone à la sortie : on doit défossiliser à la source. Le risque est de présenter le captage et le stockage comme une solution qui permettrait de s’exonérer de la réduction des émissions à la source partout où c’est possible : il serait plus sage de supprimer l’alinéa 11.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Vous nous dites en gros que le captage et le stockage de CO2 n’auraient rien à voir avec l’énergie. Or, les deux amendements suivants tendent à ajouter une référence à l’utilisation du CO2. Si, par exemple, on le récupère à la fin de la méthanisation, qui produit environ 55 % de méthane et le reste de CO2, et qu’on le combine avec de l’hydrogène renouvelable produit par électrolyse au moyen d’une énergie renouvelable, on augmente le rendement en CH4 en faisant, cette fois, de la méthanation, et c’est donc bien d’énergie qu’il est question. J’invite nos collègues à retirer leur amendement au profit du mien.
M. Antoine Armand, rapporteur. L’article 4 parle des réseaux, mais comporte des renvois à différents articles du code de l’énergie qui ne traitent pas que de cette question : l’argument selon lequel l’alinéa 11 n’est pas placé au bon endroit tombe.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CE14 de Mme Danielle Brulebois et CE105 de M. Jean-Luc Fugit
Mme Danielle Brulebois (EPR). L’article 4 fixe un objectif ambitieux de développement des technologies de captage et de stockage du carbone. Il serait bon de mentionner aussi son utilisation : le réemploi du carbone permet de créer une économie circulaire et d’aider les entreprises qui n’ont pas accès à des technologies bas-carbone à décarboner.
Ces technologies supposent de transporter le carbone par des canalisations, qui n’existent pas encore, ou par des camions et des bateaux, pour le stocker ensuite dans des bassins sédimentaires ou en mer du Nord ou Méditerranée, seuls exutoires possibles pour l’heure. Or, la recherche montre que le carbone peut aussi être utilisé comme ressource pour produire de l’éthanol et du diesel, qui sont alors considérés comme des carburants neutres en carbone, très recherchés par l’aviation. Par ailleurs, ces technologies permettront à des entreprises, notamment nos industries lourdes, comme la métallurgie, la chimie ou le ciment, qui n’ont pas d’autre solution, de se décarboner. Si nous voulons les garder, il faut leur donner l’espoir de parvenir à le faire un jour.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Je crois aux techniques de couplage, comme la méthanation. Elles permettent de produire de l’énergie supplémentaire et, quand on raisonne en cycle de vie, d’arriver à la neutralité carbone évoquée par ma collègue. Le rapporteur nous a dit, au début de l’examen du texte, qu’il visait plus à développer une vision, à donner une orientation, qu’à fixer des chiffres précis pour toutes les filières. Mentionner l’utilisation du CO2 dans cet alinéa permettra de donner une orientation en faveur des technologies de couplage, qui se développent, et en faveur de la recherche. Ce sera un message pour nos chercheurs de très haut niveau qui, à l’IFP Énergies nouvelles et d’autres instituts, travaillent sur ces technologies de transition.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je suis évidemment favorable à ces amendements.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Quand on prévoit non pas simplement de capter le carbone pour le stocker, mais de le réutiliser, on fait un effort, et je suis bien placé pour en parler compte tenu des projets qui existent du côté de Saint-Nazaire, notamment pour produire de l’e-méthanol et d’autres types de carburants. La limite, néanmoins, est qu’ainsi on ne cherche pas à réduire les émissions en défossilisant à la source. Ensuite, il n’est question à Saint-Nazaire que de 15 % de réutilisation, au mieux ; le reste serait stocké. Un tel ratio est faible compte tenu des sommes considérables qu’il s’agit d’investir – plus d’un milliard d’euros. La réutilisation est une option à préserver, mais il faut en discuter autrement qu’en se fixant des objectifs aussi figés et ambitieux que ceux figurant dans ce texte.
M. Charles Fournier (EcoS). Ce qui me pose problème, c’est l’ampleur des objectifs qui sont fixés et les conséquences pour la défossilisation des activités humaines. Autrement, autant utiliser le carbone si on le capte, car le stockage pose de vrais problèmes : le risque de dégazage est réel. Au Cameroun, le lac Nyos a connu un dégazage naturel de CO2 qui a causé immédiatement plus de 1 000 morts et la perte de milliers d’animaux. Le stockage en couche géologique n’est pas d’une fiabilité absolue. Il faudrait prendre en considération les risques, au lieu de se fixer des ambitions un peu sans limite.
La commission adopte les amendements.
Amendements CE617 de M. Antoine Armand, CE278 de M. Maxime Laisney et CE227 de Mme Marie-Noëlle Battistel (discussion commune)
M. Antoine Armand, rapporteur. Mon amendement vise à réécrire la fin de l’alinéa 11, qui me paraît imprécise : il est question de stocker les émissions de dioxyde de carbone des usages « pour lesquels il n’existe pas de technologie ou d’alternative ». Je propose plutôt de mentionner l’absence « d’alternative techniquement et économiquement viable permettant de réduire ces émissions ».
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). On voit bien qu’il manque une étude d’impact. Les technologies de captage, de stockage et d’utilisation du CO2 ne sont pas de petits enjeux. Je travaille sur cette question avec le sénateur Piednoir au sein de l’Opecst – nous avons déjà conduit beaucoup d’auditions. Le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) dit que c’est à la fois la solution la plus chère et la moins efficace, et l’Ademe (Agence de la transition écologique) que les émissions annuelles s’élèvent à 385 mégatonnes, quand le texte fixe un objectif de 15 mégatonnes, ce qui est assez dérisoire. Nous avons également compris que ces solutions étaient largement développées par des entreprises simplement désireuses de vendre des droits à polluer à d’autres acteurs qui ne trouveront pas de solutions ou, peut-être, ne feront pas d’efforts. Mais en réalité ils en feront d’autant moins pour décarboner leurs modes de production si on commence à mentionner des situations transitoires. C’est pourquoi nous proposons de supprimer la fin de cet alinéa.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous préférons les deux premiers amendements, qui tendent à supprimer la référence à des « situations transitoires », à celui que nous avions déposé – il est moins-disant puisqu’il vise à autoriser de telles situations jusqu’en 2035.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je préfère mon amendement à celui de M. Laisney, même s’il est quasiment identique. Avis défavorable à celui de Mme Battistel, parce que nous ne voulons pas de situations transitoires.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Nous sommes effectivement d’accord sur la suppression des situations transitoires. Le raisonnement est un peu le même qu’hier au sujet de la réouverture éventuelle de puits de pétrole ou de gaz : si on fait des investissements, ce n’est pas pour démonter les installations deux ou trois ans plus tard, vu les sommes en jeu et la nécessité de construire des réseaux. Il s’agit forcément de décisions de long terme, et non transitoires.
Nous avons une préférence pour l’amendement de M. Laisney parce que la dimension technologique y est centrale. Votre amendement, monsieur le rapporteur, inclut la notion de viabilité économique, ce qui nous semble ouvrir la voie à des interprétations qui pourraient aller à l’encontre de l’intention qui est sans doute la vôtre.
La commission rejette l’amendement CE617, puis elle adopte l’amendement CE278.
En conséquence, l’amendement CE227 tombe.
La commission adopte l’article 4 modifié.
Après l’article 4
Amendement CE447 de Mme Louise Morel
Mme Louise Morel (Dem). Cet amendement du groupe Les Démocrates porte de nouveau sur les granulés de bois – nous espérons qu’il est placé au bon endroit… Il s’agit, cette fois, de compléter l’article L. 100‑2 du code de l’énergie. Issus à 90 % de produits connexes de scierie, les granulés permettent de valoriser la production de bois d’œuvre et d’industrie grâce à de nouveaux débouchés.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je comprends l’ambition de cet amendement. Néanmoins, dans sa rédaction actuelle, il supprimerait la priorité accordée à l’alimentation dans le code de l’énergie. Le 10° de son article L. 100‑2 demande, en effet, de « valoriser la biomasse à des fins de production de matériaux et d’énergie, en conciliant cette valorisation avec les autres usages de l’agriculture et de la sylviculture, en gardant la priorité donnée à la production alimentaire [...] » Votre amendement ajouterait là : « ou aux usages de la biomasse qui viennent en valorisation de coproduits ». En pratique, l’alimentation n’aurait plus la priorité par rapport à ces usages. Selon l’exposé des motifs, il s’agirait des granulés de bois, mais le dispositif de l’amendement ne le précise pas : il s’appliquerait à l’ensemble de la biomasse. Par conséquent, demande de retrait ; sinon, avis défavorable.
Mme Louise Morel (Dem). Je comprends la difficulté que vous évoquez, mais le 10° de l’article L. 100‑2 vise d’abord à valoriser la biomasse. Il nous semble donc que c’est le bon endroit pour discuter du granulé de bois. Voulez-vous dire qu’il faudrait abandonner l’idée de mentionner son importance dans cet alinéa ou suggérez-vous de retravailler l’amendement en vue de la séance ?
Mme Dominique Voynet (EcoS). Je trouve qu’il serait raisonnable de conserver la priorité donnée à la production alimentaire, mais qu’il faudrait également insister sur le fait que la biomasse est utilisée pour se chauffer par des millions de personnes, notamment dans les zones rurales. C’est peu cher et cela permet de valoriser des coproduits, non seulement des granulés de bois, mais aussi des plaquettes et des bûches. Je suis disponible, et je pense que tout mon groupe le sera aussi, pour travailler d’ici à la séance à un amendement qui permettrait d’insister sur l’intérêt du bois énergie.
M. Antoine Armand, rapporteur. Madame Morel, ce n’est pas tellement une question de place, puisque nous avons transformé hier soir EDF en établissement public au sein du même article du code de l’énergie – il peut donc embrasser large –, mais plutôt de rédaction. On pourrait peut-être préciser qu’il s’agit de biomasse solide, en mentionnant le bois.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Si l’amendement que vous évoquez a pu être considéré comme recevable, c’est parce qu’il avait un lien au moins indirect avec le reste du texte. Il en est évidemment de même pour la biomasse.
Mme Louise Morel (Dem). Je retire l’amendement pour retravailler sa rédaction d’ici à la séance.
L’amendement est retiré.
Article 5 (article L. 100-4 du code de l’énergie) : Définition des objectifs de politique énergétique liés à la production et à la consommation d’énergie décarbonée
Amendement CE497 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). Cet amendement vise à réécrire l’alinéa 4 de l’article L. 100‑4 du code de l’énergie afin de le mettre en cohérence avec le programme du Rassemblement national. Il s’agit notamment de porter la part des énergies décarbonées à au moins 51 % de la production finale brute d’énergie en 2030, et à 99 % en 2050, ce qui signifie une production presque totalement décarbonée. Le reste de l’amendement permet de détailler ces objectifs, y compris en valeur absolue. Nous souhaitons ainsi arriver à 1 400 térawattheures de production d’énergie finale totalement décarbonnée par an à l’horizon 2050.
M. Antoine Armand, rapporteur. Demande de retrait au profit de l’amendement CE555 rectifié ; sinon, avis défavorable. Je considère que des objectifs exprimés en pourcentage, pour la production brute et la consommation par énergie, sont de nature à rendre les choses encore un peu plus complexes et ne sont pas les plus adaptés.
M. Maxime Amblard (RN). Des objectifs seulement en pourcentage, oui, mais la deuxième partie de l’amendement comporte des objectifs en valeur absolue, exprimés en térawattheures. Les deux se complètent parfaitement – c’est cohérent.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE555 rectifié de M. Antoine Armand, sous-amendements identiques CE630 de M. Karim Benbrahim et CE631 de Mme Anne Stambach‑Terrenoir, en discussion commune avec les sous-amendements CE584, CE637 et CE636 de Mme Julie Laernoes, sous-amendements CE624 de M. Maxime Laisney et CE626 de Mme Clémence Guetté, en discussion commune, sous‑amendement CE621 de M. Matthias Tavel, sous-amendements CE625 de M. Matthias Tavel et CE627 de M. Maxime Laisney, en discussion commune, sous‑amendements CE623 de Mme Clémence Guetté et CE629 de M. Matthias Tavel, en discussion commune, sous-amendements CE628 et CE633 de M. Maxime Laisney et CE622 de M. Matthias Tavel
M. Antoine Armand, rapporteur. Je propose de réécrire l’article pour ne conserver que l’objectif de 58 % d’énergies décarbonées dans la consommation finale brute, ainsi que des chiffrages quantitatifs pour la production d’électricité décarbonée, de chaleur renouvelable et de biogaz. Il ne me semble pas raisonnable, en effet, de fixer des objectifs relatifs à la part d’énergies renouvelables : dans la mesure où l’objectif final est la décarbonation du mix énergétique, ce sont bien les quantités d’énergie décarbonée produites qui nous intéressent. Il me semble aussi que celles-ci sont plus claires pour les industriels, peuvent se traduire plus facilement au niveau réglementaire et reflètent mieux l’ampleur de la transformation industrielle à mener. Pour concentrer l’article 5 sur l’électrification, je propose également de supprimer la mention de la part de biocarburants dans la consommation de carburants, visée par ailleurs par les articles 6 et 7.
Je le redis : je ne pense pas que nous soyons les plus à même de déterminer des objectifs en pourcentage ou en valeur pour chacune des énergies. Notre rôle est de fixer un cadre général permettant d’atteindre les objectifs de décarbonation et de résilience industrielle.
M. Karim Benbrahim (SOC). L’amendement de M. le rapporteur ne mentionne que les énergies décarbonnées, et non les renouvelables. De surcroît, un objectif de 58 % d’énergies décarbonées nous placerait parmi les mauvais élèves de l’Union européenne et ne nous permettrait pas d’atteindre les objectifs de la directive « RED III » relative aux énergies renouvelables. Nous proposons donc de substituer aux mots « décarbonées à 58 % » les mots « renouvelables à 44 % » : au regard des ambitions affichées en matière de développement des énergies électronucléaires, un tel objectif porterait la part d’énergies décarbonées à 67 %.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous proposons nous aussi de fixer un objectif de 44 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute à horizon 2030, en cohérence avec les engagements européens découlant de la directive « RED III » et conformément à la recommandation adressée par la Commission européenne à la France en décembre 2023. Comme nos collègues, nous tenons à ce que les objectifs portent sur les énergies renouvelables et non sur les énergies décarbonées : celles-ci englobent aussi l’énergie nucléaire et les énergies fossiles associées à des techniques de capture du carbone, si bien qu’on ne sait pas quelle serait la part des énergies renouvelables.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Mes trois sous-amendements visent un objectif similaire. Un pays comme la France, qui a accueilli la COP21 et se veut le champion du climat, doit au moins respecter les directives européennes qu’il a contribué à édicter. Or, pour atteindre l’objectif de 44 % d’énergies renouvelables, il faut porter de 58 % à 67 % l’objectif exprimé en termes d’énergies décarbonées.
Je propose aussi de ne pas évoquer un nombre précis de térawattheures, mais de viser un niveau suffisant en métropole continentale pour permettre à la France de respecter son objectif de part minimale d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie tel que fixé par la directive « RED III ».
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous avons bien compris que l’objectif était de remplacer « renouvelables » par « décarbonées », afin de substituer du nucléaire au renouvelable. Les sous-amendements CE624 et CE626 visent donc à fixer dans la loi la part d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie : le premier propose de la fixer à 44 %, tandis que le second, de repli, propose de la porter à 42,5 %. Ce serait déjà beaucoup par rapport à la situation actuelle et cela nous rapprocherait de nos engagements internationaux.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Le sous‑amendement CE621 vise à fixer à l’horizon 2050 un objectif de 100 % d’énergies renouvelables, dont plusieurs scénarios – comme celui de négaWatt ou comme le scénario M0 de Réseau de transport d’électricité (RTE) – ont démontré qu’il était atteignable. Un rapport de Greenpeace met en évidence qu’en investissant dans les énergies renouvelables les sommes investies dans le nucléaire, on éviterait quatre fois plus d’émissions de CO2 d’ici 2050, tout en produisant sur la période trois fois plus d’électricité. Nous pensons que ce modèle reste l’avenir souhaitable, qu’il répondrait à l’urgence climatique – on ne sait pas comment refroidiront les réacteurs en 2050 – et qu’il nous éviterait de crouler pendant des millénaires sous des déchets dangereux que nous ne savons pas traiter.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Nous rejetons la catégorisation en énergies décarbonées, qui vise à effacer la distinction entre nucléaire et renouvelables, et nous nous opposons à la suppression de tout objectif pour les différentes filières d’énergies renouvelables. Vous prenez le risque d’installer un brouillard législatif alors que ces filières ont besoin, au contraire, de sécurité juridique et de visibilité à long terme pour pouvoir réaliser les investissements industriels nécessaires. De surcroît, vous avez conservé des objectifs chiffrés pour le nucléaire : la moindre des choses serait qu’il y en ait aussi pour les énergies renouvelables qui, selon le Président de la République et le Premier ministre, sont à la fois abondantes, décarbonées, compétitives et souveraines.
Nous proposons, avec le sous-amendement CE625, de porter la capacité installée de production d’électricité d’origine photovoltaïque à au moins 60 gigawatts et, avec le sous-amendement CE627, à au moins 54 GW. Ces objectifs correspondent à la fourchette des scénarios de RTE, et l’utilisation de l’expression « au moins » est un geste d’ouverture qui permettra au Gouvernement d’aller plus loin si les besoins en électricité devaient augmenter. Le développement des énergies renouvelables en général, et du photovoltaïque en particulier, est une nécessité pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Les sous-amendements CE623 et CE629 concernent l’énergie hydrolienne. Il est très important que cette énergie soit mentionnée dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et que lui soient fixés des objectifs atteignables à court et à moyen terme. Le premier, travaillé avec le Syndicat des énergies renouvelables (SER), fixe un objectif minimal de 250 mégawatts immédiatement – dans l’idéal, pour atteindre 1 GW en 2030 comme le propose le second. La France dispose, avec le raz Blanchard et le passage du Fromveur, d’atouts considérables. L’énergie hydrolienne, fondée sur les marées, est renouvelable et totalement prédictible, gage de stabilité pour le réseau.
Enfin, le sous-amendement CE622 concerne l’éolien en mer. J’insiste pour que figure l’objectif de 18 GW en 2035, avec des attributions d’au moins 1 GW par an. Ce n’est pas moi qui ai fixé ce rythme, qui découle d’échanges avec les turbiniers et les Chantiers de l’Atlantique. Pour consolider et développer une filière qui compte 8 000 emplois en France, il faut lui donner de la visibilité. L’échelonnement annuel lui permettra de débloquer des investissements importants. Tout le monde reconnaît les atouts de cette énergie, en particulier sur son facteur de charge particulièrement élevé.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Le sous-amendement CE633 vise à ajouter que la part des énergies renouvelables doit représenter au moins 40 % de la production d’électricité. Quant au CE628, il propose de préciser que la production d’énergie éolienne terrestre atteint au moins 35 GW. Cet objectif permettrait de sécuriser une trajectoire proche de la trajectoire de développement actuelle, qui atteint environ 1,5 GW par an. Même dans son scénario le plus nucléarisé, RTE estime qu’il faudrait multiplier par 2,5 les capacités installées d’éolien terrestre : quoi qu’on en pense, on n’a pas le choix. Il serait donc préférable d’inscrire cet objectif dans la loi, pour être certain de l’atteindre.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je suis défavorable à l’ensemble des sous-amendements.
Je rappelle d’abord que mon amendement propose que la part d’énergies décarbonées atteigne 58 % au moins de la consommation finale brute : cet objectif n’est pas un plancher.
Ensuite, je ne comprends pas le calcul ayant permis de déterminer l’objectif de 67 % de la consommation finale brute.
Enfin, je suis défavorable à la réintégration d’un pourcentage d’énergies renouvelables pour les raisons déjà évoquées – a fortiori énergie par énergie.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Vous aurez mal lu ces sous‑amendements : ceux qui concernent les différentes énergies ne mentionnent pas des pourcentages de production ou de consommation mais une puissance installée, c’est-à-dire exactement ce que vous avez défendu pour le nucléaire. Le Président de la République lui-même, à Belfort comme à l’occasion des assises de l’économie de la mer, a donné des objectifs chiffrés. Si vous êtes en rupture avec lui, dites-le nous !
Je le répète : vous ne construirez pas de filières industrielles, ne créerez pas d’emplois et ne produirez pas d’énergie décarbonée si vous noyez les objectifs de développement des énergies renouvelables au milieu de ceux qui concernent le nucléaire. C’est une faute majeure.
M. Karim Benbrahim (SOC). Pourquoi ne mettez-vous pas votre amendement en conformité avec les objectifs européens auxquels la France a souscrit, monsieur le rapporteur ?
Pourquoi, par ailleurs, considérez-vous que les parlementaires ne seraient pas légitimes pour fixer des objectifs chiffrés par filière énergétique, ou bien qu’ils seraient incapables de le faire, alors que le Gouvernement pourrait le faire à travers la PPE ?
Mme Julie Laernoes (EcoS). Le texte est certes très imparfait, mais je trouve surprenant que vous refusiez de surcroît d’appliquer des directives européennes. C’est un aveu d’impréparation, ou d’absence de stratégie. Les députés français au Parlement européen, y compris de votre groupe politique, ont contribué à la rédaction des textes européens. Il est paradoxal qu’il n’y ait plus personne pour les concrétiser dans la stratégie française et que l’on masque l’absence des énergies renouvelables par du gros décarboné.
M. Antoine Armand, rapporteur. Vous ne m’avez pas répondu au sujet de l’objectif de 67 %.
Pourquoi, ensuite, les objectifs relatifs aux énergies renouvelables ne sont-ils pas inscrits dans la loi au même titre que ceux relatifs à l’énergie nucléaire ? En votant le monopole de la construction et de l’exploitation des centrales nucléaires, vous apportez vous-même une première réponse à cette question !
Enfin, le Gouvernement est plus à même que nous de fixer des objectifs car il dispose de l’ensemble des éléments d’informations nécessaires, notamment de l’étude d’impact et des consultations très larges organisées pour l’élaboration du décret de la PPE. Peut-être vous sentez-vous capables de fixer des objectifs chiffrés pour chaque énergie, année par année. Ce n’est mon cas, et ce ne serait pas sérieux. Il est important de respecter le travail technique réalisé dans le cadre de la PPE.
La commission rejette successivement l’ensemble des sous-amendements et adopte l’amendement CE555 ; en conséquence, tous les amendements se rapportant aux alinéas 2 à 8 tombent.
Amendement CE294 de M. Matthias Tavel
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Nous proposons de porter la part des énergies renouvelables à 100 % de la production d’énergie à l’horizon 2050. Ce n’est pas seulement l’un des objectifs de notre programme : c’est aussi l’un des scénarios considérés par RTE et par l’Agence de la transition écologique (Ademe) comme étant praticable. Il aurait des incidences, mais assurerait la fourniture d’électricité à un prix comparable à celui des autres scénarios, tout en permettant l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone. Vous devriez vous en satisfaire, monsieur le rapporteur, car l’énergie produite serait aussi 100 % décarbonée !
M. Antoine Armand, rapporteur. Je me satisferais d’une énergie 100 % décarbonée – contrairement à vous, qui voulez aussi 0 % de nucléaire ! C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à votre amendement.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). RTE va réviser son étude « Futurs énergétiques 2050 », dont il devrait rendre une nouvelle version en octobre 2026. Je rappelle toutefois que, sur les six scénarios établis en 2021, trois ne prévoient aucune nouvelle construction nucléaire et visent un objectif de 100 % d’énergies renouvelables à des échéances différentes. Aucun en revanche n’exclut totalement les énergies renouvelables ! Le nucléaire n’est qu’une option – une mauvaise option, pour les raisons déjà évoquées.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE556 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Les objectifs par filière doivent être fixés dans la PPE et non dans la loi, afin que nous dispositions d’études d’impact et d’analyses techniques. Je propose de ce fait de substituer aux alinéas 9 à 17 l’alinéa suivant : « 2° Les 4° bis à 4 quater sont abrogés. »
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). J’ai compris que vous souhaitiez supprimer l’ensemble des objectifs précis portant sur les énergies renouvelables. Vous avez indiqué que, pour le nucléaire, l’existence d’un monopole justifiait que les pouvoirs publics fixent les objectifs. Je vous propose de ce fait de limiter la discussion aux énergies pour lesquelles les projets ne peuvent naître que d’une initiative publique. Cela exclut par exemple le photovoltaïque et l’éolien terrestre, filières dans lesquelles les projets ne répondent pas nécessairement à des appels d’offres ou à des commandes publiques. Les installations produisant de l’énergie hydraulique, en revanche, sont forcément soumises au régime de la concession ou de l’autorisation. En matière d’éolien maritime et d’énergie hydrolienne, une procédure d’appel d’offres est nécessaire, puisque les installations sont sur le domaine public. Voilà au moins trois énergies qui échappent à votre argumentaire et pour lesquelles nous devrions mettre dans la loi des objectifs chiffrés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE498 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). Nous proposons, d’une part, de fixer des objectifs en matière de développement de l’énergie hydraulique, afin d’augmenter de 10 TWh la capacité de production annuelle et, d’autre part, d’accroître de stockage d’électricité au moyen des stations de transfert d’énergie par pompage (Step), en déployant au moins 42 GW de puissance. C’est ce que prévoit le scénario Terrawater des Voix du nucléaire.
M. Antoine Armand, rapporteur. La stratégie énergétique du Rassemblement national a dû changer en quelques minutes : après avoir rejeté le maintien du parc nucléaire existant et les nouvelles capacités nucléaires, vous proposez de déployer au moins 42 GW grâce aux Step. Or, d’après l’ensemble des analyses indépendantes françaises utilisées pour élaborer la PPE, le potentiel de développement de l’hydroélectricité en France est de 3 GW. Je ne sais pas si vous avez prévu d’inonder certaines vallées françaises, mais je suis curieux de savoir où vous trouvez le potentiel que vous annoncez et de comprendre votre logique, car vos amendements et vos votes sont manifestement contradictoires. Vos explications me permettront d’émettre un avis sur votre amendement.
M. Maxime Amblard (RN). Je peux vous envoyer la source. Cela représente une capacité de stockage de 8 TWh. Les 3 GW correspondent à l’hydroélectricité nette – les Step ne fournissent pas d’hydroélectricité nette.
Notre position sur l’amendement précédent ne veut pas dire que nous voterons pour l’article 5.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). L’énergie hydroélectrique, première énergie renouvelable de France, produit quelque 15 % de l’électricité que nous utilisons. Affirmer que l’on fera 42 GW de Step est une erreur – ou alors cela signifie qu’on ne comprend rien au fonctionnement d’une Step et de l’hydroélectricité. Nos collègues du Rassemblement national seraient bien inspirés de retirer leur amendement.
M. Antoine Armand, rapporteur. L’explication la plus vraisemblable en effet est que vous ayez oublié une virgule : vous vouliez peut-être écrire 4,2 GW de puissance supplémentaire. S’agissant de Step, 42 GW semblent très excessifs. Plutôt que de me prononcer sur cet objectif totalement irréaliste, je vous propose de retirer votre amendement.
L’amendement est retiré.
Amendements CE170 de M. Robert Le Bourgeois, CE136 de M. Jérôme Nury et CE499 de M. Maxime Amblard (discussion commune)
M. Robert Le Bourgeois (RN). L’amendement CE170 vise à supprimer la promotion explicite de l’éolien en mer, qui suscite de nombreuses oppositions de la part des pêcheurs, des habitants des littoraux et même des associations de protection de l’environnement, ainsi que des interrogations d’ordre budgétaire – RTE a annoncé un investissement, disproportionné, de 37 milliards d’euros –, environnemental et paysager.
M. Jérôme Nury (DR). L’amendement CE136 vise également à suspendre l’accélération du développement de l’éolien en mer, qui fait face à plusieurs difficultés : stagnation, voire diminution de la consommation électrique, intermittence de l’éolien offshore, qui déstabilise le réseau, coût élevé de la filière pour les finances publiques et pour les consommateurs – ainsi, les coûts de raccordement des parcs éoliens en mer sont répercutés sur les usagers dans le cadre du Turpe (tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité), lequel ne cesse de croître.
M. Antoine Armand, rapporteur. L’objectif ne peut pas être celui présenté par le groupe Rassemblement national, qui s’est abstenu un peu plus tôt sur l’abrogation de l’article 4 ter – à moins qu’il ne l’ait fait pour d’autres raisons ? Il faut avoir une vision globale et non raisonner énergie par énergie. Avis défavorable.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Je souhaite rétablir quelques vérités sur l’éolien en mer, filière dans laquelle la France excelle : plus de 8 000 emplois fin 2023 et un objectif de 20 000 emplois en 2035 ; 4 TWh produits en 2024 ; 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont 1,5 milliard à l’export en Europe ; des retombées fiscales considérables pour les pêcheurs et pour les communes en covisibilité, qui permettent d’investir localement ; un prix très compétitif, puisque le dernier appel d’offres attribué pour de l’éolien posé a été attribué à 45 euros le MWh, soit un montant trois fois inférieur à celui de l’électricité fournie par Flamanville 3 – si tant est qu’il produise un jour. Ce prix est même sans doute encore trop bas : il reste de la marge pour financer des productions en France, notamment à Saint-Nazaire, où les Chantiers de l’Atlantique sont prêts à avancer sur les solutions électriques et où l’usine d’assemblage de nacelles de General Electric sera bientôt la dernière de France, celle du Havre ayant vocation à fermer en 2027.
L’éolien en mer est une industrie de souveraineté, raison pour laquelle nous nous opposerons à ces amendements tendant à sa suppression.
M. Karim Benbrahim (SOC). Avec sa façade maritime, la France dispose d’un potentiel de développement de l’énergie offshore qui offre une chance de réaliser la transition écologique et de développer de nouvelles filières industrielles créatrices d’emplois ainsi que de nouveaux moyens de production à des coûts très compétitifs comparés à d’autres, notamment au nucléaire.
Nous avons commis une erreur, il y a quelques années, en imposant un moratoire trop brutal sur le développement du photovoltaïque, ce qui a eu pour conséquence de couler les producteurs français de panneaux photovoltaïques et d’ouvrir le marché aux Chinois. Ces derniers ont pris une longueur d’avance que nous n’avons pas été capables de rattraper.
Il conviendrait de ne pas reproduire la même erreur avec l’énergie offshore. Les usines en France sont en mesure de proposer des turbines qui répondent aux besoins du marché. Toutefois, General Electric, en Loire-Atlantique, a engagé un plan social en raison d’un creux dans les commandes pour l’année 2027. J’appelle donc à tirer les leçons du passé et à repousser ces amendements.
M. Charles Fournier (EcoS). Nous ne pouvons pas nous passer de l’éolien en mer car il est très compétitif – les tarifs ont été divisés par trois en sept ans –, même en intégrant les coûts de raccordement. Avec trois parcs en fonctionnement et des emplois créés, ce n’est pas une lubie : c’est une réalité. En outre, les perspectives sont importantes, puisque nous pourrions atteindre 18 GW en 2035 et 45 en 2050. Il serait donc très dommageable de se priver de cette source d’énergie.
L’amendement CE499 est retiré.
La commission rejette successivement les amendements CE170 et CE136.
Amendements identiques CE25 de M. Didier Le Gac, CE128 de M. Jean‑Luc Fugit et CE512 de Mme Marie-Noëlle Battistel, amendement CE91 de M. Charles Fournier (discussion commune)
M. Didier Le Gac (EPR). L’intérêt d’inscrire l’objectif de 18 GW en 2035 pour l’éolien en mer dans la proposition de loi, et pas seulement dans la PPE, c’est que cela donnerait de la visibilité à la filière. Celle-ci en a besoin pour tenir son engagement de doubler le nombre d’emplois créés d’ici 2035 et d’investir plus de 40 milliards d’euros.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Le Gouvernement a signé le pacte éolien en mer en 2022 : il est temps de transformer l’essai. L’amendement que je propose permettrait de lancer très rapidement les appels d’offres requis pour honorer les engagements du pacte ; ils sont très attendus. Cela m’ennuie beaucoup que l’on n’inscrive pas dans la loi les objectifs à atteindre.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). La filière progressant rapidement, il est essentiel à ce stade qu’elle dispose de visibilité sur les objectifs fixés après 2024, conformément au pacte éolien en mer.
M. Charles Fournier (EcoS). Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, que l’on ne pouvait pas s’amuser à fixer des ambitions énergie par énergie. Or, en l’occurrence, les objectifs sont issus du pacte éolien en mer : il faut donc les inscrire dans la loi. Cela est attendu par toute une filière qui joue un rôle dans l’industrialisation de notre pays.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je serai malheureusement défavorable aux amendements identiques, car ils visent à inscrire dans la loi, de manière pérenne, une disposition qui relève de la dérogation, à savoir le dépassement des objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie, alors qu’il s’agit d’un problème ponctuel.
Monsieur Fournier, votre amendement propose d’atteindre une capacité d’au moins 18 GW « en 2023 » : j’imagine que ce n’est pas ce que vous souhaitiez écrire. Demande de retrait.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Ces amendements concernent une filière de souveraineté concernant le domaine public maritime, où l’action de l’État est indispensable. J’espère que nous parviendrons à nous entendre pour les adopter. Pour notre part, nous les voterons avec la ferme conviction qu’il est nécessaire de développer l’éolien en mer en France.
M. Karim Benbrahim (SOC). La dérogation proposée concerne seulement l’objectif de 18 GW à l’horizon 2035 : il ne s’agit pas d’une dérogation pérenne. L’argument que vous avez fait valoir pour vous y opposer n’a donc pas lieu d’être.
M. Antoine Armand, rapporteur. C’est bien ce que j’ai dit : pour régler un problème de retard dans le programme d’appels d’offres de cette année, vous voulez inscrire dans la loi une dérogation jusqu’en 2035.
L’amendement CE91 est retiré.
La commission adopte les amendements CE25, CE128 et CE512.
En conséquence, les amendements CE319 de M. Matthias Tavel et CE259 de M. Karim Benbrahim tombent.
5. Réunion du mercredi 4 juin 2025 à 9 h 30 : examen des articles (suite)
Article 5 (suite) (article L. 100-4 du code de l’énergie) : Définition des objectifs de politique énergétique liés à la production et à la consommation d’énergie décarbonée
Amendement CE259 de M. Karim Benbrahim
M. Karim Benbrahim (SOC). Il n’y aura pas de transition écologique ou énergétique sans souveraineté industrielle. Cet amendement vise donc à inscrire dans le texte un objectif de soutien aux filières industrielles françaises et européennes qui concourent à la réussite de la transition énergétique, notamment par les nouveaux moyens de production d’énergie renouvelable.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je souscris à cet objectif, mais la disposition proposée par l’amendement ne relève pas d’un texte programmatique. Il faut modifier la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics pour avoir une chance que cette disposition soit opérante… sans quoi elle sera manifestement contraire au droit européen, auquel je sais que vous êtes très attaché.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le rapporteur, quand vous dites que cette disposition n’a pas sa place dans une loi de programmation. De fait, nous avons, par exemple, adopté hier de façon transpartisane un amendement relatif aux objectifs de développement de l’éolien en mer. Si nous voulons tenir nos objectifs sans dépendre d’importations chinoises, la programmation elle-même doit intégrer des éléments de calendrier et de contenu local qui lui permettent d’être opérante. Nous sommes certes à la lisière entre la programmation et la politique industrielle, mais l’un des grands enjeux des filières des énergies renouvelables est de travailler étroitement ces deux aspects sans nous limiter à un objectif purement énergétique – comme cela a été le cas dans le domaine du photovoltaïque, où l’on a encouragé l’installation de panneaux solaires sans s’inquiéter de ce qu’ils soient fabriqués en Chine. Ne faisons pas cette erreur avec les autres énergies. Il est donc plutôt sage d’inscrire cette disposition à cet endroit du texte. Les cahiers des charges en préciseront ensuite la déclinaison juridique.
M. Karim Benbrahim (SOC). Monsieur le rapporteur, je me réjouis que vous vous souciiez du respect des directives européennes après avoir refusé hier d’inscrire dans cette proposition de loi un objectif de développement des énergies renouvelables cohérent avec la directive européenne adoptée notamment par la France. Mon amendement n’est pas incompatible avec le cadre réglementaire européen ni avec les règles de fonctionnement du marché international, le cadre européen des appels d’offres permettant d’orienter ceux-ci vers des producteurs et des industriels français ou européens.
Comme vient de le dire monsieur Tavel, cet amendement a toute sa place dans une loi de programmation, car celle-ci n’a aucune utilité si nous ne nous donnons pas les moyens d’atteindre nos objectifs.
M. Jérôme Nury (DR). Favoriser une filière française est une excellente idée, car toutes les filières des énergies renouvelables sont chinoises ou allemandes. Qui plus est, l’amendement permettra de limiter considérablement le développement de l’éolien et du solaire – ce qui nous convient, puisque nous sommes favorables à un moratoire…
M. Antoine Armand, rapporteur. Monsieur Benbrahim, peut-être cette journée nous permettra-t-elle de mieux comprendre si vous êtes pour ou contre le nouveau nucléaire. Votre amendement n’apporte rien, car il est satisfait – mais peut-être voulez-vous aller plus loin et instaurer un rapport de force en modifiant dans cette loi le droit constant européen, comme vous l’avez fait lundi soir en transformant EDF en établissement public industriel et commercial. Mon avis reste défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CE92 de M. Charles Fournier et CE108 de M. Jean-Luc Fugit, amendement CE500 de M. Maxime Amblard (discussion commune)
Mme Dominique Voynet (EcoS). L’amendement CE92, travaillé avec France Renouvelables, vise à citer explicitement l’accroissement de la production d’électricité éolienne en mer parmi les énergies renouvelables du mix énergétique national.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). J’ai défendu hier, à la faveur d’un autre amendement, l’esprit de celui-ci, qui tend à traduire dans la loi les objectifs du « Pacte éolien en mer » signé par l’État en 2022. Il faut avancer et ne plus tergiverser.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je ne suis pas opposé à cet amendement, mais je ne comprends pas ce qu’il apporte. Heureusement que les appels d’offres prévoient déjà le recours aux solutions technologiques les plus appropriées à la configuration de chaque zone prioritaire ! Mais peut-être souhaitez‑vous que chaque article de loi prévoie, pour chaque industrie, qu’il faut faire au mieux, de la manière la plus adaptée et avec le meilleur rapport coût-bénéfice… Je propose le retrait de l’amendement, pour éviter de faire bavarder la loi.
Mme Dominique Voynet (EcoS). L’amendement fait contrepoids aux très fortes attaques, politiques et non techniques, qui ont visé hier l’éolien en mer. Surtout, la proposition de loi contient bien d’autres dispositions bavardes. Je vous invite ainsi, monsieur le rapporteur, à déposer en séance un amendement tendant à supprimer la phrase suivante, qui n’est pas très robuste sur le plan législatif : « Ces capacités de production respectent les exigences de sécurité des installations électriques et visent un objectif de conciliation des différents usages. »
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Je répète que nous n’avons pas assez avancé depuis la signature, en 2022, du Pacte éolien en mer. Nous pourrons affiner le dispositif lors de l’examen du texte en séance publique.
M. Antoine Armand, rapporteur. J’entends ce que vous dites, monsieur Fugit. Madame Voynet, je suis d’accord avec vous et proposerai en séance publique la suppression de la phrase que vous avez citée. Nous avons tous intérêt, quelles que soient nos positions sur la question énergétique, à supprimer de la loi toutes les dispositions qui n’ont pas vraiment de portée normative et qui rendent le texte plus complexe et plus confus.
M. Maxime Amblard (RN). En cohérence avec notre programme et notre volonté de promouvoir les énergies décarbonées et pilotables, l’amendement CE500 tend à instaurer un moratoire sur toutes les nouvelles capacités de production et tout renouvellement des capacités de production d’énergies intermittentes et diffuses, notamment l’énergie mécanique du vent (l’éolien), le photovoltaïque et les courants marins, jusqu’à ce que soit effectuée une évaluation de leur coût complet et que soient prouvées leur contribution effective à la sécurité de l’approvisionnement et leur capacité réelle à participer à la décarbonation du mix énergétique.
M. Antoine Armand, rapporteur. Avis défavorable. Quand on soutient la décarbonation et la souveraineté industrielle, les capacités marginales qui peuvent être installées à partir du parc existant, qu’elles soient nucléaires, hydroélectriques ou renouvelables, sont évidemment positives. Le réseau n’est pas saturé par des énergies renouvelables électriques, comme le montrent les études de Réseau de transport d’électricité (RTE) : avec un taux maximum de 40 % d’énergies renouvelables non pilotables, le pic n’est pas atteint. Ces ressources sont utiles pour l’industrie, qui s’équipe d’installations non pilotables avec des capacités de stockage et de flexibilité. On peut discuter des objectifs et du niveau – nous l’avons fait précédemment, et vous n’avez pas voulu voter pour ou contre l’amendement que je défendais – mais un moratoire irait contre la décarbonation par l’électrification et contre la souveraineté.
M. Maxime Amblard (RN). Toutes les énergies ne se valent pas. Certaines ont un coût-système et un coût pour le consommateur plus élevés que d’autres. Pédaler sur un vélo pour produire de l’électricité, par exemple, est moins efficace qu’une éolienne et encore moins qu’une centrale nucléaire. C’est pourquoi le Rassemblement national privilégie les énergies pilotables, certes décarbonées, car nous avons un objectif de décarbonation du mix énergétique, mais surtout pilotables, qui peuvent être produites à la demande et sans renforcement du réseau ni palliatifs visant à compenser l’intermittence. Je suis convaincu – et c’est la raison pour laquelle je demande le moratoire et une étude complète sur le sujet – que cela se traduirait par des coûts-systèmes plus bas, et donc des coûts plus bas également pour le consommateur. Nous avons du reste pu le vérifier, car c’est, historiquement, ce mix associant le nucléaire et l’hydraulique qui a permis à la France d’avoir l’électricité la moins chère d’Europe.
La commission adopte les amendements identiques.
En conséquence, l’amendement CE500 tombe.
Amendement CE501 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). Notre mix énergétique final est composé à 40 % d’énergies fossiles, et plus précisément d’hydrocarbures. Nous aspirons tous, je l’espère, à nous passer le plus vite possible de ces derniers, mais il faut le faire de manière structurée, non désordonnée et en les compensant par de l’énergie bas-carbone et pilotable. En attendant, nous importons ces hydrocarbures d’autres pays, où ils sont extraits selon des méthodes d’exploitation peu satisfaisantes sur les plans environnemental et sanitaire. Pourquoi ne pas valoriser les ressources dont nous disposons sur notre sol, qui pourraient créer de la valeur ajoutée et alimenter un fonds permettant de financer, par exemple, de prochains réacteurs nucléaires pour lesquels vous cherchez des modes de financement ? Cela ne signifie pas que nous continuerions à les exploiter au-delà : il s’agirait d’exploiter ce que nous avons sur notre sol en attendant de pouvoir nous en passer et pour financer la possibilité de nous en passer.
M. Antoine Armand, rapporteur. La meilleure manière de faire en sorte que l’exploitation des hydrocarbures soit, comme le demande l’amendement, « respectueuse de l’environnement », c’est qu’elle n’ait pas lieu. Je vous propose donc de retirer votre amendement.
M. Maxime Amblard (RN). Je le maintiens. Rationnellement, nous ne pourrons pas nous passer du jour au lendemain des hydrocarbures, mais la méthode d’exploitation peut être respectueuse de l’environnement. Il y aura certes des émissions de gaz à effet de serre, mais puisqu’il faut, en attendant de pouvoir nous en passer, brûler du carburant, d’où qu’il vienne, soyons pragmatiques : mieux vaut valoriser ce que nous avons sur notre sol plutôt que de l’importer.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Malgré ses précautions, on voit transpirer de cet amendement le climatoscepticisme et le « dénialisme » de notre collègue du Rassemblement national. Lorsque le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) prouve que le réchauffement climatique est lié à nos émissions de gaz à effet de serre, elles-mêmes liées à l’exploitation des carburants fossiles, c’est de la physique. Alors que l’extrême droite veut nous coincer dans le passé en poursuivant l’exploitation des énergies fossiles et du nucléaire, qui sont des énergies du passé, nous devons nous tourner vers l’avenir.
M. François Ruffin (EcoS). Je suis opposé à toute exploitation des hydrocarbures sur notre sol, et en particulier du gaz de schiste. Il est toutefois hypocrite de faire reposer nos importations sur le gaz de schiste américain sans que cela semble nous poser problème. De fait, rien dans le texte ne limite l’importation de gaz de schiste.
M. Antoine Armand, rapporteur. Nous avons eu hier une discussion sur les importations de gaz de schiste et avons souhaité savoir, avant l’examen du texte en séance publique, quelle est leur part dans nos importations totales de gaz, pour voir si nous pouvons écrire quelque chose à ce propos dans la loi. Si, comme je le crains, le ratio actuel est de l’ordre de 95 %, il faudra plusieurs années avant de pouvoir s’en passer.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CE502 et CE503 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). Contrairement à ce que beaucoup d’entre vous voudraient faire croire, le Rassemblement national n’est pas opposé aux énergies renouvelables. Il est contre les énergies intermittentes, mais pour les énergies décarbonées et pilotables, comme la valorisation de la biomasse, la géothermie et les pompes à chaleur.
Ces amendements visent donc à inscrire dans la loi des objectifs concrets. Nous sommes aussi favorables au développement de l’hydraulique et des stations de transfert d’énergie par pompage (Step). Je confirme d’ailleurs, après avoir fait cette nuit quelques recherches, la perspective d’une puissance de 42 gigawatts de Step, contre 5 gigawatts aujourd’hui : on pourrait ainsi développer 8 térawattheures de stockage, répartis sur une vingtaine de sites, dont six nouveaux, ce qui nécessiterait environ 250 kilomètres carrés de territoire et, certes, le relogement de douze mille personnes. Ce chiffre de 250 kilomètres carrés peut paraître impressionnant, mais il ne représente que 10 % du territoire mobilisé pour le photovoltaïque dans le scénario 100 % renouvelable de RTE.
Vous riiez hier en critiquant un prétendu « manque de sérieux » du Rassemblement national à propos des énergies renouvelables. Mais je vous conseille d’approfondir vos recherches sur vos soi-disant « domaines de prédilection » et de faire preuve d’un peu d’humilité avant d’attaquer notre programme, ainsi que mes compétences d’ingénieur et mes connaissances dans le domaine énergétique. Si vous maîtrisez aussi bien le sujet du nucléaire que celui des énergies renouvelables, il n’est pas étonnant que vous disiez autant d’âneries et meniez une politique énergétique aussi désastreuse que ruineuse.
M. Antoine Armand, rapporteur. Monsieur Amblard, j’entends votre émoi et ne mettrai pas en doute votre maîtrise du nucléaire : c’est elle qui vous a conduit à rejeter hier, avec le Nouveau Front populaire, l’article comportant le projet de nouveau nucléaire. Je ne doute pas que vous nous expliquerez dans un instant, du point de vue technique, pourquoi vous avez voté contre le maintien du parc nucléaire existant, 27 gigawatts de nouvelles capacités et un réacteur à neutrons rapides d’ici à 2030.
Quant aux 42 gigawatts de Step que vous évoquez, j’ai consulté, moi aussi, le rapport TerraWater. Vous avez eu l’honnêteté intellectuelle d’aller jusqu’au bout, mais vous avez baissé la voix au moment de dire quelque chose d’important. TerraWater est le seul institut à promouvoir ce chiffre et aucun autre ne cite cet ordre de grandeur : il s’appuie sur une hypothèse, qui ne peut pas être étayée faute de disposer de tous les documents en open source, selon laquelle il suffit de trouver 250 kilomètres carrés et de reloger douze mille habitants, parce qu’on va inonder des vallées entières pour créer des Step. Quels habitants comptez-vous déplacer et dans quels départements ? Je ne souhaite pas que les Haut-Savoyards – je confesse ici un peu d’égoïsme départemental – soient déplacés pour que l’on puisse installer vos 42 gigawatts de Step et je pense que d’autres départements ne souhaitent pas non plus être noyés pour assumer votre politique énergétique.
