Compte rendu

Commission
des affaires économiques

– Audition, en application de l’article 13 de la Constitution, de M. Bertrand Munch, dont la nomination aux fonctions de directeur général de l’Office national des forêts (ONF) est envisagée (M. Nicolas Turquois, rapporteur).              2

 

 


Mercredi
11 décembre 2019

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 28

session ordinaire de 2019-2020

Présidence
de M. Roland Lescure,
Président
 

 


  1 

La commission des affaires économiques a auditionné, en application de larticle 13 de la Constitution, M. Bertrand Munch, dont la nomination aux fonctions de directeur général de lOffice national des forêts (ONF) est envisagée (M. Nicolas Turquois, rapporteur).

M. le président Roland Lescure. Mes chers collègues, la commission des affaires économiques doit rendre un avis préalable à une nomination envisagée par le Président de la République. Par un courrier en date du 8 novembre 2019, le Premier ministre a, en effet, informé le Président de l’Assemblée nationale qu’il est envisagé de nommer M. Bertrand Munch aux fonctions de directeur général de l’Office national des forêts (ONF).

Je précise qu’à la différence de certains autres emplois pour lesquels le Parlement est appelé à se prononcer, les fonctions de directeur général de l’ONF ne sont pas limitées dans le temps. Le précédent directeur général de l’ONF, M. Christian Dubreuil, a souhaité quitter ses fonctions il y a presqu’un an, en janvier 2019. Depuis cette date, un directeur général par intérim a été nommé.

La présente audition répond à une exigence posée à l’article 13 de la Constitution, prévoyant que pour certains emplois ou fonctions, le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.

Notre commission a déjà eu l’occasion de mettre en œuvre cette procédure à plusieurs reprises depuis 2017. Toutefois, la récente réforme de notre Règlement a adapté cette procédure en vue de renforcer les pouvoirs des groupes d’opposition ou minoritaires. Il est désormais prévu que la commission compétente nomme un rapporteur parmi ses membres appartenant à un groupe d’opposition ou à un groupe minoritaire.

Pour l’audition de M. Bertrand Munch, la commission des affaires économiques a désigné comme rapporteur M. Nicolas Turquois, membre du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés (MODEM).

M. Pierre Cordier. M. Turquois n’est pas membre d’un groupe d’opposition !

M. le président Roland Lescure. Mais il est membre d’un groupe minoritaire. Je rappelle que nous avions proposé au groupe Les Républicains de désigner un rapporteur en son sein mais qu’il a décliné notre offre. Nous nous sommes donc tournés vers le deuxième groupe minoritaire par ordre d’importance numérique, le groupe MODEM.

Notre rapporteur a établi un questionnaire auquel M. Bertrand Munch a apporté des réponses détaillées. Ce document a été transmis à l’ensemble des commissaires vendredi dernier.

Avant de donner la parole à notre rapporteur, je rappelle les règles principales régissant les auditions organisées dans le cadre de l’article 13 de la Constitution.

L’audition est publique. Le scrutin est secret et doit avoir lieu hors la présence de la personne auditionnée ; il ne peut donner lieu à délégation de vote ; il sera effectué par appel public ; des bulletins vous seront distribués à cet effet. Le dépouillement du scrutin sera effectué par deux scrutateurs : les deux plus jeunes députés présents appartenant respectivement au groupe La République en Marche et au groupe Les Républicains. Le dépouillement du scrutin doit avoir lieu simultanément à l’Assemblée nationale et au Sénat, conformément à l’article 5 de l’ordonnance du 17 novembre 1958. Comme le Sénat a auditionné M. Bertrand Munch ce matin, nous procéderons au dépouillement juste après le scrutin.

Sans plus attendre, je vous laisse la parole, Monsieur Turquois.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Mes chers collègues, nous sommes réunis pour l’audition de M. le préfet Bertrand Munch, candidat proposé pour la direction générale de l’Office national des forêts par le Président de la République, en vertu de l’article 13 de la Constitution. Compte tenu des règles que vient de rappeler notre président, votre vote peut jouer un rôle déterminant.

En tant que rapporteur, je mesure pleinement la responsabilité qui nous est confiée. L’Office national des forêts, héritier de l’administration des eaux et forêts, rassemble 9 000 agents et gère 6 millions d’hectares, dont 1,6 million de forêts domaniales. Il représente plus de 700 millions d’euros de chiffres d’affaires et 40 % du bois produit en France.

Si le prestige de l’institution est encore indéniable, les turbulences majeures qu’elle connaît depuis plusieurs années nous obligent à une grande exigence et une grande vigilance dans nos choix.

Cet établissement est d’abord affecté par une crise de gouvernance. Depuis plus d’un an, c’est un directeur général par intérim qui assure le pilotage de l’établissement. Si le travail de ce dernier, en duo avec son directeur général adjoint, est largement salué par les professionnels, il n’a pu légitimement engager de transformations en profondeur.

C’est ensuite une crise financière à laquelle est confronté l’ONF, structurellement déficitaire d’une cinquantaine de millions d’euros chaque année. Son endettement frôle désormais les 400 millions d’euros.

C’est aussi une crise sociale profonde que traverse cet organisme. Depuis des années, les effectifs ont été réduits sans pour autant qu’une véritable réorganisation ait été mise en place. De nombreux agents se retrouvent très isolés dans l’exercice de leurs missions. Certains territoires sont peu ou pas couverts et une vraie souffrance au travail est régulièrement exprimée.

C’est enfin une crise existentielle qui secoue l’Office, aujourd’hui confronté à de nombreux défis parfois contradictoires : produire du bois – c’est-à-dire couper des arbres et développer la construction en bois – alors que le dépérissement et les scolytes font des ravages ; stocker du carbone et limiter l’exploitation alors qu’il faut favoriser la biodiversité. On pourrait aussi évoquer les modes de vente de bois, archaïques, les dégâts des cervidés, majeurs, ou la filialisation des activités concurrentielles, délicate.

Vous le voyez, chers collègues, c’est d’une vision stratégique et d’un pilote chevronné pour la mettre en œuvre que l’ONF a besoin. Notre travail cet après-midi est de nous assurer que le candidat envisagé est à la hauteur de ces défis.

Je tiens à saluer les nombreux professionnels du secteur bois et forêts avec lesquels j’ai eu le plaisir d’échanger pour préparer cette audition et à adresser des remerciements à mon collègue Guillaume Kasbarian avec lequel j’ai mené mercredi dernier un entretien préalable de M. Munch.

N’hésitez pas, mes chers collègues, à rebondir sur les réponses au questionnaire que je vous ai transmises pour questionner le candidat. Pour ma part, j’ai avant tout besoin de savoir, monsieur le préfet, ce qui dans votre parcours professionnel et votre expérience justifie de vous confier un établissement de cette taille, confronté à de lourds enjeux de transformation.

M. Bertrand Munch. Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, Mesdames et Messieurs les députés, j’ai l’honneur aujourd’hui de vous soumettre ma candidature à la direction générale de l’Office national des forêts. Celle-ci repose sur une expérience qui ne serait toutefois pas suffisante si elle n’était accompagnée d’une motivation dont j’espère vous convaincre. Elle s’appuie aussi sur un projet pour l’établissement.

Je ne suis pas un professionnel de la forêt mais les expériences que j’ai accumulées en trente ans de carrière me paraissent pouvoir être utiles et nécessaires pour piloter l’ONF.

