Compte rendu
Commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil
des jeunes enfants au sein
de leurs établissements
– Audition de représentants de Régions de France : Mme Françoise Jeanson, vice‑présidente la région Nouvelle-Aquitaine, et Mme Laura Lehmann, conseillère santé, social et enseignement supérieur 2
Mercredi 28 février 2024
Séance de 16 heures 30
Compte rendu n° 12
session ordinaire de 2023-2024
Présidence de
Mme Ingrid Dordain,
vice-présidente
— 1 —
La séance est ouverte à seize heures trente.
Mme Ingrid Dordain, vice-présidente. Mes chers collègues, nous poursuivons nos auditions en accueillant Mme Françoise Jeanson, vice-présidente de la région Nouvelle-Aquitaine en sa qualité de représentante de l’association Régions de France, accompagnée à ce titre par Mme Laura Lehmann, conseillère santé, social et enseignement supérieur.
À des degrés divers, tous les échelons de collectivités sont concernés par la problématique des crèches, mais il me semble important de préciser, s’agissant des régions, que l’enjeu de la formation professionnelle des personnels de crèche me semble être le plus important. Au fil de nos différentes auditions, nous avons déjà évoqué ce sujet sous ses différentes facettes : pénurie de personnel, turnovers excessifs, question des diplômes et de la validation des acquis de l’expérience, stages, tutorats. Il est important d’associer les régions à nos travaux et à nos réflexions.
Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et retransmise en direct sur le site de l’Assemblée nationale. L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main et à dire : « Je le jure ».
(Mmes Françoise Jeanson et Laura Lehmann prêtent serment).
Mme Françoise Jeanson. Je vous remercie de convier Régions de France à cette réflexion importante sur la petite enfance et en particulier la qualité de l’accueil des jeunes enfants. Les régions de France sont concernées au premier chef par la question de la formation d’une partie des professionnels de la petite enfance. Une autre compétence est également concernée : l’information sur l’orientation.
Principalement, trois professions sont concernées par ce travail sur la petite enfance. La première concerne les auxiliaires de puériculture, dont la formation dure un an, et est à peu près du même niveau que celle des aides-soignantes. Ensuite, il convient de mentionner les formations d’éducateur de jeunes enfants (EJE), qui relèvent du domaine social et non du sanitaire. Les compétences des EJE ont changé pour s’accroître, notamment dans les crèches. Ces formations de trois ans s’effectuent dans les instituts de travail social. Enfin, il faut citer les infirmières puéricultrices. Parmi les autres professionnels, les CAP petite enfance ne relèvent pas directement de la compétence des régions, et certains professionnels sont formés par les départements.
Nous menons depuis un moment une réflexion sur les formations, en particulier celles des auxiliaires de puériculture, sur lesquelles nous avons été alertés il y a plusieurs années. À ce titre, les régions ont toutes augmenté d’environ un tiers le nombre de places dans les formations d’auxiliaires de puériculture, qui sont plutôt des formations de proximité comme toutes ces formations se déroulant en un an. De plus, le diplôme peut s’acquérir par la validation des acquis de l’expérience (VAE), dont la part est en train d’augmenter fortement dans le nombre de diplômés. À la formation initiale s’ajoute donc la formation continue, pour des personnes qui ont déjà un emploi, à l’instar des aides-soignantes.
En résumé, cette formation d’auxiliaire de puériculture reste attractive la plupart du temps, même si nous ne remplissons pas toujours ces formations. À ce sujet, les derniers chiffres datent de l’année 2021, c’est-à-dire une période encore impactée par la Covid. Cette année, il faudra évaluer les chiffres de remplissage et notamment la différence entre le nombre de personnes qui entrent en formation et celles qui sont effectivement diplômées. Comme pour toutes les formations sanitaires et sociales, les abandons sont souvent liés à la méconnaissance initiale du métier, ce qui est moins le cas dans le cadre de formations continues.
Par ailleurs, la question de la qualité de l’accueil des stagiaires est également essentielle. Ainsi, il est compliqué de bien accueillir des stagiaires dans des structures qui manquent déjà de professionnels. Cela dit, dans la majorité des cas, ces accueils se passent malgré tout très bien, puisque les abandons dans les formations d’auxiliaire puéricultrice ne sont pas très élevés.
