Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

–– Audition, ouverte à la presse, de M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances 2024


Mardi
17 octobre 2023

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 13

session ordinaire de 2023-2024

Présidence
de M. Thomas Gassilloud,
président

 


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La séance est ouverte à dix-sept heures trente-deux.

M. le président Thomas Gassilloud. Monsieur le délégué général, vous êtes responsable du programme 146 sur l’équipement des forces aux côtés du chef d’état-major. Ce programme rassemble les projets capacitaires les plus structurants pour nos armées.

Monsieur Mounir Belhamiti, notre rapporteur pour avis, nous le rappelle souvent, le programme 146 représente plus de la moitié du budget de la mission Défense hors dépenses du personnel. Pour 2024, ce programme 146 mobilisera ainsi plus de 24 milliards d’euros d’autorisations d’engagement au titre des commandes et plus de 16 milliards d’euros de crédits de paiement pour financer l’avancement des programmes d’armement et les livraisons.

Monsieur le délégué général, au-delà de ces montants considérables, vous allez pouvoir nous montrer l’apport de ces investissements capacitaires pour nos armées en 2024. Vous reviendrez certainement sur la façon dont le PLF traduit les grandes priorités capacitaires de la LPM (loi de programmation militaire) 2024-2030, entre les grands programmes structurants, l’adaptation au contexte de haute intensité, et la montée en puissance des nouveaux champs de conflictualité.

Ce PLF 2024 intervient alors que la DGA est en pleine transformation. Vous aurez certainement à cœur de nous expliquer où en est cette transformation, sachant que le ministre nous en a d’ores et déjà parlé lors de son audition en soulignant la pertinence du plan impulsion DGA.

M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement. Cette année 2024 sera extrêmement importante puisqu’il s’agit de la première année d’implémentation réelle et d’exécution de la LPM. Elle sera marquée par un niveau de commandes et de livraisons extrêmement élevé. Ainsi, le chef d’état-major de l’armée de terre a eu l’occasion de revenir sur l’importance de cette année dans le cadre du programme Scorpion : un milliard d’euros de crédits de paiement y sont consacrés, avec la commande de 395 blindés Scorpion et la livraison de 282 de ces blindés.

Par ailleurs, 1,5 milliard d’euros de crédits de paiement sera consacré au programme Rafale pour la livraison de treize avions Rafale à l’armée de l’air et de l’espace.

Dans le domaine naval, les sous-marins nucléaires d’attaque Barracuda obtiennent 0,3 milliard d’euros de crédits de paiement. Un sous-marin sera livré en 2024 ainsi que trois bâtiments pour la marine nationale : deux patrouilleurs outre-mer et une frégate.

Dix-huit avions (hors Rafale) seront également livrés : dix Mirage 2000D rénovés, deux A400M, quatre Atlantique 2 rénovés, deux C130H modernisés.

Cet inventaire donne une idée de l’importance de ces différentes commandes et livraisons dans le cadre de ce PLF 2024.

Nous en avions discuté lors du cycle dédié à la dissuasion nucléaire, les crédits alloués seront consacrés au programme d’équipement des composantes de la dissuasion avec : la poursuite du développement du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération ; la démarche incrémentale d’évolution de nos missiles balistiques M51 ; la rénovation à mi-vie de la composante aéroportée, le missile ASMPA et son évolution le missile hypersonique ASN4G ; l’adaptation des moyens de transmission ; les activités militaires du CEA relatives notamment aux têtes nucléaires et au programme Simulation.

Par ailleurs, 200 millions d’euros du programme 144 seront consacrés aux études de préparation des futurs systèmes.

Concernant l’innovation, la tendance se poursuit. Alors que 700 millions d’euros par an étaient consacrés à l’innovation en 2018, nous sommes à 1,2 milliard d’euros en 2024. Cette somme inclut les études amont hors dissuasion, les subventions aux opérateurs tels que l’Onera et l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis, et les subventions aux écoles sous tutelle (Ensta, Ensta Bretagne, Isae Supaéro, l’École Polytechnique).

Le programme 144 permettra d’investir dans des stratégies de rupture, de lancer des démonstrateurs innovants, et de faire face aux enjeux de préparation des futurs systèmes d’armes face aux menaces émergentes.

En 2024, nous poursuivrons tous nos efforts dans le domaine de l’économie de guerre sous l’impulsion qui a été donnée par le ministre des armées avec à ce jour des résultats déjà concrets. Nous pouvons constater que cette économie de guerre est une réalité, avec l’augmentation des cadences de production et la réduction des délais de production. Nexter doublera la cadence de production des Caesar de 4 à 8 par mois d’ici fin 2024 et, dès aujourd’hui, le délai de production a été réduit de 30 à 15 mois entre la commande et la livraison. Ce n’est pas anodin et cela nous a conduits à remettre pour la première fois la médaille de la défense nationale à un certain nombre de personnels civils de Nexter qui nous ont permis d’être au rendez-vous de cette économie de guerre.

La cadence de production des radars a également doublé chez Thales, de 12 à 24 radars par an.

Outre l’augmentation des cadences, les relocalisations s’inscrivent aussi dans l’économie de guerre. Nous avons conduit une étude assez approfondie sur nos dépendances et les relocalisations nécessaires. 35 dossiers ont été reçus à ce jour de l’industrie, dont 15 ont été sélectionnés par la DGA et une dizaine nécessite une instruction complémentaire.

Ces 15 dossiers sélectionnés représentent un peu moins de 200 millions d’euros. Plus de la moitié de ces dossiers de relocalisation seront autofinancés par les industriels, ce qui prouve un effort réel, et pourraient créer plus de 220 emplois en France, en provenance de pays de l’Union européenne.

Ces relocalisations nous permettront de nous affranchir de dépendances vis-à-vis de l’Asie, de la Chine, d’Israël, de Taïwan, et d’Amérique du Nord (États-Unis et Canada). Elles couvrent des filières assez variées telles que l’aéronautique, le naval, terrestre, le spatial, les munitions, l’électronique, les batteries, propulsion, matériaux, équipement du combattant.

