1646


ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

 789
SÉNAT

 

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale
le 25 juin 2025.

 

Enregistré à la Présidence du Sénat
le 25 juin 2025.

 

 

RAPPORT

 

FAIT

 

au nom de la commission mixte paritaire(1) chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la raison impérative d’intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse.

 

 

par M. Jean TERLIER,
Rapporteur

Député
 

 

par M. Franck DHERSIN,
Rapporteur

Sénateur
 

 

 

 

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot, sénateur, Président ; M. Nicolas Bonnet, député, vice-Président ; M. Franck Dhersin, sénateur, M. Jean Terlier, député, Rapporteurs.

Membres titulaires : M. Jean-François Longeot, M. Jean-Claude Anglars, M. Jean-Marc Delia, M. Fabien Genet, M. Hervé Gillé, M. Olivier Jacquin, Mme Nadège Havet, sénateurs, Mme Manon Bouquin, M. Frédéric-Pierre Vos, M. Jean Terlier, Mme Anne Stambach‑Terrenoir, M. Romain Eskenazi, M. François-Xavier Ceccoli, M. Nicolas Bonnet, députés ;

Membres suppléants : M. Franck Dhersin, M. Rémy Pointereau, M. Philippe Folliot, M. Michaël Weber, M. Alexandre Basquin, M. Jean-Pierre Grand, M. Christian Bilhac, sénateurs, M. Pierre Meurin, Mme Danielle Brulebois, Mme Karen Erodi, M. Gérard Leseul, M. Vincent Thiébaut, députés.

Voir les numéros :

 Sénat : 452, 584, 585 et T.A. 121. (2024-2025).

  Commission mixte paritaire : 790 (2024-2025).

 Assemblée nationale : 1435, 1446 et T.A. 125.

 


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SOMMAIRE

 

Pages

 

Travaux en commission

 

 


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Travaux en commission

 

Conformément au deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la raison impérative d’intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse se réunit au Sénat le mercredi 25 juin 2025.

Elle procède tout d’abord à la désignation de son Bureau, constitué de M. JeanFrançois Longeot, sénateur, président, de M. Nicolas Bonnet, député, viceprésident, de M. Franck Dhersin, sénateur, rapporteur pour le Sénat, et de M. Jean Terlier, député, rapporteur pour l’Assemblée nationale.

M. JeanFrançois Longeot, sénateur, président. – Mes chers collègues, mesdames, messieurs les députés, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat pour la réunion de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse.

Cette proposition de loi, déposée le 18 mars dernier par nos collègues Philippe Folliot, ici présent, et Marie‑Lise Housseau, se compose d’un article unique visant à valider les deux autorisations environnementales dont ont fait l’objet, respectivement, le projet d’A69 entre Verfeil et Castres et le projet d’A680 entre Castelmaurou et Verfeil, en tant qu’elles reconnaissent une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) au projet de liaison autoroutière entre Castres et Toulouse. Ces deux autorisations avaient en effet été annulées par le tribunal administratif de Toulouse le 27 février 2025, celui‑ci estimant que le projet d’A69 ne répondait pas à une RIIPM. 

Au Sénat, la proposition de loi a fait l’objet d’une large adoption en séance publique, assortie d’une précaution rédactionnelle visant à garantir le respect des décisions passées en force de chose jugée, conformément à la jurisprudence constitutionnelle. Le texte adopté par le Sénat a ensuite été rejeté par l’Assemblée nationale le 2 juin dernier, en raison de l’adoption à l’unanimité d’une motion de rejet préalable, qui a conduit à la convocation de cette commission mixte paritaire.

Depuis l’examen de ce texte par le Sénat, le contexte a quelque peu évolué, car le juge administratif a prononcé le sursis à exécution des jugements rendus le 27 février autorisant, de fait, la reprise du chantier. La procédure d’appel demeure toutefois pendante et le juge statuera au fond dans les prochains mois.

Cette proposition de loi demeure donc opportune pour sécuriser juridiquement la finalisation de ce chantier structurant pour le sud du Tarn, qui bénéficie d’un large soutien de la part des acteurs politiques et socio‑économiques du territoire et qui répond à des attentes anciennes et constantes de sa population et de ses élus.

L’Assemblée nationale n’ayant pas adopté de texte, l’article unique de la proposition de loi demeure en discussion et il nous faut nous entendre sur sa rédaction.

M. Nicolas Bonnet, député, viceprésident. – Mes chers collègues, avant toute chose, je tiens à saluer le travail de Christine Arrighi sur ce texte ; elle ne peut être présente aujourd’hui et vous prie de l’en excuser. Je remercie également la présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, qui a bien voulu m’accorder sa confiance pour être vice‑président de cette commission mixte paritaire.

Je souhaite faire quelques rappels sur le texte qui nous réunit.

Le projet d’autoroute A69 a été qualifié d’anachronique par l’autorité environnementale ; il est en totale contradiction avec les exigences climatiques, environnementales, sociales et démocratiques de notre temps. Il nous paraît donc légitime de discuter de ce projet, car son intérêt national est loin d’être évident.

D’ailleurs, le tribunal administratif de Toulouse a décidé, le 27 février dernier, d’annuler l’autorisation environnementale, faute de raison impérative d’intérêt public majeur : « les bénéfices d’ordre social que le projet litigieux est susceptible d’apporter, lesquels sont somme toute limités, ne sauraient caractériser une raison impérative d’intérêt public majeur. » À la suite de cette décision, l’État a fait appel – c’est son droit – et a obtenu, le 28 mai dernier, de la cour administrative d’appel l’autorisation de reprendre les travaux.

Nous aurions pu en rester là, d’autant que la décision en appel est attendue pour novembre prochain, mais, au lieu de laisser la justice faire son travail, certains collègues ont décidé d’accélérer les choses, en déposant cette proposition de loi, au mépris, à mes yeux, de la séparation des pouvoirs. En effet, selon moi, les décisions de justice doivent être prises au regard des lois en vigueur au moment où un projet est lancé.

J’en viens au fond. On nous propose de valider un acte administratif par la loi. Il s’agit d’un usage courant, mais limité à des circonstances précises, notamment lorsqu’il s’agit de corriger des erreurs commises par l’administration, par exemple lors d’un concours de la fonction publique. En revanche, je n’ai trouvé aucun précédent pour un projet de cette ampleur, aucune trace d’un tel forçage législatif visant à valider, par une loi d’exception, un projet reconnu par la justice comme ne respectant pas les conditions requises. Cette interférence du politique dans le travail de la justice est perçue comme un déni de démocratie par de nombreux citoyens. Il s’agit en outre d’une nouvelle attaque contre le droit de l’environnement ; au lieu de s’attaquer frontalement au droit de l’environnement, en assumant des positions qui risqueraient de déplaire, on préfère multiplier les exceptions à la règle générale, qui vident ce droit de sa substance.

Sur la forme, je rappelle que le débat à l’Assemblée nationale n’a pas pu se tenir dans de bonnes conditions. En effet, en commission, la discussion de la proposition de loi a été raccourcie par l’adoption d’un amendement de réécriture globale rendant sans objet tous les autres amendements ; et, en séance, les députés soutenant cette proposition de loi ont adopté une motion de rejet, ce vote insincère ne visant qu’à empêcher le débat de se tenir.

Je vous appelle donc encore une fois, messieurs les sénateurs, mes chers collègues, à la raison, afin, d’une part, de permettre au débat démocratique d’avoir lieu sur ce projet et, d’autre part, de laisser la justice faire son travail, en rejetant cette proposition de loi.