En revanche, nous constatons une forte baisse du taux de remplissage dans les formations pour les éducateurs de jeunes enfants, que nous avons particulièrement constatée en Nouvelle-Aquitaine : en 2021, nous n’avions que 71 inscrits en première année pour 163 places ouvertes, hors apprentissage. Cependant, tous et toutes en sortent diplômés et trouvent un emploi immédiatement. Malgré tout, les personnes qui suivent cette formation d’une durée de trois ans sont également confrontées aux mêmes difficultés pour trouver des stages, d’autant plus que ceux-ci sont rémunérés pour une partie d’entre eux.
L’apprentissage infra bac a particulièrement augmenté dans les formations sanitaires et sociales de niveau 4 pour les auxiliaires de puériculture. Mais il s’est également accru en post bac. Sur 63 places, nous avons enregistré 55 participants en première année en 2021 ; soit des niveaux bien au-delà de ceux des années précédentes.
Le diplôme des infirmières puéricultrices a évolué : désormais il est possible de suivre une formation d’infirmière, puis celle de puéricultrice immédiatement après, ce qui n’était pas le cas précédemment. Dans notre région, nous avons augmenté le nombre de places de formation, compte tenu du niveau de tension dans ces métiers, ce qui induit des conséquences financières, puisqu’il s’agit de formations initiales. Cette formation de niveau 6 est très demandée, non seulement dans les crèches, mais également dans les hôpitaux, en particulier dans les maternités et dans les structures de protection maternelle et infantile (PMI).
Ensuite, la plupart des régions progressent sur la compétence d’information aux formations, en y intégrant les formations sanitaires et sociales. À cet égard, il convient de mentionner le rôle des ambassadeurs métiers, ces professionnels qui interviennent dans les collèges et les lycées. De fait, les formations sanitaires et sociales qui étaient vraiment très attractives, le sont moins désormais. Or nous constatons que celles qui le demeurent sont celles qui sont très connues du grand public, comme les formations d’infirmières ou de masseurs-kinésithérapeutes. Un grand nombre de formations sont méconnues, comme celles des EJE ou des auxiliaires puéricultrices et si nous voulons recruter, il est indispensable de mieux informer.
Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Je vous remercie. Nous souhaitions vous recevoir au titre de la compétence des régions en matière de formation professionnelle en particulier, afin d’échanger avec vous sur le sujet des professionnels de la petite enfance. Cet aspect nous semble effectivement central pour pouvoir améliorer la qualité d’accueil de nos très jeunes enfants.
À de nombreuses reprises, tant lors de nos auditions que de nos déplacements, nous avons été interpellés sur les besoins importants en matière de formation de nouveaux professionnels dans les métiers de la petite enfance, qui sont en tension. De plus, cette situation devrait s’aggraver avec le départ prochain de nombreux personnels en retraite. Les estimations dont nous disposons sont assez probantes : il manque déjà 10 000 professionnels de crèche et ce chiffre triplera d’ici 2027. En outre, si nous devions rehausser le taux d’encadrement dans les crèches, il nous faudrait jusqu’à 50 000 professionnels supplémentaires.
Nous avons également été interpellés sur la nécessité de renforcer considérablement la formation continue des professionnels déjà en place, en particulier pour leur permettre d’intégrer les apports des neurosciences et des experts du développement du jeune enfant. Comment considérez-vous l’offre de formation professionnelle portée par les régions dans le domaine de la petite enfance, qu’il s’agisse des formations initiales ou des formations continues ? Rencontrez-vous des difficultés pour créer et animer des filières dans la petite enfance ? La demande de formation est-elle suffisamment forte ? Comment les régions de France envisagent-elles de répondre au besoin à venir de tels professionnels ?
Par ailleurs, comme vous l’avez indiqué à très juste titre, dans certaines régions, toutes les places de formation ouvertes ne sont pas pourvues. De quelle manière les régions comptent-elles répondre à ces difficultés ?
