Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

 

 

– Examen, ouvert à la presse, du rapport d’information valant avis sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens (COM) entre l’État et Expertise France pour la période 2024-2026              2

– Informations relatives à la commission.....................20

 


Mercredi
11 septembre 2024

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 2

session 2023-2024

Présidence
de M. Jean-Noël Barrot,
Président


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La commission procède à l’examen, ouvert à la presse, du rapport d’information valant avis sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens (COM) entre l’État et Expertise France pour la période 2024-2026.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Présidence de M. Jean-Noël Barrot, président.

M. le président Jean-Noël Barrot. En cette première réunion de notre commission sous la XVIIe législature, je vous souhaite la bienvenue et nous souhaite à tous, collectivement, une bonne reprise. Je tiens à saluer les travaux menés depuis le mois de juillet par plusieurs membres de notre commission, qui ont participé à divers événements internationaux. Pour ma part, j’étais lundi et mardi derniers à Budapest, où j’ai représenté notre commission à la Conférence interparlementaire pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), qui se tient tous les six mois dans le pays qui assure alors la présidence du Conseil de l’Union européenne (UE). Comme je l’avais annoncé aux membres du bureau de notre commission, j’y ai dit combien nous regrettions que le premier ministre hongrois ait, dès les premiers jours de sa présidence, entrepris une série de déplacements sans concertation avec les autres États membres.

Notre réunion d’aujourd’hui intervient dans un contexte un peu particulier, puisque les journées parlementaires de certains groupes se tiennent cette semaine. Malheureusement, nous ne pouvions retarder davantage l’examen d’un avis sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens (COM) entre l’État et Expertise France, officiellement notifié à notre Assemblée à la mi-mai et sur lequel le délai de notre saisine est presque épuisé. Il fallait également sans plus attendre désigner nos neuf rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2025.

S’agissant de l’avis de notre commission sur le COM entre l’État et Expertise France pour les années 2024 à 2026, compte tenu des délais légaux qui s’imposent à nous, le bureau a unanimement décidé, lors de sa première réunion le 22 juillet dernier, de proposer la reconduction des deux rapporteures qui avaient déjà engagé leurs travaux sous la précédente législature et devaient initialement présenter leur avis fin juin, à savoir Mmes Éléonore Caroit et Marine Hamelet. Avant qu’elles puissent nous présenter leur rapport, nous devons donc formellement les désigner.

Je constate que la commission valide la proposition faite par le bureau et, avant de passer la parole à nos rapporteures – je vous précise à ce sujet qu’en raison d’impondérables personnels parfaitement compréhensibles, j’ai accepté que Mme Marine Hamelet intervienne ce matin par visioconférence –, je rappellerai brièvement, à titre liminaire, qu’Expertise France est l’agence française de coopération technique internationale. Désormais intégrée au groupe de l’Agence française de développement (AFD), dont nous auditionnerons prochainement le directeur général, cette société par actions simplifiées accomplit des missions d’intérêt public au service de la politique extérieure d’influence et de diplomatie économique de la France. Elle contribue, entre autres, au développement de l’expertise technique internationale et à la maîtrise d’œuvre de projets de coopération sur financements bilatéraux et multilatéraux.

Entendu par notre commission le 27 mars 2024 dans la perspective de l’échéance qui nous réunit aujourd’hui, M. Jérémie Pellet, son directeur général, s’était notamment félicité d’être parvenu à stabiliser le modèle économique d’Expertise France. Il avait aussi indiqué que l’agence, qui ne bénéficie plus de subvention de fonctionnement depuis 2019, est à l’équilibre et se finance sur les marges tirées de ses projets, que le groupe AFD et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères financent chacun à hauteur de 25 %.

Je cède à présent la parole aux rapporteures, qui vont vous présenter leur analyse et leurs conclusions.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. C’est un plaisir de vous retrouver et de vous présenter notre rapport sur le contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et Expertise France. L’aide publique au développement est une thématique qui tient particulièrement à cœur à cette commission, qui examine chaque année les avis budgétaires relatifs à ce domaine et auditionne très régulièrement des représentants des différents opérateurs – nous recevrons d’ailleurs prochainement M. Rémy Rioux, directeur général du groupe AFD.

Notre commission, qui avait examiné en 2021 le projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ayant profondément renouvelé notre conception de l’aide publique au développement, a aujourd’hui pour mission d’examiner les COM du groupe AFD et de sa filiale Expertise France.

Le projet de contrat d’objectifs et de moyens d’Expertise France pour les années 2024 à 2026 nous avait été transmis en mai. L’interruption de nos travaux, indépendante de notre volonté, ne nous a cependant permis d’auditionner que la semaine dernière le directeur général d’Expertise France, ainsi que des représentants du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et de la direction générale du Trésor.

Pour bien comprendre ce COM, il est essentiel d’avoir en tête qu’après avoir longtemps pris la forme d’envoi de coopérants placés sous la supervision d’un ministère de la coopération – certains s’en souviendront peut-être –, la politique française de coopération internationale a récemment connu une profonde transformation. En 1998, l’absorption du ministère de la coopération par le ministère chargé des affaires étrangères a fait tomber le nombre de coopérants – encore 30 000 en 1980 – à seulement 4 000. En outre, en 2015, ils n’étaient plus que 500, répartis entre plusieurs petits opérateurs liés à différents ministères.

Pour enrayer ce déclin, il a d’abord été décidé, en 2014, de fusionner six petits organismes de coopération au sein d’un nouvel opérateur unique baptisé « Agence française d’expertise technique internationale ». Puis la loi du 4 août 2021 a prévu l’intégration de cette agence à l’AFD, sous la forme d’une filiale baptisée « Expertise France » et détenue à 100 % par le groupe, et précisé ses missions. Chargée de « la promotion de l’assistance technique et de l’expertise internationale publique françaises à l’étranger sur financements tant bilatéraux que multilatéraux », Expertise France participe à la maîtrise d’œuvre de projets de coopération internationale centrés sur le transfert de savoir-faire dans différents domaines de politique publique.

Pour remplir ses missions, l’agence dispose aujourd’hui de plus de 700 personnes à son siège et du double sur le terrain, dont 277 experts techniques internationaux, les fameux ETI. Ces derniers, qui ont généralement le statut de fonctionnaire – parfois de magistrat – remplissent, pour une durée limitée, une fonction d’appui technique et de conseil, souvent au sein des administrations des États partenaires.

Mme Marine Hamelet, rapporteure pour avis. Merci de me permettre d’intervenir à distance. Je suis désolée de ne pouvoir être présente et j’espère être de nouveau parmi vous dans deux semaines.

L’activité d’Expertise France repose sur un modèle économique original : pour financer ses projets, l’agence mobilise des fonds soit auprès de bailleurs français, comme l’Agence française de développement et les différents ministères, qui participent chacun à hauteur de 25 %, soit auprès d’un bailleur international – l’agence étant accréditée à la gestion déléguée de fonds européens, il s’agit en général de l’Union européenne, qui finance aujourd’hui environ 50 % de son volume d’activités. Un fonds de soutien, financé par l’État, permet d’assurer l’équilibre des projets financés sur fonds européens.

Expertise France intervient dans des domaines diversifiés, au premier rang desquels la paix, la stabilité et la sécurité, mais aussi la santé, la gouvernance et le développement durable. Depuis une dizaine d’années, l’activité de l’agence a quadruplé ; son chiffre d’affaires a augmenté de 43 % entre 2020 et 2022, pour s’élever à près de 390 millions d’euros en 2023, ce qui en fait la deuxième agence européenne en la matière, bien qu’elle reste loin derrière l’agence allemande.

