Compte rendu

Commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil
des jeunes enfants au sein
de leurs établissements

– Audition de représentants du Syndicat national des médecins de protection maternelle et infantile (SNMPMI) : M. Pierre Suesser, Mme Elisabeth JudeLafitte, Mme Marie-Christine Colombo et Mme Agnès Lacassie-Dechosal              2

 


Mardi 26 mars 2024

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 26

session ordinaire de 2023-2024

Présidence de
M. Thibault Bazin,
Président


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La séance est ouverte à 17 heures.

La commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements a auditionné des représentants du Syndicat national des médecins de protection maternelle et infantile (SNMPMI) : M. Pierre Suesser, Mme Elisabeth Jude‑Lafitte, Mme Marie-Christine Colombo et Mme Agnès Lacassie-Dechosal.

M. le président Thibault Bazin. Nous reprenons nos auditions cet après-midi avec en présentiel le Dr Pierre Suesser, co-président du Syndicat national des médecins de Protection maternelle et infantile (SNMPMI) tandis que ses collègues Elisabeth Jude Lafitte et Agnès Lacassie-Dechosal se trouvent en visioconférence.

Cette audition s’inscrit dans la droite ligne de celle de ce matin où nous recevions Florence Dabin, présidente du conseil départemental de Maine et Loire, et au cours de laquelle nous avons abordé les missions des services de PMI pour ce qui relève du secteur des crèches, qui est celui de notre commission d’enquête.

Notre commission d’enquête a pour objet « le modèle économique des crèches et la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements. »

Nous n’étudions évidemment pas ces deux aspects indifféremment l’un de l’autre, mais c’est de fait le second pilier, celui de la qualité de l’accueil et du contrôle opéré sur des structures dont l’organisation est très diverse, qui va nous intéresser cet après-midi.

Cette audition est retransmise en direct sur le site de l’Assemblée nationale et l’enregistrement vidéo sera ensuite disponible à la demande.

L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. Pierre Suesser, Mme Elisabeth Jude Lafitte et Mme Agnès Lacassie-Dechosal prêtent serment.)

Je vous remercie et laisse la parole à M. Pierre Suesser pour un propos liminaire.

M. Pierre Suesser, co-président du Syndicat national des médecins de Protection maternelle et infantile (SNMPMI). Je vous remercie de votre invitation. Nous représentons ici le Syndicat national des médecins de protection maternelle et infantile (SNMPMI), qui est une structure indépendante des pouvoirs publics, qu’il convient de différencier d’une représentation institutionnelle des services de PMI.

Nous sommes particulièrement concernés par le domaine des modes d’accueil, notamment sous deux angles.

Le premier aspect concerne la mission générale des professionnels de PMI et des services, qui est une mission de prévention, de protection et de promotion de la santé des jeunes enfants et des familles. Ce suivi du développement de la santé de l’enfant concerne toutes leurs facettes et prend en considération l’ensemble de leurs déterminants. De ce fait, les conditions de la socialisation très précoce des bébés hors de leur famille font l’objet d’une grande attention de la part des professionnels de PMI, notamment en réponse aux préoccupations des parents car ceux-ci les expriment très souvent. En particulier, nous sommes attentifs à travailler en partenariat avec nos collègues des modes d’accueil, pour assurer ensemble au mieux la continuité des repères affectifs et matériels des tout-petits lors de leur entrée dans le mode d’accueil. Il s’agit ainsi d’étayer la sécurité affective des jeunes enfants, de leur permettre de s’y appuyer pour acquérir progressivement de l’autonomie et gagner en confiance.

En outre, nous apportons une attention très nourrie au rôle de lutte contre les inégalités sociales dans le cadre de projets d’accueil spécifiques. À cet égard, dans les documents que nous vous communiquerons, nous ferons état de deux expériences en Meurthe-et-Moselle et dans le Nord.

En second lieu, la PMI est particulièrement concernée par les modes d’accueil du fait de ses missions spécifiques d’agrément, de suivi, de contrôle et d’accompagnement.

Le législateur a investi le président du conseil départemental de cette responsabilité s’appuyant sur la PMI, sur la base d’une légitimité forte. Le président du conseil départemental représente la puissance publique et intervient à ce titre au service de l’intérêt général. Sauf exception, il n’est pas engagé dans une autre responsabilité à l’égard des modes d’accueil : il n’est ni gestionnaire, ni financeur. Le président du conseil départemental se trouve donc dans une position de neutralité pour assurer cette fonction d’agrément, de contrôle et d’accompagnement et bénéficie des compétences adaptées à cette mission au sein de son administration.

Les professionnels de PMI sont à la fois des professionnels de santé et de petite enfance, ce qui est important pour participer à leurs missions.

Par ailleurs, il convient d’insister sur la notion d’accompagnement des modes d’accueil. Quand les services de PMI disposent des moyens suffisants - ce qui est un bémol à prendre en compte - l’expérience nous enseigne que plus la capacité accompagnante est développée, plus grande est la confiance qui s’instaure avec le mode d’accueil, ce qui favorise en conséquence la transparence et la coopération. Dès lors, le contrôle occupe sa juste place, étant rappelé que l’accompagnement vise au premier chef à prévenir les incidents, voire les accidents.

La Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) dans un document de 2023 et l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans son rapport de 2023 indiquent, parmi les points de faiblesse, que la PMI n’évalue pas suffisamment la qualité d’accueil pour se borner à un contrôle réglementaire. L’IGAS précise qu’elle se concentre presque exclusivement sur les questions d’hygiène et de sécurité.

Ces constats nous paraissent peut-être excessivement catégoriques, mais nous pourrions les évoquer avec vous. En particulier, nous ferons état de pratiques et de guides départementaux venant nuancer ces affirmations. Cependant, il existe un paradoxe qui découle de décisions antérieures des pouvoirs publics, ayant précisément concouru à borner le contrôle à une dimension matérielle et réglementaire.

Le Code de la santé publique a été modifié en ce sens en son article L. 2324-1 al.3, de sorte que le contrôle repose aujourd’hui « sur les seules conditions exigibles de qualification et d’expérience professionnelle (…) ainsi que sur les seules conditions exigibles d’installation et de fonctionnement des établissements ou services. »

Cette notion de « seules conditions exigibles » a parfois été mise en avant par certains gestionnaires pour s’opposer, lors de contrôles d’établissements, à des préconisations plus qualitatives de la part des services de PMI qui ne répondraient pas strictement aux dispositions réglementaires.

Nous souhaitions poser ce constat à l’occasion de notre propos préliminaire, ce qui n’exonère pas la PMI de ses difficultés et de ses insuffisances. Il ne s’agit pas d’un plaidoyer pro domo prétendant que tout ce que nous faisons est bien fait. Il est certain qu’il conviendra, dorénavant, de disposer d’outils de contrôle s’appuyant sur des référentiels de qualité consensuels, qui sont en cours d’élaboration.

Il sera nécessaire de mieux former les professionnels chargés du contrôle des établissements, et de mieux harmoniser les pratiques sans les standardiser à outrance. De longue date, nous avions demandé au ministère de la santé de disposer d’un cadre national structuré de rencontres entre équipes des services de PMI d’une part, et entre les équipes des modes d’accueil et leurs partenaires d’autre part, afin de leur communiquer les pratiques inspirantes et de travailler à l’amélioration des missions d’agrément, de suivi, de contrôle et d’accompagnement.

