Compte rendu
Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République
– Examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à poursuivre la dématérialisation de l'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (n° 2618) (M. Ludovic Mendes, rapporteur) 2
– Examen du rapport de la mission d’information sur la hausse du nombre de refus d’obtempérer et les conditions d'usage de leurs armes par les forces de l'ordre (MM. Thomas Rudigoz et Roger Vicot, rapporteurs) 16
– Décision, en application de l’article 148, alinéa 3, du Règlement, sur les pétitions renvoyées à la Commission (Mme Laure Miller, rapporteure) 16
– .........................................Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi constitutionnelle visant à constitutionnaliser la sécurité sociale (n° 2472) (M. Pierre Dharréville, rapporteur) 36
– Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi constitutionnelle tendant à la création d'une commission permanente aux collectivités territoriales et aux outre-mer (n° 2471) (M. Davy Rimane, rapporteur) 36
– Information relative à la Commission................ 37
Mercredi
29 mai 2024
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 75
session ordinaire de 2023-2024
Présidence
de M. Sacha Houlié,
Président
— 1 —
La séance est ouverte à 9 heures.
Présidence de M. Sacha Houlié, président.
La Commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à poursuivre la dématérialisation de l'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (n° 2618) (M. Ludovic Mendes, rapporteur)
Lien vidéo : https://assnat.fr/uTib2C
M. le président Sacha Houlié. Nous commençons par l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à poursuivre la dématérialisation de l’état civil du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE).
En effet, le Gouvernement a choisi d’inscrire cette proposition de loi sénatoriale à son ordre du jour réservé mercredi prochain. Ce calendrier resserré – le texte ayant été déposé le 18 mars et adopté par le Sénat le 14 mai – s’explique par la nécessité de prolonger une expérimentation qui doit prendre fin le 10 juillet.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. Le MEAE gère l’état civil consulaire, c’est-à-dire les actes d’état civil qui concernent les Français de l’étranger. Le service central d’état civil, localisé à Nantes, est chargé d’exploiter ces actes, d’établir les actes des personnes qui acquièrent la nationalité française ainsi que de transcrire les actes d’état civil étrangers.
La loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour organiser une expérimentation de l’exploitation des actes de l’état civil dont le MEAE est dépositaire.
L’ordonnance du 10 juillet 2019 et le décret du 26 septembre 2019 ont défini les modalités de cette expérimentation. Un registre électronique centralisé et un système de gestion des données de l’état civil ont été créés. Dans le cadre de l’expérimentation, un acte de l’état civil établi et signé électroniquement a la même valeur authentique qu’un acte de l’état civil papier, signé de manière manuscrite par un officier de l’état civil.
L’expérimentation, qui devait durer trois ans, a été prolongée pour deux ans par la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS.
À l’heure actuelle, à l’exception du volet relatif à la délivrance, les développements informatiques ne sont pas aboutis. Outre la crise sanitaire, qui a compliqué les rencontres entre les équipes, la complexité du processus aurait été sous-estimée lors de l’établissement du calendrier, ce qui explique ce retard.
Selon le nouveau calendrier prévisionnel envisagé par le responsable de projet, les développements informatiques pourraient être achevés à la fin 2025. Or, en l’absence de modification législative, l’expérimentation se terminera le 10 juillet prochain.
Cette proposition de loi procède en conséquence à deux modifications.
L’article 1er pérennise le volet de l’expérimentation relatif à la délivrance : il modifie ainsi l’article 101-1 du code civil pour prévoir la possibilité de délivrer des copies ou des extraits d’acte d’état civil établis par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères sur support électronique.
Il était déjà possible de formuler sa demande d’acte d’état civil en ligne ; depuis mars 2021, il est en outre loisible de choisir une transmission par la voie dématérialisée. Le document est ainsi déposé sur l’espace documentaire du site service-public.fr.
Deux rapports d’évaluation ont souligné le succès de la délivrance par la voie dématérialisée. La dématérialisation a entraîné une réduction des délais de délivrance, qui sont passés de dix jours avant 2021 à quatre jours aujourd’hui. Elle garantit aussi la bonne réception des documents, notamment dans des pays où les services postaux ne sont pas très fiables. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre octobre 2022 et octobre 2023, 93,5 % des délivrances d’actes ont été dématérialisées.
La dématérialisation présente deux avantages essentiels pour l’administration : elle permet une réduction des coûts, grâce à la diminution du nombre de courriers mis sous pli et affranchis et, surtout, elle limite les risques de fraude aux documents d’état civil.
L’article 2 prolonge l’expérimentation jusqu’au 10 juillet 2027, soit pour trois ans supplémentaires, ce qui doit permettre d’achever les développements informatiques et de tester le système avant de le pérenniser.
Le Sénat a complété le texte en prévoyant que le Gouvernement présente chaque année devant l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) l’état d’avancement et le bilan provisoire de l’expérimentation. Il a en outre souhaité que cette présentation soit suivie d’un débat.
Comme me l’ont indiqué la présidente de l’AFE et la présidente de sa commission des lois, des règlements et des affaires consulaires, le Gouvernement se prête en réalité déjà à cet exercice, à l’occasion de la présentation du rapport sur la situation des Français établis hors de France. Il paraît donc opportun de préciser dans la loi, comme l’a fait le Sénat, qu’à l’occasion de ce débat annuel, l’AFE peut également débattre de l’expérimentation.
Les représentantes de l’AFE m’ont fait part de leur satisfaction quant à la mise en œuvre de ce projet, qui participe à la modernisation des procédures pour les Français de l’étranger.
Je vous propose donc d’adopter le texte dans la version adoptée par le Sénat.
M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Frédéric Petit (Dem). Le sujet dont traite la proposition de loi constitue une préoccupation pour tous les Français résidant à l’étranger. Dans certains pays, il faut prendre l’avion ne serait-ce que pour faire un papier. Depuis 2017, des progrès ont été réalisés ; les mentalités ont évolué dans l’administration, en particulier quant à l’usage des nouvelles technologies, même si nous ne sommes pas encore les plus avancés dans ce domaine. Dans l’un des pays qu’englobe ma circonscription, on peut obtenir un passeport en trois jours.
Il reste deux problèmes à régler, sur lesquels le texte permet d’avancer. Premièrement, nous sommes confrontés à ce que j’appelle l’exotisme exagéré de l’administration. Autrement dit, notre administration a souvent tendance à considérer que les problèmes des Français de l’étranger peuvent être résolus dans un second temps, ce qui ne se justifie guère en matière numérique. Ainsi, concernant l’identité numérique, les Français de l’étranger ont été exclus des premières expérimentations en dépit de leur expertise en la matière. Deuxième problème : l’administration avance systématiquement en silo sur ces sujets novateurs. Or les avancées en matière d’identité numérique auront nécessairement des répercussions sur la dématérialisation. De même, les progrès dans le domaine de l’identité numérique permettront de faciliter et de renforcer le vote électronique. Il faut donc changer ce mode de fonctionnement.
Ce projet pilote doit être prolongé, car il donnera le temps à toutes les administrations de travailler ensemble, ce qu’elles ne sont pas habituées à faire. De tels projets, dont on peut regretter parfois la lenteur de leur mise en œuvre, s’inscrivent dans le processus de modernisation et de transformation de notre administration. Le MODEM votera la proposition de loi sans modification.
M. Michel Guiniot (RN). L’ordonnance du 10 juillet 2019 a permis au Gouvernement de procéder à la dématérialisation de l’établissement, de la conservation, de la gestion et de la délivrance des actes d’état civil relevant du MEAE – les actes de naissance, de mariage ou de décès établis à l’étranger, ainsi que les actes relevant du décret du 1er juin 1965. Ces actes, dont l’établissement relève des consuls et des ambassadeurs, sont gérés par le service central d’état civil, à Nantes. Dans le cadre de l’expérimentation, a été créé le registre de l’état civil électronique, qui a été identifié comme une réforme prioritaire de l’État. L’ordonnance a institué une expérimentation de trois ans – qui a été prolongée de deux ans supplémentaires – et a prévu, à des fins de contrôle, la transmission de rapports d’évaluation au Parlement.
Si les intentions étaient louables – améliorer la réactivité du service public et réduire les dépenses publiques –, on ne peut tirer qu’un bilan partiel de l’expérimentation. En effet, les deux rapports d’évaluation transmis au Parlement, conformément à l’article 12 de l’ordonnance de 2019, n’ont pu se prononcer sur l’ensemble des composantes de l’expérimentation, faute d’éléments en quantité suffisante à analyser. Privilégiant le service à l’usager, la direction des Français de l’étranger a en effet accordé la priorité, dans un premier temps, à la dématérialisation de la délivrance des copies et des actes d’état civil, au détriment des autres volets de l’expérimentation, qui concernent davantage le fonctionnement de l’administration.
Si l’on considère l’objectif initial de rendre le service public plus confortable pour les agents et plus réactif pour les usagers, les résultats obtenus sont mitigés. Un retard a été pris du fait des crises sanitaires ; ainsi, le délai moyen de traitement a augmenté, passant de huit jours et demi en 2021 à quatorze jours en 2023. On note une augmentation des crédits : alors qu’ils s’élevaient à 5 millions dans le budget prévisionnel, les dépenses ont atteint 11,35 millions en 2023. Par ailleurs, l’équipe a été renforcée par vingt et un assistants externes. Dans le même temps, l’administration a réalisé des économies en supprimant onze équivalents temps plein (ETP) en 2021, dont trois postes de catégorie C, plutôt que de rattraper le retard qui a été pris, ce qui a mis les agents sous pression et placé les usagers dans l’expectative. Les dépenses évitées devraient être de l’ordre de 1,3 million d’euros annuellement, selon les données de 2021.
L’article 1er inscrit dans le code civil la possibilité de délivrer les actes d’état civil établis par le ministère des affaires étrangères sur support électronique.
L’article 2 proroge l’expérimentation jusqu’au 10 juillet 2027 et prévoit la transmission de rapports à l’Assemblée des Français de l’étranger ainsi que la présentation annuelle, devant cette instance, de l’état d’avancement des travaux. Il est regrettable que cette disposition ne s’applique pas au Parlement.
Ce texte a pour ambition d’améliorer l’accessibilité des services publics et de renforcer les moyens engagés pour les Français de l’étranger, comme pour les Français d’origine étrangère. Il convient de poursuivre l’expérimentation afin de déterminer si le nouvel outil permet vraiment de faciliter la vie de nos concitoyens. Notre groupe votera donc en faveur du texte.
Mme Marietta Karamanli (SOC). Nous examinons un texte important pour nos concitoyens. L’authenticité de l’acte d’état civil découlant, en application de l’article 40 du code civil, d’une signature manuscrite de l’officier d’état civil, une loi est nécessaire pour autoriser la dématérialisation.
La proposition de loi concerne non seulement les Français de l’étranger mais aussi ceux qui ont connu un événement relevant de l’état civil à l’étranger. Dans le premier cas, les délais de délivrance sont désormais de deux jours au lieu de quinze à trente jours. Le coût de l’expérimentation, qui a commencé il y a cinq ans, s’élève déjà à 5 millions et il est appelé à doubler.
La deuxième partie de l’expérimentation, qui concerne la déclaration en ligne des événements d’état civil survenus à l’étranger et qui consacre la dématérialisation complète du traitement des actes, a seulement été lancée en 2024. Alors qu’elle doit prendre fin le 10 juillet, le texte la prolonge jusqu’au 10 juillet 2027, ce qui porterait sa durée totale à huit ans.
Notre groupe soutiendra évidemment le texte, car il est essentiel d’assurer le déploiement du dispositif dans son ensemble.
Toutefois, la mise en œuvre de l’expérimentation révèle une façon de faire peu moderne. Dans le domaine informatique, les moyens engagés, tant sur le plan des ressources humaines que de l’équipement, ont été limités. Il semble que les équipes nécessaires aient été réaffectées, au fil du temps, à d’autres projets au sein du ministère. Cela soulève des interrogations sur la manière dont le projet a été conduit. L’investissement dans les outils informatiques au bénéfice des Françaises et des Français de l’étranger doit être une priorité. Chaque année, les moyens budgétaires nécessaires font l’objet d’âpres discussions.
Il faut mettre en perspective la dématérialisation en ayant deux principes à l’esprit. D’une part, le service de l’état civil doit rester accessible à celles et ceux qui ne sont pas familiers d’internet ou qui ne disposent pas d’un accès à celui-ci, ce qui n’est pas si rare dans les régions éloignées. D’autre part, le service par internet doit être fiable, ce qui suppose que l’application soit non seulement disponible mais aussi que son fonctionnement et sa sécurité soient garantis de manière durable. Je compte sur vous pour relayer ces demandes auprès du ministère.
M. Philippe Pradal (HOR). Notre code civil consacre, en son article 40, la signature manuscrite de l’officier d’état civil comme garante de l’authenticité d’un acte d’état civil. Les actes sont donc exclusivement établis sur papier, et leur délivrance est faite soit en mains propres, soit par la voie postale. Le support papier présente plusieurs avantages, dont celui de faciliter la conservation sur un ou plusieurs registres, en double exemplaire.
Toutefois, les progrès technologiques, notamment concernant la signature électronique authentifiée et sécurisée, peuvent grandement sécuriser l’ensemble du traitement des actes d’état civil. La dématérialisation a déjà commencé : le dispositif Comedec (communication électronique des données de l’état civil) permet à nos concitoyens de demander une copie ou un extrait d’acte par la voie électronique. C’est un progrès qu’il faut souligner. La plateforme service-public.fr est une solution très prisée par les Français pour l’ensemble de leurs démarches administratives.