Enfin, s’agissant de la gouvernance, si vous souhaitez que les régions soient plus activement impliquées dans la politique publique de l’accueil du jeune enfant, avec quels moyens les régions pourront-elles aider les communes dans leur rôle d’autorité organisatrice d’accueil du jeune enfant, notamment les communes rurales ?
Mme Françoise Jeanson. Vous indiquez qu’il manque 10 000 professionnels, mais encore faut-il préciser de quels professionnels il s’agit, tant les métiers sont variés. S’agit-il d’auxiliaires puéricultrices, de CAP petite enfance, d’aides à domicile ou d’infirmières puéricultrices ? Je rappelle que la plupart des régions ont achevé leur schéma des formations sanitaires et sociales et pour y parvenir, elles ont interrogé en proximité l’ensemble des acteurs et en particulier les départements et les Agences régionales de santé (ARS). Dans ce cadre, il importe de mener, encore plus qu’actuellement, un travail de « dentelle » pour savoir quels professionnels manquent et sur quels territoires ; mais aussi pour localiser les viviers.
Or comme vous le savez, le financement des formations présente un caractère très éclaté, selon qu’il s’agisse de formation initiale, de formation continue, d’apprentissage ou de VAE. L’objectif consiste bien à former des professionnels à un métier qui leur plaît et leur permettre de bien travailler auprès des enfants. C’est la raison pour laquelle il importe de faire le point sur les manques et bâtir en conséquence une planification pour les années à venir.
Je dois vous faire une confidence : j’ai été particulièrement marquée par la crise qui touche le métier d’infirmière et que nous n’avions pas du tout anticipée. Désormais, nous sommes en train de l’anticiper, depuis deux ans. À ce titre, il me semble nécessaire de mener un travail très étroit entre les régions, les départements et l’ensemble de la gouvernance pour cerner les besoins et définir les profils adéquats. Si nous ne sommes pas en mesure de le mener à bien, il sera difficile de recruter et de bien former.
Ensuite, il me semble intéressant que nous participions à la gouvernance à travers notre compétence. En Nouvelle-Aquitaine, nous remettons tous les deux ans sur le métier le schéma de formation. De manière fine, nous évaluons les besoins de telle ou telle formation et essayons de les rendre plus attractives. Ensuite, un comité de pilotage annuel permet de procéder aux réajustements. De fait, sur les formations courtes en particulier, comme celles des auxiliaires de puériculture, il demeure plus aisé de réajuster année après année.
Il n’en demeure pas moins que la question financière se posera nécessairement aux régions si nous devons augmenter le nombre de formations initiales pour les kinésithérapeutes, les infirmières, les manipulateurs d’électroradiologie médicale, les assistantes sociales. Dès lors, nous aurons besoin d’un soutien financier ou de mécanismes de compensation de la part de l’État. D’autres obstacles doivent être également mentionnés, comme ceux relatifs aux bourses pour les étudiants, mais aussi pour celles et ceux qui ne le sont pas. Par ailleurs, il faut savoir que pour les formations de CAP petite enfance ou d’auxiliaires de puériculture, il n’existe pas à ce jour d’obligation en matière d’indemnités de stage et de déplacement, à l’inverse des formations d’aides-soignantes.
Or la population qui suit ces formations ne dispose pas toujours des moyens suffisants pour assumer ces coûts, ce qui entraîne fréquemment des abandons, notamment dans un contexte d’inflation. Tout le monde ne peut se permettre de se payer les allers et retours que ces formations occasionnent. Je me permets de porter cet élément à votre attention, dans la mesure où cet aspect matériel a une influence sur l’attractivité des formations et des métiers.
Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Pouvez-vous évoquer la compétence relative à l’information sur les métiers de la petite enfance ? De quelle manière les régions de France s’attachent-elles à améliorer le déficit de notoriété de certaines formations, que vous avez souligné ?
Mme Françoise Jeanson. Cette question fait toujours l’objet d’un travail, afin de pouvoir informer directement les jeunes dans leurs classes, à la fois au lycée, mais également au collège, car il ne faut pas attendre la terminale pour agir. Ces informations sont effectuées par des professionnels, car nous estimons qu’elles doivent porter à la fois sur le métier et sur la formation. De manière chronologique, il faut commencer par informer sur le métier, puis sur l’orientation, dans les dernières années du lycée.