Sur les amendements proprement dits, je n’ai pas vraiment d’opposition à l’ambition qu’ils affichent en matière de cogénération – point très important qui méritera que l’on trouve une rédaction adaptée dans la loi – et de géothermie, mais, comme je l’ai dit jusqu’ici, les parlementaires que nous sommes ne sont pas les plus à même de définir combien de térawattheures d’électricité de telle ou telle sorte il faut programmer et à partir de quelle énergie. Cela relève du domaine réglementaire, qui devra définir une instruction technique. Comme pour la noyade de douze mille habitants, des précisions s’imposent.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Ayant été prise à partie par nos collègues à propos du développement potentiel des Step, je souscris aux observations de notre rapporteur. Chacun sait que je suis très engagée en faveur du développement de l’hydroélectricité, mais ce que vous proposez est complètement déraisonnable et n’est pas applicable sur le territoire français. Nous avons, nous aussi, exploré les potentialités de développement des Step, que nous voulons certes promouvoir, mais pas à cette échelle. C’est malheureux, car, si nous disposions d’un tel potentiel, peut-être que nos discussions prendraient-elles un tour différent.
M. Maxime Amblard (RN). Ce n’est pas parce que vous ne voulez pas le faire que ce n’est pas possible. Monsieur le rapporteur, n’est-ce pas en noyant quelques vallées qu’a été construite, dans les années soixante, la puissance hydraulique française, qui nous assure aujourd’hui de nombreux térawattheures ? Est-ce vraiment gênant ? Ou alors, on ne fait plus rien et on ne se donne pas les moyens de disposer de flexibilité dans le domaine électrique. Selon vous, l’énergie renouvelable, c’est très bien… mais quand c’est loin de chez nous et que ça ne nous impacte pas ! Le Rassemblement national a une politique ambitieuse et volontariste. Nous voulons nous donner les moyens de nos ambitions, faire vraiment la transition et avoir une flexibilité qui nous permettrait d’atteindre un facteur de charge du nucléaire de 80 % à 85 %, donc de réduire les coûts de production.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Nous n’allons pas entamer un débat sur les coûts de production du nucléaire. On sait qu’une bonne partie de ces coûts sont simplement reportés à plus tard.
L’intérêt des renouvelables est aussi d’être décentralisées et adaptées à des situations locales très variées. Je voudrais que les députés du Rassemblement national prennent conscience du fait que leur plaidoyer pour la suppression de l’Agence de la transition écologique (Ademe) et l’effondrement de ses budgets, ainsi que pour l’amputation du fonds Chaleur ou du fonds Vert, ne sont pas de nature à favoriser le développement des énergies renouvelables, qu’ils semblent par ailleurs encourager par cet amendement.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CE27 de M. Didier Le Gac, CE130 de M. Jean-Luc Fugit et CE516 de Mme Marie-Noëlle Battistel
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Notre amendement vise à donner une orientation claire au développement de l’énergie hydrolienne, là où le Sénat avait limité l’ambition à une simple exploration de son potentiel. Le potentiel national de l’hydrolien, qui repose sur l’utilisation de courants de marée dont la régularité et la prévisibilité sont connues, est bien documenté ; il est temps de passer de l’exploration à l’exploitation. En outre, il s’agit d’une technologie française créatrice d’une nouvelle filière industrielle et d’emplois, bénéficiant d’une bonne acceptabilité environnementale et sociale.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). L’hydrolien marin présente de nombreux avantages correspondant aux enjeux énergétiques actuels dans un contexte géopolitique troublé et, dans ce domaine, incertain. Cette technologie made in France favorise une nouvelle filière d’excellence, créatrice d’emplois et qui atteindra très rapidement des coûts compétitifs. Notre amendement vise donc à en accélérer le développement.
M. Antoine Armand, rapporteur. On ne peut que soutenir votre ambition et la mention dans la loi de l’énergie cinétique des courants marins ou fluviaux. Je ne suis pas certain, cependant, qu’il soit pertinent d’inscrire des objectifs aussi précis, en particulier celui de 5 gigawatts en 2050. Je salue l’enthousiasme et le volontarisme avec lesquels madame Battistel affirme que cette technologie atteindra prochainement des coûts compétitifs, mais je n’ai pas encore vu les études qui permettent de penser que ce sera le cas à court terme. Je demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, avis défavorable.
M. Philippe Bolo (Dem). Nous soutiendrons ces amendements et le principe du développement de l’énergie éolienne. L’ampleur de notre façade maritime nous assure un gisement qui est loin d’être négligeable et qui nous permettrait d’étudier très précisément ces perspectives. Ensuite, ces aménagements pourraient aussi concourir à la protection des côtes contre les submersions marines, avec une ingénierie intelligente. En outre, il s’agit d’une énergie inépuisable, prévisible et régulière. Il semble donc utile d’exploiter l’énergie marine, même s’il n’est peut-être pas encore temps, en effet, d’en préciser les quantités.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Nous soutiendrons ces amendements. Le développement de l’énergie hydrolienne, qui se situe dans le domaine public maritime, a besoin d’une autorisation publique, et il faut, comme l’a dit le rapporteur, l’inscrire dans la loi. Tous les jours et selon les marées, on sait exactement quelle sera la puissance produite à chaque moment. La sécurité et la prévisibilité de cette énergie dans le réseau sont des arguments très puissants en sa faveur.
Il est prudent de proposer un objectif de 250 mégawatts d’ici à 2035. Nous avons, pour notre part, déposé des amendements visant à approcher cet objectif à 2030 et à le porter à 1 gigawatt. Nous voterons cependant celui-ci, car il est important de sécuriser la présence de l’énergie hydrolienne dans la loi.
Quant à l’objectif de 5 gigawatts en 2050, il correspond aux éléments documentés pour le raz Blanchard et le passage du Fromveur. J’ajoute que la France devrait saisir les possibilités qu’offre cette technologie en matière d’export.
M. Jean-Luc Bourgeaux (DR). Nous ne devons pas faire l’impasse sur cette source d’énergie, même si elle peut aujourd’hui paraître marginale. Dans ma circonscription, le barrage de la Rance est un outil formidable. Le modèle économique ne va pas encore de soi, cette source d’énergie n’est pas encore reconnue comme verte, mais il est légitime de travailler à son développement.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, les amendements CE340 de Mme Clémence Guetté, CE330 de M. Matthias Tavel et CE231 de Mme Marie-Noëlle Battistel tombent.
Amendements CE95 de M. Sébastien Humbert et CE428 de M. Julien Brugerolles (discussion commune)
M. Sébastien Humbert (RN). L’amendement CE95 vise à préciser que le développement de l’énergie photovoltaïque doit préserver le foncier agricole disponible et à supprimer l’objectif d’atteindre une capacité installée d’au moins 50 gigawatts à l’horizon 2030.
Introduire la notion de « foncier agricole disponible » est indispensable tant les installations photovoltaïques au sol en sont consommatrices. Les chambres d’agriculture dénoncent régulièrement une tension croissante dans les usages des sols. Il doit être tenu compte de cette difficulté avant toute conversion des terres en espaces de production d’énergie. L’agriculteur est un producteur de denrées alimentaires et doit le rester pour que la souveraineté alimentaire nationale soit préservée.
Quant à l’objectif chiffré d’installations, il paraît irréaliste d’en définir un compte tenu de ces tensions sur le foncier agricole. Au total, un million d’hectares pourraient être consacrés au déploiement de panneaux solaires dans les fermes, sur les cultures ou à la place des élevages. Ce serait une atteinte sans précédent à notre maillage d’exploitations agricoles, à laquelle il convient de s’opposer avec la plus grande fermeté.
M. Julien Brugerolles (GDR). Je retire l’amendement CE428. Il visait à ce que l’énergie photovoltaïque se développe sur les espaces déjà artificialisés, mais je souhaite ajouter le mot « prioritairement ». Ce sera fait pour l’examen du texte en séance.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je demande le retrait de l’amendement CE95, car il est satisfait par la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi « Aper ». Sur le fond, on ne peut que souhaiter éviter la concurrence dans les usages du foncier.
M. Pascal Lecamp (Dem). Nous sommes plusieurs députés à travailler sur cette question depuis deux ans. D’un côté, il y a le photovoltaïque installé sur des terres agricoles, ce qui n’a pas lieu d’être ; nous sommes bien d’accord. De l’autre, il y a l’agrivoltaïsme, qui est défini, comme le rapporteur vient de le rappeler, par la loi Aper, un décret pris en avril 2024 précisant les conditions dans lesquelles l’énergie peut être produite sans porter atteinte aux rendements agricoles. On peut être pour ou contre cette énergie, mais celle-ci est très contrainte, sachant que ma proposition de loi sur ce sujet, cosignée par de nombreux collègues, vise à permettre de maintenir un niveau de rendement au moins équivalent à la moyenne observée dans une zone témoin – donc, à ne pas descendre à 90 % de cette moyenne comme le décret le permet.
J’insiste donc sur la nécessité d’opérer une distinction. Le photovoltaïque sur les terres agricoles, c’est non ; l’agrivoltaïsme tel que défini par la loi Aper, c’est oui.
M. Jérôme Nury (DR). Selon le rapporteur, l’amendement CE95 n’est pas à sa place dans la mesure où il porte sur l’agrivoltaïsme, alors que l’alinéa a trait au photovoltaïque.
Or, l’agrivoltaïsme est certes encadré, mais il pose tout de même des questions. Fleurissent en effet dans les territoires ruraux des projets posant un problème d’acceptabilité de la part de la population : ils s’étendent sur des hectares et des hectares autour des maisons d’habitation. La loi ne permet pas de limiter ce développement ou, du moins, de faire en sorte que les choses fonctionnent.
Je rappelle que cette énergie est la plus consommatrice de foncier et que son déploiement a une incidence sur la valeur des terres en cas de transmission d’exploitation. Il faudra donc mieux encadrer cette pratique, qui va poser de très gros problèmes dans nos campagnes.
M. Benoît Biteau (EcoS). C’est un sujet sensible qui requiert de faire preuve de discernement. Installer des panneaux photovoltaïques au sol, c’est renoncer à des surfaces dédiées à la production agricole, ce qui revient à mettre en concurrence les productions énergétique et alimentaire. L’agrivoltaïsme, qui consiste à faire cohabiter agriculture et panneaux solaires, n’est pas exactement la même chose : ce mode de production d’énergie peut permettre d’accompagner, voire de préserver, des activités qui souffrent, par exemple, de canicules ou de gelées.
Par ailleurs, j’appelle votre attention sur le fait qu’on envisage d’installer du photovoltaïque sur des parcelles non imperméabilisées, alors que nous disposons de surfaces qui, elles, le sont, y compris dans les zones agricoles, et que les toits peuvent aussi être équipés. On parlait du « Zéro artificialisation nette » (ZAN) dans l’hémicycle : je vous invite à produire de l’électricité photovoltaïque sur les zones imperméabilisées avant de le faire en milieu agricole.
M. Sébastien Humbert (RN). Je suis ravi que cet amendement fasse l’unanimité et que tout le monde ait compris les problématiques auxquelles nous sommes confrontés dans nos différents territoires. Nous avons ici affaire à une « agriculture alibi » : il n’y a pas vraiment d’exploitation agricole autour de l’agrivoltaïsme, pas plus qu’autour du photovoltaïque au sol ; il y a surtout des promoteurs qui se servent des agriculteurs pour faire leur beurre !
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Constante dans ses positions, La France insoumise s’oppose à l’agrivoltaïsme, moyen pour les industriels d’accaparer le foncier agricole, à l’instar de la proposition de loi Duplomb, par l’augmentation des seuils relatifs aux installations classées pour la protection de l’environnement ou encore la levée du ZAN. Je note l’hypocrisie du Rassemblement national, qui vote pour cette dernière mesure en séance, mais nous pond ici un amendement pour préserver le foncier agricole. Un peu de cohérence, chers collègues !
L’amendement CE428 est retiré.
La commission adopte l’amendement CE95.
En conséquence, l’amendement CE137 de M. Jérôme Nury, les amendements identiques CE228 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CE310 de M. Maxime Laisney, ainsi que les amendements CE315 de M. Matthias Tavel, CE376 et CE377 de Mme Julie Laernoes et CE117 de M. Jean-Luc Fugit tombent.
Amendement CE229 de Mme Marie-Noëlle Battistel
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Cet amendement vise à privilégier le développement de la production d’électricité par énergie solaire sur les toitures des bâtiments, sur les « délaissés » – par exemple miniers, comme dans ma circonscription – et sur les surfaces déjà artificialisées. Il s’agit d’assurer la pleine cohérence des transitions énergétique et écologique, de protéger la biodiversité et de ne pas mettre en concurrence les usages agricoles et forestiers avec la construction de fermes solaires. Cet amendement devrait donc recueillir l’assentiment de tous.
M. Antoine Armand, rapporteur. À l’image de l’amendement CE95, dont l’adoption a fait tomber tous ceux ayant trait au photovoltaïque, celui-ci est satisfait par la loi Aper. Demande de retrait, ou avis défavorable.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je le maintiens, pour assurer la cohérence avec la loi Aper.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Sans remettre en cause le résultat du vote, je souhaiterais savoir pourquoi l’amendement CE95 a fait tomber les suivants. Il visait, à l’alinéa 15, à ajouter les mots « tout en préservant le foncier agricole disponible » après le mot « photovoltaïque ». Or, cet alinéa se poursuit alors par les mots « avec pour objectif d’atteindre une capacité installée d’au moins 50 gigawatts à l’horizon 2030 » ; cette partie n’ayant pas été supprimée, je ne vois pas pourquoi les amendements qui la concernaient sont tombés.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. L’amendement adopté dit : « Après le mot : “photovoltaïqueˮ, rédiger ainsi la fin de l’alinéa 15 : “tout en préservant le foncier agricole disponibleˮ ». Tous les amendements relatifs à la fin de l’alinéa 15 sont donc tombés.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Vous avez systématiquement fait l’effort, madame la présidente, de nous prévenir quand l’adoption d’un amendement allait avoir pour conséquence d’en faire tomber certains autres. Il s’agit d’une précision extrêmement importante pour les modestes députés que nous sommes.
Je me demande pourquoi les amendements que le CE95 a fait tomber ne faisaient pas partie de la discussion commune, alors qu’ils portaient sur les mêmes mots et qu’ils étaient antagonistes. Compte tenu du nombre d’amendements et des délais, je ne fais nul reproche à quiconque, mais pour que la discussion soit sérieuse et constructive, il aurait fallu que nous puissions au moins présenter ces amendements avant de procéder au vote. Serait-il possible de revenir sur ce qui vient d’avoir lieu ?
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Vous savez bien qu’on ne revient jamais sur un vote et qu’un amendement peut très bien en faire tomber d’autres, même s’ils n’étaient pas en discussion commune ; cela arrive constamment. Ce n’est pas ce critère qui décide du placement de certains amendements en discussion commune.
Je veillerai néanmoins, autant que possible, à vous informer de cette éventualité, comme je l’ai fait depuis le début de l’examen de la proposition de loi et lors des textes précédents.
La commission adopte l’amendement CE229.
Amendement CE96 de M. Sébastien Humbert
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je précise que si cet amendement est adopté, il fera tomber les sept suivants.
M. Sébastien Humbert (RN). « Fixer une programmation énergétique ambitieuse » ne doit pas se faire au détriment de notre appareil nucléaire, producteur de l’énergie la plus propre et la moins chère du marché. Aussi est-il particulièrement dangereux pour la souveraineté énergétique nationale « de poursuivre le développement des capacités de production d’électricité à partir d’installations terrestres utilisant l’énergie mécanique du vent, en favorisant à la fois le développement de nouvelles installations ainsi que le renouvellement des installations existantes », comme le prévoit l’alinéa 16 de l’article 5.
En plus de saccager nos territoires et d’artificialiser les sols, la production énergétique des aérogénérateurs est intermittente, instable et non pilotable, à la différence de l’énergie nucléaire. De plus, dans notre pays, le facteur de charge de l’éolien est faible : 26 % en 2023. Autre argument : RTE a mis en garde contre la surabondance électrique, qui congestionne le réseau et qui, en mars dernier, l’a obligé à déconnecter treize parcs éoliens et photovoltaïques. À cet égard, je rappelle que nous n’avons pas besoin de l’énergie éolienne dans notre mix énergétique, la France ayant déjà drastiquement réduit sa consommation d’électricité.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je demande le retrait de l’amendement, au nom de la sécurité d’approvisionnement du pays. Dans la mesure où vous avez voté contre le maintien du parc nucléaire existant et contre de nouvelles capacités, si nous supprimons maintenant les énergies renouvelables, je crains que nous n’ayons plus d’électricité du tout…
Mme Julie Laernoes (EcoS). S’agissant du solaire, pourquoi, monsieur le rapporteur, n’avez-vous pas modifié le texte pour remédier à la dissonance entre la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec) ? Par rapport à la Sfec, la PPE réduit les ambitions et revoit le facteur de charge à la hausse. On nous fait aussi part de très fortes préoccupations au sujet de l’arrêté tarifaire dit « S21 », dont la révision compromet plusieurs projets dans différents territoires en mettant à mal leur modèle économique. Même si les amendements déposés à ce sujet sont tombés, il faudra donc redéfinir des objectifs clairs pour cette énergie.
Quant à l’idée selon laquelle l’éolien ne serait pas important dans le mix énergétique et pour la sécurité de l’approvisionnement, il ne faut pas se référer à des choses que RTE n’a jamais dites, mais assister aux auditions pour entendre ce que ses dirigeants racontent.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Ce que vient de dire monsieur Humbert fait partie des « intox » répétées par le Rassemblement national. Il faut refuser une telle logique de malthusianisme électrique destinée à nous faire croire que la France produit trop d’électricité. Au contraire, nous sommes en retard dans l’électrification des usages, qui doit permettre de remplacer les énergies fossiles et de décarboner l’économie et notre mode de vie. Or, cette ambition suppose de continuer de produire de l’électricité, bien sûr pour l’utiliser, mais aussi, en cas de surproduction, pour l’exporter chez nos voisins qui en ont besoin ou pour produire de l’hydrogène.
J’y insiste : tous les organes chargés de superviser les questions énergétiques disent qu’il est plus facile d’équilibrer l’offre et la demande quand la production est un peu excédentaire que quand elle est déficitaire. C’est Mme Emmanuelle Wargon, présidente de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), qui le dit, ainsi que RTE, qui constate en outre qu’il y a peu d’énergies renouvelables dans notre mix énergétique. Ne cherchons donc pas à réduire notre production d’électricité renouvelable.
M. Maxime Amblard (RN). Et moi, monsieur Tavel, je vous dis qu’il est encore plus facile d’équilibrer l’offre et la demande quand la source de production est pilotable. Incroyable, c’est ce qu’on a fait jusqu’à présent et cela a fonctionné ! Pourquoi ne pas continuer ?
M. Antoine Armand, rapporteur. Madame Laernoes, je vous rejoins en ce qui concerne l’incohérence entre les documents. C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que je considère que ce texte ne devrait pas contenir d’objectifs par énergie. Tout à l’heure, nous avons approuvé les cibles de 18 gigawatts de capacités éoliennes en mer d’ici à 2035, de 5 gigawatts d’énergie cinétique des courants marins d’ici à 2050… Cela induit une déconnexion entre les différents objectifs. De la même manière, avant qu’ils ne tombent, des amendements visaient à modifier l’objectif de 50 gigawatts d’installations photovoltaïques d’ici à 2030, en réduisant ce chiffre à 40 gigawatts ou encore en le portant à 54 ou à 60 gigawatts.
Quelles que soient nos positions respectives, il n’est pas opportun de définir au niveau de la loi nos objectifs énergétiques au gigawatt près, à échéance de quinze ou trente ans. Cela ne fonctionne pas et conduit à rédiger une loi incohérente, que nous ne pourrons pas modifier dans les règlements ni dans la PPE.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE13 de Mme Olga Givernet
Mme Olga Givernet (EPR). Toujours dans l’objectif de ne pas faire de discrimination entre éolien en mer et éolien terrestre, je propose de supprimer le mot « terrestres » à l’alinéa 16.
M. Antoine Armand, rapporteur. Avis favorable.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Je suis fermement opposée à cet amendement, car les filières ne sont pas du tout les mêmes. Nous avons effectivement approuvé l’objectif de 18 gigawatts de capacités éoliennes en mer, mais les coûts de production, les défis technologiques et les constructeurs ne sont pas les mêmes que pour l’éolien terrestre. J’ajoute que les filières françaises d’énergies renouvelables sont tellement mises à mal qu’on se demande si nous avons encore des constructeurs nationaux, qu’il s’agisse de l’éolien en mer ou de l’éolien terrestre.
Et pour revenir au solaire, monsieur le rapporteur, nous communiquons des objectifs chiffrés à l’Union européenne, tandis qu’en conseil des ministres, des engagements ont été pris concernant les énergies renouvelables – engagements que nous ne respectons pas. Or, si les chiffres officiels de la Sfec sont ensuite revus à la baisse dans la PPE, puis disparaissent de la loi censée encadrer cette dernière, les filières vont se retrouver dans des difficultés encore plus graves que celles qu’elles rencontrent déjà. Il faut leur donner des caps. Nous le faisons bien pour le nucléaire : pourquoi pas s’agissant des renouvelables ?
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE344 de M. Maxime Laisney
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). L’amendement vise à fixer l’objectif de 35 gigawatts de capacités installées en énergie éolienne terrestre d’ici à 2030, ce qui permettrait de sécuriser une trajectoire proche du développement actuel de 1,5 gigawatt par an. Même en retenant le scénario de RTE le plus nucléarisé, qui inclut quatorze nouveaux réacteurs et des petits réacteurs modulaires (SMR), il nous faudrait multiplier par 2,5 nos capacités en éolien terrestre. Que l’on trouve cela moche ou non, il s’agit de disposer de suffisamment d’électricité pour décarboner nos usages et nos modes de production.
M. Antoine Armand, rapporteur. Même si je ne vois pas d’inconvénient à substituer au mot « poursuivre » le mot « favoriser », je suis défavorable à la définition d’objectifs énergie par énergie et donc à cet amendement, s’il n’est pas retiré.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Nous aurions pu avoir la même discussion sur l’énergie photovoltaïque. Notre volonté de fixer dans la loi des objectifs de capacités installées ne correspond pas à des choix politiques, avec lesquels chacun serait légitimement libre d’être en accord ou non. Nous ne faisons ici que reprendre le plancher de production (35 gigawatts) que RTE considère comme nécessaire à l’équilibre du réseau électrique, assurant ainsi la base légale de la PPE. Ensuite, ce gouvernement – ou le suivant – fera le choix de se limiter à ce plancher ou d’aller au-delà. Au fond, inscrire le chiffre de 35 gigawatts dans la loi représente plutôt une sécurité.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je l’ai dit : j’estime que les objectifs chiffrés relèvent, pour des raisons techniques, plutôt du niveau réglementaire.
De plus, dès lors qu’il est question de cibles précises concernant les énergies renouvelables et qu’il s’agisse de planchers ou de plafonds, il n’y a pas de consensus ; je n’en fais le reproche à personne… mais personne ne bouge de ses positions, de sorte que, si nous conservons ces objectifs, la proposition de loi ne sera pas adoptée.
D’ailleurs, ce qui est en train de se passer, c’est que nous supprimons des objectifs. Tout à l’heure, vous avez voté l’amendement de monsieur Humbert supprimant les objectifs photovoltaïques au profit de la préservation du foncier agricole. Puis le Rassemblement national a soutenu l’éolien terrestre en s’opposant à la suppression du mot « terrestres » au sein de l’alinéa relatif à l’énergie éolienne.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). C’est malhonnête, ce que vous faites !
M. Antoine Armand, rapporteur. Non, c’est ce que vous avez voté, monsieur Tavel.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Nous nous sommes abstenus.
M. Antoine Armand, rapporteur. Dont acte. Mais il n’en demeure pas moins que la commission a voté l’amendement en question.
Soit nous considérons qu’il est préférable d’avoir une loi-cadre définissant les objectifs généraux de poursuite du développement des différentes filières (éolien en mer, photovoltaïque, biomasse, etc.), en cohérence avec notre réseau électrique et au nom de notre souveraineté industrielle, soit chacun fait prévaloir des objectifs spécifiques, ce qui serait son droit le plus strict. Dans ce second cas, le texte ne sera pas adopté et nous devrons expliquer à nos concitoyens pourquoi nous n’avons pas profité de cette occasion pour inscrire dans la loi notre volonté en matière de nucléaire, d’hydroélectricité, de biomasse et d’autres énergies renouvelables.
Je rappelle qu’une majorité, composée de députés de gauche comme de droite, a rejeté le maintien du nucléaire existant ainsi que le développement du nouveau nucléaire. La commission a supprimé, il y a quelques instants, les objectifs relatifs au photovoltaïque. Vous avez tenu à conserver la mention de l’éolien terrestre. Bref, en l’état, la proposition de loi ne pourra faire l’objet d’un consensus. Et à la fin, c’est l’ensemble de la stratégie énergétique, qui doit ensuite être déployée sur le terrain par les filières industrielles, qui ne pourra être adoptée.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CE194 et CE198 de M. Charles Fournier, CE41 de M. Joël Bruneau et CE138 de M. Jérôme Nury (discussion commune)
Mme Julie Laernoes (EcoS). Les amendements CE194 et CE198 visent à fixer non un objectif final, mais un rythme d’installation des capacités éoliennes terrestres jusqu’en 2035, le premier à 2 gigawatts par an et le second à 1,5 gigawatt.
J’en profite pour vous demander un peu de clarté, monsieur le rapporteur. Nous légiférons sur la stratégie énergétique française par une proposition de loi truffée d’incohérences, de verbiage inutile et d’éléments qui n’ont rien à y faire. Vous avez dit ne pas vouloir de pourcentages, mais des valeurs absolues. Puis vous nous dites ne pas vouloir d’objectifs chiffrés de capacité, filière par filière ; sauf que nous en avons défini s’agissant du nucléaire. Quand on veut mettre de l’ordre dans quelque chose de totalement désordonné, on ne peut pas dire tout et son contraire !
M. Jérôme Nury (DR). Notre amendement propose de limiter le développement de l’éolien terrestre à 36 gigawatts. Cette limite correspond à la puissance installée, soit 24 gigawatts, et à la douzaine de gigawatts déjà autorisés. Je rappelle que le Président de la République Emmanuel Macron avait annoncé à Belfort que l’éolien terrestre ne devait pas dépasser 37 gigawatts en 2050.
L’éolien, c’est une industrie étrangère et une énergie hyperintermittente, non prévisible, non pilotable et au facteur de charge bas – les trois quarts du temps, elle ne fonctionne pas… – sans compter les atteintes au paysage et au patrimoine. Quant à son modèle économique, c’est une aberration, puisque les coûts de raccordement et le coût final du mégawatt sont à la charge du contribuable. Les Françaises et les Français payent leur électricité de plus en plus cher à cause de l’éolien. On comprend, dans ces conditions qu’il pose de très gros problèmes d’acceptabilité, notamment dans la Somme et les Hauts-de-France.
M. Antoine Armand, rapporteur. Nous sommes dans la situation dont je parlais précédemment : alors que nous avons supprimé tout objectif en matière de photovoltaïque, qu’est-ce qui justifierait de fixer un objectif de 2 gigawatts ou de 1,5 gigawatt par an ? Et pourquoi plafonner à 36 gigawatts plutôt qu’à 38 ou 42 ? Chaque amendement est cohérent avec le reste des propositions énergétiques du même auteur, mais, ainsi votés à l’aveugle, ces objectifs n’auraient aucun sens. Demande de retrait.
Mme Julie Laernoes (EcoS). On ne peut donc pas, selon vous, légiférer sur la stratégie énergétique française, à moins de ne pas fixer d’objectif, que ce soit en pourcentage ou en valeur absolue – ce qui reviendrait à voter une loi vide, qui laisserait le Gouvernement libre de modifier la PPE. Ce n’est pas sérieux. Les filières des énergies renouvelables ont en outre besoin d’objectifs et d’un cap clairs.
Il existe un problème majeur de culture énergétique et le Gouvernement et la majorité y ont une grande part de responsabilité. On voit cette culture énergétique profondément « anti-renouvelables » à l’œuvre chez les sénateurs LR, qui veulent plafonner le photovoltaïque et plafonner (ou faire disparaître) l’éolien. On est loin du « Ne vous inquiétez pas, le nucléaire est totalement compatible avec le développement des énergies renouvelables ! ». Et c’est dangereux : en cas de défaillance du nucléaire, l’énergie sera plus chère et nous devrons faire face à un manque de sécurité d’approvisionnement électrique.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Je salue l’effort de monsieur Nury en faveur de l’éolien terrestre : son amendement est plus ambitieux que la PPE du Gouvernement ! Je note la conversion des Républicains à l’éolien terrestre avec beaucoup de satisfaction.
Monsieur le rapporteur, vous parlez de légiférer à l’aveugle, mais, en l’absence d’étude d’impact, c’est sur le projet de décret relatif à la PPE et sur les scénarios construits par RTE que nous fondons nos propositions. Nous essayons au contraire de sécuriser juridiquement les éléments indispensables à la sécurité d’approvisionnement électrique.
Contrairement à ce que vous dites, un texte qui fixe des orientations de sobriété et de développement des énergies renouvelables trouvera bien une majorité, mais elle se trouve sur votre gauche.
M. Joël Bruneau (LIOT). À la suite de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont répertorié les zones dans lesquelles les documents d’urbanisme autorisent l’installation d’éoliennes. Il serait donc rationnel d’identifier le potentiel de ces zones pour fixer des objectifs précis et réalisables, plutôt que de définir a priori des quantités de gigawatts.
M. Jérôme Nury (DR). Monsieur Tavel, au sujet de l’éolien terrestre, nous ne sommes pas des convertis : nous avons toujours été athées. C’est une question de réalisme. Les 36 gigawatts (GW) que nous proposons représentent simplement ce qui existe aujourd’hui et ce qui va arriver. D’ailleurs, le Sénat avait fixé un objectif de 50 GW et le projet de PPE 3 en est à 45 GW. Nous sommes donc largement en dessous.
M. Thierry Benoit (HOR). Je soutiens l’amendement CE41, qui m’a fait penser aux « zones de développement éolien » lancées il y a une quinzaine d’années sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
L’acceptabilité de l’énergie renouvelable dans les territoires est aussi une question de planification : grâce aux schémas de cohérence territoriale (Scot), aux plans locaux d’urbanisme (PLU) et, surtout, aux plans locaux d’urbanisme intercommunal (PLUI), les acteurs locaux peuvent présenter à la population une vision englobant l’urbanisme résidentiel, industriel et commercial, les zones agricoles, les zones naturelles et les zones d’accélération de la production d’énergies renouvelables.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). On peut discuter de la nécessité de mettre des chiffres dans la loi, mais ce qui me gêne dans votre amendement, monsieur Nury, c’est qu’il pose une limite. Votre démarche me fait penser à celle de ces quatre-vingts députés et sénateurs qui ont demandé, dans une tribune publiée le 13 janvier dernier, un moratoire sur les énergies renouvelables.
Cela me gêne, car notre objectif majeur est d’aller plus loin et plus vite vers la sortie des énergies fossiles. Il faut donc additionner les solutions – nucléaire et énergies renouvelables, lesquelles ont fait leurs preuves – plutôt que de les limiter ou de les mettre en pause.
M. Antoine Armand (EPR). Avis défavorable aux amendements CE194, CE198 et CE138. Pour l’amendement CE41, sagesse.
La commission rejette les amendements CE194 et CE198 et adopte l’amendement CE41.
En conséquence, l’amendement CE138 tombe.
Amendements CE354 de M. Maxime Laisney, CE346 de M. Matthias Tavel et CE348 de Mme Anne Stambach-Terrenoir (discussion commune)
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). L’Organisation météorologique mondiale a récemment publié un rapport qui prévoit le dépassement de la barre de + 1,5 °C avant 2030 et souligne que les dix dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées, chacune battant le record de la précédente. Le rapport évoque même la possibilité d’un dépassement de plus de deux degrés certaines années. Météo-France, dans un rapport publié le 20 mars dernier, observe que la France se réchauffe plus vite que la moyenne mondiale et appelle à se préparer à une multiplication des canicules et des sécheresses.
En d’autres termes, nous débattons d’une programmation qui met la priorité sur l’énergie nucléaire, alors que – mais sur quel ton vous le dire ? – on ne sait pas comment on va pouvoir refroidir nos réacteurs nucléaires à l’avenir. Je rappelle que le refroidissement représente la moitié des prélèvements d’eau. Même si ceux-ci sont en grande partie restitués au milieu, ils nécessitent une forte disponibilité de la ressource et affectent les écosystèmes.
S’il y a conflit d’usages, s’il faut choisir entre boire et refroidir les réacteurs, la préservation de la ressource en eau doit avoir la priorité sur la production d’électricité. C’est l’objet de ces amendements.
M. Antoine Armand, rapporteur. Avis défavorable aux trois amendements.
L’amendement CE354 propose de supprimer la mention que la préservation de la ressource en eau doit se faire « sans préjudice du nécessaire fonctionnement des installations de production d’électricité » ; mais la sûreté nucléaire doit être garantie. Même raisonnement pour l’amendement CE346. Quant à l’amendement CE348, sa rédaction atteint un niveau de détail qui n’a pas sa place dans une loi.
M. Maxime Amblard (RN). Il faut mettre les pendules à l’heure sur le refroidissement des réacteurs. Prenons l’exemple de la centrale de Bugey, qui fonctionne avec des réacteurs à circuit fermé dotés d’aéroréfrigérants : on atteint 0,2 % du débit d’étiage du Rhône. Si on est un jour à cette quantité près, on aura d’autres problèmes que le refroidissement des réacteurs : Lyon n’aura plus d’eau, par exemple. Lorsque les réacteurs baissent leur puissance, ce n’est pas à cause de contraintes techniques, mais d’un delta de température prévu par la loi. Arrêtez donc de faire paniquer les gens avec vos fantasmes !
M. Benoît Biteau (EcoS). Je rappelle que les usages de l’eau sont hiérarchisés par le code de l’environnement. La première priorité est la satisfaction des besoins en eau potable, en quantité et en qualité. La deuxième est la préservation des milieux aquatiques, dont le bon état conditionne la première priorité. L’eau économique, dont fait partie le refroidissement des réacteurs, n’est que la troisième priorité.
En période de pénurie d’eau, les centrales nucléaires posent problème. On en est même à imaginer des forages pour capter l’eau souterraine, comme à Civaux, dans la Vienne.
M. René Pilato (LFI-NFP). Nous ne parlons pas de contraintes techniques, mais de survie de l’humanité – nous sommes faits d’eau à 65 %. Le reste, c’est du bla-bla. D’où les priorités établies par le code de l’environnement, qu’il me semble naturel de rappeler dans la loi. EDF montre d’ailleurs la voie de la sagesse : lorsque les températures sont trop élevées, elle arrête les centrales pour éviter de rejeter de l’eau trop chaude.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE107 de M. Jean-Luc Fugit
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Cet amendement vise à inscrire, parmi les objectifs de la politique énergétique nationale, la nécessité d’orienter l’électricité excédentaire, souvent vendue à perte, vers des usages stratégiques pour accélérer la décarbonation. Cette orientation n’est pas chiffrée, mais nous nous sommes appuyés sur des chiffres, notamment les suivants : en 2024, alors que la France exportait 23 térawattheures d’électricité à très bas prix, nos centrales à gaz brûlaient 17 térawattheures d’énergie fossile importée. Une telle incohérence affaiblit notre souveraineté énergétique et pose des problèmes climatiques.
Il faut valoriser cette électricité excédentaire, en particulier par la production de méthane de synthèse, qui est un gaz stockable et modifiable pour l’industrie et les transports lourds. Ce mécanisme d’allocation de l’électricité excédentaire à des usages d’avenir n’a pas de coût pour les finances publiques.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je partage pleinement l’ambition de cet amendement. Il me semble toutefois qu’il relève plutôt du niveau du décret, à moins de le réécrire pour la séance. Demande de retrait.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Je le retire, pour le retravailler sous le regard bienveillant et compétent du rapporteur.
L’amendement est retiré.
Amendements CE453 et CE258 de M. Karim Benbrahim (discussion commune)
M. Karim Benbrahim (SOC). La transition énergétique impose de cesser les activités de certains sites, par exemple les centrales de production d’électricité à partir du charbon, et de réaliser de nouveaux investissements.
Ces amendements proposent de fixer un objectif de conversion des sites existants en exploitant leurs atouts que sont la présence d’infrastructures, d’un tissu industriel environnant, de compétences, de réseaux électriques à proximité et de sources froides pour le refroidissement. La centrale à charbon de Cordemais, par exemple, est appelée à fermer, mais EDF ne souhaite pas poursuivre la production d’énergie sur ce site, de sorte qu’on va perdre ses atouts et les compétences qui s’y trouvent.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je comprends l’objectif de ces amendements, mais leur dispositif, tel qu’il est rédigé, ne permet pas de l’atteindre.
Ils font en effet mention de « sites de production » sans préciser s’il s’agit de sites énergétiques ou de tout site industriel. Ensuite, préciser que « la réalisation de cet objectif doit chercher à assurer une continuité entre l’activité initiale et la nouvelle activité » me semble avoir une faible portée normative.
Je vous demanderai donc de retirer vos amendements.
M. Karim Benbrahim (SOC). Vous avez raison : j’aurais dû préciser qu’il s’agit de sites de production d’électricité. Je vais toutefois maintenir l’amendement CE453, que nous pourrions adopter avant d’apporter la modification nécessaire en vue de la séance, et retirer l’amendement CE258.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Une proposition de loi visant à convertir les centrales à charbon a été votée en avril dernier. Son article 4 s’applique au site de Cordemais, dont EDF a prévu la fermeture « sèche » en 2027, sans projet de conversion.
Nous avons eu la stupéfaction de recevoir, il y a quelques jours, par l’intermédiaire du ministre de l’industrie et de l’énergie, un dossier d’EDF qui n’est ni plus ni moins qu’une reprise de documents préexistants à cette loi, ce qui ne fait que témoigner de la mauvaise volonté persistante d’EDF au sujet de cette centrale.
Cet amendement est l’occasion de forcer le Gouvernement à respecter la promesse présidentielle de conversion des centrales au charbon et de faire en sorte qu’EDF, enfin, respecte les parlementaires et obéisse à la loi.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je maintiens mon avis, mais je suis à la disposition des collègues qui le souhaitent pour préparer pour la séance un amendement transpartisan qui permettrait de réitérer le vote du Parlement – ce qui semble nécessaire au vu de l’inaction de l’entreprise – et de s’assurer ainsi que la conversion se fait.
L’amendement CE258 est retiré.
La commission rejette l’amendement CE453.
Amendements identiques CE1 de M. Didier Le Gac, CE17 de Mme Virginie Duby-Muller et CE321 de M. Guillaume Lepers
M. Thierry Benoit (HOR). L’amendement CE1 a pour objet de soutenir la production de gaz naturel et bas-carbone, avec pour objectif une capacité installée d’au moins 85 térawattheures injectés dans les réseaux en 2035.
La méthanisation permet de valoriser les effluents d’élevage par la production de digestats, qui peuvent aussi être combinés à la fermentation de déchets verts comme les déchets organiques issus de la restauration (notamment collective). Il y a, dans l’Ouest, plusieurs projets de ce type émanant de collectivités et de groupements d’agriculteurs.
Mme Virginie Duby-Muller (DR). Un tel objectif serait un signal fort vis-à-vis d’une filière stratégique pour notre transition énergétique, mais aussi pour notre souveraineté énergétique. La programmation pluriannuelle de l’énergie actuelle, en ne fixant aucun objectif au-delà de 2030, crée une incertitude insoutenable pour les acteurs du secteur : cette absence de visibilité menace des investissements, des projets en cours et l’emploi dans les territoires. Elle contredit également l’objectif même du texte : construire une trajectoire de décarbonation crédible, lisible et ambitieuse.
La filière biogaz a déjà montré sa capacité à se structurer, à innover et à créer de la valeur locale. Elle a besoin d’un cap politique fort. Les 85 térawattheures que nous proposons ne sont pas une utopie, mais un minimum atteignable si nous maintenons la dynamique actuelle et si nous soutenons les nouvelles technologies de production comme la pyrogazéification, la gazéification hydrothermale ou la méthanisation.
M. Guillaume Lepers (DR). Il s’agit de donner de la visibilité et de la stabilité aux acteurs de la filière. L’objectif présente un lien direct avec le texte et son objectif, affiché au chapitre 1er, de fixer une programmation énergétique ambitieuse.
La filière du gaz renouvelable, notamment le biométhane, est en pleine croissance, mais elle fait face à un manque de lisibilité au-delà de 2030. Ce flou fait peser sur cette filière un risque majeur de décrochage alors que nous avons besoin de son dynamisme pour accélérer la transition énergétique, renforcer la résilience de notre système gazier et limiter notre dépendance aux énergies fossiles importées.
En fixant un cap clair pour 2035, nous envoyons un signal fort aux producteurs, aux collectivités et aux investisseurs, dont les efforts sont au cœur de la stratégie énergétique de la France.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je suis partagé : il est important d’afficher une ambition claire en matière de biogaz – même si l’horizon doit être quinquennal, donc se situer en 2030 plutôt qu’en 2035 –, mais ces amendements me posent deux difficultés.
La première tient à l’intégration du gaz bas-carbone, radicalement différent du biogaz, notamment du point de vue des émissions. La seconde tient au chiffrage de l’objectif. Le chiffre de 85 térawattheures correspond à la fourchette haute de production en 2035 selon la programmation pluriannuelle de l’énergie : on pourrait certes en discuter, mais il ne vient pas de nulle part. Sauf que vous parlez de térawattheures injectés dans les réseaux, et non de l’ensemble de la production. Or, la PPE 3 prévoit 44 térawattheures de biogaz injectés dans les réseaux en 2030 ; un doublement de cet objectif en seulement cinq ans me paraît excessif.
Pour ces deux raisons, je demande le retrait de ces amendements, comme des autres amendements portant sur des objectifs chiffrés. Je préfère en effet que nous proposions en vue de la séance un amendement de stratégie globale pour chacune des énergies afin de pouvoir boucler l’équation énergétique et garantir ainsi la résilience du système plutôt que de voter des objectifs de façon dispersée.
M. Dominique Potier (SOC). Le groupe Socialistes votera contre ces amendements. D’une part, ils sont hors norme par rapport aux travaux du secrétariat général à la planification écologique (SGPE) sur le bouclage de la biomasse. D’autre part, ils souffrent d’un biais consistant à ne considérer la méthanisation que dans sa fonction d’injection dans le réseau.
Or, la méthanisation a aussi pour fonction de réduire les émissions de gaz à effet de serre, protoxyde d’azote et méthane. Elle peut en outre être produite par des circuits courts de transformation d’énergie dont le modèle n’a rien à voir avec les méthaniseurs et qui ont un impact positif à la fois sur l’écologie et sur l’économie des exploitations d’élevage porcin et bovin. Une autre méthanisation est donc possible.
M. Benoît Biteau (EcoS). De plus en plus de méthaniseurs sont nourris avec des cultures dédiées, ce qui pose un problème de compétition avec l’alimentation. Un autre problème tient à l’affaiblissement durable de la fertilité des sols, puisque le carbone capté par le méthane (CH₄) ne se retrouve pas dans les digestats.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous en sommes aujourd’hui à 11,6 térawattheures de biogaz injectés dans les réseaux. Le texte suppose donc une multiplication par quatre en cinq ans et les amendements une multiplication par huit en dix ans.
Avec quel type de méthanisation ces objectifs pourront-ils être atteints ? Combien d’hectares seront nécessaires ? Une étude de FranceAgriMer de 2022 établit à 370 000 hectares l’étendue des cultures à vocation énergétique, dont 70 000 hectares de maïs. Cette surface devra-t-elle augmenter pour atteindre ces objectifs ? Malgré les interdictions, nous voyons de plus en plus de cultures consacrées à nourrir les méthaniseurs. En outre, la méthanisation par injection coûte très cher et crée une concurrence déloyale entre les agriculteurs qui utilisent cette technologie et les industriels. C’est un vrai problème pour la souveraineté alimentaire.
M. Philippe Bolo (Dem). Je défends la méthanisation, mais avec des nuances. Elle s’inscrit dans un cycle de carbone court, favorable à la lutte contre le changement climatique. Elle nous évite en outre d’importer du gaz de pays qui ne nous veulent pas que du bien. Enfin, elle permet de partager la valeur avec les territoires.
Toutefois, il faut distinguer entre la méthanisation « à la française » et celle « à l’allemande ». La première repose sur le traitement des effluents d’élevage et constitue un complément de revenus pour l’agriculteur. La seconde, qui se développe également dans notre pays, repose sur la prédation du foncier, afin de le dédier à cette activité. L’objectif de méthanisation fixé dans cet amendement risque de favoriser cette dernière, alors qu’elle n’est pas vertueuse.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Je ne voterai pas pour cet amendement, même si nous défendons la méthanisation.
Le rapport d’information « L’agriculture face au défi de la production d’énergie », que j’ai présenté avec un sénateur socialiste pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) et qui a demandé un an de travail et 153 auditions, traite notamment de la méthanisation. Elle a permis de sauver des exploitations agricoles, par exemple dans l’Est de la France, comme vous l’indiquera l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France. Elle est l’une des multiples solutions qui contribuent à la défossilisation de l’énergie. Actuellement, 60 % des effluents d’élevage ne sont pas méthanisés, alors qu’ils pourraient l’être. Il faut donc développer cette approche.
Toutefois, l’amendement me gêne, car l’objectif d’au moins 85 térawattheures ne me semble pas réaliste ; il devra être retravaillé en vue de l’examen du texte en séance publique.
M. Thierry Benoit (HOR). Je suis centriste, donc pragmatique. Monsieur le rapporteur, pourrions-nous retravailler l’amendement en vue de la séance publique ? La méthanisation doit être encouragée. Dans les régions où l’élevage est dense, comme la Bretagne, elle permet de valoriser une partie des effluents d’élevage.
En Bretagne, il existe en outre quelques projets, défendus à la fois par la profession agricole et les collectivités, pour méthaniser une partie des effluents, des déchets verts et des matières agricoles issues de la restauration collective scolaire. Ainsi, cet outil peut compléter le modèle agricole breton.
Toutefois, je souhaite que nous réécrivions l’amendement, car je suis opposé à la possibilité de dédier des surfaces fourragères à la méthanisation.
M. Julien Brugerolles (GDR). Face à la concurrence des usages du foncier, nous manquons d’une stratégie nationale de mobilisation de la biomasse. Le Haut Conseil pour le climat, dans son rapport sur le projet de PPE 3, recommandait justement l’élaboration d’une telle stratégie, notamment parce que la question des cultures intermédiaires à vocation énergétique n’est pas tranchée. Il nous faut une vision globale avant de fixer des objectifs précis. Ceux de cet amendement me semblent, en outre, trop ambitieux.
M. Guillaume Lepers (DR). Je suis déçu et surpris de l’hostilité face à ces amendements. Dans mon territoire, la méthanisation est vertueuse – 100 % de la ville et 75 % de l’agglomération utilisent le biogaz. La méthanisation permet de valoriser les déchets agricoles et ceux des cantines des collectivités. Elle améliore l’empreinte des territoires ruraux.
Certains exagéreraient, dites-vous. Mais le droit en vigueur prévoit que les cultures principales ne peuvent représenter plus de 15 % des intrants des méthaniseurs. Dans ma région, aucun agriculteur n’a de production qui leur serait spécifiquement dédiée.
Faut-il renoncer à une approche positive pour les territoires ruraux et l’écologie, simplement par crainte qu’un ou deux agriculteurs fassent n’importe quoi ? Surveillons mieux les pratiques et poursuivons le développement de cette technologie d’avenir pour la ruralité.
M. Antoine Armand, rapporteur. Monsieur Benoit, je propose à ceux d’entre nous qui souhaitent que le texte aboutisse de travailler en commun à des objectifs énergétiques cohérents d’ici à l’examen du texte en séance publique.
