Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

 

 

– Audition, ouverte à la presse, de M. Luc Rémont, président-directeur général du groupe Electricité de France (EDF) 2

 


Mercredi
25 septembre 2024

Séance de 9 heures 00

Compte rendu n° 5

session 2023-2024

Présidence
de M. Alain David,
Vice-président


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La commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Luc Rémont, président-directeur général du groupe Electricité de France (EDF).

La séance est ouverte à 9 h 00.

Présidence de M. Alain David, vice-président.

M. Alain David, président. Mes chers collègues, nous débutons notre réunion après avoir excusé notre président, retenu par ses nouvelles fonctions. Nous avons le plaisir de recevoir M. Luc Rémont, président-directeur général (PDG) du groupe Électricité de France (EDF). Monsieur Rémont, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d’avoir accepté de venir vous exprimer devant nous en dépit d’un agenda chargé.

Notre commission, en écho de nos concitoyens, est particulièrement préoccupée par les enjeux et les impératifs de la transition écologique et énergétique, l’une allant de pair avec l’autre, dans un environnement mondial par définition interdépendant. Notre commission suit également attentivement les Conférences des parties (COP) sur les changements climatiques qui, depuis celle de Paris en 2015, unanimement saluée comme une réussite, ont suscité autant d’interrogations que d’espoirs pour l’avenir en matière de climat. Dans ce contexte, il était logique et naturel de recueillir la vision du principal opérateur français, pour ne pas dire européen, d’énergie décarbonée. Vous entendre relève de l’évidence, compte tenu de la place éminente qu’occupe le groupe EDF dans les mutations de notre société et de nos économies vers des énergies non fossiles.

Votre carrière est tout à la fois brillante et variée. Ingénieur diplômé de Polytechnique et de l’École nationale supérieure des techniques avancées, vous avez servi l’État au sein de la délégation générale de l’armement et de la direction générale du Trésor. Vous avez été directeur-adjoint du ministre des finances de 2002 à 2007, avant de travailler pour une grande banque internationale, puis de rejoindre Schneider Electric en 2014. Entre 2015 et 2018, vous avez présidé le Gimélec, organisation professionnelle qui fédère les 230 entreprises concevant et déployant les technologies électriques et numériques pour un pilotage optimisé des énergies dans les bâtiments, les industries et les infrastructures.

Depuis le 23 novembre 2022, vous êtes le PDG du groupe EDF. Nous sommes nombreux, dans cette commission comme dans cette Assemblée, à nous féliciter qu’EDF soit l’un des fleurons de l’appareil productif national, quelles que soient nos divergences politiques. Le groupe EDF, qui emploie quelque 170 000 collaborateurs dans une trentaine de pays, est le premier producteur mondial d’électricité neutre en CO2 grâce à un mix composé de 76 % de production d’énergie nucléaire et près de 14 % d’énergies renouvelables. EDF est aussi le premier producteur d’hydroélectricité en Europe et l’un des leaders mondiaux dans l’éolien et le solaire.

En 2022, le groupe était l’un des premiers investisseurs en Europe en faveur de la transition énergétique, avec 16,4 milliards d’euros engagés à cet effet. Compte tenu de vos éminentes fonctions, vous devez préparer l’avenir de votre groupe, qui se trouve notamment confronté au défi du renouvellement de ses centrales. La mise en service du réacteur de nouvelle génération dit « EPR », intervenue l’été dernier à Flamanville, a révélé l’ampleur des défis que posent les nouvelles technologies pour toute la filière. Néanmoins, le groupe EDF est l’un des rares opérateurs à avoir franchi ce cap, puisque, sur les quatre EPR en fonctionnement dans le monde aujourd’hui, EDF a participé à la conception et la mise en service de trois d’entre eux, à Taishan et à Flamanville, en attendant l’achèvement du chantier de Hinkley Point au Royaume-Uni.

À n’en pas douter, vous avez très certainement préparé une stratégie et développé une réflexion approfondie sur tous ces grands enjeux structurants. Il nous a donc paru utile pour le débat public que vous nous en fassiez partager les tenants et les aboutissants.

M. Luc Rémont, président-directeur général du groupe Électricité de France. Je suis très heureux d’être parmi vous pour évoquer des sujets qui sont fondamentaux pour EDF et qui sont au cœur des questions de décarbonation aux échelles nationale, européenne et internationale. C’est bien à ces trois échelles que le groupe EDF entend apporter sa contribution à la décarbonation. Dans le monde énergétique, EDF se distingue : il est l’entreprise d’électricité la plus décarbonée au monde. Aujourd’hui, nous produisons une électricité qui, en moyenne, représente un peu plus 30 grammes de CO2 par kilowattheure produit, contre 251 grammes pour la moyenne européenne et 451 grammes pour la moyenne mondiale.

Grâce à nos savoir-faire, notre histoire et nos technologies, nous savons déployer un système électrique complet qui fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre et qui est capable de fournir une électricité pratiquement totalement décarbonée. Nous allons continuer notre chemin vers la décarbonation, puisque nous avons pour objectif d’atteindre 22 grammes de CO2 par kilowattheure produit pour l’ensemble du groupe à l’horizon 2035. Il s’agit là d’un des piliers de notre ambition et de notre stratégie, qui se fonde sur la poursuite du déploiement de l’ensemble des technologies dont nous avons la maîtrise mais également sur la recherche de technologies nouvelles, par exemple dans le domaine du stockage de l’électricité.

Nous poursuivons également une mission fondamentale : nous avons l’ambition de servir nos clients, nos concitoyens quand ils en ont besoin, c’est-à-dire vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais également notre industrie. Pour réussir ce défi, il nous faut pouvoir déployer nos savoir-faire acquis depuis des décennies avec le plus grand impact possible en faveur de la décarbonation en France, en Europe et dans le monde.

La priorité consiste à déployer nos ressources sur le territoire national et à l’international, en matière de décarbonation. Notre pays bénéficie d’une certaine taille économique, d’un certain savoir-faire, mais nous n’aurions pas la possibilité de faire réussir nos filières industrielles si notre ambition se limitait à réussir la maille nationale. Par exemple, nous n’investissons plus en constructions neuves en hydroélectricité depuis une quarantaine d’années. Heureusement, nous disposons d’une stratégie à l’international depuis quarante ans, qui a permis d’entretenir et de développer les compétences établies dans les années 1950 et 1960. Nous avons ainsi conçu avec des partenaires des projets au Laos, au Cameroun – et ailleurs demain – pour nous permettre de continuer à jouer un rôle dans le domaine de l’hydroélectricité.

Dans le domaine nucléaire, même si nous opérons cinquante-sept réacteurs sur le territoire national, nous n’avons construit qu’un seul réacteur depuis vingt ans, là où nos anciens construisaient cinq réacteurs par an. Pendant cette période, nous avons heureusement pu intervenir à Taishan, à Olkiluoto et à Hinkley Point, ce qui nous a permis de maintenir notre expertise.

En résumé, cette stratégie internationale a pour objet de nous maintenir au meilleur niveau de performance au bénéfice de nos concitoyens sur le terrain national et, pour ce faire, de pouvoir déployer nos technologies et nos savoir-faire dans des proportions soutenables, financièrement et humainement, dans d’autres géographies.

Cette stratégie est naturellement déployée en cercles concentriques ; nous n’adoptons pas la même stratégie en Europe que dans le grand international. En Europe, nous sommes opérateurs électriques dans quatre pays : la France le Royaume-Uni, l’Italie et la Belgique. Il s’agit des seuls territoires dans lesquels nous sommes à la fois présents dans plusieurs technologies de production électrique mais également dans la commercialisation d’électricité. Cette diversité nous est précieuse, dans la mesure où ces pays connaissent des dynamiques différentes en matière de systèmes électriques et de mix énergétiques. À titre d’exemple, au Royaume-Uni, nous pouvons tester des technologies de stockage qui sont davantage nécessaires et plus utiles sur le plan économique dans ce pays aujourd’hui mais qui seront utiles demain sur le continent.

Au-delà, nous avons fondamentalement deux métiers. Il s’agit d’abord d’un métier de développeur de projets de technologie électrique décarboné : nous travaillons avec des partenaires financiers et industriels depuis l’origine d’un projet jusqu’à sa mise en service et à ses opérations, dans une trentaine de pays dans le monde. Nous nous y engageons financièrement mais nous voulons le faire de manière limitée pour nous concentrer sur notre rôle de leader. Ainsi, notre quote-part d’investissement à l’international est finalement plus faible que celle existant sur le territoire national, proportionnellement aux gigawatts que nous développons. En revanche, nous conservons un rôle de leader sur le plan opérationnel et technique, où nous voulons vraiment valoriser notre savoir-faire, notamment dans les technologies renouvelables.

Le deuxième métier que nous déployons à l’échelle mondiale est celui d’industriel du nucléaire. Au sein du groupe EDF, se trouvent désormais Framatome et Arabelle, qui sont fondamentalement les deux systémiers essentiels d’une centrale nucléaire, puisque Framatome s’occupe de l’ensemble de l’îlot nucléaire et Arabelle de la turbine qui transforme la vapeur en électricité. Notre rôle d’industriel nous donne vocation à réaliser des services, voire des centrales complètes, au profit d’autres clients en Europe mais également à l’international.

Telle est notre stratégie, qui nous permet de nous concentrer sur une mission assez simple : à partir de nos savoir-faire, il s’agit de maximiser l’impact de décarbonation que nous pouvons engendrer chez tous nos clients. Cette mission est passionnante pour l’ensemble de nos salariés. Elle les motive fortement depuis toujours mais prend évidemment une couleur tout à fait particulière à l’heure où nous sommes en phase d’accélération des phénomènes de changement climatique. Nous croyons que l’électricité décarbonée représente le véhicule le plus compétitif et le plus rationnel pour réussir cette obligation de décarbonation de nos économies, de façon compétitive.

