Compte rendu

Commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil
des jeunes enfants au sein
de leurs établissements

 Audition de M. Simon Arambourou, inspecteur des affaires sociales, et de M. Pierre Prady et Mme Pauline Callec, inspecteurs des finances, au titre du rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances, publié en mars 2024 et intitulé : « Micro‑crèches : modèles de financement et qualité d’accueil »              2

 Présences en réunion..............................16


Mardi 9 avril 2024

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 44

session ordinaire de 2023-2024

Présidence de
M. Thibault Bazin,
Président


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La séance est ouverte à 16 heures.

La commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements a auditionné M. Simon Arambourou, inspecteur des affaires sociales, ainsi que M. Pierre Prady et Mme Pauline Callec, inspecteurs des finances, au titre du rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances, publié en mars 2024, intitulé : « Micro-crèches : modèles de financement et qualité d’accueil ».

M. le président Thibault Bazin. Chers collègues, nous reprenons nos travaux inscrits dans la continuité du concours de l’inspection générale des finances (IGF) et de l’inspection générale des affaires sociales (Igas). Nous auditionnons aujourd’hui M. Simon Arambourou, inspecteur des affaires sociales, ainsi que M. Pierre Prady et Mme Pauline Callec, inspecteur des finances, au titre du rapport intitulé « micro-crèches : modèles de financement et qualité d’accueil », daté de janvier dernier. Ce rapport très attendu dresse notamment le constat d’un effet d’éviction entre les micro-crèches, les structures de garde à domicile sponsorisées par la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) et les autres types de crèches, mais aussi d’un manque d’arbitrage à cet égard. Le rapport met également en évidence la diversité des modèles économiques des micro-crèches Paje, induite par le manque de réglementation des pratiques commerciales et des normes d’accueil. Il s’oriente enfin vers la suppression du crédit d’impôt famille (Cifam), étant entendu que le principe de réservation de berceaux implique une dépense fiscale. Pour mémoire, le rapport précédent en a déjà fait l’illustration.

Au cœur du rapport figurent neuf propositions axées sur la mise en place du service public dédié à la petite enfance, dont les trois lignes principales visent la garantie d’une qualité minimale d’accueil, le renforcement de l’accessibilité des familles et la restriction des disparités entre les modèles de financement Paje et ceux relevant de la prestation de service unique (PSU).

Je précise que notre audition est publique et retransmise en direct sur le site de l’Assemblée nationale. L’enregistrement vidéo sera ensuite disponible à la demande.

J’invite les participants souhaitant intervenir ou poser des questions après le discours de la rapporteure à se manifester dès à présent auprès de l’équipe administrative.

Pour terminer, l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, madame, messieurs, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(MM. Arambourou et Prady et Mme Callec prêtent successivement serment.)

M. Simon Arambourou, inspecteur des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, avant de rentrer dans le cœur du sujet, laissez-moi préciser que mes collègues et moi-même interviendrons successivement d’une même voix, en nous complétant les uns les autres. Je vous rappelle en quelques mots le contexte de la mission qui nous a été confiée et ses principaux constats. Notre mission s’inscrit dans la continuité du rapport établi par l’Igas au printemps 2023 sur la qualité d’accueil et la prévention de la maltraitance dans les crèches. Ce rapport dresse notamment le constat d’une hétérogénéité qualitative des niveaux d’accueil et d’un service dégradé dans certains établissements, tout en abordant le sujet de la maltraitance et de sa prévention. Sa publication répondait à l’inauguration d’un service public dédié à la petite enfance et visait à la fois l’étude du modèle économique des micro-crèches et de ses normes d’accueil. Ces structures se caractérisent par un nombre d’exceptions au cadre définissant les modalités d’accueil des jeunes enfants. De plus, leur mode de financement reposant sur la Paje se distingue de celui des autres crèches, à savoir que les structures Paje représentent 90 % des micro-crèches et que leur volet comptable et financier reste méconnu des pouvoirs publics. La mission s’attachait également à analyser les subventions d’investissement versées aux micro-crèches par les caisses d’allocations familiales (Caf).

Outre la conduite d’entretiens avec l’ensemble des parties prenantes habituelles, à savoir les directions d’administration centrale, les cabinets, la Caf et les représentants des salariés et des gestionnaires de crèches, la mission a également analysé les données mises en évidence dans les liasses fiscales des crèches. Mes collègues de l’inspection générale des finances pourront apporter davantage éclairages à ce sujet. Par ailleurs, des questionnaires rédigés par nos soins ont touché près de mille gestionnaires de crèches, ainsi que les instances dédiées à la protection maternelle et infantile (PMI). Nous avons aussi réutilisé l’un des questionnaires de la précédente mission de l’Igas du printemps 2023.

Nos constats portent d’abord sur le coût que représente le mode de garde en micro‑crèche, mais aussi sur les risques induits par un cadre normatif soumis à la règle d’exception. Le manque de cohérence du modèle économique s’illustre par trois niveaux, allant du « low-cost » aux prestations délivrées par les grands groupes de crèches, en passant par un échelon intermédiaire, qui reste élevé. Notez bien que le mode de garde en micro‑crèche est le modèle le plus inégalitaire à l’exclusion de la garde à domicile non partagée.

