Compte rendu
Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire
– Audition de Mme Agnès Pannier‑Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, sur les produits phytosanitaires et la stratégie Écophyto 2030 2
– Informations relatives à la commission....................23
Mardi 4 juin 2024
Séance de 16 heures 30
Compte rendu n° 60
session ordinaire de 2023-2024
Présidence de
M. Jean-Marc Zulesi,
Président
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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a auditionné Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, sur les produits phytosanitaires et la stratégie Écophyto 2030.
M. le président Jean-Marc Zulesi. Madame la ministre, nous sommes heureux d’échanger avec vous au sujet des produits phytosanitaires, qui font l’objet de plusieurs travaux dans le cadre de la construction d’une réponse globale à nos agriculteurs, premières victimes du réchauffement climatique et de la perte de biodiversité. Cette audition s’inscrit dans le contexte du vote du projet de loi d’orientation agricole. Notre commission a su peser dans les débats, pour proposer des amendements nombreux à avoir été acceptés. Quelle est votre vision des produits phytosanitaires ? Dans la perspective d’un projet de loi sur ce sujet, que pensez-vous du possible remplacement de l’indicateur national de nombre de doses unités (Nodu) par l’indicateur de risque harmonisé HRI 1, dans une vision européenne ? Comment harmoniser les règles à l’échelle européenne, tout en gardant un niveau élevé d’exigence forte dans notre volonté de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires ?
Par ailleurs, la stratégie Écophyto 2030 présentée le 6 mai prévoit l’application d’une méthode claire, avec une démarche collective orientée vers des résultats opérationnels, et notamment la création d’un comité des solutions. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Notre commission a la volonté de participer au débat, et si nous pouvons intégrer ces comités, nous répondrons présent.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Merci de me donner l’opportunité de vous présenter la stratégie du Gouvernement en matière de sobriété d’usage et de réduction des risques des produits phytosanitaires.
Pour mémoire, mon portefeuille recouvre les sujets relatifs à la transition énergétique et écologique de notre modèle agricole : biomasse, photovoltaïque, sobriété des autres intrants agricoles comme l’eau et les engrais, industrie agroalimentaire et organisation des états généraux de l’alimentation recouvrant les négociations commerciales et la restauration collective, ainsi que la recherche et le développement, en particulier dans le cadre du plan France 2030. Je répondrai aux éventuelles questions concernant ces sujets, mais je propose de concentrer mon propos sur la stratégie du Gouvernement en matière de phytosanitaires.
La stratégie Écophyto 2030 a été présentée le 6 mai. Cette politique publique s’inscrit dans un contexte marqué par le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité, qui constituent une cause majeure de la crise agricole que nous traversons en France, mais aussi en Europe et dans le monde. Nos agriculteurs en sont les premiers témoins et les premières victimes puisque leurs rendements, donc leurs revenus, en sont affectés. Dans ce contexte d’aléas accrus, il est tentant d’utiliser davantage de produits phytosanitaires puissants pour protéger les cultures des nouveaux ravageurs et des maladies qui arrivent dans nos climats habituellement tempérés. Cependant, cette solution n’est pas viable à long terme. En effet, l’usage de certains produits phytosanitaires nuit à notre environnement, à notre santé et, au premier chef, à celle des agriculteurs. Il peut aussi s’avérer inefficace dans la durée pour maintenir la production, par ses effets sur la biodiversité, les pollinisateurs, et en appauvrissant les sols. Cette approche conduit à une réduction des rendements à moyen terme.
La stratégie Écophyto 2030 du Gouvernement repose sur trois éléments clés : une ambition environnementale intacte, un financement inédit de 1 milliard d’euros et un changement de méthode.
Son objectif ambitieux vise à réduire les usages et les risques de 50 % des produits phytosanitaires. En cela, nous ne dévions pas de l’ambition de nos prédécesseurs. Ce qui change, c’est que nous nous en donnons les moyens scientifiques, financiers et humains.
Pour la première fois, des moyens considérables sont dédiés à la recherche et au développement, mais aussi à l’accompagnement des agriculteurs. Près de 1 milliard d’euros sont ainsi consacrés à la recherche d’alternatives, soit 250 millions d’euros sur trois ans au titre du budget de la transition agroécologique du ministère et 300 millions au titre de France 2030, en complément de la redevance pour pollutions diffuses, qui demeure. Ces montants sont inédits, et n’ont pas d’équivalent ailleurs en Europe.
Enfin, nous faisons enfin évoluer la méthode de deux manières. Premier changement, nous réunissons tous les acteurs autour de la table pour trouver des solutions ensemble. Je serai claire : on ne remplacera pas une molécule par une molécule, mais on répondra aux enjeux sanitaires de chaque production par des itinéraires techniques spécifiques, mêlant toutes les technologies et tous les leviers à notre disposition – assolements, sélection variétale appuyée sur les nouvelles techniques génomiques, biocontrôle, biostimulation, agriculture de précision – permettant de réduire l’usage des phytosanitaires.
C’est dans cet esprit que j’ai lancé, le 15 mars, le comité des solutions, qui réunit tous les acteurs : la recherche avec l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), les instituts techniques, les autorités de régulation comme l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), les organisations professionnelles et les filières. Il a pour mission d’objectiver et d’apporter des solutions aux difficultés auxquelles sont confrontés les agriculteurs en matière de protection des cultures – et ce, dès 2024. Cette initiative conduira à examiner toutes les cultures d’ici début juillet, afin d’identifier les distorsions de concurrence pour les agriculteurs français, liées à une moindre utilisation des produits phytosanitaires que dans les autres États membres, et de sélectionner, parmi les produits autorisés chez nos voisins, ceux qui présentent un profil favorable en matière d’efficacité et de risques, que nous avons intérêt à rendre accessibles en France par reconnaissance mutuelle ou par extension d’usage.
C’est cette même méthode que nous appliquons avec le plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada). Ce dispositif doté de 146 millions d’euros par an pendant trois ans vise à anticiper, avec les agriculteurs, les risques d’impasse et à développer des solutions pour y répondre. La logique consiste à tendre vers « pas d’interdiction sans solution ». Quatorze thématiques font déjà l’objet de dépôts de projets de recherche portés par nos organismes de recherche, nos centres techniques et nos filières.
Enfin, il s’agit de renforcer nos connaissances communes en les élargissant aux effets des phytosanitaires sur la qualité de l’air, la qualité de l’eau, les insectes pollinisateurs et les effets cocktail, de manière à retenir les meilleures solutions sur la base des données scientifiques. Là encore, nous dédions des moyens inédits pour que notre boussole soit la science, et pas l’émotion ou l’indignation.
Le deuxième changement de méthode consiste à agir en Européens.
Agir en Européens, c’est utiliser le seul indicateur utilisé par les vingt-six autres États membres, à savoir le HRI 1. C’est aussi confier une mission à l’Inrae pour émettre des propositions d’amélioration de cet indicateur, en lien avec ses homologues européens et dans la perspective d’un texte européen portant sur le sujet plus large des phytosanitaires.
Agir en Européens, c’est défendre un programme ambitieux d’accélération des homologations et des solutions les plus prometteuses, comme les nouvelles techniques génomiques, le biocontrôle et la biostimulation. C’est demander une plus grande homogénéisation de la réglementation, avec l’approbation directe par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) des autorisations de mise sur le marché, suivant la logique « un produit, une autorisation pour les vingt-sept États membres ». C’est faire de la mise au point d’alternatives aux phytosanitaires un axe d’investissement prioritaire, comme nous l’avons fait avec la batterie électrique ou l’hydrogène. C’est exiger des clauses miroirs et des clauses de sauvegarde vis-à-vis des produits importés, cohérentes avec les contraintes sanitaires et environnementales que nous nous imposons.
Enfin, agir en Européens, c’est arrêter de prendre des décisions nationales qui ne vont pas au rythme européen. C’est à l’Europe de prendre les bonnes décisions.
Vous le voyez, la publication de la stratégie marque un tournant dans notre façon d’aborder la transition vers une agriculture plus sobre en intrants. Nous avons encore beaucoup de travail devant nous. D’abord, pour répondre à la volonté exprimée par le Président de la République et par le Premier ministre, nous souhaitons proposer rapidement un texte législatif qui concrétisera nos engagements, notamment concernant la réforme du conseil stratégique à l’utilisation des produits phytosanitaires et la séparation de la vente et du conseil. Cette dernière présente des limites, car elle ne correspond pas à la réalité des relations entre les agriculteurs et ceux qui les accompagnent au quotidien. Ce fonctionnement n’est pas satisfaisant, parce qu’il place nos agriculteurs dans une situation de risque juridique et nous prive d’un suivi qui nous permettrait d’atteindre nos objectifs. C’est pourquoi j’ai lancé le 18 avril, en lien avec les acteurs du conseil et de la vente et les représentants agricoles, une mission visant à proposer un nouveau conseil stratégique et à adapter la séparation de la vente et du conseil.
Nous proposerons également un nouveau conseil stratégique facultatif et simple d’accès pour les agriculteurs. Il reposera sur une approche plus globale de la transition agroécologique et de la sobriété des intrants, pouvant notamment inclure les sujets de décarbonation, de fertilisation, d’usage de l’eau et d’adaptation au dérèglement climatique.
