Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

  Audition de M. Thierry Repentin, président de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), et Mme Valérie Mancret-Taylor, directrice-générale               2

  Présences en réunion...........................19

 


Mardi
19 mars 2024

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 055

session ordinaire de 2023-2024

 

 

Présidence de

M. Éric Coquerel,

Président

 


  1 

La commission entend M. Thierry Repentin, président de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), et Mme Valérie Mancret-Taylor, directrice-générale.

M. le président Éric Coquerel. Mes chers collègues, nous auditionnons aujourd’hui M. Thierry Repentin, président de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), ainsi que Mme Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l’Agence.

Établissement public administratif, l’Anah assure la conduite de la politique publique d’amélioration des conditions de logement dans le parc privé. Elle bénéficie de crédits très significatifs, qui permettent la mise en œuvre de dispositifs tels que MaPrimeRénov’, MaPrime’Adapt’… Ainsi, plus de 3,7 milliards d’euros de crédits ont été inscrits dans la loi de finances pour 2024 en vue de financer le programme MaPrimeRénov’. Or, une fraction significative de ces crédits a été annulée avec le décret du 21 février 2024.

M. Thierry Repentin, président de l’Agence nationale de l’habitat (Anah). L’Agence a été fondée en 1971 dans le but d’améliorer l’habitat des ménages français, tant dans l’Hexagone qu’en outre-mer. Son action est dirigée exclusivement vers le logement privé existant.

Depuis sa création, l’Agence intervient aux côtés des collectivités afin d’apporter des réponses territorialisées, en cohérence avec les politiques locales de l’habitat – qu’il s’agisse de la rénovation énergétique, de l’amélioration des logements ou de projets de rénovation globale. L’Agence délivre un accompagnement sur mesure, assorti d’aides financières.

En 2019, l’Anah s’est vu confier la mise en place d’une aide à la rénovation énergétique, connue sous la dénomination « MaPrimeRénov’ ». La réforme des aides aux particuliers pour la rénovation énergétique entre donc dans sa cinquième année, et nous l’abordons avec des résultats solides.

Depuis 2020, en effet, le bilan de l’activité de l’Agence, et plus particulièrement celui du dispositif MaPrimeRénov’, est assez éloquent. 2,342 million de logements ont été rénovés et plus de 11 milliards d’euros d’aides ont été distribués. 2,150 millions de logements ont pu bénéficier de MaPrimeRénov’, pour un montant d’aides avoisinant les 10 milliards d’euros.

91 % des bénéficiaires se déclarent satisfaits de l’aide apportée, selon les sondages réalisés à l’issue des travaux. MaPrimeRénov’ est conçue pour aider les foyers ayant le plus besoin d’aide. En effet, deux tiers des dossiers concernent des ménages aux revenus modestes et très modestes, soit les quatre premiers déciles de la population. 67 % des bénéficiaires affirment qu’ils n’auraient pas réalisé les travaux sans cette aide.

MaPrimeRénov’ a aussi contribué à soutenir l’économie française et les emplois non délocalisables. En quatre ans, les aides à l’amélioration de l’habitat ont généré environ 30 milliards d’euros de travaux.

La réussite de ce programme est collective. Elle repose sur une prise de conscience non seulement des ménages, mais aussi des collectivités territoriales, face aux crises énergétiques et climatiques. Entre 2020 et 2023, le nombre d’opérations contractualisées est passé de 812 à 1 100.

Enfin, cette politique publique est aussi le fruit de l’action de France Rénov’, le service public de la rénovation. Ce dernier est piloté par l’Anah depuis le 1er janvier 2022. Ce service public couvre 96 % des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), à travers 586 espaces conseils France Rénov’. Les usagers peuvent accéder à des conseils gratuits, neutres et indépendants afin de réussir leur parcours de travaux. Nous sommes aussi présents depuis le 1er janvier 2024 dans les maisons France Services.

Il y a trois mois, nous avons adopté au sein du conseil d’administration une réforme profonde des aides à la rénovation des habitats privés, avec MaPrimeRénov’, MaPrimeAdapt’ et Ma Prime Logement Décent. C’est probablement la réforme la plus ambitieuse qui ait été proposée ces dernières années au regard du niveau d’aides destinées aux usagers et du budget alloué à l’Agence. Sur le plan de la rénovation énergétique, cette réforme poursuivait un double objectif : d’une part, poursuivre la décarbonation du parc de logements privés ; d’autre part, accélérer les rénovations d’ampleur afin de réduire notre consommation énergétique. L’ensemble s’inscrivait dans une trajectoire d’objectifs pluriannuels extrêmement ambitieuse.

Les équipes de l’Agence n’ont pas ménagé leur énergie pour promouvoir ces évolutions avec pédagogie et les relayer sur le terrain, dans les espaces conseils France Rénov’. Pour autant, une réforme aussi profonde exige un temps d’appropriation pour l’ensemble des acteurs. Certains s’en sont émus et ont demandé des ajustements à la rentrée 2024.

Après plusieurs rencontres avec les fédérations professionnelles du secteur, le ministre de la transition écologique a présenté différentes pistes de simplification du dispositif MaPrimeRénov’, afin de soutenir l’activité des artisans et des entreprises du bâtiment. Trois évolutions ont été proposées :

 la possibilité de bénéficier de MaPrimeRénov’ pour réaliser des travaux d’isolation « monogestes » sans accompagnement ;

 la possibilité de bénéficier de MaPrimeRénov’ pour installer un système de chauffage décarboné, quelle que soit l’étiquette du logement ;

 la suppression, jusqu’au 31 décembre 2024, de l’obligation de fournir un diagnostic de performance énergétique pour bénéficier de MaPrimeRénov’ dans le cadre d’une rénovation par geste.

Les aménagements proposés ont pour but de fluidifier le parcours des ménages, en leur permettant de s’inscrire dans le parcours de rénovation qui leur convient : soit un parcours accompagné pour les rénovations d’ampleur, soit un parcours non accompagné pour les rénovations par geste.

Je voudrais également attirer votre attention sur le fait que tout projet de rénovation énergétique prend du temps. Il n’existe pas de solution unique. Cette démarche nécessite de réfléchir soigneusement au projet, de trouver les bons artisans et de s’assurer que les travaux sont réalisés dans les règles de l’art. Pour rénover, les Français ont donc besoin de temps, de solutions sur mesure et sécurisées. C’est le rôle de l’accompagnateur pour les rénovations complètes et d’ampleur.

La rénovation d’ampleur, c’est l’objectif ambitieux que nous entendons encourager auprès du plus grand nombre de ménages. L’accompagnement des ménages est donc essentiel pour massifier les rénovations de qualité. Le législateur l’a d’ailleurs rendu obligatoire dans la loi dite Climat et résilience.

Le rôle de l’Anah est essentiel pour aider les ménages à choisir les travaux adaptés au logement, à sécuriser leur parcours face au risque d’arnaque, et à mobiliser toutes les aides disponibles pour réduire le reste à charge.