Simultanément, l’information doit également concerner les familles, objet sur lequel nous travaillons également aujourd’hui. À ce jour, les dispositifs sont assez variés selon les régions et nous n’avons pas encore tenu pour le moment de réunion collective sur le sujet des formations sanitaires et sociales.
Mme Laura Lehmann. En complément, je vous indique que de nombreuses régions travaillent pour mettre à jour leurs outils, notamment par la voie du numérique. Des webinaires ou des capsules vidéo sont désormais utilisés pour essayer de toucher directement les jeunes et les informer sur les différents métiers, notamment en promouvant la logique d’études de proximité.
Mme Virginie Lanlo (RE). Je souhaite revenir sur la problématique de gouvernance et notamment la diffusion des formations existantes. Je constate qu’en Nouvelle-Aquitaine, vous êtes assez avancés en matière de partenariat avec les départements et les communes. Est-ce le cas dans l’ensemble des régions ? En effet, si notre pays présente l’avantage de disposer d’une grande diversité de territoires, cela implique également une multitude de gouvernances et de strates de collectivités. Cette diversité implique donc des difficultés potentielles pour la mise en œuvre des politiques publiques.
Comment serait-il possible de formaliser la coordination des compétences entre régions, départements et communes, de manière à établir un schéma directeur et une sorte de comité de pilotage ? Cette coordination a en effet pour objet de définir les besoins des territoires, de manière cohérente. À ce propos, vous parliez à juste titre d’un travail de dentellière, qui est absolument essentiel puisque les besoins ne sont pas les mêmes d’un territoire à l’autre.
Un autre enjeu porte sur la découverte des métiers, qui est désormais organisée au sein de l’éducation nationale dès le collège puis avec les stages obligatoires en seconde. De quelle manière les régions pourraient-elles être forces de proposition pour inciter ces jeunes à découvrir ces métiers d’une manière ou d’une autre ?
Ensuite, vous avez souligné l’existence de diverses formations autour de la petite enfance, qui dépendent de compétences différentes en termes de collectivités territoriales, mais aussi en termes de ministères, puisque trois d’entre eux sont potentiellement concernés. Compte tenu notamment de la pénurie de personnels, comment améliorer les passerelles entre les métiers, pour rendre les métiers de la petite enfance plus attractifs et accompagner les professionnels dans leur évolution de carrière ?
Mme Françoise Jeanson. Les régions travaillent avec les départements, qu’elles consultent, notamment sur la question des schémas des formations sanitaires et sociales. Ces rencontres interviennent notamment lors des conférences territoriales de l’action publique (CTAP) présidées par les présidents de région et les préfets, qui regroupent les départements, les communautés d’agglomération et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Par ailleurs, les régions contractualisent avec les territoires. En outre, les commissions de coordination des politiques publiques (CCPP) des ARS réunissent les départements et les communes.
Ensuite, il faut garder en tête que les stages de seconde dans les métiers de la santé sont toujours compliqués. Cela dit, rien n’empêche de les réaliser, d’autant plus qu’au sein de ces métiers, la petite enfance est sans doute plus accessible. Ainsi, nous pourrions beaucoup plus travailler sur ces stages et orienter les jeunes vers ces formations. En revanche, cela me semble plus difficile pour les autres formations sanitaires : il apparaît compliqué de placer un élève de seconde dans un Ehpad ou dans un service de réanimation.
Par ailleurs, il est exact que la petite enfance regroupe un grand nombre de métiers différents, même si ceux-ci sont moins nombreux que dans le grand âge, où ils sont au nombre de soixante. Pour sa part, Régions de France prône depuis longtemps la gestion de l’ensemble des formations par une entité unique, pour disposer d’une compétence pleine et entière sur l’ensemble de ces sujets.