Ce texte saura s’appuyer sur les travaux parlementaires, en particulier la mission des députés Stéphane Travert et Dominique Potier. Nous l’avons déjà fait avec la stratégie Écophyto 2030, en reprenant l’essentiel des recommandations du rapport issu de la commission d’enquête des députés Potier et Descrozaille, que je remercie pour leur investissement et leur expertise. Nous avons ainsi repris, intégralement ou partiellement, dix-huit des vingt-six recommandations proposées. Six n’ont pas été suivies, principalement parce qu’elles le sont en dehors de la stratégie. Elles concernent le registre électronique centralisé, la loi foncière, l’adaptation de la certification Haute valeur environnementale (HVE), l’expérimentation phytiatre et l’anticipation de la révision du plan stratégique national (PSN). Les deux recommandations restantes sont en cours d’expertise, concernant la possibilité d’utiliser les marchés publics comme levier de la transition agroécologique et la réforme du conseil stratégique.
Cette audition est donc aussi pour moi l’occasion d’écouter les priorités de la représentation nationale pour les sujets phytosanitaires, dans le cadre de la préparation de ce texte.
Concernant les autres échéances à venir, je signale la tenue d’ici l’été d’un comité d’orientation stratégique Écophyto et le lancement, avec mes collègues en charge de l’environnement et de la santé, d’un travail sur la protection des captages d’eau potable auquel nous associerons les collectivités locales et les autres parties prenantes. C’est un enjeu majeur, qui va au-delà de la stratégie Écophyto. Notre objectif est d’assurer une consommation d’eau potable de qualité dans la durée, en anticipant les risques pour les captages autorisés pour construire une politique pragmatique de protection et de dépollution. Dans la stratégie Écophyto, 20 millions d’euros sont déjà mobilisés en direction de cette politique.
Cette nouvelle stratégie fait le pari de l’intelligence collective et de la mobilisation. Elle assure que notre pays doit continuer à produire l’alimentation de sa population, tout en protégeant la santé de ses citoyens et l’environnement. Elle positionne la France en leader en matière de transition agroécologique. C’est en unissant nos forces, en investissant dans la recherche et l’innovation, en accompagnant nos agriculteurs vers des pratiques plus respectueuses et en leur faisant confiance que nous pouvons transformer notre système agricole, au bénéfice de tous.
M. le président Jean-Marc Zulesi. La parole est aux orateurs des groupes.
M. Jean-Luc Fugit (RE). Le groupe Renaissance vous remercie pour cette présentation de la stratégie Écophyto 2030, qui constitue une brique majeure du volet agriculture de la planification écologique du Gouvernement, et vous témoigne sa confiance dans cette approche. Vous l’avez démontré à la tête du ministère de l’énergie, votre méthode repose sur un travail approfondi avec tous les acteurs. Comme vous, nous considérons que la science passe avant les croyances.
Il y a urgence à réaffirmer une stratégie de sobriété d’usage des produits phytosanitaires. Nos agriculteurs, qui produisent pour nous nourrir, représentent l’une des professions qui ont su le mieux adapter leurs pratiques, par exemple à la mécanisation ou aux apports de la chimie. L’histoire se poursuit avec l’exigence de mieux agir, et plus, face à l’urgence environnementale que nos agriculteurs sont les premiers à subir. En même temps, notre société est de plus en plus exigeante en matière de sécurité sanitaire des aliments et de protection de nos sols, de notre eau, de notre air et de la biodiversité. Nos pratiques agricoles doivent donc encore évoluer, en s’appuyant sur les innovations que nous pouvons lui apporter. En ce sens, l’ambition d’Écophyto 2030 nous rassure. Nous percevons la volonté de donner plus de moyens scientifiques, financiers et humains pour atteindre les objectifs fixés.
Député d’un territoire agricole avec beaucoup d’arboriculture, j’appuie aussi mon propos sur les témoignages des agriculteurs que je rencontre régulièrement. Ceux-ci se réjouissent de la volonté que vous portez à travers le comité des solutions créé en mars. Quels sont ses premiers résultats ? À quelle échéance disposerons-nous d’un bilan complet ?
Pouvez-vous également préciser les moyens affectés au soutien à la recherche d’alternatives au titre du Parsada ?
Enfin, comment envisagez-vous le programme de la future Commission européenne concernant les produits phytosanitaires ? Quelles sont vos propositions ?
Notre groupe est prêt à travailler à vos côtés pour concrétiser, sur le plan législatif ou autre, les engagements pris au bénéfice de nos agriculteurs.
M. Christophe Barthès (RN). La crise agricole n’étant toujours pas terminée, il est temps de réellement échanger à ce sujet plutôt que de simplement exposer votre stratégie, exprimer quelques engagements et refermer le dossier sans jamais demander leur avis aux paysans. Par exemple, vous proposez de promouvoir des mesures miroirs pour réduire la concurrence déloyale dans les pays extra-européens. Mais qu’en est-il des pays européens ? Les écologistes rappellent que la France est le plus grand consommateur européen en volume de pesticides, mais nous sommes aussi l’un des plus gros producteurs agricoles. Notre consommation répond à un calcul mathématique. En 2021, nous utilisions en moyenne 3,67 kilogrammes de pesticides par hectare, quand les Pays-Bas en consommaient 10,86 – soit trois fois plus. Peut-être respectent-ils les doses autorisées par l’Union européenne, mais comment pouvons-nous demander à nos agriculteurs de réduire encore les pesticides, alors que nous continuons à importer des produits de nos voisins européens qui en sont presque trois fois plus pollués.
Vous proposez des alternatives, mais compte tenu des moyens et des délais d’expérimentation, comment garantir qu’il n’y aura pas de réduction de la production, donc des revenus des agriculteurs ?
Nous ne faisons pas la chasse aux objectifs de réduction des produits phytosanitaires, mais devant l’urgence agricole, nous sommes consternés par votre sens des priorités et l’allégeance aux objectifs environnementaux de votre Europe.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Les pesticides sont soupçonnés d’être des perturbateurs endocriniens, c’est-à-dire des substances chimiques qui interfèrent avec l’organisme des êtres vivants et sont directement responsables de la diminution de la fécondité, de dérèglements hormonaux et du développement de certains cancers. Le 25 avril, répondant à plusieurs questions préjudicielles concernant l’évaluation des effets de perturbation endocrinienne des pesticides lors de leur mise sur le marché, la Cour de justice de l’Union européenne a confirmé que les autorités sanitaires nationales, comme l’Anses en France, sont tenues, depuis le 10 novembre 2018, de fonder leurs autorisations sur les critères d’évaluation en vigueur en Europe. Elle a également affirmé que cette évaluation doit porter sur les produits autorisés et épandus, et non sur les seules substances actives avantageusement choisies par les industriels. C’est important, car les pesticides sont des cocktails chimiques composés de nombreuses substances. Or seules celles ciblées par les industriels comme étant actives sont évaluées, avec un semblant de respect des critères de la réglementation. La toxicité de l’ensemble du mélange, donc des interactions des différents composés, ne fait pas l’objet des mêmes tests bien que cela soit requis, comme la Cour de justice de l’Union européenne l’avait indiqué en 2019 et l’a confirmé dans son arrêt du 25 avril.
Depuis le 10 novembre 2018, l’Anses délivre-t-elle ses autorisations de mise sur le marché des pesticides en tenant compte des critères en vigueur concernant les effets de perturbations endocriniennes ? Si tel n’est pas le cas, que comptez-vous faire pour assurer la légalité de ces autorisations eu égard au règlement européen ? Si le Dagonis®, produit qui faisait entre autres l’objet de cette question à la CJUE, venait à être retiré aux Pays-Bas et si la France l’avait autorisé avec la même absence d’application des critères en vigueur, suspendriez-vous son autorisation ?
M. Emmanuel Maquet (LR). C’est en 2009, après le Grenelle de l’environnement, qu’a été lancé le premier plan Écophyto visant à réduire de moitié l’utilisation des produits phytosanitaires. Cet objectif n’ayant pas été atteint, votre gouvernement, qui a beaucoup hésité face à la crise agricole, nous propose un nouveau plan qui reporte cette ambition à 2030. La Cour des comptes et une récente commission d’enquête ont conclu que l’échec de cette politique était lié à un manque criant de pilotage des ministres et à un faible suivi des millions d’euros engagés.
Le nouvel indicateur que vous proposez est pertinent. Réduire les pesticides en volume sans distinguer ceux qui sont dangereux de ceux qui ne le sont pas, c’est pénaliser notre sécurité alimentaire sans maximiser le bénéfice pour l’environnement. En adoptant un indicateur européen, on se recentre sur l’aspect sanitaire tout en mettant un terme à une surtransposition. Car non, la France n'est pas à l’échelle pertinente pour interdire ces substances. Si cette décision n’est pas coordonnée avec nos partenaires commerciaux, c’est une distorsion de concurrence assurée.
Nos autorisations de mise sur le marché, prises par l’Anses, doivent systématiquement être harmonisées à l’échelle européenne, voire internationale. Plus encore, nous prônons un principe simple : ce qui ne peut pas être produit en France ne doit pas pouvoir y être importé. En parallèle, si nous ne voulons pas dépendre de pays moins exigeants que nous, il faut investir plus, et proposer des alternatives à nos agriculteurs : pas d’interdiction sans solution.
Face à une recherche incertaine de nouveaux produits, les agriculteurs sont seuls à supporter à la fois le risque économique et un acharnement médiatique inacceptable, alors que notre souveraineté alimentaire repose sur le modèle qu’ils ont construit. Des efforts sont à engager pour mobiliser davantage les budgets de recherche des grandes entreprises, tout en responsabilisant le consommateur quant à la provenance, la qualité et la saisonnalité des produits. Alors que la loi d’orientation agricole n’a traité qu’à la marge les revendications des agriculteurs exprimées au cours de la crise du printemps dernier, vous hisserez-vous à la hauteur des enjeux avec votre nouveau plan Écophyto 2030 ?