Exerçant une mission de service public, Expertise France est placée sous la double tutelle du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et du ministère chargé de l’économie et des finances. C’est à ce titre que, tous les trois ans, un contrat d’objectifs et de moyens est conclu entre elle et l’État.

Le projet de COM pour les années 2024 à 2026, qui fait suite au contrat pour les années 2020 à 2022, s’articule autour de trois grandes priorités.

Tout d’abord, l’agence devra se mettre au service de la politique française d’investissement solidaire et durable, nouveau nom de la politique d’aide publique au développement (APD). Son action devra donc se conformer aux finalités de la politique d’APD définies dans la loi du 4 août 2021, en contribuant à atteindre les objectifs de développement durables (ODD) et en tendant à lutter contre la pauvreté et pour la préservation des biens publics mondiaux.

Ensuite, elle devra accélérer la transformation interne déjà engagée pour moderniser son organisation et conforter son modèle économique. Le COM l’invite à se structurer davantage encore, à décentraliser et déconcentrer son activité et à rendre plus visibles les résultats de son action en renforçant sa communication.

Enfin, Expertise France devra se doter des moyens financiers nécessaires à la croissance de son activité, notamment en mobilisant 1,3 milliard d’euros de crédits européens sur la période 2024‑2026.

Ces trois grands axes, qui doivent permettre à Expertise France d’atteindre en 2026 l’objectif fixé par le COM de 537,8 millions d’euros de « chiffre d’affaires » – un terme qui ne me semble pas du tout approprié et que nous avons conservé uniquement car c’est celui utilisé par Expertise France – et ainsi de pérenniser son modèle économique, sont déclinés en dix-huit objectifs et assortis de vingt-trois indicateurs, que vous pourrez retrouver dans le rapport.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. J’en viens à l’analyse de ce nouveau cadre, qui nous a permis d’en dégager trois grandes caractéristiques.

Dans le prolongement du précédent contrat et de la réforme de 2021, ce COM propose de poursuivre plusieurs politiques structurantes déjà engagées, comme la montée en puissance du dispositif des experts techniques internationaux, et de parachever l’intégration d’Expertise France au sein du groupe AFD en recherchant des synergies entre les différentes entités du groupe, ce qui me semble une bonne chose.

Par ailleurs, il prend en compte les orientations politiques fixées en 2023, notamment par le conseil présidentiel du développement (CPD) et le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), qui ont décidé d’évolutions importantes, comme la fixation d’une nouvelle liste de dix objectifs majeurs et la suppression de la liste des dix-neuf pays prioritaires à l’APD.

Enfin, le COM prend en considération les nouveaux développements géopolitiques survenus depuis le précédent contrat. Y figurent ainsi de nombreuses références à l’Ukraine, mais aussi au Liban, aux territoires palestiniens, à l’Irak, au Nord‑Est syrien ou encore au Yémen – la fourniture de services essentiels à la population de ce pays est ainsi désignée comme prioritaire.

Si ces axes clairs et cohérents méritent d’être salués, nous appelons votre attention sur plusieurs points de vigilance – cela ne vous surprendra pas, Mme Hamelet et moi-même ne sommes pas toujours d’accord.

Nous déplorons l’une et l’autre que le Parlement n’ait pas été suffisamment associé à la conception de la politique d’aide au développement. Le COM, dont l’exécution a pourtant commencé début 2024, ne nous a été transmis qu’en mai, soit six mois plus tard : ce n’est pas normal. Surtout, nous n’avons toujours pas reçu celui de l’AFD. Il aurait pourtant été particulièrement judicieux d’examiner conjointement les deux COM. Nous regrettons également, parmi d’autres points détaillés dans le rapport, que la commission d’évaluation de l’APD, instituée par le législateur en 2021, n’ait toujours pas vu le jour, malgré l’adoption, au printemps, d’une proposition de loi relative à la mise en place et au fonctionnement de cette instance. Ce texte avait été déposé par l’ancien président de la commission, M. Jean-Louis Bourlanges, qui était à juste titre monté au créneau.

Autre point important : à la lecture du COM, les compétences d’Expertise France et de CIVIPOL, opérateur du ministère de l’intérieur fournissant une expertise internationale en matière de sécurité, semblent susceptibles de se chevaucher. Ce serait dommage, et nous invitons au respect des arbitrages interministériels rendus en 2018 et 2019 au sujet de la répartition des compétences de ces deux opérateurs.

En outre, conformément au choix fait par le législateur dans la loi du 4 août 2021 et compte tenu de l’importance des sommes mobilisées et des conséquences politiques des activités menées par Expertise France, notamment en matière de sécurité, nous recommandons de veiller à maintenir un pilotage fort de l’État sur cet opérateur et, plus largement, sur le groupe AFD.

J’insisterai également, en mon nom propre cette fois, sur trois autres points d’attention.

Tout d’abord, la multiplicité des objectifs assignés à Expertise France, et plus généralement au groupe AFD, me laisse un peu perplexe. Il me semble que le COM, dont les objectifs prioritaires font l’objet d’une sorte de liste à la Prévert, aurait gagné à faire mieux ressortir les principales priorités, afin de rendre plus lisibles les orientations politiques et d’éviter le risque de dispersion.

En deuxième lieu, compte tenu du contexte d’incertitude budgétaire que nous connaissons et de l’éventuelle réduction de la commande publique adressée à Expertise France, je l’encourage à réfléchir à de nouvelles sources de financement pour honorer ses engagements et je vous invite, chers collègues, à vous battre pour que les budgets attribués à l’aide publique au développement soient maintenus.

Enfin, il me semble qu’Expertise France reste trop méconnue de nos concitoyens et des parlementaires. L’agence gagnerait à améliorer sa communication et à rendre plus visible son action, qui produit des résultats sur la scène internationale, en sensibilisant davantage les parlementaires à l’importance des missions qu’elle remplit et, ce faisant, à l’utilité et au bien-fondé du budget de l’aide publique au développement, que je vous appelle à nouveau à défendre.

Mme Marine Hamelet, rapporteure pour avis. Au-delà des remarques sur lesquelles nous sommes d’accord s’agissant du respect des droits du Parlement, de la répartition des compétences avec CIVIPOL, de l’importance d’assurer un pilotage fort par l’État et de la nécessité de donner toute sa place à l’évaluation – non seulement des projets et des objectifs, mais aussi, plus globalement, des bénéfices apportés par cette politique au regard de son coût pour l’État –, je déplore pour ma part la transmission si tardive du COM, d’autant que la dissolution et le changement de Gouvernement nous imposent désormais de l’examiner dans l’urgence : ce n’est pas normal.

Par ailleurs, si Expertise France ne reçoit pas de subvention de fonctionnement, son modèle économique et financier la rend néanmoins très dépendante du soutien financier de l’État pour parvenir à l’équilibre. Son activité, qui dépend de la commande publique et nécessite le financement d’experts techniques internationaux, pèse donc sur nos comptes publics. Même les financements européens doivent être complétés par le fonds de soutien de l’État pour que les projets concernés atteignent l’équilibre ! Ce fonds de soutien se double désormais d’un fonds de cofinancement, par lequel la France abonde des projets financés par l’Union européenne : c’est une forme de dérive qui me paraît inquiétante, surtout au regard de l’état de nos finances publiques, comme nous le verrons lors de l’examen du budget.

