Compte rendu
Commission
des affaires étrangères
– Audition, à huis clos, de M. Étienne de Poncins, ambassadeur de France en Ukraine.... 2
Mercredi
29 mars 2023
Séance de 11 h 00
Compte rendu n° 39
session ordinaire de 2022-2023
Présidence
de M. Jean-Louis Bourlanges,
Président
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La commission procède à l’audition, à huis clos, de M. Étienne de Poncins, ambassadeur de France en Ukraine.
Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président
La séance est ouverte à 11 h 05
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Cette séance se déroule à huis clos, ce qui ne reflète pas une volonté de ne pas partager l’information mais plutôt la confiance que nous fait le Gouvernement, en estimant légitime que cette commission soit dépositaire d’informations qui n’ont pas nécessairement vocation à être diffusées et qui nous aideront à une juste appréciation de la situation.
Je suis très heureux d’accueillir une nouvelle fois M. Étienne de Poncins, ambassadeur de France à Kiev. Depuis plus d’un an, la question de l’Ukraine constitue le dossier central en matière de politique étrangère, un point focal vers lequel tout converge, un sujet que nous ne pouvons éviter d’aborder.
Nous le faisons en regardant LCI, en discutant, en lisant les journaux, en écoutant des officiers généraux ayant exercé des commandements prestigieux au sein de différents organismes tels que l’OTAN ou l’ONU, mais aussi des experts souvent très savants sur les questions internationales, russes et ukrainiennes.
Cependant, rien ne peut remplacer un dialogue direct avec notre représentant à Kiev, qui est au contact des réalités ukrainiennes, des pouvoirs publics, du président Zelensky et de son gouvernement, des réalités militaires – il apprécie de façon quotidienne l’état d’esprit, les attitudes, les intentions, les revers et les succès de l’armée ukrainienne –, et enfin du peuple ukrainien, qui est soumis depuis plus d’un an à un régime d’enfer et qui a assumé les contraintes et les souffrances qui lui sont imposées de manière héroïque. Néanmoins, on comprend que ce peuple passe par des phases de grande espérance, de doute, d’inquiétude, de mobilisation, de lassitude, qui méritent d’être comprises et de nous être signalées. La situation stratégique comme les intentions des autorités sont largement déterminées par l’attitude de l’opinion publique ukrainienne, mais aussi par le degré de soutien et de mobilisation que l’Ukraine reçoit de son environnement européen, occidental et, dans une moindre mesure, des pays du Sud.
Pour nous transmettre cette connaissance, aucun interlocuteur n’est plus approprié que l’ambassadeur Étienne de Poncins, qui fournit un travail remarquable depuis plus d’un an, dans la ville de Kiev et en Ukraine, sous pression militaire russe.
M. Étienne de Poncins, ambassadeur de France en Ukraine. C’est un grand honneur d’être auditionné pour la deuxième fois par votre commission et un grand plaisir de rendre compte à la représentation nationale de l’action de l’ambassade de France en Ukraine – action que je dirige depuis septembre 2019 –, mais aussi de témoigner de ce que je vis avec mes équipes au quotidien, pour être sur le terrain aux côtés des Ukrainiens.
Je commencerai par évoquer le travail de l’ambassade et l’évolution de notre format depuis un an. Comme je l’ai dit lors de ma dernière audition, l’une des caractéristiques de l’ambassade de France en Ukraine est d’être toujours restée active et ouverte sur le territoire ukrainien – à l’exception d’une vingtaine d’heures –, y compris au plus fort de la guerre d’agression déclenchée par la Russie le 24 février 2022. Il s’agissait d’une décision du président de la République, d’une décision politique, et nous avons été délocalisés de Kiev à Lviv, la grande ville de l’Ouest de l’Ukraine, pendant sept semaines, avant de compter parmi les premières représentations diplomatiques à revenir à Kiev, le 13 avril 2022, dès que nous avons constaté que l’offensive lancée contre la capitale ukrainienne avait échoué.
Ce maintien de nos activités nous a conféré une posture politique importante, très valorisée par les Ukrainiens, qui ne manquent pas, à chaque fois qu’ils me voient ou rencontrent des visiteurs venus de Paris, de souligner cette caractéristique de notre représentation diplomatique.
De plus, cela nous a permis – et c’est peut-être le plus important – d’apporter une aide aussi efficace que possible, puisque nous n’avons cessé d’être sur place, aux côtés des Ukrainiens, dans les moments les plus durs. Nous avons entretenu un dialogue constant et nous avons pu leur apporter l’aide qu’ils réclamaient. En effet, au début du conflit, beaucoup d’aide parvenait à la frontière mais, les conducteurs étant rares, les Ukrainiens ne se déplaçaient que pour aller chercher celle dont ils avaient vraiment besoin. Pour parvenir à l’identifier, il fallait être à leur contact. Cette présence permanente a donc constitué deux atouts.
Par ailleurs, cette présence a été temporelle mais aussi fonctionnelle. Par rapport à nos principaux partenaires occidentaux, nous avons été parmi les tout premiers à rouvrir nos instruments d’influence. Je veux souligner en particulier l’effort fourni par la France pour rouvrir le lycée Anne de Kiev, grâce à un soutien important de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE). Le lycée a rouvert à la rentrée de septembre et fonctionne toujours. Bien sûr, le nombre d’élèves est passé de 504 avant la guerre à 64 aujourd’hui, mais le symbole est fort : notre lycée est actif. Je veux rendre hommage à l’équipe pédagogique, à la proviseure et au directeur des écoles qui est expatrié. Quant aux élèves, ils sont quasiment tous ukrainiens. Ils travaillent et ce lycée fonctionne.
Il en va de même pour notre institut français, que la ministre Mme Colonna est venue rouvrir en septembre. Nos six alliances françaises sont ouvertes aussi à Zaporijjia, Odessa, Dnipro, Kharkiv, Rivne et Lviv, y compris dans les lieux les plus exposés. Elles continuent à travailler, dans un format réduit.
Dans un secteur différent, la chambre de commerce continue aussi de travailler, ce que je veux saluer. Elle a notamment maintenu son activité la plus emblématique : la remise du prix de la femme d’affaires. L’année dernière, malgré les circonstances, des lauréates ont été récompensées et ce sera de nouveau le cas cette année.
Sur instruction de mes autorités, nous essayons de parvenir à une normalisation du travail diplomatique. À ce titre, nous avons rouvert les services s’adressant aux Français et retrouvé nos capacités en matière d’état-civil ou de délivrance de passeports. Bien sûr, la communauté française reste très limitée puisque nous sommes environ 500, beaucoup de Français faisant aussi des allers-retours. Cependant, refaire fonctionner notre ambassade représentait un symbole fort.
J’aurai cet après-midi une réunion au Quai d’Orsay pour envisager une augmentation du format diplomatique de notre ambassade, après cette première normalisation. Le président de la République a annoncé un « réarmement » de notre diplomatie et il me semble justifié que celui-ci commence par Kiev, d’autant que nous sommes en sous-effectif compte tenu du flux des visites.
Ce que nous accomplissons en matière de diplomatie d’influence constitue donc l’une de nos caractéristiques et aucun autre grand partenaire occidental ne le fait. Aucun autre lycée international ou institut n’a rouvert et, pour les visas, les Ukrainiens ou les ressortissants de pays tiers vivant en Ukraine mais qui veulent se rendre au Royaume-Uni doivent par exemple se rendre à Varsovie pour obtenir leur visa.
J’aborderai un dernier point lié au fonctionnement de l’ambassade, qui constitue une autre caractéristique très forte par rapport à nos grands partenaires. Il s’agit de notre capacité de projection en province, qui repose sur la présence du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN). La plupart de mes collègues ambassadeurs, s’ils sont revenus à Kiev, ne possèdent pas cette capacité. Je peux me rendre en province et je ne m’en prive pas. J’y vais même énormément, afin de rencontrer les maires des grandes villes, l’Ukraine étant un pays dans lequel la décentralisation et les grandes métropoles sont très importantes. À titre d’exemple, j’ai récemment passé une soirée avec le maire de Dnipro, pour juger de la situation et de son état d’esprit. Cela est exceptionnel et me permet de pouvoir rendre compte à mes autorités et à votre commission de l’état réel du pays.
Voilà pour le travail de ce poste diplomatique. Je voudrais aussi souligner le travail réalisé par mes équipes, notamment celui du conseiller de coopération et d’action culturelle, Olivier Jacquot, à qui l’on doit la réouverture des instruments d’influence et leur fonctionnement.
J’en viens au tableau de la situation, telle que je la vois depuis le terrain. En matière militaire, nous nous trouvons dans un entre deux. Il est désormais clair que l’offensive russe a échoué, qu’elle est en voie d’enlisement et que les Ukrainiens préparent une contre-offensive.
Le plus intéressant à noter dans ce domaine n’est pas forcément ce qui se déroule à Bakhmout – où les combats sont très durs et régulièrement relatés sur LCI –, mais ce qui s’est passé à Voulhedar, au Sud de Donetsk. Les forces régulières russes ont lancé sur cette ville la première véritable offensive militaire depuis celle qu’elles avaient lancée sur Kiev et qui avait avorté. Une grande attention se portait donc sur la façon dont les Russes allaient pouvoir ou non progresser par rapport aux échecs qu’ils avaient connus en matière de renseignement et de tactique.