M. Hubert Ott (Dem). L’effondrement du vivant est désormais inscrit dans la durée. Depuis un demi-siècle, les populations de vertébrés ont chuté de 70 % et la situation est plus grave encore concernant les insectes et la vie du sol. En janvier, notre commission a partagé ces constats dans le cadre de sa mission d’information, qui rassemble les témoignages de 190 interlocuteurs et a permis un diagnostic scientifique précis de l’état de cette biodiversité dans les paysages agricoles.
L’Inrae et l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) confirment que les milieux terrestres, aquatiques et marins sont contaminés par les pesticides de synthèse. Ces produits sont impliqués dans ce grave déclin du vivant. Les effets des pesticides sur la biodiversité et sur la santé font l’objet de nombreux travaux scientifiques depuis plus de vingt ans. Il y a trente-cinq ans, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait déjà à 220 000 le nombre de décès dus aux pesticides. L’audition du professeur Belpomme a révélé un constat accablant : les liens sont établis entre les pesticides et le développement des cancers du sein, de la prostate et des testicules, les leucémies, les lymphomes, les myélomes et les tumeurs cérébrales et digestives. Le constat est le même pour certaines infections dégénératives du système nerveux comme les maladies de Parkinson, d’Alzheimer et de Charcot. Chez l’enfant, les pesticides agissent dès le développement prénatal et affectent son développement neuropsychologique.
Le modèle de paysage agricole d’exploitations plus grandes et moins nombreuses induit l’utilisation importante d’intrants de synthèse qui contaminent les milieux. On constate ainsi une déconnexion entre le mode de production et le fonctionnement naturel d’un écosystème. C’est pour cela qu’il faut tirer l’Europe vers le haut. Si l’Europe recule concernant l’usage des pesticides, nous aurons un problème. Nous ne devons pas laisser la non-surtransposition nous conduire à une culpabilité en matière de santé publique et de dégradation de la biodiversité. Harmoniser, oui, mais sans nous arrêter en chemin, car les dispositions actuelles sont insuffisantes et nous mettons le vivant en échec.
Madame la ministre, je connais votre engagement : réduire de 50 % l’utilisation des produits phytopharmaceutiques sans remettre en cause notre souveraineté alimentaire. Dans la recherche de solutions, ne faudrait-il pas donner la priorité aux modes de production à grand potentiel de résilience climatique et à des solutions fondées sur la nature, qui remettent le vivant au centre de tout ?
Mme Juliette Vilgrain (HOR). Nos agriculteurs attendent beaucoup des pouvoirs publics. La loi d’orientation agricole votée la semaine dernière par l’Assemblée nationale, et dont les travaux se poursuivent au Sénat, est une première étape, mais les efforts doivent se poursuivre. La semaine dernière, devant la commission des affaires économiques, vous êtes revenue sur les objectifs du plan Écophyto 2030, notamment celui de réduire les usages et les risques de 50 % de produits phytosanitaires, avec des investissements conséquents et sans équivalent ailleurs en Europe. Nos agriculteurs se plaignent régulièrement de la différence de réglementation entre les pays européens. Comment la France compte-t-elle les protéger au mieux, pour garantir l’égalité de traitement ?
Dans les auditions conduites par la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de la France, certaines personnes pointent du doigt l’importance d’inclure dans les travaux de recherche les grandes entreprises qui produisent ces produits. Le Gouvernement doit-il le faire, quitte à s’exposer au risque d’accusation de cogestion ou de collusion ?
Je retiens aussi de certaines de ces auditions la réception souvent positive à l’efficacité de certains produits de biocontrôle. La stratégie française autour des produits phytosanitaires conventionnels inclut-elle un volet de réflexion concernant ces produits de biocontrôle, reconnus comme une alternative moins risquée pour la santé humaine, animale et environnementale ?
Mme Chantal Jourdan (SOC). Alors que le recours à l’utilisation des produits phytosanitaires ne cesse d’augmenter en France et que l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime à 11,5 % la croissance du marché mondial, les effets sur la santé humaine et sur l’environnement, la biodiversité et la qualité des sols, notamment agricoles, sont largement démontrés. Le plan Écophyto aurait pu être un levier pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. Mais cet objectif semble compromis, puisque vous avez choisi de changer d’indicateur d’utilisation des pesticides pour en retenir un qui, comme le dénonce la majeure partie des scientifiques et spécialistes, fait artificiellement baisser les chiffres. Nous dénonçons avec force cette régression, d’autant que des alternatives existent et que des scénarios de planification écologique, comme celui de l’Inrae, démontrent qu’il est possible de produire sans pesticides à l’horizon 2050, à l’échelle européenne.
Dans sa décision du 25 avril dernier, la Cour de justice de l’Union européenne a estimé qu’un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale doit être assuré et doit primer sur la protection de la productivité végétale. Chaque État membre doit étudier la toxicité d’un produit avant d’autoriser son utilisation. Or les méta-analyses de l’Inserm, de l’Inrae et de l’Ifremer concernant les effets des pesticides sur la santé et la biodiversité tendent à montrer des lacunes dans l’application de la réglementation. Un recours devant le Conseil d’État a d’ailleurs été déposé. Alors que la pertinence de l’évaluation des produits avant leur autorisation est largement questionnée, comment comptez-vous garantir l’absence d’effets néfastes, à court et à moyen terme et dans des conditions normales d’utilisation, des pesticides autorisés pour le territoire français ?
M. Édouard Bénard (GDR-NUPES). Plusieurs plans visant à réduire l’usage des pesticides se sont succédé en France ces dix dernières années. Ils n’ont pas permis d’en réduire la consommation, qui a même augmenté, faisant de la France le premier consommateur européen et le troisième mondial. En 2008, le Grenelle de l’environnement avait fixé l’objectif de diminuer de 50 % la quantité de pesticides utilisée d’ici 2018. En 2015, cet objectif a été réitéré, mais repoussé à l’horizon 2025 – nouvel échec ! Tous ces plans ont échoué faute d’être accompagnés d’une volonté politique. Il n’y a eu ni accélération de la transformation de notre modèle agricole, ni plan de formation des agriculteurs et des conseillers techniques à la culture sans pesticides, ni remise en cause de la logique de concurrence mondialisée, laquelle a, au contraire, été encouragée par la signature de traités de libre-échange.
Dans ce contexte, que penser de la nouvelle stratégie gouvernementale pour 2030 ? Elle s’élabore sur fond d’une campagne de dénigrement de l’Anses et d’une remise en cause frontale de son autorité au profit de l’application de règles européennes moins contraignantes. Disons-le clairement : vous avez pris fait et cause pour la compétitivité économique de l’agriculture conventionnelle, qui repose sur l’utilisation massive de pesticides. Favoriser les rendements agricoles du système agro-industriel dans une incessante course aux volumes est incompatible avec une action résolue contre les pesticides. Elle ne résoudra pas non plus la crise agricole en sécurisant les revenus de nos agriculteurs.
Le 29 mai, dans une lettre ouverte aux responsables politiques européens, une dizaine de réseaux d’organismes de recherche européens ont fait part de leur grave inquiétude à propos de la déréglementation précipitée des normes et réglementations dans l’Union européenne et de l’opposition injustifiée au Pacte vert pour l’Europe. Ses signataires fustigent en particulier le rejet du règlement relatif à l’usage durable des pesticides, l’affaiblissement des normes environnementales dans la politique agricole commune (PAC), l’arrêt de l’approbation de la loi relative à la restauration de la nature, la proposition de la Commission européenne pour des exemptions dans la directive relative aux nitrates et l’abandon du projet de réglementation concernant les systèmes alimentaires durables. Quel sens peut alors avoir votre parti pris de vous en remettre à la législation européenne pour la réussite de votre fameux plan Écophyto 2030 ?
M. Jean-Louis Bricout (LIOT). J’ai un profond respect pour le monde agricole. L’agriculture, c’est toute notre ruralité. Ce sont des valeurs : le rapport au travail, le respect du travail et le bon sens paysan. L’agriculture, c’est aussi notre économie, avec l’agroalimentaire. Ce sont nos paysages, notre flore, notre faune. Pourtant, j’ai parfois le sentiment que le monde agricole, à la fois acteur et victime des enjeux du glyphosate, observe une forme de déni des réalités scientifiques. Les accepter est pourtant le prérequis, à la recherche de solutions pour la santé du monde agricole, des familles d’agriculteurs, de nous tous et de la planète. Partagez-vous ce sentiment ?
Comment convaincrez-vous le monde agricole de s’engager davantage dans la recherche et dans les transitions ? D’autres méthodes de culture mériteraient peut-être plus d’investissements et d’accompagnement.
J’ai déjeuné avec un agronome retraité de ma circonscription, dirigeant une petite exploitation écologique par engagement et par conviction pour notre territoire et pour la planète. Sa méthode de culture s’appuie sur l’agroforesterie intraparcellaire et des haies pour développer la biodiversité et les auxiliaires de culture, ainsi que sur l’introduction systématique de la luzerne dans les rotations à couvert, pour apporter de l’azote naturel et garder une terre propre. Cet exploitant estime que les efforts de recherche de l’Inrae et l’accompagnement des coopératives, dont les équilibres économiques dépendent de l’approvisionnement, sont insuffisants et que la réduction des aides à l’agriculture biologique est scandaleuse. Que faites-vous pour avancer dans les transitions nécessaires afin que le monde agricole reste en phase avec ses valeurs ?