Nous avons également conduit dans le cadre de cette économie de guerre – nous continuerons à le faire dans le cadre de l’année 2024 – une analyse critique et systématique des fonctionnalités coûteuses avant la phase de développement des opérations d’armement et des programmes. Cette analyse fonctionnelle de la valeur (y compris de la valeur du besoin) n’est pas uniquement réalisée par la DGA. C’est une analyse qui est conduite conjointement entre les armées, la DGA et l’industrie.

Concernant la création et réalité d’une force d’acquisition réactive, je vous avais déjà annoncé la transformation de la DGA, qui inclut entre autre cette force d’acquisition capable de répondre rapidement à un besoin opérationnel, qu’il s’agisse d’achat sur étagère ou de pouvoir passer très rapidement à l’échelle des projets d’innovation pour répondre aux besoins.

Cette force d’acquisition réactive a été mise en œuvre lors de l’acquisition de drones au profit des forces armées ukrainiennes. Nous avons eu le besoin opérationnel le 23 juin et nous avons été capables de passer les contrats fin juillet avec une livraison avant le mois de septembre. Nous sommes maintenant dans une phase de retour d’expérience de l’opération.

La société Delair, qui a été capable d’être réactive dans sa production et sa livraison, a d’ailleurs signé lors d’un déplacement avec le ministre un nouveau contrat avec le ministre de la défense ukrainien pour la fourniture de drones supplémentaires. Une lettre d’intention envisageant la maintenance des drones livrés et ouvrant la voie à une production locale a également été signée.

La force d’acquisition réactive a par ailleurs permis l’acquisition de véhicules sanitaires en un an avec un prix divisé par deux grâce au travail sur la simplification de l’expression des besoins.

Je voudrais revenir sur l’Ukraine et rappeler que les cessions prises sur le matériel français ne sont plus le vecteur d’action principal. Il s’agira de permettre à notre industrie de devenir fournisseur et partenaire de l’armée ukrainienne.

Lors de notre voyage où nous avons emmené plus d’une vingtaine de sociétés, une série d’accords a pu être conclue dans des domaines variés d’intérêt opérationnel pour les Ukrainiens, avec notamment la fourniture de systèmes d’artillerie (six canons Caesar.

En termes de véhicules terrestres, un MOU (memorandum of understanding) a été signé par KNDS avec une société industrielle ukrainienne pour l’intégration d’armement sur les véhicules des forces armées ukrainiennes. Par ailleurs, le fabricant des VAB (véhicule de l’avant blindé) Arquus a signé un MOU avec une société ukrainienne pour soutenir les véhicules cédés par les armées françaises. La société Vistory a quant à elle signé un accord avec une société ukrainienne afin de proposer des solutions de fabrication additives de pièces de rechange. Cela conférera aux forces armées ukrainiennes une autonomie pour déployer des solutions mobiles de fabrication de pièces de rechange sur le théâtre d’opérations.

Une coopération dans le domaine du renseignement et de la cyberdéfense a aussi été actée. Enfin, j’ai demandé à l’agence innovation défense de se saisir du sujet du déminage.

Vous comprendrez donc que nous passons avec l’Ukraine d’un modèle à un autre. Aujourd’hui, nous cherchons à conclure des partenariats avec une production locale sur place. Par conséquent, à la demande du ministre des armées, j’ai décidé de mettre en place un attaché de défense adjoint armement. Il est positionné à Kiev.

Tout ne doit pas être examiné sous le prisme de l’Ukraine mais cela montre que nous avons été forcés d’être plus créatifs et innovants.

Fin 2023, la DGA est prête pour le décollage de la loi de programmation militaire en 2024. Pour faire effet de levier sur les moyens qui nous sont alloués, le ministre des armées m’a réitéré un mandat extrêmement ambitieux à l’image de l’ampleur des responsabilités de la direction générale de l’armement : la mise en œuvre de la LPM, l’économie de guerre, le soutien à l’Ukraine, des partenariats capacitaires nouveaux. Nous souhaitons notamment transformer notre relation avec les pays africains en proposant des coopérations d’armement gagnant-gagnant.

En termes d’innovation, nous ambitionnons de structurer un certain nombre de stratégies. Nous accélérerons dans le domaine de l’intelligence artificielle car c’est une technologie que nous retrouvons partout, dans l’ensemble de nos systèmes d’armes comme dans l’ensemble de nos systèmes numériques.

Nous avons la chance d’avoir en France de très bons mathématiciens et une école d’intelligence artificielle hors pair et des pôles d’excellence comme DGA Maîtrise de l’information. C’est une structure de référence qui sera amenée à jouer un rôle important dans la mise en place de cette stratégie d’accélération de l’IA.

Nous souhaitons également accélérer dans d’autres domaines, qu’il s’agisse du quantique, des armes à énergie dirigée, ou de l’hypervélocité.

Malgré l’urgence des crises actuelles, il faut continuer à préparer l’avenir. Les décisions que nous prenons aujourd’hui nous engagent, pas uniquement pour cette loi de programmation militaire mais pour les décennies à venir. La transformation de la DGA est donc nécessaire pour nous permettre d’y parvenir. Nous expérimentons cette nouvelle organisation depuis plusieurs mois puisqu’avant que les textes ne soient promulgués, nous faisons comme si cette nouvelle organisation était en place. Outre la force d’acquisition rapide, nous travaillons sur la simplification de nos processus internes. Cela fait écho aux propos du président de la République tenus le 13 juillet dernier. Nous déployons aussi l’analyse de la valeur et nous engageons la création d’entités nouvelles comme la direction de l’industrie de défense ou la cellule d’anticipation stratégique de la DGA.

La conduite coordonnée de tous ces chantiers permet de conforter le positionnement de la DGA en tant que bouclier de souveraineté au profit de notre défense nationale. Je m’engage sur le fait que nous assumons cette position pour les défis de l’année 2024 sur l’exécution de la LPM.

Nous avons une véritable communauté de destin avec les forces armées matérialisée notamment par la présence de la DGA lors du défilé du 14 juillet en troupe à pied.

M. le président Thomas Gassilloud. Merci pour cette introduction. Je laisse la parole à Monsieur Mounir Belhamiti.

M. Mounir Belhamiti (RE). Au nom du groupe Renaissance, je vous remercie pour votre présentation mais également pour les réponses que vous avez pu apporter lors des auditions budgétaires que nos rapporteurs ont menées ces dernières semaines.