M. Alain David, président. Je vous remercie pour ce propos liminaire et cède la parole aux orateurs de groupe.

M. Julien Gokel (SOC). Comme vous le savez, le développement de notre parc nucléaire, en particulier avec les EPR2 comme celui prévu à Gravelines, près de Dunkerque, nécessitera un investissement public massif. Il impliquera nécessairement des discussions avec la Commission européenne. J’en prends pour exemple le récent démantèlement de Fret SNCF imposé par le Gouvernement sous la pression d’une enquête de la Commission européenne sur les aides publiques. EDF pourrait à ce titre être confrontée à ce type de risque.

La proposition de loi portée par Philippe Brun, notre collègue député, adoptée au printemps dernier, a acté la détention à 100 % du capital d’EDF par l’État, nous permettant ainsi d’écarter le projet Hercule qui envisageait le démembrement et la privatisation de certaines activités stratégiques rentables. Pouvez-vous nous assurer qu’aucun scénario de démantèlement n’est à l’étude et nous expliquer comment se déroule votre dialogue avec l’État et Bruxelles sur ce sujet des aides publiques ?

S’agissant du marché européen de l’électricité et du dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), je n’insisterai pas sur le fait qu’aucune entreprise ne peut prospérer en étant contrainte de vendre les deux-tiers de sa production à ses concurrents, à prix coûtant. Mis en place en 2010 sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, l’ARENH a vraisemblablement coûté des milliards d’euros à EDF et arrive à échéance en 2025. Dans ce cadre, nous avons besoin de connaître votre vision pour la fixation des tarifs pour 2025 et après, car nous estimons que nos concitoyens et nos collectivités doivent être protégés des fluctuations du marché, et qu’une électricité à bas coût est également cruciale pour la compétitivité de notre industrie.

Je pense par exemple à l’entreprise Verkor, qui a choisi d’installer une gigafactory de batteries électriques bas carbone dans ma circonscription de Dunkerque. Selon vous, un tarif autour de 60 euros par mégawattheure (MWh) avec un contrat de long terme est-il envisageable et acceptable au niveau européen pour soutenir nos entreprises engagées dans la transition énergétique ?

Enfin, je souhaiterais vous interroger sur l’approvisionnement en uranium dans certains pays instables comme le Niger, où un coup d’État a eu lieu en juillet 2023, ainsi que dans d’autres pays fournisseurs peu respectueux des droits des travailleurs et des droits humains. Quel est le niveau de dépendance de l’entreprise EDF avec ces pays ? Comment peut-elle diversifier ses sources d’approvisionnement ou, à défaut, mettre en place des mécanismes de contrôle et d’audit pour s’assurer du respect des normes internationales en matière de droits humains ?

M. Luc Rémont. Tout d’abord, il n’existe absolument aucun projet de démantèlement d’EDF en cours d’étude. Nous travaillons évidemment avec les pouvoirs publics au financement des futurs EPR. Depuis vingt ans, tout type d’infrastructures de production électrique, à l’exception notable de Flamanville, a fait l’objet de dispositifs d’aide, quelle que soit la technologie. En effet, dans la mesure où l’énergie électrique se situe dans un marché qui fluctue, les incertitudes sont trop nombreuses pour les investisseurs, quels qu’ils soient, pour pouvoir prendre des engagements de retour sur investissement à vingt-cinq ans dans le renouvelable, dans le nucléaire ou dans le thermique, sans disposer d’une forme de protection, de garantie.

La Commission européenne l’admet aujourd’hui, après de longues années d’efforts pour éviter des biais technologiques dans la législation communautaire, laquelle a connu une véritable avancée en 2023. De la même manière, des projets nucléaires se sont développés dans d’autres pays, avec des aides. C’est sur la base de cette jurisprudence que nous allons nous focaliser pour finaliser le montage financier du projet des EPR. À ce titre, j’ai bon espoir que nous puissions aboutir avec l’État d’ici la fin d’année et qu’en début d’année prochaine, nous soyons en mesure de discuter avec la Commission européenne, encore une fois dans un cadre qui est maintenant établi, dans le cadre communautaire. Nous serons évidemment conduits à donner des garanties pour éviter que l’aide qui sera donnée à ce projet ne bénéficie à d’autres activités d’EDF et ne constitue un motif de démantèlement du groupe. Ce sujet est assez lourd sur les plans technique, financier et budgétaire pour la puissance publique, mais j’estime que nous sommes bien engagés sur les principes.

S’agissant du marché de l’électricité et du poste ARENH, je vous remercie de souligner qu’il est difficile pour une entreprise d’envisager son avenir en vendant deux-tiers de sa production en dessous de ses coûts. Depuis 2012, le prix de l’ARENH est resté stable, à 42 euros par MWh. Ce modèle n’est évidemment pas souhaitable et le serait encore moins si notre activité était taxée. De notre point de vue, il est essentiel de sortir de ce régime pour accéder à un régime à la fois soutenable pour le pays et qui offre de la visibilité à EDF, puisque seule cette dernière permet d’investir.

Nous avons trouvé l’année dernière un accord en ce sens avec le Gouvernement, en poussant notre marché électrique vers le long terme et en commercialisant dès maintenant de l’électricité pour les années 2026 à 2029, dans des zones de prix proches de celles que vous avez mentionnées, c’est-à-dire environ la moitié du prix de crise que nous connaissions il y a dix-huit mois. Ces prix permettent aux entreprises de faire des choix raisonnés de décarbonation, sur la base d’une visibilité réelle de contrats, qui nous engagent à leur fournir de l’électricité sur un horizon de moyen terme. En outre, nous proposons des dispositions encore un peu plus spéciales pour les entreprises qui souhaitent s’engager à plus long terme.

Nous avons conclu l’année dernière un accord au cas où nous serions confrontés à nouveau à une crise, l’État étant le seul actionnaire d’EDF. Si jamais, par accident, nous venions à réaliser des revenus trop élevés et à être trop profitables, l’État pourrait protéger le consommateur, au-delà des niveaux de prix dans lesquels nous aurions déjà réalisé les investissements nécessaires. Si les prix de marché dépassaient le seuil de 78 euros par MWh, nous restituerions 50 % des revenus du nucléaire existant, pour permettre à l’État d’amortir un effet de choc sur les prix issus du marché. Aujourd’hui, l’Europe est revenue à une situation d’équilibre énergétique bien meilleure et a su digérer la crise du gaz russe.

S’agissant de la France, nous sommes à nouveau très nettement exportateurs d’électricité, structurellement. En conséquence, la probabilité que nous atteignions ces prix est à mes yeux extrêmement faible et nous devrions disposer d’une électricité abondante et compétitive pour les années à venir, ce qui doit permettre à nos concitoyens, notamment aux entreprises, d’opérer des choix raisonnés de décarbonation.

Ensuite, nous veillons scrupuleusement à disposer d’une très grande diversité de sources et de mener une politique de stocks qui nous permette de ne pas subir d’aléas. Vous avez cité un pays qui a effectivement fermé ses frontières. Nous nous adaptons à cette situation mais notre diversification des sources, nos stocks et notre politique de recyclage nous permettent de ne pas dépendre d’un seul pays.

Mme Dominique Voynet (EcoS). Depuis sa création, la mission d’EDF consiste à fournir une électricité bon marché aux Français. Cette mission s’est traduite, pendant des décennies, par un choix : celui du nucléaire, qui n’est pas le nôtre. Les prix relativement bas de l’électricité en France ont contribué à l’acceptabilité sociale de cette politique. Nous savons que ce prix du kilowattheure a toujours été un prix politique, une partie des coûts de la filière en aval n’y étant pas intégrée.

Cependant, le tarif réglementé a sans cesse augmenté entre 2018 et 2022, de l’ordre de 38 %. Tandis que les Français payent toujours plus cher leur électricité et qu’EDF souffre d’une dette colossale de 64 milliards d’euros, le groupe s’enlise dans des projets à l’international : EDF compte ainsi dépenser 5 milliards d’euros par an dans des projets à l’étranger, soit un cinquième de ses investissements, alors que la mise en service de l’EPR d’Hinkley Point accusera au moins quatre ans de retard, avec un coût qui, lui aussi, explose pour atteindre entre 38 et 42 milliards d’euros, à l’image de son jumeau de Flamanville.

Ces choix posent question. Malgré ses échecs, un autre EPR est prévu à Sizewell au Royaume-Uni, et peut-être six autres à Jaitapur en Inde. Aucun d’entre eux n’est achevé pour le moment. Alors qu’il est impératif de prendre le virage écologique et donc de financer la transition énergétique en France et ailleurs, pourquoi se lancer dans ces projets incertains ? Cette fuite en avant à l’international n’est-elle pas dangereuse pour les finances du groupe à long terme ?

La guerre fait rage en Ukraine. Il y a une exception aux sanctions contre la Russie : Rosatom. Nous en dépendons pour la fourniture d’uranium enrichi et pour le retraitement de nos déchets nucléaires. Cet exemple constitue le symbole de notre dépendance envers une puissance atomique qui a des intérêts contraires aux nôtres. Dans ce contexte, les prix de l’uranium augmentent toujours plus pour atteindre le plus haut tarif depuis 2007. Or une augmentation du nombre d’EPR signifie une croissance des besoins en uranium. Vous vous y préparez en partie avec l’extension des capacités de l’usine Georges Besse II. Mais pourquoi continuer à dépendre de la Russie et à la financer ?

EDF investit également dans l’hydraulique, parfois au mépris des règles environnementales. Tel est le cas du barrage de Sinop au Brésil, tant au niveau de la protection de la faune aquatique que de la négligence sur la prévention d’incendies qui se sont multipliés dans la forêt de la zone depuis 2018.