Nous pouvons et devons aller plus loin. Pour nos concitoyens résidant à l’étranger, la demande d’un extrait ou d’une copie d’un acte d’état civil pouvait être particulièrement longue et contraignante. L’envoi postal faisait courir le risque que l’acte ne soit pas délivré à temps, voire qu’il soit perdu. C’est pourquoi le Gouvernement a été habilité en 2018 à légiférer par ordonnance pour expérimenter la dématérialisation du traitement des actes déposés au service central de l’état civil du MEAE. La dématérialisation de la délivrance des actes d’état civil est effective depuis mars 2021, mais pour presque 1,7 million de nos concitoyens inscrits au registre des Français résidant hors de France, la dématérialisation du registre permettant l’établissement, la mise à jour et la conservation de ces actes n’est pas encore parfaitement opérationnelle.
Cette proposition de loi, qui vise à poursuivre la dématérialisation de l’état civil du MEAE, est à la fois opportune et nécessaire. Il paraît bienvenu, au vu du succès de la dématérialisation de la délivrance de ces actes, de pérenniser le dispositif. La dématérialisation est largement plébiscitée par les Français établis hors de France et a déjà permis à l’administration d’économiser 1,3 million de frais postaux annuels. Il est tout aussi nécessaire, voire urgent, eu égard aux contraintes techniques liées à l’établissement, à la mise à jour et à la conservation de ces actes, d’étendre la période d’expérimentation de la dématérialisation qui, en l’état actuel du droit, doit se terminer le 10 juillet.
La proposition de loi permet de franchir une étape supplémentaire dans la simplification des démarches administratives sans faire disparaître l’accès au mode traditionnel de délivrance de ces actes. En conséquence, le groupe Horizons votera en sa faveur.
M. Karim Ben Cheikh (Écolo-NUPES). La proposition de loi visant à poursuivre la dématérialisation de l’état civil du ministère de l’Europe et des affaires étrangères est prioritaire pour les Français de l’étranger. En effet, elle touche au lien fondamental qui les unit à la nation. Si l’expérimentation en cours est loin d’avoir atteint ses objectifs, selon le rapport conjoint des inspections du MEAE et du ministère de la justice, son bilan est d’ores et déjà positif : le service central d’état civil a délivré plus de 1 million de copies et d’extraits d’actes aux usagers en 2022, dont 99,5 % par le biais du registre d’état civil électronique créé par cette expérimentation. Pour certaines catégories d’usagers, les délais de délivrance ont ainsi été considérablement raccourcis, passant de trente à trois jours voire, pour certains, de trois mois à trois jours. Nous voterons donc en faveur de ce texte car il s’agit d’une avancée essentielle que nous appelons à pérenniser parallèlement à une densification du réseau d’agents d’état civil.
Cela étant, nous regrettons que quatre des cinq objectifs fixés par la loi n’aient été ni atteints ni évalués dans le rapport des inspections. Outre la sous-évaluation de la complexité du projet et le retard dû au covid-19, cette étude révèle que des moyens humains et financiers ont manqué pour atteindre plus rapidement les objectifs assignés.
Au cours des dernières années, la gestion des actes d’état civil, en ce qui concerne nos compatriotes établis à l’étranger, montre que nous faisons encore trop peu et pas assez vite. Que ce soit au Burkina Faso, au Niger ou au Sénégal, ils m’interpellent souvent, en ma qualité de député des Français de l’étranger, pour me faire part des difficultés qu’ils éprouvent dans leurs démarches liées à l’état civil. Le projet de dématérialisation doit être pensé pour réduire les délais mais ne doit pas occulter le manque de postes. Il est complémentaire de l’indispensable renforcement des moyens humains. La complexité du travail de l’état civil nécessite une connaissance locale et fine des différents types d’états civils étrangers. Un pays comme le Liban, où j’ai eu l’honneur d’officier en qualité de consul général, ne compte pas moins de dix-huit états civils différents comportant des caractéristiques propres.
Comme l’indique le rapport d’évaluation des ministères, la dématérialisation totale, qui permettrait d’établir des actes d’état civil complexes, n’est pas encore à notre portée d’un point de vue technique. Nos postes consulaires disposent de ressources humaines trop réduites – je le constate à chaque déplacement en circonscription ou encore récemment à Madagascar. Certains consulats accusent des retards importants dans la transcription d’actes d’état civil, qui peut prendre plusieurs années. C’est, là, un enfant qui ne peut entrer en maternelle car sa famille attend toujours la transcription de son acte de naissance depuis trois ans ou, ailleurs, des levées d’actes qui ne peuvent se faire car elles nécessitent des déplacements d’agents qui n’existent plus dans des mairies lointaines. Partout, j’ai rencontré des équipes exsangues, en sous-effectif structurel, situation qui serait inconcevable pour un service public situé sur le territoire français.
Les demandes de nos concitoyens résidant à l’étranger en matière de dématérialisation sont loin de concerner seulement l’état civil. Les Français résidant à Niamey – au Niger –, à Fianarantsoa – à Madagascar –, à Bobo-Dioulasso – au Burkina Faso – ou encore à Saint-Louis du Sénégal souhaitent par exemple voter pour les prochaines élections européennes mais ne disposent pas de bureau de vote. Le nombre de bureaux de vote a diminué, à l’instar des représentations consulaires. La procédure de vote électronique, valable pour les élections consulaires ou législatives, n’est pas prévue pour les élections européennes ou présidentielles. Quand bien même ce serait le cas, cette modalité est aujourd’hui largement perfectible – je peux en témoigner. En outre, la dématérialisation complète de la procuration, qui est possible pour les Français vivant sur le territoire national, n’est pas proposée pour nos compatriotes établis hors de France.
C’est pourquoi nous devons nous assurer que les gains potentiels de la dématérialisation seront redéployés au service des Français établis hors de France afin de renforcer les moyens humains et budgétaires, tant à Nantes qu’au sein de notre réseau consulaire.
Mme Amélia Lakrafi (RE). L’intérêt et la nécessité de cette proposition de loi ont été rappelés avec une grande clarté par M. le rapporteur et nos collègues, toutes familles politiques confondues. L’expérimentation a pour objet, à terme, de créer un registre d’état civil géré de bout en bout de manière électronique. Par ce texte, nous entérinons ce qui fonctionne déjà, et de manière satisfaisante : la délivrance numérique des actes. Nous offrons plus de temps pour parachever l’établissement, la mise en œuvre et la conservation dématérialisés des actes.
Par cette prorogation, nous rendons possible une modernisation majeure du service public – je dirais même une petite révolution. Une petite révolution, d’abord, dans l’approche de la gestion de l’état civil : l’expérimentation déroge en effet au droit commun, car la règle est celle du support papier comportant les signatures et les mentions manuscrites que nous connaissons. Le MEAE fait donc, en quelque sorte, office de laboratoire de la simplification. Il ne faut pas mésestimer la technicité que requiert une telle évolution car l’objectif consistant à garantir la sécurité des actes et des données personnelles est particulièrement complexe.
Nous sommes amenés à prolonger pour la deuxième fois la durée de l’expérimentation. Le rapport du Sénat s’en est ému, regrettant un manque d’anticipation du Gouvernement et de l’administration. Permettez-moi, à l’inverse, de saluer l’engagement de tous ceux qui sont à pied d’œuvre pour donner toutes les chances de succès à ce changement majeur.
C’est ensuite une petite révolution pour les usagers. Quelque 15 millions d’actes relèvent aujourd’hui du MEAE ; ils ne concernent pas seulement nos citoyens établis hors de France. Toutefois, en ma qualité de députée des Français de l’étranger, je peux témoigner du fait que ceux-ci attendent impatiemment la dématérialisation. La délivrance des actes par voie numérique, qui est opérationnelle depuis 2021, est déjà accueillie avec beaucoup d’enthousiasme. Dans un pays où le service postal est défaillant, l’accomplissement d’une formalité administrative exigeant la production d’une copie d’acte de naissance de moins de trois mois peut vite s’avérer kafkaïen lorsque l’envoi papier demeure la règle. Les usagers dont l’acte relève du MEAE ne connaissent heureusement plus ces difficultés.
L’établissement des actes et leur mise à jour par la voie numérique constitueront une autre avancée majeure. Déclarer ou transcrire une naissance, un décès, un mariage : toutes ces formalités centrales dans la vie d’un Français demeurent complexes pour bon nombre de nos concitoyens résidant à l’étranger. Les contraintes liées à ces démarches peuvent aussi nuire à l’image de nos consulats, accusés à tort par certains usagers de manquer de souplesse ou d’agilité. Nos agents sont ainsi trop souvent la cible d’un mécontentement qui s’exprime parfois avec beaucoup d’agressivité.
En définitive, tout le monde a intérêt à ce que cette expérimentation soit conduite à son terme dans les meilleures conditions et dans l’intégralité de son périmètre. Il nous revient de lui donner toutes ses chances. Le groupe Renaissance soutient donc sans réserve ce texte et salue une nouvelle fois l’engagement du ministère dans ce projet.
M. Philippe Gosselin (LR). C’est la troisième fois que nous nous penchons sur cette expérimentation, qui a été instituée en 2019 et prorogée en 2022, signe qu’elle n’est pas si simple à mener – même s’il faut, naturellement, tenir compte de la période du covid.
Nous saluons cette initiative, car il nous appartient de faciliter l’accès de nos concitoyens au service public. À cet égard, je me réjouis que plus de 1,2 million de Français se déclarent satisfaits de ce service – qui permet, au surplus, la réalisation d’économies sur les frais d’envoi.
Si le bilan de l’expérimentation est plutôt positif, on relève tout de même un certain nombre de facteurs de complexité et de retards, qui soulèvent la question des moyens humains et financiers.
Il faut poursuivre l’expérimentation, non seulement en raison de ce bilan mitigé, mais aussi parce que l’on a sous-estimé la problématique de la sécurité. L’établissement de l’état civil est une prérogative éminemment régalienne. Depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, le français est la langue de l’État. Avant la Révolution, les registres paroissiaux étaient, dans l’ensemble, assez complets. Par la suite, cette attribution a été officiellement confiée aux communes, qui l’ont exercée au nom de l’État, ce qui illustre l’importance de la fonction.
Au-delà des questions touchant à l’identité, dans la mesure où les actes d’état civil servent désormais à l’établissement d’autres documents et à l’ouverture de droits, il importe qu’ils soient d’une fiabilité absolue. Or, si l’expérimentation, en tant que telle, ne semble pas poser de problème particulier, il faut absolument veiller à ce que l’établissement des actes, comme leur transfert, soit parfaitement sécurisé. Cela implique notamment de se protéger des cyberattaques, afin que les données de nos concitoyens ne se retrouvent pas dans la nature, et d’éviter toute falsification. Cela pose aussi la question de la protection et de la conservation des données personnelles, par exemple dans le cloud, et de la souveraineté numérique. Or, à ce stade, nous ne sommes pas totalement rassurés.
M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). Nous sommes réunis pour légiférer sur la dématérialisation des actes d’état civil du ministère des affaires étrangères pour nos compatriotes résidant à l’étranger ou, plus précisément, pour entériner le dispositif visant à gérer l’octroi des copies et extraits d’actes d’état civil, qui a été introduit par étapes entre 2019 et 2022, ainsi que sur la prolongation de l’expérimentation de la dématérialisation du traitement de l’état civil des Français de l’étranger, c’est-à-dire l’établissement, la mise à jour et la conservation des actes.
Si l’on en croit les retours d’expérience, le bilan du dispositif est plutôt mitigé. Certes, l’expérimentation présente des atouts considérables pour nos compatriotes présents sur tous les continents, mais elle a aussi des limites. Il est évident que la dématérialisation facilite l’accès de nos compatriotes vivant à l’étranger et résidant loin des services consulaires au service d’état civil, car elle leur évite de longs déplacements. Cependant, comme la Défenseure des droits l’a rappelé ici même, la dématérialisation n’est pas anodine, ni sans conséquence pour les usagers. Lors de notre niche parlementaire, en novembre 2023, ma collègue Danièle Obono a fait adopter une proposition de loi tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics, qui est plébiscitée par les usagers comme par les élus locaux. Il s’agit de ne pas fermer les guichets physiques et d’en rouvrir là où ils ont fermé pour garantir à toutes et tous le droit d’accès à un service public de qualité.
Si la dématérialisation peut faciliter les démarches de nombre de nos concitoyens, elle n’est pas un but en soi, mais seulement un moyen de garantir l’égal accès de tous aux services publics, qui est quant à lui un objectif de valeur constitutionnelle, déduit du préambule de la Constitution de 1946. Or en prévoyant d’expérimenter la fermeture des guichets d’ici 2027, vous méconnaissez cet objectif, puisque des régions entières du monde ont un accès limité à internet et que certains de nos compatriotes vivent dans des pays qui restreignent l’accès à des sites essentiels, y compris ceux de notre pays. Vous faites aussi fi des inégalités face au numérique.
Il faut un service informatique de qualité, capable de résister à la fois au hacking et aux fortes demandes. Or, lors d’une énième panne du portail du ministère des affaires étrangères en octobre 2023, les services, qui avaient été abondamment sollicités, ont suspendu les demandes d’extraits ou de copies d’actes en ligne pendant plusieurs jours. En conséquence, le délai de traitement des demandes peu urgentes a fortement augmenté et le nombre d’appels et de courriels a explosé. D’autres pannes ont par la suite entraîné la disparition de plusieurs demandes et de documents.
La dématérialisation suppose une amélioration constante de la technique, mais également des conditions de travail des personnels. Or, depuis septembre 2021, onze ETP ont été supprimés et le ministère a prévu d’en supprimer vingt de plus pour faire des économies – c’est la vraie raison du dépôt de ce texte. La plateforme ne doit pas être un cache-maltraitance et entraîner une déshumanisation, comme celle qu’a causée l’administration numérique pour les étrangers en France (Anef), avec la disparition progressive de l’accueil en préfecture, donc des fonctionnaires.