En supprimant le maintien du parc nucléaire existant et en refusant la création de nouvelles capacités, cette commission a supprimé tout objectif en matière d’énergie nucléaire. Elle a également supprimé les objectifs en matière d’énergie photovoltaïque. Si le texte prévoit un objectif en matière d’éolien en mer, il n’en prévoit pas pour l’éolien terrestre. Enfin, le présent amendement fixe des objectifs pour 2035, mais rien pour 2030 et 2050.
Autrement dit, le présent texte ne fait pas système du point de vue énergétique. C’est pire que de ne pas inscrire d’objectif dans la loi : nous inscrivons des objectifs manifestement contradictoires. Le problème n’est donc pas que cet amendement ne serait pas bon, mais qu’il présuppose des choix énergétiques qui n’ont pas été faits ou ont été contredits. N’ajoutons pas de la confusion à la confusion.
Je suis prêt à retravailler cet amendement dès lors que nous pouvons nous accorder sur une rédaction prévoyant un système énergétique résilient en 2030 et 2035.
M. Thierry Benoit (HOR). Votre proposition est pertinente. Il faut réunir les représentants des groupes politiques volontaires afin de trouver une trajectoire cohérente pour le mix énergétique. Sinon, le texte issu de nos travaux risque d’être incohérent. Je retire mon amendement.
L’amendement CE1 est retiré.
La commission rejette les amendements identiques CE17 et CE321.
Amendements CE66 de Mme Louise Morel et CE261 de M. Karim Benbrahim (discussion commune)
Mme Louise Morel (Dem). Hier, nous avons retiré nos amendements concernant la biomasse solide. Nous espérons être plus heureux avec l’amendement CE66, qui est équilibré. Il permettrait « d’encourager la production et la consommation d’énergie de chaleur à partir de biomasse solide (…), en veillant à maintenir la durabilité de l’exploitation de la forêt française ».
M. Fabrice Roussel (SOC). L’amendement CE261 vise à favoriser la production d’électricité issue de la biomasse, source d’énergie renouvelable et abondante, « en limitant les conflits avec les autres usages forestiers » et sans porter atteinte au captage du carbone par les forêts.
La France comptait déjà 105 centrales à biomasse en 2022. Leur développement permettra la nécessaire diversification des modes de production d’électricité. Il permettra en outre de convertir des centrales à charbon pour passer à une énergie renouvelable.
M. Antoine Armand, rapporteur. Madame Morel, je vous propose que nous élaborions ensemble un amendement qui introduirait plutôt la notion de biomasse solide au 10° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie. En effet, c’est à cet article qu’est mentionné le fait de « valoriser la biomasse à des fins de production de matériaux et d’énergie ».
Mme Julie Laernoes (EcoS). Je souhaite m’associer au travail envisagé concernant la chaleur renouvelable, car cette question doit être précisée.
Madame Morel, nous ne pouvons voter votre amendement, car il mentionne des « centrales » à biomasse, au lieu de « chaufferies » à biomasse – c’est fondamentalement différent. En outre, les granulés de bois ne sont pas forcément la solution la plus pertinente pour les chaufferies. Votre amendement doit donc être réécrit.
Je m’oppose fermement à l’amendement CE261. Les travaux du SGPE sur le « bouclage biomasse » montrent que, parmi les usages de celle-ci, il faut accorder la priorité à la production de chaleur, car la production d’électricité à partir de la biomasse est inefficace, surtout que d’autres sources décarbonées d’électricité existent.
Monsieur Roussel, je m’étonne que vous défendiez cet amendement, alors qu’il contredit la politique que nous avons menée ensemble en faveur de la biomasse dans les réseaux de chaleur de Nantes métropole et que l’Ademe coupe les crédits du fonds Chaleur pour la construction et l’extension de projets de chauffage à biomasse.
M. Pascal Lecamp (Dem). Le délégué interministériel à la forêt, au bois et à ses usages indique que, pour protéger les forêts, il faut trouver un modèle économique résilient à long terme, car, actuellement, le maintien des forêts est financé à fonds perdus, notamment dans le cadre de « France 2030 ».
La biomasse solide est une petite partie de la solution. Elle a bien une valeur écologique, en permettant le maintien des forêts. Il faut donc l’intégrer dans le texte.
M. Stéphane Travert (EPR). Même si j’entends les précautions du rapporteur, nous avons besoin d’une « accroche législative » afin de développer la filière du bois de chauffage – celle-ci pourrait d’ailleurs faire l’objet d’une mission parlementaire.
De plus en plus de ménages s’équipent de poêles à pellets. Or, actuellement, les pellets achetés en Normandie doivent être acheminés depuis l’autre bout de la France. Pourtant, la Normandie est un pays de bocage et devrait donc pouvoir en produire. Cela accroîtrait la compétitivité de la filière et diminuerait notre empreinte carbone.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Nous comprenons l’amendement du groupe Socialistes ; toutefois, nous ne le soutiendrons pas.
Le projet Ecocombust de conversion de la centrale à charbon de Cordemais, s’il inspire cet amendement, en diffère sur un point : il vise à transformer en pellets non pas du bois directement extrait dans les forêts, mais des déchets de bois d’œuvre, si bien qu’il n’entre pas en contradiction avec l’objectif de préservation des forêts, qui stockent le carbone, et ne gêne pas les autres usages du bois.
La centrale de Cordemais doit être convertie, que ce soit à la biomasse – à partir de déchets de bois d’œuvre – ou à d’autres types d’énergie. Le site dispose de salariés compétents et d’une ligne à très haute tension, alors qu’on connaît la difficulté à en installer de nouvelles. Il bénéficie du raccordement à des parcs éoliens en mer – d’autres raccordements doivent suivre. Enfin, il est concerné par un projet d’interconnexion avec l’Espagne pour sécuriser les réseaux électriques européens. Il revêt ainsi une valeur stratégique, y compris pour la sécurité d’approvisionnement du Grand Ouest. Cordemais doit rester un site de production d’énergie et cette énergie doit évidemment être renouvelable.
La commission adopte l’amendement CE66.
En conséquence, l’amendement CE261 tombe.
Amendement CE119 de M. Jean-Luc Fugit
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Le code de l’énergie doit reconnaître pleinement l’intérêt d’étudier les énergies marines et fluviales, en particulier les énergies osmotique, marémotrice et houlomotrice. En additionnant les solutions en matière d’énergie renouvelable, nous réussirons la défossilisation.
Même si l’amendement n’avance pas d’objectif chiffré, les données sur ces énergies montrent que la France dispose d’un potentiel important. J’avais fait inscrire l’énergie osmotique dans le code de l’énergie grâce à la loi Aper du 10 mars 2023. Cette énergie, reconnue par le Giec, pourrait fournir jusqu’à 700 mégawatts d’ici à 2030, par exemple sur le Rhône. Quant à l’énergie marémotrice, outre qu’elle est totalement décarbonée, elle est assez pilotable.
Ces ressources pourraient avoir des retombées économiques et industrielles intéressantes pour nos territoires et leur permettre de participer à la réécriture de notre récit national : nous devons produire notre énergie sur notre sol et cesser de dépendre des énergies fossiles de pays hostiles et instables.
M. Antoine Armand, rapporteur. Même s’il faut donner de la visibilité en la matière, ces précisions auraient davantage leur place dans un texte réglementaire. En outre, les énergies que vous mentionnez – l’énergie marémotrice et l’énergie osmotique, par exemple – ne sont pas du tout au même niveau de développement. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Nous soutiendrons cet excellent amendement. Vous connaissez notre engagement pour le développement des énergies de la mer. J’en profite pour saluer l’excellent potentiel de recherche et développement de notre pays concernant les technologies osmotique et houlomotrice, par exemple à travers la fondation Open-C et ses sites d’essais en mer, notamment au large du Croisic.
Certes, ces technologies ne répondront pas à nos besoins dans les cinq ou dix années à venir, mais, dans certains territoires et notamment en outre-mer, elles peuvent apporter des compléments d’énergie, donc de la stabilité et de la sécurité, tout en permettant la décarbonation. Envoyons un signal de confiance dans la recherche et développement de ces énergies.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Notre rôle est d’orienter la politique énergétique de notre pays et le présent texte aura la valeur d’une loi d’orientation. Il s’agirait en effet d’un signal aux chercheurs.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE558 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Il s’agissait d’un amendement de cohérence. Puisque toute cohérence a disparu de l’article que nous examinons, je le retire, pour éviter d’ajouter de la confusion à la confusion.
Si je ne suis pas favorable à l’inscription dans la loi de l’objectif d’une multiplication par cinq des quantités de chaleur et de froid renouvelables à l’horizon 2030, c’est parce qu’un tel objectif ne fait pas système avec les votes précédents. Avez-vous prévu de le concilier avec l’objectif de 85 térawattheures de biogaz évoqué tout à l’heure, ou avec un objectif d’électrification ? L’avez-vous comparé avec l’objectif de 297 térawattheures de chaleur renouvelable ou de récupération déjà inscrit dans le texte ?
L’amendement est retiré.
Amendements CE104 de M. Jean-Luc Fugit et CE15 de Mme Danielle Brulebois (discussion commune)
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Nous proposons d’inscrire dans le texte un sous-objectif de production de chaleur à partir des combustibles solides de récupération (CSR) au sein de l’objectif de 297 térawattheures que vous évoquez. Trop souvent, quand il est question d’énergie, on oublie de mentionner la chaleur.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Oui, les CSR peuvent nous aider à atteindre notre objectif de production de chaleur renouvelable, qui est ambitieux. Les petits ruisseaux font les grandes rivières.
Malgré la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire du 10 février 2020, dite loi « Agec », les déchets non dangereux, non réutilisables et non recyclables, tels que certains plastiques et certains textiles, alors qu’ils pourraient être inscrits dans une logique d’économie circulaire et valorisés sous la forme de CSR, ne le sont toujours pas ; c’est bien dommage.
Nous enfouissons chaque année dix millions de tonnes de déchets non dangereux, qui polluent les nappes phréatiques et les sols, outre qu’ils émettent du méthane. Ce n’est pas acceptable. Il n’est plus possible de prolonger l’exploitation des sites d’enfouissement.
La quantité de déchets non dangereux qui pourraient être concernés par cette valorisation est estimée à deux millions de tonnes par an, soit l’équivalent de la consommation de fioul de notre pays. Nous croulons sous des déchets qui pourraient constituer un levier pour l’économie circulaire. Les associations d’insertion ne savent plus quoi faire des déchets textiles, puisque les filières d’exportation en Afrique ferment. Encourageons la filière des CSR !
M. Antoine Armand, rapporteur. Étant donné l’état de la programmation énergétique à ce stade de nos travaux, il est difficile d’ajouter des objectifs chiffrés qui ne font pas système avec le reste du texte. Demande de retrait.
Mme Danielle Brulebois (EPR). On annonce depuis trois ou quatre ans que les déchets ne seront plus enfouis, mais valorisés sous la forme de CSR. Pourtant, ils ne le sont pas. Il faut encourager cette filière, qui peut être utile aux industriels comme à nos autres concitoyens.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Monsieur le rapporteur, vous répétez que le texte n’a plus aucun sens faute de cohérence entre les objectifs chiffrés. Certes, cette proposition de loi, telle qu’elle est ficelée, est irresponsable, mais où en est le groupe de travail que vous coprésidez et qui doit fixer les objectifs chiffrés et l’équilibre entre les énergies ? Ce n’est pas une manière de travailler.
L’article 5 lui-même est imparfait. Il devra être amendé en de multiples points pour devenir cohérent. Nous disposons d’une semaine avant l’examen du texte en séance publique, ce qui nous permettra peut-être un travail collectif. Quoi qu’il en soit, rejeter cet article reviendrait à s’opposer aux énergies renouvelables, alors que ces filières sont fragiles et qu’il faut changer de paradigme culturel concernant l’énergie.
M. Philippe Bolo (Dem). N’oublions pas que les CSR sont les rebuts du système de gestion des déchets. D’autres objectifs visent à permettre de mieux gérer les déchets, selon les principes des « 3R » (réduction, réemploi et recyclage) de l’économie circulaire. Nous les contredirions en fixant durablement une quantité de CSR à produire.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Effectivement, l’article 5 est imparfait. La confusion demeure entre énergies décarbonée et renouvelable et les objectifs manquent pour certaines énergies. Toutefois, dans la perspective des débats en séance publique, cet article constitue une base pour donner la stabilité et la visibilité nécessaires aux filières industrielles.
Notre groupe a permis l’adoption d’amendements du groupe Ensemble pour la République concernant l’éolien en mer et l’hydrolien. Nous ferons l’effort de voter cet article imparfait afin de montrer que nous sommes disponibles pour coconstruire le texte.
M. Antoine Armand, rapporteur. Chers collègues des groupes Écologiste et social et La France insoumise, vous déclarez que, même si cet article est imparfait et devra être retravaillé en séance, il est nécessaire qu’une loi de programmation de l’énergie fasse référence aux énergies renouvelables.
Si vous croyiez vraiment à ce raisonnement, vous n’auriez pas supprimé l’article sur le nucléaire avec le Rassemblement national, puisqu’il est tout aussi nécessaire que le texte mentionne le fonctionnement du parc nucléaire existant pendant les prochaines années et les nouveaux projets nucléaires. En réalité, ce que vous exprimez, c’est votre opposition à toute forme de nucléaire et votre souhait d’un mix reposant intégralement sur les énergies renouvelables.
Je n’adopterai pas la même logique que vous : même si l’article est imparfait, même si vous avez souhaité supprimer, avec le Rassemblement national, toute mention du nucléaire, il nous faut avancer d’ici à l’examen du texte en séance publique.
J’espère que vous afficherez le même esprit constructif qu’à l’instant et que nous aurons une discussion sereine, au moins sur le parc nucléaire existant – je ne prétends pas vous faire changer d’opinion concernant ces sujets, qui vous tiennent à cœur de longue date.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Je retire mon amendement, car il est difficile de fixer une norme chiffrée. Il nous faut cependant travailler sur le sujet des CSR d’ici à l’examen du texte en séance publique. Leur bilan environnemental sera toujours meilleur que celui de l’enfouissement.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Je retire également mon amendement, même si nous ne devons pas nous priver de fixer des objectifs dans la loi. Les CSR ne doivent pas être écartés.
Les amendements sont retirés.
Amendement CE461 de M. Joël Bruneau
M. Joël Bruneau (LIOT). Le présent amendement vise à encourager le recours à la géothermie profonde, particulièrement dans les outre-mer, où il constitue une solution tout à fait crédible.
M. Antoine Armand, rapporteur. En l’état, le code de l’énergie ne mentionne pas la géothermie profonde, en tout cas aux articles L. 100-2 et L. 100-4. Même si je ne suis pas sûr que la rédaction de votre amendement soit celle que je préfère, j’émets un avis favorable. Nous travaillerons d’ici à l’examen du texte en séance publique pour l’améliorer. Il importe que cet objectif existe.
M. Maxime Amblard (RN). Le Rassemblement national votera en faveur de cet amendement, puisque la géothermie profonde constitue une source d’énergie pilotable et décarbonée.
Monsieur le rapporteur, vous faites comme si nous étions antinucléaires. Non ! Le problème est que vous avez décidé de vous associer aux socialistes concernant le nucléaire, mais que ceux-ci vous ont trahi. Dans le même temps, vous avez émis des avis défavorables aux amendements du Rassemblement national, tout en reconnaissant leur qualité. Vous avez choisi vos alliés, assumez-en les conséquences.
M. Antoine Armand, rapporteur. Le Rassemblement national a voté contre l’article 3, alors que celui-ci prévoyait le maintien du parc nucléaire existant, sous réserve de sa sûreté, la construction d’un démonstrateur de réacteur à neutrons rapides au plus tard en 2030 et l’objectif de tendre vers 27 gigawatts de nouvelles capacités d’électricité d’origine nucléaire.
J’ai constaté que vos positions concernant le nucléaire ont changé ces dernières années et je ne me permettrai pas de trancher sur ce qu’elles sont. En tout cas, c’est un fait, vous avez voté contre l’article 3.
La commission adopte l’amendement.
La commission adopte l’article 5 modifié.
Après l’article 5
Amendements identiques CE257 de M. Karim Benbrahim et CE283 de M. Charles Fournier
M. Fabrice Roussel (SOC). Notre amendement tend à fixer un objectif clair et ambitieux pour le développement des projets énergétiques renouvelables à gouvernance locale – projets d’initiative citoyenne ou émanant des collectivités locales –, qui favorisent un meilleur partage de la valeur créée grâce à des retombées économiques locales significatives. Ils devraient être l’un des axes majeurs des politiques publiques du climat et de l’énergie, en particulier de la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Dans sa feuille de route de 2021 pour favoriser les énergies renouvelables citoyennes, le ministère de la transition écologique visait mille nouveaux projets d’ici à 2028, mais, en l’absence d’objectif inscrit dans la loi, la dynamique peine à changer d’échelle.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). Les projets de production d’énergies renouvelables étant éminemment locaux, il est important que les habitants puissent se les approprier. À cet égard, la participation financière citoyenne est un bon outil. Les Français souhaitent justement donner du sens à leur épargne, dont le niveau augmente. Or, pour cela, quoi de mieux que de la placer dans le développement d’énergies renouvelables territoriales, qui enrichissent les territoires et permettent de développer notre résilience énergétique ? D’où l’intérêt de se doter d’un objectif – c’est tout le propos de ce texte.
M. Antoine Armand, rapporteur. Une telle disposition ne me semble pas relever de la loi. Au reste, comme vous l’avez rappelé, la feuille de route de 2021 fixait déjà un objectif.
Par ailleurs, comme je l’ai expliqué hier, on ne peut pas construire la programmation énergétique sur des pourcentages ou sur un nombre de projets – pourquoi 1 000 plutôt que 990 ou 1 010 ? Parlons plutôt en térawattheures.
Je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement ; à défaut, avis défavorable.
Mme Dominique Voynet (EcoS). À l’heure où tant de projets sont contestés, la qualité de la concertation et de la réflexion au sujet des projets locaux – notamment s’agissant de leur localisation et de leur ampleur – permet d’éviter bien des recours. Ces amendements sont d’autant plus intéressants que, jusqu’à présent, le système énergétique a beaucoup privilégié les installations très productives, notamment pour les réseaux.
La commission rejette les amendements.
Amendements CE327 de M. Matthias Tavel, CE129 de M. Jean-Luc Fugit et CE433 de M. Karim Benbrahim (discussion commune)
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Afin de sécuriser les futurs appels d’offres pour l’éolien en mer et d’éviter de prendre davantage de retard, cet amendement permet qu’ils soient lancés même si la PPE 3 est rejetée.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Il est urgent de sécuriser le cadre d’intervention publique en matière d’éolien en mer. Il s’agit aussi, nous en avons déjà parlé, de respecter le pacte signé en 2022.
En effet, l’absence de programmation pluriannuelle de l’énergie – le décret de la PPE 3 est prêt, mais il n’a toujours pas été publié – est une source d’incertitude majeure pour l’ensemble des entreprises engagées dans la transition énergétique. Ce flou réglementaire fragilise tout particulièrement les acteurs de l’éolien en mer. Les industriels, les collectivités, les sous-traitants ont déjà mobilisé des moyens importants et ne peuvent plus attendre : étant donné que dix-huit mois sont nécessaires pour instruire les offres, il faut absolument lancer au plus vite le dixième appel d’offres – avant l’été 2025 si possible, pour garantir l’attribution des projets d’ici à la fin 2026.
Notre amendement, que je qualifierais de responsable vu la situation, permettra à l’administration de le faire sans attendre les procédures de mise en concurrence pour les zones identifiées comme prioritaires dans la décision ministérielle du 17 octobre 2024.
M. Karim Benbrahim (SOC). Il est effectivement urgent d’autoriser le lancement des appels d’offres pour le développement de parcs éoliens en mer, même si les objectifs de la PPE ne sont pas encore publiés. Certains sites industriels ont déjà annoncé des plans sociaux en raison d’un creux dans leur carnet de commandes pour 2027. Si de nouveaux appels d’offres ne sont pas lancés au plus vite, d’autres pourraient se retrouver en péril. Il faut donc adopter de toute urgence l’un de ces amendements.
M. Antoine Armand, rapporteur. Comme je l’ai dit hier, je ne suis pas sûr qu’il soit opportun d’inscrire dans la loi un mécanisme destiné à traiter un cas particulier.
Ces amendements posent également une question de principe : celle du dépassement des objectifs fixés dans la PPE. Pourquoi pas ? Après tout, rien n’empêche d’installer un dispositif de production énergétique même s’il n’est pas prévu par la loi. Ce n’est donc pas une question de vie ou de mort pour le système énergétique. Mais si nous décidons d’autoriser le dépassement des objectifs, il faut raisonner de manière systémique pour toutes les énergies, en croisant les objectifs de RTE, de GRTgaz et de l’ensemble des acteurs de la chaîne énergétique, car en autorisant chacun à progresser à une vitesse différente, nous risquons de créer des déséquilibres. Je vous demande donc de bien vouloir retirer les amendements. Nous pouvons travailler à une rédaction incluant toutes les énergies d’ici à la séance publique.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Le rapporteur s’engage à y travailler, je lui fais confiance. Je retire mon amendement.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Si la production d’éolien en mer a pris du retard, c’est aussi parce que le niveau de dotation de nos ministères, bien en deçà de celui des autres ministères européens engagés dans ces politiques publiques, ne permet pas à leurs équipes d’instruire les offres dans les délais que nous nous sommes fixés pour accélérer réellement le déploiement de l’éolien maritime. Pour respecter ces objectifs, il faudrait affecter au moins 40 équivalents temps plein (ETP) à l’éolien maritime.
Face à la désindustrialisation massive qui touche notre pays – notamment mon département de la Loire-Atlantique, avec le départ annoncé de General Electric –, nous devons sécuriser un maximum d’objectifs en les inscrivant dans la loi. Je suis donc favorable à ces amendements.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, il faut autoriser le dépassement des objectifs de la PPE. Si nos amendements à l’article 5 ne fixaient que des objectifs « plancher », c’était justement pour sécuriser l’approvisionnement tout en ouvrant la possibilité d’une production plus importante ici ou là.
Or, contrairement à ce que vous affirmez et à ce qui est effectivement possible pour l’éolien terrestre ou le photovoltaïque, personne ne peut installer librement des éoliennes sur le domaine public maritime ou en zone économique exclusive (ZEE) sans avoir préalablement répondu à un appel d’offres de l’État et obtenu les autorisations ad hoc – et c’est heureux.
Enfin, nous souscrivons à votre analyse : il faut une réflexion globale. Nous y travaillerons bien volontiers avec vous d’ici à la séance publique. Les filières industrielles ont vraiment besoin de visibilité, car les projets éoliens sont pluriannuels et les carnets de commandes de certains acteurs, comme les turbiniers, sont vides à partir de 2027. Il faut leur apporter des garanties.
M. Antoine Armand, rapporteur. Hier soir, nous avons adopté des amendements autorisant le dépassement des objectifs de la PPE jusqu’en 2035 – j’imagine que c’est bien la période qui nous sépare de cette date que vous qualifiez d’urgente. Il est inutile de se répéter et je vous invite donc à retirer vos amendements, moins précis que ceux adoptés hier.
M. Karim Benbrahim (SOC). Hier, vous avez exprimé vos plus vives réserves sur l’inscription dans la loi d’une dérogation temporaire. Il me semble préférable de sécuriser le dispositif et je maintiens donc mon amendement.
M. Antoine Armand, rapporteur. La loi est déjà suffisamment mal écrite – à cause de la rédaction initiale et du fruit de nos débats jusqu’à présent – pour ne pas en rajouter. Les amendements adoptés hier malgré mes réserves – et le fait que la défense qui en a été faite ne correspondait pas du tout au dispositif proposé – traitaient mieux le problème. Au nom de la clarté légistique, n’adoptons pas deux fois le même amendement, d’autant que cela ne sécurisera pas davantage le dispositif.
M. Karim Benbrahim (SOC). Nous pourrons toujours améliorer la clarté légistique en séance.
Les amendements CE129 et CE327 sont successivement retirés.
La commission rejette l’amendement CE433.
Amendements CE438 et CE442 de M. Charles Fournier (discussion commune)
M. Nicolas Bonnet (EcoS). Malgré une forte volonté de développer les énergies renouvelables, la France ne fabrique que peu de systèmes de production d’ENR et leur efficacité pourrait être améliorée. Pour intensifier cette production et exploiter plus efficacement les différents types d’énergie, notamment photovoltaïque, solaire, osmotique et marémotrice, il faut donc renforcer la recherche et l’innovation.
Ces deux amendements tendent à afficher nos ambitions en la matière : l’amendement CE442 vise à augmenter les moyens alloués à la recherche et à l’innovation, tandis que l’amendement CE438, de repli, propose de pérenniser les moyens actuels.
M. Antoine Armand, rapporteur. Pour la clarté des débats, je précise que le 7° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie dispose que l’État veille à « impulser une politique de recherche et d’innovation qui favorise l’adaptation des secteurs d’activité à la transition énergétique ». Cette rédaction est pour le moins vague et générale.
Ces amendements, qui tendent à fixer des objectifs de recherche pour les énergies photovoltaïque, solaire, osmotique et marémotrice, précisent donc utilement l’article L. 100-2, mais ne prévoient rien pour l’éolien ni pour le nucléaire, dont les objectifs étaient fixés à l’article 3, malheureusement rejeté.
Sur le principe, je n’ai pas d’objection à l’adoption de ces amendements, mais je propose que nous réfléchissions ensemble, d’ici à la séance publique, à une rédaction claire prévoyant des objectifs de recherche pour toutes les énergies. Je vous invite donc à retirer les amendements ; à défaut, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). La liste des énergies qui mériteraient un effort renforcé en matière de recherche et d’innovation est effectivement incomplète et nous pourrions aller plus loin. Adoptons l’un de ces amendements pour impulser la dynamique – j’ai une préférence pour le CE442 et je vais donc retirer le CE438 –, nous pourrons ensuite l’enrichir en séance.
L’amendement CE438 est retiré.
La commission rejette l’amendement CE442.
Amendements CE131 et CE132 de M. Jérôme Nury, CE514 de M. Antoine Golliot et CE184 de M. Robert Le Bourgeois (discussion commune)
M. Jérôme Nury (DR). Au vu de tous les projets d’éolien et de photovoltaïque déjà développés, les amendements CE131 et CE132 visent à instaurer un moratoire sur l’instruction et la mise en service de tout projet d’installation éolienne ou photovoltaïque, à l’exception des projets autorisés avant la promulgation de la loi, afin de mener une évaluation indépendante, exhaustive et transparente des conséquences de ces filières sur le système énergétique français.
M. Antoine Golliot (RN). Parler de baisse d’acceptabilité de l’éolien dans le cœur des Français est un euphémisme : face au développement anarchique des éoliennes, nos territoires ruraux saturent.
L’éolien est un désastre écologique, en raison de l’artificialisation des sols et des atteintes à la biodiversité, économique, car c’est une énergie intermittente qui produit peu, et visuel, puisqu’il détruit les paysages et affecte la valeur de l’immobilier. Je pense également aux pêcheurs, que ces funestes projets dans le domaine public maritime privent de zones de pêche.
La transition énergétique est nécessaire, mais elle ne saurait se faire contre les territoires et leurs habitants. Mon amendement vise donc à instaurer un moratoire sur l’éolien. Mesure de bon sens qui répond aux préoccupations de nos concitoyens et de nos acteurs économiques, cette suspension permettra de mener une évaluation lucide du coût et des conséquences réelles de l’éolien.
M. Antoine Armand, rapporteur. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Soyons pragmatiques : aujourd’hui, notre production électrique est assise sur des réacteurs électronucléaires, de l’hydraulique, de l’éolien terrestre et maritime et du photovoltaïque. Au vu du parc existant, notre marge de progression avec le seul parc nucléaire est de 40 térawattheures ; c’est la différence entre le niveau de production actuel, qui s’élève à 360 térawattheures, et les ambitions d’EDF à l’horizon 2035, sachant que, d’après les énergéticiens, aucun réacteur nucléaire ne sera vraisemblablement mis en service d’ici là – ce sera peut-être même plus tard encore.
Instaurer un moratoire sur les énergies renouvelables, c’est donc se condamner à ne pouvoir compter que sur ces 40 térawattheures supplémentaires d’ici 2035 à 2038, au détriment de l’ambition de réindustrialisation et de poursuite de la décarbonation et de l’électrification que nous appelons tous de nos vœux. C’est aussi se priver de toute marge de sécurité en cas de défaillance de nos installations, qu’elles soient nucléaires, hydroélectriques, solaires ou éoliennes. De l’aveu même de M. Bernard Doroszczuk, ancien président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et qu’on peut difficilement taxer d’être un antinucléaire, le maintien en fonctionnement du parc nucléaire n’exclut pas le besoin d’une marge de sécurité en matière de production. C’est ce qu’offrent les énergies renouvelables, même si elles présentent d’autres limites, comme celle de ne pas être pilotables. De fait, toutes les énergies électriques ne se valent pas : la pilotabilité a un coût qui devrait être davantage pris en compte – nous en avons parlé à l’occasion d’autres amendements.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Je nous félicite d’avoir adopté l’article 5 sur les énergies renouvelables, aussi imparfait soit-il, et rejeté l’article 3, qui portait sur le nucléaire. Ces votes sont la preuve qu’une majorité se dégage, à gauche, pour travailler sur un mix énergétique plus responsable, plus décentralisé et moins coûteux pour les Français.
À l’inverse, ces amendements sont la caricature du populisme de certains en matière d’écologie et, plus largement, de transition énergétique. À l’heure du réchauffement climatique, il n’est absolument pas possible de se passer des énergies renouvelables. Pourtant, la Droite républicaine demande un moratoire sur toutes ces énergies, tandis que le Rassemblement national se concentre sur l’éolien terrestre. C’est une démarche très dangereuse pour la sécurité d’approvisionnement électrique de notre pays et totalement irresponsable pour le climat et la facture électrique des Français. Il faut donc absolument rejeter ces amendements.
M. Maxime Amblard (RN). Monsieur le rapporteur, l’amélioration de la puissance des réacteurs, déjà prévue par le Gouvernement, devrait permettre de gagner 3 gigawatts avec le parc actuel, et donc d’augmenter la production d’environ 30 térawattheures. Cela porterait notre marge de progression à 70 térawattheures, soit peu ou prou le niveau de production électrique fixé dans la PPE et qui justifie le déploiement d’énergies renouvelables intermittentes supplémentaires.
La solution jusqu’en 2035 est donc toute trouvée, elle a l’avantage d’exister déjà et d’être peu chère.
La commission rejette successivement les amendements.
Article 6 (article L. 641-6 du code de l’énergie) : Définition d’un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports
Amendement CE405 de Mme Anne Stambach-Terrenoir
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Aux termes de la directive européenne, les États ont le choix entre réduire de 14,5 % les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports et porter la part d’ENR à au moins 29 % d’ici à 2030.
L’article 6 a retenu la première option ; pour accélérer la décarbonation, nous proposons de retenir également l’autre objectif.
M. Antoine Armand, rapporteur. Si la directive laisse le choix, c’est justement pour ne pas trop contraindre notre capacité d’électrification. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE57 de Mme Cyrielle Chatelain
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). L’article 6 prévoit la suppression de l’objectif de 15 % de biocarburants dans les transports d’ici à 2030. Si le groupe Écologiste et social souscrit à cette décision, il reste attaché à l’objectif de réduction des émissions prévu par la stratégie nationale bas-carbone. Par cet amendement, nous proposons donc de faire primer les mobilités électriques sur les biocarburants, dont la production mobilise 9,6 millions d’hectares de terres agricoles à l’échelle de l’Europe, soit une superficie équivalente à celle de l’Irlande. Utilisées différemment, ces terres pourraient absorber deux fois plus de CO2 ou nourrir 120 millions de personnes. Nous refusons la mise en compétition de ces deux usages des terres agricoles, se nourrir et se déplacer, et proposons donc de réécrire l’alinéa 1.
M. Antoine Armand, rapporteur. Défavorable. Non seulement je suis opposé à votre intention, car je suis persuadé qu’il faut développer les biocarburants, mais en plus la rédaction que vous proposez – « dans une moindre mesure » – n’a pas de portée concrète : si on n’a pas fait autant d’électrique que prévu, on ne pourra pas pour autant imposer une baisse du recours aux biocarburants.
M. Benoît Biteau (EcoS). Ce que vous appelez « biocarburants » correspond en réalité à des agrocarburants. Et ceux-là n’ont rien de bio, ce qui explique que leur bilan carbone ne soit pas si bon. En effet, la production de colza, de maïs ou de blé destinés aux biocarburants implique l’usage de fertilisants de synthèse, dont la production nécessite du gaz – souvent russe – et génère donc beaucoup de gaz à effet de serre.
Pour éviter les fausses bonnes solutions, veillons à adopter une approche globale.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE139 de M. Jérôme Nury
M. Jérôme Nury (DR). Un carburant renouvelable n’est pas toujours synonyme de faibles émissions de gaz à effet de serre. Afin d’accélérer la décarbonation des transports en France, cet amendement vise à reconnaître l’électricité réellement bas-carbone, notamment d’origine nucléaire, comme vecteur prioritaire pour l’alimentation des véhicules.
M. Antoine Armand, rapporteur. L’objectif est bien de décarboner notre économie et notre société de manière efficace et aussi neutre que possible sur le plan technologique. Avis favorable.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Sauf erreur de ma part, vous n’avez pas répondu à ma question hier, monsieur le rapporteur. Nous savons que l’électricité dite « bas-carbone » inclut celle d’origine nucléaire – et c’est d’ailleurs pour cela que nous nous y opposons. Ce terme couvre-t-il aussi l’électricité produite à partir d’énergies fossiles couplées à des technologies de captage et de stockage du carbone ?
M. Antoine Armand, rapporteur. Aux termes de la directive européenne, oui.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article 6 modifié.
Article 7 (articles L. 641-6 et L. 661-1-1 du code de l’énergie) : Intégration d’objectifs relatifs aux carburants renouvelables d’origine non biologique
Amendement de suppression CE58 de Mme Cyrielle Chatelain
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). La production d’agrocarburants à grande échelle engendre une concurrence entre la vocation alimentaire des terres agricoles et leur utilisation pour le transport. La production d’agrocarburants industriels, faussement baptisés « biocarburants », à partir de cultures vivrières exerce une pression sur les prix alimentaires mondiaux, menaçant la sécurité alimentaire. L’Europe brûle ainsi quotidiennement dans ses véhicules l’équivalent de dix-neuf millions de bouteilles d’huile végétale et dix mille tonnes de blé, soit quinze millions de pains. Ce n’est pas soutenable.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je ne comprends pas votre logique : je peux entendre que vous ne soyez pas favorables à cet article, mais c’est la traduction d’une directive européenne. Or, la plupart des signataires de cet amendement de suppression en appellent toujours au respect scrupuleux du droit européen. Avez-vous changé d’avis sur le respect du droit européen ou acceptez-vous d’y déroger seulement quand ce qu’il prévoit ne vous convient pas ?
M. Benoît Biteau (EcoS). Il n’est pas question de remettre en cause le droit européen, qui offre un assez bon cadre. Cependant, il permet de produire ce que l’on appelle des » cultures intermédiaires », qui ne sont pas comptabilisées dans les cultures principales dédiées aux agrocarburants. Et le diable est là, dans les détails : en exportant ces cultures intermédiaires, on affaiblit la fertilité des sols, donc, à terme, leur capacité à produire la nourriture nécessaire. Cette volonté de tout demander à l’agriculture peut nous conduire, dans un délai plus ou moins bref, à nous priver de notre souveraineté alimentaire. En voulant saisir une opportunité immédiate dans une logique court-termiste – y compris financière, pour certains –, nous prenons un risque à plus long terme, même en respectant la réglementation européenne.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je note que vous êtes prêts à ne pas respecter le droit européen en la matière, dont cet article est une transposition pure et simple. C’est votre droit.
Sur le fond, je rappelle qu’il est ici question de biocarburants « avancés », c’est-à-dire élaborés à partir d’autres matières premières. La question que vous posez, qui est légitime et doit être discutée, ne se pose pas pour eux.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 7 non modifié.
Article 8 (articles L. 100-4 et L. 311-5-3 du code de l’énergie et ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020) : Renforcement des objectifs de réduction de la consommation d’énergie et interdiction de la production d’électricité à partir de charbon
Amendement CE504 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). Réduire l’empreinte carbone des Français suppose de réindustrialiser le pays, de réimporter nos émissions extérieures, soit à peu près la moitié de l’empreinte carbone actuelle, mais aussi d’anticiper les dépenses énergétiques liées à des activités destinées à préserver l’environnement, telles que la dépollution, la reforestation et autres.
Même en améliorant l’efficacité énergétique et en augmentant l’électrification des usages, réduire de 50 % la consommation d’énergie finale à l’horizon 2050, ce n’est pas de l’efficacité énergétique, mais de l’appauvrissement. Lorsqu’il a été auditionné par la commission d’enquête sur les freins à la réindustrialisation de la France, M. Clément Beaune, haut-commissaire au plan et commissaire général de France Stratégie, a d’ailleurs admis que l’on faisait une croix sur la réindustrialisation en visant de tels objectifs.
Je propose de revoir les objectifs en visant une consommation d’énergie finale minimum de 1 350 térawattheures par an en 2050, soit une réduction de 21 % (et non de 50 %) par rapport à 2012. Qui peut le plus peut le moins. Tant mieux si l’on s’aperçoit que l’on peut moins consommer.
M. Antoine Armand, rapporteur. Vous décrivez une évolution qui devrait faire consensus : d’ici à 2035 et a fortiori d’ici à 2050, il va falloir produire beaucoup plus d’énergie décarbonée tout en consommant beaucoup moins d’énergie carbonée. Il faudra faire les deux, ce qui devrait nous inciter à sortir du débat classique entre ceux qui ne prônent que la sobriété et ceux qui ne parlent que de production d’énergie. Le Sénat, varié dans sa composition et peu suspect d’être majoritairement décroissant, propose une réduction de 30 % de la consommation finale énergétique, légèrement supérieure à l’objectif de 29 % entériné dans notre cadrage national. Je propose de nous en tenir à la rédaction actuelle.
M. Maxime Amblard (RN). Vous admettez que le risque est majeur de ne pas réussir, d’ici à 2050, à satisfaire nos besoins et à réduire nos émissions de gaz à effet de serre importées, qui représentent aujourd’hui environ la moitié de notre empreinte carbone. Nous aurons donc le choix entre nous appauvrir et continuer à importer cette empreinte carbone. Qui peut le plus peut le moins, je le répète. Autant anticiper une consommation d’énergie finale supérieure à celle que l’on attend : il vaut mieux avoir besoin d’une moindre capacité de production que prévu que faire face à un manque.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Pour ma part, je suis très opposé à cet amendement et en plein accord avec le raisonnement du rapporteur – pourvu que cela dure jusqu’aux débats en séance ! Ni RTE, ni le Haut Conseil pour le climat (HCC) ne font l’impasse dans leurs scénarios sur la sobriété en matière de consommation d’énergie et sur les perspectives d’augmentation de la production et de la consommation d’électricité. Le HCC en parle d’ailleurs dans l’avis qu’il a rendu sur la PPE 3.
La réindustrialisation ? Bien sûr, mais pas en faisant n’importe quoi, n’importe comment et à n’importe quel prix. Qui peut le plus peut le moins ? On voit bien que ces objectifs démesurés de production d’énergie en général et d’électricité en particulier servent surtout à justifier la relance du nucléaire, sur le thème « sans cette relance, nous n’atteindrons pas nos objectifs ». Mais si les objectifs sont démesurés, on ne les atteindra pas, quel que soit le mix électrique prévu.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE378 de Mme Julie Laernoes
Mme Julie Laernoes (EcoS). À l’alinéa 3, nous proposons de remplacer « à hauteur » par « d’au moins ». Loin d’être un simple ajustement rédactionnel, cette modification traduit un réel engagement politique : nous devons considérer la réduction de 30 % de la consommation énergétique finale d’ici à 2030 non comme un plafond, mais comme un minimum que l’on peut dépasser si des moyens suffisants sont mobilisés.
Le Gouvernement lui-même a retenu cet objectif de 30 % dans la Sfec présentée en novembre 2023 et dans son projet de PPE. Il est donc cohérent et nécessaire de l’assumer pleinement dans la loi. D’ailleurs, les scénarios de RTE, de l’Ademe et de l’association négaWatt l’ont confirmé : seule une politique sérieuse de sobriété, d’efficacité énergétique et de rénovation dans le bâtiment et les transports nous permettra d’atteindre nos objectifs.
M. Antoine Armand, rapporteur. L’objectif d’une réduction de 29 % résulte d’études très précises, notamment au niveau européen. Le Sénat a décidé qu’il fallait tendre vers une réduction de 30 %, ce qui me paraît acceptable. Vous dites que nous pouvons envisager une réduction « d’au moins » 30 % ; il faudrait documenter cette assertion et étayer votre objectif réel. Avis défavorable.
Mme Julie Laernoes (EcoS). On fixe dans la Sfec des objectifs – nous en avons parlé à propos de la part d’énergies renouvelables – qui ne sont pas retranscrits dans les autres documents. Ici, l’objectif de réduction figure bien dans la PPE, mais la rédaction que nous proposons n’exprime pas la même volonté politique, notamment à l’égard d’engagements que nous avons pris au niveau européen concernant des objectifs que nous avons fixés nous-mêmes.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE399 de Mme Julie Laernoes
Mme Julie Laernoes (EcoS). Nous proposons de viser une réduction de 40 % de la consommation d’énergie finale en 2030 par rapport à 2012, conformément aux objectifs européens. La réduction de 30 % prévue par la proposition de loi représente, certes, une avancée, mais moindre que celle requise dans le paquet « Fit for 55 », comme le mentionne l’avis de l’Autorité environnementale relatif à la dernière version de la PPE 3. Si nous voulons respecter nos obligations climatiques à l’échelle européenne, il faut viser une réduction de 40 %, cap beaucoup plus exigeant mais absolument nécessaire et d’ailleurs inscrit dans nos textes. Cet objectif n’est pas maximaliste, mais cohérent pour rester crédible et pour mobiliser les politiques publiques à la hauteur des enjeux. Dans ce texte, nous faisons si peu pour la sobriété ! En matière de transports, nous n’agissons – et de manière très aléatoire – que sur les carburants. Comment allons-nous réduire notre consommation énergétique sans objectifs à la hauteur des enjeux et bénéficiant de moyens ?
M. Antoine Armand, rapporteur. L’objectif de 29 % étant déclaré très ambitieux dans la PPE, celui de 40 % paraît inatteignable. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE43 de M. Joël Bruneau
M. Joël Bruneau (LIOT). Un objectif en valeur absolue nous semble plus pertinent qu’un pourcentage.
M. Antoine Armand, rapporteur. L’idée est bonne, mais les 1 243 térawattheures de consommation énergétique finale annuelle que vous proposez correspondent à une réduction de 29 % et non de 30 %. Peut-être pourriez-vous revoir la rédaction avant l’examen du texte en séance ? Demande de retrait.
L’amendement est retiré.
Amendement CE505 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). Je propose de supprimer tout objectif contraignant de réduction de notre dépendance aux énergies fossiles. L’objectif reste de s’en passer à l’horizon 2050, mais en s’en défaisant de manière progressive, au fur et à mesure du déploiement de nouvelles capacités de production d’énergies pilotables et décarbonées. Notons que ce déploiement pourra prendre un certain temps, vu le retard accumulé à cause de certains groupes parlementaires. L’idée est de maintenir un plancher de production énergétique finale totale de 1 400 térawattheures par an en 2050. Quels que soient la trajectoire et le rythme de notre désengagement à l’égard des énergies fossiles, nos émissions de gaz à effet de serre cumulées jusqu’en 2050 seront d’ailleurs inférieures à une année d’émissions de gaz à effet de serre de la Chine. À gauche, vous voulez nous appauvrir le plus vite possible, histoire de vous donner une bonne conscience, alors que cela pèsera « peanuts » dans le réchauffement climatique.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. L’adoption de cet amendement ferait tomber les trois amendements suivants.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement CE44 de M. Joël Bruneau
M. Joël Bruneau (LIOT). Il s’agit de fixer un objectif intermédiaire dès 2030 en matière de consommation d’électricité.
M. Antoine Armand, rapporteur. Nous avons déjà eu cette discussion lors de l’examen de l’article 5. Nous avons fixé un objectif de consommation d’électricité décarbonée de 560 térawattheures d’ici à 2030. L’adoption de cet amendement créerait un doublon un peu contradictoire. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement CE143 de M. Nicolas Bonnet
M. Nicolas Bonnet (EcoS). Cet amendement a vocation à être consensuel, puisqu’il vous propose de sortir de l’une des énergies fossiles les plus carbonées, fréquemment dénoncée par tous les partis politiques de France : le charbon. Il ne reste plus beaucoup de centrales à charbon dans notre pays, mais on restait jusqu’à présent timide lorsqu’il s’agissait de dire qu’il fallait sortir du charbon. Je vous propose de lever ces réserves et d’affirmer notre volonté de le faire dès le 1er janvier 2027, puisque nous pouvons produire de l’électricité de bien d’autres façons beaucoup plus propres, notamment au moyen d’énergies renouvelables.
M. Antoine Armand, rapporteur. Vous visez les sites de Cordemais et de Saint-Avold. Le problème est que si votre amendement est adopté, dans l’hypothèse où les projets de reconversion de ces deux sites ne seraient pas arrivés à maturité au 1er janvier 2027, les centrales seraient mises à l’arrêt et démantelées. Cela ne me paraît pas être la meilleure option pour donner le maximum de chance à la conversion de ces deux centrales. Avis défavorable.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. L’adoption de cet amendement ferait tomber les cinq amendements suivants.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CE233 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE303 de M. Romain Daubié et CE335 de M. Vincent Rolland
M. Karim Benbrahim (SOC). Il s’agit de mettre en cohérence l’article 8 avec les termes de la loi adoptée en avril dernier et visant à orienter les centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone ; elle concernait en effet les sites de Saint-Avold et de Cordemais. Nous espérons que les exploitants vont nous fournir des plans de conversion permettant de maintenir une activité de production d’énergie sur ces sites.
M. Romain Daubié (Dem). C’est un amendement quasi rédactionnel : il s’agit de mettre en cohérence l’article 8 avec la loi qui vient d’être citée, pour concilier écologie et justice sociale.
M. Vincent Rolland (DR). Il s’agit de la supportabilité sociale de la transition écologique.
M. Antoine Armand, rapporteur. Dans vos propositions, il suffit de présenter un plan pour pouvoir arrêter les centrales thermiques. C’est un peu faible et moins-disant sur le plan écologique, par rapport à l’obligation de mettre en œuvre un projet de conversion. Ce serait contre-productif par rapport à notre souhait collectif. Demande de retrait.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). En accord avec le rapporteur, j’estime que ces amendements sont clairement moins-disants : on ne peut pas se contenter de la présentation d’un plan de conversion sans engagement sur sa réalisation. Quitte à prolonger un peu l’exploitation, il faut exiger la mise en œuvre d’un plan de conversion.
M. Karim Benbrahim (SOC). Je retire l’amendement de ma collègue Marie-Noëlle Battistel, que nous allons retravailler dans la perspective de l’examen du texte en séance. S’agissant du site de Cordemais, on ne peut pas accepter que l’exploitant propose un plan de conversion qui n’a pas fait l’objet d’un travail suffisamment sérieux pour valider l’impossibilité de maintenir une activité de production.
L’amendement CE233 est retiré.
La commission rejette les amendements CE303 et CE335.
Amendement CE65 de Mme Louise Morel
Mme Louise Morel (Dem). L’amendement vise à exclure la biomasse solide des projets de reconversion des centrales de production d’électricité, en raison de leur très faible rendement énergétique et de la concurrence d’usage de la biomasse forestière.
M. Antoine Armand, rapporteur. Avis défavorable. Il est déjà assez difficile de reconvertir une centrale thermique, sachant qu’il faut faire une distinction entre centrale et chaufferie.