Un autre projet contesté est celui d’un barrage en plein désert saoudien, supposé alimenter une ville nouvelle, Neom, comprenant notamment une piste de ski. Sa construction devrait dégager 1,8 million de tonnes de CO2. On ne sait guère d’où l’eau destinée à ce projet sera acheminée. Que proposez-vous pour garantir qu’EDF ne financera pas des désastres écologiques dans le futur ? Les questions éthiques et écologiques devraient faire partie intégrante de votre processus décisionnel, notamment pour les contrats à l’international. La crédibilité de la politique écologique de la France au niveau international en dépend.

M. Luc Rémont. Madame la ministre, je tiens d’abord à rappeler l’engagement de décarbonation du groupe EDF, qui m’est cher depuis longtemps, depuis que j’ai eu l’occasion, il y a quelques années, d’être à vos côtés lors de la signature du protocole de Kyoto.

Vous avez évoqué le nucléaire. La responsabilité du groupe EDF consiste à faire réussir les technologies dont nous sommes dépositaires, au bénéfice de la décarbonation. En effet, aucun système électrique ne peut fonctionner sur une base intermittente. Il nous faut disposer d’un équilibre entre des moyens de production commandables et décarbonés et des moyens intermittents et décarbonés, donc renouvelables pour l’essentiel. Le seul renouvelable non intermittent et décarboné est l’hydroélectricité.

Notre rôle consiste à travailler pour que l’ensemble de ces technologies puissent offrir un système électrique résilient. Le nucléaire y a sa place et je souligne que dix-huit États membres de l’Union européenne ont rejoint une alliance du nucléaire. Dans ce cadre, nous apportons le savoir-faire : un savoir-faire européen. Aujourd’hui, nous sommes la seule entreprise à développer, construire et opérer des centrales nucléaires en toute sûreté depuis longtemps, avec une technologie européenne.

Dans le cas d’Hinkley Point, le prix de l’électricité est garanti par le Royaume-Uni, ce qui n’est pas le cas à Flamanville, par exemple. À Sizewell, nous serons au mieux un investisseur minoritaire. D’autres projets, comme celui de Jaitapur, sont en cours de discussion depuis un certain temps. Nous y interviendrons simplement en tant qu’industriels, sans prise de risque d’investissement.

Ensuite, nous ne dépendons en rien de la Russie et nous respectons strictement le régime des sanctions. Il reste quelques sujets très ponctuels, pour lesquels nous continuons d’exécuter des choses antérieures à la crise et qui sont parfaitement compatibles avec le régime des sanctions.

S’agissant des projets que vous avez cités, je souhaite rappeler de la façon la plus claire l’engagement du groupe EDF à respecter toutes les règles nationales et internationales en matière de vigilance et de droits humains. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les institutions internationales qui, la plupart du temps, sont engagées dans ces projets, veulent que des acteurs comme nous soient présents.

Enfin, j’entends ce que vous dites sur l’Arabie saoudite. Il se trouve que j’ai conduit des opérations internationales dans le domaine de l’électricité pendant de nombreuses années et que j’ai eu l’occasion de recruter des jeunes ingénieurs, des jeunes techniciens dans une soixantaine de géographies émergentes. Or c’est en Arabie saoudite que j’ai trouvé le plus grand nombre de jeunes femmes ingénieures prêtes à s’engager pour la décarbonation. Soit nous nous engageons à risque bien compris, limité et dans le respect de nos valeurs et nous leur donnons une chance de développer leur pays dans le sens nécessaire, soit nous ne le faisons pas et nous manquons à notre mission. Tel est le sens de notre présence sur le projet que vous avez cité, qui sera conduit par EDF dans le strict respect de nos valeurs et des règles, notamment des droits humains.

M. Frédéric Petit (Dem). Vous avez parlé d’équilibre énergétique et de la fourniture d’électricité vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Depuis la séparation entre le métier des réseaux et le métier de producteur, comment se situe EDF quant à la réforme, à mon avis nécessaire, du réseau européen ?

Ensuite, vous menez plusieurs projets de développement commercial à l’Est de l’Europe, en Pologne ou en République tchèque. Envisagez-vous d’intervenir en Ukraine et dans les Balkans ? Je rappelle à ce titre que l’Albanie présente une énergie verte à 98 %.

M. Luc Rémont. Des transformations assez fondamentales de l’organisation du système électrique ont effectivement eu lieu, entraînant une séparation fonctionnelle entre activités de réseau et activités de production. Les activités de réseau sont conduites en autonomie de gestion au sein d’EDF mais j’estime que notre groupe doit exprimer sa vision du système électrique, chacun prenant ensuite ses responsabilités, qu’il s’agisse des pouvoirs publics, des régulateurs et, évidemment, des gestionnaires de réseau.

Nous entrons dans une phase dans laquelle le succès de la décarbonation dépendra au premier chef de l’accélération de l’usage de l’électricité en Europe. Nous avons investi sur des moyens de production électrique lors des deux dernières décennies. Le niveau de consommation électrique est resté stable ; il s’établit aujourd’hui en France au même niveau qu’en 2005. Un certain nombre de nouveaux usages d’électricité émergent mais ne se traduisent pas par un enlèvement massif de la production d’électricité. Cependant, selon nos prévisions, la demande électrique devrait augmenter, ce qui constituerait la traduction concrète de la réussite de la décarbonation. C’est la raison pour laquelle le premier pilier du projet d’entreprise vise à faire réussir une conversion à l’électricité de 150 térawattheures, par exemple, soit une augmentation d’un tiers de la consommation nationale.

Les réseaux vont devoir assimiler cette hausse espérée de la demande mais également une plus grande intermittence. Le réseau national devra pouvoir s’adapter à tout instant à une instabilité à la fois européenne et locale. Notre enjeu consiste donc à créer des réseaux de distribution et de transport qui permettent d’être résilients face à ce phénomène. Cela repose notamment sur des interconnexions. Pour autant, elles ne suffisent pas. Dans ce contexte, la réponse repose sur le choix avisé d’un certain nombre d’investissements pour éviter les goulots d’étranglement électriques et offrir davantage de flexibilité, à la fois pour le consommateur, le producteur et les réseaux.

Enfin, nous menons des projets en Europe centrale et de l’Est – essentiellement des projets industriels – lorsque des pays souhaitent relancer leur capacité de production nucléaire. Nous y menons également, mais dans une moindre proportion, quelques projets sur les énergies renouvelables.

Mme Laetitia Saint-Paul (HOR). Je tiens à vous rappeler ma fierté que votre groupe soit français et ma reconnaissance envers la centrale de Chinon, située dans un département riverain du mien. Ses équipes ont été très présentes auprès des entreprises et des élus locaux, pour les aider à traverser la crise énergétique.

Vous avez rappelé les enjeux d’autonomie énergétique, de compétitivité et de décarbonation et avez insisté sur la visibilité associée. À ce titre, j’ai été saisie par les producteurs de méthanisation en cogénération. Ils m’indiquent que leurs tarifs de rachat par EDF, largement subventionnés par l’État, ne leur permettent pas d’être compétitifs au regard de leurs coûts. D’autre part, ils ne peuvent pas sortir sans pénalité des contrats BG 11 et BG 16 qui les lient à EDF. Pouvez-vous me donner une réponse précise à ce sujet ? Quel est votre regard sur ces nouveaux acteurs, qui n’ont pas autant de poids que d’autres ?

M. Luc Rémont. Je vous remercie pour votre message à l’égard de nos collègues de Chinon.

S’agissant de votre question, par définition, EDF ne fixe pas les tarifs de rachat, qui relèvent de la prérogative de la puissance publique. Cependant, je suis certain que le nouveau Gouvernement s’attachera à ces différents sujets. Aujourd’hui, sur le court terme, le prix de l’électricité est tout à fait compétitif : nous sommes revenus à des prix qui sont les meilleurs en Europe. Il s’agit désormais de les stabiliser sur le long terme. Dans ce contexte, l’État devra également adapter sa stratégie sur les tarifs de rachat d’un certain nombre de moyens de production, selon que nous exportons ou que la demande est bien supérieure à l’offre.

Mais je ne peux vous répondre extrêmement précisément sur la question des méthaniseurs, dans la mesure où, encore une fois, EDF ne fixe pas les tarifs.

Mme Laetitia Saint-Paul (HOR). Je comprends que les subventions de l’État soient du ressort du Gouvernement. En revanche, les pénalités de sortie des contrats pour ceux qui souhaitent basculer vers le gaz sont bien de votre ressort. Serait-il possible de revoir ces pénalités ?

M. Luc Rémont. Je ne peux pas vous répondre immédiatement à ce sujet. Je regarderai et vous apporterai une réponse ultérieurement.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Mayotte, que je représente ici, connaît de nombreux défis, dont celui de sa production électrique. Nos infrastructures peinent à suivre la croissance démographique. Sur notre île, la consommation augmente de 5 % par an et nous subissons régulièrement des coupures d’électricité massives, faute de production suffisante ou à cause de problèmes techniques récurrents. Les investissements structurels ne nous semblent pas suffisants pour augmenter la capacité électrique à hauteur de nos besoins. Pouvez-vous nous dire, par exemple, si Mayotte a la capacité énergétique de nourrir la très gourmande usine de dessalement actuellement en projet ?