Vous revenez d’Afrique, de Côte d’Ivoire je crois. Qu’il s’agisse des enjeux sécuritaires, climatiques, démocratiques, sanitaires, économiques, démographiques ou géopolitiques, jamais un continent n’a fait face à autant de défis que le continent africain.

Ces défis sont globaux et proches de nous, c’est pourquoi nous devons y répondre collectivement. Cette proximité avec le continent africain est un atout précieux pour notre pays et nous devons tous avoir pleinement conscience que le destin de la France et de l’Europe est lié à celui de l’Afrique.

Pendant trop longtemps, les pays occidentaux ont réduit l’Afrique à un terrain de compétition, d’affrontement ou de rente, mais ce temps est révolu. Le président de la République le rappelait le 27 février dernier,

« Nous devons bâtir une nouvelle relation responsable, équilibrée, et réciproque avec le continent africain »

Cela se mesure évidemment sur le volet militaire, où nous passons d’une logique d’aide à un nouveau modèle de partenariat. Ainsi, alors qu’une des missions de la direction générale de l’armement est de promouvoir une approche pragmatique de la coopération et de soutenir les exportations, quelle est votre vision des partenariats capacitaires à développer avec les pays africains ? En quoi le projet de budget 2024 amorce-t-il cette vision ?

M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement. Je me suis effectivement rendu en Afrique, dans la droite lignée de la vision qui est portée par le président de la République. Ce qui m’intéresse, c’est de pouvoir construire une démarche pérenne avec des partenaires qui sont soumis à des défis communs de sécurité comme nous pouvons le voir dans les frontières nord. Je me suis rendu au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Nigeria, et j’ai pu saisir l’ampleur des défis sécuritaires qui sont aujourd’hui les leurs.

Si nous allons en Afrique, c’est d’abord pour examiner ensemble cette démarche capacitaire qui permet de dimensionner finalement les futures capacités à l’aune des défis qui sont les leurs. C’est aussi pour partager le savoir-faire de la DGA en matière de spécification, d’acquisition, et de MCO (maintien en condition opérationnelle). Nous ne pourrons livrer des capacités si nous ne livrons pas le MCO correspondant. Il est illusoire de penser que nous pourrons résoudre des problèmes de formation, maintenance et approvisionnement de pièces depuis Paris.

L’objectif est bien de conclure des partenariats avec des structures locales chaque fois que cela est possible. Ces partenariats vont jusqu’à la définition, la création de bases industrielles et technologiques de défense locales avec lesquelles nous pourrons fonctionner de manière assez directe. Pour faciliter tout cela, nous avons décidé de mettre en place un attaché d’armement permanent en Afrique, qui pourra évoluer entre ces différents pays et doubler l’équipe du bureau Afrique de la direction internationale de la direction générale de l’armement.

M. le président Thomas Gassilloud. Dans le cadre du Bureau de la commission, nous pourrons échanger pour décider s’il y a lieu d’avoir un focus spécifique sur l’offre stratégique en matière d’armement parmi tous les sujets que nous aurons à traiter dans le cadre du cycle Afrique que nous prévoyons.

M. Frank Giletti (RN). Alors que des solutions souveraines existent, le président de la République s’évertue au profit de certains programmes de coopération industrielle qui s’enlisent, à nuire à la souveraineté de notre BITD (base industrielle et technologique de défense) française. C’est une réalité que le groupe Rassemblement national n’a jamais cessé de rappeler.

Prenons l’exemple du drone Male Aarok conçu par la société française Turgis et Gaillard. Alors que le chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace et le ministre des armées affichent une position plutôt volontariste quant à son emploi, quels types de crédits pourraient être mobilisés par la DGA afin d’accélérer la mise en place du programme et monter un soutien de la part des pouvoirs publics ?

Puisque nous évoquons ce sujet, qu’il s’agisse de l’Eurodrone ou du drone Aarok, la seule vulnérabilité en matière d’autorisation d’exportation concerne le moteur d’origine américaine. Est-ce que les services de la DGA envisagent une feuille de route pour disposer à terme d’un moteur de cette gamme de puissance conçu et produit en France ?

J’aurai une deuxième interrogation basée sur l’exemple du programme de frégate de défense et d’intervention. Certains médias comme la revue Mer et Marine ont récemment rapporté que le programme FDI accusait malheureusement un retard de plusieurs mois. Alors que les essais à la mer de la première frégate devaient débuter à l’été 2023, ils n’auraient finalement lieu qu’en 2024. Or selon ces mêmes médias, le retard serait dû à une pénurie de main-d’œuvre au sein de Naval Group. Dès lors, quelle est l’évaluation de la DGA sur le risque de pénurie de main-d’œuvre qualifiée au sein de la BITD au niveau des grands groupes comme des petits sous-traitants ? Si le risque est identifié, comment est-il pris en compte par la DGA ?

Par ailleurs, pouvez-vous nous donner plus de précisions quant au séquençage de livraisons des Rafale ?

M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement. Le drone Aarok est un projet qui nous a été présenté il y a près d’un an et demi. Nous le suivons et nous encourageons le fait qu’il y ait un autofinancement des industriels qui nous permettra d’avoir des solutions alternatives qui ne sont pas liées à une spécification de la part de l’État.

La démarche est intéressante, même s’il est difficile de comparer l’Aarok et l’Euromale. Ce ne sont pas les mêmes classes de drone ni les mêmes élongations, ni les mêmes missions. Néanmoins, nous restons attentifs à ce système qui ne vole pas encore et qui devra faire l’objet pour sa pérennisation d’un certain nombre de partenariats lui permettant d’embarquer des composants industriels.

Nous attendons le résultat des premières expérimentations et nous regardons attentivement ce qui se passe du côté de l’Ukraine. Il y a effectivement eu la signature d’un partenariat avec une société ukrainienne pour le test et la mise en œuvre de tels systèmes.

Je pense que le jour venu, il sera toujours possible de mobiliser un certain nombre de solutions d’accélération. Je pense notamment à des partenariats d’innovation qui nous permettraient le cas échéant de pouvoir conserver une certaine flexibilité.