M. le président Thibault Bazin. Puisque vous avez évoqué la « socialisation très précoce », existe-t-il un âge préconisé pour une socialisation en établissement collectif ?

Pouvez-vous définir, selon-vous, les moyens adaptés qu’il conviendrait d’octroyer aux PMI afin de remplir les objectifs de politique publique recherchés ?

S’agissant des « conditions exigibles » qui se borneraient finalement au dispositif législatif, nous avons le sentiment, à la suite des échanges que nous avons eus et des visites de terrain, que les pratiques des PMI variaient en fonction des moyens et se trouvaient parfois à géométrie variable. Je ne vous jette pas la pierre mais c’est un constat.

Ce matin, la représentante des départements de France a reconnu ce caractère à géométrie variable. Or en même temps, vous évoquez un référentiel national, qui risque de rester lettre morte si les moyens de sa mise en œuvre ne sont pas disponibles.

J’en reviens donc à ma seconde question. Quand les services de PMI disposent des moyens adéquats, quels sont les moyens adaptés par rapport aux objectifs recherchés ? Vous avez employé une expression marquante : « le contrôle occupe sa juste place ». Si je comprends bien, dans les évolutions récentes, vous avez l’impression que vous faites plus de contrôle que de prévention.

M. Pierre Suesser. Concernant un âge préconisé, le congé maternité étant de dix semaines pour les deux premiers enfants (il est plus long à compter du troisième enfant), les mamans – dans la plupart des cas – doivent reprendre leur travail à l’issue de ce congé. Par conséquent, un certain nombre de bébés très jeunes peuvent être accueillis en crèche ou par des assistantes maternelles.

Lorsque cette question avait été posée à Mme Sylviane Giampino, celle-ci vous avait répondu d’une manière beaucoup plus subtile que je ne saurais le faire. Mme Giampino, dont je partage tout à fait les propos, avait en effet indiqué que chaque situation devait être la plus adaptée aux désirs et aux possibilités des parents.

L’expérience des modes d’accueil acquise depuis les années 70-80, nous a démontré que lorsque les modes d’accueil remplissaient suffisamment de critères de qualité, des bébés assez jeunes pouvaient en bénéficier favorablement. En revanche, il est nécessaire que le mode d’accueil rencontre un réel désir de la famille. Il est certainement plus difficile pour un bébé de supporter la mise en crèche si elle est vécue comme une déchirure par l’un des parents, parce que c’est trop tôt. Au contraire, si les parents sont heureux de repartir dans leur vie professionnelle assez tôt après la naissance du bébé, l’accueil se déroulera harmonieusement. Selon moi, il n’existe donc pas de norme absolue.

Vous nous interrogez sur les moyens des services de PMI et sur les moyens adaptés. Certains travaux en cours dans différents champs pourraient aboutir à un consensus sur le contenu d’un contrôle, afin que ce dernier ne se borne pas à des éléments matériels, pour se concentrer aussi sur les aspects qualitatifs de l’accueil. Il s’agit aussi de déterminer le temps nécessaire à consacrer à un contrôle auprès d’une structure, ainsi que la régularité d’un tel contrôle.

Le rapport de l’IGAS sur les micro-crèches préconise un contrôle tous les deux ans. Nous-mêmes, à l’occasion d’une concertation, avions été plus ambitieux en proposant un contact annuel. En effet, dans l’optique que le contrôle représente un temps d’échange en toute confiance, il est nécessaire que les contacts entre la PMI et les professionnels des modes d’accueil soient suffisamment fréquents pour prendre sens. Dans la situation inverse, le contrôle risquerait d’être vécu uniquement en tant que tel, mais pas comme un temps d’échange destiné à faire un point sur la situation et les difficultés de la structure. Dans l’idéal, il pourrait même être pertinent de réfléchir ensemble à des solutions.

En synthèse, il nous semble qu’une fréquence suffisante des temps de contrôle et d’accompagnement doit être instaurée (sans doute en y réfléchissant lors de travaux) pour que les contrôles revêtent une utilité, tant du point de vue de la PMI que des professionnels des modes d’accueil. Par conséquent, les moyens sont à déduire de l’ensemble de ces paramètres.

Le rapport de Mme Peyron de 2019 sur la PMI indiquait que le département du Nord Pas-de-Calais employait onze équivalents temps plein (ETP) consacrés à l’agrément et au contrôle de ses structures, dont j’ignore le nombre dans ce département. En Haute-Savoie, environ dix ETP sont dénombrés pour 300 structures. Je ne suis pas en mesure de vous donner d’éléments plus précis car ce travail reste à faire.

Enfin la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), dans une note aux administrateurs de 2022, évaluait les besoins à 200 à 240 ETP. Je ne connais cependant pas le mode de calcul utilisé.

Sur le sujet du référentiel national à comparer à la « géométrie variable », il nous semble que toutes les analyses sur les dysfonctionnements systémiques engagent à rechercher les éléments d’un consensus suffisant, et ce afin d’envisager la qualité de la même façon dans tous les départements. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’élaborer un référentiel trop détaillé. L’objectif vise plutôt à trouver un terrain d’entente pour appréhender les mêmes critères de qualité dans tous les départements, ce qui implique d’avoir un accord sur le contenu d’un référentiel sur le plan national. Ainsi sur le sujet de la fréquence des contrôles ne pourra trouver de réponse que dans ce référentiel, après avoir trouvé un consensus.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure de la commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements. Le rôle des médecins de PMI est crucial pour exercer les contrôles sur les établissements d’accueil des jeunes enfants. Je crois pouvoir dire, en l’état actuel de nos travaux, que pour garantir une qualité d’accueil des très jeunes enfants dans les crèches, la question de la portée et des modalités de mise en œuvre des contrôles, dont vous avez la charge, est centrale.

Je vous propose de commencer nos échanges sur la nature, la portée et les modalités de mise en œuvre de ces contrôles. Comme nous l’avons déjà évoqué, ces contrôles sont très disparates sur l’ensemble du territoire national. Selon moi, il s’agit d’une difficulté. Pour autant, à l’aune des questions que je vous poserai, nous tenterons de dégager certaines caractéristiques et de comprendre, ensemble, les raisons d’une telle disparité.

Êtes-vous en mesure de nous indiquer à quelle fréquence, en moyenne, les établissements d’accueil de jeunes enfants sont contrôlés sur le territoire ?

Existe-t-il une fourchette de fréquence à laquelle sont contrôlées les crèches ?

Au-delà de la question des moyens humains, que nous aborderons de façon distincte, voyez-vous d’autres explications à une telle disparité dans la mise en œuvre des contrôles ?

M. Pierre Suesser. Le SNMPMI ne dispose pas de statistiques ou de documents sur le plan national. Je ne vous communiquerai par conséquent que des éléments empiriques. D’après l’évaluation émanant du rapport récent de l’IGAS sur les micro-crèches, un établissement micro-crèche est contrôlé tous les deux ans tandis que les autres établissements seraient contrôlés tous les cinq ans. Ces éléments ressortent donc de l’étude réalisée par l’IGAS.

Il me semble que dans le rapport IGAS de 2023, la disparité était notée, de même que l’insuffisance de régularité de fréquence des contrôles. En revanche, je ne suis pas en mesure de vous communiquer d’autres informations plus pertinentes que celles-ci.