M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). Je suis élu du département de la Gironde, l’un des plus gros consommateurs de pesticides. Fils et petit-fils de viticulteur, je suis en première ligne depuis mon enfance face aux pesticides et à leur cohorte de malheurs. Appelez-les produits phytosanitaires si vous le souhaitez, habile contresens pour rassurer l’imaginaire collectif, mais vous n’effacerez jamais de mon esprit les matins de printemps où les viticulteurs, mes proches parfois, se glissaient dans ce que nous appelions la combinaison de cosmonaute, destinée à protéger les travailleurs de la terre de produits officiellement sans danger. Pas plus qu’on n’effacera de mon esprit les annonces de cancer de la prostate, une véritable épidémie, synonyme de fatalité. Comment effacer de son esprit, au fil des décennies, le silence assourdissant laissé par la disparition du chant des oiseaux ? Un quart des oiseaux des champs ont été anéantis en seulement quarante ans. Ce chiffre est vertigineux. Le sentiment de vide et l’anéantissement du foisonnement de vie dans certains territoires dans lesquels on a grandi sont une réalité implacable. Je vous livre cela pour vous exprimer, madame la ministre, à quel point vos éléments de langage percutent parfois la réalité des personnes condamnées à vivre avec les conséquences de la civilisation des toxiques. Comment ne pas être indigné quand on comprend que les pesticides sont utilisés comme une variable d’ajustement politique pour gérer la colère d’une partie des agriculteurs ? Les pesticides sont, avant toute chose, un fléau qui plonge des familles dans le deuil et qui emprisonne les agriculteurs, leurs familles et les riverains dans l’inquiétude et l’angoisse.
Comment ne pas être saisi par l’incompréhension quand vous décidez de changer l’indicateur de mesure des pesticides, pour surtout ne plus voir ? Vous me répondrez que vous vous alignez sur un indicateur européen, mais vous oubliez systématiquement de préciser qu’il est largement critiqué par le Conseil scientifique du plan Écophyto. Ce dernier a publié une analyse accablante en mai dernier, et démontre que cet indicateur ne reflète ni l’usage réel ni les risques des pesticides. Il est encore temps de changer d’avis !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur le député Fugit, les premiers résultats du comité des solutions mettent en évidence les écarts entre la pharmacopée dont disposent les agriculteurs français et celle dont disposent, culture par culture, les agriculteurs d’autres pays, au plus proche de la culture concernée. Pour l’endive, par exemple, on regardera plutôt les produits auxquels les agriculteurs belges ont accès. ; pour la cerise, nous nous tournerons vers l’Italie ou l’Espagne – et ce, de manière clinique. Contrairement à l’idée reçue, la France a en moyenne moins de produits disponibles, et pas pour des raisons réglementaires. En effet, le principal écart réglementaire ou du moins juridique concerne l’interdiction des néonicotinoïdes et assimilés votée en 2015. Mais il se trouve aussi que certains produits ne disposent pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) en France parce que l’industriel a fait le choix de ne pas en demander ou n’a pas précisé, dans son autorisation de mise sur le marché, une extension d’usage. Pour le haricot vert, par exemple, il n’y a pas d’extension d’usage au poireau. Là réside l’essentiel des écarts dans l’utilisation des produits. C’est la raison pour laquelle j’ai tenu à créer ce comité des solutions.
Sur la base des résultats obtenus, les produits sont classés par les spécialistes des organisations professionnelles, des filières et des centres techniques en intérêt faible, moyen ou fort. C’est la première étape. La deuxième étape consiste à étudier s’ils sont classés parmi les substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction, c’est-à-dire en CMR 1 ou CMR 2, ou s’ils ne présentent pas de risque particulier. En croisant ces deux éléments, on recherche soit des extensions d’usage, soit des reconnaissances mutuelles pour les produits qui sont à la fois les moins dommageables pour l’environnement et classés comme les plus intéressants par les filières. Ensuite, nous travaillerons avec l’Anses et avec les industriels au dépôt des dossiers qui permettront à nos agriculteurs d’obtenir des solutions. En outre, la France permet la reconnaissance de cultures mineures ou majeures. S’agissant des premières, les filières peuvent accompagner l’industriel dans son dépôt d’AMM, même si celui-ci considère que la taille du marché ne le justifie pas.
Lorsque ce classement sera terminé, d’ici l’été, nous disposerons de leviers pour progresser. Je le répète, le comité des solutions regroupe l’Inrae, l’Anses, les centres techniques, les organisations professionnelles et les filières. Nous sortons de la posture et nous avançons vers des solutions.
Vous m’interrogez aussi sur les moyens de recherche et développement du Parsada. Nous disposons déjà de 146 millions d’euros. Après une première étape d’appel à manifestation d’intérêt pour quatorze programmes déterminés par les filières comme étant d’intérêt essentiel – comme le sujet des herbicides, transverse à toutes les cultures maraîchères –, nous entamons la phase d’appel à projets qui permettra, après le travail du comité d’orientation stratégique du Parsada, d’accorder des financements.
Nous avançons, et nous continuerons à repérer les sujets transversaux et importants pour répondre aux risques d’impasse du côté des filières et pour faire monter des projets qui n’auraient pas été vus.
J’en viens au plan pour la Commission européenne. Il vise en premier lieu à travailler à une plus forte homogénéisation des AMM pour aller, le cas échéant, vers des autorisations uniques pour tout le marché européen. Cela permettra qu’un oui soit un oui partout et qu’un non soit un non partout, et mettra un terme aux ambiguïtés liées à l’utilisation de dérogations par certains pays, donc aux situations de concurrence déloyale.
Ensuite, nous voulons inciter la Commission européenne à étudier des projets d’investissement. Nous portons 1 milliard d’euros d'investissements, et nous pensons que si l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Espagne et l’Italie dédiaient aussi des crédits à la recherche et développement et s’appuyaient sur leurs centres de recherche et sur leurs universités, on trouverait plus vite des solutions alternatives, d’autant plus intéressantes qu’elles s’appliqueraient à un marché de 450 millions de consommateurs.
Troisième élément, nous souhaitons une procédure accélérée pour toutes les solutions de biocontrôle et de biostimulant, mais aussi une avancée rapide dans les nouvelles techniques génomiques. Ces solutions prometteuses mettent sept à dix ans à arriver sur le marché : ce n’est pas sérieux. On ne peut pas demander aux agriculteurs d’attendre des alternatives si les solutions n’arrivent pas sur le marché.
Enfin, l’indicateur Nodu n’est utilisé par aucun autre pays européen. Je veux bien avoir raison contre tout le monde, mais peut-être ne détenons-nous pas la vérité avec cet indicateur ! Cela ne veut pas dire qu’il est inadmissible ou mal construit, mais il n’est pas utilisé par les autres États européens. Quant à l’indicateur HRI 1, on en connaît les fragilités. Il est intéressant en ce qu’il est 100 % européen, utilisé par tout le monde avec des données collectées depuis 2018, et parce qu’il permet de prendre en compte la nocivité des produits. En revanche, s’agissant précisément de cette mesure, certains facteurs de la piste d’audit de construction scientifique mériteraient d’être fortifiés. Aussi avons-nous demandé à l’Inrae, en lien avec ses instituts frères – car avoir raison contre les vingt-six autres pays n’est pas une façon efficace de procéder –, de travailler à des améliorations de l’indicateur qui pourraient trouver leur place dans un texte européen.
Monsieur Barthès, la stratégie Écophyto a été travaillée avec les agriculteurs, les organisations professionnelles agricoles et les centres techniques, et elle est évidemment partagée avec eux. J’ai personnellement organisé des réunions de deux heures, ligne à ligne, page à page, avec les organisations en question. Je ne peux donc pas entendre des contre-vérités.
Par ailleurs, vous mentionnez les Pays-Bas comme un pays comparable pour l’utilisation des phytosanitaires. La France se situe dans la moyenne, en matière d’utilisation des phytosanitaires à l’hectare. Tout dépend du mix de production. Tout ne peut pas être comparé, au risque d’arriver à des conclusions scientifiquement erronées.
En comparant des cultures équivalentes, nous étudions les produits autorisés et la manière dont ils sont utilisés. Par ailleurs, les produits phytosanitaires soulèvent plusieurs enjeux. Le premier – cela répondra aussi à M. Thierry – est un enjeu de santé de l’agriculteur et du voisinage au moment de l’application des produits. En trente ans, les pratiques ont heureusement progressé. En outre, le plan Écophyto prévoit la prise en compte des maladies professionnelles liées aux phytosanitaires et la reconnaissance aussi de leurs effets dans les pathologies de personnes vivant au voisinage.
Le deuxième enjeu concerne la pollution des terres, donc de la fragilisation du potentiel global de biodiversité liée à une pollution permanente ou ponctuelle, avec un effet sur la faune, sur la flore ou l’eau. Sa prise en compte donne lieu à des politiques de minimisation des impacts et de protection des captages d’eau.
Le troisième est un enjeu de protection de la santé du consommateur. Il existe des productions qui recourent à des phytosanitaires, mais sans résidu, ce qui protège ceux qui les mangent. En revanche, la question se pose lorsque le consommateur absorbe des résidus en mangeant. La question de l’entrée de produits ainsi traités sur notre marché doit donc être étudiée, pour poser des limites à ces résidus, s’assurer qu’elles sont appliquées et décider de clauses de sauvegarde et de clauses miroirs en tant que de besoin.
C’est ainsi que nous voulons avancer au niveau européen.