Du côté des recommandations, nous nous prononçons en faveur d’une standardisation des normes applicables aux structures d’accueil en micro‑crèche, de l’abandon du crédit d’impôt famille pour réduire le niveau de financement public et d’un meilleur pilotage des subventions, voire de leur révision à la baisse.

M. Pierre Prady, inspecteur des finances. La méthodologie que nous avons adoptée nous a permis d’établir les ratios et caractéristiques économiques correspondant aux micro‑crèches et aux crèches en PSU par l’étude des liasses fiscales des gestionnaires de crèches. Il s’agit d’une véritable innovation puisque jusqu’à l’adoption de la loi en faveur du plein emploi, extraire des données microéconomiques sur les modèles des micro‑crèches représentait un enjeu majeur.

20 % des gestionnaires de crèches consultés ont répondu à nos sollicitations. Si ce taux est plutôt satisfaisant, il est influencé par la prédominance des répondants issus des principaux grands groupes. Ce constat n’enlève rien à la valeur de l’analyse, qui révèle des données inédites sur le principe de réservation de berceaux et sur le nombre de berceaux réservés par structure, deux éléments phares de la stratégie économique et de la rentabilité des groupes de crèche. Notre rapport apporte de la transparence sur cet aspect, même s’il repose partiellement sur certaines extrapolations.

M. le président Thibault Bazin. Sans vouloir me substituer à notre rapporteure, je m’interroge tout d’abord sur votre proposition numéro 6, visant la suppression du crédit d’impôt famille et la réallocation des économies réalisées de fait aux PSU et/ou au complément de libre choix du mode de garde (CMG). Or le Cifam appartient à la branche dépenses fiscales du budget de l’État, tandis que la PSU et le CMG relèvent de la branche famille de la sécurité sociale, par ailleurs excédentaire. J’aimerais comprendre les modalités de transfert que vous envisagez.

J’aimerais également obtenir des précisions sur votre proposition numéro 7, axée sur l’harmonisation des aides en investissement proposées par la Caf. À mon sens, le barème de 80 % que vous évoquez concerne surtout les créations de crèches, même si les micro‑crèches sont éligibles au dispositif d’aide à l’ameublement. Avez-vous pris en compte l’hétérogénéité, voire l’absence des financements ciblés sur la rénovation des structures d’accueil de jeunes enfants, notamment les micro‑crèches en PSU, et en ce cas quelles sont vos recommandations envers l’instauration d’un droit de regard de la Caf sur les micro‑crèches Paje ?

Enfin, pourriez-vous nous présenter un chiffrage estimé du Cifam ? Le situez-vous à hauteur de 300 millions d’euros sur un budget de dépenses publiques établi à 16 milliards d’euros ?

M. Pierre Prady. Si la réallocation des économies générées par la suppression du Cifam relève d’une mission inter-inspection, nous avons opté pour une optique de finances publiques globale en raisonnant toutes administrations publiques confondues. Même si un article visant les transferts entre l’État et la sécurité sociale est voté annuellement dans la loi de financement de la sécurité sociale, nous n’avons pas intégré ce niveau de détails à notre proposition.

M. le président Thibault Bazin. Il est vrai que ces compensations résultant des recommandations de la Cour font chaque année l’objet de débats étendus à d’autres branches, notamment celles des accidents de travail et/ou des maladies professionnelles.

M. Pierre Prady. Le transfert des recettes fiscales entre l’État et les différentes branches de la sécurité sociale est facilité par la part des recettes de TVA revenant à la sécurité sociale. Pour établir les dépenses fiscales au titre du crédit d’impôt famille, nous nous appuyons sur le montant indiqué à l’annexe Voies et Moyens, tome II du projet de loi de finances, à savoir une dépense fiscale de 190 millions d’euros. Ces deux dernières années, ces dépenses ont connu une évolution de près de 15 %. Rappelons que le Cifam se décline en deux volets, d’abord celui dédié aux réservations de place via la participation des employeurs au financement d’une crèche en PSU et ensuite celui consacré au chèque emploi service universel (Cesu) préfinancé. Nous n’émettons aucune proposition sur ce deuxième volet dans notre rapport, car il se situe en dehors du périmètre de notre mission.

Sur la base du rapport d’inspection de 2021, révélant que le financement du Cifam issu de la seule réservation de berceaux représente une part de 90 %, nous estimons que sa suppression dégagerait une enveloppe annuelle d’environ 170 millions d’euros pour les finances publiques.

M. le président Thibault Bazin. Qu’en est-il du droit de regard de la Caf sur les structures d’accueil qui se maintiendraient sous la Paje ?

M. Pierre Prady. D’après nos analyses des données disponibles, le taux de subvention à hauteur de 80 % vise uniquement les créations de micro‑crèches. Autrement dit, les crèches PSE nouvellement créées ne peuvent y prétendre. Notre proposition s’oriente vers une redéfinition des subventions d’investissement en subventions de fonctionnement encadrées par un conventionnement des établissements bénéficiaires, pour permettre à la Caf d’y accéder pour exercer leur droit de veille sur l’application effective des projets pédagogiques initialement présentés par le gestionnaire.

M. le président Thibault Bazin. Autrement dit, le droit de regard ne serait plus exclusivement réservé à la PMI.

M. Pierre Prady. Effectivement.

M. le président Thibault Bazin. L’État exprime la ferme volonté d’ouvrir davantage de places en crèche et je me demande si vous avez observé une quelconque pratique de subvention d’ameublement ailleurs qu’en micro‑crèche.