Les moyens humains représentent une part importante des difficultés. Ainsi, le rapport d'information sur les perspectives d'évolution de la prise en charge des enfants dans les crèches, de Mmes Michèle Peyron et Isabelle Santiago, a mis en évidence une baisse de 25 % du nombre de médecins de PMI entre 2010 et 2019, de même qu’une diminution de 30 % du nombre de psychologues, une faible proportion de recrutements d’éducateurs ou éducatrices de jeunes enfants et une stabilité du nombre de puéricultrices.

Le travail vis-à-vis des modes d’accueil collectifs ne porte pas uniquement sur le contrôle mais porte en premier lieu sur les agréments d’autorisation à l’occasion des demandes de création, et sur les avis en cas de demandes de modification. Dans les cas précités, des délais sont nécessairement respectés par le service de PMI pour rendre un avis. Par conséquent, une partie importante de l’énergie consacrée par les professionnels des PMI porte sur les agréments et les divers avis. Face à cette situation et en l’absence de normes obligatoires en matière de régularités des contrôles, la disparité de fréquence de ceux-ci peut s’expliquer.

Au-delà des moyens humains, nous avons constaté empiriquement (ici encore en l’absence de statistiques), à l’occasion de la préparation de cette audition avec des collègues de quatre ou cinq départements, une certaine montée en charge liée aux incidents et dysfonctionnements signalés à la PMI. De ce fait, le travail de contrôle habituel se trouve perturbé. Les signalements de dysfonctionnements nous parviennent de la part des parents ou des professionnels eux-mêmes. Il peut également arriver que certains signaux (turn-over important du personnel d’une crèche, signalement par la CAF de taux de fréquentation très élevés…) conduisent les équipes de la PMI à effectuer un contrôle.

Mme Agnès Lacassie-Dechosal, SNMPMI. Effectivement, la fréquence des contrôles n’est pas déterminée en soi. Les équipes répondent en priorité aux visites de création et suite de création des structures. La PMI effectue en outre des visites sur incident lorsque celui-ci est signalé par les parents ou par des personnels de crèche.

Les visites sur incident ne sont pas uniques. En effet, dès lors qu’un incident est signalé à la PMI, les visites sont plurielles car elles entrent dans un dialogue avec le gestionnaire de la crèche pour faire évoluer les conditions d’accueil. Par conséquent à la suite de la visite sur incident, un travail chronophage s’instaure, en lien avec la structure. En fonction des effectifs consacrés par le département à cette mission, les visites sur incident sont priorisées, de sorte que les visites de suivi systématiques sont moins fréquentes.

Dans le département de Haute-Savoie dans lequel j’ai travaillé (300 structures environ), nous parvenions en un an à visiter plus de 50 % des structures, à l’occasion de visites post-création, de visites sur incident ou de visites systématiques à l’initiative de la PMI. Les critères pris en compte sont ceux évoqués par Pierre Suesser, notamment le taux de rotation. Nous travaillons en lien étroit avec la CAF qui, si elle a connaissance d’un taux de remplissage très élevé, nous incite à nous rapprocher de l’établissement.

M. le président Thibault Bazin. Avez-vous mené une démarche expérimentale dans votre département ?

Mme Agnès Lacassie-Dechosal. Nous avons en effet commencé cette démarche en 2019 ou 2020. En particulier, le travail de rapprochement avec la CAF nous a permis de considérer de nouveaux critères, notamment le taux de remplissage. De même, les difficultés administratives rencontrées par les structures peuvent constituer des signaux d’alerte.

Mme Elisabeth Jude Lafitte, SNMPMI. Depuis la création des micro-crèches, nous avons consacré un temps important à examiner les plans et à nous rendre sur les chantiers pour rencontrer les futurs gestionnaires. Par conséquent, nous avions moins de temps à consacrer aux visites plus systématiques. Comme mes deux autres confrères, je peux témoigner qu’à la suite de signalements par les parents ou par des professionnels qui démissionnent, nous nous rendons rapidement dans la structure pour évaluer les difficultés alléguées et les dysfonctionnements.

En 2022-2023, dans mon département qui compte 45 Maisons des Solidarités, nous avons été sollicités pour évaluer le nombre de structures visitées. Je suis dans l’attente des résultats de ce travail.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Vous avez évoqué un travail mené sur un référentiel dédié au contenu du contrôle, afin qu’il soit davantage tourné vers la qualité d’accueil. Qu’envisagez-vous d’inclure dans ce référentiel dans la mesure où, d’après les remontées qui nous parviennent, les contrôles actuels exercés par la PMI sont davantage axés sur le bâtimentaire ou l’hygiène que sur la qualité d’accueil ? En un mot, qu’est-ce qu’un contrôle qualitatif selon vous ?

Par ailleurs, j’ai été surprise d’entendre que des oppositions étaient exprimées par des gestionnaires de crèches quant aux contrôles effectués par les PMI sur la qualité d’accueil. Nous sommes donc tous intéressés de savoir comment cela s’est déroulé, et pour quelles raisons.

Selon vous, convient-il d’opérer une distinction entre les contrôles programmés et les contrôles inopinés, dont on souhaite qu’ils se développent beaucoup plus ? Il me semble en outre pertinent que les contrôles ne soient pas tout à fait de même nature selon qu’il s’agisse d’une crèche en prestation de service unique (PSU) ou d’une micro-crèche Paje pour laquelle la PMI est en réalité le seul organe public à assurer un contrôle.

Pour les contrôles inopinés, sur quels faisceaux d’indices vous basez-vous ? Avez-vous le sentiment que certaines informations sont manquantes pour affiner le ciblage de ces contrôles ?

De façon plus générale, quel accueil vous réservent habituellement les établissements à l’occasion des contrôles, lorsque ceux-ci sont réalisés dans les hypothèses où l’on vous oppose un refus ?

Quelles sont les dérives les fréquemment observées par vos services à l’occasion des contrôles ? Ces dérives sont-elles liées à une pression à la baisse sur les coûts, à un manque de formation des professionnels ou à d’autres problématiques ?

Selon vos informations, les dérives sont-elles davantage présentes dans le secteur privé lucratif, le secteur privé associatif ou le secteur public ?

Avez-vous observé une dégradation de la qualité d’accueil des jeunes enfants au cours des dix dernières années ainsi qu’un éventuel sursaut, à la suite du décès d’un bébé à Lyon en juin 2022 ?

M. Pierre Suesser. Je laisserai la parole à mes collègues sur les aspects les plus concrets de vos questions, car ce sont elles qui possèdent la connaissance la plus fine de la réalisation des contrôles.

Pour répondre à la question plus générale sur la qualité, dans le questionnaire que vous nous avez adressé, vous nous avez interrogés sur le contenu des grilles de contrôle dont disposent les équipes. Nous avons donc étudié les grilles de quatre départements (Meurthe-et-Moselle, Dordogne, Nord, et Haute-Savoie), qui incluent des éléments concernant le projet éducatif et un certain nombre de critères d’attention : le développement, l’éveil et le bien-être des enfants, les actions développées en matière d’égalité entre les filles et les garçons, les activités d’éveil artistique et culturel, les dispositions prises pour l’accueil des enfants présentant un handicap ou atteints d’une maladie chronique, l’analyse des pratiques professionnelles et des enjeux de formation, les modalités de participation des familles à la vie de l’établissement…

Parfois, les grilles incluent des critères plus spécifiques tels que la présence de jeu spontané auprès des enfants, les types d’animation, la proposition d’ateliers et plus généralement, l’équilibre entre le fait de laisser l’enfant libre de son activité et l’intervention du professionnel. Tous ces éléments qualitatifs sont importants. Dans la grille du département de la Haute-Savoie figurent par exemple la verbalisation, les encouragements et les interactions.