Tout d’abord, je suis issu du corps préfectoral qui n’existe que pour et par les territoires. Or s’il y a un domaine où l’ONF doit évoluer, c’est bien les relations avec les territoires. Il s’agit non pas d’imposer une vision nationale simplificatrice venue de l’administration centrale mais d’adapter les réponses à donner à chacune des réalités forestières. Le métier de préfet renvoie à la primauté accordée aux relations avec les élus et les acteurs locaux, qui s’intègre comme une évidence tout au long d’une carrière. J’ai commencé la mienne en 1985, au lendemain du premier acte de la décentralisation, et j’ai pu voir comment celle-ci s’approfondissait. Cette réalité doit imprégner l’état d’esprit dans lequel l’ONF, dont les principes fondateurs remontent à 1964, travaille avec les élus, spécialement pour ce qui concerne la forêt territoriale.

Deuxième élément de mon expérience professionnelle utile à l’ONF : la négociation interministérielle. En tant que directeur financier du ministère de l’intérieur et en tant que préfet, secrétaire général de la préfecture de Paris, j’ai été amené à soutenir des dossiers et obtenir des réponses de la part d’acteurs ministériels et interministériels sur des sujets compliqués, ce qui suppose beaucoup de persévérance.

Troisièmement, je pense être en mesure d’aider l’ONF à résoudre le problème central de son équilibre financier qui le handicape pour relever les défis auxquels il est confronté. Les divers postes que j’ai occupés m’ont permis de développer des compétences dans le domaine de l’organisation, de la logistique, de la modernisation d’une structure. Dans mes fonctions actuelles à la direction de l’information légale et administrative (DILA), placée sous l’autorité du Premier ministre, j’ai agi pour une meilleure gestion de ce budget annexe, avec des résultats parfaitement mesurables. Certes, on ne peut pas arriver dans un organisme avec des méthodes préfabriquées pour obtenir un accroissement des recettes et une diminution des dépenses mais j’estime que la recherche de l’équilibre financier qui m’occupe aujourd’hui en tant que directeur de la DILA se rapproche de ce qu’exige la situation de l’ONF.

Un des enjeux essentiels que doit relever l’ONF est la capacité à rassembler les 8 500 agents de l’ONF autour d’un projet. Cette responsabilité des ressources humaines et du dialogue social, je l’ai exercée dans plusieurs organisations, certes plus petites et plus concentrées que l’ONF. J’ai la conviction qu’un projet ne peut pas aboutir contre les membres d’une organisation. À la DILA, nous avons travaillé avec les syndicats pour cerner les problèmes, confronter nos propositions, négocier et je prétends qu’en faisant de chaque côté une partie du chemin, nous sommes parvenus à construire ensemble des solutions. Bien entendu, sur certains sujets, les oppositions demeurent mais je crois que les réponses dégagées sont meilleures que les propositions qu’aurait pu avancer la direction avant d’engager ce dialogue social de fond.

Dans le poste que j’occupe aujourd’hui, la mixité des statuts, autrement dit le travail collectif de salariés de droit privé et de fonctionnaires, est une réalité quotidienne : elle m’a montré que les spécificités de chaque culture n’empêchent pas le partage d’objectifs communs. La question de la répartition, du partage, du travail en équipe me semble se poser pleinement à l’ONF.

Mon parcours est marqué par l’appartenance au service public et je crois cette sensibilité importante pour aborder l’avenir de l’Office. Aujourd’hui, le service public est confronté à un formidable besoin d’adaptation aux exigences des citoyens et des partenaires et à la nécessité d’offrir un service meilleur et moins coûteux.

Ces divers éléments me paraissent rendre ma candidature recevable. Mon ambition n’est pas seulement d’être le pilote et l’animateur d’un opérateur de l’État, elle est aussi d’œuvrer en faveur de la forêt publique. Je ne prétends pas rivaliser avec la passion qui anime les agents de l’ONF. Je souhaite leur dire simplement mon respect pour leur vocation. Mes insuffisances techniques peuvent être, je crois, compensées par un travail collectif avec une équipe directoriale et un encadrement territorial dont le savoir-faire et les compétences sont reconnus par tous.

Sans m’appesantir sur ma vie personnelle, je puis vous assurer que ce qui touche à la forêt, ce qui touche au bois, ce qui touche aux arbres revêt pour moi une grande importance. Vous me permettrez d’opposer un démenti à tous ceux qui mettraient en doute a priori ma profonde motivation. Sans passion, comment espérer relever les défis auxquels est confronté l’ONF ?

Je vais maintenant aborder le projet que je souhaite développer si vous acceptez de valider ma candidature.

Au risque de décevoir, en ce moment pour moi décisif, je dois d’abord dire que je n’apporte pas de solutions toutes faites. Le temps du premier dialogue avec les principaux acteurs est plus déterminant ici que partout ailleurs mais tant que je ne suis pas entré en fonction, il m’est interdit de procéder à un tel dialogue de manière construite. Le contexte que vous avez rappelé, Monsieur le rapporteur, les enjeux, les axes d’ores et déjà fixés me paraissent suffisants pour aborder de manière concrète les principales thématiques attachées à l’ONF.

Le rapport conjoint de l’inspection générale de l’administration (IGA), du conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), du conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et de l’inspection générale des finances (IGF) et la communication gouvernementale du 27 juin 2019 fixent un cadre. D’autres contributions seront à prendre en compte, notamment les résultats de la mission que le Premier ministre a confiée à votre collègue Anne-Laure Cattelot.

La préparation de la contractualisation 2021-2026 fait des six premiers mois de 2020 le moment propice pour formuler un projet de moyen terme et en discuter. Il doit, selon moi, comporter quatre points principaux : le retour à la confiance par le dialogue social ; l’amélioration du modèle économique ; la refonte profonde des relations avec les partenaires, spécialement avec les collectivités forestières ; la réponse aux enjeux du changement climatique et aux attentes environnementales de nos concitoyens.

Ma priorité dans le temps sera de restaurer la confiance des agents de l’ONF dans leur propre avenir et dans celui de l’office. Leur engagement, leurs compétences sont reconnus par tous. Je serai fier de les rejoindre, si vous ne vous y opposez pas. La concertation et la négociation sont à rétablir dans la durée. Le directeur général par intérim, M. Jean-Marie Aurand et l’équipe de direction ont, me semble-t-il, recréé les conditions d’un dialogue qui était auparavant rompu. Je rejoins les déclarations de l’intersyndicale : le respect mutuel et la clarté sont les conditions d’un travail efficace. Des évolutions fortes sont en cours et je crois que la lucidité conduit à les accepter pour travailler à leur mise en œuvre dans des conditions satisfaisantes. Je m’inscris dans la logique d’augmentation du nombre de salariés de droit privé et constate qu’une évolution à la baisse des effectifs est prévue dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2020 et dans les projections pluriannuelles, sous réserve de l’adoption définitive du PLF. La nécessité de travailler aux garanties à apporter aux fonctionnaires de l’établissement et à l’évolution du métier des ouvriers forestiers est donc d’autant plus grande.

Mon deuxième objectif est l’amélioration du modèle économique. Le déficit récurrent est de l’ordre de 50 millions d’euros. Il a été analysé par les inspections précitées. Pour la première fois, ce déficit a été reconnu lors du vote des crédits de l’ONF, en novembre dernier. Le rapport conjoint indique des pistes d’économies internes comme la rationalisation des fonctions support. Certaines impliquent un niveau d’investissement élevé – je pense spécialement à la modernisation de l’office à travers les systèmes d’information. La maîtrise des coûts n’est pas seulement un sujet interne. Le niveau du compte d’affectation spéciale « Pensions », celui de la taxe foncière ont des conséquences financières qu’il faudra aussi prendre en compte.