Mon appréciation vaut aussi pour l’amendement suivant, qui porte sur l’hydrogène. Si nous inscrivons dans la loi qu’il est absolument impossible d’utiliser telle ou telle technologie, nous nous élevons au-dessus de notre condition technique et scientifique. Il vaut mieux observer les projets et évaluer leurs capacités et leur empreinte globale plutôt que de fermer d’emblée la porte à telle ou telle solution technologique.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Il faut absolument adopter cet amendement important : il ne faut pas dire que l’on reconvertit quand on aggrave le bilan carbone d’un site. Le projet de reconversion de la centrale de Gardanne est une totale hérésie du point de vue du bilan écologique et du bilan carbone. Nul besoin d’être ingénieur pour comprendre que fabriquer de l’électricité en brûlant de la biomasse est inefficace du point de vue énergétique et du cycle de production de l’électricité. La biomasse doit servir prioritairement à produire de la chaleur et doit être exclue des projets de reconversion.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE158 de Mme Clémence Guetté
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). À l’alinéa 6, nous proposons de remplacer « bas-carbone » par « énergies renouvelables ou thermiques décarbonées ». L’hydrogène « bas-carbone » peut être produit à partir d’énergie nucléaire ou d’énergies fossiles associées à des technologies de capture et de stockage de carbone. Nul doute que nos collègues du bloc central, qui veulent sincèrement sortir des énergies fossiles, vont voter pour cet amendement.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
La commission adopte l’article 8 non modifié.
6. Réunion du mercredi 4 juin 2025 à 15 h : examen des articles (suite et fin)
Après l’article 8
Amendements identiques CE161 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CE214 de M. Matthias Tavel, amendement CE163 de M. Matthias Tavel (discussion commune)
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Avec l’amendement CE161, nous proposons de remplacer, à l’article L. 311-1-2 du code de l’énergie, les mots : « combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone » par les mots : « installations de production d’électricité pilotable à partir d’énergie renouvelable ou des unités de stockage et de réinjection d’électricité dans le réseau ». Il s’agit de prévoir la conversion des dernières centrales à charbon, en particulier de celle de Cordemais où un projet à l’initiative des salariés est toujours sur la table (même s’il ne semble pas avoir l’assentiment d’EDF). Le 24 septembre 2023, le Président de la République avait promis la reconversion des centrales à charbon en centrales à biomasse.
M. Fabrice Roussel (SOC). Fruit d’un travail entre plusieurs parlementaires de Loire-Atlantique, l’amendement CE214 rappelle l’impératif de la conversion des sites existants. Le 28 mai dernier, EDF a acté la fermeture de la centrale de Cordemais sans proposer de plan de conversion, comme l’y oblige pourtant la loi d’avril 2025 visant à convertir des centrales à charbon. Outre qu’il dispose de compétences humaines existantes, le site présente l’avantage d’être pilotable et relié au réseau électrique.
M. Antoine Armand, rapporteur. J’émets un avis défavorable aux trois amendements. Le plan de conversion d’EDF pour la centrale de Cordemais ne relève pas du niveau législatif et ce n’est pas à nous de décider du contenu d’un projet industriel.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Cela ne doit peut-être pas relever de la loi mais, dans la mesure où l’État a racheté la totalité des actions d’EDF en 2023, le Gouvernement pourrait peut-être faire en sorte que la promesse du Président de la République soit respectée.
La commission rejette successivement les amendements.
Article 9 (article L.100-4 du code de l’énergie) : Création d’objectifs spécifiques et chiffrés applicables à la rénovation des bâtiments
Amendement CE379 de Mme Julie Laernoes
Mme Julie Laernoes (EcoS). Je voudrais d’abord souligner – puisque nous sommes dans une situation particulièrement alarmante – que la suspension brutale de MaPrimeRénov’ n’est pas un simple ajustement budgétaire : c’est un coup d’arrêt porté à l’un des dispositifs les plus efficaces pour favoriser la transition énergétique en France ! Cette suspension va non seulement freiner la dynamique de rénovation, mais aussi envoyer un signal d’instabilité aux artisans, aux entreprises et aux collectivités. Depuis son lancement en 2020, MaPrimeRénov’ a permis la rénovation de près de 2,5 millions de logements, générant 38 millions d’euros de travaux. En 2023, ce sont 569 243 logements qui ont été rénovés grâce à cette aide. En 2024, 91 374 rénovations performantes ont été réalisées, en augmentation de 27 % par rapport à 2023. En 2023, les rénovations par geste ont permis une réduction de 2,8 tonnes équivalent CO2 par logement et par an. Le nombre d’aides accordées au premier trimestre 2025 a triplé. En réalité, la suspension menace des projets engagés depuis plusieurs mois, dont 78 % portent sur des passoires énergétiques.
M. Antoine Armand, rapporteur. Avis défavorable.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Je n’ai pas défendu l’amendement ! Celui-ci vise à inscrire dans la proposition de loi l’objectif de porter à 49 % la part des énergies renouvelables dans la consommation du secteur du bâtiment d’ici 2030. Ce chiffre, prévu par la directive sur les énergies renouvelables, dite « RED III », a été repris dans le plan national intégré énergie-climat (Pniec) que le Gouvernement a transmis à la Commission européenne et que nous avons lu attentivement. Le bâtiment est l’un des plus gros consommateurs d’énergie en France et reste très largement dépendant des énergies fossiles. Pour en sortir, il faut une stabilité, un cap, que les pouvoirs publics n’ont jamais garantis jusqu’ici : la décarbonation du bâtiment subit des stop and go, des signaux contradictoires et des incertitudes budgétaires qui démobilisent les acteurs du terrain. C’est pourquoi il faut absolument inscrire ce seuil dans la loi. Il ne s’agit pas d’une trajectoire nouvelle, mais d’une trajectoire sur laquelle nous avons déjà pris des engagements au niveau européen.
La commission rejette l’amendement CE379.
Amendement CE614 de M. Antoine Armand, sous-amendements CE632 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CE640 de Mme Julie Laernoes
M. Antoine Armand, rapporteur. L’article 9 de la proposition de loi porte sur la rénovation énergétique. Il propose de fixer un objectif de neuf cent mille rénovations d’ampleur par an et un niveau annuel d’économies d’énergie compris entre 1 250 et 2 500 térawattheures (TWh) cumulés actualisés de 2026 à 2030 et de 2031 à 2035. La rénovation thermique est une matière complexe, surtout lorsque l’on raisonne en gestes ou en « rénovations d’ampleur », sans ratio énergétique ou de quantification. Je propose donc, par l’amendement CE814, une réécriture de l’alinéa 2 visant à prévoir huit cent mille rénovations par an « permettant une amélioration de la performance énergétique des bâtiments rénovés de deux classes », afin d’établir un objectif concret et fixe.
Avec l’amendement CE615 à venir, je vous proposerai ensuite d’ajouter les objectifs énergétiques correspondants en remplaçant la phrase actuelle par « entre 825 et 1 750 TWh cumulés actualisés de 2026 à 2030 et entre 825 et 2 250 TWh cumulés actualisés de 2031 à 2035 » : la fourchette serait ainsi élargie et le plafond supérieur légèrement abaissé, en cohérence avec les auditions menées et avec les contributions écrites que j’ai reçues sur le sujet. L’amendement permet de lier les rénovations aux économies d’énergie à réaliser.
Je partage l’idée qu’il existe des dispositifs efficaces pour sortir de la précarité énergétique. Cela ne doit cependant pas nous empêcher de réfléchir à la transformation du système ! Il ne s’agit pas de faire de nombreuses rénovations, mais de réaliser des économies d’énergie. C’est la raison pour laquelle je propose de lier les deux et de qualifier les rénovations d’un point de vue réglementaire et énergétique.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous souhaitons préciser que le gain énergétique de deux classes permet « d’atteindre au moins la classe D », en cohérence avec les dispositions de la loi du 22 août 2021, dite loi « Climat et résilience ». Cette précision affecterait exclusivement les logements classés G et G+, considérant que l’atteinte de la classe E ne saurait être suffisante pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés et que les députés socialistes et apparentés ont porté dans la loi de finances.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Tout en partageant l’avis du rapporteur sur certains points, je considère que le critère proposé n’est pas satisfaisant. Pour les passoires énergétiques, un gain de deux classes de diagnostic de performance énergétique (DPE) n’est pas suffisant. Il y a en outre confusion, dans les différents textes, entre les rénovations qualifiées de « globales », de « performantes » ou « d’ampleur » qui n’ont pas de définition juridique.
Nous proposons donc d’aligner le texte sur la définition qui fait consensus dans les scénarios techniques, notamment dans ceux de RTE dont nous avons auditionné les représentants préalablement à l’examen du texte. Pour eux, il faudrait réaliser en moyenne 380 000 rénovations performantes, correspondant à une réduction moyenne de 75 kilowatts (kW) d’énergie thermique par mètre carré (m²) et par an d’ici à 2035. Les rénovations « performantes », définies dans le code de la construction et de l’habitation, garantissent en effet un sursaut et une performance réels. Nous proposons de nous appuyer sur les travaux techniques de RTE afin de dissiper toute ambiguïté. Par ailleurs, votre amendement, monsieur le rapporteur, n’indique pas les rénovations dont il s’agit. Nous proposons de le préciser et de fixer un objectif chiffré réalisable d’un point de vue pragmatique.
M. Antoine Armand, rapporteur. J’émets un avis défavorable au sous-amendement de madame Battistel, car il risque d’être contre-productif : je partage votre ambition d’en finir avec les passoires énergétiques, mais la réécriture que vous proposez cantonnerait l’objectif à l’atteinte de la classe D : elle serait donc moins exigeante, pour les bâtiments aujourd’hui classés E, que ma proposition.
J’émettrai un avis de sagesse sur le sous-amendement de madame Laernoes, dont je partage l’objectif, mais sur lequel j’ai besoin de travailler d’ici au passage du texte en séance. Je m’interroge sur l’objectif d’un gain de 75 kW/m²/an et sur la façon dont il faut qualifier la rénovation.
M. Philippe Bolo (Dem). Les termes « tendre vers » sont peu contraignants, alors que les rénovations sont un gisement important d’économies de CO2 et d’énergie. Que se passera-t-il si l’objectif n’est pas atteint ? De quels moyens de contrôle disposerons-nous ? Sur une période de cinq ans, le moindre écart peut peser beaucoup sur le résultat final et rendre ce que nous avons voté pas effectif…
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous voterons les deux sous-amendements. Je ne vois pas en quoi celui de madame Battistel empêcherait l’atteinte de la classe C, puisqu’il précise qu’il faudra atteindre « au moins » la classe D.
Je trouve dommage, comme notre collègue Bolo, d’utiliser les mots « tendre vers » et de viser huit cent mille rénovations sans préciser qu’elles doivent être performantes.
Enfin, je profite de la discussion de l’amendement pour dire que la suspension en juillet de MaPrimRénov’, au sujet de laquelle court une rumeur depuis hier, serait un scandale. Le Haut Conseil pour le climat (HCC) le dit aussi : il faut arrêter le stop and go en matière de décarbonation de nos usages.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je ne comprends pas non plus l’avis que vous avez émis au sujet de mon sous-amendement, monsieur le rapporteur : la précision que je propose d’apporter s’ajouterait à votre objectif d’un gain de deux classes.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Nous voterons contre le sous-amendement de madame Battistel, car il est moins disant que le nôtre.
Je salue par ailleurs le signe d’ouverture envoyé par le rapporteur et s’il faut retravailler l’amendement ensemble, nous y sommes prêts. Alors que le critère d’un gain de deux classes peut masquer des rénovations peu ambitieuses apportant peu d’économies réelles, la notion de « rénovation performante » bénéficie d’une sécurité juridique renforcée et assure, pour les passoires thermiques, l’atteinte d’une performance minimale équivalente à la classe C. La proposition que j’ai faite est issue d’un rapport d’information sur la rénovation énergétique des bâtiments dont j’avais été corapporteure. Elle va nous permettre d’avancer, en dépit des annonces dramatiques au sujet de MaPrimeRénov’ !
Successivement, la commission rejette le sous-amendement CE632 et adopte le sous-amendement CE640.
Elle adopte l’amendement CE614 ainsi sous-amendé.
En conséquence, les amendements CE380, CE381, CE165, CE235, CE172, CE64, CE144 et CE382 tombent.
Amendement CE9 de Mme Olga Givernet
Mme Olga Givernet (EPR). Cet amendement vise à maintenir au niveau réglementaire la fixation des objectifs à atteindre dans le cadre des certificats d’économie d’énergie (C2E), plutôt que de la faire figurer dans la loi.
M. Antoine Armand, rapporteur. Nous venons d’adopter un amendement qui permettra de quantifier une partie des économies d’énergie à réaliser : demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L’amendement CE9 est retiré.
Amendements identiques CE234 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CE337 de M. Vincent Rolland
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Au regard du retour d’expérience de la cinquième période des C2E, qui s’achève cette année, l’objectif d’économies d’énergie paraît inatteignable, au moins pour les premières années. Nous proposons de le rendre progressif et de l’adapter au rythme actuel de rénovations, ainsi qu’aux perspectives d’accélération des cadres réglementaire, budgétaire et fiscal – sachant que les dernières annonces nous amènent à nous interroger sur la suite. Je rejoins les positions exprimées par mes collègues sur ce sujet. Il importe d’éviter de voter des programmations qui ne se réalisent pas et dont les ressources finissent par revenir au budget général.
M. Vincent Rolland (DR). Par rapport à ce qui était proposé initialement, nous souhaitons nous aussi adapter l’objectif à la réalité.
M. Antoine Armand, rapporteur. Demande de retrait au profit de mon amendement CE615.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Le groupe Écologiste votera contre ces amendements, qui revoient à la baisse le renforcement prévu des C2E sans proposer d’alternative pertinente pour tenir les objectifs.
Les amendements CE234 et CE337 sont retirés.
Amendement CE45 de M. Joël Bruneau
M. Joël Bruneau (LIOT). Nous contestons le bien-fondé des C2E pour la rénovation des bâtiments. La Cour des comptes révèle en effet que, dans la mesure où les obligés répercutent les C2E sur leurs prix de vente, ce sont en définitive les consommateurs finaux qui en assument le coût.
M. Antoine Armand, rapporteur. Demande de retrait au profit de mon amendement CE615. À défaut, avis défavorable.
M. Joël Bruneau (LIOT). J’accepte de le retirer, dès lors que l’amendement CE615 tient compte de cette problématique.
M. Antoine Armand, rapporteur. L’alinéa 4 propose des objectifs fondés sur les C2E. Si l’on supprimait la mention des C2E, il n’y aurait aucun sens à conserver des objectifs. Or je souhaite les garder, tout en modifiant la fourchette afin qu’elle soit précise et adaptée au regard des dispositions que nous avons adoptées. Je confirme mon avis défavorable, à défaut du retrait de l’amendement.
M. Joël Bruneau (LIOT). J’accepte de le retirer, mais j’insiste : ce dispositif, qui peut apparaître vertueux, ne l’est pas sans doute pas tant que cela. Au final, qui paie ?
L’amendement CE45 est retiré.
Amendement CE615 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Cet amendement, déjà évoqué tout à l’heure, vise à fixer des objectifs proportionnés dans le cadre des C2E et à les articuler avec nos objectifs de rénovation énergétique. Je propose que nous le votions, même si un travail de mise en cohérence globale sera nécessaire pour tenir compte de l’adoption du sous-amendement CE640 de Mme Laernoes.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Je rejoins notre collègue Bruneau : l’usage qui est fait des C2E pour la rénovation thermique ne nous paraît pas optimal. Outre les soupçons de fraudes massives – sur ce point, le rapport de la Cour des comptes est très instructif… –, se pose le problème de la répercussion des C2E sur les prix imposés aux consommateurs. Surtout, le Gouvernement s’appuie de plus en plus sur le dispositif pour financer la rénovation thermique. Dans ce contexte, le récent retrait de missions qui lui avaient été allouées laisse craindre une débudgétisation, alors que des investissements publics directs sont nécessaires à l’atteinte des objectifs.
La commission adopte l’amendement CE615.
Amendements CE18 de Mme Virginie Duby-Muller et CE173 de Mme Anne Stambach-Terrenoir (discussion commune)
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous souhaitons que l’État se fixe pour objectif de garantir la mise en œuvre effective de tous les moyens nécessaires à l’atteinte de l’objectif de rénovation thermique du parc de logements.
Le logement connaît une crise généralisée et la précarité énergétique, qui touche plus de douze millions de personnes en France, soit un ménage sur cinq, ne fait que s’accroître. Le nombre de passoires énergétiques, c’est-à-dire de logements classés en DPE F ou G, est estimé à 6,6 millions au 1er janvier 2023, dont 4,8 millions sont des résidences principales. Cela contribue à faire du secteur du bâtiment l’un des plus émetteurs, avec 18 % des émissions de gaz à effet de serre et 40 % de la consommation énergétique annuelle du pays. Le rythme de rénovation énergétique observé est largement sous-dimensionné par rapport à l’étendue du chantier de la rénovation. L’objectif annuel de deux cent mille rénovations énergétiques prévu pour 2024 est insuffisant et ne permettrait même pas de traiter les passoires énergétiques du pays d’ici à 2050. La suppression du dispositif MaPrimeRénov’ enverrait donc un très mauvais signal !
M. Antoine Armand, rapporteur. Je m’interroge sur l’origine de plusieurs de ces amendements… Même si certains n’ont pas été défendus, je constate qu’ils sont identiques, alors qu’ils proviennent de groupes politiques différents. Quelqu’un pourrait-il nous indiquer quelle en est la source, qui semble être commune ? Ce serait intéressant pour la bonne compréhension de nos débats... Je donnerai ensuite mon avis.
M. Inaki Echaniz (SOC). Monsieur le rapporteur, je ne répondrai pas à cette question. En tant qu’ancien locataire de Bercy, vous êtes sans doute bien placé pour nous donner des informations sur la suspension de MaPrimeRénov’ au 1er juillet 2025. Ce dispositif monte en gamme et aide les filières à se structurer, car les gens le sollicitent. Il répond à de véritables besoins en matière de santé publique, de rénovation de l’habitat et de soutien économique aux entreprises du BTP, dans une période où elles vont mal. L’annonce de sa suspension dans la presse – je suppose qu’elle provient de Bercy – soulève bien des interrogations sur les ambitions du « bloc central » concernant la rénovation énergétique et la rénovation du bâti.
M. Joël Bruneau (LIOT). La rénovation énergétique des bâtiments relève d’abord de la responsabilité du propriétaire : la puissance publique ne peut pas se substituer aux individus dans toutes leurs obligations. Lorsque j’étais maire, des élus du même bord que vous, cher collègue, m’incitaient à investir encore davantage d’argent. Ce à quoi je leur répondais que si un propriétaire n’arrive pas à financer les travaux, il peut revendre son bien à quelqu’un qui en aura les moyens. Pourquoi faudrait-il que la collectivité se substitue à tous ? Selon un représentant de la filière, environ 70 % des travaux de rénovation énergétique, représentant jusqu’à 70 000 euros, sont aujourd’hui subventionnés et la moitié de la population française peut y accéder. Le dispositif n’est-il pas trop étendu ? Ne serait-il pas tout simplement victime de son succès et, surtout, d’un effet d’aubaine ?
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Le sujet des 6,6 millions de passoires thermiques est un enjeu d’intérêt général, car il touche aux enjeux du dérèglement climatique et de la santé publique. Il relève donc bien de la responsabilité de la puissance publique et il appartient à la collectivité de mettre les moyens pour que les rénovations soient faites rapidement.
Lors de l’examen du budget de MaPrimeRénov’, les acteurs du secteur nous ont rappelé qu’ils avaient surtout besoin de stabilité des dispositifs, y compris budgétaires. Or, c’est exactement l’inverse que vous allez faire en suspendant MaPrimeRénov’ en juillet, et le peu de dynamisme que conservait ce secteur sera complètement mis à terre. Tant pour les habitants des passoires thermiques que pour le secteur du BTP, qui était en train de se structurer autour de ces nouveaux enjeux, cette annonce est très préoccupante et nous inquiète sur le sérieux du Gouvernement dans sa volonté d’atteindre les objectifs en matière de rénovation thermique.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Un DPE très exigeant risque de rendre inlouables nombre de logements. Tous les propriétaires n’ayant pas forcément l’argent pour faire les travaux, cela posera un grave problème, car de nombreuses personnes ne pourront plus se loger. N’est-il pas préférable d’avoir un toit sur la tête, même dans un bien classé G, et de mettre un gros pull, plutôt que de se retrouver à la rue ? C’est à cette situation que l’on va aboutir !
D’autre part, je voudrais souligner les incohérences du DPE, des incohérences que l’on rencontre souvent. On veut absolument baisser la production d’électricité, mais on incite de plus en plus les automobilistes à rouler en voiture électrique. De même, dans le DPE, on déclasse les logements qui sont chauffés à l’électricité de deux rangs. J’aimerais que l’on me démontre la cohérence de tout cela ! Nos concitoyens sont tout à fait exaspérés par toutes ces incohérences qu’ils ne comprennent pas, alors qu’elles ont un impact sur leur quotidien.
M. Antoine Armand, rapporteur. Pour ce qui a trait aux questions relevant du Gouvernement, je vous propose de les lui poser directement.
J’émets un avis défavorable sur les amendements CE2 et CE18, car leur dispositif est inopérant – je ne sais d’ailleurs toujours pas quelle en est la source. Je souhaite le retrait et, à défaut, le rejet de l’amendement CE173, qui est une tautologie : l’État se fixe pour objectif de garantir la mise en œuvre des objectifs qu’il s’est fixés. Je constate comme vous que l’État ne respecte pas toujours ses objectifs, mais je ne crois pas que le fait de le rappeler dans la loi y changera quelque chose.
La commission rejette successivement les amendements CE18 et CE173.
Elle adopte l’article 9 ainsi modifié.
Article 10 (article L. 100-4 du code de l’énergie) : Objectifs de politique énergétique dans les collectivités d’outre-mer relevant de l’article 73 de la Constitution
Amendement CE311 de M. Romain Daubié
M. Romain Daubié (Dem). Il s’agit de remplacer, à l’alinéa 2, les mots : « parvenir à » par les mots : « tendre vers ». C’est un amendement de précision.
M. Antoine Armand, rapporteur. J’en profite pour faire un point sur ces questions qui ne sont pas que lexicales. Le texte a recours à de nombreux termes concernant l’atteinte des objectifs : « viser », « atteindre », « tendre vers », « à hauteur de », « parvenir », etc.
Comme je suis sûr que la loi sera votée dans des termes d’une « propreté » lexicale et légistique totale, nous pouvons travailler et nous mettre d’accord d’ici la séance sur ce point. Qu’il s’agisse d’objectifs à dix ou à trente ans, de quantité énergétique ou de pourcentages, il me paraît très risqué d’inscrire dans la loi qu’il faut « atteindre » un objectif. Je préférerais qu’on privilégie « tendre vers » ou « viser », pour des raisons évidentes de réalisme. Je vous propose donc d’adopter l’amendement CE311 ; nous choisirons ensuite en fonction des situations, mais dans un esprit de continuité légistique.
M. Inaki Echaniz (SOC). Les bras m’en tombent quand j’entends madame Brulebois, après les reculs sur le « Zéro artificialisation nette » (ZAN) et les zones à faibles émissions (ZFE) et tant d’autres détricotages.
Mme Danielle Brulebois (EPR). J’ai le droit de m’exprimer !
M. Inaki Echaniz (SOC). Moi aussi, je peux m’exprimer, madame Brulebois. Les bras m’en tombent de vous entendre remettre en cause le DPE.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Monsieur Echaniz peut prendre la parole sans être interrompu. Je l’ai déjà dit pour d’autres députés, tous groupes parlementaires confondus.
M. Inaki Echaniz (SOC). Je ne conteste pas, madame Brulebois, votre droit d’exprimer votre opinion, mais j’ai le droit d’être choqué quand j’entends ce genre de propos de la part de députés du bloc macroniste. Celui-ci, pourtant à l’origine de la loi Climat et résilience, est en train de tout détricoter, semaine après semaine. Je suis donc choqué de vous entendre dire qu’il vaut mieux avoir un toit sur la tête dans une maison où l’on tombe malade, où l’on a des factures énergétiques conséquentes, où l’on tombe dans la pauvreté, dans la précarité, dans la maladie.
J’entends cette petite musique venue de l’extrême droite, qui commence visiblement à séduire le bloc commun : plutôt que de mettre les moyens dans la rénovation énergétique, faisons sauter le DPE ! J’espère, madame Brulebois, que vous serez présente et mobilisée, avec monsieur Fugit, lors de la niche UDR pour repousser le texte rétrograde de monsieur Ciotti, qui porte atteinte à des enjeux de santé publique. J’aimerais que monsieur Fugit exprime l’avis de son groupe sur les DPE.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Essayons de nous écouter jusqu’à la fin des prises de parole, quels que soient les groupes ! Monsieur Echaniz, votre temps de parole est écoulé…
M. Inaki Echaniz (SOC). On vient de me traiter d’antisémite, madame la présidente ! (Exclamations.)
M. Patrice Martin (RN). On vient de me traiter de « fasciste ». Je ne suis pas fasciste !
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je ne l’ai pas entendu. Je vous propose donc de continuer. (Les exclamations se poursuivent.) Est-ce que l’on peut continuer dans le calme, s’il vous plaît ?
La commission adopte l’amendement CE311.
Amendement CE187 de M. Maxime Laisney
M. René Pilato (LFI-NFP). Nous proposons d’indiquer que les zones non interconnectées devront être autonomes en énergie non pas en 2050 mais en 2030. Je ne partage pas l’approche du Rassemblement national qu’a défendue monsieur Amblard, hier, sur l’arborescence, car il suffirait de « taper au sommet » pour que la panne s’étende sur une zone géographique très vaste. Nous considérons qu’une meilleure résilience passe par l’autonomie en énergie des zones non interconnectées. Si nous devions attendre la mise en place du nucléaire, vers 2045 ou 2050, nous prendrions un gros risque pour pas grand-chose. Il faut donc « assurer le coup » dès 2030 !
M. Antoine Armand, rapporteur. J’en appelle aux souvenirs de nos collègues ayant contribué aux consultations sur la stratégie française pour l’énergie et le climat. Lorsque nous avons abordé spécifiquement le cas des zones non interconnectées, nous avions très clairement conclu que l’objectif d’instaurer l’autonomie énergétique en 2030 était totalement irréaliste et qu’il fallait se donner le temps. C’est la raison pour laquelle je donne un avis défavorable.
M. René Pilato (LFI-NFP). Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le rapporteur. Que faire de ces zones non interconnectées si on ne se fixe pas une ambition pour 2030, sachant que souvent le calendrier dérape ? Peut-on attendre 2045 ou 2050 pour les rendre hypothétiquement autonomes – à condition que les réacteurs de type EPR fonctionnent ? Il faut se fixer une ambition forte et y aller : si cela dérive ensuite d’un ou deux ans, ce ne sera pas grave.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je préférerais qu’on se fixe des objectifs réalistes et qu’on les tienne, plutôt que de se fixer des objectifs dont on sait déjà qu’ils sont irréalistes… Vous dites que ce n’est pas grave si on ne les atteint pas, mais vous ne cessez de proposer des amendements visant à imposer l’atteinte d’objectifs à l’année près et dont le Gouvernement doit absolument assurer la mise en œuvre effective ! Je maintiens donc mon avis défavorable.
La commission rejette l’amendement CE187.
Amendement CE506 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). En cohérence avec nos discussions depuis le début de l’examen du texte, je propose de remplacer le mot « renouvelables » par les mots « décarbonées et de récupération, à l’horizon 2030, » afin de rappeler que l’important est de disposer de sources d’énergie décarbonées, et pas uniquement renouvelables.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je partage le principe de neutralité technologique. Néanmoins, il s’agit de territoires dont les caractéristiques géographiques sont spécifiques. En l’état actuel des technologies, j’ai du mal à imaginer si le terme « décarbonées » permet d’ouvrir la voie à d’éventuelles formes d’énergie nucléaire. Je ne suis pas défavorable au principe, mais j’ai le sentiment que cette modification lui enlèverait toute sa portée. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.
M. Maxime Amblard (RN). Il s’agit juste d’ouvrir le champ des possibles dans la loi, car on ne sait pas de quoi l’avenir sera fait. L’objectif reste l’énergie décarbonée.
Mme Julie Laernoes (EcoS). J’aimerais bien que monsieur Amblard aille au bout de son raisonnement. Projetez-vous d’installer des centrales nucléaires dans ces territoires qui se trouvent souvent dans des zones géologiquement instables ? D’un point de vue pragmatique et technique, cela me paraît totalement infaisable et irresponsable !
La commission rejette l’amendement CE506.
Elle adopte l’article 10 ainsi modifié.
Chapitre II – Adapter la programmation énergétique à l’évolution technologique
Article 12 (article L. 100-1 A du code général des collectivités territoriales) : Report de la date d’entrée en vigueur et actualisation des objectifs de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie
Amendements de suppression CE589 de M. Antoine Armand, CE193 de Mme Anne Stambach-Terrenoir, CE263 de M. Karim Benbrahim et CE384 de Mme Julie Laernoes
M. Antoine Armand, rapporteur. Il est toujours difficile de parler de quelque chose qui n’existe pas. Et je suis ravi de voir que c’est sur l’absence de quoi que ce soit que nous arrivons enfin à nous accorder tous… Plutôt que de ne parler de rien, je propose que nous supprimions la possibilité d’en parler ! L’article 12 porte sur le contenu de la loi de programmation énergie-climat. Il reporte la date d’entrée en vigueur de la loi de programmation énergie-climat (LPEC) du 1er juillet 2023 au 1er janvier 2025. Cette nouvelle date étant déjà passée, cela n’apporte pas grand-chose – si j’étais taquin avec le Gouvernement actuel, je proposerais même de conserver la date initiale, afin de souligner le retard pris.
Par ailleurs, les nouvelles modalités me paraissent confuses. Ainsi, l’alinéa 3 vise à remplacer les mots : « pour trois périodes successives de cinq ans » par les mots : « , pour trois périodes successives de cinq ans, et de déploiement de dispositifs de captage et de stockage du dioxyde de carbone, pour trois périodes successives de cinq ans, afin de stocker par ces dispositifs les émissions de dioxyde de carbone des usages pour lesquels il n’existe pas de technologie et d’alternative », avec un lien un peu étrange entre les technologies. Je ne suis pas sûr que cela apporte davantage de clarté. Si l’ambition de l’Assemblée est de marquer le retard pris par les gouvernements successifs en la matière, le texte actuel du code de l’énergie est plus clair et efficace.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous voulons supprimer l’article 12, parce qu’il recule la date d’entrée en vigueur de la LPEC dans le but d’effacer la faute du Gouvernement, qui est responsable de ce retard. Nous ne voyons pas pourquoi nous devrions faire cela.
L’article intègre un nouvel objectif de décarbonation du mix de production d’électricité, terme qui amalgame énergies renouvelables, nucléaire et technologies de captage et de stockage de carbone. Chacun comprend que la part des énergies renouvelables va en pâtir.
Enfin, l’article 12 prévoit un nouvel objectif de relance du nucléaire sous prétexte de décarbonation. Nous maintenons que c’est un choix irresponsable : le nucléaire est une énergie du passé, qui n’est pas adaptée à l’urgence climatique et qui n’est pas résiliente au changement climatique. Nous ne maîtrisons ni la technologie des EPR 2, ni le traitement des déchets, et cela fait plus de soixante-dix ans que cela dure ! Même la Cour des comptes dit que nous courons au fiasco : supprimons cet article !
M. Karim Benbrahim (SOC). Nous souhaitons la suppression de l’article 12 parce que, outre les raisons évoquées par monsieur le rapporteur, il fixe des objectifs de captage et de stockage du CO2 alors que, sur le long terme, notre économie sera plus décarbonée et nécessitera moins de stockage. De plus, la référence aux petits réacteurs modulaires soulève de sérieuses interrogations, notamment sur la dissémination du nucléaire dans le territoire, qui ne nous semble pas aller dans le sens de la maîtrise de la sûreté nucléaire et de l’acceptabilité de cette technologie.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Je remarque qu’il existe un axe entre les formations du « socle commun », les écologistes et les autres forces du Nouveau Front populaire en faveur de la suppression de cet article. C’est en effet un fourre-tout et du grand n’importe quoi ! Sous couvert d’une loi de programmation énergie-climat qui n’existe pas encore, l’article 12 propose non seulement le décalage d’un calendrier déjà obsolète, mais aussi – et c’est encore plus dangereux – une préemption de choix politiques et démocratiques lourds de conséquences pour l’avenir. Il est donc indispensable de supprimer cet article !
La commission adopte les amendements CE589, CE193, CE263 et CE384.
En conséquence, l’article 12 est supprimé et les amendements CE308, CE385, CE49, CE386, CE616, CE157, CE387, CE195, CE197, CE200, CE388, CE456, CE463, CE349, CE185, CE185, CE390, CE389, CE389 et CE134 tombent.
Article 13 (article L. 141-1, L. 141-2 et L. 141-4 du code de l’énergie) : Fixation, au sein de la programmation pluriannuelle de l’énergie, d’objectifs explicites relatifs à la production nucléaire, à la production d’hydrogène, et au développement des carburants renouvelables et des dispositifs de captage de carbone
Amendements de suppression CE607 de M. Antoine Armand, CE202 de Mme Anne Stambach-Terrenoir, CE264 de M. Karim Benbrahim et CE391 de Mme Julie Laernoes
M. Antoine Armand, rapporteur. Encouragé par l’ambition destructrice de notre commission, je persévère en proposant la suppression de l’article 13. J’ouvre ici une parenthèse. Nous souhaitons tous respecter l’esprit et la lettre des objectifs que nous nous sommes fixés. Toutefois, la multiplication de documents qui sont censés concorder parfaitement – nous avons une stratégie nationale bas-carbone, une stratégie française pour l’énergie et le climat, un projet important d’intérêt européen commun (Piiec), une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) – conduit naturellement à des difficultés d’interprétation. Ainsi que l’a montré l’Académie des sciences, la dernière PPE comporte ainsi des chiffres de projection de consommation énergétique différents, parce qu’ils proviennent de plusieurs sources. Ce foisonnement est donc problématique.
Avec l’article 13, nous allons rigidifier encore plus ce que l’on intègre dans ces divers documents, à commencer par la synthèse de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Il en va de même à l’article 13 bis qui traite de la Sfec. Parce qu’il introduit de la complexité, je vous propose de supprimer cet article.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous proposons également de supprimer l’article 13 pour à peu près les mêmes raisons – comme quoi, nous pouvons avoir pas mal d’« atomes crochus » sur ce texte… (Sourires). Nous nous opposons, non à la publication d’une synthèse de la PPE destinée au grand public, mais au contenu que l’article 13 propose d’intégrer dans la PPE et dans sa synthèse.
Mme Julie Laernoes (EcoS). L’article 13 prévoit que la synthèse, document stratégique, mentionnera explicitement certains choix technologiques, comme le réacteur de type EPR 2 et les petits réacteurs modulaires (SMR), malgré l’absence d’évaluation. On peut se demander pourquoi le Sénat leur réserve un tel traitement de faveur ! La PPE ne concerne que les dix prochaines années. Or, les EPR 2 ne seront pas prêts avant 2040. Quant aux SMR, ils ne sont encore que des concepts de marketing, puisqu’il n’existe à ce jour ni prototype, ni usage commercial, ni cadre industriel sérieux : on en est au stade du Powerpoint… On ne peut leur donner un statut privilégié dans la PPE censée prévoir notre mix énergétique jusqu’en 2035. C’est non seulement absurde, mais dangereux !
À mon tour, je le souligne : le socle commun et les groupes Socialistes, Écologiste et social et La France insoumise forment un quatuor gagnant pour travailler sérieusement à élaborer une stratégie énergétique.
La commission adopte les amendements CE607, CE202, CE264 et CE391.
En conséquence, l’article 13 est supprimé et les amendements CE204, CE204, CE125, CE304, CE469, CE205, CE392, CE509, CE508, CE510, CE511, CE207 et CE46 tombent.
Article 13 bis (article L. 141-1 du code de l’énergie) : Exposé de la stratégie française pour l’énergie et le climat dans la synthèse de la programmation pluriannuelle de l’énergie
Amendements de suppression CE608 de M. Antoine Armand et CE236 de Mme Marie-Noëlle Battistel
M. Antoine Armand, rapporteur. Adopté par le Sénat en séance publique, l’article 13 bis explicite le contenu de l’introduction de la PPE, alors qu’il s’agit déjà d’une synthèse de la stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec). De telles précisions ne relèvent pas du niveau de la loi et risquent d’introduire de la confusion. Je propose donc de supprimer cet article.
La commission adopte les amendements CE608 et CE236.
En conséquence, l’article 13 bis est supprimé.
Titre II – Poursuivre une simplification idoine des normes applicables aux projets d’Énergie et d’hydrogène, nucléaires comme renouvelables
Chapitre Ier – Simplifier les normes applicables aux projets d’énergie nucléaire
Article 14 (articles 7 et 14 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes) : Renforcement de certaines mesures de la loi d’accélération du nucléaire de 2023
Amendements de suppression CE557 de M. Antoine Armand, CE208 de Mme Anne Stambach-Terrenoir, CE247 de M. Karim Benbrahim et CE393 de Mme Julie Laernoes
M. Antoine Armand, rapporteur. L’article 14 prévoit des simplifications sans doute légitimes mais qui n’ont pas leur place dans une loi de programmation. Je vous propose de le supprimer.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des installations nucléaires, j’ai demandé à deux reprises à la ministre et à la rapporteure si les petits réacteurs modulaires seraient implantés partout dans le territoire, y compris dans des sites Seveso : on m’a répondu que la réponse était dans le titre – « à proximité de sites nucléaires existants ». Le présent article prévoit pourtant de les disséminer un peu partout : c’est une raison supplémentaire de le supprimer.
M. Karim Benbrahim (SOC). Les dispositions de l’article 14 ne relèvent pas de la programmation. Nous soutenons donc sa suppression, de même que celle de tous les autres articles du titre II.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 14 est supprimé et les autres amendements tombent.
Après l’article 14
Amendement CE383 de Mme Julie Laernoes
Mme Julie Laernoes (EcoS). Cet amendement vise à interdire l’exportation et le stockage à l’étranger de l’uranium de retraitement (URT), enrichi ou non. Depuis 2022, les gouvernements successifs relancent le nucléaire au nom de la souveraineté énergétique. Soyons cohérents : une telle politique ne peut dépendre d’envois massifs d’uranium de retraitement à l’étranger, en particulier en Russie. Des volumes considérables d’URT quittent discrètement le territoire français pour être enrichis ou stockés hors de tout contrôle démocratique. Le retraitement, présenté comme la clé de fermeture du cycle, produit en réalité des matières dont on ne sait que faire et qu’on envoie ailleurs pour s’en débarrasser. Selon un rapport de la Cour des comptes paru en 2019, EDF prévoit que le taux de recyclage de l’uranium atteindra seulement 20 % à 25 % à l’horizon 2030. Il est temps d’assumer nos responsabilités : nous devons gérer les déchets nucléaires en France, sous le contrôle du Parlement et de manière transparente, en respectant le principe de non-délégation de nos responsabilités environnementales.
M. Antoine Armand, rapporteur. C’est si discret que tous les commissaires aux affaires économiques et tous les Français qui nous suivent sont au courant ! Pour faire court, j’ajoute qu’il y a une raison à cela : seule la Russie peut convertir l’uranium de retraitement. Je suis évidemment favorable au développement de cette capacité en France ou en Europe – les propositions de la commission d’enquête relative à notre indépendance énergétique allaient en ce sens. En attendant, il n’est ni souhaitable ni raisonnable d’arrêter ce processus. J’émets donc un avis défavorable. Par ailleurs, la fermeture du cycle dépend d’une autre technologie, les neutrons rapides, qui utilise un autre combustible.
M. Maxime Amblard (RN). Nous sommes également défavorables à la mesure à court terme ; à long terme, il faudra nous doter d’une capacité de retraitement : il est dommage de gâcher de l’uranium 238 et de l’envoyer en Russie, alors que nous pourrions le faire transmuter en plutonium 239 puis le mettre dans des réacteurs de quatrième génération, ce qui décuplerait notre potentiel énergétique et notre réserve.
M. Karim Benbrahim (SOC). Nous soutenons l’objectif de souveraineté nationale. Cependant, puisque nous voulons limiter le texte à sa fonction programmatique, nous nous abstiendrons.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous voterons cet amendement. Nous en sommes au dix-septième train de sanctions européennes contre la Russie – pour laquelle je n’exprime ici aucune sympathie, en particulier dans le contexte de l’agression de l’Ukraine. C’est Rosatom, une entreprise qui s’occupe à la fois de nucléaire civil et militaire, entièrement à la main du président Poutine, qui s’occupe de réenrichir notre uranium de retraitement. Il y a là une hypocrisie. Lorsque nous soulevons la question, on nous répond que le nucléaire ne fait pas partie du train des sanctions – c’est un peu court.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE326 de M. Romain Daubié.
Amendement CE79 de M. Jean-Luc Fugit
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Cet amendement, élaboré avec Orano, vise à soumettre les projets d’installations du cycle du combustible aux exigences de l’article L. 425-12 du code de l’urbanisme : la construction des bâtiments pourrait commencer dès la clôture de l’enquête publique. Quant aux autres opérations d’aménagement, comme l’excavation sans évacuation des terres à l’extérieur du site, elles pourraient y déroger et débuter dès la délivrance, par décret, de l’autorisation environnementale mentionnée à l’article L. 181-1 du code de l’environnement. Ces mesures feraient gagner du temps.
M. Antoine Armand, rapporteur. Avis défavorable.
Mme Julie Laernoes (EcoS). On le voit, la proposition de loi Gremillet sert de réceptacle aux dispositions du projet de loi d’accélération du nucléaire que le Conseil constitutionnel a censurées parce qu’elles n’étaient pas cohérentes avec notre corpus législatif. L’article 16, anti-Greenpeace, l’illustre également. Il ne s’agit pas de faire entrer par la fenêtre ce qu’on n’a pas réussi à faire passer par la porte : nous voterons contre.
La commission rejette l’amendement.
Article 15 (articles 7 et 14 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes) : Application au projet Iter de certaines mesures de simplification de la loi « Accélération du nucléaire »
Amendements de suppression CE611 de M. Antoine Armand, CE220 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE275 de M. Maxime Laisney et CE394 de Mme Julie Laernoes
M. Antoine Armand, rapporteur. Nous proposons de supprimer l’article 15. D’une part, ses dispositions ne sont pas programmatiques ; de l’autre, il tend à faciliter les démarches administratives pour le projet de réacteur thermonucléaire expérimental international (Iter), alors que le décret d’autorisation de création a été publié en 2012 : il n’est pas indispensable d’accélérer des procédures déjà achevées.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Les mesures de simplification inscrites à l’article 15 ne relèvent nullement de la programmation ; de plus, elles sont déjà prévues par la loi du 22 juin 2023. Nous proposons de supprimer cet article.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). L’amendement CE275 tend également à supprimer l’article. Nous ne nous opposons pas à la recherche. Toutefois, il ne faut pas faire croire que nous aurons de l’électricité issue de la fusion avant la fin du siècle – c’est encore une chimère. En outre, le présent article prévoit d’exonérer le projet Iter de la loi sur le ZAN. On projette déjà de bétonner des kilomètres carrés pour le nouveau nucléaire – 330 hectares autour de Bugey, notamment : cela suffit !
Mme Julie Laernoes (EcoS). En application de l’article 15, Iter serait également exempté des obligations prévues dans la loi Littoral et de toutes les procédures environnementales, et il bénéficierait d’une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) – c’est « open bar » !
Iter accuse dix ans de retard, son budget a explosé, ses effets éventuels ne seraient sensibles qu’en 2080 : il n’existe aucun intérêt à s’asseoir sur toute la réglementation environnementale pour accélérer ce projet, auquel nous sommes défavorables.
Nous retrouvons ici l’accord gagnant de la gauche et du socle commun pour supprimer les lubies nucléaires des sénateurs.
M. Romain Daubié (Dem). Comme beaucoup d’autres avant lui, monsieur Laisney a évoqué les « 336 hectares » d’emprise au sol des EPR 2 à Bugey. En fait, il est question de 140 hectares, qui ont été entièrement compensés par le schéma de cohérence territoriale Bugey-Côtière-Plaine de l’Ain (Bucopa).
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Ce calcul oublie la moitié des zones bétonnées. À elle seule, l’emprise des nouveaux EPR sera supérieure à celle des quatre réacteurs en fonctionnement et de celui qui est à l’arrêt mais qu’on ne démantèle pas, faute de savoir comment s’y prendre. Il faut ajouter les routes, les parkings, etc., qui seront nécessaires pour la construction. D’ailleurs, il est plutôt question de 370 hectares.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 15 est supprimé et les autres amendements tombent.
Article 16 (articles L. 1333-13-12, L. 1333-13-13, L. 1333-13-14 et L. 1333-13-18 du code de la défense) : Renforcement des sanctions applicables aux délits d’intrusion sur les sites nucléaires
Amendements de suppression CE606 de M. Antoine Armand, CE248 de M. Karim Benbrahim, CE287 de Mme Anne Stambach-Terrenoir, CE395 de Mme Julie Laernoes et CE430 de M. Julien Brugerolles
M. Antoine Armand, rapporteur. L’article 16 n’est pas programmatique ; je vous propose de le supprimer.
M. Karim Benbrahim (SOC). Je défends cet amendement de suppression pour la même raison.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). L’article prévoit de rehausser encore les peines applicables aux gens qui voudraient alerter l’opinion sur les dangers du nucléaire. S’agissant des dispositions similaires prévues dans le projet de loi d’accélération, ma collègue Anne Stambach-Terrenoir et moi avions déposé un recours au Conseil constitutionnel, qui nous a donné raison. Il est donc inutile de revenir à la charge.
Depuis quarante-huit heures, deux militants de Greenpeace sont en garde à vue. Qu’ont fait ces écoterroristes ? Ils ont volé la statue d’Emmanuel Macron au musée Grévin afin de dénoncer l’obsession nucléariste de certains parmi vous. Prévoir des peines de plusieurs années de prison et de cent mille euros d’amende pour des gens qui ne font que mettre en garde leurs concitoyens, ce n’est pas sérieux.
Mme Julie Laernoes (EcoS). L’article 16 en témoigne, cette proposition de loi a été « écrite avec les pieds » puisque ses dispositions, déjà inscrites dans le projet de loi d’accélération du nucléaire, ont été censurées par le Conseil constitutionnel en 2023. Le seul objectif est donc politique. Par ailleurs, les militants de Greenpeace qui se sont introduits dans des centrales nucléaires montrent que la sécurité n’y est pas garantie. Ils n’ont pas cherché à provoquer un accident nucléaire, ni un quelconque désordre, mais à révéler comment ceux qui le voudraient le pourraient. De telles intrusions pourront donc permettre d’améliorer le système de sécurité.
M. Julien Brugerolles (GDR). Même si nous ne soutenons pas les actions des militants antinucléaires, nous jugeons les peines prévues à l’article 16 disproportionnées. Nous ne pouvons partager l’objectif de criminaliser les militants associatifs.
M. Romain Daubié (Dem). Si l’article 16 est supprimé, mon amendement CE318 tombera. Il faudra quand même que nous discutions des moyens que nous nous donnons pour sanctionner les intrusions, c’est-à-dire pour faire respecter l’État de droit et éviter que ne s’installent des « zones à défendre » (ZAD) permanentes – je force le trait à dessein.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 16 est supprimé et les autres amendements tombent.
