Compte rendu

Commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil
des jeunes enfants au sein
de leurs établissements

– Audition de M. Nicolas Grivel, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et de M. Vincent Nicolle, sous-directeur en charge du département « gestion et financement de l'action sociale »              2

 


Mercredi 27 mars 2024

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 31

session ordinaire de 2023-2024

Présidence de
M. Thibault Bazin,
Président


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La séance est ouverte à 16 heures 10.

La commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements a auditionné M. Nicolas Grivel, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et M. Vincent Nicolle, sous-directeur en charge du département « gestion et financement de l'action sociale ».

M. le président Thibault Bazin. Chers collègues, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. Nicolas Grivel, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), dont l’audition par notre commission d’enquête est très attendue, à la hauteur de l’importance du rôle joué par la Cnaf dans la politique d’accueil des jeunes enfants.

M. Grivel est accompagné par M. Vincent Nicolle, sous-directeur de la Cnaf chargé du département gestion et financement de l’action sociale.

Certains collègues m’ont indiqué qu’ils auraient souhaité que la présidente du conseil d’administration de la Cnaf soit auditionnée aux côtés de M. Grivel. Je n’avais rien à objecter à cette demande, bien au contraire, et nous avons tenté de la satisfaire mais, en raison des délais très courts, cela n’a pas été possible dès lors que nous souhaitions que l’audition ait lieu cette semaine. En tout état de cause, en sa qualité de directeur général, M. Grivel participe aux réunions du conseil d’administration – certes sans voix délibérative – et devrait donc être en mesure de répondre aux questions relatives à ce conseil. Nous avons en effet un certain nombre de questions ayant trait au positionnement des administrateurs, sur des sujets récemment mis à l’ordre du jour.

Mme la rapporteure a transmis un questionnaire substantiel à la Cnaf, auquel des réponses non moins substantielles ont été fournies afin que nos échanges puissent en être nourris. Je crois savoir par ailleurs que la Cnaf a bien relayé auprès de l’ensemble des caisses d’allocations familiales (CAF) un autre questionnaire préparé par Mme la rapporteure, et je tiens à en remercier sa direction. Si certains, parmi ceux qui nous écoutent, travaillent dans des CAF et n’ont pas reçu l’invitation cordiale et courtoise de la Cnaf à nous apporter tous les éléments requis, ils sont invités à le faire, car nous avons besoin de données.

Nos rencontres de terrain ont parfois démontré – ne le prenez pas mal, vous pourrez vous défendre – l’existence d’une forme d’opacité ou de traitement à géométrie variable suivant les territoires. C’est le droit des conseils d’administration locaux d’abonder tel ou tel dispositif, mais cela contribue à rendre plus compliqués et moins lisibles les différents modèles de gestion de crèches, alors que nous avons besoin d’appréhender les critères donnant lieu, ou non, à un soutien au fonctionnement ou à l’investissement de la part des CAF. S’agissant des contrôles, de la gouvernance et de la qualité, on voit bien également que les pratiques peuvent varier, du fait d’expérimentations, de la qualité des relations humaines ou de spécificités départementales. Nous aurons besoin de vous entendre à cet égard.

Cette audition est retransmise en direct sur le site de l’Assemblée nationale et l’enregistrement vidéo sera ensuite disponible à la demande.

Il me reste à vous rappeler que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »

(MM. Nicolas Grivel et Vincent Nicolle prêtent successivement serment.)

 

M. Nicolas Grivel, directeur général de la Cnaf. Je suis ravi de participer à vos travaux, qui sont importants et trouvent leur place dans l’activité assez intense des parlementaires au sujet de l’accueil de la petite enfance. Votre souhait de vous constituer en commission d’enquête montre l’importance que vous lui accordez. Évidemment, nous y sommes tout aussi attentifs et nous nous prêtons bien volontiers à l’exercice auquel vous nous invitez, dans les conditions que vous avez rappelées.

Le soutien au secteur de la petite enfance et à l’accueil des jeunes enfants fait partie depuis longtemps de l’ADN des CAF et de la Cnaf puisque, dès les années 1970, nous avons accompagné la montée du taux d’activité féminin et les enjeux de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, qui sont encore très présents parmi les objectifs de cette politique publique, et désormais du service public de la petite enfance (SPPE). Par ces services aux familles, nous avons démontré que nous accompagnons également le développement de l’enfant – beaucoup de choses se jouent en effet dans les premières années de la vie : ce sont les fameux 1 000 premiers jours. Nous participons en outre à l’application d’une politique d’égalité des chances et de cohésion sociale, par l’intérêt marqué, dans un certain nombre de territoires, à l’accès à ces services des publics prioritaires.

Sur ces sujets, nous sommes donc un acteur important et très motivé. La Cnaf et les CAF, ainsi que nos conseils d’administration, sont très mobilisés, notamment au titre de la politique d’action sociale – une politique extralégale, mais très déterminée, des CAF, dont la petite enfance est la principale bénéficiaire, en particulier en termes financiers.

Nous avons connaissance de ces questions en tant qu’acteur aux niveaux national et local, et en tant qu’acteur dans un partenariat avec l’ensemble des parties prenantes de la politique de la petite enfance, dont sont responsables l’État et les collectivités locales. La branche famille s’inscrit dans ce partenariat très fort, au niveau national, à travers notre convention d’objectifs et de gestion (COG), qui prévoit des moyens financiers et des orientations. C’est le lieu traditionnel d’expression d’une ambition pour la petite enfance, en particulier en matière de développement de l’offre d’accueil des jeunes enfants, à laquelle s’attachent différents objectifs, y compris quantitatifs. Au niveau territorial, nous avons : à l’échelon départemental, un partenariat dans le cadre des comités départementaux des services aux familles (CDSF) et des schémas départementaux des services aux familles (SDSF) ; à l’échelon du bloc communal, un autre partenariat que nous animons sur le fondement des conventions territoriales globales (CTG), qui est le support de nos politiques avec les collectivités locales. Nous suivons clairement une logique d’accompagnement financier, mais aussi de conseil et d’ingénierie sociale et territoriale, afin que les acteurs locaux, qui n’en sont pas tous spécialistes, bénéficient de notre vision globale et de notre connaissance du secteur.

Nous sommes évidemment attentifs à l’usage des crédits que nous allouons, aux suites qui sont données aux actions et aux politiques que nous finançons et éventuellement aux difficultés rencontrées. Nos moyens sont majoritairement issus du Fonds national d’action sociale (Fnas). Le Fonds national des prestations familiales (FNPF) y contribue également, au titre notamment de la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) dans ses différentes composantes et d’un certain nombre de réformes du complément de libre choix du mode de garde (CMG).

Comme vous le souligniez, le système de financement et de partenariat est complexe. Cela tient au nombre des acteurs qui y sont impliqués et à la multiplicité des objectifs de la politique publique de la petite enfance et des outils que nous devons déployer pour les atteindre. Cette politique bénéficie aux familles – aux parents qui cherchent des solutions d’accueil, aux enfants qui doivent se développer et jouir d’une bonne qualité de vie dans ces lieux d’accueil –, à la société d’une manière générale et aussi à la vie économique. Les employeurs sont donc impliqués et concernés par les services qui permettent de concilier vie familiale et vie professionnelle. Cette politique mobilise également l’ensemble des financeurs qui, compte tenu des sommes conséquentes engagées par la puissance publique, souhaitent disposer d’un service bien placé, qui garantisse aux jeunes enfants et à leurs familles des solutions de qualité et en quantité suffisante. Cette politique est enfin tournée vers les professionnels du secteur, lequel secteur est marqué par des difficultés de recrutement dues à son manque d’attractivité.

Nous avons aussi des objectifs plus précis, qui expliquent la diversité des modes de financement et qui ont eu tendance à croître ces dernières années. Selon leur cible, ils donnent parfois lieu à une combinatoire complexe. Pour les enfants porteurs de handicaps, la précédente COG a créé un bonus inclusion qui a donné des résultats intéressants ; l’accueil des enfants dont les familles sont socialement défavorisées et en difficulté fait l’objet d’un bonus mixité sociale ; la qualité de l’accueil a déjà connu des développements et d’autres ont été lancés dans le cadre de nouvelle COG ; pour l’attractivité des métiers, des discussions sont en cours au sujet d’un bonus attractivité.

Notre gamme de solutions et de soutiens est très large sur différents thèmes qui nous mobilisent fortement. Elle fait de nous le premier financeur public des solutions d’accueil collectives, et un soutien direct des familles avec des solutions d’accueil diversifiées en termes de dispositifs et de structures.

Depuis l’été dernier, nous avons une nouvelle COG, particulièrement ambitieuse s’agissant du secteur de la petite enfance, en lien avec la création du SPPE par la loi pour le plein-emploi que vous avez votée. Elle confie à la branche famille le soutien au développement de ce service public, et met à notre disposition des moyens financiers destinés à accompagner sa montée en puissance. À la fin de la COG, en 2027, le Fnas disposera de 2 milliards de plus qu’en 2022, dont 1,5 milliard pour renforcer les 4 à 4,5 milliards dédiés à la petite enfance en début de période.

Nous sommes donc très fortement mobilisés, les CAF et la branche famille contribuant aux différentes fonctions du SPPE. Nous manions un certain nombre de leviers d’information des familles et des publics aux côtés des collectivités locales, qui sont les autorités organisatrices du secteur, en particulier concernant les relais petite enfance (RPE). Nous fournissons aussi des services, notamment numériques, de conseil et d’accompagnement des familles. Nous soutenons le développement de l’offre d’accueil sur le plan quantitatif, avec la création de places, l’installation d’assistantes maternelles, l’évolution de lieux en lien avec les parents, comme les lieux d’accueil enfants-parents (Laep), et sur le plan qualitatif, avec un financement renforcé des heures pédagogiques, d’accompagnement et de concertation des professionnels, l’amélioration de la qualité des lieux d’accueil par une politique d’investissement et par la présence de professionnels en développant l’attractivité des métiers et l’accompagnement financier des revalorisations salariales.