De nombreux acteurs ont investi ce nouveau marché, et la dynamique dépasse nos attentes. À ce jour, 440 structures ont été agréées, ce qui nous permet de disposer de plus de 3 000 accompagnateurs Rénov’ sur l’ensemble du territoire. La dynamique d’agrément est telle que l’objectif de 4 000 accompagnateurs fixé pour la fin de l’année pourrait être atteint dès le deuxième trimestre 2024.

En conclusion, cette réforme s’inscrit dans le cadre bien plus large de la planification écologique, présenté à l’été 2023. Cette planification propose un chemin, ambitieux mais réaliste, pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Il reste vingt millions de logements à rénover dans notre pays.

C’est un chantier colossal, mais c’est aussi une formidable opportunité. C’est un projet de société qui engage la responsabilité de chacun. En premier lieu, les décideurs publics doivent s’engager pour donner à tous les acteurs de la chaîne de la visibilité et de la stabilité, qu’elle soit réglementaire ou budgétaire. Les collectivités territoriales, pour leur part, doivent renouveler les contractualisations afin de proposer sur l’ensemble du territoire une offre d’information, de conseil et d’accompagnement en matière d’amélioration de l’habitat. Les artisans et les entreprises du bâtiment portent aussi une responsabilité : elles doivent tirer profit de la souplesse consentie en début d’année 2024 pour monter en compétences, recruter davantage d’ouvriers qualifiés et s’organiser pour proposer une offre commerciale pour les rénovations d’ampleur. C’est à ces conditions que pourra émerger une filière française d’excellence de la rénovation énergétique. En dernier lieu, rien ne saurait être entrepris sans le concours des ménages. Les meilleures aides n’effacent pas cette réalité du terrain : rénover son logement est compliqué.

Fort heureusement, toutes les enquêtes montrent que les Français ont envie de rénover leur logement. Soyons donc à l’écoute des remontées du terrain, vigilants envers les alertes, mais gardons-nous de conclusions hâtives. Pour ma part, je suis convaincu que le chemin dessiné par les évolutions des aides reste pertinent et que nous parviendrons à proposer à tous les ménages un parcours adapté à leurs besoins et à leurs moyens, afin qu’ils puissent vivre dans un logement à la fois digne, durable et confortable.

M. le président Éric Coquerel. La question de la rénovation énergétique se trouve à la confluence entre deux crises : la crise du logement – le droit de vivre dans un logement digne n’est pas une réalité pour tous les Français – et la crise écologique.

Tout d’abord, je souhaiterais des précisions sur le budget 2024 relatif aux aides à la rénovation énergétique soumis au conseil d’administration de l’Anah, et en particulier sur les répercussions du décret du 21 février 2024 portant annulation d’une partie significative des crédits.

J’aimerais également connaître votre avis sur l’assertion selon laquelle certaines annulations de crédits seraient indolores, dans la mesure où une partie des actions de rénovation thermique planifiées n’auraient pu se concrétiser, faute de personnel et de moyens.

Comment expliquez-vous la baisse des rénovations énergétiques constatée en 2023, qui s’est amplifiée depuis le début d’année 2024 ?

Comment l’Anah a-t-elle mis en œuvre la réforme des aides en faveur de la rénovation énergétique des logements au 1er janvier 2024 ? Par ailleurs, le ministre de la transition écologique et du logement annonçait, début mars 2024, sa volonté de revenir sur une grande partie de cette réforme, notamment en relançant les primes pour les travaux « monogestes ». Cet échec n’est-il pas le signe qu’une révision en profondeur des modalités de MaPrimeRénov’ est nécessaire, afin de tendre vers un reste à charge nul pour les ménages les plus modestes ?

Au regard de la dynamique de rénovation négative et de la réduction du budget consacré à MaPrimeRénov’, l’objectif a été abaissé autour de 140 000 à 150 000 rénovations globales par an. Quels sont, d’après vous, les obstacles à l’atteinte de la cible de 200 000 rénovations globales nécessaire pour respecter les engagements climatiques de la France à horizon 2030 ?

Enfin, je souhaiterais entendre votre point de vue sur les cas de « fraude écologique », c’est-à-dire les travaux financés qui ne sont pas réalisés, ou qui sont exécutés sans la qualité attendue.

Mme Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l’Agence nationale de l’habitat (Anah). Nous tâcherons de répondre à l’ensemble de vos questions, mais nous nous permettrons de les aborder dans un ordre différent.

S’agissant de la fin de gestion 2023, le président du conseil d’administration de l’Anah a rappelé que le dispositif MaPrimeRénov’ a été mis en place en 2020, dans le contexte de la crise sanitaire puis du plan de relance. Quatre ans plus tard, nous faisons face à une situation très différente, marquée par un renchérissement du coût des matériaux, et plus largement du coût des travaux.

Ce phénomène, qui a dominé l’année 2023, s’est traduit par un repli de la demande de subventions MaPrimeRénov’ au cours du premier trimestre 2023. Cependant, cette baisse n’a pas été aussi spectaculaire que celle annoncée par certains médias. Nous avons observé une diminution des demandes de rénovation globale en maison individuelle (mais pas en copropriété) par rapport aux chiffres enregistrés en 2021 et 2022.

Cette évolution a conduit le Gouvernement à proposer une réforme en 2024. Celle-ci prévoit deux parcours possibles pour les ménages : un parcours en rénovation « monogeste », essentiellement tourné vers la décarbonation, et un parcours accompagné visant à réaliser une rénovation globale. Le parcours accompagné bénéficie d’une revalorisation très importante des aides à destination des ménages les plus modestes et des ménages modestes, soit les quatre premiers déciles de la population. Grâce à cette revalorisation, les deux premiers déciles pourront bénéficier d’une aide couvrant jusqu’à 90 % de la dépense totale hors taxe d’une rénovation d’ampleur. La réforme des aides a donc bien débuté au 1er janvier 2024, conformément aux déclarations du gouvernement dès le 1er octobre 2023.

Dans leurs échanges avec le ministre du logement, les fédérations professionnelles ont mis en avant quatre points.

Premièrement, les accompagnateurs Rénov’ sont obligatoires pour tout ménage ayant un projet de rénovation d’ampleur, en parcours accompagné. Ces accompagnateurs se déploient progressivement sur l’ensemble du territoire national.

Deuxièmement, la volonté de restreindre la rénovation « monogeste » aux seuls actes de décarbonation impliquait de fermer la porte à des ménages qui avaient déjà réalisé un premier geste de décarbonatation mais souhaitaient aller plus loin en isolant leur bâtiment. Les professionnels du secteur ont demandé de décorréler ces deux types de travaux. Ainsi, un ménage souhaitant isoler son logement, soit en complément d’une décarbonation, soit en premier acte de transformation, peut prétendre à une aide sur le seul acte d’isolation.

Troisièmement, il a été demandé de reporter d’un an l’obligation d’établissement d’un diagnostic de performance énergétique (DPE) pour le parcours « monogeste ». Cette année supplémentaire sera mise à profit pour renforcer l’ensemble des filières, notamment les filières de diagnostiqueurs, sur tout le territoire national. Ainsi, les ménages pourront constituer sans difficulté un dossier complet.