Après l’article 16
Amendement CE328 de M. Romain Daubié
M. Romain Daubié (Dem). Pour fluidifier la situation dans le domaine de l’énergie nucléaire, où nous avons la chance de disposer de savoir-faire, nous proposons que l’interdiction de confier la surveillance des sous-traitants à des tiers ne s’applique pas aux filiales que l’exploitant détient à plus de 50 % et sur lesquelles il conserve un droit de contrôle.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je ne varie pas, malheureusement : s’agissant des dispositions non programmatiques, demande de retrait ; sinon, avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement CE289 de M. Matthias Tavel
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous nous opposons, par cet amendement, au projet de sous-traitance de la sécurité qui est envisagé pour certaines installations nucléaires de base (INB), notamment certains sites du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). La réglementation relative à la protection et au contrôle des matières nucléaires, de leurs installations et de leur transport, ainsi que l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), demandent un niveau d’exigence élevé, que le recours à la sous-traitance met en danger. En effet, elle signifie toujours une perte de transmission de savoir-faire et de compétences – en l’occurrence, une perte de capacité de réaction en cas de menace, mais aussi de dissuasion, parce que les salariés des sous-traitants sont moins formés et moins équipés, alors qu’il est question de sites abritant des activités nucléaires. On ne peut pas prendre un tel risque. Nous considérons, de plus, que cette évolution serait une atteinte sociale au statut protecteur des salariés, qui contribue au maintien de la sûreté nucléaire et de la sécurité des travailleurs. Nous ne pouvons pas l’accepter.
M. Antoine Armand, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, demande de retrait. Nous avons écarté des amendements auxquels nous pouvions être favorables sur le fond, pour nous contenter, au nom de la clarté de la loi, de dispositions programmatiques.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Même si cela ne devait pas être retenu dans cette proposition de loi, il faudrait que le Gouvernement se préoccupe du recours constant à la sous-traitance. Dans les centrales nucléaires, 80 % des opérations de maintenance sont réalisées par des sous-traitants, qui prennent 80 % des doses. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit dans cet amendement, mais de la surveillance de certaines INB, notamment celles gérées par le CEA – nous avons été contactés par des salariés très inquiets. Pour être très précis, il s’agit de salariés sous statut, qui portent une arme à la ceinture, ce qui peut dissuader – non pas des militants de Greenpeace, mais de vrais méchants – de s’introduire dans des INB. Demain, les sous-traitants n’auront pas le même statut, ni le droit de porter une arme et il sera beaucoup plus facile de pénétrer dans ces sites.
La commission rejette l’amendement.
Chapitre II – Accroître la participation des collectivités territoriales à la transition énergétique
Article 17 (articles L. 2253-1, L. 3231-6 et L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales) : Renforcement des soutiens financiers des collectivités territoriales aux entreprises productrices d’énergie renouvelable ou d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone
Amendements de suppression CE609 de M. Antoine Armand, CE237 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CE396 de Mme Julie Laernoes
M. Antoine Armand, rapporteur. L’article 17, qui tend à modifier le code général des collectivités territoriales, pose des questions importantes de partage de la valeur qui nous emmènent très loin du périmètre d’une loi programmatique.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Même si cet article peut avoir un intérêt du point de vue du soutien public au développement des énergies renouvelables, nous proposons également de le supprimer.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Dans cette proposition de loi sans queue ni tête, le présent article prévoit tout simplement une extension, qui serait une trahison, du modèle originel instauré par le code général des collectivités territoriales pour les sociétés locales de production d’énergies renouvelables. Vous avez malheureusement rejeté un amendement relatif à la participation citoyenne, de notre collègue Fournier et du groupe Socialistes, alors que ces sociétés permettent une appropriation citoyenne de projets concrets qui, développés par les territoires, sont fondés sur des ressources locales et renouvelables – le solaire, l’éolien, le bois, la méthanisation ou la géothermie.
L’article 17 propose d’en étendre le cadre juridique aux projets dits d’hydrogène « bas-carbone », ce qui brouillerait totalement les lignes ! C’est en effet une expression floue qui regroupe de l’hydrogène produit aussi bien à partir du nucléaire que de gaz, avec captage de CO2. Cela reviendrait à dévoyer complètement des outils qu’on devrait renforcer, s’agissant de leur objet initial, et non étendre à tout un tas de choses qui n’ont rien à voir avec la production d’énergies renouvelables. Il faut donc absolument supprimer cet article !
La commission adopte les amendements CE609, CE237 et CE396.
En conséquence, l’article 17 est supprimé.
Article 17 bis (art. L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales) : Délégation aux autorités organisatrices de la distribution d’électricité de compétences relatives au développement des énergies renouvelables et rôle de coordination de ces autorités
Amendements de suppression CE610 de M. Antoine Armand et CE238 de Mme Marie-Noëlle Battistel
M. Antoine Armand, rapporteur. L’article 17 bis prévoit d’élargir les conditions de délégation de compétences aux autorités organisatrices de la distribution d’électricité, ce qui n’est pas programmatique. Je propose de continuer à supprimer ce genre de dispositions.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Même demande, pour les mêmes raisons. C’est un article non programmatique.
La commission adopte les amendements CE610 et CE238.
En conséquence, l’article 17 bis est supprimé.
Article 18 (articles L. 314‑41 et L. 812‑3‑1 [nouveau] du code de l’énergie) : Élargissement aux projets d’éoliennes en mer et d’hydrogène du dispositif de partage territorial de la valeur
Amendement de suppression CE612 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Cet article aborde de nombreuses questions relatives au partage territorial de la valeur en ce qui concerne, notamment, les éoliennes en mer. Je vous propose de supprimer cette disposition non programmatique. J’en profite pour dire, comme d’autres collègues l’ont déjà fait, qu’il faudra sans doute se pencher à nouveau sur ce sujet. Le meilleur moment sera quand l’intégralité des décrets d’application de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi « Aper », auront été pris – j’aurai l’occasion d’en parler au Gouvernement en séance. Ces textes étant préparés par l’administration – j’ai une petite expérience en la matière –, les changements de gouvernement n’empêchent pas de prendre les décrets d’application d’une loi.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). En cohérence avec notre position sur les articles non programmatiques, nous voterons cet amendement, mais nous tenons à rappeler notre attachement au contenu de l’article 18. Nous avions obtenu d’aller en ce sens dans la loi Aper ; mais l’ensemble des décrets ne sont pas sortis et nous souhaitons donc appeler l’attention sur ce point.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Je trouve un peu étonnant qu’on nous dise qu’on ne peut pas parler de grand-chose dans cette proposition de loi, parce qu’elle concerne la PPE et que certains éléments doivent être adoptés par décret – au motif que nous ne serions pas forcément les mieux placés pour regarder dans le détail tout ce qui relève de la politique énergétique –, et qu’on se plaigne, par ailleurs, du fait que 47 %, me semble-t-il, des décrets d’application de la loi Aper n’ont toujours pas été pris, deux ans plus tard. On ne peut pas renvoyer à des décrets tout en se plaignant qu’ils ne sont pas adoptés. De plus, il n’est pas possible de se décharger sur l’administration : si les décrets ne sont pas pris, c’est peut-être à cause des responsables politiques. Mais j’ai peut-être mal compris ce que vous avez dit à ce sujet.
M. Antoine Armand, rapporteur. En effet, je ne voulais pas donner cette impression. Mon propos était au contraire que les alternances n’empêchent pas les décrets d’être pris, puisqu’ils peuvent être travaillés même lorsqu’un gouvernement expédie les affaires courantes. Je partage votre avis – il est préférable que les décrets soient pris – mais ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas adoptés qu’il faut inscrire dans la loi ce qui relève du règlement.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 18 est supprimé et les amendements CE149 de M. Jérôme Nury et CE313 de Mme Clémence Guetté tombent.
Article 18 bis (articles L. 332‑6, L. 332‑15 et L. 332‑17 [nouveau] du code de l’urbanisme) : Mise en cohérence du code de l’urbanisme avec le code de l’énergie au sujet du coût du raccordement au réseau public de transport de l’électricité
Amendement de suppression CE613 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Outre que cet article n’est pas programmatique, ses dispositions ont été intégrées dans la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) d’avril 2025.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 18 bis est supprimé.
Chapitre III – Simplifier les normes applicables aux projets d’énergies renouvelables
Article 19 (article L. 314 A du code de l’énergie) : Prise en compte du bilan carbone des projets d’installations hydroélectriques souhaitant bénéficier d’une obligation d’achat dans le cadre d’un guichet ouvert
Amendements de suppression CE530 de M. Antoine Armand et CE239 de Mme Marie-Noëlle Battistel
M. Antoine Armand, rapporteur. Cet article prévoit d’appliquer aux petites installations hydroélectriques un critère relatif au bilan carbone. Je vous propose, toujours pour les mêmes raisons, de le supprimer.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous demandons également la suppression de l’article. Je reviendrai à l’article 20, d’une manière plus générale, sur nos positions en la matière.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 19 est supprimé.
Article 20 (articles L. 511-6-2 du code de l’énergie et L. 214-18 du code de l’environnement) : Faciliter les augmentations temporaires de puissance et les dérogations temporaires aux débits minimaux pour les ouvrages hydroélectriques
Amendements de suppression CE529 de M. Antoine Armand, CE240 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE317 de M. Matthias Tavel, CE397 de Mme Julie Laernoes et CE431 de M. Julien Brugerolles
M. Antoine Armand, rapporteur. Je n’ai pas besoin de rappeler que de nombreux élus, dont des collègues au Parlement, se mobilisent depuis longtemps pour que nous sortions de l’impasse juridique actuelle s’agissant de l’hydroélectricité. Nous avons à la fois un besoin de modernisation des installations existantes et un potentiel de progression pour la production et le stockage de cette énergie renouvelable, qui est produite dans notre pays grâce à une industrie et à un savoir-faire 100 % français. Je propose de supprimer cet article, qui n’est pas programmatique mais vise à faciliter les augmentations temporaires de puissance, en espérant que nous puissions bientôt débrouiller le contentieux avec l’Union européenne sur la question des concessions, au sujet de laquelle nos collègues Philippe Bolo et Marie-Noëlle Battistel ont largement travaillé dans le cadre d’une mission d’information.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je vous propose également de supprimer cet article. Même si une partie de ses dispositions est intéressante, notamment celles relatives aux augmentations de puissance, il permettrait de n’invoquer qu’une simple menace sur la sécurisation de l’approvisionnement électrique pour débloquer les différents mécanismes auxquels il se rapporte et supprimerait des obligations de suivi environnemental. Nous avons donc deux bonnes raisons de demander sa suppression : il est non programmatique et conduirait à une régression sur plusieurs points.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous souhaitons la suppression de cet article, car nous ne sommes pas d’accord avec un élargissement des dérogations en matière d’augmentation de puissance, qui peut nuire à l’environnement.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Que l’hydroélectricité soit une énergie renouvelable essentielle ne justifie pas de desserrer toutes les règles de protection de l’eau et des milieux aquatiques, en particulier dans un contexte de tensions croissantes sur cette ressource. Le présent article supprimerait non seulement l’obligation de démontrer l’existence d’une menace grave sur l’approvisionnement pour l’octroi de certaines dérogations, mais aussi le suivi environnemental de l’impact sur les poissons et les écosystèmes, ce qui n’est absolument pas anodin – cela peut créer des précédents extrêmement inquiétants. Nous ne remettons pas en cause l’hydroélectricité, mais nous souhaitons qu’elle reste, comme toute production d’énergie, encadrée, respectueuse des milieux et cohérente avec la hiérarchie des usages de l’eau.
M. Julien Brugerolles (GDR). Cet article prévoit notamment un assouplissement des dérogations en ce qui concerne les débits réservés, ce qui pourrait avoir des conséquences environnementales non évaluées en l’absence d’étude d’impact ; d’où notre demande de suppression.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Grâce aux petites stations de transfert d’énergie par pompage (Step), il est possible d’obtenir une production supplémentaire d’une énergie fiable, pilotable et renouvelable. Dans le Jura, la Step du Saut-Mortier, parallèle au barrage de Vouglans, permettra ainsi de gagner 250 gigawattheures, soit la consommation de 81 000 habitants dans l’année, ce qui n’est pas négligeable. Toutes les précautions ayant été prises pour l’environnement, c’est une réalisation modèle.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 20 est supprimé et les amendements CE320 de M. Maxime Laisney et CE325 de Mme Clémence Guetté tombent.
Article 21 : Expérimentation du passage en régime d’autorisation pour les concessions hydroélectriques prorogées sous le régime des délais glissants
Amendements de suppression CE528 de M. Antoine Armand, CE82 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE331 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CE449 de M. Philippe Bolo
M. Antoine Armand, rapporteur. Les deux rapporteurs de la mission d’information sur l’hydroélectricité ayant déposé des amendements identiques, je les laisse les présenter.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Cet article permettra à titre expérimental, pour une durée de trois ans et par dérogation, de passer du régime de la concession à celui de l’autorisation pour certaines installations. Nous sommes opposés à une expérimentation dans ce domaine, car le passage d’un régime à l’autre impliquera un transfert de propriété. Or, peut-on le faire à titre expérimental, avant de rendre la propriété transférée si l’expérimentation ne marche pas ? C’est un peu compliqué. Par ailleurs, cet article nous semble non programmatique, donc cavalier. Enfin, outre nos travaux, qui nous ont conduits à formuler des propositions pour sortir du contentieux actuel, le sénateur Daniel Gremillet et plusieurs de ses collègues, dont M. Fabien Gay, conduisent actuellement une mission d’information. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 21.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous avons également déposé un amendement de suppression, parce que nous sommes contre le recours à un régime d’autorisation en la matière. Nous partageons la principale préconisation des rapporteurs de la mission d’information de notre assemblée, qui est de renégocier la directive européenne « Concessions » pour obtenir une dérogation quant à la mise en concurrence des barrages. Le passage à un régime d’autorisation marquerait la fin de la propriété de l’État. Nous voudrions plutôt qu’on explore un statut de quasi-régie, qui n’est certes pas défendu par tous les syndicats d’EDF, mais au moins par l’un d’entre eux, et qui constituerait une première étape dans le retour des barrages dans le giron de l’État et vers un rétablissement de son monopole.
M. Philippe Bolo (Dem). J’ajouterai quelques raisons de supprimer cet article. Il méconnaît totalement les conclusions de notre mission d’information, qui a actualisé la réflexion à ce sujet. Une expérimentation durant trois ans ne permettra en rien de lever les freins à l’investissement liés au contentieux actuel. Cet article s’inscrit dans un chapitre consacré à la simplification, mais je ne vois pas en quoi une expérimentation permettrait de simplifier la situation. Enfin, la suppression de cet article ne suscitera aucune frustration, puisqu’aucun autre amendement n’a été déposé.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 21 est supprimé.
Article 22 (article L. 461-1 du code de l’urbanisme) : Extension du droit de visite des installations photovoltaïques sur terres agricoles
Amendements de suppression CE560 de M. Antoine Armand, CE265 de M. Karim Benbrahim et CE450 de M. Pascal Lecamp
M. Antoine Armand, rapporteur. Le dispositif législatif proposé dans cet article a déjà été adopté dans le cadre de l’article 24 de la loi Ddadue du 30 avril dernier.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 22 est supprimé.
Article 22 bis (article L. 321-13 du code de l’énergie) : Élargissement du périmètre des obligés du mécanisme d’ajustement
Amendements de suppression CE561 de M. Antoine Armand et CE266 de M. Karim Benbrahim
M. Antoine Armand, rapporteur. Cet article vise à étendre l’obligation de participer au mécanisme d’ajustement du système électrique aux installations de production d’électricité raccordées aux réseaux publics de distribution et à ouvrir leur participation aux ajustements à la baisse comme à la hausse. Là encore, il ne s’agit pas d’un article programmatique.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 22 bis est supprimé.
Après l’article 22 bis
Amendement CE435 de M. Karim Benbrahim
M. Karim Benbrahim (SOC). J’avais déposé cet amendement dans l’hypothèse où l’idée de supprimer les articles non programmatiques ne ferait pas consensus. La réalisation de petits projets d’énergies renouvelables, de moins de 250 kilovoltampères (kVA), peut être freinée par des difficultés de raccordement au réseau de distribution – notamment parce que le coût peut être excessif par rapport à la taille du projet, compte tenu des spécificités du réseau de distribution dans la zone concernée. L’amendement demande donc aux gestionnaires des réseaux de distribution d’établir un forfait pour le raccordement de tels projets, de manière à faciliter leur développement.
L’amendement est retiré.
Article 23 (articles L. 111-3, L. 131-1, L. 131-2, L. 131-2-1, L. 131-2-2 [nouveau], L. 134-2, L. 134-19, L. 134-25, L. 134-28, L. 134-29 et L. 134-30 du code de l’énergie) : Attribution à la Commission de régulation de l’énergie de compétences en matière de régulation et développement de l’offre d’hydrogène et de transport et stockage du dioxyde de carbone
Amendements de suppression CE618 de M. Antoine Armand et CE267 de M. Karim Benbrahim
M. Antoine Armand, rapporteur. Cet article vise à étendre les missions de régulation ainsi que les pouvoirs de contrôle et de sanction de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). J’en profite pour souligner que l’article 24 porte aussi sur des pouvoirs de sanction, s’agissant des prix de vente et, plus généralement, de la fourniture d’énergie. Si je vous propose de supprimer ces articles, ce n’est pas parce qu’ils ne me paraîtraient pas importants, mais parce que nous devons aller au bout de notre travail sur la programmation – j’ai cru comprendre que nous n’étions pas encore parvenus à un consensus absolu ou, du moins, à un socle de programmation majoritaire, qui nous permettrait d’avoir un dispositif robuste... Par ailleurs, s’il est totalement logique de renforcer les pouvoirs de la CRE, j’inviterai en séance le Gouvernement à se saisir de cette question, parce qu’il est le mieux placé, compte tenu de toutes les expertises techniques dont il dispose, pour proposer les modifications pertinentes, notamment pour ce qui est de l’extension des pouvoirs de la CRE, laquelle interagit – je le dis sous le contrôle de notre collègue, ancienne ministre, Olga Givernet – avec de très nombreuses autorités de régulation.
La commission adopte les amendements CE618 et CE267.
En conséquence, l’article 23 est supprimé et les amendements CE145, CE146, CE342 tombent.
Article 24 (articles L. 122-3, L. 131-1, L. 134-9-1 [nouveau], L. 332-5, L. 332-8 [nouveau] du code de l’énergie et articles L. 224-2-1, L. 224-3, L. 224‑10 et L. 224-12 du code de la consommation) : Renforcement de la protection des consommateurs d’électricité et de gaz naturel par la comparaison des offres et l’approfondissement des obligations des fournisseurs en matière d’informations précontractuelles
Amendements de suppression CE619 de M. Antoine Armand et CE268 de M. Karim Benbrahim
M. Antoine Armand, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, nous proposons de supprimer l’article 24. Nous espérons que le renforcement de la protection des consommateurs d’énergie fera l’objet d’un projet de loi, car nous avons besoin de l’expertise des administrations et de l’exécutif. À défaut, nous pourrions déposer une proposition de loi, si le Gouvernement ne veut pas s’en saisir. Certains jalons ont déjà été posés par les parlementaires avant 2024, mais un texte global d’actualisation serait le bienvenu. Il existe par ailleurs des dispositions contradictoires avec les textes qui ont pu être examinés. Il y aurait d’ailleurs matière à étendre cet exercice de simplification et de clarification à d’autres parties du code de l’énergie.
M. Karim Benbrahim (SOC). J’aimerais appeler votre attention sur deux mesures nouvelles de protection du consommateur, que j’entendais défendre dans des amendements qui vont sans doute tomber si les amendements de suppression sont adoptés. Le premier porte sur les comparateurs d’offres d’énergie qui se développent sur internet car, du fait de la dérégulation du marché, les consommateurs peuvent être un peu perdus dans la recherche d’un fournisseur d’électricité ou de gaz. L’amendement CE418 propose d’interdire aux fournisseurs d’énergie de mettre en ligne des comparateurs d’offres d’énergie afin d’assurer la fiabilité de l’information délivrée par ces outils. L’amendement CE410 impose, par ailleurs, aux fournisseurs de proposer à leurs clients l’offre la plus adaptée à leurs habitudes de consommation.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je vous rejoins, monsieur le rapporteur : s’agissant de la protection du consommateur, il importe de trouver un texte transpartisan pour faire entrer dans un cadre adapté les pratiques qu’a dû adopter la CRE par nécessité et pour procéder à un toilettage du code de l’énergie. Pour le reste, il faut être cohérent avec la ligne que nous nous sommes fixée en ce qui concerne les dispositions non programmatiques.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). L’article 24 est très intéressant du point de vue de la protection du consommateur. Le Conseil supérieur de l’énergie travaille beaucoup avec la CRE, qui fête cette année ses vingt-cinq ans d’existence, sur les textes réglementaires en la matière, compte tenu des évolutions du prix de l’énergie. Plusieurs de mes amendements portent sur l’amélioration de la transparence de l’information délivrée aux consommateurs. Même si nous souscrivons à la ligne défendue par le rapporteur, il serait bon de revenir sur cet enjeu de manière transpartisane, peut-être en lien avec le Gouvernement. Pour l’heure, j’espère que le sénateur Gremillet arrivera à se remettre, une fois qu’il aura pris connaissance de la version de la proposition de loi issue de nos travaux… (Sourires.)
La commission adopte les amendements CE619 et CE268.
En conséquence, l’article 24 est supprimé et les amendements CE103, CE452, CE99, CE345, CE33, CE114, CE109, CE517, CE84, CE518, CE110, CE111, CE112, CE83, CE113, CE418, CE410 tombent.
Après l’article 24
Amendement CE398 de Mme Julie Laernoes
Mme Julie Laernoes (EcoS). Je m’écarte ici de la logique programmatique suivie par le rapporteur, car cet amendement porte sur un sujet extrêmement important. Il vise à établir une information claire sur l’origine du gaz consommé et propose d’obliger les fournisseurs de gaz à faire figurer, une fois par an sur la facture, les pays dans lesquels le gaz a été produit ainsi que son contenu carbone comparé à d’autres sources d’énergie. C’est un non-sens que le consommateur ne dispose pas de cette information à l’heure où la responsabilité environnementale impose davantage de transparence.
La France consomme une part significative de gaz de schiste, alors que son extraction, qui libère de grandes quantités de méthane et de gaz à effet de serre, est interdite sur son territoire. Notre pays est le premier importateur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL) américain, composé à 79 % de gaz de schiste dont le bilan carbone est bien plus « sale » que d’autres sources d’approvisionnement en énergie – jusqu’à deux fois et demie plus élevé, par exemple, que le gaz acheminé par gazoduc.
La loi Hulot de 2017 avait pourtant prévu des dispositions en ce sens, mais elles n’ont fait l’objet d’aucun décret. Aucun rapport au Parlement n’a été publié. Les consommateurs achètent donc à l’aveugle. Notre amendement vise à remédier à un besoin que l’État refuse d’assumer. En outre, des informations sur le gaz russe seraient susceptibles d’intéresser le consommateur.
M. Antoine Armand, rapporteur. Même si je partage le raisonnement et l’objectif de transparence, je demande le retrait de votre amendement. Il pourra être déposé ailleurs, dans une proposition de loi ou dans un projet de loi relatif à la protection des consommateurs, que le Gouvernement ne manquera pas d’annoncer à la suite de nos demandes répétées et unanimes en séance.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Compte tenu du grand nombre d’articles supprimés, je me demande à quelle partie du texte raccrocher cet amendement. Je le maintiens, mais nous pourrons toujours l’introduire ailleurs.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je ne voudrais pas vous suggérer trop de possibilités de déposer de nouveaux amendements en séance ! (Sourires.) Sachez néanmoins que les premiers articles du texte comportent plusieurs références au gaz et que nous avons introduit la notion de « pays inamicaux » et la mention de l’origine géographique.
La commission rejette l’amendement CE398.
Titre III – DISPOSITIONS DIVERSES
Article 25 A (article L. 152-7 du code de l’énergie) : Application de certaines dispositions programmatiques à Wallis-et-Futuna
Amendement de suppression CE269 de M. Karim Benbrahim
M. Karim Benbrahim (SOC). Peut-être s’agit-il d’un article de coordination, raison pour laquelle vous n’avez pas déposé d’amendement de suppression, monsieur le rapporteur ?
M. Antoine Armand, rapporteur. En effet, cet article assure que certaines dispositions du présent texte s’appliquent à Wallis-et-Futuna. Il importe de le conserver.
L’amendement CE269 est retiré.
La commission adopte l’article 25 A non modifié.
Article 25 B : Demande de rapport évaluant l’application de la stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec)
Amendement de suppression CE527 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Je crois que nous pouvons nous passer du rapport évaluant l’application de la stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec) que demande cet article. Elle fait déjà l’objet d’évaluations, tout comme la programmation pluriannuelle de l’énergie et les modifications qui lui sont apportées. Continuons à suivre la logique de clarté et de simplicité qui nous a guidés et supprimons cet article.
Mme Julie Laernoes (EcoS). La Sfec engage l’État français et donc la politique énergétique de notre pays. Comment sera-t-il rendu compte de l’application des promesses qu’elle contient ? Comment nous, parlementaires, pourrons évaluer la cohérence de ses objectifs avec ceux que nous avons définis dans cette proposition de loi ? Mon avis n’est pas tranché, mais je pose la question.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je propose à tous les groupes qui le souhaitent de travailler à un amendement unique qui engloberait dans un même rapport, remis dans un délai de deux ans à deux ans et demi, plusieurs points dont nous pourrions dresser la liste. Toute la difficulté est dans l’ajustement : une demande de rapport de portée générale comme celle formulée dans l’article 25 B pourrait être considérée comme étant satisfaite par les annexes des projets de loi de finances ou les rapports consacrés aux modifications apportées à la PPE, tandis que les demandes portant sur des dispositions ou infrastructures très spécifiques, comme celles visées aux articles 25 C et 25 D, risquent de passer à côté de choses importantes.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 25 B est supprimé et l’amendement CE353 de Mme Stambach-Terrenoir tombe.
Article 25 C : Rapport sur la mise en œuvre des mesures liées à la reconversion des centrales de production d’électricité à partir de charbon
Amendements de suppression CE525 de M. Antoine Armand et CE245 de M. Karim Benbrahim
M. Antoine Armand, rapporteur. Cet article prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai d’un an – ce qui peut poser problème, compte tenu de notre calendrier – puis tous les ans un rapport annuel exposant les mesures, y compris financières, prises ou envisagées pour assurer la pérennité de l’activité industrielle des sites de centrales à charbon. Il me semble que les plans de conversion proposés par les entreprises concernées et les débats que nous avons au sujet de ces sites dans cette commission sont plus utiles.
M. Karim Benbrahim (SOC). Mon élan m’a emporté trop loin dans la suppression des articles et je vais retirer cet amendement pour que soit maintenue cette demande de rapport. L’avenir des centrales à charbon, dont nous avons débattu à de multiples reprises ces derniers jours, pose d’importantes questions sur les plans social et industriel.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Les deux centrales à charbon concernées sont séparées par des différences majeures. Saint-Avold va continuer à produire de l’électricité, alors que pour Cordemais, la préfecture et EDF n’ont rien prévu. Les salariés ont proposé un projet de reconversion qui a été purement et simplement écarté et Framatome a été dépêchée pour élaborer un projet de fabrication de tuyaux qui n’a aucun sens : il fait appel à des compétences tout autres que celles mobilisées pour le fonctionnement d’une chaufferie ; en Loire-Atlantique, les soudeurs manquent, compte tenu des besoins des chantiers navals et d’Airbus, et l’opposition au nucléaire est forte. Pourquoi, en outre, implanter là une usine promise ailleurs ? Enfin, il y a une raison supplémentaire de supprimer cet article : les rapports portant sur ce type d’activité industrielle sont trompeurs.
L’amendement CE245 est retiré.
La commission adopte l’amendement CE525.
En conséquence, l’article 25 C est supprimé.
Article 25 D : Rapport permettant d’évaluer le fonctionnement des parcs éoliens en mer
Amendements de suppression CE256 de M. Antoine Armand, CE244 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CE244 de M. Matthias Tavel
M. Antoine Armand, rapporteur. L’article 25 D prévoit une demande de rapport pour évaluer le fonctionnement des parcs éoliens en mer – coûts globaux, durabilité technique, impact sur la biodiversité, etc. Il serait plus efficace, je le répète, de regrouper en une seule demande de rapport plusieurs points à évaluer, d’où cette nouvelle proposition de suppression.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous retenons la proposition du rapporteur de converger vers un rapport global, mais, pour plus de crédibilité, il nous faudrait cibler avec précision nos demandes, compte tenu du nombre important de rapports portant déjà sur les sujets dont nous traitons.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous proposons une suppression pour les mêmes raisons, mais je note que ce n’est sans doute pas un hasard si, parmi les énergies décarbonées, l’éolien en mer a été choisi.
M. Pascal Lecamp (Dem). N’aurait-on pas intérêt à attendre les conclusions du groupe de travail sur la souveraineté énergétique dont le Premier ministre a confié le pilotage au rapporteur, avec notre collègue sénateur Daniel Gremillet ?
M. Antoine Armand, rapporteur. Ce groupe de travail transpartisan, dans lequel chacun des groupes du Parlement est représenté, a vocation à se pencher sur la version actuelle de la programmation pluriannuelle de l’énergie, sur les conséquences potentielles de la présente proposition de loi et sur l’articulation entre les deux. Nous avons adressé au Gouvernement une soixantaine de questions précises relatives aux éléments techniques du projet de PPE, allant du nouveau nucléaire à la géothermie en passant par les énergies marines et les énergies renouvelables électriques. Nous attendons ses réponses pour formuler nos observations. Nous sommes tous favorables à ce qu’une coordination soit assurée entre les dispositions issues du débat parlementaire et les mesures qu’adoptera le Gouvernement, même si c’est par décret.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 25 D est supprimé et les amendements CE404 de M. Maxime Laisney et CE513 M. Antoine Golliot tombent.
Après l’article 25 D
Amendement CE190 de Mme Clémence Guetté
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous avons déposé plusieurs amendements portant sur des demandes de rapport et je garde en tête la possibilité évoquée par le rapporteur d’un amendement global. Il s’agit ici d’un rapport évaluant les coûts de la décarbonation du mix énergétique dans les départements et régions d'outre-mer. Lors des auditions menées dans le cadre de la mission d’information sur le prix de l’électricité, la compétitivité des entreprises et l’action de l’État, notre collègue Philippe Bolo et moi-même avons été alertés sur les incidences du projet d’EDF pour les départements et régions d’outre-mer (Drom) : un passage au « tout-biomasse » est prévu, mais cette biomasse serait dans sa presque totalité importée – une très mauvaise solution sur les plans écologique et financier ! Le Gouvernement pourrait peut-être remettre en question cette orientation.
M. Antoine Armand, rapporteur. Demande de retrait au profit d’un amendement transverse, intégrant l’évaluation du coût de la décarbonation dans les Drom et l’ensemble des territoires ultramarins.
M. Philippe Naillet (SOC). À La Réunion, la production d’électricité ne repose plus sur le fioul et le charbon, mais utilise des copeaux de bois acheminés depuis le Canada !
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE314 de Mme Anne Stambach-Terrenoir
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Plus de deux ans après la promulgation de la loi Aper, certains décrets nécessaires à son application n'ont toujours pas été publiés. Cet amendement d’appel demande un rapport au Gouvernement sur les raisons de ce retard.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement CE409 de Mme Clémence Guetté
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Je suis prêt à retirer cet amendement relatif à une demande de rapport évaluant le potentiel des énergies osmotique, houlomotrice et thermique des mers, car il me semble que nous avons déjà adopté un amendement allant en ce sens.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je vous le confirme.
L’amendement est retiré.
Amendement CE412 de Mme Anne Stambach-Terrenoir
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). La demande concerne un rapport évaluant l'opportunité de lancer des appels à projets de France 2030 portant sur le développement des énergies marines. La plus utilisée, du fait de sa maturité technologique, est l’éolien en mer, mais les autres énergies appellent des recherches plus approfondies. La France, dont les courants marins sont parmi les plus puissants du monde, recèle un potentiel hydrolien estimé entre 3 GW et 5 GW.
M. Antoine Armand, rapporteur. Demande de retrait pour les mêmes motifs qu’au précédent amendement.
À la demande du rapporteur, l’amendement est retiré.
Amendement CE417 de M. Matthias Tavel
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous demandons un rapport visant à évaluer l’état de maturité du programme EPR2 et l’avancement de son design détaillé. La délégation interministérielle au nouveau nucléaire assure un suivi pour l’État, mais elle n’en rend pas forcément compte devant le Parlement.
Je profite de cette dernière prise de parole pour dire que nous sommes plutôt satisfaits de l’examen de cette proposition de loi, même si certaines dispositions manquent, notamment la fixation d’objectifs pour les énergies renouvelables. Les groupes qui vous soutiennent, monsieur le rapporteur, et ceux qui se trouvent à gauche de l’hémicycle ont convergé bien des fois dans leur vote et nous espérons pouvoir travailler avec vous d’ici à la séance. Reste que nous n’avons toujours pas de loi de programmation pour l’énergie et le climat. Vous avez répondu de la manière la plus claire possible à la question très pertinente de notre collègue Lecamp, mais nous ne savons pas encore ce que tout cela va donner.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je vous renvoie à ma proposition d’amendement global. S’agissant de l’EPR2, il y aurait d’autres points, comme le schéma de financement ou le prix de sortie estimé, sur lesquels nous aimerions avoir des précisions.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE460 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). Notre demande de rapport porte sur le décalage considérable entre les ambitions initiales du projet Iter et son état d’avancement, qui nous semble difficilement compatible avec les impératifs de décarbonation que la PPE prétend défendre. En 2024, ses responsables estimaient encore à huit ans le retard supplémentaire pour la seule construction de la structure pour laquelle quatre cent mille tonnes sont nécessaires, dont 10 % rien que pour les fondations et le radier du tokamak.
M. Antoine Armand, rapporteur. Là encore, je propose qu’une demande unique de rapport reprenne l’ensemble des précisions souhaitées. Toutefois, la façon la plus simple d’obtenir rapidement des informations sur le projet Iter serait sans doute que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) mène des auditions sur le sujet, voire une mission d’information.
Mme Dominique Voynet (EcoS). L’Opecst serait en effet un bon véhicule. Je suis également d’accord avec l’idée de rassembler toutes les demandes de clarification en un seul amendement. Je retire donc mon amendement.
L’amendement est retiré.
Amendement CE419 de M. Julien Brugerolles
M. Julien Brugerolles (GDR). Puisque notre commission a créé un établissement public industriel et commercial (Epic) pour EDF, je propose de prolonger ce bel élan révolutionnaire. Cet amendement vise donc à demander un rapport afin d’évaluer l’opportunité d’une maîtrise complète du secteur de l’énergie et les modalités de création d’un Epic global, dénommé « Groupe Énergie de France », chargé d’assurer le contrôle et le pilotage stratégiques, la cohérence économique, l’intégration industrielle et l’unité sociale du système énergétique national.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je note qu’avant de nationaliser l’ensemble du secteur de l’énergie, vous êtes prêt à solliciter un rapport du Gouvernement sur la possibilité et les limites d’une telle transformation – laquelle a été adoptée sans rapport s’agissant d’EDF ! Je ne vois pas d’inconvénient à intégrer votre demande dans un amendement global sur la stratégie énergétique, même si, sur le fond, nous ne sommes pas d’accord sur ce point.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous voterons contre cet amendement, car nous préférons la proposition du rapporteur de reprendre dans un amendement commun toutes les demandes de rapport.
Au cours de l’examen du texte, nous avons avancé pour favoriser le développement des énergies renouvelables et nous sommes parvenus à écarter tous les articles non programmatiques. Nous ne sommes pas opposés au nucléaire, même si nous avons une opinion divergente sur le calibrage – nous pourrons y travailler avec le rapporteur en vue de la séance. Nous sommes favorables à un mix équilibré – mais je vois que le rapporteur a déjà en main le dossier réalisé par notre groupe afin de présenter notre doctrine en matière de stratégie énergétique… (Sourires.)
La commission rejette l’amendement.
Article 25 (supprimé) : Gage financier
M. Antoine Armand, rapporteur. L’article 25, qui figurait dans le texte initial, a été supprimé au Sénat, en séance. Nous sommes donc amenés à nous prononcer sur le maintien de la suppression de cet article, qui concerne le gage.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Je ne comprends pas comment fonctionne une proposition de loi sans gage financier ?
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Le Gouvernement a levé le gage.
La commission maintient la suppression de l’article 25.
Titre
Amendement CE454 de M. Karim Benbrahim
M. Karim Benbrahim (SOC). Cet amendement vise à tenir compte de la restriction du champ de la proposition de loi à sa dimension programmatique et à intégrer le fait que ce texte se substitue – et nous le regrettons – à la loi de programmation sur l’énergie et le climat qui devait fixer les grandes orientations pour la décennie à venir. Nous proposons donc le titre suivant : proposition de loi de programmation énergie et climat pour les années 2025 à 2035.
J’en profite pour préciser que nous voterons le texte issu des travaux de la commission, compte tenu des évolutions évoquées à l’instant par ma collègue Marie-Noëlle Battistel.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je suis favorable à votre amendement, puisque la modification proposée correspond au travail que nous avons mené.
M. Maxime Amblard (RN). L’examen de ce texte ne se sera pas déroulé sans surprises. Je regrette que le bloc central se soit associé à la gauche sur la question de la production nucléaire, alors qu’il savait très bien que le Rassemblement national était un allié de poids pour maintenir, voire augmenter, la puissance de notre parc, qui sera nécessaire pour décarboner notre mix énergétique sans trop de contraintes ni appauvrir les Français. J’espère que les signaux envoyés auront été compris et que nous y reviendrons en séance de façon plus judicieuse, dans l’intérêt des Français et de la souveraineté énergétique.
M. Jérôme Nury (DR). La proposition de loi sénatoriale constituait une bonne base en matière de stratégie énergétique, puisqu’elle intégrait à la fois la relance du nucléaire et la poursuite du développement des énergies renouvelables intermittentes. Malgré les efforts d’équilibriste, voire de funambule, du rapporteur pour conserver cette double approche au cours de plusieurs heures de débat, le texte est désormais déstructuré, sans aucune logique, avec des propositions fantaisistes, telles que celle de transformer EDF en Epic. Surtout, il a été vidé de la partie relative à la relance du nucléaire, ce qui le rend rédhibitoire à nos yeux.
En séance, il faudra opérer un choix clair entre la relance du nucléaire ou l'accélération de l’éolien et du photovoltaïque : le « mi-figue mi-raisin » n’est plus tenable. Notre système électrique a payé ce non-choix et les Français avec lui. Nous appelons donc le rapporteur et les collègues à une relance assumée du nucléaire, à la poursuite des renouvelables intermittents déjà autorisés et à un moratoire sur les futurs projets, seul moyen d’assurer la sécurité énergétique et de garantir aux Français un prix acceptable.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte dénaturé et déstructuré, en espérant qu’une boussole soit trouvée afin de définir une stratégie énergétique claire.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Nous voterons favorablement l’amendement portant sur le titre.
En définitive, le texte issu de nos travaux est bancal, puisqu’il n'intègre plus la partie relative au nucléaire. Il aurait été plus raisonnable, madame Battistel, de retirer votre amendement qui a semé la panique hier soir et accru l’entropie du système énergétique. C’est regrettable. L’enjeu majeur est de sortir des énergies fossiles, en s’appuyant à la fois sur le nucléaire et sur les énergies renouvelables. Autant, sur ce dernier point, le texte n’est pas si mal – même s’il reste des choses à améliorer –, autant il est déséquilibré en matière nucléaire.
Nous regrettons également ce qui s’est passé s’agissant de la transformation d’EDF en Epic, à la suite de l’adoption d’un amendement. Le groupe Engie a même failli être nationalisé !
Il faudra avancer rapidement sur ce texte, car de nombreux projets et investisseurs restent dans l’attente – je pense notamment aux appels d’offres lancés pour l’éolien en mer.
Enfin, si nous avons suivi le rapporteur dans sa volonté de simplifier le texte, de s’en tenir au volet programmatique et d’écarter, entre autres, la protection des consommateurs en matière de prix, nous maintenons l’idée qu’il faudra travailler sur ce sujet : nous devons donner les moyens à la CRE d’adapter les modalités actuelles aux évolutions énergétiques.
Nous voterons ce texte. Mais beaucoup de travail reste à faire en vue de la séance, notamment pour rééquilibrer les parts respectives du nucléaire et des énergies renouvelables, car les deux vont ensemble : pour défossiliser, il faut faire du « en même temps ».
Mme Julie Laernoes (EcoS). Nous ne savions pas très bien à quoi aboutirait la mission quasi impossible du rapporteur, puisque le groupe de travail sur la souveraineté énergétique de la France qu’il copilote avec le sénateur Daniel Gremillet revêt un caractère flou, tant dans sa composition que dans son objectif final – si ce n’est celui d’éviter au Premier ministre une possible censure du Rassemblement national.
Nous sommes partis d’un texte bancal, très bavard, qui comportait plusieurs mythes sur la filière nucléaire. Nous avons réussi à le clarifier et à le simplifier, même s’il reste beaucoup de travail, notamment pour préciser et concrétiser les objectifs en matière d’énergies renouvelables. Sans un cap clair, aucun industriel n’investira dans ce domaine.
Nous devrons également travailler sur la transparence s’agissant de la provenance du gaz, ainsi que sur le suivi des engagements français en matière de stratégie énergétique. En effet, en l’absence de loi de programmation énergie et climat et d’assise législative, le Parlement est privé de sa mission de contrôle et d’évaluation de l’action du Gouvernement : il ne peut pas contrôler l’application de la Sfec ni celle du plan national intégré énergie-climat de la France (Pniec). Pourtant, la planification énergétique est un sujet essentiel, qu’il s’agisse des questions de prix pour les consommateurs, de sécurité d’approvisionnement électrique pour les années à venir ou de décarbonation et de défossilisation du mix énergétique. Nous sommes devant un choix clair : c’est avec la gauche que nous parviendrons à adopter une stratégie énergétique digne de ce nom.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je voudrais demander à notre collègue Fugit de faire preuve d’un peu d’honnêteté intellectuelle et de reconnaître que mon amendement CE224 ne visait qu’à supprimer l’alinéa 7 de l’article 3 : il ne peut donc pas dire que son adoption a conduit à supprimer l’ensemble du nucléaire ! C’est le rejet de l’ensemble de l’article 3, à l’aide des votes du Rassemblement national, pourtant pronucléaire, qui en est la cause. Par conséquent, même si nous avions retiré notre amendement – nous aurions probablement dû le faire, mais le texte manquait de clarté –, l’article 3 aurait été rejeté.
M. Philippe Bolo (Dem). Le côté positif, c’est le souhait réaffirmé du rapporteur d’inscrire nos débats dans une logique de programmation, sans entrer dans tous les détails. Certes, plusieurs votes ont compromis la cohérence globale nécessaire à une bonne programmation et du travail reste à faire. N’opposons pas les énergies entre elles et travaillons encore sur le mix énergétique et la sobriété, en inscrivant ces enjeux dans le temps.
Nous voterons ce texte, qu’il faudra encore améliorer en séance. L’objectif est d’influer sur le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie et de contribuer ainsi à un débat qui, sans cette proposition de loi, n’aurait pas eu lieu.
M. Joël Bruneau (LIOT). Il n’est plus temps de rejeter les torts sur les uns ou les autres. Toujours est-il qu’après avoir passé un certain temps à débattre, le texte a été clairement dénaturé et n’a plus ni queue ni tête, puisqu’il manque l’article 3, de sorte que je suis partagé entre la tentation de le voter et celle de m’abstenir. J’espère qu’il y aura en séance une majorité de gens raisonnables pour rétablir l’esprit dans lequel la proposition de loi avait été écrite initialement.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous voterons contre l’amendement qui vise à modifier le titre de la proposition de loi : il ne faudrait pas laisser croire que ce texte constitue une loi de programmation énergie-climat en bonne et due forme.
Le rejet de l’article 3 et, ce faisant, de la partie relative au nucléaire est le fruit de l’obstination de certains jusqu’au-boutistes nucléaristes. Malgré l’adoption de l’amendement de madame Battistel qui visait à supprimer l’alinéa 7, il restait encore 27 gigawatts de nouvelles capacités de production d’électricité d’origine nucléaire. En réalité, ce sont ceux qui voulaient y ajouter six EPR supplémentaires, puis huit, ainsi que des petits réacteurs modulaires (SMR) et avancés (AMR), qui ont conduit, par leur jusqu’au-boutisme, à la disparition du volet nucléaire.
Nous voterons le texte issu des travaux des commissions du développement durable et des affaires économiques et restons disponibles pour amender, d’ici à la séance, cette programmation qui ne concerne, je le rappelle, que les dix années à venir.
La commission adopte l’amendement.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Notre commission ayant délégué au fond à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire les articles 11, 16 bis, 22 ter, 22 quater et 22 quinquies de la proposition de loi, ainsi que tous les amendements liés à ceux-ci, la procédure de la délégation au fond implique que nous ne débattions pas de ces articles et amendements adoptés par cette commission. Par conséquent, nous devons nous en tenir, pour ceux-ci, comme nous l’avons fait pour la proposition de loi dite « Duplomb », à entériner les amendements adoptés par la commission du développement durable, procédure dont la présidente de l’Assemblée nationale a rappelé, en Conférence des présidents, le 3 décembre dernier, qu’elle est la seule valable en cas de délégation au fond.
Article 11 (examen délégué) (précédemment réservé)
La commission adopte l’amendement CE70 de la commission du développement durable.
Elle adopte l’article 11 modifié.
Après l’article 11 (examen délégué) (précédemment réservé)
La commission adopte l’amendement CE71 de la commission du développement durable.
Article 16 bis (examen délégué) (précédemment réservé)
La commission adopte l’amendement CE86 de la commission du développement durable.
En conséquence, l’article 16 bis est supprimé.
Article 22 ter (examen délégué) (précédemment réservé)
La commission adopte l’amendement CE72 de la commission du développement durable.
Elle adopte l’article 22 ter modifié.
Article 22 quater (examen délégué) (précédemment réservé)
La commission adopte l’amendement CE73 de la commission du développement durable.
En conséquence, l’article 22 quater est supprimé.
Article 22 quinquies (examen délégué) (précédemment réservé)
La commission adopte l’amendement CE74 de la commission du développement durable.
En conséquence, l’article 22 quinquies est supprimé.
M. Antoine Armand, rapporteur. Madame la Présidente, je vous remercie pour la manière dont vous avez dirigé nos débats. Je remercie tous les collègues pour nos débats constructifs – qui nous ont parfois amenés à changer d’avis – malgré des positions quelquefois diamétralement opposées, à partir d’une proposition de loi élaborée dans les circonstances que nous connaissons tous.
Ce texte comprend la transformation d’EDF en établissement public, le rétablissement des tarifs réglementés de vente du gaz, la suppression – par les deux parties les plus éloignées du centre de l’hémicycle – de la relance du nucléaire et le maintien du parc existant ou encore, à l’article 5, un volet sur les énergies renouvelables électriques et thermiques qui est criblé d’incohérences et ne propose en rien une véritable programmation – au contraire, il produit plus d'instabilité que le code de l'énergie, qui prévoit moins de dispositions.
Dans le même temps, nous avons réussi à supprimer de nombreux articles qui ne relevaient pas d’une loi de programmation. Au-delà de la nécessité d’améliorer la qualité légistique du texte, cela prouve notre volonté sincère, malgré nos divergences, d’aboutir à l’adoption d’un texte qui traduise une position majoritaire de notre assemblée en matière énergétique. Nous l’avons fait précisément parce que le Gouvernement a renoncé à présenter un projet de loi de programmation. Nous sommes donc enclins à lui montrer notre capacité à débattre sereinement pour parvenir à une loi de programmation qui sera examinée en nouvelle lecture par le Sénat, puisque le Gouvernement n’a pas engagé la procédure accélérée. Nous avons ainsi réduit la proposition de loi à une douzaine d’articles au lieu d’une bonne trentaine, ce qui n’est pas négligeable et nous laissera davantage de temps pour travailler en séance.
Je note aussi une volonté de convergence en matière de rénovation énergétique : il faudra trouver les bons équilibres physiques et arrêter de parler de parcours « par geste » – je le dis, alors que le ministère de l’économie vient de confirmer la suspension de MaPrimeRénov’ jusqu’à la fin de l’année, ce qui appelle notre attention collective, quels que soient nos positionnements politiques.