Nous travaillons également à l’accessibilité du SPPE, grâce à la meilleure couverture de certains territoires manquant de solutions d’accueil. Nous sommes particulièrement vigilants vis-à-vis de la démographie des professionnels, en particulier des assistantes maternelles. La réforme du CMG aidera l’ensemble des familles, quel que soit leur niveau de vie, à accéder à une diversité de modes d’accueil, les études ayant montré que le reste à charge des familles les plus aisées est relativement constant, tous modes d’accueil confondus, tandis que les familles défavorisées n’ont qu’un accès limité à certains de ces modes, compte tenu de l’importance de leur reste à charge.

Dans tous ces domaines, nous sommes à la fois moteur, acteur, partenaire des collectivités locales et des opérateurs du SPPE. Nous sommes très motivés pour avancer et pour faire en sorte que les différents thèmes dont traite cette commission d’enquête trouvent une résonance dans la société, car c’est une obligation collective que d’atteindre ces objectifs et répondre aux besoins des enfants et des familles.

M. le président Thibault Bazin. Nous parlons depuis ce matin des revalorisations salariales, très attendues par les professionnels de la petite enfance. Le 5 mars, le conseil d’administration de la Cnaf a décidé de reporter le vote relatif au dispositif annoncé du bonus attractivité. Pourtant, le Gouvernement, à l’issue de son passage devant le comité de filière petite enfance (CFPE), a communiqué au sujet de ce dispositif auprès du grand public. Or, les représentants des collectivités que nous avons rencontrés par la suite et les gestionnaires ne disposent pas d’éléments, et un doute plane sur ce bonus. Pouvez-vous nous donner les raisons officielles et officieuses de ce report et du manque d’éléments, sans vous limiter à des questions de procédure ? Le bonus attractivité concernera-t-il les gestionnaires publics et privés qui ont décidé de revalorisations avant le 31 décembre 2023 ? Pour les collectivités locales dont les moyens sont limités, en particulier dans des territoires en souffrance, pour les associations dont le modèle rencontre des difficultés, notamment en l’absence de tiers-financeur, l’accompagnement par un bonus est-il prévu ? Si c’est le cas, suivant quels critères et à quelles structures sera-t-il accordé ? Nous avons constaté, en examinant un certain nombre de notifications de CTG, l’existence de bonus territoriaux.

M. Nicolas Grivel. Vous faites écho à un débat récent parmi les pouvoirs publics : des discussions, des arbitrages, des annonces ministérielles ont eu lieu concernant ce dispositif, qui fait depuis longtemps l’objet d’un travail gouvernemental. Il est certain que la COG comporte des orientations volontaires et déterminées, auxquelles s’attachent des moyens, relatives à des thématiques très larges. En accord avec l’État, signataire, avec la branche famille, de la COG, nous nous sommes donné l’objectif de contribuer par un bonus attractivité à des revalorisations élaborées dans les différentes branches professionnelles. Les ministres et leurs services ont longuement travaillé sur cet exercice d’accompagnement du dialogue social, dans un secteur multiacteurs, multidomaines et multibranches professionnelles, sans parler de la dichotomie public-privé que vous évoquiez. Nous avons cherché le meilleur dispositif d’accompagnement du secteur professionnel afin que, lorsque des revalorisations sont décidées dans le cadre de ce dispositif, elles soient soutenues par la branche famille grâce au bonus attractivité. Le CFPE, dont c’était l’un des objectifs, a significativement contribué à ce travail, qui impliquait aussi le secteur professionnel. Les discussions interministérielles relatives aux aspects financiers du sujet ont abouti peu de temps avant notre conseil d’administration du mois de mars.

Vous devez savoir que, pour appliquer une COG, nous devons prendre des décisions relatives à de nombreux points et dont le nombre est très conséquent, au sein de nos instances. Depuis juillet 2023 et la signature de la COG, nous prenons chaque mois en conseil d’administration des décisions portant sur l’ensemble des sujets qu’elle aborde, ayant trait à la politique d’action sociale et à la petite enfance : financements, bonus, accompagnement d’autres secteurs, etc. Avec n administrateurs, nous préparons ces décisions d’une manière très minutieuse et, lorsqu’elles sont examinées en commission d’action sociale (CAS) et en conseil d’administration, nous répondons à leurs questionnements.

Les arbitrages interministériels relatifs au bonus attractivité sont intervenus juste avant notre conseil d’administration, ce qui a rendu notre situation un peu plus difficile. Nos administrateurs ont légitimement souhaité disposer du temps nécessaire pour se livrer à un examen plus approfondi des composantes du bonus attractivité et de ses conditions d’attribution, qui peuvent être sujettes à discussion en fonction des thèmes et des territoires concernés. C’est dans ce contexte que le conseil d’administration a choisi de surseoir à sa décision. Depuis, nous avons repris le cycle plus traditionnel de nos travaux : la CAS s’est réunie la semaine dernière, ce qui a apporté au débat des éclaircissements utiles. Les membres de la CAS, saisie seulement pour avis, n’étaient pas obligés de s’exprimer, mais ceux qui l’ont fait ont globalement témoigné leur soutien au bonus attractivité. Notre conseil d’administration en sera saisi la semaine prochaine. Je pense qu’il validera ce dispositif, et je le souhaite. Nous aurons alors une vision plus claire de la manière dont le bonus sera soutenu et appliqué par la branche famille, pour accompagner les revalorisations proposées.

Je comprends cependant les réactions et les interrogations du secteur, que vous relayez.

M. le président Thibault Bazin. Je dois vous avouer que, pour le néophyte, votre intervention ne clarifie guère la gouvernance et l’impact du bonus sur les modèles de financement. Peut-être mes collègues y voient-ils plus clair. Qui décide de la création du bonus attractivité et de ses modalités d’application ? Est-ce la Cnaf ? Des arbitrages ont certes eu lieu, mais vous travaillez depuis plusieurs mois et j’imagine que leurs impacts ont fait l’objet d’un travail en commun.

M. Nicolas Grivel. Je reste dans mon explication sur le terrain de la procédure.

M. le président Thibault Bazin. Oui, vous êtes très politique.

M. Nicolas Grivel. Pas du tout. Je suis au contraire très technique, car il est important que vous compreniez notre gouvernance, même si vous êtes évidemment néophytes en la matière. C’est comme si nous examinions un projet de loi en séance plénière à l’Assemblée nationale sans l’avoir fait préalablement en commission. L’examen en commission, comme vous le mesurez bien, a un intérêt. C’est ce que nous avons souhaité faire.

M. le président Thibault Bazin. D’habitude, ici, il n’y a pas d’inscription en séance si le passage en commission n’a pas eu lieu.

M. Nicolas Grivel. Je le sais bien, mais nous avons un peu plus de liberté d’action dans la mesure où les textes définissant nos procédures sont un peu moins constitutionnels. Il a été souhaité d’examiner directement ce texte en conseil d’administration, compte tenu du calendrier. Il faut que vous mesuriez que nous sommes collectivement engagés dans une course contre la montre, car notre objectif est d’atteindre les cibles fixées par la COG et, pour cela, nous devons envoyer des messages clairs et pédagogiques à l’ensemble des acteurs de terrain. Depuis juillet, les équipes ont le pied au plancher.

M. le président Thibault Bazin. Sans doute, mais la revalorisation est urgente et, comme elle est fixée au 1er janvier, tous les acteurs sont en attente. Certaines revalorisations ont eu lieu, ce qui crée un risque d’injustice.

M. Nicolas Grivel. Bien sûr, mais le conseil d’administration de la Cnaf n’a été saisi du sujet que quelques jours avant sa tenue, dans un délai qui ne permettait pas à la CAS, qui l’avait fait quinze jours auparavant, de se réunir en amont.

Vous abordez un sujet important : les relations entre l’État et la branche famille, dont nous devons traiter en permanence puisque nous sommes liés par les objectifs de la convention que nous avons cosignée. Suivant notre mode de fonctionnement et de régulation, très classique et qui n’est pas propre au bonus attractivité, il est évident que les questions dont est saisi notre conseil d’administration doivent être étudiées avec l’État et le sont.

S’agissant d’un certain nombre de thématiques, déclinées dans le cadre de la COG, nous sommes à la manœuvre technique. Nous instruisons les dossiers et préparons les décisions du conseil d’administration en lien avec nos correspondants des services de l’État. La responsabilité de ce dossier particulier, au vu de la régulation et de l’accompagnement du dialogue social qu’il requérait, a été assumée politiquement par les ministères. Cette décision tout à fait légitime a été prise en vue d’animer un dialogue social pas évident, dans un secteur qui implique de nombreux acteurs.

M. le président Thibault Bazin. On l’a mesuré.

M. Nicolas Grivel. Cela nous a conduits au cadencement et au calendrier que j’ai évoqués. Nous nous voyons aujourd’hui, et votre attention est attirée sur ce point. Si nous nous étions vus dans quinze jours, la question se serait posée dans des termes différents. Dans six mois, tout cela sera une péripétie.

J’en viens au fond.

M. le président Thibault Bazin. Faites des réponses courtes.

M. Nicolas Grivel. Excusez-moi, c’est la passion qui m’entraîne.

M. le président Thibault Bazin. Pas de passion, que de l’objectivité : toute la vérité, rien que la vérité !

Qu’en est-il de ceux qui n’auront pas les moyens de financer les 34 % avec un tiers financeur ?

M. Nicolas Grivel. L’attribution du bonus attractivité est conditionnée à l’engagement des secteurs concernés : si un accord de branche est signé pour accompagner ce geste salarial, les structures appartenant à cette branche recevront une compensation. S’agissant des collectivités, l’attribution suppose une délibération de chacune d’entre elles soutenant ce mouvement.

M. le président Thibault Bazin. Nous l’avions bien compris. Qu’est-ce qui est prévu pour les acteurs qui n’ont pas les moyens de revaloriser les salaires ?