Ces demandes ont été validées par le Gouvernement il y a une dizaine de jours et devraient prendre effet le 15 mai 2024. Le décret afférent a été examiné hier par le Conseil national de l’habitat.

En résumé, la réforme 2024 ajustée prévoit deux parcours possibles pour les ménages : un parcours de rénovation globale et un parcours de rénovation par geste, avec la prolongation de l’ouverture de tous les forfaits « monogeste » sur la plateforme d’accès aux demandes d’aide jusqu’au 31 décembre 2024. Tous les acteurs pourront ainsi mieux se préparer à cette réforme.

En ce qui concerne la question budgétaire et le décret de février 2024, le budget initial de l’Anah pour 2024 a été voté par le conseil d’administration de décembre 2023. Il prévoyait 1,6 milliard d’euros de crédits supplémentaires au titre de la rénovation énergétique, portant le budget global de l’Agence à 6,3 milliards d’euros. Sur ce montant, 3,7 milliards d’euros financent les « aides à la pierre », c’est-à-dire les crédits délégués aux préfets de région et de département et répartis par les territoires eux-mêmes. La seconde enveloppe budgétaire de l’Agence est nationale et concerne MaPrimeRénov’.

Le budget global alloué à l’Agence a été revu à la baisse à hauteur d’un milliard d’euros, comme le prévoit le décret de février 2024. Lors des délibérations de décembre 2023, le conseil d’administration a voté une réserve de 800 millions d’euros, comme chaque année. Cette précaution s’explique par le fait que les prévisions d’utilisation des crédits dans les territoires ne sont pas linéaires, ce qui nécessite des redéploiements de fonds entre territoires. La réserve constituée et le ralentissement de l’activité sur les deux premiers mois de l’année permettent de compenser les annulations de crédit annoncées sans remettre en cause les financements alloués aux territoires.

Monsieur le président, vous avez aussi évoqué les volumes de rénovations. Des réflexions sont en cours à ce sujet, mais, comme je viens de le préciser, l’activité de ce début d’année est peu soutenue. Ce phénomène est propre à toute réforme. D’une part, la réalisation de travaux chez des particuliers est complexe. D’autre part, les acteurs impliqués – qu’il s’agisse des entreprises du bâtiment, des équipes de suivi animation dans les opérations programmées de l’habitat, des collectivités territoriales ou des accompagnateurs – doivent prendre le temps de s’approprier les changements liés à la réforme afin d’informer au mieux les ménages et faciliter leur demande de subventions publiques.

Les volumes seront vraisemblablement revus par le conseil d’administration de l’Anah, mais cette donnée reste à préciser. Le Gouvernement a fait état d’un volume de 140 000 rénovations globales.

Pour ce qui est des moyens et des effectifs de l’Anah, tant au siège que dans les territoires, je tiens à préciser que la baisse d’activité que nous connaissons est essentiellement due à la diminution du pouvoir d’achat. C’est d’ailleurs ce constat qui a motivé la revalorisation des aides dans la réforme 2024, au profit des ménages les plus vulnérables. En tout état de cause, l’Anah n’est pas confrontée à un problème d’engorgement des services qui aurait empêché de délivrer des engagements sur les subventions ou des paiements.

Enfin, je vous confirme que des agissements frauduleux ont été détectés par l’Agence depuis l’été 2022. Des communications ont donc été effectuées à ce propos depuis fin 2022. Dans ce cadre, les ménages ont été appelés à respecter des règles pour se prémunir contre les fraudes, à commencer par les deux principes suivants : ne jamais faire confiance à un interlocuteur inconnu qui appelle les ménages en se faisant passer pour un représentant de l’Anah ou d’une collectivité, d’une part, et ne jamais transmettre d’identifiants par téléphone à un interlocuteur inconnu, d’autre part.

J’ajoute que l’Agence s’est bien entendu dotée d’un plan de lutte contre la fraude, basé notamment sur l’information et la sensibilisation des ménages. Ce plan nous amène à étudier de manière beaucoup plus approfondie les dossiers, à la fois pour l’engagement et pour le paiement. De ce fait, nos délais se sont fortement allongés, passant de deux à cinq semaines pour l’instruction d’un dossier complet. Désormais, nous menons des contrôles sur pièces et sur place. Nous contrôlons également les structures qui peuvent se porter mandataires de certains ménages, de manière à vérifier la régularité des dossiers déposés. Ces mesures nous permettent de mieux appréhender et contrôler les pratiques de fraude écologique.

M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie. Pourriez-vous me préciser quels sont les obstacles empêchant d’atteindre un rythme de 200 000 rénovations par an, nécessaire pour tenir nos engagements climatiques à horizon 2030 ?

Mme Valérie Mancret-Taylor. Pour mener à bien la politique publique de rénovation du logement, il convient, avant tout, de conclure des pactes territoriaux avec les collectivités territoriales.

Plus de 1 000 opérations programmées d’amélioration de l’habitat et de programmes d’intérêt général sont signées dans les territoires, et il existe aujourd’hui plus de 577 espaces conseils France Rénov’. Nous couvrons donc 97 % des EPCI, ce qui nous permet de garantir un service public de qualité.

Il appartient aux ménages de s’adresser à France Rénov’ pour obtenir les bonnes informations. Ces ménages sont alors orientés vers le parcours adéquat. Ils peuvent ainsi réaliser un diagnostic de leur logement et identifier les besoins en travaux. Il leur faut ensuite faire établir des devis, déposer leur demande d’aide, et enfin programmer les travaux. Tel est le parcours théorique d’un ménage qui s’implique dans une démarche de rénovation.

Pour réaliser cette politique publique, nous avons besoin d’un service public de qualité, d’entreprises en nombre suffisant sur le territoire pour exécuter les travaux, et d’une aide publique à même de solvabiliser les ménages les plus vulnérables et de les encourager à s’engager dans une démarche de travaux.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je voudrais revenir sur la sous-consommation observée en 2023, qui a fait l’objet de longues discussions ici lors de l’examen du budget en fin de gestion. À cette occasion, la complexité du site internet de l’Anah et la difficulté d’accès aux aides ont été évoquées. Ces remarques ont-elles été prises en compte, et les accompagnateurs MaPrimeRénov’ sont-ils mieux armés pour aider les concitoyens ?

Par ailleurs, j’avais compris que le ralentissement de la consommation des crédits mesuré en fin d’année 2023 était imputable à l’attente des nouvelles règles annoncées. Cette interprétation s’avère erronée, puisque la baisse du nombre de demandes s’est poursuivie sur les premiers mois de l’année 2024, comme vous venez de nous l’expliquer. D’après vous, cette diminution serait corrélée à la perte de pouvoir d’achat. Pourriez-vous nous fournir des chiffres globaux sur le pourcentage d’aide par rapport à la dépense totale engagée pour des travaux de rénovation ?