Le ministre des armées a annoncé que la loi de programmation militaire n’était pas gravée dans le marbre et que compte tenu des évolutions extrêmement rapides du contexte géostratégique, il serait toujours possible de regarder les nouvelles solutions technologiques et de les adapter le cas échéant.

Nous avons un œil attentif sur tous ceux qui nous proposent de nouvelles technologies. L’entreprise Turgis et Gaillard en fait partie, même si nous sommes aussi attentifs à ne pas lâcher la proie pour l’ombre et à continuer nos programmes structurants dans la mesure où ils répondent au contrat opérationnel qui sera fixé aux armées.

Concernant la fin de la fabrication des FDI, la première FDI sera livrée en 2024. La livraison des FDI deux à cinq aura lieu en 2027, 2028, 2031 et 2032.

Il y a effectivement une problématique sur la main-d’œuvre qualifiée puisqu’aujourd’hui, cette main-d’œuvre manque. Plusieurs solutions existent néanmoins, comme l’appel à la sous-traitance. Il faudra néanmoins recommencer à former à certains métiers en développant des partenariats en termes d’apprentissage et d’alternance.

La DGA est impliquée dans la recherche de solutions permettant de pallier ce manque de main-d’œuvre qualifiée.

Sur les Rafale, ce sont bien treize Rafale qui sont prévus d’ici la fin 2023.

M. le président Thomas Gassilloud. Je fais suspendre cette réunion quelques minutes pour permettre aux députés d’aller voter en séance publique.

La séance est suspendue.

M. le président Thomas Gassilloud. Nous reprenons la séance après ce vote solennel. La parole est à Monsieur Aurélien Saintoul.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Concernant les matériels terrestres, la livraison de 90 Jaguar a révélé quelques problèmes de compatibilité entre tourelle et châssis, qui pourraient se traduire par un arrêt total du véhicule. Pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet ?

Concernant Serval, il semblerait que des soucis persistent avec le constructeur des essieux. Il y aurait aussi des problèmes d’usure prématurée sur les HK416F. Qu’en est-il exactement ?

Sur les grands programmes à effet majeur, il y a toujours la question récurrente du MGCS (système principal de combat terrestre) et de la convergence de vue et de synchronisation des deux industries française et allemande. Il nous semble que depuis le début, les Allemands se jouent de nous et que leur calendrier n’est pas le nôtre. Si jamais le MGCS devait échouer, l’offre allemande existerait toujours alors que l’offre française n’existerait plus du tout.

En matière d’innovation, je ne serai pas complet si je ne vous demandais pas des nouvelles du programme Girafe 2. Où en sommes-nous de la gravimétrie quantique ?

J’aimerais aussi savoir si la biologie de synthèse fait partie des sujets sur lesquels travaille l’AID ?

Enfin, j’aimerais savoir quelle est votre appréciation de la situation actuelle d’Atos puisque la revente d’Atos est prévue pour le deuxième semestre 2024 mais qu’elle pose un grave problème de souveraineté dans les domaines les plus avancés des hypercalculateurs ?

M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement. Il n’y a rien de neuf concernant Atos hormis des changements à la tête de l’entreprise. Quoi qu’il en soit, le dossier est suivi de très près afin de nous assurer que les intérêts stratégiques de l’État sont préservés. Une équipe conjointe de négociation a été montée entre la DGA et la direction générale des entreprises (DGE) pour mettre en place les leviers nécessaires pour garantir juridiquement la protection des intérêts de l’État. Les changements récents à la tête d’Atos n’entament pas ces différentes démarches.

Concernant la biologie de synthèse, je vous confirme que nous y travaillons. Cela fait partie des sujets qui nous intéressent et par exemple, nous regardons de très près l’intelligence artificielle mise au service de la biologie de synthèse.

Les retours de l’armée de terre sur le HK416 nous montrent qu’elle est extrêmement satisfaite avec une utilisation intensive. Cette dernière nous permet d’avoir des métriques en termes d’usure et il apparaît que cette usure est normale. Le HK416 est donc pour nous un excellent produit sur lequel aucune alerte particulière ne nous a été remontée.

Concernant le MGCS, je voudrais rappeler que ce n’est pas un char. C’est un système de combat complet. Par ailleurs, un document a été signé entre les deux chefs d’état-major de l’armée de terre qui nous permet d’avoir une vision commune du besoin .

La France a des objectifs liés à la nécessité de répondre aux besoins opérationnels de nos forces qui nous imposent d’avoir une capacité qui permette de répondre à l’obsolescence de nos moyens actuels à horizon 2040.

Nous suivons de près ce sujet puisque j’ai rencontré mon homologue à Berlin mi-septembre et qu’il y a eu la séquence d’Évreux le 21 septembre dernier. Nous avons également engagé un certain nombre de workshops d’experts dans un esprit assez constructif, notamment sur une nouvelle approche par piliers qui nous ouvre de nouvelles perspectives. Nous projetons ainsi d’envoyer un appel à propositions vers l’industrie idéalement en janvier 2024.

Je constate aujourd’hui que la dynamique est positive. Il serait dommage de ne pas en profiter.

Sur Jaguar, des difficultés ont effectivement été rencontrées sur la tourelle. Elles sont en cours d’amélioration et donnent déjà satisfaction.

Concernant le Serval, c’est un excellent produit. Nous développons des variantes au rythme prévu, sans rencontrer de problème bloquant sur la charge par essieu.

Enfin, sur le programme Girafe 2 (gravimètre quantique à atomes froids destiné à être embarqué pour quantifier les différentes variations de la gravité terrestre) mené avec l’Onera, nous montons en maturité le démonstrateur qui a été développé et nous l’embarquerons sur un navire de la marine nationale.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). L’avenir du secteur des blindés chenillés peut être préoccupant compte tenu du trou prévu jusqu’au MGCS. Que pensez-vous qu’il faut faire du programme EMBT (Enhanced Main Battle Tank) de KNDS ?

Pour le remplacement de nos LRU (lance-roquettes unitaire), où en sommes-nous de nos développements ? Il semblerait qu’un accord ait été conclu entre Safran et MDBA autour du projet A2SM.