Mme Pauline Callec, inspectrice des finances. Les données recueillies par nos soins sur les crèches en PSU font état d’une subvention maximale de 66 % et d’une moyenne mesurée à hauteur de 34 % du coût total des travaux.

M. le président Thibault Bazin. Merci pour ces précisions qui éclaircissent nos doutes quant à la divergence entre le discours marketing et la réalité du terrain.

Mme Pauline Callec. Les chiffres que je viens d’évoquer se rapportent à la période 2015-2022. En données comparées, la moyenne attribuée aux micro‑crèches Paje affiche 48 %, mais ces dernières perçoivent tout de même une subvention de 80 % très régulièrement.

M. le président Thibault Bazin. Merci pour la clarté de vos explications. Je cède la parole à Mme la rapporteure.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Merci monsieur le président et merci à vous madame et messieurs. Nous attendions fébrilement cette audition, étant entendu que votre rapport sur les micro‑crèches entre pleinement dans le champ d’investigation de cette commission d’enquête. Votre rapport constate nombre d’éléments défavorables aux micro‑crèches sur lesquels j’aimerais vous entendre. J’aimerais avant tout vous consulter sur les motifs de l’effet d’éviction des crèches publiques en faveur des microcrèches, qui sont florissantes.

M. Pierre Prady. Un graphique éloquent illustre l’essor des micro‑crèches Paje au détriment des établissements en PSU depuis 2010. Il figure en page 16 de notre rapport. Nous expliquons cette dynamique du fait de la souplesse des dispositions réglementaires régissant les critères de qualité applicables à l’accueil des jeunes enfants dans les micro‑crèches Paje, qui s’étend également à leur mode de financement, qui ne nécessite pas la participation d’un tiers financeur.

Ces deux caractéristiques ont été évoquées à la fois par des gestionnaires de crèches et des représentants de collectivités territoriales lors des entretiens que nous avons conduits. La tendance s’oriente vers la substitution des modèles, l’arbitrage à la main des collectivités territoriales se situant essentiellement au niveau de la nécessité ou non d’une participation financière, ce qui participe nettement à l’effet d’éviction constaté.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Je vous remercie pour la clarté de votre réponse. Pouvez-vous apporter quelque éclairage relatif aux niveaux supérieurs de chiffre d’affaires par berceau et de rentabilité enregistrés par les grands groupes de crèche, et à leurs moindres charges liées à l’embauche de personnel au contact des enfants ?

Mme Pauline Callec. L’analyse des réponses aux questionnaires soumis aux gestionnaires de micro‑crèches montre que le chiffre d’affaires annuel moyen d’un établissement affilié à un grand groupe s’établit à 23 000 euros, contre une moyenne de 17 000 euros pour les autres. Au-delà de la seule participation des familles, cette variation s’explique principalement par le principe de réservation de berceaux, garantissant un nombre déterminé de places à l’année. Ce quota s’établit à 5,3 berceaux pour les micro‑crèches d’appartenance groupe, sur un nombre total de places oscillant entre 10 et 12. Le périmètre territorial des établissements affiliés à un grand groupe est également plus large pour optimiser les réservations et sécuriser le chiffre d’affaires.

M. le président Thibault Bazin. Qu’en est-il des dépenses ?

Mme Pauline Callec. Les micro‑crèches affiliées à un grand groupe engagent moins de charges de personnel au contact des enfants que les structures indépendantes, car elles bénéficient de nombreuses dérogations. Elles embauchent également un plus faible quota de collaborateurs qualifiés de catégorie 1. Ce principe fait écho à celui visant la réservation des berceaux et induit un effet positif sur leur rentabilité.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. En réponse à l’avantage concurrentiel des grands groupes amené par leur périmètre géographique plus étendu, certaines structures spécialisées dans l’intermédiation ont développé une solution alternative à la rentabilité. Avez-vous pu en mesurer les effets ?

M. Pierre Prady. L’étude du mécanisme de réservation de berceaux visant à mieux comprendre le modèle économique des micro‑crèches et les entretiens menés auprès de « pure players » nous amènent à constater qu’il n’existe aucune interface unique de l’intermédiation permettant de distribuer au mieux les places aux employeurs. Une telle structure pourrait s’avérer très avantageuse pour leurs salariés et porter au crédit de la rentabilité des établissements concernés. L’effet réseau est quant à lui bien réel pour atteindre l’équilibre entre l’offre et la demande. Notre analyse ne cible pas le marché de l’intermédiation et nous n’émettons en conséquence aucune recommandation en ce sens dans notre rapport. Toutefois, nous reconnaissons qu’un important maillage territorial représente assurément un atout de taille pour les groupes qui parviennent ainsi à réconcilier le nombre de berceaux en fonction des demandes de réservation.

M. Simon Arambourou. Il ressort de notre analyse que l’intermédiation concerne principalement des employeurs de très grande envergure, en quête d’un nombre élevé de places à réserver pour le compte de leurs salariés. De fait, les structures de taille modeste seront victimes d’exclusion, au profit d’un « pure player » ou d’un grand groupe de crèche, tous deux capables de garantir ce nombre de places. Néanmoins, elles y participent par le biais de la délégation pratiquée par les grands groupes de crèche en réponse à une forte demande mesurée à l’échelle de l’entreprise tout entière et exprimée dans des zones où ledit grand groupe ne dispose d’aucune structure propre.