Enfin, la place de la nature (sorties, manipulations…), de l’art et de la culture (le chant, la musique, la danse…) font partie des critères étudiés.

Je ne suis pas en mesure de vous affirmer que toutes les équipes s’appuient sur l’ensemble de ces critères, mais à tout le moins il faut observer que le service de PMI, en élaborant cette grille, a consacré une certaine attention à ces sujets.

Dans le département de la Haute-Savoie, un travail a été réalisé autour de la Charte d’accueil du jeune enfant afin d’étudier les conditions de sa mise en pratique par les équipes.

Enfin pour répondre plus précisément à la question de Mme la rapporteure, je n’ai pas indiqué dans mon propos liminaire qu’il existait des refus de contrôle mais des oppositions à des remarques émises sur des enjeux plus qualitatifs. Je n’ai cependant aucun exemple précis à communiquer à cet égard.

M. le président Thibault Bazin. En d’autres termes, il y aurait des préconisations opposables et des préconisations non opposables ?

M. Pierre Suesser. Ce pourrait être en quelque sorte le cas. Si le taux d’encadrement n’est pas respecté, la préconisation s’appuie sur la législation, de sorte que les services de PMI sont considérés comme étant dans leur rôle lorsqu’ils adressent une injonction. En revanche lorsque nous intervenons sur des dimensions plus qualitatives telles que celles précitées, par exemple le jeu spontané des enfants, et qu’un département viendrait à faire une remarque dans le cadre d’un rapport, le gestionnaire pourrait objecter que cet aspect n’est pas inclus dans les seules « conditions exigibles ». Cette notion est apparue dans la réglementation après la mise en cause de certains services de PMI par des assistantes maternelles ou des représentants de gestionnaires, qui leur reprochaient à la PMI d’être beaucoup trop tatillonne.

Je n’exclus évidemment pas que dans certaines situations, ce reproche soit fondé. Pour autant, il résulte d’un baromètre réalisé en 2018 par les organisations représentant les assistantes maternelles, que 68 % d’entre elles étaient satisfaites des relations avec les services de PMI.

Mme Elisabeth Jude Lafitte. S’agissant de la nature des contrôles, nous tâchons de réaliser régulièrement des visites programmées sur rendez-vous tous les deux à trois ans environ. Les contrôles inopinés interviennent lorsque des personnels ou des parents nous signalent des dysfonctionnements. En général, nous sommes bien accueillis. Je ne peux témoigner de difficultés particulières à l’occasion de l’accueil.

Nos visites sont toujours réalisées selon la même procédure décrite dans un guide départemental très détaillé, en compagnie du directeur de l’établissement ou du référent technique. Nous constatons si les enfants sont bien accompagnés et comptons le nombre d’accompagnants. La trame est toujours similaire. Lorsque nous constatons un dysfonctionnement, nous effectuons un point avec la personne concernée et tentons d’obtenir des renseignements sur les raisons de ce dysfonctionnement et sur les moyens pris pour y remédier.

Les dysfonctionnements les plus fréquents sont surtout constatés au niveau de l’encadrement des enfants, lorsque le personnel est trop peu nombreux. Le plus souvent, ces situations se rencontrent dans les micro-crèches, où il n’est pas rare que seul soit présent un adulte pour six enfants. En ce sens, je viens d’être saisie d’un signalement dans un secteur, où un professionnel s’occupe de sept enfants dans un jardin non agréé par la PMI. Pendant ce temps, une autre professionnelle s’occupe des autres enfants, étant rappelé que les micro-crèches peuvent accueillir dix à douze enfants.

D’autres dysfonctionnements peuvent être constitués par l’absence de directeur, dont nous ne sommes pas informés pendant plusieurs semaines ou mois. Dès que nous en avons connaissance, nous déclenchons une visite assez rapidement.

Dans d’autres cas, les parents nous signalent que les enfants semblent ne pas avoir été assez nourris et qu’ils semblent affamés à leur retour à la maison, ou encore que les couches de certains enfants n’ont pas été changées de toute la journée. Pour autant, nous ne sommes pas en mesure d’être factuels et de vérifier les dires des parents.

Mme Agnès Lacassie-Dechosal. Je confirme en tous points les propos de ma consœur. Les dérives observées les plus fréquentes sont liées au manque de professionnels et à leur sous-qualification, ce qui entraîne des situations de maltraitance ou à tout le moins, de manque de bientraitance.

Par ailleurs, dans la mesure où les nouveaux établissements ouverts sont, dans leur majorité, des établissements du secteur privé lucratif, la donne est quelque peu faussée puisque les incidents émanent de ces nouvelles structures.

En tout état de cause, la multiplication des structures de petite taille occupe considérablement le temps des équipes de PMI réservé aux contrôles ainsi que le temps de trajet. Dans la mesure où les incidents sont plus fréquents, les contrôles se répètent.

L’accueil réservé à la PMI est variable. Dans certains cas et notamment dans les structures publiques, l’habitude de travail existe de longue date. Par conséquent, nous recevons des sollicitations des directrices de crèches, qui demandent à la PMI de leur rendre visite car elles sont dans l’attente de conseils. Dans cette hypothèse, il s’agit véritablement d’un accompagnement. En revanche dans les cas où nous intervenons de manière inopinée à la suite du signalement d’un incident, l’accueil est plus réservé.

Les contrôles inopinés se sont multipliés ces dernières années dans mon département. Le travail mené en collaboration avec la CAF a permis de dégager du temps aux équipes. En effet, les équipes de PMI dédiées aux modes d’accueil des jeunes enfants étaient déchargées de l’instruction des dossiers de création, qui en temps normal représente plus de 50 % de leur temps. De ce fait, ce transfert d’activité eut pour conséquence positive un gain de temps d’accompagnement.

Pour répondre à Madame la rapporteure, qui demandait s’il nous manquait des indices pour exercer ces contrôles inopinés, je préciserai qu’avant l’expérimentation nous n’avions pas connaissance de quelques informations de la CAF, à l’instar d’un taux de remplissage très élevé ou de difficultés financières de la structure. Ainsi lors de visites inopinées dans certaines structures, nous avons constaté l’absence de livraison de repas contractualisée avec des prestataires, de sorte que les professionnels se trouvaient dans l’obligation d’aller faire les courses eux-mêmes avec une somme d’argent attribuée par le gestionnaire. De ce fait, les achats étaient réalisés au plus juste pour constituer des repas pour les enfants.

En ce qui concerne le travail effectué sur la qualité de l’accueil, il nous a semblé important, lors des comités départementaux des services aux familles, de travailler sur les dix principes de la Charte de qualité de l’accueil afin d’en faire un outil pédagogique pour les équipes des structures d’accueil petite enfance. Ainsi, les directrices d’établissement sont en mesure d’organiser des journées pédagogiques avec leurs équipes pour étudier avec elles les principes de la charte. Nous avons travaillé en collaboration avec l’Association des collectifs enfants parents professionnels (ACEPP).

L’objectif était de porter l’outil auprès des personnels de PMI en charge des établissements d’accueil de jeunes enfants, afin qu’ils puissent aussi le porter auprès des directrices de crèches, qui ne font pas toutes partie du réseau ACEPP. Nous avons à cœur de généraliser cet outil pour évaluer la mise en place des dix principes.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. D’après vos propos, vous rencontrez, lors de vos contrôles, des oppositions à vos préconisations relatives à la qualité d’accueil. Il serait intéressant d’en avoir des exemples tirés de retours d’expérience.