Par ailleurs, sur l’utilisation des drones, nous aurions trois fournisseurs différents dont les Américains L3Harris et SAB alors que nos amis Belges et Hollandais seraient uniquement sur une solution Excel. Qu’en est-il ? Cela pose-t-il une question de souveraineté ?

M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement. Concernant les frappes longue portée terrestres, notre souhait est de se doter d’une solution souveraine française. Plusieurs solutions industrielles sont possibles, dont notamment comme vous l’avez cité le rapprochement de certains industriels qui sont capables de nous proposer une solution innovante.

Nous lancerons très rapidement une consultation sous la forme d’un partenariat d’innovation qui nous permettra de challenger plusieurs solutions compétitives. Nous conserverons le meilleur pour développer la capacité dont nous avons besoin.

Sur le secteur des blindés chenillés, EMBT est un démonstrateur qui avait été présenté au salon Eurosatory 2022 par KNDS. Nous continuons à le regarder sous l’angle des briques technologiques qui pourraient être disponibles. Je pense que tout ce qui est fait dans MGCS aujourd’hui doit nous permettre d’assurer la feuille de route du blindé chenillé qui vous est cher.

Dans MGCS, nous développons les briques qui sont finalement celles dont nous aurons besoin pour avoir un char lourd à l’horizon des besoins opérationnels qui sont nécessaires.

Concernant SLAMF (système de lutte anti-mines marines futur), nous avons deux industriels qui doivent travailler ensemble, Thales et Exail. C’est la voie privilégiée pour maintenir des compétences industrielles stratégiques nationales françaises.

M. Jean-Pierre Cubertafon (Dem). Ce projet de loi de finances, comme ceux des dernières années, fera de l’année 2024 une année de modernisation avec une hausse de près de +7 % des crédits consacrés aux grands programmes d’armement. La loi de programmation militaire promulguée le 1er août doit faire l’objet d’une actualisation avant la fin de l’année 2027 afin de consolider la trajectoire financière en fonction des besoins mis à jour.

Je souhaite en ce sens vous interroger sur la trajectoire budgétaire de la direction générale pour l'armement en ce qui concerne les drones. Pourriez-vous nous éclairer sur les dispositions budgétaires prévues dans ce PLF en ce qui concerne ce domaine ?

Vous serait-il également possible de nous parler du programme Tamos (Tactical Multi-Objectives Swarming UAVs) ?

Sur ce sujet des drones, le ministre a salué devant le sénat les avancées du projet Aarok. Cet appareil de conception robuste ne contiendrait aucun composant d’origine américaine. Les budgets fléchés aujourd’hui sur ces programmes sont-ils suffisants pour accompagner de la meilleure de manière ce genre de projets d’une grande qualité pour notre pays et notre industrie de défense ?

M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement. Le budget alloué dans la loi de programmation militaire est tout à fait conséquent en termes de développement des drones et des robots puisqu’il s’élève à 5 milliards d’euros sur la période de la LPM et plus de 400 millions d’euros sur le PLF 2024.

Nous avons aujourd’hui une réflexion poussée sur les drones. Pour ne rien vous cacher, une réunion s’est tenue hier présidée par le ministre des armées sur l’ensemble des drones aériens. Je précise qu’Aarok n’est pas un programme mais une opportunité qui nous est proposée par un industriel qui a autofinancé l’ensemble de ses développements. Il nécessitera quand même d’avoir des partenariats avec les différents fournisseurs de composants puisque comme vous le savez, la charge utile constitue la véritable difficulté.

Concernant le projet Tamos, nous travaillons effectivement sur les drones en essaim et en particulier sur le mélange entre les drones et des munitions téléopérées.

Je peux vous assurer que les drones sont un sujet majeur qui nous importe au premier chef. Nous voyons bien via le retex en Ukraine qu’ils sont une composante essentielle du champ de bataille. C’est un sujet d’autant plus intéressant que c’est un sujet dual, beaucoup tiré vers l’industrie civile.

Le rôle de la DGA est de se concentrer sur les caractéristiques militaires des drones mais aussi sur des projets de lutte anti-drones, avec la difficulté que ces derniers sont beaucoup moins duaux. Ce sont des capacités qui sont essentielles dans le cadre de cette nouvelle loi de programmation militaire.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Pour cette première année de mise en œuvre de la LPM 2024-2030, le budget de la mission de la défense expose clairement comment la France façonne et déploie une stratégie d’envergure qui fait émerger un outil scientifique et industriel cohérent complet pour répondre à une ambition claire pour la défense nationale.

La DGA permet à la France d’être au rang des premières nations mondiales en matière de maîtrise technologique de défense, de conduite de projets complexes, de coopération et d’exportation. C’est le fondement du modèle français d’une armée complète dans une démarche de souveraineté et d’économies intégrant désormais la transition vers une économie de guerre voulue par le ministre des armées et le président et s’appuyant sur une loi de programmation militaire dont nous avons pu parler il y a quelques mois.

Dans cette économie de guerre et au regard du contexte géopolitique et géostratégique, pouvez-vous nous apporter l’éclairage sur la sous-action études amont du programme 144 et en particulier sur l’opération budgétaire « recherche et captation de l’innovation ». Il apparaît en effet que le budget 2024 est en recul de -10 % tant pour les autorisations d’engagement que pour les crédits de paiement. Le budget global des études amont est lui aussi en diminution de près de -5 % par rapport à 2023. Comment interpréter cette baisse de fonds pour les études en amont et sur la captation de l’innovation alors que l’innovation est partie intégrante de la structuration même de cette économie de guerre ? C’est aussi la clé de continuation de l’excellence de notre technologie qui caractérise nos armées.

Par ailleurs, lors de votre audition dans le cadre de la LPM, nous vous avions interrogé sur la problématique des finances avec les banques pour notre BITD. Avez-vous des précisions sur le déroulement des discussions avec les banques et les fonds d’investissement ? Quelle avancée sur l’incitation au financement dans le cadre de notre BITD et de soutien à cette économie de guerre qui est par ailleurs aussi demandée par l’Union européenne et l’Alliance atlantique ?