De plus, les priorités et la nature des objectifs fixés dans le COM, sont parfois obsolètes, notamment s’agissant de la gestion des migrations, puisqu’il est fait référence au sommet de La Valette de 2015. Qui pourrait nier que les flux migratoires, qui déstabilisent les pays d’accueil – dont nous sommes – tout comme les pays de départ, constituent un problème particulièrement important ? Pourtant, le COM met ce problème sur un pied d’égalité avec l’objectif de promotion de l’égalité de genres.

Il me semble aussi que les bénéfices apportés à notre pays par l’activité d’Expertise France en termes d’image et d’influence de la France dans le monde sont largement sujets à débat. Alors que l’Afrique concentre 60 % des missions de l’agence, le sentiment anti‑français y domine dans bien des pays, en particulier ceux dans lesquels nous intervenons, comme le Niger et le Mali, ce qui n’est pas sans interroger sur l’utilité de l’aide que nous y apportons et le retour en termes d’image pour la France.

Voilà résumées en peu de mots mes quelques divergences de point de vue avec Éléonore Caroit. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions et entrer davantage dans le détail.

M. le président Jean-Noël Barrot.  Je pense que tout le monde souscrira à votre appel à respecter les délais de transmission des COM au Parlement et de l’associer davantage au déploiement des politiques – notamment par la mise en place de la commission d’évaluation de l’APD, tant attendue. J’écrirai dès aujourd’hui au premier ministre pour lui demander de prendre très rapidement le décret d’application de la loi relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement instituée par la loi du 4 août 2021, promulguée il y a déjà près de six mois.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Guillaume Bigot (RN). Nous examinons le COM d’Expertise France, qui prévoit, vous l’avez rappelé, une augmentation de près de 50 % de son chiffre d’affaires en l’espace de deux ans, un objectif qui induit de fait une augmentation des dépenses publiques de la France. Chacun sait pourtant dans quelle situation financière inédite et inquiétante se trouve notre pays – le gouvernement démissionnaire prévoyait lui-même, semble-t-il, de réduire de 18 % les crédits alloués à l’aide publique au développement. Premier constat, donc : ce contrat d’objectifs et de moyens n’est pas de saison. Nous n’avons plus les moyens de réparer tous les malheurs du monde.

Deuxième constat : si la volonté de voir Expertise France capter de plus en plus de projets européens, et donc financés par Bruxelles, peut sembler alléger le contribuable – même si nos impôts financent déjà généreusement le budget européen à travers la contribution nette de la France –, les financements européens – Mme Hamelet l’a rappelé – ne couvrent jamais intégralement le coût des projets, impliquant un abondement à travers d’autres fonds de cofinancement. En outre, une telle stratégie emporte d’autres risques, comme celui de voir cette agence française, dont la moitié des activités s’effectue déjà pour le compte de l’Union européenne, se transformer en simple prestataire de services de Bruxelles. Souvenons-nous de l’adage « les payeurs sont toujours les décideurs » ; alors, interrogeons-nous sur le risque de placer de facto le pilotage d’Expertise France sous l’égide de l’Union européenne. Autre danger : invisibiliser davantage encore l’aide publique au développement française, déjà éclipsée, aux yeux des gouvernements et des populations, par l’APD européenne, véritable machin technocratique qui n’a jamais su gagner les cœurs.

Enfin, au-delà du contrat d’objectifs et de moyens qui nous est soumis, interrogeons‑nous sur la possibilité d’examiner l’opportunité de 380 projets menés dans 140 pays. Des projets aussi divers que l’aide à la sortie du charbon, l’amélioration de la gouvernance financière, la protection de la faune, le développement de l’accès aux soins ou la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes : une vraie « liste à la Prévert » – pour reprendre l’expression utilisée avec justesse par notre collègue Caroit – de projets poursuivant des buts aussi universels qu’incontestables ! Non seulement leur éparpillement géographique et thématique rend leur contrôle démocratique par notre Assemblée techniquement « délicat » – pour user d’un euphémisme – mais, en plus, personne n’entend questionner des objectifs aussi légitimes et incontestables par nature.

Le problème me semble donc ailleurs. Ce COM sert-il la France et les Français ? Viser des objectifs aussi vastes que faire reculer la pauvreté à l’échelle mondiale sert-il la cause de l’aide publique au développement et la coopération Nord-Sud à laquelle notre pays est attaché depuis le début de la Ve République ? Pour ma part, j’ai de sérieuses raisons d’en douter, non par égoïsme, tant s’en faut, mais parce que cette logique multilatérale et presque démiurgique laisse trop peu de place au consentement éclairé de nos concitoyens, mais aussi des peuples et des pays aidés.

Mme Marine Hamelet, rapporteure pour avis. Je partage tout à fait ce que vous venez de dire. Il faut changer de mode de fonctionnement car celui d’aujourd’hui ne met pas suffisamment en valeur la France.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. Ma vision est radicalement différente. J’insiste sur le fait que 50 % du volume d’activité d’Expertise France est financé par des fonds de l’Union européenne et qu’Expertise France est parfaitement à l’équilibre pour les projets financés par la commande publique française. Je vous invite, à cet égard, à regarder la rigueur budgétaire qui prévaut dans le COM.

Je souligne aussi, sur un plan peut-être plus politique, l’impact que ces financements peuvent avoir non seulement pour les populations concernées mais aussi, in fine, pour notre pays, pour des entreprises françaises, par l’intermédiaire de l’intégration entre Expertise France et Proparco, comme on le voit souvent, et même, plus généralement, pour nos rapports avec les pays dans lesquels nous intervenons. Je reste donc sur ma position, très claire, qui est qu’il faut préserver les budgets d’aide publique au développement car ils ont un impact extrêmement bénéfique, non seulement pour les pays dans lesquels nous intervenons mais aussi pour la France.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (EPR). Ma question porte sur l’évaluation de l’impact d’Expertise France pour les entreprises françaises et européennes. On a souvent reproché aux appels d’offres de l’AFD, d’une manière peut-être un peu caricaturale, parfois, de profiter davantage aux entreprises chinoises qu’aux entreprises françaises : est-ce avéré ? Je comprends que les équivalents allemands ou japonais d’Expertise France et de l’AFD associent vraiment beaucoup mieux leurs entreprises nationales à leur aide au développement, non pas tant au niveau des appels d’offres que dans la mise en œuvre des projets. C’est là une autre forme de rayonnement économique, qui peut contribuer à l’exportation des savoir-faire et représenter des contrats pour les entreprises françaises.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. Depuis la loi du 4 août 2021 et l’intégration d’Expertise France au sein du groupe AFD, des efforts ont été menés pour agir dans le cadre de ce qu’on appelle communément « l’équipe France », grâce à une véritable intégration des différentes filiales du groupe AFD et d’autres acteurs français, comme les services économiques des différents postes diplomatiques mais aussi, parfois, Business France et d’autres opérateurs, pour qu’il y ait une forme de convergence. Un dialogue a été établi – c’est l’une des questions que nous avons posées à M. Pellet.

S’agissant de l’équivalent allemand d’Expertise France, la GIZ – société allemande pour la coopération internationale –, les volumes sont incomparables et l’intégration plus forte, c’est vrai. Mais nous sommes maintenant en deuxième position en matière d’expertise internationale en Europe. Une amélioration a eu lieu par rapport au COM précédent et cette question continue à faire partie de la trajectoire et des objectifs prévus dans le nouveau COM. Nous y serons particulièrement attentifs.