M. Franck Dhersin, rapporteur pour le Sénat. – Le ton ne sera pas le même, vous vous en doutez, mon cher Nicolas…

Nous voilà arrivés à un moment charnière de l’examen de ce texte, à l’issue de son adoption par le Sénat, puis de son rejet, dans des conditions néanmoins très particulières, c’est vrai, par l’Assemblée nationale.

Comme l’a rappelé le président dans son propos introductif, ce texte a suscité un large soutien au sein de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, qui m’a fait l’honneur de me nommer rapporteur, et pour cause : il vise à répondre à une situation inédite et particulièrement dommageable, résultant de l’annulation du fondement juridique du vaste chantier de l’A69, à quelques mois seulement de son achèvement, alors que de considérables moyens financiers, humains et techniques avaient déjà été engagés.

La construction de l’A69 constitue un véritable projet de territoire pour le sud du Tarn : depuis sa genèse, au cours des années 1990, il a été soutenu par les gouvernements successifs, de droite comme de gauche – avec, dans ces derniers, des ministres écologistes –, et il fait incontestablement l’objet d’un large consensus parmi les élus locaux. Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler au cours des travaux du Sénat, s’il n’existe pas de lien mécanique de causalité entre la création d’une infrastructure de transport et le développement économique subséquent d’un territoire, en revanche, la relation réciproque est certaine : un territoire ne saurait se développer ni même conserver sa population et son tissu économique sans infrastructures de mobilités permettant une bonne desserte des grandes métropoles avoisinantes.

Or le bassin de Castres‑Mazamet pâtit à cet égard d’un très net désavantage par rapport aux agglomérations similaires de la région toulousaine, qui sont reliées à Toulouse par une autoroute, comme Montauban, Albi et Gaillac‑Graulhet. Il en résulte une moindre attractivité démographique et économique du sud du Tarn qui ne peut que menacer le développement de ce territoire, d’autant que sa population est vieillissante.

À ces difficultés liées à l’enclavement de Castres‑Mazamet s’ajoutent des problèmes de sécurité routière : entre 2010 et 2020, 11 personnes ont trouvé la mort sur la route nationale RN 126, reliant Castres à Toulouse, et 120 autres ont été blessées, dont 65 avec hospitalisation. Entre 2021 et octobre 2024, soit en moins de quatre ans, 6 décès ont été comptabilisés. Or, les statistiques le démontrent, le réseau autoroutier présente une très faible accidentologie en comparaison du réseau routier hors agglomération.

En définitive, les habitants de Castres‑Mazamet voient dans l’A69 une opportunité pour redynamiser un territoire, mais aussi l’assurance de pouvoir enfin se rendre à Toulouse de manière fiable, rapide et dans des conditions de sécurité satisfaisante. Si l’on a un infarctus à l’autre bout du territoire, on met quarante‑cinq minutes pour arriver au centre hospitalier universitaire de Toulouse…

L’ensemble de ces éléments avaient d’ailleurs conduit les pouvoirs publics à reconnaître l’intérêt général de ce projet à plusieurs reprises, notamment au travers de sa déclaration d’utilité publique. Certes, les notions d’intérêt général, d’utilité publique et de RIIPM ne sont pas identiques, mais le revirement, pour ne pas dire la contradiction, qu’avait constitué la décision du tribunal administratif de Toulouse de février dernier par rapport aux multiples contentieux l’ayant précédé – qui avaient tous conduit à valider le projet – en ont surpris plus d’un. Rappelons, par exemple, que le juge des référés avait à plusieurs reprises refusé de suspendre les autorisations environnementales du projet de l’A69, estimant que la légalité de celles‑ci ne faisait l’objet d’« aucun doute sérieux ». Quatorze juges auraient donc eu tort et un seul aurait raison... ?

Reste que l’absence dans la loi et dans la jurisprudence d’une définition précise des critères de la RIIPM, qui est une notion issue du droit européen, laissait, de fait, une marge d’appréciation très large au juge. Aussi, les législateurs que nous sommes étions fondés à analyser, via cette proposition de loi, les critères de la RIIPM dans ce cas d’espèce, d’autant qu’il nous revient, aux termes de la Charte de l’environnement, de concilier la protection de l’environnement, qui nous importe à tous, et le développement économique, qui ne me semble pas importer à tous…

En tout état de cause, je me réjouis de l’adoption récente, dans le cadre de l’examen en première lecture du projet de loi de simplification de la vie économique, d’un amendement visant à permettre la reconnaissance de la RIIPM plus tôt dans la vie des projets, au stade de la déclaration d’utilité publique. Cette évolution permettra, à tout le moins, de réduire les risques que des annulations contentieuses surviennent alors que les travaux sont déjà engagés. Il serait opportun que le législateur poursuive le travail ainsi entamé et qu’il encadre mieux les critères de la RIIPM dans la loi, afin de réduire à l’avenir de telles divergences d’interprétation entre l’administration et le juge.

Par‑delà les conséquences dramatiques qu’il a engendrées en seulement quelques mois, peut‑être l’arrêt du chantier de l’A69 permettra‑t‑il de mettre en lumière et combler une lacune de notre législation, au profit de la sécurité juridique des projets d’infrastructures dans notre pays…

Je remercie les auteurs de ce texte, Philippe Folliot et Marie‑Lise Housseau, ainsi que Jean Terlier, rapporteur pour l’Assemblée nationale, pour les échanges fructueux que nous avons eus tout au long de son examen. Jean Terlier et moi‑même sommes parfaitement en accord et nous vous proposerons tout à l’heure d’adopter l’article unique de cette proposition de loi dans sa rédaction issue des travaux du Sénat.

M. Jean Terlier, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Je partage toutes les positions exprimées par Franck Dhersin.

Je remercie les auteurs de cette proposition de loi, les deux sénateurs du Tarn, Philippe Folliot et Marie‑Lise Housseau, ainsi que mon collègue Philippe Bonnecarrère. Nous avions pris cette initiative tous les quatre et c’est le Sénat qui a examiné en premier ce texte, adopté très largement. Puis, la proposition de loi est arrivée rapidement à l’Assemblée nationale, où elle a fait l’objet, monsieur le vice‑président, d’un débat nourri au sein de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à l’issue duquel elle a bénéficié d’un vote très large.

Pour ce qui concerne la discussion en séance publique, il s’est trouvé que plus de 700 amendements avaient été déposés, dont plus de 500 portant article additionnel, sachant que le temps d’examen était contraint, puisqu’il s’inscrivait dans le cadre de la niche parlementaire de mon groupe Ensemble pour la République ; nous devions donc examiner ce texte entre seize heures et minuit, ce qui était impossible. J’avais indiqué, quelques jours plus tôt et lors de mon intervention en discussion générale, qu’il était anormal que deux groupes – le groupe Écologiste et social et le groupe La France insoumise – confisquent le débat et empêchent le vote. Je leur ai proposé de retirer leurs amendements, ce qu’ils ont refusé. Par conséquent, j’ai demandé à ceux qui soutenaient ce texte, dans l’intérêt des habitants du sud du Tarn, de voter la motion de rejet déposée par le groupe LFI. Cette motion a été adoptée très largement, ce qui nous permet d’avoir aujourd’hui un vote serein.

Ce chantier de l’autoroute n’est pas une coquetterie. Il ne s’agit pas de desservir une station de ski ou des stations balnéaires ; il s’agit de permettre aux gens qui y vivent de se déplacer, d’aller travailler, afin de désenclaver ce territoire rural. Ce choix de désenclavement a été fait voilà trente ans par la population du sud du Tarn, qui soutient massivement le projet – 75 % des habitants du sud du Tarn y sont favorables –, et par l’ensemble des élus locaux, qui ont la légitimité de déterminer ce qui est d’intérêt public pour leur territoire, de la socialiste Carole Delga, présidente du conseil régional, à Christophe Ramond, président du conseil départemental, de Pascal Bugis, maire de droite de Castres, à moi‑même, élu député à trois reprises en soutenant ce projet. Telle est la légitimité des élus qui poussent au désenclavement de ce territoire. En outre, ce projet a été validé par la loi, puisque la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM) l’a déclaré d’intérêt public national.