Par ailleurs, vous dites que vous ne faites pas la chasse aux produits phytosanitaires, mais la stratégie ou la vision politique du Rassemblement national est un peu confuse. (Murmures sur les bancs du groupe RN.) En 2017 en effet, votre présidente de groupe exprimait son souhait de sortir immédiatement du glyphosate et des néonicotinoïdes. Elle accusait même Monsanto d’être une entreprise qui assassine, ou meurtrière – je n’ai plus le terme exact en tête. Aujourd’hui, c’est la porte ouverte, tous les phytosanitaires sont bienvenus ! Pardonnez-moi donc de m’interroger sur le caractère étayé de vos positions successives et sur votre sincérité.
Madame Stambach-Terrenoir, vous m’interrogez sur la prise en compte par les États, depuis 2018, du caractère de potentiels perturbateurs endocriniens des phytosanitaires dans le cadre des autorisations qui sont accordées. D’abord, tous les phytosanitaires ne sont pas des perturbateurs endocriniens, heureusement. Ensuite, l’Anses le fait depuis 2018. Ailleurs, dans d’autres pays, on peut se poser des questions. Dans les réponses que nous avons apportées concernant l’acétamipride, nous interrogeons de nouveau l’Efsa, puisque l’avis n’apporte pas d’élément précis à ce sujet.
Concernant le Dagonis®, la Commission n’a pas encore mis à l’ordre du jour la décision relative à ce produit. Elle devra être prise en fonction de toutes les études, et l’Anses étudie déjà la façon d’appliquer l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Personne ici ne doutera du sérieux du travail de l’Anses.
Monsieur Maquet, vous mentionnez le retour de la Cour des comptes concernant les échecs des deux plans précédents, conduits sous la présidence Sarkozy et sous la présidence Hollande. Une mission a d’ailleurs émis des propositions pour tirer les enseignements de ces échecs. Comme je l’ai indiqué en introduction, nous en avons repris dix-huit sur vingt-six et celles qui ne l’ont pas été sont en cours d’étude. Le conseil stratégique phytosanitaire, par exemple, fera l’objet d’un projet de loi. Je redis la qualité des travaux des parlementaires.
Par ailleurs, vous avez raison, la France n’est pas à l’échelle pertinente. Il est plus efficace de travailler dans un marché de 450 millions de citoyens, parce que cela permet d’investir plus d’argent, pour obtenir plus d’effets, plus rapidement. Cela permet aussi une concurrence loyale, et évite de mettre en difficulté ceux qui font l’effort de trouver des itinéraires techniques alternatifs plutôt que de suivre des voies plus classiques. C’est pour cela que nous voulons aller vers une plus grande homogénéité et, d’une certaine manière, vers plus d’Europe.
Concernant l’Anses, nous souhaitons, autant que possible, avoir des autorisations uniques européennes. Je ne pense pas qu’il faudrait privilégier un système international. Le riz que nous importons depuis l’Inde et le Pakistan, par exemple, est produit à partir de trente et une molécules phytosanitaires, dont dix-huit sont interdites en Europe, parmi lesquelles un certain nombre laisse des résidus. Il faut donc suivre une approche comparative, en regardant ce que nous savons faire avec moins de molécules et sans laisser de résidu pour la santé des Français, afin d’inciter à retenir la meilleure solution possible, en réduisant les risques. Nous prônons l’amélioration continue, par des incitations permanentes et en veillant à l’atténuation des risques (de-risking) : pour accompagner les agriculteurs, il faut « dérisquer » leurs projets. Mi-juin, nous ouvrirons 90 millions d’euros de financement dans cette optique, pour accompagner de nouveaux itinéraires techniques qui reposeront notamment sur de l’assolement et de la sélection variétale. Mais parfois, cela prendra plusieurs années, parce que l’assolement peut demander trois, quatre, cinq, six, parfois sept ans de culture. Il faut « dérisquer » cette démarche, parce que si les rendements baissent brutalement sans que les coûts suivent la même tendance, l’agriculteur se retrouvera dans une impasse et ne pourra plus vivre de son revenu. Ce sont ces projets que nous souhaitons financer avec ces 90 millions d’euros du dispositif Prise de risque amont, aval et massification 2030 (Praam). Je confirme donc que le nouveau plan Écophyto vise à être à la hauteur des enjeux !
Monsieur Ott, vous avez raison de mentionner l’effondrement de la biodiversité. L’un des enjeux du plan Écophyto 2030 consiste à améliorer notre connaissance sur les effets des phytosanitaires – pollution de l’air, pollution de l’eau, santé des sols –, pour identifier les produits qui ont le plus d’impact et ceux qui en ont moins, mais aussi assurer un meilleur suivi des pollinisateurs. Au fond, l’enjeu est d’avoir des pollinisateurs et de suivre une logique de résultats, plutôt que d’expliquer à un agriculteur qui connaît la culture comment s’y prendre. Il faut l’inciter à changer ses pratiques, mais aussi lui faire confiance, d’autant qu’il est parfois plus sachant que les personnes qui prennent de manière centralisée des décisions qui ne sont pas applicables à toutes les conditions pédoclimatiques françaises. C’est cet équilibre que l’on recherche.
Vous avez raison de mentionner les solutions fondées sur la nature, dont la science tend à montrer qu’elles sont plus « ROIstes », au sens où elles permettent un retour sur investissement supérieur à nombre de solutions qui empruntent d’autres chemins. Toutefois, ce n’est pas parce qu’un produit est de synthèse qu’il a plus d’impact sur l’environnement qu’un produit qui n’est pas de synthèse. En agriculture biologique, par exemple, le spinosad est un perturbateur endocrinien qui a probablement des effets plus sérieux que ses équivalents d’agriculture conventionnelle. La vérité scientifique mérite que l’on regarde cliniquement chaque situation pour faire le point. C’est l’objet du comité des solutions.
Madame Vilgrain, le sujet des différences de réglementation entre les pays européens relève du comité des solutions, car il faut aussi étudier les stratégies des entreprises de fabrication qui expliquent les écarts, pour travailler à les resserrer – même si l’on n’a pas vocation à autoriser des produits qui sont déjà CMR 2. Essayons d’aller vers les produits les plus intéressants et vers ceux dont on pense que l’impact environnemental est le plus réduit.
Par ailleurs, les travaux incluent déjà les départements de recherche des entreprises. Le comité d’orientation scientifique comprend des représentants des industriels. C’est normal : on réunit tout le monde autour de la table. Il n’y a pas les bons et les mauvais points, les gentilles start-up et les méchantes grandes entreprises, mais des gens qui cherchent et qui trouvent. Et s’il est prouvé que l’impact environnemental des solutions qu’ils trouvent est moindre et que leur efficacité est forte, nous les retenons. C’est cette approche clinique et froide qui nous permettra d’avancer.
Concernant le biocontrôle, l’Anses a instauré un dispositif d’accélération des instructions, que nous voulons étendre au niveau européen après le retrait de la proposition de règlement pour l’utilisation durable des pesticides (SUR). Il en va de même pour la biostimulation.
Madame Jourdan, je ne partage pas votre analyse concernant l’augmentation de l’utilisation des phytosanitaires, car ce n’est pas ce que disent les chiffres. Depuis 2015, en effet, le Nodu CMR 1 a baissé de 95 % et que le Nodu CMR 2 a baissé de 36 %. Certes, la France a accès à un nombre élevé de molécules et de produits, ce qui la place parmi les premiers États européens. Mais cela s’explique par une raison assez simple : elle a toutes les cultures. La Belgique ou la Suède n’utilisent pas de produit pour les cerises, par exemple. Quand on additionne toutes nos cultures, on utilise 500 produits. Mais, culture par culture, nous en utilisons plutôt moins que les autres.
Pour garantir l’absence d’effets néfastes, nous classons les molécules en CMR 1 et CMR 2. Concernant ces dernières, dont la nocivité n’est pas acquise mais qui font l’objet d’une vigilance ou d’une surveillance, nous recherchons des solutions par anticipation, sans attendre qu’elles soient reconnues comme éminemment dangereuses. Par ailleurs, les molécules permanentes posent plus de problèmes que celles qui ne le sont pas. Dans les points de captage, on trouve des pollutions liées aux métabolites de produits interdits depuis plus de trente ans. Il importe d’adopter une vision différente selon les produits.
Monsieur Bénard, nous nous engageons à nourrir notre population et à ne pas abandonner les 800 millions d’humains qui ne mangent pas à leur faim, et dont le nombre pourrait augmenter avec le dérèglement climatique. Nous assumons que la France est un pays producteur. Beaucoup peut être fait pour faciliter l’accès à l’alimentation, comme réduire le gaspillage ou améliorer la chaîne du froid. Mais notre rôle est aussi de nourrir nos populations et de sécuriser leur alimentation. C’est ce que nous faisons et que nous revendiquons dans la loi d’orientation agricole.
Concernant le Pacte vert, je suis très à l’aise : c’est moi qui l’ai défendu lors de la présidence française de l’Union européenne ! J’étais présidente du conseil des ministres de l’environnement et présidente de celui des ministres de l’énergie qui ont obtenu la décision globale sur ce pacte. La qualité de l’engagement du Gouvernement et de mon ministère peut difficilement être remise en cause.
Par ailleurs, de nombreux pays parlent de la baisse des émissions de gaz à effet de serre. D’autres l’appliquent : nous les avons réduites de 5,8 % l'année dernière. Nous n’avons donc pas attendu pour avoir des ambitions et des résultats. Or ce sont les résultats qui comptent, pour les Français.
Monsieur Bricout, vous mentionnez le sujet du glyphosate. D’abord, je vous rassure, l’utilisation de ce produit a baissé de 27 %, tandis que les quantités de vente ont baissé de 37 %. Là encore, nous retenons une approche comparative : quand il existe des alternatives ou quand il est possible de se passer d’un produit, on l’interdit ; quand il n’y a pas encore de solution avérée, on continue à en chercher. C’est notamment le cas pour les herbicides, pour lesquels le Parsada prévoit un projet transversal d’orientation vers l’agriculture de précision – pour couper les herbes qui empêchent la croissance des cultures – et d’autres formes de phytosanitaires. Ce projet est porté par le centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL).