Mme Marine Hamelet, rapporteure pour avis. Vous avez mis le doigt sur l’une des failles du système. Il serait normal, dans la mesure où nous fournissons à un pays une étude totalement gratuite pour lui, que nous puissions faire profiter les entreprises françaises des marchés qui suivent. Nous en avons parlé à M. Pellet, le directeur général d’Expertise France ; il nous a répondu que c’était aussi un problème de commande publique, argument que je ne trouve pas forcément convaincant. Il faudrait faire en sorte que chaque expertise réalisée par la France puisse profiter à nos entreprises implantées dans le pays en question.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Même si ce n’est pas à vous, monsieur le président, mais à Emmanuel Macron que nous devons que cette séance soit présidée par un ministre démissionnaire, la situation n’en est pas moins baroque.

Le rapport que nous examinons est consacré au contrat d’objectifs et de moyens entre l’agence Expertise France, financée à 21 % par les ministères et à 51 % par l’Union européenne, et l’État. Nous en discutons sous la présidence du ministre délégué, démissionnaire, chargé de l’Europe. La situation est d’autant plus ironique que le rapport de nos collègues plaide pour une association plus forte du Parlement par le Gouvernement, objectif que nous partageons.

Il est également ubuesque que le budget ne nous ait pas encore été présenté. Ni la démocratie ni le Parlement n’ont été respectés depuis le 7 juillet. Peut-être l’Élysée pourrait-il solliciter, au lieu des services de McKinsey, ceux d’Expertise France, dont le sixième objectif est de « renforcer la gouvernance démocratique, économique et financière » – nous pourrions ainsi commencer par appliquer nos conseils à nous-mêmes.

S’agissant du budget 2025, Bruno Le Maire a indiqué lundi que la réduction de l’aide publique au développement était l’une des pistes envisagées pour réduire le déficit. Le rapport qui vient de nous être présenté note la contradiction entre une telle évolution et la hausse de l’activité d’Expertise France qui est prévue. Il est, en effet, impossible de faire plus avec moins. La baisse envisagée serait délétère pour l’aide publique au développement et pour les agents qui en dépendent.

Le rapport présente la baisse des dépenses publiques comme une fatalité et non comme une décision politique, ce qu’elle est pourtant. Il préconise donc de mobiliser d’autres sources de financement, notamment en faisant appel à d’autres États. C’est faire preuve d’une imagination débordante, sans limite, pour ne pas avoir à se tourner vers la justice fiscale et le partage des richesses en France.

Nous rappelons notre résolution à appliquer l’objectif déterminé par les Nations unies, à savoir une contribution de la France à hauteur de 0,7 % de son revenu national brut. Notre perspective internationaliste nous conduit à ne pas négliger, face aux défis planétaires et contrairement au Rassemblement national, qui s’est exprimé ce matin en la matière, la question de la coopération internationale. Celle-ci a longtemps permis à la France de mieux connaître des sociétés où prospèrent aujourd’hui d’autres initiatives diplomatiques et elle est décisive pour le développement d’une culture de la paix.

Avez-vous davantage d’informations sur les baisses de dépenses prévues dans le prochain budget ? Les sources alternatives de financement que vous préconisez de mobiliser sont-elles uniquement publiques ou envisagez-vous qu’elles soient privées ? Enfin, pour doter notre pays d’une stratégie claire, dont vous regrettez l’absence, seriez-vous d’accord avec notre groupe pour accroître la tutelle du ministère de l’Europe et des affaires étrangères sur l’AFD ?

Mme Marine Hamelet, rapporteure pour avis. Non, je ne suis évidemment pas favorable à un accroissement de la tutelle.

S’agissant des baisses que vous avez évoquées, je n’ai malheureusement pas plus d’informations mais Mme Caroit en sait peut-être davantage.

Vous avez parlé de « culture de la paix ». Or on voit très bien que des pays que nous avons aidés, par de l’expertise technique, ne sont pas davantage en paix. On peut penser au Niger, par exemple.

Enfin, la baisse des montants de l’aide publique paraît assez logique : il y aura des coupes budgétaires pour tout le monde et il est bien normal que nos aides à l’étranger suivent. On ne peut pas demander des efforts aux Français sans baisser aussi ces budgets ; personnellement, je n’y vois pas d’inconvénient.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. J’ai, une fois de plus, une vision radicalement opposée à celle du Rassemblement national.

Monsieur Cadalen, la première partie de votre intervention était plutôt un plaidoyer politique et je ne ferai donc pas de commentaire particulier.

Mme Mathilde Panot (LFI-NFP). À l’Assemblée nationale, on fait pourtant de la politique !

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. En l’occurrence, nous examinons un contrat d’objectifs et de moyens, sur lequel nous devons nous prononcer dans des délais contraints dont j’ai dit à quel point je les regrettais.

Le financement d’Expertise France auprès d’autres États se pratique déjà : plusieurs pays le souhaitent, le directeur général d’Expertise France nous en a parlé. Je considère que cela peut compléter un financement qui doit, je l’ai dit, être maintenu.

Quant aux crédits qui seront alloués, nous allons, que je sache, voter les budgets dans les prochaines semaines. Il sera de notre responsabilité, en tant que membres de la commission des affaires étrangères, de nous assurer qu’il n’y aura pas de coupes dans le budget de l’APD : telle est la position que je défends.

Il existe aujourd’hui une double tutelle, de la part de Bercy et du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Pour avoir siégé au conseil d’administration de l’AFD, je pense que cela fonctionne relativement bien, mais je ne serais pas défavorable, à titre personnel, à une clarification. C’est un point qui pourrait faire l’objet d’une recommandation.

M. Alain David (SOC). Ce contrat d’objectifs et de moyens est avant tout la poursuite du processus d’intégration d’Expertise France à l’Agence française de développement. La loi de programmation relative au développement solidaire de 2021 a fait de cette évolution de statut l’une de ses lignes de force et il conviendrait d’évaluer la filialisation réalisée, deux ans et demi après sa mise en œuvre.

Comme vous l’avez souligné, mesdames, le COM affiche un objectif de progression du chiffre d’affaires, qui devrait atteindre 538 millions d’euros en 2026 et asseoir ainsi la position d’Expertise France comme deuxième agence de coopération technique en Europe. Malgré cette trajectoire ambitieuse, l’écart avec l’opérateur allemand resterait abyssal : ce dernier réalise 4,537 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Je m’interroge également sur l’optimisme de la trajectoire, sachant que les soubresauts géopolitiques ont eu, par exemple, un impact sur les pays du Sahel, qui ont été frappés ces derniers mois par des coups d’État : je pense au Mali, au Niger ou au Burkina Faso. Le sentiment anti-français s’affirme malheureusement un peu partout. Au Proche‑Orient, de nombreux projets sont, par ailleurs, à l’arrêt. Malgré ses incantations, je fais observer au groupe Ensemble pour la République qu’il est au pouvoir depuis sept ans, ce qui est long. Cela aurait pu vous permettre de redresser la barre, d’apporter des améliorations. Vous pratiquez maintenant la danse de la pluie, alors que vous auriez pu être beaucoup plus efficaces au cours des années précédentes.

Notre commission sera particulièrement vigilante dans les prochains mois quant à cet outil majeur du développement et du rayonnement de notre pays dans le monde.

Mme Marine Hamelet, rapporteure pour avis. Je partage une partie de votre analyse, notamment en ce qui concerne le sentiment anti-français qui se développe et l’absence d’action de la majorité pendant sept ans. Le système ne fonctionne pas. Nous avons reçu la liste des projets qui ont été menés et celle des projets à venir mais je ne sais pas si elles ont été transmises aux membres de la commission.