Ce qui est intéressant, c’est qu’ils ont échoué assez lamentablement, commettant des erreurs qui ont rappelé celles du début de la guerre. Ils ont perdu un bataillon blindé et, au-delà des pertes, se sont montrés incapables de percer. Les leçons avaient sans doute été apprises, mais de façon incomplète, et ils n’étaient pas en mesure de pallier leurs principales faiblesses, comme le manque d’effectifs en sous-officiers. Ainsi, on a vu ces images de chars arrivant dans un champ miné : le premier saute, le deuxième ne sait pas quoi faire, finit par tourner et explose sur une mine, quand le troisième tente une manœuvre de contournement qui échoue et, finalement, tout le monde quitte les chars, signalant l’absence de maîtrise tactique à un niveau supérieur.
Aujourd’hui, nous sommes dans l’expectative. Il est difficile de savoir si cette contre-offensive est prête, si elle va réussir et où elle aura lieu. Selon une idée largement partagée, elle pourrait se diriger vers le Sud, dans l’objectif de reprendre Melitopol, qui constitue un nœud routier très important, ce qui permettrait de couper la Crimée du Donbass, voire d’atteindre le rivage de la mer d’Azov à 80 kilomètres du front, mais aussi sans doute de dégager la centrale nucléaire d’Enerhodar : parvenir sur le rivage permettrait de compromettre la présence russe dans cette mer, aujourd’hui devenue un lac russe.
Cette contre-offensive sera l’un des éléments importants des prochaines semaines et deux hypothèses sont envisageables. Dans un premier cas de figure, l’offensive réussit et Melitopol, dégagée assez rapidement au prix de pertes limitées, devient relativement atteignable, auquel cas les Ukrainiens espèrent des conséquences du côté russe, qui fera face à une nouvelle défaite. Dans un second cas de figure, les Ukrainiens s’aperçoivent qu’ils ne parviennent pas non plus à percer, ils s’enlisent, les pertes sont lourdes comme elles le sont à Bakhmout – où il ne faut pas les sous-estimer – ouvrant la voie à d’autres pistes. Mais tant que cette offensive n’a pas eu lieu, le statu quo sera maintenu.
Par contre, la bataille énergétique a été gagnée et se trouve à présent derrière les Ukrainiens. Aujourd’hui, il apparaît clairement que l’offensive russe lancée contre les infrastructures ukrainiennes le 10 octobre 2022, au moyen de frappes, a échoué. Une fois de plus, les Ukrainiens ont fait preuve d’une extraordinaire résilience et ceux d’entre vous qui sont allés récemment à Kiev ont pu en faire le constat.
Le printemps est arrivé, ce qui signifie que la production solaire peut fonctionner. Aujourd’hui, l’Ukraine est redevenue exportatrice d’électricité, en raison de la diminution de la consommation liée au fait qu’une partie de la population a quitté le territoire. Le pays est suffisamment doté en générateurs. Par ailleurs, la défense aérienne a aussi beaucoup progressé grâce à la livraison de systèmes anti-aériens que les Ukrainiens se sont remarquablement appropriés. Néanmoins, on observe cette capacité de résilience. En outre, le réseau a été fractionné grâce à une aide importante et les transformateurs ont été protégés au moyen de sacs de sable et de filets.
Aujourd’hui, les frappes se poursuivent. Comme l’a rappelé la ministre Catherine Colonna de façon régulière, ces frappes contre des infrastructures civiles constituent des crimes de guerre et nous restons très critiques sur ces questions. Cependant, malgré la poursuite des frappes, cette crise énergétique est aujourd’hui surmontée.
Les Ukrainiens, avec leur capacité à se projeter dans l’avenir, commencent à préparer la prochaine saison de chauffage et à travailler à un renforcement plus grand encore de leur résistance et de leur résilience en la matière.
Il est assez extraordinaire de considérer le nombre de crises qui étaient jugées insurmontables il y a un an et que les Ukrainiens ont réussi à surmonter. En avril 2022, les Russes avaient déclenché des frappes sur les dépôts pétroliers. À l’époque, de nombreux experts pensaient que cette offensive mettrait à mal à la fois les mouvements de l’armée, qui allait manquer de gasoil, mais surtout la récolte et la saison agricole 2022. Il n’en a rien été et les résultats sont plutôt positifs, puisque la diminution de la production agricole a été limitée à 10 ou 15 %. Par ailleurs, elle a été largement compensée par la hausse des prix.
Il en va de même pour l’exportation des grains. Au début de la guerre, l’un des défis principaux – alors jugé comme difficilement surmontable – était constitué par le fait qu’entre 20 et 25 millions de tonnes de blé ou de céréales de la récolte précédente se trouvaient bloquées en Ukraine. On expliquait alors que la nouvelle récolte allait arriver et que le blé allait pourrir. En réalité, grâce à la Black Sea Grain Initiative, comme à la résilience et à la débrouillardise des Ukrainiens, à l’ouverture de nombreuses voies de chemins de fer, à la facilitation des passages ou à l’utilisation maximale de la voie du Danube, ces millions de tonnes ont été sorties dans des conditions correctes.
J’en viens à la situation politique et à l’attitude ukrainiennes. Aucun grand changement n’est advenu depuis que nous nous sommes rencontrés dans ce même format. L’opinion publique est toujours très mobilisée et se tient derrière le président Zelensky de façon totale. Les taux de popularité sont très élevés : plus de 80 % pour le président Zelensky ou 90 % pour le chef d’état-major Zaloujny. Par ailleurs, plus de 90 % des Ukrainiens partagent la certitude de la victoire.
On observe une volonté de concentrer toutes les forces pour obtenir cette victoire et pour dépasser les souffrances endurées, qu’il ne faut pas mésestimer, y compris en raison des frappes sur les infrastructures. Ce fut dur au cours de l’hiver, alors que les coupures d’électricité pouvaient durer régulièrement 24 ou 48 heures, et parfois même plusieurs jours comme ce fut le cas une fois à Kiev. C’est aussi très dur à Bakhmout. Comme je l’ai dit, je me déplace beaucoup en province et j’étais encore il y a quelques jours dans la petite ville de Kremenets, qui se trouve dans l’Ouest du pays. Au moment où nous passions, une cérémonie d’hommage était en cours de préparation pour un jeune qui venait de tomber à Bakhmout et dont le corps était rapatrié. La guerre est présente partout et tous les maires vous dressent la liste de leurs morts. À Ternopil, un chef-lieu, le maire m’indiquait qu’il tient un compte précis des décès et qu’il en était déjà à 100, ce qui est loin d’être négligeable pour une ville de 50 000 habitants.
Malgré les souffrances, la population tient. Parfois, les autorités peuvent donner l’impression d’être un peu jusqu’au-boutistes, ce qui s’explique par les souffrances endurées et par l’enjeu de ce qui arrive. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un pays agressé par son voisin, dont l’armée était considérée comme étant la deuxième du monde. Les Ukrainiens ont accompli un exploit extraordinaire, même s’il nous paraît aujourd’hui naturel de dire qu’ils sont capables de bloquer les Russes. Après un an, cela paraît être entré dans le sens commun mais ce n’est pas le cas et l’Ukraine reste un pays de 35 à 40 millions d’habitants, qui fait face à une des plus grandes puissances militaires du monde et qui parvient aujourd’hui à stabiliser la situation.
La très forte popularité du président Zelensky ne signifie pas que l’opposition est absente. Il existe des contre-pouvoirs, incarnés par les maires des grandes villes. On a parfois du mal à le percevoir en France mais l’Ukraine est très marquée par son héritage cosaque et la résistance a été organisée par les villes, qui se sont mises en état de défense face à l’agression russe. J’avais déjà décrit ce phénomène, qui reste très marquant : dans les premiers jours, avant de compter sur l’État et de faire venir l’armée, ce sont les villes qui ont organisé leur défense.
Le meilleur exemple est celui de la ville de Tchernihiv, que nous, Français, avons un peu prise sous notre aile. Cette ville, située à 40 kilomètres de la frontière biélorusse et non loin de la frontière russe, est complètement russophone. Dans les premiers jours, l’armée ukrainienne étant alors largement déployée dans le Donbass, les Russes s’attendaient à ce que cette ville tombe. Elle constitue un nœud routier et ferroviaire très important pour descendre vers Kiev. Or le maire, avec ses administrés et son conseil municipal, a mis sa ville en état de défense. Quand je dis « mettre en état de défense », j’évoque un phénomène intéressant à observer pour nous, Français, parce qu’il obéit à une logique qui n’est pas du tout centralisée. Quand un conseil municipal met sa ville en état de défense, cela signifie que le maire – avec les conseillers municipaux, les postiers, les policiers locaux, quelques militaires et garde-frontières s’il y en a, plus l’apport des volontaires qui sont venus s’enrôler en masse les premiers jours – crée une force pour bloquer l’arrivée des forces agressantes. À titre de comparaison, j’ai souvent employé les expressions « soldats de l’an II » ou « levée en masse ».
Dans la petite ville de Nijyn, à côté de Tchernihiv, le maire m’a amené jusqu’à un pont et m’a expliqué qu’il s’était trouvé là avec un groupe de combattants, qu’ils avaient vu la colonne russe arriver depuis le Nord. Comme ils connaissaient bien le terrain, ils ont commencé par monter une embuscade dans la forêt. Puis ils ont fait sauter le pont avant l’arrivée des Russes ; il me faisait venir pour qu’on le reconstruise. Ce n’était pas l’armée elle-même qui luttait.
Ces maires des grandes villes constituent des contre-pouvoirs ou, plus exactement, le président Zelensky doit compter avec eux. Ils sont de grands féodaux, qui avaient tous été réélus très largement à l’automne 2021, avant la guerre, et qui gèrent leurs villes de façon autonome. Ils forment le cœur de la défense.