M. William Martinet (LFI-NUPES). Madame la présidente, je profite de ma prise de parole pour une remarque d’ordre organisationnel. Je rappelle que la rapporteure et le président appartiennent à des groupes parlementaires qui se sont opposés à la création de cette commission d’enquête. En l’absence du président Thibault Bazin et en tant que vice-président de la commission, je suis candidat pour pouvoir la présider. En effet, avec votre présidence, madame, le président et la rapporteure appartiennent au même groupe parlementaire. Or pour la forme et la crédibilité de notre commission d’enquête, cette situation devrait pouvoir être évitée.
Cette parenthèse refermée, je remercie les personnes auditionnées d’être présentes ce soir. Ma question portera sur la formation. Compte tenu de la crise actuelle en matière de recrutement, ne faut-il pas recentraliser la formation des professionnels, notamment de la petite enfance ? En effet, un des arguments en faveur de la décentralisation de la politique de formation consiste à dire qu’il est nécessaire d’être au plus près des bassins d’emplois locaux, bien connaître les besoins pour bien adapter l’offre de formations.
Mais à vous entendre, je comprends que vous vous interrogez sur la répartition des 10 000 professionnels qui manquent dans ce secteur. Compte tenu de la pénurie actuelle de professionnels, il est urgent d’agir. D’un côté, vous dites que les régions doivent prendre en charge la formation car elles connaissent les besoins, mais d’un autre côté vous indiquez entre les lignes ne pas encore disposer de ces recensements. Par conséquent, l’argument ne me semble pas très convaincant.
Mme Françoise Jeanson. Je vous confirme que nous connaissons les territoires et que la recentralisation ne permettra pas de mieux apprécier les besoins. Le déficit affiché de 10 000 professionnels est communiqué par les administrations centrales, sans plus de détails. En revanche, j’entends la volonté d’augmenter le nombre de professionnels pour améliorer la qualité de la prise en charge des enfants. Cependant, j’ignore ce que le législateur a en tête.
Aujourd’hui, je sais quels sont les besoins. En matière d’auxiliaires de puériculture, il est assez facile de faire évoluer rapidement la formation, qui dure un an. En outre, il existe des passerelles avec d’autres métiers. Ici, la tension est assez élevée et 320 postes sont à pourvoir chaque année d’ici 2027. Nous avons donc augmenté le nombre de places. Mais si la loi envisage d’augmenter significativement le nombre de postes et le taux d’encadrement, nous devons réfléchir ensemble. Je pourrai vous transmettre le document sur lequel je fonde mes propos et qui est le fruit d’une discussion.
Ensuite, ce domaine est toujours assez compliqué. Il faut mentionner les phénomènes de départ de la part de personnes qui changent d’activité dans le secteur sanitaire et social ou ailleurs.
Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Je vous remercie pour les éléments que vous nous avez transmis. Je souhaite revenir sur la question de Virginie Lanlo concernant l’évolution potentielle de l’offre de formations et l’établissement d’un tronc commun avant spécialisation. Ce tronc commun permettrait de faciliter les passerelles et les évolutions des professionnels de la petite enfance. Quel est votre point de vue sur cette question ? Pourrez-vous nous adresser des éléments complémentaires ?
Mme Françoise Jeanson. Je suis très profondément persuadée qu’une partie de la question de l’attractivité des métiers, notamment les métiers de niveau 4, sera résolue quand les jeunes qui y débutent seront persuadés qu’ils pourront après en sortir. Il faut également rappeler que dans ces métiers, l’évolution professionnelle peut être assez marquée, notamment grâce à la formation continue. Mais encore faut-il pouvoir disposer des financements suffisants, pour permettre à une auxiliaire de puériculture ou une aide-soignante de devenir infirmière. Malheureusement, aujourd’hui, nombreuses sont celles qui sont contraintes à démissionner pour pouvoir ensuite bénéficier de financements, notamment par le truchement de Pôle emploi.
Ensuite, nous avons produit un document qui liste les possibilités d’évolution dans les métiers en fonction de blocs de formation. Nous savons que dans ces métiers, la VAE, bien que souvent utilisée, est souvent en échec. Par conséquent, il me semble nécessaire de travailler ces questions. Enfin, le sujet du financement est également incontournable : si une auxiliaire puéricultrice veut devenir infirmière, puis infirmière puéricultrice, le saut qualitatif est malgré tout notable et implique trois à quatre ans de formation, quels que soient les accès facilités. En résumé, sur les sujets de la formation continue et de l’évolution des professionnels d’un métier à l’autre, il importe de mener une réflexion de fond, semblable à celle qui a été conduite sur le grand âge. Cette réflexion participera notoirement à l’amélioration de l’attractivité des métiers.