La dématérialisation répond peut-être à un besoin des usagers, mais elle ne saurait être synonyme d’inégalité d’accès aux services publics et de déshumanisation.
M. Davy Rimane (GDR-NUPES). Après la dématérialisation des démarches relatives à la carte grise, au permis de conduire, au renouvellement de la carte d’identité et au versement des prestations sociales, nous sommes réunis aujourd’hui pour discuter de la dématérialisation de l’état civil des Français de l’étranger.
Avant d’en venir au fond, je crois utile de dire un mot de la forme, et d’abord du fait que cette proposition de loi n’est qu’un projet de loi déguisé. Émanant d’une sénatrice Renaissance, elle évite au Gouvernement – et c’est là que le bât blesse – de produire une étude d’impact et de demander l’avis du Conseil d’État. Or si la dématérialisation peut apparaître comme une avancée, parce qu’elle permet de gagner du temps, elle laisse aussi de côté des millions de personnes qui ont des difficultés avec le numérique. Selon l’Insee, 15 % de la population française était en situation d’illectronisme en 2021 et, selon le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), 54 % des Français avaient des difficultés à effectuer des démarches administratives en ligne en 2022 – soit 16 % de plus qu’en 2020. En février 2020, la Défenseure des droits alertait sur les dérives que pouvait entraîner la dématérialisation totale des démarches ; elle a récidivé en février 2022 en rappelant que toute dématérialisation s’accompagne d’un transfert de charges administratives sur l’usager et sur l’ensemble des acteurs publics ou associatifs qui l’accompagnent.
On peut donc se féliciter que l’article 1er sorte de la logique un peu manichéenne du tout ou rien qui prévalait jusqu’ici en matière de dématérialisation. S’il pérennise dans le code civil la dématérialisation de la délivrance des copies et des extraits d’actes d’état civil établis par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, il n’en fait qu’une possibilité. Cela signifie que les usagers pourront toujours demander la délivrance d’une copie ou d’un extrait d’acte par courrier ou solliciter une impression. Nous proposerons toutefois d’inverser cette logique, afin que la délivrance d’un document papier reste la norme, et non l’exception, la délivrance sur support électronique se faisant seulement sur demande de l’usager.
L’article 2 proroge quant à lui, pour la deuxième fois et pour trois ans, l’expérimentation de la dématérialisation des autres volets de l’état civil, à savoir l’établissement, la mise à jour et la conservation des actes. Je veux d’abord souligner que, l’expérimentation ayant accusé un retard significatif, elle n’a pas pu être totalement déployée et n’a donc pas été pleinement évaluée. Par ailleurs, l’expérimentation, qui devait s’arrêter le 10 juillet 2022, a bénéficié d’une première prorogation, jusqu’au 10 juillet 2024. Le fait que l’on nous demande de la proroger une deuxième fois, alors que nous sommes déjà presque en juin, témoigne d’un manque d’anticipation du Gouvernement. On ne peut donc que se féliciter que les sénateurs aient conditionné cette deuxième prorogation à une transparence accrue du Gouvernement, qui devra présenter chaque année à l’Assemblée des Français de l’étranger l’état d’avancement de l’expérimentation et son bilan provisoire. Nous proposerons que ces informations soient également transmises au Parlement.
Enfin, si la dématérialisation peut améliorer la qualité du service rendu, elle ne doit pas être dictée par un objectif d’économies budgétaires, car elle risque de ne pas être acceptée, et surtout d’être inefficace. Alors même que, dans tous les consulats, les équipes sont sous tension, onze ETP ont été supprimés en 2021 et le ministère des affaires étrangères prévoit d’en supprimer vingt de plus. Ces suppressions de moyens humains interviennent, alors que, dans nombre des pays où nos ressortissants sont établis, il y a une antenne d’accueil physique. Ces pays peuvent être deux à trois fois plus étendus que l’Hexagone et n’assurent pas toujours un accès stable et sécurisé à internet.
Mme Emmanuelle Ménard (NI). Depuis 2019, le ministère des affaires étrangères expérimente la dématérialisation des documents d’état civil des Français de l’étranger. Compte tenu du bilan plutôt satisfaisant de l’expérimentation – on a compté plus de 1,2 million de demandes de copies ou d’extraits d’actes d’état civil sur le site service-public.fr en 2023 –, qui a simplifié les démarches et permis de faire des économies, à la fois pour le ministère et pour les usagers, il nous est proposé de pérenniser la dématérialisation de la délivrance des copies et des actes d’état civil et de prolonger pour trois ans l’expérimentation de la dématérialisation pour l’établissement, la mise à jour et la conservation de ces actes, afin d’alimenter un registre de l’état civil électronique, qui a été ouvert en janvier 2024, avec la création des premiers actes de l’état civil français nativement numérisés.
Je suis favorable à cette proposition de loi, mais j’ai tout de même deux petits bémols. D’abord, il me semble très important que tous les Français établis hors de France puissent accéder à des procédures non dématérialisées, quel que soit leur accès à internet. Les situations de fracture numérique restant fréquentes dans certains pays, il est indispensable que les usagers puissent adresser leur demande de copies ou d’extraits d’actes d’état civil par courrier postal et que cette possibilité soit expressément garantie par la loi. Ensuite, je crois qu’il faut prêter une attention particulière à la question cruciale de la conservation des données.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. Il me semble que tout le monde est plutôt satisfait de cette expérimentation, et c’est l’essentiel. Je comprends que l’obligation où nous sommes de la prolonger suscite des critiques, mais j’ai exposé les difficultés qui la justifient – problème de logiciel, covid, etc.
À ceux qui s’inquiètent de la sécurité du dispositif, je rappelle qu’une double authentification est nécessaire pour accéder au registre. Le risque le plus important identifié, est la corruption d’un agent du ministère pour pouvoir accéder à ce registre : c’est bien un risque humain et non numérique.
Vous vous interrogez, monsieur Rimane, sur l’opportunité de cette proposition de loi. Il se trouve que la sénatrice Samantha Cazebonne, qui l’a déposée, et qui représente les Français établis hors de France, ne fait que répondre aux besoins exprimés par nos concitoyens. Elle s’est fondée, pour écrire ce texte, sur le rapport d’évaluation de l’expérimentation.
Nous avons auditionné les différents services concernés et échangé avec l’Assemblée des Français de l’étranger. Ce qui ressort de ces discussions, c’est qu’il est essentiel de pérenniser le dispositif. Certes, la dématérialisation peut parfois poser des problèmes, lorsqu’il y a des difficultés d’accès à internet ou pour des gens éloignés du numérique, mais cette loi ne supprime pas la possibilité de formuler une demande par écrit et de recevoir des documents en version papier. Monsieur Rimane, vous voulez inverser la norme, mais il faut entendre les usagers, qui demandent plus de rapidité. Dans certains secteurs, il fallait jusqu’à trois mois pour obtenir un document en version papier, alors qu’il ne faut plus que trois jours grâce à la dématérialisation. Cet écart montre à lui seul l’intérêt de cette disposition.
Je crois que nous sommes tous convaincus, même si certains ont émis de petits bémols, et je vais tâcher de rassurer ceux qui ont encore des doutes. En refusant de pérenniser cette expérimentation, nous risquerions de mettre en difficulté des millions de nos concitoyens.
Amendements CL7 de M. Davy Rimane et CL1 de M. Michel Guiniot (discussion commune).
M. Davy Rimane (GDR-NUPES). Nous proposons de préciser que la délivrance des copies ou des extraits d’actes d’état civil sur support électronique ne pourra intervenir que sur demande de la personne concernée.
M. Michel Guiniot (RN). La possibilité laissée à l’administration de délivrer des copies ou des extraits d’actes d’état civil par voie électronique ne doit pas s’exercer au détriment des usagers, notamment de ceux qui ne disposent pas d’un accès à internet. Dans cette perspective, il importe de préciser expressément que les usagers sont en droit d’obtenir, dès lors qu’ils en font la demande, les copies intégrales ou les extraits des actes de l’état civil en version papier.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. Vous voulez garantir que l’usager pourra continuer de recevoir son acte d’état civil par courrier. Cette possibilité est déjà assurée par le texte, puisque l’article 1er prévoit bien que la délivrance par voie dématérialisée n’est qu’une possibilité.
D’après le rapport des inspections, entre octobre 2022 et octobre 2023, seuls 6 % des demandes d’actes d’état civil ont nécessité une impression papier ; cela étant, 128 752 demandes ont été formulées en dehors de toute procédure dématérialisée : cela montre que les usagers peuvent toujours demander leurs actes d’état civil par courrier et les recevoir par la même voie. Vos amendements étant satisfaits, je vous invite à les retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. Davy Rimane (GDR-NUPES). Nous proposons que la transmission par voie électronique ne se fasse qu’à la demande de la personne, par exemple si elle considère que le délai pour recevoir le document papier est trop long. Ce que nous récusons, c’est que la dématérialisation soit la règle et le document papier, un secours ; nous ne voulons pas de cette inversion de la norme. Dans nombre de nos territoires, notamment en outre-mer, l’accès à internet est parfois difficile et l’obtention de documents peut s’apparenter à un parcours du combattant.
Mme Cécile Untermaier (SOC). Il faut absolument tenir compte de la fracture numérique. Vous nous dites que ces amendements sont satisfaits et que toute personne qui n’est pas à l’aise avec internet pourra faire une démarche papier : cela nous convient, mais il faut faire en sorte que ce soit une réalité.
Le premier volet de l’expérimentation a duré cinq ans, ce qui est très long, puisque nous parlons de la délivrance d’actes d’état civil, qui ouvrent des droits. Le covid a bon dos : on aurait très bien pu travailler sur ce sujet, malgré la crise sanitaire.
Par ailleurs, qui dit expérimentation dit bilan partagé. Vous avez évoqué la lutte contre la corruption, qui est effectivement un point très important : j’ai moi-même été interrogée, à ma permanence, sur un trafic d’actes d’état civil et il faut être très vigilant sur cette question.
M. Philippe Gosselin (LR). Vous dites, monsieur le rapporteur, que les risques sont très faibles, mais nous ne pouvons pas nous contenter de cette réponse. Il faut qu’il n’y ait aucun risque, ni de cyberattaque, ni d’usurpation d’identité. Les personnes qui en sont victimes se retrouvent dans des situations terribles et il ne faudrait pas que la dématérialisation de l’état civil augmente ce risque.
Pour en revenir aux amendements, il faut absolument que les usagers aient les deux possibilités et que ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas passer par internet puissent recourir au papier. Et il faut garantir l’effectivité de la démarche papier : ce n’est pas le tout de reconnaître cette possibilité dans la loi, il faut s’assurer que cela fonctionnera en bout de chaîne et qu’une personne qui demande un document papier ne va pas attendre six mois avant de le recevoir. Il faut que cela soit non seulement possible, mais effectif. Je pense que c’était le sens de ces amendements et ils ne me paraissent donc pas inutiles.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. La dématérialisation a limité les possibilités de fraude à l’état civil, puisqu’il est plus difficile désormais de voler les papiers de quelqu’un. La double authentification est un gage de sécurité. C’est la raison pour laquelle j’ai dit que le risque principal me semble être la corruption.
L’article 1er dispose que « les copies intégrales ou les extraits des actes de l’état civil établis par le ministère des affaires étrangères peuvent être délivrés sur support électronique ». Il est très clair qu’il s’agit d’une possibilité et non d’une obligation. J’ai d’ailleurs indiqué que beaucoup de gens continuent de formuler des demandes par écrit et reçoivent leurs documents en version papier. C’est leur droit et cela ne change pas. On ajoute seulement une nouvelle possibilité, que nos concitoyens privilégieront certainement mais qui ne devient pas pour autant la norme. Vos amendements sont donc satisfaits et je vous invite à les retirer.
J’ajoute que le deuxième volet de l’expérimentation fera l’objet, six mois avant son terme, d’un rapport d’évaluation. Nous ne sommes pas là pour parler du budget du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, nous le ferons plus tard dans l’année.
M. Karim Ben Cheikh (Écolo-NUPES). Monsieur le rapporteur, il y a quand même un historique : le ministère a perdu 50 % de ses effectifs en trente ans et, s’agissant de la création d’actes d’état civil, il n’arrive plus à répondre à la demande. Maintenir la demande papier, c’est aussi conserver les capacités d’accueil des consulats, qui sont exsangues, parce qu’ils ont été ratiboisés. Dans certains d’entre eux, il faut désormais trois ou quatre ans pour obtenir une transcription d’acte : c’est cela aussi, la réalité des Français de l’étranger ! Le fait de mentionner la demande papier dans la loi crée une obligation de lien humain, d’accueil et donc de maintien des effectifs dans les consulats. Vous dites que ce sera une possibilité ; ce doit être aussi une réalité pour ce qui est des ressources humaines.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l’article 1er non modifié.
Amendement CL8 de M. Davy Rimane
M. Davy Rimane (GDR-NUPES). Nous proposons que les informations relatives à l’état d’avancement et au bilan provisoire de l’expérimentation, qui seront transmises chaque année à l’Assemblée des Français de l’étranger, le soient aussi au Parlement.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. L’article 12 de l’ordonnance du 10 juillet 2019 prévoit la remise d’un rapport au Parlement six mois avant la fin de l’expérimentation. Les inspections seront de nouveau mobilisées sur le sujet : votre volonté d’information du Parlement est donc satisfaite. Par ailleurs, nos collègues représentant les Français établis hors de France pourront nous faire remonter des informations à tout moment.
M. Davy Rimane (GDR-NUPES). Ce n’est pas du tout la même chose d’avoir un rapport six mois avant la fin de l’expérimentation et d’être informés chaque année de son état d’avancement.