Je tiens également à rendre à cet égard hommage à Jean Castex, qui, lorsqu’il a dévoilé le nom du concessionnaire, a indiqué qu’il s’agissait de réparer ainsi une injustice territoriale. C’est aussi le sentiment des élus ruraux, qui se sentent parfois déclassés, stigmatisés, quand des élus de territoires bénéficiant d’infrastructures denses viennent leur expliquer comment ils doivent vivre et se déplacer. Ce choix a donc été fait par les élus, les forces vives de ce territoire et les habitants de ce territoire.

L’arrêt du 5 mars 2021 du Conseil d’État a déclaré d’utilité publique la réalisation de cette autoroute, puis a commencé la procédure classique des autorisations environnementales. Le projet a fait l’objet de nombreuses contestations contentieuses, qui avaient systématiquement été rejetées par le juge – jusqu’aujourd’hui. C’est alors que la décision du tribunal administratif de Toulouse est intervenue, tel un coup de massue. Le Gouvernement a fait appel de cette décision et a demandé le sursis à exécution du jugement, pour permettre la poursuite des travaux. Nous, parlementaires du Tarn, avons également pris nos responsabilités, en déposant cette proposition de loi de validation, non pas pour agir en lieu et place de la justice, mais en restant à la place qui est la nôtre, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, dont la jurisprudence, depuis 1980, fixe les conditions de validité des lois de validation.

Ainsi, d’après cette jurisprudence, les lois de validation doivent respecter deux grands critères. D’une part, il faut respecter les décisions de justice ayant force de chose jugée ; c’est le cas ici, puisque la décision du tribunal administratif de Toulouse a fait l’objet d’un appel. D’autre part, il convient d’avoir un motif impérieux d’intérêt général ; or ce motif existe bien en l’espèce : gain de temps, sécurisation du trajet, déprise démographique, sécurité routière, sans parler des conséquences financières du chantier, qui est avancé à 70 %, avec plus de 300 millions d’euros publics et privés engagés. Le coût d’une démolition s’élèverait à 500 millions d’euros !

Enfin, mes chers collègues écologistes, les dégâts sur l’environnement sont aujourd’hui déjà causés ; nous devons donc achever ce chantier pour que le concessionnaire puisse mettre en œuvre, sous le contrôle de l’État, les compensations environnementales et agricoles qui s’imposent à lui.

Pour toutes ces raisons, le motif impérieux d’intérêt général ne faisant aucun doute, nous souhaitons adopter ce texte. Mon homologue rapporteur Franck Dhersin et moi‑même nous sommes mis d’accord pour adopter la version sénatoriale de l’article unique de cette proposition de loi de validation. J’avais d’ailleurs déposé à l’Assemblée nationale un amendement tendant à rétablir cette rédaction.

Je remercie en conclusion tous ceux qui soutiennent ce chantier, au profit des habitants du sud du Tarn, qui ne demandent que le désenclavement de leur territoire.

M. Philippe Folliot, sénateur, auteur de la proposition de loi. – Cette commission mixte est cruciale pour notre territoire.

J’ai été élu quatre fois député entre 2002 et 2020 et, chaque fois, j’ai mis en avant la nécessité du désenclavement du sud du Tarn ; puis, en 2020, lorsque j’ai été élu sénateur, c’est aussi sur ce fondement que les grands électeurs du département m’ont fait confiance. Voilà pourquoi ma collègue Marie‑Lise Housseau et moi‑même avons, en accord avec nos collègues députés Jean Terlier et Philippe Bonnecarrère, déposé cette proposition de loi.

J’adhère pleinement aux propos des deux rapporteurs, dont je salue le travail. Je tiens à insister sur les conséquences de l’arrêt de ce chantier et sur la colère sourde de la population de ce territoire par rapport à la situation actuelle. Nous avons entendu cette colère, nous avons pris nos responsabilités comme parlementaires, afin de sortir de cette situation ubuesque, dont les conséquences pour les finances publiques sont délétères.

Je veux souligner également le caractère quasi unanime du soutien des élus de ce département à ce projet : unanimité du conseil départemental, majorité et opposition réunies, quatre parlementaires sur cinq, majorité du conseil régional, quasi‑unanimité des deux intercommunalités concernées – Castres‑Mazamet et Sor et Agout –, unanimité de tous les présidents d’intercommunalités du département, quasi‑unanimité des maires du département, sans parler des 500 élus locaux qui ont signé une tribune en faveur de ce chantier en décembre dernier. Vous parliez d’un déni de démocratie, monsieur le vice‑président, mais le déni de démocratie eût consisté à ne pas écouter la parole de ces élus locaux, lesquels représentent la position de la très grande majorité des habitants et des acteurs économiques de ce territoire. De même, sachez que cette proposition de loi a été adoptée au Sénat par 252 voix pour et 33 contre ; le déni de démocratie eût donc été de ne pas en tenir compte.

Du reste, le débat démocratique va bien se poursuivre, si cette commission mixte aboutit à un accord, au travers du vote de ses conclusions dans chaque chambre. Ainsi, la représentation parlementaire pourra se prononcer dans sa diversité.

Par ailleurs, nous entendons jouer notre rôle de parlementaires dans le plus grand respect de notre cadre démocratique. Dans l’exposé des motifs du texte, nous indiquons que cette proposition de loi respecte bien la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de validation législative. En effet, elle respecte les décisions de justice ayant force de chose jugée, l’appel devant la cour administrative d’appel étant pendant ; elle n’intervient pas en matière répressive, de sorte que le critère du respect du principe de non‑rétroactivité des peines et des sanctions n’est pas applicable ; elle ne méconnaît aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle ; la portée de la validation est strictement définie, puisqu’elle concerne seulement la légalité de deux autorisations au regard d’une seule des conditions posées par un article précis du code de l’environnement, ce qui exclut les autres conditions de fond ou de forme qui s’imposent à ces autorisations environnementales ; enfin, ce texte s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence la plus récente du Conseil constitutionnel – la décision du 5 mars 2024 – en matière de raison impérative d’intérêt public majeur, à savoir la réduction de l’incertitude juridique pesant sur un projet précis d’importance majeure.

Ainsi, la validation ayant une portée strictement définie, elle n’affecte pas l’obligation pour l’autorité administrative de s’assurer, sous le contrôle du juge, que les autres conditions de délivrance de l’autorisation environnementale sont réunies.

Pour toutes ces raisons, nous espérons que la commission mixte paritaire adoptera ce texte.

Mme Anne StambachTerrenoir, députée. – Je veux rappeler le contexte particulier dans lequel nous nous retrouvons : celui d’une proposition de loi rejetée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Cela pose la question de la légitimité de nos débats. Nous nous retrouvons à débattre à huis clos, en commission mixte paritaire, d’un texte rejeté par l’Assemblée nationale, afin de trouver un accord sur une version que l’on imposera à tout le monde.

Le rapporteur de l’Assemblée nationale justifie le vote de la motion de rejet comme il le veut, mais l’argument des 700 amendements est faux. En effet, un très grand nombre d’amendements avaient été déclarés irrecevables. Il n’en restait que 150 à discuter, ce qui était tout à fait possible. Nous aurions ainsi eu un débat digne de ce nom, mais une partie des promoteurs de cette proposition de loi a décidé de nous en empêcher. Cela pose une vraie question quant au fonctionnement démocratique de notre pays et à la façon dont on considère l’organisation de nos débats, puisque l’on tente d’écraser l’Assemblée nationale pour revenir à la proposition de loi dans la rédaction telle qu’adoptée par le Sénat.

