TEXTE ADOPTÉ  301

« Petite loi »

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

29 mai 2024

 

 

 

rÉsolution EUROPÉENNE

 

visant à garantir le droit à l’avortement
dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Est considérée comme définitive, en application de l’article 151-7 du Règlement, la résolution dont la teneur suit :

 

 Voir les numéros : 2257 et 2468.

 


1

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu les articles 222‑22 et 222‑23 du code pénal,

Vu la Déclaration universelle des droits de l’homme,

Vu les articles 8, 9 et 10, l’article 82, paragraphe 2, et l’article 83, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,

Vu les articles 1er, 3, 4, 7, 20, 21, 23 et 35 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

Vu les articles 1er, 3, 12 et 39 de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique,

Vu les résolutions du Parlement européen du 9 juin 2022 sur les menaces contre le droit à l’avortement dans le monde : l’éventuelle remise en cause du droit à l’avortement aux États-Unis par la Cour suprême (2022/2665 [RSP]), du 7 juillet 2022 sur la décision de la Cour suprême des États-Unis de remettre en cause le droit à l’avortement aux États-Unis et la nécessité de protéger ce droit ainsi que la santé des femmes dans l’Union européenne, du 18 janvier 2024 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne – rapport annuel 2022 et 2023 (2023/2028 [INI]), ou encore du 28 février 2024 : rapport sur le rapport 2023 de la Commission sur l’état de droit (2023/2113 [INI]),

Vu la proposition de résolution du Parlement européen sur l’inscription du droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne déposée le 3 avril 2024 (B9‑0205/2024),

Vu les lignes directrices de l’Organisation mondiale de la santé sur les soins liés à l’avortement,

Vu la stratégie internationale de la France en matière de droits et santé sexuels et reproductifs pour 2023-2027,

Considérant que, dans sa recommandation générale n° 35, le comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a explicitement déclaré que la criminalisation de l’avortement constituait une violation des droits et de la santé sexuels et reproductifs des femmes et une forme de violence fondée sur le genre et a invité instamment les États à abroger toute législation qui criminalise l’avortement ;

Constatant que, dans de nombreux pays, notamment européens, les droits des femmes ne sont pas respectés car l’avortement y est interdit ou restreint ;

Considérant le recul dans le monde, notamment aux États‑Unis et dans certains États membres de l’Union européenne, du droit d’accès à un avortement sûr et légal ;

Considérant que certains États membres ont encore des lois très restrictives interdisant l’avortement, sauf dans des circonstances strictement définies, ce qui oblige les femmes à recourir à des procédures qui mettent leur vie en danger, à se rendre dans d’autres pays ou à mener leur grossesse à terme contre leur volonté, ce qui constitue une violation de leurs droits humains et une forme de violence fondée sur le genre ;

Considérant que certains États membres qui ont légalisé l’avortement continuent néanmoins à restreindre dans la pratique cette liberté ;

Constatant les mobilisations successives des organisations non gouvernementales et des citoyens pour faire évoluer le droit à l’avortement partout où il n’est pas effectif ;

Constatant que la France est le premier pays au monde à constitutionaliser la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ;

Considérant que, depuis l’inscription de la liberté garantie à la femme de recourir à l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution française, des initiatives similaires ont déjà été envisagées dans d’autres pays tels que l’Espagne et la Suède ;

Considérant que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne consacre les libertés et droits fondamentaux des personnes vivant dans l’Union, que la protection de l’accès à un avortement sûr et légal a des implications directes sur l’exercice effectif des droits consacrés par la Charte, tels que la dignité humaine, l’égalité et l’intégrité physique ;

Considérant que le fait d’être privé de l’accès à l’avortement constitue donc une violation de ces libertés et droits fondamentaux ;

Considérant que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne consacre pas le droit à l’avortement et que cela a de graves conséquences sur la liberté des femmes à disposer de leur corps et sur leur santé ;

1. Condamne avec la plus grande fermeté le recul des droits sexuels et reproductifs des femmes observé dans le monde, y compris aux États‑Unis et dans certains États membres de l’Union européenne ;

2. Condamne le fait que certaines femmes, au sein même de l’Union européenne, ne puissent pas accéder à la liberté de recourir à une interruption volontaire de grossesse ;

3. Appelle de ses vœux l’inscription du droit à avorter dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

4. Demande au Gouvernement de se mobiliser diplomatiquement auprès des États membres de l’Union et de la Commission européenne afin que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne garantisse le droit à l’avortement ;

5. Demande que les pouvoirs publics, à tous les niveaux, accordent une priorité élevée à la protection de la santé et des droits sexuels et reproductifs des femmes, soutiennent des politiques actives d’accès effectif à la contraception, à une information et à une éducation à la sexualité et aux relations affectives, entre autres, pour les plus jeunes, et garantissent l’exercice effectif du droit des femmes à l’accès à un avortement sans risque ;

6. Demande à la Commission européenne, dans le cadre de ses compétences d’appui et de coordination en matière de santé, de soutenir financièrement les États membres, particulièrement ceux ne disposant pas d’un cadre juridique progressiste ou de pratiques uniformes, afin d’assurer un accès légal et sûr des femmes au droit à l’avortement ;

7. Demande à la Commission européenne de formuler une recommandation faisant état des meilleures pratiques en matière de cadre juridique et de recours effectif au droit à l’avortement dans les États membres de l’Union européenne ainsi que des moyens de l’améliorer, sur la base d’une étude de l’Institut européen pour l’égalité entre les femmes et les hommes, afin de parvenir à une harmonisation par le haut, à l’échelle de l’Union, des droits et pratiques en la matière ;

8. Demande à la Commission européenne de réviser la directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision‑cadre 2001/220/JAI du Conseil et de donner des recommandations d’application de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil, afin de fournir aux victimes de violences sexuelles, notamment de celles liées aux conflits armés, un accès facilité aux droits sexuels et reproductifs ainsi qu’aux services de santé et de soutien qui leur sont liés.

 

 

À Paris, le 29 mai 2024.

 

 La Présidente,

Signé : Yaël BRAUNPIVET