M. Nicolas Grivel. Rien n’est prévu au titre du bonus attractivité. Toutefois, de manière plus substantielle et globale, nos dispositifs traditionnels – la prestation de service unique (PSU) finançant l’activité et les différents bonus que nous accordons aux acteurs et aux collectivités –, qui soutiennent la dynamique d’accompagnement du SPPE, donc des crèches, sont renforcés.

Nous disposons ainsi de plusieurs bonus tenant compte de la capacité financière des acteurs engagés, notamment des collectivités et des territoires. C’est le cas du bonus territoire, qui appuie les CTG et suit un barème majorant significativement les financements que nous allouons aux territoires les plus fragiles, en particulier aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et aux zones de revitalisation rurale (ZRR). Cet accompagnement sera considérablement renforcé avec la mise en œuvre de la COG. Il s’y ajoutera un bonus trajectoire destiné à accompagner les territoires présentant des besoins de développement et s’engageant à y répondre pendant la période.

M. le président Thibault Bazin. Le stock bénéficiera-t-il de revalorisations ?

M. Nicolas Grivel. Vous avez parfaitement raison d’aborder cette dimension très importante de la COG, que nous avons promue avec force. Traditionnellement, nous incitons à la création de places nouvelles en les finançant bien, ce qui crée dans la durée un effet de distorsion. En effet, au bout d’un moment, il devient difficile de distinguer les places anciennes des places nouvelles.

M. le président Thibault Bazin. En outre, certains acteurs prétendent que tout est nouveau alors qu’il ne s’agit parfois que d’extensions.

M. Nicolas Grivel. Je n’aborde pas l’aspect le plus pathologique du sujet. Je veux seulement dire que la plupart des places qui existeront dans cinq ans existent déjà. Pour que les structures d’accueil fonctionnent bien et pour inciter les acteurs concernés à s’engager à en faire davantage là où c’est nécessaire, nous devons jouer à la fois sur les places nouvelles et sur le stock. Nous lançons donc dans cette COG une procédure de convergence progressive de nos financements de l’ancien et de nos financements du nouveau, afin que, à la fin de cette convention, dans les territoires prioritaires, les places nouvelles et les places anciennes soient bien financées au même niveau. Cette convergence se poursuivra dans le cadre de la COG suivante. Nous entendons suivre une logique de négociation gagnant-gagnant avec les collectivités concernées : il s’agit de les accompagner, si elles s’engagent avec nous en faveur du développement, en revalorisant leurs places, y compris anciennes.

M. le président Thibault Bazin. Sans développement, leur stock ne sera donc pas revalorisé ?

M. Nicolas Grivel. Il le sera, mais les collectivités qui ne s’engagent pas ne recevront pas en plus le bonus trajectoire, qui constitue une incitation supplémentaire au développement.

M. le président Thibault Bazin. Les élus que nous avons rencontrés s’inquiètent de la pérennisation du stock.

M. Nicolas Grivel. C’est bien pour cela que nous avons mis l’accent sur cet effort, notamment par l’intermédiaire des bonus, afin de rééquilibrer le financement à l’activité et le financement forfaitaire.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Comme vous pouvez l’imaginer, votre audition était très attendue, car vous représentez le premier financeur, de très loin, des places en crèche. Il est bon que votre audition intervienne à ce moment de nos travaux, parce que la connaissance que nous avons acquise de la qualité d’accueil et du modèle économique des crèches nous permet, sans forcément aborder tous les détails, de vous interroger sur les questions qui se sont posées à nous au fil de nos échanges.

J’ai de nombreuses questions. Je souhaiterais d’abord connaître les grosses masses financières dépensées par la Cnaf au bénéfice des EAJE (établissements d’accueil du jeune enfant) pendant les cinq dernières années et l’évolution des dépenses prévues jusqu’au terme de la COG actuelle, ainsi que leur ventilation par catégorie de dépenses – PSU, Paje, bonus, aides au financement, etc.

Au fil de nos échanges, y compris lors de la présente audition, nous appréhendons la complexité du système de financement des crèches, qui suscite notre interrogation. Notre commission d’enquête lie qualité d’accueil et modèle économique. Je ne vous cache pas que je m’interroge quant à la pertinence de notre mode de financement au regard de notre objectif de qualité d’accueil. Un certain nombre de dispositifs, en particulier des bonus forfaitaires, corrigent d’ailleurs le mécanisme de la PSU. Nous évoquions plus tôt, avec des organisations représentatives des personnels des crèches, la pression qui s’exerce sur les directeurs et directrices d’EAJE pour ne pas dépasser le seuil de 107 % ou celui de 117 %, surtout en fin d’année. Vous imaginez bien que, lorsqu’une directrice a les yeux rivés sur son ordinateur pour faire cet exercice, elle n’est malheureusement pas aux côtés des professionnels qu’elle encadre et des enfants qu’elle accueille. Ne pensez-vous pas que, en soi, le modèle de financement par la PSU privilégie l’objectif quantitatif par rapport à l’objectif qualitatif, et que la manière dont cette prestation est calculée impose à nos gestionnaires de crèches de s’aligner sur leurs obligations réglementaires minimales, s’agissant en particulier du taux d’encadrement ?

M. Nicolas Grivel. Je ne dirai pas que votre question est mauvaise, mais cela ne m’empêchera pas de défendre notre modèle de financement.

M. le président Thibault Bazin. Je vous invite à répondre aux questions sans tourner autour du pot. Qu’en est-il des grandes masses ?

M. Nicolas Grivel. En 2018, 3,1 milliards ont été consacrés aux EAJE, en 2022, à la fin de la précédente COG, 3,38 milliards, et 1,37 milliard sera ajouté à cette dernière somme à la fin de la COG actuelle, si l’on crée les places prévues, ce qui montre bien le dynamisme de cette convention, même s’il reste à confirmer dans la réalité.

Un solde net, obtenu en soustrayant les places détruites aux places créées, de 35 000 nouvelles places est programmé sur la période de la COG.

M. le président Thibault Bazin. Sur le 1,3 milliard, combien ira vers le stock et combien, vers les 35 000 places ?

M. Nicolas Grivel. Le temps pour Vincent Nicolle de faire un petit travail, et je vous répondrai dans quelques minutes.

J’en viens aux principes d’attribution de la PSU, sujet évidemment central. Ils ont été déterminés par une réforme ancienne, datant du début du XXIe siècle, et modifiés substantiellement en 2014. Il s’agit peut-être du plus mauvais système, à l’exception de tous les autres. Tout système de financement a ses travers, ses biais et peut faire l’objet d’optimisations. La PSU n’y fait pas exception. Si nous étions convaincus qu’il existait un système parfait susceptible de la remplacer, nous n’hésiterions pas à travailler en ce sens.

Les familles ont grandement bénéficié de la PSU et de son évolution. On avait en effet constaté que les systèmes antérieurs présentaient un défaut : un écart de plus en plus important se creusait entre les heures réalisées, donc les besoins des familles, et les heures facturées. On a élaboré les contours de la PSU pour réduire cet écart et répondre à ces besoins. De ce point de vue, la réforme de la PSU a atteint son but et permis de satisfaire davantage de familles, aux exigences différentes. C’est en particulier le cas des publics engagés dans des parcours d’insertion ou éloignés de l’emploi, dont les besoins réduits appellent un accueil occasionnel.

Ce système renvoie aussi aux logiques des financeurs dans leur diversité : si l’on finance des services d’accueil, c’est pour accueillir des enfants, qui doivent être présents. Il n’est pas attesté que cela crée une pression au remplissage ou à la suroccupation. Après la réforme de 2014 conduisant à la prise en compte du taux de facturation, on comptait, en 2015, 2,4 enfants par place inscrits dans les crèches ; en 2022, il y en avait 2. Cette réforme n’a donc pas produit d’effet de densification des crèches. Elle a cependant engendré des effets pervers, que nous avons mesurés, en particulier des effets de seuil liés aux 107 % et aux 117 % susmentionnés. Il ne faut toutefois pas dénaturer l’objectif initial de ces seuils, qui était de réduire le taux de facturation.

M. le président Thibault Bazin. Vous avez donc conscience de ces effets pervers. Prévoyez-vous de les réduire ?

M. Nicolas Grivel. Tout à fait. Il est prévu dans la COG d’instaurer en 2025 un système de lissage de la PSU.

M. le président Thibault Bazin. Ce système sera-t-il rétroactif ? Nous avons cru comprendre au fil de nos rencontres que les CAF versaient le solde de la PSU l’année suivant celle de la liquidation, ce qui n’est pas évident pour les structures. Bénéficieront-elles de ce lissage en 2026 ? Connaîtront-elles les seuils d’attribution des bonifications en décembre 2025, ou ce lissage s’appliquera-t-il en 2024 ? Quels en sont les paramètres ?

M. Vincent Nicolle, sous-directeur de la Cnaf chargé du département gestion et financement de l’action sociale. Le barème de la PSU prend la forme d’un escalier passant par des seuils. Le dépassement d’un de ces seuils occasionne des pertes dans le barème qui, multipliées par le nombre d’heures, qui sont l’unité d’œuvre par rapport à laquelle nous calculons nos financements, peuvent atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros, pour certaines structures. On comprend que les acteurs aient pu témoigner de pression à ce sujet.

M. le président Thibault Bazin. C’est la double peine.

M. Vincent Nicolle. L’idée est de lisser le barème, de telle sorte que le passage d’un taux de facturation de 107 % à 107,1 % ne diminue les montants perçus que de quelques centimes, ce qui fera baisser la pression ressentie en évitant qu’une erreur de pilotage, un nombre insuffisant d’enfants accueillis ou la facturation excessive de certaines familles ne produisent des écarts trop importants.

Pour répondre à votre remarque sur le versement du solde, nous finançons les établissements en glissement. Par exemple, à la fin de l’année 2023, les établissements nous ont envoyé un budget prévisionnel relatif à l’activité qu’ils comptaient réaliser en 2024. Sur cette base, nous leur avons versé un acompte. Par la suite, nous actualisons avec eux leurs données en fonction de l’évolution de leur activité, ce qui nous amène à leur verser d’autres acomptes. Ils nous livrent en ce moment, au mois de mars 2024, les résultats définitifs de l’année 2023 – à ce jour, 20 % des crèches nous ont remis leurs comptes de résultat –, ce qui donne lieu au paiement du solde, soit des 30 % de PSU manquants.