J’en viens à mes questions concernant les moyens humains, dont nous pouvons affirmer qu’ils sont le nerf de la guerre en matière de contrôle des établissements d’accueil de jeunes enfants.

Nous avons pu entendre que certains départements n’avaient aucun agent expressément dédié au contrôle des crèches. Confirmez-vous cette information ? A contrario, il nous a été indiqué que dans certains départements, des équipes avaient été spécialement dédiées au contrôle. Avez-vous eu des retours en la matière ?

Dans un contexte de pénurie de médecins et dans une logique de diversification de la portée des contrôles des PMI, afin de mieux appréhender toutes les dimensions de la qualité d’accueil des jeunes enfants, vous semble-t-il pertinent que d’autres profils se joignent aux médecins pour exercer ces contrôles ? Si oui, quels seraient ces profils ? Par exemple, pensez-vous qu’il serait utile de faire appel à des personnels non-médecins chargés uniquement du contrôle de la réglementation et de permettre au personnel médical de se focaliser sur le contrôle de la qualité de l’accueil des enfants, de leur bien-être, et de leur santé ?

Pensez-vous enfin qu’il serait possible d’inclure dans les équipes de contrôle, des éducatrices de jeunes enfants faisant état d’une expérience en crèche ?

M. Pierre Suesser. Je ne peux confirmer ou infirmer l’information selon laquelle certains départements ne disposeraient d’aucun professionnel dédié au contrôle des crèches. En réalité, le terme « dédié » est quelque peu ambigu. S’agit-il d’un poste entièrement consacré au contrôle des modes d’accueil ou encore, que personne n’aurait la charge, dans un département (même à temps partiel) des modes d’accueil ? Cela signifie-t-il que certains départements n’exercent pas du tout leur mission ?

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. J’évoquais l’hypothèse d’aucun professionnel dédié aux modes d’accueil.

M. Pierre Suesser. Dans ce cas, je ne suis pas en mesure de vous répondre. Je serais cependant très étonné qu’il existe des départements n’exerçant pas du tout leur mission.

S’agissant des équipes dédiées, je peux évoquer le cas de la Seine-Saint-Denis, où j’ai travaillé pendant de longues années. Ce département a mis en place, pour les crèches, une équipe dédiée composée, d’une part, de professionnels dont l’entièreté du temps de travail était consacrée au contrôle et à l’agrément des établissements, et d’autre part, de professionnels complétant l’équipe en exerçant d’autres missions sur le terrain. Je ne sais pas si cette organisation, qui me semblait très pertinente, est toujours d’actualité mais je le suppose. Une telle organisation nécessite des moyens importants, mais le département de la Seine-Saint-Denis est l’un de ceux ayant consacré le plus de moyens à la PMI depuis plusieurs décennies.

J’ignore si la plupart des départements ont commencé à former des équipes dédiées ou s’ils ont adopté un autre type de fonctionnement. Ici encore, il conviendrait de disposer de données plus consolidées de la part des services statistiques des départements ou de la DREES. Toujours est-il qu’il me semble intéressant d’avoir un mixte, c’est-à-dire tant des collègues possédant une bonne connaissance des enjeux de terrain au plus près des populations, que des collègues plus spécialisés.

En termes de composition, le Code la santé publique prévoit depuis au moins une dizaine d’années que le contrôle des établissements peut être réalisé par un médecin ou par un professionnel de la petite enfance délégué par lui. Il me semble par conséquent que très fréquemment, des puéricultrices participent à l’ensemble de la mission de contrôle sur le plan qualitatif, y compris pour l’agrément. Dans certains départements comme en Seine Saint Denis, des éducatrices de jeunes enfants de longue date participent également à la mission.

Le SNMPMI est très favorable à la pluridisciplinarité. Nous n’avons pas une vision purement « hygiéniste », comme j’ai pu l’entendre, de l’accueil de la petite enfance. Bien au contraire, nous avons fait quelques progrès depuis quarante ans en écoutant les psychologues de la petite enfance pour comprendre que les enjeux de développement de l’enfant ne résidaient pas uniquement dans la protection contre les microbes. Par conséquent, nous pensons qu’il est très utile et enrichissant d’avoir des équipes pluriprofessionnelles, sans oublier la place des psychologues qui travaillent avec nous en soutien.

En conclusion, je suis tout à fait favorable à la présence de puéricultrices et d’éducatrices de jeunes enfants dans les équipes de PMI, en insistant cependant sur le fait que la présence de médecins reste indispensable au sein de l’équipe.

Mme Agnès Lacassie-Dechosal. J’ai eu l’occasion de travailler au niveau régional avec les départements de la région Rhône-Alpes. Progressivement au fil des années, j’ai constaté la présence de plus en plus d’équipes dédiées.

Dans le département de Haute-Savoie, l’équipe dédiée a été constituée en 2009 initialement pour les assistantes maternelles, avant d’être étendue aux établissements d’accueil de jeunes enfants. Les professionnelles étaient beaucoup plus à même de prendre connaissance de tous les textes paraissant fréquemment, et d’adapter leur pratique en conséquence.

Les équipes spécialisées sont plus réactives. Dans les démarches juridiques avec les gestionnaires, il est indispensable que les équipes de PMI soient formées pour donner des arguments justes et proportionnés lorsqu’elles constatent des dysfonctionnements dans une structure. En effet, à l’occasion des procédures devant le tribunal administratif, il est nécessaire de constituer des équipes bien formées à la législation en vigueur et réactives. Nous n’avions pas ce mode de travail il y a quelques années. Lorsqu’un incident est révélé dans une structure, la réactivité est très importante pour assurer une partie de la sécurité des enfants.

Mme Elisabeth Jude Lafitte. Dans certaines Maisons départementales des solidarités (MDS) sont présents un médecin qui organise les visites de suivi et une puéricultrice, tandis que dans d’autres sont présents des médecins et des cadres de santé. L’organisation est étroitement liée aux moyens locaux. Un pôle administratif contrôle la réglementation sur un plan plus juridique.

Mme Béatrice Roullaud (RN). Pouvez-vous nous rappeler dans quelles conditions vous intervenez ? Intervenez-vous spontanément ? Vous avez évoqué les interventions faisant suite à des signalements des parents, mais je souhaiterais que juridiquement, vous indiquiez à la demande qui vous intervenez.

Existe-t-il des cas dans lesquels vous n’avez pas pu intervenir rapidement en cas d’incident grave signalé ? La situation s’est-elle aggravée dans ces cas ? Dans l’affirmative, convient-il d’attribuer cette situation à un manque de personnel ? Faut-il augmenter le personnel qui contrôle ?

Faut-il augmenter les contrôles inopinés ? Vous avez en effet indiqué que grâce à ces contrôles inopinés, vous aviez pu constater que dans certains cas les repas n’étaient plus livrés, ou encore qu’un enfant n’était pas changé de toute une journée.

Faut-il, de votre point de vue, que le contrôle ou la méthode de contrôle soient unifiés entre les départements, pour prévoir un système national ?

Êtes-vous favorable au fait qu’un député ou un sénateur visite des crèches de façon inopinée ?

Enfin dans les cas de maltraitance institutionnelle ou volontaire, diriez-vous que le secteur privé ou le secteur public sont les plus concernés ?