En pratique, les petites structures considèrent que le principe de réservation au titre de la rentabilité présente un niveau de risque trop élevé pour entériner son adoption. Elles ne le considèrent dans l’ensemble que comme un supplément.

M. le président Thibault Bazin. Étant entendu que nombre d’administrations publiques se reposent sur ces réseaux de crèches, je me demande ce qui fait obstacle à la constitution d’un réseau propre aux services de l’État pour veiller à la réservation centralisée des places.

M. Pierre Prady. Nous nous y sommes intéressés. La réservation de berceaux donne en ce cas lieu à un appel d’offres, auquel participent les différents réseaux d’intermédiation en proposant un nombre de berceaux correspondant à la demande exprimée au cahier des charges. Le volume de réservation d’une administration publique ou d’un grand groupe est nécessairement élevé, ce qui conduit les employeurs à adopter un mécanisme d’attribution en faveur de leurs salariés. Par ailleurs, du côté de l’adjudicataire, la répartition géographique des places disponibles peut ne pas correspondre aux attentes des salariés du donneur d’ordres.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Merci d’avoir partagé le retour des structures indépendantes avec cette commission. Il fait écho à d’autres auditions et confirme que les établissements ciblés sur l’intermédiation sont les moteurs incontournables de l’équilibre économique des petites structures.

M. Pierre Prady. Nous déduisons de nos déplacements sur le terrain, de nos entretiens et des réponses apportées à nos questionnaires que seule la rentabilité économique des petites structures conditionne leur pérennité, et ce même sans le principe de réservation de berceaux.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Je partage votre avis sur le Cifam et la démonstration que vous formulez à son encontre dans votre rapport ne peut être ignorée. Je suis néanmoins curieuse des conséquences de sa suppression. Vos préconisations s’orientent-elles vers le seul maintien du dispositif de tiers financement issu des entreprises ou votre vision a-t-elle pour objectif la suppression de l’intégralité du mécanisme de financement des berceaux par les entreprises ? Quelle substitution envisagez-vous ?

M. Simon Arambourou. J’attire votre attention sur les différents critères convergeant vers la suppression du Cifam énoncés dans notre rapport. Si les entreprises financent les crèches par ce biais, il convient d’y ajouter l’exonération des sommes dues au titre de l’impôt sur les sociétés, qui porte la contribution du service public à hauteur de 75 %. Autrement dit, la participation des entreprises apparaît toute relative.

Par ailleurs, la suppression du Cifam n’induit pas nécessairement la fin du principe de réservation de berceaux, étant entendu que des entités publiques, non bénéficiaires de ces avantages fiscaux par nature, réservent également un nombre de places considérable.

M. le président Thibault Bazin. Êtes-vous en mesure d’établir le ratio de réservation du secteur public ?

M. Pierre Prady. Les données sur les bénéficiaires du Cifam sont malheureusement rares.

M. le président Thibault Bazin. Je m’étonne que même l’inspection des finances dispose de si peu d’informations.

M. Pierre Prady. Nous sommes tout de même parvenus à conduire une analyse sur les bénéficiaires. Elle est annexée au rapport, mais ne s’assortit d’aucune donnée comparée entre les entités publiques et les entreprises privées.

M. le président Thibault Bazin. La Cour se penche sur cette question. Le ratio pourrait être à parts égales.

M. Simon Arambourou. Nous avons pleinement conscience de l’inquiétude exprimée par certains acteurs envers une éventuelle suppression du Cifam. Or il ne s’agit que de procéder à un recyclage en rendant le complément de libre choix du mode de garde plus linéaire. Autrement dit, la démarche est vertueuse et vise à éliminer une dépense que nous jugeons peu opportune sans engendrer de perte financière à proprement parler, tout en permettant à certaines familles d’avoir un meilleur accès aux micro‑crèches.

M. Pierre Prady. Je précise que notre recommandation ne vise que le Cifam et non la déductibilité des sommes dues au titre de l’impôt sur les sociétés. Les employeurs pourraient maintenir la volonté de participer au financement de places en crèche pour leur personnel au détriment d’autres modes de financement ou d’une augmentation de salaire, ce qui plaide a fortiori pour le financement des berceaux réservés.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Si je comprends bien, votre proposition de suppression du Cifam n’induit aucune évolution du mécanisme du tiers réservataire d’entreprise et ne freine aucunement le principe de réservation de berceaux plébiscité par les entreprises, tout en réduisant les inégalités de traitement entre les bénéficiaires.

M. Simon Arambourou. La suppression du Cifam entraînera probablement une baisse du financement de la part des entreprises.