En vue de l’application du lissage en 2025, qui concernera l’exercice 2025, nous publierons un simulateur permettant aux structures de mesurer l’effet d’un changement de leur barème.

M. le président Thibault Bazin. Il paraît que vous dispensez des formations très développées à l’usage du simulateur de la PSU, que veulent suivre les directeurs de structures publiques ou privées qui ont l’obsession de ne pas perdre de fonds. On sent que la pression exercée au sujet du modèle de la PSU et ces simulations ont un impact sur la qualité d’accueil, même s’il n’est pas voulu par vous, ainsi que sur le psychisme des responsables de structures.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Le système de la PSU permet de bien financer l’accueil d’enfants du point de vue quantitatif, le but étant de pourvoir les places ainsi financées. Comment la branche famille peut-elle financer la qualité d’accueil ? Si aucun dispositif ne valorise financièrement l’embauche de personnel formé au-delà des obligations réglementaires ou un taux d’encadrement supérieur au taux réglementaire, pourquoi le ferait-on ? Nos dispositifs de financement s’alignent sur le minimum réglementaire et ne reconnaissent pas suffisamment les efforts de tel ou tel gestionnaire pour améliorer la qualité d’accueil de son établissement.

Que pensez-vous d’une forfaitisation à la demi-journée ? Je comprends bien que certaines familles n’ont pas besoin que leurs enfants soient accueillis toute la semaine, voire plus de deux ou trois demi-journées éparses par semaine. Mais je ne connais pas beaucoup de familles qui n’ont besoin que d’une ou deux heures. En outre, les familles ne comprennent pas très bien pourquoi il serait problématique d’arriver à la crèche à huit heures trente plutôt qu’à huit heures. Alors que la réalité de la vie réclame de la souplesse, s’entendre demander par les gestionnaires de crèches d’être très à cheval sur les horaires à cause du modèle de financement crée une incompréhension chez les familles, qui ne trouvent pas vraiment de satisfaction dans cette relation.

M. Nicolas Grivel. Nous prêtons une grande attention au volet qualité du SPPE et à son renforcement.

Le terme de crèche PSU présente un travers sémantique en ce qu’il donne l’impression que les crèches qu’il désigne ne sont financées que par la PSU ; or nous les finançons aussi par des dispositifs forfaitaires à la place, tenant compte des caractéristiques des territoires, des contraintes des établissements et des enfants accueillis – niveau de pauvreté, handicap, etc. La stratégie définie dans la COG consiste à augmenter progressivement la part de ces financements au forfait de sorte à diminuer, dans les quatre ou cinq ans à venir, la pression résultant des dispositifs liés à l’activité. Cette stratégie va dans le sens que vous indiquez, car ces financements forfaitaires bénéficient à la structure, en améliorant la qualité d’accueil et l’attention portée aux enfants, et à son gestionnaire, en l’autorisant à mettre l’accent sur telle ou telle action en faveur de la qualité.

Grâce à la COG, nous renforcerons également le paiement forfaitaire d’heures non consacrées à la garde d’enfants : pour les journées pédagogiques – trois journées par an, ce n’est pas rien ; pour la préparation de l’accueil des enfants, car le temps passé à accueillir les familles, à créer du lien, à gérer les relations de parentalité, c’est de la qualité. Là encore, cela va dans le sens que vous indiquez.

Le Fonds publics et territoires (FPT) nous permet, en outre, de financer des projets qualitatifs que les crèches peuvent soumettre à la CAF locale. Enfin, nous accompagnons, avec l’État, un fonds d’innovation pour la petite enfance (Fipe) accordant des financements qualitatifs supplémentaires.

Nous ne sommes donc pas inertes. La difficulté que vous mettez en avant est à la jonction du réglementaire et du financier. Si l’on pense que les seuils réglementaires sont trop bas pour que l’accueil soit de qualité, il faut les rehausser, ce qui a évidemment un coût.

M. le président Thibault Bazin. Ce n’est pas la question. Le problème est qu’aucun accompagnement financier n’incite à dépasser les seuils réglementaires.

La lisibilité des dispositifs est d’autant plus importante qu’il existe des prix planchers et des prix plafonds. Quand une structure souhaite augmenter ses dépenses au-dessus d’un certain plafond, elle est pénalisée au regard de sa PSU. Cela n’incite guère à faire de la qualité que la CAF dise à une structure qui voudrait se montrer vertueuse en matière d’encadrement ou par d’autres types d’actions que son rôle n’est pas de l’accompagner.

M. Vincent Nicolle. La PSU comporte en effet un seuil d’exclusion : au-delà d’un prix moyen horaire extrêmement élevé – 17 euros –, nous ne versons plus cette prestation.

Dans la COG, en plus des autres leviers prévus, 80 millions d’euros, correspondant au doublement des capacités de financement du FPT, sont destinés à soutenir des projets tendant à élever la qualité, par exemple l’augmentation du taux d’encadrement, la mise sur pied d’équipes pluridisciplinaires pour répondre à tous les besoins des enfants ou encore des projets pédagogiques trop coûteux pour les établissements.

J’ajoute que la PSU, pour la première fois, fait l’objet d’une indexation.

M. Nicolas Grivel. Nous accordons une attention soutenue à la qualité du service, mais son coût doit être réaliste. Si nos crèches sont très qualitatives et intéressantes, mais que personne ne veut les installer parce qu’elles coûtent trop cher, nous ne serons guère avancés. Notre préoccupation est donc la masse des solutions mises à disposition des familles. Si nous avons du mal à créer des places supplémentaires, alors que nous en avons la capacité financière, c’est parce que les acteurs ont du mal à s’engager. Des collectivités qui considèrent que les crèches coûtent trop cher, il y en a.

Notre conviction est que les crèches doivent coûter plus cher, et nous nous sommes mis en situation, dans le cadre de cette COG, d’accompagner l’augmentation du coût. Sur le 1,1 milliard d’euros de dépenses supplémentaires que nous avons prévues, 400 millions vont au financement des places nouvelles et le reste aux effets prix et aux mesures nouvelles pour l’amélioration du stock – un effort conséquent est ainsi réalisé pour les places existantes.

Pour ce qui est du forfait, vous avez dit ne pas connaître beaucoup de familles ayant besoin de seulement une ou deux heures, mais elles peuvent exister, même si les besoins vont surtout de la demi-journée à la journée complète. Doit-on facturer uniquement un forfait matin quand des familles ont besoin de deux ou trois heures de plus ou doit-on leur faire payer un forfait demi-journée supplémentaire ? De tels cas sont fréquents et tout système a des effets pervers. Si on s’appuie sur des forfaits demi-journée, il y aura des conséquences pour les familles et la recherche d’optimisation. Je rappelle que la PSU s’est mise en place progressivement : nous savons que des problématiques existaient aussi dans des modèles alternatifs. Il faut être conscient que chaque idée peut avoir des conséquences négatives, y compris pour les familles. On peut comprendre que le plus confortable pour un gestionnaire, c’est de demander le paiement d’une journée complète ou de deux demi-journées pour un besoin de seulement trois quarts. Reste à savoir si les familles seront prêtes à payer le différentiel ou si elles feront le choix de se retirer du marché du travail en raison d’un coût trop élevé. Il y a un équilibre à trouver.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Les crèches doivent coûter plus cher, dites-vous. Je crois qu’il faut surtout que l’argent public dépensé en la matière aille bien dans le service public des crèches.

Ma première question porte sur les frais de siège des groupes privés. Nous avons lu dans le rapport de l’Igas sur la qualité d’accueil et la prévention de la maltraitance dans les crèches que « la clé d’imputation des frais de siège peut ne pas être communiquée au financeur en dépit des demandes répétées de la branche famille. » Avez-vous une visibilité sur ces frais ? Êtes-vous en mesure de nous dire quels sont les pourcentages minimaux et maximaux et de préciser ce qu’il y a derrière ?

Ma seconde question, qui est un peu devenue une marotte, concerne plus la dépense fiscale que la dépense sociale. Des entreprises bénéficient, en tant que tiers-financeurs, d’un crédit d’impôt. Or nous avons constaté que certains grands groupes vendent à des entreprises des places de crèche et sollicitent d’autres structures, qu’elles appellent des partenaires mais qui sont en réalité indépendantes, pour accueillir les enfants, dans des conditions financières extrêmement opaques. Nous avons encore posé la question tout à l’heure, mais nous n’arrivons pas avoir des informations sur les montants des transactions financières. Cela signifie qu’on finance très certainement par de l’argent public – par le crédit d’impôt –, mais sans savoir à quelle hauteur, de la commercialisation de places. Je pense que nous serons tous d’accord pour dire que l’argent public doit participer à l’amélioration des conditions d’accueil des jeunes enfants dans les crèches. Mais comment savoir avec certitude que les fonds vont bien là où ils sont censés aller ?

M. Vincent Nicolle. Nous sommes en train de renforcer la capacité de la branche famille à y voir clair sur un certain nombre de dépenses financières. Nous avons un recueil des comptes de résultat des EAJE, mais il ne permet pas forcément d’identifier ces dépenses très clairement. Les travaux que vous menez sur les modèles économiques sont donc extrêmement utiles, et nous sommes nous-mêmes en train d’essayer de décrypter un certain nombre de modèles – nous avons pu fournir des réponses dans le cadre du rapport de l’Igas.

Nous continuons à regarder ce qu’il en est : quand on fait certains contrôles, on obtient des clés de répartition. On sait ainsi que pour tel groupe, les frais de siège s’élèvent, par exemple, à 38 millions d’euros et qu’ils sont réimputés au moyen d’une clé, par berceau ou par heure de fréquentation. Nous obtenons ces éléments, mais nous avons besoin de pouvoir contrôler les sièges – c’est un des enjeux de l’application de l’article 18 de la loi du 18 décembre dernier – en lien avec les inspections générales. Vous aurez noté, à cet égard, les récentes annonces de la ministre. Nous serons demain en mesure d’y voir beaucoup clair et de sécuriser la manière dont l’imputation se fait.