M. Philippe Gosselin (LR). Notre collègue ne demande pas un rapport supplémentaire – on croule déjà sous les rapports. Il souhaite que le Parlement soit destinataire du rapport qui sera remis à l’Assemblée des Français de l’étranger. Cela ne compliquera en rien la tâche de l’administration et cela permettra de mettre le Parlement dans la boucle, ce qui semblerait assez logique.
Mme Amélia Lakrafi (RE). Il est prévu que le Gouvernement présente annuellement, devant l’Assemblée des Français de l’étranger, un point sur l’état d’avancement de l’expérimentation. Cette assemblée réunit 90 des quelque 500 conseillers de l’étranger que nous avons dans le monde. Par ailleurs, le rapport annuel que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères présente aux députés fait toujours état des discussions qui ont eu lieu au sein de l’Assemblée des Français de l’étranger.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères échange une fois par an avec l’Assemblée des Français de l’étranger et c’est à cette occasion qu’il présentera son rapport. Je ne suis pas certain qu’il faille organiser à l’Assemblée nationale un débat comme ceux que nous pouvons avoir sur l’immigration, au titre de l’article 50-1 de la Constitution.
M. Karim Ben Cheikh (Écolo-NUPES). Certes, grâce à notre collègue Mélanie Vogel, qui a fait adopter un amendement en ce sens au Sénat, un rapport sera présenté chaque année à l’Assemblée des Français de l’étranger, mais il serait souhaitable qu’il soit également transmis au Parlement. Vous dites, monsieur le rapporteur, que le rapport d’évaluation est accessible, mais il n’est pas inclus dans le dossier législatif.
M. Michel Guiniot (RN). Il me paraît important que la représentation nationale soit informée du progrès de cette expérimentation. L’Assemblée des Français de l’étranger ne concerne que les Français établis hors de France, et non tous ceux d’origine étrangère. Or ce dispositif changera radicalement l’accès aux documents d’état civil pour les actes détenus par le ministère des affaires étrangères, et possiblement, par la suite, par les communes : nous devons suivre cela de près.
L’amendement apparaît donc pertinent.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL6 de M. Michel Guiniot
M. Michel Guiniot (RN). Cet amendement vise à inclure, dans la présentation annuelle, la communication d’un document listant les failles de sécurité encore existantes dans l’expérimentation. Six risques résiduels ont été recensés dans le rapport au Parlement de la direction des affaires civiles et du sceau, en 2022.
Des menaces permanentes pèsent sur nos systèmes informatiques ; il s’agit là de s’assurer que les risques résiduels ne s’accroissent pas. Le niveau de sécurité doit rester le plus haut possible, et l’expérimentation doit démontrer que les risques sont stables et contenus.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. J’entends vos inquiétudes, mais votre amendement est satisfait. L’ordonnance du 10 juillet 2019 prévoit déjà une évaluation, et le décret d’application indique que celle-ci aura notamment pour objet « d’apprécier la sécurisation et la simplification des démarches des usagers ainsi que l’impact sur les délais administratifs ».
Comme vous l’avez noté, le rapport de la direction des affaires civiles et du sceau comportait déjà une analyse des risques. Le rapport des inspections faisait également le point sur ce sujet.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 2 non modifié.
Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi sans modification.
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Lors de sa réunion du mercredi 29 mai 2024, la commission des Lois a examiné ce rapport et en a autorisé la publication.
Ces débats ne font pas l’objet d’un compte rendu. Ils sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : https://assnat.fr/uTib2C
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Puis la Commission se prononce, en application de l’article 148 alinéa 3 du Règlement, sur l’examen ou le classement des pétitions renvoyées à la Commission (Mme Laure Miller, rapporteure)
Lien vidéo : https://assnat.fr/uTib2C
M. le président Sacha Houlié. Le 10 avril dernier, nous avions dû décaler la décision sur le classement ou l’examen des pétitions renvoyées à la commission des Lois, mais nous devons respecter le rythme semestriel. La première des trois pétitions que nous avons à examiner, portant le numéro 2117, est relative au suivi des Franco-Israéliens combattant au sein de Tsahal.
Mme Laure Miller (RE). Les articles 147 à 151 de notre Règlement permettent à nos concitoyens d’appeler l’attention du Parlement sur une évolution souhaitable du droit ou sur un sujet particulier. Le bureau de la commission des Lois a décidé, le 5 juillet 2022, que notre Commission se saisirait des seules pétitions ayant recueilli plus de 5 000 signataires en l’espace de six mois, et que les pétitions qui n’auraient pas atteint ce seuil dans ce délai seraient classées d’office.
Depuis la dernière réunion consacrée aux pétitions, le 11 octobre 2023, trois pétitions ont franchi ce seuil.
La première a rassemblé plus de 15 000 signatures ; elle demande aux pouvoirs publics que tous les citoyens français partis combattre dans les territoires palestiniens au sein de l’armée israélienne fassent l’objet d’un suivi psychiatrique et d’une fiche au titre de la sûreté de l’État – cette fiche appelée S.
On peut la regarder, l’analyser dans tous les sens : dans cette pétition, rien ne va.
Tout d’abord, il me semble important de prendre connaissance de son auteur : avant d’épouser ou de contester une idée, il est toujours sain de savoir de qui elle émane. Il s’agit en l’occurrence d’un élu municipal d’une commune du Doubs, plutôt proche de La France insoumise. Ce monsieur prend de nombreuses et fréquentes positions publiques notamment sur les réseaux sociaux ; certaines étant susceptibles de constituer des infractions, elles ont été signalées au titre de l’article 40 du code de procédure pénale.
Petit florilège : Mila – je le rappelle, victime de dizaine de milliers d’appels au meurtre et au viol – est qualifiée de « tarée haineuse » ; même sort pour le directeur de la publication de Charlie Hebdo. Dans un autre registre, à propos de la polygamie, « tant qu’il s’agit d’adultes consentants, personne ne devrait rien avoir à redire ». Si on se rapproche de l’objet de sa pétition, il écrit en ce début d’année sur Twitter : « Je persiste et signe : les sionistes, c’est comme les rats, tu en attaques un et toute la bande rapplique » ou encore : « La Palestine sera libre et l’affolement de ces cafards le prouve. » Il s’est vanté récemment d’avoir rencontré des dirigeants du Hamas et d’avoir eu avec eux « une discussion franche et constructive ». Il a soutenu le président de la mosquée de Pessac, qui a tenu des propos relevant de l’incitation de la haine à la suite des événements du 7 octobre dernier, expliquant que « ce sont les milices de Gérald Darmanin » qui veulent l’expulser.
Sur le fond, la pétition préconise donc de ficher S et de faire suivre de façon systématique tous les Franco-Israéliens partis combattre au sein de l’armée israélienne.
On parle ici de soldats réservistes franco-israéliens venus renforcer l’armée israélienne après les attaques terroristes sans précédent du 7 octobre dernier pour combattre le Hamas, c’est-à-dire pour combattre des terroristes ayant commis des crimes d’une atrocité telle qu’ils répondent de toute évidence à la définition des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité donnée par le droit international. La pétition propose ainsi que ces femmes et hommes partis combattre le terrorisme islamiste soient systématiquement fichés S et qu’ils soient suivis d’un point de vue psychiatrique.
La pétition le justifie par la « dangerosité potentielle » de ces individus.
Il faut rappeler que le fichier des personnes recherchées rassemble plusieurs catégories de fiches. La fiche S peut concerner toute personne, de toute nationalité, présente sur le territoire national ou non, qui en raison de son activité individuelle ou collective, directement ou indirectement, est susceptible de porter atteinte à la sûreté de l’État ou à la sécurité publique. L’inscription au fichier doit reposer sur des indices sérieux et circonstanciés. Elle ne peut être effectuée que par quatre services de sécurité habilités : la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), le service central du renseignement territorial, la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris et la direction générale de la gendarmerie nationale.
Vouloir systématiser un tel fichage, et le rendre par là même public, serait totalement contreproductif et relève d’une profonde méconnaissance du fonctionnement d’un tel fichier comme des méthodes de nos services de sécurité et de renseignement.
Enfin, la demande d’un suivi psychiatrique manifeste la même méconnaissance du droit.
En effet, la loi encadre strictement les soins psychiatriques sans consentement et prévoit des garanties spécifiques pour assurer le respect des droits et libertés des personnes concernées. L’admission en soins psychiatriques sans consentement se fait soit sur décision du directeur d’établissement à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent pour la personne, soit sur décision du préfet lorsque les agissements de la personne compromettent la sûreté des personnes ou, de façon grave, l’ordre public ou encore du maire, à titre seulement provisoire, et en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes.
Loin de s’inscrire dans ce cadre juridique, la mesure générale et indifférenciée que demande la pétition heurte profondément les garanties prévues par la loi française. Elle reflète une démarche militante d’instrumentalisation des pétitions afin de diaboliser Israël et de dresser un parallèle indigne avec les Français engagés dans les rangs de l’organisation État islamique.
Pour l’ensemble de ces raisons, le classement de cette pétition paraît évidemment s’imposer.
M. Éric Poulliat (RE). Depuis le pogrom du 7 octobre 2023 perpétré par le Hamas, cette organisation terroriste et l’armée israélienne sont en conflit armé. À écouter l’auteur de cette pétition, le retour de citoyens français ayant servi dans l’armée israélienne ferait courir un risque à notre société. Autrement dit, le fait de servir dans l’armée régulière d’un État démocratique rendrait dangereux pour notre pays.
Rien n’interdit à un binational français de s’engager dans l’armée d’un autre pays. On ne peut considérer que l’ensemble des binationaux qui s’engagent dans l’armée de leur deuxième pays sont dans l’illégalité, comme le laisse entendre cette pétition, qui fait ainsi planer une suspicion insupportable.
Il va sans dire que si des Franco-Israéliens ont commis des crimes, de guerre ou autres, ils s’exposeront à une réponse pénale d’une grande fermeté, et non à la simple réponse administrative que serait un fichage S.
Le classement de cette pétition nous paraît donc souhaitable.
M. Thomas Ménagé (RN). Je veux d’abord avoir une pensée pour les milliers de victimes de l’horrible attaque terroriste du 7 octobre 2023 qui a touché Israël, pour les proches de celles et ceux qui y ont perdu la vie, ainsi que pour les otages toujours en captivité, parmi lesquels encore deux Français, dont on en parle malheureusement peu. Je leur adresse mes pensées et mon soutien.
Environ 4 000 Français seraient engagés dans Tsahal ; ce chiffre n’est pas contesté. Il s’agit d’une armée régulière qui combat un groupe terroriste.
On ne peut qu’être profondément choqué, évidemment, des images qui nous proviennent de Rafah : nous avons une pensée pour le peuple palestinien lui aussi victime du Hamas, indirectement. Mais le respect du droit international, du droit humanitaire, du droit de la guerre est vérifié par la justice internationale et française.
Cette pétition reflète les obsessions de l’extrême gauche, dont nous avons eu un triste exemple hier avec le comportement indigne qui a mené à l’arrêt de nos débats dans l’hémicycle et donné un spectacle déplorable – un de nos collègues, Meyer Habib, a été traité de porc devant la France entière. Depuis le début de cette législature, l’extrême gauche a déposé deux propositions de résolution honteuses, dont une visant à condamner l’institutionnalisation par Israël d’un régime d’apartheid à l’encontre du peuple palestinien.
La pétition demande un suivi « psychiatrique » et non psychologique et un fichage S de nos concitoyens partis combattre au sein de Tsahal. C’est à vomir. Je ne pensais pas, en étant élu en 2022, avoir à débattre d’un tel texte.
Notre groupe approuvera bien entendu la proposition de classement de la rapporteure. J’espère que nous n’aurons plus à débattre de telles pétitions.
M. Thomas Portes (LFI-NUPES). Au moins 4 000 citoyens français sont enrôlés dans les rangs de l’armée israélienne : c’est le deuxième contingent étranger après celui des États-Unis. Cette réalité soulève des préoccupations majeures quant à notre complicité dans ce qui constitue le premier génocide de l’histoire dont les victimes diffusent en temps réel leur propre destruction : ces faits sont largement documentés, indéniables. Huit mois de bombardements indiscriminés et de sièges inhumains ont causé la mort de plus de 35 000 civils, en ont blessé 80 000 autres. Nous avons assisté à la destruction aveugle d’infrastructures civiles vitales, à l’assassinat d’humanitaires et de journalistes, à des attaques et incendies de camps de réfugiés.
Dès octobre 2023, les déclarations de responsables israéliens qualifiant les Palestiniens d’« animaux humains » et appelant à une deuxième Nakba n’ont laissé aucun doute sur la ligne politique et idéologique des autorités militaires qui dirigent les opérations à Gaza.
Voilà quatre mois que la Cour internationale de justice a mis en garde contre un risque de génocide et a sommé tous les États de le prévenir ; voilà près d’une semaine qu’elle a ordonné à Israël de cesser ses opérations militaires à Rafah. Le bon sens commanderait de suspendre immédiatement la convention bilatérale du 30 juin 1959 qui permet à des Franco-Israéliens de servir dans l’armée israélienne.
Les Français sont, comme le reste du monde, témoins de ce génocide depuis leur téléphone. Ils voient ces soldats commettre des ignominies, humilier des prisonniers torturés, faire l’apologie de leurs crimes sur les réseaux, se réjouir dans la nuit de dimanche sur des boucles Telegram de voir des Palestiniens incendiés à Rafah, écrire le nom de députés sur les obus qu’ils envoient dans la bande de Gaza. Vous refusez de voir que le peuple français désapprouve cet échec de l’humanité et de la morale face au massacre de Gaza. Il ne tolérera jamais que certains de nos concitoyens soient impliqués dans des crimes de guerre sans être inquiétés.