Par ailleurs, le ministre Fesneau a annoncé un plan de plus de 90 millions d’euros pour soutenir l’agriculture biologique. Je connais les attentes des agriculteurs concernant le paiement de certaines aides. Il est en cours, même s’il faut l’accélérer.
Monsieur Thierry, merci pour votre témoignage de fils d’agriculteur. Utilisons les bons termes. Les herbicides tuent les herbes, les fongicides tuent les champignons et les insecticides tuent les ravageurs et les pesticides tuent la peste. Par ailleurs, j’utilise le terme de phytosanitaires pour refléter la réalité : ce sont les médicaments des plantes. Même chez les humains, on restreint la prescription d’antibiotiques pour tenir compte du risque de résistance à ces produits, et parce qu’on en retrouve dans les eaux de captage. Le médicament humain est donc aussi un sujet de sobriété. Certains produits sont phytosanitaires, c’est le terme scientifique. Ne tombons pas dans la caricature.
S’agissant du Nodu, ce n’est pas le conseil scientifique Écophyto qui a rendu l’avis que vous mentionnez. Par ailleurs, je suis la première à dire que l’indicateur HRI 1 ne présente pas que des avantages et doit être amélioré. J’ai ainsi confié une mission scientifique à l’Inrae en ce sens. Pour autant, quand nous avons défendu l’indicateur Nodu lors des négociations du projet de règlement SUR, les autres pays européens n’ont pas considéré qu’il était l’alpha et l’oméga des indicateurs à retenir. Faire preuve d’un peu de modestie en la matière n’est pas si mal.
M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Jean-Yves Bony (LR). L’une des injustices subies par le monde agricole vient des produits importés qui ne respectent pas les normes auxquelles lui-même est tenu. C’est une forme de concurrence déloyale, insupportable à nos yeux, surtout quand il s'agit de dérogations accordées à des pays européens qui sont nos principaux concurrents. L’article 44 de la loi Egalim visait à interdire la production et la vente de certains produits agricoles en France, mais pas leur importation. Ainsi, nos paysans continuent à voir arriver des produits importés, pourtant censés être interdits. Soutenez-vous la proposition de notre groupe de faire interdire explicitement ces importations, par l’inclusion de clauses miroirs assorties de véritables sanctions ? Nos partenaires de l’Union européenne sont-ils prêts à inscrire ces règles dans le droit européen ?
M. Emmanuel Blairy (RN). Vous ne répondez pas aux questions des parlementaires, ni pendant les questions aux Gouvernement (QAG) ni pendant les commissions. Je vais donc réitérer celle que j’ai posée lors des dernières QAG. Certes, je me félicite de voir que le Gouvernement suit les parlementaires dans leurs déplacements, puisque vous êtes allée à Arras le 16 mai, au siège de l’association des producteurs d’endives, où vous avez constaté l’absence d’alternative pour nos 300 paysans implantés en Artois, en Flandre et en Picardie, notamment. Mais, depuis les dernières QAG, ils déplorent tous que vous n’ayez pas répondu. Votre plan, c’est bien. Les comités Théodule, c’est bien. Cela fait sept ans que vous êtes au pouvoir, et il y a urgence : trois produits utilisés par nos producteurs d’endives vont être supprimés entre mai 2024 et novembre 2025. Que fait-on ? Quel peut être leur avenir ?
Mme Annick Cousin (RN). Votre plan Écophyto vise à réduire de 50 % l’utilisation des produits phytosanitaires et les risques associés d’ici 2030. Alors que ces produits permettent d’assurer la qualité des récoltes et de limiter les risques de perte de rendement, cette réduction nuira à la capacité de production des filières et ne sera pas supportable pour les agriculteurs sans solution équivalente et économiquement viable. Dans le même temps, les agriculteurs français sont confrontés à la surtransposition de la réglementation européenne et aux distorsions de concurrence avec les produits agricoles importés. En relançant ce plan, vous garantissez la mort de l’agriculture française et l’effondrement de sa production, pourtant de qualité.
Tous les pesticides ne se valent pas. L’utilisation des plus nocifs et dangereux d’entre eux a quasiment disparu ces quinze dernières années en France. La multiplication des comités et plans « panique » ne suffira pas pour satisfaire les attentes des agriculteurs.
Face aux défis posés par la diminution de la production agricole, conséquence directe de ce plan, donc face à la précarité des agriculteurs français, quelles réponses concrètes et durables comptez-vous apporter ?
M. Christophe Barthès (RN). J’aimerais obtenir une réponse, et susciter votre intérêt pour l’axe 1, relatif à l’adoption des mesures miroirs pour stopper la concurrence déloyale des producteurs hors Union européenne. Vos solutions sont, premièrement, de possibles restrictions dans le cadre de l’OMC, pour protéger la santé, l’environnement ou la moralité publique. Deuxièmement, vous comptez sur le nouvel article 44 de la loi Egalim, qui était déjà peu respectée. Troisièmement, pour éviter les distorsions de concurrence, vous comptez sur les demandes d’examen des limites maximales des résidus et des tolérances d’importation des produits phytopharmaceutiques. Compte tenu des délais d’application de cette dernière mesure et de la non-efficacité prouvée des deux précédentes, en quoi vos solutions seraient-elles efficaces cette fois ? En avez-vous d’autres à nous présenter, pour protéger la France contre les concurrences déloyales extra-européennes ?
Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). En janvier 2023, le ministre Fesneau déclarait, à propos de la politique agricole qu’il entendait mener : « Ce sera aussi une méthode reposant sur la science et la raison, pas l’émotion, le simplisme ou le complotisme. » La science et la raison, nous les avons cherchées quand vous avez décidé de contourner l’avis du conseil scientifique et technique d’Écophyto, qui préconisait exactement l’inverse de ce que vous faites du plan Écophyto ! Par simplisme et démagogie, et pour quelques points dans les sondages – drôle de méthode –, vous changez d’indicateur afin de faire baisser les chiffres artificiellement et votre « pas d’interdiction sans solution » nie les raisons de ces interdictions – santé humaine, protection de la biodiversité, sûreté de l’alimentation de notre eau potable –, balayant au passage aussi les coûts pour les contribuables. La Cour des comptes estime que votre méthode est deux fois et demie plus coûteuse au mètre cube traité que la prévention. On parle de 54 à 91 milliards d’euros de coûts annuels de traitement des flux d’azote et de pesticides. Ces coûts iraient jusqu’à 742 milliards pour la dépollution des nitrates en eau souterraine et 105 milliards pour les pesticides – soit un coût total de 847 milliards d’euros, pour votre mépris de la science. Cela ne ferait-il pas un peu cher la méthode ?
Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Madame la ministre, vous proposez d’adopter une approche « clinique et froide » concernant les pesticides. Je voudrais qu’il en soit de même concernant la soi-disant surtransposition agricole. Vous êtes parfois à l’aise avec les fake news ou la post-vérité, mais les Écologistes estiment important de rappeler quelques faits. Parmi les 343 substances actives autorisées par l’Efsa, 283 sont autorisées en France, quand l’Allemagne et la Pologne en autorisent respectivement 262 et 265. La France est l’un des pays qui autorisent la commercialisation du plus grand nombre de substances actives en Europe, derrière l’Italie, la Grèce et l’Espagne. Et si elle est quelques rares fois précautionneuse, comme avec le glyphosate dont les utilisations sont un peu restreintes, la France a sous-transposé s’agissant de l’utilisation des pesticides pour la protection des personnes et des zones vulnérables. Elle a même été condamnée pour cela, comme l’indique Benoît Grimonprez. Bref, la surtransposition n’existe pas ! Quand arrêterez-vous de prendre les agriculteurs et les agricultrices pour des idiots, en agitant de faux prétextes pour ne pas agir sur leur principal problème, leurs revenus ?
M. Jean-Luc Fugit (RE). L’application de la séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires présente de nombreuses limites, dont une en lien avec les élections des chambres d’agriculture en janvier prochain. De fait, il est difficile de trouver des administrateurs. L’indépendance des instances de gouvernance, pour les personnes siégeant dans celle d’un distributeur, d’un établissement public, d’une association ou d’une coopérative agréée pour le conseil restreint les profils éligibles. Avez-vous prévu de lever cette condition d’indépendance ? Le cas échéant, comment ?
Par ailleurs, que pensez-vous de la proposition de loi que je porte avec Pascal Lavergne et que nous présenterons en commission des affaires économiques la semaine prochaine ? Celle-ci vise à autoriser l’utilisation de nouvelles technologies, comme les drones, pour limiter la pénibilité du travail d’épandage des produits phytosanitaires et à mieux maîtriser les quantités, dans une optique environnementale et sociale.
Mme Nathalie Bassire (LIOT). La culture de l’ananas Victoria à La Réunion, emblématique de notre agriculture locale, est gravement menacée. Dès leur sortie, les jeunes plants d’ananas sont attaqués par des cochenilles et des fourmis qui dévorent leurs racines, tuant les plantes avant qu’elles aient produit des fruits viables. En 2023, cette infestation a causé la perte de 40 à 50 tonnes d’ananas. Un planteur m’a même indiqué qu’il pourrait réduire son exploitation de 3,5 hectares à 1 hectare si aucune solution n’était trouvée rapidement. Le problème est aggravé par le retrait de produits phytosanitaires efficaces, qui ne sont plus homologués ou qui ne seront plus disponibles d’ici peu. Les agriculteurs se retrouvent sans solution alternative pour protéger leur culture, ce qui pourrait entraîner la disparition de l’ananas Victoria dans un futur proche. Ils comprennent la nécessité de réduire l’usage des produits phytosanitaires, mais il est crucial de disposer de solutions alternatives avant d’interdire ces produits. Quelles mesures urgentes votre ministère prévoit-il pour lutter contre les fourmis qui menacent les cultures d’ananas Victoria, mais aussi celles de la pomme de terre, et pour aider les agriculteurs à trouver des alternatives efficaces aux produits phytosanitaires récemment retirés du marché ?