M. le président Thibault Bazin. Cette baisse risque-t-elle d’affecter les réservations ?

M. Simon Arambourou. C’est une hypothèse plausible, mais dans une moindre mesure puisque, pour mémoire, nombre d’employeurs publics, non-bénéficiaires du Cifam, y participent. Réaffecter la dépense fiscale au compte du CMG permettrait de maintenir la solvabilité de certaines familles et donc de pérenniser le fonctionnement des crèches. Par ailleurs, au risque de me répéter, seules les entreprises de grande envergure ont recours au Cifam. L’avantage financier qu’elles en retirent reste, en outre, faible.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Pouvez-vous détailler les enjeux identifiés par vos soins au regard de la réglementation applicable aux micro‑crèches en matière de qualité d’accueil ? Je peine à saisir le sens de l’extinction progressive des règles dérogatoires applicables parallèlement au maintien du modèle économique des micro‑crèches Paje et de leurs conditions de financement. Autrement dit, si vous envisagez l’harmonisation des normes d’accueil et d’encadrement des enfants, comment envisagez-vous la coexistence de règles de financement distinctes ?

Enfin, pouvez-vous nous éclairer sur le calendrier prévisionnel d’une convergence du cadre normatif sans effet négatif sur le nombre de places dans un contexte où qualifications et métiers liés à l’accueil des jeunes enfants connaissent une forte tension ?

M. Simon Arambourou. Notre rapport ne pointe aucune différence de qualité d’accueil entre les micro‑crèches et les autres structures. À l’exception de très rares cas manifestes, le constat de maltraitance est difficile à établir, du fait du jeune âge des enfants. La mise en place de normes communes vise à la prévenir en facilitant le suivi des indicateurs de prise en charge et/ou de non-qualité. 40 % des PMI consultées convergent en ce sens, de même qu’une part des représentants des professionnels de la branche.

Nous estimons que le champ d’application des dérogations dont bénéficient les micro‑crèches induit des risques, notamment liés à l’embauche de personnel dont le parcours académique n’est pas sanctionné par un diplôme d’État. Le défaut d’encadrement dans ces structures y concourt également puisque, permettez-moi de le rappeler, le référent technique en charge n’est astreint à aucune obligation de formation en lien avec la petite enfance, et que sa présence sur place n’est obligatoire qu’à raison de 20 % de son temps. Les conditions d’accueil des autres crèches imposent la présence d’éducatrices spécialisées et d’une directrice agréée.

M. le président Thibault Bazin. Pouvez-vous développer les éléments qui jouent en faveur du maintien du nombre de places dans un contexte de financement qui tend à demeurer disparate ?

M. Pierre Prady. Le modèle économique des micro‑crèches nous semble voué à se maintenir pour plusieurs raisons. Nous avons évoqué en début d’audition les trois grands types de crèches, depuis les établissements « low cost » jusqu’aux prestations délivrées par les grands groupes de crèches, en passant par les structures d’accueil de taille intermédiaire. Nous avons pu constater l’excellence des conditions d’accueil au sein de petites structures, reposant sur l’indépendance des gestionnaires d’établissement et/ou la ligne directrice de leur projet pédagogique.

Certaines répondent également et tout simplement au besoin de développer les micro‑crèches en milieu rural malgré l’absence de moyens apportés par les collectivités territoriales. Nous nous prononçons en faveur de ce modèle. En l’absence de toute obligation imposée aux collectivités territoriales en matière de création de structures d’accueil de jeunes enfants en PSU, les micro‑crèches sont menacées par le manque de tiers financeurs.

M. Simon Arambourou. Lors de nos échanges avec le milieu associatif privé, nous avons effectivement pu établir qu’un certain nombre d’acteurs se confrontent à un défaut de financement des collectivités pour créer des micro‑crèches en PSU, ce qui pèse sur le développement de ces structures.

Nous ne dénonçons pas les trois modèles de micro‑crèche que nous avons identifiés, mais le cadre juridique qui leur est applicable. Nos préconisations visent à relever les conditions d’accueil des établissements « low cost ». Pour le modèle numéro deux, nos recommandations s’orientent principalement vers une diminution des frais d’entrée pour diminuer la contribution des familles souhaitant y accéder. Quant aux structures d’appartenance à un grand groupe, dont le modèle se fonde sur la réservation, nous souhaitons réduire le taux de financement public par la suppression du Cifam.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Pouvez-vous détailler davantage votre proposition visant à renforcer la préscolarisation des enfants avant l’âge de trois ans afin de réduire la pression qui s’exerce sur les EAJE ? Quel serait le format retenu pour ces classes et quelles en seraient les modalités d’entrée ? L’Éducation nationale est-elle par ailleurs disposée à accueillir un nombre supérieur d’enfants en préscolarisation ?

M. Simon Arambourou. Nous plaidons prudemment pour une nouvelle étude de l’accueil en préscolarisation au regard du constat d’un effectif trois fois inférieur à celui du début des années 2000, le taux de fréquentation passant de 34 à 10 %. La natalité en baisse apporte une marge de manœuvre non négligeable en termes d’accueil scolaire. Les diverses configurations applicables aux modalités d’entrée en classes préscolaires restent à la main de l’Éducation nationale. Nos échanges avec ses représentants nous ont néanmoins fait ressentir un manque de maturité à cet égard.

M. Pierre Prady. Je précise que cette recommandation sort du cœur de notre mission, ce qui motive son manque de développement dans notre rapport. Dans un contexte de ralentissement démographique, il convient selon nous de réfléchir aux alternatives d’accueil et de consulter les familles sur l’option de la préscolarisation de leurs enfants.

M. le président Thibault Bazin. J’invite M. William Martinet à s’exprimer sur le sujet.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Merci monsieur le président et madame et messieurs les inspecteurs.