Notre groupe ne souhaite ni une réponse répressive par des fiches S, ni une psychiatrisation de l’enjeu. Nous appelons simplement à la justice ; nous voulons que ceux qui ont participé à des crimes de guerre soient jugés et condamnés ; nous demandons des enquêtes approfondies pour établir les responsabilités.
Parce que cette guerre vient après des décennies d’occupation, de colonisation et de siège, nous considérons que la France doit examiner la responsabilité de ses ressortissants, tant à Gaza qu’en Cisjordanie.
Mme Pascale Bordes (RN). Je n’ai aucun doute sur la ligne directrice qui guide les auteurs de cette pétition puisqu’ils refusent de dire que ce qui s’est passé le 7 octobre en Israël est un attentat terroriste islamiste et que le Hamas est une organisation terroriste. Dans cette attaque, 7 500 personnes ont été blessées et 1 200 sont mortes, tout simplement parce qu’elles étaient de confession juive. Des jeunes filles, des femmes ont été violées, torturées, tuées. D’autres ont été enlevées, et nous n’avons plus de nouvelles d’elles, comme d’un grand nombre d’otages.
Je note à cet égard le silence assourdissant de la quasi-totalité des médias, qui ont mis un point d’honneur à ne pas faire état du sort de ces otages, comme s’ils n’existaient pas. Silence assourdissant aussi de certaines associations de défense des femmes, qui opèrent un choix pour le moins sélectif des combats à mener : les femmes israéliennes n’en font pas partie. C’est de la tartufferie.
On aurait pu s’attendre, après ce pogrom, à un élan durable d’empathie et de solidarité. Que nenni ! On a assisté au contraire à un retournement de situation, sur fond de montée galopante d’un antisémitisme libéré : l’agressé est brutalement devenu l’agresseur aux yeux d’une bien-pensance tout islamo-gauchiste aiguillonnée par les Frères musulmans.
C’est dans ce contexte dramatique que nombre de nos concitoyens binationaux ont spontanément et courageusement fait le choix d’aller défendre Israël. Ce pays a le droit de se défendre, et n’a au demeurant pas d’autre choix face à la violence inouïe, à la barbarie, au manque total d’humanité dont les fanatiques du Hamas ont fait preuve à l’égard des populations civiles qu’ils ont littéralement massacrées.
Je note que les auteurs et les signataires de la pétition ne font montre d’aucune empathie à l’égard des victimes du 7 octobre, comme s’il n’y avait pas eu de facteur déclenchant à ce qu’ils reprochent à Israël. C’est dire la malhonnêteté de leur présentation et le parti pris résolument hostile à l’État d’Israël.
Les Franco-Israéliens combattant au sein de Tsahal ne sont pas une menace : ce sont des citoyens engagés dans la lutte pour la survie de leur pays et de leurs concitoyens.
M. Stéphane Rambaud (RN). Le 7 octobre 2023, le Hamas a attaqué Israël par surprise : agressions barbares, envoi massif de roquettes… Plus de 350 soldats et policiers israéliens ainsi que des milliers de civils ont été tués en une seule journée dans des villes, des kibboutz, des bases militaires, dans un festival de musique ; 200 civils et soldats israéliens dont une quarantaine d’enfants ont été emmenés comme otages dans la bande de Gaza ; il y a eu des milliers de blessés. Les terroristes palestiniens ont enregistré et diffusé des vidéos de leurs actions sur internet. Nous avons tous été consternés par ces images : c’est l’attaque la plus sanglante de l’histoire d’Israël, et la plus meurtrière pour les Juifs depuis la Shoah.
Il était inévitable que la réaction d’Israël soit à la hauteur de cet acte terroriste. Que des personnes ayant la double nationalité française et israélienne se soient senties concernées et qu’elles aient voulu, par réaction patriotique, prendre part à la riposte d’Israël est tout à fait compréhensible.
Le fichier S regroupe des personnes soupçonnées de visées terroristes ou d’atteinte à la sûreté de l’État. En quoi cela s’applique-t-il à nos compatriotes engagés dans l’armée israélienne ?
La guerre est une sale chose. Le Hamas, qui s’est engagé dans cette voie, en paie maintenant le prix. On peut seulement regretter que des civils palestiniens innocents soient pris entre deux feux.
Cette pétition me semble travestir la réalité ; elle se trompe quant à la dangerosité de nos compatriotes. Les criminels doivent être recherchés au sein du Hamas et autres groupuscules terroristes islamistes, et non parmi les Franco-Israéliens.
Le Rassemblement national demande le classement de cette pétition.
M. Philippe Schreck (RN). Il faut se poser les vraies questions, et Mme la rapporteure l’a fait en partie.
Les animateurs de cette pétition sont-ils antisémites ? À coup sûr. Sont-ils obnubilés par la destruction de l’État d’Israël ? C’est évident. Ont-ils condamné les massacres du 7 octobre ? Ont-ils eu un mot de soutien ou de compassion pour les otages, les femmes violées et mutilées, les pères abattus devant leurs enfants ? Aucun, jamais. Considèrent-ils que le Hamas, dont certains groupes politiques constituent au sein même de cette assemblée une forme de vitrine légale, comme une organisation terroriste ? Non. Ont-ils reconnu que le Hamas avait organisé, conçu, planifié, exécuté un pogrom ? Non.
En réalité, les auteurs de cette pétition souhaitent importer dans notre pays, dans nos quartiers, dans nos banlieues le conflit israélo-palestinien alors qu’ils n’en connaissent pas l’origine historique et n’en maîtrisent que très mal les impacts géopolitiques. À l’heure où l’un de nos collègues, dans cette assemblée, a été traité de porc parce qu’il était juif, il est évident que cette pétition, qui demande le fichage des Franco-Juifs pour les envoyer ensuite en hôpital psychiatrique, devra être classée.
Elle n’a qu’un mérite : une fois de plus, les tenants de l’ignoble se sont, par leur signature, dévoilés et autofichés.
M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Cette pétition soulève une question : que fait-on des Franco-Israéliens qui ont participé, au sein de Tsahal, au massacre en cours à Gaza ?
Nous pensons, nous, que la justice française doit se prononcer sur les crimes qui peuvent avoir été commis dans le cadre de cette guerre.
Il est insupportable que, sur ce sujet, on nous parle d’antisémitisme. Ce n’est pas une question de religion ! Le conflit israélo-palestinien n’est pas une question de religion, mais de territoire et de droit international. Nous ne pouvons pas accepter que des Français aillent tuer des gens – ce n’est pas normal de tuer des gens – et qu’ensuite, il ne se passe rien du point de vue de la justice française – à moins que vous ne considériez que les Palestiniens ne sont pas des êtres humains. Mais la question qui se poserait alors serait celle de votre racisme.
Des Français qui tuent des gens doivent être jugés par la justice française. Je ne comprends pas que cette position choque. Dans n’importe quel autre cas, tout le monde trouverait normal que des meurtriers soient jugés pour les crimes qu’ils ont commis. Faire entrer là-dedans des questions de religion, c’est précisément empêcher de penser le problème.
Mme Laure Miller, rapporteure. Il ne s’agit pas de Français partis tuer des gens. Je regrette d’ailleurs que M. Portes n’ait pas évoqué ce qui est à l’origine du départ de ces Franco-Israéliens, les attaques terroristes du 7 octobre et la volonté de combattre un groupe terroriste, le Hamas, qui tue et terrorise.
Si on vous parle d’antisémitisme ici, c’est parce que de toute évidence l’auteur de cette pétition est antisémite : traiter les Israéliens de « cafards » me semble révélateur. On ne peut pas faire abstraction de ces informations sur l’auteur pour étudier la pétition. Parler d’antisémitisme n’est donc pas du tout hors sujet !
Nous sommes tous, je crois, d’accord sur le fait que les demandes de cette pétition n’ont aucun sens. Je m’en réjouis.
La commission adopte la proposition de classement de la pétition n° 2117.
En conséquence, la pétition n° 2117 est classée.
M. le président Sacha Houlié. Nous en venons à la deuxième pétition, portant le numéro 2082, relative au référendum d’initiative citoyenne constituant. Je vous propose d’aller vite : c’est la troisième fois que nous nous prononçons sur cette pétition, rédigée par les mêmes auteurs que la précédente pétition.
Mme Laure Miller, rapporteure. Cette pétition, qui a recueilli plus de 8 000 signatures, propose de nouveau la création d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC) en matière de révision constitutionnelle, et donc la modification de l’article 89 de la Constitution.
La proposition de révision constitutionnelle d’initiative citoyenne qui recueillerait 50 000 signatures serait d’abord soumise à un contrôle de recevabilité assuré par le Conseil constitutionnel. Si elle était déclarée recevable et soutenue par au moins 1 million de citoyens dans un délai de dix-huit mois, elle devrait alors être obligatoirement soumise à référendum.
La pétition, disant s’inspirer du modèle suisse, propose d’octroyer un délai de vingt-quatre mois aux parlementaires pour formuler une « contre-proposition » qui concurrencerait la proposition citoyenne. Dans l’éventualité où la proposition d’origine citoyenne n’aurait pas été retirée, les deux textes seraient soumis à référendum le même jour, et seule la proposition ayant recueilli le plus de voix serait adoptée, à condition d’avoir recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés.
Contrairement aux deux précédentes, cette pétition rétablit aussi, en principe, la possibilité d’adopter une révision constitutionnelle par la réunion du Parlement en Congrès. Néanmoins, elle prévoit que 500 000 citoyens peuvent s’opposer à la réunion du Congrès dans un délai de 200 jours : en pareil cas, la procédure de révision par la voie du Congrès serait interrompue et remplacée par l’organisation d’un référendum.
Actuellement, en application de l’article 89 de la Constitution, l’initiative d’une révision constitutionnelle appartient au Président de la République, sur proposition du Premier ministre, et aux membres du Parlement. Après un vote du projet ou de la proposition de révision par les deux chambres en termes identiques, le Président peut les soumettre soit au référendum, soit au Parlement réuni en Congrès. Dans ce dernier cas, le projet est approuvé s’il réunit une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Je vous rappelle que la Constitution de la Ve République a été révisée vingt-cinq fois, la dernière révision constitutionnelle nous ayant réunis à Versailles, en mars dernier, pour inscrire dans la Constitution le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG).
La révision de l’article 89 préconisée par la pétition viserait à renforcer la participation directe des citoyens, mais elle se heurte, comme les deux précédentes pétitions, à un certain nombre d’obstacles sérieux.
Tout d’abord, un nombre minimal de 50 000 signatures est requis pour saisir le Conseil constitutionnel de la recevabilité juridique de l’initiative. Si ce seuil constitue une avancée par rapport à la précédente pétition qui n’en fixait tout simplement pas, il demeure néanmoins bien modeste et pourrait alourdir significativement la charge de travail du Conseil constitutionnel si de telles pétitions devenaient fréquentes.
Ensuite, le contrôle de l’objet de la révision constitutionnelle serait assuré par le Conseil constitutionnel dans un délai de deux mois, « à l’issue [duquel] la proposition [serait] considérée comme valide ». On peut ici encore une fois mesurer la dangerosité de cette validation implicite : si le juge constitutionnel ne se prononçait pas dans ce délai, alors l’initiative serait d’office déclarée recevable, quand bien même elle soulèverait des difficultés juridiques importantes – on pourrait imaginer, par exemple, une pétition proposant de modifier l’article 89 de la Constitution afin d’y supprimer l’impossibilité d’une révision visant à remettre en cause la forme républicaine du gouvernement.
Une fois le contrôle de l’objet de la révision effectué par le Conseil constitutionnel, la proposition de révision constitutionnelle devrait recueillir 1 million de signatures dans un délai de dix-huit mois en vue de l’organisation du référendum. Or, ce seuil serait beaucoup plus faible que celui prévu à l’article 11 de la Constitution pour le référendum d’initiative partagée, qui suppose le soutien d’un dixième du corps électoral, soit quasiment 5 millions de citoyens.
Les pétitionnaires se réfèrent aux propos du Président de la République, qui s’est prononcé en faveur de l’abaissement des seuils fixés par l’article 11 afin de permettre l’engagement d’un référendum d’initiative partagée sur une proposition de loi à la demande de 1 million de citoyens.
Nous constatons tous que le seuil actuellement prévu est difficile à atteindre. Mais il ne serait ni cohérent, ni adéquat de prévoir un seuil beaucoup plus bas pour une révision constitutionnelle d’origine citoyenne que pour une modification législative. Notre norme suprême doit conserver une certaine stabilité et n’être modifiée que d’une main tremblante ; toute modification doit être savamment pensée et pleinement mesurée pour ne pas mettre en péril nos institutions et la garantie des droits fondamentaux. De même, un équilibre doit être trouvé entre la possibilité de formuler une proposition de loi, fût-elle constitutionnelle, pour revigorer la démocratie, et le fait de mettre en danger cette même démocratie par le biais de critères trop relâchés.
Enfin, dans les cas où la révision constitutionnelle serait d’origine présidentielle ou parlementaire, le projet de révision de l’article 89 ici proposé prévoit une exception au principe selon lequel le Président de la République peut réunir le Parlement en Congrès. En effet, 500 000 citoyens pourraient s’opposer, dans un délai de 200 jours, à la réunion du Congrès pour entériner une révision constitutionnelle, de sorte qu’un référendum devrait être obligatoirement organisé.