Pour avoir procédé à un examen attentif de cette liste, j’observe, par exemple, qu’il est notamment question d’un laboratoire des droits des femmes en ligne : sur le fond, la défense des droits des femmes ne pose pas de souci, bien sûr, mais pourquoi procéder à des séminaires en ligne dans des pays africains où l’on peine à distribuer de l’électricité à tous les foyers ? J’ai l’impression qu’il y a des éléments, dans les objectifs passés, qui ne correspondent pas à la réalité du terrain. Il faudrait davantage de remontées des populations locales, au lieu d’actions dirigées vers les gouvernants. C’est un mauvais choix qui doit cesser, me semble-t-il.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. Je rappellerai seulement que c’est sous une présidence socialiste qu’Expertise France a été au plus bas niveau, le plus dépouillée de ses moyens, et qu’une progression a eu lieu depuis.

M. François Hollande (SOC). Je vois là qu’il vous faut un coupable expiatoire. C’est un argument bien facile et commode !

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. C’est un constat. Si l’on fait une comparaison avec l’opérateur allemand, le niveau est très différent. Il est effectivement facile de regarder le passé ou de se comparer pour dire qu’on pourrait faire mieux mais cela fait sept ans que les moyens d’Expertise France augmentent.

Au-delà des incantations et de la recherche de responsabilités politiques, il faut commencer par faire en sorte, en tant que parlementaires et membres de la commission des affaires étrangères, que les finances publiques reflètent une volonté de continuer à investir dans l’aide publique au développement. Nous pouvons et, à mon sens, nous devons le faire.

Il faut ensuite regarder très attentivement, et je rejoins là ce qui a été dit précédemment, les projets mis en œuvre, leur impact social. Je pense qu’ils ne se valent pas tous et que l’agence gagnerait à avoir davantage de cohérence en menant des projets plus convergents, ce qui permettrait d’augmenter la force de frappe, les moyens étant contraints.

M. Michel Herbillon (DR). Je remercie nos collègues rapporteures, en souhaitant un prompt rétablissement à Marine Hamelet. Leur travail souligne un certain nombre de difficultés concernant l’action, l’encadrement et le contrôle d’Expertise France.

Sur la forme, vous déplorez à juste titre, chères collègues, un respect insuffisant du Parlement. C’est faire preuve, s’agissant du contrôle de l’aide publique au développement, d’un vrai sens de l’euphémisme. Vous avez indiqué que le COM n’avait été transmis que fin mai, pour une application rétroactive au 1er janvier, ce qui démontre à tout le moins, comme d’habitude, une sorte de mépris pour l’avis du Parlement en amont de la signature de ce contrat. De plus, il aurait été utile que nous puissions étudier en même temps le COM du groupe AFD mais rien, vous l’avez dit, n’indique qu’il sera communiqué prochainement.

Cette situation, hélas, n’est pas nouvelle : nous l’avons dénoncée à de nombreuses reprises dans cette commission. Notre ancien président, Jean-Louis Bourlanges, l’a fait plus souvent qu’à son tour. Il faut arrêter de déplorer cette situation : elle doit changer, parce qu’elle n’est pas admissible. Je forme l’espoir, à la suite de la promulgation de la loi du 5 avril dernier, relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement, que cette instance nous permette enfin d’évaluer la politique menée par la France en la matière. Je salue l’action menée par Jean-Louis Bourlanges, dont la proposition de loi, cosignée alors par le groupe Les Républicains, a été adoptée à l’unanimité par notre Assemblée, tout simplement pour faire respecter les prérogatives du Parlement.

Sur le fond, malgré les outils mis en place, il demeure difficile d’évaluer convenablement l’action d’Expertise France, qu’il s’agisse de la qualité et de l’efficacité des projets ou des résultats, pour la France, en matière d’influence dans le monde.

Par ailleurs, et c’est un point capital, le COM ne tient pas compte de la périlleuse situation budgétaire dans laquelle se trouve notre pays. Le budget de l’APD pourrait connaître l’année prochaine une diminution de 18 %, d’après le tableau de synthèse des plafonds de dépenses qui a été transmis, chère collègue Eléonore Caroit, par le premier ministre que vous souteniez. Il est regrettable que vous n’ayez pas été mieux entendue. Dans le contexte budgétaire actuel et alors que l’on ne connaît pas les priorités du nouveau Gouvernement, on ne peut pas mesurer l’action d’Expertise France.

Le groupe Droite Républicaine votera la publication du rapport mais ne partage pas, pour les raisons que j’ai indiquées, son contenu.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. Je vous rejoins au sujet de la procédure. Il est très difficile de se prononcer sur un COM dont la temporalité est un peu en décalage par rapport au calendrier budgétaire. Nous indiquons dans le rapport, pour la publication duquel je vous invite tous à voter, que nous regrettons la transmission tardive du COM et la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Mme Marine Hamelet, rapporteure pour avis. Je partage la position de M. Herbillon et je m’interroge sur la pertinence de la procédure. Le Sénat n’a pas publié de rapport mais a émis un avis favorable ; nous présentons, quant à nous, un rapport portant une appréciation mais nous n’émettons pas formellement d’avis favorable ou défavorable. Pourquoi ? Cela me semble moins intelligible.

M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Je rejoins M. David en ajoutant peut-être une demande d’évaluation de la transformation des services de coopération en agence. On peut même généraliser la question à Campus France. Notre commission devrait se pencher sur les résultats : je ne suis pas sûr que le bénéfice ait été grand, du point de vue de la qualité du service rendu comme du point de vue budgétaire.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. Merci pour cette suggestion. L’évaluation des politiques publiques de développement fait partie des attributions de notre commission, qui pourrait, monsieur le président, si cela intéressait certains collègues, créer une mission d’information ou une mission flash. Cela me semblerait tout à fait pertinent.

Mme Marine Hamelet, rapporteure pour avis. Pourquoi pas une mission flash, en effet. Nous avons posé la question à M. Pellet : il nous a expliqué que cette évolution avait fait suite à une demande de M. Fabius – c’était encore à l’époque des socialistes – dans un souci d’efficacité.

M. François Hollande (SOC). Au tour du président du Conseil constitutionnel de se voir mis en cause à présent !

Mme Marine Hamelet, rapporteure pour avis. Il était le ministre chargé des affaires étrangères à l’époque. Toutes ces évolutions mériteraient en tout cas d’être contrôlées car on peut avoir des doutes.

M. Frédéric Petit (Dem). Merci, chères collègues, pour votre rapport sur un sujet qui, vous le savez, m’est cher. Je voudrais revenir, avant de poser ma question, sur plusieurs points.

Je crois, d’abord, que la réforme lancée par M. Fabius, alors ministre des affaires étrangères, a réussi, même s’il a fallu du temps. Au-delà de l’organisation budgétaire, dont nous parlons systématiquement, la réforme provient de cette vérité du XXIe siècle qui est que la France ne peut plus faire tout, toute seule, dans le monde. Nous avons besoin d’outils qui nous permettent de travailler avec d’autres, pas uniquement parce que cela coûte moins cher mais aussi parce que nous ne sommes plus au temps des colonies : nous devons travailler sur place avec les États concernés, avec des organisations non gouvernementales (ONG) et avec nos entreprises.

Je rappelle aussi, puisque nous avons beaucoup de nouveaux arrivants, quelques chiffres. L’APD – l’aide publique au développement – s’élève à 18 milliards d’euros. Le budget de l’État en la matière est de 4 milliards et sa contribution à Expertise France de 0,1 milliard.