La sincérité des débats est mise à mal. Je rappelle que notre motion de rejet, adoptée par l’Assemblée nationale, soulignait que le projet d’autoroute A69 n’est plus soutenable, qu’il a été pensé il y a trente ans, et qu’il a été annulé par le tribunal administratif de Toulouse pour cette raison.

Cette proposition de loi contrevient à la séparation des pouvoirs, principe qui devrait pourtant tous nous rassembler. Je voudrais que chacun mesure, au‑delà même du débat de fond sur l’A69, ce que nous risquons de faire : passer outre une décision de justice alors que le processus est en cours, puisque la cour administrative d’appel a dit qu’elle rendrait sa décision en novembre. Comme le soulignait le vice‑président, il ne s’agit pas du tout de rectifier une erreur administrative. Il s’agit au contraire de passer en force. Une partie du pouvoir législatif se propose de s’associer au pouvoir exécutif pour passer outre le pouvoir judiciaire, autrement dit contrevenir à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui garantit la séparation des pouvoirs.

Si l’on se retrouve avec les difficultés actuelles, que je ne nie pas, liées à un chantier arrêté, c’est à cause de l’État qui a choisi de démarrer les travaux sans attendre le jugement sur le fond, c’est‑à‑dire sur l’autorisation environnementale, sachant que la décision risquait fort d’être à son désavantage – ce qui s’est bien produit – puisque les autorités indépendantes qui s’étaient prononcées telles que l’autorité environnementale et le Conseil national de la protection de la nature avaient bien indiqué qu’il n’y avait pas de raison impérative d’intérêt public majeur à ce projet et qu’il était anachronique. Tous les signaux étaient au rouge et l’État est passé en force. Si vous décidez encore aujourd’hui de passer en force, nous nierons une décision de justice basée sur notre droit environnemental, qui vise à protéger l’environnement, mais aussi la population, face au changement climatique et à l’effondrement de la biodiversité en cours.

Il y a seulement quelques jours, les scientifiques, dans leur ensemble, nous ont annoncé que l’objectif de l’accord de Paris de ne pas dépasser 1,5°C de réchauffement était désormais inatteignable. On s’avance vers des effets de bascule que personne ne mesure. Les scientifiques eux‑mêmes ne sont pas capables de prédire à quel point les chamboulements seront énormes. Il y a urgence à penser l’aménagement de notre territoire, le fonctionnement de notre société et notre activité économique à l’aune de cette réalité. Défendre un projet pensé il y a trente ans me paraît parfaitement irresponsable et incompréhensible pour l’ensemble de nos concitoyens, que nous devons protéger.

Contrairement à ce qui a été dit, ces travaux, qui détruisent des zones humides particulièrement précieuses, ne sont pas du tout finis – la moitié des travaux a été réalisée. Certes, des dégâts ont été commis, et les travaux sont si mal faits que quinze arrêtés préfectoraux ont mis en demeure Atosca pour non‑conformité au droit de l’environnement, mais de nombreux dégâts n’ont pas été commis. Le béton n’a pas encore été coulé. Il est encore possible de renaturer et de repenser un autre aménagement du territoire. L’urgence écologique devrait nous dicter cette priorité.

Enfin, il n’y a pas de lien avéré entre le développement économique d’un territoire et l’arrivée d’une autoroute, tout le monde le sait. Vous n’allez pas désenclaver le territoire comme vous le prétendez. À l’inverse, comme les économistes des transports et les urbanistes l’expliquent très bien, le risque est que l’activité économique soit attirée par le plus gros pôle, soit par Toulouse. Si vous persistez, vous engendrerez une désertification de l’activité économique qui se déplacera vers Toulouse, au détriment de la population du Tarn que vous prétendez défendre.

Si vous passez outre et validez cette proposition de loi, nous créerons un précédent en écrasant une décision judiciaire. Nous sommes là dans une dérive autoritaire de notre République, et c’est ainsi que la population le comprendra. J’invite moi aussi à la sagesse : ne dévoyons pas notre rôle de parlementaires, ne bafouons pas la séparation des pouvoirs, principe fondamental de notre République.

Il est de notre responsabilité de laisser la justice faire son travail et de rejeter ce texte.

M. Romain Eskenazi, député. – Je ne parlerai pas de développement économique ni de zone humide, car je considère qu’en tant que parlementaire, je n’ai pas à juger de l’opportunité du projet. J’ai du respect pour les élus locaux qui ont initié le projet, mais aussi pour les juges et leur indépendance. Je considère, en tant que parlementaire, que l’on ne peut pas changer les règles du jeu entre la première instance et l’appel, d’autant que la cour administrative d’appel a autorisé la reprise des travaux. Il ne me semble pas qu’il faille ouvrir un précédent en déclarant une raison impérative d’intérêt public majeur alors même que le dossier est sur le bureau des juges. Il ne nous appartient plus, à nous parlementaires, de juger de l’opportunité de réaliser ce projet.

Le Conseil constitutionnel est assez clair sur la rétroactivité des lois. Dans sa décision n° 99‑423 DC du 13 janvier 2000 (à propos de la loi relative à la réduction négociée du temps de travail), il impose deux conditions impératives : un objectif d’intérêt général impérieux, argumenté et démontré ; une portée clairement définie et proportionnée. Il ne me semble pas que ces deux critères soient parfaitement remplis dans cette proposition de loi, qui expose également la France à un risque de manquement constaté par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Je ne souhaite pas que nous créions un mécanisme de validation législatif dérogatoire. Demain, à l’Assemblée nationale, sera débattue une autre proposition de loi rétroactive, sur une autre décision de justice rendue en première instance et sur laquelle il a été interjeté appel, qui concerne Mme Le Pen. Nous en débattrons demain matin sur l’initiative du groupe UDR qui souhaite changer la règle du jeu entre la première instance et l’appel. Ce n’est pas respectueux de la séparation des pouvoirs.

Il y a un risque de généralisation de ce type d’initiatives. Après les normes environnementales, pourraient être remises en cause des normes sociales ou fiscales. Cela menacerait l’indépendance de la justice administrative et entraînerait un risque d’affaiblissement durable de la République, qui ne repose pas seulement sur la légitimité des élus locaux, mais également sur l’État de droit et donc la séparation des pouvoirs et la non‑rétroactivité de la loi.

Au nom du groupe socialiste, je m’opposerai à cette proposition de loi. Encore une fois, ce n’est pas une opposition de principe au projet de l’A69.

M. FrédéricPierre Vos, député. – Nous sommes réunis pour parler d’un dysfonctionnement de notre droit. Je suis avocat, spécialisé en droit public et j’ai suivi tout cela avec mon œil de parlementaire. Un décret d’utilité publique a été validé par le Conseil d’État. Le projet est donc justiciable devant le Conseil d’État. Je rappelle que le décret est la synthèse de l’autorisation donnée par le pouvoir exécutif, par le pouvoir réglementaire, et est le fruit d’un processus que nous avons adopté depuis une cinquantaine d’années pour valider des projets structurants comme une autoroute.

Au passage, l’enquête publique est elle‑même à l’origine de plusieurs débats entre opposants et tenants du projet. C’est l’enquête publique qui synthétise les oppositions. Le document à disposition du public inclut la fameuse étude d’impact. J’ai pratiqué ces documents pendant une quarantaine d’années. Je n’ai jamais vu un concessionnaire publier une étude d’impact qui aboutisse à un résultat négatif envers son projet. Jamais il ne paierait un bureau d’études pour un tel résultat. Cela étant dit, c’est l’état du droit.