Différentes administrations ont émis des alertes sur le modèle économique des entreprises de crèches privées depuis 2017. Je gage que la publication de ce nouveau rapport dans le cadre de notre commission jouera en faveur d’une évolution de la situation. Je salue la qualité et l’articulation des données fournies dans votre rapport qui tranche avec les propos échangés lors d’auditions de grands groupes privés de crèche. Ceux-ci ont fait preuve de mauvaise foi et peiné à nous apporter la transparence nécessaire sur leur organisation sociale et fiscale et à détailler les marges réalisées sur chacune de leurs activités. Depuis quelques années, la Fédération française des entreprises de crèches (FFEC) diffuse un rapport portant sur la faible rentabilité du secteur. Or sa déléguée a témoigné sous serment du manque de fondement de cette étude en faveur des données de l’Igas et j’abonde en son sens.

Votre rapport constate le poids du financement public des entreprises de crèches qu’on peut qualifier d’« open bar ». Il révèle également que réserver des berceaux au sein d’une structure de grande envergure présente des charges supérieures, contribuant à des marges (17 %) s’affichant bien au-delà des seuils du secteur médico-social, à savoir 8 %. Il est intéressant de noter que la contribution salariale y est plus faible que dans d’autres structures d’accueil en raison des moindres qualifications du personnel. Or ce critère est indissociable de la qualité d’accueil. Vos statistiques (page 32 de votre rapport) font état d’un taux d’embauche d’ETP de catégorie 2 moyen de 2,5 %, contre un seul pour cent pour ceux de catégorie 1. Un tel constat s’avère plutôt inquiétant et tend vers le développement d’un modèle « low cost » au sein des grands groupes, quand les petites structures s’efforcent de recruter du personnel mieux qualifié.

Pensez-vous que les fonds publics soient utilisés à mauvais escient dans le schéma de financement des crèches ?

M. Simon Arambourou. Nous apportons une réponse partielle à cette interrogation dans notre rapport, en remettant notamment en cause le Cifam, qui couvre une part très importante des réservations de berceaux, sans profiter directement aux familles. Autrement dit, le dispositif d’allocation de l’argent public mérite, selon nous, une reconsidération.

M. Pierre Prady. Notre étude met en évidence des faiblesses de paramétrage de ces dispositifs, ce qui concourt à leur manque de transparence et/ou d’efficacité. Le plafonnement du crédit d’impôt famille nous semble poser problème puisqu’il détourne en quelque sorte le principe du dispositif en accentuant les inéquités en matière de mode de garde au sein de la population.

Le CMG présente également un certain nombre de faiblesses du fait des plafonds applicables à son attribution et de sa nature forfaitaire qui démultiplie les charges liées aux heures de garde supplémentaires. Seules les familles aisées disposent ainsi des moyens nécessaires pour placer leurs enfants en micro‑crèche, sans aide. Notre rapport démontre que l’essor des nouvelles créations concerne exclusivement les structures où les financements publics avantagent les ménages les plus riches.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Je vous remercie pour vos éclairages. Vous serait-il possible de développer les évolutions que vous proposez plus en profondeur sans rester au milieu du gué ? Le débat sur l’intermédiation illustre parfaitement la manière dont les pouvoirs publics ont su faire des entreprises de crèche un acteur incontournable. Les familles ayant avant tout besoin de pouvoir se reposer sur des structures d’accueil situées à proximité de leur commune de résidence, j’estime, en tant qu’insoumis, que les collectivités devraient être astreintes à une obligation d’accueil des enfants. Le principe de redistribution des places pratiqué par les grands groupes génère des pertes de l’ordre de 20 à 25 % du prix unitaire. Si les communes avaient la main sur la gestion de ces places, la répartition serait probablement plus simple.

Par ailleurs, si les entreprises assument un rôle de participation au financement des structures d’accueil via la réservation de berceaux, pourquoi ne pas envisager de révolutionner le système par un dispositif de cotisation apparenté à, par exemple, celui d’Action Logement ? Étendue à l’échelle nationale, une telle innovation permettrait aux salariés de trouver une place en crèche directement depuis leurs entreprises.

Que pensez-vous de ces deux suggestions ?

M. Pierre Prady. Astreindre les collectivités territoriales à une obligation de financement nous paraît inéluctable et nous l’avons souligné tout à l’heure, à l’avènement d’un modèle de financement unique, qui prendrait la forme de la PSU. Or ces considérations dépassent le cœur de notre mission. N’ayant pas consulté les collectivités territoriales à ce sujet, nous ne sommes pas prêts à formuler une recommandation formelle.

Nous vous invitons à consulter une étude publiée par France Stratégie, comparant la création de places en crèche en France et en Allemagne. Elle montre que si nos voisins accusent un certain retard sur l’objectif visé, ils tiennent leurs engagements, à l’inverse de notre territoire. Dans les faits, la France pâtit d’un droit opposable à la place en crèche, alors que les Länder allemands sont soumis à une obligation de financement de berceaux pour les familles.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Êtes-vous en mesure de vous prononcer sur la réplication du modèle d’Action Logement ?