M. Pierre Suesser. Nous sommes tout à fait favorables à l’élaboration d’un référentiel national et consensuel des méthodes de contrôle, à la condition que toutes les parties prenantes y participent, aussi bien les pouvoirs publics que les professionnels impliqués et les représentants des familles.

Il serait également important qu’un cadre national de rencontres entre les équipes de PMI, géré par le ministère et l’Association des départements de France, permette les échanges de bonnes pratiques et la réflexion sur les difficultés rencontrées entre collègues de départements différents.

Mme Elisabeth Jude Lafitte. En général, chaque équipe des MDS est amenée à effectuer des visites spontanées et régulières en fonction des besoins. Il peut aussi arriver que la direction de la PMI nous demande d’effectuer certaines visites. Les situations sont donc très variées.

Lorsque nous recevons un signalement et sommes informés d’un dysfonctionnement, nous nous rendons en général de manière immédiate sur le lieu de l’incident.

Pour ma part, je suis favorable à l’augmentation des contrôles pour qu’ils deviennent plus réguliers et ce, dès la création des structures afin de créer un lien, un accompagnement et de construire des projets avec elles.

Les visites des crèches avec un parlementaire n’appellent pas de réponse particulière de ma part, mais je pense malgré tout qu’une certaine neutralité s’impose.

Enfin, la maltraitance par manque de personnel se rencontre plus fréquemment dans les petites structures. Cela ne signifie évidemment pas que la maltraitance ne se rencontre pas dans les grandes structures.

Mme Agnès Lacassie-Dechosal. Je répondrai à la question concernant l’augmentation du personnel de contrôle. Comme nous l’avons indiqué en préambule, les moyens des services de PMI sont différents selon les départements. Nous attendons beaucoup des groupes de travail qui évalueront le nombre de personnes nécessaires pour effectuer les contrôles, pour l’ensemble de la France. Afin de disposer d’un volet de personnel disponible pour effectuer des contrôles en étant réactif le jour même ou le lendemain, je pense ne pas me tromper en préconisant le renforcement de certaines équipes de PMI pour effectuer ce travail.

De plus, un lien régulier doit s’instaurer entre les équipes de PMI et celles des crèches, qu’elles soient publiques ou privées, pour travailler dans la confiance et s’inscrire dans un accompagnement de la qualité.

Enfin, je partage les réponses qu’ont apportées mes confrères aux autres questions.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Depuis le drame survenu il y a plus d’un an dans la crèche People & Baby de Lyon, la parole s’est libérée sur les violences et la maltraitance dans les crèches, sachant que ce phénomène ne se limite pas au privé lucratif.

En miroir de ces incidents de plus en plus visibles, la nécessité de renforcer le contrôle de la PMI est un discours porté au haut niveau, en particulier par la ministre en charge de la petite enfance, et encore ce matin sur BFM TV.

Je ne suis évidemment pas opposé à l’idée d’un contrôle accru de la part des PMI. D’ailleurs à l’occasion de mon travail de terrain, j’ai moi-même eu des remontées concernant des gestionnaires faisant preuve d’une mauvaise foi absolue. Je peux citer en ce sens le cas d’un gestionnaire qui a licencié les salariés de sa micro-crèche quelques jours avant la visite prévue de la PMI, dans l’optique d’avoir un renouvellement du personnel et que les nouveaux embauchés n’aient pas la mémoire des dysfonctionnements passés. Par conséquent sur le principe, je suis favorable aux contrôles, y compris aux contrôles inopinés.

J’ai quand même une réflexion à partager avec vous, à savoir qu’il ne faut pas confondre les causes et les conséquences. En d’autres termes, nous avons un système d’accueil de la petite enfance produisant structurellement des dérives. Je crains donc qu’il soit demandé à la PMI de pratiquer un système de « flicage », si vous me passez l’expression, pour compenser ce défaut structurel du système.

Si l’on se réfère aux rapports de l’IGAS et de l’IGF sur les micro-crèches, qui consignent des situations connues des professionnels depuis longtemps, les normes sur le taux d’encadrement des enfants et les qualifications des professionnels sont en soi productrices de difficultés. Ainsi, un référent technique de micro-crèche n’est pas tenu d’avoir des diplômes dans le domaine de la petite enfance, ce qui peut donner lieu à des situations assez dramatiques. Nous pouvons donc nous interroger sur les motivations de certains gestionnaires de micro-crèches qui, avec les fonds dont ils disposaient, ont peut-être hésité entre investissement locatif ou ouverture d’une micro-crèche parce qu’il s’agit de deux investissements rentables.

Vous, médecins de PMI, êtes alors confrontés à ces gestionnaires en devant contrôler qu’ils savent effectivement pratiquer leur métier.

En conséquence, que pensez-vous du risque pour la PMI de basculer dans l’inefficacité face à un système, qui, structurellement produit des dérives ?

M. Pierre Suesser. Les deux coprésidentes du SNMPMI et moi-même avons publié, en février 2022, une tribune dans Le Monde sous le titre « Après le scandale des EHPAD, assurons-nous du bien-être des bébés accueillis ». Dans cette tribune, que je tiens à votre disposition, nous nous inquiétions d’un certain nombre de mesures prises à la suite de la réforme des modes d’accueil, et qui allaient aboutir à des taux d’encadrement moins favorables pour les bébés et à des sujets de qualification.

Sur ces éléments, nous rejoignons l’ensemble des acteurs qui se sont exprimés à cet égard devant votre commission. Parmi les documents que nous mettrons à votre disposition, nous inclurons notamment un texte communiquant des pistes pour un référentiel de qualité. Le premier point que nous avons mis en avant, préconise de créer les conditions d’une disponibilité physique et psychique suffisante des professionnels de l’accueil des jeunes enfants afin que les enjeux de qualité priment, et non pas la rentabilité dont nous sommes bien conscients qu’elle suscite des difficultés.

Dans notre tribune précitée, nous rappelions une étude de la CNAF d’octobre 2009, interrogeant notamment des responsables de micro-crèches qui commençaient juste à s’installer. Il en ressortait par exemple qu’une directrice de micro-crèche « préférait recruter un personnel vierge de toute expérience de travail en crèche ». Le rapport de 2009 citait également l’optimisation maximale du remplissage de la structure comme l’obsession d’un certain nombre de gestionnaires, ainsi que la standardisation des projets éducatifs sur l’ensemble d’une entreprise de crèches. Enfin, ce dossier citait les difficultés que les professionnels commençaient à exprimer dans ce type de structures.

Par conséquent, nous professionnels de PMI, sommes très sensibles à ce risque de diminution de la qualité qui malheureusement, s’inscrit dans un certain nombre d’évolutions de la réglementation. Tout le monde pose ce constat, que nous partageons mais que nous n’avons pas exprimé de nouveau aujourd’hui. Les derniers rapports officiels, dont celui de Mme Peyron et de Mme Santiago, ont effectué un certain nombre de propositions encore plus audacieuses que les demandes d’un collectif tel que « Pas de bébé à la consigne », aux travaux duquel nous avons en partie contribué depuis des années.

En définitive, il serait totalement insatisfaisant de considérer que la seule réponse à la situation serait d’attribuer quelques moyens supplémentaires à la PMI pour lui permettre d’effectuer des contrôles. Telle n’est absolument pas notre préconisation. Bien entendu, nous sollicitons de disposer a minima des moyens nous permettant d’assurer notre mission prévue par le Code de la santé publique. Pour autant, si cette mission s’exerce dans un environnement totalement dégradé, nous sommes bien conscients que cela reviendrait comme vous le dites à vider un océan à la petite cuiller.