Mon autre question concerne la privatisation de la société d’Électricité de Mayotte (EDM). J’ai obtenu dans la loi visant à protéger EDF d’un démembrement que soit réalisé un rapport sur l’opportunité de nationaliser la société EDM, société privée dont EDF est actionnaire en compagnie d’un fonds d’investissement suisse. Une convention d’assistance et d’accompagnement lie EDF et EDM au directoire et dans l’encadrement. Ce sont ainsi des agents EDF détachés qui pilotent les opérations à Mayotte, alors que le personnel mahorais bénéficie d’un statut local sous contrat EDM, statut qui les prive des droits et avantages réservés aux agents EDF avec lesquels ils travaillent. Cette inégalité nourrit à juste titre de fortes tensions sociales dans l’entreprise. Il nous semble que la nationalisation d’EDM permettrait d’aligner les droits des électriciens de Mayotte sur ceux de l’Hexagone.

Alors que le pays a fait le choix de renationaliser EDF et de réaffirmer notre souveraineté énergétique, pourquoi le département de Mayotte est-il maintenu à part ? Pourquoi notre électricité reste-t-elle gérée par une compagnie privée ? Quelle est votre position, sur la nationalisation d’EDM ?

Ensuite, comment justifiez-vous qu’EDM facture aux familles mahoraises 1 400 euros pour la pose d’un compteur ou pour un branchement au réseau souterrain, alors que ce même réseau est quasi inexistant sur notre île et que 70 % de notre population vit sous le seuil de pauvreté ?

Je veux vous rappeler ici que, selon la loi, le service public de l’électricité a pour objet de garantir, dans le respect de l’intérêt général, l’approvisionnement en électricité sur l’ensemble du territoire national, matérialisant le droit de tous à l’électricité, produit de première nécessité. Le service public de l’électricité est géré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de prix et d’efficacité économique, sociale et énergétique. Au nom de quoi les habitants de Mayotte, vos compatriotes, sont-ils privés de ce droit au service public de l’électricité ?

M. Luc Rémont. Je n’ai pas à exprimer de position sur la nationalisation de telle ou telle activité, dont la décision revient in fine au Parlement. Nous sommes effectivement actionnaires d’EDM. Nous souhaitons être un bon actionnaire, en apportant notamment toutes nos compétences pour faire réussir l’électricité à Mayotte. Mais nous ne sommes pas chargés de définir le service public à Mayotte, ni de définir si une activité doit être nationalisée.

Nous faisons de notre mieux afin que nos savoir-faire soient déployés au bénéfice de nos concitoyens à Mayotte, et j’espère que nous le faisons. La situation est sans doute perfectible mais vous pouvez compter sur notre engagement opérationnel. L’île de Mayotte, comme tous les autres systèmes insulaires, est soumise à des problèmes de stabilité du réseau. C’est la raison pour laquelle, cette activité dans les zones dites non interconnectées représente réellement une activité d’avant-garde pour le groupe EDF. Nous sommes confrontés dans ces territoires à des problématiques de décarbonation et de stabilité électrique qui sont sans commune mesure avec celles que nous rencontrons sur le continent. Ainsi, nous y testons des technologies, pour être capables de répondre à ces phénomènes d’instabilité. Grâce à ces opérations, La Réunion est devenue le premier territoire national à être 100 % décarboné pour son électricité. La Guyane prendra vraisemblablement le même chemin, une fois que la centrale du Larivot sera achevée.

Pour le reste, il appartiendra de mener une discussion dans laquelle nous sommes évidemment une partie prenante mais qui concerne au premier chef les pouvoirs publics, pour savoir comment définir le meilleur service public possible pour nos concitoyens à Mayotte. Évidemment, nous y prendrons toute notre part.

M. Alain David, président. Vous n’avez pas répondu à la question concernant les coûts prohibitifs d’installation d’un compteur ou de branchement au réseau, dans un territoire où tant d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté.

M. Luc Rémont. Encore une fois, ce coût n’est pas défini par EDM. Il est effectivement élevé mais il faut également observer que le coût de raccordement dans de telles zones n’a rien à voir avec celui prévalant dans d’autres régions. À un moment, il convient de trouver un équilibre qui permette de réaliser l’ensemble des connexions souhaitées, dans des conditions qui soient soutenables pour tous, y compris pour EDM.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Envisagez-vous de mener des investissements dans des zones où le droit international est contesté, par exemple les territoires palestiniens occupés ou le Sahara occidental, qui a été récemment reconnu comme relevant de la souveraineté marocaine par le président de la République, au mépris des résolutions des Nations unies et du droit international ?

Juste avant la dissolution a été votée la loi sur les EPR. À cette occasion, j’ai été très choqué qu’une ingénieure d’EDF ait été désignée rapporteure de la loi. J’ai même saisi le déontologue de l’Assemblée nationale, qui m’a seulement indiqué avoir répondu à l’intéressée. Quelle est votre perception de cette situation ?

Au nom de mon collègue Davy Rimane, je souhaite également insister sur la nécessité de fournir de l’électricité aux Guyanais.

Enfin, après avoir annoncé la fermeture de la centrale électrique du Havre, vous venez d’en faire de même pour celle de Cordemais, qui avait pourtant l’espoir de connaître une alternative au charbon. Pourquoi avez-vous pris cette décision ? Dans le bouquet énergétique français, ne serait-il pas possible de conserver une centrale de ce type, dont nous connaissons les vertus écologiques ?

M. Luc Rémont. Nous respectons le droit international : nous n’investissons jamais dans les territoires sous sanctions. De plus, nous n’avons pas vocation à investir partout. En dehors des pays dans lesquels nous sommes opérateurs électriques, nous n’investissons jamais seuls mais avec des partenaires financiers internationaux qui partagent les mêmes standards que nous en termes de droits humains et de respect des critères de responsabilité sociale des entreprises (RSE).

Ensuite, je ne suis pas sûr de pouvoir vous répondre au sujet des règles qui s’appliquent à l’Assemblée. Je me félicite néanmoins que la loi en question ait été adoptée car elle nous permet d’agir plus vite face aux enjeux de la décarbonation, à la fois en matière d’usages mais aussi de production.

Par ailleurs, la situation du territoire guyanais est très différente de celle de Mayotte, même s’il y existe également un stress électrique reconnu. Ce territoire, dont la superficie équivaut à un quart de celle de la métropole est marquée par une bande côtière de plusieurs centaines de kilomètres qui rassemble l’essentiel de la population et par 200 cités, appelées les « 200 écarts » chez EDF, qui sont en réalité des zones non interconnectées au sein du territoire.

Cette caractéristique géographique et électrique vraiment unique nous pose un défi absolument colossal. Nous disposons sur le territoire de moyens de production significatifs. Malheureusement, la production se fait d’un côté du territoire et la population croît de l’autre côté de ce même territoire. Il existe donc des caractéristiques physiques d’instabilité que nous devons régler par des moyens de production. La centrale du Dégrad des Cannes a vieilli et il était urgent de la remplacer par la centrale du Larivot, en cours de construction, qui sera totalement décarbonée.

Par ailleurs, nous devons travailler main dans la main avec la commission de régulation de l’énergie (CRE) pour que les choix d’implantation de nouveaux moyens de production et les choix de développement de moyens de réseaux permettent d’augmenter la résilience du réseau, sur la bande côtière mais aussi sur les 200 écarts. Nous avons connu un black-out total à Maripasoula il y a deux ans et demi. Depuis, nous avons repris la totalité des groupes électrogènes, ainsi que des capacités de stockage et de génération photovoltaïque.

Nous avons engagé une discussion avec les salariés sur l’avenir de Cordemais en partant du constat que nous ne parvenions pas à trouver un équilibre économique sur le projet de substitution du charbon par des bois et pellets. Nous devons, ensemble, trouver un chemin qui permette d’assurer un avenir à chacun des salariés, en constatant que ce projet, malheureusement, ne fonctionne pas sur le plan économique. Nous souhaitons évidemment continuer de développer ce site comme un site industriel, raison pour laquelle le groupe propose l’installation d’une usine Framatome.

M. Guillaume Bigot (RN). En 2024, EDF dégagera un bénéfice de 7 milliards d’euros, ce dont je vous félicite, puisqu’il s’agit de notre argent désormais. En juin 2023, EDF demeurait cependant endettée à hauteur de 54,4 milliards d’euros et la construction de six nouveaux réacteurs en France devrait coûter 67,4 milliards d’euros. Dans ce contexte, comment vos profits seront-ils utilisés ? Souhaitez-vous vous désendetter ou plutôt financer la construction de nouvelles centrales ? Allez-vous aussi résister à Bercy, qui sera peut-être tenté de vous mettre à contribution ?

Ces inquiétudes ont conduit lundi, dans ma circonscription du Territoire de Belfort, une centaine de salariés d’Arabelle Solutions à observer une grève. Une seconde est d’ailleurs prévue demain, jeudi. Les syndicats sont inquiets concernant les carnets de commandes, et notamment les carnets de commandes internationaux à venir. Monsieur le président-directeur général, êtes-vous en mesure de les rassurer ?

Ensuite, la Chine impose des garanties de sûreté comparables aux nôtres mais parvient à construire une centrale nucléaire en six ans alors qu’il nous faut le double de temps. Comment expliquer une telle différence ?

En juillet dernier, le rapport de la commission sénatoriale sur la production, la consommation et les prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050 recommandait la levée des diverses discriminations à l’égard du nucléaire imposées par Bruxelles. De leur côté, vos deux prédécesseurs ont, l’un comme l’autre, expliqué que l’hostilité de l’Union européenne à l’égard du nucléaire menaçait l’existence même d’EDF. Pouvez-vous nous assurer que ces menaces sont définitivement conjurées ?

Le projet Hercule désormais écarté visait notamment à éclater les activités d’EDF afin de contourner l’obligation de mise en concurrence des barrages hydroélectriques. Or des études d’EDF indiquent qu’en investissant, votre entreprise serait en mesure, d’ici dix ans, d’augmenter de 20 % la production d’énergie hydroélectrique – une énergie bon marché, décarbonée et souveraine – dont vous freinez actuellement la production pour ne pas conduire Bruxelles à vous obliger d’ouvrir votre parc hydroélectrique à la concurrence. Des négociations avec la Commission étaient en cours pour contourner cet obstacle, comme l’Autriche a réussi à le faire. Où en sommes-nous actuellement ?