M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement. Les initiatives que nous avons décidées et dont je vous avais parlé ont été mises en place, et notamment un réseau de référents bancaires dédié au financement de l’innovation.

Le vrai problème que nous rencontrons vis-à-vis des banques et des organismes de financement ne se situe pas au niveau de la politique corporate des grandes banques mais de leur interprétation régionale et locale. Les consignes qui sont données ne sont pas forcément suivies parce qu’il y a une surprotection des acteurs locaux face à ce qui pourrait être considéré comme du financement d’armes. Il y a une vraie culture de l’investissement et du financement de la défense qui doit percoler au cœur de nos organismes financiers.

Nous avons également mis en place la direction de l’industrie de défense. Cela nous permettra de mettre en place des attachés d’armement en région qui sensibiliseront les organismes financeurs et l’ensemble des écosystèmes d’innovation à cette capacité de pouvoir financer des acteurs émergents en termes d’innovation.

Nous fonctionnons aussi beaucoup sur l’encouragement à la dualité. Le fonds innovation défense de 200 millions d’euros et destiné à financer des entreprises duales dont le business model primaire n’est pas celui de la défense fonctionne bien. Il continue à investir et nous parvenons à trouver des partenaires.

Par ailleurs, de nouveaux fonds patriote ou souverains destinés à financer la défense se créent et il y a également tous les échelons intermédiaires qui n’étaient pas couverts par le fonds innovation défense qui se développent. Je pense notamment aux réseaux de business angels comme Défense Angels, qui se développent.

L’activité se développe mais nous devons rester attentifs aux tentatives de taxonomie qui pourraient nous être imposées vis-à-vis de lobbies et notamment via l’Europe. Vous devinerez que derrière tout cela, il y a des intérêts qui ne sont pas des intérêts français.

Sur les études amont et le programme 144, nous avons un maintien des crédits en 2024. Les crédits de paiement sont de 1,017 milliard d’euros en 2024 contre 1,16 milliard d’euros en 2023. Cependant, la répartition entre les différentes lignes varie au gré des programmes et en fonction des besoins. Il n’y a pas d’inquiétude au niveau du programme 144.

M. le président Thomas Gassilloud. Il nous reste encore neuf questions. Je vous propose de les scinder en deux séries.

Mme Lysiane Métayer (RE). Ma question portait sur le programme système de lutte anti-mines marines futur et sur l’opportunité de travailler sur des drones de conception française. Je tenais simplement à vous remercier de la réponse que vous avez apportée.

Mme Gisèle Lelouis (RN). La nouvelle convention de la métallurgie à laquelle sont rattachés la plupart des experts et techniciens de la DGA entrera en vigueur le 1er janvier 2024. Elle concerne les agents dits ICT et TCT qui représentent 50 % de l’effectif. Cela pourrait modifier sensiblement la façon dont ces personnels sont rémunérés (augmentations annuelles ou primes). Voyez-vous dans ce changement une opportunité pour la DGA ou bien une source de perturbations ou de difficultés supplémentaires ?

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Ma première question porte sur l’A400M et les inquiétudes d’Airbus à pouvoir maintenir les chaînes de production liées à un déficit d’exportation. Aujourd’hui, quelles sont les perspectives d’exportation, quels sont les moyens mis en œuvre par la DGA sur ce programme pour permettre qu’il se poursuive et que nous puissions acheter tous les A400M que nous avons programmés dans la LPM ? Qu’en est-il de l’A200M ou équivalent s’il y a des difficultés sur l’A400M ? Quelles sont les options privilégiées par la DGA ?

Autre sujet, le VMaX a volé. Pouvez-vous nous proposer un bilan de ce premier essai et nous indiquer ce qu’il en est de la suite du programme ?

Enfin, alors même que le gouvernement avance sur l’économie de guerre, sur la relocalisation, et sur le contrôle français de l’industrie d’armement, Bercy a autorisé hier le transfert de Circor d’un groupe américain vers un autre groupe américain. Cela aurait pourtant été l’opportunité de récupérer cet équipementier du Rafale sur des fonds français. Quel est l’avis de la DGA sur cette autorisation ?

Mme Mélanie Thomin (SOC). Monsieur le délégué général, ma question concerne le corps des ingénieurs et techniciens, cadres technico-commerciaux. Ce corps qui exerce sous votre responsabilité est aujourd’hui confronté à la transposition au sein du ministère des armées de la convention nationale collective de la métallurgie. Les organisations syndicales nous ont fait savoir que la concertation actuelle se passait plutôt mal et qu’il n’y avait pas une adhésion massive de la population ICT/TCT au décret qui régira cette transposition et aux mesures plus concrètes de transposition que propose la DGA.

Les organisations syndicales nous ont annoncé que la DGA revoyait actuellement ces mesures pour être plus en phase avec la représentation du personnel, et que de nouvelles propositions seront faites le 7 novembre prochain. Pourriez-vous nous donner votre avis concernant ces intentions de la DGA dans le cadre de cette renégociation en cours ?

Mme Caroline Colombier (RN). Le 10 octobre dernier, le commissaire européen Thierry Breton a évoqué l’idée qu’« à moyen et long terme, il sera inévitable de se poser la question d’un porte-avions européen ».

Sur le plan militaire, cette assertion pose un grand nombre de questions. Quid de la maîtrise d’œuvre, de la doctrine d’emploi, du type d’avions embarqués, de la maîtrise de technologies telles que la catapulte ou les brins d’arrêt, du contrôle opérationnel, du déploiement, et de tant d’autres questions qui se posent face à cette idée qui nous semble hors-sol ?

Sur le plan politique, quand on sait la prudence et la réflexion qui accompagnent le déploiement d’un porte-avions au niveau d’un État, je vous laisse imaginer les difficultés à 27.

Le groupe Rassemblement national estime que cette idée relève d’un pur idéologisme, au mépris de toute raison et de tout sens politique et militaire. Nous rejetons avec force cette nouvelle atteinte à la souveraineté française.

Dans ce contexte, Monsieur le délégué général, quel est votre avis sur cette idée de porte-avions européen et notamment avec votre regard d’expert sur les sujets d’armement et d’industrie ?