Dans son dernier rapport, paru la semaine dernière, la Cour des comptes regrette que les aides existantes n’aient pas été suffisamment tournées vers l’adaptation au changement climatique, en particulier s’agissant du confort durant la période estivale. Cette préoccupation fait-elle partie des réflexions de l’Anah ?

M. David Amiel (RE). Monsieur le président, madame la directrice générale, je vous remercie d’avoir rappelé le caractère inédit de la politique déployée en matière de rénovation, y compris sur le plan budgétaire. Malgré le décret d’annulation publié en février, les sommes allouées à cet effort atteignent un niveau historique.

Quel volume de rénovations anticipez-vous en 2024 ? Sur ce total, quelles sont les parts respectives de la rénovation globale et de la rénovation par geste ?

D’autre part, vous avez rappelé les ajustements pragmatiques adoptés par le Gouvernement autour du dispositif MaPrimeRénov’, en fonction de l’évolution du marché et du retour des professionnels. Certains usagers, qui avaient déposé un dossier à l’automne 2023 et réalisé des diagnostics, ont pu se retrouver dans une situation compliquée en janvier 2024. Des dérogations ont-elles été consenties pour faciliter la transition entre les deux systèmes ?

Enfin, je voudrais insister sur la territorialisation de la politique de rénovation. Nous avions d’ailleurs souligné cet aspect, avec mon collègue Emmanuel Lacresse, dans notre rapport d’évaluation paru au printemps 2023. Nous avons impérativement besoin d’une planification territoriale de la rénovation pour adapter notre action aux différents types de bâti et d’architecture. Dans une logique prospective, j’aimerais savoir si vous êtes plutôt favorable à la décentralisation de certains aspects de cette politique publique ou bien à la contractualisation avec les collectivités territoriales.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Après la lecture croisée du rapport de la Cour des comptes et des conclusions de la commission d’enquête sénatoriale relative à l’efficacité des politiques en matière de rénovation énergétique, je souhaiterais vous poser plusieurs questions.

Tout d’abord, je constate que le niveau de performance des programmes MaPrimeRénov’ n’est pas suffisant pour transformer les logements ayant le statut de passoire thermique ni pour réduire la précarité énergétique.

Le Gouvernement a annoncé vouloir recentrer sa politique de rénovation sur une solution globale, telle que nous l’avions préconisée il y a un an. Dans le même temps, il annonce une coupe budgétaire d’un milliard d’euros, qui s’inscrit dans les 10 milliards d’économies voulus par Bruno Le Maire.

J’entends vos arguments sur le faible nombre de dossiers, mais chacun sait que ce ralentissement est principalement dû à un manque d’entreprises en capacité de proposer une offre globale, bien plus qu’à un manque de dossiers. Dans tous les cas, il paraît difficile de traiter le même nombre de dossiers avec un budget réduit de moitié.

Serez-vous donc obligés de revenir en arrière, en réinstaurant une aide par geste ? C’est un fait avéré que cette méthode est à la fois inefficace et coûteuse, et qu’elle n’accompagne qu’un faible nombre de sorties du statut de passoires thermiques.

D’autre part, sachant que seuls 66 000 dossiers qualifiés de rénovation globale ont été engagés dans les différents dispositifs de l’Anah en 2022, dont la plupart n’atteignaient pas le niveau BBC, quelle stratégie comptez-vous engager pour atteindre les quotas attendus ?

Enfin, le dispositif le plus demandé est l’installation des pompes à chaleur, dont les principaux fournisseurs sont chinois ou allemands. Selon vous, comment pourrait-on développer une filière industrielle française qui permettrait à l’État de montrer l’exemple et à la filière de créer des emplois sur le territoire national ?

M. David Guiraud (LFI-NUPES). D’après les propos retransmis sur TF1 le 1er février 2024, « tous les services, y compris du côté de l’Anah, n’étaient pas au courant de l’annonce avant de l’entendre sur TF1 dimanche soir ». J’aimerais savoir si vous avez été prévenus des annulations de crédits.

La France compte plus de 6 millions de passoires thermiques. Le rapport de la Cour des comptes de 2022 est sans appel : 2 500 logements seulement ont pu changer de classe de performance énergétique grâce à MaPrimeRénov’. À ce rythme, il faudrait pas moins de deux mille ans pour achever la rénovation thermique des bâtiments. Dans ma circonscription, seuls 23 % des logements à Roubaix et 27 % des logements à Wattrelos sont en bon état. L’équation est d’autant plus compliquée que les collectivités territoriales sont confrontées à une diminution de leurs crédits propres. Avez-vous pris en compte cette difficulté ?

La question du reste à charge ne saurait être appréhendée sans s’intéresser aux taux des prêts. Or, sur des travaux d’ampleur, les taux appliqués sont supérieurs à 6 %, soit un surcroît de plusieurs milliers d’euros, sans compter les frais de dossier ou d’assurance. Il va de soi que les Français ne peuvent souscrire des prêts dans des conditions aussi défavorables.

M. Pascal Lecamp (Dem). En tant qu’élu, je me dois de vous informer que je suis interpellé dans ma circonscription par des concitoyens déplorant des délais de paiement et de réponse excessifs pour des dossiers MaPrimeRénov’.

Ma première question porte sur la rénovation énergétique des logements. La veille de la publication du décret d’annulation de crédits, quelle était votre prévision sur le nombre de logements qui devaient être rénovés en 2024 avec le soutien de MaPrimeRénov’ ? Cette prévision était-elle limitée par les crédits votés dans la loi de finances initiale, par les capacités du secteur de la rénovation à effectuer les travaux, ou encore par la demande des propriétaires ?

Ma seconde question concerne le dispositif MaPrimeAdapt’. La loi de finances initiale pour 2024 prévoit 67 millions d’euros pour ce dispositif. Quels sont vos premiers retours sur le lancement de cette aide unique le 1er janvier 2024 ? Les crédits prévus vous semblent-ils adaptés à la dynamique récente que vous observez ?

Mme Véronique Louwagie (LR). Monsieur le président, madame la directrice générale, j’aurai l’occasion de vous auditionner demain en ma qualité de rapporteur de la mission d’évaluation de l’adaptation des logements aux transitions démographiques et environnementales, avec ma collègue co-rapporteure Annie Vidal.

Sur les 6 milliards d’euros évoqués, pouvez-vous nous préciser la répartition entre le programme 135 (urbanisme, territoire et amélioration de l’habitat) et le programme 174 (énergie, climat et après-mines) ?

Par ailleurs, je note que le projet de loi de finances de fin de gestion a annulé 800 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1,1 milliard en crédits de paiement sur le programme 174. Quel a été l’impact de cette décision sur le budget de l’Anah, qui avait accumulé une trésorerie de 900 millions d’euros à fin décembre 2022 ? Si je comprends bien, il a été demandé à l’Anah de puiser dans sa trésorerie pour compenser la baisse de crédits. Pouvez-vous nous apporter votre éclairage sur l’évolution de votre trésorerie ?