M. Nicolas Dragon (RN). La jaunisse touche les betteraviers de mon département de l’Aisne, qui est l’un des premiers producteurs. Depuis une décision imprévue et ambiguë de la Cour de justice de l’Union européenne, les betteraviers français ne peuvent plus avoir recours aux néonicotinoïdes pour lutter contre la jaunisse. Dans ce contexte, votre gouvernement a instauré un dispositif d’indemnisation et d’aide aux planteurs. Ainsi, malgré une belle année 2023, votre ministère a reçu près de 300 dossiers de demande d’indemnisation de la part de betteraviers français lourdement touchés par la jaunisse. Il y a quelques semaines, vous annonciez aussi une dérogation de 120 jours afin que les betteraviers puissent procéder à un troisième traitement de Movento®. Ces mesures n’emportent pas une grande adhésion dans la profession : d’une part, les producteurs souhaitent vivre de leur travail et non d’indemnisations ; d’autre part, l’autorisation de mise sur le marché du principe actif du Movento® n’a pas été renouvelée en 2024.
La solution ne résiderait-elle pas dans la fin de la surtransposition ainsi que dans la réautorisation de molécules déjà autorisées au niveau européen et que l’Efsa ne juge pas nécessaire d’interdire, en attendant l’aboutissement des recherches du plan national de recherche et d’innovation consolidé (PNRI-C) ? Alors que la stratégie Écophyto 2030 dit se placer dans le respect du principe « pas d’interdiction sans solution », quelle est votre position ?
Mme Pascale Boyer (RE). La profession agricole attendait depuis de nombreuses années qu’un gouvernement se préoccupe du sujet des produits phytosanitaires. Les arboriculteurs des Hautes-Alpes craignent de se retrouver démunis face à des interdictions européennes de matières actives qui les laisseraient sans solution, tandis que des matières actives alternatives sont autorisées dans d’autres pays européens.
Pour lutter contre le puceron cendré, les arboriculteurs utilisent le spirotétramate, dont le nom commercial est le Movento®. Celui-ci sera interdit en 2025, car il est classé dans les néonicotinoïdes et peut être remplacé par le flupyradifurone (Sivanto) ou le Sulfoxaflor (Closer), lesquels seront autorisés dans l’Union européenne qui ne les a pas classés dans les néonicotinoïdes, contrairement à la France qui l’a fait par décret en 2020. Nous nous trouvons face à une impasse, dont on peut sortir grâce à la réglementation européenne. Il faut prendre le problème par le commencement : si la France n’autorise pas l’utilisation de ces produits, les industriels ne déposeront pas de demande d’autorisation de mise sur le marché auprès de l’Anses. Nous espérons que les travaux du comité des solutions apporteront une réponse.
M. Jean-Louis Bricout (LIOT). En 2024, le Gouvernement consacrera au titre de l’Écophyto une enveloppe de 20 millions d’euros pour accompagner les collectivités contraintes de se doter d’unités de traitement de l’eau du fait des pollutions par les pesticides et leurs métabolites. En réalité, les collectivités dépensent 260 à 360 millions d’euros par an pour potabiliser l’eau. La situation ne va pas en s’améliorant. Peut-on espérer que les crédits augmentent ?
Vous avez aussi mentionné le renforcement des projets alimentaires territoriaux et l’accompagnement des collectivités vers des démarches labellisées de réduction des intrants. Comment cela va-t-il se traduire ?
Enfin, comment suivre l’utilisation des pesticides dans la durée en changeant d’indicateur en cours de route ?
M. Jean-Pierre Vigier (LR). La recherche de solutions alternatives est un levier essentiel pour réduire l’usage des produits phytosanitaires. L’agronomie et la technologie peuvent à la fois favoriser des techniques de production propres et alléger le travail des agriculteurs. Quelle part des 146 millions d’euros consacrés à la recherche d’alternatives sera dédiée aux nouvelles techniques génétiques (NGT) et quelle part des 50 millions dédiés aux changements de pratiques ira à l’aide à la diffusion de ces techniques ?
M. Fabien Di Filippo (LR). Quel est l’effet d’Écophyto 2030 sur les clauses miroirs que l’on doit imposer aux pays avec lesquels nous commerçons dans un contexte de balance commerciale très déficitaire et plutôt en recul sur le plan agricole ?
Avec un objectif de réduction de moitié d’ici moins de six ans de l’usage des produits phytosanitaires, mesurez-vous bien que les moyens consacrés à la recherche et aux alternatives sont insuffisants ? Les agriculteurs, qui expriment leur colère, sont prêts à avancer – ils l’ont d’ailleurs déjà fait par eux-mêmes –, mais ils veulent le faire au fur et à mesure de la disponibilité d’alternatives techniques, technologiques et scientifiques.
Mme Sylvie Ferrer (LFI-NUPES). Le taux de mortalité annuel des cheptels apicoles atteint 30 %. On estime que 300 000 ruches meurent chaque année. Si ces pertes trouvent leur cause dans une pluralité de facteurs – changement climatique, recrudescence des attaques de frelons, propagation du varroa –, l’augmentation relativement récente des dégâts concorde avec le développement des produits phytosanitaires dans d'autres filières agricoles. Une étude conduite par Alexandre Aebi, chercheur à l’université de Neuchâtel, à partir d'un échantillonnage de 200 miels récolté dans les cinq continents, a montré que des résidus de néonicotinoïdes étaient omniprésents, avec des teneurs moyennes de 1,8 microgramme par kilogramme. C’est plus de dix fois au-dessus du seuil à partir duquel des effets délétères sont documentés pour certains insectes, pollinisateurs et autres. Or le miel, formé à partir du nectar des plantes mellifères, est un bon indicateur de l’imprégnation générale de l’environnement. L’utilisation des pesticides étant intrinsèquement liée au modèle d’agriculture productiviste, n’est-il pas temps de promouvoir un plan de sortie des pesticides qui irait de pair avec la transformation profonde du modèle agricole vers une agriculture paysanne biologique ?
M. Yannick Haury (RE). Depuis la crise du covid, l’approche One World, One Health qui vise à renforcer les liens entre la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes a pris tout son sens. La stratégie Écophyto 2030 a pour ambition « de préserver la santé publique et celle de l’environnement dans une logique : une seule santé ». Pouvez-vous détailler cette ambition ?
Comment coordonnez-vous l’action du ministère de l’agriculture avec celle des ministères de la santé et de la transition écologique, pour répondre collectivement à cet objectif ? Plus largement, quelle est votre stratégie en matière de santé environnementale ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur Bony, je vous confirme que nous souhaitons renforcer les clauses miroirs dans la négociation des traités de libre-échange. Cette ligne a été clairement indiquée par le Président de la République et le Premier ministre. Nous voulons aussi appliquer des clauses de sauvegarde quand c’est nécessaire, et porter cette vision au niveau européen.
Monsieur Blairy, j’avais répondu à votre question, puisque vous m’aviez interrogée sur les recherches en cours concernant les endives, et je vous avais répondu en évoquant les molécules Prowl® 400 et Viballa, avec le soutien financier de l’État pour les tests, le projet Désherb’endives dans le Parsada et le projet porté par la filière endive avec le CTIFL. Je réitère ces réponses, puisque vous étiez sans doute inattentif. Nous souhaitons aussi nous appuyer sur France Travail, dans la mesure où une partie du désherbage peut être manuelle. Je suis ces travaux de façon hebdomadaire, avec vos collègues réunis dans le groupe placé sous l’égide de Charlotte Parmentier-Lecocq et Violette Spillebout. En somme, nous ne vous avons pas attendus pour travailler avec la filière endivière.
Madame Cousin, je le redis, les surtranspositions concernent les produits néonicotinoïdes et assimilés. Certains d’entre vous ont expliqué pourquoi ces produits peuvent poser des difficultés. Il n’y a pas d’autre surtransposition. Les stratégies industrielles peuvent différer d’un pays à l’autre, mais c’est autre chose : il n’y a pas d’autre surtransposition. Ne relayons pas des choses fausses.
S’agissant de la baisse de la production agricole, ne croyez-vous pas que le dérèglement climatique – gels tardifs, grêle, inondations… – en est l’une des premières causes ? Les gels tardifs, par exemple. Les soutiens apportés par le Gouvernement à la suite d’événements climatiques majeurs ont quasiment été multipliés par dix en quelques années. J’attends que le Rassemblement national expose clairement sa politique en matière de phytosanitaires (Protestations sur les bancs du groupe RN.). Êtes-vous pour ou contre ces produits ? En outre, quelle est votre politique de lutte contre le dérèglement climatique ? Nous avons à notre actif d’avoir baissé les émissions de gaz à effet de serre de 5,8 %. Nous prenons notre destin en main !
Monsieur Barthès, je répète au sujet des clauses miroirs ce que j’ai répondu à M. Bony.