M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement. Concernant les ICT/TCT au sein de la DGA, nous recensons 3 400 ICT et 456 TCT en équivalent temps plein.

Depuis mon arrivée à la tête de la DGA, ce sujet a été extrêmement prégnant. Je pense d’ailleurs avoir démontré que nous nous sommes saisis de ce sujet sous l’angle de la revalorisation des primes et des salaires.

La question se pose aujourd’hui de la transposition de cette convention collective de la métallurgie. Pour nous, cela relève plus de l’opportunité que de la menace. Effectivement, dans le contexte extrêmement tendu que nous connaissons aujourd’hui, nous sommes volontaristes pour définir une politique d’attractivité, de fidélisation des compétences, et d’homogénéisation (tout en conservant le statut particulier ICT/TCT).

Nous avons engagé un chantier de transformation qui nous permettra de sécuriser et de pérenniser le régime juridique des ICT/TCT et de diversifier les parcours professionnels. Pour y parvenir, nous élaborerons des classifications d’emploi lisibles afin que les personnels de la DGA qui souhaiteront travailler dans une autre institution du ministère ou en dehors du ministère puissent avoir une vision claire de la classe d’emploi qu’ils pourront rejoindre. Surtout, cela nous permettra de déployer une nouvelle politique salariale plus lisible et plus valorisante, avec notamment des leviers en termes de fidélisation sur les primes et la performance.

Des discussions ont été engagées et se poursuivent depuis plusieurs mois. Je ne dirai pas qu’elles se passent mal avec les organisations syndicales, qui sont associées pleinement aux différentes réunions que nous avons. De plus, la directrice des ressources humaines de la DGA travaille sans relâche avec les organisations syndicales sur cette transposition. Cette dernière peut être perçue comme anxiogène mais nous travaillons ensemble pour qu’elle soit l’occasion d’avoir un corps des ICT/TCT lisible et attractif.

Concernant le démonstrateur VMaX, pour des raisons de confidentialité et de secret défense, je ne peux pas vous donner les résultats du test qui a été conduit. Un nouvel essai est prévu, qui prépare la feuille de route du planeur hypersonique sur laquelle nous continuons de travailler. La France est désormais entrée dans le club des puissances qui sont capables de développer une stratégie hypersonique.

Sur l’A400M, nous discutons avec Airbus et nous sommes relativement confiants. La menace de l’arrêt de la chaîne de production de l’A400M n’est plus d’actualité. Nous travaillons en bonne intelligence avec Airbus pour nous assurer de ne pas tomber dans une situation qui conduirait à l’arrêt de la chaîne.

L’A200M est une proposition d’Airbus. Ce serait un mini-A400M avec un même moteur et qui permettrait un emploi plus tactique. À ce stade, il n’y a eu que des réflexions préliminaires et nous ne savons pas encore vraiment que faire de cette idée.

Sur le porte-avions, je ne m’exprimerai pas à la place de ceux qui définissent la stratégie politique et les besoins opérationnels. Ce n’est pas le rôle de la DGA.

Je rappelle que la France est un pays un peu particulier puisque c’est une puissance dotée et qu’elle a besoin de capacités de dissuasion qui ne seraient pas forcément les mêmes à l’échelon européen. Nous prônons plutôt l’interopérabilité entre les différents systèmes.

Concernant Circor, je suis régulièrement interrogé sur le fait que telle ou telle entreprise ou telle ou telle société soit revendue à vil prix à des industriels américains. Or dans la plupart des cas, ce sont déjà des sociétés détenues par des investisseurs étrangers. Par ailleurs, s’il y a une menace pour nos intérêts, nous avons tout un arsenal de mesures qui nous permettraient de lutter contre toute prédation. La DGA fait son travail, elle préserve les intérêts stratégiques de la France.

Circor était une société détenue par des Américains, elle reste détenue par des Américains. S’il y avait une menace sur nos intérêts, nous aurions déclenché les mesures appropriées.

M. Jean-Michel Jacques (RE). Je voudrais revenir sur les normes, sur ces excès de normes qui bien souvent arrivent par principe de précaution, qui ajoutent des coûts, qui ajoutent des délais, et qui finissent par paralyser nos organisations.

Cet excès de normes constitue un frein à l’économie de guerre que nous souhaitons, à notre capacité à monter en puissance sur la fabrication d’un certain nombre d’armements. Nos entreprises en souffrent bien souvent, je pense notamment aux fiches techniques et aux modes d’emploi interminables à émettre. Qu’avez-vous à nous dire sur la simplification des normes ?

M. Frédéric Boccaletti (RN). L’enjeu ressources humaines concerne l’ensemble des personnels de l’armée, toutes armes confondues. Sans doute sera-t-il à l’ordre du jour de la DGA. Effectivement, la loi de programmation militaire et son bras armé, la loi de finances, prévoient une augmentation des crédits consacrés aux programmes d’armement. Si ceci est bien entendu un signal positif pour nos armées, cela induit aussi de nouveaux challenges pour la DGA notamment en matière de ressources humaines.

Une montée en puissance implique nécessairement le recrutement de personnel hautement qualifié, de talents et d’experts qu’il faudra conserver dans la durée. Dans ce contexte, comment évaluez-vous l’attractivité ainsi que les conditions de recrutement et de fidélisation du personnel de la DGA ?

Mme Natalia Pouzyreff (RE). La montée en cadence de notre BITD démontre notre capacité à nous adapter à l’économie de guerre. L’accélération des processus de fabrication repose sur les efforts conjoints de l’ensemble des acteurs de la filière, des grands groupes jusqu’aux PME qui se trouvent au bout de la chaîne de valeur.

À cet égard, pouvez-vous nous rappeler ce que la DGA met en œuvre pour permettre aux PME de gagner en agilité, que ce soit dans la diffusion de bonnes pratiques pour leur offrir une meilleure visibilité, dans la simplification des procédures des marchés publics, mais aussi dans l’accompagnement de leur modernisation ?

À cet égard, l’intelligence artificielle permettra sans doute d’accélérer la rapidité des processus industriels. Des mesures sont-elles prévues pour accompagner les PME françaises pour leur permettre d’adopter ce nouvel outil ?