M. Simon Arambourou. Notre mission a débuté en octobre 2023 et a pris fin en janvier dernier. La durée relativement courte de notre mission nous amène à avancer des recommandations dont la réalisation est envisageable à plus ou moins court terme, qu’il s’agisse d’astreindre les communes à une obligation de financement ou de contraindre les entreprises à une participation financière à la garde d’enfants. Nos propositions sont ainsi de nature plus structurelle et s’arrêtent aux mécanismes de financement à proprement parler.

Nous n’avons pas étudié en profondeur les modalités de financement à la main des entreprises, ni d’ailleurs les scénarios axés sur l’obligation de participation des communes. Le modèle de la microcrèche Paje étant voué à se maintenir, nous proposons à ce stade d’en corriger les défauts.

M. le président Thibault Bazin. Chers collègues, si vous n’y voyez pas d’inconvénients, nous allons suspendre la séance pour permettre à chacun d’entre nous de rejoindre la salle des séances pour participer à un vote important sur une motion de rejet.

La séance est suspendue de dix-sept heures dix à dix-sept heures vingt-cinq.

M. le président Thibault Bazin. Nous reprenons nos travaux et je cède la parole à Mme Bergantz.

Mme Anne Bergantz (Dem). Merci monsieur le Président et à vous madame et messieurs les inspecteurs. Je salue la qualité des propos nuancés que vous tenez sur la qualité d’accueil des crèches.

J’en retiens, et corrigez-moi si je me trompe, que vous semblez hésiter à établir le parallèle entre l’application d’un certain nombre de critères plus souples envers les micro‑crèches qu’envers les autres établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) et la qualité de prise en charge. Par ailleurs, je note, ce qui peut paraître contre-intuitif, que le taux d’encadrement des micro‑crèches est supérieur, même si les qualifications du personnel peuvent poser débat et que le nombre de contrôles dépasse celui des autres EAJE.

Concernant le Cifam et sa suppression, il est question d’une charge de 190 millions d’euros, portée à 270 millions d’euros en ajoutant l’impôt sur les sociétés sur les 16 milliards d’euros de l’enveloppe allouée au budget de la petite enfance. Pourriez-vous développer ce qui motive votre constat de dépense élevée au regard du nombre de places financées par le Cifam ?

Je suis également curieuse de vous entendre sur l’effet budgétaire d’un éventuel désengagement des entreprises privées sur les collectivités et les conséquences qui en découlent sur l’ouverture des places.

M. Simon Arambourou. Notre rapport établit l’impossibilité de mesurer les niveaux de qualité de l’accueil proposé par les différentes crèches, tout en pointant les risques induits par le cadre juridique qui leur est applicable, notamment en matière de qualification du personnel. S’agissant des contrôles, les PMI ciblent davantage les micro-crèches pour ces mêmes raisons, même si la fréquence des contrôles est insuffisante et n’est pas standardisée d’un territoire à l’autre.

M. Pierre Prady. Nous ne mesurons pas la dépense que représente le Cifam à l’aune de l’enveloppe budgétaire de la petite enfance, mais à celle de l’aide versée aux familles, soit 500 millions d’euros, sur la base des données 2019. La part que représentent les EAJE tient à 20 % des modes de garde et les micro-crèches y sont minoritaires, même si elles enregistrent un taux supérieur en termes de création. Par ailleurs, le plafonnement du CMG accentue les inégalités d’accès aux crèches entre les ménages. Ces deux critères motivent notre proposition de suppression du Cifam.

Mme Anne Bergantz (Dem). Vos propositions intègrent-elles un pilotage alternatif du dispositif ?

M. Pierre Prady. Il nous semble plus difficile de piloter le crédit d’impôt qu’une dépense effective ou une aide paramétrée suivant une grille de barèmes. Étant donné que le Cifam s’adresse aux entreprises, le paramétrer efficacement sans leur imposer de charges administratives de déclaration plus lourdes représente un véritable enjeu, car le nombre de financeurs concernés par le financement de la politique de la petite enfance (État, collectivités territoriales, branche famille) n’est pas négligeable et accentue la difficulté de pilotage. Réallouer les montants de manière plus efficace et plus ciblée nous semble ainsi beaucoup plus simple à réaliser.

M. Simon Arambourou. Je rappelle que le Cifam est essentiellement au service de la réservation de berceaux, lequel ne profite pas aux ménages, mais contribue à la rentabilité des structures. En reverser le montant dans le CMG nous paraît plus vertueux dans le sens où cette démarche améliore l’accès des familles à un mode de garde de leurs enfants.

M. Pierre Prady. Je précise que la doctrine sociale en vigueur prévoit désormais que les entreprises participent au financement de la réservation de berceaux au profit de leurs salariés, sans en retirer la plupart du temps un quelconque avantage tarifaire. Le dispositif ne sert dans les faits qu’à garantir des places dans un contexte de marché tendu.

Mme Anne Bergantz (Dem). Je maintiens que la suppression du Cifam risque d’affecter le nombre de places disponibles en crèches et je déplore le manque d’éclairages à ce sujet essentiel. Pouvez-vous apporter des précisions sur les données comparées de résultat courant avant impôt entre les micro-crèches Paje, les groupes indépendants et les structures en PSU reprises au tableau de la page 30 de votre rapport ? J’aimerais comprendre l’origine des variations allant de - 1 185 euros pour les micro-crèches Paje, contre 672 euros pour les structures indépendantes, 611 euros pour les crèches groupe et 85 euros pour les indépendants.