Le Conseil d’État a rendu un arrêt qui consacre l’utilité publique donnée par le décret, en utilisant la fameuse technique du bilan coûts‑avantages de l’arrêt Ville Nouvelle‑Est de 1971. Normalement, tout aurait dû s’arrêter là.

Mais puisque nous sommes intelligents, nous avons inventé l’autorisation environnementale, qui est venue en wagon de queue. C’est cette autorisation, étudiée par le tribunal administratif de Toulouse, qui aboutit à l’annulation. Je n’entre pas dans les considérations relatives aux juges teintés d’écologie, car il faut partir du principe que tout le monde se bat à armes égales. Toutefois, on soumet à un juge d’un degré inférieur une question qui avait été donnée à un juge d’un degré supérieur. Ce second round aboutit à l’annulation du projet, puisque, précisément, l’autorisation environnementale n’est pas validée.

Lorsque l’on est légaliste, il faut se soumettre à la décision du juge. Néanmoins, dans un État ruiné, on ne peut pas accepter que les travaux déjà engagés se trouvent à la solde du contribuable. Bien évidemment, les concessionnaires envasés dans ce contentieux du seul fait de l’État, qui, par impéritie, a fait valider ce genre de mesures et décidé du démarrage des travaux, se tourneront vers les deniers publics pour réparer l’avanie subie.

Ce qui motive notre vote, essentiellement, c’est d’éviter le désastre financier.

J’entends le discours environnementaliste quand il est fondé, mais pour le coup, le concours de circonstances fait que l’on ne doit pas se poser de question. Il faut impérativement valider ce projet, dès lors que le Conseil d’État l’a validé.

On a un vrai problème juridique dans ce pays. Il faut impérativement revoir beaucoup de nos procédures liées à l’urbanisme, aux grands projets ou en matière d’expropriation. Je suis partisan d’un système à l’anglaise qui dévie le curseur au niveau de l’enquête publique. C’est à ce moment‑là que le juge doit être saisi. Si de véritables points de droit doivent être soulevés, ils peuvent ainsi l’être très rapidement devant le juge, puis évacués. Cela évite les processus qui n’en finissent pas, parce que le législateur ou l’Union européenne ajoutent des normes. On a ici une synthèse du mal français.

Nous, législateurs, avons été élus pour simplifier la vie des Français et non pour la leur pourrir. Si nous faisons de telles choses, nous serons critiqués, car critiquables.

Déni de démocratie, déni de justice ? En tant qu’avocat, je tiens déjà à rappeler que le déni de justice, c’est quand un juge ne se prononce pas. Et quand on est capable d’occuper des terrains avec des zones à défendre (ZAD) pour empêcher la construction d’un aéroport qui a été approuvé, franchement, il faut se taire. C’est inaudible.

Je connais très bien le problème de Notre‑Dame‑des‑Landes. Il y a des situations épouvantables : des gens ont été expropriés, leurs terrains sont occupés, ils ne sont pas indemnisés et on est en train de vendre leurs parcelles aux occupants. C’est ahurissant. Je rappelle que la propriété est un droit absolu et sacré, inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et dans le code civil. Que l’on soit capable de dévoyer l’un des principes les plus fondamentaux de la civilisation pour faire plaisir à un électorat me met véritablement en colère ! Il n’y a ni déni de démocratie ni déni de justice. Je suis persuadé que la cour administrative d’appel de Toulouse rendra une décision favorable au projet.

Compte tenu des enjeux, il faut être solidaire. Mais travaillons main dans la main pour réformer le droit de telle manière que le droit de l’écologie soit entendu au bon niveau et au bon moment, et non après coup. Quand c’est trop tard, c’est trop tard.

M. Hervé Gillé, sénateur. – On ne réforme pas le droit en le contournant. C’est un principe absolument impératif. Le débat de ce jour ne porte pas sur l’opportunité de l’A69, mais bien sur le respect de l’État de droit, sur la place du juge et sur les limites constitutionnelles de notre pouvoir législatif. Deux arrêtés ont été suspendus par le tribunal administratif au motif que le projet ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt public majeur. C’est le fond du sujet. Cette raison impérative est relativement mal définie. C’est le juge, quand il est saisi, qui en analyse le périmètre réel. Là réside une difficulté. Il nous faudrait corriger le droit pour le rendre bien plus précis sur cette question. Mais ce n’est pas en le contournant qu’on peut le faire.

La cour d’appel a autorisé la reprise des travaux en attendant le jugement sur le fond du dossier, en fin d’année. Dès lors, quel est l’intérêt de cette proposition de loi ? La poursuite des travaux a été autorisée : les pétitionnaires sont satisfaits. Et pourtant, cette proposition de loi est maintenue, alors qu’un jugement sur le fond sera rendu dans quelques mois. Pourquoi ? Pour imposer quand même le projet si la décision est défavorable sur le fond. C’est un double contournement du droit qui pose un problème majeur.

Je prends acte de la décision de la cour d’appel. Laissons le processus se dérouler normalement et attendons la décision définitive dans quelques mois. Quant aux travaux, ils se poursuivent.

Le parcours de cette proposition de loi à l’Assemblée nationale est plus que douteux. Comment le citoyen ordinaire perçoit‑il la situation ? N’avez‑vous pas le sentiment d’un flou politique général ? Et voilà que l’on y ajoute un contournement systématique du débat parlementaire, notamment à l’Assemblée nationale, avec des conditions d’examen de cette proposition de loi particulièrement déplorables. Quelle image donne‑t‑on au citoyen ordinaire, par des procédures de ce type ? Croyez‑vous que l’on regagne sa confiance ainsi ? Les postures politiciennes se comprennent. Chacun peut avoir son paradigme et son intérêt. Mais quand on en est à des contournements multiples du droit, cela pose réellement question.

Sur le fond, on n’a pas clarifié la raison impérative d’intérêt public majeur. Il nous faudra le faire.

Notre groupe votera contre cette proposition de loi.

Mme Karen Erodi, députée. – Je vous parlerai de mon beau département du Tarn pour vous laisser juges de la raison impérative d’intérêt public majeur. On entend des chiffres erronés répétés à l’envi par les mêmes réseaux et les mêmes journaux.

Quand M. Folliot dit que 500 élus du Tarn sont pour ce projet, cela ne représente que 12 % des élus du département. Quand il dit que 900 entreprises ont signé une pétition, cela signifie que seulement 1 % des entreprises sont pour. Deux municipalités directement affectées s’y opposent clairement et 90 % des 6 200 réponses à l’enquête publique sont contre.

Les partisans de cette autoroute disent que 75 % des Tarnais sont pour, mais ils s’appuient sur un sondage effectué par le concessionnaire lui‑même, sur un échantillon de 750 personnes proches de Castres et non sur l’ensemble du tracé de l’A69.

Pour moi, l’enquête publique est très importante.

Cette autoroute est prévue pour un trafic de 7 000 voitures par jour. Or pour qu’une autoroute soit rentable, il en faut au moins 20 000. Cette autoroute sera donc toujours déficitaire et les deniers publics renfloueront les caisses du concessionnaire.

À titre de comparaison, 15 000 voitures circulent chaque jour sur l’axe Albi‑Castres. Le président du conseil départemental, M. Ramond, a fait faire un réaménagement de cette route, et la circulation est fluide et sécurisée.

Dans le Tarn, l’autoroute A68 Toulouse‑Albi est gratuite. Or l’A69, sur l’axe Toulouse‑Castres, serait payante. Il y a là une iniquité flagrante entre les habitants d’Albi et ceux de Castres. Ce projet longe une voie ferrée et une route nationale, qui compte deux tronçons à deux fois deux voies où l’on peut rouler à 110 km/h. Ces deux tronçons, payés 75 millions d’euros avec de l’argent public, seront cédés au concessionnaire, privatisés et rendus payants. Les habitants des villages concernés par ces deux contournements qui ne pourront pas payer le péage devront faire des détours, ce qui allongera leur temps de circulation.