Ce modèle économique mérite d’être clarifié. La création d’une filiale pour les activités concurrentielles de travaux et de services a été décidée par le Gouvernement. Elle participera à l’amélioration de la transparence financière. Elle est aussi et d’abord l’occasion de répondre aux inquiétudes qui portent sur les ressources humaines. L’expérience a montré, par ailleurs, que le retour à l’équilibre ne viendra pas significativement du produit des ventes de bois. La crise sanitaire actuelle ne fait que renforcer ce constat.

Enfin, les activités d’intérêt général méritent une compensation qui n’est pas aujourd’hui assurée.

Au-delà de ces enjeux internes, je voudrais aborder les enjeux stratégiques.

Le premier est l’amélioration des relations avec les partenaires, au premier rang desquels il faut citer les collectivités forestières. L’État a confirmé la consistance du versement compensateur dans le cadre du projet de loi de finances. Le dialogue doit être quotidien entre la direction de l’ONF et la Fédération nationale des communes forestières. (FNCOFOR). Il importe également de faire évoluer les relations de terrain entre les représentants de l’ONF, les techniciens spécialement, et les collectivités territoriales. Il y a besoin de transparence, notamment pour ce qui est des données relatives à la gestion des forêts territoriales. Il y a aussi besoin d’un changement d’esprit après quarante ans de décentralisation. La marge de progrès est incontestable.

L’immense majorité des collectivités me semble reconnaître l’utilité du régime forestier et de l’organisme national qu’est l’ONF. C’est lui en effet qui est le mieux à même de mutualiser les moyens ainsi que les compétences – ce dont nous avons fort besoin en ce moment.

Le poids des ventes de bois réalisées par l’ONF donne à l’office un rôle économique important. Il ne peut pas ne pas intervenir dans l’amont de la filière bois. L’exemple de la filiale Énergie Bois le montre. Je ne m’avancerai pas plus puisque je n’ai pas rencontré les professionnels de cette filière. Je rappellerai seulement que les relations avec celle-ci relèvent non seulement de l’ONF mais également des administrations du ministère de l’agriculture.

Il en va de même pour les interactions entre forêts publiques et forêts privées. Je ne pense pas que l’ONF doive céder à une tentation invasive à l’égard de la forêt privée et des organes chargés de la représenter. Pour autant, nombre de sujets appellent le partage. Citons la gestion par massifs ou la prise en compte du changement climatique qui ne connaît pas les frontières juridiques de la propriété. Ces objectifs de partenariat me semblent plus aisés à atteindre grâce à la réforme de la gouvernance annoncée le 27 juin par le Gouvernement.

Enfin, l’objectif le plus ambitieux, le plus fondamental s’inscrit dans le long terme : il s’agit de répondre au changement climatique et aux attentes environnementales. L’évaluation du risque pour notre forêt et les solutions opérationnelles sylvicoles ne sont pas aujourd’hui stabilisées. L’ONF est le plus à même d’apporter des réponses d’ensemble pour les forêts, quel que soit leur statut. En tant que lieu central de recherche, il a la capacité à tester des solutions et à les proposer à la forêt privée. Il se doit de répondre également aux attentes de nos concitoyens, qu’ils soient riverains de nos forêts ou qu’ils habitent des zones urbaines. Il est possible de construire une ambition pour la forêt comme cela s’est fait pour le littoral ou la montagne mais cela impose de faire évoluer l’ONF, dont la création renvoie à des attentes anciennes.

Ces changements prennent une dimension supplémentaire en outre-mer, en Guyane bien sûr, mais aussi dans les autres départements et régions.

L’ONF prendra une part croissante dans la lutte contre les scolytes, élément le plus opérationnel de la prise en compte du changement climatique sur le long terme.

Ce bouleversement climatique va bousculer le statu quo. L’ONF a commencé à se mobiliser pour répondre à ces attentes. La nécessité de son existence trouve une confirmation nouvelle à travers la demande extraordinaire d’une régulation publique. Cela implique une évolution de ses missions, qu’il s’agisse de l’exploitation du bois ou de la valorisation des aménités environnementales, qui constitue pour moi un défi central.

Pour finir, je tiens à réaffirmer ma volonté de dialogue, mon ambition et ma persévérance parce que je crois qu’il faut de la ténacité pour accompagner l’ONF ainsi que ma foi dans l’avenir de la forêt publique.

M. le président Roland Lescure. Nous allons entendre à présent les orateurs des groupes.

Mme Laurence Gayte. Monsieur Munch, votre parcours, vos compétences et votre riche expérience ont incité le Président de la République à proposer votre candidature aux fonctions de directeur général de l’Office national des forêts, à la suite de M. Christian Dubreuil, ancien directeur général, et de M. Jean-Marie Aurand, directeur général par intérim. Vous avez accepté de relever ce défi et le groupe La République en Marche vous adresse tous ses encouragements.

Créé en 1964, l’ONF est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) chargé de la gestion des forêts publiques de l’État et des collectivités territoriales, auxquelles s’applique le régime forestier. Le travail de l’ONF, remarquable et de premier ordre, concerne ainsi 25 % des forêts françaises.

La lutte contre le changement climatique, dans laquelle la filière bois et la forêt française ont un grand rôle à jouer, est sans doute le défi majeur pour l’ONF aujourd’hui. Parmi ses nombreuses missions, l’ONF assure déjà l’accueil et la sensibilisation du public en forêt. Il agit également pour l’environnement, en s’engageant par exemple dans les systèmes de certification PEFC – Programme de reconnaissance des certifications forestières – et FSC – Forest Stewardship Council. Il a aussi un rôle de lanceur d’alerte au sujet des maladies du bois : la grave crise des scolytes a sonné l’alarme parmi les professionnels. Selon vous, quel rôle l’ONF peut-il jouer à l’avenir dans la lutte contre le réchauffement climatique et la protection de la diversité ?

La grande force de l’ONF est de pouvoir s’appuyer sur un important maillage territorial. En effet, bien que son siège soit à Paris, ses agents sont également très présents dans les territoires. Cette structure rencontre toutefois des problèmes d’organisation et on lui reproche parfois son fonctionnement en silos. Comment souhaitez-vous réformer ce système ? Vous proposez d’instaurer une nouvelle culture managériale : pouvez-vous détailler vos propositions ? Comment voulez-vous déconcentrer l’administration de cette structure ?

Vous avez évoqué d’autres difficultés : les tensions sociales qui croissent au sein de l’ONF depuis quelques années et un endettement chronique – malgré un résultat net cumulé sur dix exercices à -5,7 millions d’euros. Comment envisagez-vous de renouer un dialogue social de qualité au sein de l’établissement ? Que proposez-vous pour freiner la progression de l’endettement ?

M. Éric Straumann. Nous connaissons tous les difficultés de l’ONF, mais aussi l’attachement des Français à cette vieille institution. La France est un grand pays forestier et l’ONF gère environ 8 % du territoire français, ce qui n’est pas rien.

D’ordinaire, la commission nous remet le curriculum vitae du candidat pressenti : pourquoi n’est-ce pas le cas aujourd’hui ? Cela m’intéresse d’autant plus que, traditionnellement, l’ONF était dirigé par un ingénieur des eaux et forêts. Il paraît plus simple, a priori, de diriger une institution quand on est du métier que lorsqu’on vient de l’extérieur – même si vous pouvez certainement apporter un regard neuf sur cette structure, que l’on sait en grande difficulté.

Vous ne vous êtes pas beaucoup étendu sur le modèle économique que vous comptez développer. Au nom du groupe Les Républicains, je souhaiterais vous interroger sur la manière dont vous comptez maîtriser les coûts de fonctionnement de cette structure. Quelles activités souhaitez-vous développer pour augmenter son chiffre d’affaires ? Vous avez évoqué le régime des pensions, qui est tout à fait d’actualité : pouvez-vous nous dire comment fonctionne le régime des pensions à l’ONF ? Il semble en effet qu’il pèse sur les coûts de fonctionnement de la structure.