En comparaison, l’Allemagne fait beaucoup plus mais il ne s’agit pas d’un budget d’État, géré par le Bundestag. Par ailleurs, des indicateurs relatifs aux entreprises françaises existent depuis 2021 ; je peux en parler car j’ai siégé avec Mme Caroit au conseil d’administration de l’AFD. Nous avons, en matière d’aide publique au développement, un indicateur de retour pour les entreprises françaises, qui évolue positivement.

Je suis souvent sur le terrain ; je me trouvais ainsi en Ukraine la semaine dernière. Expertise France y a participé à la réfection du théâtre de Tchernihiv, qui avait été bombardé. Il est bon que nous soyons là et cette présence sur le terrain signifie, je l’affirme, des bénéfices futurs pour notre pays.

Les COM sont aussi un sujet qui m’est très cher. Nous avons refusé sous la présidence de Marielle de Sarnez un COM qui nous avait été communiqué dans la dernière année de son application.

M. Michel Herbillon (DR). C’est bien ce qu’il faut faire en pareilles circonstances !

M. Frédéric Petit (Dem). J’appelle de mes vœux, je l’ai souvent dit, un travail de synchronisation, sur plusieurs années ou une législature, de tous les COM soumis à notre commission. Ce n’est pas très difficile – il suffit que les administrations comprennent de quoi il est question – et cela nous permettrait d’avoir, de facto, une espèce de programmation de toute l’activité de notre diplomatie d’influence.

À cet égard, je voudrais savoir, mesdames les rapporteures, si vous avez eu des échos du futur COM de l’AFD. J’ai vu qu’il existait une introduction commune. D’autres éléments sont-ils déjà harmonisés ?

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. Merci pour les précisions que vous avez apportées et vos remarques, que je partage, concernant l’impact de l’aide publique au développement.

Nous pourrions refuser purement et simplement ce COM qui nous a été transmis avec six mois de retard mais je pense qu’il vaut mieux adopter une attitude constructive en formulant des observations et des recommandations auxquelles nous pourrions peut-être ajouter – j’y serais personnellement assez favorable – votre suggestion d’un examen conjoint des COM. J’ai pour ma part souligné l’absence de vision d’ensemble, le manque de visibilité des priorités, noyées dans une liste assez longue.

Mme Marine Hamelet, rapporteure pour avis. Vous avez dit, M. Petit, que la France ne peut pas tout faire toute seule. Effectivement, mais elle a des ambassadeurs : il faudrait peut-être les associer davantage au choix des expertises à mener. Je rappelle, par ailleurs, que les moyens européens sont aussi français : la France y contribue.

M. Laurent Mazaury (LIOT). Mesdames les rapporteures, je tiens à vous féliciter pour la qualité de votre travail.

Si le projet de contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et Expertise France comporte des objectifs essentiels à la bonne mise en place de notre politique d’aide au développement, la question des moyens se pose de toute évidence, tout particulièrement dans une période budgétaire qui s’annonce plus contrainte que jamais. Comme vous le rappelez dans votre rapport, plus de 742 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement de la mission budgétaire Aide publique au développement ont déjà été annulés en début d’année au titre de 2024. Nous nous attendons, de plus, à une diminution de 18 % pour 2025 et il est probable qu’un nouveau « coup de rabot » sera rendu nécessaire par la situation financière du pays. Ces chiffres sont inquiétants : nous devrons rester vigilants dans les prochains mois car de nouvelles adaptations seront très certainement nécessaires.

Je vous rejoins également en ce qui concerne l’association du Parlement pour les questions liées à l’aide publique au développement. Les retards de transmission de documents ou l’absence de consultation du Parlement sur certains changements stratégiques sont regrettables. Il est fondamental d’impliquer davantage le Parlement dans nos politiques d’aide au développement. Cela permettra notamment, j’en suis convaincu, une meilleure accessibilité et une meilleure compréhension de ces sujets pour les citoyens, qui peuvent s’interroger sur les impacts réels et concrets de l’aide au développement.

Je tiens enfin à souligner la place fondamentale que doit avoir la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans nos objectifs d’aide publique au développement. La réduction des inégalités contribue, on le sait, au développement et à la stabilité des pays, ainsi qu’à une plus grande paix sociale. Le contexte actuel d’incertitudes budgétaires est d’autant plus inquiétant que les droits des femmes reculent sans cesse dans certains pays, comme on a pu le constater cet été en Afghanistan. Je profite également de cette intervention pour saluer le courage au quotidien des femmes iraniennes et plus globalement de toutes les femmes qui se battent chaque jour dans le monde pour leurs droits, voire pour leur survie.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. Je vous remercie d’avoir insisté sur la question de l’égalité entre les femmes et les hommes et l’importance des politiques de genre qui sont menées. La conduite d’une diplomatie féministe constitue un objectif, tant au niveau des différents postes que dans le cadre du choix des projets menés.

Par ailleurs, la question de l’égalité entre les femmes et les hommes est inscrite dans les objectifs assignés par le COM – dans la continuité du précédent – et est prise en compte dans les indicateurs qui permettent de mesurer l’impact des différentes politiques. Cet élément est l’une des priorités que j’ai évoquées dans mon propos liminaire ; c’est une bonne chose.

Mme Marine Hamelet, rapporteure pour avis. L’égalité entre les femmes et les hommes est l’une des priorités mais elle n’est pas la priorité absolue, notamment dans certains pays d’Afrique, laquelle représente 60 % de l’activité d’Expertise France. Si nous souhaitons parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes, nous devons définir des actions pertinentes : l’amélioration de la sécurité, sur internet, des femmes qui vivent dans des pays où il n’y a pas d’électricité n’en est pas une. Il est facile d’énoncer des évidences – nous sommes tous en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes – ; encore faut-il que les idées puissent être appliquées.

Par ailleurs, dans les pays où nous effectuons ces expertises, les propositions formulées doivent être pertinentes. En Afrique, il existe un très grand décalage à cet égard. Nous devons chercher à améliorer la situation tout en prenant en compte les particularités et les habitudes sans quoi nos propositions seront vouées à l’échec et ne seront jamais appliquées.

M. le président Jean-Noël Barrot. La sécurité des femmes sur internet ne concerne pas que les pays développés puisque des centaines de milliers – voire des millions – de femmes sont victimes d’infractions qui s’apparentent à la traite d’êtres humains, notamment le commerce en ligne d’images ou de vidéos pornographiques. Je ne suis pas un expert des missions d’Expertise France mais la politique de développement de la France doit contribuer à protéger les femmes concernées.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR).  Lorsque j’ai lu ce rapport, je me suis demandé ce que nous faisions là. Ce COM est celui du précédent gouvernement. Le président de la République a dissous l’Assemblée nationale. En réponse, la grande majorité du peuple français a disqualifié sa politique. Je m’étonne qu’aujourd’hui nous discutions des orientations politiques du président de la République et du précédent gouvernement. Compte tenu du résultat des élections, les rapporteures auraient pu proposer d’amender et d’adapter le COM, en modifiant les objectifs assignés à l’aide au développement. Par exemple, plutôt que de s’attacher à la manière dont celle-ci profite aux entreprises françaises, il conviendrait de s’intéresser à la manière dont elle profite aux peuples, en garantissant leur indépendance – y compris économique – et leur autonomie, et en assurant un accompagnement technologique et financier. Or vos propositions sont de nature bureaucratique.