Cela reviendrait à permettre à une fraction du peuple seulement de faire obstacle à une révision par la voie parlementaire, ce qui serait tout à fait contraire à l’esprit de notre Constitution en matière de souveraineté nationale, et porterait une atteinte sérieuse aux droits du Parlement en opposant représentation nationale et citoyens. Le délai de 200 jours fixé pour réunir le nombre de signatures nécessaires aurait aussi pour effet drastique de figer, pendant plus de six mois, tout processus de révision constitutionnelle par la voie parlementaire, dans l’attente de l’exercice de cet éventuel droit d’opposition d’une partie des électeurs. Avec une telle disposition, l’inscription de l’IVG dans la Constitution aurait par exemple pu être sérieusement retardée voire mise à mal par des électeurs très minoritaires mais déterminés.
La commission des Lois s’est déjà prononcée deux fois et s’apprête à le faire une troisième fois sur l’introduction d’un référendum d’initiative citoyenne dans la Constitution. Chaque groupe politique a eu l’occasion de s’exprimer et nous y avons tous été sensibles. Cependant, il me semble que le canal des pétitions n’est pas adapté pour engager une éventuelle réforme d’ampleur de la Constitution ; il s’agit ici de l’équilibre de nos institutions. Si la mise en place de mécanismes de démocratie participative était envisagée – et la question mérite d’être posée –, elle devrait être le fruit d’une véritable réflexion collective, car il s’agit d’une question complexe et très sensible pour l’avenir de notre démocratie. Cette réflexion devrait s’inscrire dans le temps long et être pleinement mûrie, avec l’aide de chercheurs, d’universitaires, d’élus et de citoyens, et bien sûr en associant tout particulièrement le Parlement, dont le rôle dans nos institutions devrait être plutôt renforcé que diminué.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de classer cette pétition.
M. Arthur Delaporte (SOC). Je tiens à vous remercier pour l’attention que vous avez portée à cette pétition. Nous ne devrions toutefois pas faire comme si nous étions en train d’examiner le texte définitif d’une proposition de révision constitutionnelle.
La pétition, soutenue par plus de 8 000 citoyens, en est à sa troisième version. Elle a été retravaillée avec l’aide de chercheurs en droit constitutionnel et d’universitaires français et étrangers, et s’appuie sur ce qui existe dans d’autres pays, comme en Suisse.
Alors que nous connaissons une crise de la représentation, il me semble important de ne pas opposer démocratie représentative et démocratie directe. Le rôle du Parlement est notamment d’être le réceptacle des sollicitations citoyennes. Si notre Règlement autorise le dépôt de pétitions, c’est précisément dans le but d’en débattre. L’examen de la recevabilité d’une pétition vise seulement à décider si le sujet mérite débat – et il me semble que c’est le cas ici.
L’objet de la pétition n’est pas encore une réforme constitutionnelle formalisée, laquelle donnerait lieu à un débat parlementaire et au dépôt d’amendements. En l’occurrence, il ne s’agit pas d’entamer un processus législatif mais d’examiner une base soumise par des citoyens qui, par deux fois déjà, ont retravaillé leur copie en réponse aux remarques qui leur ont été adressées.
Alors que le RIC était une revendication centrale des gilets jaunes, considérer le travail de milliers de citoyens s’intéressant à la question représentative montrerait que nous sommes dans une démocratie parlementaire mature. L’objectif n’est pas d’adopter le RIC en commission mais de faire vivre le dialogue démocratique en donnant une chance à cette pétition qui n’a rien de farfelu.
M. Éric Poulliat (RE). Cette pétition vise à défendre un référendum d’initiative citoyenne constituant. En tant que rapporteur dans une précédente version, j’avais suggéré de la classer, le 5 avril 2023, et elle le fut à nouveau le 11 octobre dernier.
Amendée depuis, la nouvelle version revendique de tenir compte des remarques formulées lors des précédents votes. La nouvelle procédure fixe un seuil de 1 million de soutiens dans le corps électoral, plus faible que le seuil requis pour les référendums d’initiative partagée, à savoir 10 % du corps électoral. Il serait incohérent d’établir un seuil d’initiative du citoyen qui soit moins élevé pour une révision constitutionnelle sur la base de l’article 89 de la Constitution que pour une modification législative sur la base de l’article 11 de la Constitution.
En réduisant le rôle du Parlement, en donnant la possibilité aux citoyens de faire voter un projet de loi constitutionnelle par référendum plutôt qu’au Congrès, ou encore en permettant d’opposer une proposition de révision citoyenne à une contre-proposition de parlementaires, elle contribue également à affaiblir la représentation nationale, en particulier dans sa mission de garde-fou dans le domaine constitutionnel. Au prétexte de renforcer le pouvoir des citoyens, la pétition aurait principalement pour effet d’effacer la démocratie représentative au profit d’une nouvelle procédure où le citoyen et le pouvoir exécutif se feraient face. Ce n’est pas notre conception de la République et de la démocratie.
Enfin, plusieurs propositions de loi abaissant le seuil du référendum d’initiative partagée ou visant à créer un référendum d’initiative citoyenne ont été rejetées par notre assemblée ces dernières années, comme ce fut le cas des deux précédentes pétitions sur ce sujet. Par cohérence avec les précédentes expressions de la représentation nationale, il convient de classer cette nouvelle pétition.
Mme Béatrice Roullaud (RN). Je tiens à exprimer les réserves les plus sérieuses que nourrit notre groupe à l’égard de la pétition visant à instaurer un référendum d’initiative citoyenne en matière constitutionnelle. Si nous sommes attachés au référendum d’initiative citoyenne, celui-ci ne doit pas nuire à la stabilité de notre cadre institutionnel. La Constitution doit être un socle solide et pérenne, garant de l’équilibre des pouvoirs et du fonctionnement harmonieux de nos institutions. Elle ne saurait être soumise aux aléas de l’opinion publique ou à des intérêts particuliers.
Nous sommes favorables au référendum d’initiative citoyenne uniquement en ce qui concerne la loi ordinaire, qui régit notre quotidien, mais pas pour des lois organiques, qui régissent nos institutions. On ne peut en effet placer ces deux types de lois sur le même plan. Celles qui organisent nos institutions requièrent une expertise et de la mesure car elles sont faites pour durer. C’est la raison pour laquelle l’initiative de leur modification doit être réservée à des élus et au chef de l’État. Actuellement, l’article 89 de la Constitution prévoit un processus clair et équilibré, impliquant une initiative du Président de la République ou du Parlement et une approbation finale par un référendum ou par le Congrès. Cela ne doit pas changer.
La proposition qui nous est soumise, en permettant aux électeurs de lancer un référendum d’initiative citoyenne sur des questions constitutionnelles, menace la stabilité. Imaginez, en cas de succès de cette pétition, qu’un groupe religieux radical veuille changer la Constitution et obtienne un nombre suffisant de soutiens : cela ferait courir le risque d’une remise en cause de nos lois républicaines faisant prévaloir les principes de laïcité et d’égalité entre les hommes et les femmes.
Ainsi, bien que le Rassemblement national ait toujours valorisé la participation citoyenne pour modifier la loi, il refuse d’instaurer un référendum d’initiative citoyenne pour modifier la Constitution.
M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Au moins, c’est clair : le Rassemblement national est contre la création d’un référendum d’initiative citoyenne en matière constitutionnelle. Nous pensons, au contraire, que l’intégralité de la Constitution devrait être réformée par une assemblée constituante à laquelle le peuple serait associé. Les citoyens qui nous ont proposé cette pétition ont fait un truc génial : ils nous ont soumis un texte tenant compte de toutes les observations déjà formulées par la commission des Lois lors de l’examen des précédentes versions.
Si nous décidons de permettre la publication de cette pétition, la seule conséquence sera qu’elle pourra continuer à recevoir des signatures. Ce n’est que si elle obtient 500 000 signatures qu’elle pourra être étudiée dans l’hémicycle. À ce stade, il ne s’agit donc pas de se prononcer pour ou contre le référendum d’initiative citoyenne mais seulement d’autoriser la pétition à poursuivre son chemin. Si vous ne voulez pas avoir à l’examiner une quatrième fois, chers collègues, vous feriez mieux de soutenir cette pétition !
La souveraineté nationale appartient au peuple, qui a tous les droits en matière constitutionnelle comme en matière législative. Nous sommes la voix du peuple à l’intérieur de nos institutions républicaines. En l’occurrence, des citoyens nous ont saisis pour que nous fassions avancer l’idée du référendum d’initiative citoyenne constituant. Notre devoir de représentants du peuple est de permettre à cette idée de continuer à recueillir les signatures d’autres citoyens. Le seuil de 500 000 signatures, très élevé, est un bon test pour déterminer si cette pétition a la légitimité suffisante pour arriver dans l’hémicycle. Laissons les citoyens décider !
Mme Mathilde Desjonquères (Dem). Le groupe Démocrate, toujours sensible à toute réflexion relative au renouveau des institutions, est friand des idées qui pourraient revitaliser notre démocratie. Toutefois, ces initiatives doivent être accompagnées de garanties constitutionnelles suffisantes et s’inscrire dans une réflexion globale.
Cette pétition est une version modifiée d’une autre, que nous avons examinée et classée à l’automne dernier. Des modifications ont certes été apportées mais le dispositif proposé, s’il intègre bien le Parlement, oppose ce dernier aux citoyens, dans une logique de surenchère. Cette pétition est également restrictive dans la mesure où elle ne permet pas au Parlement d’amender le texte soumis au référendum. De plus, aucune révision ne peut avoir pour objectif la restriction des droits civils et politiques garantis par la Constitution, ni même porter atteinte à l’intégrité du territoire. Or la proposition actuelle ne mentionne toujours pas les droits économiques et sociaux, qui ont valeur constitutionnelle. Je tiens également à rappeler que la stabilité de nos institutions requiert que toute modification de la Constitution soit pleinement mesurée et faite avec parcimonie. Le dispositif proposé par cette pétition n’est pas convaincant et nous éloignerait beaucoup de cet objectif.
La réforme constitutionnelle n’est pas la seule piste à explorer pour renforcer la participation citoyenne à notre démocratie. Nous pourrions par exemple nous inspirer de ce qui se passe au niveau local, car les citoyens votent plus lors des élections locales que de lors des élections nationales. En conséquence, le groupe Démocrate vous propose de classer cette pétition.
M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Au fond, ce dont nous discutons ici, c’est d’une proposition de mise en cohérence de la Constitution de 1958 avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
L’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen indique en effet que tous les citoyens ont droit de concourir, personnellement ou par leurs représentants, à la formation de la loi. Cette phrase, imaginée par Talleyrand, tentait de faire la synthèse entre ceux qui se réclamaient de Rousseau et de la démocratie directe, et ceux qui se réclamaient de Sieyès, qui considérait qu’on ne pouvait s’exprimer que par la voix de ses représentants. L’article 89 de la Constitution de 1958 a inversé l’ordre des choses et, en matière constitutionnelle, il place le représentant au-dessus du représenté, en empêchant toute initiative populaire visant à modifier la Constitution.
Il est temps de mettre en concordance nos principes constitutionnels. Il serait donc bienvenu que l’Assemblée nationale organise un beau débat sur la nature de nos institutions et sur le rôle des citoyens, lequel doit être renforcé, par exemple en abaissant le seuil de déclenchement du référendum d’initiative partagée – le Président de la République s’était prononcé en faveur de son abaissement à 1 million de signatures. Nous pourrions aussi créer le statut du citoyen participant, qui n’existe pas et rend impossible le fait d’associer concrètement des citoyens, ou encore le référendum d’initiative citoyenne précédé d’un vrai processus de délibération.
La pétition que nous examinons ne revient pas pour la quatrième fois sans modification : au contraire, elle traduit un effort de dialogue puisqu’elle a tenu compte des différents échanges qui ont pu exister. Ainsi, des corrections ont été apportées sur l’exclusion du Parlement du processus, ou encore sur la fixation du seuil, qui avait été jugé trop faible.
Compte tenu de la qualité de cette proposition et de la gravité de la crise démocratique que nous connaissons, il nous semble légitime et important que l’examen de cette pétition se poursuive. J’espère que, dans le même esprit de compromis que celui de Talleyrand lorsqu’il a écrit l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, des députés de tous horizons y seront favorables, afin que nous puissions organiser ce débat.
M. Philippe Pradal (HOR). Nous examinons pour la troisième fois une pétition visant à instaurer un référendum d’initiative citoyenne permettant de réviser la Constitution. Comme les fois précédentes, le groupe Horizons et apparentés votera pour le classement de cette pétition. En effet, si nous saluons l’effort des auteurs de tenir compte des remarques précédemment soulevées en commission, nous demeurons convaincus, d’une part, que la question fait déjà l’objet de nombreux débats dans l’hémicycle et, d’autre part, que les dispositions qu’elle contient ne sont pas opportunes.
La Constitution de 1958 est l’élément fondateur de notre régime et assure la stabilité et l’efficacité de notre démocratie. Il est donc absolument nécessaire que toute modification de la Constitution ne s’opère que dans des conditions extrêmement strictes. Il faut bien reconnaître que le modèle actuel de démocratie représentative souffre : alors que de moins en moins de Français se rendant aux urnes, le besoin de participer directement à la vie de la Nation se fait plus vif.
Néanmoins, les dispositions constitutionnelles actuelles ne font pas fi de la participation citoyenne. Le Président de la République peut décider de soumettre la révision constitutionnelle à l’approbation citoyenne. Si ce mode d’approbation a été peu utilisé, c’est parce que les différents présidents de la République sous la Ve République, qui tirent leur légitimité du suffrage universel direct depuis la réforme de 1962, ont préféré faire approuver ces projets de révision par les parlementaires réunis en Congrès.
Les constituants de 1958 ont fait le choix d’une démocratie représentative, avec une majorité et une opposition relayant et structurant les débats qui animent notre société, selon des procédures claires et surtout un mode de désignation qui assoit la légitimité de ceux qui font la loi : le suffrage universel direct.