Madame Pochon, votre vérité parallèle est intéressante ! Concernant le changement d’indicateur, je le redis une troisième ou une quatrième fois : tous les pays européens utilisent l’indicateur HRI 1 depuis 2018. Nous avons donc aussi décidé de le suivre. Certes, il n’est pas parfait. Mais nous avons confié à l’Inrae la mission de le faire évoluer.
Par ailleurs, vous mentionnez la Cour des comptes, qui pointe des problèmes de méthode. Je rappelle que son analyse porte sur les plans Écophyto précédents, dans une législature dans laquelle vous étiez aux affaires.
Madame Belluco, vous évoquez le nombre de substances dont nous disposerions par rapport à d’autres pays. Je vais vous donner des chiffres très précis. Pour le chou, la France dispose de trente substances et la Belgique en a quinze de plus, soit 50 % de substances en plus. Pour le poireau, la France compte vingt-et-une substances, et le pays comparable en a treize de plus. Pour l’oignon, la France compte trente-trois substances, et le pays comparable en a quinze de plus. Pour l’ail, la France utilise vingt-cinq substances, et le pays comparable en a treize de plus. Pour le riz, nous avons neuf substances, et il y en a cinq de plus dans le pays comparable. Je tiens ce dossier à votre disposition. Il est acquis que nos agriculteurs n’ont pas la même boîte à outils que leurs voisins européens. Est-ce bien ou mal ? Cela dépend des substances. C’est ce que le comité des solutions est en train d’analyser. Ce sont les faits.
C’est le problème des questions écrites avant les auditions. En l’occurrence, j’avais déjà répondu à cette question, en indiquant que la diversité de notre agriculture explique que la France utilise plus de produits au total. En Suède, il y a assez peu de produits pour les cerises, et en Italie pour l’endive ou la chicorée.
Monsieur Fugit, vous avez raison de mentionner les élections des chambres d’agriculture. Nous soutiendrons des dispositifs qui permettront de résoudre le problème de constitution des listes électorales, car nous avons besoin de représentants qui exercent par ailleurs des responsabilités, qui connaissent bien le monde agricole et qui s’engagent sur le terrain. C’est aussi une question de démocratie.
Merci pour la proposition de loi « drones », que le Gouvernement soutiendra car elle favorise une façon de faire de l’agriculture de précision.
Madame Bassire, je ne vais pas vous répondre sur la culture d’ananas Victoria, parce que je ne suis pas spécialiste, mais sachez que le comité des solutions passe en revue les cultures d’outre-mer. La réunion initiale s’est tenue la semaine dernière et la réunion de conclusion aura lieu le 5 juillet. En outre, dans le Parsada, nous avons instauré une task force spécifique outre-mer, pour éviter que les travaux sur les cultures endémiques d’outre-mer ne soient écartés au profit de ceux consacrés aux cultures de l’Hexagone.
Monsieur Dragon, vous avez raison, l’année 2023 a été bonne pour les betteraviers, avec la même production qu’en 2017. Cela va à l’encontre d’idées reçues qui circulent. Concernant le Movento®, la décision que nous avons prise permet de renforcer la boîte à outils des agriculteurs. Il en existe une autre, que vous n’avez pas mentionnée, portant sur l’Agriodor et l’expérimentation d’une solution sur 500 hectares de betteraves sucrières et 500 hectares de betteraves porte-graines, pour accélérer dans la recherche d’une solution de biocontrôle. Si l’expérimentation est probante, nous espérons prendre des décisions pour l’horizon 2025.
Par ailleurs, contrairement à ce qui a été indiqué par l’un d’entre vous, le Movento® n’est pas un néonicotinoïde, et son interdiction est européenne.
Monsieur Bricout, le ministère de l’agriculture dispose d’une enveloppe de 20 millions d’euros dans le cadre du Parsada. C’est peu, et c’est la raison pour laquelle le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires prépare un plan plus large, prenant en compte les enjeux dans la limite de nos marges de manœuvre budgétaires. Des annonces seront faites prochainement.
Concernant les indicateurs, les chiffres sont publiés et continueront à l’être. C’est une série statistique. Le Nodu CMR 1, le Nodu CMR 2, le Nodu glyphosate, l’indicateur de la quantité de substances actives (QSA) et l’indicateur HRI 1 seront publiés dans les séries statistiques, et prolongés. On ne casse pas le thermomètre ! Mais nous prenons comme référence le HRI 1. Soit on porte une vision et une politique européennes, et on joue avec les indicateurs européens. Soit on est contre l’Europe et il faut l’assumer et le dire. Certains ne le disent pas, mais ils devraient l’assumer.
Monsieur Vigier, je ne connais pas le pourcentage des crédits qui seront consacrés aux NGT et à l’aide à la diffusion de ces techniques, parce que nous lançons des appels à projets et que le comité scientifique et technique sélectionnera les meilleurs. La distribution de l’enveloppe sera fonction du nombre de projets prometteurs.
Monsieur Di Filippo, j’ai déjà répondu à la question relative aux clauses miroirs.
Vous évoquez les moyens insuffisants pour la recherche : on les a multipliés par six ces dernières années. Je pense que ce n’est pas mal ! Mais on peut faire plus – ce qui impose de le faire en Européens. Si la France et l’Allemagne allouent chacune 1 milliard d’euros, cela fera 2 milliards d’euros pour accélérer la recherche de solutions, même si les conditions pédoclimatiques ne sont pas toujours équivalentes. Si l’on ajoute l’Italie et l’Espagne, cela fera encore plus d’argent. Dans son discours de la Sorbonne, le Président de la République a manifesté la volonté de mettre des moyens en commun pour certains enjeux stratégiques, dont celui des phytosanitaires.
Madame Ferrer, vous avez raison de dire que la mortalité des pollinisateurs est multifactorielle. Avec les travaux de recherche dont nous disposons, nous ne sommes pas capables d’apprécier précisément la part des néonicotinoïdes par rapport aux autres facteurs. Ces études sont difficiles à mener. Néanmoins, l’un des objets du plan Écophyto 2030 est d’investir dans une meilleure connaissance des populations de pollinisateurs et des facteurs de leur réduction en fonction des zones géographiques, car ne pas avoir suffisamment de connaissances scientifiques nous met en difficulté pour élaborer une politique fondée sur la science. À ce stade, l’analyse sur les néonicotinoïdes et la perte de pollinisateurs a conduit à la loi de 2015 – avec les limites que nous connaissons : la création d’un écart de compétition et de réglementation avec d’autres pays européens.
Faut-il une agriculture paysanne biologique ? Si, demain, tous nos agriculteurs allaient dans cette direction, notre capacité à nourrir nos populations serait fortement diminuée. De fait, selon les secteurs, les rendements en agriculture biologique sont inférieurs à ceux de l’agriculture conventionnelle. Nous nous trouverions donc dans une situation de vulnérabilité par rapport à notre capacité à nourrir nos populations. De surcroît, cela n’améliorerait sans doute pas l’environnement, puisque nos décisions concerneraient la France mais pas les pays qui contribueraient à nous alimenter. Et cela n’améliorerait certainement pas la santé des Français, puisque notre agriculture est en moyenne mieux-disante que beaucoup de nos voisins. Or, avec ce type de décision, il y aurait des risques de résidus plus élevés. Aussi prônons-nous une vision d’amélioration continue de notre capacité à produire avec un moindre impact environnemental, en répondant aux enjeux de protection de la santé des consommateurs, de protection des captages d’eau et de protection de nos sols. Encore une fois, je suis la première à dire que dans l’effondrement de la biodiversité et de la qualité des sols, il y a aussi un enjeu de rendement. Les agriculteurs sont à la fois les premiers témoins et les premières victimes de l’impact environnemental de ces phénomènes.
Monsieur Haury, l’approche Une seule santé est reprise dans le plan Écophyto 2030, qui est co-porté par le ministère de la santé et celui de la transition écologique. Les ministres des trois pôles – Roquelaure, Varenne et Ségur – président ensemble cette stratégie Écophyto 2030 et le comité d’orientation stratégique.
M. le président Jean-Marc Zulesi. Madame la ministre, nous vous remercions.
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Informations relatives à la commission
La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a désigné :
– M. Anthony Brosse, rapporteur sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole (n° 2473) ;
– Mme Olga Givernet et M. Gérard Leseul, corapporteurs de la mission d’information « flash » sur le verdissement des flottes automobiles ;
– Mme Claire Colomb-Pitollat et M. Marcellin Nadeau, corapporteurs de la mission d’information « flash » sur la plaisance durable.
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Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
Réunion du mardi 4 juin 2024 à 16 h 35
Présents. - M. Christophe Barthès, Mme Nathalie Bassire, Mme Lisa Belluco, M. Édouard Bénard, M. Emmanuel Blairy, M. Jean-Yves Bony, Mme Pascale Boyer, M. Jean-Louis Bricout, M. Anthony Brosse, M. Mickaël Cosson, Mme Annick Cousin, M. Vincent Descoeur, M. Nicolas Dragon, Mme Sylvie Ferrer, M. Jean-Luc Fugit, M. Yannick Haury, Mme Chantal Jourdan, Mme Sandrine Le Feur, M. Gérard Leseul, M. Jean-François Lovisolo, M. Emmanuel Maquet, M. Hubert Ott, M. Didier Padey, Mme Marie Pochon, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Jean-Pierre Taite, M. Nicolas Thierry, M. Antoine Vermorel-Marques, Mme Juliette Vilgrain, M. Jean-Marc Zulesi
Excusés. - M. Jean-Victor Castor, Mme Claire Colomb-Pitollat, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. William Martinet, M. Marcellin Nadeau, M. David Valence
Assistaient également à la réunion. - M. Fabien Di Filippo, M. Jean-Pierre Vigier