En quoi nos orientations d’aide publique au développement vont-elles satisfaire les peuples ? Sont-elles différentes et meilleures que les suggestions des pays du groupe des BRICS+ – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, récemment élargi à l’Égypte, aux Émirats arabes unis, à l’Éthiopie et l’Iran –, que le travail réalisé par le Sud global, dans le domaine technologique par la Russie ou en matière d’aide financière par la Chine ? Certains pays proches de nous culturellement se détournent de la France – de l’Occident d’une manière générale – pour rejoindre des dispositifs alternatifs. Dès lors, le COM devrait présenter une analyse politique de la situation et proposer des solutions. Or tel n’est pas le cas. Donc sans m’y opposer – car je reconnais le travail accompli –, je ne voterai pas en faveur de la publication d’un rapport obsolète, qui ne correspond plus à la situation politique de notre pays.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. Nous avons longuement parlé de la procédure et de la transmission tardive de ce contrat d’objectifs et de moyens. Certains ont également évoqué la situation inédite dans laquelle nous nous trouvons. Je suis en désaccord avec vos propos sur un point : l’objectif principal du COM est le renforcement des institutions démocratiques des pays dans lesquels nous intervenons. Parmi les dix-huit objectifs assignés, le premier est la lutte contre les impacts du changement climatique ; le deuxième est l’égalité des genres ; le troisième est le renforcement des systèmes de santé et de protection sociale, et la lutte contre les pandémies. Je doute que vous soyez en désaccord avec ces objectifs.

Certes, il s’agit de la première réunion de la nouvelle législature et je conçois parfaitement que nous versions dans la politique nationale et que nous parlions de la situation dans laquelle nous nous trouvons. À l’Assemblée nationale, nous faisons en effet de la politique mais il est important de nous assurer que l’agence Expertise France ait les moyens nécessaires pour continuer à faire son travail et à mener une politique d’aide au développement ambitieuse, ce qui n’a pas toujours été le cas au cours des sept dernières années – ses moyens viennent néanmoins d’être augmentés. Je vous invite à rester très vigilants à l’association du Parlement à l’avenir dans le cadre de la mise en œuvre concrète et effective de ces orientations.

Mme Marine Hamelet, rapporteure pour avis. Je suis d’accord avec M. Lecoq, une fois n’est pas coutume. Il existe en effet un décalage entre le COM, qui ne tient pas compte de l’avertissement qui vient d’être donné à l’Exécutif à la suite des élections, et les orientations qu’on pourrait envisager.

Cela étant, je n’oppose pas l’intérêt des peuples sur place et celui des entreprises françaises, qui peuvent se rencontrer. C’est ce vers quoi il faut tendre. Pour le reste, ce n’est pas notre rapport qu’il faut critiquer, mais bien le COM entre l’Etat et Expertise France.

M. le président Jean-Noël Barrot. Nous en venons aux questions posées à titre individuel.

M. Michel Guiniot (RN).  À la lecture de votre rapport, j’ai été saisi par la distance que le Gouvernement semble établir avec la représentation nationale. À la page 19, vous déplorez « en matière d’aide au développement, une implication ou un respect insuffisants du Parlement de la part du Gouvernement », alors qu’il s’agit d’un élément hautement stratégique.

Madame la rapporteure Hamelet, en page 23, vous indiquez ne pas avoir réussi « à percevoir de réelle stratégie concernant les bénéfices apportés à la France, ses intérêts et son influence par l’activité d’Expertise France ». Je vous rejoins sur ce point. Je prendrai pour exemple le partenariat Edifis au Sahel : 150 millions d’euros ont été engagés jusqu'en 2023 pour promouvoir notamment des ateliers sur l’approche transformative du genre et une offre de santé sexuelle et reproductive dans des pays tels que le Burkina Faso, le Mali ou le Niger – trois pays, gouvernés par des islamistes, qui nous rejettent allègrement et condamnent les valeurs que nous défendons. Le projet vise pourtant à promouvoir l’égalité des sexes, l’accès des femmes à un travail décent et la réduction des inégalités dans une zone géographique où elles subissent l’islam, n’ont même pas le droit de sortir de chez elles sans un chaperon et vivent dans des conditions difficiles. Par quels moyens pourrait-on contrôler Expertise France afin de défendre des projets conformes à nos valeurs, promouvant l’égalité des femmes, garantissant leurs libertés et les prenant en considération ?

Mme Marine Hamelet, rapporteure pour avis. Je souscris à ces propos. S’agissant de la manière dont Expertise France pourrait agir, il conviendrait d’inclure davantage la société civile au lieu de toujours s’adresser aux gouvernants, ce qui permettrait d’obtenir des résultats concrets et, par conséquent, d’améliorer réellement l’image de la France.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. Votre question a permis d’illustrer les grandes divergences de conception qui existent entre nous s’agissant de l’importance que nous accordons à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la défense des minorités. Pour des rapporteurs appartenant à des groupes différents, conduire un travail en commun est un exercice difficile.

S’agissant de la manière de travailler, au-delà de l’aspect idéologique de la question posée par notre collègue, il est important d’associer « l’équipe France » et les entreprises françaises lorsque c’est pertinent, ainsi que la société civile, afin que le plus grand nombre possible d’acteurs soient associés aux interventions. Les objectifs doivent être plus clairs : il vaut mieux lancer plusieurs projets qui vont dans le même sens pour avoir un véritable impact plutôt que de multiples petits projets dont on peinera à obtenir l’évaluation.

M. Marc de Fleurian (RN). Le Conseil présidentiel du développement du mois de mai 2023 a fixé l’objectif d’« aider nos partenaires à lutter contre les réseaux d’immigration clandestine » que les rédacteurs d’Expretise France ont traduit par « rendre opérationnelle l’approche "triple gagnant" pour une migration au bénéfice du migrant, du pays d’origine, et du pays d’accueil ». Or ni les habitants de Calais, qui m’ont fait l’honneur de leur confiance et que j’ai pour mission de défendre ici, ni mes camarades centrafricains, tchadiens, ou nigériens aux côtés de qui j’ai servi n’ont jamais considéré que la migration pouvait être gagnante pour quiconque.

Sur le terrain, nous l’avons tous toujours vécu comme un facteur d’appauvrissement, un élément criminogène et un plongeon dans l’anomie sociale et culturelle pour les pays de départ et d’arrivée, comme pour les migrants, même réguliers, et ce de manière ontologique.

Faute contre la lettre, faute contre l’esprit, les rédacteurs indiquent lutter contre la migration illégale en promouvant la migration légale au moyen d’un syllogisme bancal. Ma question s’adresse à Mme Caroit et, plus généralement, à l’ensemble des députés du bloc présidentiel. Soutenez-vous l’orientation donnée par le président de la République au mois de mai 2023 et, en conséquence, demanderez-vous à Expertise France de revoir sa copie ?

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. J’aurais été très surprise que cette réunion s’achève sans que le Rassemblement national ne pose une question sur l’immigration, qui est un peu son obsession. Les objectifs fixés en 2023, énumérés dans le rapport, sont très clairs et traduisent les priorités en matière de développement.

Nous gagnerions à avoir une liste plus courte d’objectifs ciblés. Je suis convaincue que l’investissement dans l’aide publique au développement est vertueux, non seulement pour les populations que nous accompagnons et leur écosystème mais également pour la France et les Français.

M. Marc de Fleurian (RN). Ce n’est pas la question !

Mme Marine Hamelet, rapporteure pour avis.  Je ne partage pas l’avis de ma collègue. On ne peut nier le problème migratoire, qui n’est pas l’obsession du Rassemblement national. Il est au centre des préoccupations des Français et nombre d’entre eux craignent ce phénomène ; on l’a constaté lors des dernières élections.

M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). Des personnes nous écoutent ; si nous pouvons avoir des avis divergents, nous ne sommes pas obligés de raconter n’importe quoi. Au Sahel, ce ne sont pas des islamistes qui dirigent, qui ont pris le pouvoir par des coups d’État : ce sont des juntes militaires qui prétendent, par ailleurs, combattre les islamistes.