Je réfute totalement le discours sur le prétendu enclavement du sud du département. Le bassin Castres‑Mazamet dispose d’atouts indéniables et d’infrastructures solides qui assurent son dynamisme. Or ils ne sont jamais évoqués. Nous avons un aéroport et un centre hospitalier intercommunal récent, qui fonctionne très bien. Quand on nous dit que, en cas de crise cardiaque, il faut une autoroute pour aller à Toulouse, c’est faux. Nous ne sommes pas des gueux ; nous ne vivons pas dans une grotte.

Le Tarn compte des entreprises de renommée internationale comme les laboratoires Pierre Fabre, mais aussi l’entreprise Missegle, engagée publiquement contre l’autoroute A69, ainsi qu’un pôle universitaire dense proposant une offre de formation variée, en chimie, informatique ou encore multimédia, avec une école d’ingénieurs et une école de cinéma. Nos jeunes peuvent trouver leur voie. Nous avons aussi le Castres olympique, club de rugby évoluant au plus haut niveau, dans le Top 14. Nous sommes bien loin d’un territoire replié sur lui‑même. Le nier, c’est méconnaître les réalités locales de notre territoire, ses forces vives et les aspirations des habitants qui y vivent et y travaillent.

Le Sénat lui‑même ne considère pas Castres comme une zone enclavée, selon une proposition de loi déposée en 2019. Vous allez voter un texte qui va à l’encontre de ce que vous avez dit vous‑mêmes.

La natalité et l’augmentation de la population du Castrais sont plus élevées qu’à Albi et le chômage y est inférieur, alors qu’à Albi, l’autoroute est gratuite. La couverture médicale est supérieure à la moyenne nationale.

Les arguments de désenclavement sont totalement fallacieux. C’est de l’enfumage.

De nombreuses études montrent qu’une autoroute produit un effet centrifuge de métropolisation. Le long de l’A68, le coût des terrains a augmenté. Les locaux ne peuvent plus construire. Il y a beaucoup de villages‑dortoirs. Les maires me font savoir que les coûts d’assainissement et de réseaux sont chers et qu’ils n’ont aucune retombée économique. Les gens viennent dormir et retournent travailler à Toulouse. C’est ce qui va se passer sur l’A69. On ne créera pas d’emplois.

Tout ce que je dis est factuel. Je fais juste l’état des lieux, qui n’a pas été fait. Les médias, les journaux locaux et les autres partisans de l’A69 ne me donnent jamais la parole. Je suis ravie que cette CMP ait lieu malgré tout parce qu’au moins, j’ai pu exposer les réalités du Tarn, chiffrées, factuelles. Je ne « roule » pour personne, si ce n’est pour le citoyen, contre l’argent public gaspillé.

M. Philippe Folliot, sénateur. – Ce sont 200 000 euros par jour !

Mme Karen Erodi, députée. – Il ne fallait pas commencer !

Quand j’ai été élue, j’ai assisté à la première réunion où tous les élus tarnais étaient conviés. M. Folliot a interpellé le préfet sur l’A69 pour lui demander comment il ferait pour passer outre l’autorisation environnementale. Arrêtez de rire, monsieur Folliot.

M. JeanFrançois Longeot, sénateur, président. – Nous sommes en CMP. Ce n’est pas un débat entre vous et M. Folliot.

Mme Karen Erodi, députée. – Le préfet a répondu : « Je vais m’arranger. » Et il a signé l’autorisation de début des travaux à la hâte pour mettre tout le monde devant le fait accompli. Je rejoins M. Gillé quand il affirme que ce qui va être fait ici est problématique, car on va passer outre des décisions de justice.

Comme les défenseurs du projet ont peur que cette autoroute ne soit pas construite, ils passent par des manigances odieuses. Ils n’avaient que l’État de droit à la bouche quand il y avait des manifestations, et maintenant, ils s’assoient dessus ! L’abstention augmente à chaque élection. Mais avec ces manigances, vous faites la preuve que les élections ne servent à rien puisque l’on peut s’allier pour faire ce que l’on veut au détriment de l’intérêt général et de la préservation de nos biens communs.

M. JeanFrançois Longeot, sénateur, président. – Merci pour cette leçon de démocratie…

M. FrançoisXavier Ceccoli, député. – Je rejoins les propos de mon collègue. Entendre les cris d’orfraie de certains, quand on sait ce qui se passe, avec quelle ultraviolence, quand les décisions de justice ne leur sont pas favorables… C’est pour le moins croustillant d’entendre parler de déni de démocratie ou d’injustice. Je veux bien que la politique permette à chacun de s’exprimer comme dans un théâtre, mais il y a un minimum de sérieux à avoir. Nous n’avons pas de leçon à recevoir. Un peu de retenue ne ferait pas de mal.

C’est votre vision de l’écologie que vous nous opposez, mais pas celle des Français. C’est votre vision depuis Paris de ce qu’il faudrait imposer dans les territoires, mais ce n’est pas cela qui fonctionne.

Mme Karen Erodi, députée. – Je suis élue du Tarn…

M. FrançoisXavier Ceccoli, député. – … Ce qui fonctionne, c’est ce que les gens qui vivent à l’année décident. Ce n’est pas la dictature parisienne. Vous parlez de contournement des lois, mais ce n’est pas ce que les citoyens nous disent. Au contraire, ils en ont assez que le Conseil constitutionnel censure les lois votées par le Parlement. On est très loin de ce que certains colportent.

Le respect du peuple, cela commence par l’écouter. Notre collègue disait tout à l’heure que 90 % des réponses à l’enquête publique étaient opposées au projet, mais on sait très bien que l’immense majorité silencieuse respectueuse, qui est pour, ne va pas dans les mairies annoter les carnets. Ce sont ceux qui sont contre qui s’expriment ; parfois on les aide à s’organiser.

Vous dites que des manquements à ses obligations contractuelles ont été commis par le concessionnaire, qu’ont‑ils à voir avec la décision du juge administratif ? L’État n’a qu’à faire en sorte d’y remédier, quitte à ce que des pénalités soient prononcées. En quoi cela devrait‑il remettre en cause le redémarrage des travaux ?

Il faut être sérieux. Quand des milliers d’amendements sont déposés pour faire de l’obstruction…

Mme Anne StambachTerrenoir, députée. – Il y en avait 150 !

M. FrançoisXavier Ceccoli, député. – Quand chacun utilise les règlements de notre démocratie… Personne ne dit que c’est bien ou pas bien. Vous êtes en passe de perdre un combat parlementaire. Je comprends que cela ne vous convienne pas, mais c’est la République et la démocratie. Parfois on gagne, parfois on perd.

M. Nicolas Bonnet, député, viceprésident. – Franck Dhersin a dit que nous étions tous pour l’environnement, mais ce projet n’a rien à voir avec la protection de l’environnement. Moi qui pense être du côté de ceux qui protègent l’environnement, je vous invite à ne pas adopter cette proposition de loi.

Je ne vois pas comment M. Dhersin peut dire que nous sommes tous pour l’environnement, tout en ajoutant ensuite qu’on n’est pas tous pour le développement économique. Nous sommes tous pour le développement économique, mais peut‑être pas le même. Certains sont en faveur du développement économique du siècle précédent tandis que d’autres plaident pour un développement économique qui prenne en compte les réalités environnementales et climatiques, qui n’étaient pas les mêmes il y a quelques dizaines d’années et que plus personne ne nie aujourd’hui.