M. Jean-Luc Lagleize. Monsieur Munch, vos propos démontrent à quel point l’ONF est un acteur majeur de la filière forêt-bois en métropole, comme dans les outre-mer. En gérant près de 11 millions d’hectares de forêts publiques appartenant à l’État et aux collectivités territoriales, l’ONF est au cœur de la transition écologique et du développement durable. En effet, la gestion durable des forêts permet de protéger la richesse écologique de ces milieux, qui abritent près de 80 % de la biodiversité terrestre, et de prévenir les risques naturels, particulièrement aux abords des littoraux et en zone de montagne, mais également dans les territoires propices aux feux de forêt.

Nous avons voté cette année la loi portant création de l’Office français de la biodiversité (OFB), qui regroupe l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Pensez-vous que l’ONF devrait, à terme, rejoindre l’OFB ? A minima, quelles relations ou quel partenariat comptez-vous promouvoir et concrétiser entre l’ONF et l’OFB ?

Le rapport intitulé Évaluation du contrat dobjectifs et de performance 2016-2020 de lOffice national des forêts, qui a été publié cet été au terme d’une mission inter-inspections, analyse l’organisation territoriale de l’ONF de la manière suivante : « La répartition actuelle des rôles entre le siège et les directions territoriales semble peu convaincante. Le siège et les directions territoriales forment aujourd’hui deux niveaux distincts, alors que le territoire de certaines directions territoriales est devenu très vaste, sans parfois correspondre au découpage des nouvelles régions ». La direction territoriale Midi-Méditerranée, par exemple, est compétente sur la région Occitanie, qui est l’une des plus grandes de France, et sur la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui n’est pas la plus petite. Le rapport poursuit : « Les services des directions territoriales ne sont que très partiellement regroupés dans les sites sièges et peuvent apparaître peu accessibles aux services opérationnels et distants des enjeux de terrain ». Quelle réforme territoriale de l’ONF envisagez-vous pour remédier à ces difficultés ?

M. Dominique Potier. L’ONF est en déficit structurel et ce déficit va encore se creuser de plus de 47 millions d’euros en 2020. Comment comptez-vous mettre fin à cette situation ? Depuis 2015, l’ONF connaît une réforme tous les six mois, sans résultat. La situation dont vous héritez est très compliquée, nous le reconnaissons. Dans ce contexte, quelle sera votre première mesure ?

Depuis 2000, l’ONF a perdu un quart de ses personnels. Vous engagez-vous à mettre fin à cette baisse d’effectifs ? Reconnaissez-vous que nous avons besoin d’une puissance publique déployée sur le terrain pour faire face aux crises sanitaires et aux évolutions liées au changement climatique ? Le 10 avril dernier, lors d’une réunion du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), le médecin du travail de l’ONF a dit son inquiétude quant à l’état de santé de personnels. Quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer l’ambiance de travail au sein de l’office et pour prendre davantage en considération les personnels, bref, pour retrouver un management et une gestion des ressources humaines dignes de ce nom ?

La crise des scolytes est une crise sanitaire majeure, qui impacte très fortement le marché du bois et l’ONF lui-même. Comment l’ONF va-t-il replanter ? Vous avez dit ce matin au Sénat qu’il fallait avoir une vision patrimoniale de la forêt, inscrite dans la durée. On estime aujourd’hui à 300 millions d’euros le coût des replantations sur 60 000 hectares des seules forêts domaniales. Comment envisagez-vous le dialogue avec le ministère des finances ? Je rappelle que l’Allemagne a déployé des moyens dix fois supérieurs, en cumulant l’action de l’État fédéral et des Länder, pour gérer une forêt dont la superficie est inférieure de 1,2 million d’hectares à celle de la France. Quelle politique sanitaire comptez-vous mettre en œuvre ? Comment comptez-vous assurer la pérennité de la forêt face au changement climatique ? Je pense notamment au hêtre en Lorraine. Quelles essences entendez-vous privilégier dans votre politique de replantation de la forêt ?

La commercialisation des bois est également un sujet majeur. Quelle est votre analyse du marché mondial et que pensez-vous du dumping dont la Chine fait preuve à l’égard du chêne français ?

En Lorraine, un centre de formation de l’ONF a été fermé dans des conditions absolument déplorables. Quelle est votre ambition, en termes de formation et de recherche ? De façon plus conjoncturelle, quel avenir envisagez-vous pour ce site, dont l’entretien coûte une fortune à l’ONF : les collectivités territoriales attendent une réponse.

Ma collègue Marie-Noëlle Battistel m’a demandé, au nom du groupe Socialistes et apparentés, d’appeler votre attention sur la restauration des terrains en montagne. C’est une question essentielle, car les risques d’effondrement de terrain se multiplient, du fait d’événements climatiques violents à répétition. Quels investissements envisagez-vous en la matière ? Dans le même ordre d’idées, que comptez-vous faire contre les incendies qui se multiplient dans le Sud-Est ? Enfin, quelles relations envisagez-vous de tisser avec la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) et, plus généralement, avec les communes forestières, pour faire face à ces défis gigantesques ?

Mme Sylvia Pinel. Monsieur le préfet, je souhaiterais, au nom du groupe Libertés et Territoires, vous interroger sur la question financière. Votre ambition est le retour à l’équilibre, mais le rapport de juillet 2019 ne voit pas d’alternative, à court terme, à une augmentation de la dette.

Dans les réponses à notre questionnaire, vous dites ne pas croire à un financement durable par augmentation de la dette et vous proposez quelques orientations. Parmi les pistes d’économies figurent une refonte des systèmes d’information, une simplification de la gestion financière mais aussi, et surtout, une réorganisation territoriale de l’ONF, afin d’éviter les doublons entre agences locales et direction générale. Quel impact une telle réorganisation aurait-elle sur les territoires ?

Parmi les pistes pour accroître les recettes, le rapport de juillet ne préconise pas l’augmentation des coupes, mais une amélioration de la « connaissance client » et une « professionnalisation des fonctions commerciales ». Comment comptez-vous conduire ces chantiers ?

S’agissant de la gestion des ressources humaines, les relations conflictuelles avec les organisations syndicales sont récurrentes, vous l’avez dit. Parmi les dernières évolutions, je mentionnerai la signature d’une convention collective unique et une nouvelle baisse du nombre d’équivalents temps plein (ETP), puisqu’on en compte 51 de moins dans le projet de loi de finances pour 2020. Comment entendez-vous remplir l’objectif que vous vous assignez de maîtrise de la masse salariale par un recours accru aux personnels de droit privé ? Quid également de la prise en compte de la pénibilité du travail des ouvriers forestiers ?

Le rôle d’aménageur et de développeur des élus locaux est désormais reconnu. Or les relations entre l’ONF et les élus sont parfois difficiles, notamment dans les communes forestières. Les élus locaux ne siègent pas au conseil d’administration resserré. Quelle place comptez-vous faire aux élus forestiers ? Comment comptez-vous travailler avec eux ? Comment entendez-vous favoriser les dynamiques territoriales ? Je pense notamment aux stratégies locales de développement forestier et aux programmes régionaux de la forêt et du bois.

La restauration des terrains en montagne, enfin, est un service très apprécié des élus de la montagne – dont fait partie ma collègue Jeanine Dubié. Que préconisez-vous sur ce sujet ?