Je rejoins ce que vous avez dit : nous n’avons pas forcément, du côté de la branche famille, les compétences fiscales pour examiner la question de l’intégration fiscale dans certains groupes et la manière dont les refacturations ont lieu. Nous validons des frais de siège dès lors qu’il y a des refacturations, mais il existe d’autres types de frais que nous pouvons être amenés à exclure du calcul de l’assiette lorsque nous réalisons des contrôles sur des groupes, si nous estimons que ces frais ne sont pas suffisamment justifiés en termes de refacturation et qu’ils sont imputés d’une manière analytique.

M. le président Thibault Bazin. Vous attendez les conclusions de nos travaux, mais êtes-vous allés contrôler des sièges depuis l’entrée en vigueur de l’article 18 de la loi de décembre dernier ? Vous pouvez l’utiliser.

M. Nicolas Grivel. Cet article est assez récent, vous l’avez noté, mais nous sommes en train de mener une forte mobilisation, sur deux aspects. Le premier est le lien avec le pouvoir qui est également donné aux inspections générales : nous sommes en discussion avec l’Inspection générale des affaires sociales sur la façon de monter ce type de contrôle et de se mobiliser. Je crois que la ministre a fait, hier ou avant-hier, des annonces assez claires à ce sujet. Disons que cela commence. Mais j’ai l’impression de ne pas être clair, monsieur le président…

M. le président Thibault Bazin. Je vous ai demandé si vous étiez allés faire des contrôles et vous me répondez que des annonces intéressantes ont été faites. Si je traduis bien votre langage, cela veut dire non, mais on va y aller. Est-ce bien cela ?

M. Nicolas Grivel. Oui, sauf que ce n’est pas « on va y aller », mais « on y va », puisque des annonces viennent d’être faites.

Le deuxième aspect que j’évoquais est l’ouverture de capacités de contrôle sur les micro-crèches Paje. Là, nous y sommes allés : nous sommes en train d’expérimenter dans deux CAF notre méthodologie de contrôle – c’est un exercice récent et très intéressant.

M. le président Thibault Bazin. La commercialisation des berceaux est très opaque. Plus de la moitié sont achetés par des administrations publiques ou des collectivités. Des CTG sont conclus avec des collectivités dont certaines n’opèrent pas complètement en régie ou par le biais de DSP, mais achètent des berceaux. Financez-vous, par les CTG, l’achat de berceaux par des collectivités auprès de commercialisateurs ? Cette question appelle une réponse très claire. Si c’est oui, selon quelles modalités ?

M. Vincent Nicolle. Nous apportons notre soutien, dans le cadre des conventions territoriales globales, à des places qui sont également cofinancées par les collectivités territoriales. Si une collectivité a recours à un marché multiréservataires parce qu’elle a besoin, çà et là, d’avoir trente berceaux supplémentaires, il y a aura effectivement un bonus territoire pour les trente places réservées, ce qui aidera la collectivité.

M. le président Thibault Bazin. Avez-vous, dès lors, connaissance du montant de la réservation ?

M. Vincent Nicolle. Non, pas forcément. Nous connaissons le nombre de places soutenues, et nous pouvons trouver, dans les comptes de résultat des EAJE, un certain nombre d’éléments liés aux montants de réservation, mais nous n’avons pas nécessairement communication du montant de ces marchés, qui sont des contrats entre une collectivité et un prestataire.

M. le président Thibault Bazin. Sur quelle base aidez-vous la collectivité ?

M. Vincent Nicolle. Dans le cadre du bonus. Une collectivité qui réserve auprès de la plateforme de telle ou telle entreprise de crèche trente places supplémentaires, par exemple, déclare à la CAF cette réservation de places, et celles-ci sont valorisées en fonction du bonus prévu dans le territoire concerné par le barème : si le bonus est de 2 500 euros, nous versons ce montant à la collectivité.

M. Nicolas Grivel. C’est indépendant, vous l’avez compris, de la question de savoir quelle est la technique utilisée par la collectivité pour financer les berceaux. Nous finançons, pour notre part, l’engagement d’une collectivité au sujet d’un nombre de places, étant entendu que le barème, je l’ai dit, est plus ou moins élevé selon la richesse du territoire.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. J’entends votre réponse, mais vous comprenez bien qu’on finance l’accueil de jeunes enfants en crèches et non la commercialisation de places. Quand des effets pervers de ce type existent, on peut s’interroger.

S’agissant des micro-crèches Paje, j’imagine que vous avez pris connaissance du rapport remis lundi. Il est extrêmement sévère, en particulier à l’encontre du financement par la Paje, qui a pour effet d’exclure une partie des familles, les plus modestes, de l’accès à l’offre. J’aimerais vous entendre sur ce point.

Nous avons constaté, lors de nos déplacements sur le terrain, l’existence de disparités entre les départements, qui nous interpellent également. Je pense en particulier aux mécanismes de soutien à l’investissement : nous ne sommes pas encore en mesure d’y voir très clair, tant il existe des disparités de fonctionnement selon les territoires.

M. Nicolas Grivel. L’aspect le plus intéressant du rapport, pour moi, est qu’il illustre bien la diversité du secteur dont nous parlons. Il n’y a pas d’homogénéité : les réalités sont très différentes, ce qui appelle probablement des réponses nuancées ou différenciées – ce n’est pas tout blanc ou tout noir. Il existe dans une partie du secteur des niveaux de rentabilité, de fonctionnement et d’optimisation qui posent un certain nombre de questions, d’où notre intérêt pour l’exercice d’une compétence de contrôle, même si vous savez que nous ne finançons pas les structures – nous solvabilisons les familles.

Il y a aussi, derrière tout cela, un débat plus global, et lui aussi très intéressant, sur la façon dont on développe dans les territoires l’accueil des jeunes enfants et le service public de la petite enfance de manière générale ; sur ce qui permet ou au contraire rend difficile le développement de solutions en mode PSU, si c’est du collectif ; et sur la manière dont on peut revenir sur ces questions et réfléchir, le cas échéant, pour certaines structures à des transitions, des passages, des bascules de la Paje à la PSU – cela peut poser des questions, mais le rapport lance en la matière une réflexion qui est, encore une fois, intéressante.

La branche famille est assez claire à ce sujet, me semble-t-il. Même s’il peut y avoir sur tel ou tel aspect des critiques, auxquelles nous avons essayé de répondre dans le cadre de décisions qui sont formalisées, annoncées, et qui sont en cours de mise en œuvre, il est clair que le modèle PSU présente des avantages très forts en matière d’accessibilité pour les familles, d’offre de service et de tarification nationale. Vous avez parlé de complexité : elle existe, mais il y a quand même des règles qui s’appliquent, y compris sur le plan national, et qui sont, je pense, très vertueuses pour le secteur et les familles. Nous croyons beaucoup à ce modèle sur le plan de l’accessibilité – les micro-crèches Paje peuvent faire l’objet d’un questionnement plus fort en la matière.

En ce qui concerne l’investissement, nous avons une politique de soutien à la création d’offre qui est globale, mais je pense que votre question portait moins sur le soutien à l’investissement dans les crèches PSU que sur celui concernant les micro-crèches Paje. Dans le cadre de la précédente COG, un exercice de ciblage a eu lieu en matière de soutien à l’investissement. Le soutien est un peu moins fort dans le cas des micro-crèches Paje que dans le secteur PSU, mais il est présent. Le ciblage qui existe porte sur des territoires prioritaires au sujet desquels la réflexion a été de se dire que s’il n’y avait pas de soutien à ce type de structure, il pouvait ne pas y avoir d’offre et donc pas de solution pour les familles.

Deux autres questions peuvent se poser. La première est de savoir si la CAF souhaite faire plus, dans certains cas, sur ses fonds locaux pour accompagner telle ou telle solution. Je pense que c’est moins vrai pour les micro-crèches Paje. Il y a parfois, localement, et c’est le second point, des débats au sein des CAF sur l’opportunité d’un soutien à l’investissement dans ces structures. Même s’il n’existe pas de politique de discrimination selon la nature juridique des porteurs de projets, ce point spécifique fait l’objet d’un débat. Nous avions ainsi décidé d’attendre le rapport de l’Igas et de l’IGF avant de statuer définitivement sur un nouveau régime de soutien à l’investissement.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Le fil conducteur de mes questions sera de savoir si la Cnaf a les moyens de mettre en œuvre les engagements qui ont été pris par le Gouvernement. Je pense en particulier à deux d’entre eux, qui sont les plus structurants : les ouvertures de places et les revalorisations salariales des professionnels de la petite enfance.

S’agissant du premier point, 100 000 places doivent être ouvertes d’ici à 2027. Toutes les personnes que nous avons auditionnées dans le cadre de cette commission d’enquête nous ont dit, sans exception, qu’il ne serait pas possible d’atteindre cet objectif. Les acteurs publics et associatifs que nous avons rencontrés ont même souligné que l’enjeu était plutôt d’éviter des destructions de places – pour eux, tel est le risque. La seule personne qui semble convaincue de la crédibilité de cet engagement, c’est la ministre, qui l’a encore rappelé cette semaine. Si je formule ma première question d’une façon un peu provocante, le directeur général de la Cnaf a-t-il encore confiance dans la crédibilité des engagements de la ministre ?

Je rappelle, pour être moins polémique, que 35 000 places en crèches PSU sont prévues par la COG, vous nous l’avez dit, et que l’engagement de 100 000 places porte sur du collectif ou de l’individuel. Il restera 65 000 places à créer : faut-il comprendre que vous comptez les ouvrir, d’ici à 2027, en micro-crèches Paje ? Un rapport extrêmement sévère, à juste titre, vient d’être remis au sujet de ce dispositif, qui devrait plutôt faire l’objet d’une réduction de la voilure. S’agira-t-il plutôt de 65 000 places chez des assistantes maternelles, sachant que 120 000 d’entre elles partiront à la retraite en 2030 ? Ces deux options me paraissent compromises, mais il en existe peut-être une troisième que je n’ai pas en tête. Je veux bien que vous nous expliquiez comment les 100 000 places prévues seront ouvertes ou que vous nous disiez si vous jugez que, dans les conditions actuelles, notamment compte tenu de la COG, l’objectif n’est pas tenable.