Par ailleurs, comment justifiez-vous les cibles de volume de rénovations définies pour la fin de l’année 2023 sur les programmes MaPrimeRénov’ Sérénité et MaPrimeRénov’ Copropriété ? Ma question porte plus particulièrement sur le faible niveau de la cible visée sur MaPrimeRénov’ Copropriété.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Entre la loi de finances et les décrets d’application, le budget alloué à MaPrimeRénov’ a été d’abord augmenté puis diminué. Comment pouvez-vous espérer piloter votre activité si les engagements de fonds affluent et refluent de la sorte ?

Aujourd’hui, la France compte 30 millions de résidences principales, dont 1,5 million classées A ou B. L’objectif consistait à faire passer l’ensemble du parc de logements en classe A ou B d’ici 2050. Pour atteindre ce but, l’exécutif s’était fixé la cible de 700 000 rénovations par an. Or, le nombre de rénovations a diminué, passant de 670 000 en 2022 à 570 000 en 2023. Le volume de rénovations globales est très inférieur aux attentes, et les trajectoires s’inscrivent en forte baisse.

D’après vous, est-il encore possible de respecter les ambitions définies pour 2050, à savoir que la totalité des logements soit classée A ou B d’ici cette échéance ?

Je voudrais aussi attirer votre attention sur la sous-consommation des crédits MaPrimeRénov’, estimée par Bercy à 300 millions d’euros. Les conditions d’accès ont été assouplies : ce changement de modalités vous semble-t-il suffisant au regard de l’objectif que je viens de rappeler ?

Enfin, j’aimerais également connaître votre analyse du dispositif MaPrimeAdapt’.

M. François Jolivet (HOR). Je tiens à saluer votre réussite en matière de massification. Vous avez su mener à bien cet exercice difficile. J’en veux pour preuve les 623 000 logements qui ont pu faire l’objet de travaux en 2023 grâce aux financements de l’Anah.

J’ai bien compris que le Gouvernement a décidé de réordonnancer la stratégie. Cependant, il faut savoir qu’une maison située en zone rurale, classée G en raison de son système de chauffage au fioul, se hisse péniblement en classe E lorsqu’elle s’équipe d’une pompe à chaleur. Avez-vous initié une réflexion sur le réordonnancement des gestes, incluant une majoration des aides à la « peau » du bâtiment, avant même le remplacement de l’organe de chauffage ?

D’autre part, vous avez expliqué que l’Anah s’est dotée d’un plan de lutte contre la fraude. D’après vous, quel montant représentent les fraudes détectées en 2023 ?

Vous avez prévu des accompagnateurs Rénov’ sur l’ensemble du territoire, et cette démarche fonctionne plutôt bien. Vous avez contractualisé avec des collectivités territoriales. Ne croyez-vous pas qu’il serait préférable de décentraliser l’accompagnement auprès des collectivités ?

Je note que le budget dont vous disposez reste très substantiel, même s’il a été abaissé de 6,3 à 5,3 milliards d’euros. Ce budget est bien supérieur aux moyens attribués aux bailleurs HLM pour les travaux et l’aide à la pierre. J’aimerais savoir si vous menez une réflexion sur la captation de la valeur acquise grâce à la rénovation.

Comme l’ont bien expliqué mes collègues, la réhabilitation des logements est un enjeu majeur, mais je crains que les finances de l’État ne permettent pas d’y répondre.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Ne nous voilons pas la face : la politique de rénovation thermique menée jusqu’ici est un échec. En 2023, le nombre de rénovations a diminué de 15 %, et seules 71 613 rénovations d’ampleur ont été comptabilisées au cours de cette année – pour un objectif de 90 000 rénovations. Rappelons que la cible initiale pour 2024 était fixée à 200 000 rénovations. Cette tendance devrait s’aggraver en 2024, avec une baisse de 40 % des demandes d’aide par rapport à l’année précédente.

Dès juillet 2023, le rapport Gontard alertait sur la complexité des démarches administratives, le reste à charge excessif et le manque de professionnels labellisés RGE. Malheureusement, ces conclusions ont été trop peu entendues, et trop tard, comme souvent. Le rapport pointait aussi des délais d’instruction trop longs, des obstacles techniques dus à la rigidité du système informatique, des agents des antennes de l’Anah et des conseillers France Rénov’ dans l’incapacité d’accéder aux dossiers individuels des usagers. De surcroît, le reste à charge trop élevé dissuade les ménages modestes d’engager des travaux de rénovation globale. Certes, les aides peuvent couvrir jusqu’à 90 % du coût, mais un ménage aux revenus modestes n’a pas les moyens d’engager entre 5 000 et 10 000 euros dans cette période de tension sur le pouvoir d’achat.

Simplification de l’accompagnement, reste à charge zéro et rénovation globale : tels sont les leviers à actionner pour relever le défi de la rénovation thermique. Or, les évolutions récentes de MaPrimeRénov’, qui favorisent les « monogestes », et les coupes budgétaires, sont plutôt le signe d’un renoncement du Gouvernement, en particulier sur les rénovations globales – pourtant indispensables pour réduire le nombre de passoires thermiques.

Quelles seraient, à votre sens, les mesures à mettre en œuvre pour réussir le défi de la rénovation globale ? Quelles mesures concrètes pourraient être retenues pour la simplification administrative et l’accompagnement des ménages ? Enfin, le reste à charge ne reste-t-il pas trop important pour la plupart des ménages ?

M. Fabien Di Filippo (LR). Je voudrais aborder la question de la rénovation des logements dans la ruralité. Les opérations de rénovation sont si lourdes, et les normes si contraignantes, que dans de nombreux cas, la construction d’un logement neuf paraît moins onéreuse que la rénovation d’une maison ancienne. Cette problématique risque d’accentuer la crise du secteur du bâtiment, alors que la loi sur le zéro artificialisation nette permettrait justement de donner une seconde vie à ces espaces.

M. Charles de Courson (LIOT). Les aides versées par l’Anah sont-elles suffisamment incitatives au regard du coût des mises aux normes et des économies susceptibles d’être dégagées ? Les critères de conditionnement des aides ne sont-ils pas excessifs ? Comment rendre vos aides plus incitatives ? La diminution du reste à charge pour les propriétaires modestes constituerait-elle un levier efficace ?

Le critère d’une ancienneté minimale des constructions de 15 ans pour bénéficier de MaPrimeRénov’ est-il fondé, d’après vous ?

En dernier lieu, s’agissant des copropriétés, la décision de réalisation d’un diagnostic de performance énergétique est soumise à la majorité des voix depuis la loi Elan du 29 novembre 2018. Selon vous, cette règle est-elle trop contraignante ?

M. Xavier Roseren (RE). Je me félicite du succès rencontré par le dispositif MaPrimeRénov’ depuis 2020.

Ma première question concerne les entreprises ou artisans, qui doivent détenir le label RGE pour être autorisés à conduire des travaux financés au titre de MaPrimeRénov’. En Haute-Savoie, nous faisons face à une pénurie d’offre, de sorte que les propriétaires peinent à trouver une entreprise labellisée RGE. J’ajoute qu’il est plus difficile pour un artisan seul, même expérimenté, d’obtenir ce label, qu’à une entreprise comprenant plusieurs collaborateurs. À votre sens, quelles actions permettraient de faciliter l’accès à la formation RGE, en particulier pour les toutes petites entreprises ?