Surtout, cela ne se limite pas à la défense proprement dite mais concerne aussi l’aide apportée aux troupes. Ainsi, les bataillons territoriaux, formés par des volontaires des villes, sont aidés par chaque municipalité, qui commence par les transporter sur le champ de bataille – ce sont des bus scolaires ou des véhicules privés qui amènent les soldats sur le front. D’ailleurs, il ne s’agit pas d’un conflit dans lequel les bataillons territoriaux se trouvent plutôt à l’arrière pour s’occuper de la logistique, comme cela pouvait être le cas en 1914-1918. Dans le cas présent, ces bataillons vont au front, par rotations. Quand on rencontre un maire, il explique qu’il sait exactement où se trouvent ses soldats ; c’est très concret. Les villes approvisionnent ces bataillons, pas en armes lourdes, mais l’équipement et les denrées alimentaires viennent des municipalités. Les blessés légers sont aussi rapatriés vers leur ville et le maire se rend sur place pour voir son bataillon. Ce phénomène de décentralisation est assez étonnant et fonctionne bien.
Le développement d’une prise de conscience quant à la nécessité de lutter contre la corruption et de réformer la justice constitue un autre élément important. Des mesures intéressantes ont été prises, notamment sous l’aiguillon de l’Union européenne et des États-Unis, comme la nomination d’un procureur anticorruption. Le Bureau national anticorruption d’Ukraine (NABU) est au travail et la réforme de la justice est engagée. Il s’agit de réformes lentes, qui sont discutées depuis longtemps mais, nécessité faisant loi, les Ukrainiens bougent, même s’ils ne le font pas suffisamment, et le G7 fournit un important travail de suivi en la matière. Cependant, le mouvement va dans la bonne direction.
Un mot des relations franco-ukrainiennes, qui sont très bonnes et ce, à tous les niveaux. Le président de la République maintient un contact très régulier avec le président Zelensky, dans cette complicité qu’ils ont nouée déjà avant la guerre.
De nombreuses visites ministérielles ont également eu lieu : la ministre de l’Europe et des affaires étrangères s’est déjà rendue quatre fois en Ukraine, dont une à Odessa, ce qui est assez remarquable ; le ministre des armées Sébastien Lecornu est venu juste avant Noël ; la ministre de la culture aussi, récemment ; et le ministre des transports devrait se déplacer prochainement. Ce flux de visites souligne la normalisation et le soutien que j’évoquais.
De plus, la présidente de l’Assemblée nationale et le président du Sénat ont effectué l’année dernière des visites très réussies.
Enfin, nous avons reçu de nombreuses délégations parlementaires. Je suis très heureux d’accueillir un certain nombre d’entre vous régulièrement et une autre délégation viendra, avec votre collègue Anne Genetet, pour remettre officiellement la résolution adoptée par l’Assemblée nationale sur l’Holodomor, le 28 mars 2023.
Il existe un courant d’échanges et une proximité. La qualité de notre aide est très bien perçue, non pas nécessairement en raison de sa quantité mais du fait de son caractère ciblé et réaliste, car nous tenons nos engagements – ce qui n’est peut-être pas le cas de tous nos partenaires et les Ukrainiens ne manquent pas de nous le dire – et de l’efficacité de cette aide, dont les canons Caesar fournissent le meilleur exemple. Les Ukrainiens savent très bien quoi nous demander et, quand ils l’obtiennent, ils bénéficient d’un paquet global, comprenant maintenance et munitions, ainsi qu’un matériel qui correspond parfaitement à leurs besoins et dont ils sont très satisfaits.
En tant qu’ambassadeur, travailler en Ukraine auprès des Ukrainiens ne pose aucune difficulté. Je ne reçois aucun reproche mais, au contraire, beaucoup de remerciements pour l’aide reçue dans tous les domaines, politique, diplomatique, humanitaire ou militaire. Le dialogue est constant et notre relation, très riche, est alignée sur notre objectif diplomatique principal, qui a été rappelé par le président de la République à plusieurs reprises et notamment le 31 décembre 2022, lorsqu’il a prononcé ses vœux : aider l’Ukraine jusqu’à la victoire. Ma feuille de route et celle de mes collaborateurs est donc assez simple, reste à la mettre en œuvre.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Merci pour cette présentation très riche. Nous en venons aux questions des orateurs des groupes.
Mme Marine Le Pen (RN). Monsieur l’ambassadeur, je vous remercie de votre présence et ce, à huis clos, ce qui va nous permettre d’aborder divers sujets brûlants de manière sincère et transparente, pour mieux appréhender la situation de nos compatriotes en Ukraine et le rôle de la France dans cette guerre qui divise le continent et le monde.
Nos premières pensées vont au peuple ukrainien, première victime de cette guerre, ainsi qu’à nos compatriotes présents dans le pays, mais aussi aux répercussions de cette guerre sur les acteurs économiques français.
Mes interrogations se concentreront sur le domaine agricole, sur les intérêts français en Ukraine et sur les conséquences de la guerre sur les marchés mondiaux. Préalablement à l’agression russe, de nombreux céréaliers français s’étaient établis en Ukraine, sur ses 41 millions d’hectares agricoles, l’Ukraine disposant de l’une des terres les plus fertiles du monde. La production pour l’exportation des céréales ukrainiennes a une répercussion directe sur les marchés et sur l’approvisionnement mondial. À combien s’établit aujourd’hui le nombre de nos compatriotes poursuivant leur activité économique en Ukraine ? Quelle part représente la production céréalière française en Ukraine ?
Lorsque la guerre a éclaté, l’Union européenne a ouvert son marché au poulet ukrainien en guise de soutien économique, pensant aider les agriculteurs locaux. Personne ne conteste ce geste de solidarité. Cependant, ces poulets sont importés en Europe sans droit de douane. De plus, leur production se fait à des coûts très bas, dans des conditions sanitaires discutables, sans contrôle et avec un usage d’antibiotiques non réglementé alors qu’il est très strict sur notre sol. Ces importations portent atteinte à nos agriculteurs français sans pour autant aider les petits agriculteurs ukrainiens puisque le principal producteur est une multinationale du poulet appartenant à un oligarque, MHP, qui produit 1,8 million de poulets par an, contre 40 000 pour un producteur moyen français. Quelle est votre analyse en la matière ? Quelles anticipations envisage votre attaché agricole pour éviter d’ajouter de la crise à la crise ?
Enfin, lundi dernier, le ministère de la défense britannique a annoncé vouloir fournir des munitions à uranium appauvri à l’Ukraine. Le président Zelensly lui-même semble dubitatif quant à ces livraisons ; et pour cause, puisque plusieurs études ont démontré que, en Irak et en ex-Yougoslavie, de telles munitions avaient provoqué une explosion de maladies, de tumeurs, de cancers, de malformations congénitales, de pollutions des sols, notamment agricoles, et des nappes phréatiques et ce, pour plusieurs décennies. Nous opposerons-nous à ce type de livraisons, contraires à la convention Genève, afin d’épargner le peuple ukrainien et ses agriculteurs de conséquences plus graves encore que celles qu’ils subissent déjà ?
M. Étienne de Poncins. Le domaine agricole représente un sujet majeur pour les Ukrainiens, dont le pays est une grande puissance agricole, puisqu’il était le grenier à blé de l’Europe et a eu tendance à devenir celui du monde.
Il s’agit aussi d’un domaine dans lequel les entreprises françaises étaient très implantées. De nombreux céréaliers, mais surtout des transformateurs et des producteurs de grains, comme Maïsadour ou Louis Dreyfus – de grands noms – sont présents en Ukraine. Quelques agriculteurs français, peu nombreux, s’étaient installés, notamment des Haut-marnais du côté du Donbass, qui ont poursuivi leur activité, ou un Français implanté près de Jytomyr. Quelques Français ont donc investi directement pour produire mais ils sont peu nombreux. Aujourd’hui, il reste environ 400 à 500 Français, dont ces agriculteurs qui ont continué à exercer leur profession à 40 ou 50 kilomètres de la ligne de front.
Comme je l’indiquais, les récoltes ont pu avoir lieu l’année dernière. Elles auront lieu aussi cette année et il est assez étonnant de voir ce pays moissonner au son du canon mais les Ukrainiens ont réussi ce tour de force.
Vous l’avez dit : il s’agit d’un agrobusiness, d’une agriculture dominée par de grands groupes privés, très puissants et très efficaces sur le plan économique, qui ont la capacité de maintenir les approvisionnements, quelle que soit la situation. Cela vaut dans le secteur du poulet mais aussi dans les autres. Cette présence des grands groupes fait aussi l’efficacité de l’agriculture ukrainienne.
L’activité agricole se maintient, grâce à la Black Sea Grain Initiative, accord passé sous l’égide des Nations Unies avec l’aide de la Turquie, qui a permis de ne pas cesser d’approvisionner le monde, puisque les navires continuent à sortir d’Odessa, même si les Russes déploient beaucoup obstacles, qu’ils bloquent, allongent les files, réduisent les temps de passage pour l’inspection des navires et créent des coûts additionnels. Néanmoins, l’accord a été prolongé pour deux mois. L’Ukraine aurait souhaité que ce soit pour un an et que d’autres ports soient ouverts au trafic mais les Russes ont refusé. Une négociation se déroule en sous-main.
Nous avons aussi beaucoup aidé, avec l’Union européenne, pour faciliter les transits via l’Europe, par ses voies de chemin de fer et ses camions, par des passages aux frontières améliorés et par le Danube, qui est devenu, grâce à l’acquisition de nouvelles barges, une grande voie de sortie des céréales, pour ne pas être bloqués par l’accord sur le blé. L’objectif est à la fois de nourrir le monde mais aussi de permettre aux Ukrainiens de percevoir un revenu et de maintenir leur économie.