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le préfet, le questionnaire que vous nous avez remis nous éclaire parfaitement sur vos priorités et sur votre stratégie pour l’ONF. Au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants, j’aimerais vous interroger sur la manière dont vous comptez les mettre en œuvre concrètement. Vous avez dit qu’en tant que préfet, vous connaissez les territoires, mais je crois que vous avez surtout exercé vos fonctions en Île-de-France et dans l’Essonne. Quelle est exactement votre expérience du terrain ? Quelle est votre expérience en matière de management opérationnel ? Comment comptez-vous conduire les discussions avec les agents de l’ONF pour apaiser le climat social ?

Aujourd’hui, nous devons choisir, pour diriger l’ONF, un profil de manager. Je pense que les agents et les cadres de l’ONF ont une très bonne connaissance de la politique forestière. Le fait que vous ne soyez pas un ingénieur des eaux et forêts n’est donc pas un problème à mes yeux. Ce qui m’importe, en revanche, c’est de savoir comment vous comptez rétablir la confiance entre les agents et la direction de l’ONF. Comment allez-vous convaincre la hiérarchie que votre stratégie est la bonne ?

M. Sébastien Jumel. « Nous, on cultive la forêt. On ne vend pas des machines à laver ! ». « On ne veut pas d’une forêt de merde ou d’une forêt-palette » : tels sont les mots que certains agents de l’ONF prononcent quand ils parlent de leur métier, de ce pour quoi ils se sont engagés. Ils ne supportent plus la logique de gestion détestable qui caractérise l’établissement public depuis de trop nombreuses années. Depuis sa création en 1964, l’ONF a perdu 6 000 agents, alors même qu’il a une place centrale dans la préservation de l’équilibre écologique de notre territoire.

Nous n’avons pas besoin d’un manager ! Face aux drames sociaux, nous avons besoin de dialogue, de respect, de dignité et de sens : il faut redonner du sens à cet établissement public de première importance. Il est impossible de nier le malaise social actuel, alors qu’on recense 48 suicides depuis 2005. Cela n’a certes pas empêché votre prédécesseur d’affirmer il y a plus d’un an, au sein même de cette commission, qu’on ne se suicidait pas à l’ONF ! Mais les faits sont tenaces et le rapport du médecin du travail confirme cette dure réalité sociale.

Le malaise n’est pas seulement social : il est aussi économique. La production de bois de l’ONF a atteint un plafond, qui se situe autour de 40 % du volume de bois vendu en France. Mais on attend toujours plus de rentabilité et les rapports se multiplient pour appuyer l’idée d’une privatisation progressive de l’ONF. Externalisation, recentrement : ce sont toujours les mêmes recettes qu’on met en avant. Pourquoi ne pas proposer demain l’entrée au capital de l’ONF de Total ou de fonds de pension ? Cessons de priver de son sens cet établissement, dont la mission d’intérêt général est tout à fait essentielle.

L’ONF gère 17 millions d’hectares de forêts publiques, soit près de 30 % de la surface nationale forestière : il serait temps de s’en souvenir ! Il faut donner un nouvel élan à la forêt publique et l’orienter vers une protection raisonnable et durable des domaines pour sortir de cette logique de monoculture des résineux, dont on considère qu’ils sont les seuls à être rentables. On préfère toujours, au nom de la loi du marché, doper la consommation. Au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, j’aimerais, Monsieur le préfet, vous entendre sur ces orientations stratégiques, car c’est un enjeu de taille.

Face à la crise sans précédent que traverse la forêt publique, notre bien commun, allez-vous persévérer dans la logique délétère qui est à l’œuvre ou corriger la trajectoire ? Si vous êtes nommé à la tête de l’ONF, allez-vous continuer de prôner toujours plus de rationalisation ou bien permettrez-vous aux agents de l’ONF et à notre forêt française de respirer à nouveau, comme c’est votre mission ?

Mme Mathilde Panot. Monsieur le préfet, à aucun moment, dans votre parcours, ne figurent les mots « forêt », « environnement » ou « écologie ». Je m’en suis d’abord étonnée, avant de me rappeler qu’il s’agit d’une spécialité macroniste : nommer des technocrates ici ou là, sans se soucier de ce dont ils auront à s’occuper : forêt, agriculture, éducation, peu importe, puisque tous ces secteurs sont voués à une gestion comptable. Suivant cette logique, votre profil conviendrait aussi bien pour compter des carottes que des navets – et peu importe que les navets soient des forêts, et les carottes, du bois.

Les forêts françaises sont à la croisée des chemins : le Président de la République a lui-même affirmé cet été que la forêt était un bien commun à protéger. J’aimerais savoir, au nom du groupe La France insoumise, comment vous comptez protéger un bien commun en affaiblissant le service public forestier. L’ONF a perdu 40 % de ses effectifs au cours des dernières décennies et son financement par les ventes de bois est dans l’impasse. Vous arrivez à un moment charnière. La présente direction de l’ONF a suscité la méfiance, à cause de ses méthodes brutales, qui ont rompu le dialogue avec les instances représentatives. « On ne devient pas forestier par hasard », me disait l’un d’entre eux. Les forestiers font ce métier avec passion. Ils ont le sens de l’intérêt général et du très long terme chevillé au corps.

Ils font ce métier pour les générations futures, mais la priorité accordée à l’équilibre économique de l’ONF, au détriment des missions de service public et de la santé des personnels, a été vécue comme une grande souffrance. Rappelez-vous que l’on compte 50 suicides à l’ONF depuis 2002. Le dernier date du 25 octobre 2019 : il s’appelait Thomas Carlier et je tiens ici à lui rendre hommage. Vous ne restaurerez la confiance au sein de l’ONF que si vous démontrez que votre stratégie et votre action sont guidées par l’intérêt général à long terme.

Quelles garanties proposez-vous pour que l’ONF soit en mesure de remplir les missions qui lui sont confiées par la loi ? Ces missions ne sont pas seulement d’ordre économique, mais elles concernent aussi la biodiversité, la fonction sociale des forêts et la protection des eaux. Quelle place ferez-vous à la réflexion, à l’analyse et à la concertation ? Quelle garantie d’un retour à un dialogue social apaisé pouvez-vous nous donner ? Les 9 000 agents et agentes de l’ONF seront attentifs à vos faits et gestes, eux qui ont connu une direction agressive. Si vous comptez poursuivre la malforestation, qui est une source de violence pour la biodiversité, le climat et les êtres humains qui y travaillent, je vous le dis solennellement : renoncez !

M. le président Roland Lescure. Pour répondre à la préoccupation de M. Straumann, nous allons vous distribuer le CV de M. Bertrand Munch : c’était un oubli de notre part.

M. Bertrand Munch. Je souhaite tout d’abord revenir sur le phénomène qui est en train de modifier en profondeur les conditions d’évolution de la forêt publique, et de la forêt en général : je veux parler du changement climatique. La prise de conscience récente de cet enjeu modifie en profondeur les attentes de nos concitoyens.

Certains d’entre vous ont critiqué ce qu’ils considèrent comme une forme de statu quo au sein de l’ONF. Pourtant, beaucoup de choses ont été faites au cours des dernières années et je ne crois pas que l’on puisse parler d’immobilisme. Je songe aux contrats de production, à la montée en qualité, au façonnage des bois, ou encore à la diminution des ventes sur pied. Un travail a déjà été engagé pour lutter contre certains archaïsmes. Ce qui est certain, c’est que nous allons devoir faire face à d’immenses défis et que le nouveau directeur général de l’ONF devra avoir une ambition, un projet pour la forêt.

J’en viens aux questions d’ordre opérationnel, ou d’ordre plus personnel. Premièrement, le premier directeur général de l’Office national des forêts était un préfet. Je ne prétends pas comparer mon expérience à celle de ce haut fonctionnaire, mais c’est un fait. Deuxièmement, nous sommes un certain nombre dans cette salle à avoir vu nos propres arbres mourir, à cause du réchauffement climatique ou d’une maladie : c’est une expérience que l’on n’oublie pas. Troisièmement, vous souhaitez savoir ce qui, dans mon expérience managériale passée, justifie que je puisse aujourd’hui prétendre prendre la responsabilité d’un office qui est durement secoué.

Cela fait cinq ans que je travaille dans le domaine de la presse parisienne – pour faire simple –, un secteur où la présence syndicale est forte et où les défis de la modernisation sont nombreux et concrets : je songe par exemple au devenir des imprimeries ou au passage au numérique. Je vous accorde que cela n’a rien à voir, sur le fond, avec les questions forestières, mais ce qui importe, c’est que nous avons réussi à confronter nos points de vue, à dialoguer et à négocier avec nos interlocuteurs syndicaux. Je crois important qu’au sein d’une organisation, la direction fasse toujours preuve de transparence, car les partenaires sociaux ont le droit de connaître sa position. Je crois à la discussion et à la négociation. Je répète qu’un tel état d’esprit permet généralement d’obtenir de meilleures solutions que les solutions initiales. Mais de telles solutions ne se décrètent pas en un claquement de doigts : il faut prendre le temps de les construire, en écoutant l’ensemble des partenaires.

La structure dont j’ai actuellement la responsabilité a fait des progrès, même si tout n’est évidemment pas réglé. L’ONF n’est pas tout à fait comparable, mais je crois qu’il existe une méthode de travail susceptible de restaurer le dialogue social. Des évolutions sont en cours, puisque les instances légales de concertation ne se réunissaient même plus au sein cet établissement public… Nous devons retrouver le chemin d’un travail collectif et organisé, au quotidien. Et pour y parvenir, il faut un projet.

J’en viens à la question de la structure territoriale de l’ONF. Les directions territoriales se sont récemment adaptées aux évolutions introduites par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Sur ce point, j’appelle à la prudence : il faut bien réfléchir avant de décider de modifier l’organisation territoriale de l’ONF, tout simplement parce qu’il y va de la vie quotidienne et de l’action des agents sur le terrain. Je ne nie pas qu’il y ait des doubles comptes, des doubles emplois et qu’il faille aller vers davantage de déconcentration pour donner plus de poids aux organes de proximité de l’ONF. Tout cela est incontestable. Mais la réalité, aujourd’hui, c’est que le siège parisien de l’ONF ne compte que 350 agents et que plus de 8 000 agents se trouvent sur le territoire. La déconcentration est déjà une réalité.

L’un d’entre vous a évoqué les pensions. La charge représentée par les pensions des fonctionnaires a augmenté au cours des dernières années et nous devons effectivement réfléchir à la manière de réduire certaines charges : je songe par exemple à certaines charges de fonctionnement interne. Des solutions existent pour réduire les coûts, mais on ne peut pas les décréter.

Il est possible aussi d’améliorer l’exploitation et la vente du bois : un travail est en cours, qui n’est pas arrivé à son terme. Je parlais tout à l’heure des contrats de production pluriannuels et du façonnage du bois. J’ai évoqué aussi le rôle que l’ONF doit jouer en amont de la filière bois, qui donne du travail à plus de 400 000 personnes en France. Il faut aussi assurer le financement d’un certain nombre de missions d’intérêt général : vous avez évoqué la lutte contre l’incendie et la restauration des terrains en montagne, mais je pense aussi à la protection dunaire sur le littoral.

S’agissant des activités concurrentielles, notamment de travaux et de services, le Gouvernement a annoncé cet été la création d’une filiale : grâce à elle, nous connaîtrons mieux la rentabilité de ces activités. La question de la rémunération des aménités environnementales et, plus concrètement, tout ce qui concerne le stockage du carbone, doit également nous permettre de travailler à l’équilibre financier de l’Office.

L’un d’entre vous a évoqué l’Office français de la biodiversité (OFB). Celui-ci a une mission différente, à la fois plus large et moins territoriale que l’ONF. Il y a toutefois une question sur laquelle les deux structures pourraient coopérer : il s’agit de la chasse et de l’équilibre à trouver entre la préservation des jeunes plants et la densité en gros gibier. L’ONF et l’OFB peuvent travailler ensemble sur ces questions, avec les acteurs de terrain que sont les chasseurs.

S’agissant du départ de nos bois vers des pays lointains, d’où ils nous reviennent transformés, je rappellerai simplement que l’ONF a pris toute sa part à la création d’un label, qui fait que les bois vendus doivent être transformés une première fois au sein de l’Union européenne.

M. Dominique Potier. Cela ne marche pas !

M. Bertrand Munch. Cela peut marcher ! Il faut se donner le temps. Nous parlons de filières qui ne sont pas parmi les plus structurées de nos filières industrielles. Il faut un peu de temps pour que les usages changent : il ne suffit pas de créer des dispositifs pour qu’ils aient une efficacité. Je suis convaincu que, dans la durée, de telles solutions peuvent marcher.

M. Guillaume Kasbarian. Monsieur le préfet, je souhaite, dans la lignée des questions posées par Mme de La Raudière, vous interroger sur les aspects managériaux. Première question, comment décririez-vous le climat social actuel au sein de l’ONF et quelles actions prioritaires souhaitez-vous engager pour embarquer son personnel dans votre projet de transformation ?

Deuxième question, à quelles méthodes envisagez-vous de recourir pour tenir compte de l’avis des personnels et des représentants dans la conduite du changement de l’établissement ?

Troisième question, quels sont les éléments de nature à remotiver les personnels de l’ONF après quatre années de crise sociale et financière, une réorganisation et la période actuelle d’incertitudes sur fond de dépérissement lié au changement climatique ?

M. Pierre Cordier. Ayant eu le bonheur d’être maire d’une commune forestière pendant seize années, j’ai pu juger des relations que nous avons avec l’ONF. J’aimerais connaître votre avis tout d’abord sur les relations entre l’ONF et les communes, puis sur la sous-exploitation de la forêt française et, enfin, sur la manière dont nous exportons nos grumes vers la Chine, ces grumes qui reviennent transformées en parquets, lesquels sont ensuite revendus en France et en Europe. C’est un vrai problème de voir des containers remplis de bois nobles partir vers l’Extrême-Orient : il faut rassurer sur ce point.

Je voulais me montrer un peu dur avec vous en vous demandant ce qu’est un taillis, une grume, un houppier, le sartage ou une futaie, mais je n’en ferai rien. Je partage cependant l’inquiétude de nos collègues sur votre parcours, Monsieur le préfet : il est certes brillant mais, pour être le patron de l’ONF, il faut aussi se rendre sur le terrain, discuter avec les gens et savoir ce qu’est une forêt.

M. Jean-Luc Warsmann. Je pense qu’il le sait !

M. Fabien Di Filippo. Vous noterez, Monsieur le préfet, que la dimension humaine au sein de l’ONF revient dans de nombreuses questions de nos collègues. Pour aborder ce sujet sous un angle un peu différent, je rappelle que la rationalisation des effectifs de l’ONF a souvent donné lieu à des coupes claires dans les territoires. Aujourd’hui, beaucoup de forestiers s’occupent de territoires de plus en plus grands et se sentent de plus en plus isolés, voire abandonnés. Or c’est dans ces territoires que les effets de la sécheresse et les problèmes du partage de la forêt entre des utilisateurs toujours plus nombreux se font le plus sentir. Que pensez-vous de la répartition des ressources humaines au sein de l’ONF et comment voyez-vous son évolution dans les années à venir ?

Mme Pascale Boyer. J’aimerais savoir si vous entendez inscrire le sylvopastoralisme dans la future stratégie de l’ONF, en particulier dans les nouvelles conventions de pâturage dans les forêts gérées par l’ONF. Serez-vous également l’élément moteur dans l’organisation des assises de la forêt, demandées entre autres par les élus de l’association des communes forestières ?

Par ailleurs, l’une des missions des services de l’ONF est d’accueillir le public en forêt. L’ONF propose, sous l’appellation « Retrouvance », des séjours itinérants et différenciés. Ce concept est parti des Hautes-Alpes il y a environ vingt-cinq ans, tout comme la restauration des terrains en montagne (RTM), qui aurait été créée à Embrun, dans les Hautes-Alpes, en 1841, par l’ingénieur des ponts et chaussées Alexandre Charles Surell. Il s’agit de circuits de randonnées variés, en formule tout compris, avec hébergement dans les maisons forestières, services de restauration, guides locaux et portage de bagages entre les différents lieux d’hébergement. Ils procurent une activité économique régulière à une multitude de professionnels locaux – accompagnateurs en moyenne montagne, logistique, commandes de repas –, engendrent des retombées économiques pour les commerces locaux et assurent la renommée d’un territoire.

Deux Retrouvance ont été arrêtées : celle du Diois et celle de la Haute-Loire. Des conventions sont en cours de signature, notamment celle de Buëch-Dévoluy. Les programmes pour 2020 sont lancés, les conventions sont signées avec les tour-opérateurs. Pouvez-vous me donner une date pour la signature effective de ces conventions ? Plus globalement, quelle est la position de l’ONF sur le montant consacré à cette activité dans les territoires concernés ?

M. Sébastien Jumel. Il n’est pas encore nommé, il ne peut pas vous répondre !

M. Hervé Pellois. Le rapport de juillet 2019 des inspections générales formule des critiques particulièrement virulentes concernant l’évaluation du contrat d’objectifs et de performance (COP) de l’ONF. Quels enseignements en avez-vous tirés ? En outre, vous nous avez parlé des relations entre l’État, les collectivités territoriales propriétaires de forêts et l’ONF, et vous avez fini par évoquer les relations avec les propriétaires privés : des missions communes de recherche et de formation pourraient-elles être menées avec les propriétaires privés ?

Mme Marguerite Deprez-Audebert. L’ONF a trois rôles complémentaires et associés : protection, agrément et productivité. L’un de ses buts est la meilleure utilisation possible par l’industrie. Quelle place pourriez-vous réserver à la filière papier – vous ne l’avez pas mentionnée –, qui produit du chiffre d’affaires ?

Par ailleurs, comment percevez-vous les potentialités de la chimie verte développée à partir des propriétés de la cellulose ? Quelle serait votre stratégie en matière de certification internationale, type FSC ou PEFC, témoignant de la gestion durable des forêts ?

Enfin, bien que les Français ne se passionnent pas autant que leurs voisins allemands pour les forêts, ils sont assez réfractaires aux coupes d’arbres. Vous avez sans doute d’autres priorités, mais comment comptez-vous faire accepter au public que le fait de couper un arbre n’est pas négatif pour la forêt ?

M. Antoine Herth. Nous avons récemment adopté le principe de neutralité carbone, selon lequel nos émissions carbonées doivent être compensées par des activités anthropiques, dont la production forestière fait partie. Or, dans le même temps, cette dernière subit des agressions provenant, par exemple, des scolytes ou encore de la chalarose du frêne, qui ravage toutes les forêts du Grand Est. Lors de mes congés, cet été, j’ai constaté que des frênes étaient également atteints en Normandie ; il faut donc trouver des solutions. Je ne suis pas certain que la forêt puisse compenser grand-chose dans les prochaines décennies, à moins peut-être de lui en donner les moyens : pensez-vous qu’il faudrait affecter une part des recettes de la taxe carbone à la forêt pour mettre le turbo ?

M. Serge Letchimy. Je n’ai pas entendu le terme « outre-mer » dans votre intervention, Monsieur le préfet. Tout d’abord, connaissez-vous l’outre-mer ? Par ailleurs, 80 % de la biodiversité française se trouverait dans les pays d’outre-mer, dont une grande partie dans les massifs forestiers, dans les mangroves, etc. Je rappelle que la forêt tropicale de la Guyane représente 8,3 millions d’hectares : le poids de la biodiversité de la forêt de l’outre‑mer dans l’ensemble national est donc relativement important. Avez-vous une vision, une stratégie, un projet d’organisation tenant compte des distances avec la gestion centralisée depuis Paris, afin d’assurer à la fois la protection et la valorisation de cette biodiversité ?

Ma deuxième question concerne la relation entre l’OFB et l’ONF. J’ai trouvé votre réponse assez prudente : l’entrée en force des chasseurs dans l’OFB constitue un défi car elle peut provoquer des contradictions dans les politiques de protection. Un véritable lien doit être établi avec l’OFB sur la question de la protection de la biodiversité : quelle est votre stratégie de liaison et de travail avec cet office ?

Mme Frédérique Lardet. Plus de 500 élus étaient réunis, les 17 et 18 octobre, à l’occasion du 35e congrès annuel de l’Association nationale des élus de montagne. Durant le congrès, une motion sur la forêt a été adoptée par les membres de cette association, dont je suis vice-présidente. Elle porte sur la nécessité d’adaptation des forêts de montagne au changement climatique. Parmi les revendications, il est demandé d’intégrer pleinement la forêt et le bois dans les politiques publiques de lutte contre les changements climatiques ; d’élaborer et de mettre en œuvre un plan national en faveur des forêts françaises, notamment celles de montagne ; de renforcer les politiques forestières de massif visant à mobiliser les différentes catégories d’acteurs, à valoriser la ressource en bois et à renforcer la filière pour contribuer à l’aménagement et au développement durable des zones de montagne ; de créer un fonds au bénéfice de la gestion du renouvellement et de l’adaptation des peuplements forestiers en zone de montagne.

Alors que le Gouvernement a annoncé une évolution importante de la stratégie de l’ONF, avec un plan de transformation gagé sur cinq ans, je souhaiterais savoir quelle place ces revendications pourraient avoir dans l’élaboration de cette nouvelle stratégie ?

M. Bertrand Munch. J’ai évoqué l’outre-mer – désolé, ma voix n’a pas dû porter –, bien que je ne sois pas un spécialiste de ce sujet, je le reconnais. Vous connaissez mieux que moi le problème de fond : une partie des surfaces gérées par l’ONF se trouve en outre-mer, mais 2 % seulement de la production du bois viennent de l’outre-mer. Les deux approches, selon que l’on est en métropole ou en outre-mer, sont donc totalement différentes.

La forêt guyanaise ne pose pas les mêmes problèmes que la forêt des autres départements, notamment aux Antilles. Une structure de la taille de l’ONF est nécessaire pour trouver une solution. Je ne citerai qu’un exemple : l’orpaillage en Guyane. L’ONF ne peut répondre seul à cette question complexe, mais il s’y investit au travers de la reconnaissance géographique et aérienne, de l’accompagnement scientifique et du travail mené auprès des autres instances travaillant sur ce sujet.

Deuxième question : on m’a demandé ce qu’était un houppier.

M. Pierre Cordier. Je ne cherchais pas à vous piéger !

M. Bertrand Munch. J’ai choisi le mot que je connaissais – j’en connais au moins un ! (Sourires.) Ce n’est pas moi qui monterai dans un chêne pour couper le houppier, ce qui permet ensuite de couper le tronc proprement, sans casser le bois. Je connais la définition, j’en ai parlé avec des élagueurs mais je ne monterai pas dans l’arbre ! Si c’est cela que vous me demandez, je ne suis plus candidat ! (Sourires.)

Loin d’être une boutade, cette remarque vise à souligner l’importance du travail accompli par les ouvriers forestiers de l’ONF. Ils exercent des métiers difficiles, dangereux, en évolution. Les effectifs, que certains d’entre vous ont évoqués, continueront à évoluer, mais ce n’est qu’une partie du sujet : l’ONF doit être capable de transformer les méthodes d’exploitation de manière suffisamment moderne et industrialisée. Cela vaut également pour l’établissement des documents forestiers ou le remplacement du martelage par de nouvelles techniques. Tout cela demande du temps et des moyens. Avec des effectifs plutôt orientés à la baisse, comme dans l’ensemble des services de l’État – prétendre le contraire ne serait pas réaliste –, l’évolution des techniques permettra aux agents de l’ONF d’être bien présents auprès des communes forestières.

Je voudrais dire un mot sur ce sujet : qu’est-ce que l’ONF peut offrir concrètement ? Tout d’abord, l’établissement des documents forestiers pourrait être réalisé de façon plus simple. Nous pouvons progresser également dans la transparence des données concernant l’exploitation de la forêt : alors que l’ONF est, comme d’autres, confronté à l’open data, l’exigence de transparence vis-à-vis des propriétaires de la forêt, notamment les communes forestières, devrait inciter à un dialogue entre le propriétaire et le gestionnaire. Des avancées sont donc possibles sur un certain nombre de sujets très concrets. Tout cela doit se faire tant sur le terrain que dans les relations entre la direction générale de l’ONF et la Fédération nationale des communes forestières, les tensions pouvant, selon moi, être apaisées.

Sur les relations avec la propriété privée, je souscris pleinement à l’idée que, pour faire face au changement climatique, les capacités de recherche, de formation, voire de mise à disposition de plans doivent être développées. À l’évidence, le travail concret entre forêt publique et forêt privée doit être amélioré. Je reste toutefois d’une extrême prudence : je ne suis pas sûr que les voisins que j’ai pu avoir à une époque, qui possédaient 400 hectares de forêts en Sologne, souhaitaient l’intervention de l’ONF chez eux. Je caricature un peu mais je pense qu’un dosage relativement précis doit être trouvé entre les services que l’ONF peut rendre à la forêt privée, qui doivent croître, et les relations avec le Centre national de la propriété forestière, qui doivent être équilibrées.

Concernant le climat social et la remotivation des personnels, il faut avant tout renouer avec le fonctionnement normal des instances de concertation – M. Jean-Marie Aurand, directeur général par intérim, a travaillé sur ce sujet –, tout simplement parce que cela n’existait plus : il n’y avait plus de dialogue, chacun ayant décrété que l’autre n’était plus légitime. Cela me paraît constituer les prémisses de toute tentative de reconstruction.

Toutefois, cela ne suffira pas : la direction générale doit proposer un projet clair. La future contractualisation pour 2021-2026 nécessitera d’engager, au premier semestre 2020, un dialogue syndical et social. La direction générale devra être en mesure de montrer aux agences comment évoluera l’ONF. Il sera nécessaire de négocier avec les partenaires sociaux pour formaliser ce projet : le dialogue social doit avoir un contenu et reposer sur une réalité.

La question des suicides a été évoquée. Ces événements se produisent dans diverses organisations. Les facteurs de risques à l’ONF tiennent à la nature des métiers, à l’isolement, à la possession d’armes de service. Pour avoir été confronté à ces situations, je me demande comment faire la part des facteurs personnels. Le rôle d’une organisation, en pareille circonstance, est de considérer que sa première obligation est d’accompagner les collègues, car le traumatisme est extrêmement violent et durable. Elle doit ensuite remettre à plat ses modes de fonctionnement et l’état d’esprit dans lequel les agents travaillent : même si, en cas de suicide, les facteurs personnels sont extrêmement importants, il convient d’en tenir compte dans l’évolution de l’organisation. L’expérience arrive ailleurs qu’à l’ONF et elle exige toujours de traiter la situation professionnelle, même si elle n’en est qu’une cause partielle.

Sur les questions alpines, l’ONF est confronté à une augmentation de la diversité des usages de la forêt. Au moment de sa création, il s’agissait avant tout de rationaliser l’exploitation du bois et d’accroître son efficacité, tous les autres objectifs étant laissés de côté. Aujourd’hui, très clairement, l’attente de nos concitoyens est de mieux hiérarchiser ces divers usages. Cela pose un problème financier car cela ne permet pas d’exploiter la forêt publique de la manière la plus rentable possible. Mais, par définition, l’ONF est aujourd’hui confronté à cette question.

L’office a déjà un savoir-faire dans ce domaine du fait de ses missions d’intérêt général, qui vont bien au-delà d’une exploitation purement industrielle de la forêt. De plus, les réseaux de biologistes de l’ONF sont reconnus : ils ont leur rôle à jouer. La forêt publique française recèle une véritable diversité biologique – espèces ligneuses et espèces animales –, supérieure à celle des autres forêts européennes. Il existe toutefois une concurrence – je n’ai pas dit une incompatibilité – entre la production du bois et les autres usages. Il faut admettre que, tôt ou tard, un arbre doit être coupé. L’image d’une forêt primaire telle qu’il en existe le long du Rhin ne peut pas constituer la règle de gestion de la forêt. La forêt française a été construite depuis longtemps par les forestiers et doit être exploitée : cela fait partie des équilibres – reste à trouver le bon.

M. le président Roland Lescure. S’il n’y a pas d’autres questions, je vais vous demander, Monsieur le préfet, de bien vouloir quitter la salle, en vous remerciant d’avoir été parmi nous et d’avoir répondu à nos questions. Nous allons maintenant procéder au vote, comme le prévoit le Règlement, en votre absence.

La commission procède au vote.

Après le départ de M. Bertrand Munch, il est procédé au vote sur la nomination par appel à la tribune et à bulletins secrets. Les résultats du vote sont les suivants :

Nombre de votants

Bulletins blancs ou nuls

Abstention

Suffrages exprimés

Pour

Contre

 

 


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 11 décembre 2019 à 15 heures

Présents.  M. Damien Adam, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Anne Blanc, M. Éric Bothorel, Mme Pascale Boyer, M. Michel Delpon, M. Nicolas Démoulin, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Frédéric Descrozaille, M. Fabien Di Filippo, Mme Stéphanie Do, M. Daniel Fasquelle, Mme Laurence Gayte, Mme Christine Hennion, M. Antoine Herth, M. Sébastien Jumel, M. Guillaume Kasbarian, M. Jean-Luc Lagleize, Mme Laure de La Raudière, Mme Frédérique Lardet, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, M. Didier Martin, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Anne‑Laurence Petel, Mme Sylvia Pinel, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Nicolas Turquois, M. Boris Vallaud

Excusés.  Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Grégory Besson-Moreau, M. Philippe Bolo, M. Alain Bruneel, Mme Anne-France Brunet, M. Anthony Cellier, M. Dino Cinieri, Mme Michèle Crouzet, M. Rémi Delatte, M. Julien Dive, M. José Evrard, M. Philippe Huppé, Mme Marietta Karamanli, M. Sébastien Leclerc, M. Richard Lioger, Mme Jacqueline Maquet, M. Mickaël Nogal, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Bénédicte Taurine, Mme Huguette Tiegna

Assistaient également à la réunion.  Mme Danielle Brulebois, M. Pierre Cordier, M. Serge Letchimy, Mme Mathilde Panot, M. Hervé Pellois, M. Patrice Perrot, M. Dominique Potier, M. Rémy Rebeyrotte, M. Vincent Thiébaut, M. Jean-Luc Warsmann