Ma seconde question porte sur les copropriétés. Nous savons que les règles de copropriété peuvent être un frein aux souhaits de rénovation de certains propriétaires. Quelles seraient vos recommandations pour remédier à ce problème ?

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). Monsieur le président, madame la directrice générale, voici un message que j’ai reçu la semaine dernière : « Cela fait un an que j’ai installé une pompe à chaleur, un an que je bataille avec MaPrimeRénov’ pour avoir l’aide à laquelle j’ai droit. Je ne sais plus quoi faire, sachant que j’ai souscrit un crédit pour pouvoir payer ma pompe à chaleur qui s’élève à 300 euros par mois ». Nous sommes de nombreux députés à recevoir des sollicitations de ce type, et à avoir le sentiment qu’il faudrait investir davantage pour améliorer le système. De fait, la rénovation thermique est une urgence. Dans ma ville de Limoges, 40 % des logements sont des passoires thermiques. Or, le meilleur moyen de réaliser des économies d’énergie consiste à limiter la consommation, ce qui implique de rénover les bâtiments. Souvenons-nous qu’en 2023, le Président de la République, Emmanuel Macron, avait menacé certains foyers de délestage.

Or, le même Gouvernement vient d’annoncer une coupe d’un milliard d’euros dans le budget MaPrimeRénov’. Néanmoins, à en croire vos explications, cette baisse n’aura qu’une faible incidence. Comment interpréter cette décision gouvernementale, alors qu’il est urgent de poursuivre les travaux de rénovation thermique ?

M. Didier Padey (Dem). Les opérations programmées d’amélioration de l’habitat et de renouvellement urbain (Opah-RU) constituent l’un des seuls leviers d’incitation à la réhabilitation des immeubles privés. Pour atteindre l’objectif de revitalisation de l’habitat ancien, la règle d’éligibilité fixant à 75 % la part minimum des mètres carrés d’habitation dans les immeubles mixtes commerce/logement écarte de fait tous les immeubles dont la hauteur se limite à R+2. Pourtant, ces immeubles sont très nombreux dans les villes moyennes. Cette règle n’est-elle pas dommageable pour les réhabilitations groupées en centre ancien ?

Par ailleurs, l’analyse des Opah-RU montre que les seules villes dans lesquelles ces programmes obtiennent de bons résultats sont celles où les crédits additionnels des villes et des agglomérations doublent les aides de l’Anah. De notre point de vue, la politique de l’Anah pour les réhabilitations en centre ancien n’est pas assez incitative. En réalité, elle ne bénéficie qu’aux villes et agglomérations disposant des moyens économiques nécessaires pour compléter largement ces aides. Ne trouvez-vous pas cette réalité surprenante, voire choquante ?

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Je voudrais commencer par saluer le travail accompli pour parvenir à répondre à la massification du nombre de dossiers. Félicitations pour avoir relevé ce défi de grande ampleur !

Il n’en reste pas moins que certains dossiers, peu nombreux il est vrai, placent les demandeurs dans une situation très compliquée. Comme l’a rappelé mon collègue, ces personnes désespérées viennent nous trouver parce qu’elles ont engagé des sommes élevées mais ne parviennent pas à obtenir les financements attendus. Dans certains cas, les fonds ont été avancés par des TPE ou PME, qui sont confrontées à de sérieuses difficultés. Quelles mesures avez-vous mises en œuvre pour traiter ces dossiers épineux ?

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Je soulignerai, tout comme Christine Pires Beaune, le nombre important de dossiers traités. Cependant, je confirme également que nous sommes fréquemment sollicitées par des personnes désespérées, qui multiplient les relances sans résultat depuis plusieurs mois. J’ai d’ailleurs eu le privilège, madame la directrice générale, de vous écrire de multiples fois à ce propos. Fort heureusement, vous m’avez répondu et nous sommes parvenues, le plus souvent, à trouver des solutions à ces difficultés.

Le dispositif MaPrimeAdapt’ est destiné à aménager le logement des personnes âgées ou des personnes en situation de handicap. L’instruction des dossiers a-t-elle été simplifiée par rapport aux règles applicables à MaPrimeRénov’, de manière à tenir compte du profil spécifique des bénéficiaires de ce nouveau dispositif ?

Mme Mathilde Paris (RN). L’Agence nationale de l’habitat accompagne les ménages dans la rénovation énergétique de leur logement, notamment grâce à MaPrimeRénov’. Quelle évaluation avez-vous faite de l’impact du resserrement de MaPrimeRénov’ aux rénovations globales sur le nombre de dossiers de demande et sur les montants consommés ? Pouvez-vous nous communiquer des chiffres précis à ce sujet ?

Pensez-vous que les évolutions récurrentes des règles du dispositif MaPrimeRénov’ risquent d’entraîner une incompréhension des ménages sur les travaux éligibles, ainsi que sur les aides dont ils peuvent bénéficier, et par conséquent freiner les incitations à la rénovation énergétique ? Il en est de même pour les retards de versement des aides, qui ont précipité certains ménages dans une situation très précaire.

Enfin, la rénovation énergétique a pour objectif de réduire la consommation énergétique des ménages. Quelle est votre évaluation a posteriori des économies d’énergie réellement dégagées ?

M. Thierry Repentin. Nous avons bien conscience que l’Anah ne peut être la seule responsable du succès ou de l’échec des politiques de rénovation. L’Anah est l’établissement public au service d’une volonté politique décidée par le Gouvernement et le Parlement. L’Agence est le bras armé de cette politique, qui implique de réunir autour de la table un ensemble de partenaires : non seulement l’Anah, mais aussi les collectivités territoriales.

Je tiens ici à réaffirmer l’importance de l’implication des collectivités territoriales dans la mise en place de cette politique publique, dans sa diffusion et dans les actions de pédagogie sur le terrain.

C’est le déploiement croissant des espaces conseils France Rénov’ qui garantit la proximité et le dialogue avec nos concitoyens. L’Anah seule, malgré l’intensification des campagnes de communication ces dernières années, ne pourra pas assurer seule le succès de la politique de rénovation.

80 % des logements qu’habiteront nos concitoyens en 2050 sont déjà construits. Il faut donc concentrer les efforts en matière de décarbonation sur les logements existants.

Comme tout opérateur, l’Anah est aussi tributaire de la réalité économique du pays et de l’environnement. La crise du logement touche tous les segments du marché, y compris celui de la rénovation. De fait, l’inflation a entraîné un renchérissement des coûts de la rénovation, incitant ainsi une partie des ménages à renoncer à certains de leurs projets.

Il va de soi que les taux d’intérêt s’imposent aux projets soutenus par l’Anah, à telle enseigne que certains compatriotes annulent parfois leur demande, faute d’accord de leur banque sur un plan de financement.