Mme Virginie Lanlo (RE). Plus je vous écoute, plus j’ai le sentiment qu’il est nécessaire de procéder à une véritable simplification dans la formation et l’accompagnement des professionnels. Vous avez mentionné les difficultés qui président à l’évolution au sein des métiers de la petite enfance et qui conduisent certaines professionnelles à devoir démissionner pour financer leur formation. En conséquence, il semble opportun de mener un travail pour faciliter les évolutions. Avant d’évoquer les financements, qui sont naturellement incontournables, il convient donc de réfléchir à la manière de simplifier et d’encourager les passerelles.
De même, nous devons supprimer les aberrations. À ce titre, je souhaite vous faire part d’un exemple vécu. Je me suis rendue dans une crèche et j’y ai rencontré une jeune femme, qui a obtenu son agrément d’assistante maternelle. Elle a effectué son stage dans une crèche parentale, mais elle s’est rendu compte qu’il faut disposer de trois ans d’expérience en tant qu’assistante maternelle pour pouvoir être considérée comme personnel d’encadrement en crèche parentale. Une telle situation est proprement aberrante.
En l’espèce, la direction de cette crèche parentale doit remplir un dossier extrêmement volumineux pour obtenir une dérogation permettant à la jeune femme en question d’intégrer le personnel et d’être considérée dans le taux d’encadrement. Un toilettage semble donc bien nécessaire concernant ces « aberrations de passerelles », pour faciliter les évolutions et éviter de décourager les personnes qui souhaitent s’engager dans ces métiers.
Mme Françoise Jeanson. Je rappelle que la formation d’assistante maternelle est particulièrement courte. Dès lors, il n’est pas possible de considérer qu’une personne qui dispose de deux mois de formation possède les mêmes compétences qu’une auxiliaire de puériculture ou la titulaire d’un CAP.
Mme Virginie Lanlo (RE). La situation que j’ai décrite n’est pas de cet ordre. L’exemple que je vous ai signalé concerne le cas d’une jeune femme. Elle comprend que pour pouvoir potentiellement travailler dans une crèche parentale, être considérée et finalement, continuer sa formation dans cette crèche, il faut d’abord qu’elle soit assistante maternelle pendant trois ans. Dans de tels cas, comment faciliter le changement de carrière pour une personne qui souhaite passer d’assistante maternelle à domicile à la crèche parentale ? Elle a découvert une structure dans laquelle elle souhaite s’épanouir.
Mme Françoise Jeanson. En l’occurrence, il est lui indiqué qu’elle doit soit disposer de trois ans d’expérience professionnelle, soit suivre une formation supplémentaire de six mois. Les régions sont favorables à la prise en charge des assistantes maternelles, qui est aujourd’hui assurée par les départements. Par ailleurs, plusieurs assistantes maternelles peuvent se regrouper pour monter une maison d’assistante maternelle (MAM). Or si j’ai bien compris, parmi les 10 000 postes dont nous avons besoin figurent un grand nombre d’assistantes maternelles, notamment en raison d’une multitude de départs à la retraite. Par ailleurs, il me semble opportun de créer un continuum de formations, à travers les formations modulaires, avec des troncs communs.
Mme Ingrid Dordain, vice-présidente. Je vous remercie.
La séance est levée à dix-sept heures vingt.
Membres présents ou excusés
Commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements
Réunion du mercredi 28 février 2024 à 16 h 30
Présents. - Mme Christine Decodts, Mme Ingrid Dordain, M. Thierry Frappé, Mme Virginie Lanlo, M. Matthieu Marchio, M. William Martinet, Mme Anne Stambach-Terrenoir, Mme Sarah Tanzilli
Excusés. - M. Thibault Bazin, Mme Anne Bergantz, M. Philippe Lottiaux, Mme Béatrice Roullaud, Mme Isabelle Santiago