Vous avez un problème avec l’immigration de manière ontologique, ce qui est une manière plus polie de dire qu’il y a une incompatibilité entre les races. Mais alors, si l’on prend l’exemple du Sénégal où le nouveau pouvoir essaie de faire de grandes réformes économiques afin d’empêcher que les jeunes ne partent par milliers et ne meurent en mer, pourquoi Mme Le Pen a-t-elle fait des courbettes à Macky Sall, qui était en grande partie responsable de cette situation, plutôt que de soutenir les personnes qui sont arrivées au pouvoir ? Balayez devant votre porte et réfléchissez au lieu de raconter n’importe quoi ; c’est insupportable !

Mme Marine Hamelet, rapporteure pour avis.  Ces provocations ne méritent pas de réponse. Nous sommes réunis pour parler du COM, donc revenons sur le sujet.

M. Frédéric Petit (Dem). J’aimerais éviter un malentendu : Expertise France est un opérateur, ce n’est pas l’État. Ce n’est pas le Gouvernement qui a rédigé le COM. Deux parlementaires, des représentants des maires de France et des représentants de quatre ONG siègent au conseil d’administration d’Expertise France : il y a plus de représentants des ONG que de parlementaires. Cet organisme, qui ne relève ni de l’État ni du secteur privé, associe toutes les forces de la France. C’est la voix de la France, ce n’est pas celle du gouvernement français. Le Parlement doit intervenir car c’est lui qui représente la France.

Ici, tous les députés défendent les intérêts supérieurs et communs de la France ; ils représentent leurs électeurs mais ils ne les défendent pas.

M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). La liberté de parole est la règle à l’Assemblée nationale, néanmoins je rejoins les interventions précédentes. On ne peut laisser associer de manière ontologique immigration et criminalité. Il en va de la dignité de cette commission. Nos collègues doivent faire preuve d’une certaine réserve. Nous parlons au nom de la commission ; nous exprimons la voix de la France. Ce type de propos ne devrait pas être tenu dans notre Assemblée.

M. Pierre Cordier (DR). Je siège dans cette commission depuis sept ans. J’ai donc eu l’honneur d’être commissaire sous les présidences de Marielle de Sarnez et de Jean-Louis Bourlanges. Au nom du groupe Droite Républicaine, je souhaiterais que les débats se déroulent de la même manière qu’au cours des sept dernières années. Certaines personnes qui siègent dans cette commission depuis un certain temps pourront en témoigner : nous n’avons pas tous les mêmes convictions ni les mêmes idées mais nous nous sommes toujours respectés. Cela doit rester la règle. Même si nous sommes en désaccord, nous ne devons pas jouer au ping-pong les uns avec les autres. Je vous serais reconnaissant, monsieur le président, de garantir, au même titre que vos prédécesseurs, un climat serein et respectueux.

M. le président Jean-Noël Barrot. J’invite l’ensemble des membres de la commission à faire preuve de courtoisie, sinon de confraternité parlementaire.

Mme Clémentine Autain (EcoS). Je siège également depuis sept ans dans cette commission : rien ne s’est passé aujourd’hui qui ne s’y soit déjà passé. Il faut distinguer le débat et la confrontation politique, qui font partie de la démocratie et qui sont l’objet même des réunions de commissions à l’Assemblée nationale, de l’absence de respect que vous avez évoquée.

Dire qu’on n’est pas d’accord, qu’on est outré par des propos parfois contraires aux principes républicains ne me paraît pas être de nature à rompre avec la pratique en vigueur au sein de cette commission depuis sept ans. Au contraire, cela permet de la faire vivre, sinon il n'y a pas de démocratie.

M. Pierre Cordier (DR).  On ne vous a pas souvent vue en commission en sept ans !

Mme Clémentine Autain (EcoS). Comparons les taux de présence, monsieur !

Faire taire les dissensus politiques en arguant du fait que le rapport est technique – et non politique – et émane d’une instance au sein de laquelle siègent toutes les ONG revient à tuer le sens même de cette commission et de la représentation nationale. Donc, faisons de la politique calmement, sereinement, mais en exprimant nos désaccords. C’est cela la démocratie.

M. le président Jean-Noël Barrot. Tous ceux qui ont souhaité s’exprimer ayant pris la parole, j’invite à présent la commission à voter sur la publication du rapport d’information évaluant et, à ce titre, valant avis sur le COM entre l’État et Expertise France pour la période 2024-2026. Je précise qu’au Sénat, aucun rapport n’a été publié, le COM ayant seulement fait l’objet d’un vote favorable. Pour enrichir le travail de nos rapporteures et afin d’expliciter la diversité des positions, les groupes politiques pourront faire annexer une contribution de deux pages explicitant leur appréciation sur ce COM.

Conformément à l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale, à l’issue des échanges, la commission autorise la publication du rapport d’information qui lui a été présenté.

 

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Informations relatives à la commission

En ouverture de sa réunion, la commission désigne :

-          Mme Eléonore Caroit et Mme Marine Hamelet, rapporteures pour avis sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens 2024-2026 entre l’État et Expertise France.

Lors de sa réunion, la commission désigne également les rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2025 ci-après :

– Action extérieure de l’État (Action de la France en Europe et dans le monde – Français de l’étranger et affaires consulaires) :......M. Nicolas Forissier

– Action extérieure de l’État (Diplomatie culturelle
et d’influence – Francophonie) :........................M. Frédéric Petit

– Aide publique au développement : ..................M. Guillaume Bigot

– Défense :......................................M. Laurent Mazaury

– Écologie, développement et mobilité durables :.....Mme Dominique Voynet

– Économie (Commerce extérieur et diplomatie économique) :...............
........................................M. Jean-François Portarrieu

– Immigration, asile et intégration :..................M. Benjamin Haddad

– Avances à l’audiovisuel public (Audiovisuel extérieur) :......M. Alain David

– Prélèvement européen :............................M. Arnaud Le Gall

 

La séance est levée à 10 h 50.

 

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Clémentine Autain, M. Jean-Noël Barrot, M. Guillaume Bigot, M. Jérôme Buisson, M. Pierre-Yves Cadalen, Mme Éléonore Caroit, M. Sébastien Chenu, Mme Sophia Chikirou, M. Éric Ciotti, M. Pierre Cordier, M. Alain David, Mme Dieynaba Diop, M. Marc de Fleurian, M. Perceval Gaillard, M. Julien Gokel, Mme Pascale Got, M. Michel Guiniot, M. Stéphane Hablot, Mme Marine Hamelet, M. Michel Herbillon, M. François Hollande, Mme Sylvie Josserand, M. Arnaud Le Gall, M. Jean-Paul Lecoq, M. Laurent Mazaury, Mme Nathalie Oziol, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Mathilde Panot, M. Frédéric Petit, Mme Maud Petit, M. Pierre Pribetich, M. Jean-Louis Roumégas, M. Aurélien Taché, Mme Dominique Voynet, Mme Estelle Youssouffa

 

Excusés. - Mme Nadège Abomangoli, Mme Élisabeth Borne, M. Bertrand Bouyx, Mme Julie Delpech, M. Olivier Faure, M. Benjamin Haddad, Mme Brigitte Klinkert, Mme Amélia Lakrafi, Mme Marine Le Pen, M. Laurent Marcangeli, Mme Alexandra Masson, M. Stéphane Rambaud, M. Davy Rimane, Mme Laurence Robert-Dehault, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy, M. Laurent Wauquiez