Enfin, je confirme qu’au début de la guerre, la levée de toutes les restrictions tarifaires, y compris sur le poulet, a figuré parmi les premières mesures prises par l’Union européenne, dans le cadre de son rapprochement avec l’Ukraine. Cela a suscité des inquiétudes au sein des Vingt-sept mais cette barrière tarifaire a bien été levée en signe de soutien.
En ce qui concerne les munitions à uranium appauvri, je ne connais pas précisément le sujet et me garderai d’apporter une réponse.
M. Arnaud Le Gall (LFI-NUPES). Vous avez souligné l’importance de notre présence sur place et je voudrais rappeler le professionnalisme de notre diplomatie et le fait que l’ambassade de France n’a pas quitté le territoire, alors que les Anglais ou les Allemands l’ont fait très vite après le début de la guerre. Ces éléments apportent une preuve supplémentaire de la compétence de notre diplomatie et de la nécessité de la défendre.
Je ne reviendrai pas sur le volet militaire car il ne s’agit pas du cœur de cet échange et nous avons déjà reçu le chef d’état-major des armées. Je souhaiterais plutôt évoquer certains problèmes qui se posent dès à présent, s’agissant de la reconstruction. Il est toujours difficile d’en parler avant la fin de guerre mais ses conditions interrogent déjà.
D’abord, j’ai été un peu peiné ou surpris de constater que, dans le cadre de l’accord céréalier, dont la France est un acteur parmi d’autres, le président Zelensky n’a remercié que la Turquie. Pourquoi n’apparaît-on pas comme des médiateurs ?
Nous avons reçu récemment une délégation de paysans et d’écologistes ukrainiens très inquiets, notamment en raison de l’état écologique du pays et des conditions de reconstruction. Des conditions sociales et écologiques seront-elles posées ou assistera-t-on à une ruée sur le marché ukrainien ? Nous savons que la guerre détruit tout et qu’elle laisse des pollutions énormes. Alors que nous allons commencer à verser de l’argent pour la reconstruction, où en sont les campagnes anticorruption ? S’agit-il de changements de fond ?
Enfin, la levée des restrictions tarifaires sur le poulet laisse présager de certaines suites et je voudrais mettre en garde : il ne faudrait pas que l’adhésion à l’Union européenne soit l’occasion d’accroitre le dumping social et économique.
M. Étienne de Poncins. En ce qui concerne le sujet écologique et la situation assez dramatique que connaissent certaines parties de l’Ukraine en raison de la guerre – qui est loin d’être terminée –, la France s’est montrée en pointe, notamment sur la notion d’écocide. À la demande du procureur général, nous avons apporté notre assistance pour tenter de définir ce crime. On constate une forte implication, en la matière, du président du Conseil constitutionnel, M. Laurent Fabius, qui est un peu à l’origine de ce travail, mené avec la direction juridique du Quai d’Orsay.
La corruption représente une vraie question, notamment en matière de reconstruction. Les Ukrainiens prennent conscience que le pays qu’ils vont devoir reconstruire sera différent du précédent, et qu’il devra être profondément réformé. De ce point de vue-là, en vivant au milieu des Ukrainiens, je retrouve la volonté de tout changer qui devait être celle des Français durant la deuxième guerre mondiale. En France, cette volonté s’était traduite par le Conseil national de la résistance et j’observe un état d’esprit assez similaire en Ukraine : en cas de victoire, il faudra une autre Ukraine, débarrassée de ses oligarques et de sa corruption, une Ukraine dont les institutions démocratiques fonctionneront mieux. La volonté existe. Y parviendront-ils ? C’est une autre question mais l’aiguillon européen et la perspective d’adhésion à l’Union européenne seront utiles et même essentiels. En tout cas, le souhait de la population est bien d’y parvenir.
M. Pierre-Henri Dumont (LR). Vous avez évoqué les possibilités de contre-offensive. À cet égard, qu’en est-il de l’arrivée, de l’utilisation et de l’effectivité des différents chars lourds promis par les pays européens, sachant notamment que vous avez évoqué des promesses non tenues ?
Les premiers chars français AMX-10 RC ont été livrés ; comment sont-ils utilisés ?
D’après des informations dévoilées dans la presse, des pilotes ukrainiens commenceraient à être formés en France sur des Mirage ; pourriez-vous faire un point à ce sujet ? Si les pilotes ukrainiens sont bien formés sur cet avion, par quelles voies ces appareils, doivent-ils être envoyés en Ukraine, s’il ne s’agit pas d’avions français ?
En ce qui concerne les conditions de négociation pour la sortie de la guerre, la feuille de route du président Zelensky exige que l’ensemble des sujets soient posés sur la table, y compris celui de la Crimée ; cette feuille de route reste-t-elle effective ? Quels sont les retours des différentes puissances voisines de l’Ukraine à ce sujet ?
Enfin, s’agissant des perspectives d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, quelle est la position de vos homologues ? Sont-ils favorables à une adhésion accélérée ?
M. Étienne de Poncins. Les chars lourds arrivent. L’une des caractéristiques de cette guerre est que l’on trouve beaucoup d’informations sur Internet et l’on peut ainsi assister au passage des convois. Quand je quitte l’Ukraine, je passe par la route et je vois parfois ces convois.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Ce sont les chars anglais ?
M. Étienne de Poncins. Oui et il me semble que les Leopard ont aussi commencé à arriver. Nos AMX-10 RC ont été livrés et correspondent au type de matériel qui plaît beaucoup aux Ukrainiens : leur niveau technologique est juste en-dessous du dernier cri, ils sont rustiques et ont fait leurs preuves. De la même manière, ils ont apprécié les véhicules de l’avant blindé (VAB), qu’ils arrivent à bricoler avec leur ingéniosité devenue presque légendaire. Je pense qu’ils apprécieront beaucoup les AMX-10 RC, même s’ils ont mis quelques semaines à se les approprier. Quand ils réclament du matériel de haute technologie, ils souhaitent le niveau d’en-dessous, qui sera toujours meilleur que le meilleur niveau soviétique. Ils y trouvent un avantage et parviennent à le maîtriser.
En ce qui concerne la feuille de route diplomatique, Vladimir Poutine n’ayant renoncé à rien, pas même à Odessa et à la rive gauche du Dniepr, il n’y a aucune perspective, ce qui explique que le plan chinois – qui n’était pas un vrai plan de paix – n’ait suscité aucun écho du côté de Kiev. La perspective et la confiance manquent aujourd’hui pour engager une véritable discussion. Tant que l’offensive n’aura pas eu lieu, les choses ne bougeront pas, ni dans un sens, ni dans l’autre.
J’en viens aux perspectives d’adhésion ukrainienne à l’Union européenne. Il s’agit d’une grande priorité de l’Ukraine, qui pousse beaucoup pour obtenir une décision en vue d’une ouverture des négociations, d’ici la fin de l’année. Plusieurs étapes auront lieu d’ici là, dont les publications d’un rapport oral en juin et d’un rapport écrit en octobre.
Le débat n’a pas encore lieu mais il se tiendra, d’abord en juin sur le rapport oral de la commission et sur les sept conditions fixées, qui sont assez précises. Après ce premier débat, le vrai questionnement aura lieu en fin d’année.
M. Frédéric Petit (DEM). Ma question porte sur l’organisation de l’ambassade. Depuis six ans, je suis rapporteur pour avis des crédits du programme Diplomatie culturelle et d'influence – Francophonie. Je me bats avec l’expression « diplomatie d’influence » et préfère y substituer celle d’« action de la France dans le monde », cette action ne se résumant pas à celle du Gouvernement, ni à celle que nous avons l’habitude de coordonner depuis nos ambassades. Ma vision repose sur une expérience personnelle, parce que je pense avoir été le dernier Français présent à Louhansk, où j’ai travaillé dans les mines de charbon jusqu’en 2009, et que je suis un spécialiste des réseaux de chaleur. D’ailleurs, la France est le meilleur exploitant du réseau de chaleur ex-soviétique, ce que nous ne faisons pas assez savoir.
Nous avons du retard sur la question de la reconstruction. Depuis le 25 février 2022, je dis que la reconstruction commence et que nous devons être présents. L’ambassade évolue-t-elle à ce sujet ?
J’ai rencontré le nouvel envoyé spécial pour l’aide et la reconstruction de l’Ukraine ainsi que M. Laurent Saint-Martin, qui vient de prendre la direction de Business France. La reconstruction passera par les grandes entreprises et je rappelle que les responsables des grandes entreprises qui se trouvent en Pologne n’ont pas le droit d’aller en Ukraine aujourd’hui, alors qu’ils le demandent. Les Français installés à l’étranger, ceux qui travaillent dans les petites et moyennes entreprises, à la chambre de commerce, au lycée français ou dans les alliances françaises, ne sont pas des fonctionnaires français et ne sont pas directement sous votre autorité.
Nous avons beaucoup parlé d’agriculture et vous avez évoqué la décentralisation. Tous les maires et présidents d’oblasts que je rencontre appellent à un transfert de compétences de nos experts et la France compte des experts qui voudraient partir, pour aider les services à reconstruire sans corruption, dans le cadre de cette organisation très décentralisée.
Par ailleurs, le Centre français de recherche en sciences sociales (CEFRES) à Prague, qui se trouve dans ma circonscription, commence à financer des bourses pour que des Ukrainiens continuent à pouvoir se former sur place.
Comment cette reconstruction, menée par l’ensemble des forces françaises, transforme l’organisation de votre ambassade ?
M. Étienne de Poncins. C’est un domaine dans lequel nous cherchons à être très présents. La reconstruction est déjà en cours et les Ukrainiens n’attendent pas pour la mettre en œuvre. Des entreprises allemandes ou italiennes montrent leur intérêt et de nombreuses délégations se déplacent.