M. Nicolas Grivel. Je vais vous dire très précisément ce qui figure dans la COG, qui est notre engagement et celui de l’État vis-à-vis de nous. Il est question de 35 000 places nettes – il faut distinguer les évolutions brutes et nettes, puisqu’il y a, effectivement, des destructions de places, pour de bonnes et de mauvaises raisons. Le besoin peut être moindre à certains endroits, mais je suis totalement d’accord avec ce que les professionnels vous ont dit et avec l’idée, que vous avez soulignée, qu’il faut être vigilant : la priorité est de ne pas détruire des places.

Si on regarde dans le rétroviseur, nous avons besoin, pour arriver à 35 000 places nettes supplémentaires, de créer, selon le ratio de fermeture, entre 50 000 et 60 000 places brutes. Je ne veux pas anticiper sur les discussions que vous aurez peut-être avec la ministre, mais il est possible que des créations brutes soient prises en considération dans le cadre de l’objectif de 100 000 places.

Mon sujet technique, si je puis dire, dans le cadre de la COG est de créer 35 000 places nettes. N’y voyez pas un artifice de langage : s’il faut créer pour cela, en réalité, de 50 000 à 60 000 places brutes, cela implique de trouver sur le terrain, département par département, territoire par territoire, des projets qui contribuent à la dynamique. Ce n’est pas facile dans le contexte global, mais cela correspond à des besoins. Il y a, en effet, le volontarisme politique et le besoin de faire : ce n’est pas un objectif tombé du ciel. Nous nous engageons : nous avons la volonté d’entrer dans cette dynamique pour accompagner les territoires lorsque c’est nécessaire. Si on arrive, par différents canaux, dont ceux que j’ai évoqués lorsque j’ai parlé du financement du secteur, y compris le stock existant, à détruire moins de places, on aura besoin d’en créer moins pour arriver au même résultat.

M. le président Thibault Bazin. M. Martinet a évoqué l’objectif de création de 100 000 places, voire 200 000, comme on a pu l’entendre parfois. Vous parlez, de votre côté, de 35 000 places nettes. Existe-t-il, pour le dire autrement, un objectif de création de places en Paje ?

M. Nicolas Grivel. Cela n’a jamais été reproduit dans la COG.

M. le président Thibault Bazin. L’objectif de 100 000 places n’existe donc pas ?

M. Nicolas Grivel. Je n’ai pas dit cela. Nous avons, dans le cadre de la COG, l’objectif de créer 35 000 places nettes en PSU : voilà la façon dont les choses sont exprimées. Vous aurez peut-être des discussions plus globales.

Par ailleurs, je l’ai dit, selon la façon dont on fonctionne, on peut être obligé de créer beaucoup plus de places pour arriver à ce résultat.

M. le président Thibault Bazin. Y a-t-il dans la COG des objectifs concernant les assistantes maternelles et les crèches en Paje ?

M. Nicolas Grivel. Non.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Vous répondez sur votre COG, ce qui paraît le plus logique, car c’est ce que vous avez signé. Dans ce document, vous avez raison, la question des 100 000 places ne figure nulle part ou alors je suis passé à côté. Vous avez, en revanche, annoncé 35 000 places en crèches PSU.

On trouve dans la COG un autre élément qui est un peu plus inquiétant. S’agissant de l’indicateur « taux de familles avec enfants de moins de 3 ans bénéficiant d’un mode d’accueil formel soutenu par la branche famille », c’est-à-dire ce qu’on appelle vulgairement le taux de couverture, vous prévoyez une cible stable, de 56 %, jusqu’en 2027, alors que le nombre d’enfants de moins de trois ans est en train de diminuer. Cela correspondrait plutôt à une baisse du nombre de places d’accueil : est-ce la bonne analyse ?

M. Nicolas Grivel. Je n’ai pas forcément en tête le mode de calcul de cet indicateur. Ce qui est certain, en revanche, c’est que nous considérons que le taux de couverture est globalement insuffisant. Notre volonté est donc de l’améliorer. Cela étant, nous n’avons jamais eu dans les COG, parce que nous n’avons pas de levier direct en la matière, des objectifs de création de places et de développement pour l’accueil individuel, qui est, pour de nombreuses raisons, le mode d’accueil majoritaire. Nous contribuons néanmoins, par le soutien que nous pouvons apporter à l’installation des assistantes maternelles et aux maisons d’assistants maternels, à agir dans ce domaine qui nous paraît absolument déterminant.

Ce qu’il est intéressant de regarder, dans une logique de service public de la petite enfance, c’est la régulation globale de ces réalités au plus près des territoires, en fonction des évolutions démographiques de la population et des professionnels, c’est-à-dire des besoins, et la manière dont on peut apporter des réponses. On n’est pas là que pour faire du collectif : si on trouve des solutions dans l’individuel, c’est également intéressant, et cela renvoie, une fois encore, à la promotion des métiers, à la façon dont on accompagne globalement, en individuel ou en collectif.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Pour compléter mes propos, il s’agit du deuxième indicateur de la COG, le taux de familles avec enfants de moins de 3 ans bénéficiant d’un mode d’accueil formel soutenu par la branche famille, pour lequel le résultat attendu est stable.

Vous aurez peut-être des contre-arguments à faire valoir, mais la première conclusion que je tire de notre échange, c’est que, pour dire les choses très simplement, la COG ne correspond pas aux ambitions annoncées par la ministre.

J’en viens à la revalorisation des salaires des professionnels : pour qu’elle ait lieu, il faut évidemment que les gestionnaires en aient les moyens. Je me suis rendu ce week-end à Toulouse, j’en ai déjà parlé, où une gestionnaire de crèche associative m’a présenté son budget, lequel m’a paru assez représentatif d’autres structures que j’avais déjà visitées. Elle m’a dit qu’il y avait cette année une augmentation du plafond de la PSU, de 6,70 % ou 6,75 %, me semble-t-il. La Cnaf a présenté cette évolution, sans doute à juste titre, comme une mesure forte : je crois qu’il n’y avait pas eu récemment d’augmentation aussi importante du plafond de la PSU. Or la gestionnaire m’a montré les augmentations de charges sur la même période. Si on prend en compte l’augmentation du Smic – je ne parle pas du bonus attractivité, de la revalorisation, etc., mais du minimum légal –, la hausse, forte, du coût des repas et celle des prix de l’énergie, bref l’inflation – je pense que cela parlera à beaucoup de gens –, la gestionnaire m’a dit qu’elle en était à + 17 %. Le résultat, alors que la CAF dit qu’elle fait un effort sans précédent d’augmentation du financement, est que la situation budgétaire, l’équilibre de la crèche est encore plus compliqué et que sa gestionnaire ne se sent pas du tout en mesure, compte tenu de ses moyens, de faire des revalorisations salariales. C’est un exemple concret qui est, je crois, représentatif du secteur.

Avez-vous des éléments objectifs à propos de l’augmentation des charges des gestionnaires ? Que répondez-vous à ceux d’entre eux qui disent que l’augmentation de la PSU est bien sympathique, mais que leurs charges augmentent et que leur situation est en train de se dégrader ?

M. Nicolas Grivel. La revalorisation a effectivement été très forte cette année, après une autre hausse de 5 % en 2022 – ce qui constitue quand même un cycle assez important –, pour les raisons que vous indiquez, l’inflation et l’accompagnement du secteur dans la dynamique actuelle.

Nous prenons en considération, Vincent Nicolle l’a dit, un indice mixte prix-salaires, de façon macroéconomique, car nous sommes obligés de raisonner globalement, au niveau national. La revalorisation qui a eu lieu est cohérente avec nos indicateurs et les éléments de détermination de l’indice mixte prix-salaires, qui nous permet de faire un effort conséquent, encore une fois, envers les structures et les crèches. Il peut exister des différences selon les endroits, les situations, les cas, mais il est évidemment difficile pour nous d’aller beaucoup plus loin que cette revalorisation.

Par ailleurs, cela n’empêche pas des revalorisations sur d’autres segments des financements. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, la PSU n’est qu’un élément du financement – c’est un aspect important, mais ce n’est pas le seul. Il existe ainsi d’autres formes de revalorisation, portant sur les différents bonus et les différentes actions dont bénéficient les gestionnaires, en particulier dans les territoires les plus fragiles. Il faut donc prendre en compte un mix complet, et non pas seulement la revalorisation de la PSU, même si, encore une fois, elle est importante et même si je ne néglige pas les difficultés des gestionnaires que vous relayez.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Si je comprends bien, cet indice mixte prix-salaires est censé correspondre à l’évolution des charges des EAJE. Comme l’indice a augmenté de 5 % l’année dernière, vous avez revalorisé la PSU de 5 % et cette année, puisqu’on est à + 6 % et des poussières, vous avez procédé à une revalorisation en conséquence. La PSU, en gros, est donc indexée sur l’augmentation des charges des gestionnaires.

M. Vincent Nicolle. L’indice mixte s’appelle ainsi parce qu’il mixe deux agrégats de la comptabilité nationale, qui sont le salaire moyen par tête et l’indice des prix à la consommation. Compte tenu du modèle économique des structures que nous accompagnons, à savoir les crèches, la répartition est plutôt de 80 % pour le salaire moyen par tête et de 20 % pour l’indice des prix à la consommation. L’augmentation était de 4,11 %, mais la COG a permis une revalorisation exceptionnelle supplémentaire qui a conduit à une hausse de la PSU de 6,71 %.