Mme Christelle D'Intorni (LR). Le projet de loi de finances pour 2024 alloue près de sept milliards d’euros pour le maintien en condition opérationnelle de nos armées, soit une augmentation de +745 millions d’euros. Des moyens financiers qui visent à faire progresser nos capacités opérationnelles, notamment par la livraison de nouveaux équipements. Près de 1,2 milliard d’euros seront consacrés en 2024 à l’innovation.

Nous connaissons Monsieur le délégué général votre tropisme pour l’innovation et il en va du devenir de nos armées que nous poursuivions nos efforts dans cette voie, que ce soit par des études en amont via des investissements dans la recherche, le développement de nouvelles technologies de pointe, ou le soutien à la recherche académique via des opérateurs sous tutelle.

De nombreux champs d’innovation sont à conquérir et nous espérons que la DGA en soit la tête de pont. Ainsi, en tant que délégué général pour l’armement, compte tenu de ce PLF 2024 et dans un contexte d’économie de guerre, comment la DGA marquer son tropisme pour l’innovation ? Comment compte-t-elle associer à cette dynamique les près de 4 000 PME qui œuvrent au développement de nos industries d’armement ?

M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement. Le sujet de la simplification, ce n’est pas uniquement les normes. C’est aussi un état d’esprit.

La DGA n’applique pas de principe de précaution excessif. Elle peut appliquer un principe de prudence mais ce n’est pas du tout pareil et c’est un état d’esprit différent.

En matière de mise en œuvre des normes et des règlements de sécurité, il nous est parfois reproché d’être conservateurs. Je pense que c’est une mauvaise analyse. La réalité, c’est que nous avons une expertise technique qui nous permet d’être des machines à dérogation. Beaucoup de choses ne seraient pas possibles si le tiers de confiance qu’est la DGA n’acceptait pas de déroger à des normes et des réglementations.

C’est finalement plutôt le contraire. L’état d’esprit historique de la DGA consiste à permettre par l’expertise technique de déroger à des normes qui seraient trop contraignantes.

Parfois, ces normes sont quand même trop contraignantes. Notre objectif est donc de les faire changer. C’est ce que nous avons commencé à faire sur la navigabilité des drones où un nouvel arrêté nous permet désormais de réaliser des actes techniques et des essais en se fondant sur la taille et la fonction de ces drones.

Il y a un certain nombre d’initiatives similaires qui sont en cours dans le domaine naval. Il s’agit d’adapter la réglementation et les décrets pour simplifier les normes qui pourraient être sur-spécifiées par rapport aux besoins du ministère des armées.

Sur l’attractivité et la fidélisation de nos collaborateurs, nous constatons que la DGA continue à être attractive. Nous nous attachons par ailleurs à renforcer cette attractivité par l’intermédiaire de communications sur nos activités.

Nous devons travailler sur l’attractivité des métiers et sur les rémunérations, même si nous ne pourrons pas être alignés sur le privé. Par contre, nous pouvons donner des responsabilités très tôt et très jeune à l’ensemble des collaborateurs qui nous rejoignent. Par ailleurs, intégrer la DGA ne signifie pas y faire l’ensemble de sa carrière. Il est possible de quitter la DGA et d’y revenir, à condition d’être réaccueilli et que l’expérience acquise soit valorisée.

J’ajoute que nous avons engagé un travail pour mettre en place une approche hybride ne raisonnant pas uniquement en équivalent temps plein mais sur une enveloppe financière qui pourrait être modulée en fonction de la tension des différents métiers et des profils de ceux que nous souhaitons recruter.

Sur les PME, c’est un sujet qui m’est cher. Je vois toute la difficulté qu’il pouvait y avoir pour une PME à travailler avec le ministère des armées. Vous savez qu’une politique du ministère se nomme action PME et se traduit très concrètement depuis 2013 par une instruction ministérielle. Elle est pilotée par la DGA depuis 2020.

Nous avons décidé de mettre en place une nouvelle version de cette instruction pour la fin de l’année afin de l’adapter au contexte de l’économie de guerre et de cette nouvelle loi de programmation militaire. Par ailleurs, la nouvelle direction de l’industrie de défense s’intéressera à la résilience et à la sécurité économique des acteurs de la BITD. Cela signifie un bureau PME extrêmement actif et de nouvelles actions, notamment pour anticiper la transmission de PME patrimoniales.

Enfin, dans l’accompagnement des PME, il y a le sujet de la cybersécurité. Ce n’est pas anecdotique car quand on regarde vers l’Ukraine, d’autres compétiteurs attaquent systématiquement et massivement l’ensemble de notre BITD et plus particulièrement de petites sociétés qui n’ont pas forcément de politique significative en termes de cyberdéfense et de cybersécurité. Nous aidons donc ces entreprises à mettre en place un référentiel minimal leur permettant de se protéger.

Concernant l’innovation, il faut souligner les très nombreuses innovations qui ont pu être observées lors du forum entreprises défense organisé récemment à Satory et dédié au maintien en condition opérationnelle. Ces innovations concernent aussi bien l’utilisation de l’intelligence artificielle que les capteurs intelligents ou de nouvelles procédures de MCO. Tout ceci est accompagné dans le cadre de la politique d’innovation du ministère.

M. le président Thomas Gassilloud. Merci Monsieur le délégué général pour l’ensemble de vos réponses.

 

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La séance est levée à dix-neuf heures quarante.

 

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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Mounir Belhamiti, M. Frédéric Boccaletti, M. Hubert Brigand, Mme Caroline Colombier, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Christelle D'Intorni, M. Thomas Gassilloud, M. Frank Giletti, M. José Gonzalez, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, Mme Gisèle Lelouis, Mme Alexandra Martin (Alpes-Maritimes), Mme Lysiane Métayer, Mme Natalia Pouzyreff, M. Aurélien Saintoul, Mme Isabelle Santiago, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Mélanie Thomin

Excusés. - M. Pierrick Berteloot, M. Christophe Blanchet, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Anne Genetet, M. Christian Girard, M. Sylvain Maillard, M. Olivier Marleix, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Valérie Rabault, M. Fabien Roussel, M. Mikaele Seo