Le groupe Horizons et apparentés est convaincu qu’on ne saurait opposer les souverainetés. Or c’est ce que suggère cette pétition : le Congrès aurait une moindre légitimité à se prononcer sur une révision constitutionnelle que le peuple s’exprimant directement. Nous voterons donc pour le classement de cette pétition.
Mme Laure Miller, rapporteure. Nous sommes tous d’accord pour souligner le fait qu’il existe un vrai dialogue entre la commission des Lois et les auteurs de cette pétition, et que ces derniers ont fait évoluer leur texte. Cela montre que la question de la représentativité du peuple et de l’opportunité de lui donner la parole est un vrai sujet, sur lequel nous devons travailler. Mais cela montre aussi que réorganiser la procédure de révision de la Constitution n’est pas si simple et demande de la subtilité si l’on veut, comme le soulignait la constitutionnaliste Anne Levade, éviter le pire.
Je note, comme vous, que des modifications ont été apportées et que le Parlement a été réintégré dans la procédure. Mais je remarque aussi que cette modification oppose le peuple au Parlement, ce qui ne me semble pas souhaitable. De même, le seuil a été révisé mais il demeure problématique puisqu’il est moins important pour une révision constitutionnelle que pour une révision législative.
Je suis assez surprise d’entendre nos collègues du Rassemblement national parler de stabilité et de respect de nos institutions. Quand ils évoquent la laïcité, ils souhaitent que l’on respecte la Constitution, mais cela ne les empêche pas de critiquer toutes les décisions du Conseil constitutionnel et de vouloir modifier la Constitution en violation de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. On ne peut pas défendre la Constitution un jour et l’attaquer le lendemain : il faut être cohérent.
Pour conclure, notre démocratie n’est certes pas parfaite et doit s’améliorer. Concernant la parole donnée au peuple, beaucoup d’évolutions favorables ont été enregistrées. Ainsi, la révision constitutionnelle de 2008 avait déjà largement renforcé le pouvoir du Parlement et créé la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qui est une véritable avancée pour donner la parole au peuple. La création du Défenseur des droits a également permis de tenir compte de notre parole dans la défense de nos droits et libertés fondamentaux.
Cette pétition a recueilli 8 000 signatures : c’est très bien mais cela demeure trop faible compte tenu de l’importance de ce sujet. Pour toutes ces raisons, je vous propose de classer cette pétition.
La commission adopte la proposition de classement de la pétition n° 2082.
En conséquence, la pétition n° 2082 est classée.
M. le président Sacha Houlié. Nous en venons à la troisième pétition, portant le numéro 1625, qui rejoint les travaux de contrôle de la commission des Lois puisqu’une mission d’information est en cours pour évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre le trafic de stupéfiants, dont nos collègues Éric Poulliat et Antoine Léaument sont les rapporteurs. J’espère qu’elle pourra remettre ses conclusions d’ici à la fin du mois de juin car elle nous sera beaucoup plus utile que la pétition que nous allons examiner.
Mme Laure Miller, rapporteure. Cette pétition, qui a recueilli un peu plus de 6 000 signatures, propose d’abroger toutes les sanctions pénales qui répriment, en France, la consommation de stupéfiants. La pétition concerne la seule consommation de stupéfiants, mais elle vise indistinctement l’ensemble des produits stupéfiants, y compris les drogues dites dures.
Elle avance plusieurs arguments : l’incrimination actuelle serait inefficace, au vu du nombre de consommateurs français de drogues ; la répression pénale serait trop coûteuse pour les finances publiques ; elle n’aurait aucune incidence sur les trafics ; elle compliquerait l’accompagnement médico-social des consommateurs précaires, incités à s’isoler par crainte des poursuites ; plus de cinquante pays ont procédé à la dépénalisation de l’usage de drogues, laquelle est demandée par plusieurs associations dans un récent Livre blanc.
La politique française de lutte contre l’usage des drogues trouve son origine dans la loi du 31 décembre 1970, qui prévoyait des peines d’amende et d’emprisonnement pour l’usage, le transport, la détention ou l’offre de drogues. L’interdiction de la consommation figure aujourd’hui à l’article L. 3421-1 du code de la santé publique, qui punit la consommation de stupéfiants d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. Pour mieux lutter contre la consommation de drogues et recentrer l’action des services de police et des services judiciaires sur le traitement des trafics, la loi de 2019 de programmation et de réforme pour la justice a créé une amende forfaitaire délictuelle (AFD) d’un montant de 200 euros.
La lutte que le Gouvernement mène contre le trafic de stupéfiants est prioritaire ; une mission d’information est en cours pour mesurer son efficacité. Au total, depuis six mois, presque 500 opérations antidrogue ont été menées, conduisant à l’interpellation de 7 177 individus ainsi qu’à la saisie de 3,6 tonnes de drogues, plusieurs centaines d’armes et 11,3 millions d’avoirs criminels. Mais cette lutte contre le trafic ne peut se concevoir sans une action ciblant fermement la demande de stupéfiants, et donc les consommateurs. C’est pourquoi, compte tenu de leur responsabilité dans les violences commises par les dealers, 34 000 personnes majeures ont été condamnées en 2023 pour infractions à la législation sur les stupéfiants, soit 1 000 de plus qu’en 2022.
Plus largement, l’interdiction de la consommation repose sur la conviction que les drogues ne sont pas des produits comme les autres. Les drogues exposent en effet à des dangers nombreux et bien documentés, notamment chez les jeunes et les plus fragiles : addiction, vulnérabilité psychique ou physique, intoxication, infection, surdose. On connaît les effets négatifs du cannabis sur la maturation cérébrale des jeunes, la mémoire, la concentration et la motivation – effets qui se répercutent évidemment sur leur parcours scolaire. On connaît l’impact des drogues sur la santé mentale des consommateurs de tous âges : risques de dépendance, de dépression, voire de psychose. On connaît leurs effets dramatiques sur la sécurité routière, puisqu’elles altèrent la perception, l’attention et la réaction du conducteur, en décuplant le risque d’accident mortel – les exemples des tragédies que cela peut provoquer ne manquent pas. Nous le savons : tout comme le trafic, la consommation de drogues est un fléau social, qui mérite notre plus grande vigilance. C’est à ce titre que je vous propose de classer cette pétition.
M. Éric Poulliat (RE). Cette pétition vise à supprimer les sanctions pénales pour la simple consommation de drogue. Elle propose l’examen d’un texte législatif qui viserait à abroger le délit d’usage de stupéfiants, sauf pour les produits psychoactifs susceptibles de mettre en danger la sécurité d’autrui. Autrement dit, il s’agit d’une dépénalisation sélective. Le Parlement a pris le chemin exactement inverse en 2018 avec la création d’une amende forfaitaire délictuelle rappelant l’interdit pénal en matière de consommation de stupéfiants – de tous les stupéfiants.
Par ailleurs, la pétition ne fait pas de distinction entre les produits et n’évoque que la question de la sécurité pour autrui, faisant ainsi preuve d’une méconnaissance absolue des sujets d’addiction et des effets des drogues sur chaque individu. Elle n’aborde pas non plus les effets des stupéfiants sur la santé mentale ou encore en matière de sécurité routière.
Enfin, elle fait totalement abstraction du lien entre une décriminalisation de l’usage et le trafic de stupéfiants, ignorant donc l’impact que cela pourrait avoir sur la criminalité organisée et sur la vie de nos concitoyens.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons classer cette pétition.
Mme Pascale Bordes (RN). Alors que la France est submergée par le narcotrafic, d’aucuns, à rebours de toute réalité, ont émis l’idée d’une dépénalisation de la consommation de toutes les drogues. De fait, la dépénalisation existe déjà car il y a longtemps que l’on ne va plus en prison pour ce motif. Quant à l’amende de 3 750 euros, j’aimerais savoir combien de fois, ces dix dernières années, une telle amende a été prononcée, sachant que depuis la création des AFD, l’amende est de 200 euros, potentiellement minorée à 150, et qu’elle n’est quasiment jamais recouvrée, comme le montre le très fort taux de non-recouvrement de ces amendes.
La pétition fait état, à cinq reprises, de la « simple consommation » ou du « simple usage », comme s’il s’agissait d’un produit de consommation courante, témoignant ainsi de la tolérance culturelle gaucho-bobo à l’égard de la consommation de drogues. Or la drogue n’est pas un produit de consommation comme un autre. Les dangers pour les consommateurs sont nombreux. C’est un acte qui a des conséquences pour le consommateur, mais pas seulement : je pense à toutes ces victimes mortes ou gravement blessées parce qu’elles ont eu le malheur de croiser la route d’un chauffard qui conduisait en ayant consommé des produits stupéfiants. Je pense également à toutes les victimes collatérales de la guerre à laquelle se livrent les narcotrafiquants, en particulier à Socayna, morte à Marseille dans sa chambre alors qu’elle était en train d’étudier, victime d’une balle perdue de kalachnikov tirée dans la rue par des trafiquants.
Au regard de la multiplication exponentielle de ces actes criminels et du nombre vertigineux de victimes innocentes, je n’ai plus aucune compassion pour les consommateurs : je garde ma compassion pour les victimes. Consommer de la drogue n’est pas un acte individuel isolé : c’est un acte qui, par ses répercussions, ébranle les fondements de notre pays. Cela pourrait contribuer à faire de notre pays un narco-État si nous ne menons pas rapidement une guerre, disons le mot, contre les narcotrafiquants. Les consommateurs contribuent à créer le marché et permettent ainsi aux réseaux de trafiquants d’exister et de prospérer. Ils doivent l’assumer. L’État doit livrer une guerre contre les narcotrafiquants et cela passe par des mesures fortes, y compris contre les consommateurs, partie prenante du trafic.
Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Cette pétition soulève la question de la prohibition. Nous sommes le pays le plus répressif en Europe en matière de consommation de produits stupéfiants et, en parallèle, nous sommes les premiers consommateurs. Cette première contradiction doit nous inviter à réfléchir sur ce sujet. À ce propos, je m’autorise à vous conseiller la lecture de l’ouvrage La brimade des stups, qui montre bien à quel point la prohibition vise tel ou tel groupe social – les Asiatiques, par exemple, lorsque les États-Unis ont interdit l’opium.
La prohibition entrave la possibilité de mener des politiques sanitaires et de prévention, qui sont absolument nécessaires pour permettre à tout un chacun, quel que soit son âge, de mesurer l’impact très concret sur le cerveau de ces produits. Cela permettrait aussi de discuter de la « qualité » des produits. La prohibition conduit aux opérations Place nette, qui sont tout à fait inutiles et consommatrices de temps de police. Selon nous, il serait bien plus pertinent de doter la police judiciaire de moyens suffisants pour remonter les filières et sanctionner ceux qui devraient l’être.
Mme Mathilde Desjonquères (Dem). Selon l’OFDT (Observatoire français des drogues et des tendances addictives), la France compte 5 millions d’utilisateurs réguliers du cannabis et 600 000 pour la cocaïne ; en 2022, plus de 150 tonnes de produits stupéfiants ont été saisies. Derrière ces chiffres, ce sont autant de vies, de personnes, de parcours marqués par la violence induite par la drogue. Je pourrais ainsi évoquer les vies bouleversées de deux sœurs de 15 et 18 ans et de leur groupe d’amis, jambes et bras arrachés, vies envolées, jeunesse fauchée par un chauffeur qui conduisait un car sous l’emprise de la drogue et qui a perdu le contrôle de son véhicule. Ce groupe de jeunes ados ne se remettra pas ; leurs parents non plus. Des vies brisées pour des joints et des rails de coke : quelle tristesse infinie !
Je pourrais aussi vous parler de ces parents qui sont contre, archi contre la drogue, et qui voient un de leurs enfants prendre un autre chemin : celui de la drogue. Ces mêmes parents s’interrogent sur la question de la dépénalisation de la simple consommation. Or, peu importe qu’elles soient douces ou dures : in fine, cela reste de la drogue. Les études démontrent que la consommation de drogues entraîne des troubles cognitifs, des troubles de l’attention, de la mémoire, de la coordination. L’usage de cannabis peut également précipiter la survenue de troubles psychiatriques comme l’anxiété, la dépression ou des syndromes psychotiques.
La ligne rouge, au-delà du jugement de valeur, c’est la santé publique. L’Assemblée nationale reçoit d’ailleurs des recommandations d’associations dénonçant les politiques répressives en matière de stupéfiants. À ce titre, la commission des Lois a créé une mission d’information visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants, menée par nos collègues Antoine Léaument et Éric Poulliat. Il serait donc judicieux d’attendre leurs conclusions.
Pour toutes ces raisons, le groupe Démocrate ne souhaite pas examiner cette pétition.
M. Philippe Pradal (HOR). La pétition propose de dépénaliser la consommation de substances classées sur la liste des stupéfiants, fixée par arrêté et actualisée pour la dernière fois en octobre 2019. On y trouve le cannabis, la cocaïne, le fentanyl et l’opium : autant de substances extrêmement nocives pour la santé, possédant un potentiel addictif élevé et entraînant des conséquences graves pour la santé physique et mentale.
Le groupe Horizons et apparentés s’oppose à la dépénalisation, car elle conduirait à normaliser l’usage des stupéfiants, donc à augmenter leur consommation, notamment chez les jeunes et les personnes les personnes les plus vulnérables.
Prise isolément, la pénalisation de la consommation peut être perçue comme inefficace, mais le Gouvernement et l’ensemble des acteurs de la santé sont pleinement engagés dans la lutte contre les conduites addictives et font de la prévention et de l’éducation leur priorité. Pénaliser la consommation, c’est envoyer un signal fort et essentiel sur le danger que représentent ces substances dont la consommation est illégale et passible de sanctions ; c’est aussi insister sur le fait que la consommation alimente un trafic qui coûte tant de vies chaque année, constitue une trappe à précarité et amorce presque toujours un engrenage délétère, en particulier chez les plus jeunes et les plus vulnérables.