Si on regarde le réalisé 2023 – quand nous avons signé la COG, c’était sur la base d’une prévision, mais nous avons maintenant un peu de recul – on voit qu’on est à + 4,44 % en moyenne, mais cela n’exclut pas, comme l’a dit le directeur général, que des structures connaissent des hausses de coûts beaucoup plus fortes, par exemple du fait de contrats sur des fluides, qui ont des impacts importants, ou de loyers.

Les CAF mettent en place une démarche qui permet d’accompagner les gestionnaires en difficulté. Lorsqu’on est confronté à une hausse de budget du niveau de celui de l’établissement situé en Haute-Garonne que vous avez évoqué, on peut être accompagné par la CAF, afin de retrouver un équilibre économique plus soutenable – une augmentation de 17 % est effectivement très conséquente.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Sans trop entrer dans les détails techniques, l’évolution du salaire moyen n’est pas la même chose que l’évolution du Smic – ce dernier a augmenté plus fortement que le salaire moyen. Or il me semble que la proportion de salariés au Smic dans un établissement d’accueil de jeunes enfants est importante. Notre commission d’enquête n’est peut-être pas le lieu pour débattre de cet indice, mais la question de savoir à quel point il est vraiment représentatif de l’augmentation des charges des EAJE peut se poser.

J’en viens au bonus attractivité, pour m’assurer que j’ai compris ce mécanisme. On passe d’un côté, dans le secteur public, par le Rifseep (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel) et, de l’autre, dans le secteur privé, lucratif ou non, par l’évolution des conventions collectives. Jusqu’à présent, si je ne me trompe pas, une seule convention collective a évolué en ce sens, celle de la branche Alisfa (acteurs du lien social et familial), qui réunit une partie du secteur associatif. Sauf erreur de ma part, une fois encore, les deux tiers des augmentations sont pris en charge par la CAF : le reste du bonus attractivité doit être assumé par le tiers-financeur, la collectivité ou le gestionnaire, du secteur associatif ou privé lucratif, et on voit bien les difficultés que cela peut poser. Des acteurs nous disent que seules certaines collectivités ont les moyens de procéder à une revalorisation, parce qu’elles peuvent financer le tiers restant à leur charge.

À Lyon, par exemple, une revalorisation significative a eu lieu, mais les gestionnaires de la petite et de la grande couronne nous interpellent. Le problème est que leur collectivité n’aura pas les moyens de procéder à une revalorisation, ce qui conduira à une mise en concurrence : en gros, les professionnels vont migrer à Lyon. Tant mieux pour cette ville et pour les professionnels qui y exerceront, mais que fait-on pour les crèches implantées en périphérie, qui paient les conséquences ?

J’aimerais bien que vous rebondissiez sur cet exemple et que vous nous disiez plus généralement, si vous prenez bien en charge les deux tiers de la revalorisation, ce qu’on dit aux gestionnaires qui ne peuvent pas assumer le tiers restant et ce qu’on fait pour eux.

S’agissant toujours du bonus activité, quelle proportion de professionnels et de gestionnaires pensez-vous arriver à couvrir à la fin de la COG actuelle ? L’objectif est-il de 50 %, 90 % ou 100 % des collectivités dans le cadre du Rifseep ? Avez-vous un peu de visibilité en la matière ?

M. Nicolas Grivel. Votre question sur le bonus attractivité est très précise. Cela étant, la question de savoir qui a la capacité de faire, et dans quelles conditions, se pose d’une manière beaucoup plus globale que pour cette seule revalorisation, qui pourrait s’entendre ou se comprendre, dans l’absolu, dans une logique d’employeur classique, public ou privé, qui est de se dire qu’on revalorise les salaires et qu’on trouve un équilibre économique.

De fait, parce que c’est un secteur important et très accompagné, en particulier par la branche famille, il y a eu une décision qu’on retrouve dans peu de secteurs, dans une logique d’accompagnement important – à hauteur des deux tiers – par la branche, dans le cadre d’un mouvement beaucoup plus général potentiellement, ce qui peut amener à se poser la question, comme vous l’avez fait tout à l’heure, monsieur le président, de savoir ce qui se passe pour ceux qui se sont décidés plus tôt, c’est-à-dire comment ils peuvent aussi bénéficier de l’accompagnement, ainsi que la question de savoir comment ceux qui sont un peu plus en difficulté peuvent s’y prendre, mais, encore une fois, la question est beaucoup plus globale : elle aurait pu se poser sans le débat sur le bonus attractivité et, de fait, elle se posait déjà, puisqu’il y a des secteurs et des collectivités qui paient différemment.

M. le président Thibault Bazin. Ceux qui s’y sont pris plus tôt seront donc accompagnés ?

M. Nicolas Grivel. Non, ce n’est pas ce que j’ai dit.

M. le président Thibault Bazin. Je n’ai pas du tout compris ce que vous avez dit, et je ne pense pas être le seul.

M. Nicolas Grivel. Ce que je veux dire, c’est que des augmentations salariales arrivent toute la vie – elles ont vocation à se produire tous les ans. On n’élabore pas chaque année, dans un secteur professionnel, un bonus attractivité. Il se trouve qu’il y a là une volonté d’accompagner le secteur dont nous parlons, d’où la création du bonus attractivité, mais la question aurait pu se poser d’une manière beaucoup plus globale, dans le cadre d’améliorations de financement d’un secteur professionnel qui ne s’accompagnent pas d’une mesure ciblée sur des revalorisations salariales – c’est assez original et assez volontariste.

Cela ouvre un débat beaucoup plus global sur la façon dont on accompagne les collectivités qui s’engagent, y compris lorsqu’elles ont moins d’argent, en faveur du service public de la petite enfance et je vous renvoie, à cet égard, à mes réponses précédentes à propos du bonus territoire, du bonus trajectoire et de l’accompagnement massifié, et plus favorable, qui est mis en place pour les territoires les plus fragiles.

M. le président Thibault Bazin. Pour formuler autrement la question très précise de mon collègue William Martinet, la Cnaf aura-t-elle les moyens de soutenir les revalorisations ? J’ai compris que vous aviez prévu 700 millions pour les structures existantes. Elles sont l’enjeu principal, avant même les créations de places qu’on peut imaginer. S’agissant des structures existantes, l’enveloppe de 700 millions que vous avez prévue repose‑t-elle sur une hypothèse de revalorisation à 100 %, pour tout le secteur public et tout le secteur privé ?

M. Nicolas Grivel. L’objectif est bien que tous les salariés puissent en bénéficier.

M. le président Thibault Bazin. L’objectif, d’accord, mais vous avez bien formulé une hypothèse : est-elle de 100 % ? Pour aller plus loin, si le taux d’encadrement évolue – j’ai vu les préconisations du rapport Peyron – le volume du personnel évoluera un peu à la hausse dans les structures existantes, et les salaires aussi, je crois que tout le monde le souhaite. Les 700 millions qui sont prévus seront-ils donc suffisants ? Quelles hypothèses avez-vous retenues dans le cadre de la COG ? Y en a-il une au sujet de l’évolution du taux d’encadrement ?

M. Nicolas Grivel. À ma connaissance, l’objectif est bien de couvrir l’ensemble des revalorisations du secteur, et donc des salariés qui en bénéficient. À ce stade, il n’y a pas d’évolution du taux d’encadrement. Si elle se produit…

M. le président Thibault Bazin. Il faudra alors un avenant à la COG.

M. Nicolas Grivel. Le cas échéant.

Je vous remercie de l’attention que vous portez aux moyens dont la branche famille dispose pour accompagner le secteur. Ils sont très importants, et la dynamique l’est aussi – elle est très positive et doit permettre d’aller soutenir fortement le secteur. C’est déjà très intéressant : mobilisons-nous tous, collectivement, pour que le secteur puisse en bénéficier, en particulier les salariés.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Je passe à un autre sujet. Le conseil d’administration de la CAF d’Ille-et-Vilaine a adopté une motion relative à des montages de porteurs de projets de micro-crèches dans lesquels des SCI (sociétés civiles immobilières) sont propriétaires des murs, le soupçon étant, compte tenu de l’opacité des montages en question, que les propriétaires réels des SCI soient en réalité les gestionnaires des micro-crèches et que ces derniers demandent à la CAF de payer des loyers élevés, qui tombent en fait dans une seule et même poche. La Cnaf a-t-elle pris au sérieux cette alerte ? Que comptez-vous faire pour éviter les montages abusifs et quelles évolutions législatives devrions-nous, de notre côté, adopter ? J’imagine, en effet, que nous sommes tous défavorables à de tels détournements d’argent public.

M. Vincent Nicolle. Dans le cadre des nouvelles mesures concernant les subventions d’investissement – les circulaires sont publiques et accessibles sur le site de la Cnaf –, nous avons prévu des mesures de sécurisation accrues, notamment afin de prendre en compte certains montages. Vous avez parlé des micro-crèches, mais cela concerne aussi la PSU et des associations – il ne s’agit pas uniquement de grands groupes privés. Des associations peuvent détenir des SCI qui sont propriétaires de locaux loués à un gestionnaire d’EAJE, lequel organise l’accueil des enfants.

Nous demandons désormais une déclaration d’intérêts, car nous avons besoin de savoir s’il existe des liens entre le propriétaire des murs et la personne qui gère l’activité. Sur la base de cette déclaration d’intérêts, nous pousserons nos investigations pour voir plus clairement les logiques de refacturation interne – une société de ménage, de communication ou autre peut ainsi travailler exclusivement pour une crèche. Nous avons également besoin d’avancer, je l’ai dit tout à l’heure, au sujet des comptes de résultat afin d’être beaucoup au clair sur les modèles économiques suivis – je pense à la sous-traitance, là encore pour le ménage, par exemple, ou encore à la valorisation des loyers. En cas de lien avéré entre la personne ou l’entreprise qui détient les locaux et la crèche, il faudra une attestation, établie par un notaire, qui montre que le local est loué au prix du marché.