Vous l’avez rappelé : le président de la République a nommé un envoyé spécial pour la reconstruction, M. Pierre Heilbronn, qui vient de prendre ses fonctions et que j’ai rencontré. Il va conduire cette coordination d’ensemble et assurer une présence française dans toutes les enceintes liées à la reconstruction, dont la conférence de Londres qui aura lieu en juin prochain.
Des entreprises émettent le souhait de revenir. Nous avons pu compter sur deux de nos grandes banques, le Crédit agricole et la BNP, qui ont toujours maintenu leur activité sur le territoire ukrainien et constituent nos têtes de pont bancaires en Ukraine. Elles sont prêtes, notamment dans le domaine agricole, à poursuivre l’aide apportée.
Par ailleurs, Business France se met en ordre de bataille avec la nomination de son nouveau directeur.
Je suis passé à Bercy en début de semaine et j’ai demandé que le poste économique soit renforcé, que l’excellent collègue en poste soit soutenu par un adjoint. Il doit y avoir un « réarmement économique », comme il y a un « réarmement diplomatique ».
Le fait que la rubrique « Conseils aux voyageurs » du site du ministère de l’Europe et des affaires étrangères maintienne toute l’Ukraine en rouge représente l’une des difficultés à laquelle nous nous heurtons. Ainsi, il est encore formellement déconseillé à tout compatriote de se rendre en Ukraine, quels que soient les motifs de sa visite. J’ai un débat avec mes collègues du centre de crise et de soutien (CDCS) pour atténuer ce niveau car les patrons des grands groupes n’autorisent pas leurs commerciaux à venir sur le territoire, tandis que les assurances demandées sont clairement prohibitives pour les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire. Mes collègues me font valoir que toute l’Ukraine peut être à tout moment frappée par un missile ou un drone iranien, ce qui est parfaitement exact. Mais il faudrait essayer d’inventer quelque chose car le conseil aux voyageurs freine la venue des hommes et des femmes d’affaires.
En tout cas, nous nous mettons en ordre de bataille. Je soulèverai de nouveau la question cet après-midi lors de la réunion que j’évoquais. Ce sont des questions difficiles, qui requièrent de nombreux arbitrages.
M. Alain David (SOC). Le groupe Wagner et l’armée russe affirment contrôler 70 % de la ville de Bakhmout. Les troupes ukrainiennes résistent, gardent le contrôle stratégique du secteur et des routes de ravitaillement à l’Ouest de la ville, maîtrisent les parties périphériques et disent avoir stabilisé la situation. D’après les services de renseignement britanniques – nous avons plus accès, nous Français, à leurs informations qu’à celles de nos propres services –, l’armée russe présente à Bakhmout serait épuisée, très mal organisée et sous-équipée, et une contre-offensive ukrainienne pourrait bientôt être lancée, la situation semblant très favorable.
La bataille dure depuis plus de huit mois dans une ville devenue symbole de cette guerre, dans laquelle la Russie semble s’enliser. Toujours selon les services britanniques, la Russie manquerait d’équipements et de chars lourds. Elle chercherait à stabiliser la ligne de front et à adopter une stratégie plutôt défensive qu’offensive. Peut-on lier cet enlisement aux récentes annonces de Poutine concernant le déploiement d’armes nucléaires tactiques en Biélorussie ? S’agirait-il d’une preuve de sa faiblesse ?
M. Étienne de Poncins. Sur ce dernier point, je n’ai pas d’éléments ; ce serait à mes collègues présents à Moscou de tenter une explication.
S’agissant de Bakhmout, je crois que vous avez raison. Ce qui est intéressant, c’est que les médias annoncent la chute de cette ville – un point sur la carte à l’importance stratégique faible – depuis août dernier. Si les Russes parviennent à la prendre, ils auront mis près d’un an à conquérir une ville qui ne présente pas d’enjeu véritable.
Ces dernières semaines, les Ukrainiens se sont livrés de façon assez transparente à un calcul. D’abord, ils se sont mis en situation de se replier, ce qu’ils peuvent faire à tout moment. Ils ont donc préparé des lignes de défense très solides à 10 kilomètres à l’arrière pour pouvoir être en mesure de se rabattre sur une ligne préparée, qui sera difficile à franchir pour les Russes.
Dans le même temps, le président Zelensky a cherché à savoir si cela vaudrait le coup de rester, non plus avec des troupes spéciales mais avec des bataillons territoriaux ou des garde-frontières, qui se rendraient au front par rotations. Le calcul est de savoir si les pertes russes seraient supérieures aux pertes ukrainiennes et si cela userait les effectifs et les forces russes, notamment de Wagner. On a donc vu le général en charge du secteur se rendre à plusieurs reprises sur le front. Le président Zelensky lui-même est allé tout près de Bakhmout, pour observer la situation et interroger les hommes, savoir s’ils étaient prêts à rester et si cette méthode pouvait être utilisée. La réponse a dû être positive puisqu’ils ont maintenu les troupes et que Wagner est en train de se casser les dents, de les limer en tout cas, dans la prise très compliquée de cette ville, qui compte de nombreux souterrains.
La situation est un peu similaire à celle de Verdun : les Allemands comptaient épuiser l’armée française et ils ont fini par s’épuiser eux-mêmes dans cette guerre d’attrition.
Pour les Ukrainiens, l’important était de ne pas engager, dans ce combat, les nouvelles réserves qu’ils sont en train de préparer, avec les chars lourds déjà évoqués. Il s’agissait de ne pas tomber dans le piège qui aurait consisté à mobiliser toutes leurs forces pour tenir la ville à tout prix. Apparemment, ce n’est pas ce qu’ils ont fait et ces nouvelles forces devraient servir à la contre-offensive. Ces nouvelles brigades en cours de constitution ne sont pas déployées à Bakhmout et le pari ukrainien semble en train d’être tenu de ce point de vue-là, puisqu’on observe à Bakhmout une fragilisation, voire une destruction des troupes de Wagner.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. À Verdun, le général von Falkenhayn avait prévu qu’il y aurait autant de morts français que d’allemands et que, les Allemands étant plus nombreux, ils finiraient par gagner. Ici, compte tenu de la différence démographique, pour que le calcul soit juste, il faudrait que les pertes russes soient quatre fois supérieures à celles des Ukrainiens.
M. Étienne de Poncins. Certes, mais c’est toujours plus facile en défense. Je n’ai pas tous les éléments mais il semblerait que les Ukrainiens aient raisonné à partir de ce choix, à la demande du président Zelensky. Ils en ont conclu qu’ils pouvaient tenir et ils tiennent.
M. Jean-François Portarrieu (HOR). Les États-Unis, qui ne sont pas signataires du statut de Rome, instituant la Cour pénale internationale (CPI), viennent de se déclarer favorables à la création d’un tribunal spécial pour juger l’agression russe contre l’Ukraine et ce, au moment où la CPI émet un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine. Cette position américaine est-elle anecdotique ou significative ?
M. Étienne de Poncins. Je ne me prononcerai pas sur la position des Américains. Ce que je constate, c’est que les Ukrainiens utilisent beaucoup de leur poids politique pour obtenir la création d’un tribunal spécial international pour juger de ce crime d’agression. Ils ont tenu une conférence importante sur ce thème à Lviv, où nous étions représentés par le directeur des affaires juridiques du Quai d’Orsay. Nous participons à la réflexion collective.
Quant aux Américains, ils m’ont toujours semblé très prudents, quel que soit le concept évoqué, tribunal hybride ou spécial.
Mme Olga Givernet (RE). Monsieur l’ambassadeur, votre exposé illustre bien la diplomatie du premier au dernier kilomètre que vous pratiquez et qui prend toute son ampleur dans ces moments historiques.
Après la sidération des premiers jours, la France a très vite adopté une position nette face à l’agression russe, en cohérence avec ses engagements européens. Nous sommes restés fidèles aux quatre principes, énoncés le 2 mars 2022 par l’ancien premier ministre Jean Castex : fermeté face à la Russie, solidarité avec l’Ukraine, unité européenne et au sein de l’OTAN, et maintien du dialogue. Ce dernier principe a parfois suscité des critiques de la part de Kiev. Le maintien du dialogue a pu être interprété comme un signe d’indulgence à l’égard de Moscou ; quel est votre point de vue à ce sujet ?
La France se classe au troisième rang mondial en termes d’assistance globale apportée à l’Ukraine, derrière les États-Unis et l’Allemagne mais devant le Royaume-Uni, qui jouit pourtant d’une image très positive auprès de Kiev. D’ailleurs, notre engagement n’a pas échappé aux organisations pro-russes, qui ont orchestré une gigantesque cyberattaque dont l’Assemblée nationale a été victime lundi.
Hier, notre mobilisation a trouvé une expression forte avec la reconnaissance par notre assemblée de l’Holodomor comme génocide. Le groupe Renaissance déplore d’ailleurs le fait que deux voix se soient portées contre la résolution, ainsi que le silence assourdissant d’une partie de la NUPES. Comment est perçue cette reconnaissance par le peuple ukrainien ?
Comment s’organise la vie quotidienne des familles, y compris pour celles qui ont pu quitter le pays et pour celles qui sont revenues ? Nous savons que certains enfants déportés en Russie ont pu retrouver leurs familles ; quel regard portez-vous sur le sujet ?
Pour le groupe Renaissance, l’aide humanitaire et militaire reste essentielle et nous avons la conviction que se jouent en Ukraine les grands équilibres mondiaux de demain, ainsi que l’avenir de l’Europe, que nous voulons démocratique et humaniste. Vous avez évoqué la résistance héroïque des Ukrainiens mais aussi certains signes de lassitude, notamment sur le front de Bakhmout ; quel est votre point de vue sur la capacité des Ukrainiens à tenir bon et à lancer une contre-offensive ?