M. Luc Rémont. Nous sommes fiers d’avoir accueilli l’ensemble de nos collègues d’Arabelle, qui nous permettent maintenant de disposer d’une activité industrielle intégrée et de proposer à d’autres opérateurs électriques une offre complète, avec les turbines d’Arabelle et les îlots de Framatome. À ce titre, nous avons besoin de développer le portefeuille commercial d’Arabelle, qui possède selon moi la meilleure turbine au monde.

Ensuite, nous avons effectivement été lents lors de la construction des derniers réacteurs, notamment en raison des effets d’échelle, car nous construisions peu par rapport aux années 1990. Cependant, nous avons eu la chance de préserver cette chaîne de fabrication, qui est toujours capable de repartir désormais, avec l’objectif de deux centrales par an à l’échelle européenne. Grâce à Hinkley Point, aujourd’hui, et Sizewell, demain, nous avons rattrapé notre retard dans la capacité de fabrication. Désormais, nous devons en faire de même pour la partie relative à la construction sur site. Tel est l’enjeu des six EPR et j’ai fixé à mes équipes un objectif très ambitieux : démontrer que nous serons capables de les construire en soixante-dix mois.

Ensuite, il est clairement temps que nous trouvions une solution pour sortir de la situation de gel que nous connaissons depuis très longtemps dans le domaine de l’hydroélectricité. Nous devons le faire de façon pragmatique, avec nos collègues européens. À ce titre, il nous semble pertinent de passer, dans des conditions à définir, du régime des concessions à celui des autorisations. Il s’agit là de la meilleure manière de normaliser notre secteur et de relancer l’investissement, lequel constitue une priorité d’intérêt général européen.

S’agissant de la Commission européenne, le discours sur le nucléaire a changé et sa présidente exprime clairement l’idée que le nucléaire fait partie de la solution. Cependant, la confiance n’exclut pas le contrôle et je recommande que l’ensemble des pays estimant nécessaire de disposer d’un équilibre technologique pour assurer la permanence de la fourniture électrique décarbonée veillent à ce que cette neutralité technologique soit traduite réellement dans les textes, au-delà des discours. Je pense à ce titre qu’il reste du chemin à parcourir en la matière.

Mme Liliana Tanguy (EPR). Monsieur le président-directeur général, je suis députée du Finistère, un territoire qui s’est illustré il y a quarante ans par une opposition populaire à l’installation d’une centrale nucléaire à Plogoff, à la Pointe du Raz. Mais heureusement, en Bretagne, nous disposons du pacte électrique breton. Récemment, une centrale à cycle combiné gaz est entrée en production à Landivisiau, dans le Nord-Finistère, permettant de sécuriser l’alimentation d’une bonne partie de ce territoire.

Le groupe EDF, fleuron de l’industrie française, est aujourd’hui un acteur majeur de la transition énergétique, non seulement en France mais aussi à l’échelle mondiale. Sa position de leader dans le domaine de la production électrique décarbonée est principalement due à son parc nucléaire et à ses investissements dans les énergies renouvelables.

Vous vous êtes également engagés dans des projets internationaux qui visent à promouvoir la transition énergétique en Afrique, à travers notamment la commercialisation des solutions innovantes de production d’électricité décentralisée, qui offrent l’accès au réseau électrique à des populations de zones rurales isolées. Vous menez aussi des partenariats mondiaux avec des entreprises, des gouvernements et des organisations internationales, afin de développer les technologies propres.

Plus récemment, EDF a cherché à développer son activité dans des régions qui dépendent encore largement d’énergies fossiles : par exemple en l’Europe de l’Est, et notamment dans les Balkans. En août dernier, je me suis rendue avec le président de la République en Serbie, pays qui a décidé de diversifier ses sources d’énergie et de réduire sa dépendance au gaz russe. Je pense qu’il mérite d’être accompagné dans cette démarche de modernisation de son infrastructure énergétique.

Quels sont les axes de développement envisagés par le groupe pour les autres pays de l’Europe du Sud-Est qui se sont aussi engagés dans la diversification de leurs sources d’énergie ? Dans quelle mesure pensez-vous que l’engagement d’EDF contribue à exporter un certain modèle français et à participer activement à accroître l’influence de la France en tant que puissance verte ?

M. Luc Rémont. Je salue le département du Finistère, cher à mon cœur, ce qui me permet d’indiquer avec taquinerie que le Finistère a eu un problème avec le nucléaire civil mais pas avec le nucléaire militaire. Pour ce qui nous concerne, le Finistère est un territoire où notre filiale Enedis a dû relever un grand défi après le passage de la tempête Ciarán l’année dernière. La très forte mobilisation de l’ensemble des collaborateurs du groupe a permis de rétablir la situation beaucoup plus rapidement que lors des tempêtes de 1999. Nous y développons également de la production commandable décarbonée, puisqu’une turbine à combustion décarbonée a été mise en place à Brennilis l’année dernière.

À l’international, nous n’avons pas pour ambition de tout faire. Comme pour toute entreprise, nos moyens sont limités et nous devons les employer à bon escient, de la manière la plus rationnelle possible. Mais c’est notre savoir-faire qui nous différencie d’un grand nombre d’autres groupes. À chaque fois que les territoires le souhaitent, nous le déployons, en tant qu’industriels. Lorsqu’un pays s’organise pour faire émerger un projet, nous pouvons le réaliser, notamment dans le nucléaire.

Telle est notre vocation, notamment dans la région des Balkans, où un certain nombre de pays, dont la Serbie, se posent maintenant des questions d’accélération de leur conversion électrique, pour disposer d’une puissance disponible commandable et équilibrer leur réseau. Ces deux caractéristiques les orientent donc vers l’hydraulique ou vers le nucléaire et, dans les deux cas, nous pouvons intervenir comme industriels à leurs côtés. Les discussions avec les autorités de ces différents pays se déroulent bien et l’intérêt d’un travail commun est réciproque.

Mme Mathilde Panot (LFI-NFP). Monsieur le PDG, dans cette Assemblée, les macronistes ont d’abord choisi de s’appeler « La République en marche », puis « Renaissance », et il est assez savoureux de remarquer qu’après trois défaites électorales, ils aient choisi de s’appeler « Ensemble pour la République  EPR », soit le plus grand fiasco industriel français. L’EPR de Flamanville, qui devait être le futur du nucléaire, accuse douze ans de retard, pour un coût six fois plus élevé que prévu. Y ont été constatés des fissures dans les fondations, un manque d’indépendance des systèmes de contrôle et de commande, des piliers de béton percés, un mur endommagé de la piscine, des pièces électriques défectueuses, un problème sur la cuve et sur le couvercle, des soudures défaillantes, des plans confidentiels qui s’évaporent dans la nature, la condamnation de Bouygues pour fraude au travail, la panne de deux des quatre détecteurs pour vérifier la pression et un déséquilibre hydraulique de la cuve.

Après une réussite aussi éclatante, six nouveaux EPR ont été décidés par le gouvernement français et j’apprends que vous plaidez pour un projet de méga-forge conjointement avec Framatome, qui, selon la presse, ne serait viable qu’en cas de commande de huit EPR supplémentaires. Confirmez-vous ces chiffres ? Combien coûteraient quatorze EPR ? Avez-vous prévu de multiplier par six ces coûts pour tenir compte de la leçon du premier EPR français ? N’est-ce pas problématique, à la lumière de la dette colossale d’EDF et de la perte de capacités technologiques ? Je pense notamment à l’utilisation massive de la sous-traitance dans les réacteurs nucléaires français, à hauteur de 80 %.

Par ailleurs, le nucléaire devient une énergie intermittente. Vous parlez de l’urgence climatique mais il se trouve que le nucléaire n’est pas résilient au dérèglement climatique. Ainsi, le nécessaire refroidissement des réacteurs entraînera un problème d’étiage sur les fleuves. De leur côté, les projets d’EPR et de petits réacteurs modulaires (SMR) s’inscrivent dans un avenir tellement lointain qu’ils ne correspondent pas à l’urgence. Vous n’avez pas évoqué non plus la question du traitement des déchets, pour lequel il n’existe aucune solution à court terme. Surtout, la France est le seul pays de l’Union européenne à ne pas avoir respecté ses objectifs de développement des énergies renouvelables en 2020.

Ne pensez-vous pas que le montant conséquent des investissements dans le nucléaire et les surcoûts associés fonctionnent comme une trappe à investissement et empêchent la puissance publique d’investir dans le développement des énergies renouvelables ? Ne pensez-vous pas que le développement considérable de la capacité de production du nucléaire civil s’opère à contretemps, puisque le reste du monde développe les énergies renouvelables ? Bref, ne pensez-vous pas que le nucléaire est aujourd’hui une énergie du passé ?

M. Luc Rémont. Je ne ferai évidemment pas de commentaires sur la dénomination de tel ou tel mouvement politique mais, dans mon domaine de compétence, s’appeler « EPR » est visionnaire, même si le développement d’une nouvelle génération de réacteurs plus sûrs et plus résilients nécessite effectivement de dépasser un certain nombre de défis techniques et technologiques et de résister, contre vents et marées, à de nombreux facteurs extérieurs qui cherchent à entraver ce développement.

En effet, je ne pense pas qu’il soit possible, à ce jour, de réussir sans nucléaire la décarbonation et de fournir une électricité décarbonée à nos concitoyens de façon compétitive, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. C’est la raison pour laquelle nous continuons de travailler pour offrir le meilleur service, sur la base de la technologie que nous maîtrisons : la technologie nucléaire. Nous la maîtrisons mieux que la plupart des opérateurs au monde, avec des exigences de sûreté les plus élevées au monde. Je pense d’ailleurs que nous obtiendrons la reconnaissance de ce savoir-faire dans les années à venir.