D’autres mesures de sécurisation sont prévues pour sécuriser les reventes dans le cadre d’opérations immobilières – on revend, par exemple à un groupe, une crèche qu’on a créée avec une subvention de la CAF, et on fait une plus-value liée à la vente de l’activité et du bien immobilier. Nous sécurisons désormais la situation pour nous assurer qu’on investit bien pour une crèche et que celle-ci fonctionne au moins quinze ans, c’est-à-dire que l’argent public est investi comme il faut – pour garder des enfants.

M. le président Thibault Bazin. Mon collègue William Martinet vous a aussi demandé s’il fallait un arsenal législatif nouveau. Je rappelle, par analogie, que les néocentres de santé ont connu des dérives liées à leur financiarisation et que nous avons adopté une proposition de loi, déposée par Fadila Khattabi, afin de les réguler. Il fallait légiférer pour se doter d’outils et de pouvoirs à l’égard de sociétés parallèles qui, parfois sous couvert d’associations, vendent diverses choses, notamment des prestations. Dans l’analyse que vous faites actuellement, le législateur a-t-il besoin d’agir ou bien les outils existants vous suffisent-ils ? Ce n’était pas le cas pour vos homologues de la branche maladie.

M. Nicolas Grivel. En toute modestie, je le dis parce que vous aurez peut-être d’autres apports qui vous conduiront à penser qu’il faut au contraire légiférer, je pense que les mesures que vient de détailler Vincent Nicolle sont déjà très intéressantes, même s’il est encore un peu tôt pour en apprécier la portée. Comme M. Martinet l’a dit, il existe en la matière une vigilance dans un certain nombre de CAF et nous avons des retours positifs sur le nouveau dispositif. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura jamais d’autres besoins, sur des points plus précis, d’autant que nous avons raisonné à droit constant, au sens où nous ne faisons pas la loi, contrairement à vous, et cela ne signifie pas davantage que nous ne vous soumettrons pas plus tard d’autres idées, s’il nous en vient.

Le modèle dans lequel le gestionnaire est le propriétaire des lieux n’est pas en soi blâmable. Il ne faut pas l’interdire, par exemple lorsque des crèches sont situées au pied d’un immeuble qui sert, par ailleurs, à d’autres choses – il peut y avoir des logements ou d’autres activités. On doit trouver un équilibre compatible avec la réalité de la vie. Ce qui est blâmable, c’est le phénomène que vous pointiez et que nous avons, je pense, contrecarré par nos mesures de sécurisation. Nous souhaitons, en tout cas, regarder un peu leur application pour voir si elles sont suffisantes avant d’envisager d’autres mesures.

M. le président Thibault Bazin. On voit bien qu’il y a un besoin d’homogénéisation des pratiques sur le plan immobilier. Des gestionnaires nous ont expliqué que certaines CAF appelaient à créer des SCI pour les montages de création. Il faudrait, en parallèle de la régulation qui est mise en œuvre, que d’autres montages soient promus, d’une façon vertueuse.

Mme Anne Bergantz (Dem). Je reviens un peu en arrière pour partager avec vous, à propos de la PSU, deux remarques formulées par des personnes que nous avons auditionnées. Elles ont pointé une première aberration s’agissant du prix de 10,50 euros de l’heure – je ne sais plus très bien s’il s’agit du prix plafond ou du prix de revient, mais j’imagine que cela vous parlera –, qui aurait été inchangé depuis des années. L’autre aberration est celle de « l’enfant magique de dix-sept heures à dix-neuf heures qui n’existe pas » – je reprends texto la terminologie qui a été utilisée devant nous, parce que je trouve qu’elle est assez parlante.

Pour compenser la faiblesse du prix plafond, on ajoute des bonus, mixité, handicap ou attractivité, qui sont louables mais qui accroissent les exigences administratives pesant sur les directeurs de crèches. J’ai bien compris que, pour vous, les « gagnants » de la PSU étaient les familles, mais le secteur trouve que les personnels servent de variable d’ajustement.

Pour renforcer la qualité en PSU, on peut travailler sur les taux d’encadrement ou faire en sorte que le directeur soit au plus près de ses équipes, ce qui implique moins d’administratif. Nous avons déjà parlé de lissage et de forfaitisation, mais j’aimerais savoir si vous menez une réflexion sur l’allègement du travail administratif des directeurs de crèche.

M. Nicolas Grivel. Les éléments relatifs au prix plafond sont, évidemment, ce que nous faisons évoluer dans le cadre de la revalorisation – ce sont les 6 % que j’ai mentionnés tout à l’heure. Tous les paramètres sont discutables, mais on s’est dit, à un moment, qu’il fallait réguler un peu de manière globale et éviter, ce qui peut exister dans certains cas, des dérives de coûts.

Le deuxième exercice a été de se demander si, dans l’hypothèse où on aurait des moyens supplémentaires pour le dispositif global de la petite enfance, on devrait les allouer uniquement à la PSU, au risque de renforcer quelques effets pervers que vous percevez de votre côté, ou s’il fallait renforcer d’autres leviers, dans une logique un peu plus forfaitaire. Le choix qui a été fait dans le cadre de la présente COG a consisté à se dire qu’on allait compléter la PSU et monter en puissance pour ce qui est des aspects forfaitaires.

Vos questions, et je vous en remercie, me permettent aussi de préciser ma pensée en ce qui concerne les gagnants en matière de PSU. Je ne voulais pas dire que ce n’était pas grave si les personnels souffraient des évolutions. Par ailleurs, il faut bien avoir en tête que si les familles sont peut-être des acteurs moins organisés que d’autres en matière de prise de parole, on doit quand même prendre en compte leurs considérations.

M. le président Thibault Bazin. Ne dites pas « quand même » : il faut prendre en compte leurs considérations.

M. Nicolas Grivel. Oui. Vous connaissez bien les familles et les territoires : les familles souffrent de l’inflation que M. Martinet a évoquée. Même chose quand Mme Tanzilli demande quels sont besoins et comment on s’adapte. Il ne faut pas perdre de vue cette logique, même si nous tenons un discours très technique, naturellement.

Comment peut-on alléger la pression sur les professionnels, notamment le personnel de direction, qui peut ensuite la répercuter sur les équipes ? C’est une question que nous avons en tête ; elle est au cœur des réflexions sur le lissage que vous avez rappelées. C’est un sujet qui revient très fréquemment – vous y avez d’ailleurs fait allusion, monsieur le président. L’allègement du travail administratif fait partie, effectivement, des préoccupations qui sont les nôtres.

Nous avons tendance à juxtaposer les dispositifs pour des raisons très louables que j’ai présentées en introduction. Quand on cherche à atteindre un objectif précis, on crée un instrument précis, comme le bonus inclusion, le bonus territoire ou le bonus attractivité, mais il y a un moment où il faut simplifier la vie des gens. Cela passe par des outils, par de l’accompagnement, par des formations et par une simplification de notre côté. Je peux vous assurer que nous y travaillons ardemment, même si nous devons aussi apporter des réponses à des commandes et à des attendus.

Mme Anne Bergantz (Dem). Je comprends donc que le lissage pourrait alléger un peu le travail des directeurs de crèches.

Je crois que M. Nicolle y a déjà un peu répondu, mais j’ai aussi une question portant sur l’aide à l’installation. Cette aide est valable, me semble-t-il, si la structure reste ouverte pendant dix ans. Or on a pu lire qu’il existait parfois des effets d’aubaine. Avez-vous à gérer beaucoup de demandes de remboursement portant sur des cas dans lesquels les conditions prévues n’ont pas été respectées, par exemple s’il y a moins de berceaux que prévu ou si les structures ferment ? Est-ce quelque chose que vous avez à gérer fréquemment, ce qui expliquerait que vous fassiez passer, d’après ce que j’ai compris, l’obligation de maintien des places de dix à quinze ans ?

M. Vincent Nicolle. Je ne dispose pas d’éléments chiffrés précis, mais les situations que vous évoquez sont extrêmement rares. La question qui se pose est celle du maintien de la destination sociale : il arrive que des structures soient revendues dans les dix ans, mais elles restent souvent des crèches : le bâtiment continue à être dédié à l’accueil d’enfants.

Comme nos subventions sont d’un niveau important – elles peuvent aller jusqu’à 80 % du coût d’un projet – nous avons souhaité une durée plus longue. C’était une demande qui remontait de nos administrateurs, du terrain. Vu l’importance de notre engagement auprès de nos partenaires, nous tenons à ce qu’ils prennent eux-mêmes l’engagement, vis-à-vis de la branche famille et des pouvoirs publics, de maintenir l’accueil sur une durée plus longue, qui est désormais alignée, vous l’aurez noté, sur ce que prévoit la loi. L’autorisation de fonctionnement d’une crèche, qui était auparavant durable, est maintenant réévaluée tous les quinze ans. Il était assez logique d’aligner les durées.

Je reviens sur une question de M. Martinet portant sur la nécessité de légiférer : en matière de subventions d’action sociale, nous agissons dans un domaine extralégal. Nous travaillons de manière contractuelle, par des engagements synallagmatiques avec des partenaires. On peut donc tomber assez rapidement, dès lors qu’on veut cadrer un peu les choses, sous le coup des grandes libertés économiques. C’est pour cela, par exemple, qu’on ne peut pas écarter tel type de gestionnaire du fait de sa nature : on ne peut pas dire qu’on n’accordera pas de subvention d’investissement à une SCI. Interdire une subvention du fait du statut de la personne qui la demande serait disproportionné et donc perçu comme discriminatoire.

M. le président Thibault Bazin. S’il vous semble que vos réponses n’ont pas été suffisamment complètes et claires, c’est-à-dire si elles vous apparaissent à vous-mêmes nébuleuses a posteriori, je vous invite à nous transmettre des précisions dans les meilleurs délais.

La séance est levée à 18 heures.


Membres présents ou excusés

Commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements

 

Réunion du mercredi 27 mars 2024 à 16 h 10

 

Présents. - M. Thibault Bazin, Mme Anne Bergantz, M. Thierry Frappé, Mme Élise Leboucher, M. William Martinet, Mme Anne Stambach-Terrenoir, Mme Sarah Tanzilli

 

Excusé. - Mme Isabelle Santiago