J’ajoute qu’il n’est pas possible d’entrer dans le détail des énergies renouvelables – énergie par énergie, voire sous-énergie par sous-énergie – sans créer des incohérences. Plusieurs amendements, finalement tombés en raison de l’adoption d’un amendement et non examinés, visaient ainsi à substituer à la proposition d’atteindre une capacité de production d’électricité d’origine photovoltaïque d’au moins 50 gigawatts, le chiffre de 54, voire de 60 gigawatts, tandis que d’autres voulaient au contraire la plafonner à 40 gigawatts. En entrant dans ce niveau de détail, nous n’obtiendrions que des éléments disparates qui, à la fin, n’aboutiraient pas à une addition cohérente pour le système énergétique, en adéquation avec nos besoins de consommation finale brute d’énergie à l’horizon 2030 ou 2035. Or c’est ce dont nous avons besoin !
Cela implique que chacun soit prêt non pas à changer radicalement de position sur ces sujets fondamentaux, mais à parvenir au moins à des convergences élémentaires. Par exemple, je ne comprends pas que nous n’arrivions pas à tomber d’accord sur le maintien du parc nucléaire existant, sous réserve bien sûr du respect des conditions de sûreté. Nous devrions trouver des consensus sur ce plan et montrer à nos concitoyens que nous sommes favorables à la décarbonation, d’autant plus lorsqu’elle est pourvoyeuse d’emplois locaux. Et je ne parle pas du « nouveau nucléaire » qui fera l’objet de ma part d’un amendement de rétablissement en séance, avec une dimension claire et des ajustements pour que les objectifs collent à la maturité industrielle et à la capacité d’EDF à faire. Ce n’est pas parce qu’on est pronucléaire – c’est mon cas et celui de nombre de nos collègues dans cette salle – qu’on ne doit pas être exigeant. Ne faisons pas croire aux Français que nous aurons, à une échéance de dix ou quinze ans, des dizaines de réacteurs qui ne sont pas encore construits et dont la technologie n'existe pas encore dans le monde ! Ce ne serait pas responsable et cela ne s’appelle pas faire de la « programmation énergétique ». Ce sujet pose aussi la question des coûts des futurs projets : plusieurs ont évoqué les surcoûts liés aux retards et aux délais, ainsi que le taux d’actualisation. Ce n’est pas parce qu’on est pro-nucléaire que l’on ne peut pas être exigeant sur ces points !
Cela vaut aussi pour les énergies renouvelables. Il faut regarder les choses objectivement : quels sont les besoins en électricité supplémentaire dans les cinq prochaines années et quelles sont les capacités du réseau à absorber cette variabilité ? Si nous nous engageons dans le développement de l’énergie renouvelable électrique sans que cet investissement corresponde à un besoin électrique, avec de surcroît la perspective d’une déstabilisation du réseau, même modeste, nous ne favoriserons ni le système énergétique, ni l’industrie, ni le coût énergétique – sans parler du phénomène des « prix négatifs » que nous avons brièvement évoqué.
Je proposerai donc en séance des amendements de réécriture, qui doivent nous permettre d’aboutir sur plusieurs points.
Par conséquent, j’ai deux options à vous proposer. Soit vous rejetez la proposition de loi telle qu’elle a été amendée et dans ce cas, vous annulerez la suppression de tous les articles non programmatiques – ce qui aurait pour vertu de ne pas avoir à rétablir l’article 3 sur le nucléaire, rejeté par le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national. Soit – et cette option a ma préférence – vous l’adoptez, et cela permettra la prise en compte de tout le travail réalisé au cours d’une vingtaine d’heures de débats et des pistes de convergence obtenues en matière de programmation énergétique. Voter la proposition de loi en l’état ne vaut pas, pour moi, approbation d’un texte qui est encore en chantier et plein d’incohérences. Il a néanmoins le mérite de nous permettre d’aborder tous les sujets énergétiques et nous donnera l’occasion de poursuivre ce travail en séance, afin d’opérer des choix clairs. Je vous remercie encore de ces échanges !
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je remercie également le rapporteur et l’ensemble des collègues. Je me réjouis que nous ayons eu un débat riche et nourri, malgré (ou grâce à) nos désaccords. En séance, un temps législatif programmé de quarante heures est prévu sur ce texte, ce qui encadre les temps de parole de chacun des groupes parlementaires. Il sera donc important que nous puissions avoir ce débat dans l’hémicycle, le 16 juin prochain, sur la base de tout le travail effectué en commission.
La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.
Liste des personnes auditionnées
Réseau de transport d’électricité (RTE) *
M. Xavier Piechaczyk, président du directoire
M. Thomas Veyrenc, directeur général du pôle finances achats et risques et directeur du pôle stratégie, prospective et évaluation
Audition commune :
Délégation interministérielle au nouveau nucléaire (DINN)
M. Joël Barre, délégué interministériel
EDF *
M. Nicolas Machtou, directeur des programmes nucléaires
M. Michaël Varescon, chef des pôles nucléaire, thermique et hydraulique à la direction juridique Énergies
M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.
Agence de la transition écologique (ADEME)
Commission de régulation de l’énergie (CRE)
Départements de France
Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)
Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)
Projet international de réacteur expérimental de fusion thermonucléaire (ITER)
Intercommunalités de France
FEDENE
Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR)
France Urbaine
Médiateur national de l’énergie
NaTran *
Orano *
Syndicat des énergies renouvelables (SER) *
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.
Comptes rendus des travaux de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie pour avis
Lors de ses réunions des mardi 27 mai, après-midi et mercredi 28 mai, matin, la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, pour avis, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie (n° 463) (M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur).
1. Réunion du mardi 27 mai à 9 h 30 : examen pour avis des articles
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Je souhaite rappeler ici le souhait exprimé par tous les groupes lors de notre dernière réunion de bureau de disposer d’un programme de travail plus prévisible et du temps adéquat, dans un calendrier législatif très dense, pour une discussion de qualité s’agissant de textes de grande importance. J’ai relayé cette demande.
Sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat le 16 octobre 2024, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur de l’énergie, notre commission a délégation au fond sur les articles 11, 16 bis, 22 ter, 22 quater et 22 quinquies, sur lesquels les amendements ne sont, en conséquence, recevables que devant notre commission. Comme c’est l’usage, ils seront repris sans discussion par la commission des affaires économiques, qui commencera l’examen du texte lundi prochain.
Notre saisine inclut un article stratégique sur l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de notre pays d’ici 2030, et des articles plus spécifiques ; l’un relatif à la gestion des matières et des déchets radioactifs ; un autre relatif à l’énergie solaire et à l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) ; et deux articles sur la durée d’instruction de certaines autorisations environnementales, sur lesquels notre commission a déjà travaillé lors de l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole (Ddadue).
Ce périmètre est naturellement perfectible, mais, dans les conditions que j’ai évoquées, il me paraissait utile de faire entendre la voix de la commission.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur. Le texte dont nous sommes saisis met en œuvre l’obligation qui incombe au Parlement de définir les orientations de la politique énergétique nationale. Depuis 2023, date butoir, aux termes du code de l’énergie, pour adopter la première loi quinquennale en la matière, aucun cap n’a été solennellement fixé. Or les porteurs de projet, des collectivités aux entreprises des différentes filières, réclament une visibilité indispensable lorsque plusieurs centaines de milliards d’euros d’investissements sont en jeu.
Le Sénat a donc pris l’initiative et nous transmet une proposition de loi de programmation assortie d’un volet de simplification. Mon collègue rapporteur de la commission des affaires économiques, M. Antoine Armand, et moi-même nous attacherons à construire une loi solide, équilibrée et ambitieuse, qui déterminera le contenu de la future programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3) et de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC 3). Il s’agit ainsi de définir ensemble la stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec).
Notre commission examine aujourd’hui cinq articles de la proposition de loi.
L’article 11 constitue la pierre angulaire de notre politique climatique. Il relève à 50 % l’objectif de réduction des émissions brutes de gaz à effet de serre. Il traduit les efforts d’atténuation encore nécessaires pour atteindre la neutralité carbone en 2050. C’est à Paris, lors de la COP21, en 2015, que 196 pays se sont engagés à atteindre la neutralité carbone pour limiter l’augmentation de la température planétaire à 2 degrés, en faisant tous les efforts nécessaires pour arriver à 1,5 degré.
L’article 11 n’est rien d’autre que la mise en œuvre de nos engagements internationaux, désormais traduits dans le droit européen. Dans ce contexte, il apparaît nécessaire de maintenir une ambition forte en la matière. Pourtant, la rédaction issue du Sénat affaiblit la portée de l’objectif climatique, en préférant une formulation plus souple – « tendre vers une réduction » – à un objectif clair et contraignant. Or n’oublions pas que les futures PPE et SNBC seront fondées sur l’objectif que nous définissons. Un objectif contraignant est aussi préférable à une cible vague et soumise à interprétation pour construire des feuilles de route solides. Enfin, un objectif flexible nuirait à notre crédibilité internationale : la France étant l’un des pays les plus ambitieux en Europe et dans le monde en matière d’atténuation – et nous devons en être fiers –, elle doit se donner les moyens juridiques d’atteindre ses objectifs. C’est pourquoi je présenterai un amendement visant à asseoir le caractère contraignant de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
L’article 16 bis crée la catégorie de stock stratégique pour les substances radioactives présentant un intérêt à moyen ou à long terme. L’utilisation de matières radioactives dans la relance du parc nucléaire français est louable, mais indissociable de perspectives de valorisation dans un horizon temporel suffisamment proche. Cependant, l’ampleur du stock d’uranium appauvri, qui pourrait atteindre 569 000 tonnes en 2040, invite en premier lieu à privilégier les solutions sûres et durables d’entreposage de ces matières. De plus, le travail de recherche et développement pour valoriser l’uranium appauvri doit être approfondi pour s’assurer que la valorisation pourra intervenir dans un délai raisonnable. Enfin, j’ai des réserves sur la portée juridique de cette nouvelle catégorie, qui ne prémunit pas contre une requalification en déchets si les perspectives de valorisation ne sont pas suffisamment établies. Je présenterai donc un amendement de suppression de cet article.
En matière de foncier, l’article 22 ter étend au solaire thermique et aux dispositifs de stockage l’exemption en matière d’artificialisation des sols dont bénéficie le photovoltaïque. L’extension de cette exemption dite ZAN, qui a montré son utilité, est cohérente, car l’implantation des deux types d’installation de production d’énergie est similaire sur le plan technique. En revanche, je partage l’avis défavorable du gouvernement sur l’extension aux installations de stockage qui artificialisent les sols et ne satisfont pas aux critères de réversibilité et de maintien d’une activité agricole inscrits dans la loi « climat et résilience ». Je déposerai donc un amendement visant à supprimer l’extension aux installations de stockage.
Les articles 22 quater et 22 quinquies ont pour objet d’amplifier l’effort de simplification. Le premier limite à douze mois la durée d’instruction des nouveaux projets d’installations de production d’énergies renouvelables situés dans les zones d’accélération issues de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi Aper ; le second encadre également les délais d’instruction pour les opérations de rééquipement des installations d’énergies renouvelables existantes. Ces propositions paraissent séduisantes et répondre à la demande des acteurs, qui réclament l’instauration d’un délai maximal d’instruction. Toutefois, elles demeurent en retrait par rapport à la procédure issue de la loi relative à l’industrie verte, qui fixe déjà un plafond théorique de six à neuf mois pour toutes les autorisations environnementales. Je proposerai donc la suppression de ces deux articles.
Notre commission doit, en amont de l’examen dans l’hémicycle, tracer une ligne claire : renforcer la programmation de l’énergie, soutenir la souveraineté nucléaire, simplifier le développement des énergies renouvelables, mais refuser de sacrifier notre cohérence écologique ou d’empiler des dispositifs incohérents qui pourraient se retourner contre les porteurs de projet. En légiférant sur les objectifs de la politique énergétique française, le Parlement est à sa juste place. Faisons honneur à la responsabilité qui nous est confiée. Je sais pouvoir compter sur vous pour que nos débats soient constructifs.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Timothée Houssin (RN). Le 11 avril dernier, à la tribune, je demandais au gouvernement quand il comptait nous présenter la programmation pluriannuelle de l’énergie que prévoit la loi.
Depuis cette date, aucun projet de loi ne nous a été présenté, mais, sous la menace d’une censure du Rassemblement national, nous voilà saisis d’une proposition de loi, sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État, qui tiendra lieu de PPE. L’Académie des sciences, qui, elle, a rendu un avis, qualifie d’incohérent et d’irréaliste ce qui est supposé définir la politique énergétique de la France jusqu’en 2035.
Depuis huit ans, la politique énergétique d’Emmanuel Macron se résume à une suite d’improvisations coûteuses : sabordage de notre filière nucléaire par l’abandon du projet Astrid (réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle), fermeture de Fessenheim et ralentissement des projets d’EPR (réacteur pressurisé européen), avant de faire à la hâte un virage à 180 degrés. Résultat : des années perdues, des compétences sacrifiées et des milliards d’euros gaspillés. Dans le même temps, le gouvernement a misé à outrance sur les énergies renouvelables intermittentes – éolien et solaire –, sans jamais lever les interrogations sur leur pilotabilité ni sur leur coût réel pour les ménages. Les Français paient le prix de ces mauvais choix énergétiques : depuis 2007, le prix de l’électricité a plus que doublé.
Nous pouvons partager le constat de la nécessité de décarboner l’énergie que nous consommons, ce qui passera immanquablement par l’électrification. Ce processus permet de viser deux objectifs : lutter contre le réchauffement climatique, bien sûr, mais aussi assurer notre souveraineté énergétique. S’il y a un consensus pour sortir la France de sa dépendance aux énergies fossiles, pour des raisons écologiques et économiques, nos visions divergent sur les moyens d’y parvenir. Les auteurs de la PPE, aveuglés par le mirage des énergies intermittentes, veulent injecter 200 milliards d’argent public pour multiplier par cinq la production éolienne et par trois la production solaire en dix ans, alors même qu’en 2024, la production nucléaire a dû renoncer à près de 10 % de son potentiel de production au profit des énergies intermittentes. Ce choix va à l’encontre de la stratégie d’électrification, puisqu’il ne pourra y avoir d’électrification massive de la mobilité, du chauffage, de l’industrie sans une sécurité d’approvisionnement et un prix de l’électricité abordable.
Face à ces mauvais choix, le Rassemblement national propose de préserver notre environnement mais aussi notre souveraineté, notre pouvoir d’achat et notre compétitivité en misant sur les énergies décarbonées pilotables que sont le nucléaire, l’hydroélectricité ou la géothermie, ainsi que sur les pompes à chaleur et les stations de transfert d’énergie par pompage. Une politique énergétique alternative décarbonée et souveraine existe.
Nous aurions voulu que notre commission débatte des grandes orientations de notre politique énergétique et nous regrettons l’irrecevabilité de nombreux amendements à l’article 11. Madame la présidente, si la commission du développement durable, qui n’a délégation au fond que sur une part infime de la proposition de loi, doit en plus s’autocensurer, autant laisser à la commission des affaires économiques l’examen du texte entier.
Notre vote en commission dépendra des débats et du contenu final des articles. En l’état, nous voterions contre, et je ne vous cache pas que les propos liminaires du rapporteur ne nous ont pas rassurés. Nous saluons cependant la volonté, inscrite dans l’article 16 bis, de relancer une filière nucléaire de quatrième génération, basée sur l’utilisation de certains de nos déchets nucléaires, après que la filière – il n’est pas inutile de le rappeler – a été détruite par Emmanuel Macron.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Si des amendements ont été déclarés irrecevables, c’est parce qu’ils ne portaient pas sur les articles dont nous sommes saisis.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Cette proposition de loi s’inscrit dans le cadre établi par la loi « énergie-climat » de 2019, qui impose une programmation quinquennale des objectifs énergétiques en France. Dès 2023, un dialogue a été ouvert par le gouvernement avec le Parlement, notamment.
À défaut d’une loi, un compromis est trouvé grâce à ce texte, qui représente un pas significatif vers la redéfinition des priorités de la politique énergétique française dans un contexte d’urgence climatique.
La proposition de loi vise non seulement à établir des objectifs clairs et mesurables, mais également à encourager l’innovation, à soutenir les collectivités et à protéger les consommateurs dans le domaine énergétique. J’en mentionne quelques points clés : la réduction des émissions de gaz à effet de serre ; l’augmentation de la consommation d’énergie décarbonée ; l’amélioration de l’efficacité énergétique dans les bâtiments ; la diversification du mix énergétique, notamment par l’expansion du nucléaire.
Les amendements du gouvernement montrent une ambition nucléaire : la France sera au rendez-vous de la construction de nouveaux réacteurs EPR et de petits réacteurs modulaires. D’ici 2050, le mix énergétique sera majoritairement nucléaire, la part du nucléaire étant maintenue à 60 % de la production d’électricité d’ici 2030.
Nous pourrons aussi débattre de l’avenir du statut de l’hydroélectricité ; de la petite hydroélectricité, dont le potentiel est encore considérable ; de la valorisation des déchets, qui, plutôt que d’être enfouis, peuvent servir d’alternative aux combustibles fossiles.
L’objectif est aussi de garantir aux foyers, notamment ruraux, une solution de raccordement adaptée à un réseau de chaleur de gaz ou d’électricité ; de maintenir le principe de péréquation tarifaire ainsi que les tarifs réglementés de vente d’électricité et le prix repère de vente de gaz naturel ; de conserver la détention par l’État de la totalité des parts du capital d’EDF et d’une partie de celui d’Engie, la propriété publique des réseaux de distribution et de transport d’électricité ainsi que du réseau de distribution de gaz.
Il apparaît d’autant plus urgent de définir nos priorités d’action que les politiques en matière d’énergie supposent un temps très long. Toutes nos décisions, y compris pour les énergies décarbonées, ne seront concrétisées que dans plusieurs années.
Ce texte permet aussi d’envoyer des signaux forts aux acteurs économiques, qui sont très inquiets de la fin de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh). Aucun industriel ne se lancera dans la production d’énergie si nous n’affichons pas des ambitions claires. De même, les acteurs économiques nous le disent, ils attendent un volume d’électricité suffisant et à un prix compétitif. Nous ne pourrons pas garder nos entreprises ni attirer des investissements et des industries performantes et décarbonées dans nos territoires sans cette assurance. Nous devons donc équilibrer les ambitions économiques et environnementales du pays.
Mme Clémence Guetté (LFI-NFP). Hier, vous êtes passés en force pour réintroduire les pesticides dans l’agriculture française. Vous avez inventé pour cette occasion un 49.3 déguisé, sacrifiant notre santé, celle des agriculteurs et celle de nos enfants.
Aujourd’hui, nous devons débattre de notre modèle énergétique, du futur que nous souhaitons pour notre pays en cette matière. Élue depuis trois ans, je n’ai jamais pu voter une loi de programmation sur l’énergie et sur le climat. C’est pourtant une obligation légale. Depuis 2022, en Macronie, c’est le discours de Belfort du président de la République qui fixe le cap. Il n’a jamais été débattu au Parlement, jamais validé. Conséquence logique de cette improvisation et de ce fait du prince, la France est en retard – un retard de plus d’un an s’agissant des politiques énergétiques et d’adaptation au changement climatique, d’après le Haut Conseil pour le climat, instance que vous avez vous-même créée.
Vous ne vous gênez pas pour désobéir aux règles européennes quand il s’agit de mener notre pays droit dans le mur, par exemple en refusant le nouveau plan de décarbonation. En revanche, pour empêcher les délocalisations des usines stratégiques et indispensables au développement du renouvelable, il n’y a plus personne. La Macronie organise patiemment le sabotage de notre bifurcation écologique. Nous ne savons plus comment vous alerter, vous dire qu’il y a urgence. L’année 2024 a été la plus chaude jamais enregistrée. La seule chose que les ministres de M. Macron savent planifier, c’est l’inaction climatique. En matière de délinquance environnementale, votre palmarès est très impressionnant : deux condamnations en moins de deux ans.
Pour débattre de la place du nucléaire et des énergies renouvelables, des investissements qu’ils requièrent de la part de l’État français ainsi que du calendrier, le gouvernement refuse de travailler sur un projet de loi digne de ce nom. Il n’y aura donc pas d’étude d’impact, pas d’analyse des hypothétiques emplois ainsi créés, pas d’avis des experts et, aujourd’hui, nous n’avons pas de ministre devant nous. À la place, vous faites arriver par la fenêtre un texte du Sénat qui prolonge un agenda climatosceptique et qui n’est pas, pour nous, une base de travail acceptable.
On y trouve des formulations très dangereuses : ainsi, au lieu de décider de réduire fermement nos émissions carbone, objectif indispensable alors que le changement climatique est commencé, vous proposez sans y croire de « tendre vers un objectif de réduction ». Il n’y a donc plus d’obligation : chaque entreprise privée pourra essayer, comme elle veut, comme elle peut, et on verra bien ce que ça donne. La droite et l’extrême droite pourraient même empirer le texte : des amendements du Rassemblement national visent à y introduire un moratoire sur les énergies renouvelables.
Ce texte est une démonstration de votre incapacité politique à faire face à la crise existentielle à laquelle l’humanité est confrontée. Il est aussi une preuve de l’échec cuisant des idéologues de la croissance verte. L’énergie est un bien commun ; elle est indispensable pour que les gens se chauffent, s’éclairent, se déplacent, cuisinent et vivent, tout simplement ; elle est aussi cruciale pour les entreprises, petites et grandes, les commerces, l’industrie. Or vous nous faites dramatiquement perdre du temps. Tôt ou tard, nous devrons organiser une planification énergétique démocratique et bâtir un pôle public de l’énergie pour reprendre la main sur ce bien commun contre le chaos du marché.
M. Fabrice Roussel (SOC). Je veux d’abord souligner l’absence d’ambition de notre gouvernement en matière énergétique. Il est urgent qu’il présente une nouvelle PPE pour définir notre stratégie, nous préparer aux conséquences du changement climatique, que nous subissons déjà, et rassurer nos industries. Cela fait trop longtemps que nous l’attendons, trop longtemps aussi que notre pays fait l’impasse sur les impacts budgétaires et l’établissement d’un calendrier réaliste.
Nous ne pouvons donc pas nous contenter de ce texte qui, soutenu par le gouvernement, demande à l’État de faire au mieux, remet en cause les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et altère un peu plus les équilibres biologiques de nos océans et de nos forêts, dont la dégradation s’accélère.
Vous voulez réduire de 50 % nos émissions de gaz à effet de serre en recourant au captage alors que l’installation elle-même peut consommer jusqu’à 30 % de l’énergie produite. C’est totalement contre-productif et ce n’est certainement pas une alternative à la transition énergétique.
Le texte fait disparaître les termes d’énergie renouvelable au profit de ceux d’énergie décarbonée pour englober le nucléaire, ce qui, une fois encore, n’est pas la marque d’une forte ambition en matière de transition énergétique.
Le mix énergétique envisagé repose beaucoup trop sur le développement du nucléaire. Nous savons que les projets annoncés sans concertation par le président Macron ne pourront voir le jour avant dix ans au moins. Pendant ce laps de temps, il est essentiel de bien entretenir le parc nucléaire existant pour assurer son efficacité et sa durabilité. Surtout, il est temps de se doter des moyens d’une autre stratégie, celle d’un mix électrique décarboné et compétitif.
À l’heure où nous devons assurer notre indépendance énergétique, le texte ne valorise pas assez les filières d’énergies renouvelables. Vous continuez de les mépriser en les privant des moyens de se projeter.
Par ailleurs, le gouvernement n’a pas anticipé la décarbonation de notre industrie, donc l’électrification de ses usages, condition essentielle de la décarbonation et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce retard expose au risque de ne pas pouvoir absorber l’offre d’électricité renouvelable et bas-carbone qui est en train d’être développée.
Il est vraiment temps de faire autrement, d’accélérer le déploiement de l’éolien, du solaire ou encore de l’hydraulique pour décarboner la production d’électricité et de chaleur. Ces énergies disposent d’atouts non négligeables – le potentiel de l’hydraulique à l’horizon 2035-2040 est de 5 gigawatts supplémentaires.
Il faut enfin assurer notre souveraineté industrielle en favorisant le développement des filières françaises et européennes de production d’énergie décarbonée et en réduisant notre dépendance aux importations étrangères.
En l’état, nous serions opposés au texte, sur lequel nous avons néanmoins déposé des amendements.
Mme Christelle Petex (DR). Le texte dont nous examinons quelques articles est une réponse au contournement gouvernemental du Parlement sur les sujets énergétiques. En effet, en vertu de la loi « énergie climat », une loi de programmation sur l’énergie et le climat doit être soumise au Parlement tous les cinq ans afin que les représentants de la nation puissent se saisir de cette question stratégique. En manquant à cette obligation, les gouvernements passés ont contrevenu à la loi de la République, ni plus ni moins. Nous saluons l’initiative de notre collègue sénateur Daniel Gremillet, qui vient réparer ce manquement démocratique.
Par ailleurs, l’absence de loi de programmation actualisée pose des problèmes très concrets : notre cadre normatif se trouve en décalage avec des directives européennes qui doivent théoriquement être transposées avant la fin de l’année. Je pense notamment au paquet Fit for 55 – ou Ajustement à l’objectif 55 en bon français.
Enfin, l’absence de PPE au moment où nous décidions d’infléchissements majeurs de notre politique énergétique est très regrettable. Après des années d’errance sur le nucléaire, de soutien tous azimuts à des énergies nouvelles dont nous ne nous sommes même pas demandé si nous en avions besoin, Emmanuel Macron a revu sa ligne. Et les parlementaires Les Républicains ont pris toute leur part à cette réorientation, notamment par la création de la commission d’enquête sur l’abandon du nucléaire, qui avait permis de révéler l’ampleur des faillites et des divagations politiques.
Je ne reviens pas sur les articles dont nous ne sommes pas saisis. Pour ceux qui nous concernent, le groupe de la Droite républicaine approuve sans réserve les articles 11 et 16 bis, qui paraissent équilibrés au regard des objectifs. En revanche, nous sommes plus réservés sur les articles 22 ter, quater et quinquies.
Le premier vise à étendre à l’énergie solaire thermique l’exemption dont bénéficie le solaire photovoltaïque en matière d’artificialisation des sols. Dans un contexte foncier déjà très tendu, nous doutons de l’opportunité de cette disposition. Les deux autres articles ne sont pas sans poser problème. L’accélération des procédures d’autorisation pour des projets complexes et parfois controversés ne nous paraît pas aller dans le bon sens. Notre groupe doute fortement que l’avenir de la politique énergétique française passe par un développement immodéré de l’éolien, pour ne citer que lui. L’heure est plutôt à réparer les dégâts causés par une fuite en avant qui a surtout profité aux entreprises chinoises et allemandes, rarement aux consommateurs français.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Nous voilà à nouveau réunis trois ans après le début d’un feuilleton totalement incohérent ayant pour objet la programmation énergétique de notre pays. Trois années d’atermoiements, de refus répétés de la part des gouvernements successifs de présenter une véritable loi de programmation énergie-climat pourtant exigée par la loi. Trois années rythmées par des travaux prospectifs, des groupes de travail à foison, des concertations multiples, pour aboutir in fine à une situation ubuesque : un premier ministre contraint de reprendre en urgence une proposition de loi en totale contradiction avec la PPE élaborée depuis trois ans, simplement pour se plier à une menace de censure venue de l’extrême droite – qui n’a que faire du climat et dont la connaissance des enjeux énergétiques laisse songeur.
Nous avions pourtant alerté. Nous avions même tendu la main en déposant une proposition de loi pour sortir de l’impasse, mais ce débat nous a été refusé. Et nous voilà face à deux textes qui se contredisent : une PPE juridiquement fragile et, la surplombant, une proposition de loi incohérente et politiquement inconsistante. Quelle étrange conception de la planification énergétique ! Quelle étrange manière de préparer l’avenir !
Il faut le dire avec franchise, cette proposition de loi n’est pas sérieuse ; elle est bâclée, sans étude d’impact, sans avis du Conseil d’État, ni du Conseil supérieur de l’énergie (CSE), ni du Conseil national de la transition écologique (CNTE). Elle repose sur des illusions atomiques et technosolutionnistes totalement déconnectées des réalités techniques, industrielles, scientifiques, économiques et climatiques. Elle fait l’impasse sur l’essentiel : la réduction de la consommation d’énergie, le déploiement massif des renouvelables et la justice énergétique.
Ce texte ne peut pas faire office de cap solide. Il aurait dû être retiré. Mais puisqu’il nous est imposé, notre groupe prendra ses responsabilités, comme il l’a toujours fait sur ce sujet, et mettra tout en œuvre pour que le texte soit profondément revu, corrigé, réorienté. Guidés par les exigences de cohérence, d’ambition et de vérité, nous ferons des propositions, car une PPE crédible, sérieuse, construite sur des bases solides n’est pas une option mais une nécessité pour le climat, pour notre souveraineté énergétique, pour l’avenir.
Nous posons une question simple aux rapporteurs et aux parlementaires du socle commun : souhaitez-vous maintenir le pays dans cette impasse énergétique, fondée sur une vision passéiste où l’illusion du nucléaire sert de paravent à l’absence de cap, ou choisissez‑vous d’en sortir sérieusement, collectivement, lucidement ? M. le rapporteur a donné quelques pistes encourageantes. Une voie existe, elle est du côté de la gauche et des écologistes.
M. Vincent Thiébaut (HOR). Nous nous réjouissons de cette proposition de loi, qui nous permet de débattre d’un sujet très attendu. La programmation pluriannuelle de l’énergie, qui n’a pas été actualisée depuis l’adoption de la loi « énergie climat », en 2019, est en effet essentielle pour réaffirmer notre ambition de réduire de 50 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, pour consolider la politique nucléaire de la France, colonne vertébrale énergétique grâce à laquelle notre pays est déjà l’un des plus décarbonés d’Europe, et pour promouvoir un mix énergétique incluant les énergies renouvelables et favorisant l’essor de filières telles que les biocarburants, l’hydrogène, l’éolien ou le photovoltaïque, mais aussi la géothermie, qui présente l’avantage d’être non intermittente et qui a fait ses preuves, notamment dans le Bassin parisien. Enfin, à l’heure de la réindustrialisation, qui ne se fera pas seulement à coups de subventions, les filières et les acteurs économiques ont besoin d’un cap et d’une meilleure visibilité pour se développer.
Certes, nous aurions préféré examiner un projet de loi, assorti d’une étude d’impact et validé par le Conseil d’État. Néanmoins, nous prenons acte de ce texte, car nous sommes convaincus de la nécessité d’en débattre pour nous éclairer, informer la population et influer, le cas échéant, sur le gouvernement, qui envisage de fixer les objectifs de la PPE par décret – ce qui, en tant que parlementaires, nous laisse dubitatifs. Reconnaissons donc au sénateur Gremillet le mérite de présenter un texte qui permettra à chacun d’exprimer ses idées et sa vision en la matière, même si nous aurions préféré le faire dans de meilleures conditions.
M. David Taupiac (LIOT). Nous avons quelques certitudes en matière énergétique.
La première est qu’il faut réduire notre dépendance aux énergies fossiles et renforcer notre souveraineté énergétique. Pour cela, nous devons électrifier massivement nos usages, ce qui entraînera mécaniquement une hausse de la demande, donc de la production.
La deuxième, qui en découle, est que le mix énergétique devra s’appuyer sur ses deux jambes : les énergies renouvelables, pour répondre à la demande immédiate, et le nucléaire, dans un second temps, pour prendre le relais d’un parc vieillissant.
La troisième est que ces changements impliquent des adaptations majeures du système électrique français et des investissements massifs ; il est donc nécessaire de fixer un cap clair pour que les énergéticiens, quels qu’ils soient, puissent se projeter.
Autrement dit, il devenait urgent d’inscrire à l’ordre du jour un texte législatif permettant de débattre de la programmation énergétique de la France. Notons néanmoins que les réticences à passer par un projet de loi nous privent d’une étude d’impact et d’un avis du Conseil d’État sur des sujets pourtant fondamentaux. En ce qui concerne la méthode, nous avons la curieuse impression d’une improvisation, alors que le gouvernement était tenu depuis juillet 2023 de présenter une loi de programmation.
Nous devons également composer avec plusieurs incertitudes qui grèvent notre capacité à déterminer ce que sera le mix énergétique demain. Le niveau de consommation électrique ne suit pas tout à fait la trajectoire escomptée, le calendrier de déploiement des prochaines centrales nucléaires est incertain et le financement des futurs projets, en particulier des EPR, reste à établir.
Ces éléments importants ne doivent toutefois pas nous détourner de l’objectif majeur que nous nous sommes fixé : réduire de 50 % les émissions brutes de gaz à effet de serre à l’horizon 2030, afin d’atteindre l’objectif arrêté au niveau européen de réduire les émissions nettes de GES de 55 % à cette même échéance. C’est pourquoi la formulation retenue à l’article 11, « tendre vers », n’est pas satisfaisante.
En outre, je suis circonspect quant à l’article 16 bis, qui crée une nouvelle catégorie de déchets nucléaires, qualifiée de stock stratégique ; les effets juridiques en seraient incertains et potentiellement dangereux.
Enfin, les transpositions de directives européennes en matière de délais mériteront quelques ajustements pour nous mettre en conformité.
Nous serons constructifs, puisqu’il nous faut bien avancer en matière de planification énergétique.
M. Éric Michoux (UDR). C’est avec intérêt que nous avons pris connaissance de la proposition de loi de nos collègues sénateurs, après le retrait délibéré par le gouvernement du volet relatif à la programmation du projet de loi sur la souveraineté énergétique. Nous allons enfin pouvoir débattre de notre souveraineté énergétique et de son avenir, alors que le programme EPR 2 a déjà deux à trois ans de retard et que la troisième édition de la programmation pluriannuelle de l’énergie table sur une baisse de la consommation d’énergie. Pourtant, le gouvernement parle de réindustrialiser le pays, d’héberger des data centers, de développer l’intelligence artificielle et de rouler à 100 % à l’électrique.
Face à cet enjeu de souveraineté, la gauche dans son ensemble – extrême, écolo‑bobo – propose une douce utopie, complètement hors-sol, fondée sur des énergies dites renouvelables qui ne sont en réalité qu’intermittentes, instables et non maîtrisables – un vrai problème pour la gestion des réseaux électriques.
L’honnêteté nous oblige pourtant à voir ce que font nos voisins européens champions des énergies vertes. L’Allemagne a mis à l’arrêt des parcs éoliens et a dû venir au secours de l’entreprise Siemens qui les gérait et traversait de graves difficultés économiques. L’État a même préféré sacrifier un parc éolien pour garder une mine à charbon.
Si nous voulons passer au tout-électrique, arrêtons avec les batteries chinoises, les panneaux photovoltaïques chinois, les éoliennes chinoises. Tous contiennent des PFAS (substances per- ou polyfluoroalkylées) – produit peu apprécié au sein de notre commission – et des terres rares exploitées en Chine.
Plus généralement, nous devons nous interroger sur notre modèle énergétique, en particulier sur EDF. L’indexation du prix de l’électricité sur celui du gaz a fait anormalement monter le coût de l’énergie, grevant les budgets des ménages et des entreprises. Le carburant de notre économie reste l’électricité ; le problème est que, sans une vision claire sur le prix de l’électricité à moyen et à long terme, nos entrepreneurs n’investiront pas. Il faut de la stabilité et de la visibilité pour encourager l’investissement.
Par ailleurs, la France est le leader européen de l’hydroélectricité, qui représente 20 % de notre production. Cette énergie verte permet d’ajuster les pointes de consommation et de stabiliser nos réseaux électriques. Là encore, les nombreux projets de création de barrages hydroélectriques sont à l’arrêt, du fait des fluctuations du prix de vente de l’électricité et du manque de visibilité en la matière.
Vous l’aurez compris, notre groupe privilégie deux axes principaux : l’hydroélectricité et le nucléaire.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur. Je remercie l’ensemble des groupes pour la clarté et la richesse de leurs interventions. Je suis reconnaissant à ceux qui ont salué l’utilité de la proposition de loi et je reste ouvert au dialogue avec ceux qui ont exprimé des réserves ou formulé des propositions d’amélioration et d’enrichissement du texte – j’ai moi-même fait part de certaines réserves. Enfin, j’entends les critiques de principe, parfois systématiques, de la part de certains collègues. Toutefois, refuser toute planification, toute anticipation et toute simplification dans un secteur aussi stratégique que l’énergie, ce n’est pas faire preuve de rigueur ; c’est renoncer à agir, alors que nos concitoyens attendent autre chose que du fatalisme et du repli. C’est pourquoi je vous invite à poursuivre ce travail avec sérieux, exigence et responsabilité.
Je vous rejoins, madame Guetté, au sujet des émissions de gaz à effet de serre ; c’est pourquoi j’ai déposé un amendement qui vise à rendre l’objectif contraignant.
Pour répondre à M. Roussel, ce texte inclut bien des objectifs en matière d’énergies renouvelables : 45 % de la consommation finale de chaleur et au moins 200 térawattheures dans la production électrique en 2030.
Je suis d’accord avec Mme Petex sur les articles 22 quater et 22 quinquies, dont je proposerai la suppression.
Madame Laernoes, nous ne sommes pas dans l’illusion. Ce texte fixe un cap en matière nucléaire afin de permettre à la filière de s’organiser : construction de six nouveaux EPR 2 « engagée d’ici 2026 », puis de huit d’ici 2030. Il définit des objectifs de production de chaleur et d’électricité fondée sur les énergies renouvelables, de réduction de la consommation énergétique finale, ainsi que des objectifs en matière d’hydrogène, d’hydraulique ou de photovoltaïque.
Comme l’a souligné M. Thiébaut, ce texte n’est pas idéal. Toutefois, le rejeter en bloc serait contre-productif. Il est essentiel que le Parlement s’en saisisse pour définir nos objectifs en matière de programmation pluriannuelle de l’énergie et de stratégie nationale bas‑carbone.
Je vous rejoins, monsieur Taupiac, sur la formulation de l’article 11, qui n’est pas satisfaisante et je vous invite à adopter mon amendement visant à asseoir la portée contraignante de l’objectif de réduction des émissions. J’ai également exprimé des réserves sur l’article 16 bis, que je vous proposerai de supprimer. Nous devons en effet garantir la sécurité de la gestion des matières et leur valorisation.
Enfin, s’agissant des objectifs énergétiques, les débats se tiendront en commission des affaires économiques.
2. Réunion du mercredi 28 mai à 9 h 30 : examen pour avis des articles (suite)
Mme la présidente Sandrine Le Feur. La discussion générale ayant eu lieu hier, nous en venons directement aux amendements.
Je rappelle que notre commission a délégation au fond sur les articles 11, 16 bis, 22 ter, 22 quater et 22 quinquies. Sur ces articles, les amendements ne sont recevables que devant notre commission. Comme c’est l’usage, ils seront repris sans discussion par la commission des affaires économiques, qui commencera l’examen de ce texte lundi prochain.
Article 11 : Relèvement de 40 à 50 % – hors terres et forêts – de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030, figurant parmi les objectifs énergétiques chiffrés mentionnés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie
Amendement de suppression CD54 de M. Fabrice Roussel
M. Fabrice Roussel (SOC). Nous proposons de supprimer cet article, révélateur du manque d’ambition du texte quant aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il convient en effet d’éviter des formules propres à relativiser notre objectif de baisse des émissions de gaz à effet de serre et à présenter les puits de carbone comme une garantie absolue, alors même qu’il est démontré scientifiquement que les équilibres biologiques des océans et des forêts se dégradent à une vitesse accélérée.
Enfin, le paquet Fit for 55, présenté par la Commission européenne en juillet 2021, constitue la pierre angulaire de la stratégie européenne pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Avec l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne (UE) d’au moins 55 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990, ce paquet ambitieux, qui couvre tous les secteurs de l’économie, implique une transformation profonde du modèle européen de production et de consommation d’énergie.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Je partage votre avis quant à la formulation « tendre vers un modèle de réduction », qui réduit la portée contraignante de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cette proposition de loi définit les objectifs énergétiques de la France, qui doivent répondre à l’urgence écologique et climatique, selon l’article L. 100-4 du code de l’énergie, que nous amendons ce matin. Cela suppose d’adopter un langage clair et ambitieux. Je vous invite donc à voter mon amendement CD86 visant à rétablir une formulation contraignante.
Je rappelle que l’objectif actuel exclut déjà les puits de carbone de la comptabilisation, mais que cela n’est pas expressément mentionné dans la loi. Je partage votre point de vue quant à l’urgence de la restauration de nos puits de carbone, mais il est inexact de dire qu’ils sont présentés comme une garantie absolue. Des objectifs contraignants d’amélioration des puits de carbone existent et seront renouvelés dans les prochaines stratégies nationales bas-carbone (SNBC). En outre, 150 millions d’euros ont été dédiés au renouvellement forestier dans le cadre du plan France relance, s’ajoutant aux 110 millions affectés par le plan France 2030. J’ajoute à cela les fonds privés certifiés par le label bas-carbone, qui a permis de stocker 3,2 millions de tonnes équivalent CO2 depuis sa création en 2018. Les résultats concrets de ces politiques seront visibles dans quelques années.
Enfin, je souhaite aussi saluer le travail du Parlement, qui a adopté voilà bientôt deux ans la loi contre le risque incendie, laquelle permet d’améliorer la protection des forêts contre les mégafeux. En tant qu’ancien sapeur-pompier, j’y suis personnellement très attaché.
Au lieu de supprimer cet article, je vous invite donc, je le répète, à voter mon amendement. Avis défavorable.
M. Timothée Houssin (RN). Nous voterons contre cet amendement, car la rédaction actuelle de l’article 11 est un bon compromis, qui nous convient. Le texte relève en effet de 40 % à 50 % nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030. Nous avons atteint une réduction d’environ 33 % par rapport à 1990 et allons donc vers 40 %, ce qui nous permet de poursuivre des objectifs plus ambitieux, mais l’article 11, en appelant à tendre vers 50 %, ne les rend pas trop rigides.
Il y a en effet une certaine hypocrisie dans le calcul des émissions de gaz à effet de serre, car on parle énormément de la baisse des émissions au niveau national, mais très peu des émissions importées et, finalement, notre empreinte carbone ne baisse pas beaucoup.
Il faudra réindustrialiser notre pays, ce qui aura nécessairement des conséquences sur les émissions de gaz à effet de serre. Le fait d’avoir des objectifs ambitieux – ce à quoi nous souscrivons tout à fait – ne doit pas empêcher cette réindustrialisation si, par exemple, nous ne parvenions en 2030 qu’à 49 % de réduction au lieu de 50 %.
Mme Olga Givernet (EPR). Nous serons défavorables à cet amendement pour nous ranger à celui du rapporteur pour avis, qui maintient l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
L’amendement est retiré.
Amendements CD31 de M. Maxime Laisney et CD64 de Mme Julie Laernoes (discussion commune)
Mme Clémence Guetté (LFI-NFP). Ce matin a été publié un rapport de l’Organisation météorologique mondiale, l’OMM, organe de l’ONU, qui montre que, pour la période 2025-2029, le réchauffement mondial moyen dépassera 1,5 degré. L’euphémisme « tendre vers une réduction » qui figure dans le texte du Sénat est insuffisant, et même dangereux.
Nous proposons donc un amendement de réécriture globale, qui permet de suivre l’objectif de 55 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre prévu par le paquet de l’Union européenne Fit for 55. En effet, la formule actuelle n’est pas contraignante et tous les recours juridiques qui pourraient demander à l’État de rendre des comptes sur ses réductions d’émissions sont rendus impossibles par une formulation aussi floue. Il s’agit donc de rendre l’objectif contraignant et d’être à la hauteur des accords de Paris que nous avons signés, même si – et c’est dramatique – nous savons déjà que le réchauffement dépassera largement ce niveau.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). L’amendement CD64 du groupe Écologiste fixe un objectif de réduction d’au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, conformément aux engagements européens de la France. Comme l’a dit Mme Guetté, la trajectoire de réchauffement climatique va bien au-delà des objectifs que nous nous étions fixés lors de la COP21 à Paris et dont nous étions très fiers. Il est indispensable de pouvoir les réinscrire dans la loi et de mettre notre droit national en conformité avec l’objectif issu du paquet Fit for 55 de la directive européenne. Réaffirmer nos objectifs est particulièrement indispensable face à la tendance actuelle à remettre en cause les outils qui nous permettent de les atteindre, au risque d’ouvrir la porte à un réchauffement qui causera des pertes de rendements agricoles, une augmentation des précipitations, un renouvellement continu des inondations et des vagues de chaleur insupportables, avec les morts afférents.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Un objectif de réduction de 50 % est un chiffre solide, qui repose sur les objectifs de baisse d’émissions de trois secteurs pour 2030 : le premier de ces secteurs est celui de l’industrie et de l’énergie, pour lequel l’objectif européen est de réduire les émissions de 62 %, le deuxième est celui du transport routier, du chauffage des bâtiments, de l’agriculture et des déchets, où nos émissions doivent être réduites de 47,5 %, et le troisième, celui des puits de carbone, qui doivent augmenter de 310 millions de tonnes équivalent CO2.
En combinant la décarbonation des secteurs émetteurs et l’amélioration de nos puits de carbone naturels, nous nous fixons l’objectif de réduire de 50 % nos émissions brutes en 2030. Cette analyse est confirmée par le Haut Conseil pour le climat dans son rapport annuel de 2023.
Deuxièmement, vous souhaitez rétablir la formulation « réduire » pour remplacer la rédaction de l’article 11, qui réduit la portée juridique de l’objectif de réduction des émissions. J’ai déposé moi-même un amendement en ce sens et vous invite plutôt à le voter.
Enfin, vous souhaitez rehausser l’objectif de réduction des émissions à 53 % et justifiez ce chiffre en citant la SNBC 3, qui évoque en effet une réduction de 52 % des émissions nettes de gaz à effet de serre en 2030. Je rappelle néanmoins que l’objectif de réduction de 55 % des émissions nettes en 2030 est fixé à l’échelle européenne et que les États le déclinent ensuite dans leur droit interne. Or l’objectif de réduire de 50 % les émissions brutes en 2030 constitue l’effort de la France pour atteindre l’objectif de 55 % à l’échelle européenne. Il n’est donc pas opportun d’inscrire l’objectif européen parmi les objectifs de la politique énergétique nationale et je suis donc défavorable à votre amendement.
Mme Clémence Guetté (LFI-NFP). Nous sommes surpris que, pour une fois, vous ne vouliez pas suivre les préconisations européennes – mais cela arrive toujours lorsque ces préconisations sont importantes et ambitieuses.
Pour ce qui est des puits de carbone, la capacité d’absorption des forêts françaises décline énormément, et plus encore au niveau de l’Union européenne, où elle a été divisée par deux en dix ans, ce qui pourrait en outre être une trajectoire, la capacité de stockage continuant à s’effondrer. En effet, les forêts françaises sont en très mauvaise santé du fait du changement climatique et de la mauvaise gestion de la filière bois, qui a été laissée dans les mains du secteur privé, qui pratique des coupes rases. Face au changement climatique, il n’y a pas aujourd’hui de gestion intelligente du rôle fondamental des puits de carbone. Malgré l’amendement que vous annoncez, nous devons être ambitieux au niveau français, en raison notamment du rôle symbolique qui incombe à la France, après les accords de Paris, pour fixer cet objectif de réduction et inciter les autres nations européennes à faire de même.
M. Olivier Becht (EPR). Les ambitions de décarbonation de l’Europe et de la France sont les plus élevées au monde. Nous sommes tous d’accord pour réduire nos émissions de carbone afin d’éviter au maximum les effets du réchauffement climatique, mais il faut aussi trouver un équilibre avec notre économie. En effet, si nous fixons des ambitions trop élevées et inatteignables pour nos entreprises et nos industries, celles-ci partiront, les gens se retrouveront sans emploi et nous n’aurons plus les moyens de financer notre modèle social, c’est-à-dire des retraites ou une assurance maladie.
Mme Chantal Jourdan (SOC). Nous voterons cet amendement, d’abord par cohérence, pour être en phase avec les objectifs européens. Il est important d’avoir une visibilité à propos des emplois qui doivent être transformés, ainsi qu’une stratégie de conversion pour ces emplois de demain. Si nous ne faisons rien, nous serons dans une situation très difficile.