L’enjeu premier vise à rétablir les conditions d’une qualité d’accueil. À cet égard, la commission des 1000 premiers jours a demandé qu’il soit passé à une proportion de 70 %/30 % au lieu de 40 %/60 %, entre les professionnels détenteurs de diplômes et les professionnels moins formés. De même, il existe un consensus en faveur du taux d’encadrement d’un professionnel pour cinq enfants, ce qui prendra sans doute quelques années mais qui nécessite d’ores et déjà d’être inscrit dans la réglementation.

Un certain nombre de personnes qui se sont succédé à cette table ont avancé les résultats des recherches les plus récentes, soit un taux d’encadrement d’un pour trois pour les petits bébés et d’un pour quatre ou cinq pour les plus grands. Dans les pays sans cesse cités en exemple tels que le Danemark, la Finlande et même l’Allemagne qui nous a dépassés, le taux d’encadrement est effectivement d’un pour trois ou d’un pour quatre pour les enfants jusqu’à deux ou trois ans. Le taux d’encadrement d’un pour cinq ou un pour huit remonte à des dizaines d’années en arrière, à l’époque où l’on pensait que les bébés n’étaient que « des tubes digestifs ».

Bien évidemment, nous nous inscrivons largement dans ce mouvement et souhaitons que l’ensemble des acteurs du secteur soit conscient de ces enjeux.

S’agissant de l’analyse des pratiques professionnelles, il me semble que la fréquence est de six heures par an.

M. le président Thibault Bazin. C’est trois jours par an financés par la CAF actuellement. Les modalités ont évolué.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Nous ne sommes pas étonnés, au sein de la commission, qu’une étude de 2009 sur les micro-crèches de la CNAF soit parue. Depuis le début des travaux de notre commission, nous constatons que des rapports successifs ont émis des alertes sur la situation de la petite enfance, sans être pris en compte. En 2024, un rapport très sévère vient de paraître mais nous ne savons pas encore si les mesures politiques appropriées seront prises.

Le rapport Peyron formule des recommandations, notamment sur les moyens des PMI et la nécessité d’élaborer une stratégie nationale et de mieux coordonner les acteurs. Pouvez-vous nous indiquer concrètement, comment a évolué la situation des PMI depuis la parution de ce rapport ? Est-ce de façon positive ou négative ?

M. Pierre Suesser. Le rapport de Mme Peyron a suscité beaucoup d’espoir de notre côté, de même que les Assises de pédiatrie et de santé de l’enfant. Pour l’heure, aucune suite significative n’a été constatée à ces rapports et processus. Nous-mêmes avons émis, à la suite du rapport Peyron, un certain nombre de propositions. Nous souhaitons en effet qu’un nombre de minimum de professionnels soit affecté à l’ensemble des missions de la PMI, dont la première est la prévention, le suivi de la santé et du développement des jeunes enfants et les actions collectives de prévention et de promotion de la santé.

Tout ne s’arrête pas aux 1000 premiers jours. Nous avons donc fait des propositions aux fins de faire évoluer les référentiels. Actuellement, la réglementation impose une puéricultrice pour 250 naissances et une sage-femme pour 1 500 naissances. Avec nos collègues de l’Association nationale des puéricultrices, de l’Association nationale des sage-femmes territoriales et les psychologues, nous avons travaillé à la prise en compte des préconisations du rapport Peyron pour les appliquer à l’ensemble de nos missions. Ainsi, lorsque le rapport préconise que la PMI accompagne 20 % des enfants de 0 à 6 ans, qu’elle réalise les bilans de santé pour 90 % des enfants et qu’elle pratique le suivi de la grossesse de 15 % des femmes, nous avons traduit ces propositions en nombre d’ETP. Nos calculs, qui peuvent être discutés, aboutissent à la nécessité d’une puéricultrice pour 120 naissances, un médecin pour 350 naissances et une sage-femme pour 530 naissances.

Nous avons soumis ces propositions dans le cadre des Assises de pédiatrie et de santé de l’enfant et espérons qu’elles seront suivies.

Il existe aussi des sujets d’attractivité pour les professions dont il s’agit, qui se traduisent par une pénurie. Ainsi, un médecin de PMI gagne 2 800 euros en début de carrière alors qu’il percevrait plus de 5 000 euros dans un centre de santé. La situation est la même pour les médecins scolaires. La médecine de prévention est donc très dévalorisée à l’heure actuelle.

Pourtant, les stagiaires que nous accueillons dans nos services se montrent très intéressés par le travail. Ils déchantent très rapidement lorsqu’ils prennent connaissance de la rémunération associée, non qu’ils soient tous vénaux mais après douze ans d’études, on peut les comprendre.

Mme Anne Bergantz (Dem). Je reviens une nouvelle fois sur les contrôles, mais uniquement pour objectiver certains points. J’ai bien noté que le nombre de contrôles inopinés à la suite de signalements avait augmenté ces dernières années, mais cette tendance est-elle proportionnelle à l’augmentation des structures ? Liez-vous spécifiquement l’augmentation du nombre de contrôles au développement des micro-crèches ?

De surcroît, à la lumière de votre expérience et de la prise en compte des diverses évolutions de la réglementation, êtes-vous en mesure d’associer ces constatations au taux d’encadrement et au niveau de qualification qui a été modifié ?

Très concrètement, recevez-vous un grand nombre de signaux d’alerte en lien avec le taux d’encadrement d’un professionnel pour trois enfants dans les micro-crèches ?

M. Pierre Suesser. Nous avons effectivement le sentiment empirique que les signalements sont davantage liés aux micro-crèches. Néanmoins, notre travail d’accompagnement s’est davantage construit au fil des années avec le secteur associatif, avec lequel nous avons davantage d’habitudes de travail au long cours. Nous intervenons donc, dans ce secteur, en amont des difficultés les plus cristallisées. Au contraire, ces habitudes de travail ne se sont pas mises en place avec le secteur privé lucratif, pour des raisons que nous ne saurions pas analyser. Est-ce la raison pour laquelle les dysfonctionnements observés viennent davantage du secteur privé lucratif ? Le recul de la réglementation sur l’encadrement a-t-il été davantage mis en pratique dans le secteur privé lucratif ?

Je réitère la difficulté d’être affirmatif car nous n’avons posé que des constats empiriques, même si le rapport de l’IGAS semble confirmer ces constats.

Mme Elisabeth Jude Lafitte. Je n’ai pas d’autre élément à ajouter aux propos de M. Suesser.

Mme Agnès Lacassie-Dechosal. Je pense que l’explication est multifactorielle. L’augmentation du nombre de structures et la déréglementation créent une augmentation du nombre d’incidents.

Mme Anne Bergantz (Dem). Avez-vous constaté des signalements spécifiques sur l’encadrement dans les micro-crèches, qui ont l’autorisation d’avoir un seul salarié pour trois enfants ?

M. Pierre Suesser. Je ne suis pas en mesure d’apporter de réponse précise à partir de notre expérience. Il me semble que ces constats ressortent des rapports récents.