M. Étienne de Poncins. En ce qui concerne la reconnaissance de l’Holodomor, le président Zelensky a déjà réagi hier. Le geste de l’Assemblée nationale est très fort. Les Ukrainiens avaient le sentiment que leur histoire et leurs souffrances passées étaient méconnues, notamment cette terrible famine orchestrée par le régime stalinien en 1932 et 1933, qui ne ciblait pas uniquement des Ukrainiens, mais qui a touché très majoritairement la paysannerie ukrainienne. Le fait que ce crime ne soit pas reconnu internationalement était très douloureusement ressenti. Depuis plusieurs mois, un mouvement est en cours à cet égard et le fait que la France s’y joigne va être très apprécié. Il s’agissait d’une demande récurrente de la part des Ukrainiens, qui ont le sentiment qu’enfin on reconnaît leurs souffrances, qui sont abominables. À titre d’exemple, le maire de Kiev m’a expliqué un jour que sa grand-mère avait été la seule survivante d’une famille de dix enfants.
S’agissant des familles ukrainiennes, la situation est extrêmement difficile. D’abord, les déplacés internes sont au nombre de 5 millions. Ces personnes ont dû quitter leur foyer et être relogées, majoritairement à l’Ouest, et elles vivent mal le fait d’avoir été déracinées.
Les universités ont été déplacées et cherchent à fonctionner de nouveau dans le pays, ce qui pose des difficultés.
La situation est aussi difficile pour ceux qui sont partis en Europe, dont la majorité est constituée de femmes et d’enfants. Parmi eux, 100 000 personnes, dont 18 000 enfants, ont été accueillis en France. Ils font souvent des allers-retours mais, alors que la guerre dure, on observe des phénomènes inévitables de rupture des liens familiaux. La femme partie avec les enfants retrouve du travail, notamment en France, l’intégration se passe très facilement et la rupture se fait avec le conjoint qui est resté, de façon directe ou non. Une distanciation des liens advient et ce sont des phénomènes douloureux, qui posent aussi question quant à la reconstruction, d’un point de vue démographique. L’un des grands enjeux pour l’Ukraine d’après la guerre sera de faire revenir la population, ce qui constituait déjà un enjeu avant la guerre puisque 2 millions d’Ukrainiens travaillaient à l’extérieur, notamment en Pologne. Mais cette question se posera plus encore après. Il faudra faire revenir ces familles et ces 7 millions de personnes qui ont quitté le pays, qui ont retrouvé un emploi, qui apprennent une langue et s’intègrent. Ces gens voudront-ils revenir ? Le pays pourra-t-il se reconstruire avec une population jeune ? Ce sera l’un des défis principaux, une fois la victoire acquise.
Mme Emmanuelle Ménard (NI). Vous avez évoqué les relations diplomatiques franco-ukrainiennes, qui s’établissent à différents niveaux. Je voudrais revenir aux municipalités, qui fonctionnent de façon très différente en Ukraine de ce qui se passe en France. Au début de la guerre, Béziers s’est jumelée à Tchortkiv, afin que nous puissions apporter notre soutien. L’ambassade reçoit-elle des demandes de villes ukrainiennes souhaitant se jumeler avec des villes françaises ? Nous avons tissé des liens très étroits avec le maire de Tchortkiv et sa ville, ce qui nous a permis de répondre très précisément à leurs besoins. Au début, nous avons apporté de l’aide humanitaire et médicale. Ensuite, nous avons commencé à répondre à des besoins précis comme des gilets pare-balles, des générateurs et un bus car ils avaient besoin de transporter les familles, notamment pour qu’elles puissent se rendre dans les cimetières afin d’honorer leurs morts au combat. Nous avons pu répondre à ces demandes.
D’autre part, comment est ressenti, par la population ukrainienne, l’« échec » des milices Wagner, que l’on disait terribles ?
Enfin, comment réagissent la Suède et la Finlande par rapport aux menaces proférées – de façon non voilée – par la Russie au sujet de leur adhésion à l’OTAN ?
M. Étienne de Poncins. Merci d’évoquer la question des jumelages. Je reçois énormément de demandes et l’élan est considérable. Je salue ce que vous faites avec Béziers.
Il faudrait développer cet instrument des jumelages, qui correspond bien au fonctionnement décentralisé que j’évoquais. À cet égard, n’hésitez pas à venir m’interroger directement si une ville cherche un jumelage, je pourrais vous mettre en relation avec des villes adéquates car il faut trouver la bonne taille.
Aujourd’hui, peu de jumelages fonctionnent bien, à part Reims et Tchernihiv, Marseille et Odessa, et quelques autres. Nous sommes très en retard, par rapport aux Polonais notamment, qui ont des jumelages par dizaines. Tout est donc à construire dans ce domaine et ce serait une aide très utile.
Je ne suis pas étonné qu’ils vous réclament des générateurs, des gilets pare-balles et des bus, ces demandes correspondant à l’organisation décentralisée que j’évoquais. Le bus existant a dû être utilisé sur le front et ils en manquent donc pour les transports scolaires. Tous les autobus déclassés peuvent être transférés, ils trouveront preneurs, les Ukrainiens en seront enchantés et les remettront en circulation. La demande est énorme. Échangeons pour renforcer ces jumelages ; nous pouvons faire beaucoup mieux.
Enfin, en ce qui concerne l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN, à ma connaissance et de façon assez surprenante, le problème ne vient pas de la Russie mais plutôt des Turcs ou des Hongrois, notamment en ce qui concerne la Suède. Cependant, lorsque les adhésions auront lieu, elles signeront un nouvel échec de Poutine, puisque l’une des conséquences de son agression aura été de rapprocher l’OTAN de ses frontières, la Finlande partageant avec elle une très longue frontière.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Avant d’en venir aux questions des autres orateurs, Mme Abomangoli souhaiterait intervenir pour revenir sur certains propos.
Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Nous avons été pointés du doigt par notre collègue du groupe Renaissance au sujet du débat qui a eu lieu hier sur la reconnaissance de l’Holodomor comme crime de génocide. Je voudrais rappeler qu’il n’y a pas eu de « silence » de notre part mais plutôt une réaffirmation de principe, à laquelle nous avons procédé dans la dignité, sans polémique et en respectant toutes les positions.
Ainsi, nous avons rappelé qu’un problème de définition se posait. Nous nous sommes même appuyés sur les travaux d’Anne Applebaum, historienne néoconservatrice et soutien de l’Ukraine, qu’on ne peut pas soupçonner de vouloir minimiser quoi que ce soit. Elle admet que ce qui s’est passé, et que nous avons reconnu, relève plutôt du crime contre l’humanité que du crime de génocide. Nous avons rappelé les principes historiques et juridiques fondant les définitions de l’ONU et il s’agissait de montrer qu’il ne faut pas rompre certains équilibres dans le droit international quant à la définition des génocides.
Par ailleurs, la question de la banalisation des trois génocides reconnus se pose et il ne faudrait pas ouvrir une boite de Pandore. Un certain nombre de personnes réclament par exemple que l’on considère que les Amérindiens ont été victimes d’un génocide ou que la colonisation de la France en Algérie correspondait à un génocide.
Notre position était claire, argumentée et sérieuse. Nous n’avons pas pris part au vote mais il ne s’agissait pas d’un silence, dans la mesure où nous nous sommes exprimés.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je ne souhaite pas que le débat soit rouvert. Mme Givernet a émis des opinions, ce qu’elle a le droit de faire. J’ai dit que le débat avait été d’une grande qualité, que les arguments échangés avaient été sérieux et solides. Nous avons finalement compté une quasi-unanimité en faveur du texte, ainsi que deux votes négatifs, et certains collègues se sont abstenus.
Le débat n’est pas facile et je ne jetterai la pierre à personne. À titre personnel, j’ai beaucoup réfléchi avant de me prononcer. Ce massacre collectif absolument infâme constitue certainement un crime de guerre, un crime de masse et un crime contre l’humanité, et la dimension de crime génocidaire peut être discutée et elle l’a été. Mais je ne crois pas qu’il faille considérer que le génocide doive répondre une définition intangible. Cette Assemblée a donc estimé qu’il s’agissait d’un génocide. Nous avons pris nos responsabilités, en tant que parlementaires, et je me réjouis profondément du fait que l’Assemblée nationale, dans sa très grande majorité, ait partagé l’appréciation du Bundestag et du parlement européen. En tout cas, rendons hommage à la qualité du débat, qui a été en grande partie animé par les membres de notre commission et qui a fait honneur à l’Assemblée, ce qui n’est pas le cas de tous les débats.
M. Jérôme Buisson (RN). La guerre d’agression que subit l’Ukraine comporte de grands risques d’escalade et pourrait déboucher sur une conflagration mondiale. L’ambassadeur de Pologne en France a récemment déclaré que la Pologne serait obligée d’entrer en conflit contre la Russie si l’Ukraine était défaite sur le champ de bataille. L’OTAN est une alliance défensive, n’impliquant pas de soutien en cas de guerre offensive, et je m’interroge sur la portée d’une telle déclaration et les risques d’escalade qu’elle implique. Qu’entend l’ambassadeur polonais par ces mots ? La Pologne refuse-t-elle toute éventuelle concession territoriale de l’Ukraine ou envisage-t-elle d’intervenir en cas d’effondrement total de l’armée ukrainienne ? Comment évaluez-vous les risques d’escalade de la guerre russo-ukrainienne ?