Certains mettent en avant le soutien local à ce projet d’autoroute, mais si l’on en discute, c’est bien parce que c’est un projet national et non local. C’est l’État qui y prend part. C’est lui qui compensera les éventuelles pertes. Qu’une partie des élus locaux le soutienne ne suffit pas à considérer que l’État doive obtempérer et valider ce projet. Concernant le soutien des habitants, si l’on s’appuie sur un sondage Ifop de 2023, 55 % étaient contre dans le Tarn et 63 % en Haute‑Garonne. À l’époque, plus de 80 % étaient en faveur d’un référendum, qui n’a pas été mis en place.

Je ne vois pas trop le rapport avec Notre‑Dame‑des‑Landes. En outre, on peut tout à fait être contre ce projet, que l’on ait été pour ou contre celui de Notre‑Dame‑des‑Landes ou pour ou contre la façon dont certaines résistances se sont organisées. Cet amalgame n’a pas sa place ici.

Quant au fait que cette autoroute répondrait à une déprise démographique, justement, ce qui vide les territoires, ce sont les liaisons rapides qui drainent la plus petite ville au profit de la plus grande ville. On peut continuer avec le même modèle de développement, qui nous conduit droit dans le mur, mais on ne peut pas arguer de termes comme « déprise démographique » sans les étayer, alors que les faits démontrent le contraire.

Monsieur Vos, vous avez dit que le droit de l’écologie devait être entendu au bon moment et au bon niveau. C’est ce que l’on doit faire, au moment et au niveau où il est défini, c’est‑à‑dire appliquer la loi telle qu’elle est aujourd’hui. Si vous avez des propositions de modification du droit de l’environnement, il faut les défendre, et on en discutera, mais on n’est pas là pour voter des lois d’exception. Il faut laisser la justice faire son travail.

Oui, ce projet est climaticide, car il va augmenter nos émissions de gaz à effet de serre. Ce n’est pas notre écologie, mais celle des scientifiques. Le Haut Conseil pour le climat (HCC), qui a une expertise scientifique sur l’écologie, dit clairement qu’il faut arrêter de construire des autoroutes. Aujourd’hui, il faut augmenter le report modal vers des modes décarbonés et diminuer la mobilité individuelle routière.

Si vous voulez continuer comme au siècle passé, c’est votre droit, mais ne donnez pas une définition de l’écologie qui n’existe pas. Vous dites que c’est ce que les gens veulent, mais sachez que ce n’est pas le cas de tous. Les citoyens n’en ont pas assez que le Conseil constitutionnel censure les lois parce que, précisément, il exerce son rôle. Si c’est votre projet que de supprimer le Conseil constitutionnel, défendez votre idée. Supprimons la Constitution, après tout, ce sera formidable ! Cela enrichira notre démocratie ! Le Conseil constitutionnel a un rôle important de stabilisation de notre démocratie. Il veille à ce que notre travail repose sur des fondements communs réfléchis et non travaillés dans l’immédiateté. Il est primordial que nous le respections. (M. FrançoisXavier Ceccoli proteste.)

M. JeanFrançois Longeot, sénateur, président. – Nous ne sommes pas là pour débattre individuellement.

M. FrédéricPierre Vos, député. – Le débat sur l’intérêt public majeur sera porté éventuellement devant le Conseil constitutionnel, que vous aurez le loisir de solliciter. Les voies de droit ne sont pas fermées. En CMP, nous sommes un rouage du pouvoir législatif. Ce pouvoir législatif a un juge, le Conseil constitutionnel. Vous ne trouverez pas plus légaliste que moi sur ce sujet, monsieur Bonnet.

Quant à la place de l’écologie et au débat sur le développement, je considère qu’il n’est pas envisageable de réduire la civilisation à néant et de revenir au Moyen Âge au motif que de soi‑disant scientifiques évoquent le réchauffement climatique, alors qu’il s’agit simplement de l’été.

M. JeanClaude Anglars, sénateur. – Sénateur de l’Aveyron, je tiens à rappeler à nos collègues députées de Carmaux et de Toulouse les bénéfices de l’autoroute A68, qui dessert Toulouse, Albi, Carmaux et Rodez : le désenclavement routier n’est pas un gros mot ! De la même manière, je rappelle les vertus de l’autoroute A75, qui a contribué au désenclavement de l’Aveyron.

J’ai soutenu nos collègues du Tarn dans ce dossier et j’ai l’impression d’avoir affaire à des députés « hors sol » : pensez aux territoires ruraux, qui doivent pouvoir bénéficier du désenclavement.

Mme Anne StambachTerrenoir, députée. – Je ne suis pas députée de Toulouse, mais députée de la deuxième circonscription de la Haute‑Garonne, qui s’étend jusqu’aux frontières du Tarn et à la commune de Castelmaurou, dont vous remarquerez, si vous lisez bien la proposition de loi, qu’elle est directement concernée par ce projet. Nous ne sommes donc pas « hors sol » et discutons avec l’ensemble des citoyens qui ont voté pour nous.

Je persiste à penser que ce projet aura l’effet exactement inverse en termes de désenclavement et qu’il vaudrait mieux développer le transport ferroviaire, mais je tiens surtout à souligner, monsieur le sénateur, que je connais le dossier, que je sais d’où je viens et que j’ai bien identifié les défauts majeurs de ce projet.

M. Vos évoquait la possibilité de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel en cas d’adoption de cette proposition de loi, mais telle n’est pas la question qui nous réunit aujourd’hui : il s’agit plutôt de savoir si nous sommes réellement prêts, en tant que parlementaires, à passer outre une décision de justice.

Comme l’a fort bien exposé notre collègue Hervé Gillé, il est bien question de passer au‑dessus d’une décision de justice pendante au mépris de la séparation des pouvoirs, avec l’idée de se prémunir contre une éventuelle validation, par la cour d’appel, de la décision du 27 février annulant l’autorisation des travaux. Cette démarche est absolument scandaleuse et totalement contraire à l’État de droit, au‑delà du débat sur l’autoroute : prenons garde au signal que nous nous apprêtons à envoyer en termes de respect du droit et du fonctionnement de notre République tel qu’ils sont prévus dans notre Constitution.

Mme Karen Erodi, députée. – L’autoroute reliant Toulouse à Rodez est certes fantastique, mais bien parce qu’elle est gratuite et parce qu’elle ne se termine pas en cul‑de‑sac : à l’inverse, l’A69 est appelée à se terminer à Castres et à être la plus chère de France, avec un aller‑retour qui coûtera entre 17 euros et 20 euros !

Or les salariés et les artisans qui se lèvent tôt ne peuvent pas dépenser 300 euros par mois pour aller travailler, car ils ne touchent pas les mêmes rémunérations que vous. J’ajoute que le tarif est plus élevé pour les camions et que les chauffeurs de certaines carrières du Tarn ont pour consigne de ne pas prendre l’autoroute, ce qui a des répercussions catastrophiques sur la voirie du département, avec des coûts supplémentaires pour les collectivités.

Ce projet d’autoroute a donc un aspect social scandaleux dans la mesure où les travailleurs ne pourront pas payer ce péage et devront subir des allongements de leur temps de trajet. Enfin, l’A69 rejoindrait l’A68, déjà fort embouteillée aux heures de pointe. Au final, ce projet ne débouchera sur aucun progrès.

M. Olivier Jacquin, sénateur. – Les arguments développés par Hervé Gillé au sujet de l’État de droit sont excellents. Surtout, je constate avec plaisir qu’une députée du Tarn a développé des arguments différents par rapport à ce projet, qui était censé faire l’objet d’une quasi‑unanimité.

M. Philippe Folliot, sénateur. – Les successions de contre‑vérités ne font pas une vérité. Près de 550 élus ont signé une pétition en faveur de l’autoroute, tandis que seule une élue, Mme Erodi, s’y est opposée : voilà le véritable équilibre ! Je précise d’ailleurs que tous les élus socialistes du département y sont favorables.