Nous ne sommes pas en mesure de vous apporter une réponse sur la mise en place d’une filière pompe à chaleur industrielle à l’échelle de la France. Cette question intéresse davantage les ministres de l’industrie et du développement durable.

L’enjeu consiste surtout à convaincre nos compatriotes de l’intérêt des travaux de rénovation thermique. Pour certains, ces travaux sont un geste militant en faveur du développement durable et de la planète. D’autres sont encouragés à développer un projet de rénovation par des dispositions législatives et réglementaires incitatives. Je pense notamment aux propriétaires bailleurs qui ne peuvent plus louer un logement classé F ou G. C’est pourquoi certaines copropriétés ont décidé, par obligation davantage que par conviction, de remettre à l’ordre du jour des projets de rénovation. Nous sommes convaincus que les demandes déposées par des copropriétés vont augmenter dans les années à venir. Il faut compter six ans, en moyenne, entre l’inscription du dossier à la première assemblée générale de copropriété et sa réalisation. Cette politique s’inscrit dans le temps long.

Néanmoins, je tiens à réaffirmer que toutes les réformes opérées depuis quelques années tendent à conforter les porteurs de projets, car elles ont toutes accru le budget de l’Anah. Celui-ci est passé de 700 millions d’euros en 2019 à 6,2 milliards d’euros en décembre 2023, pour retomber à 5,2 milliards d’euros après le décret d’annulation. Bref, sur le plan budgétaire, la montée en puissance est incontestable, et assez rapide.

J’insiste une nouvelle fois sur le rôle primordial des collectivités territoriales. Sur le terrain, les espaces conseils et les associations chargées d’accompagner les ménages délivrent des informations au cas par cas. Ce maillage est entre les mains des collectivités territoriales. D’ailleurs, en tant que président d’une agglomération, c’est à moi qu’il appartient d’adresser un courrier à chaque ménage bénéficiaire pour l’informer du montant de la subvention accordée. Au passage, je rappellerai que l’Anah accompagne aussi nos compatriotes sur des travaux de confort, et participe à l’humanisation des centres d’hébergement d’urgence sur tout le territoire national.

J’ajoute que toutes les collectivités territoriales n’accompagnent pas de la même manière les dispositifs de l’Anah. Aucune d’entre elles ne « double » ces aides, pour répondre à l’intervention d’un orateur. Au maximum, le complément versé par la collectivité représente 10 % des aides de l’Anah. Ce pourcentage peut paraître faible, mais il permet parfois aux ménages les plus modestes de bénéficier d’une prise en charge intégrale des dépenses engagées pour une rénovation d’ampleur. D’autres collectivités locales font le choix d’exonérer de la taxe foncière sur les propriétés bâties les ménages qui s’engagent dans des travaux de rénovation accompagnés par l’Anah. Pour l’instant, 400 communes seulement ont instauré cette mesure, ce qui laisse une marge de progression.

Je précise que 53 % des aides de MaPrimeRénov’ sont perçues par des ménages vivant en milieu rural.

Nous accompagnons aussi les collectivités locales à travers les programmes Action cœur de ville (ACV) et Petites villes de demain, qui incluent des dossiers de rénovation confort ou de rénovation thermique sur du patrimoine vacant. Sachez que lors de notre dernier conseil d’administration, nous avons voté la mise en place d’une prime de 5 000 euros pour la remise sur le marché, dans le monde rural, de logements vacants depuis plus de deux ans.

La politique publique de rénovation est récente, puisqu’elle a été lancée en 2020. Nous nous efforçons de faire évoluer cette politique publique pour répondre aux attentes de nos concitoyens, en fonction des retours des ménages, afin de gagner en performance.

Sur les 28 000 dossiers instruits chaque semaine, des points de blocage ou des situations sans précédent sont inévitables. Chacun de ces dossiers est un cas particulier.

Mme Valérie Mancret-Taylor. Pour compléter vos propos, monsieur le président, je voudrais revenir sur la politique de l’habitat privé. Comme nous l’avons expliqué à plusieurs reprises, il s’agit d’une politique complexe. De fait, 20 millions de ménages sont potentiellement éligibles à une aide à la rénovation énergétique, et ces ménages ne sont pas des professionnels du bâtiment.

Cette réalité doit impérativement être rappelée, car il importe de comprendre que les décisions décrétées depuis Paris ne peuvent pas s’appliquer immédiatement sur l’ensemble du territoire. Les résultats constatés en fin d’année ne peuvent être strictement alignés avec les objectifs prévisionnels. Nous nous adressons à des ménages aux revenus très contrastés, qui habitent dans des territoires différents et bénéficient de politiques locales et de dispositifs d’accompagnement hétérogènes. La réussite de la politique publique de rénovation dépend donc étroitement de « l’écosystème » de la rénovation de l’habitat privé, qui mobilise de nombreux acteurs.

En ce qui concerne les objectifs assignés à l’Agence, ils découlent directement des trajectoires de la planification écologique à horizon 2030 et 2050. Nous savons que l’atteinte des objectifs peut être plus ou moins facile d’une année à l’autre. Il est donc nécessaire de dresser chaque année un bilan des chiffres clés pour retirer des enseignements du terrain. Au-delà des aides de l’Anah et des aides complémentaires des collectivités territoriales, les décisions des ménages sont aussi influencées par le contexte national, européen et international. Avant de prendre la décision de réaliser des travaux, chaque ménage s’informe. Au moment du « passage à l’acte », il se questionne de nouveau sur toutes les conséquences de son projet.

Ainsi que vous l’avez rappelé, de nombreux dossiers MaPrimeRénov’ ont connu des difficultés en 2021, pour des raisons diverses. Depuis lors, ce nombre a diminué.

Je vous remercie, madame la députée Marie-Christine Dalloz, d’avoir précisé que nous avons répondu à vos saisines. Nous le faisons systématiquement. Nous avons d’ailleurs créé une équipe dédiée en 2021 pour faire en sorte que ces ménages puissent être aidés à retrouver le chemin de l’accès à l’aide. Par ailleurs, nous avons signé un partenariat avec les maisons France services afin qu’elles puissent accompagner les ménages éloignés du numérique.

S’agissant de la fin de gestion de l’année 2023, vous avez eu raison, monsieur le rapporteur général, de mentionner l’effet de l’attentisme. Suite à la revalorisation annoncée par le Gouvernement dès le mois d’octobre, certains ménages ont préféré attendre l’année 2024 pour déposer leur dossier.

En ce qui concerne l’impact des budgets rectificatifs votés par l’Agence en fin d’année 2023, je tiens à vous rassurer sur le fait qu’il n’a pas été nécessaire de ponctionner la trésorerie de l’établissement. À fin décembre 2023, les comptes de l’Agence affichaient en effet plus d’un milliard d’euros de trésorerie. Les ressources de l’Anah sont donc suffisantes pour assurer la délivrance des aides. Elles sont alimentées par les transferts de crédits au titre des budgets opérationnels de programme 174 et 135 et par les recettes des quotas carbone.