M. Étienne de Poncins. S’agissant des risques d’escalade, nous faisons preuve d’une très grande vigilance.
La position française est claire et a été définie à plusieurs reprises par le président de la République comme par la ministre Catherine Colonna : c’est aux Ukrainiens d’exprimer ce que sera une victoire pour eux et nous les aiderons à atteindre ce but. C’est à eux de déterminer qu’en atteignant tel secteur ou tel résultat diplomatique, ils seront satisfaits. C’est à eux de prendre ces responsabilités, de décréter à un moment qu’ils ne peuvent aller plus loin, que les souffrances sont trop fortes ou les enjeux trop durs. Ce sont eux qui portent le poids, qui se battent, souffrent et mobilisent toutes leurs forces dans une économie de guerre. Nous n’avons pas connu cela sur le continent européen depuis 80 ans. Et comme il s’agit d’une démocratie, ce sera au peuple ukrainien de se prononcer sur ces résultats. Notre mission est de les aider à faire en sorte qu’ils puissent remporter la victoire.
En ce qui concerne la Pologne, je ne me prononcerai pas sur les propos de l’ambassadeur polonais en poste à Paris.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons à présent aux questions des députés à titre individuel.
Mme Liliana Tanguy. Je tenais à vous faire part du soutien des Bretons et à confirmer qu’y compris dans l’extrême Ouest de la France, nous accueillions les Ukrainiens et Ukrainiennes de la meilleure façon.
Depuis le début du conflit, la France a adopté une position de fermeté à l’égard de la Russie, tout en souhaitant maintenir le dialogue. Ainsi, le président de la République a maintenu le contact avec le président Poutine et la France souhaite aider l’Ukraine jusqu’à la victoire. La France pourrait-elle jouer un rôle de médiateur après les propos tenus par Vladimir Poutine lors de son discours annuel, faisant part de son intention de déployer des armes tactiques en Biélorussie ? Le président Zelensky a réclamé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations Unies pour contrer ce chantage russe.
M. Étienne de Poncins. Pour l’instant, les conditions ne sont réunies d’aucun côté. Du côté des Russes, les objectifs ne sont pas revus à la baisse et on n’observe aucune véritable volonté de négocier quoi que ce soit si ce n’est un cessez-le-feu sur les lignes actuelles, ce qui ne serait pas acceptable pour les Ukrainiens. De leur côté, les Ukrainiens considèrent que, avec encore près de 18 % de leur territoire occupé par les Russes, la situation ne leur est pas favorable et ils préfèrent attendre que les armes parlent pour voir si celle-ci évolue.
Le président de la République l’a dit : comme l’Union européenne, il serait prêt à contribuer à un dialogue le moment venu. Aujourd’hui, ce sont des hypothèses d’école et la situation n’est pas celle-là. Nous restons donc concentrés sur notre politique, qui consiste à aider l’Ukraine dans tous les domaines. Le moment viendra peut-être où un dialogue pourra s’ouvrir et là, nous y prendrions toute notre part, comme nous le faisons avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur les questions de sécurité nucléaire. Nous avons également dit être prêts, comme d’autres, à accueillir la conférence que le président Zelensky appelle de ses vœux dans le cadre du plan de paix qu’il a présenté. Cela faisait l’objet de la conversation qu’il a eue à Paris avec le président de la République. Mais nous n’en sommes pas là.
M. Nicolas Dupont-Aignan. L’Ukraine continue-t-elle à être approvisionnée en gaz par la Russie ? Nous avons du mal à comprendre les motivations russes : s’agit-il d’alléger les souffrances des populations ? De tenir l’Ukraine ?
S’agissant de la centrale nucléaire de Zaporijjia, où en sommes-nous en matière de protection et de sécurité globale des Européens ?
Enfin, j’ai du mal à comprendre comment on peut abandonner toute position diplomatique quant à un futur plan de paix, en disant qu’on suivra M. Zelensky quoi qu’il veuille. On peut soutenir l’Ukraine, mais la France devrait garder une marge de manœuvre, notamment dans le cas où M. Zelensky voudrait récupérer la Crimée et rendre la paix impossible. Il y a contradiction entre la volonté de maintenir le dialogue et le fait de s’aligner, de dire que la position de la France sera en fait celle de l’un des protagonistes. Je ne vois pas en quoi cela renforce notre pays, ni même notre soutien à l’Ukraine.
M. Étienne de Poncins. La position française est assez claire : nous n’intervenons pas entre deux parties puisqu’il y a un agresseur et un agressé. Il y a donc un pays que nous devons aider moralement et concrètement, y compris en raison de nos obligations relatives à la Charte des Nations Unies puisqu’il s’agit d’un pays dont les frontières ont été internationalement reconnues en 1991, notamment par la Russie, qui les a validées à plusieurs reprises, y compris celles de la Crimée. Aujourd’hui, la Russie remet en cause ses propres engagements, comme son appartenance aux Nations Unies et à la Charte en tant que membre du Conseil de sécurité. Nous soutenons donc l’agressé face à l’agresseur. Les frontières de 1991 sont les seules à avoir été internationalement reconnues.
S’agissant de Zaporijjia, les intentions des uns et des autres sont maintenant clarifiées quant à cette centrale très importante, qui générait 15 % de la production électrique ukrainienne et dont les canaux d’approvisionnement étaient dirigés vers le Nord, vers la zone industrielle de Zaporijjia. Pendant une première période, les Russes ont coupé les lignes, de façon à cesser l’approvisionnement du Nord de l’Ukraine. Leur but ultime serait de rattacher la centrale à la Crimée, qui souffre de deux grandes faiblesses. Le manque d’eau constitue la première d’entre elles puisqu’il s’agit d’une péninsule aride et l’un des premiers objectifs russes a été de récupérer les sources d’eau sur le Dniepr. Par ailleurs, l’approvisionnement électrique de la Crimée est insuffisant et l’objectif des Russes serait de réorienter le réseau pour que la centrale puisse l’approvisionner, ce qui prendrait deux ans. Mais nous n’en sommes pas là et, pour l’instant, la centrale est mise sous cloche, c’est-à-dire qu’elle est plus ou moins éteinte.
Du côté ukrainien, l’objectif est la sécurité. Des négociations se tiennent avec l’AIEA, dont deux experts sont présents en permanence. La question de la rotation de ces équipes reste compliquée.
La centrale est en position froide, maintenant une activité minimum pour éviter un accident. Elle ne produit plus et n’alimente plus le réseau ukrainien. La centrale est donc sous cloche, même si les réacteurs sont maintenus à un minimum car on ne peut pas éteindre complètement une centrale.
Des questions se posent à chaque rotation des experts de l’AIEA puisque les Ukrainiens exigent qu’ils passent par leur territoire. Il leur faut donc franchir la ligne de front à chaque fois pour atteindre la centrale. Les Russes ayant proposé qu’ils sortent par la Russie, il y a eu un débat, qui a fini par être réglé. Nous sommes très impliqués sur ce sujet et intervenons pour créer un peu de liant en la matière. D’ailleurs, la dernière conversation téléphonique du président de la République avec Vladimir Poutine, qui a eu lieu en septembre, portait sur cette thématique. Le système des observateurs de l’AIEA fonctionne cahin-caha, sachant que les Russes considèrent que des troupes doivent être maintenues au cœur de la centrale occupée. La négociation globale pour créer une zone d’interdiction n’avance pas pour l’instant.
Quant au gaz, à ma connaissance, il transite par l’Ukraine mais ne l’alimente pas. L’Ukraine s’alimente soit par le système retour, soit par son propre gaz.
M. Frédéric Petit. Je me permets d’intervenir de nouveau pour me faire ici le porte-voix de mon collègue Bruno Fuchs sur une question spécifique. Le parlement ukrainien a décidé de demander l’adhésion du pays à l’Organisation internationale de la francophonie et je voudrais partager la raison magnifique qui a été donnée pour le justifier. Je pensais qu’il s’agissait d’un geste envers nous mais j’ai retenu cette phrase, prononcée par la députée ukrainienne présidente du groupe d’amitié : « Nous adhérons à la francophonie parce que, dans le monde, nous sommes en lutte contre un colonialisme et c’est le seul modèle multilatéral de sortie du colonialisme par le haut que nous connaissons ». Il me semble intéressant de rappeler que l’Ukraine souhaite adhérer à la francophonie pour des raisons nobles.
M. Étienne de Poncins. Ce mouvement va dans le sens du maintien de nos alliances françaises et il s’agit peut-être aussi d’une reconnaissance du fait que nous avons continué, malgré la guerre, à défendre notre langue et notre culture.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. J’aurai trois questions, dont la première porte sur les rapports avec la Moldavie. La présidente moldave est manifestement très préoccupée par toutes les menées internes qui visent à déstabiliser son pouvoir. La situation militaire est particulière puisque les forces russes présentes en Transnistrie sont prises en tenaille entre l’Ukraine et le reste de la Moldavie. Les Ukrainiens font-ils preuve d’une vraie solidarité à l’égard de la situation des Moldaves ou simplement d’un benign neglect, d’une relative indifférence ?
En ce qui concerne l’architecture ultérieure de sécurité, je suis frappé par l’attitude assez complexe des Américains. Historiquement, ils étaient très favorables à une entrée de l’Ukraine dans l’OTAN mais, depuis le début de la guerre, ils sont d’une très grande discrétion sur ce point et on a le sentiment qu’ils découragent plutôt les Ukrainiens de remettre l’affaire sur le tapis. Les Ukrainiens sont-ils conscients que, du côté américain, les choses ne seront peut-être pas aussi faciles qu’on aurait pu le penser ?