Vous l’aurez compris, notre groupe votera en faveur du classement de cette pétition.
M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). Il s’agit d’une question sérieuse et dramatique. La consommation de drogue représente un problème de santé publique et de criminalité organisée ; elle contraint l’État à déployer des moyens importants et elle brise des vies.
Force est de constater que le problème subsiste. La France présente un paradoxe : dotée de la législation la plus répressive d’Europe, notre pays enregistre la consommation la plus élevée, en tout cas de cannabis. La politique conduite est donc inefficace et même contre-productive : en effet, en maintenant les consommateurs dans l’illégalité, elle freine la prévention des addictions et l’accès aux soins.
Il convient d’écarter les postures morales pour affronter de manière pragmatique le problème. Il est en effet trop facile de dire « la drogue, c’est mal » et de se contenter de réprimer les consommateurs. Cela fait cinquante ans que nous suivons cette voie et cela fait cinquante ans que cette orientation est un échec. D’autres pays ont pris des chemins différents : il y a lieu d’examiner les expériences étrangères avec un peu de finesse ; elles ne réussissent pas toutes et la dépénalisation ne suffit pas à résorber le commerce illicite et l’ensemble des trafics, mais la légalisation de certaines drogues peut représenter une piste intéressante.
Dans le même temps, il faut s’attaquer aux trafics et aux chaînes d’approvisionnement tout en déployant une politique très ambitieuse en matière de santé publique, qui pourrait s’inspirer des expériences uruguayenne et canadienne ; Malte a récemment décidé de légaliser la consommation de certaines substances.
Le groupe Écologiste-NUPES est favorable à l’examen de cette pétition.
M. Yoann Gillet (RN). Alors que le trafic de drogue n’a jamais été aussi florissant en France, situation aux conséquences nombreuses et dramatiques, l’extrême gauche nous prouve une fois de plus son envie de déstabiliser notre société. Quant à la Macronie, son inaction et son incompétence ouvrent la porte à toutes les dérives, comme celle qu’il nous est suggéré d’avaliser aujourd’hui.
Les Français ont raison : une large majorité d’entre eux se montre favorable au renforcement des sanctions contre les trafiquants et les consommateurs de stupéfiants. La dépénalisation de ce que les irresponsables ici présents nomment « la simple consommation de drogue » doit être combattue. Rien n’est plus faux que de dire qu’elle éradiquerait le trafic. En outre, la suppression des sanctions pénales ne ferait qu’encourager la consommation de drogue et normaliserait une pratique qu’il faut combattre.
Est-il nécessaire de rappeler les ravages que provoque la consommation de stupéfiants ? Les études scientifiques sont très claires et nous incitent à faire tout ce qui est possible pour empêcher la jeunesse de sombrer davantage. Au-delà de l’impact sur la santé, le trafic de stupéfiants provoque violences, fusillades et règlements de compte, lesquels n’épargnent pas ma circonscription nîmoise.
Face au fléau de la drogue, il ne peut y avoir que deux réponses : sensibiliser la jeunesse et conduire des actions de prévention ; appliquer le principe de la tolérance zéro envers les trafiquants et les consommateurs, alors que nous sommes encore très éloignés de cette politique de bon sens. Le Rassemblement national réclame depuis des années une véritable ambition nationale dans ce domaine, laquelle passe par un renforcement de la réponse pénale, la suppression de l’excuse de minorité, l’expulsion des délinquants étrangers, surreprésentés dans le trafic de stupéfiants, et la maîtrise de nos frontières, élément capital d’une politique efficace.
M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Avec mon collègue Éric Poulliat, nous menons en effet une mission d’information destinée à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants. Nous aborderons la question de la dépénalisation puisque le débat existe dans la société, mais elle ne constituera pas le cœur du rapport, que nous essaierons d’achever avant la pause estivale.
Comme la drogue, l’alcool représente un problème pour la santé et mobilise de nombreux gendarmes et policiers, notamment le week-end lorsque des personnes ivres se battent. Pourtant, l’alcool est légal car sa présence est culturelle et ancienne. Nous sommes parvenus à faire baisser sa consommation grâce à la prévention, sans décréter de prohibition. Les pays qui ont interdit l’alcool ont d’ailleurs fait rapidement face à une situation abominable, que l’on pense à l’exemple américain.
Les trafiquants de drogue sont de plus en plus puissants et riches et ils utilisent leurs énormes moyens pour corrompre certaines structures de l’État. Il faut mener une lutte implacable contre ces personnes. La dépénalisation pourrait favoriser la prévention, même si cette hypothèse ne fait pas l’objet d’un consensus. Elle libérerait en outre des forces de police et des personnels de justice.
Vous l’avez compris, le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale votera contre le classement de la pétition, ne serait-ce que pour faire vivre le débat public sur la question.
Mme Marie-France Lorho (RN). La dépénalisation de la consommation de drogue soulève la question de son développement dans la vie quotidienne des Français. Un tel changement dans le mode de consommation risque de systématiser la présence de drogues au sein des foyers.
Les différents cas de négligence, aux conséquences dramatiques, de drogues laissées à la portée des enfants nous enjoignent de faire montre de la plus grande prudence devant toute mesure qui pourrait, même indirectement, favoriser la présence de telles substances dans l’environnement des mineurs. Les cas d’ingestion par des enfants de boulettes de résine de cannabis sont légion ; or de telles absorptions peuvent se révéler dramatiques et engendrer un coma, une crise de tachycardie ou une hypotension artérielle. Une étude du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse de 2023 faisait état d’enfants ayant ingéré accidentellement de la cocaïne et révélait que le nombre d’enfants intoxiqués à cette drogue grimpait en flèche ; selon cette étude, les admissions annuelles aux urgences ont été multipliées par huit en onze ans et 46 % des patients pris en charge, souffrant essentiellement de symptômes neurologiques, avaient moins de 5 ans – 66 % d’entre eux étaient positifs à la cocaïne voire à d’autres produits stupéfiants. L’ingestion accidentelle de drogue par les enfants constitue un grave problème de santé publique, qui n’est pas suffisamment considéré et qui pourrait s’aggraver si l’on suivait cette pétition, que nous jugeons illégitime.
M. Timothée Houssin (RN). On nous soumet une pétition qui vise à supprimer les mesures pénales sanctionnant la consommation de toutes les drogues, y compris les plus dures. Cette proposition pose un problème majeur.
La consommation de drogue constitue un fléau dans notre pays. Les chiffres sont édifiants : 5 millions de personnes consomment régulièrement du cannabis et 600 000 font de même avec la cocaïne, signe de la démocratisation de l’absorption de drogues dures. La dépénalisation banaliserait l’usage des drogues, dont la production et la vente sont interdites. Elle risquerait également de décomplexer les consommateurs et de les entraîner vers des drogues plus dures, tout en alimentant la demande, donc le trafic. Favoriser le trafic de drogue revient à entretenir l’économie parallèle, qui nourrit d’autres activités illégales, ainsi que les violences directes – rappelons qu’en 2023, 450 morts ont été causées en France par des violences liées au trafic de drogue, phénomène qu’a dramatiquement illustré l’attaque récente d’un fourgon pénitentiaire à Incarville – et indirectes, celles des vols et des agressions commis par des consommateurs cherchant à financer l’achat de stupéfiants.
Les conséquences de la consommation de drogue représentent un enjeu de santé publique, mais aussi de sécurité routière puisqu’un accident mortel sur cinq implique un conducteur ayant consommé des stupéfiants.
Sur la forme, seules 5 930 personnes ont signé cette pétition, alors que certains médias – Libération, France Info, TF1 – en ont fait la publicité : on a parlé de cette pétition, mais personne ne l’a signée car personne, à part quelques associations d’extrême gauche qui ne représentent qu’elles-mêmes, ne soutient la dépénalisation de la consommation de drogue. Nous vous demandons donc de classer cette pétition.
M. Thomas Ménagé (RN). Je suis très heureux, madame la rapporteure, de vous entendre rappeler les dangers du cannabis pour la santé, notamment celle des jeunes. Vous nous avez rejoints en cours de législature, puisque votre élection avait été invalidée à cause d’une infraction au code électoral dont vous vous étiez rendue coupable. Vous aviez pris l’engagement de lutter contre le Rassemblement national et de créer une task force destinée à dénoncer les incohérences de notre parti.
M. Ludovic Mendes, membre du groupe Renaissance, défend sur tous les plateaux de télévision la légalisation du cannabis : n’incarne-t-il pas parfaitement l’incohérence de Renaissance en la matière ? La ligne de votre groupe est-elle celle de l’extrême gauche, à savoir la légalisation du cannabis, ou la nôtre, qui consiste à lutter contre les trafiquants, à ramener le calme dans les quartiers et à éviter les morts sur les routes et l’ingestion de boulettes de cannabis par les enfants ? Je n’ai pas eu besoin d’une task force pour démontrer votre incohérence et je me suis ainsi montré plus efficace que la vôtre, laquelle n’a rien pu produire contre nous.
M. le président Sacha Houlié. Nous allons conclure là les navrantes interventions sur le sujet. Monsieur Ménagé, vous deviez donner un avis sur le classement ou non de la pétition, pas sur la personnalité de la rapporteure. Les mises en cause personnelles sont proscrites au sein de la commission des Lois comme elles le sont dans l’hémicycle.
Ces pétitions ont été examinées dans des conditions affligeantes, preuve du peu de cas que vous faites de cette procédure.
Mme Laure Miller, rapporteure. Monsieur Ménagé, pour connaître la ligne de Renaissance, je vous invite à regarder la politique conduite par le Gouvernement : vous êtes coutumier des attaques personnelles, mais je vous rappelle que le Conseil constitutionnel a rendu une décision qui m’était favorable ; continuer à attaquer ma légitimité montre le peu de respect que vous avez pour les institutions de la République.
Vous, membre du Rassemblement national, vous osez parler de cohérence, alors que votre parti a changé de position sur tous les sujets en dix ans : sur l’Europe, sur le Brexit, sur les droits des femmes et des personnes LGBT, vous avez changé d’avis sur tout, donc vous entendre nous reprocher un manque de cohérence est risible.
Monsieur Gillet, vous nous expliquez que notre politique ouvre la porte à toutes les dérives et vous prenez l’exemple de cette pétition, alors que ce n’est évidemment pas nous qui vous la soumettons. Il n’est pas interdit, a fortiori lorsque l’on est un élu, de faire preuve d’un minimum d’honnêteté intellectuelle.
La consommation de drogue a évidemment un impact sur l’ampleur des trafics, comme on le constate tous les jours dans nos quartiers. La question de l’efficacité de notre politique mérite d’être posée, mais cette évaluation ne doit pas emporter la dépénalisation de la consommation de drogue. Rien ne prouve que la répression entrave l’accompagnement des consommateurs et la prévention de l’usage des stupéfiants.
Le parallèle entre l’alcool et la drogue ne me semble pas pertinent, car les effets du premier et ceux du cannabis sur le corps humain sont très différents.
Monsieur Iordanoff, l’argument moral n’est pas à évacuer : la dépénalisation serait une défaite morale.
La commission adopte la proposition de classement de la pétition n° 1625.
En conséquence, la pétition n° 1625 est classée.
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Puis, la Commission examine, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi constitutionnelle visant à constitutionnaliser la sécurité sociale (n° 2472) (M. Pierre Dharréville, rapporteur)
Tous les amendements qui n’ont pas été examinés lors de la réunion tenue en application de l’article 86 du Règlement ont été repoussés.
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Enfin, la Commission examine, en application de l’article 88 du Règlement, les amendements à la proposition de loi constitutionnelle tendant à la création d'une commission permanente aux collectivités territoriales et aux outre-mer (n° 2471) (M. Davy Rimane, rapporteur).
Tous les amendements qui n’ont pas été examinés lors de la réunion tenue en application de l’article 86 du Règlement ont été repoussés.
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La séance est levée à 12 heures 35.
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Informations relatives à la Commission
La Commission a désigné :
– M. Jiovanni William, rapporteur sur la proposition de loi visant à préserver les droits des victimes dépositaires de plaintes classées sans suite (n° 2584) ;
– M. Laurent Marcangeli, rapporteur sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à proroger la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 relative à l’assainissement cadastral et à la résorption du désordre de la propriété (n° 2454).
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, M. Erwan Balanant, M. Romain Baubry, M. Clément Beaune, M. Karim Ben Cheikh, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, Mme Émilie Chandler, M. Éric Ciotti, Mme Mathilde Desjonquères, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, M. Jordan Guitton, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, M. Jérémie Iordanoff, Mme Marietta Karamanli, M. Andy Kerbrat, Mme Amélia Lakrafi, M. Philippe Latombe, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Marie-France Lorho, Mme Aude Luquet, Mme Élisa Martin, M. Thomas Ménagé, Mme Emmanuelle Ménard, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, M. Didier Paris, M. Éric Pauget, M. Jean-Pierre Pont, M. Thomas Portes, M. Éric Poulliat, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, M. Davy Rimane, Mme Béatrice Roullaud, M. Thomas Rudigoz, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, M. Philippe Schreck, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot, M. Jiovanny William, Mme Caroline Yadan
Excusés. - M. Xavier Breton, M. Philippe Dunoyer, Mme Raquel Garrido, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, M. Sylvain Maillard, M. Laurent Marcangeli, M. Olivier Marleix, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback
Assistaient également à la réunion. - M. Mickaël Bouloux, M. Arthur Delaporte, M. Fabien Di Filippo, M. Charles Fournier, M. Michel Guiniot, M. Frédéric Petit