Monsieur Gillé, ce texte ne contourne pas le droit, mais vient au contraire le préciser. Je vous suggère d’ailleurs de discuter avec votre collègue Germinal Peiro, président du conseil départemental de Dordogne, qui affronte une situation comparable en termes d’enclavement : il saura vous éclairer.

Je vis dans un petit village de 600 habitants, au cœur de la montagne tarnaise : il est hors de question que l’on nous donne des leçons et que l’on nous explique que tel ou tel aménagement n’est pas bon pour nous, en nous considérant comme des ruraux, des paysans, voire des gueux, car c’est insupportable !

M. JeanFrançois Longeot, sénateur, président. – Je vous invite à conserver votre calme, mon cher collègue.

M. Philippe Folliot, sénateur. – J’ai récemment pris le train pour aller de Toulouse à Mazamet, ce qui m’a pris une heure et quarante‑cinq minutes et m’a coûté 20,40 euros : quand vous dites que le train peut se substituer à l’autoroute, vous êtes totalement « hors‑sol » !

M. JeanFrançois Longeot, sénateur, président. – Nous n’allons pas rééditer le débat sur les différents modes de transport.

M. JeanPierre Grand, sénateur. – Depuis un demi‑siècle, tous les projets de contournement et d’autoroutes donnent lieu aux mêmes débats et aux mêmes arguments, et je compte d’ailleurs déposer une proposition de loi concernant les enquêtes publiques, car nous n’en pouvons plus !

Ces projets prennent systématiquement du retard en raison de l’opposition des insoumis et des écologistes, qui contestent d’ailleurs toute construction – même s’il s’agit d’une clinique ou d’une ligne de bus – uniquement parce qu’ils souhaitent conserver quatre hectares pour y planter des carottes et des navets ! Croyez‑vous vraiment que l’on puisse continuer à gérer la France ainsi ? Non, et il va falloir que le Parlement se penche sur une série de sujets, ce qui implique un changement de majorité rapide au sein de l’Assemblée nationale.

M. Jean Terlier, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Je comprends la saine colère de Philippe Folliot, car l’A69 va permettre de structurer un territoire et un bassin d’emploi pour des décennies. Il convient de rappeler qu’un territoire tel que Toulouse consomme chaque année l’équivalent de ce projet d’autoroute en terres agricoles, et il me semble étrange de refuser au Tarn cette consommation de foncier : balayez devant votre porte et faites en sorte de consommer moins d’espaces.

S’agissant de la déprise démographique évoquée par le vice‑président, je vous invite à venir dans le Tarn pour rencontrer les gens qui vous expliqueront tout le bien qu’ils pensent de l’autoroute. Situés à environ soixante‑dix kilomètres de Toulouse, le nord et le sud du Tarn ont connu un développement bien différent en l’espace de vingt ans : le premier a vu sa population augmenter de 15 % à 20 %, tandis que le second a perdu 4 % de ses habitants. Je veux donc bien que l’on m’explique que la réalisation de ce type d’infrastructures n’a aucune incidence sur le développement démographique, mais tel n’est pas le cas dans notre territoire.

Le débat mené à l’Assemblée nationale, quant à lui, a été baroque, car il a été confisqué par les opposants à l’A69, qui avaient très largement perdu dès l’étape de l’examen en commission et qui avaient décidé de ne pas aller au vote. Je n’avais donc pas d’autre choix que d’appeler à voter la motion de rejet de LFI.

Réécoutez les débats correspondants : à l’exception des orateurs des écologistes et des insoumis, tous ceux qui ont voté cette motion ont expliqué qu’ils étaient favorables à ce projet d’autoroute, d’où le choix de ce cheminement législatif. Une fois encore, la confiscation du vote par ces deux groupes a empêché le débat à l’Assemblée nationale, et croyez bien que j’aurais préféré qu’il aille jusqu’à son terme.

Quant à la remise en cause de l’État de droit que constituerait l’adoption de cette loi de validation, je rappelle que le Conseil constitutionnel a fixé cinq conditions, dans le cadre de sa jurisprudence depuis 1980. L’une d’entre elles, qui suscite votre émoi, tient au respect des décisions de justice ayant force de chose jugée : le Conseil constitutionnel n’a pas empêché toute modification d’un acte administratif dès lors qu’une procédure est pendante devant une juridiction administrative ou judiciaire. Il est donc possible de valider une autorisation environnementale dès lors qu’il n’est pas question d’une décision ayant force de chose jugée.

Ne venez donc pas évoquer un contournement du droit sur ce point. En revanche, il est possible de débattre de la deuxième condition, qui renvoie à des motifs impérieux d’intérêt général. Il est tout à fait possible de considérer que la sécurisation d’un trajet autoroutier et le gain de vingt‑cinq minutes de trajet ne répondent pas à cette exigence, mais il reviendra au Conseil constitutionnel d’en juger. En tout état de cause, vous ne pouvez pas affirmer que cette loi de validation reviendrait à outrepasser une décision de justice et à méconnaître le fonctionnement de l’État de droit, car il est bien question d’une jurisprudence établie.

Enfin, il a été fait référence au débat qui aura lieu à l’Assemblée nationale sur la proposition de loi déposée par le groupe d’Éric Ciotti : je rappelle que la même jurisprudence du Conseil constitutionnel empêche de déposer une loi de validation qui porterait atteinte au principe de la non‑rétroactivité des peines et des sanctions.

Laissons donc faire le juge constitutionnel, et ne laissons pas dire que la justice de notre pays n’est pas respectée, car tel n’est pas le cas en l’espèce.

Mme Danielle Brulebois, députée. – Je rappelle que tous les députés ont été élus, ce qui leur confère une légitimité. De la même manière, des outils tels que le droit d’amendement sont démocratiques, même lorsqu’il s’agit d’amendements qui n’ont ni queue ni tête ou qui sont quasiment identiques. Parmi les amendements déposés sur ce texte, certains portaient ainsi des titres tels que « L’autoroute du béton », « L’autoroute des bétonneurs » ou « L’autoroute des marchands de ciment », mais tout cela est légal et inscrit dans le règlement de l’Assemblée nationale.

À la suite de son adoption en commission, des centaines d’amendements tels que ceux que je viens de citer ont été déposés pour éviter un vote en séance publique, ce qui explique que nous nous retrouvions au sein de cette CMP.

Il ne s’agit pas de piétiner ou de contourner le droit de l’environnement, mais bien de faire respecter le motif d’intérêt général inscrit dans notre Constitution, un point qui a d’ailleurs été reconnu par le juge. Procéder autrement entraînerait une perte de confiance à l’égard des élus locaux comme de l’État, et je ne vois pas pourquoi on priverait un territoire de voies de communication qui ont été, depuis l’Antiquité, vecteurs de développement, d’émancipation, de développement économique et d’échanges culturels.

Pour prendre le cas du Jura, l’A39 joue un rôle fort utile pour le territoire, dans lequel le taux de chômage n’est que de 5 %. Cette infrastructure a bien permis le développement économique et social d’un département très rural, qui serait resté enclavé sans elle.


examen des dispositions restant en discussion

Article unique

M. Franck Dhersin, rapporteur pour le Sénat. – La proposition de rédaction n° 1 vise à retenir la rédaction de l’article unique adoptée par le Sénat en première lecture, qui reprend le dispositif initial de la proposition de loi en l’assortissant d’une mention tenant au respect des décisions de justice passées en force de chose jugée.

La proposition commune de rédaction n° 1 des rapporteurs est adoptée.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigé, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi relative à la raison impérative d’intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse.