Compte rendu
Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation
– Examen du rapport de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public (MM. Jean-Jacques Gaultier, président, et Quentin Bataillon, rapporteur) 2
– Examen du rapport de la mission d’évaluation de l’impact de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance (Mme Géraldine Bannier et M. Jérôme Legavre, rapporteurs) 24
– Présences en réunion..............................25
Mercredi
7 juin 2023
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 49
session ordinaire de 2022-2023
Présidence de
Mme Isabelle Rauch,
Présidente, puis de M. Maxime Minot, Vice‑président
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La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.
(Mme Isabelle Rauch, Présidente)
La commission procède à l’examen du rapport de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public (MM. Jean-Jacques Gaultier, président, et Quentin Bataillon, rapporteur).
Mme la présidente Isabelle Rauch. Mes chers collègues, nous allons examiner ce matin les rapports de deux missions d’information lancées à l’automne dernier. Le premier rapport est celui de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public. Cette mission est composée de vingt membres, elle est présidée par Jean-Jacques Gaultier et son rapporteur est Quentin Bataillon. Elle a été créée dans le contexte de la réforme de l’audiovisuel public actée en juillet dernier par la suppression de la contribution à l’audiovisuel public et alors que les contrats d’objectifs et de moyens (COM) de ces entités ont été prolongés d’une année afin de permettre une réflexion de fond. La mission a effectué un nombre impressionnant d’auditions et de visites. Je sais que mes collègues ont de nombreuses questions à vous poser, aussi je me limiterai à une seule question qui me tient particulièrement à cœur, en tant que frontalière : comment avez-vous pris en compte les spécificités de la chaîne de service public franco-allemande ARTE, qui est régie par un traité international ? Je vous donne la parole pour une vingtaine de minutes à vous deux afin que vous nous présentiez les conclusions de vos travaux.
M. Jean-Jacques Gaultier, président de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public. Merci madame la présidente. Nous sommes très heureux de pouvoir exposer nos travaux après sept mois d’auditions. Nous avons rencontré plus de deux cents personnes et nous avons effectué de nombreux déplacements, en France comme à l’étranger – notamment au siège de la British Broadcasting Company (BBC). Si notre mission s’intitule « mission sur l’avenir de l’audiovisuel public », c’est tout d’abord parce que nous croyons que l’audiovisuel public a un avenir. Il a un rôle central, lié à des enjeux démocratiques à une époque où l’information peut être manipulée à des fins commerciales ou politiques. D’ailleurs, près de 80 % des jeunes croient en une théorie du complot. Il répond aussi à un enjeu de souveraineté culturelle, à une époque où nous risquons d’assister à une uniformisation de la culture autour de plateformes américaines ou chinoises. Enfin, nous voyons un enjeu économique dans la mesure où l’audiovisuel français reste de loin le premier financeur de la création artistique, qu’il s’agisse des fictions françaises, des documentaires, des films d’animation et bien entendu des droits d’auteur.
Dans notre rapport, nous avons souhaité effectuer une comparaison par rapport à nos voisins européens. Le niveau de financement de l’audiovisuel français se situe à un niveau moyen par rapport aux autres pays européens. Il est presque deux fois moindre – rapporté à la population – qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni, légèrement plus faible qu’en Suisse ou en Belgique mais supérieur à celui de l’Italie ou de l’Espagne. Nous constatons une spécificité française au niveau de l’organisation de l’audiovisuel public, qui est davantage morcelée que dans les autres pays européens. Une autre particularité est liée au fait que la publicité a été bannie sur bon nombre de chaînes publiques européennes. Elle est totalement absente au Royaume-Uni, en Espagne et dans les pays d’Europe nordique (Danemark, Norvège, Suède, Finlande) et presque absente en Allemagne (complètement absente après vingt heures, le week-end et les jours fériés).
Notre rapport est centré sur le financement de l’audiovisuel public. Nous énumérons tout d’abord les options qui nous semblent inenvisageables, en commençant par la création d’une nouvelle taxe qui remplacerait la contribution qui a été supprimée. Ce serait une décision difficilement soutenable dans un pays où le taux de prélèvement obligatoire atteint 45 % que de recréer un impôt après en avoir supprimé un. En outre, la gestion d’une ressource fiscale de seulement 3,2 milliards d’euros serait problématique. Nous avons également écarté l’hypothèse de la budgétisation dans la mesure où quasiment toutes les personnes que nous avons auditionnées y étaient défavorables. Les deux principales raisons sont un risque d’attrition des ressources publiques (comme en Espagne ou aux Pays-Bas) et un risque réputationnel compte tenu d’une forme de dépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif. Nos voisins allemands nous ont notamment exhortés à ne pas transformer les médias publics en médias gouvernementaux.
Nous soutenons en revanche la solution transitoire qui a été imaginée par les parlementaires à l’été dernier. Le dispositif est censé se terminer fin décembre 2024 (sauf évolution législative) et les personnes auditionnées encouragent à pérenniser un tel mode de financement. Deux conditions préalables ont été cependant formulées : déposer une proposition de loi organique modifiant la LOLF et permettant de pérenniser cette solution, et créer un dispositif spécifique pour la chaîne ARTE-France, qui comme vous l’avez souligné, est régie par un traité inter-étatique depuis 1990 et avait été écartée du projet de holding en 2020. Nous proposons d’utiliser un prélèvement sur recettes (PSR) à l’aide d’un outil dérogatoire réservé aux collectivités locales et à l’Union Européenne, et il se trouve qu’ARTE est une chaîne européenne. Cela permettrait de montrer que la France respecte ses engagements européens en la matière. Le financement serait assuré par trois ressources : la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), le PSR pour ARTE et les ressources propres – sachant que le recours à la publicité doit rester limité, comme l’ont bien compris nos voisins européens. Nous proposons de supprimer les annonces publicitaires entre vingt heures et six heures, et de compenser ce manque à gagner pour France Télévisions par le biais de la taxe sur les services numériques. Cette taxe s’applique aux plateformes de partage de contenus qui réalisent plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires au niveau mondial et plus de 25 millions d’euros en France, c’est-à-dire des acteurs tels que Google, Amazon, Meta (Facebook) et Apple. Cette taxe est extrêmement dynamique. Les revenus publicitaires de ces géants d’internet augmentant, nous pourrions prélever une partie de ces recettes pour compenser la baisse des revenus publicitaires de l’audiovisuel public.
Nous proposons également des mesures visant à améliorer la gouvernance mais nous aurons certainement l’occasion de détailler ce point en répondant à vos questions. En résumé, je pense que nous avons besoin de davantage de convergence, de cohérence et de coopération, en allant plus vite, plus loin, plus fort et plus efficacement sur la voie où nous nous sommes déjà engagés. J’insiste une nouvelle fois sur une exception française avec la coexistence de six entités audiovisuelles publiques là où nos voisins belges, suisses ou britanniques n’ont souvent qu’une seule institution regroupant la télévision, la radio et les services numériques.
Nous estimons que la priorité doit être donnée à l’information. Les Français sont attachés à l’audiovisuel public, qui rassemble environ 30 % de l’audience, à la télévision comme à la radio, mais ils sont assez critiques à l’égard de la qualité des informations communiquées dans les médias (publics comme privés). L’audiovisuel public a un rôle majeur à jouer pour proposer une information fiable, vérifiée et indépendante. Je rappelle que 85 % des jeunes croient à une théorie du complot. Pour ceux qui ne vérifient pas les sources d’information, l’audiovisuel public doit délivrer un message très fort. Il se doit aussi de garantir un accès large et démocratique à la culture et au sport. Enfin, indépendamment de la numérisation, nous nous devons de moderniser la TNT par l’introduction de l’ultra-haute définition. La TNT reste le seul moyen de recevoir la télévision pour 20 % des Français.
M. Quentin Bataillon, rapporteur de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public. Madame la présidente, chers collègues, nous sommes heureux de vous présenter aujourd’hui les conclusions communes et transpartisanes de notre mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public. Nous avons fait le choix d’une méthodologie exigeante afin d’apporter une réponse complète et d’aboutir à des propositions fortes et crédibles. Dès le lancement de la mission, nous nous sommes engagés à auditionner tous les représentants qui le souhaitaient. Nous avons ainsi réalisé soixante-quinze heures d’auditions avec plus de deux cents personnes et nous nous sommes déplacés auprès de plus de cinquante entités d’audiovisuel public. Nous avons rencontré les responsables de la BBC et de Channel 4 ainsi que les régulateurs de l’audiovisuel britannique à Londres.
C’est sur ce socle solide que reposent les conclusions qui ont été adoptées hier par les députés membres de la mission d’information. C’est d’ailleurs d’un commun accord que nous avons décidé de fonder nos travaux sur une analyse de l’usage que font les Français de l’audiovisuel public. Au-delà des intérêts légitimes de tel ou tel acteur ou de tel ou tel secteur, nous ne devons pas oublier que nous légiférons pour nos concitoyens et que ce sont eux qui le financent à travers la TVA prélevée sur leurs achats. J’y vois aussi une forme de justice sociale car notre niveau de consommation est directement lié à notre niveau de revenus.
Quel regard nos compatriotes portent-ils sur l’audiovisuel public ? Quelle différenciation attendent-ils vis-à-vis des chaînes privées ? Comment leur usage audiovisuel évolue-t-il ? Comment assurer la défense de nos entités et leur robustesse dans un environnement numérique qui noie les consommateurs sous un flot informationnel et créatif ? Comment assurer également leur indépendance ? Ces enjeux ont récemment été résumés par Mme Nathalie Sonnac dans Le Nouveau Monde des Médias : « préserver le contrat de confiance entre citoyens et institutions autour d’une information fiable et préserver notre singularité culturelle face à la concurrence déloyale ».
À l’heure de la société des écrans, cette mission vient rappeler le rôle central que joue l’audiovisuel public, en proposant trente propositions pour le révolutionner et le renforcer. En effet, je fais partie de ceux qui pensent que le statu quo sur plusieurs sujets sonnerait la mort programmée de l’audiovisuel public visible et robuste. Pour cela, deux questions dominent : pourquoi l’audiovisuel public et comment assurer la spécificité et l’indépendance de celui-ci ? C’est le sens de la première partie du rapport.
L’audiovisuel public symbolise notre culture commune, notre imaginaire collectif, il porte les grands événements qui rassemblent notre Nation. L’information libre et neutre est d’ailleurs devenue un enjeu démocratique fort, notamment face à la menace des fausses informations. À ce titre, nous formulons des propositions fortes pour développer, et notamment pour les plus jeunes, une véritable éducation aux médias et à l’information, coordonnée dans l’ensemble du service public audiovisuel, conformément aux recommandations de la mission flash sur l’éducation critique aux médias. L’audiovisuel public doit être, pour tous, une fenêtre ouverte sur le monde et vers les autres. À travers chacun de ses programmes, même les plus discriminants, il doit affirmer sa spécificité vers un plus culturel. L’audiovisuel public a tous les moyens d’innover et de surprendre le public, d’être un véritable laboratoire de nouvelles émissions et de nouveaux concepts, et ainsi de libérer tout le génie audiovisuel français. Nous prônons un audiovisuel public populaire et de qualité. Pour que l’audiovisuel public soit vu et entendu, il doit rester ce tiers de confiance qu’il est déjà en proposant des contenus qualitatifs, éclectiques, audacieux et répondant aux préoccupations des Français. La stratégie de puissance par la taille que certains recherchent est vouée à l’échec. C’est par le contenu éditorial et la visibilité des offres que notre audiovisuel parviendra à toucher les Français. C’est sur cette spécificité que le rapport est très exigeant. Cette position est assumée car il en va de la justification même de l’existence d’un audiovisuel public.
Dès lors, je salue l’ensemble des sociétés qui composent notre audiovisuel public ainsi que leurs dirigeantes et dirigeants pour le travail exceptionnel qu’ils réalisent, animés d’une conception du service public de l’audiovisuel et de l’information : France Télévisions avec Mme Delphine Ernotte, Radio France avec Mme Sibyle Veil, France Médias Monde avec Mme Marie-Christine Saragosse, l’Institut national de l’audiovisuel avec M. Laurent Vallet, ARTE avec M. Bruno Patino et TV5 Monde avec M. Yves Bigot. Je salue également à travers eux le personnel des maisons qu’ils représentent. Je pense aussi à tous ceux qui représentent le secteur audiovisuel et cinématographique ainsi que tous nos auteurs.
Permettez-moi de me concentrer à présent sur le contexte à l’origine de notre mission : la réforme du financement de l’audiovisuel public initiée par le projet de loi de finances rectificative pour 2022 et la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Cette promesse de campagne a été réalisée dès les premières semaines du nouveau mandat présidentiel. Dès lors, nous avons écarté toute création d’une nouvelle taxe, pour les mêmes raisons évoquées par le président et pour éviter que des foyers jusque-là exonérés compte tenu de leurs revenus modestes ne soient soumis à cette nouvelle taxe. Nous avons également écarté la budgétisation assez rapidement, car elle était porteuse de forts risques pour la pérennité financière et l’indépendance de l’audiovisuel public. Celui-ci aurait pu être perçu à l’étranger comme un média gouvernemental et non plus public. Cela n’aurait pas été sans conséquences, surtout dans le contexte géopolitique actuel.
Nous vous proposons donc de modifier la loi organique relative aux lois de finances dès que possible et en tout état de cause avant le dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2025. Notre proposition vise à pérenniser le financement de l’audiovisuel public par l’affectation d’une fraction de TVA tout en maintenant le compte de concours financier pour prémunir les entités des régulations infra-annuelles. Ceci est essentiel et c’est d’ailleurs le sens de l’amendement qui avait été déposé par Jean-Jacques Gaultier, Aurore Bergé et moi‑même à l’été 2022. Nous vous proposons également de modifier la LOLF afin de créer un prélèvement sur recettes au profit d’ARTE-France afin de respecter les engagements internationaux de la France. Nous proposons également de renforcer le caractère contraignant des contrats d’objectifs et de moyens en les annexant aux lois de programmation de finances publiques, tout en créant un mécanisme d’alerte auprès de l’Arcom au cas où les moyens dévolus à l’audiovisuel viendraient à s’écarter au-delà d’un certain seuil, des trajectoires fixées en amont dans les perspectives plurianuelles issues des concertations.
Ces mesures budgétaires constituent le cœur du présent rapport et notre priorité. Nous avons donc conjointement déposé une proposition de loi organique portant cette réforme de l’audiovisuel public.
Concernant la publicité, nous réaffirmons l’esprit de 2009 et surtout la promesse alors faite aux Français de l’arrêt de la publicité entre vingt heures et six heures sur France Télévisions. L’absence de publicité est une attente très forte de nos compatriotes. C’est aussi le premier élément distinctif de l’audiovisuel public et le modèle choisi par de nombreux voisins européens. Nous devons donc tendre vers ce modèle. Bien entendu, nous nous devons de compenser les pertes de recettes publicitaires qui en résultent, en affectant à l’euro près – j’insiste sur ce point – une partie de la taxe sur les services numériques. C’est d’ailleurs vers eux que la fuite des revenus publicitaires s’opère et ce serait donc une juste mesure que d’en récupérer une partie ainsi. C’est seulement à cette condition que nous proposons l’arrêt total de la publicité et des parrainages sur France Télévisions de vingt heures à six heures et ce, sur tous les supports (y compris numériques). Cependant, nous refusons le plafonnement financier des publicités chez France Télévisions et appelons à maintenir le niveau du plafonnement actuel des publicités chez Radio France. En effet, il faut prendre en compte les limites du marché publicitaire et la situation des radios privées qui en dépendent.
Comme je le disais en début d’intervention, l’audiovisuel public doit être visible et disponible. Ainsi, plutôt que de créer une plateforme unique qui serait surchargée et ne répondrait pas aux différents usages, nous appelons à élaborer une stratégie d’interopérabilité des plateformes digitales existantes avec la mise en place d’un moteur de recherche commun et d’un identifiant de connexion unique. Nous proposons la création d’un véritable France Connect de l’audiovisuel public. Nous proposons de retenir le périmètre des chaînes TNT pour la qualification des services d’intérêt général et de renforcer la visibilité de ceux-ci sur différents canaux. Je pense notamment aux télécommandes et aux télévisions connectées. Cela va aussi dans le sens de la mission flash qui avait été réalisée l’an dernier par notre commission.
Nous appelons enfin à prolonger le travail d’harmonisation des objectifs et indicateurs inscrits dans les contrats d’objectifs et de moyens des différents groupes afin de favoriser un pilotage plus stratégique des coopérations. Pour relever les grands défis qui leur font face, les entités de l’audiovisuel public doivent faire le choix d’une stratégie de diffusion commune. Cela passe par des investissements conséquents et mutualisés et par un pilotage commun, notamment en matière d’information. Je pense bien sûr à la proximité entre France 2 et France 3. À ce titre, je salue les efforts déjà engagés par Radio France et France Télévisions, sous l’impulsion des ministres Franck Riester et Roselyne Bachelot et grâce à l’accélération nette suscitée par la ministre Rima Abdul Malak. Je pense aussi à l’international. En effet, l’ambition d’une « CNN à la française » souhaitée par le Président Jacques Chirac en 2002, n’est malheureusement pas une réalité, et nous pouvons y remédier, notamment avec un rapprochement fort entre France 24 et Franceinfo TV. Nous proposons également de créditer l’audiovisuel extérieur afin de lui permettre d’acquérir une nouvelle implantation de moyens à Beyrouth. Nous réaffirmons donc le rôle central des contrats d’objectifs et de moyens dans le cadre de la synergie devenue aussi urgente qu’indispensable. Ils doivent également être plus longs – cinq ans, alignés sur les mandats des dirigeants – et plus transparents avec des consultations publiques et sectorielles. Nous pensons que ces prochains contrats sont cruciaux et que s’ils ne sont pas à la hauteur des enjeux, une évolution profonde de la gouvernance et de la structuration de l’audiovisuel public devra avoir lieu, avec l’établissement d’une holding légère et stratégique. En ce sens, une proposition très précise est énoncée dans le rapport, pour ne pas dire une solution clefs en main, avec une résonance forte et concrète déjà en dicussion au Sénat. Nous aurons, je l’imagine, l’occasion d’y revenir durant nos débats.
Mes chers collègues, avant de répondre à vos questions, je tiens à remercier Mme la présidente pour sa confiance. Mon dernier mot sera bien sûr pour le président de notre mission, pour exprimer le plaisir que j’ai eu de travailler avec lui. J’ai apprécié son exigence, sa solidité, son impartialité, son esprit de méthode et sa ponctualité !
Mme la présidente Isabelle Rauch. Merci pour cette présentation. Je donne la parole aux représentants des groupes.
Mme Céline Calvez (RE). Au nom du groupe Renaissance, je salue le rapport de la mission d’information, qui fait du financement de l’audiovisuel public sa priorité et qui répond parfaitement aux attentes du secteur en proposant une solution concrète permettant de garantir de la stabilité au service public auquel les Français sont attachés. Vous proposez ainsi la pérennisation de l’affectation d’une part de la TVA qui avait été imaginée l’année dernière lorsque nous avons supprimé la contribution à l’audiovisuel public. Pour ce faire, vous proposez une modification de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).
Je salue par ailleurs le courage dont vous avez fait preuve en proposant pour objectif de réduire la publicité sur les canaux audiovisuels publics, ce qui constitue un facteur différenciant de l’audiovisuel public auquel nos concitoyens sont sensibles. Cette volonté ne sera pas accompagnée d’une baisse de moyens pour l’audiovisuel public car vous formulez une condition, qui est la compensation des pertes de revenus publicitaires par un prélèvement sur la taxe sur les services numériques.
Enfin, votre rapport propose une modification de la gouvernance des entreprises de l’audiovisuel public. Si la possibilité de créer une holding est évoquée, à l’instar d’une proposition récente de nos collègues sénateurs, vous proposez avant cela d’instaurer une meilleure articulation des contrats d’objectifs et de moyens. Cette proposition semble parfaitement répondre aux objectifs recherchés, dans la mesure où la périodicité des contrats des différentes entités s’est synchronisée et que les négociations s’effectuent pour une période quinquennale. L’approfondissement de ces contrats s’accompagnerait d’un accroissement des responsabilités et permettrait de renforcer la coopération entre les différentes sociétés de l’audiovisuel public tout en améliorant leur gouvernance et leurs missions.
Je renouvelle l’expression de confiance du groupe Renaissance en l’audiovisuel public.
M. Philippe Ballard (RN). Je souhaite tout d’abord rappeler la position du Rassemblent National à propos de l’audiovisuel public. Nous sommes en faveur d’une privatisation qui permettrait de donner naissance à un groupe puissant, s’il était associé à TF1 et M6. Nous savons que ces deux derniers étaient animés par une volonté de fusion mais il en a malheureusement été décidé autrement par l’Autorité de la concurrence. La naissance d’un groupe de dimension européenne permettrait à la France d’opposer une résistance face aux mastodontes que sont Netflix, Amazon et Google. Bien évidemment, ce nouveau groupe serait soumis à un cahier des charges l’obligeant à consacrer une part de son temps d’antenne à la culture et à l’information.
Le service public provoque des tensions. On y constate une logique de plus en plus commerciale avec la tendance à la banalisation de la publicité sur France Télévisions aux horaires où celle-ci est censée être absente. Nous estimons ainsi que 25 % du chiffre d’affaires publicitaire de France Télévisions est réalisé à ces horaires en principe protégés. De plus, France Télévisions utilise parfois ses investissements auprès des sociétés de production comme une arme de rétorsion. Je fais référence notamment à Newen, qui s’interroge sur de telles pratiques, loin de l’intérêt des téléspectateurs.
Enfin, nous assistons de plus en plus à des dérives du service public, France Télévisions se vantant encore de diffuser la semaine dernière un programme faisant la promotion, à une heure de grande écoute, de drag queens, et France inter ayant défendu, dans un article, l’idée que l’instinct maternel ne serait qu’une invention capitalistique de la révolution industrielle ! Le service public n’est que le triste reflet d’une caste déconnectée et à la dérive, complètement éloignée de ses missions de service public et de ce que peuvent attendre les Français, même s’il faut bien reconnaître que, parfois, des émissions de qualité arrivent à se glisser dans la grille des programmes.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Pendant sa campagne, le Président avait promis la suppression de la redevance audiovisuelle sans proposer de réelle solution de remplacement. Lorsqu’il s’agit de détruire le service public, il n’y a pas mieux, vous en savez quelque chose ! C’est maintenant à vous, M. le président et M. le rapporteur, de trouver des solutions. Ce ne sont pourtant pas les solutions qui manquent dans ce rapport mais vous ne nous proposez qu’une loi organique pour contourner l’obstacle de l’article 2 de la LOLF et pour permettre de financer l’audiovisuel public par une fraction de la TVA, impôt qui pèse d’abord sur les plus modestes et qui va de pair avec l’inflation.
Pourtant, des solutions concrètes ont été proposées par les experts auditionnés, comme par exemple une taxe audiovisuelle sur les personnes morales avec des tranches évolutives, qui aurait garanti un financement de façon pérenne, égalitaire et indépendante.
L’indépendance est capitale pour les professionnels du secteur. Ce n’est pas votre passion mais cela compte encore un peu pour les Français, quand il s’agit d’information et de confiance. Vos propositions vont à l’encontre du principe d’indépendance. Votre modèle est celui des synergies et de la mutualisation. En résumé, on casse l’indépendance des rédactions en les forçant à fusionner sous la houlette d’une holding qui se chargera d’uniformiser les lignes éditoriales. Revenir à l’ORTF alors que nous devons repenser notre modèle à l’ère du numérique est ubuesque !
Mais derrière ce travail d’information et de création, il y a des personnes dont les conditions d’exercice vont se dégrader davantage, à l’image des soignants de l’hôpital public et des professeurs de l’Éducation nationale. Comment justifierez-vous la future dégradation de l’audiovisuel public aux personnels et aux usagers ?
Mme Frédérique Meunier (LR). Merci pour la qualité de ce rapport réalisé après sept mois d’auditions. Assurer la souveraineté audiovisuelle de la France est une nécessité et il est également primordial de proposer un service public audiovisuel indépendant et de qualité. L’une des propositions phares de ce rapport, également formulée par le sénateur Laurent Lafon, est la création d’une holding stratégique. L’Arcom a observé que la coopération entre les entités de l’audiovisuel public demeurait limitée. Aussi, vous proposez la création d’une structure de gouvernance capable de jouer le rôle de chef de file et de facilitateur entre les entités. Vous avez raison, en accord avec les dirigeants de l’audiovisuel public, de souhaiter l’indépendance de cette entité avec un président-directeur général (PDG) qui serait nommé par le conseil d’administration et non par le Président de la République.
L’audiovisuel public français est face à l’inévitable montée des plateformes numériques. Pour faire face à l’omniprésence de celles-ci, vous affirmez qu’il n’est pas question d’en créer une commune et qu’elle serait vouée à l’échec. Alors que proposez-vous pour lutter contre ces plateformes qui monopolisent le streaming ? Les groupes privés avaient dénoncé les dérives du groupe France Télévisions dans un courrier destiné à la Première ministre Élisabeth Borne. En effet, alors que France Télévisions a l’interdiction de diffuser de la publicité après vingt heures, cette règle est contournée avec largesse. Ces groupes privés estiment que 25 % du chiffre d’affaires publicitaire de France Télévisions sont réalisés à ces horaires dits protégés. C’est donc dans ce contexte de tension entre le service public et les chaînes privées que vous souhaitez supprimer toute présence des annonceurs entre vingt heures et six heures sur les antennes nationales et sur les plateformes de France Télévisions en étendant cette interdiction à la publicité numérique et aux parrainages. Comment pensez-vous que le secteur public va réagir et croyez-vous que la compensation des pertes de recettes financières que vous proposez lui conviendra ?
Mme Sophie Mette (Dem). Au nom du groupe des Démocrates, je vous remercie pour la présentation de votre rapport. Il est le fruit d’un travail conséquent et j’ai constaté l’importance du travail mené, avec un grand nombre d’auditions. Le document soulève deux questions essentielles : comment assurer la défense de l’audiovisuel public dans un environnement numérique qui noie les consommateurs sous un flot informationnel et créatif et comment, surtout, assurer son indépendance ?
Vous préconisez notamment l’allocation d’une fraction des recettes de la taxe sur les services numériques pour compenser la suppression de la publicité après vingt heures. Cette recommandation fait vivement réagir dans le domaine de l’audiovisuel public. Le parrainage représente moins de cinq minutes par jour entre vingt heures et minuit en 2022. Cela semble résiduel au regard de la concentration des investissements du secteur autour du carrefour d’audience entre vingt heures et vingt-deux heures. Surtout, la suppression des fenêtres de parrainage risquerait de conduire non pas à un report sur les chaînes privées mais vers les plateformes étrangères et nouvellement ouvertes à la publicité telles que Netflix et Amazon Prime. Pour rappel, lors de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques en 2009, les reports des 400 millions d’euros d’investissements n’ont pas bénéficié aux autres chaînes. S’il s’agit de priver le service public de ressources certaines pour une compensation qui inquiète l’ensemble des équipes compte tenu des difficultés qu’elle implique, il faut se montrer très prudents.
Des craintes se font aussi entendre à propos des conséquences de deux de vos propositions : la diminution du suivi des usages que font les annonceurs et la limitation du développement de nouvelles offres digitales pour le groupe public. Que répondez-vous à ces inquiétudes ?
M. Inaki Echaniz (SOC). C’est dans un contexte d’urgence et d’impréparation que s’est créée cette mission d’information, contrainte de raisonner à l’envers : trouver une solution de financement avant de déterminer quelles missions et quel avenir on souhaite donner à l’audiovisuel public. La solution proposée pour le financement est de maintenir l’affectation d’une part de la TVA. Au-delà du fait que nous considérions cette mesure comme très injuste, une telle piste nous semble difficilement réalisable. Elle nécessiterait de modifier deux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances. Deux ans après la dernière LOLF, qui est entrée en vigueur vingt ans après la précédente, pensez-vous vraiment, M. le rapporteur, qu’il soit possible de voter une nouvelle LOLF d’ici 2025, d’autant plus dans le contexte politique actuel ? Si elle était suivie, les incertitudes qui entourent cette piste fragiliseraient le financement de l’audiovisuel public et en cas d’échec, nous risquerions de retomber sur la piste de la budgétisation que tous les députés contestent.
Par ailleurs, dans ce contexte budgétaire incertain, si toute publicité était retirée après vingt heures, nous serions inquiets que l’audiovisuel public se voie retirer une ressource avant même que n’ait été réglée la question du financement. La proposition de compensation à l’euro près par une taxe sur les services numériques semble très fragile. En effet, la taxe sur les services numériques ne sera sans doute pas pérenne : les discussions en cours au niveau de l’OCDE autour d’une future taxe sur les profits générés par les activités numériques des multinationales conduiraient à la disparition de la taxe sur les services numériques en cas d’accord. Avez-vous envisagé cela et comment pouvez-vous nous assurer la pérennité de cette ressource ?
Enfin, l’avenir de l’audiovisuel public doit-il passer par une holding ? Nous n’en sommes vraiment pas convaincus, d’autant que les synergies entre les différentes sociétés sont déjà nombreuses. Si elles étaient moins inquiètes sur la façon de boucler leur budget et de freiner ces questions de gouvernance, peut-être auraient-elles plus de marges de manœuvre pour développer leurs coopérations. Une nouvelle fois, dans un contexte de guerre de l’information, d’attaques virales donnant lieu de vérité, d’atteintes contre la presse et sa liberté, partout dans le monde et jusqu’en France, tous les modes de financement et de gouvernance ne se valent pas quand il s’agit de garantir la liberté de l’information et l’indépendance des rédactions. Nous pensons que vous n’avez pas retenu les bonnes solutions.
Mme Béatrice Bellamy (HOR). Tout d’abord, je vous remercie pour la qualité de ce travail, qui permet à la représentation nationale de débattre de ce sujet majeur. Ce rapport est lui-même l’aboutissement de plusieurs mois d’études, de constats et de propositions construites et partagées. L’audiovisuel public n’est pas une mince question. Il fait encore partie du quotidien de nombreux foyers. Le contexte se transforme, la technique avance, et l’audiovisuel évolue à grande vitesse. Les usages par nos compatriotes changent également. Ces bouleversements et les ruptures qu’ils entraînent nécessitent des arbitrages et des décisions majeures. Les modalités de financement n’en sont pas les moindres. Après en avoir déjà débattu ici, elles constituent toujours une source d’interrogation. C’est donc le cœur de votre rapport.
Aussi, après avoir exclu les pistes de financement qui ne vous semblent pas opportunes, vous détaillez une solution dite « à trois entrées ». Monsieur le rapporteur, il me paraît primordial de garantir l’indépendance et le pluralisme de l’audiovisuel public. Dans ce cadre, quel serait selon vous le meilleur mode de financement et surtout pourriez-vous nous expliquer comment les recommandations que vous émettez permettraient de garantir ce pluralisme indispensable ?
Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo - NUPES). Vous dites croire à l’audiovisuel public, vouloir le protéger. Permettez-moi d’en douter. En réalité, vous le fragilisez. C’est d’autant plus grave quand on connaît l’enjeu démocratique fondamental lié à l’accès à une information de qualité, à la culture et à l’enrichissement de l’exception culturelle française. Et ceci d’autant plus alors que le deuxième groupe le plus présent à l’Assemblée nationale envisagerait purement et simplement de supprimer le service public de l’audiovisuel ! Alors oui, dans ce contexte, vos propositions fragilisent ce service public !
Vous adoptez une posture très « service public » en disant que vous êtes défavorables à la publicité. Les Écologistes sont défavorables à la publicité sur le service public audiovisuel, bien sûr, mais qui peut croire à la fable de la compensation à l’euro près qui n’a jamais été tenue dans le temps ? Vous proposez de taxer les plateformes de streaming, très bien, mais soyez ambitieux et assumez, dans votre rapport, la nécessité d’un investissement massif dans le service public de l’audiovisuel pour lui permettre de relever les défis qui sont les siens, au lieu de simplement demander l’arrêt de la baisse des ressources. Cette baisse a été tragique pour l’audiovisuel public, qui a subi moult plans sociaux et une dégradation majeure des conditions de travail des personnels.
La proposition basée sur la TVA est en fait une budgétisation cachée, c’est-à-dire une atteinte à l’indépendance du service public de l’audiovisuel qu’une taxe affectée lui garantissait. Vous ne souhaitez pas revenir là-dessus, et cela ne vous permet pas de vous prémunir de participer à l’affaiblissement du service public en remettant en cause son indépendance financière. Et ce ne sont pas les quelques petits ajustements que vous proposez qui pourront nous rassurer !
M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). J’aimerais tout d’abord remercier le président et le rapporteur pour ce rapport, dont nous soutenons l’esprit général de défense du service public de l’audiovisuel et qui réaffirme sa spécificité. Nous avons bien vu comment, à l’occasion de la suppression de la taxe audiovisuelle, l’extrême droite et ses relais ont prôné la disparition du service public. À l’inverse, nous pensons qu’un service public puissant et indépendant, doté des moyens nécessaires à son action et avec des programmes spécifiques et des identités fortes, est le signe d’une démocratie qui fonctionne.
Nous partageons votre constat quant au fait que la fiscalité affectée est la mieux à même de garantir l’indépendance de l’audiovisuel public et la prévisibilité de ses ressources. Ce n’est pas toujours dit comme cela au sein de la majorité du gouvernement et nous nous en félicitons. C’est pour cela que nous militons pour une réforme de la contribution audiovisuelle publique, option que vous écartez. Nous contestons vos conclusions à ce sujet puisque vous vous prononcez en faveur du système provisoire actuel. Nous partageons vos conclusions quant à l’arrêt nécessaire des efforts financiers demandés à l’audiovisuel public. Poursuivre dans cette direction compromettrait la mise en œuvre de ses missions mais malheureusement, il a déjà été affaibli. Pour mémoire, la cure d’austérité imposée entre 2019 et 2022 s’est traduite par une baisse des dotations de 6,3 % pour France Télévisions et de 3,4 % pour Radio Fiance. C’est un contre-sens car les performances de l’audiovisuel public étaient bonnes et on peut supposer que sans cette cure d’austérité, elles auraient été meilleures, ce qui aurait été profitable au service public.
Enfin, nous restons opposés au principe de la holding, outil qui ne nous paraît pas adapté. Nous aurons l’occasion d’en débattre au cours des prochaines semaines.
M. Jean-Jacques Gaultier, président de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public. Mme Calvez, nous partageons une partie de vos positions à propos de l’affectation d’une tranche de TVA. Je pense que nous avons une opportunité à saisir au sujet des contrats d’objectifs et de moyens. Cinq objectifs communs ont été définis et cinq ou six objectifs spécifiques par entité. Il faut donc utiliser ces objectifs communs, nous efforcer de les harmoniser, et utiliser le fait que la durée des contrats ait été alignée. Cela devrait permettre de développer les coopérations. Certaines ont été engagées, certes, mais force est de reconnaître qu’elles ne sont pas encore abouties.
M. Ballard, je connais votre expérience de l’audiovisuel ainsi que la ligne politique du Rassemblement National en faveur de la privatisation, je souligne que personne aujourd’hui ne songerait revenir à un modèle où France Télévisions serait scindée en silos comme à une certaine époque. On ne peut pas décider de privatiser France 2 car elle est associée à France 3, France 4, France 5, etc. Il faudrait alors privatiser tout France Télévisions. Je considère qu’il y a de la place pour des acteurs privés fors et compétitifs mais aussi pour un acteur public fort et compétitif, avec des objectifs communs aux premiers mais aussi des missions spécifiques.
Il y a eu certes des dérapages dans l’audiovisuel public mais il y en a eu aussi dans le domaine privé. Personne n’a le monopole des dérapages et ceux-ci doivent être, dans les deux cas, unanimement sanctionnés par l’Arcom. À ceci près que l’Arcom sanctionne également les invités politiques, a fortiori en période électorale. C’est tout à fait normal et c’est même son rôle. Je serais beaucoup plus réservé quant à des sanctions qui seraient infligées à des journalistes car une autorité qui sanctionnerait des journalistes mettrait à mal la démocratie.
Mme Amiot, je comprends votre « coup de sang » d’hier. Sachez que le rapporteur et moi respectons toutes les sensibilités politiques. En sept mois d’auditions, nous avons donné la parole à tous ceux qui ont participé à nos auditions. Lorsque vous avez voulu partir, je vous ai incitée à rester, à vous exprimer et à voter. J’ai tenu les mêmes propos face à M. Corbière, qui n’a pas voulu s’exprimer. Nous avons néanmoins pris vos deux votes en considération. À titre personnel, je regrette cet épisode alors que nos travaux s’étaient fort bien déroulés pendant sept mois.
Pour répondre à votre question, la création d’un nouvel impôt pour financer l’audiovisuel public me semble se heurter à deux difficultés. Tout d’abord, après avoir expliqué aux Français que pour des raisons de préservation de pouvoir d’achat et de suppression du vecteur associé (la taxe d’habitation), il apparaissait opportun de supprimer un impôt, en réintroduire un nouveau serait difficilement soutenable politiquement parlant. Par ailleurs, la création d’un impôt pour 3,2 milliards d’euros (l’équivalent de ce qui était généré après dégrèvements par l’ancienne contribution à l’audiovisuel public) engendrerait des coûts de gestion importants au regard de cette somme.
Quant à l’indépendance de l’audiovisuel public à laquelle nous sommes tous attachés, je rappelle que le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur cette question. À ses yeux, l’indépendance est bien davantage liée au niveau du financement et à sa trajectoire qu’à son circuit de financement.
Mme Meunier, bien évidemment, l’environnement évolue très rapidement et dans un tel contexte, une cible immobile serait facile à atteindre. Si l’audiovisuel n’évoluait pas alors que tous les autres acteurs évoluent et que de nouveaux usages apparaissent, ce serait assez dangereux. Deux stratégies s’opposent au niveau des plateformes. La première est une stratégie de puissance, incarnée notamment par les plateformes américaines qui fonctionnent selon un modèle mondialisé. Les investissements de ces acteurs se chiffrent en milliards d’euros. Leur capitalisation boursière dépasse le budget des États ! Si nous ne pouvons pas nous aligner sur cette stratégie de puissance, je pense que nous pouvons opter pour la stratégie d’affinité. C’est le choix d’ARTE, par exemple. L’idée est de jouer sur une ligne éditoriale bien identifiée et d’utiliser les marques. La marque Arte est aujourd’hui reconnue et appréciée. Bien évidemment, comme M. Tim Davie, le patron de la BBC, l’a rappelé lors de notre visite, le streaming, la plateformisation et l’usage à la demande sont des enjeux majeurs vis-à-vis des jeunes. Si les jeunes ne viennent plus sur l’audiovisuel public, il faut que ce soit lui qui aille vers eux en fréquentant les réseaux sociaux et les plateformes. Vu les montants d’investissement nécessaires, il conviendrait de mettre en commun des moyens financiers et humains. Des investissements majeurs sont nécessaires en matière de cybersécurité et d’intelligence artificielle (interopérabilité des plateformes, moteur de recherche et identifiants communs, etc.).
M. Quentin Bataillon, rapporteur de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public. Je vous rassure quant au fait que nous avons adopté une approche très spécifique pour ARTE. Cette chaîne est composée d’un groupement européen d’intérêt économique (GEIE) entre l’Allemagne et la France et de deux entités en France et en Allemagne. Le financement de l’ensemble est assuré à parité par les deux pays. Par ailleurs, les contrats d’objectifs et de moyens d’ARTE dureront quatre ans et non cinq, ce qui correspond aux usages allemands en la matière. La société de holding se doit également de respecter les traités entre la France et l’Allemagne. Le financement sera assuré par un prélèvement sur recettes. Nous réaffirmons l’engagement bilatéral aux côtés de nos amis allemands. Enfin, la stratégie de diffusion d’ARTE est exemplaire avec une logique éditoriale forte, des contenus puissants – comme nous l’avons vu récemment à Cannes. Sa plateforme est un exemple pour France Télévisions et elle est en première ligne pour proposer l’interopérabilité. C’est tout à son honneur. Sa stratégie vers les jeunes, notamment via Youtube, doit aussi être un exemple pour les autres sociétés audiovisuelles publiques. Beaucoup de jeunes connaissent ARTE grâce à sa chaîne Youtube et certains ignorent que c’est également une chaîne de télévision. ARTE est donc un très bel exemple de réussite pour l’audiovisuel public.
J’aimerais remercier Mme Céline Calvez pour ses mots. Je connais son expertise en matière d’audiovisuel (notamment public). Elle a été rapporteure dans le cadre du dernier PLFR. Je connais également son rôle dans le domaine des COM, notamment à travers la proposition d’une incitation financière à mener des coopérations au sein de ces contrats.
Nous sommes en forte divergence quant au souhait du groupe Rassemblement National de privatiser l’audiovisuel public. Au-delà du fait que nous pensons que ce dernier est un acteur fort dans le domaine de l’information et de la création culturelle, je ne pense pas que le marché serait en capacité d’absorber toutes ces chaînes si elles basculaient dans le privé. Le marché publicitaire ne suffirait pas à financer l’ensemble de ces chaînes et nous assisterions donc à un écroulement rapide de l’ensemble des chaînes de la TNT. En dehors du fait que nous sommes rigoureusement opposés à une privatisation du service public audiovisuel, ce serait techniquement impossible à réaliser car le marché ne fonctionnerait plus.
Mme Mette, la suppression de la publicité après vingt heures était effectivement un engagement fort en 2009. Une ouverture a ensuite été permise avec les parrainages puis avec la publicité sur les supports numériques. Nous comprenons que le financement soit une question cruciale pour France Télévisions et c’est la raison pour laquelle nous soutenons une proposition de compensation à l’euro près. Nous pensons d’ailleurs qu’il vaudrait mieux opter pour la compensation aujourd’hui, avant que le marché publicitaire linéaire ne s’écroule potentiellement. Les revenus qui seraient compensés pourraient donc être plus importants que les revenus publicitaires futurs dans l’hypothèse d’un statu quo. Pour le public, l’arrêt de la publicité après vingt heures a été perçu comme un gain qualitatif. Au fil du temps, il a été troublé par la réapparition de publicités via les parrainages. Supprimer complètement la publicité sur les chaînes publiques permettrait d’attirer davantage de nos concitoyens vers elles après vingt heures. Selon la logique « 360 degrés », il conviendrait alors d’appliquer la même politique pour le numérique. Les recettes globales s’élèvent à 32,4 millions d’euros (sur l’ensemble de la journée) pour la partie digitale et à 95,9 millions d’euros pour les parrainages. Cela vous donne un ordre d’idée du montant de la compensation pour une suppression totale entre vingt heures et six heures. À l’échelle du financement global de France Télévisions, ni même par rapport à l’ensemble des recettes publicitaires, ce n'est pas énorme. Je pense donc que ce geste est souhaitable vis-à-vis du public, ne serait-ce que pour respecter la parole qui avait été donnée en 2009.
M. Echaniz, votre question sur la LOLF est très pertinente en effet. Ce qui est certain, c’est que si aucun nouveau dispositif n’est institué avant le 31 décembre 2024, nous irons vers la budgétisation pure et simple. Je pense que nous sommes d’accord quant au fait que ce n’est pas souhaitable. Il y a donc urgence et c’est pourquoi nous avons immédiatement déposé une proposition de loi aujourd’hui même, en même temps que nous présentons les conclusions de notre mission. Nous pouvions difficilement aller plus vite. Le président conduit des négociations afin que cette proposition de loi puisse être débattue avant la fin de l’année 2024. Nous avons déjà engagé des discussions avec les sénateurs en vue d’essayer de dégager une majorité dans les deux chambres.
Au sujet de la holding, nous souhaitons donner une chance supplémentaire aux contrats d’objectifs et de moyens. La ministre Rima Abdul Malak a réalisé un travail important en ce sens. Nous avons même vu Radio France et France Télévisions émettre des propositions pour renforcer leur proximité. Nous pensons qu’il faut aller beaucoup plus loin et plus rapidement. Nous pensons qu’il faudrait faire de même à l’international. Cette holding pourrait être une option si les contrats d’objectifs et de moyens n’étaient pas à la hauteur des attentes en matière de synergies. L’idée est que cette structure soit la plus légère et la moins onéreuse possible, comme en son temps la société qui avait été créée au moment du regroupement entre France 2 et France 3, qui employait moins de quarante salariés.
Mme Bellamy, la question de l’indépendance est effectivement cruciale. L’Arcom a débattu en son sein sur le respect du pluralisme. Nous avons également échangé au sein de cette commission sur les règles d’équité et de légalité. Ce débat n’était pas complètement lié au sujet de notre mission mais nous aurons l’occasion d’y revenir car il peut nourrir des interrogations chez nos concitoyens, notamment lorsqu’il s’agit de répartir le temps de parole en période électorale. À propos de l’indépendance, le signal que nous enverrons à l’international est extrêmement important. Nous avons donc réuni toutes les garanties, notamment vis-à-vis de France Médias Monde, quant au fait que l’affectation d’une fraction de la TVA permettrait de maintenir le classement de nos entités en chaînes de l’audiovisuel public et non pas gouvernementales.
Mme Taillé-Polian, ce sera le Parlement qui sera garant de la compensation à l’euro près. Nous demandons au Gouvernement de prendre cet engagement mais les montants des ressources financières sont déterminés par le Parlement. Nous devons composer avec le principe d’annualité des comptes publics (dans le cadre du projet de loi de finances). Je pense que nous sommes assez vigilants pour veiller à ce que la compensation soit respectée.
Au sujet des baisses budgétaires, le service public audiovisuel français a été soumis au même régime que ses équivalents européens, même si un effort supplémentaire pourrait être requis pour l’audiovisuel extérieur. Je rappelle par ailleurs que le montant alloué à l’audiovisuel public a augmenté à l’occasion du dernier projet de loi de finances.
Je remercie M. Peu pour son soutien général à notre rapport. Nous entendons que votre groupe était plutôt favorable à une réforme de la contribution à l’audiovisuel public, mais à présent qu’elle a été supprimée, nous ne pensons pas qu’il soit opportun de recréer un impôt. D’où notre proposition d’affecter une fraction de la TVA. Nous sommes par ailleurs d’accord quant au fait qu’il convient d’arrêter de soumettre l’audiovisuel public à des efforts financiers, car celui-ci fait face à des défis majeurs et devra réaliser des investissements importants.
M. Jean-Jacques Gaultier, président de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public. Comme l’ont souligné MM. Echaniz et Peu et Mme Meunier, une des grandes différences par rapport au texte proposé en 2020 et même par rapport à la proposition de loi du Sénat, est que le président de la société de holding ne soit pas nommé par le Président de la République. Il s’agissait là d’une crainte pour les organisations syndicales. Nous sommes très attachés à l’indépendance de l’audiovisuel public et nous ne souhaitons donc pas qu’il soit fait usage de l’article 13 de la Constitution comme cela avait été envisagé. C’est donc le Conseil d’administration, avec un avis conforme de l’Arcom, ainsi que des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui procédera à cette nomination. Cela nous semble être une forte garantie d’indépendance.
J’ai également une précision en réponse aux préoccupations exprimées par Mmes Mette, Taillé-Polian et Meunier : si la compensation n’est pas garantie, la publicité ne sera pas supprimée. Je ne pense pas que la taxe sur les services numériques serait remise en cause dans la mesure où personne ne se lamenterait d’un impôt qui frapperait Amazon, Meta et consorts. En outre, cette ressource est très dynamique. En 2019, elle générait 270 millions d’euros de recettes et nous avons atteint 670 millions d’euros en 2022. Le marché publicitaire était estimé à 16 milliards d’euros l’année dernière et pour la première fois, les revenus générés par la publicité digitale ont surpassé ceux des cinq médias traditionnels (presse, radio, télévision, cinéma et panneaux publicitaires). Les ressources publicitaires digitales continuent d’augmenter tandis que celles des médias traditionnels stagnent voire régressent. Il me semblerait cohérent de compenser des pertes publicitaires par des ressources basées sur un vecteur publicitaire en développement. Notre objectif n’est pas de pénaliser les entités audiovisuelles publiques mais d’assurer leur spécificité éditoriale, une bonne identité et donc une bonne différenciation par rapport aux chaînes privées.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Je donne à présent la parole aux autres députés qui l’ont demandée.
Mme Fabienne Colboc (RE). Tout d’abord, je vous remercie pour votre travail complet et de qualité. Je souhaite vous interroger au sujet du financement de l’audiovisuel public. Tout d’abord, en ce qui concerne la suppression de la publicité et en particulier la fin des parrainages entre vingt heures et six heures avec une compensation à l’euro près pour revenir à l’esprit de la loi de 2009, cela marquerait une spécificité de l’audiovisuel public, qui ne doit pas être un média d’État. Cette spécificité doit aussi s’appliquer à travers le financement au-delà de 2024. Vous préconisez le maintien de la solution temporaire d’affectation d’une fraction de la TVA. Cette solution garantit l’indépendance de l’audiovisuel public mais elle nécessite de modifier la LOLF. Vous avez dit que vous aviez déposé une proposition de loi mais pouvez-vous en dire plus sur le calendrier envisagé pour la suppression des parrainages ?
Mme Béatrice Piron (RE). Merci encore pour votre rapport riche de trente propositions. En 2022, la suppression de la redevance audiovisuelle a permis de soulager les Français qui étaient redevables de cette taxe injuste. Nous sommes depuis dans une incertitude au-delà de 2024. Nous sommes nombreux à redouter la budgétisation, ce qui aurait des conséquences plus ou moins significatives selon les entreprises. Nous connaissons tous la distinction entre les médias publics, qui sont financés par des fonds publics et qui diffusent des émissions dans l’intérêt du public tout en restant impartiaux, et les médias gouvernementaux, qui sont contrôlés par l’État et peuvent être un instrument de pouvoir. À cet égard, la budgétisation n’est pas considérée comme une garantie d’indépendance. RFI, emblème historique de France Médias Monde et symbole du rayonnement culturel de la France à l’extérieur, a vécu des coupures de signal dans certains pays et a été menacée, y compris par nos amis allemands, avec le scénario de la budgétisation.
Votre rapport propose de modifier la LOLF afin de pérenniser l’affectation d’une fraction de la TVA ; pouvez-vous nous en dire plus sur la perception par les acteurs de ce secteur de cette solution et sur les difficultés de mise en œuvre éventuelles ?
Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Nous assistons à une situation ubuesque. Nous aurions pu parler de l’avenir de l’audiovisuel à l’occasion de la remise de ce rapport mais nous sommes principalement préoccupés par les conséquences de la décision brutale et injustifiée de M. Emmanuel Macron de supprimer la redevance audiovisuelle. L’essentiel du travail de la mission a finalement consisté à essayer de bricoler un dispositif pour garantir un financement pérenne à l’audiovisuel public, qui est confronté par ailleurs à des problèmes de financement depuis quelques années. Des salariés m’ont alertée, comme par exemple les matinaliers de France Bleu à propos de la sous-traitance et du non-respect du droit du travail. Vos propositions reviennent à entériner cette fragilisation du financement à travers l’affectation d’une fraction de TVA, que vous présentez d’ailleurs comme un impôt juste alors que c’est une aberration comme vous le savez ! Vous reconnaissez aussi qu’il y a urgence à modifier la LOLF car vous ne savez guère quelle serait l’alternative.
M. Alexandre Portier (LR). Merci pour le travail réalisé et la richesse de votre analyse. L’Association des chaînes privées a envoyé un courrier à la Première ministre en mai dernier afin de lui réclamer une clarification des règles du jeu en matière de programmation et de publicité. France Télévisions n’est pas régie par les mêmes règles que les chaînes privées en la matière. Pensez-vous que, dans le cadre du nouveau contrat d’objectifs et de moyens signé avec l’Arcom pour la période 2024-2028, des indicateurs plus poussés et des objectifs plus précis soient nécessaires pour évaluer l’atteinte de ces objectifs chaîne par chaîne, ce qui permettrait d’avoir un regard plus pertinent sur l’utilisation de la fraction de la TVA désormais allouée à l’audiovisuel public ?
M. Bertrand Sorre (RE). À mon tour, je vous remercie pour la qualité de votre travail et de votre présentation. Le paysage médiatique est en profonde mutation. De nouveaux canaux de diffusion de programmes émergent. Nos écrans de smartphones, ordinateurs ou tablettes sont devenus nos écrans de télévision. Ces nouveaux usages et ces nouvelles façons de consommer les programmes télévisuels se multiplient. Les offres de programmes qui attirent les jeunes restent des formats courts et consommables rapidement. Nous constatons que de nouvelles chaînes développent leurs plateformes afin d’offrir à leurs utilisateurs leurs émissions préférées en replay, gratuitement ou sous forme d’abonnement. La télévision se consomme désormais à la carte et non plus en flux. Aussi, M. le président et M. le rapporteur, pensez-vous que face à cette nouvelle façon de consommer la télévision, le cadre légal de l’audiovisuel public ait besoin d’être adapté ?
M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). Dans ce rapport d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public, vous ne consacrez qu’un encadré aux Outre-mer. Est-ce parce que nous représentons seulement 4 % de la population ? Ceci n’est pas une question mais plutôt un constat… Lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, nous avons demandé que les budgets pour les campagnes médias soient à la hauteur de ceux consacrés pour l’Hexagone. Pourtant, les programmes, la production locale ni même les quotas de diversité ne sont à la hauteur de nos attentes. Ma question est simple : quelles mesures fortes pourrions-nous envisager pour faire en sorte que le service public de l’audiovisuel soit véritablement au service du public ultramarin ? En deux mots, ne faites pas la télé réunionnaise sans nous les Réunionnais !
M. Laurent Esquenet-Goxes (Dem). Tout d’abord, je tenais à vous féliciter pour le travail considérable de la mission et la rédaction de ce rapport. Si certaines propositions soulèvent des questions, d’autres méritent notre attention. Je pense en particulier aux propositions de garantie budgétaire. À ce titre, je m’inquiète à propos de l’interdiction de la publicité et des compensations prévues qui pourraient ne pas être pérennes ni suivre la dynamique de croissance d’autres modes de financement de l’audiovisuel public.
Je me félicite par ailleurs qu’il ait été décidé de renforcer la place de l’Europe dans l’audiovisuel public. Pour que cela ne reste pas un vœu pieux, il me semble indispensable de mettre en place des objectifs spécifiques dans les futurs contrats d’objectifs et de moyens. Partagez-vous cette recommandation ?
M. Emmanuel Pellerin (RE). Je vous félicite tout d’abord pour la qualité de ce travail transpartisan. Votre rapport fait état des défis liés à la diffusion des programmes par la TNT et les ondes FM, en termes de coûts, d’écologie, de souveraineté, de qualité, d’écoute, etc. Toutefois, selon l’enquête annuelle sur l’équipement des Français de juillet 2018, seulement 8 % des foyers français seraient équipés en postes adaptés à la technologie DAB+. De même, la dernière étude du marché des portables signale qu’à la fin du deuxième trimestre 2020, la France atteignait 13 % d’équipement en récepteurs DAB/DAB+ contre 73 % en Norvège ou 67 % au Royaume-Uni. Face à de tels retards de déploiement, j’aimerais savoir comment la technologie DAB+ pourrait contribuer à la modernisation de l’audiovisuel public en France.
M. Alexis Corbière (LFI-NUPES). Je remercie à mon tour le président et le rapporteur pour la qualité de leur travail. Ma critique ne porte pas sur la tâche exécutée mais sur les propositions. Le ton du rapport tranche avec les propos assez choquants qui avaient été tenus par le Président de la République en décembre 2017. Il avait dit, je le rappelle, que l’audiovisuel public était une « honte » en termes de gouvernance et dans l’attitude de ses dirigeants. Tout vient de là. Diverses opérations ont eu lieu afin de « reprendre en main » l’audiovisuel public. La proposition de holding que vous émettez s’inscrit sans aucun doute dans cette démarche. Vous dites que le Président de cette holding ne sera pas nommé par la Président de la République mais par le conseil d’administration mais vous ne définissez même pas la composition de ce conseil ! Si l’on considère par exemple le conseil d’administration de France Télévisions, la moitié des quatorze membres est proche du pouvoir et est directement nommée par le pouvoir actuel. Nous risquons donc d’aller vers une nouvelle ORTF. Cela ne nous rassure donc pas pour l’indépendance de l’audiovisuel public.
Mme Cécile Rilhac (RE). J’aimerais souligner le devoir d’exemplarité à propos de la présentation de la diversité française dans le paysage audiovisuel public. La diversité recouvre la variété des origines géographiques, des cultures, des âges, des apparences physiques, etc. Les sociétés de l’audiovisuel public ont une responsabilité sociale particulière dans la mesure où les programmes qu’ils diffusent contribuent à façonner les représentations sociales et constituent des leviers privilégiés pour déconstruire les préjugés discriminatoires et pour lutter contre les stéréotypes.
France Télévisions s’est emparée du sujet, notamment dans le cadre du pacte de visibilité des Outre-mer initié à la suite des travaux menés par notre collègue Raphaël Gérard, qui a abouti à une feuille de route ambitieuse en matière de promotion de la visibilité des Outre‑mer et à la définition d’indicateurs qualitatifs et quantitatifs très précis qui permettent d’objectiver les effets du groupe en ce sens.
Il serait opportun, dans un souci de promouvoir la diversité et donc la cohésion sociale, d’amplifier cette dynamique en encourageant l’ensemble des chaînes du service public à adopter une démarche similaire et à se doter d’indicateurs leur permettant d’évaluer leur contribution à une plus juste représentation de la société française. Quelles sont les pistes identifiées pour renforcer les obligations dans ce domaine ?
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Je salue à mon tour la qualité du travail fourni, minutieux et saluer le travail transpartisan car à part un groupe, nous sommes collectivement attachés à notre audiovisuel public. Je partage l’objectif du maintien et du renforcement d’un financement spécialement affecté à l’audiovisuel public, ainsi que celui de l’amélioration de la disponibilité et de la visibilité des contenus, et du renforcement des groupes audiovisuels publics autour d’orientations stratégiques communes
Deux préconisations m’interpellent, à commencer par celle de la holding. Les groupes de l’audiovisuel public font face à des enjeux majeurs avec la montée en puissance des GAFAM. N’est-il pas préférable de continuer à améliorer les synergies et à renforcer les coopérations avant de créer cette structure de gouvernance commune ?
Ma deuxième question porte sur la fin des parrainages et de la publicité sur le numérique. Là encore, ne faudrait-il pas consolider le financement de l’audiovisuel public avant de supprimer cette recette, certes marginale ?
Mme Emmanuelle Anthoine (LR). Dans le cadre de la législature précédente, j’avais fait état, à plusieurs reprises, du rapport des sénateurs Leleux et Gatollin de 2015, qui proposait de regrouper l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public au sein d’une entité commune dont le PDG serait nommé par son instance de direction collégiale, conformément au droit commun des entreprises. Cette proposition avait été reprise dans l’article 59 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique mais les travaux de l’Assemblée nationale ont été affectés par la crise sanitaire. L’essentiel des dispositions de ce texte a été voté entre-temps en même temps que d’autres textes mais sans entériner la fusion des entités d’audiovisuel public. Le sénateur Lafon a donc repris cette disposition dans une proposition de loi en cours de discussion au Sénat. Vous formulez à votre tour le souhait de constituer une holding de l’audiovisuel public. Cela fait pourtant huit ans que nous attendons une telle évolution. Pensez-vous que le texte actuellement débattu au Sénat sera prochainement discuté à l’Assemblée nationale ?
M. Belkhir Belhaddad (RE). Merci pour votre excellent travail. Ma question concerne la retransmission de la Coupe du monde de football féminine qui aura lieu en Australie et en Nouvelle-Zélande cette année. En effet, à ce jour, la France n’a pas transmis d’offre financière permettant la retransmission de ces matches sur le réseau audiovisuel public. Cette situation est anormale à mes yeux. Je sais que vous avez évoqué le sujet à travers deux propositions de votre rapport. N’est-ce pas le rôle de l’audiovisuel public d’accorder au sport féminin la place que chacun veut lui reconnaître dans ses discours ?
M. Maxime Minot (LR). J’aimerais revenir sur un sujet qui nous a beaucoup préoccupés ce matin : la disparition du parrainage après vingt heures et de la publicité digitale. Rappelons-nous que lors de la disparition de la publicité en 2009, France Télévisions avait bénéficié d’une compensation par le biais de la taxe sur les opérateurs de communications et d’électronique, à hauteur de 450 millions d’euros. Ce chiffre n’a d’ailleurs cessé de diminuer pour tomber à zéro en 2017. Le fait que la proposition du rapport soit d’affecter une fraction de la TVA à l’audiovisuel public ne change pas grand-chose car le plafond d’une taxe affectée peut changer chaque année à travers le PLF comme vous le savez. Ce manque à gagner serait lourd de conséquences pour tout l’écosystème de la création française, dont France Télévisions est aujourd’hui, et de loin, le premier financeur avec 500 millions d’euros investis chaque année dans la création audiovisuelle et cinématographique. Une telle annonce pourrait déstabiliser le secteur et susciter de sa part de fortes réactions. La suppression de la redevance ajoutée à la suppression de ces partenariats risque de mener l’audiovisuel public à sa perte ; que proposez-vous donc pour compenser ce manque à gagner ?
Mme la présidente Isabelle Rauch. Merci monsieur le député. Nous sommes arrivés à la fin des questions. Je laisse au président et au rapporteur de la mission le soin d’y répondre.
M. Jean-Jacques Gaultier, président de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public. Pour ce qui est des négociations des contrats d’objectifs et de moyens, nous pointons dans notre rapport un manque de transparence. Qui ici est au fait de l’état de ces discussions ? Personne ! Quoi qu’il en soit, la proposition de loi organique que nous déposons aujourd’hui permettrait de continuer à affecter une fraction de la TVA à l’audiovisuel public. Le prélèvement sur recettes serait créé pour ARTE. Dans l’article 1er de notre proposition de loi, nous prévoyons bien la possibilité pour les sociétés de l’audiovisuel public de recevoir tous types de taxes, et donc éventuellement une taxe sur les services numériques. La publicité digitale chez ces géants résulte de la vente de données personnelles ou des services de référencement sur les moteurs de recherche. Cette taxe assise sur la publicité compense une perte de revenus publicitaires. Il y a donc bien un rapport entre la taxe et son affectation mais pour plus de sécurité, nous avons prévu une modification l’article 1er de la proposition de loi.
J’ai bien entendu la remarque de Mme Béatrice Piron sur France Médias Monde. Les interrogations de nos amis allemands à propos de la budgétisation étaient les mêmes qu’au sein d’ARTE. L’hypothèse de l’affectation d’une part de TVA a répondu à ces inquiétudes. Je rappelle que Mme Marie-Christine Saragosse, au cours de son audition, se déclarait favorable à ce principe.
Concernant les craintes exposées par Mme Sarah Legrain, nous avons auditionné les représentants du personnel qui siègent dans les conseils d’administration et les organisations syndicales – une soixantaine de personnes en tout – et je n’ai pas vu d’hostilité majeure à propos du maintien de l’affectation d’une fraction de TVA.
M. Alexandre Portier faisait référence à la polémique lancée récemment par l’association des chaînes privées telles que TF1, M6, Canal+, etc. Je pense que tout le monde a eu l’occasion de communiquer. Quant à la répartition de l’offre culturelle sur les chaînes de télévision publiques, nous avons abouti à une proposition équilibrée. Les chaînes privées souhaitaient la définition d’un cahier des charges spécifique pour chaque chaîne publique mais dans la mesure où toutes les chaînes de France Télévisions font partie d’une entreprise unique, une certaine souplesse dans l’organisation et une forme de mutualisation est souhaitable. Sinon, quel serait l’intérêt de créer une entreprise unique ? Nous ne sommes donc pas favorables à un cahier des charges spécifique à chaque chaîne. Ce serait du reste excessivement lourd à gérer. Pour autant, il nous apparaît souhaitable de définir des indicateurs par chaîne afin de garantir un accès à une offre culturelle large à tous les publics, y compris sur des chaînes généralistes et à des horaires accessibles. Je vois d’ailleurs que France Télévisions a fait des efforts en la matière car certains spectacles autrefois diffusés la nuit se retrouvent programmés en soirée.
Comme M. Bertrand Sorre l’a souligné, l’arrivée de nouveaux opérateurs et la transformation des usages sont un tsunami et dans ce contexte, je ne vois pas comment l’audiovisuel public pourrait se dispenser d’évoluer. D’ailleurs, la Présidente de France Télévisions appelait un changement en décembre 2022 : selon elle, le statu quo était impossible. La convergence et la mutualisation nous apparaissent nécessaires car vu le caractère massif des investissements à opérer, la mise en commun des ressources et des compétences en facilitera la réalisation. Je pense notamment à la transition numérique pour s’adapter à la volonté des téléspectateurs – et notamment les jeunes – d’accéder à des programmes à la demande.
Nous souhaitions qu’une mission spécifique soit constituée afin de réfléchir à la problématique ultramarine. Toutes les sociétés audiovisuelles publiques ont signé un pacte de visibilité des Outre-mer en 2021. Nous sommes favorables à la constitution d’un comité de suivi et d’évaluation des mesures de coopération, qui ont été annoncées et engagées mais qui n’ont pas encore abouti. L’engagement de France Télévisions de consacrer douze soirées par an à l’Outre-mer n’est pas considérable. Nous avons noté un certain manque de diversité dans ces programmes, qui étaient essentiellement axés sur les voyages et la découverte alors que l’on pourrait imaginer des programmes mettant en valeur l’histoire ou les personnalités de ces régions.
Des Outre-mer, je passe à l’Europe. Comment ne pas s’intéresser à l’Europe aujourd’hui ? L’Europe est en guerre, et je pense également à la situation particulière d’Euronews, qui a perdu beaucoup de crédibilité et de moyens. La chaîne a été créée grâce à l’implication d’acteurs publics puis elle est devenue une chaîne majoritairement privée avec des acteurs publics très minoritaires. Euronews s’est endettée et a enclenché un plan social majeur et la chaîne est en perte de vitesse. Nous sommes favorables à ce que des indicateurs sur l’Europe soient intégrés aux contrats d’objectifs et de moyens, sachant que des élections européennes sont annoncées, qu’un conflit est en cours en Ukraine et qu’Euronews n’assure plus complètement ses missions. Je souscris donc à cette proposition.
La technologie DAB+ permet d’obtenir une meilleure qualité d’écoute tout en économisant sur les coûts de diffusion et sur la consommation énergétique – un an de diffusion avec cette technologie revient à l’équivalent d’un mois de diffusion sur la bande FM – et je pense que nous devons nous engager dans son développement. Un objectif de 50 % de couverture de la population en 2023 avait été défini ; nous sommes très en retard par rapport à cet objectif et par rapport à nos voisins. Aux pays que vous avez cités, nous pourrions ajouter la Suisse, où les 100 % de couverture sont quasiment atteints. Nous avons même envisagé l’octroi de moyens supplémentaires à l’Arcom pour lui permettre d’accompagner la montée en puissance de cette technologie.
Pour répondre à Mme Rilhac, la question des diversités fait effectivement partie des enjeux au niveau des contrats d’objectifs et de moyens, avec des objectifs communs et spécifiques. S’agissant des objectifs communs, les sociétés de l’audiovisuel public se doivent d’être exemplaires tant en ce qui concerne l’égalité entre les femmes et les hommes que la question des handicaps, les aspects environnementaux et le respect de la diversité et de sa représentation dans la société. Ces objectifs doivent donc être maintenus et les indicateurs doivent être correctement évalués.
Au sujet de l’organisation de la gouvernance, la fusion proposée en 2015 puis en 2022 par le Sénat semble être aujourd’hui une marche trop haute. C’est la raison pour laquelle les sénateurs proposent plutôt une holding. Par rapport à une fusion, cette option permet de maintenir une spécificité éditoriale pour chaque société, ainsi que les conventions collectives existantes. Le calendrier proposé par le Sénat (janvier 2024) me semble cependant prématuré. La priorité à mes yeux est de régler la question du financement. Je ne reviens pas sur le mode de désignation du dirigeant de cette société de holding.
M. Tim Davie avait imaginé dans un premier temps que la TNT disparaîtrait d’ici une dizaine d’années. Il a peut-être exagéré mais l’on constate une attrition de la TNT au rythme de 5 % par an. Il n’est donc pas exclu que d’ici une vingtaine d’années, elle finisse par disparaître. Pour l’heure, la TNT reste le seul moyen de réception de la télévision pour 20 % des Français. Nous devons investir dans le digital tout en modernisant notre TNT et pour investir dans le digital, la mise en commun des moyens humains et financiers est nécessaire.
Pour ce qui est du sport, une liste de vingt et un EIM (événements d’importance majeure) avait été définie en 2004. Certains ont disparu entre-temps, comme le Grand Prix de France de Formule 1. Nous mettions en avant les Jeux Olympiques mais pas les Jeux Paralympiques, les matches de l’équipe de France dans différents sports mais il ne faudrait pas oublier les équipes féminines. Il me semble donc nécessaire d’actualiser le décret qui définit les EIM. Cela ne suffira pas, il faudra légiférer aussi car en 2004, les plateformes n’existaient pas, et elles doivent être incorporées au texte. Les chaînes privées payantes qui acquièrent des droits sont obligées d’en rétrocéder aux chaînes gratuites et le même traitement devrait s’appliquer aux plateformes de diffusion. Nous avions pu voir ainsi une plateforme confisquer les droits de diffusion d’un match de tennis entre MM. Novak Djokovic et Rafael Nadal.
Au sujet des parrainages, j’attire votre attention sur le fait que nous avons assisté à une montée en puissance de ces derniers et que la définition légale a été modifiée. Depuis 2017, les parrains ont le droit de mettre en avant non seulement leur nom et leur logo mais également leurs produits. Le téléspectateur moyen est totalement incapable de différencier un parrainage d’une publicité. La montée en puissance des parrainages chez France Télévisions se traduit dans les recettes publicitaires. Notre proposition est claire : en l’absence de compensation, nous sommes opposés à leur suppression. Ce serait un comble que de voir les recettes publicitaires augmenter pour les chaînes publiques – chez France Télévisions comme chez Radio France – alors que la tendance est baissière ailleurs en Europe. Il n’y a qu’en France que nous avons maintenu un système hybride entre dotations publiques et publicité. Ce serait impossible de supprimer complètement la publicité car le montant à compenser pour France Télévisions atteindrait 400 millions d’euros mais nous devons rechercher un certain équilibre. Je rappelle d’ailleurs que les décrochages régionaux de France 3 ne sont pas concernés dans la mesure où ils échappaient au cadre de la loi de 2009.
M. Quentin Bataillon, rapporteur de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public. Bien entendu, si la compensation à l’euro près de la perte des revenus publicitaires n’est pas obtenue, nous ne sommes pas favorables à cette suppression. Il ne s’agirait pas de fragiliser inutilement l’audiovisuel public.
Pour répondre à Mme Béatrice Piron, il existe un véritable enjeu au niveau de l’audiovisuel public extérieur. C’est la raison pour laquelle nous soutenons la création d’une implantation supplémentaire à Beyrouth. Cela permettrait de diffuser des informations dans les pays arabes et de renforcer le « soft power » français. Nous pouvons aussi voir un enjeu structurel, à travers notamment la mutualisation entre France 24 et France Info. La BBC ne dispose pas de davantage de moyens à l’extérieur mais la différence est que le ministère des Affaires étrangères apporte un soutien financier spécifique. Cela a été porteur de résultats en 2020 et nous soutenons fortement de telles initiatives.
Nous observons effectivement une évolution des usages. Des évolutions législatives sont à prévoir également.
J’ai participé à l’élaboration du pacte relatif à l’Outre-mer pour France Télévisions, étant donné que je travaillais à l’époque au ministère de la Culture. Ce pacte est aujourd’hui respecté. L’Arcom a la possibilité de l’étendre aux autres sociétés audiovisuelles publiques. Une mission spécifique sur ce sujet serait la bienvenue.
M. Esquenet-Goxes, je tenais tout d’abord à vous remercier pour votre assiduité lors de nos séances de travail. Je connais votre engagement sur les questions européennes et je pense effectivement qu’à l’approche des élections européennes, nous devons davantage parler de l’Europe, qui plus est dans le contexte actuel où Euronews est en difficulté. France Télévisions doit prendre toute sa part à cet effort pédagogique. Je sais qu’ARTE a également prévu des programmes spécifiques. Comptez donc sur notre vigilance et je sais que vous resterez un acteur important pour les questions européennes dans le domaine de l’audiovisuel public.
Vous avez raison, M. Pellerin, nous sommes très en retard dans le développement de la technologie DAB+. Nous devrons bien entendu être vigilants durant la période transitoire durant laquelle la diffusion sur la bande FM coexistera afin de ne pas pénaliser les chaînes de radio. Une fois que nous serons prêts, nous pourrons basculer totalement vers la technologie DAB+. Nous avons certes pris du retard, notamment par rapport aux Suisses, mais nous avons formulé une proposition ambitieuse. Dans la mesure où le déploiement de cette technologie nécessite des moyens supplémentaires, nous proposons que les amendes infligées par l’Arcom à certains groupes audiovisuels ne profitent pas au CNC – qui n’en a pas véritablement besoin – mais restent à disposition de l’Arcom pour financer des missions d’information et de communication sur l’éducation aux médias ainsi que sur le déploiement du DAB+.
M. Raphaël Gérard a été l’un des principaux architectes du pacte de l’Outre-mer pour l’audiovisuel mais il s’est également investi sur le thème de la diversité. L’audiovisuel public doit faire en sorte de dresser un portrait fidèle de la société française. Il a un rôle important à jouer pour promouvoir la diversité et les différents genres et nous devons y être très attentifs – l’Arcom l’est de plus en plus. Vous avez donc tout à fait raison d’appeler à davantage d’actions en ce sens.
Pour répondre à M. Patrier-Leitus, j’insiste une nouvelle fois sur le fait que nous ne concevons pas l’arrêt des parrainages sans compensation financière. Nous pensons par ailleurs que la création d’une holding pourrait jouer le rôle de catalyseur dans le rapprochement des différentes sociétés. C’est d’ailleurs aussi l’opinion des sénateurs. Je profite de l’occasion pour saluer l’excellent travail des sénateurs Leleu et Gatollin. Ils ont été visionnaires car nous marchons encore dans leurs pas sur un certain nombre de sujets.
Bien entendu, la Coupe du monde de football féminine est un événement de première importance. Il me semble effectivement nécessaire de revoir le décret qui définit les événements d’intérêt majeur. Les événements qu’il s’agit de protéger sont aussi pour lesquels la compétition d’acquisition des droits de diffusion est la plus rude. Néanmoins, ce n’est pas le cas du sport féminin. Nous espérons que cela évoluera le plus rapidement possible mais entre-temps, nous soutenons la démocratisation du sport féminin. Nous approuvons les actions conduites par la ministre Amélie Oudéa-Castéra en ce sens. France Télévisions doit prendre toute sa part dans la diffusion du sport féminin, dans l’espoir qu’un jour, les droits soient autant disputés que pour les compétitions masculines. L’accès gratuit et en linéaire des événements sportifs est aussi pour nous une priorité, et pour cela, des ententes entre chaînes privées et publiques sont parfois nécessaires. L’objectif n’est pas de faire exploser le montant des droits de diffusion mais de travailler en bonne intelligence afin que les grandes compétitions jouissent de la meilleure visibilité possible et ce gratuitement.
Je rappelle par ailleurs qu’il appartient à la présidente de France Télévisions d’opérer les choix budgétaires et je lui fais entièrement confiance, vu l’excellent travail qu’elle a réalisé par le passé, afin que la création artistique ne pâtisse pas de mesures d’économies.
Mme la présidente Isabelle Rauch. À mon tour, j’aimerais vous féliciter pour le travail que vous avez mené. La commande initiale consistait effectivement à vous baser sur une analyse de l’évolution des usages et de la perception du service audiovisuel public par les Français. Vous y avez complètement répondu.
Nous vous avons également invités à imaginer un modèle de gouvernance, et vous avez mis en avant l’importance des contrats d’objectifs et de moyens.
Enfin, vous avez abordé la question du financement, sur laquelle nous avons largement débattu ce matin, et présenté la proposition de loi organique qui est destinée à sécuriser les financements.
En application du septième alinéa de l’article 145 du règlement de l’Assemblée nationale, la Commission autorise la publication du rapport.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Je précise qu’à la demande du rapporteur, une première version qui ne comportera pas les contributions des groupes sera mise en ligne d’ici demain. Ces contributions sont à transmettre au secrétariat avant le 9 juin. La version complète sera imprimée et mise en ligne une fois que ces contributions auront été réunies.
La séance est suspendue à onze heures vingt.
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(M. Maxime Minot, Vice-président)
Puis la commission examine le rapport de la mission d’évaluation de l’impact de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance (Mme Géraldine Bannier et M. Jérôme Legavre, rapporteurs).
À l’issue de sa présentation, en application de l’article 145 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d’évaluation.
Cette réunion n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit ; elle est accessible sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : https://assnat.fr/Iriwi0
La séance est levée à treize heures.
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Présents. – Mme Ségolène Amiot, Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Bénédicte Auzanot, M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, M. Quentin Bataillon, M. Belkhir Belhaddad, Mme Béatrice Bellamy, M. Philippe Berta, M. Bruno Bilde, Mme Sophie Blanc, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, Mme Anne Brugnera, Mme Céline Calvez, Mme Agnès Carel, M. Roger Chudeau, Mme Fabienne Colboc, M. Alexis Corbière, M. Laurent Croizier, Mme Béatrice Descamps, M. Francis Dubois, M. Inaki Echaniz, M. Laurent Esquenet-Goxes, Mme Estelle Folest, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Annie Genevard, M. Pierre Henriet, Mme Catherine Jaouen, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Fabrice Le Vigoureux, M. Jérôme Legavre, Mme Sarah Legrain, M. Alexandre Loubet, M. Frédéric Maillot, M. Stéphane Mazars, Mme Graziella Melchior, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, M. Karl Olive, M. Emmanuel Pellerin, Mme Isabelle Périgault, M. Stéphane Peu, Mme Béatrice Piron, Mme Lisette Pollet, M. Alexandre Portier, Mme Angélique Ranc, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, Mme Cécile Rilhac, Mme Véronique Riotton, Mme Claudia Rouaux, M. Bertrand Sorre, Mme Sophie Taillé‑Polian, M. Paul Vannier, M. Léo Walter
Excusés. – Mme Aurore Bergé, M. Hendrik Davi, Mme Martine Froger, M. Raphaël Gérard, M. Frantz Gumbs, M. Stéphane Lenormand, M. Christophe Marion, M. Julien Odoul, Mme Francesca Pasquini, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Violette Spillebout, M. Boris Vallaud
Assistait également à la réunion. – M. Jérémie Patrier-Leitus