Vous nous avez aussi interrogés sur les volumes. Je voudrais souligner que la rénovation globale représente 10 % de l’activité de l’Agence. Chaque année, 10 % des aides MaPrimeRénov’ concernent des aides à la rénovation globale, permettant d’atteindre un gain énergétique de 50 % en procédant à trois types de travaux : isolation, ventilation et changement de source d’énergie.

L’objectif initial pour 2024 était effectivement fixé à 700 000 rénovations énergétiques, dont 500 000 par geste et 200 000 en rénovation globale. La cible de rénovations globales pour 2024 représentait donc près de trois fois le résultat obtenu en 2023, à savoir 71 000 rénovations globales. Les ambitions avaient donc été très fortement rehaussées.

Il est encore trop tôt pour savoir comment ces objectifs vont être révisés. Nous attendons de connaître les notifications qui découleront des annulations de crédit dans le budget de l’État. Dans tous les cas, le conseil d’administration devra voter un budget rectificatif dans les prochaines semaines ou les prochains mois. Pour autant, tous les crédits délégués dans les territoires ne sont pas remis en cause. L’Anah pourra donc continuer à traiter et instruire les dossiers reçus.

Vous avez également soulevé la question de l’adaptation à l’architecture. Bien entendu, un ménage vivant en centre urbain dans un immeuble des années 1950 a des préoccupations radicalement différentes de celles d’un ménage habitant une ferme ancienne en milieu rural. Il est donc indispensable d’accompagner les demandeurs dans leur projet pour établir un diagnostic de leur logement et identifier les travaux susceptibles de leur offrir le meilleur gain énergétique et de réduire leur consommation d’énergie – et, par voie de conséquence, les émissions de gaz à effet de serre.

Nos deux enquêtes qualitatives et quantitatives annuelles montrent que certains ménages ne sont pas intéressés par une rénovation globale. Ils ont parfaitement compris que la politique publique reposait sur deux objectifs : la décarbonation, d’une part, et la diminution de la consommation énergétique, d’autre part. Dans un premier temps, certains foyers souhaitent privilégier l’objectif de décarbonation, en optant pour une nouvelle source d’énergie. Je rappelle que les ménages sont les seuls décisionnaires et maîtres d’ouvrage : ni l’Anah, ni l’État, ni la collectivité territoriale, ni même l’entreprise ne décident à leur place.

À travers le service public France Rénov’, à travers les réseaux d’accompagnateurs et d’espaces conseils, nous nous efforçons cependant de convaincre les ménages vivant dans une passoire thermique qu’ils ont tout intérêt à privilégier une rénovation d’ampleur pour réduire leur consommation tout en adoptant une source d’énergie décarbonée. S’ils se contentent de changer de source d’énergie sans isoler leur logement, leur facture électrique risque de grimper de manière très significative.

De mon point de vue, tous les acteurs sollicités par un ménage habitant une passoire thermique ont le devoir de l’orienter vers une rénovation globale. Cette responsabilité incombe aussi aux artisans et aux entreprises du bâtiment.

La politique publique de rénovation sera d’autant mieux mise en œuvre que le réflexe de s’adresser aux conseillers France Rénov’ pour obtenir des informations est diffusé parmi la population.

L’Agence dispose désormais d’un budget de 5,3 milliards d’euros, après la coupe d’un milliard annoncée par l’État. Ce montant reste considérable. Plus de deux millions de ménages ont déjà bénéficié de MaPrimeRénov’. Je tiens à réaffirmer que le milliard ponctionné sur le budget de l’Anah, compte tenu du temps d’appropriation de la réforme par l’ensemble des acteurs et du démarrage de l’activité plus lent qu’escompté, n’entraîne pas de difficulté majeure pour 2024. Cette situation est certes très atypique, mais le budget alloué à l’Agence demeure très ambitieux.

À propos du rôle des territoires, il faut savoir que 400 structures ont été agréées, pour un total de 3 000 accompagnateurs MaPrimeRénov’ sur l’ensemble du territoire. Leurs adresses sont consultables sur le site internet France Rénov’. Il suffit de se connecter à cette plateforme ou de composer le numéro du service public pour être mis en relation avec l’accompagnateur le plus proche de son domicile. En outre, 600 autres structures ont déposé une demande d’agrément et devraient être agréées dans les prochains mois. Le financement des accompagnateurs est assuré par l’État, au travers de son opérateur l’Anah, et au travers des collectivités territoriales.

L’Anah existe depuis plus de cinquante ans et possède une solide expérience de la contractualisation avec les territoires, qui est aux mains des préfets. En 2023, nous avons accompagné plus de 1 000 opérations programmées d’amélioration de l’habitat sur l’ensemble du territoire national, contre près de 500 en 2019. D’autre part, il existe 577 espaces conseils France Rénov’ financés. Les contractualisations permettent de financer le service public et la dynamique d’« aller vers ». Elles font l’objet de délibérations du conseil d’administration de l’Anah, afin d’aller vers des pactes territoriaux renouvelés. Ceux-ci permettront de financer, au travers d’un seul contrat avec les collectivités, à la fois les espaces conseils et les opérations programmées d’amélioration de l’habitat.

Par ailleurs, en novembre 2023, le conseil d’administration de l’Agence a pris une décision en faveur des petites copropriétés. Le pourcentage de lots d’habitation à rénover pour bénéficier des aides de l’Anah a été abaissé de 75 % à 65 %, et cette évolution a pris effet dès le mois de décembre.

Enfin, voici quelques chiffres sur les dynamiques observées en 2024. Très faible en janvier, l’activité est repartie à la hausse en février, et le mois de mars confirme cette tendance. Nous recevons actuellement 25 000 appels par semaine sur le site France Rénov’. Depuis le 1er janvier 2024, 33 524 comptes ont été créés sur le parcours par geste, 7 820 comptes sur le parcours accompagné (rénovations globales) et 5 704 comptes sur MaPrimeAdapt’. Ces progressions sont très encourageantes.

M. le président Éric Coquerel. Je suis d’avis qu’il serait bon de ne pas autoriser les rénovations partielles lorsqu’elles sont inutiles, mais favoriser autant que possible les solutions de rénovation complète dans ce cas.

Monsieur le président, Madame la directrice générale, je vous remercie.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

 

Réunion du mardi 19 mars 2024 à 16 heures 30

 

Présents. - M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Mickaël Bouloux, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Fabien Di Filippo, M. David Guiraud, Mme Nadia Hai, M. Alexandre Holroyd, M. François Jolivet, M. Mohamed Laqhila, M. Pascal Lecamp, Mme Véronique Louwagie, M. Damien Maudet, Mme Mathilde Paris, Mme Christine Pires Beaune, M. Xavier Roseren, Mme Eva Sas

Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, M. Joël Giraud, M. Emmanuel Lacresse, M. Tematai Le Gayic, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, M. Charles Sitzenstuhl

Assistaient également à la réunion. - M. Didier Padey, M. Jean-Luc Warsmann