Les puits de carbone sont un enjeu majeur car, malheureusement, les forêts ont perdu en l’espace de dix ans la moitié de leur capacité à jouer ce rôle. Je regrette qu’un amendement que nous avions déposé en vue d’une stratégie de préservation, de restauration et de valorisation des puits de carbone n’ait pas été retenu, mais nous devons garder à l’esprit la gestion des forêts et des prairies, qui sont aussi des espaces très importants pour la captation du carbone et que nous aurions souhaité voir maintenir et revaloriser, notamment, par la proposition de loi Duplomb.
Mme Clémence Guetté (LFI-NFP). Le départ des entreprises est, comme celui des riches, un motif récurrent dans l’argumentation macroniste. Il y a certes un lien évident puisque, souvent, les riches possèdent les grands groupes, mais cette politique du chantage oublie de dire que l’État français fournit chaque année 200 milliards d’argent public d’aides aux entreprises sans aucune condition sociale ou environnementale. Nous subventionnons donc déjà largement les grands groupes, mais nous ne les accompagnons pas pour garantir qu’ils maintiennent des emplois en France ni qu’ils décarbonent leur industrie. Ces milliards qui alimentent aujourd’hui de grands groupes qui font des plans de licenciement et qui versent des dividendes tirés directement de la poche de l’État français, il serait beaucoup plus efficace de les réorienter plutôt vers des industries à qui l’on permettrait de se décarboner et d’entrer dans la trajectoire d’émission des gaz à effet de serre que nous proposons. Un autre hiatus de votre argumentation est que le budget de la sécurité sociale et celui de l’État relèvent de deux systèmes différents, si bien que la question des retraites n’a donc pas grand-chose à voir avec notre affaire.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CD86 de M. Jean-Marie Fiévet, CD32 de Mme Clémence Guetté, CD42 de M. Fabrice Roussel et CD75 de M. Nicolas Bonnet
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Mon amendement CD86 vise à rétablir la formulation initiale du code de l’énergie en utilisant le verbe « réduire » plutôt que l’expression « tendre vers une réduction des » pour viser l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. De fait, la rédaction actuelle de l’article minorerait la portée juridique des objectifs climatiques de la France pour 2030. L’objectif européen de réduction des émissions est contraignant. Il fixe bien une obligation de résultat, et non pas une cible vers laquelle l’Union européenne recommande de tendre. Pour respecter nos engagements européens, il est essentiel que le droit national utilise une terminologie similaire. La France a déjà fait des efforts : depuis 1990, nous avons réduit nos émissions de plus de 32 %, soit deux tiers de l’effort demandé pour 2030.
À moins de six mois de la COP30, il est essentiel de maintenir le cap et de fixer des objectifs climatiques ambitieux. En outre, une formulation purement incitative de l’objectif pourrait affaiblir la portée des budgets carbone, essentiels à la mise en œuvre des stratégies nationales bas-carbone, et compromettrait ainsi l’efficacité de ces instruments de planification.
Pour nous donner les moyens de respecter nos engagements climatiques internationaux, il est essentiel que nous ayons des objectifs clairs, et non des trajectoires incitatives. La formulation que propose l’amendement est, à cet égard, ambitieuse.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Notre amendement CD32 vise, lui aussi, à remplacer la formulation « tendre vers un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre » adoptée par le Sénat par la fixation d’un objectif contraignant de réduction de ces émissions. L’expression « tendre vers » laisserait penser que nous avons le choix et que le fait d’atteindre ou non nos objectifs climatiques serait une option parmi d’autres en discussion, comme si la science elle-même était en discussion, alors même que le changement climatique est scientifiquement établi, ainsi que ses effets dévastateurs et la nécessité de tout faire pour en limiter l’ampleur et en atténuer les effets. Il s’agit donc d’appliquer une obligation de résultat dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. C’est aussi une obligation morale envers notamment les populations et les secteurs d’activité qui seront les plus frappés et qui, évidemment, sont souvent les personnes les plus précaires et les secteurs qui, comme l’agriculture, sont très dépendants des aléas climatiques. Il s’agit aussi de sécuriser la possibilité de recours juridique contre des décisions qui manifesteraient une inaction ou un mépris des objectifs de réduction des gaz à effet de serre. C’est donc aussi un moment important pour sécuriser l’État de droit écologique que nous devons construire dans ce XXIe siècle.
M. Fabrice Roussel (SOC). L’amendement CD42 vise lui aussi à adopter une formulation plus contraignante. Il faut en effet des objectifs clairs et contraignants pour encourager la transformation de notre modèle.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). Nous devons être très ambitieux, car il n’est pas question de repousser la réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui est essentielle si nous voulons limiter le changement climatique. Quand l’objectif est, par exemple, la réduction de la pauvreté, on ne dit pas qu’on va y tendre, et quand certains décident de réduire les impôts des plus riches, ils ne disent pas qu’ils vont tendre vers la réduction : ils le font – ce que je regrette fortement – et savent parfois être ambitieux. Nous devons ici l’être collectivement.
La commission adopte les amendements.
Amendement CD33 de Mme Anne Stambach-Terrenoir, amendements identiques CD34 de M. Matthias Tavel et CD69 de Mme Julie Laernoes, amendement CD30 de Mme Manon Bouquin (discussion commune)
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). L’amendement CD33, de repli, vise à porter l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 50 % à 55 %. En effet, pour respecter nos engagements pris dans le cadre des accords de Paris, une réduction d’au moins 62,2 % de nos émissions par rapport à 1990 serait nécessaire, alors que l’Union européenne a déterminé un objectif de réduction de 55 % en 2021 : un objectif de 50 % est donc largement inférieur à ce qu’il faudrait faire. C’est d’autant plus vrai que nous ne pouvons plus compter sur nos écosystèmes forestiers pour stocker le CO2 puisque, comme cela a été dit, leur capacité de stockage a été divisée par deux en dix ans en raison de la mauvaise santé de nos forêts, liée elle-même à des températures de plus en plus élevées et à un manque d’eau qui, par ailleurs, rend aussi les arbres plus fragiles face aux attaques, par exemple, de scolytes et d’autres insectes ravageurs. Cela s’explique aussi par une mauvaise gestion de la récolte de bois. Selon l’IGN, l’Institut national de l’information géographique et forestière, qui gère les données cartographiques, non seulement la séquestration de carbone par les forêts a diminué de moitié depuis 2010, mais elle devrait continuer à baisser d’ici 2050. Les scénarios les plus pessimistes évoquent même des écosystèmes qui dégageraient du CO2 au lieu de le garder. Ce n’est pas anodin, car nos forêts compensent environ 7 % de nos émissions de gaz à effet de serre, et même 9 % si on considère les sols forestiers. Face à cette menace, il faut redoubler d’efforts et adopter des législations plus prudentes à mesure que la capacité de la nature à s’équilibrer elle-même s’amenuise par la faute de nos activités. Il faut donc, à tout le moins, relever l’objectif de réduction.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). L’amendement CD34, lui aussi de repli, vise à fixer un objectif de réduction de 53 % plutôt que 55 %, chiffre qui aurait évidemment notre préférence. Il s’agit de ne pas fonder nos objectifs de réduction sur des hypothèses d’absorption du carbone par les puits de carbone que sont les forêts ou les océans, milieux dont la dégradation rend très aléatoire la capacité à remplir ce rôle. C’est, en effet, à la fois faire peser une pression supplémentaire sur ces espaces déjà fragilisés et, en même temps, prendre un risque très net de ne pas atteindre nos objectifs. Nos amendements tendent donc à relever l’exigence d’une réduction brute des émissions de gaz à effet de serre afin de dépendre le moins possible de ces puits de carbone très fragilisés que nous devons préserver.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). L’amendement CD 69 vise lui aussi à relever le taux de réduction des émissions brutes de 50 % à 53 %, chiffre qui, dans une approche réaliste, est nécessaire pour atteindre celui de 55 % de réduction des émissions nettes. Nous devons nous fixer les mêmes objectifs que tous les autres pays européens et être exemplaires. Certains estiment que la France fait déjà trop d’efforts, mais nous devons en faire autant que les autres pour atteindre un objectif commun. Si, d’ailleurs, nous en faisions plus, ce ne serait pas grave, car nous voulons être l’un des pays leaders de l’Europe.
Mme Manon Bouquin (RN). Mon amendement CD30, d’appel, abaisse l’objectif à 49 %. Il n’est pas question de remettre en cause les objectifs de réduction des émissions, mais de comprendre d’où sortent ces chiffres. En effet, comme cela a été dit lors de l’audition du secrétariat général à la planification écologique, le passage de 40 % à 50 % voulu par la loi n’est pas facile à justifier : est-ce une politique du doigt mouillé ou repose-t-elle sur des calculs sérieux ?
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Vous avez tous l’ambition d’accélérer la baisse des émissions, mais vous oubliez aussi qu’il est important d’aider nos industries les plus polluantes à émettre moins de CO2. Depuis 2023, avec le Président de la République, nous avons mis en place la décarbonation des 50 entreprises les plus polluantes de France, et le résultat est positif. J’ai dans ma circonscription, une de ces entreprises, qui baissera fortement ses émissions à partir de l’hiver prochain. Il faut également décarboner le transport routier. Il faut également décarboner nos forêts. Avis défavorable.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Je voudrais rassurer notre collègue quant à la solidité des chiffres avancés. La stratégie du SGPE est très claire : pour que les émissions de gaz à effet de serre soient en baisse de 55 % en 2030 par rapport à 1990, il faut les réduire de 4 % à 5 % par an, c’est-à-dire qu’il faut faire davantage en sept ans qu’au cours des trente-trois dernières années. Cet objectif vise à faire face à un réchauffement climatique dont les impacts sont déjà très importants dans notre territoire. D’après le Haut Conseil pour le climat (HCC), 10 % à 30 % des pertes de rendement agricole sont dus à des phénomènes climatiques comme les vagues de chaleur, les épisodes de grêle ou les gels tardifs. Du fait de la réduction de la ressource en eau, 30 % du territoire en manque à un moment de l’année.
L’amendement CD30 est retiré.
La commission rejette successivement l’amendement CD33 et les amendements identiques.
Amendement CD4 de M. Timothée Houssin
M. Timothée Houssin (RN). Cet amendement d’appel vise à supprimer les mots «, sur le territoire national, » dans la définition de la neutralité carbone. Nous sommes en train de fixer des objectifs qui, même s’ils sont légitimes, pourraient empêcher la réindustrialisation de notre pays, et dans le même temps nous fermons les yeux sur nos émissions réelles de carbone. Celles-ci, en effet, se font majoritairement par l’importation de produits désormais fabriqués à l’autre bout du monde. Ainsi, l’empreinte carbone réelle des Français n’a baissé en réalité que de 13 % depuis 1990. Il faut donc tenir compte de nos importations dans nos objectifs de réduction des émissions de carbone.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. L’empreinte carbone est un indicateur éclairant qui permet de compléter une vision exclusivement territoriale de la décarbonation. Selon l’estimation réalisée en 2022 par le ministère de la transition écologique, l’empreinte carbone de la France était de 623 millions de tonnes équivalent CO2, soit 9,2 tonnes par habitant.
Néanmoins, je ne suis pas favorable au remplacement de l’objectif d’émissions territoriales par un mécanisme d’empreinte carbone. Premièrement, la prise en compte de l’empreinte carbone fait déjà partie de la politique de décarbonation : la SNBC 3 comportera à cet égard des budgets carbone indicatifs. Deuxièmement, ces objectifs dépendront non seulement de nos efforts de décarbonation mais aussi de ceux de nos partenaires commerciaux. Troisièmement, la réduction des émissions territoriales demeure incontournable : c’est en agissant à la fois sur nos émissions importées et sur nos émissions domestiques que nous pourrons respecter les engagements de l’accord de Paris. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD66 de Mme Julie Laernoes
M. Nicolas Bonnet (EcoS). L’empreinte carbone ne doit pas être prise en compte à la place de nos émissions nettes mais en plus. Nous proposons de l’intégrer au texte en fixant un objectif de réduction de 68 % à l’horizon 2050 par rapport à 2005, un chiffre inspiré des travaux du HCC. L’empreinte carbone a bien sa place dans un texte sur l’énergie, même si elle figure aussi dans la SNBC, car la réindustrialisation de nombreuses productions délocalisées aura un impact sur nos consommations d’énergie et sur la hiérarchisation de nos usages.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. J’ai des réserves sur l’inscription d’un objectif chiffré de réduction de l’empreinte carbone car les objectifs dépendront aussi des efforts de nos partenaires commerciaux. En outre, le HCC alerte sur les limites d’un tel objectif : un indicateur intégrant les émissions importées ne permet pas un suivi précis et rapide, les données n’étant disponibles qu’avec plusieurs années de retard. De plus, il ne prend pas en compte les effets du stockage et du déstockage du carbone, dus notamment à la déforestation importée : cela revient à sous-estimer les effets environnementaux du commerce international.
Le gouvernement s’est cependant engagé, au travers de la SNBC 3, à réduire l’empreinte carbone de la France en tenant compte des émissions importées. Les travaux de modélisation sont en cours pour fixer ces budgets et l’objectif de long terme. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD8 de M. Timothée Houssin
M. Timothée Houssin (RN). Nous vous proposons de saisir l’opportunité de ce texte pour supprimer les zones à faibles émissions (ZFE) dans le code de l’énergie. Cela évitera que ne soit inventé un jour un nouveau système de discrimination visant à empêcher les classes populaires et des habitants de la ruralité d’entrer dans les villes. Rappelons que les ZFE ne se justifient pas d’un point de vue environnemental : certaines Porsche émettent deux fois plus que des Twingo ou Clio, dont l’accès aux ZFE est interdit.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Les ZFE font partie des mesures mises en place par le gouvernement pour améliorer la qualité de l’air et éviter des milliers de décès précoces et de maladies graves causés par la pollution. La décision récemment rendue par le Conseil d’État conforte cette action et doit encourager à continuer dans cette voie.
Pour rappel, le transport routier est la principale source d’émissions de dioxyde d’azote, dont le risque pour la santé humaine est largement documenté. Dans les agglomérations de Lyon et Paris, où des ZFE ont été mises en place, sa concentration a été réduite de plus d’un tiers.
Il est important de reconnaître un droit à circuler et d’implanter les ZFE dans les agglomérations qui dépassent régulièrement les seuils. L’amendement du gouvernement au projet de loi de simplification de la vie économique défend cette position d’équilibre ; il supprime en effet, pour les villes de plus de 150 000 habitants, l’obligation de mettre en place une ZFE tout en garantissant la liberté des collectivités d’en maintenir ou d’en instaurer une.
Il est essentiel que soient prises en parallèle des mesures permettant à chacun de circuler dans un véhicule moins polluant. Pour les particuliers, le leasing social a été victime de son succès. Je salue sa relance en septembre 2025 et soutiens les futurs travaux relatifs à la prime à la conversion dans le cadre des discussions du projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Il est également essentiel d’encourager le verdissement des flottes automobiles. J’ai formulé à cet effet vingt propositions dans les conclusions de la mission flash que j’ai conduite avec Gérard Leseul. Le débat sur les ZFE se tient dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la simplification de la vie économique, et notre position est claire : pas de suppression mais des adaptations fortes pour concilier qualité de l’air et justice sociale. Avis défavorable.
M. Pierre Meurin (RN). Vous savez que ce sujet me tient à cœur. Le texte du projet de loi de simplification de la vie économique issu des travaux de la commission prévoit la suppression des ZFE, que le présent amendement permet de border sur le plan juridique.
Les ZFE ne servent strictement à rien : la réduction d’un tiers des émissions de dioxyde d’azote à Paris et Lyon n’est pas liée à leur mise en place mais au renouvellement naturel du parc automobile et aux améliorations technologiques – singulièrement celles des motorisations diesel, comme le filtre à particules (FAP).
En réalité, les ZFE favorisent les riches. Une Range Rover dotée d’une vignette Crit’Air 1 pollue beaucoup plus qu’une Clio avec une vignette Crit’Air 4. Socialement, c’est un scandale : les 13 millions de véhicules qui n’ont pas le droit de circuler dans Paris et Lyon ont le droit de circuler dans les autres grandes villes ! J’ajoute qu’en 2026 seront installés les radars à lecture automatique de plaques d’immatriculation. Comment allez-vous expliquer aux Français qu’ils n’ont pas le droit de se rendre dans les grandes villes alors qu’on leur a retiré tous les services publics dans les zones rurales ?
La suppression des ZFE ayant été votée en commission, la gauche ne peut pas, selon toute logique, s’opposer au présent amendement. Une partie du bloc central et des Républicains avait voté avec nous. Nous sommes en train d’arriver à quelque chose : votons cet amendement !
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). La pollution de l’air provoque chaque année 40 000 décès prématurés et entraîne des maladies respiratoires, à tel point qu’il faut enfermer les enfants en cas de pic de pollution. Les politiques mises en place à Lyon, à Strasbourg ou à Grenoble ont des effets. L’amélioration de la qualité de l’air n’est pas liée seulement au renouvellement du parc mais aussi à l’augmentation de l’offre de transports en commun.
Les effets du renouvellement du parc posent la question de la fiabilité des tests. Aux États-Unis, 500 000 véhicules Volkswagen ont fait l’objet de fraudes aux tests à la pollution, et le même scandale s’est produit en Europe. Les nouvelles promesses ne se traduisent pas dans les faits.
S’agissant de justice sociale, rappelons que ce sont les habitants des quartiers populaires, souvent implantés le long des autoroutes, qui subissent le plus la pollution de l’air. Il est indispensable de les protéger et d’améliorer leurs conditions de vie afin qu’ils ne développent pas de maladies respiratoires. Il est exact, enfin, que le poids des véhicules n’est pas pris en compte dans les restrictions d’accès aux ZFE ; il est indispensable qu’il le soit pour que puissent être visés les SUV les plus polluants.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD83 de M. Fabrice Roussel
M. Fabrice Roussel (SOC). Nous proposons qu’il soit explicitement indiqué que le rapport remis au Parlement est réalisé par le Haut Conseil pour le climat, qui publie chaque année une analyse de nos émissions de gaz à effet de serre et des effets de nos politiques publiques.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Le Haut Conseil pour le climat documente chaque année, dans son rapport annuel, l’évaluation des objectifs climatiques de la France. En janvier 2025, il s’est autosaisi sur le projet de troisième programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Notre commission a d’ailleurs auditionné son président, Jean-François Soussana, ainsi que plusieurs de ses membres. Ses travaux permettent d’éclairer le débat nécessaire à la préparation de la loi quinquennale sur l’énergie prévue à l’article L. 100-4 du code de l’énergie.
J’ai néanmoins deux réserves quant à l’inscription dans la loi de la compétence du HCC pour réaliser le rapport mentionné. D’une part, l’article L. 132-4 du code de l’environnement prévoit déjà que le rapport annuel du HCC évalue la mise en œuvre de la SNBC au regard de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Un autre rapport risquerait d’être redondant. D’autre part, le rapport prévu à l’article L. 100-4 du code de l’énergie me semble incomber au gouvernement. Il doit en effet documenter les politiques mises en œuvre par l’État pour réaliser les objectifs du I. L’avis indépendant du HCC est éclairant et bienvenu, mais il est important que le gouvernement soit lui-même chargé de produire une restitution précise sur l’atteinte des objectifs de la PPE. Le HCC partage cette position dans son avis sur le projet de troisième PPE. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 modifié.
Article 11 bis : Créer un objectif de réduction de l’empreinte carbone de la France
Amendement CD35 de M. Maxime Laisney
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). À côté de l’objectif de réduction des émissions territoriales, nous proposons d’ajouter un objectif de réduction de l’empreinte globale liée aux émissions importées : selon le HCC, la France doit réduire ses émissions importées de 65 % au cours des trente prochaines années pour atteindre l’objectif de l’accord de Paris, c’est-à-dire la neutralité carbone en 2050. Le HCC nous invite à intégrer l’empreinte carbone comme l’un des critères pris en compte dans le choix des leviers et des mesures à mobiliser. Nous ne pouvons pas nous contenter des objectifs annoncés par le gouvernement ou de la SNBC 3. Pour rappel, l’empreinte de la France est estimée à 644 millions de tonnes équivalent CO2 tandis que nos émissions territoriales s’élèvent à 403 millions de tonnes.
L’intégration de cet objectif va de pair avec notre exigence de protection et de décarbonation de l’industrie sidérurgique ainsi que de relocalisation des productions agricoles.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Si les engagements internationaux de la France portent sur ses émissions territoriales, le gouvernement s’est déjà engagé à réduire l’empreinte carbone de la France en tenant compte des émissions importées. Avis défavorable.
M. Timothée Houssin (RN). Notre groupe n’est pas sectaire : même si nous sommes en désaccord avec une partie de l’exposé sommaire de l’amendement, le dispositif proposé nous convient. Il nous semble important de parler d’empreinte carbone et de ne pas négliger les émissions que nous importons. Il y a un consensus aujourd’hui pour diminuer notre empreinte carbone, et c’est essentiellement à l’international que cela se joue. Un calcul réalisé sur le périmètre de notre seul territoire national nuit à notre industrie et contribue à augmenter nos émissions. Nous voterons donc cet amendement.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Nous soutenons nous aussi cet amendement. Les engagements du gouvernement relatifs à l’empreinte carbone ne sont pas suffisants et il faut que des objectifs figurent dans la loi. Le rapport publié par le HCC en 2020, « Maîtriser l’empreinte carbone de la France », est plus positif que vous ne laissez penser, monsieur le rapporteur pour avis : il évoque l’empreinte carbone comme étant « un outil approprié pour comprendre les stratégies d’approvisionnement et de localisation de la production ». Il recommande que les émissions importées de la France suivent une trajectoire cohérente avec l’objectif de Paris, grâce à une diminution de 65 % des émissions importées de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 par rapport à 2005.
J’aimerais enfin connaître savoir si le gouvernement s’engage à suivre deux suggestions du HCC : le renforcement des moyens de la recherche sur le sujet et la mise en place d’un indicateur de mesure des émissions liées à la déforestation importée. Vous engagez-vous à déposer des amendements en séance sur le sujet ?
La commission adopte l’amendement.
Amendement CD29 de Mme Manon Bouquin
Mme Manon Bouquin (RN). Nous proposons que la politique énergétique nationale ait aussi pour objectif de prendre en compte l’état de santé des forêts. Une forêt en bonne santé joue son rôle de puits de carbone et résiste mieux aux aléas climatiques : elle permet d’améliorer davantage encore la balance entre émissions et captage de CO2.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. L’objet de cet amendement est satisfait par l’alinéa 5 de l’article L. 112-1 du code forestier, qui consacre explicitement le rôle des puits de carbone forestiers dans la lutte contre le changement climatique. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Titre II – Poursuivre une simplification idoine des normes applicables aux projets d’énergie et d’hydrogène, nucléaires comme renouvelables
Chapitre IER – Simplifier les normes applicables aux projets d’énergie nucléaire
Article 16 bis : Possibilité de requalification par l’autorité administrative de matières radioactives en stocks stratégiques
Amendements de suppression CD88 de M. Jean-Marie Fiévet, CD36 de Mme Clémence Guetté, CD55 de M. Fabrice Roussel, CD60 de Mme Julie Laernoes et CD76 de M. Nicolas Bonnet
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. L’utilisation de matières radioactives pour la relance du parc nucléaire français est louable mais elle ne peut se faire qu’avec de réelles perspectives de valorisation, dans un horizon temporel suffisamment proche. De ce fait, la création d’un stock stratégique pour sécuriser le stock d’uranium appauvri ne semble pas opportune.
D’abord, les quantités produites sont trop importantes au regard de l’utilisation qui en est faite aujourd’hui. Il faut donc prioriser les solutions sûres et durables d’entreposage de ces matières. Notre stock d’uranium appauvri s’élève à 341 000 tonnes et augmente de manière continue ; selon les projections de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), il s’établira à 569 000 tonnes en 2040. Le réenrichissement, qui est l’une des perspectives de valorisation de l’uranium appauvri, produirait d’autres stocks de déchets de même nature. La réduction globale des volumes serait donc limitée. Le stock ne décroîtrait qu’à partir de la mise en place d’un parc nucléaire exclusivement composé de réacteurs à neutrons rapides (RNR). Or, selon le projet de PPE, les premiers RNR ne sont pas attendus avant la fin du siècle.
Ensuite, la valorisation de l’uranium appauvri doit faire l’objet de recherches supplémentaires. Son utilisation à d’autres fins que la production électronucléaire est très incertaine à ce jour. Les efforts actuels de recherche et développement doivent être approfondis pour attester des perspectives de valorisation.
J’ai enfin des réserves sur la portée juridique d’une nouvelle catégorie de stock stratégique, qui reste à préciser. Sa création n’exonérera pas les substances concernées d’une requalification en matières ou en déchets, laquelle peut être prononcée par le ministre chargé de l’énergie après consultation de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). Or il paraît peu probable que l’introduction de la notion de stock stratégique modifie sur le fond l’avis que l’ASNR pourrait être amenée à donner.
Du fait de ces réserves, partagées par plusieurs collègues, je vous invite à voter le présent amendement de suppression.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous proposons nous aussi de supprimer cet article. La création d’une nouvelle catégorie de stock stratégique est une manœuvre visant à passer les déchets radioactifs du passif à l’actif dans le bilan comptable des centrales nucléaires. J’y vois deux objectifs. Le premier vise à entretenir l’utopie d’un cycle fermé du combustible, celle du fameux nucléaire rêvé, sans déchets, que l’on nous promet depuis des dizaines d’années. Le second consiste à faire disparaître des déchets extrêmement gênants, susceptibles de menacer les générations futures pendant des millénaires, que l’on ne sait ni traiter ni même stocker. Selon un décompte réalisé en 2021, la France doit gérer 1,76 million de mètres cubes de déchets radioactifs, dont 220 000 nouveaux mètres cubes ajoutés en cinq ans seulement. Chaque année, les centrales nucléaires françaises produisent environ 200 tonnes de déchets de haute activité et nos piscines de stockage débordent.
Le seul horizon que l’on nous propose est le projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo), dont on nous annonce déjà qu’il accuse un retard certain et que son coût, en hausse, atteint au moins 37 milliards d’euros. Ce projet parie sur le fait qu’une fois que la radioactivité aura traversé les fûts en acier et les tunnels en béton, la couche d’argile tiendra suffisamment longtemps pour ne la libérer qu’une fois qu’elle ne sera plus dangereusement toxique. Compte tenu des effets du changement climatique et de l’échelle de temps dont il est question, c’est un pari complètement fou !
On comprend que l’État soit embarrassé par ces déchets mais la dénomination de stock stratégique va invisibiliser la toxicité des substances. Elle risque en outre d’empêcher que soit bien pris en compte un éventuel potentiel de réutilisation ou, à l’inverse, un besoin de traitement et de stockage des déchets.
M. Fabrice Roussel (SOC). En l’état, l’article n’apporte aucune garantie quant à la requalification des matières radioactives, qui seraient requalifiées en stock stratégique sur simple décision de l’autorité administrative compétente.
La gestion du cycle combustible est un sujet sérieux, qui mérite une régulation spécifique et des éléments d’analyse documentés et précis. À ce titre, nous regrettons que le Parlement soit contraint de légiférer sur la planification énergétique et en l’espèce sur la gestion des déchets nucléaires, sans aucune étude d’impact préalable ni avis du Conseil d’État.
Lors de l’examen du projet de loi sur l’accélération des réacteurs pressurisés européens (EPR), le groupe Socialistes et apparentés avait déjà soulevé le sujet de la gestion du combustible et réclamé une réflexion sur le cycle de vie du combustible nucléaire, notamment sur l’approvisionnement en uranium et en matières premières critiques et sur la valorisation des différents types de déchets radioactifs.
Les enjeux et problématiques soulevés par le cycle du combustible nucléaire engagent le pays pour des centaines, voire des milliers d’années, comme dans le cas du projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo) de Bure. Dès lors, il apparaît nécessaire qu’une loi de programmation quinquennale établisse la stratégie nationale en matière d’amont et d’aval du cycle du combustible. Cela correspondant précisément au contenu de l’amendement CD46, je vais retirer mon amendement de suppression.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il nous semble utile de supprimer cet article qui, sans faire de spéculations, apparaît comme une sorte de cavalier dans le cadre de la programmation nationale des choix énergétiques. Comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur pour avis, nous disposons déjà de quelque 324 000 tonnes d’uranium appauvri stockées dans des conditions extrêmement insatisfaisantes. Ce stock s’alourdit d’année en année et pourrait atteindre 500 000 tonnes en 2050.
Il est certes possible d’utiliser l’uranium appauvri pour fabriquer des munitions, des armes, mais dans des conditions morales absolument contestables et avec un statut difficilement soutenable au regard de la protection de l’environnement. Il faut cesser de contourner les obligations de traitement des déchets radioactifs et ne pas reporter le poids de leur gestion sur les générations futures, en contradiction avec les principes de précaution et de responsabilité intergénérationnels. Nous avons par conséquent déposé un amendement de suppression, mais serons très heureux, monsieur le rapporteur pour avis, de voter le vôtre.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). D’aucuns espèrent sans doute que les déchets des centrales nucléaires actuelles pourront être réutilisés. Nous n’en avons toutefois pas la certitude. Quand bien même cela serait possible, rien ne justifierait de requalifier des matières radioactives en stock stratégique sans disposer de la moindre définition d’une telle classification. Qu’ils soient un jour utilisables ou pas, il n’en demeure pas moins que ces matériaux sont radioactifs et doivent être traités comme tels, ainsi que le permet leur classement soit en matières radioactives, soit, si l’on estime qu’ils ne seront pas réemployables, en déchets radioactifs. L’existence d’une catégorie qualifiée de « stock stratégique » non seulement n’apporterait rien, mais viendrait créer un flou dangereux pour les populations et pour les enjeux de traitement soulevés par le risque radioactif.
M. Timothée Houssin (RN). Nous sommes, sans surprise, défavorables à ces amendements de suppression, car favorables à l’article 16 bis, qui est par ailleurs l’un des seuls articles de fond de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) laissés en débat à la commission du développement durable. Nous espérons en effet que ces déchets pourront être réutilisés. Cette perspective est intéressante, tant du point de vue écologique et économique qu’en matière de souveraineté. Il faut savoir la saisir. Les projets de réacteurs de quatrième génération à neutrons rapides, bien que mis à mal par Emmanuel Macron en début de mandat, sont extrêmement prometteurs et offrent de réelles possibilités. Nous souhaitons donc le maintien de l’article 16 bis.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Nul ne peut présumer de l’avancée de la recherche et des progrès susceptibles d’intervenir dans ce domaine. Les réacteurs français utilisent déjà du mox. Cette technique, maîtrisée depuis un demi-siècle, est sûre, fiable et permet de créer des emplois. Nous pouvons compter sur l’évolution de la recherche pour augmenter encore la production d’électricité nucléaire à partir de combustible mox, qui représente actuellement environ 10 % de l’électricité nucléaire produite en France.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). Je vous rappelle que cet amendement est soutenu par le rapporteur pour avis, lequel n’est pas, me semble-t-il, un grand antinucléaire. L’idée n’est pas de faire disparaître ces matières ou déchets radioactifs, qui vont malheureusement perdurer. Soyez rassurés : si l’on trouve un jour le moyen de les réutiliser, ils seront disponibles, sauf si vous les enfouissez à Cigéo. Les requalifier en « stock stratégique » ne les fera ni apparaître ni disparaître. Ne créons pas une nouvelle catégorie indéfinie, qui risquera d’empêcher le traitement de la problématique du stockage spécifique des matières radioactives. Je pense que personne ici ne conteste le fait que les matières radioactives ne doivent pas être considérées comme des déchets classiques. Je suppose que vous n’aspirez pas à vivre près d’une décharge de déchets radioactifs. Une matière radioactive doit bénéficier d’un traitement spécifique.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Si vous pouvez, madame Brulebois, avoir des doutes sur l’argumentation des écologistes, vous ne pouvez en avoir vis-à-vis des arguments développés par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Or cette dernière a produit en 2020 un rapport dans lequel elle insiste, compte tenu des quantités phénoménales en jeu et des perspectives très distantes dans le temps d’une éventuelle réutilisation, sur la nécessité de traiter sérieusement ces matières, qu’elle considère comme des déchets.
M. Pierre Cazeneuve (EPR). Il s’agit de questions purement informatives. Nous savons en effet que les déchets nucléaires sont stockés, répartis en fonction de leur radioactivité et traités dans différentes usines. Mme Brulebois évoquait légitimement le mox, mais il existe d’autres modes de traitement. Je ne comprends pas la portée réelle de cet article ni de sa suppression, dans la mesure où ces matériaux sont stockés, surveillés et où de nombreux investissements sont effectués pour multiplier nos capacités de stockage. Ces composants constituent déjà, à bien des égards, un stock stratégique, que ce soit à Marcoule ou à La Hague. Je vous fais confiance, monsieur le rapporteur pour avis, et souscris à l’idée de la suppression de cet article, mais souhaiterais au préalable en comprendre véritablement la portée et l’intention première.
L’amendement CD55 est retiré.
La commission adopte les amendements identiques, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 16 bis.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Après l’article 16 bis
Amendement CD2 de Mme Julie Lechanteux
Mme Julie Lechanteux (RN). Cet amendement vise à renforcer notre exigence de traçabilité des métaux faiblement irradiés dans le cadre de leur recyclage ou de leur transformation. À l’heure où la filière nucléaire est l’objet d’un regain d’intérêt stratégique pour assurer notre souveraineté énergétique, nous devons être à la hauteur des enjeux de sécurité et de transparence qui s’y rattachent. Concrètement, il ne s’agit pas d’alourdir les démarches, mais d’imposer une déclaration claire de l’usage final et du destinataire de ces matériaux sensibles. Cette mesure vient renforcer la rédaction initiale de l’article, afin de prévenir les détournements d’usage, les pertes de contrôle et d’éviter les transferts de technologies sortant du cadre collectivement défini. Cet encadrement est indispensable pour accompagner sereinement le développement du recyclage nucléaire tout en assurant la protection de nos intérêts stratégiques et la confiance des citoyens.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. La valorisation d’une partie des déchets radioactifs métalliques de très faible activité permettrait de réduire les quantités de déchets à stocker et l’artificialisation des sols qui s’y rattache. Le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) confirme l’opportunité de poursuivre des réflexions sur leur valorisation, qui peut passer par le recyclage.
L’arrêté du 9 décembre 2022 dispose en outre que les propriétaires transmettent à l’autorité administrative une feuille de route précisant le projet de valorisation ainsi que les exigences en matière de sûreté.
L’objet de votre amendement est par conséquent satisfait. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD28 de Mme Manon Bouquin
Mme Manon Bouquin (RN). Cet amendement vise à inscrire la requalification possible des matières radioactives dans le PNGMDR. Créer un stock stratégique contribuerait à renforcer notre souveraineté énergétique, dans la mesure où une éventuelle réutilisation de la matière disponible permettrait de limiter les importations. Cela reviendrait à faire un pari sur l’avenir en favorisant le principe de l’économie circulaire et en diminuant ainsi la consommation de matières premières. Pour atteindre cet objectif et faire en sorte que le stock stratégique constitué soit utile, il faut soutenir la recherche et l’innovation dans le secteur nucléaire. C’est le sens de cet amendement.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. En application de l’article L. 542-13-2 et en vertu de l’article D542-82 du code de l’environnement, chaque propriétaire de matières radioactives doit élaborer un document présentant les perspectives de valorisation, associées à des jalons décisionnels et d’avancement, pour chaque matière dont il est propriétaire.
Le droit en vigueur satisfait déjà l’objet du présent amendement. J’émets donc un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD27 de Mme Manon Bouquin
Mme Manon Bouquin (RN). Cet amendement vise à rendre possible la remise en service d’une centrale nucléaire fermée non encore démantelée. Il ne faut négliger aucun moyen susceptible d’accélérer la relance du nucléaire français. Il en va des centrales nucléaires comme du stock stratégique de matières radioactives. Si l’évolution des connaissances scientifiques et techniques permet de rouvrir une centrale, il ne faut pas s’en priver. La construction d’une centrale nucléaire est longue. Il faut se donner la possibilité de profiter des équipements existants pour gagner du temps. L’application de cette mesure suppose de soutenir l’innovation et la recherche dans le secteur nucléaire.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. L’article L. 593-24 du code de l’environnement prévoit qu’une installation nucléaire « ayant cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans » peut être fermée par un décret en Conseil d’État. La mise à l’arrêt est prononcée dans le but de protéger la sécurité, la santé, la salubrité publique ainsi que la nature et l’environnement. Le décret de fermeture doit être pris après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) et recueil des observations fournies par l’exploitant.
Permettre de revenir sur cette décision par décret en Conseil d’État ne me semble pas opportun, pour deux raisons.
Il est tout d’abord essentiel que l’ASNR fournisse un avis préalable à la réouverture d’une installation nucléaire fermée pour des raisons de sûreté ou de protection de l’environnement. Or le présent amendement ne mentionne pas cet aspect.
L’article L. 593-4 du code de l’environnement prévoit par ailleurs que l’exploitant fournisse ses observations avant que le décret ordonnant la mise à l’arrêt ne soit pris. À cette occasion, l’exploitant peut témoigner des connaissances scientifiques et techniques justifiant une prolongation du fonctionnement de l’installation nucléaire.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD19 de M. Pierre Meurin
M. Pierre Meurin (RN). Cet amendement est une demande de rapport sur les potentialités des réacteurs à neutrons rapides, mais je me permettrai de faire un peu de politique. Il existe historiquement dans ce domaine deux scandales d’État, avec d’une part l’abandon du projet de réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle (Astrid) par les macronistes, d’autre part la fermeture de Superphénix à Creys-Malville dans les années 1990. Cela me permet de souligner l’alliance du bloc central et de l’extrême gauche pour affaiblir notre filière nucléaire d’excellence. Mme Voynet se félicitait alors de l’efficacité de son lobbying et de ses actions contre le nucléaire civil français.
Le Rassemblement national défend au contraire le nucléaire français depuis toujours et c’est probablement grâce à ses prises de position et au basculement de l’opinion publique que les macronistes se sont réveillés, bien que très tardivement, sur le sujet. N’oublions pas, par ailleurs, que vous avez fait fermer la centrale de Fessenheim ; cela faisait l’objet de l’amendement précédent. Ces trente années de gabegie nucléaire ont conduit à abîmer notre souveraineté énergétique. Le Rassemblement national est la solution politique pour ne plus subir les conséquences néfastes de l’alliance entre les macronistes et l’extrême gauche contre le nucléaire français.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. S’agissant de la remise d’un rapport au Parlement sur les réacteurs à neutrons rapides, l’article D. 141-2 du code de l’énergie dispose que la réalisation des objectifs fixés par les programmations pluriannuelles de l’énergie fait l’objet d’un rapport d’évaluation transmis tous les deux ans au Conseil supérieur de l’énergie et au Conseil national de la transition écologique. Ce rapport intègre l’atteinte des objectifs de développement des réacteurs à neutrons rapides dès lors qu’ils constituent un objectif de la PPE.
L’objet de l’amendement est donc déjà satisfait. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 22 ter : Extension de l’exemption d’artificialisation des sols au stockage d’énergie solaire et aux installations de solaire thermique
Amendements de suppression CD12 de M. Timothée Houssin et CD39 de M. Maxime Laisney
M. Timothée Houssin (RN). Le présent amendement vise à supprimer l’article 22 ter. Notre choix est en effet de prioriser les énergies certes décarbonées, mais pilotables. Les énergies intermittentes posent différents problèmes, en raison précisément de leur intermittence. Elles créent souvent par ailleurs une dépendance vis-à-vis de pays étrangers, notamment asiatiques. Nous sommes surpris de constater que, texte après texte, ces énergies que vous idéalisez bénéficient de toutes les exemptions. Nous sommes opposés au développement inconsidéré des énergies intermittentes et préférons, en matière de stockage, la solution offerte par les stations de transfert d’énergie par pompage (Step). Nous sommes donc doublement défavorables à cet article, dont nous proposons la suppression.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Je souhaite tout d’abord soulever un point de méthode. Nous constatons que la question de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) est désormais abordée quasiment dans chaque texte examiné, qu’il s’agisse du projet de loi de simplification de la vie économique discuté hier dans l’hémicycle, de la présente proposition de loi sur l’énergie ou de la proposition de loi Trace – trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus – censée arriver du Sénat. Or il n’est pas envisageable de travailler la question de l’artificialisation des sols à la découpe. Ce sujet nécessite une vision globale, cohérente. Nous sommes très attachés au maintien de l’objectif zéro artificialisation nette et pensons qu’il convient d’agir sur les modalités d’accompagnement permettant de le rendre atteignable, notamment par des mécanismes fiscaux, financiers, mais aussi de revalorisation et de requalification des friches. Il n’est pas possible de continuer à miter ainsi le débat.
Nous sommes, sur le fond, favorables à l’objectif ZAN et au développement des énergies renouvelables, mais estimons que ce dernier doit s’effectuer en priorité sur les espaces déjà artificialisés, qu’il s’agisse des friches industrielles ou commerciales ou des toitures pour les panneaux photovoltaïques – élément à propos duquel le gouvernement a envoyé un très mauvais signal en remettant en cause le tarif de rachat de l’énergie produite. L’effort doit porter sur ces espaces au lieu de continuer à artificialiser des terres agricoles et naturelles dont nous avons grand besoin pour la production alimentaire et l’absorption du carbone.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. L’article 22 ter ne crée pas un droit général à artificialiser, mais une exemption strictement limitée aux installations de production solaire thermique et aux installations de stockage d’énergie solaire.
La dérogation reste soumise aux conditions prévues par la loi, visant à ne pas affecter les fonctions écologiques du sol, en particulier biologiques, hydriques et climatiques.
La différence actuelle de traitement entre solaire thermique et solaire photovoltaïque est contestable, puisque les structures et les ancrages permettant de poser les capteurs solaires thermiques et photovoltaïques sont techniquement absolument similaires.
La situation du stockage me semble en revanche plus discutable. En effet, les caractéristiques techniques de ces constructions artificialisent par nature les sols et ne permettent pas de répondre aux critères de la loi. C’est la raison pour laquelle je propose un amendement visant à réduire le champ de l’exemption aux seules installations de production solaire photovoltaïque et thermique.
Avis défavorable sur ces deux amendements.
M. Pierre Cazeneuve (EPR). J’observe des incohérences manifestes.
La première est celle du Rassemblement national, qui passe son temps à critiquer le ZAN, mais, croisant les skis, le présente soudain comme un instrument merveilleux qu’il faudrait absolument préserver de toute exemption. Cette attitude est absurde, monsieur Houssin. Soyez cohérent : si vous êtes opposé au ZAN, n’essayez pas d’entraver de possibles exemptions.
Vous parlez en outre de pilotage des énergies intermittentes. Or nous sommes en train d’évoquer le stockage de ces énergies, dont les modalités permettent précisément d’en améliorer le pilotage. Le fait de disposer par exemple de Step rend ces énergies intermittentes plus pilotables. Cela va donc dans votre sens. Je vois là une deuxième incohérence.
Évoquer les Step à propos des panneaux photovoltaïques témoigne par ailleurs d’une incompréhension totale du fonctionnement des énergies renouvelables. Les Step ne fonctionnent en effet qu’avec un barrage hydraulique.
L’argumentation du Rassemblement national est donc, de A à Z, d’une incohérence absolue. Il est effarant d’observer le niveau du débat et de votre expertise sur ces questions.
Je perçois également une forme d’incohérence dans la position défendue par M. Tavel. Je respecte et salue votre engagement en faveur du ZAN et partage votre combat pour en maintenir les objectifs, même si certains ajustements me paraissent nécessaires. Je souscris à votre analyse de la méthode employée, consistant à proposer dans quasiment chaque texte examiné par l’Assemblée nationale des exemptions à cet objectif. Je pense que le sujet mériterait un texte unique pour encadrer au maximum ces aspects.
En revanche, si l’on est sincère dans sa volonté de développer les énergies décarbonées en France, notamment les énergies renouvelables, il n’est pas possible de ne pas souscrire à un amendement permettant d’aller dans cette direction, au prix d’une petite entorse au ZAN mais au service d’un objectif plus grand, en cohérence avec l’objectif d’ensemble de lutte contre le dérèglement climatique et par extension contre l’extinction du vivant. Cela fait partie des valeurs mesurées d’intelligence sur lesquelles nous pourrions sans doute avoir un point de convergence.
Je partage l’avis du rapporteur pour avis, dont l’amendement me semble très mesuré.
Mme Clémence Guetté (LFI-NFP). Le problème avec vous, les macronistes, est que vous édictez des principes, puis des exceptions à ces principes. Normalement, lorsque l’on fixe un principe, on s’y tient, ce qui suppose en l’occurrence d’avoir anticipé les surfaces potentielles sur lesquelles installer les éléments nécessaires, par exemple les zones de stockage. Les installations dont il est question peuvent être construites sur des zones déjà artificialisées ou fixées sur des toitures. Il n’est donc pas nécessaire de prévoir une exception au ZAN. Je concède qu’il pourrait en aller autrement sur la question de l’éolien, qui n’est toutefois pas l’objet de cette discussion. Vous n’avez de cesse, lors de chaque projet de loi « écolo » de la Macronie, de revenir sur le principe du ZAN et de trouver un nombre conséquent de situations appelant des dérogations. Le principe initialement fixé finit ainsi par n’avoir plus aucun sens et n’être plus appliqué.
Nous maintenons par conséquent notre amendement de suppression, motivé par des raisons évidemment très différentes de celles présidant à l’amendement identique. Il s’agit également pour nous de formuler une mise en garde pour les prochains textes. L’application du ZAN a été controversée. La réception et l’explication de cette politique publique ont été difficiles. Ajouter de l’incohérence à l’incohérence ne facilitera pas la mise en œuvre de ce principe et le déploiement d’une politique publique cohérente en faveur du développement des énergies renouvelables. Ce type d’exemption apporte en réalité de l’eau au moulin des opposants du ZAN.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Je rappelle, dans le prolongement des propos de ma collègue Clémence Guetté et pour répondre à l’incompréhension de M. Cazeneuve, que l’article en question n’interdit pas d’artificialiser des sols pour implanter des installations de production d’énergie solaire thermique ou de stockage d’énergie liée au photovoltaïque. Il impose simplement, lorsque des espaces sont artificialisés à cette fin, qu’ils soient comptabilisés dans le ZAN et que l’on trouve ailleurs les mesures de compensation, de renaturation permettant d’atteindre l’objectif. Il s’agit de deux aspects différents : d’une part, artificialiser ou ne pas artificialiser, d’autre part, comptabiliser, lorsque des besoins particuliers imposent l’artificialisation de sols, les espaces concernés afin d’être cohérent avec le ZAN.
Nous proposons dans notre amendement de conjuguer l’objectif zéro artificialisation nette et le développement des énergies renouvelables et, si la question se pose, de faire en sorte que ce dernier soit prioritaire sur d’autres formes d’artificialisation que nous considérons comme superflues, voire abusives au regard de l’exigence de préservation des espaces naturels et agricoles.
M. Pierre Cazeneuve (EPR). Nous n’avons aucune difficulté à assumer une forme de nuance et des entorses à certains des principes que nous fixons. Être absolutiste sur de tels sujets est une erreur et peut conduire à des attitudes paradoxales consistant par exemple à interdire la réalisation de projets qui pourraient aller dans le sens du ZAN.
Permettez-moi par ailleurs, monsieur Tavel, de formuler à mon tour une alerte quant au signal envoyé à nos concitoyens. Bien que vos motivations soient différentes, l’autre dépositaire d’un amendement de suppression de cet article est le Rassemblement national, qui sait pertinemment que la question du ZAN et des zones à artificialiser ou non est aux mains des élus locaux et que certains choix dans ce domaine peuvent être difficiles à effectuer, entre une zone économique, des habitations, etc. Par cet amendement, les députés du Rassemblement national veulent empêcher le déploiement des structures de stockage des énergies renouvelables, qui ne constitue pas un objectif prioritaire des élus dans un certain nombre de territoires.
La commission rejette les amendements.