Mme Pauline Callec. La comptabilité des grands groupes intègre un poste « autres charges » très important, dont nous n’avons pu éclaircir la nature. Nous supposons qu’il se rapporte à des frais de structure, de commercialisation ou en lien avec les fonctions support qui grèvent leurs résultats.

M. Simon Arambourou. Notre analyse repose sur des données publiées purement déclaratives et ne s’inscrit pas dans une optique de contrôle. Néanmoins, force est de constater la différence très élevée de chiffre d’affaires net par berceau entre les structures. L’étude des salaires et traitements des personnes au contact des enfants révèle que la rentabilité des grands groupes ne s’élève pas à la hauteur présumée, mais il nous est impossible d’extraire davantage de détails. Le contrôle annoncé par madame la ministre déléguée chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles apportera certainement des éclairages supplémentaires.

M. Pierre Prady. L’examen de l’excédent brut d’exploitation permet d’isoler la marge dégagée par berceau, mais puisque le résultat courant avant impôts reflète la somme du compte d’exploitation et du compte financier, nous ne disposons pas des détails nécessaires au compte financier.

Par ailleurs, nous n’avons pas affiné notre analyse des opérations financières des gestionnaires de crèche, considérant que ce critère ne relevait pas du cœur de notre mission.

Mme Anne Bergantz (Dem). Des charges financières telles des remboursements d’emprunt, nécessairement affectées au poste des charges, pourraient-elles avoir un impact sur les résultats ? J’entends qu’adresser cette question dépasse votre périmètre, mais il serait souhaitable d’apporter des réponses. Je me demande si la Caf pourrait nous éclairer.

M. Pierre Prady. Dans notre rapport, nous nous prononçons en faveur de la transmission à la Caf des comptes de résultat établis par les gestionnaires de crèches, dans un esprit de transparence des données visant à mieux comprendre les différences entre les différentes structures.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Le rapport 2023 de l’Igas soulignait déjà l’augmentation du poste « autres charges » à hauteur de 52,1 %, motivée par les frais de siège des grands groupes. Leurs auditions ultérieures ont toutefois révélé sous serment que ces frais s’inscrivaient plutôt en recul, en pointant une erreur à porter au crédit de l’Igas. J’ai l’impression qu’on se moque de nous. Or, si ces grands groupes de crèches ont eu depuis maintes occasions de présenter des explications objectives aux administrations concernées, je note à nouveau l’opacité des charges affectées à ce poste, qui pourrait effectivement intégrer de considérables frais de siège.

M. le président Thibault Bazin. Vous pointez le doigt sur une question fondamentale. Pourriez-vous nous lister quels documents vous avez étudiés et préciser la profondeur de votre analyse ? La caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) nous a affirmé avoir compilé une série de documents à titre de contrôle. Avez-vous pu accéder à ces comptes consolidés ?

M. Pierre Prady. Je peine à déterminer à quels documents vous faites référence.

M. le président Thibault Bazin. La Caf a accès aux comptes de toutes les structures en instance de liquidation à l’exception des micro-crèches et il conviendrait d’établir le détail des provisions de leurs comptes « autres charges ».

M. Pierre Prady. Nous n’avons pas pu accéder aux données recueillies par la Cnaf en matière d’information financière relevant des crèches en PSU, puisque l’objet de notre étude visait principalement les micro-crèches. Si la loi pour le plein emploi étend désormais les droits de collecte à la main des Caf aux micro-crèches, sa promulgation a été postérieure au lancement de notre étude.

Comme nous l’avons précisé en préambule, nos données reposent, d’une part, sur l’analyse des réponses aux questionnaires que nous avons transmis à l’ensemble du réseau de la FFEC. Si nous avons enregistré des réponses en provenance de 1 200 établissements sur un total de plus de 5 600, elles ne nous ont pas permis de déterminer les détails du poste « autres charges ».

D’autre part, l’étude des liasses fiscales des gestionnaires de crèches n’a pu non plus établir le niveau de détails nécessaire pour compléter notre analyse. Je rappelle que nous n’étions pas mandatés au titre d’une procédure de contrôle, ce qui nous a empêchés d’effectuer une revue détaillée de leurs autres pièces comptables, tels le bilan ou le compte de résultat.

Enfin, notre mission se concentrant sur l’étude des micro-crèches et de leurs modèles sur une durée relativement courte, nous avons opté pour une analyse plus restreinte.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Pour terminer, gageons que l’initiative de contrôle récemment lancée par Madame la ministre déléguée chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles saura nous apporter sous peu les détails sur les provisions du compte « autres charges » des quatre grands groupes privés de crèche soumis à la procédure.

M. le président Thibault Bazin. Je vous remercie, madame et messieurs pour votre présence parmi nous aujourd’hui et permettez-moi de vous féliciter pour la qualité de votre travail. La valeur de votre rapport est très précieuse pour notre commission d’enquête.

La délibération se tiendra dans une vingtaine de minutes et je vous propose de reprendre notre séance à dix-huit heures et quinze minutes après le vote solennel.

 

La séance est levée à 17 heures 50.


Membres présents ou excusés

Présents. – M. Thibault Bazin, Mme Anne Bergantz, M. William Martinet, Mme Sarah Tanzilli