Aujourd’hui, dix-huit États membres de l’Union européenne considèrent qu’ils doivent relancer un programme de construction nucléaire pour réussir leur stratégie de décarbonation, et nous avons l’ambition de les accompagner dans cette direction. Évidemment, le nucléaire doit être compétitif. Le premier facteur de compétitivité et de réussite du futur programme nucléaire consiste à en produire suffisamment en France et à l’échelle européenne pour être au rendez-vous de cette cadence industrielle, principal défi auquel nous sommes confrontés.

Le coût des quatorze EPR n’est pas calculé à ce stade, puisque nous travaillons sur six réacteurs, dont le coût est en cours d’évaluation en lien avec le Gouvernement. Il dépend de nombreux facteurs : la vitesse de réalisation, le schéma de financement et, bien sûr, le coût de l’ensemble des composants. Lorsque nous serons en mesure de prendre la décision d’investissement, quelque part en fin d’année prochaine, ce coût sera stabilisé. Naturellement, nous aurons l’occasion de fournir les informations nécessaires au Parlement et au public au moment d’engager à la fois l’entreprise et les finances publiques dans ce projet.

M. Alain David, président. Je cède à présent la parole aux députés désirant intervenir à titre individuel.

Mme Dieynaba Diop (SOC). Je souhaite vous interroger sur le développement de l’éolien en mer, un des piliers essentiels pour atteindre notre objectif d’une électricité 100 % décarbonée. La France accuse un retard par rapport à nos voisins européens, notamment l’Allemagne, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, qui ont déployé d’importants parcs éoliens offshore. Pourtant, cette énergie complémentaire au solaire est plébiscitée par une majorité de Français et nous disposons de 20 000 kilomètres de côtes, qui sont propices au développement des énergies marines renouvelables. Quels sont les freins que rencontre EDF et qui l’empêchent d’accélérer ce développement, en matière de régulation, de financement ou de technologies ? Comment le groupe EDF compte-t-il surmonter ces obstacles et quelles sont vos projections en termes de capacités installées à court et moyen terme ?

M. Luc Rémont. Vous avez raison de souligner que l’éolien en mer représente un potentiel important pour notre pays et qu’il a toute sa place dans un mix électrique complet, notamment parce qu’il se distingue d’autres énergies renouvelables par un facteur de charge plus élevé, c’est-à-dire une disponibilité du vent supérieur, diminuant par là même l’intermittence de la production.

Nous répondons ainsi à des appels d’offres formés par les pouvoirs publics sur l’éolien en mer. Nous en avons gagné un certain nombre et nous continuerons de nous positionner sur ces projets, considérant que nous disposons d’un savoir-faire reconnu à l’échelle nationale et internationale, dont le maintien fait partie des priorités stratégiques du groupe.

M. Michel Guiniot (RN). La semaine dernière, la branche renouvelable d’EDF s’est séparée de l’entreprise Photowatt, qui avait pour projet l’installation de panneaux photovoltaïques à Fos-sur-Mer. Au-delà, il apparaît que le renouvelable n’a pas le vent en poupe, notamment l’éolien terrestre ou maritime. Tout projet d’installation est notamment contesté par les associations de riverains et de défenseurs du patrimoine. Pourtant, il semblerait que Bercy envisage de pénaliser des moyens de production importants et décarbonés au profit de petites productions – peu importe leur impact environnemental –, avec la mise en place d’un impôt frappant la capacité de production, en particulier une nouvelle version de la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité (Crim 2), appelée également « taxe EDF ».

Il semble peu concevable de faire peser 85 % de la charge fiscale d’une taxe à une entreprise nationalisée afin de frapper toutes les usines électriques de plus de 260 mégawatts, sans concerner les énergies solaires et éoliennes. Alors que l’actualité et les faits démontrent que la situation n’est pas propice à l’instauration d’un mix énergétique accordant une place trop importante à la production éolienne et photovoltaïque, que pensez-vous de la mise à contribution d’EDF et donc du contribuable, en frappant de l’impôt les productions importantes d’énergie par des moyens décarbonés ?

M. Luc Rémont. Nous avons porté pendant près d’une décennie Photowatt dans un environnement industriel très difficile, très largement dominé par les acteurs chinois. Nous avons engagé une consultation avec nos salariés pour un projet de reprise de Photowatt avec un acteur qui est mieux équipé qu’EDF pour en assurer le développement industriel et technologique. Cette activité nécessite, elle aussi, un alignement avec les pouvoirs publics sur la stratégie d’approvisionnement.

S’agissant de votre question sur la fiscalité et sans vouloir polémiquer, quand une entreprise est visée par un impôt dont elle représente environ 90 % de la masse fiscale alors qu’elle est déjà grevée par une régulation qui l’oblige à vendre deux-tiers de sa production en dessous de ses coûts, il est difficile d’imaginer qu’elle puisse connaître un avenir d’investissement. Donc, si une telle disposition était votée, il y aurait évidemment des conséquences sur le plan d’investissement d’EDF, et peut-être même sur de plus nombreux éléments de notre stratégie. À ma connaissance, les décisions n’ont pas été prises et nous demeurons au contact de l’ensemble des pouvoirs publics sur ce sujet.

M. Pierre Pribetich (SOC). La production d’électricité reste fondée essentiellement sur une production centralisée, grâce aux centrales nucléaires (66 %) et hydrauliques (6 %), contre seulement 7,7 % pour les énergies renouvelables. Il s’agit d’une vision centralisée et jacobine de la production. Les pertes dans les câbles électriques, à défaut d’une distribution sur l’ensemble du territoire par un câblage conséquent, représentent 10 % de la production, soit 46 % des térawattheures produits. L’équivalent de la production de deux centrales nucléaires part ainsi en fumée.

Le Parlement européen a voté l’arrêt de la production de véhicules thermiques en 2035. Ce basculement vers une motricité électrique entraînera une explosion des besoins en électricité. Cette distribution de proximité nécessitera un câblage conséquent des villes et des campagnes, avec un accroissement de la demande de câbles en cuivre mais aussi des travaux d’enfouissement, dont le coût sera exorbitant pour les collectivités territoriales.

Votre groupe entend-il mener une stratégie pour passer de la vision jacobine centralisée actuelle à une vision girondine décentralisée, réduisant ainsi massivement les pertes métalliques, mais aussi en rapprochant la production de la livraison ?

M. Luc Rémont. Je ne reconnais pas notre groupe dans cette notion de jacobinisme : notre première mission consiste à être auprès de nos clients, partout, sur les territoires que nous servons.

Il est clair que les technologies d’aujourd’hui permettent une approche plus décentralisée de l’électricité mais il faut également que le système fonctionne tout le temps. En conséquence, l’avenir du système électrique est construit sur une approche décentralisée, qui permet à davantage de nos concitoyens de prendre la pleine maîtrise de leur énergie par l’électricité – y compris en devenant auto-consommateurs pour certains d’entre eux –, tout en leur assurant la résilience d’un système qui doit être équilibré à l’échelle nationale et européenne. L’équilibre entre ces deux facteurs déterminera, sur le plan économique et sur le plan physique, la réussite de notre futur électrique. Dans cette perspective, notre filiale Enedis, qui est la plus proche du territoire, est totalement mobilisée auprès des collectivités qui sont les concédants des réseaux, pour réussir le développement du réseau électrique, de distribution notamment.

M. Bruno Fuchs (Dem). En 2016, Thomas Piquemal, directeur financier d’EDF a démissionné pour ne pas avoir à assumer l’endettement lié aux deux EPR anglais. En quoi la dette, aujourd’hui supérieure à 50 milliards d’euros, pèse-t-elle sur le groupe et ses capacités de mener de très lourds investissements ?

Par ailleurs, la centrale nucléaire de Fessenheim a été fermée le 30 juin 2020. Depuis cette date, très peu d’emplois ont été créés alors qu’il était prévu de compenser la perte d’emplois collectivement. Par la suite, nous avons connu dans les années 2021-2022 un déficit de production d’électricité en France. Vous avez dû assumer la décision de cette fermeture, que vous n’aviez pas prise, mais quel est votre regard sur celle-ci ?

M. Luc Rémont. Comme vous le soulignez, je n’étais pas à la tête d’EDF quand la décision a été prise mais, en tant qu’industriel, je ne peux que regretter l’arrêt d’une usine en état de marche. Aujourd’hui, nous travaillons à la fois au démantèlement mais surtout à la réindustrialisation. Le projet de techno-centre nous tient à cœur et permettra de réutiliser une grande partie des matériaux de démantèlement qui sont recyclables.

M. Jérôme Buisson (RN). Je représente le département de l’Ain, qui se réjouit d’accueillir deux EPR. Après la perte des appels d’offres pour la construction de réacteurs nucléaires en Pologne et en République tchèque, quelles sont aujourd’hui les perspectives d’exportation de réacteurs en Europe et dans le reste du monde ?

En outre, l’acquisition par EDF de l’énergéticien italien Edison de même qu’un mémorandum signé entre EDF et plusieurs entreprises italiennes – dont la fédération de l’industrie sidérurgique italienne – pour la décarbonation du secteur présageraient-ils l’exportation de réacteurs dans ce pays ? Les technologies SMR semblent être aujourd’hui la piste privilégiée par les autorités italiennes ; or, la France ne dispose encore d’aucun prototype de SMR, alors que la Russie a mis en œuvre en 2020 le premier SMR flottant. Dans ces conditions, le groupe EDF pourra-t-il relever le défi consistant à être présent sur le marché transalpin ?