Amendement CD40 de M. Matthias Tavel, amendements identiques CD59 de M. Xavier Roseren et CD84 de M. Belkhir Belhaddad (discussion commune)
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Le ZAN n’est pas une lubie mais un impératif si l’on veut préserver le climat, atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et protéger la biodiversité d’une nouvelle extinction de masse.
Nombre d’entre vous versent des larmes de crocodile sur la situation des agriculteurs, mais c’est bien le ZAN qui permet de mettre un coup d’arrêt à l’artificialisation et au recul des terres agricoles, souvent très fertiles. En le protégeant, nous sommes les véritables défenseurs des agriculteurs.
La multiplication des plans de licenciement, notamment dans le secteur du commerce de prêt-à-porter confronté à des difficultés structurelles, soulève la question cruciale de la requalification des friches industrielles et commerciales. Or les espaces déjà artificialisés doivent être prioritaires pour développer les énergies renouvelables. Contrairement aux éoliennes, les dispositifs produisant de l’énergie solaire thermique ou de l’énergie photovoltaïque peuvent être installés en toiture ou sur des ombrières, au-dessus des parkings ; il n’y a donc aucune raison de les installer ailleurs.
Enfin, si l’on veut développer une filière française du photovoltaïque capable de faire face à la concurrence étrangère, notamment chinoise, en matière de prix, il faut favoriser les installations de panneaux sur les toitures plutôt que sous la forme de grands champs photovoltaïques dans des espaces naturels.
Les arguments écologiques, énergétiques, fonciers, industriels et économiques convergent : afin de préserver les espaces naturels, les installations photovoltaïques et solaires thermiques doivent être concentrées dans les espaces déjà urbanisés.
M. Xavier Roseren (HOR). La transition énergétique exige que nous levions certains freins administratifs qui ralentissent le déploiement des énergies renouvelables. Des projets vertueux, de production électrique renouvelable ou de récupération de chaleur fatale, sont parfois empêchés parce qu’ils sont comptabilisés comme consommateurs d’espaces naturels agricoles ou forestiers, au même titre qu’un parking ou qu’une zone commerciale. Cela n’a pas de sens, puisque ces projets sont indispensables à la décarbonation de notre économie.
Cet amendement vise à étendre l’exemption prévue à l’article 22 ter à l’ensemble des installations de production d’énergies renouvelables visées à l’article L. 211-2 du code de l’énergie. Il ne s’agit pas d’accorder un blanc-seing à l’artificialisation, mais d’apporter une clarification nécessaire. La transition énergétique ne doit pas être mise en concurrence avec la sobriété foncière : ces deux impératifs vont de pair.
M. Belkhir Belhaddad (NI). Les collectivités locales sont parfois contraintes de choisir entre des projets économiques ou urbains renforçant l’attractivité de leur territoire et des projets indispensables à la transition énergétique.
Pour y remédier, cet amendement vise à étendre l’exemption de la comptabilisation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf), prévue à l’article 194 de la loi de 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite climat et résilience, à un champ plus large de projets de production énergétique et d’infrastructures connexes.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. La loi « climat et résilience » exclut du calcul de la consommation foncière uniquement les installations photovoltaïques, afin de ne pas pénaliser des projets qui contribuent à la décarbonation sans entraîner une artificialisation au sens strict. L’abrogation de cette disposition irait à rebours de la logique d’optimisation foncière et de développement des énergies renouvelables promue par la programmation pluriannuelle de l’énergie et la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite Aper. Avis défavorable sur l’amendement CD40.
Quant aux amendements CD59 et CD84, ils tendent à exclure un ensemble très large d’installations et d’infrastructures, sans condition de nature du sol, d’impact réel ou de réversibilité. Une telle exemption généralisée viderait de sa portée le principe même de sobriété foncière, en autorisant de fait des consommations d’espace importantes, y compris sur des terres naturelles ou agricoles, sans encadrement. Avis défavorable.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Lors de l’examen de la loi Aper, les députés écologistes, aux côtés des députés du groupe La France insoumise, ont essayé de limiter les impacts des installations d’énergies renouvelables sur la biodiversité ; nous tenons compte de la biodiversité, quel que soit le type d’installation énergétique. Nous aurions d’ailleurs souhaité aller un peu plus loin en matière de protection des terres agricoles.
L’installation des dispositifs d’énergies renouvelables sur les terrains déjà artificialisés doit être une priorité et nous regrettons que des objectifs plus ambitieux en matière d’installation sur des toitures n’aient pas été adoptés. Nous avions proposé de créer une obligation d’installation de panneaux photovoltaïques sur toutes les grandes surfaces – centres commerciaux et bâtiments administratifs notamment –, mais aucune mesure en ce sens n’a été retenue.
Supprimer les protections adoptées précédemment serait contre-productif ; il serait préférable de corriger la loi Aper, afin de favoriser la concentration de ces installations, par le biais d’obligations.
Enfin, à la suite du départ de Vencorex, nous avons en Isère une friche hautement polluée de 120 hectares. Nous n’avons reçu aucune réponse du gouvernement au sujet des actions prévues pour permettre la réutilisation de ces espaces vides et pollués, qui sont dangereux.
M. Olivier Becht (EPR). Adopter l’amendement CD40 entraînerait l’interdiction de l’agrivoltaïsme, ce qui va à l’encontre des objectifs de transition énergétique.
Certes, il est préférable d’installer les panneaux photovoltaïques sur les toits et les friches, mais se limiter à ces zones reviendrait à méconnaître la réalité profonde de notre pays. La France n’est pas uniquement constituée de grandes villes et de banlieues ; à 85 %, elle est faite de campagnes, de montagnes et de territoires d’outre-mer qui doivent développer des énergies renouvelables.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Certains de nos collègues sont prompts à créer des dérogations, même aux règles qu’ils ont eux-mêmes instaurées. Ne détricotons pas les mesures, trop peu nombreuses, que nous avions réussi à inscrire dans la loi pour respecter nos objectifs écologiques !
Les friches industrielles et commerciales représentent de 90 000 à 150 000 hectares. Il est nécessaire d’en réaliser un inventaire complet et d’élaborer un plan d’investissement pour les dépolluer et les réutiliser.
Il y a quelques jours, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT), un amendement visait à revenir sur l’objectif de solarisation des toitures de bâtiments publics. Le rapporteur l’a finalement retiré, sous la pression de certains groupes, dont le nôtre.
Nous devons maintenir nos objectifs climatiques, ceux concernant la biodiversité et ceux portant sur la souveraineté énergétique, malgré la forte pression exercée pour les revoir à la baisse, en particulier depuis les bancs de l’extrême droite.
Nous n’avons pas d’autre choix : il nous faut regarder ces réalités en face, tenir bon et trouver des solutions qui ne sacrifient pas un objectif au profit d’un autre, qui ne laissent pas des intérêts économiques très restreints écraser les réalités physiques et scientifiques.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) tient un répertoire des friches industrielles. Les communautés de communes et les agglomérations sont très attentives à la reconversion de leurs friches industrielles, dont un grand nombre a été financé par le fonds Vert.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Ce texte étant une proposition de loi, son examen ne s’accompagne d’aucune étude d’impact ni de la présence du gouvernement. Par conséquent, nous manquons d’éléments importants d’appréciation des enjeux auxquels nous sommes confrontés : quelles suites seront données à la proposition de loi Trace ? Quelles suites seront données aux travaux de la mission dont vous étiez corapporteure, madame la présidente ? Le gouvernement reviendra-t-il sur la diminution du tarif de rachat de l’électricité produite par les panneaux photovoltaïques de toiture ? La réduction de l’obligation d’installer des panneaux photovoltaïques sur les parkings sera-t-elle revue ? Aurons-nous enfin un fonds Vert et un fonds pour le recyclage des friches qui ne ressemblent pas à des variables d’ajustement budgétaire, mais qui soient des leviers puissants pour limiter l’artificialisation et permettre la requalification des friches ?
Tous ces éléments participent à la discussion sur l’articulation entre le développement des énergies renouvelables et la préservation du foncier naturel ou agricole. Sans eux, nous progressons à tâtons, voire à l’aveugle. Nous allons sacrifier l’objectif ZAN au profit des énergies renouvelables, avant de faire le contraire dans quelques mois ; je crains que finalement, nous ne fassions ni l’un ni l’autre, alors que les deux sont indispensables.
Nous avions proposé que les zones d’accélération concentrent le développement des énergies renouvelables, mais la majorité macroniste l’avait refusé, préférant étendre ce développement à l’ensemble du territoire. Nous le constatons désormais, le mécanisme prévu par la loi Aper n’est pas opérant pour le développement planifié et organisé des énergies renouvelables. Comme nous le craignions à l’époque, la loi Aper a manqué sa cible.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). L’article 22 ter ne préconise pas le développement du photovoltaïque dans tous les espaces naturels agricoles. Il autorise comme pour le photovoltaïque le déploiement d’une activité solaire thermique sur un espace naturel agricole à condition que cela n’artificialise pas son potentiel agronomique, que cela ne provoque pas une altération des fonctions écologiques du sol ou son imperméabilisation, et qu’une activité agricole puisse être maintenue ; il ne s’agit pas de promouvoir un mono-usage de l’énergie solaire.
Les amendements CD59 et CD84 visent à exempter du respect de l’objectif ZAN toute installation de dispositif d’énergie renouvelable, allant ainsi beaucoup plus loin que l’article. S’ils sont adoptés, l’installation d’une éolienne, d’une centrale nucléaire ou d’une structure de stockage ne sera pas prise en considération au regard de l’objectif ZAN, alors que cela artificialise les sols.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Monsieur Becht, vous dites que concentrer les installations de panneaux photovoltaïques sur des espaces déjà artificialisés les limiterait aux grandes villes, mais, même dans les départements les moins densément peuplés, il se trouve toujours une grande surface munie d’un parking ou des bâtiments agricoles sur lesquels installer des panneaux photovoltaïques.
C’est parce que nous connaissons finement notre territoire que nous savons que certains endroits doivent être préservés, alors que d’autres, déjà artificialisés, peuvent accueillir des installations productrices d’énergie. De plus, les territoires de montagne disposent de l’énergie hydraulique, qui provoque très peu d’artificialisation.
En tout état de cause, nous nous opposons fermement au détricotage de l’objectif ZAN proposé par les députés du groupe Rassemblement national.
La commission rejette successivement l’amendement CD40 et les amendements identiques.
Amendement CD87 de M. Jean-Marie Fiévet, amendements identiques CD62 de Mme Julie Laernoes et CD71 de M. Vincent Thiébaut (discussion commune)
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Mon amendement vise à exclure les installations de stockage des énergies solaires thermiques et photovoltaïques de l’exemption en matière d’artificialisation des sols, et d’y inclure les installations de production d’énergie solaire thermique – les installations de production d’énergie solaire photovoltaïque en bénéficiant déjà depuis la loi « climat et résilience ».
Par nature, les installations de stockage de l’énergie solaire artificialisent les sols et ne permettent pas de remplir les critères prévus par la loi visant à maintenir une activité agricole et à ne pas porter durablement atteinte aux fonctions écologiques du sol, notamment biologiques, hydriques et climatiques.
De plus, la différence de traitement entre le solaire thermique et le solaire photovoltaïque est contestable puisque techniquement, les structures et les ancrages permettant de poser des capteurs solaires sont absolument similaires, qu’ils soient thermiques ou photovoltaïques.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Comme le rapporteur pour avis, nous regrettons que l’article 22 ter, tel qu’il est rédigé, n’étende pas l’exemption aux installations solaires thermiques.
De plus, je reconnais que les installations de stockage de l’énergie solaire, qu’elle soit thermique ou photovoltaïque, contribuent à l’artificialisation des sols. Par conséquent, je retire notre amendement au profit de celui du rapporteur, qui me paraît mieux rédigé.
M. Vincent Thiébaut (HOR). La rédaction de l’article 22 ter, issue du Sénat, provoquerait un recul du droit par rapport à la loi « climat et résilience ». Elle limiterait l’exemption prévue dans cette loi aux seules installations associant des dispositifs de stockage, ce qui semble aberrant.
Mon amendement vise à modifier la rédaction de l’article de manière que soient concernées les installations de production d’énergie solaire, photovoltaïque ou thermique, mais aussi les dispositifs de stockage, essentiels au pilotage des énergies renouvelables, sans qu’ils soient nécessairement associés aux premières.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Contrairement à votre amendement, monsieur Thiébault, le mien propose que l’exemption ne concerne pas les installations de stockage, qui contribuent à l’artificialisation des sols. Avis défavorable.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). La loi « climat et résilience » prévoit déjà que pour être exemptée du respect des objectifs ZAN, une installation photovoltaïque ne doit pas affecter durablement les fonctions écologiques et le potentiel agronomique du sol ni empêcher le maintien d’une activité agricole.
S’il est possible d’installer des panneaux photovoltaïques sans emprise profonde dans le sol, il est en revanche impossible pour une installation de stockage de remplir ces critères. Parce qu’il est inutile de conserver leur mention dans le texte, je suis favorable à l’amendement CD87 du rapporteur pour avis.
M. Olivier Becht (EPR). En excluant les installations de stockage de l’exemption, on condamne à l’échec tous les projets d’agrivoltaïsme prévoyant à la fois une installation de production et une installation de stockage. C’est pourquoi je suis favorable à l’amendement CD71, qui est plus pragmatique.
M. Vincent Thiébaut (HOR). J’entends vos remarques et je respecte le souhait de réduire l’artificialisation, mais le stockage est une réponse à l’intermittence des énergies renouvelables, qui leur est souvent reprochée.
Par ailleurs, je fais confiance aux collectivités pour faire preuve de cohérence dans l’élaboration de leurs plans d’artificialisation. Pour que les énergies renouvelables soient mieux acceptées, il est essentiel de mieux les piloter, notamment pour faire face aux problèmes posés par leur intermittence.
Cependant, les installations de stockage n’étant pas destinées à être particulièrement nombreuses, je retire mon amendement.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Les projets agrivoltaïques sont directement reliés au réseau et n’ont pas besoin de stockage. Certains projets d’installations de stockage ont pour seul but la spéculation électrique : il s’agit d’acheter du courant à bas prix sur le réseau avant de le revendre plus cher ultérieurement.
Je suis favorable au stockage de l’énergie pour résoudre le problème de l’intermittence, mais nous ne devons pas favoriser les phénomènes de spéculation, qui sont délétères.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Dans un objectif de compromis, nous voterons l’amendement du rapporteur. Toutefois, il est fondamental de distinguer l’artificialisation et sa comptabilité au titre des objectifs ZAN. Extraire les installations de stockage du décompte du ZAN n’équivaut pas à interdire l’artificialisation à des fins de stockage. Il s’agit simplement de considérer que l’atteinte faite à la nature du sol est telle qu’elle doit être prise en compte. L’artificialisation à des fins de stockage porte sur des surfaces considérables, que nous devons comptabiliser au titre du ZAN ; sinon, celui-ci n’aurait pas plus de réalité qu’un gruyère où ne resteraient que des trous.
Mme Olga Givernet (EPR). Nous avons identifié un problème de pilotage du réseau électrique, que nous voudrions résoudre par l’usage de batteries. Économiquement, nous avons intérêt à favoriser les batteries mobiles plutôt que les batteries stationnaires, et à identifier d’autres moyens de stockage, notamment par le biais des Step.
Par conséquent, il n’est pas utile de développer des installations de stockage pour chaque installation photovoltaïque. Le stockage n’est pas interdit, mais nous ne devons pas favoriser le développement du modèle associant photovoltaïque et batteries, et privilégier la flexibilité et la modulation sur le réseau.
Les amendements CD62 et CD71 sont retirés.
La commission adopte l’amendement CD87.
En conséquence, les amendements CD47 de M. Fabrice Roussel et CD77 de M. Nicolas Bonnet tombent.
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 22 ter modifié.
Après l’article 22 ter
Amendement CD3 de Mme Julie Lechanteux
Mme Julie Lechanteux (RN). L’agrivoltaïsme doit répondre à une exigence fondamentale : rester au service de l’agriculture et ne pas s’y substituer.
Cet amendement vise à empêcher une dérive que nous constatons : sous couvert de co-activité, des projets photovoltaïques remplacent la production agricole, partiellement ou totalement. Afin d’aller plus loin qu’une simple notion d’incompatibilité, nous proposons de renforcer la rédaction existante avec une exigence claire : aucune baisse d’activité agricole ou pastorale ne doit être tolérée.
Alors que les terres agricoles utiles disparaissent un peu plus chaque année et que les agriculteurs sont à bout de souffle, il serait irresponsable de continuer de sacrifier les terres nourricières, même au nom d’objectifs énergétiques louables. L’énergie solaire est une chance, mais elle ne doit pas se développer au détriment de la souveraineté alimentaire.
Soutenons une transition énergétique équilibrée, respectueuse du monde agricole et ancrée dans le monde rural.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. La loi encadre déjà strictement les conditions d’application d’exemptions au titre du ZAN : ne pas affecter les fonctions écologiques du sol, en particulier ses fonctions agronomiques, et ne pas être incompatible avec l’exercice d’une activité agricole.
Votre amendement rigidifie excessivement un équilibre déjà difficile à trouver entre production énergétique et continuité de l’activité agricole. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 22 quater : Encadrement de la durée d’instruction des autorisations environnementales pour les projets d’installations d’énergies renouvelables
Amendement de suppression CD89 de M. Jean-Marie Fiévet
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. L’article 22 quater introduit un encadrement rigide des délais d’instruction des demandes d’autorisations environnementales pour les projets d’énergies renouvelables. Or une telle rigidité pourrait s’avérer contre-productive. En effet, elle contraindrait l’administration à rejeter des projets potentiellement viables pour de simples dépassements de délai, même de quelques jours, sans possibilité de demander des compléments d’information. Cela exposerait les projets à un accroissement des contentieux, à une perte de temps pour les porteurs et à une obligation de redéposer des dossiers complets.
Par ailleurs, le dispositif proposé repose sur une lecture erronée de la directive RED III. Les zones d’accélération introduites par la loi Aper résultent d’une planification ascendante à l’initiative des communes et n’ont aucun effet juridique direct sur l’instruction des autorisations. À l’inverse, les zones prévues par RED III sont encadrées par un plan et un programme soumis à une évaluation environnementale stratégique, ouvrant la voie à des dérogations spécifiques en matière d’évaluation environnementale qui ne peuvent être transposées sans cette base préalable.
Enfin, les dispositions issues de la loi « industrie verte » permettent déjà de satisfaire aux exigences de RED III. Elles introduisent une procédure accélérée, applicable à compter du 23 octobre 2024, qui prévoit l’instruction parallèle de la demande et de la consultation du public, quels que soient la nature du projet et son emplacement. La durée théorique totale est désormais de six à neuf mois pour les autorisations environnementales.
Dans ce contexte, le maintien de l’article 22 quater apparaît juridiquement discutable, techniquement redondant et administrativement inopportun.
La commission adopte l’amendement, émettant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 22 quater.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Article 22 quinquies : Encadrement de la durée d’instruction des autorisations environnementales pour les projets de rééquipement des installations d’énergies renouvelables
Amendements de suppression CD90 de M. Jean-Marie Fiévet et CD16 de M. Sébastien Humbert
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Je propose la suppression de l’article 22 quinquies pour les mêmes raisons que celles indiquées pour l’article précédent.
M. Sébastien Humbert (RN). Le présent amendement vise à supprimer l’article 22 quinquies. En plus d’être inutile au regard des capacités de production de notre appareil nucléaire national et souverain, la mise en place de parcs solaires et éoliens constitue une atteinte particulièrement grave aux continuités paysagères et au cadre de vie des habitants.
Cela est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit quasi exclusivement de rééquipement, assorti le plus souvent d’une hausse des capacités de production par l’implantation d’un matériel souvent plus massif et d’un déploiement encore plus large d’outils de production d’énergie intermittente – je pense par exemple au repowering des éoliennes.
Argument supplémentaire, RTE – Réseau de transport d’électricité – a mis en garde contre la surabondance électrique qui congestionne le réseau français, contraignant cet opérateur à procéder à la déconnexion du réseau de treize parcs éoliens et photovoltaïques en mars dernier.
Il apparaît dès lors inutile d’encadrer les délais d’instruction des demandes d’autorisations environnementales de ces projets.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Je m’inscris en faux avec ce qui vient d’être dit : RTE ne critique pas la surabondance électrique – au contraire, il est absolument clair que l’approvisionnement en électricité du pays se fait beaucoup mieux lorsqu’il y a plus de production ; nous l’avons constaté il y a deux ans. Vous essayez, pour des raisons dogmatiques, de faire dire à RTE quelque chose qu’il ne dit pas pour l’utiliser contre les énergies renouvelables ; cela n’en fait pas pour autant une vérité.
Si l’on veut que les délais soient rapides, il faut donner des moyens aux services instructeurs de l’État. Ce n’est donc pas compatible avec les réductions d’effectifs qui sont à l’ordre du jour depuis de trop nombreuses années, notamment dans les services des DDT – directions départementales des territoires – et des Dreal – directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement –, qui instruisent ces demandes.
De plus, une question se pose concernant les zones d’accélération. Il y a trois ans, on nous a dit qu’il ne s’agissait pas de zones exclusives mais de « zones VIP » pour les énergies renouvelables, où les procédures seraient traitées plus rapidement. L’idée d’encadrer les délais d’instruction paraît donc assez cohérente avec l’argumentaire développé à l’époque. Pour notre part, nous avons considéré que la loi Aper était une loi de ralentissement du développement des énergies renouvelables plutôt qu’une loi d’accélération, mais puisque c’était l’argument que vous avanciez à l’époque, j’aimerais savoir pourquoi vous en arrivez aujourd’hui à la position contraire.
M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis. Mon avis défavorable tient essentiellement à des raisons techniques.
La commission adopte l’amendement, émettant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 22 quinquies.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Je vais mettre aux voix les dispositions dont la commission est saisie, modifiées par nos travaux. Le vote sur l’ensemble de la proposition de loi aura lieu en commission des affaires économiques.
J’appelle votre attention sur la portée de ce vote. En cas de vote favorable aux articles ainsi modifiés, les amendements de notre commission seront transmis à la commission des affaires économiques. La discussion en séance portera donc sur les articles avec les modifications ou suppressions que nous avons adoptées.
En cas de vote défavorable, nous serons dans la même situation que si nous n’avions pas achevé l’examen de nos articles. La discussion, sur les cinq articles qui nous ont été délégués au fond, s’engagerait alors, en commission des affaires économiques puis en séance, sur la base du texte du Sénat, et il appartiendrait aux auteurs des amendements concernés de les redéposer.
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.
Liste des personnes auditionnées par M. Jean-Marie fiévet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
(par ordre chronologique)
Secrétariat général à la planification écologique (SGPE)
Mme Léa Boudet, cheffe du pôle « Décarbonation et financement »
M. Joseph Hajjar, directeur de programme « Énergie, bouclage GES et adaptation »
Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)
M. Igor Sguario, conseiller du directeur de l’énergie à la direction générale de l’énergie et du climat sur la PPE
M. Paul Bougon, adjoint à la sous-directrice en charge des énergies renouvelables
M. Guillaume Bouyt, sous-directeur en charge du nucléaire
M. Mickaël Thierry, sous-directeur en charge de l’action climatique
Mme Alix Menahem, ajointe à la cheffe de bureau des émissions et de la SNBC
Mme Bénédicte Montoya, cheffe de bureau des risques des industries, de l’énergie et de la chimie
M. Julien Viau, adjoint au sous-directeur en charge de l’action climatique
Syndicat des énergies renouvelables (SER) *
M. Jules Nyssen, président
M. Alexandre Roesch, délégué général
Mme Elodie Saillard, responsable juridique et affaires institutionnelles
M. Alexandre de Montesquiou, consultant, directeur associé d’Ai2P, en charge des relations parlementaires du SER
Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR)
Mme Stéphanie Guénot Bresson, commissaire du collège de l’ASNR
M. Pierre Bois, directeur général adjoint
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
([1]) Nations Unies, Accord de Paris, 2015.
([2]) Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.
([3]) Ministère de la transition écologique, Adaptation de la France au changement climatique.
([4]) Article 3 du règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du conseil du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat.
([5]) https://concertation-strategie-energie-climat.gouv.fr/7-groupes-de-travail-crees-en-mai-2023-pour-mettre-jour-la-strategie-energetique-et-climatique-de
([6]) Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.
([7]) Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
([8]) Directive (UE) 2023/2413 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023 modifiant la directive (UE) 2018/2001, le règlement (UE) 2018/1999 et la directive 98/70/CE en ce qui concerne la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652 du Conseil.
([9]) Directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE.
([10]) Décision n° 427301, 1er juillet 2021.
([11]) Décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015.
([12]) Décision n° 2022-843 DC du 12 août 2022, considérant 24 : « Il incombe au pouvoir réglementaire de fixer le niveau et les modalités de cette obligation afin de compenser effectivement la hausse des émissions de gaz à effet de serre et de ne pas compromettre le respect des objectifs de réduction de ces émissions et de réduction de la consommation énergétique primaire des énergies fossiles fixés par l’article L. 100-4 du code de l’énergie ».
([13]) https://www.cre.fr/consommateurs/prix-reperes-et-references/prix-repere-de-vente-de-gaz-naturel-a-destination-des-clients-residentiels.html
([14]) Décret n° 2007-1790 du 20 décembre 2007 instituant une action spécifique de l’État au capital de Gaz de France SA.
([15]) Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Tarifs réglementés de vente de l’électricité en France – Rapport d’évaluation des ministres chargés de l’économie et de l’énergie, février 2025.
([16]) Décision n° 370321, 19 juillet 2017.
([17]) Concertation nationale sur l’énergie et le climat, cahier d’acteur n° 186, Le point de vue d’Antargaz sur les documents de planification énergie climat soumis à la concertation.
([18]) Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires à la question écrite de M. Jean-François Longeot, publiée le 13 juin 2024.
([19]) EDF, Livre blanc La transition énergétique en milieu rural, comprendre pour agir, juillet 2019.
([20]) Jean-François Longeot, Question écrite op. cit.
([21]) Université Paris-Dauphine, Chaire Économie du climat, Une évaluation quantifiée de la « taxe carbone » française, Stéphane Gloriant, Information et débats, n° 57, octobre 2018.
([22]) Cour des comptes, 2025, La place de la fiscalité de l’énergie dans la politique énergétique et climatique française.
([23]) Cour des comptes, 2025, ibid.
([24]) Conseil des prélèvements obligatoires, 2019, La fiscalité environnementale au défi de l’urgence climatique.
([25]) DREES, 2024, Études et résultats n° 1296, Taxe carbone : une moins grande adhésion dans le milieu rural, quelle que soit la contrepartie socio-fiscale.
([26]) Voir commentaire de l’article 2 de la présente proposition de loi.
([27]) Données issues du Bilan électrique 2024 de RTE.
([28]) Rapport n° 1028, 30 mars 2023, p. 256 et suiv.
([29]) CEA, L’essentiel sur le cycle du combustible nucléaire, 12 octobre 2022.
([30]) Les trajectoires de référence – dites « famille de scénarios A » – de cette actualisation s’inscrivent dans une volonté d’associer électrification et réindustrialisation, conduisant, selon RTE, « à positionner les trajectoires de consommation d’électricité à l’horizon 2035 parmi les plus hautes des Futurs énergétiques 2050 (trajectoires « électrification + » et « réindustrialisation profonde ») ».
([31]) Rapport n° 714, 2 juillet 2024.
([32]) Rapport n° 1028 op. cit., p. 308.
([33]) Voir, par exemple, les données relatives au bilan énergétique de la France publié par le ministère chargé de l’énergie.
([34]) Le réseau de transport électrique, géré par RTE, se compose des lignes très hautes tension et haute tension. Il achemine l’électricité depuis les centres de production jusqu’aux postes électriques et alimente aussi directement certains gros industriels. Le réseau de distribution, géré par Enedis, prend le relais du réseau de transport au niveau des postes de transformation et dessert, via des lignes moyenne puis basse tension, les différents consommateurs.
([35]) https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/enjeux-et-prospective/decryptages/energies-renouvelables/tout-savoir-lhydrogene
([36]) https://www.euractiv.fr/section/energie-climat/news/le-secteur-nucleaire-espere-une-reconnaissance-des-contrats-dhydrogene-nucleaire-au-plus-tard-en-2026/
([37]) Informations provenant de la page internet consacrée aux technologies CCUS du ministère chargé de la transition écologique.
([38]) Directive (UE) 2023/2413 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023 modifiant la directive (UE) 2018/2001, le règlement (UE) 2018/1999 et la directive 98/70/CE en ce qui concerne la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652 du Conseil.
([39]) Rapport d’information n° 801, Nucléaire et hydrogène : l’urgence d’agir, déposé le 20 juillet 2022.
([40]) Voir en particulier la recommandation n° 14 du rapport de cette commission d’enquête : « Tout en veillant à l’équilibre du développement des territoires et aux conditions d’une meilleure répartition des recettes tirées par les collectivités de l’implantation de capacités de production d’énergies renouvelables, il convient de limiter la dispersion des sites de production électrique afin d’optimiser les investissements nécessaires aux réseaux de transports et de distribution ».
([41]) Voir en particulier la recommandation n° 8 du rapport : « Développer l’autoconsommation en ajustant la réglementation en en laissant inchangés la propriété publique et l’équilibre financier des réseaux de distribution d’électricité ».
([42]) Compte-rendu de la séance publique du Sénat du 15 octobre 2024.
([43]) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energies-renouvelables/26-definitions-et-methodes-
([44]) Mise à jour des indicateurs de suivi de la PPE (indicateurs 2023), janvier 2025.
([45]) D’après les indicateurs de suivi de la PPE publiés en janvier 2025.
([46]) Décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie.
([48]) Directive (UE) 2023/2413 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023 modifiant la directive (UE) 2018/2001, le règlement (UE) 2018/1999 et la directive 98/70/CE en ce qui concerne la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652 du Conseil.
([49]) La répartition « pressentie » est proposée à 41 % sur petites et moyennes toitures, 5 % sur les petites installations au sol et 54 % sur les grandes installations (38 % au sol, 16 % sur toiture).
([51]) Directive (UE) 2023/2413 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023 modifiant la directive (UE) 2018/2001, le règlement (UE) 2018/1999 et la directive 98/70/CE en ce qui concerne la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652 du Conseil
([52]) Contribution écrite de la DGEC.
([53]) Voir « Les chiffres clés des énergies renouvelables » du DataLab du service de statistiques du ministère de la Transition écologique : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energies-renouvelables/22-biocarburants-
([54]) Contribution écrite de l’Ademe.
([55]) Directive (UE) 2023/1791 du Parlement européen et du Conseil du 13 septembre 2023 relative à l’efficacité énergétique et modifiant le règlement (UE) 2023/955.
([56]) Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
([57]) Loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique.
([58]) Article 15 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.
([59]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 .
([60]) Amendement CE614 présenté par le rapporteur Antoine Armand, modifié par le sous-amendement CE640 de Mme Julie Laernoes et les membres du groupe EcoS.
([61]) Mentionnés aux alinéas 23 et 24 de l’article L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation.
([62]) Amendement CE615 de M. Antoine Armand, rapporteur.
([63]) Amendement CE311 de M. Romain Daubié.
([64]) Amendement CE87 de M. Maxime Laisney et des membres du groupe LFI-NFP.
([65]) Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999.
([66]) Article 4 de l’accord de Paris de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), 12 décembre 2015.
([67]) Règlement (UE) 2018/841 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie dans le cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, et modifiant le règlement (UE) n° 525/2013 et la décision (UE) n° 529/2013 (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE).
([68]) Règlement (UE) n° 2023/839 du Parlement européen et du Conseil du 19 avril 2023 modifiant le règlement (UE) n° 2018/841 en ce qui concerne le champ d’application, la simplification des règles de déclaration et de conformité, et la fixation des objectifs des États membres pour 2030, et le règlement (UE) n° 018/1999 en ce qui concerne l’amélioration de la surveillance, de la communication d’informations, du suivi des progrès et de la révision (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE).
([69]) Décision n° 406/2009/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à l’effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu’en 2020.
([70]) Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999 (« loi européenne sur le climat »).
([71]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
([72]) Solde du budget carbone présenté dans la SNBC 2, mars 2020.
([73]) Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.
([74]) Directive (UE) 2023/959 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union et la décision (UE) 2015/1814 concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union.
([75]) Règlement (UE) 2018/842 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris
([76]) Règlement (UE) 023/857 du Parlement européen et du Conseil du 19 avril 2023 modifiant le règlement (UE) 2018/842 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris et le règlement (UE) 2018/1999.
([77]) Règlement (UE) 2023/839 du Parlement européen et du Conseil du 19 avril 2023 modifiant le règlement (UE) 2018/841 en ce qui concerne le champ d’application, la simplification des règles de déclaration et de conformité, et la fixation des objectifs des États membres pour 2030, et le règlement (UE) 2018/1999 en ce qui concerne l’amélioration de la surveillance, de la communication d’informations, du suivi des progrès et de la révision.
([78]) Règlement (UE) 2018/841 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie dans le cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, et modifiant le règlement (UE) 525/2013 et la décision (UE) 529/2013.
([79]) Haut conseil pour le climat, Rapport annuel 2023, « Acter l’urgence, engager les moyens » 28 juin 2023.
([80]) Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999 (« loi européenne sur le climat »).
([81]) Règlement (UE) 2023/839 du Parlement européen et du Conseil du 19 avril 2023 modifiant le règlement (UE) 2018/841 en ce qui concerne le champ d’application, la simplification des règles de déclaration et de conformité, et la fixation des objectifs des États membres pour 2030, et le règlement (UE) 2018/1999 en ce qui concerne l’amélioration de la surveillance, de la communication d’informations, du suivi des progrès et de la révision.
([82]) Règlement (UE) 2018/841 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie dans le cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, et modifiant le règlement (UE) 525/2013 et la décision (UE) 529/2013.
([83]) Émissions de gaz à effet de serre en France : estimation de l’année 2023 avec les données Secten du Citepa, publié le 23 mai 2025.
([84]) Les scolytes sont des coléoptères qui se développent sous les écorces des résineux. Ils sont soumis à des phases épidémiques qui peuvent être à l’origine de mortalités importantes dans les peuplements forestiers affaiblis.
([85]) INSEE, Définition de l’empreinte carbone, 13 mars 2023.
([86]) Premières grandes orientations de la Stratégie nationale bas-carbone n° 3 à horizon 2030 ; novembre 2024
([87]) Estimations de l’évolution de l’empreinte carbone de la France depuis 1990 du service des données et études statistiques (SDES) du ministère de la transition écologique, 24 mars 2025.
([88]) Article 2 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat créant l’article L. 100‑1 A du code de l’énergie.
([89]) Les objectifs relatifs à cet item peuvent être exprimés en capacités attribuées, selon un calendrier prévisionnel d'attribution par mise en concurrence.
([90]) Cf. loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.
([91]) Cf. loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.
([92]) Décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie.
([93]) Directive (UE) 2023/2413 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023 modifiant la directive (UE) 2018/2001, le règlement (UE) 2018/1999 et la directive 98/70/CE en ce qui concerne la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652 du Conseil.
([94]) Règlement (UE) 2023/2405 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023 relatif à l’instauration d’une égalité des conditions de concurrence pour un secteur du transport aérien durable (ReFuelEU Aviation).
([95]) Règlement (UE) 2023/1805 du Parlement européen et du Conseil du 13 septembre 2023 relatif à l’utilisation de carburants renouvelables et bas carbone dans le transport maritime et modifiant la directive 2009/16/CE.
([96]) Rapport (n° 642) fait au nom de la commission des Affaires économiques sur la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie, par MM. Alain Cadec et Patrick Chauvet, sénateurs, enregistré à la Présidence du Sénat le 29 mai 2024, p. 84.
([97]) Ibidem, p.83.
([98]) Cf. article 21 quater du texte de la commission spéciale (n° 1191), annexé au projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, de simplification de la vie économique, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mars 2025.
([99]) Amendement n° 7 déposé au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
([100]) Amendement CE589 de M. Antoine Armand, rapporteur ; amendement CE193 de Mme Anne-Stambach-Terrenoir et des membres du groupe LFI-NFP ; amendement 263 de M. Karim Benbrahim et des membres du groupe SOC ; amendement CE384 de Mme Julie Laernoes et des membres du EcoS.
([101]) Voir commentaire de l’article 12.
([102]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions : Une stratégie de l’hydrogène pour une Europe climatiquement neutre (COM/2020/301 final)
([103]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions : Plan repower EU (COM/2022/230 final).
([104]) Règlement (UE) 2023/1804 du Parlement européen et du Conseil du 13 septembre 2023 sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs et abrogeant la directive 2014/94/UE.
([105]) Voir le commentaire de l’article 12.
([106]) Voir commentaire de l’article 3 de la proposition de loi, pp.
([107]) Amendement CE607 de M. Antoine Armand, rapporteur ; amendement CE202 de Mme Anne-Stambach-Terrenoir et des membres du groupe LFI-NFP ; amendement 264 de M. Karim Benbrahim et des membres du groupe SOC ; amendement CE391 de Mme Julie Laernoes et des membres du groupe EcoS.
([108]) Article 173 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
([109]) En application des articles 3 et 15 de du règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat, mentionné au 4° du II de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie.
([110]) Amendement CE608 de M. Antoine Armand, rapporteur ; amendement 236 de M. Karim Benbrahim et des membres du groupe SOC.
([111]) Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
([112]) Décret n° 2024-296 du 29 mars 2024 définissant la notion de proximité immédiate dans le cadre des mesures d’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et portant diverses adaptations procédurales.
([113]) Décision n° 2023-851 DC du 21 juin 2023.
([114]) Proposition de loi n° 1740, déposée le 1er avril 2025 par M. Harold Huwart et adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 15 mai 2025.
([115]) Articles L. 421-5 et R. 421-5 du code de l’urbanisme.
([116]) Amendements n° 5 rect. quater, 28 rect. bis et 8 rect.
([118]) Le domaine public maritime est défini aux articles L. 2111-4 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P).
([119]) Article R .2124-1 du CG3P.
([120]) Rapport d’information n° 2199 du 13 février 2024, présenté par Mme Maud Bregeon et M. Sébastien Jumel, sur l’application de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023.
([121]) Les informations présentées dans cette partie sont issues du site internet du projet Iter.
([122]) https://www.lemoniteur.fr/article/gros-retard-et-des-milliards-de-surcouts-pour-le-projet-iter.2332506
([123]) Arrêté du 31 mai 2024 relatif à la mutualisation nationale de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers des projets d'envergure nationale ou européenne d'intérêt général majeur.
([124]) Rapport n° 917, mars 2023.
([125]) Amendement n° 49 rect. bis de M. Henri Leroy (LR).
([126]) Amendement n° 465 de la rapporteure Maud Bregeon.
([127]) La rédaction du Sénat conduisait à requalifier un délit d’intrusion avec menace ou usage d’une arme ou commise en bande organisée en crime. Elle prévoyait également un montant d’amende inexistant dans l’échelle des peines du code pénal pour sanctionner une intrusion avec circonstances aggravantes.
([128]) Article L. 542-13-2 du code de l’environnement.
([129]) Avis n° 2020-AV-0363 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 8 octobre 2020 sur les études concernant la gestion des matières radioactives et l’évaluation de leur caractère valorisable remises en application du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs 2016-2018, en vue de l’élaboration du cinquième plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs.
([130]) Inventaire national des matières et déchets radioactifs réalisé par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, mis à jour au 31 décembre 2023
([131]) Avis n° 2020-AV-0363 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 8 octobre 2020 sur les études concernant la gestion des matières radioactives et l’évaluation de leur caractère valorisable remises en application du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs 2016-2018, en vue de l’élaboration du cinquième plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs
([132]) Inventaire national des matières et déchets radioactifs réalisé par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, mis à jour au 31 décembre 2023
([133]) Projet de programmation pluriannuelle de l’énergie n° 3 soumis à la consultation, mars 2025.
([134]) Article 42 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat. La mesure trouve son origine dans les dispositions de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
([135]) Article 88 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
([136]) Article 36 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.
([137]) Par symétrie avec les dispositions de l’article L. 1522-5 du code général des collectivités territoriales, la loi prend en considération l’ensemble des avances consenties par les collectivités et leurs groupements en y ajoutant le montant des fonds dont l’apport est envisagé.
([138]) Voir, en ce sens, Conseil d’État, 24 nov. 1989, Commune d’Iffendic : « Si la SCI constituée pour les besoins de la réalisation d’un centre commercial n’avait pas pour objet de dégager des bénéfices en argent, elle devait permettre aux associés de la commune de réaliser, sur le coût de la construction des immeubles, une économie : dans ces conditions, la SCI doit être regardée comme un organisme à but lucratif ».
([139]) S’agissant des communes et de leurs groupements, les alinéas 2 à 5 de l’article L. 2253-1 du code général des collectivités territoriales donnent ainsi la possibilité de prendre des parts au capital : d’une société coopérative d’intérêt collectif dont l’objet est de fournir des services de transport ; d’un fonds commun de placement à risques à vocation locale ayant pour objet d’apporter des fonds propres à des entreprises concourant à la protection du climat, à la qualité de l’air et de l’énergie, à l’amélioration de l’efficacité énergétique, au retraitement des déchets et au développement des énergies renouvelables, de l’hydrogène renouvelable ou bas-carbone et des mobilités durables (faculté réservée à la Ville de Paris).
([140]) Voir, en ce sens Conseil d’État, 6 novembre 1998, Association pour la protection des Gorges de l’Ardèche.
([141]) Voir, en ce sens, l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon, 17 juin 1999, Communauté urbaine de Lyon. La Cour juge que la communauté urbaine de Lyon ne possède pas la compétence d’octroyer une subvention à un établissement privé d’enseignement supérieur : elle parvient à cette conclusion après avoir établi qu’une telle initiative ne participe pas de l’exercice des compétences relatives aux opérations de développement économique et aux opérations d’aménagement, telles qu’entendues par les articles L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales et L. 300-1 du code de l’urbanisme.
([142]) Voir, en ce sens, Conseil d’État, 27 février 1970, Commune de Saint-Vallier et Cour administrative d’appel de Bordeaux, 24 juin 2003, Société SVE Onyx.
([143]) Rapport (n° 642) fait au nom de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie, par MM. Alain Cadec et Patrick Chauvet, enregistré à la Présidence du Sénat le 29 mai 2024, p. 107.
([144]) Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables
([145]) Loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz.
([146]) Loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité
([147]) Article 16 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.
([148]) Article 88 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
([149]) Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.
([150]) Loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.
([151]) Article 119 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
([152]) Aux termes des articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, la notion de « déchet ménager » s’applique aux déchets produits par les ménages, ainsi qu’aux autres déchets définis par décret.
([153]) Dans les conditions fixées par le 6° de l’article 8 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946.
([154]) Mentionné à l’article L. 229-26 du code de l’environnement.
([155]) Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables
([156]) Ordonnance n° 2023-816 du 23 août 2023 relative au raccordement et à l’accès aux réseaux publics d’électricité
([157]) Délibération de la Commission de régulation de l’énergie n° 2023-173 du 28 juin 2023
([158]) Articles D. 314-15 et D. 314-23 du code de l’énergie.
([159]) Arrêté du 13 décembre 2016 fixant les conditions d'achat et du complément de rémunération pour l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie hydraulique des lacs, des cours d'eau et des eaux captées gravitairement, modifié par un arrêté du 22 mai 2024.
([160]) Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession.
([161]) Article L. 531-2 du code de l’énergie.
([162]) 2° de l’article L. 521-4 du code de l’énergie.
([163]) Données respectivement issues du rapport de la commission d'enquête du Sénat portant sur la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050 et du référé 2022-1979 de la Cour des comptes sur le renouvellement des concessions hydroélectriques.
([164]) Loi du 27 mai 1921 approuvant le programme des travaux d’aménagement du Rhône, de la frontière suisse à la mer, au triple point de vue des forces motrices, de la navigation et des irrigations et autres utilisations agricoles, et créant les ressources financières correspondantes.
([165]) Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution des contrats de concession.
([166]) Rapport d’information n° 1439, déposé le 17 mai 2025.
([167]) Institut national de la statistique et des études économiques, En dix ans, les bureaux et services publics ont consommé autant d’espace naturel, agricole ou forestier que l’industrie, Insee Première, n° 2039, février 2025.
([168]) Article 191 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
([169]) Texte de la séance sur le projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, de simplification de la vie économique, en date du 2 juin 2025.
([170]) Amendements identiques n° 1953 de M. Pierre Cuypers, n° 1314 de Mme Denise Saint-Pé, n° 1796 de M. Stéphane Demilly, n° 1960 de M. Bernard Jomier et n° 1922 de M. Daniel Gremillet, sous-amendés par l’amendement n° 2292 de M. Martin Lévrier.
([171]) Décret n° 2023-1408 du 29 décembre 2023 définissant les modalités de prise en compte des installations de production d’énergie photovoltaïque au sol dans le calcul de la consommation d’espace au titre du 6° du III de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
([172]) Arrêté du 29 décembre 2023 définissant les caractéristiques techniques des installations de production d’énergie photovoltaïque exemptées de prise en compte dans le calcul de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers.
([173]) Amendement n° 27 de M. Claude Kern (Union centriste).
([174]) Directive (UE) 2023/2413 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023 modifiant la directive (UE) 2018/2001, le règlement (UE) 2018/1999 et la directive 98/70/CE en ce qui concerne la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652 du Conseil.
([175]) Amendement n° 113 de M. Philippe Grosvalet.
([176]) Instruction du Gouvernement du 11 juillet 2018 relative à l’appréciation des projets de renouvellement des parcs éoliens terrestres, NOR TREP1808052J.
([177]) Directive (UE) 2023/2413 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023 modifiant la directive (UE) 2018/2001, le règlement (UE) 2018/1999 et la directive 98/70/CE en ce qui concerne la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652 du Conseil.
([178]) Amendement n° 114 de M. Philippe Grosvalet.
([179]) Article 28 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.
([180]) Articles L. 131-1 à L. 131-5 du code de l’énergie.
([181]) Articles L. 134-10 à L. 134-18 du code de l’énergie.
([182]) Objet de la section 3 du chapitre IV du titre III du livre Ier du code de l’énergie.
([183]) Objet de la section 3 du chapitre IV du titre III du livre Ier du code de l’énergie.
([184]) Voir commentaire de l’article 13, pp.
([185]) Directive (UE) 2024/1788 du 13 juin 2024 concernant des règles communes pour les marchés intérieurs du gaz renouvelable, du gaz naturel et de l’hydrogène.
([186]) Règlement (UE) 2024/1789 du 13 juin 2024 sur les marchés intérieurs du gaz renouvelable, du gaz naturel et de l’hydrogène.
([187]) Directive 2009/31/CE du Parlement européen et du Conseil relative au stockage géologique du dioxyde de carbone et modifiant la directive 85/337/CEE du Conseil, les directives 2000/60/CE, 2001/80/CE, 2004/35/CE, 2006/12/CE et 2008/1/CE et le règlement (CE) no 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil.
([188]) Sur le fondement des articles L. 311-12 du code de l’énergie pour la production d’électricité, L. 446-5 pour le biogaz destiné à être injecté dans le réseau et L. 446-14 et L. 446-15 pour le biogaz.
([189]) Amendement CE618 de M. Antoine Armand, rapporteur ; amendement CE267 de M. Karim Benbrahim et des membres du groupe socialistes et apparentés.
([190]) Article 28 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.
([191]) Articles L. 131-1 à L. 131-5 du code de l’énergie.
([192]) Objet de la section 3 du chapitre IV du titre III du livre Ier du code de l’énergie.
([193]) Objet de la section 3 du chapitre IV du titre III du livre Ier du code de l’énergie.
([194]) En vertu de l’article L. 122-1 du code de l’énergie.
([195]) Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
([196]) Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.
([197]) Amendement CE619 de M. Antoine Armand, rapporteur ; amendement CE268 de M. Karim Benbrahim et des membres du groupe socialistes et apparentés.
([198]) La dernière mise à jour des indicateurs de suivi de la PPE date de janvier 2025.
([199]) Site du Ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, « Éolien en mer ».