Enfin, je suis très perplexe au sujet de l’adhésion à l’Union européenne car je me demande ce que les Ukrainiens ont en tête exactement. On ne pourra aboutir qu’après la guerre mais sont-ils conscients aujourd’hui des conditions et du fait qu’il s’agit d’une organisation communautaire dans laquelle – malgré ce que disent les Polonais – il y a suprématie du droit communautaire sur le droit des parties ? Ce principe implique, non pas d’être riche, mais d’avoir éliminé les structures de corruption. Les Ukrainiens n’auraient-ils pas l’idée qu’ils ont le droit de faire partie du club, compte tenu de leur héroïsme ? Cela serait ennuyeux car ce n’est pas ainsi que cela fonctionne.
M. Étienne de Poncins. La Moldavie reste un sujet de préoccupation mineur. Vu de Kiev, on considère qu’il s’agit de menaces, comme pour la Biélorussie, mais qu’elles n’auront pas de conséquences militaires, en tout cas à court terme. Les troupes russes présentes sont bedonnantes, peu efficaces et mal entraînées. Cependant, les Russes peuvent essayer de déstabiliser la Moldavie. On observe une bonne coopération entre les deux pays, entre le président Zelensky et la présidente Sandu, mais aussi un peu de méfiance, en raison notamment de la concurrence pour entrer dans l’Union européenne. Les Ukrainiens craignent que les Moldaves profitent du train pour monter à bord, alors que ce sont eux qui sont au front. Ils ne voudraient pas être ralentis par les Moldaves et les sentiments sont donc ambivalents. Le sujet est régulièrement agité mais il n’y a pas de véritable inquiétude à ce stade quant à une déstabilisation profonde ou à une offensive russe qui viendrait de Moldavie.
En ce qui concerne les garanties de sécurité, le débat est un peu souterrain. La question porte moins sur l’OTAN que sur la nature des garanties de sécurité à donner et sur les parties du territoire concernées, au moment où il y aura une paix. Sur l’OTAN, je partage votre point de vue : les Américains sont moins allants sur le sujet depuis le début de la guerre et considèrent que ce n’est pas la question aujourd’hui. Les Ukrainiens n’ayant aucune confiance en la Russie, ils chercheront à obtenir la garantie que leur territoire sera bien sécurisé et qu’ils pourront avoir recours à un équivalent de l’article 5 du traité de Washington.
Il y a quelques mois, les Ukrainiens ont présenté leurs propres propositions dans le « Ukraine Information Security Concept ». Mais il n’y a pas encore de véritable débat sur le sujet. La question est de savoir comment ils aborderont le sommet de Vilnius, qui se tiendra en juillet.
S’agissant de l’Union européenne, la position ukrainienne – qui est la position personnelle du président Zelensky – consiste à se montrer très allant, voire revendicatif. Les Ukrainiens considèrent qu’ils ont le droit de rentrer très vite, quelles que soient les conditions, puisqu’ils défendent par le sang les valeurs européennes. Nous leur rappelons toujours les conditions et la longueur du processus.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous devons leur expliquer qu’il ne s’agit pas d’une question de délais. Certes, les choses pourraient aller très vite. Mais il faut bien leur dire que le système présente des conditions objectives très complexes à réaliser. Il ne s’agit pas d’aller vite ou non, ni d’adhérer pour adhérer ; c’est une mécanique extraordinairement difficile à faire fonctionner.
M. Étienne de Poncins. La vice-première ministre, Mme Olga Stefanichyna, est très compétente en la matière et connaît tous les rouages. Ils ont bien intégré les sept conditions, qui sont assez rigoureuses. Ils veulent aller vite.
Un élément joue en leur faveur puisque, quand ils ont souhaité présenter leur candidature dans les premiers jours de la guerre, on leur a dit que c’était impossible, qu’il leur faudrait des années pour obtenir le statut de candidat et ils l’ont obtenu dès les 16 juin, moins de six mois plus tard. Alors maintenant, quand on leur explique que le processus est très long, ils nous disent qu’on leur a déjà dit cela la dernière fois et qu’il n’en a rien été.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le problème est de réussir l’opération, pas de savoir si on l’autorise ou non.
Mme Liliana Tanguy. Ils ont effectivement payé le prix de leur liberté par le sang. Cependant, pour adhérer à l’Union européenne, il faut respecter les critères de Copenhague. Certains pays des Balkans occidentaux sont candidats depuis longtemps et essaient de respecter ces critères. Ils verraient une adhésion rapide de l’Ukraine de manière injuste.
L’Ukraine connaît des problèmes en matière de corruption et d’État de droit, qu’il lui faudra surmonter. J’espère que la reconstruction y aidera. Mais il faut traiter les pays de façon équitable.
M. Frédéric Petit. Au cours de discussions interparlementaires auxquelles j’ai assisté depuis le début de la guerre, j’ai entendu les Ukrainiens rappeler que leur statut de candidat n’avait pas été une fleur qu’on leur aurait faite. On leur a demandé un travail qu’ils ont fourni en six mois seulement.
Lors de ces rencontres, j’ai aussi découvert une image utilisée par les Ukrainiens, que je trouve intéressante : leur train est derrière celui des Balkans : il va plus vite et, s’ils n’ont pas forcément envie de doubler, il faudrait que le train de devant accélère.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Il s’agit d’un travail extrêmement compliqué. Je me suis occupé des affaires polonaises pendant toute la durée du processus d’adhésion. La France devrait subordonner l’aboutissement de ces négociations à l’abandon par les Polonais de leur position sur la suprématie du droit communautaire, ce qui aurait une fonction pédagogique. Leur position est contraire aux engagements pris et à la logique de la construction communautaire. Considérer que l’Union européenne peut fonctionner sans reconnaissance du principe de la supériorité du droit du contrat sur le droit des parties est aberrant.
Le problème n’est pas le mérite ou la rapidité mais la nature du contrat européen, qui est extrêmement contraignante en soi ; il faut admettre et intérioriser ces contraintes. Les Ukrainiens se représentent-ils ce qu’est l’Union européenne ? Sont-ils prêts à en assumer les logiques ? L’exemple polonais est très éclairant : les Polonais sont très pro-européens mais leur gouvernement méconnaît en profondeur la logique du système et cela pose des problèmes.
M. Étienne de Poncins. À cet argument, ils répondent qu’ils ont une capacité administrative à travailler très vite. Ils ont produit deux rapports de 1 000 pages, en anglais et pendant la guerre, pour obtenir le statut de candidat, alors qu’on leur disait qu’ils n’y arriveraient pas.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Il faut éviter que la façon dont le problème est posé ne prenne pas en compte la réalité de ce qu’est l’Union européenne, ce qui ne veut pas dire que l’on doit être restrictif ou laxiste.
Vous avez été ambassadeur en Bulgarie, qui offre l’exemple même d’un pays qui entre sans y être prêt. Avec un élargissement de cet ordre, il nous faut réfléchir, conformément aux critères de Copenhague, qui ont toujours mis en avant la capacité de l’Union à fonctionner avec les nouveaux membres et pas seulement la capacité des nouveaux membres à entrer dans l’Union. Les critères sont très clairs quant à cette réciprocité. Il nous faut réfléchir à ce que nous voulons changer nous-mêmes et, à cet égard, le chancelier allemand a dit des choses partielles mais intéressantes dans son discours de Prague. Il faut penser la construction commune d’une Union qui sera différente parce qu’élargie, qui sera fortement enrichie par l’apport héroïque de l’Ukraine à une Europe géopolitique mais qui doit fonctionner, ce qui implique de mener une réflexion partagée, commune et responsable sur le système. C’est ce qu’un pays comme la France doit contribuer à faire passer et, à terme, il s’agit pour nous aussi d’un grand dossier.
Je vous remercie et je vous prie de dire à vos collaborateurs que nous sommes très conscients du travail formidable qu’ils accomplissent et du rôle essentiel qu’ils jouent. Raccrocher l’Ukraine aux wagons de l’Union européenne, des démocraties et des pays libres constitue le grand enjeu pour la diplomatie et le rôle international de la France. Cette ambition repose sur l’action de nos services, auxquels nous témoignons une très grande reconnaissance.
La séance est levée à 13 h 00
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Membres présents ou excusés
Présents. - M. Damien Abad, Mme Nadège Abomangoli, Mme Farida Amrani, Mme Clémentine Autain, Mme Chantal Bouloux, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jérôme Buisson, Mme Mireille Clapot, M. Alain David, Mme Julie Delpech, M. Pierre-Henri Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Frédéric Falcon, M. Olivier Faure, M. Nicolas Forissier, M. Thibaut François, M. Bruno Fuchs, M. Guillaume Garot, Mme Maud Gatel, M. Hadrien Ghomi, Mme Olga Givernet, M. Philippe Guillemard, M. Michel Guiniot, Mme Marine Hamelet, M. Michel Herbillon, M. Alexis Jolly, Mme Brigitte Klinkert, Mme Stéphanie Kochert, M. Arnaud Le Gall, Mme Marine Le Pen, M. Jean-Paul Lecoq, M. Sylvain Maillard, Mme Emmanuelle Ménard, M. Frédéric Petit, M. Jean-François Portarrieu, M. Adrien Quatennens, Mme Laurence Robert-Dehault, Mme Laetitia Saint-Paul, M. Vincent Seitlinger, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy, Mme Laurence Vichnievsky, M. Lionel Vuibert, M. Christopher Weissberg, M. Frédéric Zgainski
Excusés. - M. Carlos Martens Bilongo, M. Moetai Brotherson, M. Sébastien Chenu, Mme Amélia Lakrafi, M. Tematai Le Gayic, M. Vincent Ledoux, M. Laurent Marcangeli, M. Nicolas Metzdorf, Mme Nathalie Oziol, M. Bertrand Pancher, Mme Mathilde Panot, M. Éric Woerth, Mme Estelle Youssouffa
Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Luc Warsmann, Mme Caroline Yadan