M. Luc Rémont. Nous nourrissons évidemment l’ambition de travailler avec l’ensemble des opérateurs électriques européens qui souhaiteront développer des réacteurs nucléaires.

Pour le projet de la République tchèque, nous ne sommes pas considérés comme soumissionnaire privilégié – preferred bidder  mais nous n’avons pas dit notre dernier mot. Nous continuons évidemment de faire valoir nos droits pour faire reconnaître notre offre, dont nous croyons fermement qu’elle est la meilleure.

En Pologne, il ne s’agissait pas un appel d’offres et nous continuons de travailler avec tous les États européens qui souhaitent développer leur filière nucléaire en proposant une offre compétitive et qui est surtout la seule leur permettant de développer une filière nucléaire totalement souveraine, en se basant sur une capacité industrielle européenne. J’estime qu’il existe un intérêt européen supérieur visant à développer ensemble cette technologie.

Avec les Italiens, nous menons des discussions et nous sentons l’existence de frémissements sur le futur des choix énergétiques du pays. Nous conduisons aussi nos propres activités italiennes, qui nous permettent d’être au cœur de ces discussions. Nous verrons si le nucléaire italien se matérialisera mais, à court terme, nous travaillons à la fois comme fournisseur d’électricité et avec des partenaires industriels en Italie pour leur apporter de meilleures solutions.

M. Karim Benbrahim (SOC). Vous avez annoncé il y a deux jours l’abandon du projet Ecocombust sur le site de Cordemais, qui consistait à convertir l’usine pour passer d’une production à partir de charbon à une production à partir de biomasse. Cette annonce condamne le site à la fermeture en 2027. Les salariés et les élus du territoire qui portaient ce projet de conversion écologique sont sous le choc. Ils vous demandent de revoir cette position. Le président de la République, Emmanuel Macron, avait pris l’engagement, en septembre 2023, de complètement convertir à la biomasse le site de Cordemais. Une concertation avec le président de la République a-t-elle été engagée avant la prise de cette décision ?

Par ailleurs, vous avez indiqué que les conditions technico-économiques ne sont pas réunies. Pourtant, à l’heure où nous devons réaliser une transition écologique, ce projet devait permettre de passer d’une énergie fossile à une énergie renouvelable. Vous avez indiqué tout à l’heure que les innovations ont toujours nécessité des mécanismes de soutien financier. Ne manque-t-il pas, pour réussir la transition écologique du site de Cordemais, un soutien de l’État ? Compte tenu du nombre de centrales à charbon encore présentes dans le monde, ne pensez-vous pas qu’il existe là une filière industrielle à développer ?

M. Luc Rémont. Quand j’indique que les conditions technico-économiques ne sont pas réunies, cela signifie qu’il nous est impossible de trouver un équilibre entre : premièrement, le projet industriel qui consisterait à convertir la centrale en une centrale qui ne dépendrait pas du charbon ; deuxièmement, l’usage électrique de cette centrale dans un système électrique qui est déjà à 98 % décarboné sur le territoire métropolitain ; enfin, troisièmement, les subventions publiques nécessaires pour y parvenir.

Encore une fois, j’ai été le premier à saluer la mobilisation des salariés et leur créativité pour aller chercher des solutions alternatives mais il nous faut prendre des décisions d’industriels pour le meilleur usage de nos capacités, y compris nos capacités financières. Nous allons évidemment travailler avec l’ensemble des salariés pour l’avenir du site et leur avenir personnel. Ils font tous par définition partie du groupe EDF et un avenir leur sera proposé au sein du groupe, qui souhaite pérenniser ce site, en y amenant une activité industrielle.

M. Kévin Pfeffer (RN). Le rapport sur la compétitivité européenne remis par M. Draghi à la Commission européenne au début du mois indique explicitement que l’écart de produit intérieur brut (PIB) entre l’Union européenne et les États-Unis n’a cessé de se creuser du fait de gains de productivité trois fois inférieurs mais aussi, selon le rapport, en raison de coûts de l’énergie trop élevés en Europe, trois à quatre fois supérieurs à ceux des États-Unis.

M. Draghi reconnaît que la politique énergétique de l’Union européenne est contradictoire. L’objectif est certes de décarboner nos économies ; cependant, les règles européennes du marché de l’électricité ne dissocient toujours pas le prix de l’énergie décarbonée, dont le nucléaire fait partie, des prix les plus élevés et plus volatils des combustibles fossiles, tels que le gaz, ce qui empêche d’ailleurs les utilisateurs français de profiter pleinement des avantages de notre électricité propre sur leurs factures. Cela coûte aussi très cher à notre industrie française et à sa compétitivité.

Face à ce constat, malgré les évolutions, les négociations et aussi parfois les dissensions des derniers mois, quelle est aujourd’hui votre vision des mécanismes européens de fixation des prix et vos préconisations afin que tous les Français, et pas seulement nos entreprises les plus énergivores, puissent bénéficier de leur production nationale ?

M. Luc Rémont. Le rapport de M. Draghi est effectivement important pour définir le futur de notre vision européenne commune. L’écart sur les prix de l’énergie entre les États-Unis et l’Europe existe depuis plus d’une centaine d’années, entraînant de facto un écart de compétitivité. Les États-Unis piochent dans leur sol des ressources carbonées et fossiles disponibles, ce qui n’est pas le cas de l’Europe.

Aujourd’hui, l’Europe s’est orientée vers une stratégie de décarbonation. À ce stade, notre meilleure chance de combler ce différentiel de compétitivité porte sur la décarbonation compétitive. Nous n’en sommes pas loin : globalement, les conditions électriques américaines, y compris le réseau et la distribution, sont moins compétitives que les nôtres, bien que leur réseau électrique soit plus carboné que le nôtre et non frappé par une taxe carbone.

Il faut poursuivre notre cheminement vers cette décarbonation compétitive et, pour y parvenir, il est nécessaire de donner de la visibilité sur le long terme aux utilisateurs d’énergie, notamment aux utilisateurs d’électricité. C’est la raison pour laquelle nous avons fait le pari des contrats de long terme, pour donner notamment aux industriels cette visibilité indispensable pour pouvoir investir.

Mme Liliana Tanguy (EPR). La France possède le deuxième domaine maritime mondial et dispose donc d’un potentiel important en matière d’énergies marines renouvelables. Le groupe EDF conduit-il une stratégie de développement de l’énergie hydrolienne, qui utilise les courants marins, particulièrement puissants dans le raz de Sein ?

M. Luc Rémont. Jusqu’à présent, nous avons tenté beaucoup de choses en la matière mais les succès ont été très limités. Honnêtement, à ce stade, je ne parie pas sur l’hydrolien pour une fourniture du réseau à l’échelle industrielle, même si localement il peut répondre à des situations très particulières. L’idée est intellectuellement séduisante mais les conditions d’exploitation, de déploiement technique et de maintenance sont extrêmement difficiles pour un nombre de sites malgré tout limité.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Nous n’avons pas évoqué jusqu’à présent la fusion nucléaire. Des chercheurs chinois ont montré qu’ils étaient maintenant capables de maîtriser la réaction au cœur d’un champ magnétique. Le groupe EDF s’intéresse-t-il à cette évolution extraordinaire ? Avez-vous investi dans des projets de ce type ? Comptez-vous participer à des consortiums ou des regroupements internationaux ?

M. Luc Rémont. Nous nous intéressons à toutes les technologies qui peuvent nous permettre de passer un cap supplémentaire, qu’elles soient nucléaires ou non. Dans le nucléaire, nous nous intéressons notamment à toutes les technologies qui permettraient de fermer le cycle du combustible. Il en est ainsi des technologies dites de « quatrième génération », qui sont fondées sur les neutrons rapides, mais également de la fusion, particulièrement le projet ITER – International thermonuclear experimental reactor.

Mais nous ne pouvons agir seuls ; nous comptons donc sur « l’équipe de France » pour travailler ensemble. Nous accompagnons d’autres entreprises ainsi que le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), qui est le leader sur ces aspects de long terme, dans les recherches et les développements sur ces technologies. À travers ces projets, nous souhaitons récupérer des savoir-faire, des idées, des concepts, des prototypes, au moment où il s’agit de les faire passer à l’échelle industrielle.

M. Marc de Fleurian (RN). Grâce à l’industrie nucléaire, nous pouvons compter sur un approvisionnement sûr d’une énergie décarbonée et bon marché, auquel contribue notamment la production de la centrale nucléaire de Gravelines. J’ai l’occasion de suivre le projet de construction des deux nouveaux EPR, qui permettront de fournir plusieurs milliers d’emplois aux habitants de ma circonscription du Calaisis et de garantir la pérennité d’une production d’électricité verte.

Nous sommes situés à la frontière franco-britannique. Pouvez-vous nous faire un état des lieux des perspectives de nos capacités d’export vers le Royaume-Uni, notamment grâce au nouveau vecteur ElecLink qui emprunte le tunnel sous la Manche ?

M. Luc Rémont. Gravelines est un site emblématique qui, lorsque les deux EPR supplémentaires auront été réalisés, sera sans équivalent dans le monde en termes de production électrique décarbonée commandable.

Le Royaume-Uni est une île, qui a besoin de fourniture d’électricité et d’échanges lui permettant de stabiliser sa puissance électrique. À ce titre, les interconnexions sont absolument fondamentales. Nous ne sommes pas forcément les réalisateurs ni les promoteurs de ces projets mais nous considérons que les interconnexions avec le Royaume-Uni faciliteront la valorisation de nos capacités de production à Gravelines, mais également la résilience mutuelle des territoires britanniques et français, par la mutualisation de nos capacités de production commandables et le bénéfice des productions intermittentes.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Je suis député de Brest, ville où des prototypes en matière d’énergies marines renouvelables sont expérimentés. Je déplore à ce titre un sous-investissement dans la recherche, particulièrement en raison des problèmes budgétaires de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). En tant qu’entreprise d’État, le groupe EDF investit-il dans la recherche sur les énergies marines renouvelables pour éventuellement parvenir à un saut qualitatif, qui permettrait de nous sortir du risque que pose le nucléaire ?