M. le président Thibault Bazin. Nous avons déjà procédé aux auditions correspondantes. Il nous importe donc de recueillir votre retour et vos constats de terrain

Mme Agnès Lacassie-Dechosal. Nous avons observé un certain nombre d’incidents qui se déroulaient aux parties extrêmes de la journée, à l’accueil de la journée et au départ. Par exemple, lorsqu’une salariée accueille les parents tout en devant s’occuper d’un enfant, elle peut rencontrer des difficultés car elle n’est pas totalement disponible. Ces périodes matin et soir dans les structures sont assez tendues pour le personnel, ce qui peut mettre en difficulté une personne seule. Les incidents ne sont pas très graves à ces moments-là, mais pour accueillir les parents et rendre les enfants aux parents, il serait préférable d’être plusieurs.

M. Joël Aviragnet (SOC). Je suis heureux que notre commission auditionne aujourd’hui des médecins spécialistes de l’enfance et de sa protection. L’objectif de nos travaux est de faire la lumière sur les conditions d’accueil des jeunes enfants au sein des crèches. Vous êtes des spécialistes de l’enfant et de son bien-être. Votre mission est de vous assurer que les enfants sont bien traités au sein des établissements qui les accueillent. Le contrôle externe de ces établissements est donc essentiel pour s’en assurer.

Lorsque vous contrôlez les établissements, avez-vous systématiquement des échanges libres avec les personnels qui y travaillent, ce qui me semble fondamental ?

Comment évaluez-vous la qualité de la relation ? Il me semble que cette relation doit d’abord passer par de la disponibilité des personnels, mais aussi par le souci qu’on a des jeunes enfants, c’est-à-dire par la nécessité de prendre soin d’eux, qui est toujours extrêmement difficile à évaluer.

Enfin pour compléter vos propos, dans ma circonscription le salaire d’un médecin généraliste dans un centre de santé est plus près de 7 000 euros que de 5 000 euros, tandis qu’à l’hôpital public voisin le salaire du praticien hospitalier est de 3 000 euros.

Mme Elisabeth Jude Lafitte. Nous avons constaté que certains professionnels qui se sentent en difficulté nous appelaient de manière anonyme, alors que dans d’autres structures la communication était beaucoup plus fluide. La qualité de la relation avec les professionnels est généralement assez bonne lorsque nous les connaissons et accompagnons les équipes des crèches (directeurs, référents techniques) depuis leur création.

Mme Agnès Lacassie-Dechosal. Les relations sont très variables selon les établissements. Dans certains d’entre eux, nous avons des relations uniquement avec la directrice ou le gestionnaire. Les personnels qui rencontrent des difficultés s’expriment librement, mais souvent sous couvert d’anonymat.

Nous insistons en permanence sur la nécessité d’accompagner les établissements dans la régularité et la longueur, afin que les équipes de PMI et celles des établissements se connaissent mieux et entament des relations de confiance, d’échange et de partage sur les pratiques.

Mme Élise Leboucher (LFI-NUPES). Un peu plus tôt dans l’audition, vous avez évoqué la mission commandée par le ministère des solidarités auprès de l’IGAS pour l’élaboration d’un référentiel fixant les critères de qualité dans les modes d’accueil. Le SNMPMI y a apporté une contribution en novembre 2023, se traduisant par plusieurs recommandations.

Vous rappelez notamment qu’« une connaissance fine des besoins des enfants est nécessaire pour travailler auprès d’eux », et que « cela passe par un degré de qualification qui devrait donc être révisé vers des standards supérieurs. »

Pouvez-vous nous en dire plus sur cette recommandation et sur les risques encourus dans les structures qui accueillent les enfants sans suffisamment de personnel qualifié ?

M. Pierre Suesser. Le critère du plus haut degré de qualification possible est reconnu dans la recherche internationale et dans les rapports produits, notamment par la commission des 1 000 premiers jours.

Actuellement, les formations de la plupart des professionnels intervenant auprès des jeunes enfants sont celles d’auxiliaires de puériculture ou de CAP petite enfance, qui ne sont pas de même niveau. Les auxiliaires de puériculture ont une meilleure qualification, mais tous les acteurs qui travaillent sur les sujets relatifs à la formation reconnaissent, que la dimension éducative au sens large pourrait être améliorée dans ces diplômes. Différentes associations ont fait des propositions, sur lesquelles je ne me prononcerai pas directement, pour que ces formations soient allongées du point de vue de la durée du stage. Je crois, sans être affirmatif, que les auxiliaires de puériculture n’ont pas de stage obligatoire en crèche (ou qu’il est très bref), alors que pour celles qui se dédieraient effectivement à ce travail dans les modes d’accueil, l’équilibre n’est pas suffisamment atteint entre les compétences qui doivent se développer dans le secteur sanitaire et celles à mettre en pratique dans les modes d’accueil.

Pour les CAP petite enfance, la formation est encore d’après ce que je sais très lacunaire pour les tous petits bébés. Cette formation avait en effet été mise en place pour former les futurs Agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) qui interviennent auprès des enfants de maternelle, donc entre trois et six ans. Or les caractéristiques développementales des bébés doivent faire l’objet d’une formation initiale spécifique, notamment concernant leur mode d’expression de leurs difficultés.

Dans des établissements tels que les micro-crèches où il n’existe aucune exigence de qualification, il est possible que certains professionnels n’aient aucune ou très peu de formation initiale dans le domaine de la toute petite enfance, c’est-à-dire de dix semaines à trois ans. Un bébé de trois mois qui veut s’exprimer pleure beaucoup car il ne dispose d’aucun autre moyen d’expression. Il faut pouvoir décrypter ces signaux. De plus, si les professionnels sont seuls entre 8 heures et 9 heures 30 sans pouvoir s’appuyer sur un autre collègue pour répondre aux besoins d’un bébé qui hurle en permanence, comment peuvent-ils travailler ?

Par conséquent, il me semble que la formation initiale est extrêmement importante, ce qui ne signifie pas qu’il faille renoncer à ce que des personnes titulaires d’un CAP ou que les assistantes maternelles continuent à travailler dans les établissements d’accueil collectif. Il est nécessaire aussi de promouvoir la formation continue et la formation professionnalisante, dans la mesure où des assistantes maternelles peuvent parfaitement suivre ces formations.

M. le président Thibault Bazin. Merci à chacun pour vos interventions, surtout à distance car je sais qu’il n’est pas toujours évident de communiquer ainsi. J’espère que je ne vous ai pas trop « maltraités » dans la gestion des temps de parole et que vous avez pu vous exprimer comme vous le souhaitiez.

Nous avons surtout concentré nos propos et nos questions sur le contrôle mais bien entendu, la qualité d’accueil est essentielle. D’ailleurs, l’ensemble de nos auditions l’ont appréhendée.

Ce matin, nous avons reçu les départements de France en tant qu’entité. La rapporteure leur a demandé, à chacun, un certain nombre d’éléments concernant les PMI. La réponse à des questions du rapporteur de la commission relève d’une obligation légale. J’invite aussi votre syndicat à relayer tous les éléments dont il dispose, afin que toutes les données agglomérées nous soient transmises. Nous souhaitons en effet disposer du regard le plus complet et aiguisé possible sur les contrôles, pour permettre à la rapporteure de formuler des recommandations adaptées, prenant en compte le vécu des PMI de l’ensemble du territoire.

La séance est levée à 18 heures 50.


Membres présents ou excusés

Commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements

 

 

Réunion du mardi 26 mars 2024 à 17 heures

 

Présents. - M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, Mme Anne Bergantz, Mme Élise Leboucher, M. William Martinet, Mme Béatrice Roullaud, Mme Sarah Tanzilli

 

Excusé. - Mme Isabelle Santiago