À ceux qui pensent que le nucléaire constitue la panacée, je réponds que la gestion des déchets à long terme n’a toujours pas été traitée et que le risque nucléaire est bien présent ; la ville de Brest peut en témoigner. Vous ironisez sur le sujet mais, en cas de conflit, les Brestois – qui vivent juste à côté de la base de défense nucléaire militaire – seraient en première ligne. Nous savons tous le danger immense que peut poser le nucléaire militaire pour l’humanité tout entière.

M. Luc Rémont. Nous continuons évidemment notre activité de recherche et développement (R&D) et nous nous intéressons aux énergies marines renouvelables. Simplement, à ce jour, les conditions ne sont pas réunies pour passer à l’échelle industrielle – et donc des investissements à vingt ans –, ni sur le plan technologique, ni sur le plan économique.

Par ailleurs, d’autres technologies sur les énergies renouvelables émergent. Par exemple, nous avons été l’un des premiers groupes mondiaux à développer un projet pilote d’éolien flottant, Provence Grand Large, et à nous porter candidats sur des projets éoliens flottants, y compris en France. Nous avons encore des progrès à accomplir dans ce domaine mais nous sommes confiants dans notre capacité à être présents à l’échelle industrielle sur cette technologie.

M. Stéphane Hablot (SOC). Je vous remercie pour vos réponses, qui nous éclairent mieux sur de nombreux sujets. Concernant vos relations avec la Russie, vous avez indiqué dans vos propos introductifs qu’il n’existait aucun partenariat durable avec ce pays. Toutefois, vous avez rajouté que des actions étaient toujours en cours. Pouvez-vous nous rassurer sur la nature de ces actions, dans un contexte de guerre avec l’Ukraine ?

M. Luc Rémont. Nous respectons strictement tous les régimes de sanctions et nous n’avons aucune dépendance à l’égard de la Russie. Dans le cadre des turbines Arabelle, par exemple, les actions en cours concernent essentiellement la réalisation d’un certain nombre de turbines pour des pays tiers, au profit de centrales de conception russe, qui contribuent d’ailleurs à atténuer la dépendance de ces pays à l’égard de la Russie.

M. Bertrand Bouyx (HOR). En tant que député du Calvados, je souhaiterais savoir où en est le démarrage du réacteur de Flamanville. Pouvez-vous nous apporter quelques éléments d’information à ce sujet ?

M. Luc Rémont. Flamanville poursuit son programme de démarrage. Je rappelle qu’il s’agit du premier réacteur civil que nous redémarrons en France depuis vingt-cinq ans. Nos équipes suivent les étapes qui conduisent à monter en puissance, à tester chacun des systèmes progressivement. Dans ce contexte, il nous arrive d’éteindre le réacteur, puis de le redémarrer. Le programme se déroulera encore sur quelques semaines, jusqu’à ce que la puissance atteigne un niveau suffisant pour permettre le raccordement au réseau.

M. Stéphane Rambaud (RN). Le mécanisme ARENH montre ses limites, surtout dans le contexte actuel. D’un côté, les Français subissent la hausse des tarifs et voient leur facture exploser ; de l’autre, le groupe EDF se voit privé des ressources nécessaires pour investir dans le renouvellement et la modernisation de son parc nucléaire, levier pourtant essentiel pour garantir notre indépendance énergétique. Il est aujourd’hui vital de concilier la protection du pouvoir d’achat des Français et la préservation de notre indépendance énergétique. Pensez-vous qu’il soit encore pertinent de maintenir ce mécanisme ? Afin de garantir la souveraineté énergétique de la France et de protéger durablement le pouvoir d’achat, ne faut-il pas en finir pour permettre à EDF de fixer ses prix en fonction de ses coûts réels, tout en réintégrant des investissements stratégiques dans le nucléaire et l’hydroélectricité ?

M. Luc Rémont. Le sujet que vous soulevez a fait l’objet d’une très longue discussion l’année dernière, avec le Gouvernement précédent. Le régime de l’ARENH a réussi à cumuler les inconvénients du marché et les inconvénients du système régulé : il est tout le temps défavorable à EDF mais ne protège pas les clients lorsque le marché explose. La seule manière de s’extraire de cette situation consiste à permettre la formation de prix de long terme, qui offrent de la visibilité à la fois à EDF mais aussi à ses clients, dans la mesure où notre électricité est fondamentalement compétitive. Depuis l’année dernière, nous commercialisons auprès de plusieurs milliers d’entreprises des contrats jusqu’en 2029.

Ensuite, il peut être nécessaire de disposer de mécanismes de protection en cas de survenue d’une nouvelle crise. À ce titre, nous avons accepté l’année dernière, sans obérer nos capacités d’investissement, de restituer à la puissance publique des revenus que nous dégagerions au-dessus des seuils définis à 78 euros et 110 euros du mégawattheure.

Je suis confiant vis-à-vis du mécanisme de sortie de l’ARENH. En l’espace d’un an, nous avons déployé cette politique commerciale qui permet à EDF et à ses concurrents de former des prix de long terme. Les chefs d’entreprise ont compris que la situation leur permettait désormais d’obtenir une visibilité de long terme. Il nous reste à faire atterrir les sujets de prix pour les particuliers au tarif réglementé de vente. Il faut y porter une grande attention. Nos concitoyens ont été effectivement protégés à la hausse par le bouclier tarifaire. Désormais, il est souhaitable que la baisse en tendance des prix d’électricité leur profite, afin qu’ils puissent à leur tour considérer que l’électricité représente le bon choix pour leur consommation énergétique et pour leur décarbonation.

M. Frédéric Petit (Dem). Vous avez évoqué la fermeture du cycle. Ce sujet devrait-il faire l’objet d’un éclairage citoyen et législatif ?

M. Bruno Fuchs (Dem). Pouvez-vous également répondre à ma question sur le poids de la dette du groupe EDF ?

M. Luc Rémont. S’agissant de la fermeture du cycle, il appartiendra aux pouvoirs législatif et exécutif de déterminer si une législation est nécessaire. Il est encore trop tôt pour savoir exactement dans quelle direction aller, d’un point de vue technique, mais je salue le foisonnement actuel concernant les nouvelles technologies, notamment celles à neutrons rapides, initiées par des start-up.

S’agissant de la dette, le groupe EDF a passé en 2022 un moment difficile puisqu’il a été confronté à 20 milliards d’euros de dette supplémentaire, mais également à une baisse de production et à la crise ukrainienne, qui a renchéri le coût de l’électricité qu’EDF devait acheter aux autres pays, parfois jusqu’à 900 euros le mégawattheure, tout en étant obligé de la vendre à 42 euros par MWh. À ce moment-là, la dette est passée à 68 milliards d’euros. Elle se situe aujourd’hui à 54 milliards d’euros. Ce montant est élevé mais, en termes relatifs, il est soutenable compte tenu de l’économie d’EDF. Nous avons besoin d’être profitables – et fortement profitables – dans la mesure où notre métier nécessite des gros investissements.

Pour les années à venir, l’investissement nécessaire s’établit à 25 milliards d’euros par an, sans se surendetter ou sans s’endetter davantage. En conséquence, il faut que nous dégagions un revenu et une marge de l’ordre de 35 milliards d’euros. Nous devons donc bâtir avec l’État un modèle de développement du groupe EDF et de notre base installée nous permettant de continuer à investir sans jamais faire exploser notre dette.

M. Alain David, président. Monsieur le président-directeur général, votre vision des défis de la production d’électricité mais aussi des enjeux climatiques et de la géopolitique des questions énergétiques permet de nous éclairer sur ce dossier qui n’a pas fini de mobiliser la représentation nationale.

Beaucoup pensent ici que, dans la conjoncture actuelle, le groupe EDF représente un atout essentiel pour la France et pour les Français. Transmettez bien sûr notre reconnaissance aux personnels d’EDF, qui se dévouent chaque jour au service de nos concitoyens et du pays.

Merci enfin pour la franchise de vos propos et la teneur, sans langue de bois, de vos réponses.

M. Luc Rémont. Je vous remercie pour votre accueil et vos mots à l’égard des personnels d’EDF ; je ne manquerai pas de leur en faire part.

La séance est levée à 11 h 15.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. Guillaume Bigot, M. Bertrand Bouyx, M. Jérôme Buisson, M. Pierre-Yves Cadalen, M. Éric Ciotti, M. Alain David, Mme Dieynaba Diop, M. Olivier Faure, M. Marc de Fleurian, M. Bruno Fuchs, M. Julien Gokel, M. Michel Guiniot, M. Stéphane Hablot, Mme Sylvie Josserand, M. Arnaud Le Gall, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Alexandra Masson, Mme Mathilde Panot, M. Frédéric Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Pierre Pribetich, M. Jean-Louis Roumégas, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Liliana Tanguy, Mme Dominique Voynet, Mme Estelle Youssouffa

 

Excusés. - Mme Nadège Abomangoli, Mme Clémentine Autain, M. Jean-Noël Barrot, Mme Élisabeth Borne, Mme Eléonore Caroit, Mme Sophia Chikirou, M. Pierre Cordier, M. Perceval Gaillard, M. Benjamin Haddad, Mme Brigitte Klinkert, Mme Amélia Lakrafi, Mme Marine Le Pen, M. Laurent Marcangeli, M. Laurent Mazaury, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, M. Davy Rimane, Mme Michèle Tabarot, M. Laurent Wauquiez

 

Assistait également à la réunion. - M. Karim Benbrahim